SEANCE DU 5 DECEMBRE 2002
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant
les services du Premier ministre : V. - Aménagement du territoire.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Roger Besse,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, je souhaite, au cours de cette brève
intervention, vous présenter les principales observations qui m'ont été
inspirées par le projet de budget de l'aménagement du territoire pour l'année
2003. S'agissant de la présentation exhaustive de ces crédits, je vous
demanderai de bien vouloir vous reporter à mon rapport écrit, qui, je l'espère,
au travers de différents graphiques, permet d'appréhender la stagnation, voire
la régression de certains crédits.
J'indiquerai tout de même succinctement que les crédits de l'aménagement du
territoire s'élèvent à un peu moins de 300 millions d'euros. Afin de fixer les
idées, je rappellerai que, si l'on en croit le « jaune » budgétaire, l'ensemble
des dépenses de l'Etat relatives à la politique d'aménagement du territoire
atteindrait près de 7 milliards d'euros, dont plus de la moitié correspond à
des dépenses du ministère chargé de l'équipement. Au total, le budget de
l'aménagement du territoire ne représenterait donc qu'environ 3,5 % des
dépenses consacrées à l'aménagement du territoire.
S'agissant de la présentation des grandes masses de ce projet de budget, je
me permets de vous renvoyer aux premières pages de mon rapport écrit. En un
mot, le budget de l'aménagement du territoire rassemble les crédits gérés par
la DATAR, la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale,
c'est-à-dire le budget de fonctionnement de la DATAR, les crédits alloués à la
prime d'aménagement du territoire, la PAT, et le fonds national d'aménagement
et de développement du territoire, le FNADT. Le présent projet de loi de
finances prévoit un budget de 269 millions d'euros, qui est moins dynamique que
celui de l'année dernière, puisqu'il subit une baisse de 5,8 %, après avoir
enregistré une augmentation de 6,8 %. Toutefois, il convient de relativiser
cette diminution. En effet, de 1997 à 2001, seuls 60 % des crédits disponibles,
soit 80 % des crédits inscrits en loi de finances initiale, ont été consommés.
Les mesures de régulation décidées en août 2002 sont à peine plus restrictives
que la pratique qui a été celle de ces dernières années. Il semblerait donc, en
dépit des apparences, que le Gouvernement se soit bien donné les moyens
d'honorer l'ensemble des engagements qu'il a pris.
Par ailleurs, dans le cadre de la politique de maîtrise de la dépense définie
par M. le président de la commission des finances et par M. le rapporteur
général, j'ai déposé un amendement, qu'ils ont cosigné, tendant à aller un peu
plus loin dans la rigueur budgétaire, puisqu'il prévoit de réduire de 500 000
euros les crédits destinés aux interventions publiques.
A cet égard, monsieur le ministre, pensez-vous qu'il soit possible de réaliser
des réformes structurelles, de manière à réduire les crédits en 2004 ?
Je centrerai à présent mon propos sur les observations que j'ai pu être amené
à faire en examinant ce projet de budget.
Nous avons le sentiment d'être à la croisée des chemins de la politique
d'aménagement du territoire. Le précédent gouvernement a, en effet, donné
l'impression de mener, un peu dans le désordre, plusieurs chantiers de front et
de naviguer à vue. Souvent, les échéances annoncées comme éminemment
souhaitables, voire impératives, ont été repoussées.
Permettez-moi maintenant, mes chers collègues, de formuler mes observations
relatives à la situation des zones rurales. En effet, en qualité de sénateur
d'un département en grande partie rural, ces zones me tiennent particulièrement
à coeur, leur situation m'étant la mieux connue.
Il va de soi, cependant, que le développement des zones urbaines reste un
enjeu essentiel de la politique d'aménagement du territoire. Ainsi, la loi du
25 juin 1999 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du
territoire mentionne, parmi les objectifs de la politique d'aménagement du
territoire, le « renforcement de pôles de développement à vocation européenne
et internationale, susceptibles d'offrir des alternatives à la région
parisienne ».
En ce qui concerne le monde rural, plus particulièrement, force est de
reconnaître que la politique d'aménagement du territoire l'a délaissé ces
dernières années, comme l'a souligné d'ailleurs le Président de la République
dans son discours d'Ussel du 13 avril dernier. Il est grand temps de redéfinir,
pour ces zones, une politique dynamique et ambitieuse. Cette nouvelle politique
passe par la création de nouvelles activités en zone rurale, car, en l'absence
d'emplois nouveaux, il est vain de prétendre retenir, et plus encore de
prétendre attirer, des populations.
Par ailleurs, chacun sait que le développement des technologies de
l'information et de la communication - les TIC - en zones rurales constitue un
enjeu essentiel. Je souhaite ici souligner l'intérêt d'une technologie
particulière : celle du haut débit par satellite.
Cette technologie, qui est en plein essor dans le reste de l'Europe, n'est
plus viable économiquement en France, les redevances de mise à disposition et
de gestion de fréquences radioélectriques grevant lourdement son
développement.
Il faut rompre le carcan qui étouffe des milliers de communes de la France
rurale. Pour ce faire, il faut alléger de manière drastique la fiscalité
néfaste pesant sur le système satellitaire, et obtenir de l'Autorité de
régulation des télécommunications l'attribution des fréquences qui permettront
à des zones entières du territoire, particulièrement aux régions de montagne,
de surmonter les handicaps liés à leur isolement.
Je souhaite donc, monsieur le ministre, vous poser une deuxième question : que
comptez-vous faire pour favoriser le développement des technologies de
l'information et de la communication en zones rurales, en particulier celui du
haut débit par satellite ?
En ce qui concerne la réforme des zonages, il semble éminemment souhaitable
que le nouveau gouvernement accepte d'expérimenter la création de zones
franches rurales, comme le suggère avec insistance le récent rapport de la
mission d'information sur la montagne. Je souhaiterais, monsieur le ministre,
connaître votre sentiment sur ce sujet.
S'agissant des services publics en zones rurales, la DATAR a indiqué que le
dispositif institutionnel, qui repose notamment sur des commissions
départementales consultatives, devait être réformé. Je me réjouis bien entendu
de cette volonté de réforme. Cependant, une réforme éventuelle ne doit pas
conduire, sous couvert de modernisation, à accélérer le désengagement des
services publics de certaines zones du territoire, ce qui se traduirait par la
fin du moratoire de fait qui existe actuellement.
Certes, le moratoire n'est pas une fin en soi, car il implique l'immobilisme.
Or il est souhaitable que les structures évoluent dans le bon sens, à condition
bien sûr que le remède ne soit pas pire que le mal. Je suis persuadé, monsieur
le ministre, que vous saurez y veiller. Pouvez-vous nous indiquer où en est la
réforme de ce dispositif institutionnel ?
En résumé, l'important est d'encourager la création d'activités en zones
rurales, en s'appuyant également sur les plates-formes d'initiatives locales,
qui ont fait leurs preuves, sur l'intercommunalité, lorsqu'elle fonctionne, sur
les fonds européens, sur le FISAC, le Fonds d'intervention pour la sauvegarde,
la transmission et la restructuration des activités commerciales et
artisanales, qui est au service du petit commerce, et sur des sociétés de
capital-risque adaptées à de petits projets, ce qui est rarement le cas dans
les départements.
En un mot, il faut faire feu de tout bois pour créer des activités nouvelles
avant que le monde rural, par trop isolé, trop longtemps oublié, ne tombe en
cendres.
Par ailleurs, la politique d'aménagement du territoire est trop souvent mise
en oeuvre par des techniciens certes de très haute qualité, mais parfois trop
éloignés du terrain. Je souhaiterais donc, monsieur le ministre, vous poser une
dernière question : ne pensez-vous pas qu'il serait éminemment souhaitable de
diversifier davantage le recrutement du personnel de la DATAR, afin que
celui-ci s'enrichisse des compétences d'hommes et de femmes ayant une réelle
expérience de terrain ?
Au terme de ce rapport, je souhaiterais, monsieur le ministre, vous remercier
et vous féliciter, ainsi que vos proches collaborateurs, en particulier M.
Nicolas Jacquet, nouveau délégué à l'aménagement du territoire et à l'action
régionale, pour les réponses précises que vous avez bien voulu apporter à
toutes les questions que je vous ai posées s'agissant dudit rapport. Pour la
première fois depuis bien des années le ton a changé. J'ai perçu clairement une
volonté affirmée de transparence, de sincérité, de simplicité et de modestie
dans l'approche pragmatique que vous avez de tous les problèmes, ô combien
complexes, qui touchent à l'aménagement du territoire. C'est un bon signe, et
je m'en réjouis.
En conclusion, je vous rappelle, mes chers collègues, que la commission des
finances vous propose d'adopter les crédits de l'aménagement du territoire.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendant. -
M. le président de la commission des finances applaudit également).
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean Pépin,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, compte tenu du peu de temps qui m'est imparti, il ne me
sera pas possible d'être très loquace.
Le Gouvernement entend relancer la politique d'aménagement du territoire sur
de nouvelles bases, et notamment sur celle de la « dépense efficace ».
Les errements constatés au cours des dernières années dans la mise en oeuvre
de crédits pourtant dûment inscrits dans le budget, qu'il s'agisse de la prime
d'aménagement du territoire ou des dotations du Fonds national d'aménagement et
de développement du territoire, ont en effet conduit à une réflexion sur les
causes des blocages. Parmi les sujets que le Gouvernement entend prendre à
bras-le-corps, figure celui de la très mauvaise utilisation, en France, des
fonds structurels européens. La commission des affaires économiques se félicite
de cette nouvelle attitude.
Il convient, en effet, de trouver rapidement des réponses satisfaisantes à des
dysfonctionnements, sous peine de se voir refuser tout accès, en 2006, à la
future génération de fonds communautaires à vocation régionale.
Cette année, dans mon avis, j'ai consacré un volet important aux nouvelles
orientations retenues par le Gouvernement, et notamment celles qui concernent
la mise en oeuvre des fonds structurels.
S'agissant des grandes lignes qui vous ont été annoncées, la commission des
affaires économiques ne peut qu'approuver des orientations qui rejoignent les
grandes préoccupations exprimées depuis de nombreuses années par le Sénat.
La commission souligne l'importance de l'amélioration de la gestion des fonds
structurels européens. Rappelons que, chaque année, pour la France, ces fonds
représentent 2,3 milliards d'euros, c'est-à-dire à peu près dix fois le budget
de l'aménagement du territoire, qui s'élève à 260 millions d'euros.
La commission appelle de ses voeux une réflexion sur la généralisation des
études d'impact dans le domaine de l'aménagement du territoire. Couplée à un
réel effort d'imagination en matière d'ingénierie locale, cette approche, en
termes d'évaluation, pourrait en effet améliorer de manière significative
l'adéquation entre les politiques publiques et les attentes de nos territoires,
notamment les territoires ruraux qui ont grands besoin de crédits, lesquels
sont nécessaires pour nourrir ce que j'appelle le tissu territorial.
Par ailleurs, j'ai appris avec plaisir l'existence d'un amendement récent
présenté à l'Assemblée nationale - à ma connaissance, il a reçu un avis
favorable de la commission spécialisée sur ces questions - et qui concerne les
pays. Cet amendement semble prometteur. S'il est adopté, il permettra d'alléger
les procédures, de raccourcir les circuits, d'accroître l'efficacité et la
rapidité sur le terrain. Bref, il vise à simplifier pour donner de la
souplesse, et donc de l'efficacité dans la proximité. Je tenais à évoquer cet
amendement ici même bien que, faute de temps, nous n'en ayons pas parlé en
commission, mais j'ai eu l'occasion d'en discuter avec vous-même, monsieur le
ministre, et avec M. Gérard Larcher, président de la commission concernée.
Cette disposition, si elle se concrétisait, constituerait un signe tangible
des mesures qui ont été annoncées et dont certaines ont déjà été mises en
oeuvre, avec beaucoup de volonté, par votre équipe, monsieur le ministre, et en
particulier par M. Nicolas Jacquet, délégué à l'aménagement du territoire et à
l'action régionale, que j'ai plaisir à saluer à vos côtés.
Mes chers collègues, la commission vous propose de voter ce budget, en dépit
de la réduction de crédits prévue. En effet, la volonté de consommer davantage
les crédits, et j'espère que ce sera aussi le cas s'agissant des crédits
européens, a été clairement affirmée. Ainsi, sera dynamisé ce grand enjeu
qu'est l'aménagement du territoire
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 23 minutes ;
Groupe socialiste, 20 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 14 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 6 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 5 minutes.
Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des
présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser 10
minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est àMme Brigitte Luypaert.
Mme Brigitte Luypaert.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, parmi les outils devenus indispensables pour garantir un
aménagement du territoire harmonieux, figurent en bonne place une couverture
complète en téléphonie mobile et un développement de l'Internet à haut
débit.
Or force est de reconnaître que, sur ces deux plans, le département de l'Orne,
que j'ai l'honneur de représenter dans cette assemblée, n'est pas spécialement
bien loti.
L'Internet à haut débit y est pratiquement absent, alors que les entreprises,
voire certaines professions libérales, installées dans cette région,
constituent autant d'utilisateurs potentiels. Il est donc dommage que ce
merveilleux outil de travail ne puisse pas être mis à leur disposition.
Cette technologie étant relativement récente, on peut comprendre que son
développement n'ait pas encore atteint un degré optimal, mais il ne faudrait
pas trop attendre.
Il me paraîtrait très préoccupant que l'absence de couverture totale en
téléphonie mobile de mon département, comme, hélas ! de nombreux autres
départements à dominante rurale, perdure.
Selon une étude réalisée à la demande du conseil général de l'Orne, sur les
505 communes du département, pas moins de 115 ne sont pas encore couvertes par
l'un des réseaux de téléphonie mobile, ce qui représente près de 23 % des
communes et 15,4 % du territoire ornais.
Nous avons compris, depuis longtemps, que, dans un souci évident de
rentabilité, les opérateurs s'étaient attachés à couvrir en priorité les zones
les plus urbanisées ou celles où les véhicules circulent le plus, mais nous
savons également que ces réseaux sont devenus rentables, ce qui devrait tout
naturellement conduire les trois opérateurs à les étendre dans les zones non
encore couvertes.
Il faut souligner, en effet, que l'absence de couverture de très nombreuses
communes est particulièrement pénalisante non seulement sur le plan de
l'agrément ou des loisirs, mais également au regard du développement de
l'activité économique et, surtout, de la sécurité. Ainsi, nombreux sont les
médecins et les vétérinaires de mon département qui se plaignent de
l'insuffisante couverture en téléphonie mobile, qui gêne considérablement leur
activité.
Certains opérateurs ont argué du fait que la nécessité d'obtenir, dans
certains cas, deux autorisations pour l'installation de leurs infrastructures,
l'une des Bâtiments de France et l'autre du Parc naturel du Perche, pouvait
ralentir leur implantation. Or cela ne résiste pas à un examen sérieux. En
effet, s'ils avaient exprimé leur souhait d'installation suffisamment tôt, ils
auraient réuni depuis longtemps toutes les autorisations nécessaires.
En 2002, les trois opérateurs de téléphonie mobile s'étaient mis d'accord pour
programmer une couverture totale de l'ensemble du territoire dès 2003. Il faut
bien admettre que nous en sommes encore très loin.
J'ai cru comprendre qu'ils avaient récemment réitéré cet engagement : j'ose
espérer que celui-ci sera tenu.
Monsieur le ministre, vous avez affirmé, dernièrement, que le Gouvernement
faisait de la téléphonie mobile un enjeu majeur d'aménagement du territoire, et
je vous en remercie. Je souhaiterais savoir quand les trop nombreuses « zones
blanches » du département de l'Orne seront couvertes.
Par ailleurs, le Gouvernement envisage-t-il de demander à l'Assemblée
nationale de se prononcer sur une proposition de loi adoptée par le Sénat,
relative à la couverture territoriale en téléphonie mobile de deuxième
génération par la mise en oeuvre prioritaire de prestations d'itinérance locale
entre opérateurs ?
Cette technique repose sur le déploiement d'un seul réseau par un seul
opérateur, qui s'engage à accueillir sur son réseau les appels des abonnés des
autres réseaux. Elle présente, semble-t-il, un très gros avantage : elle serait
beaucoup moins onéreuse pour les opérateurs que le partage d'infrastructures et
elle permettrait peut-être d'accélérer le processus d'implantation de
celles-ci.
Je suis persuadée que si nous unissons nos efforts et si nous parvenons à
persuader les opérateurs que, finalement, ils ont tout à gagner à couvrir la
totalité du territoire français en téléphonie mobile, nous relèverons ce défi,
avant de nous attaquer au suivant, à savoir la couverture de nos territoires
urbains et ruraux en Internet à haut débit. De cette manière, les nouvelles
technologies ne seront plus réservées à une élite urbaine et un très grand
nombre de compatriotes pourront y accéder.
Je vous fais confiance, monsieur le ministre, pour nous aider à régler ce
problème, qui constitue une entrave au développement de mon département, qui
est fortement rural.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste
et du RPR.)
M. le président.
La parole est à Mme Evelyne Didier.
Mme Evelyne Didier.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, le budget soumis à notre examen est le budget de
l'aménagement du territoire, mais il représente une toute petite partie des
crédits consacrés à l'aménagement du territoire dans notre pays puisque les
crédits proviennent, pour l'essentiel de différents ministères, notamment des
ministères chargés des transports, de l'agriculture et de la pêche, de
l'industrie, ou encore de l'enseignement. Cette situation relativise quelque
peu nos propos.
Cependant, ce budget traduit les orientations voulues par le Gouvernement,
puisqu'il finance des outils destinés à la fois à la réflexion, à la recherche
et à l'accompagnement des politiques territoriales, notamment en ce qui
concerne des zones en difficulité. En Lorraine, je peux vous le dire, nous
savons ce que cela signifie !
C'est pourquoi nous devons l'examiner au regard des autres budgets afin de
percevoir les véritables priorités du Gouvernement.
D'une manière générale, pour cette loi de finances 2003, il s'agit du gel
d'une partie des crédits 2002, de la construction du budget 2003 à partir des
reports des années précédentes - pour financer les nouvelles mesures, notamment
- du report à mi-2003 d'un certain nombre de financements sous le prétexte de
faire le point. La notion même de budget de transition vous permet, de fait, de
gagner un an, au moins, en trésorerie, mais aussi en termes de budget.
Vous avez ouvert, en août 2002, une parenthèse qui ne se refermera qu'en
juillet 2003.
A ce propos, monsieur le ministre, je souhaiterais que vous m'indiquiez
précisément ce que le Gouvernement entend par « gel des crédits » et «
régulation budgétaire ».
Cela concerne pas moins de 45 % des crédits de l'année 2002 pour le budget de
l'aménagement du territoire, qui n'échappe donc pas à la règle.
De plus, celui de 2003 apparaît en diminution de l'ordre de 6 %, par rapport à
l'année précédente.
Cette rupture dans la progression des moyens ne peut que nous inquiéter au
moment où vous engagez une nouvelle phase de la décentralisation à marche
forcée. Celle-ci aurait pourtant nécessité une préparation et une réflexion
plus approfondie durant laquelle la DATAR, le commissariat au plan et les
instituts de réflexion comme l'Institut des hautes études de développement et
d'aménagement du territoire, l'IHEDAT, auraient pu jouer leur rôle.
Au lieu de cela, vous voulez supprimer l'IHEDAT et vous réduisez le budget
géré par la DATAR.
L'Etat, notamment à travers sa politique d'aménagement du territoire, doit,
plus que jamais, demeurer le garant de la cohésion nationale et sociale, alors
que l'écart entre les pauvres et les riches s'accentue sans cesse entre les
personnes, entre les quartiers et entre les régions de notre pays, en matière
tant de revenu que de services.
Seule une politique volontariste de la part de l'Etat compensera en partie les
inégalités.
Or force est de constater que certains outils de péréquation sont malmenés.
Les moyens des services de la DATAR sont en diminution, ainsi que les crédits
consacrés aux études.
Les crédits de la PAT, la prime d'aménagement du territoire, diminuent de 20 %
pour 2003.
De plus, la majorité des crédits 2002 ont été gelés ; une autre part a été
reportée vers 2003.
Rappelons que la PAT, destinée à favoriser l'implantation d'entreprises en
zones fragiles, ne convient pas à Bruxelles. Et l'on retrouve ici une autre
constante de l'action gouvernementale : redevenir un bon élève de l'Union
européenne, notamment pour ce qui concerne l'ouverture des marchés.
Le Fonds national d'aménagement et du développement du territoire, le FNADT,
connaît des reports, certes importants, mais cela justifie-t-il que 38 % des
crédits 2002 soient gelés ?
Quelles répercussions cela aura-t-il sur les contrats de plan ?
Enfin, je ne voudrais pas achever mon intervention sans évoquer les services
publics qui subissent actuellement des fermetures de sites : bureaux de poste,
recettes des finances, commissariats, gendarmeries, agences de la Banque de
France, et j'en oublie sans doute. A cet égard, je citerai l'arrondissement de
Briey, en Meurthe-et-Moselle, qui est particulièrement touché par ces mesures
de concentration.
J'ajoute, et je terminerai par ce point, que la réduction importante, de
l'ordre de 16 %, de la participation des autres ministères qui concourent à
l'aménagement du territoire nous conforte dans notre idée : la politique
d'aménagement du territoire est amoindrie et le budget, en nette régression,
est sans commune mesure avec les moyens qui permettraient d'améliorer
véritablement la situation que connaît la France, et ses territoires, afin de
réduire les fractures territoriales et sociales.
Pour toutes ces raisons, vous l'avez compris, monsieur le ministre, nous ne
voterons pas le budget de l'aménagement du territoire.
(Applaudissements sur
les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président.
La parole est à M. Bernard Joly.
M. Bernard Joly.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, la France est passée, en vingt ans, d'une gestion de son
territoire par un Etat centralisé à une gestion de territoires, multiple et
multiforme, relevant d'acteurs de plus en plus nombreux. En effet, à côté des
communes, des départements et des régions, de nouvelles structures ont été
créées : pays, agglomérations, structures intercommunales, associations,
syndicats mixtes.
L'accumulation de ces dispositifs a conduit à un enchevêtrement des
périmètres, des procédures et des projets, qui tend à rendre l'ensemble peu
lisible par le citoyen. Il apparaît donc nécessaire de s'interroger sur la
pertinence de certains d'entre eux.
A ce jour, environ 320 pays sont soit constitués, soit en cours de
constitution ou en projet. Si l'on doit saluer la dynamique créée par cette
nouvelle structure, il faut également rappeler que les pays doivent rester
simplement des espaces de projets et de contractualisation. Ils n'ont en effet
pas vocation à devenir de nouvelles collectivités locales ou des
circonscriptions administratives.
L'agglomération ou l'intercommunalité est, quant à elle, essentielle pour le
développement harmonieux des territoires. Elle répond à une logique
institutionnelle visant à remédier à l'émiettement trop important des communes
en France. Toutefois, on ne peut que regretter le passage, en dix ans, d'une
intercommunalité choisie à une intercommunalité forcée, dans laquelle le préfet
décrète plus souvent la fusion de communes qu'il n'entérine la volonté des
habitants et des élus, reproduisant ainsi les dérapages du centralisme
jacobin.
Pour conclure sur ce point, je saluerai d'abord le projet du Gouvernement de
clarifier l'ensemble du dispositif, dont la complexité et, parfois, le manque
de cohérence déroutent les acteurs locaux. J'insisterai ensuite sur la
nécessité de faire reposer la force de nos territoires sur ces communes à
taille humaine qui constituent la cellule de base de notre société.
Au-delà de cet objectif de simplification, il en est un qui me tient à coeur,
car je suis moi-même élu rural d'une région : la prise en compte des problèmes
de la ruralité.
Les politiques nationales n'ont en effet pas suffisamment pris en compte, ces
dernières années, les conséquences de l'évolution des territoires. Si les
agglomérations urbaines concentrent aujourd'hui 80 % de la population, on
constate une évolution démographique favorable dans un nombre croissant de
communes rurales.
Il est donc indispensable de définir une politique qui engage une dynamique
économique au profit des territoires ruraux, reposant notamment sur la création
d'activités nouvelles, sur le maintien de prestations de services, sur le
développement de la pluriactivité, sur la protection des espaces agricoles
périurbains et sur la rénovation de l'habitat ancien.
Votre collègue M. Hervé Gaymard a annoncé le dépôt prochain d'un projet de loi
en faveur de l'espace rural. Je m'en réjouis, et je doute pas que vous
contribuerez à son élaboration. Pouvez-vous nous indiquer quelles seront les
grandes lignes que vous défendrez au titre de votre ministère ?
Enfin, il est un dernier point sur lequel je voudrais appeler votre attention,
monsieur le ministre : la suppression, dans votre projet de budget pour 2003,
des crédits destinés à l'Institut des hautes études pour l'aménagement du
territoire, l'IHEDAT.
L'IHEDAT est certes une très jeune institution, mais elle a su attirer à elle,
à raison de promotions d'une cinquantaine d'auditeurs par an, des cadres
supérieurs d'entreprises publiques et privées ou d'organismes de presse, des
fonctionnaires et des élus locaux, voire nationaux. La qualité de la formation
qu'il assure et les échanges qu'il suscite permettent de construire et de
diffuser une véritable culture de l'aménagement du territoire.
Au moment où s'engagent des actions pour approfondir la décentralisation,
élargir l'Union européenne, promouvoir le développement durable et améliorer
l'attractivité du territoire, il serait dommageable, pour réaliser une économie
de 500 000 euros, de casser un tel outil !
Lors de la discussion à l'Assemblée nationale de l'amendement visant à
supprimer ces crédits, il semble, monsieur le ministre, que vous ayez admis le
principe d'une suspension plutôt que d'une suppression, afin de consolider les
fondements de cet organisme et d'en préciser les objectifs. Néanmoins, une
année blanche est fort périlleuse : les équipes se démobilisent et se
dispersent, les intervenants prennent d'autres engagements, la confiance
s'érode.
A défaut de rétablir ces 500 000 euros, maintenons au moins une ligne
symbolique permettant de conserver une structure minimale qui sera capable de
relancer l'institut sur des bases renouvelées. Tel est le sens de l'amendement
que j'ai déposé avec mes collègues Jean-Claude Gaudin et Daniel Hoeffel.
La politique d'aménagement du territoire, à ses débuts, était destinée à
remédier aux déséquilibres entre Paris et le « désert français ». Aujourd'hui,
elle tend davantage à améliorer la compétitivité de la France et l'attractivité
de ses territoires. Demain, elle devra accompagner l'approfondissement de la
décentralisation en garantissant la cohérence territoriale.
En tout état de cause, nous attendons une politique qui s'intéresse aux flux
et privilégie une approche globale ; qui passe du traitement social du
territoire au traitement structurel des territoires ; qui tire le meilleur
parti de ces derniers pour atténuer la pression de l'effort qui, en France,
pèse trop exclusivement sur le travail et le capital.
Nous vous faisons confiance, monsieur le ministre, pour définir les cadres
territoriaux et les modes d'action publique adaptés pour accompagner cet enjeu.
(Applaudissements sur certaines travées du RDSE, sur celles du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à Mme Yolande Boyer.
Mme Yolande Boyer.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, depuis plusieurs années, j'interviens à cette tribune sur
l'aménagement du territoire, au nom du groupe socialiste. Aujourd'hui, je dois
vous avouer ma déception devant le budget qui nous est proposé et le manque de
perspectives qu'il trace à l'aménagement du territoire.
Voici quelques-unes des raisons de ma déception.
La première, c'est bien sûr la baisse globale des crédits, en recul de 5,8 %
dans le projet de budget pour l'aménagement du territoire proprement dit, que
le rapporteur spécial lui-même, M. Roger Besse, a qualifié à l'instant de «
moins dynamique » que celui de l'année dernière. Mais les autres budgets, et
non des moindres, qui contribuent fortement à l'aménagement du territoire - je
pense notamment aux transports, à l'éducation nationale, à l'agriculture, à
l'industrie - sont, quant à eux, en chute libre, perdant 16 %.
La seconde raison de ma déception tient au fait que l'aménagement du
territoire ne semble pas être une priorité, et deux points au moins illustrent
mon affirmation : le désengagement que traduit le projet de loi de finances
rectificative et le gel des grands projets d'infractructures.
La troisième raison est le flou qui entoure les perspectives d'évolution des
territoires. Je rappelle ici le débat sur la décentralisation et la volonté
affichée de mettre les territoires en compétition, le refus d'inscrire dans le
projet de loi constitutionnelle l'intercommunalité, le manque de clarté sur le
devenir des pays issus de la loi d'orientation pour l'aménagement et le
développement durable du territoire, la LOADDT - j'y reviendrai tout à l'heure.
J'avoue ma surprise en entendant le rapporteur pour avis, M. Pépin, évoquer une
éventuelle modification du dispositif des pays, possibilité dont la commission
des affaires économiques du Sénat, dont je fais partie, n'a pas été saisie.
J'ai tout de même un motif de satisfaction, monsieur le ministre, et je vous
en donne acte : je veux parler de la volonté de rationaliser et de simplifier,
donc de mieux consommer les fonds structurels européens.
Vous affichez trois priorités : développer l'attractivité des territoires ;
anticiper et accompagner leur mutation ; développer la solidarité entre eux.
Toutefois, vos propositions et vos actes ne les confirment pas, et les sept
questions que je vais vous poser le mettront en évidence.
Premièrement, la simple reconduction des crédits pour 2002 de la prime
d'aménagement du territoire, la PAT, n'est-elle pas étonnante quand on sait que
cette prime sert directement l'emploi ?
Deuxièmement, s'agissant de l'Agence française des investissements
internationaux, l'AFII, que penser de la réduction des crédits qui visent à
favoriser l'implantation d'entreprises étrangères ?
Troisièmement, quelles mesures concernant le développement des nouvelles
technologies d'information et de communication, les NTIC, entendez-vous prendre
? Mon collègue Claude Saunier reviendra sur ce point dans quelques instants.
Quatrièmement, quel sera le devenir des schémas de services collectifs ?
Cinquièmement, quelle est votre politique en matière de services publics ?
Sixièmement, s'agissant des contrats de plan Etat-régions, les CPER, quelles
sont exactement vos intentions, alors que vous avez annoncé le report d'une
année du volet territorial ? Mon collègue Daniel Reiner développera plus
longuement, tout à l'heure, ces trois dernières questions.
Enfin, s'agissant du fonds national d'aménagement et de développement du
territoire, le FNADT, quel sera son rôle, en cette période marquée par
l'incertitude économique et par les licenciements massifs qui se profilent dans
nombre d'entreprises ?
Pour nous, en tout cas, votre nouvelle politique n'est pas lisible, et sur
certaines travées de cette assemblée apparaissent même des comportements que
l'on pourrait qualifier de revanchards à l'évocation de trois lois qui, à nos
yeux, sont essentielles, à savoir les lois Voynet, Chevènement et Gayssot. Vous
vous apprêtez, monsieur le ministre, à les « mettre en cohérence » : nous
aimerions savoir ce que cela signifie et quelles conséquences en
découleront.
Dans la seconde partie de mon propos, je veux aborder trois points : l'avenir
des pays issus de la LOADDT ; l'articulation entre les différents outils de
l'aménagement du territoire ; enfin, les crédits de l'Institut des hautes
études pour le développement et l'aménagement du territoire.
En France, la notion de terroir et de pays est ancienne. Dans certaines
régions, les contrats de pays ont environ une vingtaine d'années. Ils se sont
souvent créés naturellement, par nécessité de fédérer les acteurs pour
développer un territoire. L'intercommunalité et les lois que j'ai évoquées ont
contribué à les formaliser et ont favorisé leur développement massif.
Des régions comme la mienne, la Bretagne, sont pour ainsi dire couvertes de
pays, et je peux citer l'emblématique pays du Centre-Ouest-Bretagne, qui est à
cheval sur trois départements.
Que se passera-t-il demain, monsieur le ministre ? Créera-t-on des pays, « à
la carte » comme vous sembliez le suggérer devant la commission des affaires
économiques ?
On parle de supprimer les CRADT, les conférences régionales d'aménagement et
de développement du territoire. Dès lors, qui déterminera les périmètres ? Quel
type de contractualisation sera possible ?
Je veux insister sur le rôle des conseils de développement au sein des pays,
qui sont un exemple de la capacité de travailler ensemble des acteurs
socio-économiques et des élus. Ils permettent de fédérer les énergies.
Les pays sont une chance, particulièrement en milieu rural, où l'on ne trouve
ni les moyens financiers, ni les compétences humaines, ni l'ingénierie des
communautés urbaines ou des communautés d'agglomération. Monsieur le ministre,
il faut dissiper les inquiétudes de celles et de ceux qui, dans l'intérêt de
leur territoire et dans un souci de solidarité, se sont investis dans ces
structures.
J'en viens à l'articulation entre les différents outils de l'aménagement du
territoire, qui, de toute évidence, doit être améliorée. Il est cependant
regrettable que des mesures intéressantes qui ont été mises en place récemment
soient suspendues ou modifiées. Il en est ainsi des contrats territoriaux
d'exploitation, dont l'influence est loin d'être mineure sur l'aménagement du
territoire : nous attendons de savoir ce que seront les nouveaux contrats
d'agriculture durable. Il en est de même pour les SCOT, dont l'objet était
d'introduire une certaine cohérence dans les politiques d'aménagement et
d'urbanisme. Et je pourrais encore évoquer la méfiance toujours grande que
nourrissent certains à l'égard des structures de coopération intercommunale,
largement relancées en 1999.
Tous ces outils, sans être parfaits, contribuent à une vision plutôt cohérente
des politiques d'aménagement du territoire ; la survie d'aucun d'entre eux ne
semble assurée.
J'aborderai enfin la question des crédits de l'IHEDAT. L'amendement visant à
leur suppression, déposé par le rapporteur à l'Assemblée nationale, M. Louis
Giscard d'Estaing, semble répondre à des considérations d'économies tous
azimuts. L'IHEDAT, dont j'ai la chance et l'honneur d'être auditrice pour la
présente session, a été créé sur un modèle fonctionnant depuis des années,
celui de l'Institut des hautes études de la défense nationale, l'IHEDN.
Personne parmi les signataires de l'amendement, semble-t-il, n'a cherché à
vraiment connaître le fonctionnement de l'IHEDAT, ni même à savoir comment se
sont déroulées les premières promotions, encore moins les raisons qui ont
conduit à sa mise en place, et c'est inquiétant. Je reviendrai plus au fond sur
ce dossier lors de la discussion de l'amendement que j'ai déposé.
Pour conclure, monsieur le ministre, je soulignerai que je ne vois pas dans
vos propositions budgétaires d'ambition pour l'aménagement du territoire.
Quelle noble et difficile tâche, pourtant, que de faire en sorte que chacun
d'entre nous, où qu'il soit sur notre territoire, ait les mêmes chances, les
mêmes atouts ! Cela s'appelle aussi la solidarité. Je ne vois pas de dynamique
allant dans ce sens.
Peut-être le CIADT du 13 décembre sera-t-il pour le Gouvernement l'occasion de
préciser sa vision. En attendant, au vu des éléments que j'ai exposés, nous ne
pourrons voter votre budget.
(Applaudissements sur les travées du groupe
socialiste et sur celles du groupe CRC.)
M. le président.
La parole est à M. François Zocchetto.
M. François Zocchetto.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, un bon
budget n'est pas nécessairement, selon moi, celui dont les crédits affichés en
loi de finances initiale augmentent, c'est celui dont les crédits sont
effectivement consommés.
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances.
Très bien ! Excellent !
M. François Zocchetto.
Or, s'agissant des crédits dévolus à l'aménagement du territoire, et compte
tenu de leur sous-consommation chronique, on peut fort légitimement
s'interroger sur l'efficacité de la dépense publique dans ce domaine.
Les rapporteurs l'ont souligné : les taux de consommation des crédits des
contrats de plan Etat-régions oscillent entre 25 % et 35 %, alors qu'ils
devraient atteindre 42 %.
Mais la palme - si j'ose m'exprimer ainsi ! - revient incontestablement aux
immenses retards pris dans la consommation des crédits des fonds structurels
européens, dont 15 % seulement ont été programmés. Cela entraîne le risque de
voir ces crédits purement et simplement annulés : rappelons que notre pays doit
percevoir 16 milliards d'euros pour la période 2000-2006, dont 3,32 milliards
d'euros en 2003.
Vous avez engagé, monsieur le ministre, une réforme des modalités
d'attribution des fonds européens, qui seront beaucoup plus proches du terrain.
Nous vous en félicitons. Il sera également très intéressant de voir les
résultats concrets de l'expérimentation de la gestion décentralisée des fonds
structurels européens qui est en cours en Alsace. Il n'est pas certain, en
effet, que les blocages proviennent toujours d'une volonté parisienne ou
bruxelloise : au niveau décentralisé, on peut se demander si certaines
personnes qui sont au service des collectivités et de leurs concitoyens et qui
disposent d'une parcelle d'autorité sont réellement animées de la seule volonté
de faire aboutir les procédures d'obtention de fonds européens. De tels
comportements ont déjà été signalés dans un certain nombre de départements
français.
Cela étant, si la réforme des procédures est importante, il conviendrait en
outre d'aider les collectivités territoriales à « monter » leurs projets. En
effet, elles manquent souvent d'ingénierie - cela a déjà été souligné à cette
tribune - comme de cadres suffisamment formés, suffisamment armés pour cette
tâche, qui est souvent difficile.
Sur le terrain, nous connaissons également un gros « point noir » en matière
de fonds structurels : les retards de paiement. Nous souhaitons évidemment les
voir se réduire, car ils coûtent très cher aux collectivités concernées.
La question peut également se poser de savoir si, en matière d'aménagement du
territoire, les organismes et les divers fonds, nationaux ou européens, ne sont
pas surabondants. En d'autres termes, les 10 milliards d'euros qui sont
dépensés chaque année en faveur de l'aménagement du territoire sont-ils
véritablement dépensés à bon escient ? N'y a-t-il pas un peu de perte « en
ligne » ?
L'aménagement du territoire doit bien sûr répondre aux souhaits profonds de la
population, notamment de la population rurale, qui, tout en étant très attachée
à une certaine qualité de vie, est désireuse d'accéder à un minimum de
services, ce qui paraît pour le moins légitime !
De ce point de vue, le retard observé dans les zones rurales pour le
développement de la téléphonie mobile et de l'Internet à haut débit est
navrant.
Ainsi, la majeure partie de mon département, la Mayenne, n'est pas couverte en
téléphonie mobile, et encore moins en Internet à haut débit. Vous le
comprendrez, c'est là un frein considérable à l'installation d'entreprises
nouvelles !
Enfin, je souhaiterais attirer votre attention sur certains retards très
importants en matière de grandes infrastructures, notamment, dans la région des
Pays de la Loire, en matière d'équipements routiers et de crédits affectés aux
routes nationales : la région des Pays de la Loire avait en réserve deux années
de crédits qu'elle n'avait pu consommer parce que l'Etat n'avait pas engagé sa
part de dépenses correspondante, soit la moitié du coût des opérations.
Les retards pris pour le TGV suscitent également une certaine incompréhension.
Ils concernent, en dépit des efforts très importants consentis par certains de
nos collègues ici présents, les études et, plus encore, la réalisation du
fameux barreau sud, indispensable à l'aménagement du territoire pour effectuer
la jonction des TGV Ouest, Sud et Nord.
M. Roland du Luart.
Très bien !
M. François Zocchetto.
Je me permets donc, monsieur le ministre, de vous rappeler à quel point il est
urgent de « relancer la machine ».
Je dirai deux mots sur les pays. A l'occasion d'une question d'actualité,
monsieur le ministre, je me suis permis, voilà trois semaines, de vous rappeler
que la situation actuelle ne pouvait durer. Les collectivités qui ne sont pas
engagées dans une démarche de constitution de pays ont besoin de savoir où
elles vont : une telle démarche est-elle obligatoire ou ne l'est-elle pas ?
Nous souhaitons vivement obtenir une clarification d'ordre réglementaire, voire
législatif, dès le début de l'année 2003, qui rendra cette procédure, si
possible, optionnelle ; qui confortera les communautés de communes existantes,
quitte à les regrouper ; et qui, surtout, ne créera pas de nouvel échelon
administratif, car nous n'en voulons pas.
En dépit de toutes ces observations, que je veux positives, je reste
évidemment confiant dans vos réponses et dans la qualité de votre action,
monsieur le ministre, et je ne manquerai pas de voter le projet de budget que
vous nous soumettez.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste,
du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Bernard Fournier.
M. Bernard Fournier.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, avec la politique d'aménagement du territoire, le Sénat
examine ce qui fut incontestablement l'un des parents pauvres du gouvernement
Jospin.
(M. Claude Saunier s'exclame)
Je parle non pas forcément de chiffres,...
M. Claude Saunier.
Absolument !
M. Bernard Fournier.
... mais de volonté politique, puisque les trois grandes lois de la dernière
législature, la loi Gayssot, la loi Voynet et la loi Chevènement, ont eu toutes
les trois une visée purement urbaine, exclusivement urbaine.
Or la France n'est pas le deuxième arrondissement de Paris ! Si certains l'ont
découvert au soir du 21 avril, nous le savions déjà, elle est riche de ses
plaines et de ses montagnes, de ses villes et de ses campagnes !
Le contexte budgétaire, ô combien difficile, ne permet pas de dégager toutes
les marges de manoeuvre que nous espérions ici, dans cette grande maison des
collectivités locales que nous sommes.
Je ne suis pas connu pour manier la langue de bois et je le dirait tout de go
: j'aurais souhaité, monsieur le ministre, que votre département soit « mieux
servi ». Mais je comprends qu'il faut bien faire des choix, je comprends aussi
que le Gouvernement réponde d'abord à l'attente de sécurité de nos
concitoyens.
Le temps de l'aménagement du territoire est celui d'un travail de fond tandis
que les exigences de nos compatriotes sur la question de la sécurité sont des
attentes de l'urgence, qui doivent être traitées comme telles. Nous comprenons
donc bien, monsieur le ministre, la hiérarchisation des priorités que l'équipe
à laquelle vous appartenez est contrainte d'effectuer.
Le projet de budget de l'aménagmeent du territoire pour 2003 n'est donc pas un
budget publicitaire ; c'est un véritable budget de rationalisation des moyens
pour agir mieux, et il marque, malgré tout, la volonté de préserver les moyens
financiers.
Si l'on balaye les grandes lignes de vos crédits, on constate que les
autorisations de programme restent malgré tout stables. Je souligne, en outre,
que l'effort sur les dépenses de matériel et de fonctionnement permettra à la
DATAR de réaliser des économies substantielles de plusieurs millions
d'euros.
Je note aussi avec satisfaction que l'évolution interne des crédits affectés à
la prime pour l'aménagement du territoire permet une augmentation de 63,6 %
pour ce qui est de leur partie non contractualisée : cette ventilation induira
une utilisation plus souple et plus rapide des fonds concernés.
De même, des efforts doivent être faits pour améliorer la gestion du FNADT, le
Fonds national d'aménagement et de développement du territoire, trop lourde et
trop complexe.
Nous l'avons compris , l'enveloppe qui vous est affectée, monsieur le
ministre, impose une rigueur particulière et requiert une optimisation des
moyens qui vous sont donnés.
Nous ne devons pas oublier que la politique d'aménagement du territoire est
une action transversale de l'Etat et que les crédits qui lui sont accordés
doivent être analysés ministère par ministère. Nous ne devons pas non plus
oublier que les fonds structurels, qui sont le fer de lance des moyens dont
nous disposons, représentent douze fois le montant des crédits de votre
département ministériel.
L'action du Gouvernement devrait donc, à mon sens, se concentrer, en fonction
des moyens dont nous disposons, sur l'assouplissement des procédures liées à
l'aménagement du territoire et sur l'optimisation des moyens qui sont déjà
acquis. Je regrette ainsi que le taux d'exécution des crédits programmés dans
les DOCUP - documents uniques de programmation - ait été, sous l'ancienne
législature, inférieur de moitié à ce qu'il aurait pu être.
C'est là un grand mal français car, comme chacun le sait, les fonds
structurels non consommés risquent d'être gelés. A ce titre, il serait
souhaitable que les préfets communiquent plus, et plus souvent, de manière que,
localement, et en temps réel, les initiateurs de projets puissent connaître
l'état des financements auxquels ils peuvent prétendre.
Notre pays est une pépinière d'idées en mal de financement, et cela fait un
peu mal au coeur de savoir que les crédits non consommés deux ans après leur
programmation ne peuvent plus être reportés et sont purement et simplement
annulés.
La politique d'aménagement du territoire est le levier de la compétitivité de
notre pays, et nous ne devons pas l'ignorer. Cela passe non seulement par de
l'argent, mais aussi par une volonté politique. Je ne doute pas un seul instant
que vous l'ayez.
Quelques questions très concrètes méritent toutefois d'être posées par les
élus locaux que nous restons, par les élus ruraux que nous sommes. Ainsi, nous
souhaiterions connaître les intentions du Gouvernement concernant la couverture
du territoire par les réseaux de téléphonie mobile, ce qui reste un des grands
témoins de la fracture technologique entre ville et campagne, ainsi que la
couverture de toutes les zones par le haut débit.
Nos préoccupations se tournent encore vers le nécessaire maintien du service
public en zone rurale.
Je souhaite, à titre personnel, que des mesures très fortes soient prises dans
ce domaine, pour que nos villages et nos bourgs, nos bourgs-centres notamment,
ne soient plus dépouillés de leur maillage administratif, industriel et
commercial, alors que le précédent gouvernement avait clairement fait le choix
du « tout urbain ». Nous devons stopper l'hémorragie qui menace nos campagnes
et assurer à nos concitoyens des services publics sur tout le territoire.
Lorsque des mesures de rationalisation, de suppression de postes, de réduction
des horaires sont envisagées, les équipes municipales doivent être non
seulement consultées, mais entendues : ce n'est pas le cas aujourd'hui et vos
intentions ne devront pas rester des voeux pieux !
Je citerai l'exemple du groupement postal du Forez et, plus précisément, de
Sail-sous-Couzan, commune chère à mon coeur, non seulement parce qu'elle est la
patrie d'Aimé Jacquet - ô combien célèbre ! - mais encore parce qu'elle se
situe dans mon département, où La Poste, unilatéralement et brutalement, va
réduire ses services au public.
Bref, monsieur le ministre, vous héritez d'un département lourdement marqué
par les positions dogmatiques de vos prédécesseurs et largement touché par la
rigueur budgétaire que l'ancienne équipe et la conjoncture nous imposent. En
conséquence, nous souhaitons que, cette année, votre département assainisse la
situation - c'est le sens du budget que vous nous présentez -, de façon à
pouvoir, dans les prochains exercices, déployer tous les efforts qu'il faut
consacrer à une politique ferme et volontariste d'aménagement du territoire.
Pour toutes ces raisons, nous voterons le budget que vous nous soumettez,
monsieur le ministre.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, 268 millions d'euros pour le budget de l'aménagement du
territoire - et même moins puisque l'Assemblée nationale a déjà rogné un peu
les crédits et que la commission des finances s'apprête à en faire autant -,
c'est un montant mesuré. C'est le lot assez traditionnel de ce budget. Vos
prédécesseurs, monsieur le ministre, étaient souvent logés à la même enseigne,
même si on a perçu un mieux ces dernières années. L'aménagement du territoire
est rarement une priorité, et c'est bien dommage, car il s'agit de
l'environnement quotidien de nos concitoyens.
Heureusement, ce budget ne représente pas l'ensemble de l'investissement
national de l'aménagement. Au demeurant, même si l'on considère le total,
proche de 10 milliards d'euros, le montant demeure bien faible, avouons-le,
pour un Etat moderne comme le nôtre.
Au-delà des chiffres, le rôle de votre ministère est pourtant essentiel : il
est le chef d'orchestre, le rassembleur chargé de mettre en cohérence et en
perspective ; il faut en effet une expression claire des enjeux territoriaux
pour l'avenir.
Je regrette, monsieur le ministre, que, pour l'instant, cette expression
semble faire défaut. Je regrette que les discours des uns et des autres, du
Premier ministre, des ministres intéressés ou de la majorité parlementaire,
soient un peu brouillés et, parfois, contradictoires.
En effet, à l'heure où le Gouvernement soumet au Parlement son projet
d'approfondissement de la décentralisation, le budget de l'aménagement du
territoire, qui affiche une baisse - c'était déjà le cas en 1995 et en 1996 -,
nous donne le sentiment un peu étrange d'être en contradiction avec la
nécessité de donner des interlocuteurs solides à un Etat déconcentré.
Le Premier ministre, dans son discours devant les maires de France, et
vous-mêmes, monsieur le ministre, devant la commission, avez proposé des
mesures de « toilettage », de « simplification » et d'« assouplissement ».
Pourquoi pas, là où l'expérience montre que cela pourrait être utile ?
Or, parallèlement, au cours des débats, en particulier en commission, on a
sévèrement critiqué à droite plusieurs des mesures phares de la loi Voynet de
1999, notamment les schémas de services collectifs ou les pays, même si par
ailleurs, sur le terrain, on s'implique, parfois fortement, dans ces
démarches.
En résumé, nous nous interrogeons : quelle est la véritable ligne de votre
majorité aujourd'hui ?
Au fond, ce projet de budget reflète peut-être vos hésitations. Il reconduit
la plupart des crédits du budget antérieur ou joue sur les possibilités futures
de report de crédits de l'année dernière, dont certains viennent d'ailleurs
d'être annulés dans le dernier collectif, pour justifier la diminution ou la
suppression de certaines lignes.
Notre sentiment général, vous l'avez compris, n'est pas très favorable, même
s'il faut noter l'intérêt de certaines mesures comme celles qui vise à
améliorer la consommation des crédits européens.
Je souhaite maintenant attirer l'attention du Sénat sur deux points
particuliers en complément des interventions de mes collègues Yolande Boyer et
Claude Saunier.
Le premier point concerne l'avenir de la prospective territoriale.
La loi Voynet de 1999 a substitué à l'idée d'un schéma national unique - qui,
vous le savez, n'avait pas trouvé sa concrétisation en 1997 - les neuf schémas
de services collectifs réalisés dans une large concertation avec les acteurs de
l'aménagement du territoire en région.
Largement critiqués aujourd'hui par la majorité, ces schémas avaient reçu
pourtant un assentiment assez général parce qu'ils répondaient aux
préoccupations locales et donnaient une vision de l'action de l'Etat à
l'horizon 2020, sans occulter les aspects financiers, contrairement à ce que
l'on peut entendre ici et là.
Evidemment, les modifications rapides des conditions technologiques impliquent
une mise à jour de certains de ces documents. Toutefois, est-ce une raison pour
remettre en cause le cadre de réflexion et de travail qu'ils offrent à la
nation ? Bien sûr, il pourrait s'avérer utile de préciser la portée juridique
de certains d'entre eux sur les documents d'urbanisme, les transports par
exemple. Je pense qu'une validation parlementaire de ces schémas leur donnerait
plus d'autorité et faciliterait leur révision.
S'agissant des contrats de plan Etat-régions, autre pilier de l'aménagement du
territoire, le retard pris dans leur exécution a été souligné en maintes
occasions. Le calendrier électoral chargé de ces deux dernières années y a
largement contribué. Ne nous attardons pas inutilement sur ces retards,
récurrents pour tous les types de contractualisations pluriannuelles ou les
programmations. Rappelons-nous, par exemple, la prolongation d'une année par le
gouvernement Juppé de la précédente génération de contrats de plan. Voyons
plutôt comment les rattraper.
Monsieur le ministre, en raison des incertitudes qui planent sur les pays,
quel est l'avenir du volet territorial, dont la date limite de signature vient
d'être reportée d'une année et qui représente un quart des crédits, soit
environ 650 millions d'euros ? Il ne faudrait pas que ce report en vienne à
pénaliser ceux qui sont prêts à signer un contrat de pays.
Compte tenu de la lente montée en puissance des volets territoriaux, ne
peut-on éventuellement envisager une fongibilité des deux volets du FNADT pour
garantir une consommation optimale des crédits ?
Enfin, en matière de planification locale et même si cette question ne relève
pas directement de votre ministère, je tiens à souligner l'intérêt des schémas
de cohérence territoriale dans la définition spatiale des solidarités et des
complémentarités entre territoires urbains et ruraux.
A ce titre, nous ne pouvons que regretter la position récente de la majorité
sénatoriale, qui vise à abolir la règle dite des « 15 kilomètres », contre, je
l'espère, l'avis du Gouvernement, qui avait bien pris la mesure des risques
d'un tel amendement. Un assouplissement de cette mesure est à mon avis possible
en matière d'habitat, mais soyons prudent pour tout ce qui concerne les
implantations industrielles et commerciales.
Le second point concerne l'avenir du monde rural.
Près de 11 % de nos concitoyens vivent dans des zones à dominante rurale. Dans
les territoires particulièrement enclavés, les risques de désertification sont
importants d'autant que la déprise agricole fait disparaître l'activité
économique essentielle - je pense à l'agriculture et l'élevage - ainsi que les
commerces et les services, comme l'a démontré récemment la mission sénatoriale
sur l'enjeu territorial et économique de l'élevage.
Le maintien de la vitalité de ces espaces passe d'abord par un soutien aux
activités économiques, ce qui dépend de plusieurs ministères. A ce titre,
quelle est votre position sur les zonages adaptés à ces deux secteurs, les
territoires ruraux de développement prioritaire et les zones de revitalisation
rurale, dont on parle peu, mais qui existent ?
De même, quelle politique entendez-vous suivre en matière de maintien de
services publics essentiels ? Peut-être serait-il intéressant de relancer, sur
des échelles territoriales à définir, les schémas de services publics, qui
n'ont pas fait, jusqu'ici, la preuve de leur totale fécondité à l'échelon
départemental.
Qu'il me soit permis d'ajouter deux remarques.
Afin d'améliorer la consommation des crédits européens, vous aviez prévu pour
octobre 2002 la constitution d'équipes régionales d'animation au service des
porteurs de projets. Ces équipes sont-elles en place ? S'agit-il bien de moyens
d'ingénierie et non de personnels administratifs ?
Les seuils d'éligibilité à la prime d'aménagement du territoire ont été
abaissés par le gouvernement précédent pour soutenir des projets plus modestes.
Si la consommation des crédits s'est dégradée en 2002, ce n'est pas tant en
raison de cette réforme qu'à cause du ralentissement économique. D'ailleurs,
les chiffres le prouvent, le nombre des petits projets est en augmentation.
Prenons garde à ne pas remettre en cause, dans la précipitation, le nouveau
régime, qui est favorable aux territoires à faible potentiel et qu'il convient
d'apprécier dans la durée.
Monsieur le ministre, je conclus mon propos en rappelant que, si vous avez peu
de moyens financiers, votre rôle demeure primordial : il s'agit d'adresser un
message clair. L'intérêt de l'Etat, qui porte en lui la solidarité nécessaire à
tout aménagement territorial, est justement de donner aux territoires, en
particulier aux plus fragiles, les moyens de parler d'égal à égal. Là est sans
doute l'esprit de la déconcentration de l'Etat et de la décentralisation.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe
CRC.)
M. le président.
La parole est à M. Claude Saunier.
M. Claude Saunier.
Monsieur le ministre, les faits sont clairs. Les chiffres sont éloquents ; ils
ont d'ailleurs été soulignés par les différents rapporteurs. Ils mettent en
évidence un fait cruel, surtout pour notre assemblée : aujourd'hui,
l'aménagement du territoire ne semble pas être une priorité pour le
Gouvernement. Pourtant, c'est une question qui concerne, comme on dit ici, la
France d'en-bas. C'est une question qui préoccupe les élus locaux. C'est une
question qui devrait être au coeur de l'action gouvernementale, car elle est, à
l'évidence, étroitement liée à la décentralisation.
Il y a, entre les déclarations, les intentions et les faits, une contradiction
que nous n'arrivons pas bien à comprendre.
Comme l'a indiqué notre collègue Mme Yolande Boyer, j'aborderai pour ma part
l'examen du budget sous l'angle un peu particulier des techniques d'information
et de communication.
Ayant écouté avec attention le débat, j'ai noté que cette question qui, il y a
quelques mois ou quelques années, apparaissait comme marginale, est abordée
dans quasiment toutes les interventions. C'est désormais un élément central
lorsque nous abordons l'aménagement du territoire.
Voilà quelques mois, des déclarations très fortes ont été faites par des
personnalités éminentes sur la fracture territoriale qui serait aggravée par la
fracture numérique. Sur ce diagnostic, il y a, me semble-t-il, un consensus
national.
On sait que l'équilibre du territoire passe par le maintien et le
développement de l'emploi. On sait également que, quels que soient les
secteurs, les emplois dépendent de l'intelligence, de l'innovation et de
l'ouverture au monde, ce qui signifie que le développement et l'usage des
techniques d'information et de communication sont l'une des clés fondamentales
du développement local.
Depuis plusieurs années - ce n'est donc pas un grief que je formule à
l'encontre de votre gouvernement - la France se complaît, en cette matière
comme en d'autres, dans une vision un peu trop hexagonale. Elle n'a pas su se
donner les moyens de se mettre au niveau de la compétition internationale. Nos
principaux concurrents sont, dans ce domaine, en avance sur nous. En négligeant
les techniques d'information et de communication comme outils de développement
local, notre pays se prive de capacités de compétitivité. Il aggrave lui-même,
en outre, pour l'avenir, la fracture territoriale.
Ce constat, avec lequel, je le crois, on ne peut qu'être d'accord, me conduit
naturellement à regretter - le mot est faible - la timidité dont le
Gouvernement fait preuve en l'occurrence.
Certes, une avancée intéressante a été accomplie le 24 septembre dernier
s'agissant de la couverture du territoire par la téléphonie mobile. Toutefois,
les modalités concrètes du financement de cette couverture sont encore
terriblement incertaines et, il faut le reconnaître, singulièrement fragilisées
par la situation calamiteuse de l'opérateur historique, France Télécom.
A l'exception d'une déclaration récente particulièrement floue et nébuleuse
qu'a faite le Premier ministre dans une revue de vulgarisation scientifique, et
d'une autre devant une poignée d'industriels, nous disposons de peu d'éléments
nous permettant de cerner la stratégie du Gouvernement dans ce domaine. Nous
avons du mal à identifier les moyens financiers qui sont mobilisés en faveur de
ce que chacun devrait considérer comme un grand enjeu national.
Il est, à cet égard, révélateur que les dotations de recherche qui servent à
financer le programme « Société de l'information » - lequel ne relève pas,
c'est vrai, de votre département ministériel - soient en baisse cette année de
22 %. Des comparaisons avec les efforts consentis en la matière par d'autres
Etats seraient cruelles. Et les reculs de crédits qui ont été soulignés par les
uns et par les autres viennent encore aggraver cette situation.
Il ne suffit pas, monsieur le ministre, de déclarer, comme vous l'avez fait le
7 novembre dernier à l'Assemblée nationale, que les orientations du CIADT de
juillet 2001 à Limoges sont « totalement irréalistes » pour fonder une nouvelle
politique : nous attendons par conséquent avec beaucoup d'intérêt cette
nouvelle politique !
Il relève donc de votre responsabilité, de celle du Gouvernement, de prendre
le problème à bras-le-corps. Les enjeux et les dangers sont connus. Le
diagnostic a été dressé. Des orientations incontestées ont été définies par
l'ensemble des partenaires publics et privés, par les experts. Des moyens
considérables ont été engagés dans le passé, par l'ancien gouvernement, au
travers du FNADT et de la Caisse des dépôts et consignations, qui a été
missionnée pour s'emparer de cette question.
Sur le terrain, les choses ne bougent guère : les crédits sont, c'est vrai,
encore faiblement, très faiblement, trop faiblement utilisés. Les projets sont
encore très rares, trop rares. Parce que l'enjeu des TIC est aujourd'hui
fondamental au regard de l'équilibre de notre territoire, votre rôle est
d'engager, avec des moyens significatifs, une vaste opération de mobilisation
des énergies.
On a parlé ici même, il y a quelques instants, du défi majeur que constitue
l'accès au haut débit. Le haut débit est en effet indispensable aux écoles, aux
entreprises, aux administrations. Or, rien n'est prévu pour assurer la desserte
de vastes territoires ruraux et cette inertie signe, à terme, leur
condamnation.
Il vous revient, aujourd'hui, de missionner espressément les préfets pour
impulser des initiatives de terrain dans les départements. On sait que des
crédits sont disponibles.
La Caisse des dépôts et consignation et la DATAR ont une philosophie. Elles
ont défini dans le passé une méthodologie claire, en particulier au travers des
schémas numériques territoriaux. Leur action s'appuie sur le potentiel de
mobilisation des acteurs de terrain, qui est effectivement essentielle.
Cependant, vous ne pourrez pas éviter un véritable engagement de l'Etat pour
financer, en particulier, le haut débit.
Vous êtes, monsieur le ministre, en charge de ce département ministériel
depuis maintenant quelques mois : il faut que vous pensiez sérieusement à
passer à l'action.
La France des villes moyennes et des espaces ruraux, la France des petites et
moyennes entreprises, bref, la France d'en bas est aussi porteuse de modernité,
et j'espère que vous en êtes convaincus. Les acteurs de cette France-là
attendent vos initiatives.
Nous devons et vous devez préparer notre pays aux chocs futurs du numérique.
Je suis convaincu, comme le sont tous ceux qui suivent ce dossier depuis
plusieurs années, que les chocs du numérique seront terribles dans leurs effets
en matière d'aménagement du territoire.
Je regrette, avec un certain nombre de collègues, que votre budget, tel que
vous nous le présentez aujourd'hui, ne soit pas à la hauteur des attentes et
des besoins du pays.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste
et du groupe CRC.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
(Applaudissements sur les travées du RPR,
des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Jean-Paul Delevoye,
ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement
du territoire.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs,
j'ai été très frappé par la manifestation, sur l'ensemble des travées, d'une
ambition convergente en faveur de l'aménagement du territoire. Cette
convergence traduit, me semble-t-il, le fait que nous percevons tous, chez nos
compatriotes, l'attente d'une meilleure lisibilité de l'avenir du territoire
sur lequel ils vivent, voire d'une certitude sur cet avenir.
Globalement, notre volonté est claire : il s'agit de parvenir à concilier
l'aménagement du territoire et le développement des territoires.
Nous sommes engagés dans une mutation extêmement rapide de notre économie et
donc de l'offre territoriale. Je distinguerai, dans cette réponse aux
différents intervenants, ce qui est d'ordre proprement budgétaire et ce qui
relève de la philosophie politique de l'action gouvernementale.
M. le rapporteur spécial et un certain nombre d'entre vous se sont interrogés
sur la diminution des crédits affectés à l'aménagement du territoire, y voyant
la traduction d'un recul de la volonté politique du Gouvernement.
J'ai eu l'occasion de le dire ce matin, il nous faut, je crois, transformer
notre culture politique, rechercher l'adhésion de nos concitoyens non pas à
travers des discours de circonstance ou d'affichage, mais grâce à des actes
concrets, toujours explicités dans un souci de transparence et de vérité.
Je revendique cette diminution des crédits d'aménagement du territoire tout en
rejetant l'argument selon lequel cette diminution engendrerait un
affaiblissement de la politique du Gouvernement. Quelques chiffres me
permettront de justifier cette position.
S'agissant des crédits de fonctionnement, j'ai trouvé pour 5 millions d'euros
de reports, soit 63 % des crédits demandés en 2002 ; pour le FNAT, les reports
représentaient 65 millions d'euros, soit 85,5 % des crédits demandés ; sur la
PAT, les crédits reportés ne représentent que 18 % de la dotation au titre de
2002, mais cela fait tout de même 11 millions d'euros.
Il ne s'agit donc pas de dire : « Je suis un ministre important, car je
demande plus de crédits », c'est-à-dire plus d'argent provenant des impôts. Qui
aura le courage d'affronter nos concitoyens en leur disant : « Vous payez, mais
votre argent sera stocké quelque part et il ne sera pas employé pour mettre en
oeuvre la politique que vous attendez ? »
Aujourd'hui, dans une conjoncture difficile, demander de l'impôt inutilement -
inutilement puisque l'argent restera inemployé - c'est, à mes yeux, trahir les
contribuables, et je refuse cette attitude. Je souhaite, au contraire, passer
avec la représentation nationale un contrat d'exécution.
Nous avons, cette année, établi un contrat d'exécution de 90 millions d'euros
au titre IV sur le FNAT, de 150 millions d'euros au titre VI, de 60 millions
d'euros de crédits de paiement sur la PAT et de 67 millions d'euros
d'autorisations de programme. Je vous demande de bien vouloir nous rejoindre
pour que, au lieu de parler sur des projets, nous ayons un débat sur
l'exécution : quelle part des crédits a été consommée, pour quel type de
politique, avec quel résultat ?
Comment se fait-il que, dans nos collectivités territoriales, nous nous
attachions à débattre sur les comptes administratifs, qui assoient la totalité
de notre crédibilité sur les budgets primitifs, mais que, lorsqu'il s'agit des
finances de l'Etat, nous accordions une importance primordiale aux budgets
primitifs en nous souciant très peu de la façon dont les crédits sont exécutés
?
J'ai d'ailleurs souhaité mettre en place, à la DATAR et à la direction de la
fonction publique, des comptabilités analytiques nous permettant de suivre le
niveau de consommation des crédits.
Je crois pouvoir affirmer - et je parle sous le contrôle du nouveau délégué à
l'aménagement du territoire, dont vous avez bien voulu admettre, monsieur le
rapporteur spécial, qu'il mettait en oeuvre une culture et une pratique
différentes - que nous atteignons aujourd'hui un niveau de consommation jamais
égalé.
Monsieur le rapporteur spécial, j'ai moi-même demandé l'annulation de certains
crédits et j'ai néanmoins accepté, à l'Assemblée nationale, une diminution des
crédits. C'est ainsi que la DATAR va réaliser sur ses dépenses une économie de
près de 35 %, tout en gardant sa capacité d'exécution. C'est la raison pour
laquelle je n'accepterai pas votre amendement de réduction de 500 000 euros.
Soyons parfaitement clairs : on ne peut pas afficher une demande de diminution
sans nous indiquer sur quels crédits on veut imputer cette diminution.
Je souhaite mettre en place avec vous un contrat partenariat d'évaluation des
structures de la DATAR : à quoi sert l'argent ? Est-il bien utilisé ? Je suis
prêt à jouer totalement la transparence, à vérifier, grâce à des missions de
contrôle, la mobilisation de l'argent versé par les contribuables.
En revanche, je n'accepte pas la logique qui consiste à dire : « Commençons
par réduire et nous verrons ensuite comment cela se passe. » Je crois que nous
devons au contraire nous interroger sur le fonctionnement et l'utilité des
différents services, nous demander s'il n'y a pas des doublons, vérifier leur
efficacité. A partir d'une inspection, nous pourrons ensuite voir comment on
peut faire des économies, éventuellement après avoir constaté une certaine
inutilité.
Je peux comprendre le sens global, vis-à-vis du public, de cette diminution
des crédits. Mais pourquoi 500 000 euros ? A partir de quoi avez-vous arrêté
cette somme ? Je mesure parfaitement la qualité du travail de la commission des
finances. Mais j'aimerais qu'elle m'indique quelles réductions elle a demandées
sur chacun des budgets des ministères et quelle est donc la logique d'économie
budgétaire qui est ainsi dessinée.
En tout cas, en ce qui me concerne, j'aurai un certain nombre de propositions
à vous faire si vous persistez dans cette demande de diminution de 500 000
euros. Ces économies porteront évidemment sur des subventions et pèseront donc
sur des outils d'aménagement du territoire dans vos régions. C'est ce qui
découle nécessairement, monsieur le rapporteur spécial, de votre analyse selon
laquelle certaines structures sont inutiles. Si vous me prouvez qu'elles le
sont effectivement, je serai le premier à le reconnaître et à demander la
suppression des crédits concernés ! J'attends donc que vous m'indiquiez quelles
structures sont inutiles.
Je suis tout à fait prêt à prendre aujourd'hui des engagements en vue de la
mise en place de contrôles. Je compte même sur l'impertinence des
parlementaires. La loi LOLF vous donne des pouvoirs de contrôle sur les
ministères, et je vous invite à les utiliser.
Dites-moi sur quelles matières l'emploi de l'argent public vous paraît mériter
un examen approfondi. Je suis prêt à la plus grande transparence comme à la
plus grande exigence.
Je serai, parmi les membres du Gouvernement, le premier à renoncer à demander
des crédits que vous estimerez éventuellement inutiles ou dont vous
considérerez qu'ils sont mal employés.
Je crois d'ailleurs être le ministre qui a, d'emblée, demandé la plus forte
diminution de ses crédits.
Après avoir formulé une première demande, les fonctionnaires qui sont placés
sous ma responsabilité ont accepté - et je les en félicite - l'état d'esprit
que je souhaitais faire prévaloir : j'ai en effet refusé d'inscrire des
demandes de crédits en loi de finances lorsque le montant des reports était
important.
Les fonctionnaires de la DATAR ont, au départ, été quelque peu perturbés par
cette nouvelle façon de gérer les crédits, mais ils ont finalement intégré
cette démarche et se sont prêtés à la recherche des économies nécessaires.
Vous avez, les uns et les autres, insisté sur le développement des inégalités,
des fractures : nous sentons bien que notre économie est en train de changer de
nature, que les territoires sont de plus en plus dépendants de leur économie,
ce qui induit une certaine fragilisation, touchant notamment les territoires
ruraux.
Plusieurs d'entre vous ont plus particulièrement évoqué l'enjeu que
représentent les nouvelles technologies.
Gardons-nous de conférer un rôle surdéterminant aux infrastructures. Ne
sommes-nous pas en train de nous laisser aller à penser que les nouvelles
technologies constituent forcément la solution miracle ? Or, en elles-mêmes,
les infrastructures ne sont rien ! Ce qui compte, ce sont les services qu'elles
permettent d'offrir.
Comparons la situation antérieure à la situation actuelle, ce qui me permettra
de répondre, monsieur Reiner, au procès d'inaction que vous venez de me
faire.
Lors du CIADT de 2001, le gouvernement de M. Jospin souhaitait répartir
l'effort financier entre les collectivités territoriales, les opérateurs de
téléphonie mobile et l'Etat. Et puis, voyant diminuer fortement les recettes
qu'il pouvait tirer des licences UMTS, il a demandé aux opérateurs de bien
vouloir prendre la place de l'Etat. Ceux-ci ont immédiatement fait part de leur
accord à condition que soit abandonné le principe de l'itinérance au profit de
celui de la mutualisation.
Il existait à l'époque un contrat réservant certaines zones à tel ou tel
opérateur tandis que, dans d'autres zones, l'offre était mutualisée. C'était
non seulement instable sur le plan juridique mais aussi extrêmement dangereux,
car laisser un monopole sur un territoire, c'était condamner la
modernisation.
Résultat : il n'y a aujourd'hui qu'un seul poteau, et encore ne respecte-t-il
pas tout à fait les normes.
Face à cela, nous avons décidé de réunir les trois opérateurs et, grâce aux
efforts de l'Autorité de régulation des télécommunications, nous avons obtenu
leur accord pour mettre en place le principe de l'itinérance locale.
Par ailleurs, nous avons déjà réuni par deux fois - M. Sido en est témoin -,
sous mon autorité et sous l'autorité du délégué à l'aménagement du territoire,
une commission qui regroupe des représentants des trois associations d'élus et
des trois opérateurs, pour déterminer - en concertation avec les élus locaux -
l'implantation de 200 premiers poteaux, avec la perspective d'en installer 1
600, de façon à couvrir prioritairement une grande partie des zones dites «
blanches », où s'appliquera le principe de l'itinérance loale.
Nous avons le souci d'alerter. J'ai déjà écrit à Michel Barnier pour demander
que les fonds européens puissent être utilisés pour le financement des
téléphonies mobiles, et que l'on puisse aussi modifier les DOCUP, les documents
uniques de programmation.
J'espère pouvoir obtenir satisfaction dans la mesure où la Commission
européenne est extrêmement vigilante sur ce qui pourrait modifier le champ
concurrentiel, alors que nous pourrions aujourd'hui utiliser les fonds
européens pour inciter les collectivités locales à investir dans les
infrastructures passives, voire actives. Nous voulons permettre aux
collectivités locales d'être les maîtres d'ouvrage des infrastructures, d'être
les opérateurs des opérateurs mais non d'être opérateurs elles-mêmes.
Le calendrier est aujourd'hui très précis. L'Etat mobilisera 44 millions
d'euros. Le CIADT a arrêté le montant de la première enveloppe, soit 30
millions d'euros qui seront affectés aux régions, et les préfets, en
concertation avec les élus locaux, détermineront leurs priorités, afin
notamment de mettre en place des poteaux de téléphonie mobile permettant de
développer l'économie des territoires en privilégiant les axes structurants. Le
temps de faire les appels d'offres, de réaliser les travaux et d'obtenir les
résultats des tests qui sont actuellement engagés par les opérateurs, je pense
que, dans dix-huit mois, nous devrions voir les résultats de cette première
programmation.
Nous avons d'ores et déjà engagé avec les opérateurs un travail de réflexion
sur ce qu'il conviendrait de faire après la réalisation de cette première
tranche, même si 1 700 ou 1 800 poteaux représentent déjà une couverture
importante, afin d'apporter aux territoires une couverture maximale tout en
assurant la neutralité financière des opérateurs. Tout comme vous, nous
estimons que ce ne sont pas les technologies qui sont en cause, c'est la
capacité, par des investissements de cette nature, à offrir des services à
l'ensemble des territoires afin de pouvoir développer la synergie entre eux.
S'agissant de la question du haut débit, et vous avez là aussi raison, nous
disposons actuellement de trois réseaux.
Premièrement, le réseau national de télécommunications pour la technologie,
l'enseignement et la recherche, Renater, fonctionne bien, même si, me
semble-t-il, il faut développer l'irrigation des IUT de proximité.
Deuxièmement, les réseaux professionnels fonctionnent relativement bien, mais
le système pourrait être amélioré.
Troisièmement, s'agissant des particuliers, qui n'ont pas nécessairement
besoin d'une connexion à deux mégabit par seconde, un problème néanmoins se
pose, notamment sur les autoroutes dont il faut améliorer la couverture ; c'est
ce que l'on appelle l'irrigation ultime.
Nous réfléchissons actuellement à l'aspect technique de ce probème. L'un
d'entre vous a évoqué le système satellitaire ; nous pourrions aussi poser la
question du Wi-Fi,
wireless fidelity.
Nous voyons bien que, techniquement, tout cela est un peu compliqué. En tout
cas, nous sommes actuellement en pleine réflexion avec nos services pour voir
effectivement comment relever ce défi du haut débit. Nous mesurons bien, les
uns et les autres, que c'est aujourd'hui un atout déterminant pour valoriser
nos richesses intellectuelles, économiques, permettre la diffusion des savoirs,
favoriser l'égalité des chances et assurer, dans une complémentarité urbaine et
rurale, le développement des territoires.
C'est un sujet selon nous majeur. Pour l'instant, nous n'avons pas toutes les
réponses. Nous avons soumis au Conseil d'Etat l'article L. 1511-6 du code
général des collectivités territoriales afin que soit assurée la sécurité
juridique des investissements des collectivités locales. Sur le plan technique,
les différentes solutions que nous envisageons ne sont pas encore tout à fait
au point. Un problème notamment se pose par rapport aux infrastructures de
France Télécom qui actuellement irriguent la totalité du territoire et qui
permettraient probablement d'éviter de nouveaux investissements. Pouvons-nous
éventuellement nous appuyer sur ces infrastructures ? Nous sentons bien qu'un
grand nombre de débats, aujourd'hui encore, doivent être lancés.
Un certain nombre d'entre vous ont parlé du service public. Je ne partage pas,
monsieur le rapporteur spécial, votre souci du moratoire, étant un adversaire
farouche de cette pratique.
Dans une économie en pleine mutation, vouloir imposer un moratoire équivaut, à
l'évidence, à reculer l'échéance, à mettre les problèmes de côté, ce qui ne
règle rien. Nous devons au contraire réfléchir à la façon de modifier,
d'adapter, d'anticiper.
Les services publics ne sont efficaces et performants que s'ils répondent aux
besoins du public. Comment analysons-nous les besoins du public ? Le public
aspire, d'une part, à la simplification des démarches - gestion de proximité,
amélioration de l'accueil - d'autre part, à un traitement des procédures plus
rapide et, sur les plans juridique et technique, plus fiable.
La réorganisation des services publics en pôles de compétences, au niveau tant
de nos collectivités locales que de l'Etat, passera par la multiplication des
guichets d'accueil, permettant un découpage administratif des tâches que les
Anglais dénomment par les concepts - que je ne sais pas traduire en français -
de
front office
et
back office.
C'est ce que font d'ailleurs les
trésoriers-payeurs généraux aujourd'hui qui, lorsqu'ils ont des soucis,
appellent leur centre de ressources à Lyon, ou vos notaires qui, lorsqu'ils
sont incapables de vous apporter une réponse, consultent le CRIDON, le centre
de recherche d'information et de documentation notariales !
Dans une société de l'intelligence, nous devons mener ensemble une réflexion
politique sur la capacité d'étendre l'intelligence administrative à l'ensemble
du territoire, ce que ne peuvent pas faire les petites collectivités locales.
Nous pouvons déconnecter l'organisation administrative de l'organisation
politique au profit de tout le territoire : égalité des citoyens devant la
réponse administrative, égalité des politiques qui doivent pouvoir profiter de
la puissance de l'intelligence et de l'ingénierie administrative à la
disposition de chacun des décideurs. En effet, la véritable inégalité entre les
territoires résulte avant tout de l'inégalité de l'intelligence mise à la
disposition des élus.
Une grande ville n'a pas besoin de services importants pour mobiliser les
fonds européens : elle les a à sa disposition. Une collectivité locale de plus
petite dimension a beaucoup de difficultés à concevoir un dossier. Lorsque de
grandes collectivités se réorganisent en mutualisant les moyens sur leurs
agences d'urbanisme, on voit bien la dynamique qu'elles créent et qui risque
d'accroître les fractures et les inégalités territoriales.
C'est pourquoi j'ai lancé trois expérimentations pour pouvoir, dans certains
départements, en partenariat complet et transparent avec les élus locaux, avec
les préfets et avec les administrations, étudier comment nous pourrions
redistribuer la carte de l'offre des services publics dans un accord «
gagnant-gagnant » : gagnant pour les usagers en développant l'accueil, gagnant
pour l'ensemble des acteurs en développant la puissance administrative à la
disposition de chacun, et gagnant pour les fonctionnaires à qui sont offerts de
meilleures conditions de travail et un meilleur épanouissement.
Sur ce sujet, nous pouvons créer un mouvement qui permettra, en apportant
l'intelligence et la puissance administrative à tous les territoires de France,
l'émergence de ces projets de territoires auxquels, les uns et les autres, vous
êtes extrêmement attachés.
Je suis convaincu que la politique d'aménagement du territoire ne peut se
concevoir que parallèlement à celle du développement des territoires. Permettre
la libération d'un projet de territoire, d'une ambition collective, en
mobilisant toutes les intelligences, telle était la volonté qui a présidé à la
création des « pays ». C'est aussi la nôtre lorsque nous disons ce que doit
être le pays.
Vous avez été nombreux à nous interroger sur cette entité qu'est le pays, et
l'on voit bien qu'en France le débat porte toujours sur les structures, sur les
moyens mais non sur les objectifs.
Nous devons quitter la logique du traitement quotidien de nos territoires.
Nous devons le faire pour améliorer le confort de nos concitoyens, pour entrer
dans une logique de prospective, d'anticipation des projets de nos territoires
par rapport à leurs fonctionnalités, à leurs atouts ou à la réduction de leurs
handicaps.
Comment faire en sorte, nous qui sommes des élus politiques, que les luttes de
pouvoir, les ambitions rivales ne neutralisent pas les énergies mais, au
contraire, permettent de se rassembler autour de projets en dépassant les
intérêts catégoriels ? A l'évidence, il faut concevoir des espaces de
projets.
Nous avons souhaité que les pays soient des espaces de projets, appuyés sur
une structure juridique souple. N'étant pas un dogmatique - je conserve ce qui
me plaît dans les lois et je corrige ce qui ne me convient pas - j'ai souhaité
garder de la loi Voynet la notion d'espace de projets. En revanche,
l'application des procédures ne me satisfaisait pas.
Dès qu'un pays soutenait un projet, il devait ensuite se battre pendant deux
ans pour en justifier la pertinence devant un tribunal permanent constitué par
les commissions départementales de coopération intercommunale, les CDCI, les
conférences régionales de l'aménagement et du développement du territoire, les
CRADT, etc. Et pendant deux ans, celles et ceux qui, eux, n'avaient pas de
structure, recevaient les subventions et réalisaient leurs projets.
Nous avons donc souhaité, en respectant la volonté de chacun, simplifier les
choses. Celles et ceux qui veulent d'un pays le font ; celles et ceux qui n'en
veulent pas ne le font pas. Le pays se constitue dans un espace juridique
souple où a été supprimée toute justification de périmètre de compétences. Un
arbitre, qui n'a pas encore été déterminé, mais qui pourra être le préfet de
région, par exemple, se prononcera sur la pertinence du projet, sans qu'il soit
besoin de passer sous les fourches caudines d'un département ou d'une région,
les collectivités se bornant à soutenir les projets qu'elles estimeront
pertinents.
En tout cas, nous souhaitons que ces espaces de projets ne soient pas des
espaces d'exécution. Lorsque les crédits auront été mobilisés, l'exécution
relèvera des EPCI qui, eux, ont les moyens de réaliser les projets. Cette
séparation entre pouvoir de décision et pouvoir d'exécution est d'autant plus
importante que nous distinguons le lieu de projet du lieu de réalisation, ces
espaces pouvant dépasser les limites administratives, recouvrir un massif, ou
être transfrontaliers, comme je l'ai vu hier à Strasbourg. En tout cas, notre
position est claire ; elle consiste à donner la priorité à l'élaboration des
projets.
J'ai brièvement répondu à Mme Luypaert, qui a évoqué la téléphonie mobile.
Mme Didier a parlé de l'égalité territoriale et de la péréquation. Je ne
dispose pas aujourd'hui du temps suffisant pour répondre exhaustivement sur ce
sujet, mais nous pourrons y revenir.
J'ai en revanche répondu à M. Joly en ce qui concerne la clarification des
pays.
Vous avez parlé de la suppression de l'IHEDAT, l'Institut des hautes études de
développement et d'aménagement du territoire. Nous avons pris acte de la
volonté de l'Assemblée nationale de s'interroger sur la pertinence de cet
outil. Nous souhaitons non pas que cet outil soit supprimé, mais que ces
crédits soient suspendus afin de pouvoir analyser la crédibilité de cette
structure, Mme Boyer se faisant d'ailleurs l'avocate de cette proposition.
Mme Boyer a parlé de déception devant le manque de perspectives. Nous avons,
au contraire, une formidable perspective. Là aussi, dans les contrats de plan,
on retrouve l'affichage. Pourquoi y a-t-il aujourd'hui non-consommation des
contrats de plan ? Parce que l'on s'est amusé à mettre dans ces contrats des
dossiers dont on savait pertinemment que le taux de réalisation serait nul à la
fin de leur durée.
Cela s'appelle tromper l'opinion. Renonçons, je vous en prie, à ces effets
d'affichage. Soyons pragmatiques, soyons, peut-être, plus modestes dans nos
affichages, mais soyons concrets. La crédibilité des politiques passe par leur
capacité à mettre en oeuvre les actions qu'ils ont décidées et non par des
discours auxquels plus personne ne croit parce que les actes ne suivent pas.
(M. Jean Chérioux applaudit.)
Hervé Gaymard présentera un projet de loi de développement rural auquel les
services de mon ministère apporteront leur contribution, puisque nous sommes
coresponsables de ce texte. Nous avons aussi le souci de traiter des problèmes
de la montagne.
François Zocchetto a parlé des fonds européens. Nous avons là aussi des
décisions à prendre.
Lorsque nous sommes arrivés, les fonds européens n'étaient pas consommés. Vous
nous avez tous interrogés sur ces sujets. Nous avons pris des mesures de
simplification administrative. La France avait le mauvais génie d'ajouter aux
procédures européennes ses propres procédures administratives. Aujourd'hui,
s'agissant du décret de 1999, nous attendons la décision du Conseil d'Etat pour
permettre à l'Etat de payer des subventions même quand les travaux ont
démarré.
En début d'année, nous pensions déléguer les fonds européens directement aux
préfets. Les ingénieries régionales sont actuellement en train de se constituer
pour permettre à ceux qui ont un projet de disposer des moyens de le
formaliser.
La vocation de l'Etat est d'être stratège et en même temps partenaire de
celles et de ceux qui ont une ambition territoriale pour mobiliser les fonds.
En quatre mois, le taux de programmation des fonds européens, qui était de 15 %
au 1er juillet, c'est-à-dire que nous allions rendre des fonds européens à la
fin de 2003, est passé à 23 %.
En conclusion, je souhaite parler des infrastructures.
Certes, et ce sera le dernier point, le Gouvernement a souhaité remettre à
plat toutes les infrastructures. En effet, si nous devions financer toutes les
infrastructures qui étaient programmées à droite, à gauche et au centre, nous
en aurions pour des dizaines d'années. Ce n'est pas réalisable.
Aujourd'hui, la France est le seul pays en Europe à disposer de l'espace, et
l'explosion de la mondialisation va développer les flux de marchandises,
d'hommes et d'intelligence. L'économie de la logistique est une économie de
demain, et la France a un atout fondamental à jouer. Comment faire en sorte
qu'elle puisse se doter d'une infrastructure cohérente de transports permettant
de peser sur l'économie logistique mondiale aux plans maritime, aérien et
routier ?
Nous souhaitons avoir avec vous un débat sur les éléments que vous voulez voir
traiter en priorité. Est-ce l'émission de CO2, la sécurité des transports, la
rapidité, le cabotage, le fret dédié ? Il vous appartiendra d'en débattre avec
nous sur la base d'une étude pilotée par la DATAR, les Ponts et Chaussées et le
ministère des finances. Il nous appartiendra ensuite de réfléchir au
financement de ces infrastructures de transports.
Nous savons que les Allemands sont en train d'évaluer, à l'aide des systèmes
GPS et satellitaires, les frais kilométriques pour les transports routiers.
Aujourd'hui, nous nous plaignons de la saturation de nos routes par les poids
lourds, mais c'est la conséquence de nos choix politiques. En effet, nous avons
très longtemps favorisé leur circulation.
Nos choix politiques détermineront les types de transports que nous voulons
pour demain, alors qu'aujourd'hui les thromboses d'un certain nombre de
territoires sont liées à l'absence de main-d'oeuvre qualifiée et à la
saturation des flux financiers.
La volonté du Gouvernement est forte. Nous croyons à la puissance des
territoires. La France tirera, demain, sa puissance de celle de ses
territoires. Nous souhaitons mettre en place un contrat de confiance avec les
acteurs de terrain, associatifs, économiques, culturels et politiques, afin que
ne soit pas décidé d'en haut ce qui est bon pour les citoyens mais qu'au
contraire, grâce à la simplification des procédures et à la libération des
énergies, par la mise en oeuvre d'une politique cohérente, soit encouragée la
dynamique de nos territoires, assurant ainsi les termes de notre ambition :
attractivité, anticipation et solidarité.
(Applaudissements sur les travées
du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant
l'aménagement du territoire et figurant aux états B et C.
ÉTAT B
M. le président. « Titre III : moins 620 676 euros. »