SEANCE DU 9 DECEMBRE 2002
M. le président.
« Art. 59
quater.
- I. - Après le IV de l'article 9 de la loi n°
2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive, il est inséré
un IV
bis
ainsi rédigé :
« IV
bis.
- Le montant des redevances d'archéologie préventive, pour
lesquelles le fait générateur intervient au cours de l'année 2003, dues par
chaque personne publique ou privée concernée par le présent article est réduit
de moitié. »
« II. - La perte de recettes est compensée, à due concurrence, par la création
d'une taxe additionnelle à la taxe sur les conventions d'assurance prévue à
l'article 991 du code général des impôts dont le montant est affecté à
l'Institut national de recherches archéologiques préventives. »
Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° II-108 est présenté par M. Marini, au nom de la commission.
L'amendement n° II-55 est présenté par M. Dauge, Mme Blandin, M. Lagauche, Mme
Pourtaud, MM. Vidal, Weber et les membres du groupe socialiste et apparenté.
L'amendement n° II-83 est présenté par M. Ralite, Mme David, MM. Renar et
Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste
républicain et citoyen.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer cet article. »
La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l'amendement n°
II-108.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il s'agit de supprimer l'article 59
quater,
qui est dû à l'initiative d'un de nos collègues députés Daniel Garrigue.
Cet article vise à réduire de moitié, à compter de 2003, les redevances payées
par les aménageurs à l'Institut national de recherches archéologiques
préventives, l'INRAP.
Je sais bien que la loi du 17 janvier 2001 sur l'archéologie préventive a été
très contestée, à bon droit, par de nombreux gestionnaires de collectivités
territoriales et de nombreux aménageurs.
Toutefois, la mesure votée à l'Assemblée nationale est-elle complètement
pertinente pour servir les objectifs que ces gestionnaires de collectivités
locales ou aménageurs se proposent ? Il est au moins permis d'en douter.
En effet, se borner à supprimer la moitié des ressources de cet institut
n'aboutit absolument pas à changer ses modes d'intervention, en particulier
dans le dialogue entre les archéologues et les collectivités territoriales. Ce
que les collectivités locales regrettent, c'est d'être souvent placées devant
un véritable diktat technique et de n'avoir aucune marge de discussion possible
ni sur les devis ni sur les délais des interventions.
Nous avons pu observer, lors de l'examen de la proposition de loi, présentée
par Dominique Braye, portant modification de la loi relative à la solidarité et
au renouvellement urbains, dite loi SRU, que de nombreux collègues souhaitaient
revenir au
statu quo ante
en matière de redevance archéologique.
Ces préoccupations, largement partagées, me semblent avoir été entendues par
le ministre de la culture. En effet, au cours de la discussion au Sénat de son
projet de budget, interrogé par le rapporteur spécial, Yann Gaillard, le
ministre de la culture s'est engagé à résoudre la question le plus rapidement
possible.
Il a rappelé qu'il avait, dès le début du mois d'octobre 2002, lancé une
mission d'étude afin d'examiner les moyens de réformer la loi de janvier 2001.
Il a par ailleurs précisé quelles pourraient être les grandes lignes d'une
telle réforme. Celle-ci pourrait avoir pour objet de modifier les paramètres de
calcul de la redevance, de mieux associer, lorsqu'il y en a, les services
archéologiques des collectivités, enfin d'imposer une plus grande maîtrise de
la prescription aux services de l'Etat.
Compte tenu des assurances ainsi reçues, maintenir l'article 59
quater
serait - je n'hésite pas à le dire - inutilement désobligeant à l'égard du
ministre de la culture. La commission ne peut pas le proposer.
M. le président.
La parole est à M. Gérard Miquel, pour présenter l'amendement n° II-55.
M. Gérard Miquel.
Cet amendement est identique au précédent. Je ne reprendrai donc pas
l'argumentation qu'a fort bien développée M. le rapporteur général pour
justifier la suppression de l'article 59
quater
.
M. le président.
La parole est à M. Thierry Foucaud, pour présenter l'amendement n° II-83.
M. Thierry Foucaud.
L'article 59
quater
manque incontestablement de cohérence et ressemble
à s'y méprendre à une disposition circonstancielle. Ce simple fait suffirait à
en demander la suppression.
En effet, il revient, au détour de la discussion des articles non rattachés,
sur la loi du 17 janvier 2001, qui a pourtant permis, à l'issue de débats longs
et parfois vifs - il n'y eut pas moins de sept lectures entre les deux
assemblées - de donner une certaine cohérence à la convergence des impératifs
de la préservation, de la connaissance du patrimoine archéologique de la nation
et de l'aménagement du territoire.
Elle a décidé la création d'une redevance destinée à financer l'action de
l'Institut national de recherches archéologiques préventives, redevance dont le
produit alimente l'essentiel des 110 millions d'euros nécessaires à l'activité
de l'institut.
En adoptant la loi sur l'archéologie préventive, la France s'était mise en
conformité avec ses propres engagements internationaux, en l'occurrence avec la
convention de Malte sur la protection du patrimoine archéologique.
L'INRAP emploie aujourd'hui, vous le savez, quelque 1 400 personnes à temps
complet et environ 300 intervenants sur des missions ponctuelles. Toute remise
en question de son fonctionnement par réduction de ses moyens aurait donc sur
l'emploi un effet pour le moins négatif, pouvant conduire dans les faits à la
suppression des emplois temporaires, puis à la remise en cause de 500 à 600
emplois à temps plein.
En réalité, la disposition visée par l'article 59
quater
a déjà été
attaquée dans le cadre de la discussion de la proposition de loi portant
modification de la loi SRU, M. le rapporteur général vient de le rappeler, par
ce qu'il est convenu d'appeler un cavalier budgétaire.
On peut dès lors se poser les questions suivantes.
En proposant de supprimer cet article, la commission des finances vise-t-elle
à laisser au texte final de la proposition de loi portant modification de la
loi SRU le soin de réduire ou de supprimer la redevance d'archéologie
préventive ?
Ou bien cette proposition vise-t-elle à ne pas laisser s'accroître la pression
fiscale sur les compagnies d'assurances, dont la voix, on le sait, est souvent
écoutée ici ?
Ou encore s'agit-il de supprimer purement et simplement cette disposition, au
demeurant critiquable ? Certes, l'examen de certaines situations fait
apparaître que la volonté de remettre en cause le financement de l'INRAP émane
parfois d'élus qui, dans la gestion de leurs affaires locales, rencontrent des
difficultés avec le règlement de la redevance d'archéologie préventive.
Toutefois, pour nous, l'archéologie préventive participe à la préservation et
parfois à la mise au jour du patrimoine commun de la nation. L'activité de
l'INRAP vise donc des objectifs de service public. Aussi, supprimer l'article
59
quater
est salutaire et indispensable si l'on ne veut pas que notre
pays perde, au seul profit de misérables considérations immédiates, une partie
de sa mémoire.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le ministre de la
culture considère que l'article en question compromet les conditions d'exercice
des missions qui incombent, en vertu de la loi, à l'Institut national de
recherches archéologiques préventives.
Il ne résout pas pour autant les difficultés qui sont rencontrées.
Si les redevances sont récentes, le financement de l'archéologie préventive
par les aménageurs existe depuis plusieurs dizaines d'années. La délivrance
d'une autorisation de travaux ou d'urbanisme était déjà subordonnée à
l'intervention d'un opérateur archéologique, qui était le plus souvent
l'Association pour les fouilles archéologiques nationales, laquelle facturait
ses prestations.
La loi a eu pour effet de clarifier les modalités de ce financement. Elle a
instauré des impositions de toute nature, dont le montant est calculé sur la
base des paramètres objectifs, identiques sur l'ensemble du territoire
nationale, tels que la surface, l'épaisseur des couches et la densité des
structures archéologiques.
Rappelons qu'elle a également prévu des exonérations justifiées par des
considérations d'ordre social, s'agissant de constructions de particuliers ou
de travaux relatifs aux logements locatifs sociaux.
Les premières prescriptions de fouilles, en application de cette loi entrée en
vigueur en février 2002, soulèvent des difficultés dont, comme vos collègues
députés, vous vous êtes fait l'écho.
Ces difficultés touchent plus particulièrement les petites collectivités
locales ou les communes rurales.
Le Gouvernement travaille actuellement à les résoudre. Le ministre de la
culture a rappelé devant vous, vendredi dernier, qu'il avait créé, dès le 9
octobre, une mission d'étude qui doit proposer les éléments d'une réforme qui
vous sera présentée très prochainement. Il s'est d'ailleurs engagé à vous
soumettre, dès le mois de janvier 2003, une réforme en profondeur de ce
système. Comme nombre d'entre vous, je pense qu'une réforme est en effet
opportune.
Dans l'attente des projets qui vous seront soumis par M. Jean-Jacques
Aillagon, en vous demandant de faire confiance au Gouvernement, j'accepte, au
nom du Gouvernement, ces amendements de suppression.
M. le président.
La parole est à M. Yann Gaillard, pour explication de vote.
M. Yann Gaillard.
Je n'ai pas grand-chose à ajouter après l'explication très approfondie que M.
le ministre délégué au budget vient de nous fournir. Je confirme que le
ministre de la culture, très soucieux de ne pas voir compromise la réforme
équilibrée qu'il prépare et qu'il a l'intention de présenter très rapidement,
suit de près cette affaire.
M. le ministre vient d'ailleurs de rappeler que la réforme serait prête dès
janvier ; on peut bien attendre cette date.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Philippe Lachenaud.
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Je ne suis pas encore tout à fait convaincu du bien-fondé de cette
suppression.
C'est à la suite de conflits très vifs ou d'incidents majeurs survenus dans
des circonscriptions de nos collègues députés, mais aussi dans la commune de
mon ami Henri de Raincourt - c'est un peu en son nom que je m'exprime en cet
instant - qu'un débat s'est engagé. J'ai moi-même entendu M. le ministre de la
culture reconnaître qu'un conflit important existait et qu'il fallait engager
une réforme majeure.
Personnellement, je suis favorable à la poursuite des fouilles préventives :
j'ai d'ailleurs, et à plusieurs reprises, accepté d'en financer sur de très
grands chantiers.
Ce qui est en cause, c'est le caractère obligatoire du dispositif, c'est son
mode de calcul. Certes, l'institut actuel me paraît préférable à l'Association
pour les fouilles archéologiques nationales qui existait précédemment. Mais on
ne peut pas conserver le mécanisme en vigueur.
Les archéologues et l'établissement public ont mené un combat afin que rien ne
change. J'en trouve d'ailleurs la trace dans l'objet de l'amendement n° II-55,
qui justifie la suppression de l'article par la volonté de maintenir
l'application intégrale du dispositif de la loi n° 2001-44 du 17 janvier
2001.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Ce n'est pas ce que M. le ministre veut faire !
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Si tel est vraiment le résultat de ce débat, la volonté d'une bonne partie de
l'Assemblée nationale et du Sénat sera contournée par une manoeuvre
dilatoire.
Nous voulons avoir la certitude qu'un nouveau dispositif prenant davantage en
compte les contraintes financières, ainsi que celles qui sont liées à la
conduite des projets, et définissant une tarification plus raisonnable sera mis
en place, et ce dès 2003. Car nous ne voulons pas que le dispositif actuel
perdure en 2003 et que le nouveau dispositif ne soit applicable qu'en 2004. Ce
n'est qu'en recevant de réelles assurances sur ce point que je pourrai voter
ces amendements.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances.
Je comprends bien le
raisonnement de Jean-Philippe Lachenaud, et j'ai à l'esprit la démarche du
président Henri de Raincourt, qui nous a consultés sur les conditions
d'application dans nos départements de la loi relative à l'archéologie
préventive.
Je me suis moi-même interrogé sur ce sujet. J'ai consulté l'archéologue de mon
département, la Mayenne, et ses propos m'ont paru extrêmement préoccupants. Les
différentes directions régionales des affaires culturelles ont en fait des
attitudes très contrastées. On bloque les opérations nouvelles sur certains
sites, tandis que, sur d'autres, on admet que celles qui avaient commencé à
être réalisées puissent ne pas être soumises aux dispositions de loi.
Le problème qui est posé ne concerne pas uniquement la tarification. Je crains
que, si les dispositions prévues à l'article 59
quater
devaient être
appliquées, on ne bloque un peu plus le dispositif. C'est l'ensemble du
dispositif actuellement en vigueur qui doit faire l'objet d'un réexamen au
fond. L'engagement que prend le Gouvernement par la voix du ministre du budget
me paraît très encourageant. Il confirme d'ailleurs les engagements qui ont été
pris ici même lors de la discussion des crédits de la culture, à l'occasion
d'un dialogue particulièrement constructif avec le ministre.
Je pense donc que la sagesse consiste à laisser les dispositions de la loi en
l'état, car consacrer ce qui a été voté par les députés nous exposerait à un
risque supplémentaire de blocage, qui irait à l'encontre des préoccupations qui
nous animent.
Je ne suis pas certain que les auteurs des trois amendements aient des
préoccupations rigoureusement identiques, mais la suppression de l'article 59
quater
irait, me semble-t-il, dans la bonne direction.
M. le président.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Pour répondre à l'interrogation précise de
Jean-Philippe Lachenaud, je lui confirme l'engagement exprès du ministre de la
culture de proposer dès janvier 2003, une réforme en profondeur du système.
M. le président.
Je mets aux voix les amendements identiques n°s II-108, II-55 et II-83.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président.
En conséquence, l'article 59
quater
est supprimé.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux. Je vous
indique qu'il nous reste vingt-quatre amendements à examiner.
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances.
Monsieur le président, je
constate que l'examen des articles non rattachés de la deuxième partie
s'accomplit à un rythme soutenu : tout donne à penser qu'il pourra s'achever en
fin de matinée, ce qui permettrait de procéder, le cas échéant, à la seconde
délibération dans l'après-midi.
Dans ces conditions, j'indique aux membres de la commission des finances que
celle-ci se réunira à quinze heures trente, pour examiner les amendements qui
seront discutés lors de la seconde délibération.
Ainsi, la séance publique pourrait reprendre à seize heures et le vote par
scrutin public à la tribune intervenir avant le dîner.
M. le président.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Le programme des travaux que vient d'esquisser M. le
président de la commission des finances, à savoir l'achèvement de la discussion
des articles dans la matinée, la seconde délibération à seize heures, puis les
explications de vote sur l'ensemble et, enfin, le scrutin public à la tribune
avant le dîner, aurait d'autant plus la faveur du Gouvernement que je dois
aller présenter le collectif budgétaire à l'Assemblée nationale aussitôt après
le vote de la Haute Assemblée sur le projet de loi de finances pour 2003.
M. le président.
La suite de la discussion du projet de loi est donc renvoyée à la prochaine
séance, en espérant qu'elle se déroulera effectivement comme il vient d'être
envisagé.
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