SEANCE DU 17 DECEMBRE 2002
M. le président.
« Art. 1er. - I. - L'application des dispositions du code de commerce et du
code du travail dans leur rédaction issue des articles 96, 97, 98, 99, 100,
101, 102, 104, 106, 109 et 116 de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de
modernisation sociale est suspendue pour une période maximale de dix-huit mois
à compter de la promulgation de la présente loi, sous réserve des dispositions
prévues au II.
« II. - La suppression des dispositions mentionnées au I est maintenue pour
une durée d'un an à compter du dépôt d'un projet de loi intervenant au cours de
cette période et définissant, au vu des résultats de la négociation
interprofessionnelle engagée entre les organisations professionnelles et
syndicales représentatives au niveau national, les procédures relatives à la
prévention des licenciements économiques, aux règles d'information et de
consultation des représentants du personnel et aux règles relatives au plan de
sauvegarde de l'emploi. La mention de la date du dépôt du projet de loi
maintenant la suspension fait l'objet d'un avis publié au
Journal officiel
de la République française.
« III. - Pendant les périodes de suspension prévues aux I et II, les
dispositions des articles L. 321-1-1, L. 321-3, L. 321-4-1, L. 321-7, L. 321-9,
L. 432-1, L. 432-1
bis,
L. 434-6, L. 435-3 et L. 439-2 du code du
travail antérieures à leur modification par les articles de la loi n° 2002-73
du 17 janvier 2002 précitée mentionnés au I sont rétablies. »
Je suis saisi de vingt-trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une
discussion commune ; toutefois, pour la clarté des débats, je les appellerai
successivement.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 1 est présenté par MM. Chabroux et Godefroy, Mme Printz et les
membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.
L'amendement n° 31 est présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer cet article. »
La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour défendre l'amendement n° 1.
M. Gilbert Chabroux.
L'article 1er est l'article essentiel du projet de loi que nous examinons. Il
répond à l'exigence du MEDEF d'un retour sans délai sur les dispositions
protectrices prises par le précédent gouvernement et la majorité qui le
soutenait en faveur des salariés menacés ou victimes de licenciement.
L'examen de cet article nous amène à faire quelques remarques sur les
licenciements.
La première de ces remarques concerne cette phrase que l'on a souvent
entendue, et encore ce soir, une phrase qui paraît pleine de bon sens : « On ne
licencie pas par plaisir. » C'est évident !
C'est encore plus évident pour les patrons de PME et d'entreprises artisanales
qui partagent quotidiennement le travail de leurs salariés et qui sont attachés
au sort d'une entreprise qu'ils ont souvent créée. Ils doivent faire face aux
difficultés causées par les fluctuations des commandes ou les caprices des
donneurs d'ordres. Un plan social dans une PME est une catastrophe pour toute
l'entreprise ; aucun doute n'existe à ce propos.
En revanche, il est possible d'affirmer que si le patron d'un groupe
transnational ne licencie pas par plaisir, il le fait, dans certains cas, avec
une relative indifférence, voire en éprouvant une forme de satisfaction. Que
doit-on penser, par exemple, des phrases suivantes : « Je veux faire une
entreprise sans salariés » ou : « Je suis fier d'être un patron qui délocalise
» ?
Le chef d'entreprise - mais mérite-t-il encore ce nom ? - qui tient de tels
propos sait pertinemment que son souci aveugle de profits immédiats et de
création de valeur au bénéfice des plus gros actionnaires précipitera des
milliers de salariés et des régions entières dans les plus grandes difficultés,
difficultés que nous aurons à affronter, mes chers collègues, lorsque la
population se tournera vers nous ! Le patronat, aux exceptions notables du
Centre des jeunes dirigeants et du patronat chrétien, ne s'est jamais livré à
aucune réflexion sérieuse pour dépasser ce mythe de la création de valeurs
financières, ce « Monopoly » spéculatif qui débouche sur des krachs
retentissants, dont les conséquences seront assumées par les seuls salariés.
La gestion prévisionnelle de l'emploi a été enterrée aussitôt que créée.
Vous-même, monsieur le ministre, avez dû batailler contre vos soutiens les plus
résolus à l'Assemblée nationale pour éviter la suppression des dispositions
relatives à l'adaptation et à la formation dans le cadre d'un plan social. Dans
le courant de la négociation que vous appelez de vos voeux, le patronat refuse
de coupler la formation professionnelle et le traitement des plans sociaux.
Qu'ajouter à cela ?
Dans ces conditions, pourquoi était-il indispensable de revenir, pour quelques
mois, sur les dispositions de la loi de modernisation sociale, alors qu'il est
par ailleurs demandé aux partenaires sociaux d'engager une négociation
collective interprofessionnelle et par entreprise ? Pourquoi entreprendre cette
démolition des nouvelles garanties accordées aux salariés en préalable à la
négociation, plutôt que de partir simplement de ce qui existe déjà ?
Même si la majorité gouvernementale porte un jugement négatif sur les articles
visés de la loi de modernisation sociale, la négociation prévue entre les
partenaires sociaux devrait permettre d'y porter remède en quelques mois. La
procédure employée témoigne d'une volonté claire de déstabiliser les parties
qui seront alors en présence. En cas de licenciements boursiers, les syndicats
ne pourront plus s'appuyer, face au MEDEF, principal acteur patronal concerné,
sur des textes forts favorables aux salariés. Le président du MEDEF a
d'ailleurs avoué, dans un premier temps, qu'une négociation avec les syndicats
lui semblait impossible alors que les positions respectives de ceux-ci et du
patronat paraissaient inconciliables. Il est vrai qu'il est ensuite revenu à un
discours plus convenu...
Pour autant, cela ne change rien au fait que l'on cherche à obtenir la
participation des syndicats, afin de les compromettre dans la mise en place
d'une régression sociale. Nous observons d'ailleurs que, sur cette question
fondamentale pour tant de salariés, nulle condition de représentativité
spécifique n'est mentionnée. Vous reconnaissez cependant vous-même avec
justesse, monsieur le ministre, que cette question de la majorité est
fondamentale pour l'avenir et la crédibilité du dialogue social.
Dès lors, n'aurait-il pas été plus judicieux d'entamer cette future
négociation collective d'importance en proposant quelques pistes ? Des
difficultés pour tous sont à craindre si une signature exclusive ou minoritaire
vient sanctionner un accord trop défavorable aux salariés. Cette affaire ne
s'engage pas bien. Un déséquilibre est inutilement créé, et les conditions de
la négociation ne sont pas limpides, qu'il s'agisse de la négociation
interprofessionnelle ou de ces accords d'entreprise qui, on l'espère,
dérogeront aux règles du droit du travail.
Vous nous avez beaucoup reproché, chers collègues de la majorité sénatoriale,
de ne pas laisser une latitude suffisante aux partenaires sociaux. Pour notre
part, nous craignons que, en tant que partisans de la doctrine libérale, vous
n'en laissiez une beaucoup trop grande aux mieux armés d'entre eux, dont vous
aurez d'ailleurs, au préalable, renforcé la puissance. L'Etat ne peut se
désengager à ce point sur un dossier aussi important pour tous nos
concitoyens.
Par conséquent, nous demandons la suppression de l'article 1er du projet de
loi, qui tend à vicier dès le départ les conditions de la négociation. Il y
avait sans doute mieux à faire, et il est tout à fait regrettable de formuler
de telles propositions.
M. le président.
La parole est à M. Roland Muzeau, pour présenter l'amendement n° 31.
M. Roland Muzeau.
Selon les prévisions de l'OFCE, l'Observatoire français des conjonctures
économiques, la croissance molle provoquera, en 2003, une hausse du chômage.
Certes, en octobre dernier, le taux de chômage est resté stable ; nous savons
toutefois que, en réalité, l'augmentation du nombre des demandeurs d'emploi est
contenue en raison non des embauches mais du nombre important des radiations
prononcées par l'ANPE.
La presse a largement diffusé la carte de France des sinistres sociaux : 36
000 postes auraient été supprimés ou seraient susceptibles de l'être dès
maintenant. A cet égard, le rapport de la commission des affaires sociales fait
état d'une augmentation de l'ordre de 20 %, à la fin du mois de septembre 2002,
du nombre des licenciements économiques par rapport aux neuf premiers mois de
2001.
Mes chers collègues, certains d'entre vous soulignent que tout licenciement
est un drame, et vont même jusqu'à déplorer que des entreprises jouissant d'une
bonne santé économique et financière procèdent à des restructurations « de
confort ». Pourtant, sans même chercher à débattre de mesures immédiates de
nature à enrayer ces licenciements, sans même discuter au fond des choix opérés
par le Gouvernement, vous vous apprêtez, en l'espace d'une journée, à valider
le démantèlement de la loi de modernisation sociale.
Dans le contexte actuel, nous considérons, quant à nous, que vos choix risqués
desservent l'emploi. Les gages donnés aux chefs d'entreprise par ce projet de
loi sont inacceptables et dangereux.
En effet, l'article 1er vise à suspendre certains articles de la loi de
modernisation sociale dont le contenu n'est pas indifférent - mais j'aurai
l'occasion d'y revenir. Il prévoit la tenue d'une négociation nationale et la
mise en place de mesures transitoires.
Pour bien marquer notre opposition de fond à la suspension de dispositions
protectrices pour les salariés en cas de licenciement économique, permettant
aux représentants du personnel d'intervenir et conduisant à responsabiliser
davantage les employeurs dans le cadre des procédures de restructuration, nous
avons déposé cet amendement de suppression de l'article 1er.
Sur la méthode choisie de la suspension et du renvoi à la négociation
collective, que l'on me permette deformuler quelques remarques.
Il ne me semble pas qu'il existe beaucoup de précédents en matière de
suspension par le législateur dedispositions dont il est à l'origine, mais je
peux metromper.
Par ailleurs, quoi que vous prétendiez, chers collègues de la majorité,
suspendre pour dix-huit mois équivaut à abroger. En 1986, vous aviez procédé
différemment, quand vous aviez décidé de supprimer l'autorisation
administrative de licenciement : vous aviez alors « nettoyé par le vide » et
fixé aux partenaires sociaux une obligation de conclure avant la fin de
l'année. L'accord de 1986 n'est considéré comme une référence que par le MEDEF
!
Aujourd'hui, vous procédez plus intelligemment, mais le résultat est
strictement identique : le patronat aura, durant dix-huit mois, voire trente
mois, les mains entièrement libres pour licencier sans retenue et renforcer sa
position dans la négociation.
Pour toutes ces raisons, nous proposons au Sénat de supprimer l'article
1er.
M. le président.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 2 est présenté par MM. Chabroux et Godefroy, Mme Printz et les
membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.
L'amendement n° 33 est présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Dans le I de cet article, supprimer la référence : "96". »
La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour présenter l'amendement n° 2.
M. Gilbert Chabroux.
Nous souhaitons le maintien de l'article 96 de la loi de modernisation
sociale.
Je rappelle que cet article prévoit que, à défaut d'avoir conclu ou engagé les
négociations relatives à un accord de réduction du temps de travail,
l'employeur peut voir la procédure de licenciement qu'il a entamée annulée par
le juge. Cette disposition ne vaut évidemment pas pour les entreprises en
situation de liquidation ou en règlement judiciaire.
Je rappelle que ce texte n'a pas été adopté par hasard. S'il a été appelé l'«
amendement Michelin », c'est parce que cette entreprise avait engagé,
précisément à cette époque, sans rechercher aucune solution de rechange, sans
ouvrir aucune négociation préalable, une procédure de licenciement concernant
plusieurs milliers de salariés.
L'énormité des faits a montré qu'il était indispensable de rappeler à certains
employeurs la possibilité de recourir aux dispositifs de réduction du temps de
travail. Ce n'était d'ailleurs pas une innovation, puisque l'idée d'utiliser la
RTT pour préserver des emplois avait vu le jour lors de l'élaboration de la loi
de Robien.
Vous aviez d'ailleurs voté cette loi, chers collègues, trouvant, à l'époque,
l'idée judicieuse. Vous êtes maintenant opposés à la réduction du temps de
travail, alors qu'il a été largement démontré, par de nombreux organismes
d'études et de recherche, qu'elle contribue à la préservation et à la création
d'emplois.
L'article 96 de la loi de modernisation sociale présente deux caractéristiques
intéressantes.
En premier lieu, il apporte un important élément de souplesse. En effet, il
prévoit l'obligation non pas d'avoir conclu un accord de réduction du temps de
travail, mais d'avoir entamé des négociations en vue d'y parvenir. Il s'agit
donc de favoriser le dialogue social au sein de l'entreprise, et non d'imposer
une obligation absolue de résultat. La négociation entre les partenaires
sociaux de l'entreprise est donc pleinement respectée.
En second lieu, il est conforme à un arrêt de la Cour de cassation du 20
janvier 2002, qui pose également le principe de la négociation préalable avant
toute prise de décision.
La suppression de l'article 96 semble donc répondre davantage à des motifs
idéologiques qu'à des nécessités objectives. Seule la volonté de revenir sur la
réduction du temps de travail l'inspire, conformément aux désirs du MEDEF.
Nous nous étonnons néanmoins que l'on supprime un article visant à encourager
la négociation, alors même que le Gouvernement et sa majorité mettent sans
cesse l'accent sur cette dernière, préférée à la législation. Il est vrai que
la teneur de l'article 96 de la loi de modernisation sociale ne convient pas au
MEDEF, et que la spéculation boursière commande bien plus que l'avenir des
salariés !
M. le président.
La parole est à M. Roland Muzeau, pour présenter l'amendement n° 33.
M. Roland Muzeau.
Non contents de votre stratégie, monsieur le ministre, préférant l'abrogation
à la suspension mais n'ayant pu obtenir d'aller ouvertement jusqu'au bout de
votre démarche en renvoyant totalement et immédiatement à la négociation entre
les partenaires sociaux, certains députés de l'UDF et de l'UMP ont cherché à
élargir le champ de la suspension affectant les dispositions de la loi de
modernisation sociale.
Par souci de simplification juridique, nous dit-on, toutes les grandes
entreprises étant déjà passées aux 35 heures, lesdits députés ont, avec
l'accord du Gouvernement, suspendu la disposition communément appelée «
amendement Michelin ».
Cet accroissement du champ de la suspension n'est pas sans satisfaire la
commission des affaires sociales, qui n'a eu de cesse, à chaque fois qu'un
support législatif le permettait, de batailler contre l'obligation faite à
l'employeur de conclure ou, à défaut, d'engager des négociations tendant à la
conclusion d'un accord de réduction du temps de travail, obligation qui, il
faut bien l'avouer, n'était pas si contraignante que cela et reflétait surtout
un souci de moralité.
Mais peu importe, puisqu'elle va à l'encontre des décisions du Gouvernement en
matière de temps de travail ! Par conséquent, après avoir assoupli, pour ne pas
dire remis en cause, la loi Aubry II, vous refusez, chers collègues de la
majorité sénatoriale, d'admettre que la RTT puisse être pour les entreprises un
outil de nature à éviter les licenciements.
La portée symbolique de ce geste politique n'échappe à personne, nous
n'entendons pas le cautionner, et c'est pourquoi nous avons déposé le présent
amendement, qui vise à soustraire du champ de la suspension l'article 96 de la
loi de modernisation sociale.
M. le président.
L'amendement n° 34, présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les
membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Dans le I de cet article, supprimer les références : "97, 98". »
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau.
L'article 97 de la loi de modernisation sociale prévoit de faire précéder
toute cessation totale ou partielle d'activité concernant au moins cent
salariés d'une décision des organes de direction et de surveillance de
l'établissement ou de l'entreprise.
L'article 98 de la même loi vise quant à lui la réalisation d'une étude
d'impact social et territorial servant à la prise de décision par lesdits
organes quand ils sont saisis de tout projet de développement stratégique.
Ces dispositions vous sont insupportables, chers collègues de la majorité
sénatoriale, dans la mesure où elles ont été insérées non dans le code du
travail, mais dans le code de commerce. En effet, vous ne pouvez admettre une
quelconque corrélation entre le droit du travail et le droit commercial, et
l'adoption de la loi relative aux nouvelles régulations économiques vous a donc
fait bondir.
Pourtant, comment ne pas admettre que les organes de direction puissent
disposer, notamment en matière de cessation d'activité, d'un document
d'information portant sur les conséquences directes ou indirectes pour
l'entreprise, l'emploi, mais aussi le bassin d'emploi, de la décision qu'ils
s'apprêtent à prendre ?
Nous sommes tous ici des élus locaux préoccupés par le devenir du tissu
économique de nos régions. Dans la mesure où les projets de l'entreprise
affectent l'emploi - et c'est nécessairement le cas -, il est de la
responsabilité du chef d'entreprise de fournir de telles informations, de
nature à améliorer les garanties apportées aux salariés.
Par conséquent, je propose, par cet amendement, de maintenir des dispositions
dont le champ d'application reste très spécifique. C'est peut-être l'une des
raisons qui avaient motivé le choix du rapporteur de la commission des affaires
sociales, voilà un an, de ne pas revenir purement et simplement sur le principe
de l'étude d'impact social et territorial !
M. le président.
L'amendement n° 3, présenté par MM. Chabroux et Godefroy, Mme Printz et les
membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Dans le I de cet article, supprimer la référence : "97". »
La parole est à M. Gilbert Chabroux.
M. Gilbert Chabroux.
Je défendrai simultanément les amendements n°s 3 et 4, qui traitent du même
sujet.
Avant toute fermeture d'un établissement ou compression d'effectifs concernant
au moins cent salariés, le comité d'entreprise doit obligatoirement être
consulté, et une étude d'impact social et territorial doit être réalisée et
présentée au conseil d'administration et de surveillance.
La suppression de cette étude d'impact serait particulièrement étonnante. Je
rappelle que, lors de la séance publique du 9 octobre 2001, la majorité du
Sénat avait reconnu la légitimité de cette démarche. Au demeurant, de telles
études d'impact sont couramment réalisées par des cabinets spécialisés, à la
demande des entreprises et des élus des régions concernées. Pour ces
entreprises, il s'agit de l'un de ces actes de « bonne gouvernance » chers au
Premier ministre. Une logique purement financière peut, en effet, avoir des
conséquences particulièrement négatives en termes d'image, et donc de chiffre
d'affaires.
L'étude d'impact permet de prendre la mesure des conséquences sociales de la
décision envisagée pour le territoire touché, et, par suite, de préparer
l'éventuel reclassement des salariés. Au-delà de l'entreprise, les conséquences
de la fermeture ou de la compression d'effectifs pour les sous-traitants, les
autres entreprises de la région, les services publics locaux, les écoles et les
commerces sont également identifiées : c'est le tissu économique et social de
toute une région qui va être affecté, et parfois détruit.
Des mesures peuvent être prises pour tenter de recréer des entreprises, grâce
souvent à des aides publiques, mais aussi à des aides de l'entreprise qui ferme
ses portes.
Evidemment, l'étude d'impact présente l'inconvénient de mettre l'entreprise
face à ses responsabilités. Si une entreprise a embauché des jeunes de seize
ans puis les a fait travailler pendant trente ans sur le même poste sans jamais
leur offrir aucune formation avant de délocaliser sa production, par exemple en
Asie, l'étude d'impact social le mettra en évidence. L'exploitation subie par
ces salariés apparaîtra alors dans toute sa cruauté.
Il en est de même de l'impact territorial : la quasi-impossibilité de
réindustrialiser une région qui, en raison de son isolement, de la pauvreté de
ses infrastructures, ne vivait que par une entreprise apparaît rapidement. On
comprend que certains ne souhaitent pas voir leurs responsabilités ainsi mises
en évidence !
Que résultera-t-il de l'abrogation de l'article 97 ? Les études d'impact
continueront certes d'exister, mais sur la base du volontariat, comme c'est le
cas aujourd'hui. Il est regrettable que le Gouvernement et sa majorité, de
nouveau, agissent, contre les intentions qu'ils affichent par ailleurs, privant
notre économie et, surtout, nos élus locaux d'un instrument particulièrement
utile à l'intervention économique.
M. le président.
L'amendement n° 4, présenté par MM. Chabroux et Godefroy, Mme Printz et les
membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Dans le I de cet article, supprimer la référence : "98". »
La parole est à M. Gilbert Chabroux.
M. Gilbert Chabroux.
Cet amendement est défendu.
M. le président.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 5 est présenté par MM. Chabroux et Godefroy, Mme Printz et les
membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.
L'amendement n° 35 est présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Dans le I de cet article, supprimer la référence : "99". »
La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour défendre l'amendement n° 5.
M. Gilbert Chabroux.
L'amendement n° 5 vise au maintien de l'article 99 de la loi de modernisation
sociale.
Sur le plan juridique, cet article a simplement mis fin à la confusion née
d'une accumulation de décisions prises en 1996 et en 1997 par la Cour de
cassation qui indiquaient que les deux procédures définies dans les livres III
et IV du code du travail pouvaient être concomitantes à condition de rester
distinctes. Il a également précisé les modalités de concertation.
La suspension de cet article va donc réintroduire la confusion entre les deux
procédures, qui avaient été séparées précisément pour favoriser le
développement de la négociation, en permettant au comité d'entreprise de
contester le bien-fondé des licenciements, donc de discuter sur le fond. Cette
option ne convient manifestement pas aux représentants des groupes
transnationaux : délocalisations et licenciements boursiers ne souffrent aucun
retard !
C'est pour répondre à de tels procédés, qui voient les représentants du
personnel mis devant le fait accompli, qu'un droit d'opposition avec recours
suspensif a été instauré dans la loi que nous avons votée. Ce faisant, nous
avions réintroduit un peu de citoyenneté dans l'entreprise, ce qui est
évidemment en contradiction totale et définitive avec l'idéologie du
libéralisme et de la spéculation.
On nous a reproché de mettre les entreprises en difficulté en allongeant les
délais de procédure. Il n'en est rien, ainsi que je l'ai déjà expliqué. Ce
reproche montre seulement que ceux qui le formulent font peu de cas du sens des
responsabilités des salariés ! Lorsqu'une entreprise est véritablement en
difficulté, il est de l'intérêt des salariés et de leurs représentants de
trouver rapidement des solutions, que ce soit en interne ou pour faciliter le
reclassement ; en revanche, quand il s'agit de licenciements organisés par une
entreprise dont le seul but est d'augmenter son taux de profit par le biais de
la sous-traitance ou de la délocalisation, il est de l'intérêt, mais aussi du
devoir des salariés de lutter pour tenter de sauver leurs emplois et le tissu
économique et social de la région.
Le comportement de prédateur de ces groupes doit être dénoncé, et les salariés
sont en première ligne dans ce combat. Il est du devoir des pouvoirs publics,
dont la raison d'être est de défendre l'intérêt général, de se donner les
moyens de soutenir ces derniers.
M. le président.
La parole est à M. Roland Muzeau, pour défendre l'amendement n° 35.
M. Roland Muzeau.
Beaucoup de choses ont été dites sur l'article 99 de la loi de modernisation
sociale, qui, pour les entreprises soumises à l'obligation d'établir un plan
social de sauvegarde de l'emploi, vise à distinguer la consultation du comité
d'entreprise sur le projet de restructuration de celle qui porte sur le projet
de licenciement : cet article serait source de rigidité, il allongerait
démesurément la procédure d'information et de consultation des représentants du
personnel, alors que les salariés ont intérêt à connaître rapidement leur sort.
Tous ces arguments servent à masquer la véritable raison qui pousse la droite
et le patronat à souhaiter non pas la dissociation, mais la confusion des
procédures.
Dans l'esprit des auteurs de la loi de modernisation sociale, la clarification
ainsi opérée dans l'articulation des deux procédures répondait à une volonté
légitime de renforcer les pouvoirs d'intervention des comités d'entreprise - et
par là même des salariés - le plus en amont possible.
Depuis l'adoption de cette loi, le comité d'entreprise, dans le cadre de ses
compétences générales, est consulté sur les projets de restructuration et de
compression d'effectifs ; il peut formuler des propositions alternatives et
demander la désignation d'un expert-comptable, ce qui est positif si l'on
souhaite effectivement que les décisions fassent l'objet d'une discussion.
C'est bien là que le bât blesse, car il est inconcevable à vos yeux que le
comité d'entreprise ait à se prononcer sur le bien-fondé d'un projet de
restructuration !
La seconde phase concerne la mise en oeuvre de ces choix, c'est-à-dire le plan
de sauvegarde de l'emploi.
Pour justifier la suspension de l'article 99, vous vous abritez derrière la
jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation, qui ne tranche
absolument pas dans le sens que vous souhaitez la question du déroulement de la
procédure de consultation.
Contrairement à ce que vous avancez, les règles posées sont loin d'être
claires et précises, et la consultation du comité d'entreprise dans le cadre de
sa compétence spéciale ne dispense pas l'employeur de diligenter, d'abord ou de
façon concomitante, une consultation du comité d'entreprise dans le cadre de sa
compétence générale.
Ayez au moins le courage d'avouer que c'est le renforcement des prérogatives
du comité d'entreprise, qu'autorisent notamment les dispositions de l'article
99, qui vous gêne !
Sous le bénéfice de ces observations, je vous invite, sans grand espoir, à
voter cet amendement.
M. le président.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 6 est présenté par MM. Chabroux et Godefroy, Mme Printz et les
membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.
L'amendement n° 36 est présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Dans le I de cet article, supprimer la référence : "100". »
La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour défendre l'amendement n° 6.
M. Gilbert Chabroux.
L'amendement n° 6 vise au maintien de l'article 100 de la loi de modernisation
sociale, qui instaure l'obligation d'information du comité d'entreprise, avant
toute annonce publique, sur les mesures affectant de manière importante les
conditions de travail et d'emploi des salariés. Cet article complète ainsi les
dispositions déjà contenues dans le code du travail relatives à l'information
du comité d'entreprise sur les questions intéressant l'organisation, la gestion
et les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs. Je
rappelle, au demeurant, que l'absence d'information constitue un délit
d'entrave.
L'article 100 de la loi de modernisation sociale ne constitue donc en rien une
révolution, et sa suspension - ou son abrogation ! - nous amène à poser de
nouveau deux questions.
La première est peut être naïve : est-il décent que des salariés apprennent
leur licenciement par la presse ? Non, en aucun cas ! Rien ne peut justifier un
pareil mépris, une telle indifférence envers ceux que d'aucuns considèrent tout
bonnement comme le stock de main-d'oeuvre !
La seconde porte, encore une fois, sur le mode de gouvernance des entreprises.
Certes, une entreprise doit être ouverte sur son environnement, puisqu'elle vit
d'échanges avec celui-ci. Est-ce néanmoins à cet environnement qu'il revient
d'être informé d'abord des décisions importantes, avant même les salariés, dont
le sort dépend pourtant totalement de l'avenir de l'entreprise ? En d'autres
termes, la loi du marché, les pratiques financières et commerciales
passent-elles avant le respect du droit du travail et des travailleurs ? Là
aussi, à nos yeux, la réponse est à l'évidence non.
Comme c'est souvent le cas en droit du travail, la complexité des procédures
ne parvient pas à dissimuler des questions simples et des rapports de force
brutaux. Le droit d'expression des salariés, le respect de leur dignité dans
l'entreprise se construisent pas à pas et ne sont pas toujours compatibles -
nous en avons l'exemple - avec les pratiques de l'économie de marché. Et c'est
à dessein que j'emploie le mot de « pratiques » plutôt que celui de « règles »,
car on chercherait en vain les règles d'un jeu dont le but est précisément la
dérégulation totale !
En supprimant la règle d'évidence énoncée à l'article 100 de la loi de
modernisation sociale, vous rompez un équilibre difficilement obtenu et vous
faites pencher un peu plus encore la balance vers le règne de la spéculation,
au mépris de la dignité des travailleurs.
M. le président.
La parole est à M. Roland Muzeau, pour présenter l'amendement n° 36.
M. Roland Muzeau.
L'article 100 de la loi de modernisation sociale encadre les annonces
publiques du chef d'entreprise sur la stratégie économique de l'entreprise,
annonces qui ont nécessairement des conséquences importantes, voire graves, sur
les conditions de travail et sur l'emploi des salariés.
Il ne suffit pas de se dire choqué que des salariés apprennent par la presse
que demain leur emploi sera supprimé, leur entreprise fermée. Vous attendez des
chefs d'entreprise un peu plus de doigté, de tact dans des circonstances aussi
dramatiques, et quelques-uns de nos collègues n'ont pu faire autrement, tout à
l'heure, que de le reconnaître.
Nous, nous voulons que les salariés, via le comité d'entreprise, soient les
premiers destinataires de l'information, et je ne vois pas en quoi cette
exigence serait choquante.
Les arguments avancés pour demander la suspension de cet article ne sont pas
satisfaisants. Ainsi, il serait en contradiction avec le droit boursier. Une
telle affirmation est choquante et fausse, dans la mesure où, comme le Conseil
constitutionnel l'a précisé dans sa décision du 12 janvier 2002, les membres du
comité d'entreprise sont tenus à une obligation de discrétion qui suffit à
rendre les dispositions visées conformes au droit boursier.
Par conséquent, nous demandons le maintien de cette mesure, extrêmement
importante pour la dignité dessalariés.
M. le président.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 7 est présenté par MM. Chabroux et Godefroy, Mme Printz et les
membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.
L'amendement n° 37 est présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Dans le I de cet article, supprimer la référence : "101". »
La parole est M. Gilbert Chabroux, pour présenter l'amendement n° 7.
M. Gilbert Chabroux.
L'amendement n° 7 vise au maintien de l'article 101 de la loi de modernisation
sociale.
Contrairement à ce qu'affichent les intentions proclamées, la suspension de
cet article porterait atteinte, de nouveau, à la négociation collective. En
effet, l'article 101 prévoit la possibilité pour le comité d'entreprise de
faire des propositions alternatives au plan de licenciement et de discuter de
l'avenir de l'entreprise ; l'employeur ne peut présenter de plan social tant
qu'il ne lui a pas fourni de réponse motivée.
Un intervenant candide pourrait se demander en quoi l'obligation d'une réponse
motivée à des propositions alternatives peut gêner un chef d'entreprise : il
semble tellement évident que les licenciements ne sont décidés qu'en dernier
recours, lorsque aucune autre solution n'est possible pour sauver l'entreprise
! Mais je doute que siègent sur les travées de la Haute Assemblée un grand
nombre de personnes candides.
Une telle exigence pose donc problème aux zélateurs du libéralisme. Tout
d'abord, il n'est pas acceptable à leurs yeux de contraindre le détenteur ou le
représentant du capital à s'expliquer sur ses projets et sur ses actes.
Ensuite, le chef d'entreprise est pour eux non seulement le détenteur de
capitaux ou de stock-options, mais aussi le détenteur exclusif de la compétence
économique et de la compétence de gestion, et s'il est possible d'aménager les
conséquences de ses décisions pour éviter des scandales trop voyants, la
légitimité de ces dernières, par nature, n'est pas contestable.
Il arrive cependant que les actionnaires - Vivendi en est l'exemple -
contestent valablement ses décisions, mais cela n'est possible que si leur
poids dans le capital et dans les réseaux d'influence le permettent. Les
salariés, dont le revenu dépend entièrement de l'entreprise - ce n'est pas le
cas des stock-options ! -, n'ont pas à intervenir dans ce débat qui les dépasse
infiniment ! C'est en quelque sorte la nature qui le veut : c'est le
capitalisme à l'état de nature.
En dernier ressort, on nous objecte que cette procédure fera perdre du temps,
alors que la seule urgence serait de licencier les salariés puis de les
reclasser, si on le peut il faudrait aller vite et ne pas perdre de temps à
discuter de l'inévitable.
Un moment de réflexion permet pourtant de comprendre que ce rideau de fumée
vise surtout à empêcher les salariés et l'opinion publique de voir que ce qui
leur est présenté comme fatal peut parfaitement être évité. La fatalité
n'existe pas, seule existe la volonté économique d'augmenter indéfiniment les
taux de profit, volonté relayée par des politiques dévouées. Au demeurant, cela
ne trompe plus personne.
Les termes du débat se résument alors à ce pauvre chantage : si vous
n'acceptez pas les licenciements qui vous sont proposés maintenant, il y en
aura bientôt davantage. On pourrait croire un tel raisonnement si l'expérience
ne prouvait pas que les emplois détruits ici sont recréés plus loin, dans des
conditions sociales infiniment moins favorables, voire inexistantes.
L'urgence et la nécessité de licencier sont le plus souvent très relatives.
Pour notre part, nous avons trop le respect de la négociation, c'est-à-dire des
deux partenaires qui la conduisent, pour empêcher ceux-ci de mener à bien leurs
débats. Il est donc nécessaire de conserver intact l'article 101 de la loi de
modernisation sociale.
M. le président.
La parole est à M. Roland Muzeau, pour présenter l'amendement n° 37.
M. Roland Muzeau.
Les dispositions de l'article 101 de la loi de modernisation sociale ont
sensiblement accru les pouvoirs du comité d'entreprise sur le projet de
restructuration et de compression des effectifs, ce qui, selon vous, est de
nature à limiter beaucoup trop fortement la marge de manoeuvre du chef
d'entreprise. En effet, le comité d'entreprise peut formuler des propositions
alternatives, l'employeur ne pouvant ensuite présenter de plan de sauvegarde de
l'emploi tant qu'il n'a pas apporté de réponse motivée aux avis et aux
propositions formulés ; un médiateur peut également être saisi.
L'institution nouvelle de ce médiateur, tiers à l'entreprise venant demander
des explications au tout-puissant chef d'entreprise, est proprement
inconcevable pour les libéraux que vous êtes. C'est pourquoi vous voulez
suspendre l'application de cet article.
Nous pensons au contraire qu'il faut préserver cette possibilité nouvelle de
dialogue social au sein de l'entreprise et, pour ce faire, nous demandons que
cette disposition soit maintenue.
M. le président.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 8 est présenté par MM. Chabroux et Godefroy, Mme Printz et les
membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.
L'amendement n° 38 est présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Dans le I de cet article, supprimer les références : "102, 104". »
La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour présenter l'amendement n° 8.
M. Gilbert Chabroux.
Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président.
La parole est à M. Roland Muzeau, pour défendre l'amendement n° 38.
M. Roland Muzeau.
Il s'agit, en effet, d'un amendement de coordination.
M. le président.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 9 est présenté par MM. Chabroux et Godefroy, Mme Printz et les
membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.
L'amendement n° 39 est présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Dans le I de cet article, supprimer la référence : "106". »
La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour défendre l'amendement n° 9.
M. Gilbert Chabroux.
L'article de la loi de modernisation sociale dont la suspension est ici visée
concerne l'intervention d'un médiateur en cas de conflit entre le chef
d'entreprise et le comité d'entreprise. Il s'agit, par cet amendement, de
permettre d'aller au bout de la négociation, avec l'aide d'un intervenant
extérieur si cela paraît opportun.
On nous reproche de vouloir judiciariser à l'extrême les rapports dans
l'entreprise. C'est précisément ce que cet article tend à éviter en créant les
conditions permettant de retrouver un climat serein pour faire avancer le débat
et aboutir à un accord juridiquement valable. Mais la seule mention d'un
intervenant extérieur - comme lorsque nous avons créé le conseiller du salarié
dans les petites entreprises dépourvues de représentants du personnel - est
insupportable pour de nombreux chefs d'entreprise, qui le considèrent comme un
intrus. On en reviendra donc, et ce n'est pas le moindre des paradoxes, aux
procédures judiciaires !
M. le président.
La parole est à M. Roland Muzeau, pour défendre l'amendement n° 39.
M. Roland Muzeau.
Il est déjà défendu.
M. le président.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 10 est présenté par MM. Chabroux et Godefroy, Mme Printz et
les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.
L'amendement n° 40 est présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Dans le I de cet article, supprimer la référence : " 109 ". »
La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour présenter l'amendement n° 10.
M. Gilbert Chabroux.
La modification introduite par l'article 109 de la loi de modernisation
sociale implique que les critères retenus pour établir l'ordre des
licenciements soient appréciés par catégorie professionnelle et prennent
notamment en compte les charges de famille ; il s'agit en particulier de tenir
compte de la situation des parents isolés, de l'âge ou d'un éventuel
handicap.
La législation antérieure faisait prévaloir le critère des qualités
professionnelles sur l'ensemble des autres critères pour définir l'ordre des
licenciements, ce qui conduisait à favoriser l'éviction des salariés pour
lesquels les licenciements avaient les conséquences les plus dures, ceux qui,
précisément, auraient le plus de mal à retrouver un emploi.
Si cette nouvelle rédaction a été adoptée, c'est que, dans un certain nombre
de cas, ces caractéristiques sociales ne sont pas le seul fait des
circonstances privées et familiales. En effet, la responsabilité de
l'entreprise se retrouve incontestablement engagée lorsqu'elle utilise une
procédure de licenciement pour reprofiler sa pyramide des âges ou lorsque les
salariés n'ont bénéficié d'aucune formation, ce qui rend leur reclassement
particulièrement difficile. Il est donc légitime que l'entreprise ne puisse
recourir à des procédés de ce type pour s'exonérer de sa responsabilité.
M. le président.
La parole est à M. Roland Muzeau, pour défendre l'amendement n° 40.
M. Roland Muzeau.
L'article 109 de la loi de modernisation sociale visait à supprimer les
qualités professionnelles de la liste des critères définis par le code du
travail pour l'ordre à suivre lors d'un licenciement collectif. Le but était de
conserver les seuls critères objectifs, conformément d'ailleurs aux exigences
de la jurisprudence, selon laquelle l'employeur expose « les données objectives
ayant présidé à la définition et à la mesure de ce critère ».
Messieurs, vous qui prétendez faire preuve de rigueur intellectuelle, comment
pouvez-vous plaider l'introduction d'un motif personnel lors d'un licenciement
économique, alors que celui-ci est par définition non inhérent à la personne du
salarié ?
Considérant que la mention de ce critère des qualités professionnelles est de
nature à permettre aux employeurs de licencier en priorité les salariés les
plus faibles, les plus vulnérables, les moins bien notés, les personnes les
moins qualifiées, les salariés les plus fragiles et qui, par conséquent, ont le
plus de difficulté à s'insérer sur le marché de l'emploi, nous proposons d'en
maintenir la suppression.
Par ailleurs, nous avons déposé un amendement tendant à insérer un article
additionnel après l'article 1er et se rapportant lui aussi à cette question des
qualités professionnelles. Il vise à ce que l'employeur, après consultation des
représentants du personnel, ne puisse plus, en l'absence de dispositions
spécifiques dans la convention collective, ajouter des critères liés aux
qualités professionnelles.
M. le président.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 11 rectifié est présenté par MM. Chabroux et Godefroy, Mme
Printz et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.
L'amendement n° 41 rectifié est présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M.
Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Dans le I de cet article, supprimer les mots : "et 116". »
La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour présenter l'amendement n° 11
rectifié.
M. Gilbert Chabroux.
Cet amendement vise au maintien de l'article 116 de la loi de modernisation
sociale, qui donne désormais à l'autorité administrative la possibilité, tout
au long de la procédure de consultation et jusqu'à la dernière réunion du
comité d'entreprise, de présenter toute proposition destinée à compléter ou à
modifier le plan social, en tenant compte de la situation économique et des
capacités financières de l'entreprise.
L'employeur doit apporter une réponse motivée aux suggestions de
l'administration du travail. Celle-ci peut dresser un constat de carence du
plan social et demander une nouvelle réunion du comité d'entreprise sous huit
jours, ce qui n'allonge pas considérablement les délais, mais peut permettre de
compléter le plan social.
L'intérêt de ce second constat de carence, institué par l'article 116, est
qu'il intervient sur un texte existant et non sur un projet de texte, comme le
premier constat possible.
Il s'agit donc d'une intervention de plus grande incidence, portant sur du
concret et non sur des données encore incertaines.
Par ailleurs, il convient de souligner le coût important pour la collectivité
nationale de ces nombreux plans sociaux ainsi que celui des fermetures de sites
industriels. En termes d'aménagement du territoire et en termes sociaux, les
budgets de l'Etat, des collectivités territoriales et des organismes sociaux
sont très largement sollicités.
En ces jours où l'avenir de l'UNEDIC est évoqué par les partenaires sociaux,
il faut rappeler que la source première de nos difficultés réside clairement
dans la remontée du chômage, première source de nouvelles prestations à
distribuer et première source de baisse des prélèvements obtenus.
Un contrôle approfondi de l'autorité administrative sur le contenu des plans
sociaux n'est donc pas inutile ; il va plutôt dans le sens de l'économie des
deniers publics, préoccupation à laquelle le Sénat est toujours sensible.
Il faut néanmoins reconnaître le soin que vous portez à contrôler les
demandeurs d'emploi, puisque vous êtes parvenus au chiffre record de 79 %
d'augmentation s'agissant des radiations administratives à l'ANPE.
Il y a donc bien des secteurs où un contrôle sévère est exercé, mais le choix
de ces secteurs semble particulièrement sélectif.
En tout cas, nous vous suggérons, monsieur le ministre, de ne pas négliger les
plans sociaux, ce qui permettrait de contrôler à la source une bonne part des
dépenses publiques et sociales.
M. le président.
La parole est à M. Roland Muzeau, pour présenter l'amendement n° 41
rectifié.
M. Roland Muzeau.
En suspendant l'article 116 de la loi de modernisation sociale, il s'agit ni
plus ni moins de réduire les droits et les possibilités d'intervention de
l'inspecteur du travail.
Nous savons combien, dans les entreprises, le rôle de contrôle et d'aide de
l'inspecteur du travail, aux côtés des salariés est primordial, même s'il agit
quelquefois comme médiateur auprès de l'employeur.
Bien évidemment, les dispositions introduites par la loi de modernisation
sociale et tendant à accroître le rôle de l'inspecteur du travail vous sont
insupportables. C'est dans la logique des propos qui ont été tenus ce soir,
dans la logique des débats qui ont eu lieu à l'Assemblée nationale : tout ce
qui apporte une aide aux salariés ne peut attirer votre attention, tout ce qui
peut contribuer à lutter contre les licenciements non plus.
Je crois que nous aurons à discuter à nouveau de ce sujet dans les débats à
venir, car l'inspection du travail est pour nous un élément incontournable à
privilégier.
M. le président.
L'amendement n° 12, présenté par MM. Chabroux et Godefroy, Mme Printz et les
membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Supprimer le II de cet article. »
L'amendement n° 13, présenté par MM. Chabroux et Godefroy, Mme Printz et les
membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Supprimer le III de cet article. »
La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour défendre ces deux amendements.
M. Gilbert Chabroux.
L'amendement n° 12 concerne le paragraphe II de l'article 1er.
Ce paragraphe symbolise pour nous l'ambiguïté du projet de loi dont nous
discutons, ambiguïté qui vous est d'ailleurs reprochée par une partie de vos
amis, monsieur le ministre, ainsi que par le président du MEDEF.
Permettez-moi de reprendre la formule du président du MEDEF, qui dit avec une
certaine ironie - et nous serions presque d'accord avec lui - ...
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Tiens, il y a longtemps que vous ne l'aviez pas cité !
M. Gilbert Chabroux.
... que « le Gouvernement fait sans faire tout en faisant ».
M. Nicolas About,
président de la commission.
Il n'y a que vous qui comprenez !
M. Gilbert Chabroux.
J'ai repris très exactement la phrase du président du MEDEF !
Il est bien évident que la suspension que vous nous proposez est de fait une
abrogation. Personne n'imagine sérieusement qu'au terme du délai de dix-huit
mois les articles de la loi de modernisation sociale relatifs aux licenciements
reprendront vie.
Chacun sait qu'il s'agit d'une abrogation déguisée, nourrie de l'espoir que
les partenaires sociaux fourniront au Gouvernement un projet de loi clés en
main.
Il ne sert à rien de se cacher derrière un brin d'herbe et de nous proposer ce
dispositif contourné et inédit !
Nous sommes en désaccord avec vous sur cette manière de procéder. Que le
Gouvernement souhaite modifier une loi existante est tout à fait légitime, mais
point n'est besoin de suspendre cette loi avant d'en proposer une autre, en
revenant ainsi à un texte antérieur.
La confusion est extrême et nous sommes dans un véritable imbroglio juridique,
comme cela a été dénoncé par un député UDF à l'Assemblée nationale. La
confusion est extrême, puisque les plans sociaux qui se déroulent actuellement
sont, pour la plupart d'entre eux, régis par le texte que vous voulez
suspendre, sauf si la procédure a été engagée avant ou si elle doit être
entreprise après la publication de votre texte.
Vous suivez sans peine la chronologie : c'est clair, c'est simple !
Comment voulez-vous que cela ne donne pas lieu à contentieux ?
Il est donc clair que vous nous présentez un texte d'abrogation, mais comme
vous n'avez rien à offrir ni au Parlement ni à la réflexion des partenaires
sociaux, vous vous bornez à nous annoncer qu'un texte sera proposé dans
dix-huit mois ou dans trente mois et que, d'ici là, la législation relative aux
plans sociaux restera - pardonnez-moi le jeu de mot - en « suspension » !
Ce n'est pas de bonne méthode ! Même si les dispositions de la loi de
modernisation sociale sont insupportables au patronat, il ne s'agit pas de se
précipiter pour lui complaire.
Le Gouvernement serait plus dans son rôle en maintenant de la clarté dans la
législation plutôt qu'en y introduisant de la confusion.
Quant à l'amendement n° 13, c'est un amendement de cohérence.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Je vais essayer de donner rapidement l'avis de la commission
au fur et à mesure...
M. Roland Muzeau.
Ah non !
M. Guy Fischer.
Il n'y a aucune obligation d'aller vite !
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Non, certes. Je prendrai tout mon temps ; mais j'essaierai
d'être succinct tout en restant clair !
M. Roland Muzeau.
Nous voulons comprendre !
M. Alain Gournac,
rapporteur.
La commission est, bien évidemment, défavorable aux
amendements n°s 1 et 31 puisque la suppression de l'article 1er, article
fondamental, viderait l'ensemble du projet de loi de sa substance.
Les amendements n°s 2 et 33 visent à exclure du champ des articles dont
l'application est suspendue, l'article 96, dit « amendement Michelin ». Or
cette exclusion serait en contradiction avec la politique actuelle
d'assouplissement des 35 heures. Si la réduction du temps de travail peut être,
dans certains cas, un moyen d'accompagner une restructuration, elle doit
néanmoins correspondre aux spécificités des entreprises concernées et relever
du dialogue et non de l'obligation.
A ce propos, j'observe que l'article L. 321-4-1 du code du travail, modifié
par l'article 112 de la loi de modernisation sociale, continue de s'appliquer.
Il fait de la réduction du temps de travail l'une des mesures à étudier dans le
cadre du plan de sauvegarde de l'emploi.
La commission émet donc un avis défavorable sur les amendements identiques n°s
2 et 33.
J'en viens aux amendements n°s 34, 3 et 4.
La réintégration des articles 97 et 98 de la loi de modernisation sociale dans
le dispositif n'aurait aucune incidence particulière sur le droit actuel dans
la mesure où ces articles n'ont pas fait l'objet d'un décret d'application. Les
conditions de réalisation des études d'impact social et territorial étaient
pour le moins incertaines.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces trois amendements.
M. Roland Muzeau.
C'est un peu court comme explication !
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Mes chers collègues, sur ces articles 97 et 98 de la loi de
modernisation sociale, on m'a prêté des propos qui n'étaient pas conformes à ce
que j'avais dit.
Je reprends donc le rapport supplémentaire sur la modernisation sociale que
j'avais rédigé. Voilà ce que j'avais écrit concernant les études d'impact
social et territorial des cessations d'activité : « Il apparaît, en effet, que
de telles études existent déjà même si elles sont informelles, et qu'il est
possible - moyennant quelques modifications - d'en inscrire le principe dans le
code du travail. »
Les amendements n°s 5 et 35 visent à exclure du champ de la suspension
l'article 99 de la loi du 17 janvier 2002, qui organisait la succession des
procédures des livres III et IV du code du travail. Or cette succession des
procédures conduit à allonger sensiblement celles-ci, jusqu'à soixante-quatre
jours. Elle est, de plus, largement artificielle.
Il semble préférable d'assurer la concomitance des procédures, la
restructuration ne pouvant être pleinement appréhendée que par un examen
simultané de sa dimension économique et de sa dimension sociale. La commission
émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
J'en arrive aux amendements n°s 6 et 36.
L'article 100 de la loi du 17 janvier 2002 prévoit une information de
l'entreprise dès lors que le chef d'entreprise fait une annonce publique sur la
stratégie de l'entreprise. Or son application soulève de nombreux problèmes. On
constate en effet une réelle difficulté pour opérer une distinction entre les
deux types d'annonces publiques : celle qui porte sur la stratégie économique
d'une entreprise et celle qui est susceptible d'affecter d'une manière
importante les conditions de travail ou d'emploi.
Dès lors, il existe une forte insécurité juridique qui conduirait à
requalifier
a posteriori
la nature de l'annonce et se traduirait par une
multiplication des délits d'entrave.
L'avis de la commission est donc défavorable.
J'en viens aux amendements n°s 7 et 37.
L'article 101 de la loi de modernisation sociale a pour principale conséquence
un rallongement sensible des délais et un durcissement des procédures.
Il est difficilement imaginable que le droit d'opposition ouvert au comité
d'entreprise ne soit pas utilisé. Or, s'il l'était, il s'ensuivrait une
généralisation du recours à des médiateurs extérieurs, et ce souvent à des fins
dilatoires, sans que le dialogue interne à l'entreprise en soit favorisé.
L'avis de la commission est donc défavorable. Je me suis longuement exprimé
sur le médiateur extérieur lors de la discussion du projet de loi de
modernisation sociale.
Les amendements n°s 8 et 38 étant des amendements de coordination, de même que
les amendements n°s 9 et 39, la commission y est défavorable par
coordination.
J'en arrive aux amendements n°s 10 et 40.
L'article 109 de la loi de modernisation sociale a supprimé le critère de
qualité professionnelle de la liste des critères retenus pour fixer l'ordre des
licenciements. Cette suppression n'était guère opportune : au moment où
l'entreprise connaît des difficultés, il n'est pas illogigue qu'elle cherche à
se rassembler autour de ses employés les plus compétents. La liste de ces
critères reste indicative.
L'avis de la commission est donc défavorable et je vous renvoie, mes chers
collègues, aux explications que j'ai données lors de la discussion de la loi en
question.
J'en suis parvenu aux amendements n°s 11 rectifié et 41 rectifié.
L'article 116 de la loi susmentionnée renforce les pouvoirs de l'inspecteur du
travail en lui reconnaissant la possibilité de dresser un constat de carence
sur le plan social. Ce constat de carence n'apporte qu'une réponse imparfaite :
il intervient beaucoup trop tard, le plan de sauvegarde de l'emploi étant déjà
établi.
L'avis de la commission est donc défavorable.
L'amendement n° 12 vise à remettre en cause la logique de suspension
temporaire du projet de loi : il tend, en effet, à supprimer la référence à un
futur projet de loi sur les procédures de licenciement. Or la suspension se
fait dans l'attente de ce futur texte. S'il n'est plus fait référence à ce
projet de loi, la suspension n'a plus de sens.
L'avis de la commission est donc défavorable.
L'amendement n° 13 est un amendement de cohérence.
Je voudrais ajouter, à l'intention de M. Chabroux, que, nous aussi, nous avons
un coeur ! De vos propos, mon cher collègue, on pourrait déduire que nous
éprouverions beaucoup de plaisir à voir se multiplier les licenciements. De
grâce, sortez de cette logique !
M. Gilbert Chabroux.
Je n'ai jamais dit cela !
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Si, c'est ce que j'ai perçu en écoutant votre
argumentation.
En ce qui concerne l'ensemble de ces amendements, je tiens à ajouter que leur
logique est totalement contraire à la nôtre : vous devez le savoir, car cela
correspond à tout ce que nous avons dit lors de la discussion de la loi de
modernisation sociale au Sénat. Ils obéissent en effet à une logique extérieure
au monde de l'entreprise. Or, nous aussi, nous connaissons les entreprises.
Pour ma part, j'y ai travaillé vingt-neuf ans
Nous ne pouvons accepter ces amendements car, on ne le dira jamais assez,
cette loi de modernisation sociale a des effets psychologiques désastreux,
particulièrement les articles dont nous souhaitons la suspension.
Pour toutes ces raisons, la commission des affaires sociales a donné un avis
défavorable sur tous ces amendements.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon,
ministre.
Bien évidemment, le Gouvernement est défavorable aux
amendements n°s 1 et 31 visant à supprimer l'article 1er. Je renvoie leurs
auteurs aux arguments que j'ai développés tout à l'heure dans la discussion
générale.
S'agissant des amendements n°s 2 et 33, qui visent à supprimer la référence à
l'article 96, je voudrais indiquer que l'article L. 321-4-1 du code du travail,
introduit par l'article 96 de la loi de modernisation sociale, prévoit la
conclusion d'un accord portant sur la réduction du temps de travail avant toute
présentation d'un plan de sauvegarde de l'emploi, accord qui fait peser sur les
entreprises, d'une part, une contrainte symbolique, puisque toutes les grandes
entreprises sont déjà passées aux 35 heures et, d'autre part, une contrainte
administrative qui nous paraît excessive.
En effet, la réduction du temps de travail peut être une solution aux
problèmes d'une entreprise. Mais c'est à elle d'en décider, avec l'ensemble des
partenaires dans l'entreprise, si la situation s'y prête. Ce que nous voulons
éviter, ce sont les dispositions qui doivent s'appliquer à toutes les
entreprises, quelle que soit leur taille, quelles que soient leurs difficultés,
et qui, finalement, ne leur apportent aucune sécurité.
Le Gouvernement est donc défavorable à ces deux amendements.
S'agissant des amendements n° 34, 3 et 4, j'indiquerai que la discussion sur
le fond avec les élus du personnel aura toujours bien lieu : il n'est nullement
dans l'intention du Gouvernement de la supprimer ; la compétence du comité
d'entreprise n'est en rien affectée. L'article 97 de la loi de modernisation
sociale ne faisait que formaliser les procédures en incitant les partenaires
sociaux à s'attacher à la mise en forme d'un document, l'étude d'impact, au
lieu, me semble-t-il, de favoriser la discussion de fond. Par conséquent, la
suspension de cet article me paraît justifiée.
Les partenaires sociaux apprécieront, dans le cadre de la négociation, comment
organiser au mieux les échanges entre les acteurs locaux du dialogue social et
s'il faut aller au-delà du droit antérieur. Le Gouvernement émet donc un avis
défavorable sur ces amendements.
Avec les amendements n°s 5 et 35, nous sommes au coeur du projet de loi, qui
vise à réduire les délais et à ne pas imposer de délais administratifs
inutiles.
Tout à l'heure, plusieurs orateurs de l'opposition ont indiqué que ces délais
n'avaient jamais eu de conséquences négatives sur des entreprises. C'est faux !
Lors de mon audition devant la commission, j'avais notamment cité l'exemple
d'une entreprise d'Ille-et-Vilaine qui n'avait pas pu faire affaire avec des
repreneurs, pour la simple raison que la mise en oeuvre du plan social n'en
était qu'à la première phase. Or, pendant cette première phase, il n'est pas
possible de faire des offres de reprise chiffrée : les repreneurs sont allés
ailleurs.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements n°s 5 et 35.
Les amendements n°s 6 et 36 portent sur l'article 100 de la loi de
modernisation sociale, qui concerne le droit d'information des représentants du
personnel en cas d'annonce publique.
Mais, mesdames, messieurs les sénateurs, la consultation du comité
d'entreprise est évidemment déjà prévue, au titre de ses compétences générales
en matière d'organisation et de gestion de l'entreprise. Il n'y a donc aucune
volonté de la part du Gouvernement de faire en sorte que les salariés ne soient
pas informés.
L'obligation d'information prévue par cet article 100 concerne deux situations
: l'information suivant une annonce publique relative à la statégie de
l'entreprise sans impact sur l'emploi ; l'information préalable en cas d'impact
sur l'emploi. Or ces deux situations sont mal définies. La simple référence à
la stratégie de l'entreprise pour imposer les obligations de consultation n'a
pas de sens. En réalité, cet article ajoute de la confusion et n'attribue
aucune compétence nouvelle au comité d'entreprise.
Je rappelle en outre que la directive communautaire sur
l'information-consultation rend obligatoire une consultation en temps utile :
il s'agit d'une disposition générale s'imposant à tous les pays membres de
l'Union européenne.
En conséquence, le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements
n°s 6 et 36.
Les amendements n°s 7 et 37 ont pour objet, comme les autres amendements, de
soustraire un article de la loi de modernisation sociale du champ de la
suspension. En l'occurrence, il s'agit d'allonger la procédure de consultation.
Je m'en suis déjà expliqué : avis défavorable. Les amendements n°s 8 et 38 sont
des amendements de coordination, auxquels le Gouvernement est également
défavorable.
Les amendements n°s 9 et 39 tendent, là encore, à allonger les délais de
procédure. Le Gouvernement y est défavorable.
Les amendements n°s 10 et 40 visent à supprimer la référence à l'article 109
de la loi de modernisation sociale. Le Gouvernement entend maintenir la
référence formelle au critère des qualités professionnelles afin de tenir
compte de la pratique des accords. Ce n'est qu'un critère parmi d'autres, et il
y a une certaine hypocrisie à prétendre que l'on pourrait en interdire la prise
en compte sans négliger d'autres critères prévus par la loi et qui ne sont pas
remis en cause tels que l'ancienneté ou les charges de famille. Le Gouvernement
est donc défavorable à ces amendements.
Il est également défavorable aux amendements n°s 11 rectifié et 41 rectifié,
pour des raisons que j'ai déjà indiquées, ainsi qu'à l'amendement n° 12.
Enfin, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 13. En effet, il ne
s'agit pas d'introduire une ambiguïté, monsieur Chabroux. La situation est
limpide puisque les dispositions de la loi de modernisation sociale sont
suspendues.
M. Gilbert Chabroux.
Ce n'est pas ce qu'ont dit des députés de l'UDF !
M. François Fillon,
ministre.
Il peut arriver à l'UDF de ne pas comprendre des choses
limpides !
(Sourires.)
M. Gilbert Chabroux.
C'est un aveu !
M. le président.
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 1 et 31.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président.
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 2 et 33.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 34.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 3.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 4.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 5 et 35.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président.
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 6 et 36.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 7 et 37.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président.
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 8 et 38.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président.
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 9 et 39.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président.
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 10 et 40.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président.
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 11 rectifié et 41 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 12.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 13.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Articles additionnels après l'article 1er