SEANCE DU 5 DECEMBRE 2002
M. le président.
La parole est à M. Alex Türk.
M. Alex Turk.
Ma question porte sur l'utilisation de la langue française au sein des
institutions européennes.
Siégeant depuis quelques années au sein de l'autorité de contrôle de Schengen,
présidant celle d'EUROPOL depuis deux ans, j'ai constaté une dégradation
accélérée de l'usage du français.
Ainsi, lors des négociations relatives à la signature d'un protocole d'accord
entre les Etats-Unis et EUROPOL en matière de lutte antiterroriste, j'ai été
confronté à deux reprises au moins à des contresens de traduction. Ils ont dû
être arbitrés par le représentant britannique, ce qui n'est tout de même pas la
meilleure formule lorsqu'il s'agit de négociations entre les Américains et les
Européens.
Le problème qui se pose est double, contrairement à ce que l'on croit. Il
recouvre, d'une part, la très forte dégradation de la place du français comme
langue de référence. Dans le secteur que je connais, le français n'est plus
usité dans les conversations et les débats officiels.
Mais, ce qui est peut-être plus grave encore, c'est l'ensemble des langues
maternelles qui ont été refoulées à un rang secondaire. En effet, à la suite
d'une note reçue voilà quelques semaines, plus aucune traduction n'est faite
pour l'ensemble des délégations, excepté pour la délégation britannique,
puisque tout est désormais formulé en anglais.
M. René-Pierre Signé.
Cela fait longtemps !
M. Alex Turk.
Ceci signifie que, des documents préparatoires aux documents officiels et
contractuels qui engagent notre pays, tout est rédigé dans une autre langue, ce
qui rend évidemment bien difficile la défense de nos intérêts.
Cette situation est très préoccupante dans le secteur « Justice et affaires
intérieure », que je connais puisqu'il concerne des matières régaliennes qui
conditionnent la souveraineté.
Ma question est donc simple : madame la ministre, pensez-vous, comme moi,
qu'il est encore possible d'agir ? Selon quelles modalités ?
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
M. Didier Boulaud.
En anglais !
Mme Noëlle Lenoir,
ministre déléguée aux affaires européennes.
Monsieur le sénateur, le
Gouvernement partage pleinement vos préoccupations. Nous en sommes parfaitement
conscients, la place du français doit être défendue au sein de l'Union
européenne.
Le français n'a pas entièrement disparu puisque plus d'un tiers des textes
européens sont encore rédigés initialement dans notre langue. Toutefois, la
place du français recule et ce sera plus vrai encore après l'élargissement de
l'Union.
C'est la raison pour laquelle, si nous voulons que notre langue reste la
langue européenne qu'elle a toujours été, nous devons nous battre. C'est notre
détermination à plus d'un égard.
Vous avez évoqué, monsieur le sénateur, le casd'EUROPOL. Il est absolument
inadmissible, s'agissant de débats portant sur des questions de souveraineté,
mais également de manière générale, que des documents aussi importants ne
soient pas édités immédiatement en français. Nous avons demandé, avec succès,
que le rapport d'EUROPOL soit intégralement traduit et édité en français,
ainsi, bien sûr, que le projet d'accord sur le terrorisme entre l'Union
européenne et les Etats-Unis. C'est un document européen, il doit donc exister
en français.
Malheureusement, le cas d'EUROPOL n'est pas isolé. Nous avons pris conscience
de la nécessité d'être beaucoup plus offensifs au niveau de l'Union, faute de
quoi le glissement deviendrait inexorable.
Nous avons décidé tout récemment, avec nos partenaires allemands, d'oeuvrer
fermement pour que tous les documents européens, quelle que soit leur
importance, soient édités sans délai dans les trois langues de travail de
l'Europe que sont le français, l'allemand et l'anglais.
J'étais hier à Bruxelles et j'ai transmis le message du gouvernement français
au vice-président de la Commission européenne. Nous demandons, en effet, que
les concours d'accès aux institutions européennes, qu'il s'agisse de la
Commission, du Conseil, ou de la fonction publique parlementaire à Strasbourg,
soient réservés aux candidats qui parlent au moins deux langues en dehors de
leur langue maternelle, c'est-à-dire qui ne parlent pas uniquement
l'anglais.
L'Europe ne peut pas être uniquement anglophone. L'Europe, l'Europe de la
diversité linguistique et culturelle, doit réserver au français la place qui
lui revient et qui a toujours été la sienne en tant que pays fondateur. C'est
bien le moins que nous puissions demander !
(Applaudissements.)
PROBLÈMES DE POLLUTIONS LIÉS
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