COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. GUY FISCHER
vice-président
M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à dix heures.)
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
CANDIDATURE À UN ORGANISME
EXTRAPARLEMENTAIRE
M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein du conseil d'administration d'Ubifrance, Agence française pour le développement international des entreprises.
La commission des affaires économiques a fait connaître qu'elle propose la candidature de M. André Ferrand pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.
Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.
DÉCISION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel, par lettre en date du 2 mars 2004, le texte de la décision rendue par le Conseil constitutionnel sur la loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.
Cette décision du Conseil constitutionnel sera publiée au Journal officiel, édition des Lois et décrets.
Acte est donné de cette communication.
CONSEIL SUPÉRIEUR DES FRANÇAIS
DE L'ÉTRANGER
Adoption des conclusions modifiées
du rapport d'une commission
(Ordre du jour réservé)
M. le président L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 225, 2003-2004) de M. Christian Cointat, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur :
- la proposition de loi (n° 128 rectifié, 2003-2004) de M. Robert Del Picchia, Mme Paulette Brisepierre, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Christian Cointat, Xavier de Villepin, Hubert Durand-Chastel, Louis Duvernois, André Ferrand et Michel Guerry, tendant à modifier la loi n° 82-471 du 7 juin 1982 relative au Conseil supérieur des Français de l'étranger ;
- et la proposition de loi (n° 208, 2003-2004) de Mme Monique Cerisier-ben Guiga, M. Guy Penne et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, tendant à modifier la loi n° 82-471 du 7 juin 1982 relative au Conseil supérieur des Français de l'étranger.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Cointat, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, tout grand pays a besoin de ressortissants expatriés pour assurer sa présence dans le monde et relayer, voire amplifier son rayonnement. Des Etats comme l'Italie ou le Royaume-Uni, terres d'émigration au cours de leur histoire, n'ont pas eu de difficultés pour atteindre cet objectif. Comme le disait un humoriste britannique : « Le climat de l'Angleterre a été la force colonisatrice la plus puissante au monde. » (Sourires.) En revanche, la France, terre d'immigration depuis des siècles - ce qu'elle est toujours - rencontre plus de réticences à l'expatriation.
Nos compatriotes ne sont pas facilement attirés par une expérience professionnelle à l'étranger, restant peu sensibles aux charmes de l'aventure à l'international. Il fait bon vivre en France ; aussi, pourquoi aller s'installer ailleurs ? Pourtant, notre pays a besoin de cette présence au quotidien sur toute la planète. Or, seulement 2 millions de Français - sur plus de 60 millions - sont actuellement établis hors de nos frontières.
Cette « réticence », d'une part, opposée à une « nécessité », d'autre part, explique les efforts effectués par tous les gouvernements depuis près de soixante ans pour encourager et faciliter l'installation de Français à l'étranger.
Notre pays dispose ainsi d'un réseau consulaire qui est l'un des plus denses du monde, d'un réseau scolaire à la fois étendu et de qualité, d'un système de sécurité sociale pour ses expatriés - la Caisse des Français de l'étranger -, ainsi que de comités locaux placés auprès des consulats en matière de bourses scolaires, d'emploi et de formation professionnelle ou d'action sociale, notamment.
Quant au niveau de la représentation des citoyens, des efforts ont également été faits dont, pendant longtemps, la France a été le seul exemple. Des sénateurs représentent les Français établis hors de France au Parlement, disposition consacrée, depuis la Ve République, par l'article 24 de la Constitution.
Par ailleurs, a été créé, en 1948, le Conseil supérieur des Français de l'étranger, CSFE, sur recommandation d'une association française représentée dans le monde entier : l'Union des Français de l'étranger.
Ce conseil supérieur a vu, depuis cette époque, ses attributions se préciser et se développer. La loi de 1982 a institué l'élection de ses membres au suffrage universel et a été largement complétée en 1990. Ainsi, le Conseil supérieur des Français de l'étranger est devenu « l'Assemblée représentative des Français établis hors de France », l'une des instances désormais couvertes - depuis l'année dernière - par l'article 39 de la Constitution. Il est actuellement constitué de cent cinquante membres élus, des douze sénateurs représentant les Français établis hors de France, de vingt membres désignés par le ministre des affaires étrangères et d'un membre désigné pour les Français d'Andorre
Le monde évolue, l'organisation des pouvoirs publics est en pleine mutation, aussi Hubert Védrine puis Dominique de Villepin ont-ils demandé au Conseil supérieur, en leur qualité de ministre des affaires étrangères, de réfléchir à de nouvelles avancées pour rendre cette assemblée plus perceptible par les citoyens et plus efficace. Une commission ad hoc, temporaire, a été créée à cet effet au sein du Conseil supérieur des Français de l'étranger, la commission de la réforme, dont le président et le rapporteur furent respectivement nos collègues sénateurs Guy Penne et Robert Del Picchia. Il convient de noter que le rapport de cette commission est le fruit d'un consensus - un consensus politique - qui a été adopté à la quasi-unanimité du CSFE.
Les deux propositions de loi rédigées en termes identiques que nous examinons aujourd'hui, initiées par nos deux collègues en leur qualité de président et de rapporteur de la commission de la réforme, reprennent les conclusions de cette commission. Que prévoient-elles ? Essentiellement trois mesures visant à améliorer et à compléter la loi de 1982 portant statut du Conseil supérieur des Français de l'étranger.
D'abord, il s'agit de rendre plus perceptible, plus compréhensible pour les électeurs le nom de l'assemblée qui les représente. La participation électorale ne cesse de décroître et, fait plus troublant, ceux qui accomplissent leur devoir civique ne savent pas toujours dans quelle enceinte siègent leurs élus dont, pourtant, ils connaissent le rôle éminent. Il est clair que le sigle « CSFE » ne passe pas dans l'opinion et n'est ni significatif, ni porteur en termes d'image. Il faut une formule simple, claire, facile à comprendre et à situer. Les auteurs des deux propositions de loi, dans cet esprit, estiment donc nécessaire de remplacer l'expression « Conseil supérieur des Français de l'étranger » par celle d'« Assemblée des Français de l'étranger », dénomination beaucoup plus parlante.
Ensuite, il s'agit de diminuer, pour le passer de vingt à douze, le nombre de personnalités qualifiées, qui n'auraient plus qu'une voix consultative et dont la nomination serait faite à partir d'une liste de fonctions établies par l'Assemblée des Français de l'étranger.
Enfin, il s'agit de procéder à quelques aménagements de la carte électorale pour tenir compte de mouvements démographiques et de l'évolution géopolitique du monde, grâce à une augmentation du nombre d'élus, qui passerait de cent cinquante à cent cinquante-cinq. Le conseiller d'Andorre n'étant plus désigné mais élu, puisque ce pays est devenu un Etat indépendant, l'augmentation réelle serait donc de quatre sièges, et non de cinq. Quant au nombre total de membres de l'Assemblée des Français de l'étranger, il baisserait donc, du fait de la diminution du nombre de membres désignés, passant de cent quatre-vingt-trois à cent soixante-dix-neuf.
La commission des lois vous propose de retenir pour l'essentiel ces suggestions avec, toutefois, quelques aménagements et compléments accompagnés, en ce qui concerne la carte électorale, de quelques rectifications typographiques et techniques, sans toucher, bien entendu, ni au découpage ni au nombre de sièges, qui résulte d'un consensus savamment étudié.
Les aménagements portent sur les personnalités qualifiées, ex-membres désignés.
Si la commission partage le sentiment exprimé par les auteurs des deux propositions de loi quant à la nécessité de réduire de vingt à douze le nombre de ces personnalités qualifiées, pour faire équilibre avec le nombre de sénateurs, et de ne leur accorder qu'une voix consultative, puisque l'assemblée est élue au suffrage universel, elle ne peut cependant faire sienne l'idée d'une nomination sur la base d'une liste de fonctions arrêtées par l'assemblée. La commission estime que le ministre, à la lumière des compétences souhaitées, doit conserver le libre choix en la matière, pour autant que ces personnalités ne remplissent pas les conditions d'éligibilité à l'Assemblée des Français de l'étranger. Ce sont, en effet, l'expérience, les connaissances et les responsabilités de ces personnalités, parallèlement à leur « inéligibilité pour cause de résidence », qui justifient ou peuvent justifier leur présence dans une telle assemblée élue au suffrage universel.
Les compléments sont de trois ordres.
En premier lieu, nous proposons une mise en concordance de la loi et des textes réglementaires en remplaçant les termes « bureau permanent » par celui de « bureau » pour cette instance de l'assemblée.
En deuxième lieu, nous prévoyons d'instituer un contrôle de recevabilité des candidatures préalables à l'élection des membres de l'Assemblée des Français de l'étranger. Il s'agit, en effet, mes chers collègues, de combler un vide juridique que le Conseil d'Etat a mis en lumière dans un arrêt récent, le dispositif retenu et soumis à vos suffrages s'inspirant de celui qui est en vigueur pour les élections régionales.
En troisième et dernier lieu, la commission propose un dispositif transitoire aux termes duquel ces réformes s'appliqueraient à compter des renouvellements triennaux de l'assemblée de 2006 et de 2009.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des lois vous propose, mes chers collègues, d'adopter ses conclusions.
Il s'agit, certes, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, d'avancées modestes, mais pourtant bien réelles, qui donneront à nos compatriotes expatriés un plus grand sentiment d'appartenance à cette collectivité d'outre-frontières qu'ils forment de fait, et cela dans l'intérêt de notre pays. Comme le disait le ministre des affaires étrangères, qui préside le Conseil supérieur des Français de l'étranger, comme il présidera, je l'espère, l'Assemblée des Français de l'étranger : « Nos communautés françaises, partout dans le monde, sont une partie du coeur de France. » Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, écoutons battre ce coeur ! (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les propositions de loi aujourd'hui soumises à votre examen visent à apporter au Conseil supérieur des Français de l'étranger une réforme nécessaire et profonde.
Institution ancienne, fondée en 1948, le Conseil supérieur des Français de l'étranger relaie, depuis cette époque, les préoccupations des Français établis hors de France auprès du ministre des affaires étrangères, qui en est le président.
C'est, en effet, le ministre des affaires étrangères lui-même qui expose chaque année devant les membres du CSFE, réunis en session plénière annuelle ou en bureau, les grandes orientations pour ce qui est de l'administration des Français qui ont choisi de vivre à l'étranger. J'interviendrai, d'ailleurs, demain, et je m'en réjouis, devant le bureau du CSFE, qui est actuellement réuni.
Le Premier ministre lui-même, en décembre 2002, s'exprimant devant le bureau du Conseil supérieur des Français de l'étranger, a montré tout l'intérêt qu'attache le Gouvernement, dans son ensemble, à cette institution et à ce qu'elle représente.
Depuis que le Conseil est composé d'élus au suffrage universel, c'est-à-dire depuis 1982, le monde s'est effectivement transformé et les communautés françaises à l'étranger ont elles-mêmes profondément changé. Il fallait donc que la composition du Conseil supérieur s'adapte aux réalités d'aujourd'hui et que son organisation soit modernisée.
En 2000, le Conseil supérieur a été invité à réfléchir lui-même sur sa propre organisation et son propre fonctionnement interne. Il a saisi fort opportunément cette chance unique de pouvoir travailler sur sa propre réforme. Le résultat de ce travail approfondi est remarquable et je veux ici le saluer.
Mené par la commission temporaire de la réforme, présidée par le sénateur Guy Penne, dont le sénateur Robert Del Picchia a été le rapporteur et dont les conclusions ont été accueillies avec un grand intérêt par Dominique de Villepin, ce travail de réforme s'est d'ores et déjà traduit par plusieurs mesures, notamment la mise en place d'une nouvelle architecture des commissions permanentes qui en rendent le fonctionnement plus dynamique.
Les présentes propositions de loi, dont la qualité mérite encore une fois d'être soulignée, traduisent le volet législatif de la réforme.
Comme l'a rappelé, à juste titre, M. le rapporteur, le Conseil supérieur des Français de l'étranger apporte « une contribution essentielle à l'expression de la solidarité nationale envers les Français établis hors de France, à l'information des autorités françaises sur les difficultés et les attentes de ces derniers et au rayonnement de la France dans le monde ». Comme vous l'avez dit, monsieur le rapporteur, c'est vraiment une part de nous-mêmes !
Abandonner la dénomination de « Conseil supérieur », ainsi que le prévoit cette réforme, vise à conforter l'instance dans son rôle de véritable assemblée représentative des Français établis hors de France, ces Françaises et ces Français, citoyens à part entière, qui participent de façon concrète, quotidienne et souvent avec courage, dans les pays où ils sont installés et auprès des peuples avec lesquels ils vivent, à la diffusion d'une image positive de notre pays.
Cette réforme renforcera aussi sa visibilité et sa représentativité auprès de la collectivité nationale.
La carte des circonscriptions devait être revue, pour tenir compte de l'évolution de la démographie, de la localisation des communautés françaises à travers le monde et des changements géopolitiques. Pour ne citer qu'un exemple, l'anomalie qui maintenait l'Afrique du Sud isolée de son environnement géographique a ainsi été corrigée.
Ont également été prises en compte les évolutions des moyens de transport et de communication, ce qui permettra aux élus de mieux remplir leur mandat en étant plus facilement en contact avec leurs électeurs.
Cette plus grande proximité sera, espérons-le, de nature à raviver l'intérêt des Français établis hors de France pour les instances qui les représentent et devrait favoriser une meilleure participation aux élections, conférant ainsi une légitimité accrue à cette représentation, ce dont on ne peut que se réjouir pour la vitalité de notre système démocratique.
La nouvelle carte des circonscriptions, par sa cohérence, facilitera également les contacts entre les élus et l'ensemble du réseau consulaire.
Forts d'une expérience de terrain reconnue, les représentants des Français établis hors de France apportent à nos postes consulaires, en situation de paix comme en situation de crise, une aide précieuse et une contribution appréciée. L'actualité récente m'amène naturellement à évoquer ici les moments difficiles que traversent nos compatriotes vivant en République d'Haïti.
Cette aide, les représentants des Français établis hors de France la prodiguent notamment au sein des comités mis en place dans les ambassades et consulats pour favoriser les échanges et renforcer la proximité entre les services de l'Etat et les Français, comités qui traitent des questions les plus diverses : sécurité, action sociale, bourses scolaires ou encore emploi et formation professionnelle.
Je saisis cette occasion pour saluer le rôle très constructif joué par les sénateurs représentant les Français établis hors de France et rendre un hommage appuyé à l'ensemble des membres du Conseil supérieur - bientôt Assemblée -, dont le rôle essentiel vient d'être fort pertinemment rappelé par M. Cointat.
En faisant une plus grande place aux élus, cette proposition de loi s'inscrit tout à fait dans le sens de l'action du ministère des affaires étrangères qui vise à les associer davantage à la définition des politiques menées, notamment dans les domaines de l'emploi, des affaires sociales et de l'enseignement, en faveur de nos compatriotes établis hors de France ; elle traduit par là, dans cette matière aussi, la forte volonté décentralisatrice du Gouvernement.
Les travaux du Conseil supérieur sont également enrichis par l'apport des membres désignés pour leurs connaissances et leurs compétences dans les questions concernant les intérêts généraux de la France à l'étranger et des Français établis hors de France.
La contribution particulièrement utile des membres désignés, par leur expertise reconnue et par leur expérience, est un élément positif pour cette assemblée.
Si vous envisagez d'en modifier le nombre, il est bon que les modalités de désignation de ces personnalités par le ministre des affaires étrangères n'empêchent pas de distinguer des talents et des mérites auxquels il pourrait être avantageusement fait appel. Je constate que la commission des lois partage d'ailleurs ce point de vue.
Par la vigilance qu'ils exercent sur les projets et propositions de loi, les sénateurs, et notamment ceux qui représentent les Français établis hors de France, contribuent à l'adoption de textes qui tiennent compte opportunément des réalités spécifiques et des préoccupations particulières de nos compatriotes de l'étranger.
A cet égard, je voudrais souligner une nouveauté : le Conseil supérieur est de plus en plus souvent sollicité pour donner un avis sur des projets du Gouvernement. Ainsi, il a été récemment associé à la réforme de l'immatriculation consulaire. Il examine en ce moment même les textes relatifs à la fusion des listes électorales qui permettent aux Français établis hors de France de participer à l'expression du suffrage universel.
Cette réforme très importante, souhaitée unanimement et de longue date par les membres du Conseil, conduira à une modificiation de la loi organique du 31 janvier 1976 ; je puis d'ailleurs vous annoncer aujourd'hui que vous en serez prochainement saisis.
Le Sénat veille également à rappeler, à juste titre, le devoir de solidarité de la France envers nos compatriotes installés à l'étranger, particulièrement dans les moments d'épreuve, comme ce fut le cas l'an dernier en Côte d'Ivoire ou en République centrafricaine, ainsi qu'en Asie, lorsque nos compatriotes furent confrontés aux dangers de l'épidémie de pneumopathie atypique.
L'action au bénéfice des Français établis hors de France ne peut être menée à bien sans la participation, la vigilance et le soutien de leurs élus. Notre devoir commun est d'écouter nos compatriotes, d'améliorer la qualité des services que nous leur rendons et de leur assurer la représentation la plus fidèle et la plus efficace possible.
C'est pourquoi la réforme proposée ne peut que recueillir l'accord du Gouvernement. A ses yeux, elle va dans le sens souhaité en répondant concrètement et de façon parfaitement appropriée aux attentes légitimes de nos compatriotes établis hors de France, c'est-à-dire de notre patrie. (Applaudissements.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidé par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 51 minutes ;
Groupe socialiste, 28 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 13 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 12 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Robert Del Picchia.
M. Robert Del Picchia. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais d'abord remercier le rapporteur du travail qu'il a effectué sur la proposition de loi que mes collègues et moi-même avons déposée et, en même temps, l'ensemble de la commission des lois, qui a su faire preuve d'une grande compréhension des problèmes des Français de l'étranger.
Madame la ministre, vous avez témoigné de la même compréhension, et je vous sais particulièrement gré d'avoir dans votre propos, employé le mot « assemblée », montrant ainsi que vous aviez bien perçu que notre souci était avant tout, à l'heure actuelle, de faire avancer le Conseil supérieur dans ce sens.
Je voudrais enfin remercier les élus des Français de l'étranger qui sont venus suivre notre débat depuis la tribune.
Les deux propositions de loi identiques sur lesquelles la commission des lois a été appelée à travailler sont en fait issues des conclusions de la commission temporaire de la réforme.
Je rappelle que cette commission avait commencé à travailler sous un autre gouvernement. Elle a poursuivi ses travaux sous l'actuel gouvernement. Cela témoigne d'une continuité, non seulement dans ces travaux mêmes, mais aussi dans le souhait de l'exécutif de voir évoluer le Conseil supérieur des Français de l'étranger, le CSFE, cet acronyme si difficile à prononcer, au point que même des personnalités tout à fait éminentes se trompent dans l'ordre des lettres ! Ne serait-ce que de ce point de vue, nous gagnerons beaucoup avec la nouvelle dénomination d'« Assemblée des Français de l'étranger », ou AFE. (Sourires.)
Comme le rapporteur l'a signalé, au sein de cette commission de la réforme, nous avons travaillé de manière consensuelle sous la houlette de son président, notre collègue Guy Penne, que je remercie également.
Il a été fait allusion aux trois conseillers de 1946. En fait, on peut remonter beaucoup plus loin puisque, en 1789, les états généraux avaient étudié la nomination de dix-sept députés des « Français d'outre-mer », selon l'expression de l'époque.
Il est vrai que les ambitions de cette réforme sont assez limitées. Il reste qu'elle doit permettre de faire avancer cette instance qui s'appellera demain « Assemblée des Français de l'étranger », et cela est très important. Je sais que la commission des lois n'était, à l'origine, guère favorable à cette dénomination, mais je la remercie d'y avoir finalement consenti.
Bien sûr, les dispositions aujourd'hui soumises au Sénat n'ont pas une portée considérable, mais elles répondent aux besoins immédiats. Elles correspondent en tout cas à ce qu'il était, aujourd'hui, possible de faire. Or, chacun le sait, la politique est l'art du possible.
L'idée de cette réforme est en fait venue d'un constat : la participation aux élections du CSFE est tombée à un niveau très bas. On peut en effet se demander si les principes républicains sont respectés lorsque 19 % seulement des inscrits participent à une élection.
La commission temporaire de la réforme a donc étudié les mesures susceptibles d'êtres prises pour accroître cette participation.
Ici même, une proposition de loi allant dans ce sens a déjà été adoptée, qui prévoit la possibilité de voter par correspondance électronique ; c'est un premier pas pour améliorer la participation.
Des modifications ont par ailleurs été apportées au cours de l'été par voie d'arrêté et de décret, concernant l'organisation du CSFE, son fonctionnement, le nom et le nombre des commissions, etc.
Aujourd'hui, nous en arrivons à une troisième « réforme ».
D'autres réformes nous seront proposées ultérieurement, notamment un projet de loi organique dont vous nous avez annoncé, madame la ministre, qu'il nous serait prochainement soumis.
Je rappellerai, en conclusion, que les sénateurs des Français de l'étranger sont des sénateurs à part entière. Je me permets même de souligner qu'ils sont parmi les plus assidus en séance publique, quel que soit le sujet débattu. En tout cas, ces sénateurs à part entière sont, en quelque sorte, au sein du Parlement, le prolongement de cette assemblée d'élus des Français de l'étranger que constituent les délégués des Français de l'étranger. Tous ceux qui les représentent ici ont à coeur de faire en sorte que cette assemblée d'élus au suffrage universel fonctionne mieux et qu'elle soit mieux organisée. C'est le but de cette réforme, et je vous remercie par avance, mes chers collègues, de bien vouloir l'adopter. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme MoniqueCerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous, sénateurs des Français de l'étranger, vous présentons donc une réforme consensuelle du Conseil supérieur. « Consensuelle » cela veut dire que nous avons en fait « marchandé » pendant trois ans avant de parvenir, il faut bien le dire, à un plus petit dénominateur commun.
Nous vous proposons une réforme nécessaire, mais que nous sommes nombreux à juger insuffisante, ce qui revient à considérer qu'il faudra, dans l'avenir, apporter des réponses de fond aux difficiles problèmes posés par la représentation politique des Français établis à l'étranger.
Mais, soyons d'abord positifs : cette réforme est nécessaire et salutaire.
S'agissant du changement de dénomination de l'institution, sans reprendre les propos tenus par mes collègues, je dirai que la dénomination « Assemblée des Français de l'étranger » est, à mon avis, plus signifiante et qu'elle sera mieux comprise. Dans la mesure où elle se réfère aux racines historiques du système représentatif en France, elle est présente dans la mémoire de nos concitoyens, même s'ils vivent depuis longtemps à l'étranger.
Quoique cette assemblée soit loin d'avoir le pouvoir de lever l'impôt, il faut qu'elle acquiert plus de poids politique face à l'exécutif et qu'ainsi elle renforce sa légitimité aux yeux de ses mandants. C'est ce qui conditionne leur participation aux élections.
Nous réduisons le nombre des membres désignés. Je dois dire que, à mes yeux, il aurait fallu les supprimer purement et simplement. Il ne s'agissait évidemment de leur couper la tête, mais d'affirmer qu'on n'en avait pas besoin. Aucune assemblée élue n'a de membre désigné et nous maintenons, en fin de compte, ce dernier témoignage ce qu'a été le Conseil pendant longtemps : un conseil dont certains membres étaient nommés par les ambassadeurs et d'autres, par le ministre lui-même. Certes, douze membres désignés au lieu de vingt, c'est un progrès, mais il n'est pas très significatif.
Ce qui me déplaît, je le dis clairement, c'est l'entorse au consensus qui naît de la position prise par la commission des lois. Car enfin, comment concilier la notion d'assemblée avec le maintien de nominations qui se sont toujours avérées totalement discrétionnaires ?
En l'occurrence, je n'attaque pas un gouvernement plus qu'un autre : tous les ministres - ou presque - ont joué à ce petit jeu consistant à nommer des amis politiques, pour ne pas dire des « copains », plutôt que des personnalités utiles au CSFE.
La dernière nomination, qui est intervenue en juin - neuf UMP et un ADFE -, n'a pas représenté un progrès par rapport au passé, c'est le moins que l'on puisse dire !
M. Jean-Pierre Cantegrit. Il fallait rééquilibrer !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. De plus, elle est plutôt de mauvais augure dans la mesure où on laisse au ministre le soin de juger lui-même qui il nomme.
Il y a tout de même de quoi se poser des questions quand on voit arriver tel chef d'entreprise, tel avocat ou tel président d'association qui n'a rigoureusement rien à voir avec les Français de l'étranger et qui, d'ailleurs, souvent, ne participe pas le moins du monde aux débats. Pour l'intéressé c'est sans doute une ligne sur sa carte de visite, mais, franchement, pour nous, Français de l'étranger, cela n'apporte absolument rien !
Je me trouve un peu dans la situation de la ménagère qui achète une botte de persil, ce qui m'arrive parfois. Quand je suis cette ménagère, je peux au moins enlever les mauvaises herbes contenues dans cette botte de persil, alors que, dans la situation que je viens de décrire, j'achète la botte de persil et je dois prendre le tout ! (Sourires.) Mais c'est sans doute la loi du genre !
Réformer la carte électorale était devenu une nécessité absolue : les Français d'Allemagne étaient sur-représentés par rapport à ceux d'Italie ou de Grande Bretagne, les Français des Etats-Unis, gravement sous-représentés. La nouvelle carte constitue un petit progrès vers plus de proportionnalité entre le nombre de Français par circonscription et le nombre de délégués. Cela étant, l'Europe reste très sous-représentée, surtout par rapport à l'Afrique, très sur-représentée, pour des raisons au demeurant légitimes.
Les nouvelles circonscriptions des Etats-Unis permettent d'augmenter le nombre de délégués de ce pays, mais, de mon point de vue, elles n'ont aucun sens, ni géographique ni politique. Cependant, il a bien fallu se résigner au résultat du marchandage que j'évoquais. C'était le prix à payer dans la négociation et nous l'avons repris sans barguigner dans la proposition de loi socialiste. Mieux vaut une légère amélioration d'ensemble que pas d'amélioration du tout. Dans le cadre consensuel de retouches partielles à apporter au système, je crois que nous sommes arrivés à tout ce qui était possible.
Il reste que la commission ne pouvait pas aborder les questions de fond auxquelles il faudra apporter une réponse dans les prochaines années, tout simplement parce que seule leur résolution permettra d'arriver à ce que les Français établis à l'étranger se sentent pleinement citoyens français, désirent être représentés et participent en nombre significatif à une élection française.
Au cours de cette discussion générale, je me permettrai néanmoins d'évoquer ces questions de fond en les formulant ainsi : où sont les lieux de pouvoir pour les Français à l'étranger ? Quelles sont les instances de décision qui importent aujourd'hui pour les Français à l'étranger ?
Disons-le tout net, dans la mesure où 93 % d'entre eux sont des émigrés - de courte durée ou permanents - ils dépendent essentiellement de la loi et du système politique de leur pays de résidence. Qu'ils soient mono-nationaux ou pluri-nationaux ne change rien à l'affaire : le centre de leurs intérêts est à l'étranger ; c'est à l'étranger et sous l'empire de la loi étrangère que sont réglées les questions de droit privé, de droits économiques et sociaux qui les concernent. Les conventions bilatérales ne modifient cet état de fait qu'à la marge.
Un Français qui a créé son entreprise en Argentine vit la crise dans les mêmes conditions qu'un Argentin : aucune loi, aucune politique française n'y peut rien.
Une Française mariée à un Américain divorce en Californie : c'est dans le cadre de la loi et du système judiciaire californiens qu'elle va régler cette crise.
Et l'on voit bien, sur ce type de conflit de droit privé, au sein de l'Union européenne, entre la France et l'Allemagne, par exemple, que le conjoint français subit en Allemagne les effets de la loi allemande aggravés par ce qu'il faut bien appeler le nationalisme judiciaire, auquel se heurtent toutes les tentatives de médiation gouvernementale, notamment quand il s'agit de garde d'enfants binationaux.
Le lieu et les instances de pouvoir des Français à l'étranger sont, pour l'essentiel, à l'étranger. La France n'intervient plus pour eux que dans une mesure restreinte.
Et qui détient un pouvoir susceptible de s'avérer protecteur et bénéfique pour eux dans le cadre français ?
Soyons réalistes, c'est l'administration consulaire, d'abord et avant tout ! L'élu, délégué au CSFE ou sénateur, joue un rôle d'intercesseur dans des cas particuliers et il oriente - dans la mesure de pouvoirs très réduits, sous l'empire de la Constitution de la Ve République - la politique gouvernementale mise en oeuvre par cette administration.
Or, tant que les membres du CSFE, ou de la future AFE, n'auront pas les moyens statutaires et financiers de remplir pleinement leur mandat, leur poids et leur visibilité resteront faibles aux yeux de leurs mandants.
Ne nous faisons pas trop d'illusions : tant que la future AFE n'aura pas les moyens de son fonctionnement, comme les autres assemblées - Assemblée nationale, Sénat, conseils régionaux, généraux, municipaux -, elle pèsera fort peu sur les décisions budgétaires, réglementaires, législatives qui concernent les Français de l'étranger, parce que son statut ne l'y autorise pas et parce qu'elle n'a pas le support technique dont bénéficient les autres assemblées.
Car enfin, mes chers collègues, comment remplirions-nous notre mandat, nous, sénateurs, si nous n'avions les administrateurs et les autres fonctionnaires du Sénat pour nous assister, si nous n'avions nos assistants personnels et ceux de nos groupes politiques ?
Le CSFE n'a pas un tel support, ce qui limite considérablement sa capacité de proposition. Il garde une capacité de protestation, mais il ne peut guère aller au-delà.
Le pouvoir de la France sur la vie de la majorité des Français de l'étranger ne peut être que restreint et, même avec la nouvelle Assemblée des Français de l'étranger, telle qu'elle est prévue actuellement - car il faudra la faire évoluer -, ce pouvoir restera, pour l'essentiel, entre les mains de l'administration.
C'est pourquoi je crains que la future AFE, même réformée et améliorée dans son fonctionnement interne, ne suscite guère plus d'intérêt chez les Français émigrés que l'ancien CSFE et que, en dépit de tous nos efforts, la participation au scrutin n'augmente assez peu.
Il faut avoir conscience que nous ne sommes plus dans la situation où 30 % ou 40 % des Français de l'étranger étaient des expatriés temporaires : désormais, je l'ai dit, nous comptons 93 % d'émigrés. Or cela change tout. Du fait de leur statut d'émigré ou de citoyen dans leur pays de résidence, leur représentation politique pourrait être redéfinie et susciter plus fortement leur adhésion. C'est en cela que, tout en me voulant réaliste, je suis aussi positive. D'ailleurs, si je ne l'étais pas, je ne serais plus sénatrice des Français de l'étranger ! (Sourires.)
Cette adhésion renforcée supposerait d'abord que soient donnés un véritable statut d'élu et des indemnités décentes aux élus locaux que seront au premier chef les membres de la future Assemblée des Français de l'étranger, pour qu'ils aient beaucoup plus de moyens d'agir sur le terrain et de faire connaître leur action.
En fait - et là, je vais peut-être faire bondir quelques-uns d'entre vous -, la future Assemblée des Français de l'étranger restera faible tant que son seul pouvoir tangible et sans partage restera l'élection des représentants des Français de l'étranger au Parlement.
Paradoxalement, ce pouvoir sans partage affaiblit le CSFE comme il affaiblira l'Assemblée des Français de l'étranger, car il en fait le champ clos de combats politiciens fratricides qui, il faut le dire, sont parfois - et même souvent - résolus par le clientélisme électoral.
A mes yeux, seule la multiplication du nombre des grands électeurs et la représentation des Français de l'étranger par le suffrage direct à l'Assemblée nationale permettront à cette instance à la fois locale et mondiale que sera l'Assemblée des Français de l'étranger de conquérir un vrai pouvoir d'agir qui réponde aux attentes des émigrés français vis-à-vis de la France.
Notre groupe soutient cette proposition de loi consensuelle que nous avons déposée, mon collègue Guy Penne et moi, et nous souhaitons que celle-ci recueille l'approbation du Sénat, qu'elle soit très rapidement déposée sur le bureau de l'Assemblée nationale et qu'elle soit votée conforme au Palais-Bourbon afin qu'elle puisse entrer en vigueur rapidement. En particulier, les futurs candidats aux élections à l'Assemblée des Français de l'étranger doivent savoir très vite dans quelle circonscription ils se présenteront. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Cantegrit.
M. Jean-Pierre Cantegrit. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, la modification de la loi relative au CSFE, le Conseil supérieur des Français de l'étranger, nous inspire un bref rappel historique.
Les Français établis hors de France - environ deux millions - représentent, par rapport à nos compatriotes métropolitains, une des plus faibles proportions dans le monde pour les pays avancés. Cela a été souvent dit dans cette enceinte.
De multiples raisons peuvent expliquer ce phénomène. Ce n'est pas l'objet de notre débat, mais c'est un constat incontournable.
C'est certainement l'une des raisons qui fait que la France est l'un des pays qui a le mieux organisé la représentation de ses nationaux expatriés, et ce n'est pas récent, puisque les Français de l'étranger, qui avaient pris part à la libération de la France à l'issue de la Seconde Guerre mondiale, avaient souhaité avoir une représentation spécifique.
La création du CSFE en 1948, sur l'initiative des principales associations représentatives de nos compatriotes - l'UFE, l'Union des Français de l'étranger, la FACS, la Fédération des anciens combattants en résidence à l'étranger, la FPFRE, la Fédération des professeurs français résidant à l'étranger - fut un premier aboutissement.
La loi du 7 juin 1982 fut une étape importante dans la représentation des Français de l'étranger en instituant le suffrage universel pour l'élection des délégués représentatifs de nos compatriotes expatriés.
Cette excellente initiative fut malheureusement entachée par un découpage de circonscriptions extrêmement discutable et un type de scrutin qui l'était encore plus.
Retenons que le résultat souhaité ne fut pas atteint, puisque près des deux tiers des délégués élus en 1982 l'étaient sur des listes d'opposition au gouvernement de l'époque.
La loi du 15 octobre 1986, en augmentant les circonscriptions où les délégués devaient être élus au suffrage majoritaire, aboutit, en sens inverse, aux excès précédents.
C'est la raison pour laquelle je fus le premier rédacteur et signataire du texte qui est devenu la loi du 10 mai 1990, qui, après une concertation sérieuse entre les tenants des différentes sensibilités, permit le vote d'un texte qui est la base électorable actuelle et qui aura présidé aux élections des délégués au CSFE pendant près de quatorze ans.
Il est donc bien normal qu'après tant d'années un toilettage de ce texte ait lieu, et c'est bien ce qui nous est soumis.
On ne peut que se féliciter de la décision du ministre des affaires étrangères, président du CSFE, de créer au sein du Conseil une commission temporaire chargée de dresser un bilan et de faire des propositions pour réformer l'institution.
Cette commission représentative a, dans un souci de consensus, choisi pour président notre collègue Guy Penne, socialiste, et pour rapporteur notre collègue Robert Del Picchia, membre de l'UMP.
J'ai participé à ses travaux et j'ai pu constater qu'une volonté indubitable d'aboutir à des décisions consensuelles a régné au sein de cette commission. C'est la raison pour laquelle je m'interroge sur le dépôt d'une proposition de loi séparée de nos collègues Monique Cerisier-ben Guiga et Guy Penne, qui ont participé à ces travaux en représentant le groupe de l'Association démocratique des Français de l'étranger, l'ADFE, minoritaire au sein du CSFE.
Le premier souhait exprimé par la commission fut de modifier le nom du CSFE. En effet, plusieurs appellations dataient de l'après-guerre : « Conseil supérieur », « bureau permanent »... Le terme « Assemblée des Français de l'étranger » me paraît plus compréhensible et représentatif de nos compatriotes expatriés.
La loi de 1982 avait laissé au ministre des affaires étrangères le soin de nommer vingt membres. Certes, ces derniers ne participaient pas à l'élection des sénateurs des Français de l'étranger, mais, si un grand nombre d'entre eux étaient représentatifs de grandes associations, des choix politiques vinrent entacher la sérénité de ces choix. L'article 2 du texte qui nous est soumis vient donc clarifier ces nominations et en fixer les conditions.
Sur ce point, je tiens à dire à notre excellente collègue Monique Cerisier-ben Guiga que je ne partage en rien ses analyses : il me paraît normal que de grandes associations reconnues d'utilité publique, que les conseillers du commerce extérieur de la France, que les chambres de commerce françaises à l'étranger soient représentées au sein du Conseil supérieur par des membres désignés par le ministre des affaires étrangères, c'est-à-dire par le Gouvernement. Cela ne me choque nullement. Je partageais votre sentiment, chère collègue, lorsque les décisions étaient purement politiques ; s'agissant de représenter un certain nombre d'associations - de droite comme de gauche, d'ailleurs j'ai cité tout à l'heure l'association démocratique des Français de l'étranger - je ne peux vous suivre.
L'article 3 constitue l'une des pièces maîtresses de ce texte. Il fixe le nombre de délégués représentant les Français établis hors de France, dresse le tableau des circonscriptions et le nombre des délégués représentant nos compatriotes dans les circonscriptions électorales.
Les séances de travail et les discussions furent nombreuses pour aboutir à un consensus entre la majorité du Conseil et son opposition. Il est d'ailleurs peu courant, en matière électorale, qu'un tel accord puisse être trouvé : je me tourne là vers nos collègues de métropole !
Il fallait tout d'abord prendre en compte les évolutions géographiques et politiques, car certaines circonscriptions fixées en 1982 n'étaient plus d'actualité : le rideau de fer avait fixé un siège pour Berlin, mais le mur est tombé ; l'Afrique du Sud, pour cause d'apartheid, était isolée, et cette disposition n'a plus de raison d'être.
Le tableau qui vous est présenté prend en compte beaucoup d'éléments : nouvelles donnes de la géographie politique mondiale, évolution de l'expatriation française dans le monde.
En 1982, le nombre de nos compatriotes résidant en Afrique représentait près de trois fois le nombre actuel. Il a donc bien fallu, avec mesure, en tenant compte de l'immensité de ce continent, des difficultés rencontrées par nos compatriotes qui y séjournent, réduire le nombre de représentants de ce continent où nous avons tant d'attaches.
L'est de l'Europe, la Chine voient tous les jours des implantations nouvelles de sociétés françaises et de nos compatriotes ; il fallait en tenir compte.
Mes chers collègues, le texte qui vous est soumis respecte les grands équilibres de la représentation des Français établis hors de France.
Je souhaiterais rappeler à notre Haute Assemblée qu'elle a le privilège d'avoir seule la représentation parlementaire des Français établis hors de France, puisque nous sommes douze à siéger parmi vous, mes chers collègues, en vertu de l'article 24 de notre Constitution.
Ce soir, M. le président du Sénat va recevoir les représentants des Français de l'étranger. Ils seront honorés et fiers d'être dans vos murs !
Vous l'avez compris, j'apporterai mon soutien à ce texte, qui vient renforcer l'expatriation française dans le monde. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Guy Penne.
M. Guy Penne. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues,... (Mme la ministre déléguée aux affaires européennes quitte l'hémicycle.)
Mais je vois que Mme la ministre nous quitte. Tant pis ! Je ne m'adresserai donc qu'à vous, monsieur le ministre. Il est vrai que deux ministres pour un débat consensuel, c'était peut-être trop, même si, parfois, il n'y a qu'un ministre au banc du Gouvernement pour un débat qui n'est pas consensuel.
Au revoir, madame la ministre !
Monsieur le ministre, vous êtes le témoin d'un non-débat : d'abord, j'ai beaucoup hésité pour savoir si j'allais intervenir ce matin ; j'ai été interrogé par votre cabinet, qui m'a demandé ce que j'allais dire ; puis j'ai compris que je n'avais pas grand-chose à dire puisque, depuis ce ministre ami qu'était Hubert Védrine, le CSFE est sous le contrôle du ministre des affaires étrangères, aujourd'hui M. Dominique de Villepin, qui est aussi un ami même si ce n'est pas un ami politique. Mais nous subissons toujours la même contrainte : consensus, consensus, consensus... A partir de là, il n'y a donc plus grand-chose à dire, d'autant que les collègues qui m'ont précédé à cette tribune sont tous intervenus en insistant sur les différents problèmes qui nous agitent.
Je sais, monsieur le ministre, que vous pratiquez un peu le Conseil supérieur des Français de l'étranger. Devenu un organisme valétudinaire, c'était pourtant voilà vingt ans un beau bébé, dont les bonnes fées furent François Mitterrand, Pierre Mauroy et Claude Cheysson. Oui, c'était un bébé plein d'espoir, qui respirait bien, et qui allait certainement croître et embellir.
C'est ainsi que, comme l'a dit M. Cantegrit tout à l'heure, nous avons introduit le suffrage universel, alors que, à l'époque, le Conseil supérieur des Français de l'étranger n'était qu'une mascarade puisqu'il reposait sur une cooptation de plus ou moins bon aloi entre différentes associations. Nous pensions alors avoir trouvé la panacée, mais, avec le temps, nous nous sommes aperçus que le système que nous avons mis en place ne fonctionnait pas. En effet, les taux de participation aux élections des délégués au Conseil supérieur des Français de l'étranger sont catastrophiques.
Pourquoi ? D'abord parce que les circonscriptions peuvent être immenses et qu'il est extrêmement difficile de faire comprendre ce qu'est le Conseil à nos compatriotes.
Certes, le bébé n'a aujourd'hui que vingt ans, ce qui n'est pas bien vieux, mais il aurait fallu, pour qu'il grandisse dans de meilleures conditions, mettre des vitamines dans son biberon. Or les budgets octroyés au ministère des affaires étrangères - c'est valable pour ce gouvernement comme pour ses prédécesseurs - sont tout à fait, et de plus en plus, insuffisants.
La France se targue d'avoir l'une des meilleures représentations diplomatiques et consulaires au monde, elle a inventé et organisé la représentation des Français de l'étranger par des sénateurs, mais elle commence à être un peu dépassée par les Italiens, les Portugais et d'autres qui, partageant la même ambition, seront d'ici peu susceptibles de mieux la mettre en oeuvre.
Le premier problème, je l'ai dit, c'est que nos compatriotes expatriés n'usent pas de leur droit de vote aux élections au CSFE. Pourquoi ? D'abord parce que, comme l'a rappelé Mme Cerisier-ben Guiga, les communautés françaises à l'étranger ont beaucoup évolué. Nombre d'entre elles sont formées de couples mixtes - je me réfère ici évidemment à la nationalité des conjoints, pas à la « normalité » de leur union - et vivent dans une situation de paupérisation peu confortable qui ne leur permet pas d'assister aux manifestations culturelles ou de fréquenter des consulats trop éloignés, quand ils ne sont pas fermés. Par ailleurs, la poste ne fonctionne pas toujours et la propagande est souvent limitée par les Etats d'accueil. Alors qu'il aurait fallu des budgets formidablement accrus, les moyens nous sont comptés !
Au-delà de cette faible participation aux élections au CSFE, il nous faut réfléchir au statut de cet organisme.
Nombreux sont ceux, dont j'étais, qui, indépendamment de leur appartenance politique, ont comparé le CSFE à un conseil général. Or si - heureusement pour eux ! - les conseillers généraux peuvent aisément parcourir leur canton au sein de leur département, tel n'est pas le cas des membres du Conseil supérieur. En effet, les délimitations des cantons ont été fixées à l'origine de manière que l'on puisse en faire le tour à cheval en une journée. Or, pour certains membres du CSFE, il faudrait une journée de Boeing 747 pour parcourir leur circonscription, ce qui reviendrait beaucoup plus cher que de donner son picotin d'avoine au cheval, et nous n'en avons pas les moyens.
Par ailleurs, plus on multiplie, comme nous l'avons demandé, les réunions pour améliorer les conditions de travail de nos délégués, plus cela coûte cher. Quant au directeur des Français de l'étranger au sein du ministère, il ne dispose pas de suffisamment de personnels pour travailler dans de bonnes conditions. Si le Conseil supérieur était une véritable assemblée, à l'image d'un conseil général, il disposerait de locaux importants, de personnels de secrétariat en nombre - sténographes, dactylographes - et de moyens matériels adéquats, notamment informatiques. Exemple significatif, le secrétaire général adjoint du Conseil a été récemment muté dans l'urgence. Ce ne sont tout de même pas des méthodes ! Je n'incrimine d'ailleurs pas M. de Villepin : M. Védrine aurait sans doute fait de même. Je n'en fais donc pas une affaire politique, c'est une affaire de fond.
M. Robert Del Picchia. Rien n'a changé !
M. Guy Penne. Je n'attaque pas non plus M. Wiltzer, que j'apprécie beaucoup. Mais il faut absolument réfléchir à toutes ces questions.
Il y a vingt ans, nous avons été révolutionnaires. Va-t-il falloir encore attendre vingt ans pour le redevenir et obtenir, à l'instar des conseillers généraux, des indemnités convenables ? Oh, je ne suis pas contre le fait que le ministre des affaires étrangères préside le Conseil supérieur des Français de l'étranger, cher ami Cantegrit : en effet, dans ces conditions, de temps en temps, il peut y avoir alternance, alors que, malheureusement, depuis que l'ADFE est minoritaire, avec un président élu, ce serait toujours la droite, comme au Sénat, qui tiendrait tout. Ce ne serait peut-être pas un progrès ! C'est d'ailleurs bien pourquoi je mets souvent en garde mes amis contre le suffrage universel...
Cela étant, sur le plan de la symbolique, il serait préférable de disposer d'une certaine autonomie financière.
Vous avez été choqué de voir qu'il y avait deux textes déposés sur ce sujet. Pour ma part, j'ai beaucoup travaillé avec M. Del Picchia. Mais MM. Del Picchia et Cointat ont déposé leur proposition de loi ; ils ne nous ont pas demandé si nous voulions la signer.
MM. Robert Del Picchia et Jean-Pierre Cantegrit. Mais si !
M. Guy Penne. Il était tout de même anormal que notre point de vue ne soit pas complètement pris en considération.
De toute façon, je dois dire que nous avons fait mieux que vous, chers amis ! (Sourires.) Nous vous avons eus ! Le texte a été déposé par Mme Monique Cerisier-ben Guiga et M. Guy Penne, certes, mais avec l'ensemble du groupe socialiste ! J'espère qu'en ce qui vous concerne vous êtes soutenus par vos groupes ; autrement, ce serait inquiétant.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il n'y a qu'à regarder l'hémicycle !
M. Guy Penne. Mais si tous les membres de vos groupes s'abstenaient et si vous n'aviez que vos trois voix, ne vous inquiétez pas, vous seriez sauvés par le groupe socialiste (Nouveaux sourires) pour voter ce qui n'est qu'une réformette.
En effet, après avoir tanné le cuir à M. Hubert Védrine et aux membres de son cabinet, puis à M. Dominique de Villepin qui a eu la gentillesse de décider une prorogation d'une année puisque nous n'étions pas prêts, après avoir travaillé avec Robert Del Picchia pendant un an à bricoler, il serait idiot de notre part de ne pas nous associer maintenant à ce travail et de déclarer que nous sommes contre ce bricolage ! Nous allons donc le voter dans l'enthousiasme.
M. Guy Penne. Mais, monsieur le ministre, essayez de convaincre ce gouvernement, comme nous nous y emploierons de notre côté s'il y a un autre gouvernement, du fait qu'il faut faire beaucoup mieux. Il importe en effet de prévoir un statut de l'élu à l'Assemblée des Français de l'étranger. Tout le reste, vous le savez, est peu de chose.
Et pour ce peu de chose, nous n'allons pas vous empêcher et nous empêcher tous ensemble de continuer le mouvement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Nelly Olin.
Mme Nelly Olin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi d'origine sénatoriale aujourd'hui soumise à la Haute Assemblée s'insère dans le cadre plus général d'une refonte et d'une modernisation du mode de fonctionnement du Conseil supérieur des Français de l'étranger. Le Sénat a d'ailleurs toujours manifesté son implication au sujet des Français de l'étranger. En effet, la proposition de loi tendant à autoriser le vote par correspondance électronique des Français établis hors de France pour les élections du Conseil supérieur des Français de l'étranger fut déposée initialement ici même.
Le Conseil supérieur des Français de l'étranger a évolué de façon significative vers sa démocratisation depuis 1946. Au début de la IVe République, les Français de l'étranger ne disposaient que de trois sièges de « conseillers de la République », confiés à des personnalités désignées.
Toutefois, dès 1948, le Conseil supérieur des Français de l'étranger fut créé dans le souci d'offrir une représentation légitime, une représentation élue, aux expatriés.
La Constitution de 1958 a continué cette oeuvre en rendant constitutionnelle la représentation française hors de France.
Le Conseil supérieur des Français de l'étranger devient alors un « collège unique pour l'élection des sénateurs des Français établis hors de France ».
La loi du 7 juin 1982 a achevé le travail de légitimation de la représentation des Français expatriés en instaurant l'élection des membres du Conseil supérieur des Français de l'étranger au suffrage universel direct.
Nous ne pouvons que nous enorgueillir d'adopter la réforme qui nous est proposée en hommage aux Français expatriés qui nous représentent à l'étranger. Plus de 1,9 million de nos compatriotes résident en effet à l'étranger.
Ils sont soutenus par le deuxième réseau diplomatique et consulaire du monde, après celui des Etats-Unis, et par le premier réseau culturel qui comprend les écoles françaises à l'étranger, les alliances françaises et les instituts culturels.
Si l'on veut que le nombre d'expatriés français soit suffisant face aux enjeux de la mondialisation et à la nécessité de conquérir des marchés émergents pour maintenir une croissance économique, il serait souhaitable de leur offrir une véritable représentation de leurs intérêts, afin qu'ils puissent vivre pleinement leur citoyenneté.
Lors du renouvellement triennal des délégués du Conseil supérieur des Français de l'étranger, le 18 juin 2000, sur les deux millions de Français établis hors de France, seuls 642 000 étaient inscrits sur les listes électorales, et seuls 19 % d'entre eux, dans la zone Europe-Asie-Levant, ont participé au suffrage.
L'insuffisante notoriété du Conseil supérieur des Français de l'étranger est l'un des facteurs explicatifs du taux élevé d'abstention. Toutefois, ce taux est à inscrire également dans un contexte général d'augmentation de l'abstention.
Ces chiffres prouvent que la représentativité du Conseil supérieur des Français de l'étranger n'est pas clairement reconnue. Par la trop faible participation électorale, la charte de l'Etat pourrait être considérée comme non respectée.
Pourtant, les Français de l'étranger ont toujours joui d'une place particulière au sein des institutions de la République, notamment au Sénat. Le Sénat est l'unique chambre du Parlement qui inclut la représentation des Français résidant à l'étranger, et ce depuis la IVe République. Les Français établis hors de France sont représentés depuis 1983 par douze sénateurs.
Leur représentation au sein des institutions nationales et leur participation à la vie politique française sont donc assurées par ces sénateurs. Il ne faut pas omettre qu'ils peuvent aussi parrainer un candidat à l'élection présidentielle.
M. Robert Del Picchia. Très bien !
Mme Nelly Olin. La commission temporaire chargée de la réforme du Conseil supérieur des Français de l'étranger a conclu que l'on pouvait être satisfait de la représentation de la communauté française expatriée. Il s'agit véritablement d'une « exception française ».
Seuls les citoyens expatriés du Portugal et de l'Italie ont une représentation parlementaire spécifique. D'autres pays disposent d'un organisme équivalent au Conseil supérieur des Français de l'étranger, mais ils ne l'ont pas ancré dans le système électoral.
Aussi, le Conseil supérieur des Français de l'étranger profite-t-il d'une place privilégiée au sein des institutions nationales. L'abstention démontre pourtant la difficulté des Français expatriés à reconnaître le rôle essentiel du Conseil supérieur des Français de l'étranger.
Pourtant, par sa possibilité de donner des avis au Gouvernement sur les questions intéressant les Français établis hors de France, notamment sur les projets de loi ou de règlement les concernant, par sa compétence d'auto-saisine sur les sujets qu'il a jugé important d'étudier, ses élus sont réellement aptes à défendre les intérêts des Français expatriés.
Les compétences du Conseil supérieur des Français de l'étranger paraissent toutefois réduites, n'incitant pas nos ressortissants expatriés à croire qu'ils jouent un rôle fondamental, décisif, dans la politique nationale.
Un véritable travail de légitimation, de reconnaissance et de démocratisation est donc nécessaire pour que nos compatriotes expatriés comprennent à sa juste mesure son utilité.
Aujourd'hui, vingt membres de cette institution sont nommés par le ministre des affaires étrangères. Aussi, l'idée d'abaisser le nombre de membres désignés et de leur offrir une voix seulement consultative paraît-elle une étape nécessaire et utile dans le cadre d'une réforme du CSFE.
Il me paraît toutefois opportun à ce stade de notre réflexion de rappeler, s'il le faut, le rôle déterminant de ces personnes au sein du Conseil supérieur des Français de l'étranger, notamment l'expérience et le savoir-faire qu'ils savent partager avec leurs collègues élus.
Le point qui a sans doute le plus suscité débat, en commission, est celui concernant le changement de nom du Conseil supérieur des Français de l'étranger. En effet, il faut bien mesurer toutes les implications que comporte la volonté du Conseil supérieur des Français de l'étranger de se renommer « Assemblée des Français à l'étranger ».
On aurait pu mettre en cause la pertinence d'une « Assemblée des Français de l'étranger » par le simple fait qu'elle ne dispose pas des compétences d'une assemblée au sens véritable du terme. (M. Guy Penne applaudit.)
De plus, le fait de doter une communauté, quelle qu'elle soit, d'une assemblée délibérante alors qu'elle ne dispose pas d'un territoire aux frontières définies peut pousser à s'interroger.
S'il nous semble tout à fait légitime que le Conseil supérieur des Français de l'étranger veuille être rebaptisé « Assemblée des Français de l'étranger», dans la mesure où la loi du 7 juin 1982 affirme sans détours que « le Conseil supérieur des Français de l'étranger est l'assemblée représentative des Français établis hors de France », il n'est pas dans notre propos de définir les contours d'une nouvelle assemblée à caractère non territorial.
Si, symboliquement, cette nouvelle appellation est souhaitable, la future assemblée ne possédera pas les attributs d'une assemblée en tant que telle, dans la signification essentielle du terme. Il s'agit en quelque sorte d'une « concession linguistique ».
Pour autant, il faudra réfléchir à terme aux compétences dont nous souhaiterions doter cette assemblée. Une réflexion pourrait d'ailleurs être engagée sur la protection sociale des Français établis hors de France. Nous savons à quel point ceux-ci peuvent se sentir démunis dans certains cas. A moyen terme, l'Assemblée des Français de l'étranger, ou AFE, pourrait être le meilleur échelon pour appréhender au mieux une nécessaire prise en compte de cet impératif social pour nos compatriotes expatriés.
Cette proposition de loi, telle qu'elle ressort des travaux de notre assemblée, consacre la prise en considération des intérêts spécifiques des Français à l'étranger et représente un pas décisif vers la mutation d'une institution vitale pour la France, notamment pour sa représentation à l'échelle mondiale.
A ce titre, je tiens à féliciter notre rapporteur, M. Christian Cointat, qui a su défendre avec conviction les intérêts des Français de l'étranger et qui a su faire valoir sa parfaite connaissance de cette institution.
Je tiens à rassurer mon ami Guy Penne : nous n'aurons pas besoin du soutien du groupe socialiste !
M. Guy Penne. Vous êtes inutilement agressive, madame Olin !
Mme Nelly Olin. Notre groupe votera en effet avec enthousiasme et détermination le texte qui nous est soumis tel qu'il ressort des travaux de notre excellente commission des lois. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Qu'il me soit enfin permis de dire tout à fait amicalement, en tant que femme, à notre collègue Guy Penne qu'il a manqué de courtoisie à l'égard de Mme la ministre, et j'en suis infiniment désolée. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
M. Guy Penne. Je la connais depuis si longtemps qu'il n'y aura aucun problème entre elle et moi ! En revanche, elle est habituée à être malmenée par les siens...
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, ma réponse sera brève car, comme cela a été dit depuis le début du débat, ces discussions ont été marquées par un large consensus.
Je veux principalement exprimer au Sénat des félicitations pour le travail qui a été effectué dans un esprit de concertation en vue d'améliorer le fonctionnement et de renforcer l'image de l'instance élue qui représente les Français de l'étranger.
Mes félicitations vont plus particulièrement aux membres de la commission temporaire qui a été chargée d'élaborer la réforme, en particulier à son président, le sénateur Guy Penne, s'il m'écoute...
M. Guy Penne Si, mais Mme Cerisier-ben Guiga était en train de nous dire en aparté le plus grand bien qu'elle pensait de vous ! (Sourires.)
M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué. J'en suis ravi et je vous remercie !
Je rends hommage, disais-je, aux travaux de la commission temporaire que vous avez présidée, monsieur Penne, et dont le rapporteur était M. Robert Del Picchia. Je tiens aussi à saluer le travail accompli par le rapporteur de la commission des lois, M. Christian Cointat, et remercier les orateurs qui se sont exprimés dans ce débat.
Certes, chacun l'a observé, il s'agit non pas d'une révolution, mais d'une réforme consensuelle. C'est pourquoi elle ne bouleverse pas en profondeur le système de représentation des Français de l'étranger.
Cette proposition de loi comporte des progrès, mais j'ai bien entendu que certains membres de la Haute Assemblée souhaiteraient aller plus loin. Ils sont préoccupés, entre autres sujets, par la question des moyens de fonctionnement de la nouvelle assemblée des Français de l'étranger.
Cependant, je crois que l'étape que représente cette proposition de loi est incontestablement positive. Il était nécessaire, comme l'a relevé M. Cantegrit, de revoir l'architecture des circonscriptions électorales, d'effectuer des rééquilibrages qui sont apparus utiles avec le temps. On peut en espérer des effets positifs, notamment en termes de plus grande participation des Français établis hors de France aux différents scrutins.
Le changement de dénomination, loin d'être neutre, est de nature, me semble-t-il, à donner plus de lisibilité à l'institution et à marquer plus clairement les esprits sur l'objectif, le sens et la nature de cette instance.
Quant à la présence de membres désignés, en nombre d'ailleurs restreint, elle ne saurait affaiblir l'institution, et je ne pense pas que l'on puisse dire qu'elle réduirait son caractère démocratique. Au contraire, il est permis de penser que, surtout dans le contingent très limité qui est concerné, le fait de recourir aux compétences, aux mérites de personnalités extérieures reconnues pour leur qualité et leur expérience, peut constituer un moyen pour la nouvelle assemblée des Français de l'étranger, en complément de l'action des sénateurs, de faire écho aux préoccupations de nos compatriotes établis hors de France.
Bien sûr, il reviendra à l'Assemblée des Français de l'étranger de réfléchir aux moyens d'améliorer la vie des Français établis hors de France, qui, comme cela a été dit, sont soumis non seulement à la loi française, quand elle peut s'appliquer à eux, mais aussi à la loi locale des Etats souverains sur le territoire desquels ils sont établis.
Il faut que la future assemblée puisse continuer de montrer à travers la qualité de ses travaux, de ses propositions, qu'elle peut occuper sa place dans nos institutions et qu'elle s'affirme ainsi comme une source d'initiative.
Il importe que nos compatriotes établis à l'étranger soient mieux informés encore de l'importance de ce relais que représentera l'Assemblée des Français de l'étranger, aux côtés du réseau des chefs de postes consulaires et de nos postes diplomatiques, qui sont déjà pour eux des relais très importants, à certains égards irremplaçables, des institutions de la République.
Ce sera à l'évidence l'un des défis de l'institution. La présente proposition de loi est une étape significative sur ce chemin. Pour le reste, le temps permettra probablement d'améliorer encore le système et les moyens de travail de cette assemblée. Le Gouvernement se félicite de pouvoir apporter sa contribution à cette démarche consensuelle et collective. (Applaudissements.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.