SEANCE DU 5 DECEMBRE 2002
M. le président. « Art. 39. - I. - Il est ouvert à la ministre de la défense, pour 2003, au titre des mesures nouvelles sur les dépenses en capital des services militaires, des autorisations de programme ainsi réparties :
En euros
-
« Titre V : "Equipement" 14 960 809 000 ;
« Titre VI : "Subventions d'investissement accordées par l'Etat" 339 084
000.
« Total 15 299 893 000. »
« II. - Il est ouvert à la ministre de la défense, pour 2003, au titre des
mesures nouvelles sur les dépenses en capital des services militaires, des
crédits de paiement ainsi répartis :
En euros
-
« Titre V : "Equipement" 2 052 505 000 ;
« Titre VI : "Subventions d'investissement accordées par l'Etat" 308 007
000.
« Total 2 360 512 000. »
La parole est à Mme Josiane Mathon, sur l'article.
Mme Josiane Mathon.
Le projet de budget de la défense pour 2003 est le premier de la loi de
programmation militaire dont la majorité a arrêté le principe au détriment des
budgets sociaux et éducatifs.
Vous connaissez, madame la ministre, l'opposition des parlementaires
communistes au concept du modèle 2015 de notre armée, profondément injuste et
dangereux.
Je veux ici attirer votre attention sur un corollaire à cette orientation : la
logique libérale mise en oeuvre au sein des industries publiques d'armement
entraîne une production sans cesse croissante dans le secteur privé d'armes de
toute nature. Pourtant, une arme n'est pas une marchandise de production
ordinaire : son utilisation doit être placée sous contrôle public.
Dans ces conditions, le groupe GIAT doit être pérennisé. Les 2 200 salariés
qui travaillent dans les trois sites présents sur le territoire de mon
département ont récemment fait entendre leurs légitimes inquiétudes et leurs
revendications quant à leur avenir et à celui de leur entreprise.
La logique libérale qui prévaut depuis le changement de statut de l'entreprise
s'accentue avec la politique de sous-traitance massive qui est aujourd'hui
appliquée, la mise en oeuvre d'une gestion sociale démoralisant les salariés et
les tergiversations relatives à la définition du prototype du VBCI, programme
représentant une forte charge de travail.
Madame la ministre, l'Etat doit cesser de fragiliser son établissement public.
Il est nécessaire de décider sans plus attendre la fabrication du VBCI par
GIAT, et de préciser quelle part du maintien en condition opérationnelle du
parc en service sera attribuée à GIAT. Il est temps, en outre, de confirmer que
le programme FELIN sera bien réalisé par GIAT, et non par un industriel privé,
européen ou non.
Dès aujourd'hui, il faut s'engager dans la voie de la pérennisation et de la
diversification de l'activité de cette entreprise publique. Les salariés sont
prêts à s'investir, ils sont mobilisés autour de cet objectif, mais ils se
heurtent à votre volonté et à votre action. Pourquoi refuser d'ouvrir ce débat
? Pourquoi ne pas réunir, sous l'égide des préfets, les partenaires
économiques, les élus locaux et les représentants des salariés afin d'engager
une réflexion sérieuse ?
La voie d'avenir n'est pas de préserver un site par département. Il faut
s'attacher à valoriser les compétences, les savoir-faire et les outils de
chaque site de façon complémentaire, pour un nouveau développement, au service
d'un projet industriel utile à la société.
En synergie avec ses missions de défense, GIAT peut aider à répondre aux
besoins civils en matière de transports ferroviaires, de protection civile, de
développement de l'optique. Des investissements publics et des créations
d'emplois sont nécessaires et possibles pour aller dans ce sens, qui est celui
du progrès et de la paix !
M. le président.
La parole est à Mme Hélène Luc.
Mme Hélène Luc.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, vous savez à
quel point les sénateurs du groupe CRC sont sensibles aux questions de sécurité
et de défense. Nous sommes convaincus qu'il n'existe pas de conception unique
en ce domaine, contrairement à ce que certains laissent à entendre. Nul n'a de
leçon à donner, alors qu'un grand débat national s'ouvre avec l'élaboration de
la loi de programmation militaire.
Madame la ministre, l'importance des crédits ne suffit pas, en soi, à faire un
bon budget. Est-il nécessaire de souligner que la plus forte baisse, en matière
de crédits d'armement, s'est produite entre 1993 et 1997 et que la dernière loi
de programmation militaire a été la mieux respectée depuis trente ans ?
La professionnalisation de nos armées, décidée précipitamment et qui devait
coûter moins cher, a fait croître les crédits du titre III de 14 % en six ans,
au détriment de ceux du titre V, avec pour conséquence un manque de crédits
pour l'entretien des matériels militaires, situation aggravée encore par la
lourdeur de la réglementation régissant l'approvisionnement en pièces
détachées, ainsi que par la réorganisation des services du matériel.
Madame la ministre, pour justifier votre projet de budget, vous évoquez un
contexte international troublé et marqué par la recrudescence du terrorisme et
déclarez qu'il s'agit d'un effort nécessaire de la nation, à la hauteur des
défis lancés à celle-ci.
Je ne crois pas, madame la ministre, que ce projet de budget permette de
répondre à ces défis, parce que l'effort essentiel porte sur la force de
dissuasion, le nucléaire et la projection extérieure, qui ne sont certainement
pas des facteurs efficaces de lutte contre le terrorisme : on l'a vu en
Afghanistan. Il faut s'interroger sur les causes de cette dégradation, en tirer
les conséquences et définir les moyens de l'enrayer. La seule réponse aux
problèmes consiste, pour les Etats-Unis, à imposer la domination de l'esprit
militaire. Ils justifient de plus en plus leur position par la théorie du choc
des civilisations.
Nous vivons dans un monde d'inégalités et de pauvreté, dans lequel les écarts
se creusent. A une politique de domination des plus riches sur les plus pauvres
doit se substituer une politique de coopération et de développement réfléchie
et concertée, empreinte de justice sociale et de respect des peuples. Seuls la
démocratie et l'essor économique, social et culturel de tous les pays
permettront de construire la paix et la sécurité. C'est là une conception
moderne de la défense que nous vous proposons !
La France et l'Europe ne doivent pas adhérer à une vision militaire de
règlement des problèmes du monde. L'Europe de la défense ne pourra réellement
émerger que si elle fait preuve d'autonomie et clarifie sa position vis-à-vis
de l'OTAN, dont la situation a changé depuis la fin de la guerre froide. Le
désir des dirigeants américains, soutenus par certains pays européens, de
donner un souffle nouveau à l'OTAN se réaliserait au détriment de la défense
européenne.
A ce sujet, le récent sommet de Prague nous inquiète. La France doit tenir bon
et jusqu'au bout devant la volonté provocatrice du président Bush d'imposer la
guerre à l'Irak. Elle peut jouer un rôle important pour construire une Europe
de la défense qui n'aura de sens que si elle développe une stratégie
autonome.
Dès lors, les armées françaises doivent prendre toute la mesure de la
politique de sécurité et de défense, en s'octroyant de nouvelles missions,
mieux adaptées. Leur priorité doit être d'assurer la sécurité du territoire
national et européen. Elles pourraient, sous certaines conditions, intervenir
pour des missions de paix ou humanitaires, sous l'égide de l'ONU, une ONU
rénovée et démocratisée qui soit le pilier de la paix.
De plus, il faut mettre l'accent sur l'information et le renseignement humain
aéronautique et par satellite, ainsi que tous les experts militaires
s'accordent à le dire. Nous proposons d'instaurer un service civilo-militaire,
qui aurait pour finalité d'apporter un soutien à la sécurité intérieure -
notion trop peu présente dans ce projet de budget - et à l'occasion de
catastrophes naturelles, en France et en Europe.
Les sénateurs du groupe CRC, bien qu'ils estiment justifiés les efforts
consentis en faveur de l'amélioration des conditions de vie des militaires, qui
accomplissent des missions difficiles, et pour l'entretien des matériels,
voteront contre ce projet de budget, qui ne permet pas de répondre aux
exigences actuelles en matière de sécurité et de défense, à l'échelon tant
national qu'européen.
M. le président.
La parole est à M. Pierre Biarnès.
M. Pierre Biarnès.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je m'exprime à
titre personnel, et donc pas au nom du groupe auquel je suis rattaché.
Je voterai ce budget.
M. Philippe François.
Bravo !
M. Pierre Biarnès.
Je le ferai pour deux raisons, que je vais vous exposer très brièvement.
La première, vous l'avez évoquée d'un mot dans votre présentation liminaire,
madame la ministre. C'est une question de crédibilité pour notre pays. Il ne
sert à rien de se livrer à des rodomontades à longueur d'année - la France
ceci, la France cela, la France ne tolérera pas, etc. - si nous ne nous donnons
pas les moyens de nos propos. Nous sommes engagés, nous Français, nous
Européens, dans une grande aventure : il s'agit ni plus ni moins de retrouver
la maîtrise de notre destin, que nous avons perdue au cours de deux guerres
dites mondiales, qui n'étaient que d'abominables guerres civiles entre nous,
Européens.
Il nous faut remonter une grande pente et nous n'y parviendrons pas simplement
en invectivant la politique américaine, ce que, au demeurant, pour ma part, je
ne me prive pas de faire. Il faut que nous alignions des moyens crédibles. Le
Royaume-Uni le fait. Il est bien que, à notre tour, nous fassions un effort
supplémentaire. Ces dernières années, et tous mes collègues peuvent en
témoigner, je n'ai cessé de le dire et de l'écrire.
Je voterai votre budget, même s'il y a beaucoup à redire, car il va dans la
bonne direction, au sens le plus élevé du terme et de ma conception de notre
pays dans l'Europe et dans le monde.
La seconde raison est plus prosaïque, mais non moins importante. Si ce budget
n'était pas voté, si l'effort n'était pas poursuivi dans les années à venir,
nos industries d'armement, qu'il s'agisse du domaine maritime, du domaine
spatial ou du domaine aérien, devraient recourir à des plans sociaux. Nous
aurions bonne mine, ensuite, de défiler en tête des manisfestations de
licenciés ! Nous recevrions des tomates et ce ne serait pas volé !
(Très
bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
Je mets aux voix l'ensemble de l'article 39.
(L'article 39 est adopté.)
M. le président.
J'appelle en discussion les articles 63
ter
et 63
quater
, qui
sont rattachés pour leur examen aux crédits affectés à la défense, ainsi que,
en accord avec la commission des finances, les amendements n°s II-3 rectifié et
II-49 tendant à insérer un article additionnel après l'article 63
quater
.
Défense
Article 63 ter