SEANCE DU 6 DECEMBRE 2002
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant
le ministère de l'écologie et du développement durable.
J'indique au Sénat que, pour cette discussion, la conférence des présidents a
opté pour la formule expérimentée ces deux dernières années et fondée sur le
principe d'une réponse immédiate du Gouvernement aux différents intervenants,
rapporteurs ou orateurs des groupes.
Ainsi, Mme la ministre répondra immédiatement et successivement au rapporteur
spécial, aux deux rapporteurs pour avis et à chaque orateur des groupes.
Ces réponses successives se substitueront à la réponse unique en fin de
discussion.
Pour chaque question, les orateurs des groupes interviendront pendant cinq
minutes maximum. La durée de la réponse du Gouvernement sera fixée à trois
minutes, chaque orateur disposant d'un droit de réplique de deux minutes
maximum.
J'invite chaque intervenant à respecter l'esprit de la procédure, qui repose
sur des questions précises et en nombre limité, et les temps de parole
impartis.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Philippe Adnot,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, madame la
ministre, mes chers collègues, les crédits qui sont demandés pour l'écologie et
le développement durable en 2003 s'élèvent à 768,16 millions d'euros, ce qui
représente une légère diminution apparente de 0,16 % par rapport à 2002.
Toutefois, si l'on prend en compte les modifications de périmètre, portant sur
6,19 millions d'euros, et les crédits du fonds national de solidarité pour
l'eau, le FNSE, soit 61,37 millions d'euros après le vote du Sénat intervenu
lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2003,
les moyens du ministère s'établissent à 835,72 millions d'euros, soit une
baisse de 2 %.
Les dépenses ordinaires, qui représentent 617,47 millions d'euros, reculent de
2,15 % en 2003, après avoir marqué une augmentation de 18 % en 2002. Elles
représentent ainsi 80,4 % de l'ensemble du budget, contre 82 % l'année dernière
et seulement 42 % en 2000. Il faut cependant noter que ces évolutions tenaient
surtout à d'incessants changements de périmètre.
Au contraire, les dépenses en capital croissent de 8,90 %, alors qu'elles
avaient diminué de 27 % en 2002 : elles atteignent ainsi 150,69 millions
d'euros, soit 19,6 % du budget, contre 18 % l'année dernière.
J'en viens dès à présent aux quatre principales observations que m'inspire le
budget de l'écologie et du développement durable pour 2003.
« Budget en régression inquiétante, ministère inaudible et impuissant » : tels
sont les qualificatifs qu'a employés votre prédécesseur, madame la ministre,
dans un article de presse récent. Le rapporteur spécial que je suis depuis
quelques années n'en revient pas : ayant consacré une partie de mon rapport au
bilan de Mme Voynet et de M. Cochet en 2001, je vous laisse le soin
d'apprécier, mes chers collègues, si ces anciens ministres sont bien placés
pour donner des leçons !
En effet, ma première observation concerne l'exécution du budget pour 2001,
qui se révèle extrêmement critiquable et confirme les analyses que j'avais
développées à l'époque.
D'une part, certains crédits ont été imputés de manière irrégulière, notamment
au titre du plan POLMAR, sur le titre V, alors qu'il s'agissait pour
l'essentiel de dépenses de fonctionnement.
D'autre part, et surtout, la Cour des comptes a une nouvelle fois souligné la
sous-consommation des crédits de ce qui était alors le budget de
l'environnement, sous-consommation qu'elle qualifie de « chronique ». Elle
relève ainsi que la forte progression de ces crédits en 2001 s'est accompagnée
d'un taux de consommation extrêmement faible, de l'ordre de 50 %, voire de 25 %
pour ce qui concerne les seuls crédits de paiement, ce qui l'amène à «
s'interroger sur la sincérité du budget de l'environnement » d'alors.
Or, les informations concernant la consommation des crédits au premier
semestre de 2002 ne sont guère plus encourageantes. Ainsi, seuls 37,5 % des
crédits d'intervention, au titre IV, ont été consommés, et la situation est
plus médiocre encore pour les dépenses en capital : 14,2 % pour le titre V et
12,5 % pour le titre VI, soit un taux de consommation global de 12,6 % pour les
crédits de paiement, qui tombe à 11,6 % hors Agence de l'environnement et de la
maîtrise de l'énergie, l'ADEME.
Ma première question, madame la ministre, portera donc sur la manière dont
vous envisagez de corriger les errements de vos prédécesseurs. Nous ne vous
demandons pas d'expliquer leurs fautes à leur place - ils n'ont aucune excuse
-, mais simplement de nous dire comment, à l'avenir, vous pourrez faire
mieux.
Cette observation me permet également de poser ma deuxième question, qui
concerne l'ADEME : cette agence, après avoir été artificiellement surdotée au
début de la législature précédente, a ensuite été privée de ressources
puisqu'elle n'a reçu que le quart de ce que lui apportait l'ancienne TGAP, la
taxe générale sur les activités polluantes, qui a été ultérieurement affectée
au financement des 35 heures. De ce fait, l'Agence rencontre aujourd'hui des
difficultés pour assurer certaines de ses missions, si bien qu'elle ne traite
quasiment plus de dossiers nouveaux. Je souhaiterais donc connaître les
orientations que le Gouvernement entend donner à l'ADEME, dont j'avais par
ailleurs, l'année dernière, critiqué le fonctionnement dans un rapport
d'information. Madame la ministre, quelles suites entendez-vous donner à ces
critiques ? Comment ferez-vous pour revenir à une dotation qui, en régime de
croisière, devrait atteindre environ 3 millions d'euros ?
Enfin, eu égard à ses modalités de financement et de fonctionnement, je
m'interroge sur l'utilité du fonds national de solidarité pour l'eau. J'ai
auditionné l'ancien contrôleur financier central du ministère, qui m'a indiqué
qu'il était « difficile de définir l'activité du fonds ». Son fonctionnement,
effectif depuis 2001, ne paraît guère optimal, le comité consultatif du fonds
chargé d'assister le ministre ne s'étant pas réuni une seule fois en 2002. Sa
gestion financière n'est guère meilleure : le taux de consommation de ses
crédits ne s'est établi, selon la Cour des comptes, qu'à 28 % en 2001, soit un
niveau identique à celui de l'année précédente, tandis que d'importants reports
de crédits ont eu lieu, atteignant près de 95 millions d'euros en 2001 et plus
de 91 millions d'euros en 2002. La Cour des comptes a d'ailleurs estimé que «
l'affectation de ces ressources au budget général [en] aurait sans doute permis
une meilleure utilisation ».
Le FNSE fait donc l'objet de ma troisième question : vous savez, madame la
ministre, que le Sénat a relevé de 40 millions à 60 millions d'euros la part
affectée au FNSE, sur un prélèvement total de 80 millions d'euros effectué sur
les agences de l'eau.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin,
ministre de l'écologie et du développement durable.
Ce n'est pas
suffisant !
M. Philippe Adnot,
rapporteur spécial.
Toutefois, eu égard au fonctionnement critiquable de
ce fonds, je souhaiterais savoir pourquoi ses missions ne sont pas financées
tout simplement sur le budget général et s'il ne conviendrait pas de s'orienter
vers la budgétisation intégrale du FNSE dans les années qui viennent.
Ma deuxième observation sera pour relever que le budget de l'écologie et du
développement durable est globalement peu lisible.
Les documents budgétaires afférents au budget de l'écologie sont d'un accès
objectivement peu aisé. En effet, la nomenclature retenue ne permet pas, ou
permet mal, d'identifier la plupart des mesures qu'il finance. L'intitulé de la
plupart des chapitres et articles budgétaires reste extrêmement général, voire
ambigu, et il est rare que l'intégralité d'un chapitre soit consacrée au
financement d'une seule action. De surcroît, de nombreux chapitres, qu'il
s'agisse de dépenses ordinaires ou de dépenses en capital, portent le même
intitulé, notamment : « Protection de la nature et de l'environnement », ou : «
Prévention des pollutions et des risques » - soit le même intitulé que celui de
l'agrégat 23 lui-même ! -, ce qui, s'agissant de ce budget, n'apporte que peu
d'éclaircissements sur l'objet et le champ des politiques publiques mises en
oeuvre.
Pourtant, le « bleu » comporte lui aussi des informations écrites relatives
aux politiques conduites, qu'il est très difficile de rapprocher des
informations chiffrées fournies par la nomenclature budgétaire. Il est dès lors
quasiment impossible d'identifier le coût de chacun des nombreux dispositifs
financés. Dans ces conditions, notamment dans la perspective tant de l'entrée
en vigueur définitive de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de
finances que de l'établissement de programmes, je ne peux qu'encourager le
ministère à améliorer la lisibilité de la nomenclature budgétaire.
En outre, les indicateurs de résultats fournis dans l'annexe bleue sont peu
significatifs. Leur qualité est très inégale, mais globalement médiocre, voire
franchement mauvaise. Surtout, ils ne permettent pas d'apprécier les résultats
des politiques publiques environnementales ni,
a fortiori,
leur
performances. L'ancien contrôleur financier central du ministère m'a confirmé
cette analyse et m'a indiqué « ne pas avoir eu l'impression que les efforts
financiers [réalisés en faveur de l'environnement] aboutissaient à des
résultats tangibles ». Il a ajouté que « les objectifs quantitatifs n'étaient
pas la traduction de véritables besoins » et a déploré l'absence de tableaux de
bord et d'indicateurs de résultats socio-économiques pertinents.
Le bleu budgétaire fournit de très nombreuses illustrations de ce manque de
pertinence des indicateurs, voire des objectifs eux-mêmes : certains objectifs
et résultats suscitent le scepticisme ; quelques-uns des résultats affichés
peuvent ne pas paraître crédibles, eu égard aux évolutions passées ; l'aspect
purement quantitatif de certains objectifs ne laisse pas de susciter des
interrogations sur leur pertinence ; l'affichage d'objectifs peut ne tirer
aucune conséquence du fait que plusieurs d'entre eux ne sont purement et
simplement pas atteints ; enfin, certains autres indicateurs de résultats sont
renseignés avec une évidente fantaisie.
Ces critiques, vous l'aurez compris, madame la ministre, portent
essentiellement sur les gestions passées, dont l'actuel gouvernement doit
aujourd'hui assumer les conséquences.
Aussi vous poserai-je, madame la ministre, la question suivante : comment
votre ministère s'implique-t-il dans la mise en oeuvre de la loi organique du
1er août 2001 et quand pourrez-vous nous présenter vos projets de programmes ?
Ne craignez-vous pas que le ministère de l'écologie ne soit en retard dans la
mise en oeuvre de cette profonde réforme, en particulier dans la définition des
indicateurs de résultats et de performances ?
Troisième observation : le projet de budget pour 2003 comporte des
orientations nouvelles qu'il convient de saluer.
D'abord, le changement de dénomination du ministère de l'environnement en
ministère « de l'écologie et du développement durable » ainsi que la création
d'un secrétariat d'Etat au développement durable traduisent bien les priorités
de la politique de la France en la matière : la solidarité entre les
générations ; la réconciliation entre protection de l'environnement et
développement économique, social et culturel, à travers une gestion responsable
des ressources naturelles ; l'information, l'éducation et la formation portant
sur les enjeux liés au développement durable. Ces grandes orientations sont
inscrites dans le document-cadre pour l'élaboration d'une stratégie nationale
de développement durable qui avait été adopté en vue du sommet de Johannesburg.
Un travail interministériel débutera prochainement afin de traduire rapidement
sur le terrain cette politique de promotion du développement durable.
Ensuite, conformément à un engagement du Président de la République, une
charte de l'environnement dans laquelle seront inscrits les principes
essentiels de la protection de l'environnement devrait voir le jour afin d'être
adossée à la Constitution. Le conseil des ministres du 5 juin dernier a engagé
la procédure en vue de son élaboration. Sur la base des propositions de la
commission présidée par M. Yves Coppens, et après une concertation
interministérielle, vous présenterez, madame la ministre, un projet de charte
en conseil des ministres avant le 5 juin 2003, date de la prochaine journée
mondiale de l'environnement.
Enfin, vous avez demandé à l'inspection générale des finances et à
l'inspection générale de l'environnement d'effectuer un audit du ministère
portant notamment sur deux points : le versement de subventions aux
associations et la mise au point d'une méthodologie permettant au ministère
d'appliquer la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.
Quatrième observation : le projet de budget pour 2003 renoue, enfin ! avec la
sincérité budgétaire.
D'une part, les changements de périmètre sont limités, ce qui est plutôt
positif. Je rappelle en effet que, dans la loi de finances initiale pour 2002,
sur les 761 millions d'euros inscrits au budget, 381 millions, soit plus de 50
%, résultaient de simples modifications du périmètre budgétaire, ce qui
permettait de mettre en avant des progressions du budget de l'environnement
certes considérables, mais tout à fait factices.
Le projet de budget pour 2003 connaît donc une assez grande stabilité de son
périmètre, puisque les transferts sont limités à 6,20 millions d'euros, soit
seulement 0,8 % des dotations du ministère. De ce point de vue, je ne peux que
me féliciter de la fin de l'utilisation politique de l'environnement : en
effet, Mme Voynet avait systématiquement sacrifié les crédits de
l'environnement au profit de l'extension de son périmètre politique.
D'autre part, l'investissement est privilégié. Les efforts budgétaires
considérables - quoique en partie virtuels - en faveur du budget de
l'environnement au cours des années récentes avaient pour l'essentiel consisté
non pas à conduire des politiques publiques environnementales, mais à renforcer
les moyens du ministère et à créer des emplois publics.
Au contraire, le projet de budget pour 2003 tend à rompre avec cette
augmentation constante du nombre de fonctionnaires et avec la croissance
ininterrompue des dépenses de fonctionnement ; au contraire, l'accent est mis
sur les dépenses d'investissement : les crédits du titre V progressent de 19,4
% et ceux du titre VI de 6,1 %.
Pour l'ensemble de ces raisons, la commission des finances vous invite, mes
chers collègues, à adopter le projet de budget de l'écologie et du
développement durable pour 2003.
(Applaudissements sur les travées du RPR,
des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin,
ministre de l'écologie et du développement durable.
Vous avez procédé,
monsieur le rapporteur spécial - et je vous en remercie -, à une analyse très
approfondie du projet de budget de l'écologie et du développement durable, avec
la détermination et la précision qui vous caractérisent. Je vais répondre à vos
questions sur le même mode.
Auparavant, permettez-moi quelques rappels sur les principes de mon action,
dont le budget n'est que le moyen.
Le 7 mai 2002, j'ai pris en charge une politique que le Président de la
République a désignée comme l'un des axes prioritaires de son quinquennat et
que le Premier ministre a voulu inscrire dans le cadre du développement
durable. Le Président de la République a remarquablement donné, à Johannesburg,
sa dimension humaniste et internationale à ce ministère.
M. Jacques Oudin.
Très bien !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin,
ministre.
J'ai voulu fonder notre action sur trois principes : la
sécurité, la transparence et la participation.
Sécurité d'abord, sécurité surtout : c'est une exigence forte de nos
concitoyens, et une grande partie du projet de budget lui est consacrée, avec
61 % des autorisations de programme et 63 % des crédits de paiement, hors
salaires. Sécurité industrielle, nucléaire et sanitaire, prévention des risques
naturels, sont des domaines auxquels les Français sont très attentifs.
Transparence ensuite, grâce à des débats apaisés, fondés sur l'expertise.
C'est le moyen le plus sûr de responsabiliser les décideurs et tous nos
concitoyens.
Participation enfin, car les Français ne s'intéressent à la politique que
s'ils sont associés aux décisions qui les concernent.
Le ministère dont j'ai la charge, m'avez-vous dit, a la réputation de ne
savoir que faire de ses crédits. On en trouverait la preuve dans les reports
importants, que vous stigmatisez, monsieur le rapporteur spécial. Vous m'avez
d'ailleurs posé une question très directe sur les initiatives que j'ai prises
pour corriger les « errements antérieurs ». Ma réponse tiendra en quelques
points.
La loi de finances initiale pour 2002 s'est établie à 769 millions d'euros et
les crédits ouverts, compte tenu des reports, notamment ceux de l'ADEME,
s'établissent à 1 175 millions d'euros.
Au 26 novembre 2002, le montant réel restant disponible à ordonnancer au
niveau central s'établit à 43 millions d'euros, soit 5,6 % des crédits de la
loi de finances initiale et 3,6 % des crédits ouverts après prise en compte des
mesures de régulation, dont les reports obligatoires, qui ont beaucoup porté
sur l'ADEME.
A ce stade de l'exercice, les montants en voie de consommation apparaissent
donc plutôt satisfaisants. Une limitation des engagements a d'ailleurs dû être
opérée sur certains chapitres, faute d'avoir la certitude de conserver, après
gel et reports obligatoires, les crédits nécessaires au paiement des
engagements actés.
Pour mémoire, les crédits gelés se sont élevés à 66 millions d'euros et les
reports obligatoires sur 2003 à 302 millions d'euros. Plus de 250 millions
d'euros des crédits gelés ou reportés, soit environ 70 %, ont concerné l'ADEME
et environ 10 % d'autres établissements publics.
Je considère donc que les premiers résultats du travail d'ascèse budgétaire
que j'ai entamé à mon arrivée sont obtenus.
Ce projet de budget est marqué par une stabilité des moyens, l'objectif étant
de mieux dépenser. Dès mon arrivée, j'ai effectué une analyse du budget qui m'a
démontré que mes prédécesseurs les plus directs avaient abusé des effets
d'annonce, d'où un grand écart entre les moyens d'engagement et les moyens de
paiement. Pardonnez-moi cette image, mais les autorisations de programme non
couvertes jonchaient le sol de mon bureau.
Certain ont affirmé que le budget du ministère diminuait. La partie « dure »
du budget - les crédits de paiement et de fonctionnement, le total des dépenses
ordinaires et des crédits de paiement - ne diminue pas. Dans la mesure où je
n'ai pas négocié et construit ce budget comme un instrument d'affichage, je
n'ai pas cherché à le faire paraître en augmentation.
Il est vrai que les autorisations de programme diminuent. Mais elles n'étaient
pas entièrement couvertes. Donc la sincérité augmente. Les maintenir aurait
consisté à continuer de signer trop de chèques sans provision ; ce n'est pas ma
méthode.
Les dépenses ordinaires diminuent également, ce qui répond à l'objectif du
Gouvernement et du Parlement de mieux maîtriser les dépenses de fonctionnement.
L'effort, hors salaires, atteint près de 3 %.
Les moyens de travail du ministère augmentent. Les crédits de paiement
s'accroissent de 8,9 %. L'écart avec les autorisations de programme, qui a
diminué, reste important. Mais il sera compensé en 2003 par les reports -
imposés, je vous le rappelle ; on ne pourra donc pas me les reprocher - qui
seront consommés. Le total des dépenses ordinaires et des crédits de paiement
reste constant.
Quant aux emplois, ils sont stables. Quelques échanges entre services et
ministères sont réalisés. Mais cette stabilité recouvre des redéploiements.
J'ai, en effet, décidé d'« autofinancer » en emplois mes priorités. C'est une
chose à laquelle mon ministère n'était plus habitué depuis fort longtemps.
Le centre hydrométéorologique de Toulouse, par exemple, qui jouera un rôle
crucial dans la surveillance des orages cévenols et dont la création avait été
annoncée par mes prédécesseurs mais non préparée, reçoit dix emplois de haut
niveau, créés par redéploiement. J'ai, par le même moyen, décidé de
déconcentrer certains emplois des administrations centrales vers les services
régionaux, notamment pour renforcer les capacités de gestion et de concertation
du système Natura 2000.
Au-delà de cet effort, je veux, dans le cadre du travail de simplification et
de décentralisation entrepris par le Gouvernement, réformer le ministère qui
m'a été confié. Il me faudra du temps pour concevoir cette réforme et
l'expliquer aux agents placés sous mon autorité, dont je constate chaque jour
le dévouement et le sens de l'intérêt général. Il me faudra des moyens ; il me
faudra votre aide.
Vous me posez une deuxième question, monsieur le rapporteur spécial, sur
l'ADEME. Certains points de votre analyse méritent des commentaires
techniques.
L'ADEME a connu dernièrement un changement de sa source de financement, qui a
consisté en une budgétisation de la TGAP - taxe générale sur les activités
polluantes. L'ADEME, à partir de 1999, a donc reçu non plus de taxe affectée,
mais une dotation de l'Etat par le budget général.
Cette dotation a consisté en l'inscription, l'année zéro, sur le budget du
ministère de l'écologie et du développement durable, des autorisations de
programme et des crédits de paiement correspondant à la TGAP, le compte spécial
alimenté par la TGAP étant, comme le FNSE, le fonds national de solidarité pour
l'eau, alimenté en autorisations de programme et en crédits de paiement à
niveau égal.
La surdotation que vous évoquez résulte donc de l'attribution de crédits de
paiement à la hauteur des autorisations de programme dès le démarrage des
actions sur les déchets sans qu'il ait été tenu compte du temps nécessaire pour
mettre en place les actions et donc engager les autorisations de programme. Il
ne faudrait pas que cette technique d'alimentation en crédits de paiement soit
à l'origine d'une confusion en accréditant l'image d'une mauvaise gestion.
A la fin de l'année prochaine, ces crédits de paiement devraient être
entièrement consommés d'après l'ADEME, d'après mes services et d'après ceux du
ministère chargé du budget. Ces trois sources concordantes me rassurent.
J'ajoute que ces reports de crédits de paiement sont représentatifs de «
dettes » exigibles à court terme par les collectivités locales.
J'ai déjà engagé, avec mon collègue Alain Lambert, des discussions
particulières pour prendre en compte les besoins réels de l'ADEME en 2004.
Mais vous noterez, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, vous qui
êtes légitimement attachés à l'activation et à la sincérité des comptes
publics, que le débat s'est déplacé. Pour ce qui concerne l'ADEME, on parlera
en effet bientôt non plus de reports, mais de besoins de crédits de
paiement.
L'autre volet de la question sur l'ADEME porte sur les difficultés qu'elle
rencontrerait pour assurer ses missions et traiter des dossiers nouveaux
concernant la gestion des déchets, en particulier des déchets ultimes.
D'une part, la notion de « déchets ultime », vous le savez, est juridiquement
floue et loin d'être opérationnelle. Il était important cependant de ne pas
s'arrêter à ce constat et de faire en sorte que l'échéance du 1er juillet 2002
soit matérialisée, sinon les acteurs se seraient démobilisés. Poursuivre la
mise en oeuvre du système d'aide tel qu'il était conçu aurait consisté à donner
une prime aux retardataires. J'ai donc confirmé la suspension, pour
redéfinition, des aides de l'ADEME et ai engagé une réflexion sur une fiscalité
récompensant les « bons élèves ».
D'autre part, de nouveaux objectifs de progrès doivent être fixés. Une
réflexion est en cours, qui aboutira à une nouvelle politique au printemps
2003. Je peux vous citer quelques pistes.
Il s'agit de s'attaquer concrètement à la réduction du volume des déchets,
pour laquelle rien n'a été fait sérieusement jusqu'alors.
Il faudra aussi prendre en compte les émissions de gaz à effet de serre des
différents systèmes de gestion de déchets.
Enfin, il faut avoir bien présent à l'esprit la carence en capacités de
traitement en France. D'après l'ADEME, notre pays ne dispose pas plus de six
ans de capacité. Il y a donc une nécessité impérieuse pour les élus de se
mobiliser sur ce sujet.
Je voudrais maintenant aborder la question du FNSE.
J'ai fait tout à l'heure un parallèle entre la TGAP et le FNSE. Pourquoi ?
Parce que le système étant le même - alimentation en autorisations de programme
et en crédits de paiement à montant égal -, les critiques sont les mêmes,
faible taux de consommation des crédits de paiement en début de vie ou de
programme, et le type de réponse est le même : il est difficile de reprocher à
un compte d'affectation spéciale de ne pas se comporter comme un chapitre du
budget de l'Etat, puisque ce n'en est précisément pas un. Je dois vous avouer
que les difficultés de compréhension du système et donc de sa programmation et
de sa gestion en 2003 m'ont parfois fait regretter qu'il ne soit pas
budgétisé.
Mais le FNSE n'est qu'un segment des financements de la politique de l'eau. Au
moment où je renoue la concertation au sujet de la loi sur l'eau ; où nous
devons transcrire la directive-cadre européenne, où il devient urgent de
stabiliser les ressources des agences de l'eau, il m'a semblé que travailler
sur les moyens financiers n'était pas la première chose à faire. Lorsque la
politique sera définie, après une concertation appuyée, lorsque la structure
des interventions sera précisée, viendra le moment des réflexions sur le
FNSE.
Pour l'instant, la diminution de 20 millions d'euros que vous avez fait porter
sur ce fonds rend encore plus difficile l'exercice de redéploiement que j'ai
entrepris.
J'ajoute qu'à votre demande, monsieur le rapporteur spécial, j'ai fait
effectuer par mes services un test rapide sur quelques ordonnateurs secondaires
quant au taux de passage des autorisations de programme déléguées en conférence
administrative régionale qui, si l'on retire les incidents de fin de gestion,
dus au manque de vigilance des maîtres d'ouvrage ; donne une idée assez fidèle
du taux d'engagement en clôture de gestion.
Le résultat est intéressant : sur quatre ordonnateurs secondaires testés, deux
atteignent un taux de 100 %. La montée en puissance des programmes du fonds
européen de développement régional, le FEDER, dont les crédits du FESE sont
souvent la contrepartie, est l'une des raisons de ce résultat en net progrès.
Cela veut dire que les reports de crédits de paiement que vous avez constatés
correspondent à des autorisations de programme qui seront bien engagées. Ils ne
sont donc pas disponibles.
Enfin, pour clore cette question du FNSE, je voulais vous dire que j'en avais,
pour 2003, changé la donne.
En faisant notamment en sorte que le FNSE finance, plus que les années
précédentes, les initiatives des collectivités locales tendant à créer ou
restaurer des champs d'expansion des crues afin de réguler les débits en tête
de bassin et prévenir les inondations, j'ai fait en sorte de revenir à l'esprit
initial du FNSE, qui avait été oublié par mes prédécesseurs.
Vous avez abordé enfin la question de la loi organique sur les lois de
finances.
Le ministère de l'écologie et du développement durable a entrepris de
s'organiser, depuis plusieurs mois, pour préparer la mise en oeuvre de cette
loi.
J'ai mis en place un comité de pilotage, présidé par le directeur de mon
cabinet et réunissant l'ensemble des directeurs d'administration centrale. Un
comité de suivi, regroupant les responsables de chacune des directions, est
chargé, par ailleurs, de mettre en place les orientations décidées.
La nature, le nombre et le contenu des programmes ministériels seront
directement déterminés d'après les travaux de ce comité.
La bonne information du Parlement, et du Sénat en particulier, sur une
politique donnée rend nécessaire l'inclusion, dans un même programme, de
l'ensemble des moyens dévolus à chaque politique.
Or ces moyens peuvent être actuellement, sur un plan budgétaire, dispersés
entre plusieurs ministères et établissements publics. Il conviendra donc, pour
répondre à la lettre comme à l'esprit de la loi organique relative aux lois de
finances, de définir les voies permettant au Parlement de voter, au sein d'un
même document, l'intégralité des moyens consacrés à ces politiques.
La même réflexion est en cours sur des catégories d'indicateurs de résultats
qui seront nécessaires et qui vous tiennent tant à coeur.
Ces réflexions sont naturellement conduites en liaison avec le ministère en
charge de la réforme budgétaire.
Vous avez souligné, à juste titre, monsieur le rapporteur spécial, les
regrettables errances de mes prédécesseurs. Vous constaterez aujourd'hui,
mesdames, messieurs les sénateurs, que notre ministère s'est livré à un travail
d'optimisation, de régularisation et de transparence nécessaire, voire
indispensable.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Jean Bizet, rapporteur pour avis.
M. Jean Bizet,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les crédits
inscrits au titre de l'environnement sont stabilisés à hauteur de 768,16
millions d'euros pour 2003.
Aux dotations budgétaires, il convient d'ajouter les crédits du fonds national
de solidarité pour l'eau, qui s'élèvent à 83 millions d'euros, et sur lesquels
je reviendrai plus en détail dans un instant.
En préambule, il convient de souligner - pour s'en réjouir - les nouvelles
orientations impulsées par Mme la ministre s'agissant de la conduite de son
ministère.
Ainsi, la nouvelle dénomination retenue pour le ministère, à savoir l'écologie
et le développement durable, traduit un changement d'attitude et incarne la
volonté de privilégier une approche pragmatique des problèmes de
l'environnement ainsi que le travail d'équipe avec des ministères comme celui
de l'industrie, de l'équipement, de l'agriculture ou encore de l'intérieur.
Cette orientation s'inscrit totalement dans la vision que nous avons toujours
eue pour le ministère en charge de l'environnement, qui devait être, pour nous,
une administration de mission capable de lancer et de faire appliquer des
réglementations et des politiques respectueuses de l'environnement par les
administrations de l'Etat, et cela en étroite coopération avec les
collectivités territoriales et les différents acteurs économiques de
terrain.
Aussi, le projet de budget pour 2003 rompt-il avec la progression, constatée
les années précédentes, des dépenses de fonctionnement et des augmentations
d'effectifs, pour mettre l'accent sur les dépenses d'investissement.
La seconde orientation de ce budget tourne le dos aux effets d'affichage, que
j'avais dénoncés les années précédentes, et met en avant la volonté de dépenser
mieux. C'est une première réponse aux critiques émises par la Cour des comptes
sur la très insuffisante consommation des crédits de l'environnement, critiques
réitérées sur l'application du budget 2001.
A propos des crédits consacrés à la nature et aux paysages, je prends bonne
note, madame la ministre, de votre volonté de faire progresser la mise en
oeuvre du réseau Natura 2000 en relançant une véritable politique de
concertation ; les deux lettres circulaires envoyées aux préfets en juillet et
en août 2002 vont dans le bon sens.
Pour 2003, l'objectif affiché est de signer et d'honorer financièrement un
nombre important de contrats de gestion sur les sites Natura 2000 avec
l'ensemble des propriétaires et des gestionnaires.
Toutefois, pour que la France se mette effectivement en conformité avec ses
obligations communautaires, encore faut-il lever un certain nombre d'ambiguïtés
fondamentales, tout particulièrement en ce qui concerne le maintien des
activités économiques et le développement local sur les territoires
concernés.
Ainsi reste la question de l'interprétation à donner à la notion de
perturbation, qui suscite, à juste titre, beaucoup d'interrogations parmi les
élus locaux, les gestionnaires et les usagers de la nature. Une interprétation
extensive de ce concept fait craindre la sanctuarisation de certains sites. Il
sera nécessaire d'ailleurs d'actualiser les inventaires scientifiques qui sont
à l'origine des propositions de sites, car certains ne sont plus à jour.
Les concertations en cours sur des sites complémentaires à notifier à la
Commission européenne vont-elles permettre d'actualiser certaines des données
scientifiques initiales sur la base desquelles des périmètres ont été proposés
?
S'agissant du financement des engagements de gestion, que se passera-t-il en
cas de disparition du contrat territorial d'exploitation ?
Sans qu'il s'agisse spécifiquement des sites Natura 2000, je note aussi les
difficultés que nous rencontrons sur le plan local pour faire évoluer la
réglementation concernant l'implantation de bâtiments agricoles sur des
terrains proches du rivage afin de permettre l'existence d'une activité
agricole compatible avec la protection de l'environnement et la qualité des
paysages.
La réglementation actuelle n'autoriserait que des superficies de vingt mètres
carrés, hors oeuvre brute : vous admettrez avec moi, madame la ministre, que
c'est absolument dérisoire.
Que proposez-vous, madame la ministre, pour autoriser effectivement le
maintien d'activités agricoles, pour lesquelles la proximité du rivage est
nécessaire en raison de leur nature même ou d'une dénomination géographique
reconnue ?
En ce qui concerne la politique de l'eau, les crédits budgétaires qui y sont
consacrés diminuent de 13,2 %, et je note que les moyens du FNSE sont
réorientés vers la mise en oeuvre de votre plan de lutte contre les
inondations, par le soutien aux collectivités locales dans leurs actions de
création ou de restauration des zones d'expansion des crues.
Sans revenir sur les excellents développements qu'a consacrés mon collègue M.
Philippe Adnot au FNSE, je m'associerai à son souhait de voir évoluer
profondément cet outil, qui est totalement inadapté. La réflexion sur
l'éventuelle budgétisation du prélèvement sur les agences doit être menée dès
2003 afin que soient déconnectées les autorisations de programme des crédits de
paiement et que ne soient prélevées que les sommes effectivement nécessaires à
la réalisation de besoins dûment identifiés.
A propos de la lutte contre les pollutions dans le secteur de l'eau, plus
particulièrement de la directive nitrates, qui impose la désignation des zones
en excédent structurel, je relève que l'évaluation forfaitaire des rejets
d'azote estimés et l'évaluation des surfaces épandables interdisent de prendre
en compte les efforts des éleveurs pour réduire les productions d'azote
organique ou encore pour optimiser les surfaces d'épandage.
Que peut-on envisager pour prendre en compte les efforts réels de la
profession et autoriser ainsi un canton classé en ZES - zone économique
spéciale - à sortir de cette désignation dès lors que la résorption des
excédents d'azote est constatée ?
Enfin, ma dernière question portera sur un aspect de la fiscalité écologique
mise en place par le précédent gouvernement, à savoir l'application de la taxe
générale sur les activités polluantes aux produits phytosanitaires.
On peut constater que, conformément à l'engagement de la profession de
diminuer le volume des lessives dans le cadre de son code de bonne pratique
environnementale, le tonnage de lessives commercialisé en France a
régulièrement baissé depuis 1997 ainsi que le tonnage de phosphates qu'elles
contiennent. La proportion de phosphates dans les lessives est ainsi passée de
25 %, voilà quinze ans, à 9,7 % en 2001.
Dans ces conditions, l'application de la TGAP aux lessives sans phosphate ne
peut s'inscrire dans une fiscalité incitative de nature à encourager la
profession à poursuivre dans cette voie.
Madame la ministre, comptez-vous proposer un réaménagement de ce compartiment
de la TGAP afin de prendre en compte les efforts de protection de
l'environnement ?
En outre, je souhaiterais obtenir des éclaircissements sur l'intitulé de la
rubrique « substances classées dangereuses qui entrent dans la composition des
produits antiparasitaires à usage agricole et produits assimilés ».
Cette dénomination concerne-t-elle les produits utilisés par la filière
agroalimentaire, en particulier les produits désinfectants pour les surfaces en
contact avec des denrées alimentaires ?
Si tel était le cas, l'impact sur les prix pourrait être tel que les
utilisateurs n'emploieraient plus de produits homologués et fabriqueraient
leurs propres dosages. Cela aurait certainement des conséquences négatives en
matière de santé publique alors même que ces produits désinfectants utilisés
pour des usages et selon des conditions d'emploi bien définis ne peuvent être
considérés comme polluants.
Madame la ministre, la commission des affaires économiques a émis un avis
favorable sur l'adoption des crédits consacrés à l'environnement et au
développement durable pour 2003.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de
l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis.
M. Ambroise Dupont,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.
Madame la
ministre, les crédits de votre ministère se stabilisent à 768 millions
d'euros.
Cette pause ne constitue pas, nous le savons, le signe d'un relâchement de
l'attention vigilante que le Gouvernement entend porter à l'écologie et à la
promotion d'un développement durable.
Elle répond plutôt à la volonté de revenir à un effort de sincérité
budgétaire, car la très forte progression des dotations de votre département
ministériel, au cours des années passées, s'était accompagnée d'une dégradation
concomitante du taux de consommation des crédits, dénoncée par le Sénat et par
la Cour des comptes, et avait entraîné l'accumulation de reports de crédits
qu'il convient maintenant d'apurer. Vous nous l'avez très bien dit avec force,
clarté et conviction.
Je ne reviendrai pas en détail sur l'analyse des crédits de votre ministère
qu'ont parfaitement présentés mes collègues de la commission des finances et de
la commission des affaires économiques. Je concentrerai mon analyse sur
quelques points particuliers en relation avec le champ de compétence de notre
commission.
J'évoquerai tout d'abord la protection de la nature, des sites et des
paysages, dont les crédits devraient s'élever à 120,7 millions d'euros en
2003.
Les crédits consacrés aux sept parcs nationaux enregistrent une hausse modérée
de 2,3 % et je souhaiterais plus particulièrement vous interroger, madame la
ministre, sur les trois nouveaux parcs dont la création est envisagée pour 2004
en Guyane, à la Réunion et en mer d'Iroise.
Où en est la préfiguration de ces trois projets ? Sont-ils bien reçus des
collectivités territoriales concernées ? Leur création respectera-t-elle le
calendrier prévu ? Quel en sera le coût budgétaire ?
J'ai noté que le Conservatoire du littoral devrait bénéficier, en 2003, de la
création de trois emplois budgétaires et d'un emploi dit de déprécarisation. Je
souhaiterais, à cette occasion, connaître votre point de vue sur les
propositions qui avaient été formulées par notre collègue Louis Le Pensec.
Certaines d'entre elles ont trouvé une traduction législative dans la loi sur
la démocratie de proximité. Tirez-vous un bilan positif des premiers mois
d'application de ces nouvelles dispositions ? Quelles suites envisagez-vous de
donner, par ailleurs, aux recommandations selon lesquelles une augmentation des
moyens du Conservatoire était souhaitable pour lui permettre de faire face à
l'extension de son patrimoine ?
J'aborderai également la protection de l'eau et des milieux aquatiques dont
les crédits s'élèvent à 28,35 millions d'euros dans le projet de budget pour
2003. Leur diminution de 13 % par rapport à 2002 est à rapprocher de la
sous-consommation de ces mêmes crédits au cours des exercices précédents.
Nous approuvons le souci de sincérité budgétaire qui inspire ces
réajustements, mais, compte tenu de la gravité des catastrophes naturelles
auxquelles nous sommes confrontés depuis quelques mois, nous souhaitons inciter
le Gouvernement à tirer pleinement parti des moyens budgétaires dont il dispose
pour renforcer des efforts indispensables.
Les plans de prévention des risques constituent un outil essentiel de lutte
contre les inondations ; les 5 000 communes les plus exposées doivent en être
dotées d'ici à 2005. Vous avez annoncé votre intention d'accélérer la mise en
oeuvre des mesures prescrites dans le cadre de ces plans de prévention, en
recourant, le cas échéant, au « fonds Barnier ». Pourriez-vous, madame la
ministre, nous donner quelques précisions sur les modalités de cette réforme
et, d'une façon générale, sur le nouveau système de prévention des crues que
vous souhaitez mettre en place ?
Je souhaite également évoquer le naufrage du pétrolier
Prestige
et les
menaces de pollution qu'il fait peser sur nos côtes.
J'avais projeté de vous interroger sur le financement d'un éventuel plan de
lutte contre les pollutions marines - POLMAR -, mais vous avez, par avance,
répondu à mon interrogation au cours de la séance des questions d'actualité,
hier après-midi. Je n'y reviendrai donc pas, mais j'évoquerai, en revanche, le
Fonds international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par
les hydrocarbures, le FIPOL.
Le plafond du FIPOL a fait l'objet d'un premier relèvement à la suite du
naufrage de l'
Erika.
Mais nous sommes encore loin du montant de 1
milliard d'euros qui a été proposé par la France dans son mémorandum de février
2000. Pourrons-nous espérer l'atteindre par un relèvement des cotisations des
Etats membres, ou faut-il plutôt que nous envisagions la création d'un nouveau
fonds indépendant ? Quelles positions la France envisage-t-elle de défendre
lors de la prochaine conférence diplomatique du FIPOL qui se tiendra en mai
prochain ?
Dans le domaine de la prévention des pollutions et des risques, je souhaitais
vous faire part de la préoccupation que constitue pour de nombreux élus
l'arrivée à échéance, en juillet 2002, du délai fixé par la loi n° 92-646 du 13
juillet 1992 pour la mise aux normes des installations de traitement et
d'élimination des déchets. Celle-ci se traduit, dans votre projet de budget
pour 2003, par une diminution - sur laquelle vous vous êtes expliquée tout en
attirant notre attention sur la nécessité de ne pas en abuser - des
autorisations de programme de l'Agence de l'environnement de la maîtrise de
l'énergie consacrées à cette action. Beaucoup reste cependant à faire en ce
domaine - vous en êtes convaincu, je crois - et il serait utile que votre
ministère prenne contact avec les collectivités locales pour envisager de
donner une suite à ce programme d'amélioration des installations.
Enfin, j'en viens, madame la ministre, au projet de charte de l'environnement.
Son élaboration et son adoption constitueront une des actions phares de votre
ministère et du Gouvernement pour l'année 2003.
Nous apporterons, bien entendu, notre plein soutien à ce projet qui donnera
une consécration constitutionnelle à la défense de l'environnement que compte
mener notre pays en matière de promotion du développement durable.
Nous nous interrogeons sur la traduction juridique qu'il convient d'apporter à
l'expression, utilisée par le Président de la République, de « charte adossée à
la Constitution ».
Les dispositions de la charte seront-elles insérées dans le texte même de la
Constitution ou dans son préambule, dont elles constitueront un article ou un
alinéa nouveau ? La charte constituera-t-elle un texte distinct de la
Constitution mais inséré dans l'ordre constitutionnel par le jeu d'une simple
mention dans le préambule de la Constitution ?
Nous souhaiterions également en savoir davantage sur la procédure
d'élaboration de ce texte.
Certes, nous savons qu'une commission d'experts, présidée par le professeur
Yves Coppens, est chargée d'éclairer les enjeux scientifiques et techniques de
cette charte, et qu'elle doit présenter les conclusions de ses travaux,
assorties d'une proposition de texte, le 31 mars prochain.
Nous savons également que le Gouvernement a entamé une large concertation
nationale qui sera complétée, en début d'année 2003, par l'organisation
d'assises territoriales en métropole et outre-mer, pour mieux saisir les
attentes de notre société.
Toutefois, nous nous interrogeons sur la contribution que le Parlement sera
invité à y apporter.
Le Parlement sera-t-il saisi du texte même de la charte, qu'il pourra alors,
par voie d'amendement, modifier, infléchir ou compléter ? Ou bien son rôle se
limitera-t-il à insérer dans le préambule de la Constitution de 1958 la mention
d'une charte de l'environnement déjà rédigée, et qui, la faisant figurer aux
côtés de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et du
préambule de la Constitution de 1946, l'intégrerait telle quelle dans le « bloc
de constitutionnalité » ?
Cette seconde procédure serait-elle acceptable au regard des exigences qui
sont habituellement imposées à toute autorité constituante ? Je rappelle, à
titre de comparaison, que le préambule de la Constitution de 1946 avait été
rédigé par l'assemblée élue le 2 juin 1946, dont la compétence
constitutionnelle avait été définie, au préalable, par la loi du 2 novembre
1945.
Bien entendu, par-delà ces interrogations plus juridiques
qu'environnementales, nous souhaiterions également connaître, madame la
ministre, le contenu et la portée des principes que vous souhaitez voir
consacrer dans cette charte.
Ce projet répond aux attentes environnementales de nos concitoyens, préoccupés
par l'avenir de notre planète. L'intérêt que nous portons à ce projet et la
volonté que nous avons de soutenir les actions que vous avez engagées ont
incité notre commission à recommander au Sénat d'émettre un avis favorable à
l'adoption des crédits de l'écologie et du développement durable pour 2003.
(Applaudissements sur les travées des Républicains Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin,
ministre.
Je vous remercie, messieurs les rapporteurs, d'avoir exposé les
orientations qui ressortent du projet de budget qui vous est présenté, tout en
ne cherchant pas à minimiser les problèmes qui pourront se poser. Vos questions
vont d'ailleurs me permettre de poursuivre cette clarification.
Vous avez, en particulier, bien saisi la difficulté de travailler à une ascèse
budgétaire indispensable pour réduire le déficit de l'Etat, alors que l'opinion
publique est depuis quelque temps régulièrement traumatisée par des
catastrophes technologiques - AZF, le
Prestige,
si mal nommé - ou par
des catastrophes naturelles - les inondations dans le Gard et dans le grand
Sud-Est qui ont encore touché des personnes déjà sinistrées voilà quelques
jours.
Je procéderai à des redéploiements pour optimiser les moyens du ministère ; la
stabilité des crédits et des emplois que je vous propose ne doit pas cacher de
profondes évolutions. Les réponses que je vais tenter d'apporter à vos
nombreuses questions, messieurs les rapporteurs, devraient me permettre
d'illustrer ce point.
Je commencerai par traiter quelques-uns des sujets très techniques et précis
évoqués par M. Bizet.
La « directive nitrates » prévoit en effet une limitation, pour chaque
exploitation, des apports d'azote issus des effluents d'élevage à 170
kilogrammes par hectare et par an à partir du 20 décembre 2002. Dans les zones
à forte concentration d'élevages, ont été définies des zones en excédent
structurel, les ZES : dans ces cantons, la quantité totale d'effluent d'élevage
produite annuellement conduirait, si elle était épandue en totalité sur leur
territoire, à un apport annuel d'azote supérieur à 170 kilogrammes par hectare
de surface susceptible de recevoir ces effluents.
La désignation de ces zones se fait sur la base d'une évaluation forfaitaire
des quantités d'azote produites et des surfaces épandables. Le classement d'un
canton en ZES signifie que le risque de pollution de l'eau par les nitrates
issus des effluents d'élevage est plus important qu'ailleurs ; en conséquence,
l'action y est prioritaire.
La résorption pérenne de cet excédent structurel ne peut être atteinte que par
une baisse des effectifs animaux qui traduit une diminution structurelle de la
pression organique, ou la mise en oeuvre de moyens de traitement des effluents,
qui traduit une diminution des apports effectifs d'azote. Il en résulte que
cette voie est la seule qui permette de sortir de cette situation.
La détermination des actions à mettre en oeuvre tient compte des efforts déjà
entrepris par les éleveurs, par exemple à la source, par réduction des
quantités d'azote produites par animal, par l'augmentation des surfaces
épandables, par transfert ou traitement des effluents produits. Ainsi,
l'objectif de résorption qui est déterminé pour chaque canton en ZES est
d'autant plus faible que les efforts déjà engagés par les éleveurs sont
importants. Par ailleurs, lorsque les excédents d'azote sont résorbés,
c'est-à-dire que l'azote organique épandu passe sous le niveau de 170
kilogrammes par hectare et par an, la principale contrainte liée aux ZES, à
savoir l'interdiction d'augmenter les effectifs animaux, est supprimée.
En conclusion, les textes permettent heureusement d'ores et déjà de prendre en
compte les efforts réels entrepris par la profession agricole.
Vous me demandez ensuite un réaménagement de la TGAP pour les lessives.
Les lessives comprennent systématiquement des agents de surface,
tensio-actifs, et, pour certaines d'entre elles, des phosphates. Ces composants
rejetés dans les eaux usées ne sont que partiellement éliminés par les chaînes
de traitement, avant d'être rejetés dans le milieu naturel. Leurs effets sur
l'environnement sont potentiellement toxiques, car ils nuisent à la flore et à
la faune aquatiques et marines.
La décision d'intégrer les lessives dans l'assiette de la TGAP vise donc à
réduire à la source les pollutions engendrées par ces produits qui ne peuvent
pas être complètement éliminés par les systèmes classiques d'épuration. Les
lessives avec phosphates font l'objet d'un taux de taxe plus élevé pour inciter
à la mise sur le marché de lessives sans phosphates. Ces dernières restent
taxées dans la mesure où elles contribuent à apporter des agents tensio-actifs.
Il y a donc lieu de maintenir dans le champ de la TGAP les lessives sans
phosphates, sachant que leur niveau de taxation est inférieur.
Vous souhaitez enfin quelques éclaircissements sur « les substances classées
dangereuses qui entrent dans la composition des produits antiparasitaires à
usage agricole ».
La TGAP s'applique aux produits antiparasitaires à usage agricole et produits
assimilés, dont la mise sur le marché est autorisée en application de la loi n°
525 du 2 novembre 1943, et contenant des substances classées dangereuses. Cette
taxe concerne à la fois les produits utilisés en zones agricoles et en zones
non agricoles. Son assiette, pour chaque produit commercialisé, dépend du poids
de chaque substance dangereuse entrant dans sa composition.
A partir des données disponibles et après évaluation par un comité d'experts
ou, à défaut, par le fabricant, la procédure de classement d'une substance
active peut aboutir à lui attribuer des symboles de danger et des phrases de
risques que vous connaissez, destinés à caractériser les dangers qu'elle
présente pour l'homme et l'environnement. Dans ce cas, cette substance entre
dans la catégorie des substances classées dangereuses. A chaque substance
active classée dangereuse est affectée une taxe au kilogramme dont le montant
est fonction de son classement toxicologique et écotoxicologique.
La directive 98/8 de la Communauté européenne concernant la mise sur le marché
des biocides, actuellement en cours de transposition, concernera à terme les
produits désinfectants pour les surfaces au contact des denrées alimentaires.
Le point 7 de l'article 253-1 du code rural, qui définit « les produits
destinés à l'assainissement et au traitement antiparasitaire des locaux,
matériels, véhicules, emplacements et dépendances utilisés pour la récolte, le
transport, le stockage, la transformation industrielle et la commercialisation
des produits d'origine animale ou végétale » comme antiparasitaires à usage
agricole a été abrogé en avril 2001. Néanmoins, il reste en vigueur jusqu'à ce
qu'une décision soit prise dans le cadre de la directive « biocides »
concernant les substances actives qui composent ces produits. Les produits
désinfectants utilisés par la filière agroalimentaire entrent donc bien, à
l'heure actuelle, dans le champ de la TGAP.
J'espère avoir répondu le plus précisément possible à votre question, monsieur
le rapporteur pour avis.
Je reviendrai sur les autres points que vous avez évoqués dans quelques
instants, mais passer de la TGAP au FIPOL, sujet qu'a soulevé M. Ambroise
Dupont, me paraît finalement être une bonne transition.
J'ai eu l'occasion de répondre sur ce sujet à une question orale à l'Assemblée
nationale voilà quelques jours, et je profite de l'opportunité qui m'est
offerte aujourd'hui pour apporter une information complète à la Haute
Assemblée.
Le FIPOL est d'actualité pour deux raisons : d'une part, la date du 12
décembre a été retenue pour la présentation des créances de l'
Erika ;
d'autre part, son avenir fait l'objet de débats européens.
Oui, l'Etat compte bien assigner le FIPOL avant le 12 décembre et lui
présenter sa créance pour les quelque 150 millions d'euros qu'il a dû dépenser
dans les opérations de nettoyage de nos côtes après le naufrage de
l'
Erika.
Le contraire serait profondément choquant : c'est bien au pollueur et à son
système d'assurances qu'il incombe de payer, et non aux contribuables. Je vous
confirme, monsieur Dupont, que cette assignation est d'ores et déjà
effectuée.
Je confirme également le maintien de l'Etat en situation volontaire de
créancier de second rang. Alors que, déjà, les victimes de la pollution de
l'
Erika
seront sans doute loin de percevoir une indemnisation à la
hauteur des préjudices réellement subis, il est en effet de notre devoir de
solidarité nationale de ne pas alourdir encore le poids qui pèse sur leurs
épaules.
Il faut en revanche rechercher les solutions qui permettraient de mieux aider
les victimes de ces pollutions.
Notre choix est, aujourd'hui, plutôt que de dénoncer la convention de 1992, ce
qui nous isolerait, de militer pour que le FIPOL évolue.
En clair, je demande principalement deux améliorations sensibles.
Premièrement, je souhaite le relèvement du plafond d'indemnisation du FIPOL à
hauteur de un milliard d'euros, alors qu'il était inférieur à 200 millions
d'euros lors de la catastrophe de l'
Erika
.
M. Jacques Oudin.
Très bien !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin,
ministre.
Nous devrons compter sur une mobilisation ferme de l'Union
européenne pour faire aboutir cette demande. En cas d'échec, mais dans ce cas
seulement, il faudra alors étudier la création d'un fonds complémentaire
d'indemnisation à l'échelle communautaire. Car, si nous rentrons dans cette
logique, monsieur le sénateur, nous payons deux fois. Nous sommes les plus
menacés et nous allons constituer un fonds qui nous permettra de répondre aux
besoins d'indemnisation.
Deuxièmement, il convient que le FIPOL prenne enfin convenablement en compte
les dommages écologiques. Ceux qui prétendent aujourd'hui que les dommages
écologiques ne sont ni tangibles ni mesurables se trompent. Les dommages
écologiques d'aujourd'hui auront un impact économique indiscutable demain, et
des moyens existent pour les quantifier.
Sur ces deux points, il faut que la France parvienne à mobiliser un front
commun, notamment au sein de l'Union européenne, afin de faire aboutir sa
demande. Je m'y suis déjà attelée.
M. Bizet, rapporteur pour avis, a abordé une question délicate, celle du
maintien d'activités agricoles pour lesquelles non seulement la proximité du
rivage mais aussi l'implantation de bâtiments proches de celui-ci sont
nécessaires.
L'article L. 146-6 du code de l'urbanisme, article issu de la loi du 2 mars
1986, dite loi littoral, dispose que, dans les espaces identifiés comme
remarquables en raison de leur qualité environnementale, notamment paysagère,
ne sont possibles que des aménagements légers, lorsqu'ils sont nécessaires à
leur gestion, à leur mise en valeur, notamment économique ou, le cas échéant, à
leur ouverture au public.
Plus précisément, les notions « d'espace remarquable » et « d'aménagement
léger » sont définies dans les articles R. 146-1 et R. 146-2 du même code.
Le précédent gouvernement avait modifié l'article R. 146-2 d'une manière qui,
si elle répond à une certaine logique environnementale, pose aujourd'hui de
sérieux problèmes de survie à des activités littorales, telles que
l'ostréiculture dans certaines zones de la Charente- Maritime et l'élevage du
mouton de pré-salé en baie du mont Saint-Michel, alors même que ces activités
jouent souvent un rôle déterminant dans l'entretien de la qualité des milieux
naturels alentour.
Le Gouvernement a bien pris conscience de cette difficulté. Comme M.
Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer, a eu l'occasion de le
dire récemment à l'Assemblée nationale, il est urgent de rechercher les moyens
d'y remédier, et les services des ministères concernés sont au travail pour
apporter rapidement des réponses.
Ces questions très complexes de protection du littoral m'amènent à
l'interrogation de M. Ambroise Dupont sur l'évolution du Conservatoire du
littoral et des rivages lacustres.
La stratégie à long terme du Conservatoire a été fixée en 1995 et présentée au
Président de la République ainsi qu' aux plus hautes instances nationales.
Cette stratégie, qui précise l'objectif de la maîtrise foncière d'un tiers du
littoral d'ici à 2050, est mise en oeuvre par le Conservatoire en concertation
étroite avec les collectivités locales.
Je salue l'adoption du titre VII de la loi relative à la démocratie de
proximité, qui concerne le Conservatoire du littoral. Ces dispositions
consacrent le partenariat avec les collectivités, précisent les différents
modes de gestion, identifient la garderie du littoral, donnent au Conservatoire
un pouvoir de police ainsi qu'un droit de préemption propre, en complément de
celui des conseils généraux. De plus, cette loi permet l'affectation au
Conservatoire de terrains du domaine public, en particulier du domaine public
maritime, favorisant ainsi la gestion intégrée des zones côtières que
recommande la Commission européenne. Le projet de décret d'application est en
cours d'examen au Conseil d'Etat.
Vous vous étonnez, monsieur Dupont, de la baisse des crédits de paiement sur
la politique de l'eau alors que j'explique partout que c'est l'une de mes
priorités majeures.
En 2001 et 2002, les crédits de paiement avaient été volontairement diminués
pour tenir compte d'un volume important de reports dû à des fonds de concours
massifs en autorisations de programme et crédits de paiement versés par les
agences de l'eau avant la création du FNSE. A la fin de l'année 2001, le
montant de ces reports s'élevait par exemple à plus de 51 millions d'euros.
Le chiffre de 28 millions d'euros de crédits de paiement est ajusté selon nos
prévisions de consommation en 2003. Un ajustement fin est toujours possible en
cours de gestion grâce au fait que les crédits de paiement sont définis par
chapitre et non par article de dépense.
En ce qui concerne le volet inondations, qui est évidemment une priorité pour
le ministère, le montant des autorisations de programme demeure stable, soit,
pour le titre V, près de 14,8 millions d'euros en 2003, contre 16,3 millions en
2002. Sur le titre VI, le montant de 2003 est identique à celui de 2002, soit
19,97 millions d'euros. Je tiens à préciser que l'impact budgétaire du plan de
prévention des inondations que j'ai lancé en septembre 2002 sera surtout
visible en 2004, 2005 et 2006.
Les parc nationaux, qui vous tiennent tant à coeur, monsieur Dupont,
constituent à mes yeux un élément essentiel pour la protection de milieux
exceptionnels ; l'année 2003 verra d'ailleurs le quarantième anniversaire de
leur naissance. Ces parcs nationaux, au-delà de leur vocation première, sont
aussi pour moi la démonstration de la capacité de l'Etat à définir une
politique de protection complète, qui associe développement économique,
maintien des populations locales, gestion et protection du milieu naturel. Les
parcs nationaux ont su s'adapter pour porter l'innovation et accompagner le
développement durable des territoires, Je crois à ce concept très solide.
Soutenir ces parcs et leur budget est pour moi une nécessité d'évidence.
Les trois parcs en création - les Hauts de la Réunion, la mer d'Iroise et le
parc de Guyane - font l'objet de missions de préfiguration, dont les crédits
sont inscrits dans le projet de budget. Les crédits de lancement proprement
dits de ces trois parcs seront inscrits au plus tôt en 2004. M. Bizet m'a
interrogée sur Natura 2000 et sur la sanctuarisation des sites, qui fait peur à
tout le monde. Non, je le répète devant le Sénat, Natura 2000 n'est pas une
sanctuarisation ni une zone de protection, c'est un label.
J'ai pu constater, au cours de mes déplacements, que ce label, quand il était
bien compris, était extrêmement porteur. Nous avons la chance de posséder, en
France, une biodiversité tout à fait remarquable. Il nous faut la protéger.
C'est, certes, le fruit du patrimoine que nous avons reçu mais aussi des modes
de gestion favorables de l'espace que nous avons su mettre en oeuvre sur la
durée et dans lesquels nous avons su impliquer les propriétaires et les
usagers.
Le rôle des documents d'objectifs est bien, à partir de l'inventaire des
composantes naturalistes des sites et de l'analyse des activités humaines et
des usages, de fixer pour la gestion un cadre de références concertées avec
tous les acteurs qui sont au plus près du terrain.
Je suis convaincue que la vie économique et sociale a toute sa légitimité dans
les sites Natura 2000. Nous allons donc passer des contrats de gestion avec les
personnes qui ont un lien avec le site : les agriculteurs, les pêcheurs, les
chasseurs, les forestiers, les professionnels du tourisme ou ceux qui font du
tourisme, les randonneurs par exemple, afin que leurs activités et le maintien
des espèces puissent se concilier.
J'ai donc augmenté les crédits affectés à Natura 2000 et demandé à mon
collègue M. Gaymard, que les préoccupations environnementales soient au coeur
de la poursuite des politiques contractuelles qu'il mène ; je pense évidemment
plus particulièrement aux CTE.
M. le président.
Madame la ministre, je vous prie de conclure.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin,
ministre.
Je vais m'y employer, monsieur le président.
Je remercie enfin M. Ambroise Dupont d'avoir consacré une partie de sa
présentation à la préparation de la charte de l'environnement, qui est ma
grande priorité.
Le travail réalisé par la commission de préparation de la charte de
l'environnement, qui compte parmi ses dix-huit membres deux parlementaires,
dont la députée des Deux-Sèvres Mme Geneviève Perrin-Gaillard et le
député-maire de Lons-le-Saunier, M. Jacques Pélissard, et par le comité
juridique, auquel participe le sénateur de la Haute-Marne M. Bruno Sido, a
permis d'identifier trois formes juridiques possibles pour « adosser » la
charte à la Constitution.
J'avais prévu de vous détailler ces trois « scénarios », mais nous aurons
l'occasion d'y revenir dans nos travaux approfondis sur la charte.
Les principes qui pourraient être inscrits dans la charte sont ceux que
comporte déjà le code de l'environnement ainsi que des principes comme ceux de
responsabilité, d'intégration de l'environnement dans les actions publiques,
d'éducation et d'information sur l'environnement.
Bien sûr, si vous souhaitez organiser, au sein de votre assemblée, des
réunions ou des colloques, le travail que vous ferez sera pris en compte dans
l'élaboration de la charte. Mais c'est surtout à partir du moment où nous
aurons remis le fruit du travail préparatoire à M. le Président de la
République, le 5 juin 2003, que votre rôle sera déterminant, car c'est alors
que, sur la base de l'option de forme et de contenu qui sera privilégiée par le
Président de la République, s'engagera le débat parlementaire en tant que tel,
qui aboutira à la réforme constitutionnelle inscrivant l'environnement dans
notre loi fondamentale.
Je vous invite donc à participer activement à la consultation nationale
préparatoire en répondant au questionnaire et en vous associant étroitement aux
assises territoriales qui vont se tenir à partir de la fin du mois de janvier
2003.
C'est bien, mesdames, messieurs les sénateurs, le pacte social que nous sommes
en train de modifier, en déplaçant le point d'équilibre entre l'économie, le
social et l'environnement en faveur de ce dernier. Nous replaçons l'homme et
son bien-être au centre de tout projet. Il faut donc que toute la société
participe à ce débat : c'est un enjeu pour la démocratie participative et
représentative.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Je souhaitais, madame la ministre, que vous puissiez apporter les réponses les
plus complètes à MM. les rapporteurs, mais j'ai été étrangement généreux
concernant votre temps de parole.
(Sourires.).
Mme Roselyne Bachelot-Narquin,
ministre.
Je vous remercie de votre mansuétude, monsieur le président
!
M. le président.
Nous passons aux questions.
Je rappelle que chaque intervenant dispose de cinq minutes au maximum pour
poser sa question, que le ministre dispose de trois minutes pour répondre et
que l'orateur dispose d'un droit de réplique de deux minutes au maximum.
La parole est à M. Jacques Oudin.
M. Jacques Oudin.
Madame la ministre, je formulerai deux observations et vous poserai trois
questions.
Ma première observation concerne la charte de l'environnement, dont vous avez
beaucoup parlé.
Cette initiative nous réjouit et nous intéresse à la fois. Le Président de la
République a légitimement placé l'environnement parmi les priorités nationales
de la France. Cette charte de l'environnement sera adossée à notre
Constitution, et c'est une initiative unique au sein des démocraties
occidentales.
Le vaste débat public qui va s'instaurer avant le débat parlementaire est
également une initiative qui mérite d'être saluée. Nous participerons tous à ce
débat en tant que parlementaires, mais aussi en tant que présidents
d'associations qui s'intéressent à l'environnement. Nous serons donc avec vous
jusqu'au 5 juin 2003 pour préparer le texte de cette charte et, ensuite, pour
la faire adopter.
J'en viens à ma deuxième observation.
Madame la ministre, quand nous prenons des engagements vis-à-vis des instances
européennes, il nous faut nous donner les moyens - et des moyens adaptés - de
les respecter. L'eau est le principal vecteur de pollution. C'est donc sur la
politique de l'eau que nous devons asseoir largement nos préoccupations. Nous
disposons dans ce domaine d'un arsenal juridique considérable. Nous avons des
institutions qui nous permettent de l'appliquer. Vous voulez une meilleure
administration. Ce que nous demandons, c'est que les moyens financiers soient
adaptés à nos ambitions.
Or la situation actuelle n'est pas à la hauteur de ces ambitions. Mes trois
questions sont précisément fondées sur cette constatation.
Premièrement, nous avons pris des engagements européens ambitieux et
contraignants, que nous ne sommes pas aujourd'hui, en mesure d'honorer. Soyons
clairs : le quart des stations d'épuration des collectivités et la moitié des
réseaux de collecte des eaux usées ne sont pas conformes à l'échéance du 31
décembre 1998 fixée par la directive « eaux résiduaires urbaines ».
Ces retards ont été sanctionnés à maintes reprises par la Cour de justice des
Communautés européennes : condamnations des 8 et du 15 mars 2001, trois avis
motivés - seconde lettre d'avertissement - du 24 juillet 2001, mise en demeure
du 2 juillet 2002.
A ce stade, nous sommes confrontés au dilemme suivant : soit nous refusons de
souscrire à des normes de plus en plus sévères, car nous ne pouvons pas les
respecter, soit nous donnons réellement les moyens d'atteindre les objectifs
que nous nous sommes fixés, sur lesquels nous nous sommes engagés au niveau
communautaire, et nous ajustons nos moyens.
Quelle branche de l'alternative allez-vous choisir ? C'est ma première
question.
Deuxièmement, la politique de l'eau a été, au cours des dernières années, «
polluée » par des débats idéologiques qui vous laissent un héritage contesté et
lourd à gérer. Chacun se souvient ici des débats sur la taxe générale sur les
activités polluantes, la TGAP ; notre excellent collègue Philippe Adnot l'a
amplement rappelé : les crédits qui auraient dû être affectés à l'environnement
ont été utilisés pour les 35 heures. J'ai le plus grand respect pour les 35
heures, mais j'ai également un très grand intérêt pour l'environnement !
(Sourires.)
La première version du projet de loi portant réforme de la politique de l'eau
a également suscité des polémiques. Vous avez manifesté le souhait d'abandonner
ce projet pour engager une nouvelle réflexion. Je vous en félicite. Pour
autant, nous devons demeurer vigilants.
Voici donc mes questions sur la nouvelle loi sur l'eau. Quels délais pour
quelles ambitions ? Quelles ambitions pour quels moyens ? Quelles expertises
pour quelles ambitions ?
Troisièmement, vous avez dit que vous souhaitiez des débats apaisés, fondés
sur l'expertise. Bravo ! C'est exactement ce que nous souhaitons ! Mais les
modalités de mise en oeuvre du huitième programme des agences de l'eau sont en
cours d'adoption au sein des comités de bassin. Leur financement soulève une
importante contradiction. J'ai déjà signalé le retard que nous accusons
s'agissant de la directive « eaux résiduaires urbaines ». Mais nous avons
également du retard en ce qui concerne les directives « eau potable » et «
nitrates ». En outre, nous devons mettre en oeuvre de nouvelles exigences
européennes : la directive-cadre, le plomb, etc.
Dans ce contexte, les recettes des agences vont connaître une baisse sans
précédent : cinquième programme, 40 milliards d'euros de travaux ; sixième
programme, 80 milliards de travaux ; septième programme, 105 milliards de
travaux. Quel sera le montant des travaux pour le huitième programme ?
Permettez-moi de citer les chiffres intéressant mon comité de bassin : montant
des investissements prévus pour les années 2003 à 2006, 1,3 milliard d'euros ;
recettes prévisionnelles, 1,056 milliard. Qui paie la différence ? Le fonds de
roulement. Il passe de huit mois à deux mois. Parfait !
Mais, une fois que nous n'aurons plus de fonds de roulement et que le produit
des redevances aura baissé, que ferons-nous ? On me rétorquera que celui-ci ne
va pas baisser. Mais si ! Il va passer de 235 millions d'euros en 2003, à 222
millions en 2004, à 212 millions en 2005, à 206 millions en 2006. Et les
recettes totales vont baisser aussi ! Respectivement, pour les mêmes années,
elles atteignent les montants suivants : 282,5 millions d'euros, 269 millions,
256,5 millions, 247,4 millions. Une fois qu'on aura atteint le point bas mais
que les obligations auront, elles, atteint leur point haut, que se passera-t-il
?
La situation est-elle analogue dans les cinq autres bassins ? Cette situation
est-elle pérenne ? S'inscrit-elle réellement dans la perspective d'une
politique de l'eau durable, notamment après épuisement des fonds de roulement
?
Madame la ministre, vous avez dit : « Il est urgent de stabiliser les
ressources des agences de l'eau. » J'apporterai une nuance : je crois qu'il
faut donner aux agences les moyens financiers de respecter nos engagements.
Sur le financement de la politique de l'eau, je suis naturellement prêt, avec
les associations que j'ai l'honneur d'animer ou de présider, à participer à
cette réflexion et à vous aider.
Bien sûr, il faut stabiliser les prélèvements publics. C'est une politique que
j'approuve. Mais il faut tout de même vous donner, madame la ministre, les
moyens de votre politique et de vos ambitions, que nous soutenons.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de
l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin,
ministre.
Monsieur le sénateur, je voudrais d'abord vous remercier de
l'appréciation que vous portez sur l'initiative qui a été prise concernant la
charte de l'environnement, et de votre décision de participer activement à son
élaboration. Nous avons d'ailleurs eu l'occasion d'en discuter de façon
approfondie lors de mon dernier déplacement sur le littoral vendéen, que vous
aviez particulièrement bien organisé. Je connais donc votre implication dans
tout ce qui concerne les programmes de l'eau.
Pour les raisons que vous avez rappelées, je n'ai effectivement pas laissé se
poursuivre l'examen du projet de loi sur l'eau qui avait été préparé par mes
prédécesseurs. Pour autant, je n'ai évidemment pas abandonné ce chantier et
j'ai divisé le travail en quatre parties.
La première partie concerne le réexamen de l'architecture des responsabilités
pour tout ce qui touche à l'eau. Cet aspect est renvoyé - comment pourrait-il
en être autrement ? - à notre grand débat sur la décentralisation.
La deuxième partie concerne les risques, en particulier le risque inondations
: dans le projet de loi sur les risques que je vous présenterai dès le début de
l'année prochaine, le titre II sera entièrement dédié aux risques naturels, au
premier rang desquels figurent les inondations.
La troisième partie est constituée par la transposition de la directive-cadre
européenne sur l'eau, à laquelle vous êtes particulièrement attaché. Nous y
travaillerons au cours du premier semestre de 2003.
Quant à la quatrième partie, c'est la préparation et l'examen, qui devrait
intervenir au début de l'année 2004, d'une nouvelle loi sur l'eau. La
concertation approfondie qui est le préalable nécessaire à l'élaboration de ce
texte est entamée, vous le savez, monsieur Oudin, puisque je me suis rendue à
votre invitation, ici même, il y a deux mois, pour participer aux travaux du
Cercle français de l'eau - que vous animez - consacrés au thème de l'évaluation
de la politique de l'eau à l'aube du huitième programme.
Je partage votre analyse sur le déficit d'évaluation préalable des moyens
nécessaires pour atteindre les objectifs environnementaux, sur les retards dans
l'application des normes européennes, sur la nécessité d'optimiser
l'utilisation des crédits dans un contexte de maîtrise des prélèvements
obligatoires, sans parler du retard que nous avons pris dans la tranposition
des innombrables directives européennes. Je signale que l'ancien ministère de
l'environnement figurait, en la matière, parmi les trois derniers de la classe
européenne !
Vous souhaitez une accélération de procédures de police de l'eau avec un
soutien aux moyens des services, une meilleure évaluation des objectifs, un
meilleur suivi des politiques publiques de l'eau, un développement de la
planification concertée : ces objectifs sont également les miens.
Je maintiendrai en 2003 l'effort de soutien aux moyens techniques de la police
de l'eau en privilégiant les actions de contrôle du respect des autorisations
et une amélioration permanente du fonctionnement des guichets uniques que
représentent les missions interservices de l'eau, dans l'intérêt des
usagers.
Je suis particulièrement attachée à ce que les effectifs de la police de l'eau
soient préservés dans les services départementaux de l'Etat, comme le sont les
effectifs des gardes-pêche relevant de ma responsabilité.
La nécessité d'améliorer l'évaluation et le suivi de l'efficacité des
politiques publiques de l'eau m'a conduite à donner plus de lisibilité à moyen
terme aux agences de l'eau en remplaçant le programme de transition de deux ans
par un huitième programme de quatre ans dont la durée est identique à celle des
contrats de plan Etat-région.
Elle m'a également conduite à demander aux agences de l'eau d'organiser, dans
ce programme, un effort convergent des acteurs de l'eau pour progresser vers
l'objectif d'un bon état écologique de l'eau à l'horizon 2015, qui est au coeur
de la directive-cadre. Dans un contexte d'aggravation des contentieux
communautaires, je leur ai assigné comme priorité politique d'inciter les
communes et les éleveurs à mieux investir, à mieux gérer, de manière que nous
rattrapions nos retards en matière de résorption des excédents de nitrates et
de respect des normes de pollution urbaine dans les agglomérations.
Les conseils d'administration des agences de l'eau ont retenu un montant
global d'aides de plus de 8 milliards d'euros pour les années 2003 à 2006, en
tenant compte à la fois des besoins de financement de la politique de l'eau, de
la stabilisation de la pression fiscale en matière de redevance et du niveau de
trésorerie disponible.
Le Gouvernement prévoit des contrats d'objectifs avec les agences de l'eau
afin de se doter d'indicateurs précis capables de suivre l'efficacité des
actions engagées, autant pour l'application des directives communautaires que
pour la mise en oeuvre de politiques territoriales permettant de sélectionner
les actions les plus pertinentes pour le développement durable de la ressource
en eau et des milieux aquatiques.
Monsieur le sénateur, je peux vous confirmer mon total engagement sur un sujet
qui, je le sais, vous tient particulièrement à coeur.
(Applaudissements sur
les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste,
ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Jacques Oudin.
M. Jacques Oudin.
Madame la ministre, vous avez parfaitement répondu à mes questions. Cette
réflexion doit cependant être poursuivie, puisque les agences de l'eau, les
comités de bassin devront se prononcer sur le huitième programme de quatre ans
et qu'il faut, bien entendu, faire des projections au-delà.
Une fois que les ressources auront baissé et que les fonds de roulement auront
été utilisés, nous nous retrouverons dans la situation que nous avons connue il
y a dix ans, c'est-à-dire à un moment où il a fallu faire un effort
d'investissement considérable. Que s'est-il passé ? Le prix de l'eau a augmenté
et nos populations se sont émues.
Pour ma part, je pense qu'un ajustement annuel progressif est meilleur qu'un
grand saut pour rattraper les retards. Certains d'entre nous sommes prêts à
étudier le problème du prix de l'eau, car, contrairement à ce qu'on croit, nos
concitoyens ne refusent pas que le prix de l'eau soit ajusté en fonction des
investissements et du respect de nos obligations ; 59 % des Français sont prêts
à payer l'eau un peu plus cher si elle est de meilleure qualité et si nous
respectons davantage nos obligations.
Cela dit, le problème est toujours le même : nous devons respecter nos
engagements. Nous sommes les plus mauvais élèves de la classe pour la
transposition des directives dans notre droit et pour les résultats effectifs
constatés.
Madame la ministre, je suis sûr qu'avec l'aide du Parlement vous saurez
réagir.
M. le président.
La parole est à M. Jacques Pelletier.
M. Jacques Pelletier.
Madame la ministre, dans le contexte économique et financier que nous
connaissons aujourd'hui, votre budget est très correct. Par ailleurs, vous avez
une façon pragmatique et intelligente d'aborder les problèmes très importants
qui relèvent de votre autorité. Je vous en félicite et, bien évidemment, avec
beaucoup de mes collègues, je voterai avec plaisir votre budget.
Je voudrais vous interroger sur l'absence de crédits en faveur de l'Office
national de la chasse et de la faune sauvage, l'ONCFS, dans ce projet de
budget.
L'office national, établissement public à caractère administratif placé sous
votre tutelle, a vu son champ d'activités considérablement élargi ces deux
dernières années, notamment en application de la loi relative à la chasse de
juillet 2000.
L'office national assure désormais trois missions essentielles.
Il s'agit, premièrement, de la réalisation d'études, de recherches et
d'expérimentations. Conduite par les ingénieurs, chercheurs et techniciens des
cinq centres nationaux d'études et de recherche appliquée, cette mission vise à
améliorer les connaissances des espèces, de leurs populations et de leurs
habitats, ainsi qu'à proposer des mesures de gestion concertées et validées
permettant le maintien d'une faune abondante et compatible avec les divers
usages de l'espace rural.
La compétence et l'expérience de l'Office dans ces domaines sont aujourd'hui
reconnues par la communauté scientifique et les responsables de la chasse.
Deuxièmement, l'Office apporte un appui technique. Cette mission répond à une
demande forte de l'administration, notamment des directions régionales de
l'environnement, les DIREN, ainsi que des établissements publics ou des
collectivités territoriales porteurs de projets d'aménagements susceptibles
d'avoir un impact sur la faune. Elle recouvre l'expertise, la vulgarisation,
l'information et la formation des acteurs.
Troisièmement, l'Office assure enfin la surveillance de la faune sauvage et la
police de la chasse.
Exécutée par 1 430 agents de l'établissement, cette mission, qui participe
aujourd'hui à la police de l'environnement, est considérée depuis toujours
comme un domaine d'excellence de l'office.
Mobilisant l'essentiel du temps de travail des agents - près de 67 % en 2001 -
elle consiste en la surveillance, la prévention, l'information et la
constatation des infractions.
Afin de répondre aux nouvelles ambitions qui lui ont été confiées par la loi
chasse, l'Office a mis en oeuvre un projet d'établissement, approuvé en
décembre 2000 : ouverture de son conseil d'administration aux représentants des
agriculteurs, des forestiers, des gestionnaires d'espaces protégés et des
associations de protection de la nature, restructuration de l'échelon central,
création de quinze délégations régionales, renforcement de la technicité par
recrutement d'ingénieurs et de techniciens.
Le ministère de tutelle a soutenu ces évolutions. Il vient notamment de
fonctionnariser les 1 400 agents de l'Office. Ces derniers ont été intégrés
dans le corps d'agents techniques et de techniciens de l'environnement
nouvellement créé, mais salaires et charges continuent à être assurés par
l'ONCFS.
Cette situation m'amène au coeur de ma question, madame la ministre.
Ces évolutions nécessaires ont considérablement alourdi le budget de
l'établissement, notamment la masse salariale, qui est passée de 56,9 millions
d'euros en 1998 à 66,3 millions d'euros en 2002, soit une augmentation de 16,5
%. De plus, pour 2003, les dépenses prévisionnelles marquent une forte
hausse.
Depuis la suppression, en 1998, des services départementaux de garderie dont
le financement par les fédérations de chasseurs bénéficiait à l'Office à
hauteur de 12 millions d'euros par an, les ressources de celui-ci se limitent
aux seules redevances cynégétiques.
L'équilibre budgétaire a néanmoins pu être assuré en recourant à des mesures à
caractère exceptionnel, telles que l'augmentation de ces redevances ou en
prélevant sur les réserves de l'office. Mais la baisse continue des effectifs
de chasseurs cotisants de 3 % par an en moyenne, et le tarissement des
réserves, évaluées à 2,5 millions d'euros à la fin de l'exercice 2003, ne
permettront pas de « construire » le budget de l'Office pour l'année 2004.
Vous remarquerez, madame la ministre, que j'attire votre attention sur ce
point bien en avance.
A plusieurs reprises, le conseil d'administration de l'Office s'est ému de
cette situation auprès de votre ministère, en souhaitant la définition de
moyens financiers nouveaux et pérennes.
A l'évidence, madame la ministre, l'Etat devra se saisir de ce problème au
moment de l'élaboration du projet du budget pour 2004 car, l'année prochaine,
l'Office n'aura plus de réserves. Les missions qui lui ont été confiées
progressivement par le ministère et par la loi chasse, particulièrement la
police de l'environnement, exigent une participation financière de l'Etat.
Je vous serais très obligé de bien vouloir m'indiquer quelles sont vos
intentions sur ce sujet.
M. le président.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin,
ministre.
Monsieur Pelletier, votre question me permet de tracer très
rapidement devant vous les principes qui conduisent mon action pour ce dossier
très difficile de la chasse.
Le premier principe est celui de la réconciliation. Sur ce dossier
complètement « miné », je veux entendre dans un esprit apaisé tous ceux qui, au
même titre, sont les garants de la protection de nos espaces et de nos espèces,
les chasseurs, d'une part, et les associations de protection de la nature,
d'autre part.
Le deuxième principe, c'est celui de l'expertise scientifique. Dans un dossier
particulièrement difficile, on ne peut s'entendre qu'autour de données
parfaitement incontestables. C'est dans cet esprit qu'a été décidée la création
d'un observatoire de la faune sauvage qui permettra une gestion fine des
espèces.
Le troisième principe, c'est celui de la décentralisation. La chasse est la
gestion des espaces et des espèces. Il existe de grandes différences sur
l'ensemble de notre territoire et l'on ne peut gérer de la même façon ces
espaces et ces espèces dans le Nord, le Sud, l'Est et l'Ouest. C'est pour ce
motif, par exemple, qu'a été pris, il y a quelques jours, un arrêté sur les
mustélidés qui renvoie au niveau départemental la gestion de cette famille de
mammifères.
J'en viens au coeur de votre question. L'Office national de la chasse et de la
faune sauvage, l'ONCFS, dispose de ressources propres, il n'y a donc aucune
raison qu'il ait une inscription budgétaire.
Il est vrai, toutefois, que la loi de juillet 2000 a imposé une nouvelle
répartition entre ses missions et celles des fédérations de chasseurs.
Le budget pour 2003, qui sera présenté au prochain conseil d'administration,
le 16 décembre prochain, tient compte à la fois des engagements de plein emploi
et des priorités gouvernementales, notamment pour la préparation des
orientations régionales de gestion de la faune sauvage et le lancement de
l'observatoire dont je vous parlais à l'instant.
Il implique un effort important de redéploiements internes. Il sera difficile
de maintenir, dans les années suivantes, les conditions d'équilibre de 2003, le
montant de la redevance cynégétique baissant chaque année de près de 4 millions
d'euros. J'ai coutume de dire qu'une des principales espèces menacées, dans ce
pays, est celle des chasseurs eux-mêmes.
M. Gérard Braun.
Exactement.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin,
ministre.
Il s'agit donc d'un budget de transition.
A l'avenir, compte tenu de l'élargissement des missions confiées à l'ONCFS,
notamment en matière de police de la nature par l'Etat, il faudrait envisatger
une budgétisation d'une partie de ses missions.
Pour préparer cette évolution et, parallèlement, celles du conseil supérieur
de la pêche, qui a, finalement, les mêmes problèmes de structure, j'ai, à mon
arrivée, confié à M. Pierre Roussel, inspecteur général de l'environnement, une
mission de prospective et de consultation très large. Je disposerai dans
quelques jours de ce rapport et j'entamerai la concertation générale nécessaire
pour que les missions de police et de recueil scientifique de ces deux
établissements puissent être maintenues avec la conscience professionnelle et
la qualité qui leur sont reconnues. Bien entenu, mesdames, messieurs les
sénateurs, j'associerai pleinement le Sénat à ce travail de réflexion et de
concertation.
M. Gérard Braun.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Jacques Pelletier.
M. Jacques Pelletier.
Je vous remercie, madame la ministre, de nous avoir rappelé vos vues en
matière de chasse, notamment de votre souci d'une concertation permanente.
J'ai bien compris que tout ce qui concerne l'ONCFS sera revu avant la
préparation du budget pour 2004. Je vous donne donc rendez-vous dans un an.
M. le président.
La parole est à M. François Trucy.
M. François Trucy.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les années
passées, le précédent gouvernement n'avait pas hésité à recourir aux effets
d'annonce et d'affichage pour se donner « une bonne conscience écologique » :
les crédits connaissaient certes une augmentation, mais le périmètre budgétaire
du ministère était considérablement élargi. Ils étaient aussi l'objet d'une
sous-consommation chronique. Et, pendant ce temps, la législation n'a pas
beaucoup évolué : le projet de loi relatif à l'eau n'a pas dépassé le stade de
la première lecture ; le projet de loi relatif à la transparence nucléaire n'a
pas été présenté au Parlement, pas plus que celui qui est relatif aux risques
industriels ; enfin, le plan de lutte contre l'effet de serre est quasiment
resté lettre morte.
Votre budget, madame la ministre, est en rupture avec ces pratiques. Il se
veut, à juste titre, un budget de stabilisation et de vérité. Vous l'affirmez
et nous le pensons. Dans cette démarche, vous trouverez notre entier
soutien.
Je souhaiterais vous interroger plus particulièrement sur le Conservatoire du
littoral.
Les principes qui ont présidé à sa mise en place en 1975 gardent aujourd'hui
encore toute leur pertinence. Il existe bien un patrimoine littoral digne de
préservation par la collectivité pour les générations futures.
Nous devons notamment protéger les zones écologiquement fragiles, comme les
zones humides et les marais ; nous devons aussi protéger nos côtes des dangers
de certains projets, par exemple immobiliers, par trop envahissants ; nous
devons enfin promouvoir, avec toujours plus d'efficacité, le respect des sites
naturels et des équilibres écologiques.
A titre d'illustration, dans mon département, le Var, l'intervention du
Conservatoire sur la presqu'île de Giens a été très opportune : elle a permis
de sauvegarder un écosystème et de préserver nature et paysages. L'acquisition
des anciens salins d'Hyères désaffectés, par le recours exceptionnel à la
procédure d'expropriation, a permis de sauver un site d'un grand intérêt en
termes de diversité biologique. Restent devant nous des années de travail.
Pour toutes ces raisons, le Conservatoire a vu progressivement son domaine de
compétences et d'interventions s'élargir et se renforcer. Et le partenariat
avec les collectivités locales a été amélioré.
Constitué d'une équipe relativement modeste mais dynamique - une centaine de
personnes travaillent au Conservatoire ; on dénombre cent cinquante gardes du
littoral et une douzaine d'emplois-jeunes dans l'établissement - le
Conservatoire assurait, au 1er juillet 2002, la protection de près de 66 600
hectares sur 490 sites et celle de 861 kilomètres de rivages, dont 737
kilomètres de rivages maritimes.
La stratégie à long terme de l'établissement - j'espère que vous nous le
confirmerez - est d'arriver à la maîtrise foncière de 200 000 hectares en bord
de mer afin de protéger définitivement un tiers du littoral français. En 2002,
un tiers de cette mission est assuré.
En somme, aujourd'hui, un constat s'impose : la mission confiée au
Conservatoire du littoral est l'objet d'un remarquable consensus.
C'est pourquoi il faut lui donner les moyens non seulement de la continuer
avec succès, mais encore de s'adapter à des situations nouvelles, car ses
responsabilités sont de plus en plus lourdes.
Ainsi, le Conservatoire doit désormais mener des opérations plus complexes et
plus coûteuses qu'à ses débuts du fait, notamment, du renchérissement du prix
des terrains. Par ailleurs, dans la mesure où son patrimoine augmente de façon
régulière, le volume des travaux - terrains, bâtiments - à accomplir par les
propriétaires, le nombre des conventions de gestion à négocier, le suivi de la
gestion prennent une importance croissante.
Dans le budget pour 2003, la dotation de fonctionnement progresse de 3 %, ce
qui est bien et permettra la création de trois postes budgétaires, ce qui est
peu. En revanche, les crédits d'investissement enregistrent une baisse
relativement importante de 6 % qui nous préoccupe et qui risque d'affecter la
capacité d'intervention de l'établissement.
Madame la ministre, nous vous saurions gré de bien vouloir nous éclairer sur
ces choix en faveur du fonctionnement par rapport à l'investissement et de nous
rassurer sur la pérennité des moyens accordés au Conservatoire du littoral.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, de
l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin,
ministre.
Monsieur Trucy, je vous remercie des remarques positives que
vous avez émises sur le travail d'ascèse budgétaire auquel je me suis
livrée.
Vous m'interrogez plus précisément sur les crédits du Conservatoire du
littoral, organisme qui vous tient particulièrement à coeur, en vous inquiétant
d'une baisse des crédits, en particulier des crédits d'investissement.
La dotation de fonctionnement que j'ai prévue pour 2003 s'élève à 7,5 millions
d'euros et correspond à une augmentation de 3,7 %. Elle permettra la création
de quatre postes budgétaires, dont un poste pour la déprécarisation. Dans un
contexte particulièrement difficile, cela montre notre intérêt pour le
Conservatoire du littoral et des rivages lacustres.
La dotation d'investissement, soit 18,07 millions d'euros en autorisations de
programme et 17,1 millions en crédits de paiement, correspond à un ajustement
aux projets en cours d'acquisition. C'est sur l'analyse des projets en cours
d'acquisition que nous avons bâti cette ligne. Vous remarquerez que le très
fort taux de couverture en crédits de paiement correspond bien à la réalité des
dépenses : acheter un terrain exige de disposer immédiatement des crédits de
paiement.
Par ailleurs, l'expérience montre que, lorsqu'une importante acquisition se
présente - vous avez rappelé le cas des salins d'Hyères, en 2001 -, des moyens
spécifiques peuvent être trouvés. Mais l'expérience nous montre aussi, en ce
qui concerne le Conservatoire du littoral, que les acquisitions éventuelles
sont en général très longues à mettre en oeuvre. Certaines procédures
d'acquisition ont duré plus de vingt ans.
L'accent sera mis, en 2003, sur la consolidation de l'équipe technique et
administrative pour mettre en oeuvre, d'une part, la refondation prévue par la
loi relative à la démocratie de proximité et, d'autre part, le partenariat
actif et reconnu avec les collectivités territoriales.
Le Conservatoire du littoral a donc reçu les moyens d'un bon fonctionnement.
Si, par hasard, ce dont je doute, la possibilité d'une acquisition foncière
particulièrement importante et significative se présentait, nous veillerions à
ce qu'il puisse l'effectuer.
(M. Jean Bizet, rapporteur pour avis, et M.
Gérard Braun applaudissent.)
M. le président.
La parole est à M. François Trucy.
M. François Trucy.
Je voudrais simplement remercier Mme la ministre qui, comme toujours, s'est
exprimée avec clarté et vigueur.
M. le président.
La parole est à Mme Odette Herviaux.
Mme Odette Herviaux.
« Economies, économies » ! « Héritage, héritage ». Quel autre prétexte
trouverez-vous l'an prochain ! Combien de fois avons-nous entendu ces notes
depuis le début de la session budgétaire.
M. Max Marest.
Quelle mauvaise foi !
Mme Odette Herviaux.
En tout cas, les chiffres sont là. Le budget de l'écologie et du développement
durable enregistre une baisse de 0,2 %. En outre, le Gouvernement a fait des
coupes sévères dans celui de l'ADEME, qui baisse de 34,5 %. En résumé, madame
la ministre, je dirai pour ma part : plutôt régressions, restrictions et
transferts de charges déguisés aux collectivités territoriales.
Je ne rappellerai pas les termes du discours de M. le Président de la
République, à Johannesburg le 2 septembre dernier. Mais avouez qu'entre le ton
véhément, le fond alarmiste de ce discours et la réalité de votre budget, il y
a plus qu'un fossé, il y a une faille.
Cette baisse des crédits consacrés à l'environnement constitue à notre avis un
véritable coup d'arrêt à la politique volontariste qui avait été mise en place
les années précédentes et qui avait conduit à multiplier par 2,7 ces crédits,
mais en intégrant la budgétisation de l'ADEME.
Madame la ministre, les diminutions de crédits visent presque tous les
secteurs de l'environnement, sans que l'on sache toujours très bien quelles
activités seront plus particulièrement pénalisées.
Je comprends d'ailleurs difficilement que l'on puisse à la fois annoncer des
priorités - dont, d'ailleurs, je partage totalement l'analyse - et, en même
temps, baisser les crédits nécessaires à la mise en oeuvre de ces actions
prioritaires que vous avez tout à l'heure citées.
On remarque, pour la lutte contre la pollution de l'air, une baisse de presque
10 % du budget. La recherche sur la réduction des émissions polluantes dans
l'industrie, les transports et l'agriculture est également touchée, avec une
baisse de 12 %. Pour la lutte contre le bruit, la baisse est supérieure à 52 %,
alors que 54 % des Français considèrent que c'est une priorité dans la lutte
contre les nuisances. Le budget du Conservatoire du littoral et des rivages
lacustres est amputé de 5 %. Ce recul est incompréhensible et préjudiciable à
la protection du littoral, dont la défense, nécessaire et urgente, avait été
enclenchée par le budget de 2002 dans la lignée du rapport de notre collègue
Louis Le Pensec, qui demandait un rattrapage nécessaire des moyens du
Conservatoire pour mener à bien sa mission.
L'Institut français de l'environnement, l'IFEN, subit, lui aussi, une forte
baisse de plus de 20 %, alors que vous prévoyez le renforcement de ses
missions.
Le budget de l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale,
l'AFSSE, baisse d'un tiers ; pourtant vous affirmez que la sécurité est une
priorité dans le domaine de l'environnement.
Enfin, permettez-moi d'ajouter, en tant qu'élue du Morbihan, que j'ai été très
sensible à la réforme de la politique de l'eau que vous présentez comme un
enjeu vital - c'est vraiment le cas de ma région ! Malheureusement, avec la
baisse de 5 %, je me demande comment vous parviendrez à la mettre en oeuvre.
J'en viens enfin à l'objet de ma question, à laquelle vous avez déjà en partie
répondu : la forte diminution des crédits de l'Agence de l'environnement et de
la maîtrise de l'énergie, l'ADEME.
Je rappelle simplement que les actions de l'ADEME s'inscrivent dans un contrat
de plan défini conjointement avec les ministères de l'environnement, de la
recherche et le secrétariat d'Etat à l'industrie. Fixées à 218 millions d'euros
pour 2003, les autorisations de programme baissent de 13 %, sous le prétexte de
la date butoir du 1er juillet 2002.
Pourtant, le nombre de demandes d'interventions financières en matière
d'équipements de traitement des déchets a explosé en 2002 - toutes ont été
déposées avant le 30 juin - entraînant pour l'ADEME l'impossibilité peut-être
d'honorer 85 millions d'euros d'aides.
Par ailleurs, vous n'hésitez pas à dire que ce projet de budget lui permettra
de poursuivre ses programmes opérationnels « en les ajustant aux priorités
effectives des pouvoirs publics pour l'année 2003 ». Quelles sont donc ces
priorités, madame la ministre ?
La baisse des crédits subie par l'ADEME concerne également la maîtrise de
l'énergie, qui voit sa dotation baisser de 42 %.
Je souhaite aussi attirer votre attention sur le mauvais coup porté encore une
fois aux collectivités territoriales si l'ADEME limitait ses interventions dans
le secteur des déchets.
Pour les déchets ménagers, il reste à développer la collecte sélective dans
l'habitat vertical et le traitement de ces déchets, ainsi que ceux des
entreprises, notamment les plus petites, et des artisans.
A travers cet exemple de l'ADEME, on pourrait faire une longue énumération des
distorsions qui existent entre les préoccupations des Français et vos réponses
budgétaires.
Madame la ministre, avec le projet de budget que vous nous présentez, comment
pensez-vous pouvoir maintenir deux des grandes priorités de l'ADEME développer
une économie de déchets à haute qualité environnementale et amplifier un effort
durable de maîtrise de l'énergie ?
M. le président.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin,
ministre.
Madame la sénatrice, je centrerai ma réponse principalement sur
l'ADEME et l'AFSSE, les questions précédentes qui m'ont été adressées m'ayant
permis de répondre par avance à vos autres questions.
S'agissant de l'ADEME, nous étions confrontés à une échéance importante, celle
du 1er juillet 2002. La loi de 1992 imposait en effet aux opérateurs de ne
recevoir et donc de n'entreposer que des déchets ultimes. Outre le fait que la
définition de ces déchets est juridiquement inopérante, proroger le financement
revenait à aider des mauvais élèves et à ne pas récompenser les bons. J'ai donc
donné les instructions nécessaires pour que les opérateurs se mettent aux
normes, et les crédits de paiement de l'ADEME, qui sont passés de 61 millions à
71 millions d'euros, permettront de traiter les dossiers que mes services ont
reçus avant le 1er juillet 2002.
Voilà le travail de sincérité budgétaire que j'ai fait pour l'ADEME. Le reste,
ce sont des effets d'annonce !
En outre, nous profiterons du premier semestre 2003 pour mettre en place sur
l'ensemble des filières la nouvelle politique de déchets qui est tout à fait
indispensable en raison des difficultés auxquelles nous nous heurtions et que
j'ai signalées dans mon propos liminaire.
Pour les autres missions de l'ADEME, celles qui concernent la qualité de l'air
ou le traitement de la pollution des sols, les crédits sont largement
suffisants.
J'en viens à l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale, qui
illustre vraiment ce qu'est un effet d'annonce ! On décide sa création, mais on
n'embauche pas de personnel et on n'accorde aucun crédit budgétaire. J'ai
décidé de faire de cette coquille vide un outil opérationnel.
A cet effet, j'ai donc versé au budget de l'AFSSE 1,52 million d'euros
parallèlement au 1,52 millions d'euros de M. Mattei. J'ai également ouvert
douze emplois au titre du ministère de l'écologie et du développement durable,
associés aux douze emplois ouverts par M. Mattei au titre du ministère de la
santé, de la famille et des personnes âgées.
Voilà qui va nous permettre de faire de cette coquille vide que vous nous avez
laissée l'outil opérationnel qui est absolument indispensable à la santé
environnementale. C'est, madame la sénatrice, toute la différence entre la
gestion précédente et celle que je souhaite mener !
(Très bien ! et
applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de
l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme Odette Herviaux.
Mme Odette Herviaux.
Madame la ministre, j'ai bien entendu votre volonté de réaffirmer les
priorités de l'ADEME mais, en l'amputant aussi fortement, avouez que votre
Gouvernement ne vous aide pas beaucoup !
Malgré votre bonne foi, dont je n'ai pas à douter, malgré une certaine
solidarité féminine, je le reconnais, et malgré vos convictions souvent fortes
que j'ai pu apprécier dans d'autres circonstances, je reste sceptique et
inquiète, car ce qui se passe pour l'ADEME, notamment en matière de soutien à
la recherche, limitera forcément les chercheurs dans la poursuite de leurs
travaux, tout comme ceux du CNRS et de l'INRA.
Je désire également vous informer d'un problème spécifique à ma région.
Ces dernières années, l'ADEME a permis des avancées significatives dans le
domaine des économies d'énergie, l'énergie éolienne par exemple, malgré une
campagne plus ou moins sournoise de dénigrement, mais de sérieux efforts
restent à faire. C'est le cas du soutien aux chauffe-eau solaires, au chauffage
solaire et aux pompes à chaleur.
Dans une région comme la mienne, madame la ministre, peu réputée, à tort
d'ailleurs, pour son ensoleillement, l'idée a pris du temps et, même si ces
aides existent depuis trois ans, le manque d'artisans formés ou agréés a
reporté à 2002 une véritable explosion de la demande. Il y a maintenant plus de
100 artisans agréés « solaire », autant pour le chauffage par pompe à chaleur.
Le nombre d'installations pourrait passer à plusieurs centaines en 2003 pour
peu que l'on maintienne le soutien au niveau actuel jusqu'à la fin des
accords-cadres en 2006.
Je vous laisse imaginer l'impact économique désastreux pour notre région,
comme pour beaucoup d'autres, si l'implication et les objectifs de l'ADEME
étaient revus à la baisse d'une manière inconsidérée, entraînant ainsi un recul
des activités de ces artisans qui se sont beaucoup investis.
M. le président.
La parole est à Mme Evelyne Didier.
Mme Evelyne Didier.
En préambule à mon propos, je voudrais dire, madame la ministre, que je ne
doute pas de votre intérêt personnel pour l'écologie et le développement
durable, et que je vous sais animée d'une réelle volonté de faire avancer la
cause de l'environnement.
L'entretien que vous avez bien voulu accorder à certains de nos collègues et
amis en septembre dernier a conforté ce sentiment.
Toutefois, l'intérêt soudain du Gouvernement pour le développement durable
m'apparaît davantage, en tout cas pour l'instant, comme une nouvelle marotte,
un affichage qui - permettez-moi cette expression - « ne mange pas de pain ».
Nous verrons, dans l'ensemble des mesures, ce qui pourra être fait.
J'en viens maintenant à notre sujet d'aujourd'hui.
La formule expérimentale de questions et de réponses avec droit de réplique
instantanée pour certains budgets, dont celui de l'écologie et du développement
durable, ne me permet pas d'exprimer comme je le souhaiterais, l'avis du groupe
communiste républicain et citoyen sur de nombreux sujets essentiels comme les
espaces naturels, la politique de prévention des pollutions et des risques,
celle des déchets ménagers, la lutte contre les nuisances sonores ou encore la
pollution atmosphérique. Je ne peux que le déplorer.
Je me bornerai donc à intervenir sur la politique de l'eau, un domaine
sensible à bien des égards.
Tout d'abord, je tiens à dire que cette politique, malgré ce qui est affirmé,
n'apparaît pas comme le volet prioritaire de ce budget.
En effet, pour la deuxième année consécutive, d'ailleurs, celui-ci diminue de
façon importante, de 23 % en 2002 et de 13,2 % en 2003.
De plus, l'agrégat 22 ne représente que 3,7 % du budget de l'écologie et du
développement durable. C'est d'ailleurs celui-ci qui subit l'essentiel de la
diminution des crédits.
A ce propos, je citerai la remarque très juste de M. le rapporteur spécial de
la commission des finances : « Il convient de souligner la réduction des
crédits destinés à la lutte contre les inondations, alors que la prévention des
inondations d'origine fluviale constitue l'une des priorités du ministère. »
Rappelons encore la volonté de certains parlementaires en mal d'économies de
réduire les recettes du Fonds national de solidarité pour l'eau, sous prétexte
de non-consommation, alors que, dans le même temps, dans les départements, on
manque de crédits pour financer les investissements.
Comment, dès lors, peut-on parler de priorité ?
Par ailleurs, ce budget, comme d'autres, est marqué par la volonté de mettre
la France en conformité avec les directives européennes. J'en citerai trois :
la directive-cadre du 23 octobre 2000, qui fixe l'obligation d'atteindre un bon
état pour les milieux aquatiques, la directive « nitrates », destinée à lutter
contre les pollutions agricoles diffuses liées à l'azote, et la directive
concernant les eaux résiduaires urbaines.
La mise en oeuvre de ces nouvelles règles a nécessité et nécessitera encore,
de la part tant des collectivités que des agriculteurs et des particuliers, des
efforts financiers considérables dans les années à venir.
Pouvez-vous nous indiquer comment et avec quels moyens l'Etat envisage d'aider
ceux-ci à faire face à ces obligations, qui s'ajouteront aux autres dépenses
déjà engagées, notamment pour la collecte et le traitement des déchets ?
Ne serait-il pas intéressant, dans un souci de transparence, d'étudier
l'évolution des coûts, pour les collectivités et les particuliers, de la mise
en place des politiques environnementales et plus particulièrement du principe
pollueur-payeur, qui pointe, à mon sens, trop souvent du doigt les
consommateurs plutôt que les véritables pollueurs ?
Je pense bien entendu, entre autres, au
Prestige
.
Enfin, n'est-il pas temps de poser la question d'un véritable service public
de l'eau, décentralisé et au service de tous, afin de faire de cette richesse
naturelle un bien patrimoniale de notre pays, un bien qui ne soit pas
transformé en simple marchandise par des groupes avides de profit ?
Voilà, madame la ministre, trop rapidement sans doute, quelques questions que
je soumets à votre réflexion.
M. le président.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin,
ministre.
Madame la sénatrice, je vous remercie du ton de votre question.
Je veux vous rassurer : l'implication du Président de la République et du
Gouvernement est totale en ce qui concerne la politique environnementale, qui
n'est pas une marotte !
Le chantier ouvert sur la charte de l'environnement est particulièrement
important. S'il est difficile d'en ressentir les implications, c'est parce que
nous sommes au début du travail de réflexion.
D'abord, une démarche pédagogique aura lieu à travers les assises
territoriales, le questionnement, la saisine par les associations, les
syndicats, les partis politiques et les assemblées. Chacun apportera sa pierre
à cette réflexion.
Est également prévue la transposition au niveau constitutionnel de principes
importants. Vous avez évoqué très justement celui de « pollueur-payeur ». Si,
demain, ce principe de responsabilité est porté au plus haut niveau de notre
arsenal législatif, à savoir au niveau constitutionnel, à côté des principes de
prévention et de précaution, les implications de ce chantier seront plus fortes
encore. Je peux vous garantir que le Président de la République n'a pas
l'intention de faire de ce travail d'adossement de ces principes à la
Constitution un exercice en demi-teinte.
Ensuite, vous me demandez pourquoi les crédits de paiement consacrés à la
politique de l'eau baissent alors qu'il s'agit d'une priorité majeure de notre
ministère. Je vous ferai un peu la même réponse celle que j'ai faite tout à
l'heure à M. Ambroise Dupont.
En 2001-2002, les crédits de paiement avaient été volontairement réduits pour
tenir compte du volume important des reports dus à des fonds de concours
massifs en autorisations de programme et en crédits de paiement versés par les
agences de l'eau avant la création du FNSE. A la fin de l'année 2001, le
montant de ces reports s'élevait, par exemple, à plus de 51 millions d'euros.
Le chiffre de 28 millions d'euros de crédits de paiement est ajusté selon nos
prévisions de consommation pour 2003. Un ajustement, madame la sénatrice, est
toujours possible en cours de gestion dans la mesure où les crédits de paiement
sont définis par chapitre, comme je le disais à M. Ambroise Dupont, et non par
article de dépense. Si une difficulté surgissait, nous aurions donc tous les
moyens d'ajustement nécessaires.
En ce qui concerne le volet inondation, le montant des autorisations de
programme reste stable pour le titre V. Il s'élève à 14,8 millions d'euros en
2003 alors qu'il était de 16,3 millions en 2002. Sur le titre VI, le montant de
2003 est identique à celui de 2002, soit 19,97 millions d'euros. Ce volet
inondation de la loi sur les risques, et donc le plan de prévention des
inondations que j'ai lancé en septembre 2002 et qui vient en écho, n'auront un
impact qu'en 2004, 2005, 2006. Une inscription budgétaire substantielle pour la
loi de finances de 2003 n'était par conséquent pas nécessaire.
Enfin, vous m'avez demandé comment nous aiderons les agriculteurs à surmonter
les difficultés considérables qu'ils vont rencontrer pour mettre aux normes
leur exploitation dans le cadre du programme de maîtrise des pollutions
d'origine agricole, le PMPOA.
Avec mon collègue Hervé Gaymard, je me suis rendue en Bretagne pour rappeler
aux agriculteurs les échéances de fin 2002 et de fin 2006, qui sont très
difficiles pour eux, mais sur lesquelles, je leur ai dit, le Gouvernement ne
peut transiger. En revanche, nous allons tout faire pour aider les agriculteurs
à y faire face grâce, d'une part, à un appui méthodologique extrêmement
important - un travail technique est, en effet, nécessaire pour appliquer ces
directives - et, d'autre part, à un effort financier qui sera porté par le
FNSE.
C'est la raison pour laquelle, mesdames et messieurs les sénateurs, il est
indispensable que les moyens du FNSE atteignent un niveau suffisant pour aider
les agriculteurs à mettre leur exploitation aux normes. Je vous remercie
particulièrement, madame la sénatrice, de m'avoir permis de répéter ce point
fondamental.
M. le président.
La parole est à Mme Evelyne Didier.
Mme Evelyne Didier.
Madame la ministre, nous resterons vigilants et, puisque le développement
durable est pour vous une véritable préoccupation, avez-vous dit, nous jugerons
sur pièces !
Permettez-moi de revenir sur les consommateurs, qui sont, eux aussi, trop
souvent les payeurs. Il n'y a pas que les agriculteurs, il y a aussi de simples
citoyens ! Nous ferons des propositions sur ce sujet. Nous vous en avions déjà
fait lors de l'examen du projet de loi sur l'eau.
M. le président.
La parole est à M. Christian Demuynck.
M. Christian Demuynck.
Madame la ministre, il est toujours extrêmement délicat d'aborder une
discussion budgétaire, censée définir les grandes orientations politiques de la
nation, lorsque le sujet concerné se trouve sous le feu d'une dramatique
actualité. Je pense notamment au naufrage du pétrolier
Prestige
, au
large des côtes de Gallice, qui mobilise les opinions publiques européennes, en
particulier espagnoles et françaises, autour des graves périls que la recherche
de profits toujours plus importants fait peser sur nos milieux naturels.
Même si de très nombreux champs de compétence entrent en ligne de compte dans
cette affaire, de l'énergie aux transports, en passant par la politique
maritime et les douanes, il faut noter que c'est bien la politique de la France
en matière d'environnement qui est au coeur de tous les débats.
A cet égard, le budget 2003 du ministère de l'écologie et du développement
durable est révélateur de plusieurs évolutions majeures que je crois utile de
rappeler.
La première est la prise en compte tout à fait essentielle de la notion de
développement durable. Entendue comme une voie médiane entre la croissance
économique et le respect des ressources naturelles, elle est réaffirmée comme
l'axe stratégique majeur de ce budget.
La deuxième est l'indispensable et très attendue rationalisation des
mécanismes comptables et budgétaires du ministère. L'augmentation constante du
nombre de fonctionnaires et la croissance ininterrompue des dépenses de
fonctionnement observée depuis plusieurs années ont été résolument endiguées au
profit des dépenses d'investissement qui connaissent une hausse de 19,4 %.
De même, c'est avec intérêt et vigilance que nous nous pencherons sur les
conclusions de l'audit commandité à l'inspection générale des finances ainsi
qu'à l'inspection générale de l'environnement, illustration de la nouvelle
politique de transparence voulue par le Gouvernement.
La troisième est l'ouverture de grands chantiers environnementaux, tels que la
création d'un réseau d'espaces protégés doté de 75,5 millions d'euros, dont
19,8 millions d'euros pour le seul programme Natura 2000, ainsi que la
promotion d'une charte de l'environnement et son intégration dans l'ordre
constitutionnel, conformément à la volonté du Président de la République, qui
témoignent chacun du caractère prioritaire de la politique écologique pour le
gouvernement de Jean-Pierre Raffarin.
Cependant, madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur le
risque que peut être amenée à courir une politique publique qui, manquant de
visibilité, ne serait pas soutenue par l'opinion.
En effet, la très grande technicité de votre projet de budget pour 2003,
l'écart entre une apparente diminution de 0,16 % des crédits par rapport à
2002, mais une réelle progression de 0,5 %, ainsi qu'une vaste redistribution
des lignes budgétaires rendue nécessaire par la sous-consommation des crédits
ne présentent-ils pas le risque de diluer la détermination de l'Etat et de
masquer ses actions concrètes ?
Ma question, madame la ministre, porte sur les moyens et les méthodes dont le
ministère de l'écologie et du développement durable entend se doter pour
communiquer efficacement ses ambitions et ses programmes auprès des citoyens,
pour qui ce sujet est d'autant plus sensible qu'il concerne un nombre toujours
plus important d'aspects de leur vie quotidienne.
M. le président.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin,
ministre.
Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question, qui
expose, en particulier, les difficultés de communication du ministère. C'est un
ministère qui manie des sujets très techniques demandant un haut niveau
d'expertise et qui, en même temps, s'adresse à un public souvent manipulé par
des peurs, des craintes, des fantasmes. C'est sans doute cet écart qu'il nous
faut gérer. Je crois que c'est possible. Tout à l'heure, M. Pelletier parlait
du dossier de la chasse. Nous sommes dans le même type de problématique.
La semaine dernière, je me suis rendue en Galice. Je serai ce week-end sur les
côtes aquitaines pour assister à la préparation du plan Polmar si, par malheur,
nos côtes étaient polluées. Nous sommes, là aussi, au coeur d'une problématique
complexe qu'il faut traiter sur le plan technique en prenant les mesures
politiques concrètes qui nous permettent d'affronter ces échéances. Mais nous
ne pouvons pas oublier les larmes des pêcheurs de Galice, que j'ai rencontrés
mardi dernier. On ne peut pas répondre à leur colère, uniquement par des
dispositions techniques !
Vos préoccupations ne peuvent être ignorées, monsieur le sénateur. Je crois
que la clé de la gestion de ce grand écart, c'est l'information, l'éducation
des plus jeunes, la sensibilisation de nos concitoyens. La transparence,
l'écoute, le dialogue constituent des aspects essentiels de notre méthode pour
progresser sur ces dossiers.
L'une de nos priorités, en 2003, sera donc de faire oeuvre de pédagogie, par
exemple, en matière de conscience du risque, d'exprimer les enjeux de
l'écologie et du développement durable, notion qui est largement ignorée de nos
concitoyens. Comment gérer le dossier des inondations, par exemple, en ayant
simplement une approche technique, alors que l'on sait bien que la plupart des
morts déplorés lors des dernières inondations du Gard auraient pu être évités
grâce une meilleure conscience du risque ?
C'est une ambition que le Président de la République a clairement exprimée à
Johannesburg et qui suppose un engagement politique explicite et fort. Le
signal qui a été donné avec l'entrée du développement durable au Gouvernement
et la tenue du dernier séminaire gouvernemental qui a lancé la stratégie
nationale du développement durable illustrent cette priorité.
Je vous donne un exemple précis : le Premier ministre a décidé, lors de ce
séminaire gouvernemental, de l'organisation d'une semaine sur le thème du
développement durable au début du mois de juin prochain. Cette opération
permettra de mobiliser les différents ministères et les nombreux partenaires
qui voudront bien s'y associer.
L'information de nos concitoyens doit également viser, de manière spécifique,
les plus jeunes - nos enfants, nos petits-enfants -, qui sont les citoyens de
demain, producteurs et consommateurs.
Nous avons relancé, avec nos collègues chargés de l'éducation nationale, Luc
Ferry, et de l'enseignementr scolaire, Xavier Darcos, les actions en faveur de
l'éducation environnementale en les orientant vers le développement durable.
Au cours du premier semestre 2003, plusieurs événements seront organisés
autour de projets concrets, dans le cadre, par exemple, de l'opération « Mille
défis pour ma planète ».
C'est par l'éducation, par la sensibilisation des plus jeunes - parce que les
plus jeunes nous éduquent, nous, leurs parents ou leurs grands-parents - que
nous sortirons de cette dialectique, parfois meurtrière, qui a trop longtemps
oblitéré l'action du ministère, anciennement dénommé « de l'environnement » et
devenu « de l'écologie et du développement durable ».
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Christian Demuynck.
M. Christian Demuynck.
Madame la ministre, vous avez tout à fait raison de vouloir commencer par
l'information des plus jeunes. Ce sont eux qu'il faut effectivement essayer de
convaincre. En tout cas, j'étais inquiet sur les moyens de communication que
vous alliez mettre en place. Vous m'avez vraiment rassuré et je vous remercie
de cette réponse.
M. le président.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin.
Madame la ministre, ni la planète, ni le Sud, ni nos quartiers ne supporteront
encore longtemps un urbanisme, une économie, des modes de transports et de
production industrielle, agricole, énergétique qui ne prendraient pas en compte
la justice sociale, les écosystèmes et les aspirations des habitants.
Ce fut, hélas ! le développement non durable des trente glorieuses. Si le PIB
a grossi, les pollutions et les écarts de richesse aussi.
Chez nous, ce sont des enfants atteints de saturnisme au pied de
Metaleurop.
En Inde, ce furent des milliers d'aveugles à Bhopal, pour fabriquer le Temik,
pesticide de nos betteraves.
Hier, ce fut la démocratie française bafouée par les mensonges d'un organisme
d'Etat affirmant que le nuage de Tchernobyl n'avait pas franchi la
frontière.
N'oublions pas que toutes ces erreurs ont d'énormes coûts en termes de santé
et de réparation : désamiantage, dépollution, décontamination.
La péréquation annoncée dans la loi constitutionnelle relative à
l'organisation décentralisée de la République devra d'ailleurs tenir compte de
ces inégalités.
C'est l'ensemble des choix en matière d'agriculture, d'aménagement du
territoire et de
process
industriels qui doit pouvoir bénéficier de
nouveaux critères et de nouveaux savoirs.
Votre tâche est donc immense, madame la ministre, et rien ne se fera sans la
concertation et l'expertise partagée. Or, dans votre budget, on ne trouve, à ce
sujet, presque rien. Les dix emplois en prévision des orages et inondations ne
remplaceront pas les centaines d'écologues qui seraient nécessaires à la
restauration des zones humides, aux agendas 21 et à la pédagogie d'un bon
aménagement du territoire.
Il y a la transversalité, me direz-vous. Mais lorsqu'on regarde le budget du
développement durable de la recherche, malgré de bonnes intentions comme la
biodiversité ou la coopération Nord-Sud, ce sont 236 millions d'euros, sur les
249 millions d'euros affichés, qui sont détournés pour le nucléaire. Il est
vrai que l'activité des déchets du même nom est très « durable » !
Le séminaire du Gouvernement énonce soixante mesures. Je passerai sur
l'incongruité pour un monde vivable des préoccupations environnementales dans
le cahier des charges du programme d'armement. Mais je m'étonne surtout
qu'aucune évaluation budgétaire n'accompagne ces soixante mesures.
Pour venir d'une région, le Nord - Pas-de-Calais, qui, depuis dix ans,
s'attelle à la tâche, je peux vous dire que cela a un coût, et que la
concertation, l'élaboration commune, la transversalité méritent des budgets.
Madame la ministre, votre délégation s'appelle « écologie et développement
durable » et c'est fort bien. L'enjeu est de taille !
Le Président de la République ne disait-il pas à Johannesburg : « Les pays
développés doivent engager la révolution écologique, la révolution de leurs
modes de production et de consommation. »
Madame la ministre, ma question est simple : quels crédits avez-vous inscrits,
hors écologie classique, dans votre budget pour cette révolution du
développement durable ?
M. le président.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin,
ministre.
Madame Blandin, je partage nombre de vos analyses, en
particulier celle qui porte sur l'évaluation des moyens de production et de
consommation. Vous avez parlé d'urbanisme, de transport, de la préservation des
écosystèmes. La prise de conscience concerne l'ensemble de notre société. A
l'évidence, il est des appréciations politiques que je ne peux partager avec
vous. Nous aurons d'ailleurs ce débat à propos d'autres budgets.
Finalement, je ne peux que regretter l'approche terriblement datée qui est la
vôtre : pour vous, faire du développement durable, c'est mettre encore un peu
plus d'argent dans la machine. Ce n'est pas cela, le développement durable ! Ce
n'est pas une question de budget, c'est un problème de méthode. Mon ambition
est même de faire en sorte que le développement durable coûte moins cher. Car
ce développement non durable que nous avons mené pendant des années entraîne
des coûts en matière de santé, d'équipement : d'organisations induites.
Excusez-moi de vous le dire, mais le propos que vous tenez est terriblement
démodé, madame la sénatrice !
Mon ambition, c'est de favoriser le développement durable en pressurant moins
les contribuables, pour permettre de concilier développement économique et
développement écologique.
(M. Jean Bizet, rapporteur pour avis, applaudit.)
M. Philippe Adnot,
rapporteur spécial.
Très juste !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin,
ministre.
C'est la raison pour laquelle j'ai placé l'action de mon
ministère sous le signe de la sécurité, de la transparence et de la
participation. Voilà au moins trois points sur lesquels nous allons pouvoir
nous rejoindre, car c'est cela le développement durable : la sécurité de nos
concitoyens - ils y sont attachés, et c'est le sens de ce que je fais, par
exemple, avec le plan de prévention des inondations ; la transparence - les
Français veulent savoir pourquoi nous prenons telle ou telle décision, et c'est
l'objet de la création de l'Observatoire de la faune sauvage, pour la gestion
fine des espaces et des espèces ; enfin, la participation, parce que les
décisions ne valent que si les citoyens y participent. Tel est le sens de
l'action que je mène aux côtés de la secrétaire d'Etat au développement durable
Tokia Saïfi sur l'information.
Voilà, madame la sénatrice, ce qu'est le développement durable ! Il faut non
pas écraser un peu plus les contribuables, mais, au contraire, moins les
pressurer pour leur permettre de mieux se développer sur le plan économique et
écologique.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin.
Madame la ministre, hélas ! votre manque de pratique se révèle dans les propos
que vous venez de tenir ! Je le répète : la démocratie a un coût réel et les
économies de demain ne pourront être réalisées que grâce aux dépenses
d'aujourd'hui. Je déplore qu'une secrétaire d'Etat symbolique venue de notre
région, se voit doter d'un budget zéro.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin
ministre.
Non !
Mme Marie-Christine Blandin.
Vous nous avez habitués à une audace de parole ; je regrette la façon dont
vous l'utilisez. Il est plus facile, effectivement, de fustiger le Parlement
pour la gestion passée que de penser à demain. Vous avez dit avoir trouvé votre
ministère le sol jonché d'autorisations de programme. Gardez-vous, madame la
ministre, qu'à votre départ nous ne le retrouvions jonché d'erreurs et de
renoncements ! Demain, des comptes vous seront demandés tant sur votre
comportement face aux peuples du Sud que sur l'urbanisme, l'autoroute
ferroviaire ou les applications de la recherche. Vous devez vous engager sur
ces points !
Quand la maison brûle, je ne pense pas que l'urgence soit de critiquer les
pompiers d'hier et d'aujourd'hui !
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - Mme la ministre
s'exclame.)
M. le président.
Nous en avons terminé avec les questions.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et
C concernant le ministère de l'écologie et du développement durable.
ÉTAT B
M. le président. « Titre III : moins 5 052 625 euros. »