SEANCE DU 6 DECEMBRE 2002


M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant l'équipement, les transports, le logement, le tourisme et la mer : III. - Transports et sécurité routière : Transports terrestres et intermodalité, routes et sécurité routière.
J'indique au Sénat que, pour cette discussion, la conférence des présidents a opté pour la formule expérimentée ces deux dernières années et fondée sur le principe d'une réponse immédiate du Gouvernement aux différents intervenants, rapporteurs ou orateurs des groupes.
Ainsi, M. le ministre ou M. le secrétaire d'Etat répondra immédiatement et successivement aux deux rapporteurs spéciaux, puis aux deux rapporteurs pour avis, et, enfin, à chaque orateur des groupes.
Ces réponses successives se substitueront à la réponse unique en fin de discussion.
Chacune des questions des orateurs des groupes ne devant pas dépasser cinq minutes, le Gouvernement répondra en trois minutes à chaque orateur ; ce dernier disposant d'un droit de réplique de deux minutes au maximum.
J'invite chaque intervenant à respecter l'esprit de la procédure, qui repose sur des questions précises et en nombre limité, et les temps de parole impartis.
J'excuse par avance M. le ministre dont les charges le contraignent à nous quitter vers dix-huit heures. M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer, Dominique Bussereau, lui succédera dans le débat.
La parole est à M. Jacques Oudin, rapporteur spécial.
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, pour les transports terrestres et l'intermodalité. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, s'il y a un problème auquel nos concitoyens sont confrontés tous les jours, c'est bien celui des transports.
Qu'ils soient simples citoyens ou responsables d'entreprise, ils vivent dans une société de plus en plus mobile, de plus en plus exigeante en termes de rapidité, de fluidité et d'efficacité.
Le monde lui-même est assoiffé d'échanges. Au-delà du mouvement inéluctable de la mondialisation, nous bâtissons, en Europe et ailleurs, de vastes ensembles territoriaux pour faciliter les mouvements de personnes et de marchandises.
L'Union européenne en est l'exemple le plus achevé. Son élargissement entraînera inéluctablement l'accélération de la demande de transports. N'oublions pas que la France est, dans ce contexte, l'une des plaques tournantes de l'Europe.
Secteur vital pour le développement de notre économie et l'aménagement de notre territoire, le transport est un secteur « mal aimé », monsieur le ministre. (M. le ministre acquiesce.)
Deux exemples illustrent ce phénomène.
L'année 2002 a été celle de deux grandes élections. Relisez tous les discours : le thème des transports n'a été évoqué ni dans le cadre de la campagne pour l'élection présidentielle ni dans celui de la campagne pour les élections législatives. On ne parle des transports qu'à l'occasion de catastrophes, de grèves ou de manifestations d'associations de riverains. Où sont les grandes perspectives ?
D'autre part, la politique européenne des transports a pris un retard important, préjudiciable au bon fonctionnement de notre marché unique. Le dernier Livre blanc n'a été publié qu'en septembre 2001. Les dix grands chantiers d'Essen ont pris un retard considérable. Dans ce contexte, les grandes liaisons transeuropéennes connaissent des phénomènes de saturation due à des insuffisances de capacité.
Monsieur le ministre, vous avez pris vos fonctions après une période qui n'a pas été favorable aux transports. Au cours de la précédente législature, l'investissement en ce domaine n'a cessé de décliner. Jamais nous n'avons investi aussi peu dans les transports qu'en l'an 2000. Or, pendant le même temps, compte tenu de la croissance économique, la demande de transports n'a fait qu'augmenter.
Aux investissements en diminution se sont ajoutés deux autres phénomènes.
Le premier est le changement radical d'optique concernant la vision à long terme de notre système de transport. La première loi d'aménagement du territoire de 1995, à laquelle le Sénat était si attaché et qui était fondée sur une vision structurelle des différents modes de transports, permettait une desserte équilibrée du territoire. A cette première loi ont succédé les schémas de services préconisés par la seconde loi d'aménagement du territoire de 1999 et sur laquelle tant les régions que le Sénat ont émis des avis extrêmement réservés.
A l'évidence, ces schémas de services ne peuvent étayer une politique à long terme des transports.
Le second phénomène concerne l'écart grandissant entre les engagements de l'Etat dans le domaine des infrastructures de transports et ses capacités réduites pour en assurer le financement.
Dans ce contexte, le Gouvernement a décidé d'engager une triple action que nous approuvons et que nous soutenons pleinement.
En premier lieu, le lancement d'un audit général sur la faisabilité de tous les grands chantiers de transport est une initiative excellente : elle nous permettra de mieux asseoir notre future politique à long terme sur des bases mieux évaluées.
En deuxième lieu, une mission de réflexion prospective a été confiée à la DATAR sur notre politique de transport à l'horizon du xxie siècle. Pour ma part, je souhaite que cette réflexion aille le plus loin possible dans l'approche stratégique en termes d'aménagement du territoire, d'intermodalité, de gestion durable et, surtout, de grandes liaisons transeuropéennes. Nous devons déjouer à la fois l'horizon hexagonal et le tropisme parisien. Il n'y a pas que Paris qui soit le centre des transports en France ! Nous devons nous appuyer sur les besoins régionaux que doivent exprimer les schémas régionaux de transports, voire les schémas interrégionaux de transports. Le mouvement de décentralisation et les nécessités de l'aménagement du territoire nous y obligent.
En troisième lieu, nous devons débattre largement et publiquement de notre politique des transports.
Le Gouvernement a prévu un tel débat parlementaire au printemps 2003. Nous nous en réjouissons, monsieur le ministre, et nous l'attendons. Ce sera peut-être le prélude à une future loi de programmation des transports que, pour ma part, j'appelle de mes voeux.
Jusqu'à ce jour, le sujet a largement échappé, sinon par bribes, aux débats parlementaires. Or la politique des transports est à un nouveau tournant de son évolution. Cela est vrai en France comme dans la plupart des pays européens.
L'ouverture à la concurrence des services ferroviaires, la révision inéluctable des modalités de financement des infrastructures avec un nouveau partage des charges entre le contribuable et l'usager, la mise en oeuvre éventuelle d'un système harmonisé de tarification à l'échelle européenne, la réforme nécessaire des services de transports collectifs de voyageurs et du fret ferroviaire, le développement réel de l'intermodalité, l'amorce souhaitable d'un certain rééquilibrage modal, tout cela entraîne des choix importants pour la nation et impose des débats parlementaires approfondis.
Les schémas de structure, que ce soit pour la route, le fer, la voie fluviale ou les infrastructures portuaires et aéroportuaires, ne sauraient être décidés par la seule voie réglementaire. Le Parlement doit faire entendre sa voix.
Venons-en maintenant au budget des transports terrestres et de l'intermodalité.
Je serai peu disert sur l'intermodalité, tant l'échec passé de cette politique est patent. Tout reste à construire et à développer.
Pour le budget des transports terrestres, je vous renvoie aux développements de mon rapport écrit.
Je vous suggère de lire le passage concernant les tribulations d'un rapporteur qui, avec conscience, essaie de faire son métier et son devoir face à toutes les obstructions qu'il a rencontrées pour clarifier la situation et avoir une vision honnête des comptes.
Je note toutefois que les moyens de paiement atteignent 7,9 milliards d'euros, soit une hausse de 1,8 %, et que les moyens d'engagement ont été fixés à 8 milliards d'euros, soit une légère hausse. Je n'en dirai pas plus sur ce point.
Je formulerai maintenant six observations sur lesquelles nous souhaitons avoir des réponses, monsieur le ministre.
Ma première remarque concerne l'approche générale du secteur des transports dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi organique sur les lois de finances du 1er août 2001.
Le secteur des transports est un domaine où la rationalité peut et doit s'imposer.
Pour avoir une idée globale et précise de l'économie et des finances du secteur des transports, le Parlement a adopté, sur mon initiative, l'article 12 de la loi de finances rectificative du mois d'août 2002 qui recadre les missions de la commission des comptes des transports et impose la remise d'un rapport annuel au Parlement et au Gouvernement.
Cette réforme s'inscrit dans la ligne de la loi organique qui impose plus de transparence et d'évaluation dans la gestion des comptes publics.
Je souhaiterais, monsieur le ministre, que les nouveaux comptes des transports soient présentés au Parlement à l'appui du projet de loi de finances pour 2004, c'est-à-dire en septembre 2003.
De même, il serait souhaitable que votre ministère soit un ministère pilote pour l'expérimentation et la mise en oeuvre de la loi organique, et cela dès 2003.
Voilà trente ans, j'ai eu l'honneur d'être chargé de préparer le premier budget de programme du ministère de l'équipement. Nous avions mis en place des batteries d'indicateurs et de ratios qui nous permettaient d'apprécier, même sommairement, mais, je le crois avec justesse, l'efficacité de la gestion de ce vaste ensemble.
Je vous remercie des assurances que vous nous apporterez sur ces deux points, monsieur le ministre.
Ma deuxième observation portera sur le financement à moyen terme du programme d'investissements amorcé ou engagé par votre prédécesseur.
Mon excellent collègue M. Gérard Miquel parlera du financement du secteur autoroutier. Les collectivités et les professionnels sont attentifs aux réponses que vous apporterez à nos observations.
En ce qui concerne les transports ferroviaires, monsieur le ministre, pouvez-vous nous confirmer la baisse tendancielle des investissements ferroviaires. Ils n'ont cessé de décliner de 1997 à 2000. A cette date, ils ne représentaient que 13 % des investissements en infrastructures.
Face à ce constat, les ambitions figurant dans les schémas de services sont considérables : développement des liaisons internationales de voyageurs, organisation des transports de fret, grand corridor de transports internationaux, organisation de liaisons transalpines et transpyrénéennes, développement des déplacements urbains et périurbains.
Le Gouvernement s'est engagé sur de grands projets que nous attendons : les lignes à grande vitesse - Languedoc-Espagne, Rhin-Rhône, Tours-Bordeaux, Le Mans vers Angers et Rennes, certaines lignes de fret, contournement de Lyon, Lyon-Turin ou Nîmes-Montpellier -, sans oublier le transport combiné.
Ces projets de lignes à grande vitesse représentent 26 milliards d'euros, ce qui n'a rien d'anormal.
La consultation des régions à laquelle j'ai procédé fait apparaître, pour les vingt prochaines années, un besoin exprimé d'investissement de 70 milliards d'euros. Ce n'est pas excessif comparé aux exigences de nos concitoyens et aux efforts de nos voisins. Mais les Français accepteront-ils d'attendre vingt ans ?
Pour l'instant, l'inquiétude du Parlement, des élus territoriaux et des opérateurs porte sur la possibilité de financer à moyen terme ces infrastructures nouvelles auxquelles s'ajoute le programme de modernisation du réseau ferroviaire classique.
L'audit général nous éclairera sur les rentabilités et les priorités. Il ne résoudra pas pour autant le problème crucial de l'endettement du système ferroviaire qui pèse lourdement sur nos capacités d'investissement.
Cet endettement a atteint 40 milliards d'euros. S'il n'a que faiblement progressé au cours des dernières années, c'est à cause, d'abord, de la réduction des investissements.
La réduction de l'endettement et la relance de l'investissement appelleront, à l'évidence, des actions globales sur lesquelles nous espérons, monsieur le ministre, connaître votre position.
Ma troisième observation porte sur la situation de la SNCF et sur son nécessaire redressement.
Sur ce sujet, soyons clairs : les Français et le Parlement sont très attachés à leur système ferroviaire et ils souhaitent qu'il puisse se développer.
Toutefois, je ne suis pas certain qu'ils réalisent combien le système ferroviaire coûte à la nation : au bas mot plus de 10,7 milliards d'euros de subventions publiques par an.
Ce chiffre mérite d'être confirmé par vos soins tant il a été, pendant des années, tenu pour confidentiel, comme d'ailleurs une partie des comptes de la SNCF. Je vous renvoie aux tribulations du rapporteur !...
L'objectif que nous visons tous est que la SNCF puisse devenir un opérateur transparent et performant dans un marché européen en voie de libéralisation. Cela implique, à l'évidence, une modification profonde des structures et des méthodes de gestion de la SNCF pour respecter les exigences de la loi organique.
Certaines réformes sont déjà intervenues par le « bas », si je peux m'exprimer ainsi, avec la régionalisation, et par le « haut », en raison des engagements européens que la France a pris : séparation de Réseau ferré de France et de la SNCF, libéralisation du fret encore à venir mais inéluctable.
Au-delà de certains discours lénifiants, les chiffres parlent avec brutalité.
La productivité globale de la SNCF s'est fortement dégradée depuis 1998. La productivité technique du matériel a regressé pour la branche « fret ».
Du fait du coût des acquisitions des nouveaux matériels TGV, la rentabilité financière des investissements s'est dégradée car la politique tarifaire de la SNCF n'a pas accompagné l'augmentation de la qualité du service.
Les charges fixes sont trop élevées, sans élasticité par rapport aux recettes de trafic et le « point mort » de l'entreprise a progressé.
L'augmentation des effectifs - 7 060 équivalents temps plein depuis 1998, ce qui est un cas unique parmi les entreprises ferroviaires occidentales - s'est traduite par une dégradation des soldes intermédiaires de gestion de la SNCF.
Les résultats de l'exercice 2001 connaissent une forte dégradation qui est aggravée par l'impact des mouvements sociaux qui ont coûté la bagatelle de 145 millions d'euros. La chute du chiffre d'affaires du fret s'est d'ailleurs poursuivie en 2002 avec une baisse de trafic de 1,3 % au premier semestre.
L'accroissement de l'endettement a certes été limité grâce à d'importantes cessions d'actifs, dont l'ancien siège social, pour 73 millions d'euros.
Faute d'un redressement vigoureux autour d'un nouveau plan d'entreprise négocié et accepté par tout le personnel, la SNCF serait tentée de céder ses filiales les plus rentables pour ne pas dégrader sa situation financière.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dresser un tableau lucide de la situation de la SNCF et de ses perspectives de réforme et de redressement ?
Ma quatrième observation porte sur le fret ferroviaire, qui doit pouvoir se développer.
Le précédent gouvernement nous avait annoncé un objectif, le doublement du fret ferroviaire, c'est-à-dire un trafic de 100 milliards de tonnes/kilomètres en 2010, ce qui correspond à ce qui existait il y a vingt ans.
La première réalisation de ce plan, en 2001, s'est traduite par une diminution de 9 %. Les résultats de 2002 sont à peu près sur la même tendance. Cela n'a rien à voir avec le doublement annoncé.
L'echec de la politique de relance du fret ferroviaire est, à ce jour, patent, alors qu'il s'agit d'une priorité nationale, avec le transport combiné et l'intermodalité.
Vous avez mandaté deux sénateurs pour qu'ils vous remettent un rapport sur le fret ferroviaire. Vous avez choisi la voie de la sagesse, monsieur le ministre.
Le 15 mars 2003, le « premier paquet » ferroviaire européen devrait entrer en application. En 2006, ce sera le tour du « deuxième projet ».
A ce stade de mes observations, je souhaite que vous puissiez nous éclairer non seulement sur la politique générale du fret ferroviaire, mais aussi sur la traversée ferroviaire du massif alpin et sur le fonctionnement de deux nouveaux établissements publics nationaux créés par la loi du 3 janvier 2002, dont les ressources financières sont à ce jour grevées, c'est le moins qu'on puisse dire, de lourdes incertidudes.
L'un des problèmes du fret ferroviaire est le découragement des chargeurs en raison du manque de régularité et de fiabilité du système. Le nombre de jours perdus pour fait de grève a doublé de 2000 - 85 094 jours de grève - à 2001 - 160 947 jours de grève. Le premier semestre 2002 est meilleur. Il n'a enregistré que 12 512 jours perdus, mais l'effet dévastateur de cette situation n'a pas disparu.
Ma cinquième observation concerne les transports en Ile-de-France. Nous aurons tout à l'heure de longs débats sur ce point.
A la suite des réformes intervenues depuis deux ans, la RATP enregistre une amélioration de ses recettes commerciales en 2001, mais elle connaît toujours une situation financière très dégradée et donc peu satisfaisante.
La difficulté provient essentiellement d'une augmentation des effectifs et des charges supérieures à la progression des recettes.
Ainsi, la dette financière de la RATP reste préoccupante. L'endettement net de l'entreprise est passé de 2,4 milliards d'euros en 1990 à 3,9 milliards d'euros en 2001, soit 7,2 fois la capacité d'autofinancement de l'entreprise.
Il faut par ailleurs noter, dès 2003, une forte augmentation des subventions de l'Etat pour les dépenses d'infractructures en Ile-de-France - qui passent de 60 millions à 100 millions d'euros - alors même que les dotations pour les transports publics de province sont fortement contraintes. On peut s'interroger sur cette différence de traitement particulièrement forte en 2003.
Quelle politique comptez-vous mettre en oeuvre pour le transport ferroviaire parisien, monsieur le ministre ?
Ma dernière observation sera consacrée au transport fluvial. Je serai bref.
Pour les voies navigables, les schémas de services définissent deux objectifs prioritaires : la modernisation du réseau existant et l'aménagement progressif de la liaison Seine-Nord à grand gabarit. C'est sur ce point que je souhaiterais connaître les échéanciers et votre action.
Je pense que le moment est venu de s'engager résolument pour le développement du transport fluvial et de mettre en oeuvre les orientations prévues en termes d'investissement. Cette démarche nouvelle devra s'accompagner d'une rénovation des conditions d'exercice du métier de transport fluvial.
Monsieur le ministre, l'augmentation des charges, l'insuffisance des recettes, l'endettement colossal mettent actuellement notre système ferroviaire dans une impasse. Dans le même temps, les attentes sont fortes et les besoins pour les lignes à grande vitesse, pour le fret à grande distance sont importants et incontournables.
En dépit des déclarations passées, le bilan est très insuffisant. Il nous faut donc une relance de la politique ferroviaire. Cela passe par de profondes réformes et par l'adhésion des personnels. Vous avez notre soutien pour toute action courageuse, novatrice, productive que vous engagerez dans ce domaine.
Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, nous voterons bien entendu votre budget et nous soutiendrons votre action.
M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel, rapporteur spécial.
M. Gérard Miquel, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, pour les routes et la sécurité routière. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour 2003, les crédits consacrés aux routes et à la sécurité routière atteignent 1,3 milliard d'euros en moyens de paiement, soit une hausse importante de 10,6 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2002. Il faut rappeler cependant que le budget 2002 avait bénéficié de reports des crédits de l'ex-fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables, le FITTVN. Les moyens d'engagement demandés pour les routes et la sécurité routière en 2003 atteignent 1,48 milliard d'euros, soit une diminution de 2,2 % par rapport au budget 2002.
J'en viens à mes observations.
Première observation : l'investissement routier poursuit son ralentissement.
Selon le rapport de la commission des comptes des transports de la nation, les dépenses en infrastructures routières ont fortement diminué sur la période 1996-2001. Les moyens du budget de l'Etat ont chuté de près de 22 % sur la période et ceux des sociétés concessionnaires d'autoroutes de 43 %. Seule la forte hausse des investissements des collectivités locales, plus 24 %, permet de limiter la réduction des programmes d'investissements. En 1996, le budget « infrastructures routières » des collectivités locales était deux fois plus important que celui de l'Etat, il est désormais plus de trois fois plus important.
Signe du faible engagement de l'Etat, on note un retard croissant dans la mise en oeuvre des contrats de plan Etat-régions.
Je rappelle que le gouvernement précédent avait décidé d'affecter 5,1 milliards d'euros aux volets routiers du XIIe plan. Compte tenu du gel en 2002 et des moyens prévus pour 2003, le taux prévisionnel d'exécution des contrats de plan en 2003 sera de 46 %, c'est-à-dire nettement inférieur au taux moyen d'exécution de 57,1 %.
De même, le lancement de nouvelles liaisons autoroutières concédées prend du retard. En 2001, seulement 51 kilomètres d'autoroutes ont été mis en chantier contre 118 kilomètres annoncés, et 116,5 kilomètres d'autoroutes devraient être lancés en 2002 contre 275 annoncés. Pour 2003, le lancement de 312 kilomètres d'autoroutes est toutefois prévu.
Le schéma directeur routier national, le SDRN, est réalisé à 85,4 % au début de l'année 2002. La loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire a prévu que les anciens schémas sectoriels dont le SRDN sont remplacés par des schémas de services. A l'exception de quelques projets, les opérations prévues au SRDN sont reprises dans les schémas de services transport.
Mais rien n'est véritablement précisé pour le financement des nouvelles liaisons autoroutières, en particulier du fait de la fin du régime de l'adossement qui avait permis de développer notre système autoroutier.
Les nouvelles autoroutes seront concédées dans le cadre de concessions particulières, ce qui rendra nécessaire l'attribution de subventions publiques aux nouveaux concessionnaires. Or les financements sont loin d'être garantis. Ainsi, seule une dotation de 29,5 millions d'euros figure dans le projet de loi de finances rectificative pour 2002. Par comparaison, les dividendes et les remboursements d'avances versés par les sociétés d'autoroutes s'élèveront à 130 millions d'euros.
Le Gouvernement a donc chargé le Conseil général des ponts et chaussées et l'inspection générale des finances d'un audit qui devra être rendu d'ici au 31 décembre 2002. Il établira l'état précis des projets, leur faisabilité technique, le calendrier prévisible des travaux, ainsi que leur coût pour l'Etat. Il évaluera par ailleurs l'intérêt socio-économique et les enjeux en termes d'aménagement du territoire de chacun des projets.
Conséquence de la chute des investissements et de la prolongation des concessions des sociétés concessionnaires d'autoroutes, la situation des sociétés s'améliore fortement. Le montant de l'endettement total des six principales sociétés devrait atteindre, vers 2003, un montant maximum d'environ 22,4 milliards d'euros. Il devrait se résorber rapidement après 2005 pour s'éteindre avant la fin des concessions.
La situation financière des sociétés concessionnaires d'autoroutes est donc globalement saine, mais elle reste très contrastée.
Deux sociétés doivent en effet faire face, conjoncturellement, à des problèmes spécifiques : la Société des autoroutes Paris-Normandie et la Société française du tunnel routier du Fréjus.
Le traitement de la situation financière de la Société française du tunnel routier du Fréjus et de la société Autoroutes et tunnel du Mont-Blanc fait par ailleurs l'objet d'une réflexion dans le cadre de la constitution d'un pôle alpin.
Cela m'amène à faire quelques remarques sur l'intermodalité.
En janvier 2001, le Premier ministre avait annoncé la création d'un pôle multimodal alpin, qui s'inscrivait dans une politique utile de rééquilibrage entre les différents modes de transports, en particulier pour les franchissements des massifs alpin et pyrénéen.
C'est dans ce contexte que la loi du 3 janvier 2002 relative à la sécurité des infrastructures et systèmes de transport après événement de mer, accident ou incident de transport terrestre a créé deux nouveaux établissements publics administratifs nationaux, d'une part, le Fonds pour le développement de l'intermodalité dans les transports, le FDIT, dont l'objet est de concourir à la mise en oeuvre de la politique intermodale des transports sur le territoire national et, d'autre part, le fonds pour le développement d'une politique intermodale des transports dans le massif alpin, le FDPITMA, pour le massif alpin. Les statuts des deux établissements ont été institués par décret le 5 avril 2002.
Or une grande partie de leurs ressources ne sont pas garanties, dans la mesure où les sociétés autoroutières alpines ne sont pas en situation de verser des dotations. Il conviendra, monsieur le ministre, que des éclairages soient donnés au Parlement sur les ressources exactes de ces fonds et leur utilité.
Enfin, je souhaite que se poursuive l'effort en matière d'entretien et de réhabilitation du réseau national.
Les campagnes de mesures menées depuis 1992 ont révélé que, si la majeure partie du réseau routier est dans un état satisfaisant, 11 % des voies nécessitent des interventions lourdes.
Les moyens consacrés à l'entretien courant du réseau routier national ont évolué sensiblement depuis cinq ans, passant de 380 millions d'euros en 1997 à 429 millions d'euros en 2002. Les moyens de la réhabilitation du réseau ont également progressé depuis 1997. Dans le domaine des ouvrages d'art, les moyens nouveaux ont notamment permis les opérations de mise en sécurité des tunnels.
Mais les besoins restent importants. L'estimation globale des moyens financiers nécessaires à la remise en état du réseau national est de 2,2 milliards d'euros pour un patrimoine dont la valeur à neuf est estimée à plus de 122 milliards d'euros.
Il faut donc que les efforts, déjà modestes au regard des besoins, se poursuivent. La dotation budgétaire pour 2003 consolide les moyens d'engagement de l'Etat pour l'entretien et la réhabilitation du secteur routier. Il est important que ces moyens ne fassent pas l'objet de régulations en cours d'année.
J'en viens maintenant aux crédits de la sécurité routière et notamment au « jaune budgétaire », créé sur l'initiative de notre commission des finances.
Pour 2003, les crédits consacrés à la sécurité routière par l'Etat sont estimés à 1,6 milliard d'euros, en hausse de 4,6 % par rapport au budget pour 2002.
Les moyens de la sécurité routière seront d'autant plus nécessaires que les résultats en 2001 ont été très décevants. Après une baisse significative en 1999 et 2000, l'insécurité routière s'est de nouveau accrue de 1 % en 2001 pour le nombre de tués. Le niveau de gravité est très élevé cette année, avec 6,61 tués pour 100 accidents corporels. L'action contre l'insécurité routière a été retenue comme un objectif prioritaire du Gouvernement, ainsi qu'un objectif majeur du Président de la République.
Je rappelle que la création du jaune budgétaire répondait à deux préoccupations : d'une part, grâce à la nouvelle présentation des crédits de la sécurité routière, développer une analyse sur l'efficacité de cette politique interministérielle ; d'autre part, mieux prendre en compte les différents acteurs de la sécurité routière, et notamment l'action des collectivités locales.
Pour mettre en oeuvre ces préconisations, j'ai entamé une mission sur le thème de la recherche en sécurité routière, qui mobilise de nombreux acteurs, sur les plans local, national et européen, et dont j'ai présenté les conclusions en commission. J'espère, monsieur le ministre, qu'elles vous seront utiles pour les travaux que vous menez.
Je voudrais, avant de conclure, vous poser trois brèves questions, monsieur le ministre.
La Commission européenne a publié un livre blanc en 2001 sur la politique des transports dans lequel il est demandé aux gouvernements de réfléchir sur le rééquilibrage des modes de transport, notamment sur la tarification de la route. Envisagez-vous de modifier la tarification du transport routier, notamment pour les poids lourds ?
Par ailleurs, de nombreuses interrogations se font jour aujourd'hui sur l'ouverture du capital des sociétés d'autoroutes. Une « privatisation » complète peut entraîner des risques importants quant au respect du cahier des charges par les concessionnaires. Quelle est votre position à cet égard ?
Enfin, je souhaiterais connaître votre sentiment sur l'application de la décentralisation à la gestion des infrastructures routières. Je pense aussi au transfert des routes nationales vers les conseils généraux...
En conclusion, je vous rappelle, mes chers collègues, que la commission des finances vous demande d'adopter le budget des routes et de la sécurité routière pour 2003. J'espère avoir été un rapporteur fidèle de la commission des finances, ce qui ne préjuge en rien mon vote, vous le comprendrez, monsieur le ministre. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Monsieur Oudin, c'est effectivement dans la loi de finances rectificative pour 2002 qu'ont été prévus la remise, chaque année, d'un rapport sur les comptes des transports au Parlement et les thèmes détaillés qui doivent y figurer.
Un certain nombre de ceux-ci nécessiteront la collecte d'informations complémentaires et la mise au point de méthodologies complexes, entraînant par là même une évolution sensible des travaux menés jusqu'à présent par la Commission des comptes des transports de la nation.
Ainsi, pour 2003, un compromis devra être trouvé entre la rapidité de remise du rapport et l'exhaustivité des renseignements fournis. D'ores et déjà, mon ministère travaille sur les dispositions qui permettraient à la Commission des comptes d'étudier, dès l'été 2003, le projet de rapport, afin que la version finale de ce rapport puisse être disponible en septembre 2003, comme vous le souhaitez.
J'en viens à votre question relative à la préparation de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, question que vous avez eu raison de poser.
Vous le constatez dans vos départements, mesdames, messieurs les sénateurs, les agents du ministère de l'équipement contribuent non seulement à plusieurs politiques, - la route, la sécurité routière, les transports, le logement -, mais aussi à l'action d'autres administrations, quand ce ne sont pas des collectivités locales, comme on l'a souligné tout à l'heure.
Des progrès ont été accomplis. Mais, comme vous, je suis convaincu qu'il faut continuer à améliorer la lisibilité et la transparence de l'information du Parlement et des citoyens. Dès à présent, je vous assure - et je vous rassure, si besoin est - de l'implication de mon ministère dans la mise en oeuvre de cette réforme, qui vise à mettre en évidence et en relation les objectifs, les coûts et les résultats des politiques publiques.
Monsieur Oudin, vous avez qualifié le secteur des transports de « mal-aimé ». Je crois qu'il s'agit plutôt d'un secteur souvent ignoré, sauf, vous l'avez dit, quand il y a des problèmes et, le cas échéant, des retards. Les Français estiment en effet qu'il est normal d'avoir des moyens de transport leur permettant d'aller d'un lieu à l'autre. Par conséquent, c'est le retard qui est illogique, et le moyen de transport qui fonctionne bien et qui arrive à l'heure est absent du paysage !
Je vais vous dresser, comme vous me l'avez demandé, un tableau lucide des transports, notamment de la SNCF.
La SNCF traverse une situation économique et financière difficile dont vous avez, d'ailleurs, souligné les effets sur les comptes pour 2002.
L'entreprise prévoit en effet un déficit qui dépasserait, à la fin de l'année, les 200 millions d'euros. Il est partiellement compensé cette année par des cessions d'actifs importantes - cela n'est pas satisfaisant en soi, bien entendu, mais c'est ainsi -, ce qui permettra de stabiliser le niveau d'endettement. Sans ces cessions, le niveau d'endettement serait donc en hausse.
La SNCF n'est pas la seule entreprise ferroviaire dans ce cas. Certes, le fait de savoir que d'autres souffrent de la même façon dans une conjoncture économique difficile n'est pas un motif de satisfaction, mais, forcément, les transports sont l'un des reflets, des baromètres de la conjoncture et de la croissance.
D'autres entreprises européennes connaissent d'importantes difficultés d'ordre également financier.
Malgré le succès des lignes à grande vitesse - que je veux souligner, car il est réel -, en particulier le succès commercial que l'on connaît après une année complète d'exploitation du TGV Méditerranée, les comptes de la SNCF sont marqués, en 2002, par des résultats très décevants, pour le fret ferroviaire aussi, vous l'avez dit, et inquiétants en raison de la dégradation des résultats des trains de grandes lignes classiques, plus connus sous la dénomination « Corail », qui pâtissent d'une concurrence en termes d'image, bien sûr, maintenant qu'il y a des lignes à grande vitesse.
Il faut toutefois souligner les bons résultats obtenus dans les secteurs qui sont contractualisés, le transport express régional, le TER, qui vient d'être confié aux régions et au syndicat des transports d'Ile-de-France, le STIF, en Ile-de-France.
Cela étant, je partage vos conclusions : il est impératif que la SNCF se réforme rapidement en profondeur pour retrouver, de façon pérenne, l'équilibre qu'elle a connu en 2000.
Je tiens tout d'abord à souligner que le secteur ferroviaire connaîtra, avec la transposition du premier « paquet ferroviaire » le 15 mars 2003 - et nous sommes prêts - de profonds changements qui me semblent être une chance pour que la SNCF évolue et poursuive sa modernisation. Elle va, en effet, devoir s'adapter à un contexte nouveau, raisonner à l'échelle de l'Europe et acquérir une culture de marché et de service. Comme vous le soulignez, elle devra, pour ce faire, parvenir à maîtriser ses charges et, comme toute entreprise, elle devra s'organiser afin de répondre aux fluctuations de la conjoncture en abaissant ce que l'on appelle son « point mort ».
En réalité, ces évolutions sont une chance pour la SNCF, et le président Gallois, qui est tout à fait conscient de cette opportunité, a repris cette idée comme thème central de son projet industriel en adoptant le slogan : « Une entreprise de service public à la dimension de l'Europe. » Ce projet industriel devra donc être fondé, avec l'appui de l'ensemble de l'entreprise, sur un programme de redressement rigoureux.
Quant à Réseau ferré de France, RFF, son désendettement est une nécessité. Aujourd'hui, la moitié environ de la dette correspond à des recettes qui permettront, à terme, son remboursement ; l'autre moitié - il faut le dire clairement - n'est pas remboursable. On peut rechercher des solutions par le biais des recettes, notamment de privatisation - et je pense naturellement aux sociétés d'autoroutes - mais aussi par le biais de l'élargissement de son capital. Vous avez souhaité tout à l'heure, monsieur le rapporteur spécial, un débat au Parlement. Il permettra, je l'espère, d'avancer sur ces sujets. Les débats, à l'origine desquels vous êtes souvent, monsieur le sénateur, font d'ailleurs déjà avancer la réflexion sur le problème du financement des infrastructures en général.
S'agissant du fret ferroviaire, dont le développement est une nécessité dans une économie moderne et durable, il faut que la SNCF se réforme pour tirer partie de l'appel d'air que va constituer la mise en place du réseau transeuropéen de fret ferroviaire. Elle doit donc mettre tout en oeuvre, en matière de moyens et d'organisation de sa production, pour améliorer la qualité et la fiabilité de ses prestations. L'Etat, pour sa part, jouera son rôle, notamment en matière d'infrastructures, mais la responsabilité première revient à l'entreprise.
Par ailleurs, vous avez indiqué, monsieur le rapporteur spécial, que le Gouvernement, conscient de ces enjeux, avait confié à MM. Haenel et Gerbault une mission sur le fret dont les résultats sont attendus au début de l'année prochaine. Nous espérons des propositions audacieuses et concrètes.
Quoi qu'il en soit, nous avons confiance dans la capacité de l'entreprise et de ses personnels à mener à bien ces évolutions indispensables qui conditionnent l'avenir de l'entreprise et des transports en France mais aussi en Europe.
Vous m'avez demandé quel serait l'avenir du fonds de développement de l'intermodalité.
Comme vous le savez, ce fonds a été créé à l'occasion du vote de la loi relative à la sécurité des infrastructures et systèmes de transport, aux enquêtes techniques après événement de mer, accident ou incident de transport terrestre ou aérien et au stockage souterrain de gaz naturel, d'hydrocarbures et de produits chimiques. Il devait être initialement doté d'une partie du produit de l'ouverture du capital de la Société des autoroutes du Sud de la France et servir à financer des projets alternatifs au « tout routier », notamment la liaison à grande vitesse Perpignan-Figueras.
L'audit sur les projets de transports, l'étude interministérielle pilotée par la DATAR, le grand débat parlementaire qui suivra ces réflexions permettront au Gouvernement de disposer d'une vision claire des enjeux, des objectifs, et de tracer sa feuille de route. Il faut être pragmatique et retenir les outils adaptés à nos choix politiques. Le fonds intermodal survivra s'il peut jouer un rôle réel dans la mise en oeuvre de nos décisions.
Monsieur Oudin, quant aux traversées ferroviaires alpines, les travaux des ouvrages de reconnaissance du tunnel de base franco-italien ont démarré au printemps 2002 et mobilisent aujourd'hui d'importants financements. La descenderie de Modane est en cours et celle de Saint-Martin-de-la-Porte va être engagée au début de l'année 2003.
Enfin, je rappelle que cette opération figure dans l'audit des grands projets d'infrastructures confié au Conseil général des ponts et chaussées et à l'Inspection générale des finances.
En ce qui concerne l'Ile-de-France, monsieur Oudin, le contexte des transports est marqué par deux sujets majeurs : dans le cadre de la décentralisation, le transfert à la région du pilotage du STIF et, dans le cadre du contrat de plan, le démarrage dès 2003 des travaux pour beaucoup d'opérations qui conduiront à une augmentation importante des services.
Monsieur Oudin, vous m'avez également interrogé sur le développement des infrastructures fluviales et sur les métiers du transport fluvial.
Le Gouvernement est conscient de la nécessité d'oeuvrer à la modernisation des professions de transport fluvial, notamment de la batellerie artisanale. Un nouveau plan d'aide a été mis en place pour les années 2001-2003 afin de tenir compte de l'essor récent du transport fluvial, avec une progression du trafic de près de 20 % entre 1997 et 2001.
Dans le cadre de ce plan, l'Etat maintiendra sa dotation en 2003 à hauteur de 760 000 euros, en complément des moyens de Voies navigables de France.
Ces crédits permettront d'inciter les entreprises à moderniser leur matériel, afin notamment de favoriser les économies d'énergie et l'innovation technique. Des actions communes avec les organisations professionnelles seront également poursuivies en faveur de la formation initiale et continue, et de l'entrée de jeunes exploitants dans la profession.
En ce qui concerne le projet de liaison à grand gabarit Seine-Nord, la première étape est désormais bien engagée avec la modernisation des accès Nord - canal Dunkerque-Escaut - et Sud - Oise et Seine -, près de 300 millions d'euros étant prévus sur la période 2002-2006 au titre des programmes cofinancés par l'Etat et les collectivités locales. La réalisation du nouveau canal entre Compiègne et le canal Dunkerque-Escaut, pour lequel le fuseau de tracé a été choisi, est évalué à 2,6 milliards d'euros.
Compte tenu de l'importance de l'investissement, le financement et la programmation de ce projet font l'objet d'une réflexion approfondie, au même titre que les projets autoroutiers et ferroviaires, dans le cadre de l'audit demandé par le Gouvernement au Conseil général des ponts et chaussées et à l'Inspection générale des finances.
Monsieur Miquel, je tiens à vous saluer pour l'excellent rapport sur la sécurité routière, qui fait date et autorité.
Je vais répondre aux questions que vous avez posées en termes de tarification, par exemple des infrastructures et des nouvelles recettes.
Il est vrai que pour honorer les besoins d'investissement identifiés à l'horizon des vingt ans qui viennent, quel que soit le montant des dividendes autoroutiers, de nouvelles ressources devront être imaginées. M. le sénateur Oudin pose souvent cette question.
Cet exercice essentiel, dans la démarche que nous avons lancée, doit prendre en compte les évolutions souhaitables de la tarification d'usage des diverses infrastructures selon les modes de transport, considérer les possibilités de ce que la Commission européenne appelle la « mutualisation des financements entre modes », et étudier les formules appropriées que pourrait présenter le partenariat public-privé.
Aussi, il ne peut être question de présenter aujourd'hui ces travaux alors qu'ils sont actuellement en cours. Cependant, il n'est pas inutile de rappeler qu'ils sont en cours et que nous attendons avec impatience les réponses.
Sur le plan français, la mise en oeuvre de ces dispositions n'est pas tout à fait évidente. Souvenons-nous que le réseau autoroutier s'est développé avec succès depuis une trentaine d'années grâce au péage prélevé sur les usagers. S'agissant d'une redevance - car garantissant l'entretien et le maintien de la qualité de service du réseau, ainsi que l'amortissement financier des investissements - et résultant des contrats passés entre l'Etat et les sociétés concessionnaires d'autoroutes, les marges de manoeuvre ne sont probablement pas très fortes.
Les réflexions engagées doivent, dans le respect de la future directive européenne et sans pénaliser notre développement économique et l'activité de nos entreprises de transport, favoriser l'optimisation des infrastructures existantes, inciter au report sur d'autres modes notamment en milieu urbain et dans les zones sensibles, comme la traversée des massifs montagneux, et dégager des ressources nouvelles pour l'aménagement du réseau. En tout cas, la part publique des financements demeurera à n'en pas douter prépondérante et justifie un effort certain de rationalisation et de programmation. Elle justifie également que la France propose à ses partenaires l'adjonction au pacte de stabilité de critères nouveaux comme « la qualité de la préparation de l'avenir », ce qui recouvre, comme le Président de la République a eu l'occasion de le dire lors du sommet franco-italien, aussi bien le souci légitime de notre défense que celui des grands travaux d'infrastructures.
A propos de la privatisation des sociétés d'autoroutes, monsieur le sénateur Miquel, votre question m'amène à deux types de réflexions.
Le premier domaine de réflexions porte sur le financement des infrastructures. Depuis la fin de l'adossement, chaque nouveau tronçon autoroutier doit trouver son équilibre propre au travers d'une subvention publique. Par exemple, dans le schéma de financement de l'autoroute A 28 Rouen-Alençon établi par le précédent gouvernement, ce sont les dividendes autoroutiers qui ont permis d'honorer la subvention de l'A 28. Il y a donc, actuellement, un lien très direct entre les dividendes et les subventions.
Vous comprendrez qu'une ouverture du capital des sociétés d'autoroutes ne peut raisonnablement s'envisager que dès lors qu'un mécanisme alternatif est mis en place.
La démarche engagée par le Gouvernement autour de l'audit et du débat au Parlement devra, entre autres, permettre de définir cette nouvelle donne en matière de financement des infrastructures.
La deuxième série de réflexions porte, en effet, sur la capacité du concédant à faire respecter le contrat de concession, ce qui n'est pas évident. Il faut être bien armé juridiquement.
C'est un contrat qui se déroule sur une longue période et qui fait donc l'objet de nombreux avenants. Une seule chose est claire à ce sujet : l'ouverture du capital ne peut remettre en cause les contrats de concession déjà signés.
En résumé, tout cela m'incite, à ce stade, à faire preuve d'une grande prudence sur ces questions et à les aborder sous un angle totalement pragmatique.
Monsieur le sénateur, vous m'avez interrogé, enfin, sur la décentralisation.
Sachez que, dans le cadre de la décentralisation, les routes nationales ne seront pas oubliées.
Mon approche de ce dossier est avant tout centrée sur le meilleur service à apporter aux usagers. La décentralisation des routes nationales doit apporter un plus pour l'usager.
Dans cet esprit, un réseau d'importance nationale doit être conservé : les autoroutes, bien sûr, et les deux fois deux voies - je suis encore un peu nuancé -, car les modes de gestion, d'entretien et d'exploitation doivent être organisés autour d'itinéraires qui s'affranchissent des limites administratives.
En revanche, le reste du réseau - environ seize mille kilomètres, ce qui est peu par rapport à l'ensemble du réseau routier -, dont la gestion peut rester locale à l'échelon départemental, peut parfaitement être transféré vers les conseils généraux. Il semble d'ailleurs qu'il existe une forte demande des conseils généraux en la matière. En tout cas, vous le comprendrez, monsieur le sénateur, pour l'instant, je reste réservé, car je ne souhaite pas anticiper sur la conclusion des assises.
Telles sont les réponses les plus concises possible que je peux apporter aux excellentes questions de MM. les rapporteurs spéciaux. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR, et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Joly, rapporteur pour avis.
M. Bernard Joly, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour les transports terrestres. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec des dotations à hauteur de 6,39 milliards d'euros en moyens de paiement et de 6,48 milliards d'euros en moyens d'engagement, le projet de budget des transports terrestres pour 2003 peut être considéré comme un budget de « consolidation ».
Le Gouvernement fait valoir que ce budget témoigne d'un réel effort pour le réseau ferroviaire, tout en préservant les crédits consacrés à l'exploitation des autres modes de transports.
Ce budget comporte trois axes. Le premier axe concerne le développement et la modernisation des infrastructures de transport. Le deuxième axe a trait au maintien de la contribution de l'Etat au fonctionnement des entreprises. Au total, ce sont ainsi 2,3 milliards d'euros qui, en 2003, seront consacrés au « fonctionnement » du secteur ferroviaire, montant auquel il convient d'ajouter les crédits versés aux régions pour les TER. Enfin, le troisième axe est relatif à la préservation des politiques sociales - 2,6 milliards d'euros -, avec le financement des régimes spéciaux de retraite, d'une part, et la compensation des tarifs sociaux, d'autre part.
La commission des affaires économiques a estimé que le projet de budget pour 2003 des transports terrestres constituait, en définitive, un « bon budget ». Elle n'en a pas moins relevé que les grands problèmes à traiter restaient devant nous.
Dès le printemps 2003, en application des directives européennes, RFF va se voir confier la répartition des sillons. De très délicats arbitrages seront à opérer, notamment entre le transport de fret et le transport régional de voyageurs. Parallèlement, le fret ferroviaire international sera ouvert à la concurrence sur les réseaux transeuropéens de fret.
Le problème du fret ferroviaire « franco-français » reste d'ailleurs largement à l'ordre du jour. Une mission confiée à deux de nos collègues devrait permettre de dégager des solutions pour procéder à une vraie relance d'un mode de transport qui représente, malgré tout, la principale alternative au « tout-routier ».
Par ailleurs, sur les quinze et vingt prochaines années, un programme d'investissements de l'ordre de 70 milliards d'euros, dont 17 milliards d'euros pour le seul projet Lyon-Turin, dans sa partie française, auquel il convient d'ajouter la poursuite du programme TGV et la résorption des goulets d'étrangement du fret comme à Lyon, Bordeaux, Nîmes-Montpellier, va devoir trouver son financement. Comme vous le savez, la question est loin d'être réglée ! Hélas ! l'intermodalité n'est pas qu'une affaire de volonté politique : elle a aussi un coût !
Enfin, reste le problème de la « dette ferroviaire », qu'il faudra bien traiter un jour ou l'autre.
J'ai trois questions à vous poser, monsieur le ministre.
Tout d'abord, le besoin de financement du secteur des transports tous modes confondus - ferroviaire, routier, fluvial, aérien - est estimé grosso modo à 150 milliards d'euros sur les quinze prochaines années. Sans attendre les résultats de l'audit, avez-vous déjà des pistes de réflexion pour les financements envisageables ?
Ensuite, le 27 novembre dernier, en adoptant un certain nombre de rapports sur le « deuxième paquet ferroviaire », la commission des transports du Parlement européen a appelé à une libéralisation complète du transport ferroviaire de passagers, et ce dès le 1er janvier 2008.
Je souhaite connaître votre réaction face à ces initiatives, monsieur le ministre, ainsi que votre « vision » de notre paysage ferroviaire à la fin de la décennie.
Enfin - et cette question ne vous étonnera pas - quelles mesures comptez-vous prendre pour améliorer rapidement le fonctionnement de la ligne Paris-Bâle ? La mise en service, d'ici à la fin de la décennie, du TGV Rhin-Rhône pourrait-elle remettre en cause l'achèvement de l'électrification de la ligne ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Georges Gruillot, rapporteur pour avis.
M. Georges Gruillot, rapporteur pour avis de la commissin des affaires économiques et du Plan, pour les routes et les voies navigables. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget des routes pour 2003 est, en moyens de paiement, un assez bon budget, et la commission des affaires économiques l'a adopté à la majorité. En effet, le budget « développement du réseau routier national » augmente de 17 %. Le budget « entretien et réhabilitation » progresse de 3,4 %. En outre, et surtout, le budget « sécurité routière et exploitation routière » s'accroît de 21 %, ce qui est significatif.
Cette dernière dotation financera des actions que le Président de la République a jugées, on le sait, ultra-prioritaires.
La lutte contre l'insécurité routière constitue le premier des trois grands chantiers de société souhaités par le Président de la République.
Les derniers bilans de l'insécurité routière - on en a déjà parlé, mais il est bon de le rappeler - appellent une véritable mobilitation générale pour réduire le nombre des accidents et des victimes de la circulation.
Selon tous les experts, le respect des règles existantes concernant les limitations de vitesse, la conduite avec un taux d'alcoolémie maximal de 0,5 gramme par litre de sang, ainsi que le port systématique du casque et de la ceinture de sécurité pourraient préserver de l'ordre de quatre mille vies par an.
Monsieur le ministre, si ce projet de budget pour les routes est assez satisfaisant, il ne s'inscrit que dans une politique de continuité. Fort heureusement, 2003 ne devrait être qu'une année de transition, puisque le Gouvernement a pris conscience, nous semble-t-il, de l'impérieuse nécessisté d'engager une politique globale des transports pour notre pays, que la commission des affaires économique appelle de tous ses voeux depuis de nombreuses années.
C'est particulièrement vrai en matière de fret. En raison de sa situation géographique au sein de l'Europe, la France est, à l'évidence, un lieu de passage obligé pour de nombreux trafics entre les pays du Nord et ceux du Sud. En outre, elle a la chance de posséder les meilleures façades maritimes européennes sur l'Atlantique et sur la Méditerranée. Sachons en profiter pour dynamiser notre développement. Encore faut-il mettre en place les infrastructures nécessaires.
En matière routière - on en a déjà beaucoup parlé - un effort considérable a été accompli par l'élaboration du schéma autoroutier national. Il est pratiquement réalisé aujourd'hui grâce à la politique de l'adossement, mais des besoins nombreux existent encore.
Nous ne pouvons, chacun en est conscient, continuer, par facilité, à ne compter que sur ce mode de transport. Arrêtons le tout-camion - tout le monde en est d'accord - et utilisons au mieux les autres modes de transport possibles.
A cet égard, monsieur le ministre, votre projet de budget laisse planer une très grande inquiétude sur l'intégration du transport fluvial dans les grands choix de transports des années à venir. En effet, les crédits affectés à la voie d'eau restent dérisoires : en 2003, Voies navigables de France devrait disposer de 117 millions d'euros en ressources propres, auxquels s'ajoutent 88 millions d'euros en subventions, pour assumer sa mission.
Un risque sérieux pèserait sur l'avenir même du projet de liaison fluviale « Seine-Nord » ; vous venez d'y faire allusion, monsieur le ministre. Pourtant, ce projet est attendu avec impatience par tous les opérateurs, et loué par tous les responsables politique de gauche et de droite depuis des années. En cinq ans, on a pu à peine trouver un accord sur le tracé définitif.
En tout cas, ce projet fait actuellement l'objet d'un audit réalisé par l'Inspection générale des finances et le Conseil général des ponts et chaussées. Quand on sait à quel point ce dernier corps est peu favorable au mode fluvial - tout au moins il l'a montré dans le passé ; espérons qu'il a changé d'avis -, cela ne peut qu'inquiéter ceux qui considèrent, à l'instar de beaucoup d'autres pays en Europe, que c'est un mode de transport d'avenir.
L'audit sera-t-il objectif ? La question a été clairement posée au sein de la commission et si certains sénateurs ont émis des doutes à ce sujet, tous en ont exprimé le souhait.
Il n'est pas douteux que l'abandon du projet de liaison fluviale « Seine-Nord » signifierait le renoncement définitif à toute politique fluviale digne de ce nom, à toute volonté de réalisation du « maillage européen », que la mission d'information de la commission des affaires économiques, qui a présenté ses conclusions le 18 janvier 2002, appelait de ses voeux.
Après votre audition, monsieur le ministre, le 27 novembre 2002, devant la commission des affaires économiques, nous demeurons très inquiets à ce sujet.
Qu'il me soit en tout cas permis de rappeler certaines des conclusions de la mission d'information de la commission des affaires économiques.
« La réalisation du maillage européen ferait, à coup sûr, de la voie d'eau un partenaire à part entière des autres modes alternatifs, comme elle l'est d'ores et déjà, d'ailleurs, dans les régions dites mouillées », c'est-à-dire celles que traversent des voies fluviales canalisées ou des canaux au gabarit européen.
Toutes ces données montrent que la France n'est pas absolument « condamnée » au « tout-routier » ; que c'est, dans une large mesure, du fait de l'inertie de la volonté politique, que nous avons perdu tout contrôle sur des évolutions qui auraient pu parfaitement être maîtrisées.
Aucune des solutions modales alternatives ne doit être négligée.
Il importe d'en tirer, au contraire, tout le parti dans le cadre d'une véritable approche nationale, succédant à tant d'années d'indifférence et d'abandon.
Les membres de la commission unanimes, toutes tendances confondues, m'ont mandaté, monsieur le ministre, pour vous poser, avec une certaine solennité, une seule question, à laquelle nous souhaiterions que vous puissiez répondre avec la plus grande franchise possible. Le Gouvernement de la France pense-t-il que la voie fluviale a un avenir ? Saura-t-il écouter les très nombreux élus qui le croient ? (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre. Monsieur le sénateur, vous avez rappelé l'importance des besoins de financement du secteur des transports. C'est une question que j'ai souvent abordée, comme de nombreux sénateurs ici présents.
Le mois dernier, j'ai eu le plaisir de participer à un colloque très dense organisé sur ce thème au Sénat. Cela m'a permis de prendre connaissance du travail considérable réalisé par l'association Transport - développement - intermodalité-environnement, la TDIE, en particulier de son estimation des besoins d'infrastructure de transport : 150 milliards d'euros !
Des infrastructures de transport permanentes constituent un atout fantastique pour un pays. Lors de ce colloque, j'ai dit qu'il était indispensable que la France se dote de nouvelles infrastructures permanentes, surtout à un moment où l'on parle beaucoup de l'élargissement de l'Europe. Car le rôle de la France - je ne parle pas de son rôle culturel, qui est éminent - est d'être une plaque tournante, un lieu d'accueil et de tourisme. Si nous n'offrons pas des moyens de transport très performants, le désenclavement de la péninsule Ibérique, le trafic venant de Grande-Bretagne, d'Irlande, des pays nordiques vers la France risquent d'être compromis un jour avec l'élargissement européen. Nous avons peut-être cinq ans, dix ans ou quinze ans pour agir. Au vu des efforts que les autres accomplissent, si nous n'y prenons garde et si nous n'effectuons pas ce travail de recherche de nouveaux modes de financement performants et spécifiques, le coeur de l'Europe se déplacera à l'Est.
C'est pourquoi le Gouvernement s'est saisi de ce problème dès cet été. Cette question fait partie intégrante d'une démarche en trois temps, qui doit aboutir au printemps 2003. Ces trois étapes sont les suivantes : un audit sur les projets et leurs enjeux accompagné de propositions sur de nouveaux mécanismes de financement ; une réflexion prospective organisée par la DATAR ; un débat au niveau du Parlement.
Sans trop anticiper sur les résultats attendus, il s'agit de déterminer la part que les utilisateurs peuvent supporter et de proposer les principes d'une nouvelle tarification. Cette tarification doit favoriser le report modal pour améliorer la sécurité et réduire les nuisances. A cet effet, elle doit prendre en compte la possibilité proposée par la Commission européenne de mutaliser les financements entre les modes. Enfin, elle pourrait être modulée par zone pour mettre l'accent sur les sections de transit à grande circulation, par exemple.
Je compte beaucoup sur le travail engagé pour arriver à des propositions efficaces dans le courant de l'année 2003.
S'agissant de l'ouverture des réseaux ferroviaires, la commission de la politique régionale, des transports et du tourisme du Parlement européen, lors de sa séance du 27 novembre dernier, s'est prononcée en faveur d'une libéralisation complète de l'ensemble des services ferroviaires, y compris les services intérieurs de transports de passagers, dès le 1er janvier 2008.
Lors de l'examen du premier paquet ferroviaire, le Parlement européen avait également adopté une position de libéralisation du transport ferroviaire.
Nous avons l'ambition que le développement du transport ferroviaire international, notamment de fret passe par une ouverture des réseaux maîtrisée et progressive.
Le premier paquet ferroviaire, qui donne accès au réseau transeuropéen de fret, entrera en vigueur le 15 mars 2003. Les Etats membres s'attachent actuellement à le transposer. En France, les travaux sont bien avancés : le projet de texte doit être présenté aux services de la Commission avant la fin de l'année. J'en ai parlé à Mme la commissaire lors de sa vene au ministère la semaine dernière.
La mise en oeuvre effective de ce premier paquet constituera une étape importante, dont les résultats devront être finement évalués.
Sur cette base, nous définirons la suite qui devra être donnée avant d'envisager une nouvelle ouverture des réseaux pour le fret. L'accord de Barcelone prévoyait la mise en place du premier paquet ferroviaire, ainsi que son évaluation, avant que soit abordé le deuxième paquet ferroviaire.
Nous avons, à plusieurs reprises, fait part de cette position à nos partenaires européens, et en dernier lieu au conseil « transports » qui s'est tenu hier et aujourd'hui. C'est M. Dominique Bussereau qui assurait la présence de la France aujourd'hui et qui devrait nous rejoindre tout à l'heure.
Pour ce qui est de l'électrification de la ligne Paris-Bâle, il s'agit d'un projet important. Les études d'avant-projet de la section Paris-Toyes sont en cours et elles devraient être achevées à l'automne 2003, afin de permettre l'engagement de l'opération inscrite au contrat de Plan Champagne-Ardennes, pour un montant de 45 millions d'euros.
Je signale d'ailleurs les efforts accomplis par la SNCF et le cofinancement Etat-région en Ile-de-France pour la « remotorisation » de trente locomotives diesel en gare de l'Est - cela représente quand même 15 millions d'euros - dont la première a été officiellement mise en service la semaine dernière, pour réduire les pollutions liées aux fumées d'échappement du diesel.
Le projet de TGV Rhin-Rhône sera, quant à lui, examiné dans le cadre de l'audit sur les grands projets d'infrastructure. On ne peut donc aujourd'hui présumer son échéance de réalisation.
M. Georges Gruillot a souligné combien nous sommes tous, les uns et les autres, sensibilisés à la sécurité routière, dont le Président de la République a fait « l'un des grands chantiers du quinquennat ». Monsieur le sénateur, les états généraux qui se sont tenus en présence des six ministres concernés et du Premier ministre ont donné une indication très nette à l'exécutif : commencez déjà par faire appliquer ce qui existe !
Le 18 décembre prochain, le comité interministériel de la sécurité routière doit se réunir. Un ensemble de mesures sérieuses, actuellement en préparation, sont en voie de finalisation ; elles portent sur tous les aspects - vitesse, alcool, port de la ceinture, aménagements routiers - et utilisent tous les leviers pertinents, que ce soit l'éducation, la formation ou la répression.
Tout doit être mis en oeuvre pour combattre ce fléau qui fait trop souvent la une de l'actualité, qui plonge dans le deuil 8 000 familles et entraîne 150 000 blessés chaque année. Statistiquement, une personne sur cinq sera, au cours de sa vie, blessée sur la route, c'est imparable !
M. Gruillot m'a interrogé sur le réseau fluvial. Les priorités sont, bien sûr, l'entretien du réseau existant et son maintien. Le canal Seine-Nord, qui est inscrit dans l'audit, est, à l'évidence, le meilleur projet fluvial.
Je signale que l'écluse fluviale du port du Havre permettra aussi une meilleure intermodalité à partir de Port 2000.
S'agissant des voies navigables, le développement du transport fluvial s'inscrit clairement dans la politique que le Gouvernement entend mener pour favoriser le recours aux modes de transport alternatifs. A ce titre, le projet de loi de finances pour 2003 traduit une priorité donnée à la modernisation du réseau qui existe, d'une part, et à celle des professions du transit fluvial, d'autre part, notamment pour la formation. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Monsieur le ministre, s'il vous est possible d'attendre l'arrivée de M. Bussereau, ce qui nous permettrait de passer aux questions.
M. Gilles de Robien, ministre. Vous êtes fort aimable, monsieur le président, de me poser la question. Je peux attendre l'arrivée de M. Bussereau, qui a un léger retard de quinze minutes.
M. le président. Nous allons donc passer aux questions.
Je vous rappelle, monsieur le ministre, mes chers collègues, la règle du jeu dite des « cinq, trois, deux » : chaque intervenant dispose de cinq minutes maximum pour poser sa question ; le ministre, de trois minutes pour répondre, et l'orateur, d'un droit de réplique de deux minutes maximum.
La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mobilité des personnes et la circulation des biens en Europe connaissent un fort développement avec, pour corollaire, des besoins en infrastructures de transport en augmentation sensible.
En raison de sa situation géographique, la France est l'une des plaques tournantes des échanges européens. Le grand Sud-Est, en particulier, est un passage obligé pour le trafic nord-sud.
Bien que des efforts très importants aient été consentis afin de doter ce territoire en infrastructures de qualité, il reste encore de nombreux projets à mettre en oeuvre.
Une étude récente menée par l'association technique de la route a estimé à 37 milliards d'euros les besoins du grand Sud-Est en termes d'infrastructures de transport d'ici à vingt ans. D'ores et déjà, plusieurs grands projets ont été identifiés pour une programmation immédiate ou ultérieure dans le cadre des contrats de plan Etat-région, ou en dehors de ces contrats.
Dans le domaine ferroviaire, je citerai, hors contrat de plan, les lignes Lyon-Turin et Perpignan-Figueras, le contournement fret de Lyon et le contournement mixte de Montpellier et de Nîmes. Quant aux contrats de plan, ils prévoient de nombreuses améliorations et électrifications de lignes.
Dans le domaine routier, les opérations retenues sur les trois contrats de plan sont également nombreuses. La réalisation du contournement ouest de Lyon est prévue, quant à elle, hors contrat de plan.
Dès lors, qu'en sera-t-il de la réalisation de tous ces projets dans un délai raisonnable, compte tenu du gel de certains crédits décidé durant l'été 2002 et de l'annulation de crédits prévue dans le projet de loi de finances rectificative pour 2002 ; de l'audit sur les grandes infrastructures ; du budget 2003, qui prévoit une baisse importante des autorisations de programme avec, par exemple, une diminution de 4,8 % pour le développement du réseau routier national, et, enfin, de l'amendement déposé par la commission des finances en vue de réduire les crédits du titre IV ?
Ces divers éléments laissent à penser que des équipements, pourtant essentiels au développement des échanges et à l'aménagement du territoire du grand Sud-Est, peuvent être différés, voire abandonnés.
Monsieur le ministre, l'Etat respectera-t-il, en 2003 et les années suivantes, les engagements qu'il a pris dans le cadre des contrats de plan, mais aussi, pour les principales infrastructures, hors contrats de plan ?
Je sollicite une réponse claire à ces interrogations, dans la mesure où les équipements projetés présentent un intérêt pour conforter le grand Sud-Est en tant que territoire d'échanges à l'échelon européen, mais aussi pour assurer un meilleur maillage de son territoire et renforcer la solidarité entre ses composantes.
Dans cette perspective, comment ne pas se poser aussi la question de la saturation à brève échéance de l'autoroute A 7 en vallée du Rhône et de la sécurité de cet itinéraire ?
En outre, les choix qui seront faits pour éviter l'engorgement de l'axe rhodanien, et ses conséquences sur les trafics national et international, ne seront pas sans incidences sur le développement de certains territoires relativement enclavés, de part et d'autre du Rhône et, tout particulièrement, l'Ardèche.
Je rappelle que l'Ardèche est dépourvue de desserte directe par des trains de voyageurs et que cet état de fait rend plus nécessaire encore un réseau routier national performant.
Monsieur le ministre, quelle solution comptez-vous privilégier ? Une alternative ferroviaire et fluviale, ou bien la création d'une nouvelle autoroute longeant le sud-est du Massif central ? Dans ce cas, les Ardéchois veilleront à une bonne intégration de cette infrastructure et à obtenir un nombre suffisant d'accès. Ou encore, favoriserez-vous le passage de l'A 7 à deux fois cinq voies ? Dans ce cas, des compensations devront être consenties, sur crédits d'Etat, pour raccorder directement à l'autoroute A 7 le réseau routier national desservant l'Ardèche, notamment par de nouveaux ouvrages de franchissement du Rhône, et un effort particulier d'investissement devra être fait en faveur de la mise à niveau du réseau existant.
Quoi qu'il en soit, éviter l'engorgement de l'axe de la vallée du Rhône est un objectif majeur qui nécessite que la Commission nationale du débat public soit saisie le plus rapidement possible afin de lui permettre d'organiser la nécessaire concertation.
Monsieur le ministre, êtes-vous prêt à saisir cette commission, et dans quels délais ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre. Monsieur le sénateur, je croyais que la règle du jeu consistait à poser une question en cinq minutes. Or ce sont cinq questions par minute que vous avez posées. (Sourires.) Mais n'y voyez aucun reproche de ma part, je n'aurais, d'ailleurs, aucune autorité pour vous en faire. Je vais tenter de vous répondre et, le cas échéant, vous serez le bienvenu au ministère pour obtenir des précisions sur tous les points que vous avez évoqués.
En ce qui concerne les crédits, il est vrai que le Gouvernement, en 2002, a été conduit à mettre en réserve une partie des crédits votés. Il s'agit plus d'une mesure destinée à contenir le déficit de l'Etat et qui est liée au fait que les recettes n'ont pas été à la hauteur des prévisions annoncées lors du vote de la loi de finances pour 2002. Cela étant, il n'est absolument pas question que l'Etat ne respecte pas les engagements qu'il a pris lors de la signature du contrat de plan Etat-région Rhône-Alpes en 2000. D'ailleurs, le taux d'exécution national, à la fin de cette année, atteindra 35 %. Vous êtes donc gâté, monsieur le sénateur, puisque, en Ardèche, il atteindra 67 %, soit presque le double de la moyenne nationale ! (Sourires.) Cela témoigne, évidemment, de l'intérêt de l'Etat pour ce département et aussi de l'état d'avancement des chantiers et des projets.
Le volet ferroviaire du contrat de plan Etat-région Rhône-Alpes est le plus important des contrats de plan Etats-régions. Lors de son établissement, plus de 520 millions d'euros ont été inscrits, dont 140 millions d'euros financés par l'Etat et 140 millions d'euros financés par la région.
Aujourd'hui, plus de 23 millions d'euros ont été attribués par l'Etat, notamment pour les opérations relatives au noeud lyonnais, à la modernisation de la ligne Dijon-Modane et à l'amiélioration de la desserte périurbaine des grandes agglomérations régionales.
Vous m'avez demandé ensuite si l'amendement sénatorial qui a été voté aura des conséquences sur l'investissement du ministère et, notamment, pour le contrat de plan ou pour l'Ardèche. Je vous réponds très clairement par la négative. En effet, cet amendement a pour objet de réduire les frais de fonctionnement à hauteur de 1 million d'euros et non les frais d'investissement. Cet amendement aura pour conséquence de décaler les recrutements ou les remplacements de postes devenus vacants au cours de l'année 2003.
Enfin, vous m'avez interrogé sur l'autoroute A 7 et, plus généralement, sur le problème du trafic dans la vallée du Rhône. Je vous informe qu'en 2003 la Commission nationale du débat public sera saisie de ce grand sujet. Nous fixerons alors les orientations ; vous voulez les connaître dès aujourd'hui, mais cela me paraît un peu prématuré. Faut-il une nouvelle autoroute ? Faut-il doubler l'autoroute A 7 ? Faut-il réserver plusieurs voies supplémentaires aux poids lourds ? Ce sont des questions extrêmement pertinentes. J'espère que le débat de la CNDP nous apportera des réponses tout aussi pertinentes.
M. le président. La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston. Monsieur le ministre, je n'avais posé en fait que deux questions, et en moins de cinq minutes. (Sourires.) Je les reprends : l'Etat respectera-t-il les engagements qu'il a pris lors de la signature des contrats de plan et hors contrats de plan ? Etes-vous prêt à saisir la Commission nationale du débat public sur la question de l'engorgement à brève échéance du principal axe de circulation dans la vallée du Rhône ?
Sur le premier point, vous me répondez que l'Etat respectera totalement les engagements pris lors de la signature des contrats de plan. J'en prends acte avec satisfaction, mais je resterai, comme beaucoup d'autres élus, très vigilant.
Sur le second point, je note avec la même satisfaction que la démarche engagée par votre prédécesseur, M. Jean-Claude Gayssot, est poursuivie et que nous pourrons nous concerter sur l'ensemble du territoire concerné par les diverses solutions, de manière à éviter l'engorgement de l'A 7 qui serait très préjudiciable non seulement aux liaisons entre le nord et le sud de l'Europe, mais aussi, on l'oublie un peu trop souvent, aux liaisons par le sud de la France entre l'Espagne et l'Italie.
M. le président. La parole est à M. Daniel Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel. Monsieur le ministre, je souhaite plaider une cause qu'il est difficile de plaider dans notre pays, et pourtant j'y crois profondément, je veux parler de la voie navigable et, particulièrement, de la voie navigable sur la façade est de la France.
Cinq arguments plaident en sa faveur.
Le premier argument tient au rôle stratégique de la façade est de la France dans la perspective européenne. La liaison fluviale entre le bassin rhénan et le bassin rhodanien, comme, d'ailleurs, le TGV Nord-Sud sur la façade est Rhin-Rhône, représentent autant de maillons manquants qu'il est absolument nécessaire de combler rapidement.
Deuxième argument, la voie d'eau a un avenir. Plus les distances sont longues, plus elle a un avenir. Or, avec l'élargissement de l'Europe vers l'Europe centrale et orientale, la voie navigable trouve tout son intérêt et, à une réalisation de la liaison Rhin-Main-Danube et à la liaison Elbe-Oder, devra bien répondre un jour une liaison Rhin-Rhône.
Troisième argument, il faut désengorger, comme cela a déjà été souligné, les sillons rhénan et rhodanien. En effet, chaque année, 500 millions de tonnes de marchandises transitent par ce corridor, et il est prévu que, dans les dix ans à venir, le trafic augmentera de 50 %. Lorsque l'on sait qu'une barge fluviale transporte cinquante camions de quarante tonnes,...
Mme Hélène Luc. C'est vrai !
M. Daniel Hoeffel. ... on comprend que ce désengorgement passe non pas par deux modes de transport, le rail et la route, mais par trois, la voie d'eau trouvant toute sa place.
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Très bien !
M. Daniel Hoeffel. Quatrième argument, la liaison entre les sillons rhénan et rhodanien a été retenue il y a longtemps déjà, parmi les projets d'intérêt européen, notre collègue Jacques Oudin le sait bien. La Commission européenne a encore rappelé tout à fait récemment l'intérêt européen que représente pour elle la liaison précitée. Il n'est pas pensable qu'il n'y ait pas d'écho en France de ce qui est reconnu comme une priorité en Europe.
Cinquième et dernier argument enfin, le transport fluvial est le mode de transport le moins polluant et il est regrettable que ce soit un ministre de l'environnement qui ait exécuté un projet retenu au mois de janvier 1995 et adopté à une très grande majorité par les deux assemblées du Parlement.
M. Jean-Pierre Schosteck. C'est, en effet, regrettable.
M. Daniel Hoeffel. Les pays les plus soucieux de l'environnement en Europe sont ceux qui investissent le plus dans la voie d'eau.
Monsieur le ministre, je vous fais confiance, en tant que ministre chargé des transports, pour l'ensemble de votre action. Je n'ose cependant croire qu'une réponse ponctuelle, donnée à quelques élus d'un secteur géographique délimité, puisse être considérée comme une renonciation définitive à un élément stratégique, à un élément fort d'aménagement du territoire à l'échelon tant national qu'européen. Je veux croire que, sur ce plan aussi, nous pouvons vous faire confiance pour examiner ce dossier dans une perspective d'avenir, en faisant abstraction des nombreux préjugés trop solidement ancrés dans notre pays. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre. Une perspective d'avenir, avez-vous dit, monsieur Hoeffel. Si vous ne donnez pas d'horizon à cet avenir, je pourrais toujours vous répondre oui, mais je dois à l'honnêteté de mettre les choses au point dès aujourd'hui.
Les réflexions nées dans le cadre de la préparation des schémas de services du transport de marchandises ont bien montré que le mode ferroviaire offrait, sur l'axe Rhin-Rhône-Saône, des réponses très pertinentes, et même plus pertinentes que les voies fluviales. Donc, au terme de toutes les réflexions menées au sein du ministère, nous aboutissons à préférer le ferroviaire au fluvial.
Normalement, il n'y a pas lieu de revenir sur l'abandon, décidé en 1997, du grand projet de liaison fluviale à grand gabarit entre la Saône et le Rhin, qui aujourd'hui ne bénéficie ni d'une déclaration d'utilité publique ni de financement et qui est, de plus, incompatible avec certains aspects du projet Saône-Rhin en cours de réalisation. Voyez que je ne cherche pas à vous bercer d'illusions !
Compte tenu de ces différents éléments, toute réouverture du dossier semble aujourd'hui exclue. Le projet de liaison fluviale à grand gabarit Saône-Rhin ne figure ni au schéma de services de transport de marchandises ni dans la liste des opérations auditées, malgré tout mon désir de vous être agréable.
Il existe peut-être une solution de repli qui peut à moyen ou à long terme vous apporter quelques espérances : une mission d'information présidée par votre collègue M. Grignon a établi, durant le premier semestre de l'année 2002, au nom de la commission des affaires économiques et du Plan du Sénat, un rapport où, certes, on regrette l'abandon, en 1997, du projet Saône-Rhin, mais où l'on conclut - en matière de transport modal privilégiant le mode fluvial - en avançant des propositions qui sont moins contraignantes, du point de vue environnemental, qu'un grand projet et qui sont plus justifiées et plus faciles à financer.
Ces propositions, qu'il faut maintenant approfondir, sont inspirées de l'idée qu'il serait intéressant de réaliser, à l'horizon de vingt-cinq ou trente ans, une sorte de maillage fluvial qui établirait les connexions aujourd'hui pratiquement inexistantes entre les réseaux à grand gabarit français et européen.
Voilà tout ce que je peux aujourd'hui vous répondre, monsieur Hoeffel, pour être honnête avec vous et avec moi-même !
M. le président. La parole est à M. Daniel Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse. Nous ne sommes pas figés sur tel ou tel tracé, l'essentiel étant que le projet de liaison entre le sillon rhodanien et le sillon rhénan se fasse et qu'on évite, à l'avenir, de considérer systématiquement comme une dépense pharaonique des projets réalisés sur la façade est, alors qu'ailleurs ils sont considérés comme entrant dans la nature des choses.
M. le président. Monsieur de Robien, je tiens à vous remercier infiniment, au nom du Sénat, de votre très grande disponibilité, qui nous a permis de ne pas interrompre nos travaux jusqu'à l'arrivée de M. Dominique Bussereau, que je suis heureux d'accueillir parmi nous.
M. Gilles de Robien, ministre. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre. Monsieur le président, je voudrais à mon tour vous dire combien j'ai apprécié le dialogue qui s'est instauré avec le Sénat depuis ce matin et je vous remercie de la grande courtoisie avec laquelle vous avez mené ces débats.
Je passe le flambeau à mon collègue et ami, Dominique Bussereau, qui a également un emploi du temps très chargé, et revient de Bruxelles, où il assistait aujourd'hui au conseil des ministres européens des transports. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous apprécions d'autant plus votre présence, monsieur le secrétaire d'Etat, que le Thalys dans lequel vous voyagiez avait une heure de retard !
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'accroissement de la mobilité est l'une des caractéristiques majeures de notre époque.
La loi du 30 décembre 1996 sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie a prévu l'obligation, pour les villes de plus de 100 000 habitants, de se doter d'un plan de déplacement urbain, un PDU. L'objectif était de diminuer la circulation automobile pour réduire la pollution. Cette obligation semble fortement compromise par les propositions qui sont faites dans le projet de loi de finances pour 2003.
La route est aujourd'hui le mode de transport majoritaire en Europe avec 88 % des déplacements de voyageurs et 85 % des déplacements de marchandises. La liberté de choix, si souvent invoquée, est complètement déséquilibrée. Votre projet de budget, monsieur le secrétaire d'Etat, fait pencher la balance dans le même sens.
Un meilleur équilibre entre le rail et la route favoriserait le respect de l'environnement par la réduction de la pollution. Il faut défendre cette démarche au niveau européen.
Il est temps de renverser une tendance qui va à l'encontre même des intérêts des transporteurs routiers. Aujourd'hui, si nous voulons faire en sorte que l'interopérabilité et l'intermodalité deviennent une réalité en dehors des discours, il faut que des choix politiques clairs soient opérés et renforcés par des crédits budgétaires. Or, monsieur le secrétaire d'Etat, ce que vous nous proposez dans ce projet de budget brille par sa timidité ou, le plus souvent, va en sens contraire.
Pour franchir ce pas, il faudrait beaucoup plus d'audace. Des investissements lourds sont nécessaires pour le transport de marchandises par rail, sinon l'intermodalité ne restera qu'une idée marginale.
Mes chers collègues, vous savez tous ici que le rail offre des avantages décisifs puisque l'électricité ne produit aucune pollution. Il faut sans doute utiliser le réseau de façon optimale, mais il est également indispensable de construire de nouvelles lignes sur les axes les plus chargés et d'améliorer celles qui existent pour gagner en efficacité. Or vous ne faites pas ces choix, monsieur le secrétaire d'Etat, puisque vous diminuez de 25 millions d'euros la contribution aux charges d'infrastructure ferroviaire versée à RFF, affaiblissant ainsi ses capacités d'intervention.
Admettez que ce sont des choix clairs, en complète contradiction avec les engagements pris par le Président de la République, au nom de la France, en faveur de l'application des accords de Kyoto.
Pour nos villes dans lesquelles la saturation est à son comble, qu'envisagez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, si ce n'est la réduction drastique de 28 % des crédits alloués aux plans de déplacements urbains ? Etes-vous certain que ce soit une bonne orientation pour préserver notre environnement, pour diminuer la circulation des voitures en ville et pour favoriser une autre culture du déplacement ?
Les autorisations de programme concernant les aides aux investissements pour le transport en commun en site propre dans le projet de loi de finances pour 2003 restent au même niveau qu'en 2002, ce qui est inférieur aux besoins formalisés dans les projets en cours. Les quarante-trois PDU approuvés seront-ils financés ? Les six projets en cours de validation ont-ils été intégrés ? Avez-vous ignoré les onze PDU en cours d'élaboration ?
Avec l'« évaporation » de la dotation de l'Etat, les communes voient s'envoler leurs espérances.
Serait-ce, avant l'heure, la mise en place de la décentralisation proposée par M. Raffarin qui annonce un désengagement de l'Etat sur ces questions ? Nous ne sommes pas loin de le penser et nous constatons, une fois de plus, que les territoires les plus fragiles seront défavorisés.
Nous sommes aujourd'hui confrontés à des défis pour préserver l'environnement. Le rééquilibrage des transports entre eux ne doit pas être une incantation. Il vous appartient, monsieur le secrétaire d'Etat, d'en assurer la régulation.
L'analyse à courte vue pourrait nous faire croire que le transport routier est plus économique. Or, monsieur le secrétaire d'Etat, l'analyse montre que 92 % des coûts externes - les accidents, le bruit, la pollution atmosphérique, le changement climatique -, qui représentent 4,6 % du PIB, sont générés par le trafic routier à l'échelle européenne.
En France, une étude réalisée en mars 2000 par la direction des affaires économiques chargée des transports publics évalue à 151,4 milliards de francs en 1997 les coûts environnementaux - congestion du réseau, accidents, pollution - générés par le trafic routier.
Il serait important de connaître, monsieur le secrétaire d'Etat, le résultat du « compte poids lourds », c'est-à-dire la différence entre les recettes, qu'elles soient fiscales ou liées aux péages, et les coûts que génère, tous domaines confondus, ce mode de transport aujourd'hui. Cette information nous permettrait d'avoir une vision plus claire. Nous saurions en outre si, depuis 1990 - date à laquelle la participation des automobilistes était d'environ 80 % et celle des poids lourds de 20 % -, la situation a évolué, et dans quel sens.
La France est un pays de transit. Or nous ne pouvons plus absorber la croissance du transport routier et la situation de paralysie qui s'annonce sera également préjudiciable aux autres États membres. L'Europe doit donc s'engager plus activement.
Les charges sont actuellement induites de façon majoritaire par les transporteurs routiers, dont de nombreux sont européens et qui, lorsqu'ils utilisent nos routes nationales, n'apportent aucune contribution financière. Ces charges sont supportées à hauteur de 80 % par les automobilistes. Que comptez-vous faire pour renverser cette tendance ?
Monsieur le secrétaire d'Etat, selon quels critères les villes seront-elles sélectionnées pour bénéficier de ce qui reste des crédits destinés aux PDU ? Les autorités organisatrices sont très inquiètes des conséquences de votre décision.
Enfin, monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez participé récemment à un séminaire sur le développement durable. Comment allez-vous résoudre la contradiction entre l'ampleur de cette question et la faiblesse de vos crédits pour y contribuer ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d'abord d'excuser mon retard, lié à des aléas férroviaires à l'issue de la réunion du conseil des ministres des transports européens consacré, justement, à ce qu'il est convenu d'appeler le « deuxième paquet ferroviaire » et au transport maritime, sujets sur lesquels je reviendrai ultérieurement.
Madame le sénateur, permettez-moi de vous dire, sans esprit de polémique, que le Gouvernement s'est trouvé confronté, s'agissant du fret ferroviaire, à une situation catastrophique.
M. Gayssot, dont vous souteniez la politique avec ardeur et véhémence, avait promis des lignes de TGV et des infrastructures de fret dans toute la France, mais il avait simplement oublié de les financer. Chaque maire, chaque président de conseil général ou régional attendait l'amélioration de ses infrastructures alors qu'aucune discussion n'avait été engagée avec les collectivités locales pour préparer le financement des projets.
Le Gouvernement s'est donc trouvé dans la nécessité de remettre de l'ordre et et de la rigueur en réalisant un audit. Un bilan des infrastructures en projet sera dressé d'ici à la fin de l'année. Le Gouvernement travaillera ensuite pendant trois mois pour tenter de les classer selon les trois critères suivants : ces projets sont-ils intéressants, d'une part, pour l'aménagement du territoire et, d'autre part, pour les grandes infrastructures européennes ? Enfin, s'agit-il de projets intermodaux en termes de voyageurs et de fret ?
En fonction de ce classement, le Gouvernement établira une liste de priorités, à parir du mois d'avril, il présentera sa « feuille de route » devant le Parlement pour que l'Assemblée nationale et le Sénat puissent discuter des choix d'infrastructures et de l'ordre dans lequel ils seront réalisés.
Naturellement, au sein de ces infrastructures, madame Beaufils, une priorité sera accordée au fret ferroviaire. Je vous rappelle que mon prédécesseur, M. Gayssot, s'était engagé à doubler le fret ferroviaire en dix ans. Au cours des deux années pendant lesquelles il a exercé cette possibilité, le fret de la SNCF a diminué dans des proportions inédites. Nous sommes malheureusement obligés de rappeler que cette question n'a pas été traitée de manière sérieuse.
Nous allons faire du fret ferroviaire une véritable priorité, car l'asphyxie menace nos routes. Il est nécessaire que le fret ferroviaire ne perde pas de parts de marchés mais qu'il en gagne. Nous attendons beaucoup du rapport que rendront deux de vos collègues, M. Hubert Haenel, membre du conseil d'administration de la SNCF, et M. François Gerbaud, membre du conseil d'administration de RFF, pour formuler des propositions réalistes visant à « booster » le fret ferroviaire, car nous ne pouvons pas en rester à l'échec actuel.
Je veux d'ailleurs préciser qu'il existe deux autres domaines dans lesquels nous devons développer le transport de fret. Tout d'abord, il faut redonner une vraie priorité au transport fluvial dans ce pays. M. Gayssot avait, à juste titre, engagé le projet Seine-Nord.
Nous préciserons, à la suite de l'audit, les modalités de sa réalisation. Ensuite, il faut bien sûr développer le cabotage maritime.
A cet égard, je peux témoigner d'une volonté politique européenne, en particulier avec le programme Marco Polo, de développer le cabotage maritime.
Vous êtes, madame le sénateur, élue de la région tourangelle. Or le trafic qui relie le pont du Cher entre Tours et votre commune devrait être supporté par le fret ferroviaire ou par le cabotage, car il vise souvent à raccorder les ports espagnols ou portugais aux grands ports de l'Europe du Nord.
En ce qui concerne les plans de déplacements urbains, je n'ai pas de leçon à recevoir. J'ai été vice-président du GART - le Groupement des autorités responsables de transport - et je me suis battu en faveur du transport urbain. D'ailleurs, l'agglomération tourangelle est extrêmement en retard sur la question des transports en site propre. Vous êtes malheureusement mal placée dans tous les palmarès, en particulier celui de La vie du rail et des transports. Je sais que ce n'est pas votre faute, chère madame, mais je suis obligé de le constater quand vous nous interpellez au sujet des plans de déplacements urbains.
Nous avons préféré garder l'argent public pour les projets de transports en commun en site propre qui seront présentés à l'Etat. Nous avons maintenu le niveau de financement. Toutefois, entre les reports de crédits qui n'ont pas été consommés en 2002 et ceux qui sont prévus dans le projet de loi de finances pour 2003, nous pourrons répondre à presque toutes les demandes.
Madame Beaufils, vous m'avez judicieusement interrrogé sur les critères qui seront retenus. Il s'agira d'aider les villes qui ont des projets de site propre ou des projets innovants visant à réaliser le plus rapidement possible leur PDU.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez fait allusion au travail de Jean-Claude Gayssot. Or M. de Robien vient de dire qu'il faudrait au moins trois ans pour ressentir les effets des décisions qu'il prend aujourd'hui.
M. Dominique Bussereau secrétaire d'Etat. Cinq ans !
Mme Marie-France Beaufils. M. Gayssot a lancé voilà seulement deux ans l'idée de doubler le fret ferroviaire sur dix ans et ce n'est pas suffisant pour obtenir des résultats.
Nous avons d'ailleurs mené des études précises à Saint-Pierre-des-Corps parce que nous avions du mal à mobiliser les élus sur la question du développement du fret ferroviaire et de la logistique.
Nous avons fait la démonstration qu'un certain nombre de freins devaient être levés. A cet égard, l'électrification de la ligne Tours-Vierzon, qui permet d'éviter les ruptures de charges, favorisera le recours au fret ferroviaire.
Des améliorations sont donc engagées. J'espère que l'audit sera suffisamment sérieux pour faire la démonstration du travail qui a été entrepris, mais qui n'a pas encore pu produire de résultats compte tenu de l'importance des investissements.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous ai écouté et j'ai eu l'impression que tout le budget était suspendu au résultat de l'audit. Ainsi, la situation est pire que je ne l'imaginais puisque nous ne savons pas du tout ce qui sera fait avec les crédits qui sont inscrits dans ce projet de budget !
Par conséquent, monsieur le secrétaire d'Etat, je serai attentive aux conclusions de l'audit et aux décisions qui seront prises.
Pour ce qui est du PDU, je suis informé du 4e travail du GART depuis très longtemps et je sais que vous en avez été vice-président. Monsieur le secrétaire d'Etat, on n'est pas toujours prophète en son pays et j'ai dû composer avec un élu que vous avez peut-être connu, Jean Royer, qui était loin d'être passionné par les transports en commun en site propre et qui refusait qu'un tramway traverse Tours en raison des problèmes que les rails allaient lui poser pour se déplacer !
Je me bats pour que les plans de déplacements urbains soient les plus efficaces possible et qu'ils répondent véritablement à la question du développement durable à laquelle je suis très attachée, afin que tous les modes de déplacement puissent être utilisés. Ce faisant, je pense non pas seulement au transport ferré ou au transport collectif, mais aussi à une meilleure utilisation du réseau cyclable des villes, qui risquent de rencontrer des difficultés de financement. Dans ce domaine, j'ai d'ailleurs été alertée par des membres du GART qui s'inquiètent fortement au sujet des crédits inscrits dans le présent projet de budget.
J'espère, s'agissant des crédits non consommés et reconductibles, que nous aurons une meilleure lisibilité dans les années à venir, car les questions que nous avions posées en commission des affaires économiques n'ont pas reçu de réponse.
M. le président. La parole est à M. Lucien Lanier.
M. Lucien Lanier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la dureté des chiffres concernant la route qui tue nous prouve que, manifestement, quelque chose ne va pas. L'échec de notre politique de sécurité routière est patent.
C'est bien pourquoi l'action contre l'insécurité routière est aujourd'hui retenue comme un objectif majeur voulu par le Président de la République, tel qu'il l'a défini dans sa déclaration du 14 juillet dernier.
Pourquoi en sommes-nous arrivés là ? D'abord, reconnaissons-le, le problème qui se pose à nous n'est pas simple à résoudre.
Les projets de loi qui s'y sont attaqués sous l'empire de l'urgence ne l'ont pas conçu dans son ensemble. De surcroît, la lenteur d'application des textes, pourtant votés souvent à l'unanimité par le Parlement, a trop souvent émoussé l'effet des décisions, alors que se renforçaient tant d'égoïsmes individuels ou d'intérêts contradictoires, intéressés au laisser-faire, au laisser-passer.
Mais la réalité est là, qui s'impose. Le réseau routier destiné à être vecteur d'échanges, de circulation des personnes et des biens, source de vie devient de plus en plus source de mort et au-delà, source de drames sociaux. Il faut y ajouter un gouffre financier pour la santé, la sécurité sociale, les assurances, combien plus onéreux que ne coûterait une politique résolue et efficace de sécurité.
Nous sommes donc à l'heure du choix ! Ou bien la sécurité routière est une priorité absolue et nous lui en offrons les moyens ; ou bien nous sommes résignés à de timides tentatives pour limiter les dégâts, en sachant qu'ils ne feront que s'accentuer face à l'éparpillement des demi-mesures.
Votre projet de budget, monsieur le secrétaire d'Etat, révèle votre volonté d'entreprendre, en coopération avec vos collègues, une politique plus cohérente, plus positive et plus efficace pour combattre l'insécurité.
Reconnaissons tout d'abord une hausse importante de vos crédits. Toutefois, la valeur d'un budget ne se mesure pas seulement à l'aune de ses augmentations, mais à l'intelligente et pertinente utilisation des crédits qu'il comporte.
Trois grands axes définissent et orientent votre politique de sécurité routière.
Tout d'abord, un effort est indispensable pour la recherche et les études. Nous l'appellions de nos voeux, suivant en cela l'action bénéfique menée par notre excellent rapporteur Gérard Miquel. Car comment comprendre, en effet, les causes de l'insécurité routière sans en évaluer les conséquences et sans en préciser les remèdes ?
Seule une recherche scientifiquement conçue, précisément ciblée, peut offrir une base raisonnable d'appréciation et donc d'efficacité. Tel n'est pas aujourd'hui le cas. Trop d'organismes, certes respectables et pleins de bonne volonté, demeurent disparates d'un ministère à l'autre. Or une recherche approfondie mérite de la méthode et beaucoup de cohésion. Vous en êtes parfaitement conscient et, grâce à vous, nous voyons les prémices.
Première question : êtes-vous décidé à poursuivre fermement et à préciser une politique d'études et de recherches adaptée à son sujet ?
Mais une telle action resterait vaine sans le renforcement concerté d'une politique interministérielle de sécurité routière. En effet, nombre de départements ministériels sont directement ou indirectement concernés. Chacun s'y emploie avec le souci réel d'être à la hauteur de l'enjeu. Mais trop de disparités, bref, trop de cloisons nuisent à la rentabilité de l'action, et le Premier ministre ne peut pas toujours orchestrer lui-même en la matière la cohésion des décisions.
Deuxième question : estimez-vous utile de renforcer la cohésion d'une politique interministérielle de sécurité routière, et par quels moyens ?
Enfin, une cohésion interministérielle appelle, bien entendu, la cohésion nationale, qui devrait être précisée, et, mieux encore, diligentée à la fois dans une communauté d'action avec les collectivités locales, et par des ententes concertées entre secteur public et secteur privé.
Troisième et dernière question : êtes-vous décidé à mieux orchestrer et à développer l'action des différents acteurs de la sécurité routière ?
Pour conclure, monsieur le secrétaire d'Etat, soyez assuré que nous comprenons l'ampleur d'une tâche qui se situe au carrefour des techniques et des mentalités, au carrefour également d'acteurs qui partagent la diversité des problèmes.
C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, nous souhaitons vous aider.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Monsieur le sénateur, vous connaissez bien le problème pour avoir exercé des fonctions préfectorales. Vous avez donc été en première ligne et vous avez raison de dire que, la réflexion législative et réglementaire se fait trop souvent dans l'urgence.
J'ai participé en tant que membre de la commission des lois de l'Assemblée nationale, pendant plusieurs années, à la préparation des textes et j'ai toujours eu le sentiment, comme les présidents des commissions, tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale, que trop de loi tuait la loi.
En matière de sécurité routière, il serait peut-être plus utile d'appliquer les lois et les règlements existants que de chercher sans cesse à créer de nouveaux délits ou infractions. Vous le constatez vous-même dans votre département, comme partout, ce qui manque souvent à nos forces de police, ce ne sont pas des textes, ce sont des moyens : des hommes, des radars, des véhicules...
Tentons donc d'abord de mieux appliquer les textes à notre disposition.
Vous avez cité trois domaines de développement de la politique de sécurité routière. Ils correspondent aux orientations que Gilles de Robien, qui est directement en charge de ce dossier, met en oeuvre.
Il s'agit en premier lieu du domaine de la recherche et des études.
J'ai présidé durant cinq ans le programme de recherche et d'innovation dans les transports terrestres, le PREDIT. C'est aujourd'hui un député de mon département, M. Maxime Bono, également maire de La Rochelle, qui préside le PREDIT.
La recherche, en matière de sécurité routière, porte sur ce qu'on appelle la « route intelligente », c'est-à-dire, par exemple, sur les dispositifs de détection permettant le repérage des obstacles, et donc une conduite plus sûre, par temps de pluie ou de brouillard.
Dans le secteur automobile, l'Etat apporte le concours de l'Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité, l'INRETS, à une recherche extraordinaire, à laquelle contribuent aussi très activement les constructeurs. Le dernier Mondial de l'automobile a ainsi montré à quel point les constructeurs attachaient maintenant de l'importance à la sécurité. Les équipements de sécurité des modèles présentés n'ont plus rien à voir avec ce qui se faisait il y a quelques années seulement, en particulier pour les pneumatiques, spécialité dans laquelle les entreprises françaises sont actuellement à la pointe de la recherche et du progrès.
Deuxième développement que que vous avez cité, monsieur le sénateur : le caractère interministériel de la sécurité routière. Vous avez entièrement raison.
Sous l'impulsion du Président de la République et du Premier ministre, vous savez que se sont réunis au mois de septembre des états généraux de la sécurité routière réunissant l'ensemble des acteurs. Gilles de Robien a présenté une communication au mois d'octobre en conseil des ministres sur la sécurité routière et un comité interministériel de la sécurité routière, présidé par le Premier ministre, se réunira le 18 décembre. Ce comité aura pour objet de faire le point sur l'action interministérielle et de présenter un éventail de mesures complétant et améliorant les mesures existantes.
Enfin, troisième domaine, comment ne pas être de votre avis quand vous dites qu'il est nécessaire que cette politique soit relayée par les collectivités locales ? Les maires sont les premiers acteurs de la sécurité routière dans leurs communes. Dans le cadre de la loi Chevènement sur les polices municipales, il a été, par exemple, permis aux polices municipales d'utiliser des cinémomètres et de dresser des contraventions au code de la route, même dans ses aspects réglementaires ou législatifs. Les collectivités locales ont, naturellement, un rôle de premier plan à jouer.
Vous avez rappelé également le rôle des entreprises. Nombre d'entreprises font des programmes pilotes de sécurité routière, avec leur personnel, et avec le concours des services de l'Etat.
Dans les écoles, la gendarmerie et la police nationale apportent leur concours aux inspecteurs d'académie pour des actions de sensibilisation.
Le Gouvernement est en parfait accord avec les principes que vous prônez. Nous devons maintenant nous donner les moyens d'accomplir les actions que vous appelez de vos voeux, et de le faire dans les meilleurs délais.
M. le président. La parole est à M. Lucien Lanier.
M. Lucien Lanier. Mon amitié avec M. le secrétaire d'Etat est suffisamment ancienne pour que je puisse lui faire confiance et arrêter là mes réquisitions ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Joly.
M. Bernard Joly. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je m'exprime à titre personnel, mais aussi au nom de mon collègue M. André Vallet.
Le projet de budget des transports dont nous débattons aujourd'hui est pour moi l'occasion de souligner l'effort de la nation en faveur de la sécurité routière.
Je rappelle que les accidents de la route constituent la première cause de mortalité chez les jeunes. Plus exactement, les accidents de la circulation représentant à eux seuls 40 % des décès chez les quinze - dix-neuf, 37 % chez les vingt - vingt-quatre ans et 26 % chez les vingt-cinq - vingt-neuf ans. Dans une proportion de trois garçons pour une fille, près des deux tiers des décès sont liés à l'usage d'un véhicule motorisé et 47 % des accidents mortels surviennent la nuit.
Cet état de fait est la conséquence directe de l'accroissement de pratiques quasi suicidaires, souvent associées à une consommation d'alcool et de substances illicites.
Pour enrayer ce phénomène dévastateur, le Gouvernement a entrepris de mettre en place une politique de sécurisation de la circulation sur deux fronts. Son premier volet se traduit par une hausse sans précédent des crédits budgétaires en faveur de la sécurité routière ; le second préconise la tolérance zéro à l'égard des conducteurs qui adoptent une conduite dangereuse, pour eux-mêmes et pour les autres. C'est le premier volet qui attirera plus particulièrement mon attention.
Pour 2003, les crédits consacrés à la sécurité routière s'élèvent à plus de 1,65 milliard d'euros, soit une hausse de 4,6 %. De par leur importance, ces chiffres montrent à quel point la lutte contre l'insécurité sur nos routes est devenue une des missions prioritaires du Gouvernement, au même titre que la sécurité intérieure, la justice et la défense nationale.
Cette lutte se décline en trois titres : les actions de la direction de la sécurité routière ; l'entretien, le développement et les mesures de sécurisation du réseau routier ; enfin, la rémunération des personnels du ministère.
La progression des moyens budgétaires découle d'une prise de conscience nationale suscitée par les mauvais résultats de l'année dernière, le nombre de tués ayant augmenté de 1 %.
Face au drame humain et au gâchis économique que représentent 8 000 morts par an, nous ne pouvons rester indifférents et, dès lors, nous devons encourager l'action gouvernementale. Dans son discours du 14 juillet dernier, le Président de la République retenait la sécurité routière comme l'un de ses objectifs majeurs.
Mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur les effets néfastes de la consommation d'alcool au volant.
En revanche, j'aimerais attirer votre attention sur une cause encore peu traitée d'accidents mortels : la conduite sous l'emprise de produits stupéfiants.
En France, la consommation de stupéfiants par un conducteur ne fait à ce jour l'objet d'aucune interdiction. Seule la loi du 18 juin 1999 sur la sécurité routière soumet à un dépistage systématique de stupéfiants tout conducteur automobile impliqué dans un accident mortel. Ne pourrait-on pas, comme pour les contrôles d'alcoolémie, mettre en place des actions préventives de dépistage plutôt que d'attendre l'issue fatale ?
Les stupéfiants recherchés sont les opiacés, le cannabis, les amphétamines et la cocaïne. Seul le code de la santé publique prévoit que « l'usage illicite de l'une des substances ou plantes classées comme stupéfiants est puni d'une peine d'emprisonnement et d'une amende ».
En revanche, une disposition du code pénal, qui incrimine « le fait d'exposer autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence », s'applique difficilement au cas des personnes conduisant sous l'emprise de stupéfiants.
C'est pourquoi je tiens à saluer l'adoption par l'Assemblée nationale d'un texte prévoyant des sanctions à l'encontre de ces personnes.
Ce texte sera examiné ici même avant Noël : gageons que le Sénat saura contribuer à la lutte contre des comportements dangereux inacceptables dans un pays comme le nôtre.
Soulignons que l'examen des dispositions prises par nos partenaires européens pour enrayer ce phénomène destructeur fait apparaître que la conduite sous l'emprise des stupéfiants constitue chez eux une infraction spécifique, distincte de la conduite en état d'ivresse. Les législations de pays comme l'Allemagne, la Grande-Bretagne, l'Espagne, la Belgique ou l'Italie prévoient des dispositifs de contrôle, qui reposent sur des analyses biologiques et sur des procédures de suivi des conducteurs.
Quoi qu'il en soit, la conduite sous l'emprise de stupéfiants est sanctionnée de façon similaire à la conduite en état d'imprégnation alcoolique : les contrevenants sont passibles d'une amende, voire d'une peine de prison, ou des deux peines cumulées dans les cas les plus graves. De plus, des sanctions complémentaires sont généralement appliquées : interdiction de conduire pendant un certain nombre de mois ou retrait du permis de conduire.
Au vu des dispositions en vigueur dans les pays qui nous entourent, l'absence en France d'une législation spécifique liée à la conduite sous l'emprise de stupéfiants constitue une exception.
Monsieur le secrétaire d'Etat, le projet de budget que vous nous présentez est l'occasion pour la majorité sénatoriale, non seulement de soutenir et d'encourager votre démarche en faveur d'une plus grande sécurité sur nos routes, mais surtout de mieux débattre d'un phénomène tragique qui nous concerne tous et contre lequel l'efficacité doit être le fil directeur de toute action.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Monsieur le sénateur, je vais devoir paraphraser vos propos, car le Gouvernement est en complet accord avec vous.
Je vous remercie d'encourager le Gouvernement, et en particulier Gilles de Robien, qui a la charge de ce dossier, dans sa volonté de combattre l'insécurité routière par une politique déterminée et des mesures renforcées.
Vous savez que, ces jours-ci encore et notamment hier à Loriol, lorsqu'il a rendu hommage aux pompiers décédés en mission dans les conditions que l'on connaît, le Président de la République a prononcé des paroles très fortes, qui, je le pense, ont été entendues de nos compatriotes, sur l'insécurité routière et les comportements affolants d'un grand nombre d'entre eux.
C'est une grande cause nationale et, comme vous l'avez indiqué, elle appelle une augmentation des crédits qui lui sont consacrés dans le projet de loi de finances.
Il est urgent que le nombre de tués et de blessés diminue. Les moyens nécessaires seront mis en place, et je le disais à M. Lanier, une véritable politique interministérielle sera menée. Ainsi, le 18 décembre, le Premier ministre présidera lui-même un comité interministériel.
Cette date du 18 décembre est importante. Elle se situe à quelques jours des vacances de fin d'année, moment où beaucoup de familles partent sur les routes. Des mesures importantes seront mise en oeuvre et j'espère qu'elles susciteront une prise de conscience de nos compatriotes quant à la dangerosité de certains comportements en matière de conduite.
Nous sommes également très sensibles, monsieur le sénateur, au fait que vous ayez évoqué le problème de l'usage des stupéfiants et de la conduite sous leur influence. C'est un sujet sur lesquel le Parlement se penche depuis longtemps. D'ailleurs, au cours de la précédente législature, à l'occasion de la présentation, au nom du gouvernement de M. Jospin, d'un projet de loi sur la sécurité routière par M. Gayssot, plusieurs députés de l'opposition d'alors, relayés au Sénat par des membres de la majorité sénatoriale, avaient voulu faire de l'usage des stupéfiants au volant un délit.
M. Gayssot avait refusé, alors que nos arguments n'avaient rien, me semble-t-il, de politique, mais démontraient les dangers de la conduite sous l'emprise des stupéfiants. Il a bien été prévu qu'en cas d'accident grave il serait procédé à des examens, mais c'est très en deçà du problème, qui fait partie des préoccupations majeures du Gouvernement et qui fera l'objet d'une réflexion dans le cadre du comité interministériel de la sécurité routière.
Le Gouvernement a donc entendu votre message, monsieur le sénateur, et il prendra les mesures nécessaires.
M. le président. La parole est à M. Bernard Joly.
M. Bernard Joly. Je remercie M. le secrétaire d'Etat de sa réponse. Cependant, je ne suis pas sûr - je l'avais déjà dit à M. Gayssot il y a quelques années - que la vitesse soit la seule cause des accidents mortels.
Mon département se place, pour le nombre des accidents mortels, parmi les premiers de France. Toute une série de mesures contre la vitesse ont été prises et, certes, le nombre des accidents a diminué, mais le nombre de morts sur la route reste à peu près le même. Et, en effet, des études le montrent, il y a un pourcentage constant de conducteurs qui s'endorment au volant, qui ne tiennent pas compte des tracés continus, etc. Vous êtes les uns et les autres des conducteurs et vous avez constaté sur la route des comportements au volant qui, indépendamment de la vitesse, sont dangereux.
Peut-être faudrait-il être plus vigilant dans les agglomérations - il est, par exemple, de plus en plus dangereux de traverser la rue de Vaugirard pour passer du Sénat à nos bureaux ! -, mais, surtout, il faudrait que la loi soit appliquée dans toutes ses dispositions. (M. Lucien Lanier applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Max Marest.
M. Max Marest. Nous arrivons en fin de parcours, et beaucoup a été dit. J'en viendrai donc à ma question sans préambule, monsieur le secrétaire d'Etat.
Nous savons que l'intermodalité dans les transports permettrait d'assurer une construction équilibrée et harmonieuse du territoire : rail, route, voies fluviales, cabotage maritime, qui n'a pas été évoqué mais qui concerne nos façades atlantique et méditerranéenne.
Pour autant, la répartition du trafic entre les différents modes de transport témoigne aujourd'hui d'un fort déséquilibre en faveur de la route, avec un risque de blocage demain si nous n'y prenons pas garde.
Comment comptez-vous corriger ces déséquilibres entre modes de transport, monsieur le secrétaire d'Etat, et prévoyez-vous de nous présenter une politique cohérente à long terme ? Serait-il possible de procéder à une synthèse lisible à l'échelon national, afin que nous sachions où nous en sommes, entre l'Est, le Nord, le Sud et l'Ouest ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Monsieur Marest, vous me posez sans préambule une question aussi importante que vaste. Vous avez raison : aujourd'hui, la politique des transports d'un pays moderne comme la France, au coeur de l'Europe qui s'élargit, ne peut qu'être intermodale.
On peut reprocher à nos gouvernements successifs d'avoir fait à travers les différentes époques des choix modaux sans prêter attention à ce qui se passait au-delà de nos frontières.
Le TGV sud-est Paris-Marseille est en revanche l'exemple d'un succès : réalisation technique extraordinaire, il obtient en termes de trafic des résultats formidables. Mais, en même temps que l'on développait cette ligne, qui prenait des parts de marché à l'avion, on a libéralisé le transport aérien et transféré une part du trafic de l'aérien vers le train. On a donc investi à la fois pour les aéroports de Marseille et de Nice et pour la ligne nouvelle.
L'argent public étant rare, il faut avoir une vision intermodale. C'est facile à dire dans les discours, mais dans la réalité, chacun voit bien dans son département, dans sa région, le type d'équipement qu'il veut réaliser et qui, parfois, est très lié à un mode de transport.
Comme je l'ai dit tout à l'heure à Mme Beaufils, l'audit que le Gouvernement effectue actuellement privilégiera les projets intermodaux. Je prendrai quelques exemples de ce qui figure dans cet audit.
Dans le présent projet de loi de finances, des crédits sont inscrits pour Port 2000, très grand équipement de développement du port du Havre. Or, voilà quelques mois, a été stoppée la construction d'une écluse permettant d'aller de la Seine au port. Autrement dit, on est en train de développer un grand port à proximité d'un grand fleuve sans qu'une écluse permette aux navires fluviaux de rejoindre le port. Je ne dis pas que nous réaliserons cette écluse, mais en tout cas nous l'avons réintroduite dans l'audit afin d'examiner si, sur le plan financier et en termes d'aménagement du territoire, cet équipement n'était pas nécessaire.
De même, je me suis aperçu, il y a plusieurs mois, à l'occasion d'un déplacement à Fos-sur-Mer, que l'un de nos services empêchait les navires automoteurs fluviaux de pénétrer dans une darse du port, empêchant ainsi l'intermodalité, au nom de je ne sais quelle règle absurde et technocratique : c'est à ce type même de comportement qu'il faut mettre fin.
Les solutions, vous les connaissez, consistent à développer toutes les plates-formes combinées. Cette semaine, j'ai visité à Perpignan la merveilleuse plate-forme combinée qu'est le marché Saint-Charles, qui permet à des marchandises arrivées par la route d'être ensuite transportées par des trains partant de Perpignan à dix-sept heures et arrivant le matin à quatre heures à Rungis pour alimenter la région parisienne en fruits et légumes. Ce sont des choses très concrètes, qui se développent avec des projets très importants. Il faut faire la même chose avec la route et avec le transport combiné.
Monsieur Marest, pour que le transport combiné soit relancé, les subventions budgétaires prévues en sa faveur dans le projet de budget seront attribuées non à la seule SNCF, mais aux opérateurs du transport combiné afin qu'ils puissent faire leurs choix modaux et pour que, avec la SNCF et d'autres modes de transport, ils puissent développer tous les choix intermodaux possibles.
Cette politique intermodale doit être au coeur de toutes les politiques - qu'il s'agisse des collectivités territoriales dans leurs choix d'investissement, dans les contrats de plan Etat-région, ou de l'Etat -, et je vous remercie de l'avoir souligné dans votre intervention.
M. le président. La parole est à M. Max Marest.
M. Max Marest Monsieur le ministre, je vous remercie de vos réponses.
Dans mon intervention, je pensais plus au fret qu'au trafic voyageurs. En France, avec notre façade atlantique et l'appel de l'Europe centrale et de l'Europe de l'Est en termes de trafic, nous serions en dessous de tout - passez-moi l'expression - si nous ne faisions pas le maximum pour utiliser l'ensemble des moyens de transit que possède notre pays.
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions.
Je rappelle au Sénat que les crédits concernant les transports terrestres, les routes et la sécurité routière, inscrits à la ligne « Equipement, transport, logement, tourisme et mer » seront mis aux voix aujourd'hui même, à la suite de l'examen des crédits affectés au tourisme.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 47 805 492 euros. »