Le troisième alinéa de l'article 2 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications est rédigé comme suit :
« D'assurer, dans le respect des règles de la concurrence, tout autre service de collecte, de tri, de transport et de distribution d'envois postaux, de courrier sous toutes ses formes, d'objets et de marchandises. »
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, sur l'article.
Mme Odette Terrade. Avec cet article, nous sommes en présence d'un objet législatif pour le moins difficile à identifier ! (Sourires.)
En effet, la rédaction présentée par le texte déposé le 16 juillet dernier sur le bureau du Sénat était relativement brève et ne visait qu'à modifier légèrement la lettre de l'article 2 de la loi du 2 juillet 1990, s'agissant des missions de La Poste. Or nous voici devant un article qui tend à faire évoluer substantiellement le contenu de ces missions, mais surtout la structure juridique que constitue encore aujourd'hui l'exploitant public du service postal.
En allant un peu vite, on pourrait presque dire que le service universel postal ne sera manifestement plus un service public en matière financière ! En effet, il nous est proposé rien de moins que de procéder à la filialisation intégrale des activités des services financiers et à leur banalisation au regard du droit bancaire, ce qui ouvrira évidemment la voie à une privatisation ultérieure, au nom de je ne sais quelle efficacité économique, invoquée en tant que de besoin.
Il suffira en effet, dans les prochaines années, de procéder à des cessions partielles d'actifs pour faire entrer dans la place, tel le cheval de Troie ou le loup dans la bergerie, le secteur financier et bancaire et servir ainsi ses intérêts.
Mais soyons plus précis encore !
La Poste dispose aujourd'hui d'un réseau à l'implantation inégalée sur le territoire national. Il faut bien constater qu'aucun réseau bancaire ne possède une telle « force de frappe » en termes de proximité.
Certains des partenaires naturels de La Poste dans le domaine financier, tels que les caisses d'épargne ou le Crédit agricole, ne disposent pas eux-mêmes d'une telle implantation territoriale, même si la leur est souvent bien plus dense que celle de nombre de réseaux bancaires traditionnels.
Evidemment, en corollaire de cet essaimage des implantations, l'activité financière de beaucoup d'établissements secondaires est tout à fait réduite et, de fait, le produit net bancaire que La Poste tire de son secteur financier demeure relativement faible.
Cela étant, est-ce en soi un bien ou un mal ?
Que La Poste, parce qu'elle conserve des activités « courrier » et une implantation territoriale qui lui sont propres, soit, de fait, la banque des victimes de l'exclusion bancaire n'est finalement pas nécessairement un handicap. C'est même là une mission d'intérêt général, dont l'importance au regard de l'ordre public est suffisamment claire pour qu'elle soit préservée !
Or nous sommes loin, avec la légalisation du contenu du contrat de plan Etat - La Poste qui nous est présentée, de l'intérêt général ! Nous sommes beaucoup plus près de la remise en question du statut des agents des services financiers, de la mise en cause des missions d'intérêt public accomplies par ces services, que d'une mesure visant à préserver la place de La Poste sur l'échiquier des activités financières dans notre pays.
Encore une fois, rien, dans ce projet de loi visant, pour l'essentiel, à transposer la directive postale, ne justifie que nous procédions à un tel accompagnement juridique du démantèlement des services financiers de La Poste.
Nous pouvons même penser que les dispositions visant expressément les services financiers de La Poste serviront en partie à légitimer la politique de réduction de l'implantation territoriale de La Poste dans les zones urbaines sensibles et les zones rurales qui se profile derrière la mise en oeuvre du contrat de plan.
La logique des ratios de rentabilité financière justifiera demain que l'on ferme tel ou tel bureau de poste, faute de performances suffisantes en termes de rendement.
C'est bien entendu aussi pour ces raisons que nous ne pourrons voter en faveur de l'article 8 du présent projet de loi, quelle qu'en soit la forme définitive.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. C'est à cet article 8, madame la ministre, que vous comptez procéder, par le biais d'un amendement, à un véritable coup de force pour imposer la création de la banque postale. Je rappelle que vous avez déposé cet amendement à la dernière minute, lundi soir, alors que le projet de loi est sur le bureau du Sénat depuis le 16 juillet 2003. Il pourrait constituer à lui seul un projet de loi de cinq titres et dix-neuf articles, ce qui n'a rien à voir, vous le savez bien, avec la définition d'un amendement.
Madame la ministre, de connivence avec la majorité sénatoriale, vous voulez transformer les services financiers de La Poste en banque postale en évitant tout débat public ! Tel est votre objectif ! Ne nous dites pas que votre amendement n'est que la conséquence du nouveau contrat de plan 2003-2007, signé définitivement le 13 janvier dernier, et qu'il n'était pas possible de le soumettre auparavant au Parlement ! C'est vous et la direction de La Poste qui avez élaboré et adopté seuls ce contrat de plan ! Au nom de quoi ce document antidémocratique (M. Dominique Braye s'exclame) et ses dispositions aux conséquences d'ampleur nationale devraient-ils s'imposer à la représentation nationale, ainsi qu'aux salariés et aux usagers ?
Le texte de cet amendement est clair. Il vise à transformer les services financiers de La Poste en un établissement de crédit de droit commun, c'est-à-dire à leur donner un statut identique à celui des banques privées. D'ici au 1er juillet 2005 au plus tard, ces services seront, dans leur quasi-totalité, filialisés, séparés de La Poste. La nouvelle filiale, à savoir la banque postale, aura le statut d'établissement de crédit banalisé prévu dans le code monétaire et financier.
Votre amendement, madame la ministre, représente la dernière étape avant la privatisation pure et simple, que vous rendez possible selon un scénario plus qu'éprouvé, bien connu, en particulier, des agents de France Télécom. Il tend à prévoir que La Poste détiendra « directement ou indirectement la majorité du capital » de la nouvelle filiale financière. Les mêmes termes ont été employés lors de la privatisation partielle de France Télécom, prélude à la privatisation totale que vous comptez maintenant mettre en oeuvre.
Les services financiers de La Poste ne disposent pas de fonds propres suffisants pour fonctionner comme une banque privée. Leur alliance avec un autre groupe financier, français ou étranger, intéressé par ce qu'il restera du réseau et par la clientèle de 28 millions d'usagers, voire leur absorption à terme par celui-ci, est d'emblée prévisible.
Vous commencez également à lever l'obstacle à la privatisation que représente le statut de fonctionnaire dont bénéficient la majorité des membres du personnel de la future banque postale, laquelle ne reprendrait, au demeurant, que la moitié des 60 000 postes à temps plein relevant actuellement des services financiers. L'autre moitié de ces postes, affectés aux activités mixtes, par exemple dans les bureaux, continueraient à dépendre de La Poste, qui deviendrait prestataire de services pour la banque postale.
Vous reprenez purement et simplement le schéma que vos prédécesseurs ont utilisé pour créer en 2000 la filiale bancaire CDC-Ixis de la Caisse des dépôts et consignations. La démarche est similaire à celle qui a été suivie pour la modification du statut des fonctionnaires de France Télécom que vous venez de faire adopter, avec la mise à disposition de la nouvelle banque pour une durée maximale de quinze ans des fonctionnaires en activité à La Poste. Il suffira ensuite d'une simple disposition législative pour permettre la privatisation totale, sort que CDC-Ixis a connu en décembre dernier.
Sous prétexte de faire face à un dépérissement supposé, de garantir leur survie, c'est en fait à la mise à mort des comptes chèques postaux, de la Caisse nationale d'épargne et de leurs missions de service public que vous entendez procéder ce soir, madame la ministre.
S'il ne s'agit, comme vous le prétendez, que d'accorder à La Poste la possibilité de délivrer des prêts à la consommation ou au logement sans épargne préalable, pourquoi ne pas le faire dans le cadre actuel, en préservant l'unité de La Poste et sans créer une banque postale ? Rien ne vous en empêchait. Cette perspective était même explicitement envisagée à l'article 2 de la loi de 1990.
Oui, l'existence d'un établissement financier public, offrant à tous sans discrimination des services financiers diversifiés - tenue de compte, produits d'épargne, attribution de prêts sans recherche du profit maximal - est non seulement possible dans un univers concurrentiel, mais essentielle au regard de l'intérêt général, pour empêcher les dérives que connaît le secteur bancaire privé. Oui, comme nous l'avions souhaité, les comptes chèques postaux devraient pouvoir proposer des prêts à des taux intéressants, à vocation sociale, par exemple pour l'acquisition d'une automobile ou au profit des jeunes salariés entrant dans la vie active.
Or c'est le contraire que vous voulez nous imposer : votre réécriture de la loi relative à l'organisation du service public de La Poste et à France Télécom du 2 juillet 1990 exclut les activités financières de La Poste - hormis la collecte du livret A, mais à quelles conditions ! - du champ de toute mission de service public. Les conséquences seront désastreuses pour les usagers, les personnels, le pays tout entier.
Madame la ministre, votre procédé outrancier, votre précipitation, votre coup de force révèlent que vous avez peur des réactions. (M. Dominique Braye s'esclaffe.) J'y vois un encouragement à lutter pour vous mettre en échec, et ce dès la semaine prochaine, à l'occasion de la journée d'action du 5 février décidée par les organisations syndicales.
M. le président. La parole est à M. Paul Loridant.
M. Paul Loridant. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c'est là un moment singulier du débat parlementaire, et même de la vie parlementaire : le Gouvernement, qui a déposé, lundi en milieu d'après-midi, un amendement ad hoc, a l'intention de créer une banque postale, courant derrière l'initiative qu'avaient prise MM. Pierre Hérisson et Gérard Larcher.
Madame la ministre, je salue votre compétence dans le domaine de l'industrie, mais à l'heure où il s'agit de créer une banque postale et, par là même, de modifier le paysage bancaire français, je regrette, à titre personnel, que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, directement concerné, ne soit pas présent à vos côtés. Car enfin, comment imaginer que l'on puisse créer, en quelque sorte, 14 000 agences bancaires nouvelles...
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée. Mais non !
M. Paul Loridant. ... - tels sont les chiffres avancés - en son absence ? La chose est singulière, on en conviendra, d'autant que nous savons, pour l'avoir entendu en commission la semaine dernière, que le gouverneur de la Banque de France a manifesté quelques réticences vis-à-vis de cette initiative.
Voici donc comment ce gouvernement, avec ses méthodes doucereuses, compassionnelles, toujours présent, hormis quelques ratés, aux côtés de ceux qui ont besoin de soutien,...
M. Dominique Braye. Vous le reconnaissez, cela s'améliore !
M. Paul Loridant. ... procède sur un sujet aussi essentiel : le ministre concerné au premier chef est absent !
M. Jean Chérioux. Mais vous êtes là, monsieur Loridant, c'est le principal !
M. Paul Loridant. Madame la ministre, je considère qu'il s'agit là d'une faute de gouvernement, qui incombe au Premier ministre et à l'ensemble de son équipe.
Comme nous venons de le montrer, l'article 8 du projet de loi se révèle d'une tout autre nature dans sa rédaction actuelle que dans sa version initiale. On me permettra, à cet instant, de revenir sur quelques aspects essentiels de l'activité des services financiers de La Poste.
La Poste est, qu'on le veuille ou non, un acteur de premier plan de l'activité économique du pays, eu égard, en particulier, à la spécificité et à l'importance de ses services financiers.
Les éléments fournis à cet égard sont tout à fait éclairants : plus de 200 milliards d'euros d'encours sont aujourd'hui gérés par les services concernés, qui emploient quelque 20 000 fonctionnaires.
Parmi ces encours, on distinguera notamment les 32,8 milliards d'euros d'encours des comptes à vue, ou encore les 46,4 milliards d'encours collectés par le réseau au titre du livret A.
Dans les faits, La Poste joue donc un rôle essentiel et se trouve être un partenaire majeur de la Caisse des dépôts et consignations, du réseau des caisses d'épargne et de ce que l'on appelle le secteur financier public et semi-public.
Si l'on ajoute aux activités de La Poste que j'ai déjà évoquées les autres livrets défiscalisés, en particulier les plans et les comptes épargne logement, dont l'encours est loin d'être négligeable, ce sont finalement des sommes importantes qui sont ainsi collectées et échappent aux réseaux bancaires banalisés, au grand dam de ces derniers !
Certains prétendent que La Poste ne jouit pas de positions solides sur certains segments de « clientèle » du fait de l'absence de tel ou tel produit dans la gamme des services offerts.
A contrario, relevons qu'il y a belle lurette qu'une partie de la clientèle de La Poste n'intéresse pas ou plus les établissements de crédit banalisés : je veux parler de ceux qui souffrent de l'exclusion bancaire et de la non-mise en oeuvre du droit au compte, tel que défini par le code monétaire et financier.
Cependant, on ne peut manquer de soulever une autre question importante, celle de l'utilisation sociale de la collecte d'encours financiers par La Poste.
Jusqu'à plus ample informé, le livret A est le produit financier utilisé pour le financement du logement social.
M. Philippe Marini. Mais on n'y touche pas !
M. Paul Loridant. La consommation de l'encours des livrets A est d'ailleurs suffisamment faible pour que l'on puisse envisager d'autres utilisations.
Cela dit, en détériorant les relations entre La Poste et la Caisse nationale d'épargne ou la Caisse des dépôts et consignations, on ouvre la voie à une remise en question du livret A, dont on sait de longue date qu'il n'a pas bonne presse dans le secteur bancaire traditionnel !
On observera d'ailleurs, non sans intérêt, qu'il est arrivé parfois à La Poste, dans le segment strictement financier des OPCVM, les organismes de placement collectif en valeurs mobilières, de subir quelques baisses de rendement à la suite de mésaventures survenues sur les marchés boursiers. Par conséquent, La Poste non plus n'est pas à l'abri d'erreurs dans ce domaine.
La Poste, dans le cadre de ses activités financières, participe directement à l'accomplissement de nombre de missions d'intérêt général. De notre point de vue, il est regrettable que d'autres établissements financiers ou de crédit n'y contribuent pas.
C'est peut-être parce qu'elle échappe donc encore aujourd'hui, pour partie, à l'extrême banalisation des activités financières que l'on nous propose maintenant de faire entrer La Poste dans le « droit commun » bancaire. Mais posons la question suivante : demain, une fois que nous aurons « banalisé » La Poste, comment financera-t-on à moindre coût la politique de logement social, la politique de la ville ou encore l'accession à la propriété des salariés modestes ?
Telles sont les questions, madame la ministre, auxquelles nous voulons que le Gouvernement réponde. Qu'il nous dise pourquoi la banque postale viendrait ainsi, au dernier moment, perturber le paysage bancaire sans que soient apportées des garanties sur l'utilisation des fonds collectés au titre du livret A.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 94, présenté par Mmes Beaufils et Terrade, MM. Coquelle et Le Cam, Mme Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Supprimer cet article. »
L'amendement n° 32 rectifié quater, présenté par MM. Larcher et Hérisson, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi cet article :
« I. - 1. L'article 2 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de La Poste et à France Télécom est ainsi rédigé :
« Art. 2. - La Poste et ses filiales constituent un groupe public qui remplit, dans les conditions définies par les textes qui régissent chacun de ses domaines d'activité, des missions d'intérêt général et exerce des activités concurrentielles.
« La Poste assure, dans les relations intérieures et internationales, le service public des envois postaux, qui comprend le service universel postal et notamment le service public du transport et de la distribution de la presse bénéficiant du régime spécifique prévu par le code des postes et télécommunications. Elle assure également, dans le respect des règles de concurrence, tout autre service de collecte, de tri, de transport et de distribution d'envois postaux, de courrier sous toutes ses formes, d'objets et de marchandises.
« Elle exerce ses activités financières dans les conditions prévues à l'article L. 518-25 du code monétaire et financier. »
« 2. Le code monétaire et financier est ainsi modifié :
« a) L'article L. 518-25 est ainsi rédigé :
« Art. L. 518-25. - Dans les domaines bancaire, financier et des assurances, La Poste propose des produits et services au plus grand nombre, notamment, le livret A.
« A cette fin, et sous réserve, le cas échéant, des activités qu'elle exerce directement en application des textes qui la régissent, La Poste crée, dans les conditions définies par la législation applicable, toute filiale ayant le statut d'établissement de crédit, d'entreprise d'investissement ou d'entreprise d'assurance et prend directement ou indirectement toute participation dans de tels établissements ou entreprises. Elle peut conclure avec ces établissements ou entreprises toute convention en vue d'offrir, en leur nom et pour leur compte et dans le respect des règles de concurrence, toute prestation concourant à la réalisation de leur objet, notamment toute prestation relative aux opérations prévues aux articles L. 311-1, L. 311-2, L. 321-1 et L. 321-2 ou à tous produits d'assurance. » ;
« b) Au premier alinéa de l'article L. 518-26, après les mots : "sous la garantie de l'Etat", sont insérés les mots : "pour recevoir les dépôts du livret A dans les conditions définies aux articles L. 221-1 et suivants, sans préjudice des dispositions propres aux caisses d'épargne ordinaires", et les mots : "dans le cadre des missions définies à l'article L. 518-25" sont supprimés ;
« c) Le même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La Caisse nationale d'épargne est gérée, pour le compte de l'Etat, par un établissement de crédit dont La Poste détient la majorité du capital, dans des conditions déterminées par une convention conclue entre l'Etat, La Poste et cet établissement. »
« II. - 1. Au plus tard le 1er juillet 2005, La Poste transfère à une filiale agréée en qualité d'établissement de crédit dans les conditions définies à l'article L. 511-10 du code monétaire et financier et soumis aux dispositions du titre Ier du livre V du même code, l'ensemble des biens, droits et obligations de toute nature liés à ses services financiers y compris les participations, à l'exception, le cas échéant, de ceux nécessaires aux activités qu'elle exerce directement. La Poste détient la majorité du capital de cet établissement de crédit.
« Dans ce cadre, La Poste transfère notamment à cet établissement l'intégralité des comptes et livrets de toute nature ouverts dans ses livres ainsi que les biens, droits et obligations qui y sont liés. Les comptes courants postaux, dont la dénomination peut être maintenue, sont régis, à compter de ce transfert, par le code monétaire et financier, notamment ses articles L. 312-1 et suivants.
« 2. Sous réserve des règles propres au livret A, l'établissement de crédit mentionné au 1 exerce pour son propre compte l'ensemble des activités antérieurement exercées au titre de la Caisse nationale d'épargne, dans les conditions définies par les textes régissant chacune de ces activités. A cette fin, et sans préjudice des règles spécifiques de centralisation, les biens, droits et obligations liés aux comptes, livrets et contrats de toute nature ouverts ou conclus par La Poste au titre de la Caisse nationale d'épargne, notamment ceux nécessaires au respect des règles de couverture des risques et des obligations prudentielles des établissements de crédit, sont transférés à cet établissement à la date du transfert mentionné au 1. A compter de cette date, à l'exception des dépôts sur le livret A, la Caisse nationale d'épargne ne reçoit plus aucun dépôt.
« Pendant une durée qui ne peut excéder deux ans à compter de la publication de la présente loi, les fonds des comptes, livrets et contrats transférés en application de l'alinéa qui précède bénéficient de la garantie prévue à l'article L. 518-26 du code monétaire et financier dans des conditions définies par une convention conclue entre l'Etat et l'établissement de crédit mentionné au 1.
« 3. A compter de la date du transfert prévu au 1 et jusqu'à la conclusion de la convention prévue au dernier alinéa de l'article L. 518-26 du code monétaire et financier, l'établissement de crédit mentionné au 1 assure, pour le compte de l'Etat, la gestion de la Caisse nationale d'épargne.
« 4. Les transferts visés aux 1 et 2 sont réalisés de plein droit et sans qu'il soit besoin d'aucune formalité nonobstant toute disposition ou stipulation contraire. Ils entraînent l'effet d'une transmission universelle de patrimoine ainsi que le transfert de plein droit et sans formalité des accessoires des créances cédées et des sûretés réelles et personnelles les garantissant. Le transfert des contrats en cours d'exécution, quelle que soit leur qualification juridique, conclus par La Poste dans le cadre des activités de ses services financiers, y compris au titre de la gestion de la Caisse nationale d'épargne, n'est de nature à justifier ni leur résiliation, ni la modification de l'une quelconque de leurs clauses ni, le cas échéant, le remboursement anticipé des dettes qui en sont l'objet. De même, ces transferts ne sont de nature à justifier la résiliation ou la modification d'aucune autre convention conclue par La Poste ou les sociétés qui lui sont liées au sens des articles L. 233-1 à L. 233-4 du code de commerce. Ces transferts n'entraînent par eux-mêmes le transfert d'aucun contrat de travail.
« 5. Les opérations visées au II ne donnent pas lieu à la perception de droits, impôts ou taxes de quelque nature que ce soit.
« 6. Les modalités d'application du présent article, notamment les conditions dans lesquelles les biens, droits et obligations visés au 2 sont transférés à l'établissement de crédit mentionné au 1 par l'intermédiaire de La Poste, sont précisées par décret en Conseil d'Etat.
« III. - 1. La Poste et l'établissement de crédit mentionné au 1 du II concluent une ou plusieurs conventions au sens du deuxième alinéa de l'article L. 518-25 du code monétaire et financier en vue de déterminer les conditions dans lesquelles cet établissement recourt, pour la réalisation de son objet, aux moyens de La Poste. Ces conventions déterminent notamment les conditions dans lesquelles les titulaires de comptes ou livrets ouverts auprès de cet établissement peuvent procéder à toute opération de retrait ou de dépôt auprès de La Poste.
« 2. Les fonctionnaires en activité à La Poste peuvent, avec leur accord, être mis à la disposition, le cas échéant à temps partiel, de l'établissement de crédit mentionné au 1 du II et des sociétés dont il détient directement ou indirectement la majorité du capital pour une durée maximale de quinze ans. Ces sociétés remboursent à La Poste les charges correspondantes. Les fonctionnaires ainsi mis à disposition peuvent, à tout moment, solliciter leur réaffectation dans les services de La Poste.
« IV. - 1. A l'article L. 221-10 du code monétaire et financier, les mots : "La Poste" sont remplacés par les mots : "L'établissement de crédit visé à l'article L. 518-26 du code monétaire et financier", et les mots : "ou au nom de laquelle" et "dans un de ses établissements" sont supprimés.
« 2. Aux articles L. 518-1 et L. 564-3 du même code, les mots : "les services financiers de La Poste" sont remplacés par les mots : "La Poste".
« 3. Sans préjudice des dispositions du 2, dans l'ensemble des textes législatifs et réglementaires en vigueur, les mots : "les services financiers de La Poste" sont supprimés.
« 4. A l'article L. 315-3 du code de la construction et de l'habitation, les mots : "la Caisse nationale d'épargne et" sont supprimés.
« 5. Sont abrogés :
« - le dernier alinéa de l'article 15 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 précitée ainsi que les deuxième et troisième alinéas de l'article 16 de cette même loi,
« - le livre III du code des postes et télécommunications, partie législative,
« - l'article L. 131-88 du code monétaire et financier.
« V. - 1. Jusqu'à leur échéance, les investissements réalisés conformément aux dispositions de l'article 15 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 dans sa rédaction en vigueur à la date de publication de la présente loi demeurent régis par ces dispositions.
« 2. Les dispositions des I à IV entrent en vigueur à la date du transfert prévu au 1 du II. »
L'amendement n° 136 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi cet article :
« I. - 1. L'article 2 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et à France Télécom est ainsi rédigé :
« Art. 2. - La Poste et ses filiales constituent un groupe public qui remplit, dans les conditions définies par les textes qui régissent chacun de ses domaines d'activité, des missions d'intérêt général et exerce des activités concurrentielles.
« La Poste assure, dans les relations intérieures et internationales, le service public des envois postaux, qui comprend le service universel postal et notamment le service public du transport et de la distribution de la presse bénéficiant du régime spécifique prévu par le code des postes et télécommunications. Elle assure également, dans le respect des règles de concurrence, tout autre service de collecte, de tri, de transport et de distribution d'envois postaux, de courrier sous toutes ses formes, d'objets et de marchandises.
« Elle exerce ses activités financières dans les conditions prévues à l'article L. 518-25 du code monétaire et financier.
« 2. Le code monétaire et financier est ainsi modifié :
« a) L'article L. 518-25 est ainsi rédigé :
« Art. L. 518-25. - Dans les domaines bancaire, financier et des assurances, La Poste propose des produits et services au plus grand nombre, notamment, le livret A.
« A cette fin, et sous réserve, le cas échéant, des activités qu'elle exerce directement en application des textes qui la régissent, La Poste crée, dans les conditions définies par la législation applicable, toute filiale ayant le statut d'établissement de crédit, d'entreprise d'investissement ou d'entreprise d'assurance et prend directement ou indirectement toute participation dans de tels établissements ou entreprises. Dans les conditions et les limites fixées par le contrat de plan, La Poste peut conclure avec ces établissements ou entreprises toute convention en vue d'offrir, en leur nom et pour leur compte et dans le respect des règles de concurrence, toute prestation concourant à la réalisation de leur objet. » ;
« b) Au premier alinéa de l'article L. 518-26, après les mots : "sous la garantie de l'Etat", sont insérés les mots : "pour recevoir les dépôts du livret A dans les conditions définies aux articles L. 221-1 et suivants, sans préjudice des dispositions propres aux caisses d'épargne ordinaires", et les mots : "dans le cadre des missions définies à l'article L. 518-25" sont supprimés ;
« c) Le même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La Caisse nationale d'épargne est gérée, pour le compte de l'Etat, par un établissement de crédit dont La Poste détient la majorité du capital, dans des conditions déterminées par une convention conclue entre l'Etat, La Poste et cet établissement.
« II. - 1. Au plus tard le 1er juillet 2005, La Poste transfère à une filiale agréée en qualité d'établissement de crédit dans les conditions définies à l'article L. 511-10 du code monétaire et financier et soumis aux dispositions du titre Ier du livre V du même code, l'ensemble des biens, droits et obligations de toute nature liés à ses services financiers y compris les participations, à l'exception, le cas échéant, de ceux nécessaires aux activités qu'elle exerce directement. La Poste détient la majorité du capital de cet établissement de crédit.
« Dans ce cadre, La Poste transfère notamment à cet établissement l'intégralité des comptes et livrets de toute nature ouverts dans ses livres ainsi que les biens, droits et obligations qui y sont liés. Les comptes courants postaux, dont la dénomination peut être maintenue, sont régis, à compter de ce transfert, par le code monétaire et financier, notamment ses articles L. 312-1 et suivants.
« 2. Sous réserve des règles propres au livret A, l'établissement de crédit mentionné au 1 exerce pour son propre compte l'ensemble des activités antérieurement exercées au titre de la Caisse nationale d'épargne, dans les conditions définies par les textes régissant chacune de ces activités. A cette fin, et sans préjudice des règles spécifiques de centralisation, les biens, droits et obligations liés aux comptes, livrets et contrats de toute nature ouverts ou conclus par La Poste au titre de la caisse nationale d'épargne, notamment ceux nécessaires au respect des règles de couverture des risques et des obligations prudentielles des établissements de crédit, sont transférés à cet établissement à la date du transfert mentionné au 1. A compter de cette date, à l'exception des dépôts sur le livret A, la Caisse nationale d'épargne ne reçoit plus aucun dépôt.
« Pendant une durée qui ne peut excéder deux ans à compter de la publication de la présente loi, les fonds des comptes, livrets et contrats transférés en application de l'alinéa qui précède bénéficient de la garantie prévue à l'article L. 518-26 du code monétaire et financier dans des conditions définies par une convention conclue entre l'Etat et l'établissement de crédit mentionné au 1.
« 3. A compter de la date du transfert prévu au 1 et jusqu'à la conclusion de la convention prévue au dernier alinéa de l'article L. 518-26 du code monétaire et financier, l'établissement de crédit mentionné au 1 assure, pour le compte de l'Etat, la gestion de la Caisse nationale d'épargne.
« 4. Les transferts visés aux 1 et 2 sont réalisés de plein droit et sans qu'il soit besoin d'aucune formalité nonobstant toute disposition ou stipulation contraire. Ils entraînent l'effet d'une transmission universelle de patrimoine ainsi que le transfert de plein droit et sans formalité des accessoires des créances cédées et des sûretés réelles et personnelles les garantissant. Le transfert des contrats en cours d'exécution, quelle que soit leur qualification juridique, conclus par La Poste dans le cadre des activités de ses services financiers, y compris au titre de la gestion de la Caisse nationale d'épargne, n'est de nature à justifier ni leur résiliation, ni la modification de l'une quelconque de leurs clauses ni, le cas échéant, le remboursement anticipé des dettes qui en sont l'objet. De même, ces transferts ne sont de nature à justifier la résiliation ou la modification d'aucune autre convention conclue par La Poste ou les sociétés qui lui sont liées au sens des articles L. 233-1 à L. 233-4 du code de commerce. Ces transferts n'entraînent par eux-mêmes le transfert d'aucun contrat de travail.
« 5. Les opérations visées au II ne donnent pas lieu à la perception de droits, impôts ou taxes de quelque nature que ce soit.
« 6. Les modalités d'application du présent article, notamment les conditions dans lesquelles les biens, droits et obligations visés au 2 sont transférés à l'établissement de crédit mentionné au 1 par l'intermédiaire de La Poste, sont précisées par décret en Conseil d'Etat.
« III. - 1. La Poste et l'établissement de crédit mentionné au 1 du II concluent une ou plusieurs conventions au sens du deuxième alinéa de l'article L. 518-25 du code monétaire et financier en vue de déterminer les conditions dans lesquelles cet établissement recourt, pour la réalisation de son objet, aux moyens de La Poste. Ces conventions déterminent notamment les conditions dans lesquelles les titulaires de comptes ou livrets ouverts auprès de cet établissement peuvent procéder à toute opération de retrait ou de dépôt auprès de La Poste.
« 2. Les fonctionnaires en activité à La Poste peuvent, avec leur accord, être mis à la disposition, le cas échéant à temps partiel, de l'établissement de crédit mentionné au 1 du II et des sociétés dont il détient directement ou indirectement la majorité du capital pour une durée maximale de quinze ans. Ces sociétés remboursent à La Poste les charges correspondantes. Les fonctionnaires ainsi mis à disposition peuvent, à tout moment, solliciter leur réaffectation dans les services de La Poste.
« IV. - 1. A l'article L. 221-10 du code monétaire et financier, les mots : "La Poste" sont remplacés par les mots : "L'établissement de crédit visé à l'article L. 518-26 du code monétaire et financier" et les mots : "ou au nom de laquelle" et "dans un de ses établissements" sont supprimés.
« 2. Aux articles L. 518-1 et L. 564-3 du même code, les mots : "les services financiers de La Poste" sont remplacés par les mots : "La Poste".
« 3. Sans préjudice des dispositions du 2, dans l'ensemble des textes législatifs et réglementaires en vigueur, les mots : "les services financiers de La Poste" sont supprimés.
« 4. A l'article L. 315-3 du code de la construction et de l'habitation, les mots : "la Caisse nationale d'épargne et" sont supprimés.
« 5. Sont abrogés :
« - le dernier alinéa de l'article 15 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 précitée ainsi que les deuxième et troisième alinéas de l'article 16 de cette même loi,
« - le Livre III du code des postes et télécommunications partie législative,
« - l'article L. 131-88 du code monétaire et financier
« V. - 1. Jusqu'à leur échéance, les investissements réalisés conformément aux dispositions de l'article 15 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 dans sa rédaction en vigueur à la date de publication de la présente loi demeurent régis par ces dispositions.
« 2. Les dispositions des I à IV entrent en vigueur à la date du transfert prévu au 1 du II. »
Le sous-amendement n° 137 rectifié, présenté par M. Hérisson, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit la dernière phrase du second alinéa du texte proposé par le a du 2 du I de l'amendement n° 136 rectifié pour l'article L. 518-25 du code monétaire et financier :
« Elle peut conclure avec ces établissements ou entreprises toute convention en vue d'offrir, en leur nom et pour leur compte et dans le respect des règles de concurrence, toute prestation concourant à la réalisation de leur objet, notamment toute prestation relative aux opérations prévues aux articles L. 311-1, L. 311-2, L. 321-1 et L. 321-2 ou à tous produits d'assurance. »
Le sous-amendement n° 138 rectifié, présenté par M. Hérisson, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
« Dans le texte proposé par le c du 2 du I de l'amendement n° 136 rectifié pour compléter l'article L. 518-26 du code monétaire et financier, après les mots : "établissement de crédit", insérer les mots : "agréé en tant que banque". »
Le sous-amendement n° 139 rectifié, présenté par M. Hérisson, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi la première phrase du premier alinéa du 1 du II de l'amendement n° 136 rectifié :
« Au plus tard le 1er juillet 2005, La Poste transfère à un établissement de crédit agréé en qualité de banque, dans les conditions définies à l'article L. 511-10 du code monétaire et financier et soumis aux dispositions du titre Ier du livre V du même code, l'ensemble des biens, droits et obligations de toute nature liés à ses services financiers, y compris les participations, à l'exception, le cas échéant, de ceux nécessaires aux activités qu'elle exerce directement. »
L'amendement n° 124 rectifié, présenté par MM. Trémel, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi cet article :
« Les troisième et quatrième alinéas de l'article 2 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications sont ainsi rédigés :
« D'assurer, dans le respect des règles de la concurrence, tout autre service de collecte, de tri, de transport et de distribution d'envois postaux, de courrier sous toutes ses formes, d'objets et de marchandises ;
« D'offrir, dans le respect des règles de concurrence, des prestations relatives aux moyens de paiement et de transfert de fonds, aux produits de placement et d'épargne, à la gestion des patrimoines, à des prêts d'épargne-logement sans épargne préalable, à des prêts à la consommation au bénéfice du plus grand nombre et à tous produits d'assurance. La Poste gère le service des chèques postaux et, pour le compte de l'Etat, la Caisse nationale d'épargne dans le respect des dispositions du code des caisses d'épargne. »
La parole est à M. Paul Loridant, pour présenter l'amendement n° 94.
M. Paul Loridant. Evidemment, dans un premier temps, et compte tenu des termes du projet de loi déposé en juillet dernier sur le bureau du Sénat, cet amendement de suppression de l'article 8 ne présentait qu'un caractère assez formel, conséquence logique de notre position de fond, à savoir le rejet de la logique imprégnant les conditions de transposition de la directive postale, celle de l'ouverture la plus large possible à la concurrence des services postaux.
On aurait presque pu se féliciter de la lettre de cet article 8, qui laisse, en fait, entrevoir que les activités de transmission de courrier par voie initialement électronique sont aussi contenues dans le champ des compétences de l'exploitant public.
Quelle n'a pas été notre surprise, cependant, de constater qu'après de multiples péripéties le texte de cet article prenait finalement une tout autre portée et une tout autre teneur, puisqu'il nous est proposé de procéder à une profonde refonte du code des postes et télécommunications, dans sa partie portant sur les services financiers.
Nous avons posé la question : où sont donc les droits du Parlement quand on procède ainsi, par le dépôt express d'un amendement, sans s'être recommandé de l'avis ni des personnels les plus directement concernés et de leurs organisations syndicales représentatives ni de toute autre personnalité qualifiée en matière financière, sans permettre à la commission des finances, qui a été saisie au dernier moment, de faire son travail ? D'ailleurs, nous avions été un certain nombre à nous plaindre des conditions dans lesquelles le Sénat allait débattre. Madame la ministre, c'est de l'improvisation, belle illustration de ce qu'est devenu ce gouvernement !
M. Dominique Braye. Du calme, jeune homme ! (Mme la ministre et M. Philippe Marini s'esclaffent.)
M. Paul Loridant. Ne serait-ce que pour ces raisons, il conviendrait presque de procéder à la suppression de cet article 8, qui procède d'une forme nouvelle d'inflation législative, celle consistant à valider par la loi ce qui procède de la simple contractualisation entre l'Etat et l'un de ses partenaires naturels, l'entreprise publique La Poste.
Il s'agit donc de valider législativement ce qui est contractuel, mais aussi de préparer, concrètement, les conditions futures de la privatisation complète, à terme, des services financiers de La Poste. Mes chers collègues, soyez sans illusion sur cette orientation !
Que va-t-il se passer, en effet ?
Nous allons nous trouver, avant peu, devant une situation particulière pour ce qui est des agents de ces services financiers.
La filialisation favorisera naturellement le recrutement de personnels échappant au statut de la fonction publique - on sait bien ce que souhaite ce gouvernement -, sous la forme de salariés soumis aux règles de la profession bancaire, voire, en tout état de cause, et éventuellement, aux règles d'une nouvelle convention collective, comme nous y invite, par exemple, un amendement de fin de texte déposé par le rapporteur de la commission des affaires économiques lui-même.
Dans le même temps, outre le fait que le statut de ces nouveaux salariés sera probablement moins favorable et plutôt précarisé, celui qui s'applique aux salariés de La Poste connaîtra la naturelle déperdition liée au mouvement de départs en retraite des agents de la fonction publique.
Nous pouvons, en effet, douter que les services financiers filialisés recourent au recrutement de nouveaux fonctionnaires par voie de concours, alors même que les conditions seront créées pour recruter des personnels de droit privé.
Nous observons également que la mise à disposition de longue durée des postiers fonctionnaires au sein de la filiale est directement conditionnée par la durée - quinze ans maximum - et que ces fonctionnaires seront habilités, sous certaines conditions, à réintégrer leur corps d'origine.
On notera d'ailleurs que, s'ils se sont spécialisés en conseil financier et qu'ils demandent à quitter la filiale à vocation financière, parce qu'elle irait vers la privatisation, on risque d'avoir quelque peine à leur proposer un poste répondant à leurs compétences précisément acquises.
La vérité, dans cette affaire, c'est que les conditions sont créées pour mener, de manière systémique, une politique de changement de cible en matière de clientèle, une politique de stricte banalisation du service financier fourni par La Poste, à l'instar des autres établissements de crédit de la Place, une politique de gestion des ressources et des moyens permettant de majorer sur la durée la rentabilité apparente du travail, voire, dans certains cas, une politique d'externalisation d'un certain nombre de fonctions.
Dans la logique où l'on place, en effet, dès aujourd'hui, les services financiers de La Poste, rien n'empêche de concevoir que l'on soit amené, dans des délais plus ou moins rapprochés, à sous-traiter le traitement des formules de paiement ou encore la recherche de clientèle. (Marques d'agacement sur les travées de l'UMP.)
M. Dominique Braye. C'est bien long !
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Paul Loridant. Telles sont les raisons qui nous conduisent à vous proposer la suppression de l'article 8. Mes chers collègues de la majorité, plus on gratte sur ce dossier, plus cela vous énerve !
M. Philippe Marini. Ce sont des redites !
M. Jean Chérioux. Des répétitions ! Bis repetita non placent !
M. Dominique Braye. Qui gratte peut gagner ! (Rires.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Larcher, pour présenter l'amendement n° 32 rectifié quater.
M. Gérard Larcher. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j'ai incubé bien trop longtemps pour que l'on puisse parler d'improvisation !
En effet, voilà déjà quatorze ans,...
M. Gérard Larcher. ... nous avions débattu longuement, en commission comme en séance publique, de l'extension des services financiers de La Poste.
Le 13 juin 2003, à l'occasion de la remise d'un rapport, j'évoquais, aux pages 62, 63 et suivantes, cet objet non identifié qui, subitement, allait faire irruption. Le temps de la dissuasion, nous l'avons vécu ; je l'ai même subi ! M. le rapporteur et moi-même avions donc l'intention de déposer un amendement si rien n'était fait au moment où nous débattrions de la régulation postale.
Notre objectif, aujourd'hui, est triple.
Il s'agit tout d'abord de soumettre au droit commun les compétences financières de La Poste en lui imposant toutes les obligations pesant sur les intervenants de ce secteur, mais aussi en lui permettant, sous réserve de l'autorisation de sa tutelle, d'exercer l'ensemble des droits en découlant.
Cet assujettissement de La Poste financière au droit commun est ensuite organisé de manière à ne pas ébranler l'industrie bancaire, car La Poste, en vertu de son contrat de plan, ne pourra, à compter de 2005, que distribuer des crédits immobiliers sans épargne préalable, vraisemblablement pour partie avec un partenaire bancaire. Pour aller au-delà, et offrir également des crédits à la consommation, ainsi que la commission des affaires économiques l'a proposé dans son rapport l'an dernier, il faudra que la tutelle le permette.
Madame Beaudeau, je vous rassure : aux termes de l'amendement n° 32 rectifié quater, La Poste détient la majorité du capital.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Pour combien de temps ?
M. Gérard Larcher. Enfin, monsieur Loridant, cette évolution se veut respectueuse des équilibres sociaux existant à La Poste et préserve tous les droits existants des postiers.
A trois exceptions près, le Gouvernement a, dans son amendement, fait siens la plupart de ces objectifs.
Pour affirmer explicitement cette volonté commune, en accord avec la commission des finances et avec M. le rapporteur pour avis, nous maintenons notre position sur le premier de ces points, qui concerne la plénitude des compétences financières de droit commun pour La Poste. Nous renonçons cependant à préciser la nature de l'agrément qui sera donné à l'établissement financier postal.
Enfin, je voudrais vous renvoyer à des débats qui se sont déroulés au Parlement en 1901. Il s'agissait, en effet, des comptes chèques postaux, et chacun entendait, sur toutes les travées, refuser à l'ancêtre de La Poste la possibilité d'avoir à gérer des comptes courants, les futurs CCP. Il a fallu dix-sept ans, dix-sept ans de combats parlementaires, pour que La Poste puisse distribuer des CCP !
M. Gérard Delfau. Eh oui !
M. Gérard Larcher. Nous regarderons peut-être ainsi notre débat de ce soir avec la distance et le recul qui s'imposent : il n'est pas question d'ébranler le système bancaire, mais il s'agit bien d'accorder à La Poste l'extension nécessaire de ses moyens financiers.
M. le rapporteur pour avis de la commission des finances le disait hier, La Poste collecte plus de 12 % de l'épargne des Français, alors que, en 1952, elle en collectait près du tiers. On voit bien que La Poste, pour ce qui est des services financiers, a régressé. Il semble donc qu'elle soit la principale victime de l'évolution du réseau et du système financier.
Donner les moyens à La Poste de se repositionner aujourd'hui sans ébranler l'industrie bancaire, c'est ce que nous proposons, mes chers collègues, sachant que, pour 70 %, l'activité des 6 300 points postaux répartis sur le territoire notamment, qui ne réalisent malheureusement qu'un peu plus de 15 % du chiffre d'affaires, est de nature financière.
Tels sont, me semble-t-il, les enjeux de cet amendement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée, pour présenter l'amendement n° 136 rectifié.
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée. Les premières interventions que nous venons d'entendre nous montrent, s'il en était besoin, que nous abordons une question tout à fait essentielle.
Il s'agit ici de l'évolution des services financiers de La Poste. Bien que nous en ayons longuement parlé hier, au cours de la discussion générale, je souhaiterais rappeler brièvement la problématique.
Comme je l'ai indiqué hier soir, les services financiers de La Poste voient aujourd'hui leur développement limité. La conséquence en est le vieillissement de la clientèle et une érosion des parts de marché depuis plus de vingt ans, alors que les services financiers représentent un quart de l'activité de La Poste et 60 000 salariés.
Dans ces conditions, il serait irresponsable de ne rien faire. Or le Gouvernement n'a pas peur, lui, de prendre ses responsabilités, contrairement à quelques-uns dans certaines parties de cet hémicycle.
M. Loridant sera heureux de savoir que le ministre des finances m'a fait toute confiance pour défendre l'amendement n° 136 rectifé.
M. Paul Loridant. C'est bien !
M. Dominique Braye. Loridant est misogyne !
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée. Le ministre des finances est fier de cet amendement, et sa ministre de l'industrie également, qui n'oublie pas, d'ailleurs, qu'elle est aussi la ministre de l'industrie bancaire ! C'est pourquoi, à partir de ce constat partagé, le Gouvernement et La Poste ont souhaité doter celle-ci d'un cadre de gestion plus responsabilisant et transparent au sein du groupe La Poste.
C'est la raison pour laquelle l'Etat et La Poste sont convenus, dans le contrat de plan que nous avons signé il y a quelques semaines, du principe de la création, en 2005, d'un établissement de crédit portant l'ensemble de l'activité « services financiers » de La Poste et soumis aux règles de droit commun en matière bancaire.
Quelques principes fondamentaux ont été retenus.
La création de l'établissement de crédit se fera selon les conditions de droit commun. Comme tout établissement de crédit, il devra, en particulier, obtenir un agrément du comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement. Le fonctionnement de l'établissement de crédit sera soumis aux règles de droit commun, notamment en matière de réglementation, de contraintes prudentielles et de contrôle par les autorités bancaires.
L'établissement de crédit recourra, pour son activité commerciale et de production, c'est-à-dire l'essentiel, aux moyens en personnels de La Poste, dont je rappelle qu'ils sont pour les deux tiers des fonctionnaires, dans le cadre de conventions de service. Celles-ci devront, bien entendu, exclure toute distorsion de concurrence, en particuler en assurant une juste rémunération de La Poste et de son réseau par l'établissement.
Ces nouvelles modalités d'exercice des services financiers de La Poste rendent nécessaire, par ailleurs, la révision des principes de fonctionnement de la Caisse nationale d'épargne et des comptes chèques postaux. Ces derniers seront désormais régis par les règles de droit commun prévues par le code monétaire et financier, mais leur appellation pourra demeurer.
Sous ces nouvelles conditions d'exercice des activités de services financiers, l'établissement de crédit pourra octroyer en 2005 des prêts immobiliers sans épargne préalable.
Une évaluation régulière par l'Etat du respect de ces conditions d'exercice est, par ailleurs, prévue. La première évaluation, qui associera des experts extérieurs, sera conduite en 2006. Cette orientation participe à la mise en oeuvre des principes de base en matière de régulation, en facilitant la vérification de la conformité des activités de La Poste aux règles de concurrence en vigueur à l'échelon tant national que communautaire.
L'amendement que nous proposons vise à mettre en oeuvre ces orientations en prenant les dispositions nécessaires qui relèvent de la loi, c'est-à-dire principalement le transfert des activités financières exercées par l'établissement public La Poste à une filiale agréée comme établissement de crédit selon les règles du droit commun.
Le Gouvernement recommande à la Haute Assemblée de retenir cette nouvelle rédaction de l'article 8, qui va dans le sens d'une transparence accrue des conditions d'exercice des différents métiers de La Poste. C'est, en effet, la volonté du Gouvernement que de mettre en oeuvre rapidement les dispositions du contrat de plan sur ce point ; cet amendement, présenté dix jours seulement après sa signature, atteste cette volonté.
La Poste a besoin de services financiers modernes et gérés selon les règles du droit commun. C'est ce que permettra l'adoption de cet amendement.
J'apprécie que la commission se soit largement inspirée de l'amendement gouvernemental, en proposant néanmoins quelques modifications. J'y vois la preuve de notre convergence de vues et de l'excellente coopération entre la Haute Assemblée et l'exécutif.
M. Jean-Pierre Sueur. « Convergence de vues » ? C'est un euphémisme !
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée. Le Gouvernement, s'agissant des trois sous-amendements, s'en remettra donc à la sagesse de la Haute Assemblée. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter les sous-amendements n°s 137 rectifié, 138 rectifié et 139 rectifié.
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Monsieur le président, je souhaiterais, auparavant, donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 32 rectifié quater.
M. le président. Je vous en prie, monsieur le rapporteur.
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Pour tous ceux qui travaillent sur ce dossier depuis bientôt quatorze ans, l'instant est d'une telle importance qu'il nous incite à ne pas répondre sur le thème de l'improvisation lancé dans le débat par certains ici.
La commission des affaires économiques souhaite depuis fort longtemps autoriser La Poste à offrir la gamme complète des services financiers. Etendre les attributions financières dans les conditions du droit commun, c'est, en effet, donner à La Poste les moyens de se développer et d'affronter la concurrence accrue, sur le courrier, mais aussi sur ses autres métiers. Cela semble aujourd'hui indispensable à la commisison des affaires économiques, et cela devrait l'être aussi à ceux qui pensent que les métiers et l'activité globale de La Poste sont indissociables.
A la grande satisfaction de la commission, la conclusion du contrat de plan entre l'Etat et La Poste avait déjà marqué un pas décisif dans cette direction, puisqu'il exprimait la volonté du Gouvernement de donner à La Poste les moyens de son avenir.
Le contrat de performances et de convergences signé il y a deux semaines reprend en effet la suggestion faite par la commission des affaires économiques : une extension séquencée du champ d'activités financières de La Poste parallèle à un alignement sur le droit commun de la sphère bancaire.
La mise en oeuvre des engagements du contrat de plan et des orientations souhaitées par la commission des affaires économiques exige de modifier le cadre juridique dans lequel évolue La Poste, notamment la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990.
Tel est l'objet de l'amendement n° 32 rectifié quater.
Cet amendement procède donc à l'extension de la gamme des produits financiers de La Poste, tout en assurant les conditions d'une concurrence loyale et incontestable sur ce marché. Ce faisant, il respecte également l'identité de La Poste, telle que la perçoivent à la fois les Français et les postiers.
A cette fin, l'amendement prévoit d'abord d'étendre les services financiers de La Poste dans le respect des conditions de droit commun. C'est bien la première condition, la condition la plus importante, celle qui permettra de donner toutes les garanties à l'avenir et d'éviter les contestations.
Est ainsi prévue la création d'une filiale de La Poste agréée comme établissement de crédit dans des conditions de droit commun. Cet agrément par le comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement marque l'entrée de la sphère financière postale dans le droit commun. En cela, le texte instaure la condition sans laquelle une extension de la gamme des services financiers ne pouvait s'envisager : égaliser les règles de concurrence entre La Poste et les banques.
Aux liens non écrits qui existent aujourd'hui entre le réseau postal et les services financiers, le texte substitue des conventions de service entre la ou les filiales financières de La Poste et La Poste elle-même. Ces conventions, sur le fondement desquelles La Poste offrira des prestations au nom de sa filiale, permettront le transfert des biens, droits et obligations de La Poste et fixeront les conditions de tarif et de qualité des prestations financières attendues de La Poste. Elles seront d'une parfaite transparence, facilement « auditables » et permettront de garantir aux banques que l'établissement de crédit postal recourra aux moyens humains et matériels de La Poste dans le respect des règles de concurrence.
Il est proposé d'inscrire dans la loi, la date du 1er juillet 2005, dans le respect du contrat de plan. Il y va de la crédibilité du processus.
Parallèlement à cette extension des services financiers dans les règles de droit commun, l'amendement prévoit de maintenir l'identité de La Poste.
D'emblée, il est affirmé que La Poste et ses filiales constituent un « groupe public ». Cette expression signifie bien que La Poste remplit des missions d'intérêt général et, en même temps, exerce des activités concurrentielles. Elle met aussi en avant le caractère unitaire du groupe multi-métiers qu'est La Poste, caractère qui ne sera pas entamé par les partenariats éventuels que La Poste est autorisée à nouer concernant le capital de sa filiale financière.
En outre, l'amendement respecte la vocation financière particulière qui revient à La Poste. Il rappelle ainsi que ses services s'adressent « au plus grand nombre », ce qui ancre La Poste dans sa fonction sociale d'accueil de tous, y compris de ceux qui sont exclus du sytème bancaire classique.
L'amendement confirme également - et ce n'est pas sans lien avec ce qui précède - que le livret A est un instrument financier spécifique de La Poste, qu'elle a non seulement le droit mais encore le devoir d'ouvrir au nom de tout client qui le souhaite.
Enfin, l'amendement ne prévoit aucune modification du statut des postiers. La création de cet établissement de crédit postal n'affecte pas leur situation ; c'est au contraire un grand projet qui se dessine devant eux. Rien ne portera atteinte aux garanties dont les postiers fonctionnaires bénéficient actuellement. Pour les personnels contractuels, le transfert des contrats de travail est explicitement exclu.
Le personnel de La Poste reste donc pleinement « personnel de La Poste ». Seuls quelques fonctionnaires d'encadrement pourraient être mis à disposition, éventuellement à temps partiel, de l'établissement de crédit postal. En effet, compte tenu de l'absence de transfert collectif de personnels, il est nécessaire que certaines personnes exercent à la fois des fonctions au sein de La Poste et de l'établissement de crédit postal, dans la polyvalence.
En résumé, cet amendement réprésente une chance pour La Poste et les postiers, il est respectueux des légitimes préoccupations et des droits de ses concurrents du secteur financier, mais aussi respectueux de l'identité de La Poste.
Cet amendement a été rectifié...
M. Jean-Pierre Sueur. Quatre fois !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. ... après le dépôt de l'amendement n° 136 rectifié du Gouvernement, dont l'objet est similaire, de manière à s'en approcher. Les auteurs du présent amendement souhaitent en effet manifester que leur démarche s'inscrit entièrement dans le cadre des orientations retenues pour La Poste financière par le Gouvernement, notamment au travers du contrat de plan Etat-La Poste tel qu'il a été signé. Il faut rappeler, parce que l'on a tendance à l'oublier, que le président de La Poste a été autorisé par son conseil d'administration à signer ce contrat de plan.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Mais sans l'aval des organisations syndicales !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Peut-être, madame Beaudeau, mais vous êtes trop respectueuse de la démocratie pour ne pas savoir ce qu'est une majorité.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Dites quand même qu'aucune organisation syndicale ne l'a approuvé !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Quoi qu'il en soit, je crois qu'il était important de détailler le contenu de l'amendement tout à fait remarquable qui a été déposé par le président de la commission des affaires économiques, M. Gérard Larcher, et sur lequel la commission émet un avis favorable.
M. le président. Madame la ministre, pour la clarté du débat, je me permets de vous demander d'emblée l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 32 rectifié quater.
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse sur cet amendement et retire son amendement n° 136 rectifié.
M. le président. L'amendement n° 136 rectifié est retiré.
En conséquence, les sous-amendements n°s 137 rectifié, 138 rectifié et 139 rectifié n'ont plus d'objet.
La parole est à M. Pierre-Yvon Trémel, pour présenter l'amendement n° 124 rectifié.
M. Pierre-Yvon Trémel. Mme la ministre, M. le président de la commission et M. le rapporteur ont tous les trois dit que nous vivions un moment exceptionnel. D'ailleurs, au moment où M. le rapporteur s'exprimait, comme pour souligner la solennité de l'instant, sonnaient les douze coups de minuit ! (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Odette Terrade. Et en plus il neige !
M. Pierre-Yvon Trémel. En tout cas, sur un sujet aussi important, nous aurions vraiment aimé travailler dans de meilleures conditions. Ce n'est en effet qu'hier, en commission, que nous avons pu prendre connaissance de l'amendement du Gouvernement et de l'amendement de MM. Larcher et Hérisson, du moins dans sa version initiale. Ce soir, en séance publique, nous est finalement soumis un amendement qui n'a pas subi moins de quatre rectifications ! Comment, dans ces conditions, n'aurions-nous pas beaucoup de mal à suivre ?
J'ai évoqué à plusieurs reprises la nécessité vitale d'étendre la gamme des services financiers de La Poste. Car c'est bien sa survie - ainsi que celle du réseau postal, en particulier dans les secteurs ruraux - qui est un jeu.
Pour l'heure, nous avons un engagement du Gouvernement, inscrit dans le contrat de plan qui vient d'être signé : « La Poste et l'Etat conviennent du principe de la création en 2005, dans des conditions de droit commun, d'un établissement de crédit portant l'ensemble de l'activité », qui pourra octroyer des prêts immobiliers sans épargne préalable.
C'est tout et c'est beaucoup.
C'est beaucoup dans la mesure où est annoncée la création d'un établissement de crédit portant l'ensemble de l'activité, ce qui constitue un véritable bouleversement, ainsi que plusieurs orateurs l'ont souligné. On peut évidement discuter le bien-fondé de la création de cet établissement.
C'est peu dans la mesure où la seule activité nouvelle que La Poste est aujourd'hui autorisée à proposer à ses clients, c'est le crédit immobilier sans épargne préalable. Et encore faudra-t-il attendre 2005, plutôt sans doute 2006, pour que La Poste soit vraiment opérationnelle à cet égard.
Il convient de préciser que cette activité est complexe, mais qu'elle ne dégage pas une très forte rentabilité.
Tout le monde sait que, si cet élargissement des compétences financières de La Poste n'est pas négligeable, il n'est pas suffisant.
Nous sommes tous d'accord pour reconnaître trois faits.
Premièrement, chacun convient que La Poste est en train de devenir la « banque des vieux ». En effet, 26 % des encours des services financiers de La Poste sont détenus par des clients de plus de soixante-quinze ans, et 49 % par des clients de plus de soixante-cinq ans.
Deuxièmement, il est communément admis que l'avenir des services financiers de La Poste est aujourd'hui menacé, et cela met en danger l'avenir même du groupe La Poste compte tenu de la contribution des services financiers à ses résultats. Cette menace est très perceptible dans les petits bureaux.
Troisièmement, il est clair pour tout le monde que La Poste n'est pas une banque comme les autres. Elle est porteuse de certaines valeurs : accessibilité, proximité, simplicité. Elle permet, cela a été amplement souligné, l'accès de toutes le catégories de clientèle au système bancaire. Le livret A et le service des mandats, en particulier, jouent un rôle de porte-monnaie pour des populations défavorisées.
Pour que La Poste puisse être sauvée, pour qu'elle puisse jouer sa « dernière chance », l'une des solutions consiste à l'autoriser à élargir sa gamme de services financiers, en particulier à offrir des crédits à la consommation en plus des prêts immobiliers sans épargne préalable.
C'est l'objet de notre amendement : nous demandons la modification du quatrième alinéa de l'article 2 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, qui définit les missions de La Poste.
Celle-ci pourrait ainsi offrir « des prestations relatives aux moyens de paiement et de transfert de fonds, aux produits de placement et d'épargne, à la gestion des patrimoines, à des prêts d'épargne-logement sans épargne préalable, à des prêts à la consommation au bénéfice du plus grand nombre et à tous produits d'assurance ».
Nous estimons en effet que le Gouvernement ne prend pas un engagement ferme, c'est-à-dire normatif, ayant force de loi, quant à la distribution par La Poste du prêt à la consommation.
Mme la ministre vient de retirer l'amendement n° 136 rectifié. L'un des alinéas de cet amendement prévoyait : « La Poste peut offrir des services financiers dans les conditions et les limites fixées par le contrat de plan. » Or ledit contrat de plan précise nettement que, jusqu'en 2007, seuls les crédits immobiliers sans épargne préalable peuvent être accordés. Cela signifie bien que l'on veut renvoyer au-delà de 2008 la possibilité pour La Poste d'accorder des prêts à la consommation.
Je souhaiterais que M. le rapporteur nous dise selon quelles étapes se fera, dès lors, cette évolution.
Pour notre part, nous souhaitons que La Poste puisse accorder de tels prêts. Elle peut d'ailleurs le faire sans devenir une banque postale, en concluant des alliances avec des acteurs financiers. Si l'on a vraiment la volonté de sauver La Poste, on ne peut que considérer que notre amendement se justifie pleinement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 94 et 124 rectifié ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. La commission ne partage pas la vision étroite de l'avenir de La Poste qui paraît être celle de M. Loridant et elle émet un avis défavorable sur l'amendement n° 94.
L'extension des services financiers de La Poste qui est proposée à travers l'amendement n° 124 rectifié est effectivement indispensable. Elle fait d'ailleurs l'objet d'un amendement de la commission. Toutefois, une telle extension ne saurait se faire sans un alignement de La Poste sur les règles de droit commun du code monétaire et financier. C'est pourquoi la commission est également défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur ces deux amendements, car l'amendement n° 32 rectifié quater couvre parfaitement le sujet.
M. le président. La parole est à M. Paul Loridant, pour explication de vote sur l'amendement n° 94.
M. Paul Loridant. Je voudrais surtout poser une question technique à M. le rapporteur.
Aux termes de l'amendement n° 32 rectifié quater, auquel le Gouvernement s'est rallié, c'est à la date du 1er juillet 2005 que cette disposition prendra son plein effet et que la banque nouvelle sera créée.
M. le rapporteur de la commission des finances a expliqué dans son rapport que cette banque allait être créée dans des conditions de droit commun et que, à cet effet, La Poste devrait déposer un dossier d'agrément auprès des autorités compétentes.
Supposons que La Poste dépose son dossier d'agrément le 28 juin 2005. Pouvez-vous me dire, monsieur le rapporteur, comment l'instruction du dossier pourra être réalisée en deux jours, étant entendu que la date du 1er juillet 2005 est impérative ?
En fait, tel qu'il est rédigé, l'amendement n° 32 rectifié quater contredit en quelque sorte la démarche qui avait été annoncée et explicitée par notre rapporteur général en commission des finances.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Monsieur Loridant, le scénario que vous évoquez, c'est votre scénario !
Nous sommes en janvier 2004. La date prévue est le 1er juillet 2005. Cela laisse tout de même un laps de temps relativement long. Je ne vois pas pourquoi La Poste ne déposerait sa demande d'agrément que le 28 juin 2005 !
M. Paul Loridant. On ne sait jamais : le Gouvernement improvise en permanence !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Vous pensez bien que, à partir du moment où le cadre législatif permettra à La Poste d'envisager une telle évolution, elle n'attendra pas la dernière minute pour déposer son dossier ! Votre hypothèse ne me paraît vraiment pas raisonnable. Personnellement, je pense que l'intérêt de La Poste est, au contraire, de déposer sa demande le plus tôt possible, compte tenu, bien entendu, des règles à respecter.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 94.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau, pour explication de vote sur l'amendement n° 32 rectifié quater.
M. Gérard Delfau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce moment, je l'attends depuis exactement quatorze ans : la mesure qui nousest proposée aujourd'hui nous a été refusée quatorze ans durant par la majorité sénatoriale, à l'exception de quelques pionniers parmi lesquels se trouvait M. Larcher.
En fait, les postiers attendent de devenir des acteurs majeurs des services financiers depuis un demi-siècle. De génération en génération, ils se sont transmis l'idée qu'ils pourraient un jour ne plus être les supplétifs des banquiers, ne travaillant que lorsque la banque traditionnelle manque à ses responsabilités, et qu'ils pourraient unifier leurs trois métiers sur la même base afin de donner à chaque bureau de poste suffisamment d'activités pour qu'il ait une vie économique, une viabilité.
A chaque étape, le secteur bancaire traditionnel a mené - et mène encore aujourd'hui - une bataille féroce pour éviter l'élargissement des services financiers de La Poste. Nous savons depuis peu que le gouverneur de la Banque de France fait parti des conjurés. Eh bien, mon cher collègue Loridant, je suis content d'être dans l'autre camp !
J'ai entendu dire qu'un groupe à vocation mutualiste, pour lequel je me suis battu, souhaiterait, lui aussi, que La Poste ne devienne pas cet acteur majeur. Je ne veux pas le croire !
De quoi s'agit-il ? Il s'agit de savoir si l'on va condamner La Poste au dépérissement, puis à la disparition en quelques années, ou si nous allons lui donner une nouvelle chance.
Le président de la commission, Gérard Larcher, l'a fort bien rappelé, ce débat est ancien : 1901-1918. Il a fallu une guerre pour que La Poste puisse acquérir sa maturité et délivrer des CCP !
Heureusement, ce soir, la guerre entre nous n'est que verbale et elle se livre à fleurets mouchetés. Quoi qu'il en soit, si nous refusons de franchir ce pas, si nous repoussons l'amendement qui nous est proposé par le président de la commission des affaires économiques du Sénat - et je dois avouer que cette paternité rend ma position plus aisée - alors, dans un avenir qui est déjà inscrit dans les résultats de ces dernières années, les services financiers de La Poste disparaîtront et les 3 millions à 4 millions de Français qui, selon Daniel Lebègue, un orfèvre en la matière, trouvent aujourd'hui refuge dans ces services financiers seront privés de l'accès à ce qu'il faut bien appeler, même si ce n'est pas inscrit dans la loi, une forme de service public.
La difficulté - et il me faut bien l'admettre - est que, pour parvenir à cette plénitude de compétences, l'évolution au cours de ces vingt dernières années des règles prudentielles et l'organisation à l'échelle européenne du secteur bancaire et financier font que nous sommes obligés de passer, ce que je n'avais pas prévu quand je me suis engagé dans ce combat, par un établissement de crédit filialisé de La Poste.
Disant cela, je sais - et je retrouve là nos collègues communistes et leurs craintes - que nous faisons un pari risqué. En effet, je sais qu'un gouvernement - pas celui-ci, puisqu'il nous promet qu'il ne le fera pas, mais un autre demain - pourra faire passer La Poste du statut de filiale à celui de l'autonomie, puis de l'autonomie à l'indépendance, et créer ainsi la banque postale que je récuse, pour ma part, depuis toujours et pour toujours. Une telle banque ne serait pas viable, et je suis convaincu que c'est la mort de La Poste si cette partie essentielle de son histoire, si l'un de ses trois métiers est soustrait au périmètre d'activité de l'entreprise publique.
Le dilemme est donc le suivant : d'un côté, la mort presque assurée ; de l'autre, une vie pleine de risques. Eh bien ! je choisis le risque, je choisis l'avenir et, à titre personnel, je voterai l'amendement présenté par le président de la commission des affaires économiques.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yvon Trémel, pour explication de vote.
M. Pierre-Yvon Trémel. Il s'agit ici de prendre position sur un sujet important.
Nous nous doutions un peu de ce qui allait se passer, puisque le contrat de plan était très clair. Aujourd'hui, à partir de tous les documents dont nous disposons, je souhaiterais faire six observations.
Premièrement, toutes les activités financières de La Poste sont filialisées. Le schéma proposé est cependant une usine à gaz qui ne brille pas par la transparence. Le Gouvernement souligne qu'il n'a pas la volonté de remettre en cause l'unité du groupe La Poste ; néanmoins, le cadre qui permettrait de toucher à cette unité est prêt.
Deuxièmement - et ce point est tout à fait fondamental -, avec l'adoption de cet amendement, La Poste sera désormais régie par les règles du droit bancaire. Elle en subira les contraintes, mais elle ne bénéficiera pas de tous ses avantages : La Poste ne sera pas traitée comme une banque à part entière, puisque les activités financières qu'elle peut proposer par l'entremise de ses filiales resteront pour l'instant conditionnées - à moins que le Gouvernement ne prenne d'autres engagements - à ce que prévoit le contrat de plan, à savoir prêts immobiliers sans épargne préalable en 2005 et en 2006, et prêts à la consommation sans qu'aucune échéance ne soit prévue.
Troisièmement, on tente de maintenir le caractère spécifique de l'activité bancaire de La Poste, notamment le fait qu'elle ne choisit pas ses clients, comme les banques privées. Son rôle de « banque sociale » est maintenu.
Les amendements proposés entérinent ce dispositif en disposant que La Poste « propose des produits et services au plus grand nombre, notamment le Livret A ». Cette mission de La Poste acquiert pour la première fois une reconnaissance législative, mais ce n'est qu'une formule. Comment, concrètement, cette pétition de principe sera-t-elle mise en oeuvre ? Comment les surcoûts éventuels et réels seront-ils compensés ?
Quatrièmement, La Poste ne doit pas se comporter comme une banque privée. C'est un service public. Elle doit rester exemplaire. Il faudra donc veiller à ce qu'elle offre ses nouvelles prestations dans une démarche de service public. Or, là encore, rien ne le garantit.
Cinquièmement, des interrogations subsistent sur certaines rédactions : le Gouvernement dit que le réseau postal ne pourra pas être filialisé. Cela devrait apparaître clairement dans le texte ! Or la rédaction proposée, que nous avons découverte très tard, est très alambiquée. Je note d'ailleurs la prudence de M. Marini, à la page 32 de son avis.
Enfin, sixièmement, j'évoquerai l'inquiétude des salariés, qui ont vraiment peur que La Poste ne soit démantelée. Les services financiers de La Poste, c'est 60 000 emplois en équivalent temps plein ! Dans le système proposé, la banque postale devra rembourser le coût de ces 60 000 emplois.
La Cour des comptes juge que les services financiers sont en sureffectif et, comme le note M. Marini dans son rapport, « la banque postale sera confrontée au défi d'un redimensionnement des effectifs ».
Peut-on, alors, évoquer des suppressions d'emplois ? On nous dit que les personnels de La Poste, avec leur accord, pourront aller travailler dans ces établissements de crédit. On sait ce qu'il est advenu à France Télécom ! Nous aurions préféré que tout cela se fasse sur la base d'un réel volontariat.
Je conclurai en indiquant que nous aurions aimé pouvoir participer à un débat sur les moyens nouveaux indispensables à La Poste pour le plein exercice de ces services financiers. Aujourd'hui, cependant, compte tenu de ce qui nous est proposé, nous disons « oui » au crédit à la consommation, éventuellement sous forme de partenariat - nous attendons d'ailleurs une date -, mais « non » à cette banque postale telle qu'elle nous est proposée.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau, pour explication de vote.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Nous voterons évidemment contre cet amendement portant création de la banque postale, privatisation des services financiers, démantèlement de l'ensemble de La Poste.
L'objectif même de la création de la banque postale, même si vous vous en défendez, est de faire des CCP un établissement financier lucratif comme les autres banques, dont les critères et les ratios de profitabilité seront incompatibles avec tout esprit de service public et avec les missions qu'ils effectuent aujourd'hui.
Les indicateurs retenus par le contrat de plan pour les activités financières ne trompent pas : on parle de la maximisation des parts de marché, de la minimisation des frais généraux par rapport au produit net bancaire, de la maximisation du produit net bancaire par client.
Comment penser que La Poste continuera d'offrir ce qu'elle est la seule à faire, c'est-à-dire des services financiers dans des conditions normales, un chéquier, une carte de retrait, tout simplement même un compte, tout ce qui est indispensable à la vie de tous les jours, sans aucune politique de discrimination, à des millions de petits épargnants, de chômeurs, de personnes en interdit bancaire, de personnes âgées, de salariés aux revenus modestes ?
Aider des personnes âgées à s'y retrouver dans leur compte, effectuer de petites opérations sur les livrets A, cela fait directement partie des services qui seront considérés comme non rentables !
Vous n'avez de cesse, chers collègues de la majorité, de qualifier péjorativement La Poste de « banque des pauvres et des vieux » ; c'est pourtant bien eux que la constitution de la banque postale va frapper et exclure en premier ! Eux d'abord, mais pas seulement eux : la dégradation, déjà sensible, de la qualité du service, avec la réduction de l'offre d'accueil, le ralentissement du traitement des dossiers, la raréfaction des relevés de compte, ne pourra que s'accélérer.
La création de la banque postale et sa privatisation auront aussi des effets sur l'ensemble des clients des banques, et pas seulement sur ceux des CCP.
Dans cet univers qui est hautement concurrentiel, La Poste, publique, détentrice dans les faits d'une vocation de service bancaire universel, maintient une tarification des services nettement plus raisonnable que les banques et les incite à se tenir dans certaines limites. Demain privée, la banque postale, comme le mouvement a déjà été amorcé, ne manquera pas d'augmenter ses tarifs et de tirer vers le haut les facturations pratiquées dans l'ensemble du secteur. La Poste ne pourra plus être, par exemple, un rempart contre la généralisation des chèques payants ou la facturation des retraits.
Par ailleurs, concernant les personnels, fonctionnaires ou contractuels, la menace est encore plus grave et immédiate.
Les promoteurs de la banque postale s'évertuent à mettre en parallèle les effectifs des centres régionaux des services financiers de La Poste et ceux des implantations régionales de la BNP-Paribas, qui serviraient à peu près le même nombre de « clients » : 19 430 emplois à temps plein dans les premiers, contre 7 300 dans les secondes. On imagine sans mal la conclusion qu'ils tirent ! D'ailleurs, la création de la Postbank, en Allemagne, a détruit 15 000 emplois en neuf ans.
Les conditions de travail, la nature même des missions seraient immanquablement bouleversées.
Etre fonctionnaire au service de la collectivité ou agent employé dans l'objectif d'optimiser le profit des actionnaires, cela change tout ! Pour les « conseillers financiers » demain, il faudra plus encore qu'aujourd'hui faire du chiffre, quitte à recommander des placements d'épargne risqués plutôt que des livrets A. Les 300 000 personnes qui ont perdu entre 30 % et 65 % de leur mise avec le produit d'épargne « Benefic » en ont déjà fait l'expérience !
La menace porte aussi sur le statut, y compris pour les 30 000 fonctionnaires qui seraient transférés à la filiale financière. L'exemple des fonctionnaires de CDC-Ixis ou de France Télécom montre que les garanties fondamentales attachées au statut de fonctionnaire d'Etat sont attaquées : la nouvelle loi relative à France Télécom ne vient-elle pas de prévoir, entre autres, que l'entreprise s'acquitte d'une assurance chômage pour ses fonctionnaires détachés ?
Au nom d'un risque de « distorsion de concurrence » réprimée par Bruxelles, les retraites pourraient aussi être transférées à moyen terme vers le régime général.
Madame la ministre, je veux souligner un dernier point. Avec ce projet, vous voulez délibérément priver la collectivité d'un de ses derniers instruments financiers majeurs qui soit potentiellement au service du financement des priorités nationales : logement, équipements publics, hôpitaux, certaines branches industrielles...
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, ma conviction est qu'il existe des convergences potentielles très fortes dans ce pays pour mettre en échec votre projet : entre agents de La Poste et usagers, mais aussi entre tous les salariés et usagers de tous les services publics qui sont victimes de la même politique suivant les mêmes scénarios avec seulement un léger décalage dans le temps, qu'il s'agisse de France Télécom, d'EDF-GDF, de la SNCF, de la RATP, de l'hôpital public.
Vous aurez compris que nous ne voterons pas l'amendement de M. Hérisson.
M. le président. La parole est à M. Paul Loridant, pour explication de vote.
M. Paul Loridant. Avant d'expliquer mon vote, je ferai deux mises au point.
Tout d'abord, monsieur le président de la commission des affaires économiques, comme je l'ai dit en défendant l'exception d'irrecevabilité, je ne suis pas opposé au droit d'amendement. Au contraire, j'en suis un fervent défenseur, car il est nécessaire à la vie parlementaire. Dans ces conditions, je ne considère pas, monsieur Larcher, que le fait que vous ayez déposé des amendements soit critiquable.
En revanche, je conteste l'attitude du Gouvernement qui, alors qu'il savait qu'il allait créer une banque postale par la voie d'une filiale, premièrement, n'a pas saisi la commission des finances, qui est compétente au fond, puis deuxièmement, a déposé un amendement lundi en milieu d'après-midi.
Certes, il avait sans doute averti M. Arthuis et M. Marini : j'espère que les relations entre la majorité sénatoriale et le Gouvernement sont bien huilées et que M. le président et M. le rapporteur général de la commission des finances avaient été informés. Mais je peux vous assurer, pour en avoir parlé avec M. Marini, que le président de La Poste ne l'a rencontré que jeudi dernier, après qu'un certain nombre de sénateurs, dont moi-même, ont attiré son attention sur le caractère singulier de la procédure consistant à créer une banque postale sans en saisir au fond la commission compétente aux termes du règlement du Sénat, auquel nous sommes tous attachés.
Mes chers collègues, vous pouvez penser ce que vous voulez, mais je considère que, dans cette affaire, il y a eu improvisation, et la chose est grave parce qu'il s'agit d'un sujet important pour la vie économique de notre pays.
Concernant le fond du dossier, nous considérons que le schéma proposé pour créer cette banque postale par voie de filialisation porte en germe la privatisation à terme. Dans ces conditions, soyons clairs : si vous pensez, mes chers collègues, que l'on va créer une banque postale de droit commun qui pourra s'affranchir des règles du marché et de la concurrence, si vous pensez qu'elle ne va pas être amenée, du fait de la logique même du marché dans lequel elle s'inscrit délibérément, à modifier ses tarifs, alors, franchement, je considère que soit vous êtes naïfs, soit vous ne voulez pas voir la réalité qui se précise.
Nous voterons donc contre cet amendement, considérant qu'il porte atteinte à un service public bancaire qui bénéficie aux plus démunis.
Je voudrais m'adresser, en guise de conclusion, à mon collègue Gérard Delfau. La semaine dernière, la commission des finances a auditionné le gouverneur de la Banque de France. Le président Jean Arthuis lui a demandé ce qu'il pensait de ce projet. Comme les travaux de la commission sont publics, il n'y a pas conjuration. C'est ainsi que j'ai appris quelle était la position du gouverneur de la Banque de France.
M. Gérard Delfau. Elle me conforte dans ma position !
M. Paul Loridant. Cela dit, il aurait été intéressant, sur un tel sujet, d'auditionner les acteurs du secteur bancaire - la profession, les syndicats, les autorités de tutelle - pour connaître leur position. On aurait pu également interroger les acteurs du mouvement mutualiste. Je considère donc que le travail n'a pas été fait dans les formes. C'est d'ailleurs pour cette raison que j'avais opposé l'exception d'irrecevabilité.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Si l'on considère la question sous la forme qui a été invoquée tout à l'heure par notre collègue M. Delfau, je le lui dis amicalement, on a le choix entre mourir et vivre dans le risque.
M. Gérard Delfau. C'est souvent le cas !
M. Jean-Pierre Sueur. Il y a évidemment peu de candidats au suicide et l'on en conclut qu'il faut vivre dans le risque. De toute façon, nous vivons toujours plus ou moins ainsi. Mais, mon cher collègue, ce n'est pas comme si nous avions le choix entre la mort de La Poste et une solution unique. Cet amendement de quatre pages ne comporte pas une sorte de vérité révélée à laquelle il faudrait soit souscrire soit s'opposer en bloc.
Pour notre part, nous considérons que le développement des services financiers de La Poste est absolument nécessaire, mais ce qui nous est proposé par cet amendement ne nous paraît pas acceptable. C'est pourquoi, bien que nous soyons favorables au développement des services financiers - nous l'avons assez dit depuis le début de ce débat -, nous contestons fortement les modalités proposées dans l'amendement de la commission, qui reprend d'ailleurs l'amendement du Gouvernement.
Les dispositions que vous nous soumettez, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, comportent selon moi quatre pièges.
Le premier piège tient à la structure du groupe. Le futur établissement sera une filiale directe ou indirecte. Dans le même temps, on nous dit, ce qui ne mange pas de pain, que le lien avec La Poste sera maintenu par l'unité du groupe. Pourtant, dans ce texte, rien n'empêche une entité dont on ne connaît pas les actionnaires de devenir une filiale de La Poste - à cet égard peut-être certains ont-ils des idées - puis une autre entité, une filiale de la filiale, qui pourra elle-même faire appel à d'autres actionnaires, etc.
Voyez les possibilités de développement dans tous les sens de ce système ! Très rapidement, il sera difficile de bien percevoir l'unité et la cohérence du groupe La Poste.
Le deuxième piège a été souligné avec force par M. Trémel. Il est écrit dans l'amendement que La Poste, d'une part, et l'établissement de crédit, d'autre part, déterminent « les conditions dans lesquelles cet établissement recourt (...) aux moyens de La Poste ». Le texte ne comporte aucune obligation pour l'établissement de crédit, qui pourrait être sous-filiale d'une filiale, de faire appel au réseau, aux moyens et au personnel de La Poste. On peut toujours nous donner des assurances mais, madame la ministre, pourquoi cela n'est-il pas inscrit explicitement dans la loi ? Il y a là une contradiction !
Une distorsion est donc possible. Or, nous l'avons dit au cours de la discussion générale, nous sommes très attachés à ce que les nouveaux services financiers se développent à partir des ressources de La Poste, son réseau et, surtout, son personnel, qui sont sa richesse.
Le troisième piège, c'est que La Poste sera dans le système bancaire et devra continuer à assurer ses missions sociales. Une banque privée qui se trouverait dans cette situation demanderait des compensations, pour l'exercice de ces missions. Or il n'en est pas question aujourd'hui. Le système va être mis en place et La Poste va continuer à supporter les charges qui sont les siennes : elle va donc entrer dans le système sans bénéficier de ses avantages.
Le quatrième et dernier piège - et je conclus, monsieur le président - est d'ordre chronologique. On nous dit que l'on va bénéficier de la loi bancaire et, dans le même temps, que les prêts immobiliers sans épargne préalable ne seront pas effectifs avant 2006 !
Pour ce qui est des crédits à la consommation dont nous avons dit hier qu'ils étaient indispensables, je constate que, à la fin du débat, nous n'avons pas même l'amorce d'une réponse. Nous ne savons ni quand ni comment ils seront mis en oeuvre. En d'autres termes, un nouveau système va être instauré sans donner à La Poste les moyens, notamment financiers, dont elle a besoin pour répondre au défi qui est lancé.
Ces quatre pièges existent, ils sont devant nous, et c'est pourquoi nous voterons, bien sûr, contre cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 32 rectifié quater.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, de la commission des affaires économiques et, l'autre, du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du
scrutin n° 139
:
Nombre de votants | 316 |
Nombre de suffrages exprimés | 315 |
Majorité absolue des suffrages | 158 |
Pour | 205 |
Contre | 110 |
En conséquence, l'article 8 est ainsi rédigé et l'amendement n° 124 rectifié n'a plus d'objet.