SEANCE DU 2 DECEMBRE 2002
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant
les services du Premier ministre : II. - Secrétariat général de la défense
nationale.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Michel Moreigne,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, les crédits du secrétariat général de la défense
nationale, le SGDN, pour 2003, avec 48,23 millions d'euros, progressent de 22,5
%. Cette forte hausse résulte, pour près de la moitié, de l'augmentation des
dotations en capital destinées aux capacités techniques interministérielles
pour la sécurité des services de l'Etat en matière de systèmes d'information.
Par ailleurs, le réseau de transmission Rimbaud bénéficiera de 2,1 millions
d'euros de nouveaux crédits au titre du fonctionnement. Cette dotation explique
les 14 % d'augmentation des dépenses ordinaires, portées à 28 millions d'euros.
Quant aux dépenses en capital, elles continuent à progresser en 2003, de près
de 7 %, pour s'établir à plus de 20 millions d'euros.
Les services du SGDN paraissent disposer désormais des personnels nécessaires
à l'accomplissement de leurs missions. L'effectif budgétaire pour 2003 restera
stable avec deux cent soixante-dix-huit emplois.
L'Institut des hautes études de défense nationale, sous tutelle du SGDN, est
engagé dans un effort d'adaptation et d'ouverture pour remplir l'objectif
d'être un élément essentiel à la culture et à l'esprit de défense. Sa dotation
propre, même si elle est portée à 1,8 million d'euros pour 2003 en raison d'un
premier transfert d'emplois, ne lui assurera pas encore l'autonomie financière.
En effet, le coût réel de l'Institut ressortira à 8,5 millions d'euros en
2003.
Enfin, je rappelle que l'effort destiné à la défense civile de la nation
comprend aussi les crédits que les ministères civils lui consacrent et qui sont
présentés dans un « jaune » budgétaire. Leur montant, qui augmentera de près de
4 %, s'établira, pour 2003, à 1,4 milliard d'euros. Ce jaune est toutefois
menacé par un amendement de suppression adopté par l'Assemblée nationale.
Monsieur le ministre, vous nous ferez sans doute part de votre position sur ce
point.
Le SGDN, instrument privilégié du Premier ministre en matière de direction
générale de la défense mais travaillant également en liaison étroite et
permanente avec la présidence de la République, est maintenant relancé. Son
rôle est conforté, tant par les nouveaux moyens qui sont mis à sa disposition
que par les appels renouvelés à sa compétence.
Son secrétaire général, M. Jean-Claude Mallet, s'attache à centrer l'activité
prioritaire du SGDN sur des tâches de conception et d'impulsion. Il a su
dynamiser l'intervention du secrétariat dans les domaines où la coordination
interministérielle, lorsqu'elle relevait de ses missions, était nécessaire. Ses
services sont souvent sollicités, parfois très intensément, comme cela a été le
cas à la suite des attentats du 11 septembre.
En un temps où elle revêt tant d'importance, je milite pour une meilleure
coordination du renseignement. Cette responsabilité pourrait sans doute
utilement être confiée au SGDN.
J'espère également que les questions relatives à la sécurité européenne et à
l'Europe de la défense continueront à faire l'objet d'avancées. L'actuelle
insécurité internationale nous l'impose.
Enfin, j'apprécie que la mission de contrôle des matériels de guerre, assurée
par la CIEEMG, la commission interministérielle pour l'étude des exportations
de matériels de guerre, dispose désormais de moyens renforcés.
Les fonctions du SGDN recouvrent également la coordination de la protection
des populations. Dans un environnement international incertain, allant des
catastrophes naturelles aux nouvelles menaces, accidentelles ou terroristes,
comme aux Etats-Unis et, tout récemment, à Moscou, la liste des événements
démontrant la nécessité de cette mission est longue. M'inquiétant des risques
radiologiques, nucléaires, biologiques et chimiques, je constate leur réelle
prise en compte.
Mais il convenait de s'interroger, à la lumière de ces sinistres événements,
sur nos procédures d'urgence dans le cas de catastrophes étendues à une grande
partie du territoire. Le SGDN s'est efforcé d'améliorer non seulement
l'efficacité du renseignement, de la surveillance et de la détection en la
matière, mais aussi les moyens d'alerte, d'évacuation, de protection et de
décontamination des populations.
Ainsi, les capacités de gestion de crise, au plus haut niveau de l'Etat, ont
été développées pour maintenir opérationnels des équipements qui avaient subi,
jusqu'en 1999, une réduction des dépenses en capital. Les pouvoirs publics ont
également pris en charge les menaces liées aux nouvelles technologies de
l'information avec d'importants crédits pour des capacités interministérielles
coordonnées. Ils devraient d'ailleurs être complétés par une dotation nouvelle
dans la prochaine loi de finances rectificative.
J'apprécie que les responsabilités de chacun aient été redéfinies, notamment
dans le cadre des zones de défense. Je souhaite que la mise en place de la
politique civile de défense, garantissant une protection efficace de la
population française, soit poursuivie, en impliquant davantage encore les
citoyens.
C'est dans cette perspective que s'inscrit le rôle confié au SGDN au sein du
nouveau conseil de sécurité intérieure, créé par le décret du 15 mai 2002.
Enfin, je formule le souhait que le SGDN, qui est à la disposition des plus
hautes autorités politiques de notre pays et qui a été repositionné comme lieu
de convergence de la sécurité intérieure et extérieure, continue à s'affirmer
également comme étant un instrument majeur de la refondation de notre défense
non militaire.
Compte tenu de l'effort consenti en faveur des missions du SGDN, tant
traditionnelles que nouvelles, qui ressort nettement de ce budget, la
commission des finances, suivant la proposition de son rapporteur spécial, vous
propose, mes chers collègues, d'adopter les crédits du secrétariat général de
la défense nationale.
(Applaudissements sur les travées du groupe
socialiste, de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants,
ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
J'indique au Sénat que la conférence des présidents a fixé à cinq minutes le
temps de parole dont chaque groupe dispose pour cette discussion.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod.
Monsieur le ministre, je centrerai mon intervention sur le mot « défense »,
concept sur lequel je m'interroge depuis que, voilà quelques années, j'ai eu
l'honneur de succéder à Maurice Schumann à la tête du Haut Comité français pour
la défense civile.
Je me réjouis, bien entendu, de voir évoluer les crédits du secrétariat
général de la défense nationale. Je me réjouis également de constater qu'un
certain nombre d'aspects relatifs à la protection des populations sont de plus
en plus pris en compte au sein de ce budget, après une chute dramatique des
crédits du programme civil de défense, que notre excellent rapporteur avait
déjà soulignée il y a quelques années. Le redressement est spectaculaire.
D'ailleurs, il ne date pas de cette année. En effet, il avait commencé avant le
changement de gouvernement, en particulier à la suite des événements de 2001,
et un frémissement important était même intervenu auparavant.
Le mot « défense » pose problème. Notre organisation nationale comprend un
ministère de la défense, un secrétariat général de la défense nationale et une
notion globale de sécurité civile qui, dans l'esprit de nos concitoyens, se
mêle aux deux premiers.
Je suis de ceux qui regrettent que la mission régalienne et citoyenne, les
deux s'entremêlant, de la défense soit, aux yeux de nos compatriotes, attachée
au ministère des forces armées. Cela a été vrai pendant toute la guerre froide.
C'est de moins en moins le cas au fur et à mesure que les menaces étatiques
extérieures diminuent et que les menaces de déstabilisation intérieures ou les
menaces informelles provenant de l'extérieur augmentent.
Il y a, me semble-t-il, une difficulté réelle de répartition entre le rôle du
secrétariat général de la défense nationale, à qui je rends encore une fois
hommage pour son travail tout à fait remarquable, le rôle que l'ordonnance de
1959, en son article 17 sur la défense nationale, confie au ministre de
l'intérieur ès-qualités en matière de défense civile et la réalité de l'action
interministérielle.
Aussi, au-delà des crédits alloués au secrétariat général de la défense
nationale, que j'approuve, et dont M. le rapporteur spécial vient de
recommander l'adoption, s'étend un domaine de réflexion à explorer autour de la
constatation suivante : nos concitoyens ne sont pas suffisamment
responsabilisés en matière de défense civile.
Je n'en prendrai pour preuve qu'un exemple dramatique.
Les Américains ont évacué, on oublie de le dire, 35 000 personnes du World
Trade Center, dont 25 000 situées dans les tours, en une heure et quart, et ce
sans panique ni affolement. Certes, personne n'imaginait que les tours allaient
s'écrouler. Mais les Américains avaient l'habitude de se prêter à de tels
exercices. Depuis les attentats de 1993, les tours avaient été évacuées
systématiquement deux fois par an, de manière aléatoire. Tout le monde a
respecté scrupuleusement cet entraînement.
Or, à ma connaissance, jusqu'à présent aucun exercice d'évacuation impromptu
n'a eu lieu dans nos tours parisiennes. Je crois même savoir qu'un exercice
programmé en novembre dernier à la tour de la Défense a été annulé pour ne pas
affoler la population.
Aussi, monsieur le ministre, je vous prie d'être notre interprète auprès de M.
le Premier ministre - je présenterai demain exactement les mêmes observations à
M. le ministre de l'intérieur lors de l'examen des crédits du budget de la
sécurité - pour lui demander de « muscler » l'autorité en matière d'action
interministérielle. Je connais trop, d'expérience, la liberté d'action
restreinte des hauts fonctionnaires de la défense pour ne pas vous demander
d'agir !
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du
RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Loos,
ministre délégué au commerce extérieur.
Monsieur le président, mesdames,
messieurs les sénateurs, le projet de budget du secrétariat général de la
défense nationale pour 2003 s'élève, en crédits de paiement, à 48,23 millions
d'euros contre 39,36 millions d'euros en lois de finances initiale pour
2002.
Cette hausse des moyens s'inscrit pleinement dans la logique de la priorité
nationale accordée par le Gouvernement aux questions de sécurité et de
défense.
Comme l'a souligné M. le rapporteur, le SGDN y joue en effet un rôle-clé. Dans
l'adaptation de notre défense et de notre sécurité aux menaces
nouvelles-terrorisme, prolifération d'armes, agressions informatiques, menaces
mobiles s'adaptant en permanence au terrain - le SGDN assure une triple
fonction d'animation, d'impulsion et de coordination des actions et des
réflexions des différents départements ministériels concernés.
Répondant préalablement aux voeux de M. Paul Girod, le Président de la
République a, vous le savez, marqué fortement sa volonté d'accroître
l'efficacité et la cohésion de l'action de l'ensemble des acteurs publics
engagés dans ce secteur. Le secrétariat général de la défense nationale est
ainsi membre de droit du conseil de sécurité intérieure, instauré le 15 mai
dernier. Il y exerce ses compétences, en particulier dans le domaine des
instructions interministérielles concernant la défense, le renseignement et la
planification de sécurité.
Le Premier ministre, pour sa part, a rappelé, dans son discours du 14 octobre,
à l'IHEDN, l'importance primordiale qu'il attache à la coordination des
différents départements ministériels et des services de l'Etat engagés dans la
défense et la sécurité du pays. Il a notamment souhaité que soit engagée une
refonte de la planification de nos mesures de vigilance, de protection et de
réaction face aux menaces terroristes. Le SGDN a été chargé de préparer cette
refonte essentielle pour la sécurité de nos compatriotes.
Sur le plan des crédits d'investissement, les priorités gouvernementales se
traduisent tout particulièrement, au titre du projet de budget pour 2003, par
l'accroissement du programme civil de défense pour assurer la protection des
populations face au terrorisme, par un effort concernant l'adaptation des
moyens de l'Etat, en particulier des services de sécurité et de renseignement,
aux nouvelles technologies de l'information et par la sécurisation des
transmissions gouvernementales, celles-ci devant faire face à tous les types de
circonstances pour assurer la continuité de l'action des services publics.
Le programme civil de défense comporte un volet interministériel qui est
également assumé par le SGDN. C'est un outil de coordination placé entre les
mains du Premier ministre. Il permet de donner des impulsions et de mettre en
cohérence les différents programmes qui constituent ce que l'on appelle la
défense civile.
Le projet de loi de finances pour 2003 propose, à cet égard, une hausse des
moyens inscrits au budget du SGDN de 29 % par rapport à la loi de finances
initiale de 2002. Le total des crédits de paiement passe ainsi de 5 336 000
euros à 6 881 000 euros.
Il s'agit, pour le Gouvernement, de soutenir l'effort continu entrepris par le
SGDN, avant même le 11 septembre 2001, pour développer des instruments adaptés,
en particulier, aux risques de terrorisme et aux risques nucléaires,
radiologiques, biologiques et chimiques, NRBC. Votre rapporteur a insisté, à
juste titre, sur cette priorité.
L'adaptation des moyens de l'Etat aux nouvelles technologies de l'information
constitue un deuxième axe de priorité pour le SGDN. C'est, à mes yeux, un sujet
d'une importance primordiale : 10 163 000 euros de crédits de paiement en
services votés sont consacrés à cet effort. Ces crédits sont destinés à la
poursuite des opérations lancées, au titre des années antérieures, pour la
modernisation des moyens techniques de nos services.
Le Gouvernement estime essentiel de se doter des capacités de répondre au
développement accéléré des nouvelles technologies d'information et de
communication et de parer à tout usage malveillant à l'encontre de la sécurité
nationale.
Dans ce même domaine, une nouvelle tranche d'investissements vous sera
présentée au titre du projet de loi de finances rectificative pour 2002. Son
montant s'élève à 7 700 000 euros en autorisations de programme.
La sécurité des systèmes d'information constitue un autre champ d'action,
articulé avec le précédent. Le SGDN constate que l'Etat et les services publics
sont la cible d'attaques de plus en plus nombreuses et agressives. Sa mission
est de diffuser, dans les services publics et dans le tissu industriel
français, les procédures, les pratiques et, de fait, une nouvelle « culture de
sécurité » des systèmes d'information.
La dernière priorité est le renforcement de la sécurisation des liaisons
gouvernementales, qui se fonde d'abord sur la montée en puissance du programme
RIMBAUD. Conformément aux accords conclus cet été entre l'Etat et France
Télécom, le budget du SGDN prendra en charge, en 2003, la partie des coûts
d'exploitation qui excède les recettes d'exploitation encaissées par
l'opérateur au titre de ce réseau. La dotation initiale atteint, pour cette
première année, 2 100 000 euros. Elle explique en grande partie la hausse des
moyens de fonctionnement du SGDN, qui bénéficie également à l'IHEDN et à son
propre budget de fonctionnement.
L'IHEDN doit jouir de sa pleine autonomie d'établissement public, sans que
s'accroissent ses dépenses de gestion. Aussi, le transfert d'emplois
budgétaires correspondant à des personnels issus des ministères et mis à
disposition de l'Institut est-il engagé ; l'objectif est de mettre en place une
politique de ressources humaines appuyée sur des moyens budgétaires propres.
Un premier transfert d'emplois est proposé par le projet de loi de finances
pour 2003 à partir du ministère de la défense, ce qui entraîne une augmentation
de la subvention à l'IHEDN, qui atteint 1 789 000 euros. Cette mesure présente
un coût nul pour le budget de l'Etat, puisqu'il ne s'agit que d'un
transfert.
Le budget de fonctionnement du SGDN atteint, en 2003, 10 038 000 euros,
dotation RIMBAUD comprise. Les mesures nouvelles sont destinées au financement
de la participation française aux réseaux de communication civils de l'OTAN et
à l'augmentation des moyens de fonctionnement.
Il convient d'ajouter à ces crédits un effort significatif en projet de loi de
finances rectificative pour 2002, sous la forme de crédits de fonctionnement
non reconductibles, destinés au financement d'équipements informatiques
nécessaires à la mise en place d'un nouveau logiciel pour le contrôle des
exportations de matériels de guerre, ainsi qu'à la mise en oeuvre du programme
AdER, d'administration en réseau. Ces crédits permettront également le
financement de mesures indispensables de sécurité incendie et l'amélioration de
l'accessibilité des locaux du SGDN aux personnes à motricité réduite.
Le SGDN, comme d'autres départements ministériels, prépare par ailleurs
l'application de la loi organique pour les lois de finances.
Une première étape de la réforme de la nomenclature budgétaire est proposée
dans le projet de loi de finances pour 2003. Cinq chapitres sont supprimés et
deux sont créés.
En outre, vous avez remarqué, monsieur le rapporteur, que l'Assemblée
nationale a souhaité la suppression du jaune récapitulant les crédits civils
concourant à la défense de la nation. Nous en prenons acte.
Le projet de budget du SGDN est une bonne illustration des efforts du
Gouvernement, dans un contexte de discipline et d'effort budgétaire, pour que
l'Etat puisse mieux remplir ce qui constitue le noyau dur de sa mission :
élever le seuil de sécurité de la population sur le territoire national,
adapter et moderniser les moyens de sa protection et redonner ainsi aux
Français pleine confiance dans leur Etat pour garantir leur sécurité.
Comme vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur, le rôle du SGDN dans
l'organisation gouvernementale est désormais conforté. Le secrétariat général,
recentré sur les missions qui lui sont confiées par les plus hautes autorités
de l'Etat, tient bien la place que la représentation nationale souhaite lui
voir tenir.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants, et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le
secrétariat général de la défense nationale et figurant aux états B et C.
ÉTAT B
M. le président.
« Titre III : 3 587 719 euros. »