SEANCE DU 6 DECEMBRE 2002
L'amendement n° II-151, présenté par MM. Arthuis et Marini, au nom de la
commission des finances, est ainsi libellé :
« Augmenter cette réduction de 200 000 euros ;
« En conséquence, porter le montant des mesures nouvelles négatives à moins 1
540 676 515 euros. »
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Avant de commenter l'amendement que je présente,
au nom de M. le rapporteur général et en ma qualité de président de la
commission des finances, je veux saluer la passion qui anime M. le secrétaire
d'Etat au tourisme et rendre hommage à la conviction qu'il a exprimée ce soir
devant le Sénat.
M. Charles Ginésy,
rapporteur pour avis.
Très bien !
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances.
Ayant dit cela, je veux
souligner à quel point le pouvoir du secrétaire d'Etat ne se mesure pas en
crédits, comme l'a si bien rappelé M. Paul Dubrule.
Il s'agit d'être l'animateur, celui qui mobilise, le catalyseur des énergies,
étant bien entendu que, sur l'ensemble du territoire, les régions, les
départements, les communes participent également à la politique touristique,
avec l'ensemble des professionnels du secteur.
L'amendement que je présente maintenant, avec le sentiment qu'il ne rejoint
pas nécessairement les préoccupations de M. le secrétaire d'Etat, s'inscrit
dans la recherche que conduit la commission des finances depuis le début de
l'examen des crédits mis à la disposition des différents ministres.
Des moins-values fiscales ayant été constatées sur les prévisions de recettes
par le Gouvernement, au moment où il venait présenter devant le Sénat le projet
de loi de finances pour 2003, il faut en tirer les conséquences sur les
dépenses.
Cet amendement a pour objet de réduire de 200 000 euros, c'est-à-dire
d'environ 10 %, la subvention de l'Etat à l'Agence française d'ingénierie
touristique, l'AFIT, inscrite à l'article 21 du chapitre 44-01 « Développement
de l'économie touristique ».
Cette subvention, qui a atteint sous la précédente législature un niveau élevé
- depuis 2001, l'organisme reçoit 1,936 million d'euros - a progressé de plus
de 80 % depuis 1998. Il est vrai qu'en 2001 il a fallu compenser
l'assujettissement de l'AFIT à la TVA, ce qui justifie, mais seulement
partiellement, l'augmentation de la subvention observée depuis 1999.
L'AFIT, dois-je le rappeler, a été créée le 17 mars 1993. C'est un groupement
d'intérêt public qui a pour objet le soutien à l'adaptation de l'offre, l'étude
des financements des investissements et de la promotion à l'étranger de
l'ingénierie touristique française.
Sans remettre en cause la qualité des services fournis par l'AFIT, on peut
néanmoins proposer une réduction de ses crédits en se fondant sur quelques
observations.
Le président de l'AFIT m'a appelé à maintes reprises au cours des derniers
jours pour me faire part de ses préoccupations quant à son établissement, mais
un argument au moins fonde la position de la commission des finances, et je
précise que l'intention première de celle-ci était de réduire de 400 000 euros
le montant de la subvention. Nous avons donc pris en considération les
remarques du président de l'AFIT.
La hausse des subventions de l'Etat observée ces dernières années s'est
effectuée en contradiction totale avec les statuts du groupement d'intérêt
public, qui prévoient le développement d'une politique de partenariats et,
corrélativement, une réduction progressive de la part des subventions de
l'Etat.
Par ailleurs, d'après les informations fournies à notre commission, et en
dépit d'un déficit d'exécution en 2001, l'AFIT dispose de marges de manoeuvre
budgétaires significatives, au regard desquelles la réduction des crédits
proposée par le présent amendement paraît bien minime.
En outre, l'Observatoire national du tourisme, l'ONT, association de la loi de
1901 également subventionnée par l'Etat, dont les missions sont proches de
celles de l'AFIT, voit ses subventions diminuer de 8 % dans le projet de loi de
finances pour 2003. Un effort similaire devrait donc pouvoir être demandé à
l'AFIT.
Enfin, il faut préciser que ces réductions de crédits ne remettent pas en
cause la politique de modernisation des outils d'information menée par le
secrétariat d'Etat au tourisme. Le projet de loi de finances pour 2003 prévoit
en effet une augmentation substantielle - de 30 % - de la dotation aux études,
qui finance une précieuse enquête aux frontières devant permettre à terme
l'établissement d'un dispositif permanent d'observation des flux de
touristes.
Ce qui a emporté notre conviction, c'est l'examen de la situation financière
de l'AFIT. Sur la base des documents qui m'ont été communiqués par le
secrétariat au tourisme, il apparaît que l'AFIT dispose à son actif de
liquidités, en banques et dans des établissements financiers, pour un montant
de 735 664 francs. Au surplus, l'AFIT a pu souscrire - et c'est d'ailleurs, Mme
Beaudeau en conviendra, une sage utilisation de son épargne que de recourir
ainsi aux marchés de valeurs mobilières - un montant de 8 661 170 francs de
valeurs mobilières, ce qui porte le total de ses disponibilités à 9 296 833
francs, soit, à peu près 1 400 000 euros.
Mes chers collègues, nous devons être attentifs aux situations patrimoniales
de tous les établissements qui font appel aux subventions publiques. C'est vrai
à l'échelle communale, à l'échelle départementale et à l'échelle nationale.
Si nous réduisons donc de 200 000 euros la subvention qu'accorde l'Etat à
l'AFIT, il restera, me semble-t-il, suffisamment de ressources dans le
patrimoine de l'AFIT pour lui permettra de faire face à ses obligations.
C'est donc un signal que le Parlement adresserait à l'ensemble des
établissements, des associations, des organismes publics qui perçoivent des
subventions : nous ne pouvons pas lever de l'impôt pour conforter des
trésoreries et des placements en valeurs mobilières.
Tel est donc le sens de l'amendement qui vous est présenté par la commission
des finances.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Léon Bertrand,
secrétaire d'Etat.
J'ai bien entendu l'argumentation du président de la
commission des finances et je suis, comme tout le monde, soucieux de réduire le
déficit. C'est une obligation qui s'impose à tous.
Cela étant, je rappelle que le budget du secrétariat d'Etat au tourisme
représente 0,3 % du budget de la nation. Autrement dit, on tire sur une
ambulance !
(Sourires. - M. Paul Raoult applaudit.)
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances.
Elle est bien conduite, monsieur
le secrétaire d'Etat !
M. Léon Bertrand,
secrétaire d'Etat.
Surtout, je crains que les différents acteurs du
tourisme ne retiennent de cette réduction de crédit qu'un signal politique
négatif, dont les effets seront démesurés par rapport à l'économie finalement
réalisée. Je m'interroge donc sur l'opportunité de cet amendement.
Je rappelle que l'AFIT, dont la mission est très différente de celle de
l'Observatoire national du tourisme, joue un rôle important à l'échelon de ces
communes que votre hororable assemblée représente. J'ai parlé tout à l'heure du
rôle de l'AFIT à l'égard des plus faibles et de la solidarité que l'Etat se
doit de manifester à l'égard de certaines régions. L'AFIT est précisément le
bras de l'Etat pour mener ce genre de politique.
M. Ginésy parlait ainsi des régions de moyennes montagnes qui sont et seront
de plus en plus, du fait de l'effet de serre, confrontées au problème du manque
d'enneigement. Cette situation impose une réflexion pour trouver de nouveaux
produits et diversifier l'activité touristique. L'AFIT est précisément
l'organisme chargé d'analyser ce genre de situation et d'étudier, à partir des
potentiels, les moyens pour mettre en place de nouveaux produits.
Réduire les crédits de l'AFIT c'est se priver de cette possibilité.
Une autre chose me gêne terriblement : tout le monde a entendu parler des
problèmes du tourisme de l'outre-mer. Dans mon plan de relance, l'AFIT
apparaissait comme un des fers de lance de la politique que je souhaite
développer.
Monsieur le président, je me rendrai sur place entre les 18 et le 22 décembre.
Il me sera difficile d'annoncer aux Antilles, notamment en Guadeloupe, où l'on
m'attend, cette réduction des crédits de l'AFIT, organisme qui normalement
aurait dû permettre de diversifier l'offre touristique aux Antilles, celle-ci «
tournant » jusqu'à présent autour d'un seul produit, à savoir la plage et la
mer. Il faut donc peut-être envisager l'émergence d'autres produits, comme le
tourisme social, le tourisme de montagne, ou la rencontre avec les communautés,
produits nouveaux que l'AFIT peut justement nous aider à mettre en place.
En outre, même s'il est vrai que l'on peut détecter à peu près 10,9 millions
de francs sur les comptes de l'AFIT, dois-je rappeler que ces sommes compensent
aussi les dettes que les collectivités n'ont pas toujours pu honorer à temps ?
Elles ne font donc que transiter sur les comptes de l'AFIT : ce n'est pas un
trésor de guerre !
Je souhaite donc tout simplement en appeler à la sagesse de la commission des
finances pour lui demander sinon de renoncer à son amendement, au moins de
réduire la portée de la diminution des crédits.
M. le président.
Monsieur le président de la commission des finances, acceptez-vous la
suggestion de M. le secrétaire d'Etat ?
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances.
Monsieur le président, ma tâche
n'est pas facile, car M. le secrétaire d'Etat est convaincant dans ses
propos.
Mais, puisque vous vous rendrez dans les départements d'outre-mer, notamment
aux Antilles, à la fin du mois de décembre, monsieur le secrétaire d'Etat, vous
pourrez dire à nos compatriotes des Antilles que la commission des finances du
Sénat a renoncé à présenter un amendement tendant à réduire les crédits du
ministère chargé de l'outre-mer. Voilà qui devrait apaiser vos préoccupations
!
Vous avez tout à l'heure indiqué un montant pour la trésorerie de l'AFIT qui
doit être plus récent que celui que j'ai moi-même mentionné, lequel
correspondait à la situation à la fin de 2001. Si je comprends bien, la
situation de trésorerie de l'AFIT s'est donc encore améliorée en 2002, ce qui
entre d'ailleurs dans le prolongement de l'amélioration constatée en 2001 par
rapport à 2000.
D'ailleurs, Mme Beaudeau, qui manifeste beaucoup de détermination pour
permettre à la commission des finances d'assumer pleinement ses prérogatives de
contrôle, a, me semble-t-il, l'intention de s'intéresser tout particulièrement
à la situation de l'AFIT dans les prochains mois. Nous aurons donc l'occasion
de revenir sur ces questions.
Encore une fois, monsieur le secrétaire d'Etat, nous n'avons pas le sentiment
de vous mettre en difficulté ; nous voulons simplement faire savoir aux
gestionnaires de ces institutions qu'il n'est pas satisfaisant que l'impôt
serve à accumuler de la trésorerie, à souscrire des parts de SICAV, ou
peut-être même des bons du Trésor, ce qui au moins contribue à financer le
déficit public, mais avouez que, même dans ce cas, le procédé n'est pas
satisfaisant. C'est une situation contre laquelle nous nous devons de réagir en
notre qualité de parlementaires, et c'est la raison pour laquelle il me semble
que nous ne pouvons pas répondre à votre souhait.
L'intention première de la commission des finances, je l'ai dit, était de vous
demander un sacrifice de 400 000 euros, sacrifice que nous avons ramené à 200
000 euros. Cela reste notre position. Encore une fois, ne le prenez pas en
mauvaise part : nous avons le sentiment que l'AFIT a suffisamment de trésorerie
disponible pour faire face à ses obligations, qui sont, c'est vrai, nombreuses,
et nous ne remettons en aucune façon en cause sa capacité d'expertise.
M. le président.
La parole est à Mme le rapporteur spécial.
Mme Marie-Claude Beaudeau,
rapporteur spécial.
Je ne conteste pas bien entendu les chiffres avancés
par M. le président de la commission des finances, mais, si les subventions de
l'Etat ont progressé de plus de 80 % en quelques années, cette progression doit
évidemment être appréciée au regard de l'assujettissement obligatoire de l'AFIT
à la TVA à partir de 1998. Il a bien fallu que l'Etat compense le coût de cet
assujettissement !
Je relève aussi quelques contradictions avec le statut du groupement d'intérêt
public, puisque c'est le cas de l'AFIT. D'ailleurs, monsieur le président de la
commission, il serait indispensable d'ouvrir un débat sur les GIP, ainsi que
sur les GIE recevant des dotations publiques, pour clarifier la situation et
combler quelques vides juridiques. Quand on fait la comparaison entre l'AFIT et
l'ONT, qui n'a pas connu, et c'est heureux, les mêmes dérives, on voit bien que
le statut d'association de la loi de 1901 n'aboutit pas aux mêmes résultats.
Je ne conteste pas non plus les marges budgétaires, qui ont été découvertes
subitement. D'ailleurs, il faudra s'interroger sur la manière dont est contrôlé
ce groupement d'intérêt qu'est l'AFIT pour qu'il soit possible d'en arriver
aujourd'hui à cette situation, puisque cela n'est pas conforme à ses
statuts.
Vous le savez, monsieur le président de la commission, lorsque nous avons
examiné ces crédits en commission, j'ai proposé, vous l'avez dit voilà quelques
instants, de conduire une mission sur les finances de l'AFIT, à l'instar de
celle que j'avais conduite voilà deux ans s'agissant de Maison de la France.
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances.
Tout à fait, madame !
Mme Marie-Claude Beaudeau,
rapporteur spécial.
Celle-ci s'était conclue par un rapport dont tous nos
collègues ont pu prendre connaissance et qui a été publié. Depuis, des
modifications sont intervenues en ce qui concerne cet organisme, qu'il s'agisse
des marchés, du personnel ou du contrôle en général.
Aussi, je souhaiterais que la commission des finances me laisse le temps de
conduire ma mission à son terme avant de pouvoir conclure sur l'AFIT, que je ne
défends pas d'ailleurs, pas plus que je ne défends son président M. Michel
Bécot, qui a publié des déclarations que j'ai fait figurer dans mon rapport
écrit.
Pour toutes ces raisons, et afin de ne pas anticiper sur une analyse
d'ensemble des finances de l'AFIT, je ne m'associe pas à votre demande,
monsieur Arthuis. D'ailleurs, je n'ai pas approuvé la diminution de 8 % des
crédits de l'ONT. Je l'avais dit en commission et je l'ai précisé dans mon
rapport écrit. J'ajouterai que, bien entendu, je ne partage pas les choix
budgétaires de la majorité sénatoriale.
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances.
Cela ne nous avait pas échappé,
madame Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau,
rapporteur spécial.
Vous pourrez m'en donner acte. Je l'ai dit à de
nombreuses reprises au cours de l'examen de la première partie du présent
projet de loi de finances.
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances.
En effet !
Mme Marie-Claude Beaudeau,
rapporteur spécial.
La commission des finances n'ayant pas délibéré sur
l'objet de cet amendement, je ne peux donc m'exprimer ici en son nom. C'est
pourquoi je précise, à titre personnel, et en toute liberté, que je ne voterai
pas cet amendement.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances.
Je veux saluer le rapport de Mme
Beaudeau sur Maison de la France, dont la qualité a été reconnue. Il a eu des
suites, ce qui démontre que le Parlement est bien dans son rôle lorsqu'il
effectue sa mission de contrôle.
Je souhaiterais dire quelques mots sur la TVA. Le corollaire de
l'assujettissement à la TVA, c'est l'exonération de la taxe sur les salaires.
Dans ces conditions, je fais l'hypothèse que l'effet sur le budget n'a pas dû
être aussi considérable que certains veulent bien le penser.
Encore une fois, nous ne sommes pas compétents pour porter une appréciation
sur l'efficacité de l'AFIT. Nous voulons simplement délivrer un signal à propos
de l'accumulation - qui nous paraît excessive - de trésorerie. Puisque la
nouvelle loi organique relative aux lois de finances nous invite à porter une
attention toute particulière à l'exécution budgétaire, nous serons à cet égard
particulièrement vigilants.
M. le président.
La parole est à Mme Evelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Evelyne Didier.
Je voudrais saluer l'humour de M. le secrétaire d'Etat lorsqu'il a dit que
cela reviendrait à tirer sur une ambulance. Je continuerai dans cette veine, si
vous me le permettez.
Les actions menées par l'AFIT sont très concrètes, notamment dans mon
département, puisque le territoire du Lunévillois, en Meurthe-et-Moselle, a été
retenu par cette agence pour piloter un projet de développement de tourisme
durable. Au moment où le Gouvernement déclare que le tourisme durable est l'une
de ces grandes priorités, il me semble curieux d'empêcher l'AFIT de faire ce
travail.
L'amendement n° II-151 est pour le moins intéressant.
En effet, la commission des finances propose de placer l'Agence française de
l'ingénierie touristique en situation de devoir se libérer de quelques-unes de
ses immobilisations financières, qu'elle tirerait dans les faits de
l'utilisation des lignes budgétaires qui lui sont accordées.
Il est assez surprenant, je l'avoue, que la commission des finances, qui, on
le sait, est attachée à la bonne santé de nos marchés financiers, propose
aujourd'hui un tel amendement.
Soyons honnêtes, mes chers collègues. Quand on vote, dans la première partie
du projet de loi de finances, la possibilité pour les investisseurs boursiers
d'imputer pendant dix ans les moins-values dégagées sur la cession d'actifs en
cette période de déprime du CAC 40, et que cette « gâterie fiscale » sans
équivalent dans notre législation fiscale coûte, au bas mot, 200 millions
d'euros à la collectivité nationale, notamment à tous ceux qui disposent de
modestes ressources et qui sont donc privés du bonheur d'effectuer cette
imputation, un tel amendement est plutôt audacieux.
En outre, l'AFIT est d'ores et déjà largement mise à contribution dans le
projet de budget pour 2003, sans qu'il soit d'ailleurs besoin de réduire son
intervention en matière de politique du tourisme à la mobilisation de fonds
destinés à d'autres usages ou objets que ceux qui relèvent de sa mission
originelle. Mais peut-être s'agit-il là de la différence bien connue que nous
observons si souvent entre lecture strictement comptable et expertise de
gestion ?
Cet amendement est donc, de notre point de vue, faussement vertueux, d'autant
qu'il émane de personnes qui sont si peu sourcilleuses sur l'usage des deniers
publics en faveur des placements financiers.
Monsieur le président de la commission des finances, vous n'avez vraiment pas
le beau rôle depuis quelques jours. La cuisine budgétaire que vous nous servez
jour après jour a vraiment mauvais goût !
(Mme Marie-France Beaufils
applaudit.)
M. François Le Grand.
Heureusement, c'était de l'humour !
M. le président.
La parole est à M. Paul Raoult, pour explication de vote.
M. Paul Raoult.
Il s'agit du énième épisode d'une tentative désespérée pour rééquilibrer un
budget qui est en réalité déjà lourdement déficitaire.
S'agissant de l'AFIT, il est franchement désespérant de réduire ses crédits,
déjà maigres, alors même que cet organisme est un instrument déterminant de la
réflextion en termes d'aménagement touristique et qu'il intervient jour après
jour auprès de tous ceux qui, au niveau des collectivités locales ou
territoriales, ont des projets.
Certes, comme cela a été dit tout à l'heure, le budget est faible, mais la
France est tout de même la première destination touristique. Si nous sommes les
premiers, c'est aussi parce que les collectivités locales et territoriales, les
communes, les départements et les régions, consacrent d'importants crédits au
tourisme. Quand on parle du budget touristique, on parle d'abord du budget des
collectivités locales et territoriales. Telle est, aujourd'hui, la réalité
profonde de notre politique touristique. Il serait tout de même bon que l'Etat
prenne conscience de l'importance économique de ce secteur et ne cherche pas à
réaliser de maigres diminutions de crédits, alors même qu'il faudrait donner
une impulsion supplémentaire.
Par ailleurs, sous le prétexte que nous sommes les premiers, il serait inutile
d'augmenter les crédits. Or, mes chers collègues, vous oubliez que, dans le
même temps, l'Espagne et l'Italie font un effort gigantesque pour nous
rattraper, pour nous dépasser. Si nous n'y prenons garde, à force de s'endormir
sur nos lauriers, nous perdrons notre première place. Allez voir comment sont
conduites les politiques touristiques en Espagne et en Italie !
Je trouve un peu fort de café qu'aujourd'hui on vienne mégoter sur un problème
interne à l'AFIT. Si, comme vous le dites, monsieur Arthuis, il reste beaucoup
d'argent dans les caisses de cette agence, expliquez-nous pourquoi cet argent
n'est pas dépensé, comment le dépenser plus vite et mieux, au lieu de vous
amuser, à deux heures trente du matin, à mégoter en diminuant l'enveloppe
budgétaire qui lui est attribuée. Vos numéros répétés, par lesquels vous voulez
nous faire croire que le Sénat, aujourd'hui, serait un peu plus intelligent,
peut-être, que la majorité de l'Assemblée nationale, en nous alignant, les unes
après les autres, de petites diminutions de crédits, sont vraiment dérisoires,
monsieur Arthuis, et vous le savez bien.
Sur le budget 2002 et le budget 2003, le déficit sera de l'ordre de 300
milliards de francs. Aussi, parler, à cette heure, de quelques dizaines de
milliers d'euros, c'est dérisoire et inutile.
Vous avez prétendu, hier, que notre budget était mensonger, mais le vôtre
l'est mille fois plus ! En effet, vous l'avez élaboré à partir d'un taux de
croissance du PIB que vous aviez évalué à 2,5 %. Aujourd'hui, nous en sommes à
1,2 % ou 1,3 %. Vous êtes quand même allé jusqu'à nous présenter un budget qui
n'est pas réel et vous allez nous faire croire que, parce qu'on va économiser,
jour après jour, quelques sous, quelques euros, on arrivera à diminuer les
quelque 300 milliards de francs de déficit qui sont déjà prévisibles !
En réalité, le fond de l'affaire, monsieur Arthuis, et vous le savez bien,
c'est la décision de la majorité actuelle de diminuer l'impôt sur le revenu
pour appliquer une de ses promesses électorales. Cela vous conduit à être dans
l'incapacité de nous présenter un budget correct, comme vous auriez espéré
pouvoir le faire, c'est-à-dire mieux équilibré. Ce ne sont pas quelques mesures
dérisoires qui régleront le problème de fond. Voilà la réalité ! Aujourd'hui,
on est coincé.
Pendant cinq ans, vous n'avez cessé de dire : nous, nous ferons des économies,
en particulier dans l'administration centrale. Or, lors de la présentation du
budget du ministère de l'agriculture, vous nous avez dit qu'il n'était pas
possible de faire de telles économies. C'est pourquoi la commission des
finances a alors proposé de diminuer les crédits du FNDAE, le Fonds national
pour le développement des adductions d'eau. Là encore, comme pour l'AFIT, il
vaudrait mieux comprendre par quelle inertie administrative on n'arrive pas à
consommer réellement les crédits dont nous avons besoin. S'agissant du FNDAE,
on devrait pouvoir consommer les crédits puisque les besoins sont
considérables. Pourtant, on le fait pas. Résultat des courses : vous diminuez
les crédits de 46 %.
Ce soir, vous recommencez la manoeuvre pour l'AFIT, alors que les besoins à
satisfaire sont énormes. Je ne peux qu'être opposé à cette manoeuvre, que je ne
comprends pas et qui me paraît dérisoire.
M. le président.
La parole est à M. Paul Dubrule, pour explication de vote.
M. Paul Dubrule.
Je n'ai pas le talent oratoire de mon excellent collègue, mais je connais le
tourisme. Cette année, la situation budgétaire étant très difficile, chacun
devrait avoir à coeur d'apporter sa petite part d'économies.
L'AFIT fait effectivement un excellent travail. Cette agence fait des
affaires, c'est-à-dire traite des dossiers, prépare des budgets et élabore des
projets. Or, dans toute entreprise, lorsqu'on traverse une période difficile,
on se recentre, on se resserre, on série les problèmes et les questions, et on
essaye de dépenser un peu moins. C'est possible s'agissant des projets. Si on y
ajoute la possibilité de puiser dans les réserves, la proposition de la
commission des finances paraît raisonnable.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Léon Bertrand,
secrétaire d'Etat.
Tout à l'heure, lorsque j'ai annoncé un montant de
valeurs mobilières de 10,9 millions d'euros, je me suis trompé. En fait, il y a
8,5 millions d'euros de valeurs mobilières, pour compenser 10,9 millions
d'euros de dettes qui n'ont pas été payées jusqu'à présent par les
collectivités ou les partenaires de l'AFIT. Ces fonds qui apparaissent comme un
placement permettent, en fait, à l'AFIT de disposer d'une trésorerie pour
fonctionner convenablement. L'écart est actuellement en cours de résorption.
Voilà les précisions que je souhaitais apporter pour clarifier la situation.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances.
A cette heure avancée de la
nuit, on me pardonnera sans doute de prendre de nouveau la parole.
Je voudrais saluer la vitalité du propos de notre collègue M. Raoult à cette
heure avancée de la nuit !
(Sourires.)
Je lui fais observer que c'est
l'honneur du Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin d'avoir tenu compte de
l'évolution des données prévisionnelles et ne pas s'être risqué à une pratique
de budget mensonger. Le texte que l'Assemblée nationale examinera en ultime
lecture tiendra compte de cette moins-value fiscale. Ne pas tenir compte de
l'évolution de la situation économique est une forme d'entêtement qui peut être
critiquable. Aussi, je vous appelle à une grande compréhension.
Par ailleurs, je salue Mme Didier, qui préconise les placements en valeurs
mobilières pour la bonne santé du marché (
Sourires.
) Elle dispose, je
n'en doute pas, des encouragements de Mme Beaudeau pour qu'il en soit ainsi !
(Nouveaux sourires.)
Enfin, monsieur le secrétaire d'Etat, je suis attentif aux dettes dont vous
faites état dans le bilan de l'AFIT, mais puis-je vous faire observer qu'à
l'actif vous avez également des créances d'un égal montant ? Par conséquent,
l'argument que j'avais présenté garde toute sa pertinence.
(M. Paul Dubrule applaudit.)
M. Jacques Oudin.
Très bien !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° II-151.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des
finances.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du
règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Nombre de votants | 315 |
Nombre de suffrages exprimés | 312 |
Majorité absolue des suffrages | 157 |
Pour l'adoption | 201 |
Contre | 111 |
Le Sénat a adopté.
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV, modifiés par les amendements n° II-93 rectifié, II-94 et II-150 précédemment adoptés par le Sénat et l'amendement n° II-151 que nous venons d'adopter.
(Ces crédits sont adoptés.)
ÉTAT C
M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 1 580 704 000 euros ;