SEANCE DU 19 DECEMBRE 2002
LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE
POUR 2002
Adoption des conclusions du rapport
d'une commission mixte paritaire
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions de la commission mixte
paritaire sur le projet de loi de finances rectificative pour 2002.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini,
rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire.
Monsieur le
président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voici les conclusions
d'une commission mixte paritaire qui s'est tenue ce matin, dans un climat
extrêmement cordial et constructif, et qui nous a permis d'aboutir à un accord
sur les vingt-neuf articles qui restaient en discussion.
C'est le dernier texte de cette session budgétaire, monsieur le ministre, qui
a été féconde en débats et qui nous a permis, ici même, au Sénat, d'enrichir
sans doute très sérieusement notre législation financière.
Le travail qui a été effectué avec nos collègues députés est un travail de
fond. Nous avons réfléchi ensemble à quelques questions significatives que je
vais aborder dans quelques instants, c'est également un travail de bon augure
pour la suite de la législature.
Le rapport écrit vous permettra d'aborder dans le détail toutes les
dispositions et je m'en tiendrai à quelques remarques, mes chers collègues.
Ce dernier texte financier de l'année s'inscrit dans une situation économique,
financière et budgétaire très difficile. Il ne faut surtout pas que nos
concitoyens soient placés dans une attitude psychologique qui les conduirait à
sous-estimer ces difficultés. Il ne faut pas non plus que l'administration
publique fasse abstraction de la réalité.
En cette fin d'année, nous observons des signaux qui sont véritablement
préoccupants : une grande société d'assurances fait défaut aux Etats-Unis, des
rumeurs circulent concernant des investisseurs institutionnels importants,
toutes sortes de risques continuent à peser sur le climat financier, donc sur
la croissance, donc sur les conditions de l'équilibre de nos budgets. Surtout,
ne sous-estimons pas cette difficulté.
Dans ce cadre et compte tenu des prises de positions très responsables et tout
à fait conformes aux principes de transparence et de sincérité qui ont été
celles du Gouvernement sur votre initiative, monsieur le ministre, nous avons
donc fait ce qu'il est habituel de faire dans un collectif budgétaire : nous
avons dû tenir compte d'un certain nombre de situations urgentes.
Il n'y a pas lieu de le contester, la réalité conduit à prendre en charge,
dans des conditions souvent difficiles pour les équipes législatives, des
éléments auxquels on ne peut se soustraire, comme la garantie de l'Etat aux
prêts de restructuration financière accordés au Liban, la reconduction, qu'il
fallait décider vite, de l'exonération de la taxe intérieure sur les produits
pétroliers pour les transporteurs de voyageurs, l'indemnisation des victimes de
la maladie de Creutzfeld-Jacob, le crédit d'impôt, qu'il fallait clarifier,
pour relancer les investissements en Corse, les anticipations d'attribution du
FCTVA pour les collectivités victimes d'intempéries dans le cadre de
catastrophes naturelles. Cette liste n'est pas exhaustive.
Nous avons dû faire face à ces situations urgentes. Un collectif est fait pour
retracer toutes ces opérations.
Nous avons eu aussi le souci de rédiger ce texte aussi bien qu'il était
possible sur le plan juridique. Cela nous a conduits, par exemple, à sécuriser
en quelque sorte le droit de retenue des avions qui n'acquittent pas la TGAP,
la taxe générale sur les activités polluantes, mais aussi d'autres dispositifs,
ce matin encore, sur l'initiative de nos collègues députés.
La commission mixte paritaire a fait face à ses responsabilités. Elle a
également observé, monsieur le ministre, que, dans un certain nombre de
domaines, l'urgence, la précipitation plutôt, ne sont pas toujours de bon
conseil. Cette remarque vaut pour le passé, comme pour le présent, bien sûr.
Pour le passé, nous avons dû éliminer des scories liées à la précipitation
d'autrefois. Ainsi, nous avons supprimé le dispositif de la TIPP flottante, ce
dispositif d'opportunité qui constituait une véritable « usine à gaz » et qui,
nous avait-on dit à l'époque, devait être provisoire. Le texte était très
difficilement applicable, très difficilement compréhensible. Le précédent
gouvernement ne s'en était d'ailleurs pas prévalu dans toutes les circonstances
où il aurait pu le faire. C'était une mesure d'opportunité qui n'avait pas
vocation à durer et qu'il fallait supprimer, ce que nous avons fait, à compter
du 1er janvier 2003.
De la même façon, je le dis au risque de mécontenter mes collègues de
l'opposition, nous avons mis fin à un dispositif que nous avons considéré comme
inutile et désuet : la commission nationale et les commissions régionales de
contrôle des fonds publics de la loi Hue, vestige d'une majorité plurielle qui
devait, de temps en temps, concéder à l'une de ses composantes quelques
satisfactions, à vrai dire purement morales et d'une valeur limitée. Sans doute
est-ce une situation politique donnée qui avait conduit à adopter dans la
précipitation ce texte sans grand rapport avec la réalité économique !
Mais, monsieur le ministre, personne n'est à l'abri de cette précipitation.
Et, en examinant les questions agricoles, plus particulièrement les conditions
de passage de l'ANDA à l'ADAR, même pour des enjeux économiques très limités,
pour passer d'une contribution à une autre contribution, pour un changement
d'assiette et d'organisme affectataire, nous avons pu constater que des
simulations et une bonne connaissance des filières d'activité étaient
nécessaires.
Les députés comme les sénateurs de la commission mixte paritaire - il faut le
dire, monsieur le ministre - même s'ils ont validé le dispositif, tout en
l'encadrant autant que possible, n'ont pas été très satisfaits. Ils ont estimé
qu'un dispositif aussi complexe, qui suppose une concertation multiforme, peut
encore réserver quelques surprises.
Nous avons surtout abordé quelques sujets de fond qui peuvent faire l'objet,
dans les mois à venir, de réflexions communes entre les deux assemblées et,
bien entendu, avec le ministère chargé du budget. Je voudrais en évoquer trois,
et je commencerai par la question, qui revient de façon périodique, de la
rémunération des dirigeants des associations. C'est vraiment un sujet de fond,
presque une question de principe : quelle est, pour nous, la nature du
bénévolat associatif ?
Si la commission mixte paritaire fut, sur ce sujet, l'occasion de nombreuses
convergences, nous avons cependant estimé qu'il ne serait pas possible de faire
longtemps encore l'économie d'une réflexion d'ensemble et d'un débat de
fond.
A la vérité, on a voulu, monsieur le ministre, régler par une disposition
fiscale une question qui est loin de n'être que fiscale, et le problème auquel
il faudra un jour apporter une solution claire est celui de savoir si, oui ou
non, il est légitime que des élus associatifs soient rémunérés au-delà du seul
remboursement des frais qu'ils engagent. C'est véritablement une question de
fond, une question de responsabilité, une question à laquelle tous les élus en
contact quotidien avec de nombreuses associations, tous les élus locaux sont,
bien entendu, extrêmement sensibles.
Souhaitant valoriser le bénévolat dans notre société, il nous faudra sans
doute reprendre ce sujet, peut-être remettre sur le métier le texte très
pointilliste, très complexe, issu de la loi de finances pour 2002. Ce texte de
compromis avait ses mérites, mais il est loin, nous l'avons vu, de régler tous
les problèmes qui se posent.
Le deuxième sujet qui devrait également faire l'objet de quelques réflexions
approfondies, monsieur le ministre, en ces temps où l'on parle beaucoup de
sécurité et particulièrement de sécurité routière, est celui du devenir des
amendes de police municipale.
Ne serait-il pas légitime d'affirmer haut et fort que les amendes de police
municipale sont bien des deniers communaux et d'organiser, en conséquence, un
circuit financier et budgétaire court au bénéfice des budgets des communes
concernées, en particulier des communes urbaines ? Voilà un sujet auquel les
maires sont particulièrement sensibles et qui devra être abordé dans le
contexte de l'acte II de la décentralisation. Dès lors que l'on renforce les
pouvoirs des polices municipales en matière de répression de l'insécurité
routière et de répression de l'alcoolisme, dès lors, donc, que les
interventions de ces polices se multiplient, la question doit apparaître dans
toute son étendue, et il est bon que nous l'ayons soulevée au cours de nos
débats.
Le troisième et dernier sujet, l'évolution des organes dirigeants de la Banque
de France, devra sans doute être l'objet de travaux patients : c'est un
véritable chantier qui nous attend là. L'examen prochain du projet de loi sur
la sécurité financière nous en offrira d'ici peu l'occasion.
En effet, nous avons été conduits - ce fut, à la vérité, une initiative
commune aux deux commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat
- à saisir l'opportunité de la fin des fonctions de deux des membres du Conseil
de la politique monétaire pour réduire l'effectif de cette institution à quatre
membres. Cette mesure, néanmoins, ne se suffit pas à elle-même et il conviendra
sans doute, en temps utile - peut-être à l'occasion de l'échéance législative
que je viens d'évoquer - que nous nous posions plus globalement la question de
la gouvernance de notre banque centrale.
Monsieur le ministre, bien entendu, cette loi de finances rectificative aura
fourni au Gouvernement l'occasion de réaliser un certain nombre d'avancées
majeures.
Elle a permis de régler, du point de vue de l'Etat, la question du plan de
redressement financier de France Télécom. De même, elle a permis d'acter la
vente opportunément organisée et réussie de la participation de l'Etat dans le
Crédit lyonnais. Elle a également permis, sur l'initiative de l'Assemblée
nationale, de mettre fin à un mécanisme déresponsabilisant à tous égards, celui
de l'aide médicale de l'Etat totalement gratuite, et ce en instaurant un ticket
modérateur. Le collectif budgétaire a ainsi réglé des questions assez
fondamentales.
En cette ultime étape de la session budgétaire, permettez-moi, monsieur le
ministre, monsieur le président de la commission des finances, mes chers
collègues, de vous remercier les uns et les autres d'avoir contribué à toutes
ces décisions. En dépit des nuages qui sont au-dessus de nous, je souhaite que
les dossiers économiques et financiers de l'année 2003 soient bien maîtrisés,
que nous puissions progresser ensemble dans une politique de réforme dont le
pays a besoin, une politique qui nécessite à la fois rigueur dans l'analyse des
problèmes et clarté dans la conception et dans la mise en oeuvre des stratégies
de l'Etat. Il est vrai que la période que nous vivons sollicite beaucoup nos
imaginations.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Et vous en avez, de l'imagination, monsieur le rapporteur général !
M. Roland Muzeau.
La vôtre est fertile, monsieur le rapporteur général !
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Merci de le reconnaître, chers collègues.
(Sourires.)
Nous ne pouvons plus nous satisfaire de formules toutes faites, d'habitudes
casanières. Il faut innover face à des situations que nous n'avons jamais
connues, face à des risques que la France a très rarement connus au cours de
son histoire économique et politique.
Monsieur le ministre, en cette fin d'année, permettez-moi de vous souhaiter, à
titre personnel ainsi qu'au nom de la commission des finances, une heureuse fin
d'année, avant que vous n'ayez à affronter toutes les difficultés qui nous
attendent.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Le pauvre, on va le plaindre !
(Rires.)
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Mais je suis persuadé que, avec la patience que vous avez et
animé des convictions qui sont les vôtres, vous saurez imprimer votre marque
sur nos finances publiques et sur la politique économique de notre pays.
(Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi
que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Alain Lambert,
ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.
Monsieur le
président, mesdames, messieurs les sénateurs, cette lecture des conclusions de
la commission mixte paritaire sur le collectif d'automne constitue notre
dernier rendez-vous budgétaire, notre dernier rendez-vous législatif, même, de
l'année 2002.
Nous avons, ensemble, accompli une oeuvre législative importante au cours des
six derniers mois.
Le collectif d'été a rétabli la vérité des chiffres, en modifiant une loi de
finances initiale aux recettes surévaluées et aux dépenses sous-estimées. Il a,
d'emblée, traduit un engagement fort du Gouvernement, en amorçant la baisse de
l'impôt sur le revenu des Français.
Le projet de loi de finances pour 2003 a amplifié cette orientation, en
poursuivant la baisse des impôts et des charges en faveur de l'initiative et de
l'emploi ; il a, par ailleurs, été marqué par un vaste redéploiement des
crédits en faveur des priorités du Gouvernement.
Ce collectif d'automne constitue le troisième pilier de ce travail commun.
Comme pour le collectif d'été et le projet de loi de finances pour 2003, la
commission mixte paritaire s'achève sur un succès : le Gouvernement s'en
réjouit.
Je vous indique d'emblée que ce texte reçoit, en totalité, l'approbation du
Gouvernement, qui n'a aucun amendement à y apporter, même de nature technique.
C'est dire qu'il est de qualité et tel que vous l'avez décrit. En somme, votre
travail est parfait, mesdames, messieurs les sénateurs !
(Sourires.)
Revenons brièvement, tout d'abord, sur les grands enjeux de ce collectif.
Il s'agit, tout d'abord, d'enjeux de sincérité budgétaire. Cette question a
été longuement évoquée devant vous lors de la présentation des conclusions de
la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances pour 2003. Je me
bornerai donc à rappeler que, pour la première fois, un collectif d'hiver
s'écarte des prévisions associées au projet de loi de finances de l'année
suivante, afin de prendre en compte les dernières données disponibles. C'est un
progrès certain.
Il s'agit, ensuite, de traiter de nombreuses questions pendantes, dont
certaines très importantes. Je pense notamment à la décristallisation des
pensions d'anciens combattants ou à la réforme du statut et du financement de
l'ANDA, dont j'admets volontiers la difficulté. Nous aurions sans doute eu
intérêt à bénéficier de davantage de temps pour le mettre en oeuvre. Je ne vous
ai pas caché les contraintes qui existaient à propos de l'ANDA et la nécessité
de disposer d'un outil immédiatement disponible pour financer le
développement.
Les dispositions adoptées en matière fiscale faciliteront l'adaptation de
l'administration au développement des nouvelles technologies, en simplifiant
les formalités des contribuables. C'est le cas pour les téléprocédures de
déclaration des revenus, mais aussi pour la fourniture de services par
l'internet, pour laquelle les règles applicables en matière de TVA sont
désormais clarifiées.
De même, le Parlement poursuit les efforts de simplification engagés dans le
cadre du projet de loi de finances pour 2003, qu'il s'agisse des règles de
facturation en matière de TVA ou encore de la mise en place d'un interlocuteur
fiscal unique au profit des entreprises.
Qu'il me soit permis de relever qu'à l'occasion de ce texte l'initiative
parlementaire a, comme lors du débat budgétaire, pu pleinement s'épanouir.
Trente amendements ont été adoptés par le Sénat en première lecture ; la
commission mixte paritaire les a presque tous retenus.
Le Gouvernement a, par ailleurs, le sentiment d'avoir tenu de nombreux
engagements pris auparavant devant vous. Je relève, par exemple, l'exonération
des dons reçus par les entreprises et les particuliers victimes de catastrophes
naturelles ou de sinistres exceptionnels. Une solution a pu être trouvée pour
adapter le dispositif des chèques-vacances aux entreprises de moins de vingt
salariés, dispositif qui avait fait, ici même, l'objet d'un long débat lors de
l'examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2003.
Comme le Gouvernement s'y était également engagé, le collectif a permis de
mettre en oeuvre une réforme très attendue par nos entreprises de commerce
maritime. La création d'un régime d'imposition spécifique, la « taxe au tonnage
», leur permettra désormais de lutter à armes égales avec les entreprises
étrangères d'armement au commerce, et de faire face efficacement à une
concurrence qui ne cesse de s'accroître. Je salue, à cette occasion, le rôle
décisif de M. Jacques Oudin dans l'aboutissement de cette réforme.
Le débat a, en outre, permis d'insérer dans le collectif des dispositions qui
répondent au souci d'améliorer l'efficacité de mécanismes existants. Je pense
tout particulièrement à la prorogation des dispositions relatives aux zones
franches urbaines ou encore à l'unification du crédit d'impôt prévu dans le
cadre de la loi du 22 janvier 2002 relative à la Corse, adoptée sur
l'initiative du Sénat.
Toutes ces dispositions ont été confirmées par la commission mixte
paritaire.
Le débat parlementaire a, enfin, conduit à des améliorations substantielles du
texte du Gouvernement sur différents points, notamment le régime fiscal des
biocarburants, pour lequel l'avantage fiscal a été revalorisé, tout en
préservant un juste équilibre dans la compensation des coûts de production. Le
dispositif, tel qu'il sera adopté, me paraît répondre pleinement à l'objectif
de soutien efficace à cette filière, que nous partageons tous ici.
La commission mixte paritaire a aussi eu à débattre de l'affectation des
amendes de police. Elle n'a pas retenu, pour les communes disposant d'une
police municipale, le dispositif d'affectation directe du produit des amendes.
J'approuve ce choix, et voudrais vous redire qu'un tel mécanisme n'était pas,
techniquement, possible. Il aurait, par ailleurs, entraîné des transferts de
ressources entre communes qui méritent d'être préalablement examinés avant
toute décision définitive.
S'agissant de la réforme de l'ANDA, la commision mixte paritaire a retenu le
texte du Sénat qui comporte le dispositif d'écrêtement - vous l'avez déjà
d'ailleurs amélioré vous-même, monsieur le rapporteur général -, de nature à
limiter les transferts de charges.
Sur la question du taux de retour, qui a fait l'objet de nombreuses
interventions lorsque nous avons examiné le collectif, lundi dernier, je
souhaite rappeler deux points.
D'une part, cette question ne peut être tranchée par la loi ; j'y insiste,
parce que je sais que certaines filières auraient souhaité qu'elle le soit,
mais, outre le fait que c'était nier le principe même de la solidarité entre
filières, cela risquait d'instituer une affectation de recettes juridiquement
plus que douteuse.
D'autre part, je réaffirme que les représentants du Gouvernement au conseil
d'administration seront mandatés pour veiller à l'équité des interventions de
l'établissement public. La réforme de l'ANDA constituera donc - nous l'espérons
- un progrès pour les filières qui bénéficiaient de prestations insuffisantes,
et non l'inverse.
Finalement, la discussion de ce projet de loi de finances rectificative, au
cours de laquelle le Gouvernement s'est efforcé d'être pleinement à votre
écoute, mesdames, messieurs les sénateurs, et sur quelque travée que vous
siégiez - en tout cas, il a essayé de le faire du mieux qu'il a pu -, a abouti
à un texte équilibré et satisfaisant. Le Gouvernement vous demande donc
d'adopter le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire.
En réponse à la remarquable intervention de M. le rapporteur général, je
relève que, en effet, des aléas, à l'évidence, pèsent sur l'exécution de
l'année 2003. Soyez assuré, monsieur le rapporteur général, que j'exercerai une
vigilance sans défaut sur l'exécution du budget adopté par le Parlement.
Dans cette tâche, la vigilance du Parlement ne sera pas superfétatoire : nous
avons tous à être vigilants dans la période à venir. N'oublions jamais, en
effet, que nous consommons le fruit du travail de nos compatriotes, lesquels
sont très souvent mis à l'épreuve. Ils seraient étonnés, peut-être même
blessés, de savoir que, dans certains ministères, on se croit obligé de
dépenser la totalité des crédits qui ont été autorisés par le Parlement. C'est
une déviation de l'esprit.
M. Michel Charasse.
Une bêtise !
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
En effet, monsieur le sénateur, vous avez raison ! Je
pense que la vigilance est de notre devoir de responsables politiques, toutes
opinions confondues, sachant que l'exécutif a, plus que d'autres, obligation
d'être vigilant en ces matières.
Monsieur le rapporteur général, vous m'avez marqué votre confiance et souhaité
que j'imprime ma marque sur l'action gouvernementale. Si marque il doit y
avoir, il s'agit non pas d'une empreinte individuelle, mais bien de la trace de
l'enseignement que j'ai moi-même reçu quand je siégeais au sein de la
commission des finances du Sénat. J'espère que vous m'aiderez dans cette oeuvre
tout au long de l'année 2003.
Avant de conclure, je tiens à vous remercier de vos voeux et à vous adresser
les miens, monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la
commission des finances. Ces voeux s'adressent aussi aux membres de la
commission des finances, à laquelle je reste attaché, à vous, monsieur le
président, mesdames, messieurs les sénateurs, ainsi qu'à tous ceux qui ont
permis la discussion des textes budgétaires : je souhaite à chacun
d'excellentes fêtes de fin d'année et une très bonne année 2003.
(Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste ainsi que
sur certaines travées du RDSE. - M. Michel Charasse applaudit
également.)
M. le président.
Merci de vos voeux, monsieur le ministre.
La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, la commission
mixte paritaire réunie pour un ultime examen du projet de loi de finances
rectificative pour 2002 est parvenue à un accord sur les vingt-neuf articles
qui restaient en discussion - vingt-neuf sur plus de soixante-dix - et en a
adopté la quasi-totalité dans l'esprit sinon dans la forme qui avait prévalu
lors de leur adoption par notre assemblée.
Ces conclusions, comme celles d'hier sur le projet de loi de finances pour
2003, nous montrent combien Gouvernement, majorité à l'Assemblée nationale et
majorité au Sénat sont déjà bien rodés, malgré quelques impressions de «
cafouillage », dans l'art de faire passer à la sauvette et en court-circuitant
le débat parlementaire des réformes lourdes de conséquences pour l'immense
majorité du monde du travail.
Comme nous l'avons souligné au cours de la discussion, ce projet de loi de
finances rectificative consacre, d'abord, la détérioration des finances
publiques, renforcée par les mesures prises dans le collectif budgétaire de cet
été, avec une réduction sensible des recettes fiscales sous l'effet cumulé de
la baisse de l'impôt sur le revenu, du ralentissement de la consommation
populaire, de la baisse de l'investissement des entreprises et de
l'accroissement sensible du nombre des sans-emploi.
Dès le projet de loi initial, cette situation a servi de prétexte au
Gouvernement pour décider d'importantes annulations de crédits, notamment une
coupe claire de 10 % dans le financement des logements sociaux PLA - les prêts
locatifs aidés - et dans les plans de rénovation PALULOS, ou primes à
l'amélioration des logements à usage locatif et à occupation sociale.
Ce que vous avez donné aux contribuables les plus aisés avec la baisse de
l'impôt sur le revenu, monsieur le ministre, on voit bien où vous le prenez
!
Ce collectif budgétaire laisse aussi clairement présager des annulations de
crédits de même nature pour l'exécution du budget pour 2003, qui est presque
virtuel, avec sa prévision de croissance totalement irréaliste. La presse
l'annonce déjà et votre pessimisme, ce soir, nous le démontre.
Ces dispositions seules auraient suffi à justifier notre opposition totale à
votre projet de loi. Mais, entre la version initiale et celle que vous nous
demandez d'approuver aujourd'hui, monsieur le ministre, que de cavaliers
budgétaires d'une grande gravité sont venus s'ajouter au dispositif !
Vous avez, tout d'abord, reporté le début de la discussion d'une semaine, pour
pouvoir intégrer à ce collectif l'article 45, qui entérine le plan « Mer-Breton
» concernant l'avenir de France Télécom.
Je n'y reviens pas, mais cette nouvelle disposition, gravissime, participe à
un objectif de renflouement de la dette de l'opérateur par les contribuables,
les usagers et les salariés, pour mieux préparer la privatisation totale de
cette entreprise stratégique et la liquidation du service public.
La majorité de l'Assemblée nationale n'a pas été en reste pour noircir le
tableau, notamment avec une mesure hautement symbolique d'une conception des
valeurs de notre pays : la fin de l'aide médicale de l'Etat aux malades
étrangers sans titre de séjour, avec l'instauration d'un ticket modérateur qui
sera à leur charge. Excusez-moi de vous le dire, monsieur le ministre du
budget, vos arguments, ici, au Sénat, sur ce nouvel article étaient tout à fait
fallacieux. Il ne s'agit pas de mettre fin, comme vous avez voulu nous le faire
croire, à une inéquité entre malades français et malades étrangers sans titre
de séjour valable : vous savez bien que les seconds ne bénéficient pas de la
CMU.
Vous devriez plutôt méditer, chers collègues, sur l'apport indispensable des
médecins et des infirmiers étrangers au bon fonctionnement de notre système de
santé. Cet apport comble en effet des politiques désastreuses de restrictions,
de
numerus clausus
des étudiants en médecine, poursuivies depuis des
années. J'ajouterai qu'en faisant payer les étrangers résidant sur notre
territoire sans titre de séjour vous admettez implicitement qu'ils perçoivent
des revenus, fruit d'un travail non déclaré pour des patrons peu regardants.
Comme d'habitude - cela semble être devenu sa raison d'être depuis le
changement de majorité -, notre assemblée a lourdement aggravé ce texte de loi
par des mesures qui, cela ne nous surprend guère, ont presque toutes été prises
en commission mixte paritaire.
La majorité sénatoriale a de nouveau excellé dans l'art de défendre tel ou tel
lobby patronal et dans celui de jouer un rôle de cabinet de conseil en
fiscalité pour qu'entreprises, hauts revenus et gros patrimoines puissent,
comme l'on dit dans ces milieux, atteindre « l'optimisation fiscale »,
c'est-à-dire payer le moins d'impôts et de charges possibles. Le problème est,
chers collègues, que vous êtes aussi du côté de ceux qui modifient la loi et
cette fiscalité : prolongation et extension du régime des zones franches
urbaines, nouvelles exonérations de charges, de taxes diverses..., vous vous
êtes inscrits dans la continuité du projet de loi de finances.
Mais surtout, vous avez ajouté
in fine
un article abrogeant la loi du 4
janvier 2001 relative au contrôle des fonds publics accordés aux entreprises,
qui a été repris par la commission mixte paritaire.
Est-ce pour éviter d'assumer vos choix politiques, chers collègues, et en
particulier vous, monsieur le rapporteur général ? C'est en tout cas ce que
laisse suggérer le procédé réellement cavalier que vous avez utilisé. La
violence de vos propos dans la discussion d'avant-hier le confirme.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
La violence était bien partagée !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Mais, monsieur Marini, qu'est-ce qui peut bien vous ennuyer dans le fait que
la puissance publique, avec des représentants élus, notamment des
parlementaires, les représentants patronaux et salariés, ait un droit de regard
sur l'utilisation que les entreprises font des fonds publics que vos lois et
dispositifs leur accordent si généreusement et si souvent au nom de l'emploi
?
Je suppose que vous ne partagez pas mon point de vue selon lequel il faudrait
supprimer toutes ces mesures prochainement.
Au contraire, M. le Premier ministre ne cesse de répéter, notamment, que les
exonérations de cotisations patronales constituent la « clé de voûte » de sa
politique économique.
Mais que craignez-vous ?
Sans doute savez-vous aussi bien que nous que ces dispositifs, largement
renforcés par le gouvernement précédent, coûtent déjà 19 milliards d'euros à la
sécurité sociale et à l'UNEDIC sans effets prouvés sur l'emploi. Mais vous ne
voulez surtout pas que cela apparaisse ! C'est d'ailleurs à cette fin que vous
avez empêché, monsieur le ministre, la commission nationale des aides publiques
aux entreprises de fonctionner, que vous avez entravé l'action des commissions
régionales et rendu impossible - parce que c'est la question - la réalisation
du premier rapport inscrit dans la loi.
Cette loi, il est vrai, n'était pas la panacée ; c'était plutôt une porte
entrouverte. Votre choix de l'abroger est, en revanche, très lourd de
signification.
Les salariés de Daewoo en Lorraine, de Hewlett-Packard en Isère et de Gemplus
à Sarcelles et dans les Bouches-du-Rhône, qui sont victimes aujourd'hui de
plans sociaux ravageurs, alors que ces entreprises ont bénéficié de ponts d'or
inimaginables pour s'installer, apprécieront et sauront vous exprimer leurs
sentiments.
Déjà une vingtaine de saisines de cette commission ont été déposées. En
refusant de leur donner suite, vous affichez une curieuse conception du
dialogue social. On est loin des propos tenus il y a à peine une heure, au
début de notre séance, par M. François Fillon.
Ce soir, monsieur le ministre, je pense aux salariés de Moulinex qui ont été
licenciés, dans une région qui vous est chère, et qui viennent d'assister au
bradage aux enchères de leur outil de travail ultramoderne et performant, au
profit de la concurrence.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, la colère engendre la révolte. Nous
sommes dans le camp de la révolte ; vous avez même eu le mérite de le rappeler
dans le débat en parlant de « langage de classe ». Ne sous-estimez pas la force
de résistance et de reconquête de ce camp !
Evidemment, vous l'avez compris, nous voterons contre les conclusions de la
commission mixte paritaire.
(Applaudissements sur les travées du groupe CRC
et du groupe socialiste.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, en application de l'article 42, alinéa 12, du règlement,
lorsqu'il examine après l'Assemblée nationale le texte élaboré par la
commission mixte paritaire, le Sénat se prononce par un seul vote sur
l'ensemble du texte.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire :