SEANCE DU 19 DECEMBRE 2002
RESPONSABILITÉ CIVILE MÉDICALE
Adoption d'une proposition de loi en deuxième lecture
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, de la proposition
de loi (n° 106, 2002-2003) relative à la responsabilité civile médicale.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Jacob,
ministre délégué à la famille.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout
d'abord d'excuser M. Jean-François Mattei qui ne peut être au Sénat ce soir,
car il doit honorer un engagement prévu de longue date. Il m'a chargé de le
représenter.
Je ne reviendrai pas sur la proposition de loi déposée par M. le président
About : elle a été longuement discutée le 12 novembre dans cet hémicycle.
L'Assemblée nationale, hier soir, a adopté cette proposition de loi, et je
m'en réjouis.
L'urgence qui nous était imposée n'a pas échappé aux députés et ils ont eu,
comme vous, à coeur de mettre les professionnels et les établissements de santé
en situation de pouvoir travailler dans une plus grande sérénité dès le 1er
janvier prochain.
Cette proposition de loi a déjà eu un effet concret : celui d'éviter une
hémorragie complète des assureurs, et de permettre la mise en place d'un pool
provisoire de co-assurance.
Ce pool résulte de l'union des assureurs, français pour la quasi-totalité :
Axa, AGF, MMA, Groupama-GAN, GEMA, SHAM.
Opérationnel depuis le 2 décembre dernier, ce pool est destiné à offrir une
couverture d'assurance aux établissements et aux professionnels qui n'ont pas
trouvé d'assureur par eux-mêmes, et ce dès le 1er janvier 2003. Il a été déjà
saisi par deux cents établissements de santé et par près de six cents
praticiens.
Les premières attestations d'assurance ont été adressées la semaine dernière
et, dès cette semaine, une procédure d'urgence a été mise en place pour
notifier très rapidement aux professionnels et aux établissements de santé une
couverture provisoire.
Evidemment, tous les problèmes ne sont pas réglés, et nous allons être
maintenant confrontés à la question des primes d'assurance. Sur cette question,
je note cependant la proposition des caisses d'assurance maladie de prendre en
charge une part significative des primes d'assurances des professionnels de
santé du secteur 1 pour les disciplines dans lesquelles les augmentations sont
les plus fortes.
Mais les professionnels et les établissements de santé seront couverts au 1er
janvier : c'était la priorité absolue, et la présente proposition de loi rend
heureusement possible la réalisation de cet objectif.
Par ailleurs, le Gouvernement a présenté à l'Assemblée nationale un amendement
tendant à insérer un nouvel article. Les députés l'ayant adopté, il est devenu
l'article 7, dont l'objet est extérieur à celui de la proposition elle-même. Il
vise à maintenir en situation d'exercice légal au 1er janvier prochain et pour
une durée supplémentaire d'un an les aides opératoires qui travaillent dans les
établissements de santé privés.
En effet, l'article L. 4311-13 du code de la santé publique, issu de la loi du
27 juillet 1999 portant création d'une couverture maladie universelle, avait
prévu que des aides-instrumentistes et des aides opératoires pouvaient, à titre
dérogatoire, accomplir des actes d'assistance auprès d'un praticien au cours
d'une intervention chirurgicale, et ce à deux conditions : exercer depuis au
moins six ans à la date de publication de la loi et avoir satisfait, avant le
31 décembre 2002, à des épreuves de vérification des connaissances dans des
conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat.
Lorsque nous sommes arrivés aux affaires, rien n'avait été fait depuis 1999,
et nous avons été contraints de préparer dans l'urgence un décret en Conseil
d'Etat organisant les épreuves. Compte tenu des délais d'examen, ce décret n'a
été publié que le 12 octobre dernier, ce qui a limité les possibilités de
présentation aux épreuves.
Un délai supplémentaire permettra de régulariser la situation d'un personnel
indispensable aux établissements d'hospitalisation. En effet, la permanence des
soins serait menacée si ce personnel devait cesser d'exercer, faute d'avoir
passé les épreuves.
Cette régularisation mettra fin à une incohérence dans la situation des
personnels des blocs opératoires. Elle garantit la légalité des conditions
d'exercice des aides opératoires, sans pour autant remettre en cause la
qualification des infirmières de bloc opératoire.
(Applaudissements sur les
travées de l'UMP, de l'Union centriste et sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Louis Lorrain,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président,
monsieur le ministre, mes chers collègues, l'Assemblée nationale a adopté hier
soir en première lecture la proposition de loi d'origine sénatoriale relative à
la responsabilité civile médicale. Elle n'a pas modifié le dispositif adopté
par le Sénat le 12 novembre dernier, mais l'a simplement complété par un
article additionnel résultant d'un amendement présenté par le Gouvernement et
relatif aux aides opératoires.
Je rappelle très brièvement que la proposition de loi s'articulait
essentiellement autour de deux dispositions : un partage de l'indemnisation des
infections nosocomiales entre les assureurs et l'Office national
d'indemnisation des accidents médicaux, l'ONIAM, et un nouveau régime juridique
pour les contrats d'assurance en responsabilité civile médicale.
Le rapporteur de l'Assemblée nationale, M. Jean-Pierre Door, a estimé, pour sa
part, que ce texte « de compromis » répondait à une situation d'urgence, ce qui
en justifiait l'adoption rapide et sans modification par l'Assemblée nationale.
Il a souligné que cette proposition de loi ne réglait pas, pour autant,
l'ensemble des questions qui se posent, sur les plans tant économique que
juridique, en matière de responsabilité civile médicale, ce dont chacun était
pleinement conscient ici.
Dès l'adoption de la proposition de loi par le Sénat, des compagnies
d'assurance du marché français, membres de la Fédération française des sociétés
d'assurance, ont constitué, lors d'une assemblée générale qui s'est tenue le 15
novembre, un groupement temporaire d'assurance médicale pour garantir la
couverture, sur l'ensemble de l'année 2003, des professionnels et
établissements de santé dont les contrats d'assurance auraient été résiliés et
qui n'auraient pas pu en contracter d'autres d'ici au 1er janvier 2003.
Ce pool est opérationnel depuis le 2 décembre et il examinera les dossiers des
personnes et établissements concernés, soit environ 2 000 médecins spécialistes
et 700 cliniques privées. Tout sera fait pour que nul ne se trouve démuni
d'assurance au 1er janvier prochain.
Il convient désormais que, pour sa part, le Gouvernement fasse paraître dans
les meilleurs délais le décret créant le bureau central de tarification.
J'aimerais, monsieur le ministre, que vous puissiez confirmer devant le Sénat
que ce décret sera publié très prochainement.
J'en viens maintenant à l'article 7, introduit par l'Assemblée nationale, qui
reporte du 31 décembre 2002 au 31 décembre 2003 la date limite de vérification
des compétences des aides opératoires.
Il s'agit là d'un sujet que la commission des affaires sociales a étudié à de
nombreuses reprises, particulièrement en 1999, lors de l'examen du projet de
loi instituant une couverture maladie universelle.
Le problème posé par l'exercice d'assistance au bloc opératoire par des
personnes non titulaires du diplôme d'infirmier est en effet ancien. Ces
personnes, dont le nombre semble être compris entre 2 000 et 4 000, sont,
depuis le décret du 15 mars 1993, en situation d'exercice illégal de la
profession d'infirmier.
Le décret du 15 mars 2003 relatif aux actes professionnels et à l'exercice de
la profession d'infirmier dispose en effet, dans son article 6, que l'infirmier
participe en présence d'un médecin « aux activités au sein d'un bloc
opératoire, en tant que panseur, aide ou instrumentiste ». Il en résulte que
des personnes non qualifiées ne peuvent exercer certaines fonctions de bloc
opératoire.
Or, dans certains établissements de santé, sont employés, et parfois depuis
fort longtemps, des aides opératoires non titulaires d'un diplôme. Dotées
cependant, pour la plupart, d'une compétence et d'une expérience réelles
d'infirmier ou même, dans certains cas, ne justifiant d'aucun diplôme, ces
personnes exercent leurs fonctions sans base légale ou réglementaire.
Confronté à cette situation, le législateur a souhaité, en 1999, trouver une
solution qui, tout en garantissant le respect des règles de qualification et
d'expérience pro-fessionnelle fixées pour exercer certaines fonctions auprès de
chirugiens, prennent en compte les compétences de ces aides opératoires qui
risquaient d'être licenciés par les chirurgiens qui les employaient.
La commission des affaires sociales avait alors, par la voix de son
rapporteur, M. Claude Huriet, souligné que la « régularisation » de la
situation des personnels exerçant dans les blocs opératoires posait un problème
de sécurité sanitaire et devait impérativement reposer sur des épreuves de
vérification des connaissances des intéressés.
En conséquence, l'article 38 de la loi n° 99-641 du 27 juillet 1999 portant
création d'une couverture maladie universelle a prévu que les aides opératoires
et aides-instrumentistes peuvent accomplir des actes d'assistance auprès d'un
praticien au cours d'une intervention chirurgicale s'ils remplissent deux
conditions : exercer cette activité professionnelle depuis au moins six ans à
la date de la publication de la loi et avoir satisfait, avant le 31 décembre
2002, à des épreuves de vérification des connaissances dans des conditions
déterminées par décret en Conseil d'Etat.
Opposé depuis le début à cette disposition d'origine parlementaire, le
précédent gouvernement n'a jamais publié le décret en Conseil d'Etat qui devait
fixer le cadre de ces épreuves ; les épreuves n'ont donc pas pu être organisées
sous la précédente législature. Le problème soulevé par le législateur n'en
restait pas moins entier.
A l'occassion de l'examen, en première lecture, du projet de loi de
modernisation sociale, le 9 mai 2002, le Sénat avait d'ailleurs supprimé un
article additionnel introduit par l'Assemblée nationale qui repoussait de deux
années la date limite pour l'organisation des épreuves de vérification des
connaissances en la portant au 31 décembre 2004.
Notre commission avait estimé, à juste titre, que la parution du décret
n'avait que trop tardé et serait encore vraisemblablement repoussée si
l'échéance fixée par la loi était elle-même reportée.
Elle avait en outre exprimé la crainte que cette régularisation souhaitée par
le Parlement ne voie finalement jamais le jour, ce qui aurait maintenu
plusieurs milliers de personnes en situation d'exercice illégal de la
profession d'infirmier.
L'Assemblée nationale s'était rangée à ces arguments et n'avait pas rétabli
cet article.
En arrivant aux responsabilités, le nouveau ministre de la santé, M.
Jean-François Mattei, a souhaité que ce dossier puisse être réglé dans les
meilleurs délais.
Le décret relatif à l'organisation des épreuves de vérification des
connaissances des aides opératoires et aides-instrumentalistes a été publié le
12 octobre dernier. Il a été suivi très rapidement par un arrêté, publié le 27
octobre, fixant la première session d'épreuves au 4 décembre et la seconde au
20 décembre.
Il n'en reste pas moins que la parution très tardive des textes - plus de
trois ans après la loi - a limité les possibilités, pour les candidats, de se
présenter dans les meilleures conditions à ces épreuves.
Le Gouvernement souhaite donc prévoir un délai supplémentaire d'un an, qui
permettra d'organiser de nouvelles sessions d'examen et de régulariser ainsi la
situation d'un personnel indispensable aux établissements d'hospitalisation. La
permanence des soins serait en effet menacée si ce personnel devait cesser
d'exercer faute d'avoir pu passer les épreuves.
La commission vous propose, par conséquent, mes chers collègues, d'accepter
cet article additionnel et d'adopter sans modification cette proposition de loi
dans le texte qui résulte des travaux de l'Assemblée nationale.
(Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président.
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau.
Sous la pression des sociétés d'assurance, qui ont pris en otage les
professionnels de la santé en transférant la charge financière de la réparation
des dommages lourds causés par les infections nosocomiales vers la solidarité
nationale, vous indroduisez une nouvelle confusion dans la notion de
responsabilité, confusion que la loi Kouchner avait justement permis de
lever.
Par ailleurs, en touchant au régime juridique des contrats d'assurance en
responsavilité civile médicale, et notamment en portant à seulement cinq ans
après la résiliation ou l'expiration du contrat d'assurance l'engagement de
l'assureur, cette proposition de loi réduit la couverture des réclamations et
pénalise les professionnels qui avaient contracté pour trente ans.
Une fois de plus, le Gouvernement et sa majorité prétendent présenter un texte
équilibré. Une fois de plus, il n'en est rien !
Le débat à l'Assemblée nationale, très encadré dans la mesure où le
Gouvernement souhaitait une adoption conforme pour que le texte entre en
vigueur très rapidement, n'a laissé place à l'adoption d'aucun amendement se
rapportant directement à son objet. En revanche, à la demande du Gouvernement,
une disposition concernant les aides opératoires a été adjointe au texte.
Pas plus qu'en première lecture, les parlementaires communistes ne pourront
voter aujourd'hui la proposition de loi relative à la responsabilité civile
médicale. Nous continuons à penser que cette proposition de loi est bâtie sur
mesure pour les assureurs, qui pourront revenir sur le marché de la santé, s'y
tailler la part du lion, proposer, sans grand risque, des contrats très chers,
tout en gardant la possibilité de renouveler leur chantage quand ils le
jugeront nécessaire pour leurs intérêts financiers.
(Applaudissements sur
les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Jacob,
ministre délégué.
Monsieur le rapporteur, comme vous l'avez rappelé, le
pool temporaire d'assurance peut couvrir les établissements avant même la
publication du décret. En tout état de cause, le Conseil d'Etat étant d'ores et
déjà saisi, cette publication devrait intervenir dans les toutes prochaines
semaines.
Monsieur Muzeau, je vous le rappelle, faute de pouvoir être assurés, un grand
nombre d'établissements de santé étaient menacés de fermeture. Désormais, ce
problème est réglé et ces établissements pourront poursuivre leur activité.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir
de la deuxième lecture au Sénat des propositions de loi, la discussion des
articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du Parlement n'ont
pas encore adopté un texte identique.
Article 7