SEANCE DU 30 NOVEMBRE 2002
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Accueil des cendres d'Alexandre Dumas
(p.
1
).
3.
Loi de finances pour 2003.
- Suite de la discussion d'un projet de loi (p.
2
).
Communication (p. 3 )
MM. Claude Belot, rapporteur spécial de la commission des finances ; Louis de Broissia, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.
Suspension et reprise de la séance (p. 4 )
MM. Louis Duvernois, Georges Othily, Michel Pelchat, Mme Danièle Pourtaud, MM.
Philippe Nogrix, Ivan Renar, Henri Weber.
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication.
Article 52 (p. 5 )
Amendement n° II-22 de M. Claude Estier. - Mme Danièle Pourtaud, MM. le
rapporteur spécial, le ministre, Ivan Renar. - Rejet.
Adoption de l'article.
Ligne 35 de l'état E (p. 6 )
M. Jack Ralite.
Adoption de la ligne 35.
Crédits du titre III. - Vote réservé (p.
7
)
Crédits du titre IV (p.
8
)
Mme Danièle Pourtaud.
Vote des crédits réservé.
Crédits du titre V. - Vote réservé (p.
9
)
Article 63
bis.
- Adoption (p.
10
)
Suspension et reprise de la séance
(p.
11
)
PRÉSIDENCE DE M. BERNARD ANGELS
Anciens combattants
(p.
12
)
MM. Jacques Baudot, rapporteur spécial de la commission des finances ; Marcel
Lesbros, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales ; Yvon
Collin, Michel Pelchat, Hubert Durand-Chastel, Gilbert Chabroux, Guy Fischer,
Joseph Ostermann, Marcel-Pierre Cléach, Mme Gisèle Printz, M. Alain Dufaut.
M. Hamlaoui Mékachéra, secrétaire d'Etat aux anciens combattants.
Crédits du titre III (p. 13 )
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Adoption des crédits.
Crédits du titre IV (p. 14 )
MM. Raymond Courrière, Jean-Pierre Masseret, le rapporteur spécial, Gilbert
Chabroux.
Adoption des crédits.
Article 62 (p. 15 )
Amendement n° II-23 de M. Guy Fischer. - M. Guy Fischer. - Retrait.
Adoption de l'article.
Articles additionnels après l'article 62 (p. 16 )
Amendement n° II-25 de M. Guy Fischer. - MM. Guy Fischer, le rapporteur
spécial, le secrétaire d'Etat. - Irrecevabilité.
Amendement n° II-26 de M. Guy Fischer. - Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. le
rapporteur spécial, le secrétaire d'Etat. - Irrecevabilité.
Article 62
bis.
- Adoption (p.
17
)
Article additionnel après l'article 62
bis
(p.
18
)
Amendements n°s II-6 rectifié de M. Daniel Hoeffel et II-27 de Mme Gisèle
Printz. - M. Daniel Hoeffel, Mme Gisèle Printz, MM. le rapporteur spécial, le
secrétaire d'Etat. - Retrait des deux amendements.
PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL
Sports
(p.
19
)
MM. Michel Sergent, rapporteur spécial de la commission des finances ; Bernard
Murat, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles ; Serge
Lagauche, Philippe Nogrix, Mme Annie David, M. Alain Dufaut.
M. Jean-François Lamour, ministre des sports.
Crédits du titre III (p. 20 )
Mme Annie David.
Adoption des crédits.
Crédits du titre IV (p. 21 )
Mme Hélène Luc.
Adoption des crédits.
Crédits des titres V à VI. - Adoption (p. 22 )
4.
Ordre du jour
(p.
23
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à dix heures quarante-cinq.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
Accueil des cendres
d'Alexandre Dumas
M. le président.
Mes chers collègues, aujourd'hui, à onze heures quarante-cinq, le Sénat
accueillera les cendres d'Alexandre Dumas, avant leur transfert au Panthéon.
Au cours de l'année 2002, le Sénat a célébré le bicentenaire de la naissance
de Victor Hugo, auquel Alexandre Dumas apporta son admiration, son amitié et
son soutien, dans la bataille d'
Hernani
et dans la lutte pour la
République. Au moment où Dumas rejoint Hugo au Panthéon, nous pourrons rendre
hommage à son « inépuisable génie ».
A cette occasion le Sénat, représentant des collectivités locales, reçoit les
différents collectivités intéressées : Villers-Cotterêts, commune de naissance
d'Alexandre Dumas, Marly-le-Roy, Port-Marly, Louveciennes, Le Pecq, ainsi que
le conseil général de l'Aisne, dont les représentants entoureront le président
du Sénat.
Après avoir commémoré les cent cinquante ans de l'abolition de l'esclavage en
1998, le Sénat exprime à nouveau son attachement à la défense des libertés et à
l'égalité de tous au sein de la République, en accueillant cet écrivain «
universel », fils d'un général de la Révolution, descendant d'une esclave de
Saint-Domingue, Marie Cessette Dumas.
La séance sera suspendue à onze heures trente pour permettre à M. le ministre
de la culture et de la communication et à tous les sénateurs participant à ce
débat de se rendre dans la cour d'honneur, pour accueillir les restes mortels
d'Alexandre Dumas. Elle reprendra à l'issue de cette cérémonie pour achever
l'examen du budget de la communication.
Elle reprendra ensuite à quinze heures trente, à l'issue d'une seconde
cérémonie qui aura lieu à quinze heures dans la salle des conférences, sous la
présidence de M. Christian Poncelet, président du Sénat.
3
LOI DE FINANCES POUR 2003
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances
pour 2003 (n° 67, 2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale. (Rapport n° 68
[2002-2003].)
Communication
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant les crédits
relatifs à la communication : crédits du Conseil supérieur de l'audiovisuel,
d'aides à la presse et à l'audiovisuel inscrits au budget des services généraux
du Premier ministre ; article 52 et ligne 35 de l'état E annexé à l'article 48,
et article 63
bis.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
(M. le président de la
commission des affaires culturelles et M. le rapporteur pour avis
applaudissent.)
M. Claude Belot,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de lanation.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, le jour même où est prévue la discussion du
budget de la presse et de la communication, nous commémorons le souvenir d'un
grand écrivain qui s'exprimait quotidiennement - c'était la mode à l'époque -
dans la presse : les Français lisaient attentivement les oeuvres d'Alexandre
Dumas publiées alors sous forme de feuilletons. Il est important, je crois, de
le rappeler à cet instant.
Les temps ont bien changé. Autant la presse de la fin du xixe siècle, qui
accueillait de très grandes plumes, était extrêmement vivante, autant la presse
française d'aujourd'hui, qu'elle soit nationale ou régionale, est en
difficulté.
Et ce n'est pas faute de l'aider ! Monsieur le ministre, cette année, le
budget des aides à la presse que vous présentez est essentiellement un budget
de reconduction, à peu près à l'identique, qui reste fondé sur les mêmes
principes, notamment le principe de mutualisation de la distribution.
Cependant, nous sommes aujourd'hui face à ce constat : la presse française
n'est pas celle qui, en Europe et dans le monde, se porte le mieux. Elle n'a
qu'un très faible lectorat, qui lui fond dans les doigts et, en particulier au
sein du jeune lectorat, elle n'occupe plus qu'une place très réduite.
L'examen de votre budget, hérité d'une très longue histoire, et défendu
souvent, bec et ongles par ceux qui parlent au nom de la presse, oblige à faire
le constat suivant : ce dispositif des aides à la presse a, en bonne partie,
vraisemblablement fait son temps. De bonnes choses ont été faites : l'aide au
portage, le soutien aux NMPP, les Nouvelles Messageries de la presse
parisienne, dans la ligne de la loi Bichet du 2 avril 1947. Mais on a rendu
obligatoire la diffusion nationale d'une presse qui n'est pas lue partout en
France, ce qui entraîne des surcoûts en termes de transport.
La presse française est en difficulté, elle est peu lue. Elle n'est pas en
bonne santé financière alors qu'elle est, l'une des plus aidées. Se pose donc
un problème d'ensemble sur lequel il faut s'interroger pour comprendre ce qui
se passe. En effet, il n'est pas normal que, par exemple, rapporté à mille
habitants, le lectorat français soit trois fois inférieur au lectorat
allemand.
Voilà quelques années, le Parlement a créé le fonds de modernisation de la
presse. Les journaux, qu'il s'agisse de la presse quotidienne régionale ou
nationale, ont alors changé d'aspect. Celui-ci est devenu plus agréable, plus
moderne, plus conforme à l'esprit du temps. Cependant, l'évolution se poursuit
inexorablement. Les lecteurs se font plus rares, à raison de 1 % à 2 % en moins
chaque année.
Il ne s'agissait donc pas d'un simple problème d'aspect, ou de forme. J'ai
pour habitude de lire attentivement la presse, qu'elle soit nationale ou
régionale. Le ton de la presse, aujourd'hui, est strictement négatif, et ce
n'est pas bon pour son devenir.
Il faut savoir rendre compte des mauvaises nouvelles mais aussi des bonnes. Le
matin, les gens sont tout à fait disposés - moi le premier - à commencer leur
journée en lisant le journal mais ils n'ont pas envie d'être submergés par une
avalanche de mauvaises nouvelles, souvent présentées de façon caricaturale,
sous des titres généralement accrocheurs.
Je pense que le problème de la presse française est avant tout un problème de
contenu et de ton dans l'expression. Cela n'empêche pas la diversité des
opinions. On peut parfaitement exprimer les choses de différentes façons.
C'est là un élément important, que confirme,
a contrario,
le
développement de la presse hebdomadaire locale qui, elle, se porte bien. C'est
le fait nouveau de ces dernières années. Elle séduit un nombre croissant de
lecteurs. Par le ton qu'elle emploie, cette presse, « miroir de la vie locale
», bienveillante, malveillante, honnête, répond à une certaine attente. Dans un
monde difficile, aujourd'hui caractérisé par une avalanche constante
d'informations, on n'a pas envie de voir uniquement le côté noir de
l'existence. Tel est le problème de la presse !
Monsieur le ministre, assumant la responsabilité du ministère de la culture
depuis six mois, vous avez décidé d'en reconduire les moyens à peu près à
l'identique. Il est, aujourd'hui, nécessaire, me semble-t-il, d'engager une
réflexion prospective et de dire à tous ceux qui parlent au nom de la presse :
essayez de réfléchir au message que vous faites passer ! En tout cas, c'est ce
que je dis à tous ceux qui viennent me trouver.
Quant au fonds de modernisation de la presse, j'ai déposé la semaine dernière
un amendement qui m'a permis de découvrir tous ceux qui défendent, bec et
ongles, le maintien de la situation actuelle. Cet amendement, pourtant bien
anodin, visait à ouvrir à la presse quotidienne le fonds de modernisation. Je
l'ai présenté en vain, le Gouvernement en ayant demandé le retrait. Là n'est
cependant pas le problème puisque la demande de réduction de crédits concernait
un fonds qui n'est pas consommé, ou l'est si peu : actuellement, dans les
caisses de l'Etat, se trouve l'équivalent de plus d'une année de consommation.
Ce n'est certes pas très orthodoxe, mais c'est ainsi !
L'Agence France-Presse est un sujet important. J'ai eu l'occasion d'y
effectuer des contrôles sur pièces et sur place. Cette superbe entreprise
honore la France. Ceux qui, dans ce vaste monde, transmettent l'information
font un travail remarquable. Les Français ne le savent pas assez. C'est une
institution dont il faudra avoir le courage un jour de modifier le statut, ou à
laquelle il faudra en donner un qui soit plus conforme à la réalité d'une
entreprise, avec des objectifs et des moyens. Ceux qui bénéficient des services
de l'Agence France-Presse, essentiellement la presse française, ne doivent plus
être ceux qui décident du prix du service. Il faudra du courage pour clarifier
cette situation, monsieur le ministre, mais c'est une opération nécessaire.
Tout au long de ma vie publique, j'ai toujours dit ce que je croyais être la
vérité. Monsieur le ministre, je vous invite à donner un vrai statut à l'Agence
France-Presse. Vous répondrez ainsi à une demande générale.
Nous devons continuer à aider la presse française, mais d'une façon plus
efficace, pour lui permettre de rencontrer le succès.
J'en viens à la communication audiovisuelle.
Si ce débat s'était déroulé voilà un mois, je vous aurais dit que le contrat
d'objectifs et de moyens assigné à France Télévisions était respecté, que le
système mis en place fonctionnait.
Les échanges réguliers que j'entretiens avec certains responsables de la
télévision publique m'ont appris qu'un grippage en interne s'était récemment
produit.
Tous les membres de cette entreprise, de la direction aux simples exécutants,
doivent se rendre compte qu'ils ne sont pas en situation de monopole, qu'il est
nécessaire de vivre avec son temps. La grève est certes un droit, mais on ne
peut accepter ce qui se passe dans cette entreprise, en particulier à France 3,
où la base s'imagine toujours être au temps de l'ORTF et pense qu'elle peut
priver les Français d'images. Mais cela n'empêche pas France 3 d'avoir un écran
et d'émettre. Il faut continuer dans cette voie.
Pour avoir eu l'honneur de présider, voilà deux ou trois ans, un groupe de
travail et de réflexion sur l'audiovisuel, je puis vous dire que le Sénat a
toujours affirmé son attachement à un audiovisuel public fort, de qualité et
disposant de moyens. Les moyens, il les a aujourd'hui, et l'audiovisuel public
doit répondre pleinement à ce que l'on attend de lui. Dans le débat, pas très
cadré, sans doute, concernant la télévision numérique terrestre, le rapport
Boyon a permis de décanter un peu les choses. Je suis de ceux qui pensent qu'il
est bien évident qu'on ne pourra pas éternellement faire vivre les Français en
dehors de l'ère numérique, mais il existe plusieurs solutions.
Partout où l'expérience de la télévision numérique terrestre a été tentée - en
Grande-Bretagne, en Espagne, dans les pays scandinaves - cela n'a pas marché :
la télévision numérique terrestre en partie payante n'a pas trouvé sa
clientèle, ce qui a provoqué, dans l'économie privée, des faillites
importantes. Alors, en France, il faudra prendre le temps et agir prudemment,
comme je l'ai toujours dit.
Mme Danièle Pourtaud.
Il faudra surtout donner une place au service public !
M. Claude Belot,
rapporteur spécial.
Le service public occupe une place importante. Son
problème, aujourd'hui, c'est de fabriquer des programmes suffisamment
productifs pour atteindre des prix abordables. En effet, ce qui est difficile à
l'heure actuelle, ce n'est pas de fabriquer des images, mais de trouver et de
fidéliser une clientèle qui regardera ces programmes.
Je souhaiterais vraiment qu'on creuse jusqu'au bout l'idée d'utiliser le
satellite. La France dispose de deux bouquets satellitaires qui peuvent émettre
demain matin en numérique toutes les images que l'on veut. C'est facile à
mettre en oeuvre, la technique existe, il suffit de régler les préalables.
Lorsque M. Marc Tessier explique que France 5 est rejetée en soixantième ou
soixante-dixième position dans un bouquet numérique, ce n'est pas acceptable !
Vous pouvez dire dans la loi - peut-être d'ailleurs simplement en utilisant la
voie réglementaire ; cela, c'est votre responsabilité - que la télévision
publique à trois, dix ou quinze chaînes, tel n'est pas le problème, aura toute
sa place sur les bouquets satellitaires.
C'est une piste à creuser, elle ne l'a pas été à ce jour, parce qu'en France
on était obnubilé par la télévision numérique terrestre, alors qu'ailleurs les
choses se passent différemment. Il faudra bien un jour accepter la vérité dans
ce domaine-là aussi.
Cela règlerait beaucoup de problèmes d'investissements. Il faut trouver un
accord, le négocier et l'imposer ; c'est là votre mission.
De toute façon, il ne faut pas rêver : on n'a jamais réussi à envoyer le
signal analogique partout, il faudra un temps fou pour réussir à envoyer le
numérique dans toutes nos contrées. On commencera, bien sûr, par les zones à
forte population et il n'arrivera jamais dans les autres, ce qui veut dire
qu'on n'abandonnera pas le signal analogique avant un temps indéterminé, pas
avant 2010, voire 2015.
Le système satellitaire permet de régler de nombreux problèmes. Il n'a pas été
suffisamment étudié à ce jour. La télévision numérique terrestre offre au
service public la chance de trouver une place beaucoup plus grande.
Autre point que je souhaiterais évoquer : l'énorme retard de la France pour
tout ce qui concerne la télévision locale. Je sais ce qu'est une télévision
locale. Je la vois vivre de temps en temps car ma commune entretient des
rapports privilégiés avec une commune québécoise où une télévision locale bon
marché émet depuis vingt-quatre ans - j'ai participé à la cérémonie
d'inauguration. Savez-vous quel est le taux d'audience de cette télévision
locale au faible budget ? Il est de 80 % ! Cela prouve l'appétit considérable
des gens pour les images de proximité ainsi que pour l'actualité locale. Quel
progrès pour la démocratie et pour l'information locales même s'il s'agit
peut-être d'une télévision miroir !
Il y a là encore une piste à creuser et il ne faut pas que la France reste le
dernier pays européen dans lequel la télévision de proximité se développe. Si
son essor n'est pas plus important, ce n'est pas en raison du coût des
émetteurs : un émetteur en analogique coûte 150 000 francs ! Moi qui ai le
projet de créer une télévision locale, je vois bien comment les choses se
passent : je me heurte à un ensemble de blocages.
Une télévision locale, même avec de petits moyens, doit vivre. Et pour qu'elle
vive, elle qui ne peut pas compter sur le produit de la redevance, elle a
besoin d'accéder au marché publicitaire.
Il faudra bien « ouvrir un peu les vannes ». Le cadre a été fixé par la
directive européenne de 1992. Or tout ce qui a été fait en France depuis cette
date n'est pas conforme à la législation européenne, c'est-à-dire à la
directive « Télévision sans frontières » et aux suivantes !
La France, d'ailleurs - vous le savez mieux que moi - est sommée de mettre en
conformité le droit national au droit européen. Vous serez obligés de
transposer ces directives et, ce jour-là, sans doute y aura-t-il de quoi
alimenter la télévision numérique terrestre ou les bouquets satellitaires.
Nous sommes à la veille d'un changement profond. Croyez-moi, monsieur le
ministre, il vaut beaucoup mieux l'accompagner, le favoriser que le subir. Or
c'est indiscutablement ce qui se passera.
J'en viens à la voix de la France dans le monde, à laquelle le Président de la
République est très attaché ; c'est, je crois, très important, voire
fondamental.
Nous nous rendons compte depuis quelques mois que la France peut jouer un rôle
dans les affaires du monde. Elle l'a montré récemment à propos de l'Irak. Nous
avons, nous, Français, aujourd'hui, un tas d'outils qui sont utilisés dans le
monde entier ; je pense à TV5, qui a à peu près réglé le problème des rebonds
satellitaires. Le signal arrive partout, au-dessus de tous les citoyens du
monde. Mais au sol, très souvent, il ne passe pas, et ce pour des raisons
diverses.
Nous avons RFI, qui accomplit un superbe travail, sinon dans le monde entier,
du moins dans une grande partie.
Des correspondants de l'AFP, d'
Euronews
et de la télévision française
publique, des représentants d'entreprises françaises privées de communication
sont présents à peu près partout. Et malgré cela, nous n'arrivons pas à faire
une synthèse et à rendre cet outil aussi efficace qu'il pourrait l'être.
La France, cela vient d'être dit par la Cour des comptes, dépense pour sa
présence internationale pratiquement autant par habitant que la
Deutche
Welle
et que la BBC, avec une efficacité qui n'est toutefois pas à la
hauteur de ses ambitions.
Je suis convaincu qu'il est possible de trouver, en matière de production
audiovisuelle, des synergies entre tous ceux qui véhiculent une vision du monde
en français. Un travail important reste à faire. Vous n'êtes pas, monsieur le
ministre, le seul acteur dans ce domaine, mais vous pouvez être un acteur
essentiel. Sachez que le Sénat est prêt à travailler et à réfléchir avec vous
sur ce sujet.
Il s'agit donc d'un budget de reconduction. Des incertitudes pèsent sur
l'avenir. Ainsi on ne sait pas à combien s'élèveront les recettes publicitaires
en 2003. Vous avez prévu qu'elles augmenteraient de 1,5 %. Il n'est pas certain
que ce taux soit atteint, mais j'espère que la conjoncture s'améliorera, que la
croissance repartira.
La redevance est une recette relativement dynamique. Le Sénat a toujours été
favorable à une recette affectée à l'audiovisuel public. C'est - et je crois
que c'est aussi votre avis - la solution pour ne pas être pris dans la nasse de
la difficulté générale. Pour pouvoir vivre, l'audiovisuel public a besoin d'une
recette affectée. On discute du montant de la redevance qui n'a pas augmenté
cette année, mais la recette a été dynamique en elle-même. Le ministère des
finances a certes évoqué parfois la possibilité de faire figurer cette recette
sur la feuille des impôts locaux. Je vous mets en garde, monsieur le ministre,
contre le danger de mélanger les genres, au risque que le maire de la commune
soit accusé d'avoir fait augmenter les impôts locaux de façon très importante,
alors qu'il n'aurait pas pris la décision. Il faut donc manier cette
éventualité avec prudence.
De toute façon, il convient de bien mesurer cette affaire en ayant conscience
que la redevance audiovisuelle française est l'une des plus faibles des grands
pays européens, que le maintien de l'audiovisuel public français a un prix et
qu'il faudra peut-être, un jour, envisager de procéder comme les Britanniques
ou les Allemands. Mais c'est là un autre sujet dans un pays où les prélèvements
obligatoires sont aussi importants.
Telles sont, monsieur le ministre, les quelques remarques que je voulais
formuler. Elles illustrent, au moment de votre entrée en fonctions, le point de
vue du rapporteur et de la commission des finances qu'il représente. Il est
urgent pour la presse de changer les règles du jeu. Les carcans sont très
lourds.
La communication audiovisuelle a un champ d'action immense devant elle. Ce
sont certainement les premiers instants d'une très grande révolution qu'il nous
faudra vivre de façon constructive, intelligente, disons tout simplement à la
française, c'est-à-dire porteuse d'un message pour le monde entier.
Bien sûr, la commission des finances appellera le Sénat à voter, le moment
venu, les propositions que vous nous avez faites, monsieur le ministre.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Louis de Broissia,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour la
communication audiovisuelle et la presse écrite.
Monsieur le président,
monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires
culturelles, monsieur le rapporteur spécial, mes chers - et nombreux -
collègues
(Sourires),
qu'il me soit permis, tout d'abord, de me réjouir
d'avoir entendu le rapporteur spécial, Claude Belot, saluer la mémoire
d'Alexandre Dumas, qui fut l'un des journalistes les plus émérites de la presse
écrite : je pense qu'il était là dans son rôle !
Pour ma part, j'évoquerai le budget de la presse écrite, puis le budget de
l'audiovisuel.
Mes chers collègues, la presse écrite française traverse, cela a été dit par
M. le rapporteur spécial et c'est de notoriété publique, une période difficile,
comme la plupart de ses homologues européens et d'ailleurs nord-américains.
Sans trop insister, si ce n'est pour les déplorer, sur les difficultés
financières de deux titres -
L'Humanité
et
France-Soir
-, il faut
rappeler que de nombreux éditeurs, et non des moindres, ont pris des mesures
assez drastiques pour faire face à la situation. Je rappellerai que, après
Le Figaro
et
Libération
en 2001,
La Dépêche du Midi
et
Sud-Ouest
ont annoncé la mise en place de plans de redressement.
D'autres vont venir. C'est donc une situation sérieuse.
Alors qu'il y a tout juste un an, au moment de l'examen du budget de la
communication pour 2002, Mme Catherine Tasca déclarait que « le bulletin de
santé de la presse était bon », on peut dire qu'aujourd'hui la situation de la
presse n'est pas bonne, elle est même préoccupante.
Cette situation n'est pas dépourvue de tout lien avec la crise que traverse le
marché publicitaire et qui touche tous les médias.
La presse française ne fait pas exception à la règle, les chiffres le
prouvent. Ainsi, pour 2001 et pour l'ensemble de la presse, les recettes tirées
de la publicité commerciale ont baissé de 3,8 %, alors que celles provenant des
petites annonces ont reculé de 7 %.
Les chiffres de la presse nationale d'information politique et générale - je
le dis à M. le rapporteur spécial avec lequel j'avais un seul point de
divergence, qui concernait un amendement qu'il avait déposé - sont encore plus
inquiétants : les recettes issues de la publicité commerciale ont chuté de 15,1
%, celles des petites annonces de 22 %, et les tendances de 2002 paraissent
confirmer cette évolution fâcheuse.
De plus, la presse a enregistré une baisse de sa diffusion. Elle a été en 2001
de l'ordre de moins 0,3 %. C'est peu, mais comme dans le supplice chinois, la
goutte continue à couler !
Comme vous le savez, monsieur le ministre, cette évolution préoccupante
concerne d'abord la presse quotidienne nationale, dont la diffusion se réduit
d'année en année du fait sans doute du contenu, mais incontestablement aussi en
raison de ses prix de vente trop élevés - il suffit de comparer le coût de
l'abonnement et le coût de la redevance - et de la concurrence de la
télévision, plus facile à consulter.
Faut-il se résigner à cette situation ? Comment redonner aux Français le goût
de la lecture de la presse quotidienne ?
Pour ce faire - et je l'ai déjà dit à plusieurs reprises, à l'Assemblée
nationale, puis au Sénat - les pouvoirs publics devraient entreprendre une
action sur le long terme. Dirigée vers les futurs lecteurs, elle consisterait à
assurer un véritable apprentissage de la lecture en encourageant la diffusion
de la presse dans les écoles, en favorisant tout simplement la prise en main du
journal quotidien.
M. Ivan Renar
Très bien !
M. Louis de Broissia,
rapporteur pour avis.
J'apprécie toujours votre soutien, cher collègue !
Mais je le répète tous les ans et jusqu'à présent, cela ne change pas !
Nous avons eu connaissance, monsieur le ministre, de projets qui viseraient à
offrir un abonnement d'un an à chaque adolescent atteignant l'âge de la
majorité.
Pour être réellement efficace, cette initiative intéressante supposerait
néanmoins - c'est ma vision des choses - que chaque élève ait au préalable
appris à lire un quotidien, qu'il ait été familiarisé avec un journal, car je
crois, que l'on ne naît pas lecteur d'un journal mais qu'on le devient, ainsi
que chacun de nous en a fait l'apprentissage à la maison.
C'est pourquoi, pour faciliter le développement de la lecture de la presse à
l'école, je milite depuis plusieurs années pour la mise en place d'un fonds de
concours alimenté par l'Etat et les différentes collectivités territoriales,
dont chacun connaît les responsabilités par rapport à l'enseignement. Ce fonds
de concours permettrait de financer l'abonnement de chaque classe à plusieurs
titres de la presse quotidienne, nationale ou régionale. J'ajouterai que cette
proposition est accueillie avec intérêt par les éditeurs de presse, qui se
déclarent prêts à participer activement à une telle opération. Pourquoi
attendre ?
Je suis également assuré, car je l'ai vérifié, que l'éducation nationale
s'engagerait volontiers. J'ai assisté récemment au congrès des enseignants
mobilisés au sein du CLEMI, le centre de liaison de l'enseignement et des
moyens d'information, que vous connaissez bien.
Dans l'attente de telles mesures, notre commission se félicite que l'effort de
l'Etat en faveur des aides à la presse soit maintenu en 2003. Cela traduit le
souci du Gouvernement d'accorder les moyens nécessaires à une activité que nous
estimons tous indispensable à la qualité du débat public et au fonctionnement
de la démocratie quotidienne.
Les aides budgétaires qui sont inscrites au chapitre 44-10 des services
généraux du Premier ministre permettront ainsi de répondre aux trois priorités
du Gouvernement que nous partageons - nous, la majorité, mais d'autres aussi -,
à savoir la défense du pluralisme, le maintien d'une distribution de qualité et
la diversification vers le multimédia des entreprises de presse.
Je soulignerai aussi que, pour la première fois depuis quatre ans, le montant
de la dotation budgétaire allouée à la SNCF en contrepartie des réductions de
tarifs cessera de diminuer en 2003 ; c'est un bon point.
Pouvez-vous nous donner des assurances, monsieur le ministre, sur l'avenir de
cette aide qui, je le crois, va faire l'objet d'un audit destiné à évaluer le
coût du transport de presse et à examiner les mécanismes d'évolution de ce
dispositif ?
Il convient également de souligner - mes chers collègues, vous vous souvenez
des rapports précédents - qu'après deux années de forte baisse le montant de
l'aide à la transmission par fac-similé est enfin stabilisé.
La remise en cause de cette aide, qui fut un moment envisagée, aurait pénalisé
le développement de la décentralisation de l'impression, développement pourtant
considéré comme indispensable par la plupart des éditeurs.
En revanche, l'évolution des aides au portage appelle, de ma part comme de la
part de la commission des affaires culturelles, une appréciation plus
nuancée.
S'il convient de se féliciter de l'augmentation de 1,85 % des crédits alloués
à l'aide au portage, je constate avec regret la disparition de ceux qui sont
consacrés au remboursement des cotisations sociales de portage. C'est un
dispositif que je connais bien, pour avoir été de ceux qui l'ont mis en place
dans une autre assemblée.
Certes, cette aide arrive à échéance et elle semble avoir pleinement atteint
l'objectif qui lui était assigné. La diffusion par portage des titres
bénéficiaires de l'aide est ainsi passée de 16,5 % à près de 25 % sur la
période 1996-2001, ce qui n'est pas négligeable, c'est même très
significatif.
Alors que La Poste rencontre et rencontrera toujours des difficultés pour
acheminer en temps et en heure certaines publications aux abonnés, il me semble
indispensable que tous les moyens susceptibles d'aider les éditeurs à
développer le portage soient préservés. Pouvez-vous, monsieur le ministre,
défendre cette idée auprès du ministre des affaires sociales ? Je sais que
c'est là que cela se joue.
J'en viens maintenant, après M. le rapporteur spécial, au fonds de
modernisation de la presse quotidienne et assimilée d'information politique et
générale.
Après avoir progressé de 18,75 % l'an dernier, les ressources attendues pour
ce compte d'affectation spéciale devraient se stabiliser cette année à 29
millions d'euros.
Cette stabilisation est un des sujets de préoccupation de la commission, car
le montant effectif des ressources encaissées reste très éloigné, trop éloigné,
des estimations qui ont été faites lors de la création du fonds, et qui étaient
de l'ordre de 45 millions d'euros.
Monsieur le ministre, par un courrier que vous avez bien voulu m'envoyer, vous
m'avez indiqué avoir saisi le ministre délégué au budget et à la réforme
budgétaire afin d'améliorer le recouvrement de cette taxe. La commission vous
sait gré de cette initiative et restera vigilante sur ce dossier. Bercy traîne
un peu les pieds.
M. Ivan Renar.
C'est un euphémisme !
M. Louis de Broissia,
rapporteur pour avis.
En effet !
Je tiens par ailleurs à exprimer des réserves sur l'éventuelle extension du
fonds de modernisation à des journaux qui ne seraient pas des quotidiens
d'information politique et générale. Ce ciblage, compte tenu des difficultés
particulières que rencontre cette catégorie de presse - illustrées par les
chiffres que j'ai cités - et de l'importance qu'elle revêt au regard du
pluralisme, me paraît être indispensable.
Mme Danièle Pourtaud.
Des noms !
M. Louis de Broissia,
rapporteur pour avis.
J'évoquerai brièvement l'ouverture prochaine de la
renégociation des accords Galmot. Elle conditionne vraiment l'avenir de la plus
importante, en valeur, des aides indirectes à la presse.
Quel bilan peut-on tirer de ces accords ? Si chacun des contractants estime
avoir respecté ses obligations, aucun d'entre eux n'est satisfait de la
situation actuelle : la négociation entre les deux parties risque d'être
difficile, et la nomination rapide d'un médiateur qualifié me paraîtrait
judicieuse.
Pour conclure, la commission des affaires culturelles ne peut que saluer
l'effort entrepris par l'Etat pour assurer la pérennité et le développement de
l'Agence France-Presse, qui demeure - est-il nécessaire de le rappeler, M. le
rapporteur spécial l'ayant souligné tout à l'heure ? - la première agence de
presse mondiale francophone, pour ne pas dire l'agence mondiale francophone.
Je regrette néanmoins que, au cours des années écoulées, aucune initiative
d'envergure n'ait été prise pour permettre la modernisation de l'Agence. En
ayant choisi de différer une réforme pourtant indispensable - et que j'ai
soutenue à deux reprises en ayant présenté une proposition de loi que la
commission des affaires culturelles avait d'ailleurs retenue favorablement -,
le précédent gouvernement porte une lourde responsabilité dans la situation
actuelle.
A cet égard, la commission ne peut que vous féliciter, monsieur le ministre,
d'avoir rompu avec la politique du court terme, qui semblait présider aux
destinées de l'Agence. Le contrat d'objectifs et de moyens que vous avez
annoncé, et qui offrirait à l'AFP une garantie sur le montant des abonnements
de l'Etat, me paraît être l'instrument adapté pour assurer le développement de
l'Agence.
Je rappelle néanmoins que la modification du statut de l'Agence devra être un
jour envisagée. Cela pourrait se faire, d'un côté, en respectant le contrat
d'objectifs et de moyens, et, de l'autre, en procédant à une réforme
statutaire. Ce serait, comme l'on dit aujourd'hui, une opération «
gagnant-gagnant ».
En conséquence, c'est avec une attention particulière que la commission des
affaires culturelles suivra l'évolution d'un dossier qui devrait enfin, après
des années d'enlisement, connaître une issue positive.
Sous réserve de ces observations, la commission a décidé de donner un avis
favorable à l'adoption des crédits de la presse pour 2003.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de
l'Union centriste.)
Mme Danièle Pourtaud.
Et la télévision ?
M. le président.
On peut la prendre maintenant, si M. de Broissia est sûr de présenter le
rapport en cinq minutes.
M. Louis de Broissia,
rapporteur pour avis.
Ça ira !
M. Ivan Renar.
Ah, ça ira, ça ira !
(Sourires.)
M. Louis de Broissia,
rapporteur pour avis.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes
chers collègues, j'en viens à la communication audiovisuelle.
Avec un montant total de 3,3 milliards d'euros - ce qui n'est pas rien, comme
l'on disait dans ma campagne ! - les ressources globales de l'audiovisuel
public progresseront de 2 % en 2003 par rapport aux chiffres prévus en 2002.
Je tiens, en premier lieu, à rappeler - comme mes collègues le feront sans
doute après moi - qu'en l'espace de cinq ans la part du financement public dans
le budget des organismes est passée de 69 % à 77 %, alors que celle des
ressources publicitaires et de parrainage a régressé de près de sept points sur
la même période, passant de 26 % à 19 %.
M. Henri Weber.
Merci, Mme Tasca !
M. Louis de Broissia,
rapporteur pour avis.
Cette évolution salutaire, que nous avons tous
soutenue, mon cher collègue, va dans le sens de l'indépendance de la
programmation des opérateurs publics, et justifie qu'on leur rappelle de temps
à autre les exigences de diversité et de qualité qui fondent leur
légitimité.
De tels rappels, monsieur le ministre, ne me choquent pas, car ils ne sont pas
l'expression d'une quelconque défiance de la part de la tutelle à l'égard des
organismes, encore moins, comme on a cru le lire par-ci par-là, une entreprise
de déstabilisation. Ils sont, au contraire, la preuve, s'il en fallait une, de
l'intérêt que leur portent les pouvoirs publics. L'actionnaire ne peut rester
indifférent à l'objet social de l'entreprise.
(M. Michel Pelchat applaudit.)
M. Philippe Nogrix.
Bien sûr !
M. Louis de Broissia,
rapporteur pour avis.
Ce projet de budget pour 2003 traduit une certaine
continuité en matière de politique audiovisuelle. Prudent à défaut d'être
ambitieux, il repose sur une progression de 2 % des ressources publiques
affectées aux organismes qui s'élèveront à 2,5 milliards d'euros.
Alors que le produit total de la redevance progressera de 4 % pour s'établir à
2,07 milliards d'euros, le montant des crédits alloués au remboursement des
exonérations de redevance s'élèvera, lui, à près de 450 millions d'euros. Le
total s'élève bien à 2,5 milliards d'euros, comme je l'ai dit.
En dépit des perspectives favorables qui caractérisent l'évolution du montant
des ressources publiques, quelques remarques me paraissent nécessaires.
La première, monsieur le ministre, a trait au taux de la redevance.
En effet, si l'on peut constater la croissance, encouragée mais spontanée, du
produit de la redevance, on peut néanmoins regretter l'absence de
revalorisation de ce taux. Le taux pour un poste couleur aurait pu, par
exemple, être arrondi à 120 euros, sans grand risque.
Déjà, l'an dernier, je m'étais prononcé en faveur de l'augmentation régulière
du taux de la redevance, ou au moins de son maintien en francs constants,
estimant qu'une telle politique était nécessaire pour assurer de façon certaine
aux différents opérateurs les moyens de financer leur développement.
Avec un montant fixé à 116,50 euros, le taux de la redevance pour la détention
d'un poste couleur se situe en effet en dessous de la moyenne européenne, qui
s'élève à 142 euros - je vous renvoie à d'excellents rapports -, très largement
en retrait des taux britannique et allemand, fixés respectivement à 179 euros
et à 193 euros.
Ma seconde remarque portera sur le coût réel du service de la redevance.
L'administrateur avec qui j'ai travaillé avec plaisir et moi-même avons
réalisé des enquêtes sur ce sujet. Si l'on peut se féliciter de la stabilité du
coût du service budgété depuis maintenant trois ans, qui traduit effectivement
d'importants gains de productivité, je tiens à rappeler que ce coût affiché,
soit 73,5 millions d'euros, ne correspond pas au coût réel du service.
On sait, en effet, depuis 1999, et le rapport d'enquête de l'inspection
générale des finances le prouve, que certaines dépenses, et non des moindres,
sont imputées non pas directement sur le budget du service, mais sur celui des
charges communes, le coût réel du service correspondant, en fait, au double du
montant budgété.
Le coût réel du service de la redevance reste donc difficile à évaluer, alors
qu'il mériterait plus de transparence, ne serait-ce que pour qu'on n'écrive pas
n'importe quoi à ce sujet. Un grand hebdomadaire indiquait que le coût dudit
service atteignait à peu près le coût de la redevance, ce qui est complètement
stupide, puisqu'il est de 4 % à 8 %.
Mme Danièle Pourtaud.
Cela fait plaisir à entendre !
M. Louis de Broissia,
rapporteur pour avis.
Les chiffres sont toujours parlants !
L'occasion de clarifier cette situation sera peut-être donnée par la
nécessaire transformation de la redevance, qui fait partie des taxes
parafiscales qui cesseront d'être perçues à la fin de l'année 2003, en
application de la nouvelle loi organique relative aux finances publiques.
J'espère, monsieur le ministre, que le Parlement sera associé à la réflexion
sur l'évolution du mode de financement de l'audiovisuel public. Permettez-moi,
dès à présent, de marquer une préférence pour la formule d'une taxe affectée
dont il serait souhaitable que le coût de recouvrement soit moindre que celui
de l'actuelle redevance.
M. Michel Pelchat.
Très bien !
M. Louis de Broissia,
rapporteur pour avis.
Permettez-moi aussi de souhaiter que l'on étudie,
comme vous l'aviez suggéré, la possibilité de lier le recouvrement de cette
taxe à celui de la taxe d'habitation - ce que l'on a commencé à faire, monsieur
Pelchat - ce qui permettrait à la fois de réduire la fraude et d'alléger les
coûts de recouvrement. Puis-je enfin suggérer que le taux soit réduit pour les
redevables de plusieurs redevances ? J'ai constaté en effet que le taux de
fraude était infime pour la redevance due pour un premier poste de télévision,
mais considérable pour celle qui est due pour un second poste de télévision
situé dans la résidence secondaire. Dans mon rapport écrit, je formule des
propositions pour y remédier.
Les ressources propres des organismes, quant à elles, devraient augmenter de
1,5 % pour atteindre 764,29 millions d'euros. Cet objectif prudent tient compte
de la morosité actuelle du marché publicitaire.
Je ne m'appesantirai pas sur la répartition des crédits entre les organismes.
J'insisterai surtout sur le fait que, compte tenu du décalage du lancement des
nouveaux projets du service public sur la télévision numérique de terre, la
TNT, on peut l'affirmer, les engagements souscrits par l'Etat ne sont pas
honorés.
Certes, mes chers collègues, le contrat d'objectifs et de moyens signé le 20
décembre 2001 entre l'Etat et France Télévisions prévoyait une croissance de la
ressource publique de 3,1 % par an.
Mme Danièle Pourtaud.
Eh oui !
M. Louis de Broissia,
rapporteur pour avis.
Toutefois, ce taux de croissance tenait compte du
lancement des nouvelles chaînes du groupe qui devaient être diffusées sur la
TNT.
M. Henri Weber.
Pas seulement !
Mme Danièle Pourtaud.
Cela veut dire qu'il y avait une dotation.
M. Louis de Broissia,
rapporteur pour avis.
Compte tenu du retard pris par la TNT et du
réexamen légitime des projets de chaînes développés par France Télévisions, ces
2 % semblent correspondre à une croissance raisonnable de la ressource publique
pour les chaînes existantes.
Mme Danièle Pourtaud.
Voyez France 3, ils en pleurent de bonheur !
M. Louis de Broissia,
rapporteur pour avis.
Madame Pourtaud, je représente le Sénat comme
administrateur.
S'agissant de France Télévisions, je tiens à faire trois ou quatre
commentaires.
En ce qui concerne la gestion du groupe, le travail effectué par M. Marc
Teissier, P-DG de France Télévisions, doit être souligné. Il est parvenu à
assurer tout à la fois le redressement financier du groupe et la
rationalisation de son organisation.
En ce qui concerne les programmes et la prétendue dérive commerciale des
principales chaînes de France Télévisions, il faut quand même constater que la
programmation des chaînes respecte les obligations - telles qu'elles sont
écrites, mais peut-être devront-elles être réécrites - en matière de programmes
« culturels » figurant dans les cahiers des charges et dans le contrat
d'objectifs et de moyens.
Ces obligations, en dépit de leur caractère insuffisamment précis, sont en
effet le seul critère objectif disponible à l'heure actuelle. Sans doute
faudra-t-il en proposer d'autres.
En attendant les résultats de la mission que vous avez confiée à Catherine
Clément, je formule un souhait, celui que de futures obligations permettent
d'assurer des horaires de diffusion décents à ce type de programmes.
En dernier lieu, les résultats obtenus par France 5 sont absolument à
souligner. La chaîne qui, l'an dernier, a renouvelé à 80 % sa grille de
programmes, a ainsi montré que l'on pouvait développer son audience et attirer
les annonceurs en offrant au public des contenus de qualité : c'est un succès
confirmé.
France 3 doit se préparer à la compétition avec des télévisions locales et
sortir de son statut de « monopole régional ».
Pour terminer, j'évoquerai le dossier de la TNT.
La commission des affaires culturelles tient à saluer non seulement l'attitude
pragmatique du Gouvernement, qui a eu le courage de prendre la mesure des
difficultés techniques et économiques du projet, mais aussi le travail accompli
par le CSA, qui a eu le souci d'assurer la meilleure utilisation de la
ressource numérique en composant des bouquets équilibrés.
Monsieur le ministre, ce projet de budget, que vous avez à juste titre placé
sous le signe de la responsabilité conjointe de l'Etat et des organismes,
devrait permettre aux organismes de l'audiovisuel public de financer leurs
priorités.
C'est pourquoi la commission des affaires culturelles a décidé d'émettre un
avis favorable à l'adoption des crédits de la communication pour 2003.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants,
et de l'Union centriste.)
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à douze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures trente-cinq, est reprise à douze heures
cinq.)
M. le président.
La séance est reprise.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances pour
2003 concernant la communication.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 18 minutes ;
Groupe socialiste, 15 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 10 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 10 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 5 minutes.
Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des
présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix
minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Louis Duvernois.
M. Louis Duvernois.
Monsieur le ministre, je me permets, d'abord, de vous féliciter de nous
présenter un projet de budget pour la communication fort encourageant, et ce
dans de nombreux secteurs.
En effet, la distribution des crédits telle qu'elle est prévue dans ce projet
de budget devrait permettre de répondre aux besoins divers de la communication
française. Il est d'ailleurs indispensable, voire primordial, que la France
conserve une capacité de communication riche, variée, à la fois singulière et
ouverte sur le monde extérieur.
Votre projet de budget, monsieur le ministre, va dans ce sens en s'axant
autour de grandes priorités qui devraient permettre à la France, grâce à la
fois à la volonté du Gouvernement et à la dynamique culturelle internationale,
d'améliorer et de faire progresser résolument le paysage de la communication
française. Ces progrès, monsieur le ministre, se déclinent autour de plusieurs
secteurs.
J'aborderai, tout d'abord, le secteur de l'audiovisuel public.
Je ne manquerai pas de noter que votre projet de budget respecte expressément
les engagements pris par le Président de la République à l'égard du secteur de
l'audiovisuel public. En effet, le Président Chirac avait déclaré, en avril
dernier, qu'il souhaitait « un service public fort, au financement garanti et
moins tributaire de la publicité, un service respectueux de ses engagements et
de ses missions ».
Aussi, quelle n'est pas notre satisfaction de constater que vous n'avez pas
oublié cette promesse dont votre projet de budget s'est immédiatement fait
l'écho ! En effet, les chiffres sont très clairs et annoncent, d'emblée, que
les crédits accordés pour 2003 au secteur de l'audiovisuel public - France
Télévisions, Arte, l'Institut national de l'audiovisuel, Radio France, RFO et
RFI - enregistreront une hausse de 2%, soit plus de 49 millions d'euros, et ce
sans aucune augmentation de la redevance, qui restera, je le rappelle, de
116,50 euros pour un poste en couleurs et de 74,31 euros pour un poste en noir
et blanc.
Cette hausse est un véritable progrès et une bonne étape pour l'évolution du
secteur public audiovisuel, qui devait se sentir particulièrement oublié,
délaissé depuis plusieurs années. Une telle augmentation des crédits devenait
en effet plus qu'urgente. Pour appuyer mon propos, je citerai un rapport de
Claude Belot, paru en 2000, qui signalait déjà « une lente asphyxie financière
» du secteur public, qui avait « longtemps souffert de restrictions financières
exogènes imposées au nom de la maîtrise des dépenses de l'Etat. »
Par ailleurs, cette hausse des crédits dont pourra bénéficier l'audiovisuel
public provient de l'utilisation des crédits non consommés en 2002, mais
également, comme vous l'avez expliqué, monsieur le ministre, du retard pris
dans la mise en place de la télévision numérique terrestre, la TNT. Ce report
devrait permettre au groupe France Télévisions de faire moins de dépenses.
Ainsi, le rapport Boyon prévoit qu'environ 40 % de la population devraient
bénéficier de la TNT en décembre 2004 et 80 % en 2008. N'oublions pas non plus
que votre ministère dispose d'une réserve de crédits de paiement et
d'investissement non consommés. Il faut, bien sûr, ajouter à ces chiffres celui
des ressources propres des entreprises publiques, qui augmenteront de 0,7 %,
soit 5 millions d'euros, par rapport à la loi de finances initiale de 2002.
Mais je n'irai pas plus loin, monsieur le ministre, sans répondre à l'avance
aux accusations qui risquent de fuser rapidement des travées de l'opposition.
En effet, je tiens à souligner que la majorité est totalement consciente du
fait que la TNT reste l'une des grandes priorités du Gouvernement. En tout état
de cause, il faut bien reconnaître que le retard de son installation est bel et
bien dû à un manque de lucidité et d'objectivité du gouvernement précédent.
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Très juste !
M. Michel Pelchat.
Bravo !
M. Louis Duvernois.
Quant au temps nécessaire à la mise au point d'un tel programme. Dominique
Baudis, président du Conseil supérieur de l'audiovisuel, le CSA qui a été
auditionné en juillet dernier par la commission des affaires culturelles,
expliquait que le retard pris par rapport au calendrier initial était dû «
d'une part, au délai de parution des décrets relatifs aux futures chaînes et,
d'autre part, au nombre beaucoup plus important que prévu des dossiers soumis
au CSA en réponse à l'appel à candidatures ».
A ce stade de mon intervention, je me permettrai monsieur le ministre, de vous
poser quelques questions concernant l'utilisation que le secteur audiovisuel
public devra faire de ces nouveaux crédits.
En effet, cette hausse de moyens devrait permettre à la télévision publique de
respecter les missions et les objectifs qu'elle s'était fixés par les contrats
d'ojectifs et de moyens. Je rappelle que ces contrats doivent en particulier
permettre aux administrateurs de tutelle et au Parlement de pouvoir contrôler
la pertinence de l'utilisation des ressources publiques de l'audiovisuel.
Je ferai référence aux propos tenus par le président du Sénat, M. Christian
Poncelet, lors de la clôture d'une table ronde sur l'avenir de la télévision
numérique. Le président évoquait alors la manière dont il concevait un bon
service public et déclarait : « Un consensus se dégage en France, comme chez
nos voisins d'ailleurs, pour réaffirmer notre attachement à un service public
fort, à vocation généraliste, réalisant des audiences importantes, mais avec un
contenu de qualité. »
Aussi, ma question est la suivante, monsieur le ministre : Comment
souhaitez-vous que le service public utilise les crédits que vous lui allouez
pour qu'il dispense, justement, ce « contenu de qualité » et qu'il puisse tenir
tête au secteur privé ? Comment ce budget devra-t-il se répartir pour entraîner
une amélioration des programmes, pour que les différents groupes revoient leurs
règles de concurrence, pour qu'ils se préparent à l'ère de la TNT ?
Par ailleurs, il faut prendre en considération le fait que les Français ont
beaucoup d'exigences à l'égard de la qualité des programmes tant au niveau de
l'information, de la culture, que du divertissement, mais également en ce qui
concerne de grands sujets d'actualité tels que la violence et la morale à la
télévision. Il semble donc dès à présent nécessaire de redéfinir les véritables
objectifs de la télévision publique et ce projet de budget semble en être la
meilleure occasion.
Cependant, il est beaucoup question de faire disparaître les taxes
parafiscales, ce qui suscite quelques interrogations sur la manière dont sera
financé l'audiovisuel public dans les prochaines années.
Je reviens, à présent, sur la question de la télévision numérique terrestre.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser quelle part de vos crédits va
aider à mettre véritablement en place cette nouvelle structure ? Quel sera
concrètement le coût de son installation ? Notre rapporteur spécial de la
commission des finances, M. Claude Belot, préconise en effet, en matière de
numérique, de faire preuve « de réalisme économique » : plutôt que de s'épuiser
financièrement à couvrir la totalité du territoire national, il conviendrait
dès maintenant d'envisager une couverture satellite pour toutes les zones trop
difficiles à desservir. Pourriez-vous nous en dire plus, monsieur le ministre,
sur la manière dont la France compte procéder pour prévoir la meilleure manière
d'installer la TNT ?
Par ailleurs, pourriez-vous nous parler du projet de lancement d'une chaîne
internationale, laquelle est souhaitée par le Président de la République, et
qui viendrait compléter cette volonté d'ouverture de la communication française
sur l'extérieur ?
Si votre budget permet de commencer à répondre à certaines attentes du secteur
audiovisuel - attentes des professionnels, mais aussi des spectateurs - il
consacre également une large part au secteur de la presse.
Certes, nous avons noté une stabilité dans les crédits consacrés à la presse :
stabilité des moyens attribués à la diffusion, à la distribution de la presse,
à la défense de son pluralisme. Mais, en réalité, votre projet de budget,
monsieur le ministre, se démarque par la priorité qu'il accorde à la
modernisation de ce secteur, notamment grâce au développement du multimédia.
L'un des points les plus importants demeure cependant la large place que vous
faites à la modernisation de l'Agence France-Presse, l'AFP, qui se voit
allouée, pour 2003, 100,2 millions d'euros, contre 95,9 millions d'euros en
2001, soit une augmentation de 4,49 % par rapport à la loi de finances initiale
pour 2002.
Aussi, monsieur le ministre, pourriez-vous nous préciser la raison pour
laquelle vous avez choisi une telle priorité ?
Je finirai en posant deux brèves questions sur la presse. La première part du
constat de la très large place que prend la presse gratuite dans notre pays.
Est-ce un sujet d'inquiétude pour votre ministère ?
Ensuite, vous avez déclaré, lors de la discussion du projet de loi de finances
à l'Assemblée nationale, qu'il fallait réorienter les jeunes vers la lecture de
la presse. Quelles mesures comptez-vous prendre pour ce faire ?
Je conclurai, monsieur le ministre, en vous exprimant ma satisfaction d'avoir
observé qu'au travers de ce projet de budget vous avez ébauché un avenir plus
prometteur pour des secteurs de la communication qui en avaient largement
besoin. Bien sûr, certains efforts restent à accomplir. Mais, grâce à votre
politique, la France se dirige vers une véritable et encourageante
modernisation de notre communication.
(Applaudissements sur les travées des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Georges Othily.
M. Georges Othily.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen des
crédits consacrés à la communication dans le projet de loi de finances pour
2003 me donne l'occasion de vous exposer la situation de l'entreprise Radio
France Outre-mer, plus connue sous le nom de RFO.
Seule entreprise du secteur public de l'audiovisuel à être présente outre-mer,
RFO souffre d'un certain nombre de handicaps, dont certains nuisent à ses
nombreuses potentialités.
Cette entreprise est implantée dans neuf départements et territoires
d'outre-mer, qui sont eux-mêmes répartis sur huit fuseaux horaires différents.
Quelle dimension extraordinaire pour la francophonie et pour la présence de la
France à travers le monde !
Avec un chiffre d'affaires de 217,4 millions d'euros, et malgré une
augmentation des produits d'exploitation de 6 millions d'euros, RFO ne parvient
pas à trouver un équilibre budgétaire.
L'entreprise souffre également d'un manque de cohérence de l'Etat actionnaire
et d'une perception souvent exclusivement technocratique, faute d'une prise en
compte des particularismes insularo-ultramarins de huit de ces neuf
établissements régionaux.
Au total, 84 % des ressources budgétaires de l'entreprise sont consacrées à
son fonctionnement.
Cette vision, certes sommaire et globalisante, de la situation de l'entreprise
au cours des quatre dernières années ne doit pas masquer les errements
budgétaires dont celle-ci a été victime dans la période récente, notamment dans
la loi de finances de 2002. Si ses crédits ont été réévalués, d'une manière
parfaitement irréaliste d'ailleurs, concrètement, cela s'est traduit par une
réduction corrélative des ressources issues de la redevance, qui ne s'étaient
du reste accrues que de 6,5 %. Compte tenu de tout ce qui a été dit, cela
représente le plus faible taux de progression de toutes les entreprises du
secteur public.
Les errements dont a été victime RFO se sont automatiquement répercutés sur
l'établissement du budget de 2002, lequel n'a pas été approuvé d'ailleurs, à
l'époque, par le conseil d'administration de RFO, à la suite de divergences qui
opposaient l'autorité de tutelle et la direction de l'entreprise.
Pour bien comprendre le fonctionnement de l'audiovisuel public outre-mer, il
faut concevoir que, malgré son implantation au coeur de chacun des départements
et territoires d'outre-mer, RFO n'échappe pas à une certaine vision
parisianiste d'un outre-mer générique, même s'il y a, de fait, l'information
mise à part, autant de RFO que de stations régionales : les grilles de
programmes et la durée des journaux sont souvent décidées depuis le siège
parisien. Pour maintenir ses parts d'audience dans des marchés ultramarins que
l'évolution technologique rend de plus en plus concurrentiels, RFO se doit de
jouer son rôle d'opérateur de télévision et de radio de proximité soucieux des
attentes de ses publics, tout en leur assurant une nécessaire et indispensable
ouverture sur l'Europe et sur le monde.
RFO doit également, plus qu'ailleurs, veiller au contenu éducatif et culturel
que véhiculent ses programmes, sans chercher à privilégier à tout prix une
audience à bon compte, en intervertissant, par exemple, comme c'est le cas
depuis septembre 2002 dans le bassin Caraïbe,
Questions pour un champion
et une
telenovela
mexicaine, mal doublée en français, dont les
téléspectateurs eux-mêmes ne sont pas les derniers à se plaindre.
Les contenus éducatifs de la télévision et de la radio, monsieur le ministre,
revêtent, aux yeux des Ultramarins, un intérêt d'autant plus important que RFO
ne peut pas participer sérieusement à la conception des différents
programmes.
Seule une véritable télévision de proximité - parfaitement définie par le
concept de « télé-pays » - et de réelles « radio-pays » peuvent, à mon sens,
parvenir à jouer ce rôle en prenant en compte les situations qu'elles ont à
décrire, à combattre ou à contribuer à faire évoluer.
La situation budgétaire de l'entreprise avait conduit, il y a quelque temps, à
ne concevoir ces magazines télévisés - aujourd'hui d'ailleurs abandonnés par
suite de l'aggravation de la situation financière de RFO - que comme des
produits de réseau pouvant être indifféremment diffusés par toutes les stations
régionales de l'entreprise, en quelque sorte, des produits génériques
ultramarins ne répondant pas toujours aux attentes des publics auxquels ils
s'adressent.
Le rêve, puisque le nécessaire ne peut se nommer qu'ainsi s'agissant d'une
entreprise empêtrée dans ses difficultés budgétaires, aurait consisté à faire
voisiner, dans la même grille, magazines de réseau et magazines d'intérêt
local, la nécessaire ouverture sur l'univers ultramarin et l'indispensable
approche locale.
Pour résoudre les différents problèmes que connaît l'entreprise, il est urgent
de diligenter une mission d'information et d'évaluation afin de mieux définir
et réorienter la politique audiovisuelle des régions ultramarines.
Cependant, la réponse ne saurait être uniquement conceptuelle : elle est aussi
et surtout budgétaire. L'analyse qu'a faite, de la dotation budgétaire allouée
à RFO notre excellent collègue rapporteur spécial est suffisamment explicite :
les citoyens de la France du large n'auront pas satisfaction avec le budget
pour 2003 ! Il y a le souhaitable ; contentons-nous du possible. C'est ce que
nous faisons en approuvant ce budget.
M. le président.
La parole est à M. Michel Pelchat.
M. Michel Pelchat.
Dès votre prise de fonctions, monsieur le ministre, vous avez clairement
annoncé votre attachement au service public de l'audiovisuel et vos nombreuses
ambitions pour ce secteur.
Le projet de budget que vous nous présentez aujourd'hui en est l'illustration
comme il est le témoignage de votre sens élevé de vos responsabilités.
Le budget de la communication audiovisuelle pour 2003 est en augmentation de 2
% par rapport à la loi de finances initiale pour 2002 alors qu'est reportée la
mise en oeuvre de la télévision numérique de terre, la TNT. Le Gouvernement a
donc veillé à ce que les engagements contractuels pris par l'Etat envers les
entreprises audiovisuelles publiques en termes d'objectifs et de moyens soient
respectés.
Au reste, quoi qu'en disent certains, 2 % sans la TNT, c'est incontestablement
mieux que les 3,1 % prévus dans le contrat d'objectifs et de moyens avec
lancement d'une TNT coûteuse.
M. Louis de Broissia,
rapporteur pour avis.
Absolument !
M. Michel Pelchat.
Ce propos m'amène à vous faire part, monsieur le ministre, de trois
réflexions.
Premièrement, le Gouvernement a décidé d'affecter aux programmes et à la
création audiovisuelle l'économie de 45 millions d'euros, que le report de la
TNT représente.
En conséquence, le budget consacré aux programmes sera en hausse de 2 % pour
France 2 et France 3, de près de 4 % pour France 5, et d'environ 6 % pour Arte.
Les moyens de ces chaînes devraient donc croître plus rapidement que prévu.
Compte tenu du retard accumulé par la France en la matière par rapport à ses
voisins européens, notamment dans la production de fictions, on ne peut
qu'applaudir cette décision. Rappelons que, malgré cet effort, la France
produit toujours trois fois moins de fictions que l'Allemagne, deux fois moins
que la Grande-Bretagne et que l'Espagne.
Certes, la croissance des ressources n'est pas la garantie d'une meilleure
programmation et de la réalisation de fictions de qualité. Mais avouez qu'elle
peut tout de même y contribuer fortement, monsieur le ministre.
En outre, cette priorité accordée par le Gouvernement à l'amélioration des
programmes et à la création audiovisuelle s'accompagne de réflexions de fond
plus générales sur les trois missions du service public audiovisuel : informer,
éduquer et distraire.
C'est dans cet esprit que vous avez confié deux mission, l'une à Mme Clément,
sur les missions de la télévision à l'égard des politiques de diffusion
culturelle, l'autre à Mme Kriegel - elle vient d'ailleurs tout récemment de
vous remettre ses conclusions - sur la violence à la télévision.
Votre politique va donc clairement dans le bon sens, celui du renforcement du
pôle public audiovisuel, et j'espère que l'ensemble des démarches que vous
entreprenez à cet effet, monsieur le ministre, permettra d'y parvenir. Tel ne
saurait être le cas, toutefois, sans un financement propre et pérenne.
Cela me conduit à ma deuxième réflexion sur le financement du secteur public
de l'audiovisuel.
En application de l'article 63 de la loi organique d'août 2001 relative aux
lois de finances, les taxes parafiscales seront supprimées. La redevance
audiovisuelle, dans son statut actuel, va donc normalement disparaître à
compter de la fin de l'année 2003.
Enfin ! Voilà l'occasion, ou plutôt, devrais-je dire, l'obligation de réformer
la redevance. Nous serons amenés à travailler dans les mois qui viennent sur ce
sujet. Cependant, je tiens, dès à présent, à mettre en garde contre toute
velléité de substituer à la redevance une subvention budgétaire.
Une telle décision ferait courir le risque au budget de l'audiovisuel public
d'être soumis aux aléas budgétaires, avec toutes les conséquences néfastes que
cela pourrait avoir sur ce secteur pour lequel la visibilité budgétaire et le
maintien des niveaux de crédits sont tout à fait primordiaux.
Par conséquent, maintenons, quel que soit l'avenir de la redevance
d'aujourd'hui, des recettes affectées spécifiquement au secteur public de
l'audiovisuel.
Cela dit, l'aspect indubitablement positif de la future réforme du statut
juridique de la redevance sera l'opportunité de réfléchir à l'assiette et au
mode de recouvrement de la redevance.
Je suis d'accord avec vous, monsieur le ministre, quand vous dites que le coût
de la perception de la redevance n'est pas aussi exorbitant que certains le
prétendent, mais je ne suis pas d'accord avec vous sur la fraude : je pense que
la perception de la redevance donne lieu actuellement à une fraude très
importante.
J'en veux pour preuve ces quelques chiffres : au 31 mars 2002, le nombre de
comptes gérés par le service de la redevance était de près de 22,6 millions,
exonérations comprises. Or le nombre de foyers en France est évalué par l'INSEE
à plus de 29 millions.Tous les foyers étant quasiment équipés d'un poste de
télévision, ce sont, par conséquent, près de cinq à six millions de foyers qui
ne paient pas une redevance normalement due. Voilà un demi-milliard d'euros
pour l'audiovisuel public qui n'est pas perçu, monsieur le ministre.
La réforme que nous entreprendrons devra remédier à cet état de fait.
La troisième réflexion que je souhaite formuler concerne la télévision
numérique de terre.
Lors des discussions budgétaires de ces dernières années, j'avais exprimé mes
craintes à votre prédécesseur quant à sa gestion du dossier du numérique
terrestre, d'un point de vue tant juridique que technique, financier et
économique. J'avais d'ailleurs eu maille à partir avec elle lorsque je lui
soutenais, ici même, que jamais la TNT ne verrait le jour à la fin de l'année
2002.
Je ne peux donc que me réjouir que le Gouvernement et vous-même, monsieur le
ministre, apportiez sans ambiguïté votre soutien à la TNT, tout en abordant ce
dossier avec plus de réalisme.
Le remarquable rapport de la mission présidée par M. Michel Boyon sur la TNT à
la demande du Premier ministre va en ce sens, il met en lumière les conditions
nécessaires à un lancement réussi de la TNT afin d'en garantir le
développement.
Plusieurs de ses conclusions mérite d'être relevées ici : l'attrait de l'offre
de programmes, la mise en place d'une distribution efficace, la résolution des
problèmes techniques, l'engagement des fournisseurs d'équipements de
réception.
Outre ces considérations, l'auteur du rapport suggère trois degrès
d'implication pour l'Etat, mais prône surtout un rôle d'accompagnateur du
projet sans pour autant fausser les mécanismes du marché. Je souscris
pleinement à son analyse.
L'auteur du rapport considère que 40 % de la population pourraient avoir accès
à la TNT à la fin de l'année 2004 50 % dans les douze mois qui suivront et que
le taux de couverture serait de l'ordre de 80 % en 2008.
Si ce calendrier me paraît cohérent - je crois que le Gouvernement partage cet
avis - il me conduit à vous poser plusieurs questions, monsieur le ministre.
Premièrement, l'échéance de fin 2004 pour le lancement effectif de la TNT est
avancée. Afin que cette date soit respectée, le réaménagement des fréquences
est l'action à financer en tout premier lieu. Pour cela, il faut un maître
d'oeuvre auquel les moyens seront donnés pour accomplir cette mission. Quelle
décision le Gouvernement compte-t-il prendre sur cette question urgente ?
Deuxièmement, pour réussir le lancement de la TNT, il faut que les industriels
jouent également le jeu en commercialisant, dès à présent, des postes de
télévision susceptibles de recevoir à la fois l'analogique et le numérique.
Un tel matériel est disponible aux Etats-Unis, et en Angleterre, mais pas en
France, où l'on continue de vendre des téléviseurs analogiques, ce qui obligera
les téléspectateurs, le jour venu, à acquérir un modem pour recevoir la TNT.
N'oublions pas qu'un sondage récent a révélé que 69 % des Français
n'envisageaient pas d'investir dans l'achat de nouveaux équipements nécessaires
pour recevoir la TNT.
Chaque année, trois millions de téléspectateurs renouvellent leur téléviseur ;
d'ici à 2005, neuf millions de téléviseurs seront donc vendus sur le marché
français. Les foyers français renouvelant leur téléviseur une fois tous les
sept ans, en moyenne, c'est bien au moment de l'achat d'un nouveau téléviseur
que le choix s'opère.
Si les industriels mettaient sur le marché ce que j'appellerai « les
téléviseurs de l'avenir », c'est-à-dire les matériels suscceptibles de recevoir
le numérique, je suis convaincu que, dès la première initialisation, au minimum
4 ou 5 millions de téléspectateurs seraient équipés pour recevoir la TNT.
Par conséquent, les industriels, comme ils le font, je le rappelle, aux
Etats-Unis et au Royaume-Uni, doivent s'impliquer. C'est la force de
pénétration du numérique qui se joue ici.
Troisièmement, et bien que la question ne se pose pas immédiatement, il faut
engager la réflexion sur la substitution intégrale de l'analogique par le
numérique, et ce sur l'ensemble du réseau, c'est-à-dire à l'initialisation au
numérique des 20 % des territoires restant à couvrir et qui semblent très
difficiles à résorber. C'est dans la recherce d'une utilisation commerciale du
réseau analogique concerné que la réflexion doit s'engager. Les fonds qui
pourraient ainsi être obtenus serviraient à financer les installations
nécessaires à l'initialisation des 20 % du territoire concernés.
Le spectre du secteur analogique a une valeur commerciale considérable ; il
peut être exploité, notamment, pour les liaisons à haut débit du téléphone ou
toute autre utilisation. C'est la réflexion d'ailleurs déjà engagée aux
Etats-Unis.
Par conséquent, on doit faire l'effort d'engager cette réflexion dès à présent
si l'on veut être au rendez-vous de 2004. Plusieurs départements ministériels,
plusieurs entreprises publiques et plusieurs autorités administratives étant
concernés, il me semble que la mise en place d'une mission de concertation
s'impose, monsieur le ministre, pour assurer la maîtrise d'oeuvre.
Telles sont, les quelques réflextions que je souhaitais livrer au débat. Comme
je vous l'ai déjà indiqué, votre budget traduit votre attachement au service
public de l'audiovisuel et votre volonté de le renforcer dans ses missions. Le
groupe des Républicains et Indépendants, très favorable à cette politique,
votera ce budget.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées
du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme Danièle Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « Il n'y a
pas d'amour heureux » comme disait Aragon. Quel dommage, monsieur le ministre,
que vous aimiez tellement le service public de l'audiovisuel ! En effet, si, au
début de l'été, vous lui déclariez votre flamme sur une double page d'un grand
quotidien du soir, peu de temps après, il perdait les 3 % d'augmentation de
redevance que vous lui aviez promis !
Vous récidivez devant notre commission, et ce sont les trois chaînes
numériques supplémentaires que le rapport Boyon balaye comme des feuilles
d'automne.
Je suis donc tentée de vous dire : aimez-le moins, ce service public,
donnez-lui les moyens de défendre sa place dans notre paysage audiovisuel !
Revenons à ce mauvais budget avant de parler de vos projets, si vous en avez
un, pour la télévision numérique terrestre et plus particulièrement pour le
service public et les télévisions locales.
Je vous en donne acte, monsieur le ministre, vous nous proposez un budget de
rupture - et non de reconduction, comme le disait M. le rapporteur spécial -
avec la politique de consolidation du service public menée pendant cinq ans par
le gouvernement de M. Lionel Jospin.
En 2003, l'audiovisuel public devrait disposer, en incluant les ressources
propres du secteur, de quelque 3,304 milliards d'euros, soit une augmentation
de 1,9 %.
Les ressources publiques augmentent également de 2 % en euros constants,
c'est-à-dire, inflation déduite, de 0,4 %, alors qu'en cinq ans elles avaient
augmenté de 38 %.
Hormis le cas d'Arte, qui bénéficie d'une augmentation de redevance de 3 %,
tous les autres organismes de l'audiovisuel public voient leurs ressources
publiques stagner.
Autre rupture malheureuse, monsieur le ministre, vous qui exhortez sans cesse
le service public à prouver sa spécificité, non seulement vous stoppez la
décroissance des ressources publicitaires sur France Télévisions, mais vous
amenez Radio France à les augmenter de 17 % !
Monsieur le rapporteur pour avis rappelait, en le saluant, que Mme Catherine
Tasca avait réussi à faire descendre la part des recettes publicitaires à 30 %,
alors que, sous le gouvernement Juppé, elles dépassaient les 50 %. Merci !
L'audiovisuel public n'a donc plus les moyens de mener une politique à la
hauteur de ses ambitions et de ses capacités.
Pourtant - vous le savez bien, monsieur le ministre - quand on demande aux
Français pourquoi ils écoutent ou regardent le service public, ils donnent
comme première raison l'absence de publicité sur Radio France et l'absence de
coupure des programmes sur France Télévisions. D'ailleurs, Marc Tessier le
rappelait encore devant notre commission en début de semaine.
De la redevance, je ne dirai qu'un mot, puisque nous y reviendrons à
l'occasion de l'examen d'un amendement pour réaffirmer la nécessité de disposer
pour l'audiovisuel public d'une ressource pérenne, indépendante et à forte
potentialité de croissance.
Troisième rupture, enfin, que je veux souligner pour la déplorer : vous ne
respectez pas la parole de l'État en rompant unilatéralement le contrat
d'objectifs et de moyens signé avec France Télévisions, qui garantissait au
groupe public une progression de ses moyens d'au moins 3,1 %.
M. Michel Pelchat.
Oui, mais avec la TNT !
Mme Danièle Pourtaud.
Ecoutez-moi, mon cher collègue !
Ce contrat introduisait, entre les entreprises publiques et l'État, un nouveau
mode de relation leur permettant d'entreprendre des réformes de structures et
de rechercher des gains de productivité, tout en menant des projets de
développement.
Les grèves en cours montrent bien que cette dynamique est remise en cause.
J'en viens aux incertitudes concernant le développement de la télévision
numérique terrestre car, hélas ! alors que nous devrions voir les premiers
programmes sur nos écrans, nous n'en sommes qu'aux rapports et aux
réflexions.
M. Jean-Philippe Lachenaud.
C'est de l'illusion !
M. Michel Pelchat.
N'importe quoi !
M. le président.
Je vous en prie, mes chers collègues.
Mme Danièle Pourtaud.
Je voudrais réaffirmer avec force que la TNT n'a rien d'un gadget
technologique.
M. Michel Pelchat.
Monsieur le président, on ne peut pas laisser dire tout et n'importe quoi !
M. le président.
Veuillez laisser s'exprimer l'orateur !
M. Michel Pelchat.
Que l'on puisse être contre, je puis comprendre, mais pas en avançant des
inepties !
M. le président.
Mme Pourtaud a la parole, et elle seule ! Par ailleurs, nous avons des
contraintes de temps, mes chers collègues.
M. Ivan Renar.
Voilà.
M. Henri Weber.
Un peu de courtoisie, tout de même !
M. Michel Pelchat.
Dans une enceinte politique, il faut dire des choses exactes !
M. le président.
Veuillez maintenant poursuivre, madame Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud.
Je veux donc réaffirmer avec force que la TNT n'a rien d'un gadget
technologique. C'est une évolution technique inéluctable, et le gouvernement de
Lionel Jospin en avait fait un projet démocratique.
M. Philippe Nogrix.
La démocratie numérique !
Mme Danièle Pourtaud.
Offrir à l'ensemble des Français, principalement aux 75 % de nos concitoyens
qui n'en ont que six, quinze ou seize chaînes gratuites est bel et bien un
enjeu démocratique.
Alors, monsieur le ministre, comme beaucoup de Français, je me demande si
votre décision de repousser au mieux d'un an le démarrage de ce beau projet n'a
pas de lien avec l'opposition déterminée des chaînes privées dominantes,
surtout de celle qui, en 2001, s'est accaparée 54,9 % du marché publicitaire :
vous aurez reconnu TF 1.
Monsieur le ministre, la TNT est-elle repoussée ou enterrée ? Le CSA et le
rapport Boyon ont clairement posé deux conditions de réussite de la TNT en
France, après les échecs espagnol, anglais et suédois.
Première condition : la nécessité d'un signe clair et d'un calendrier fixé par
les pouvoirs publics. Seconde condition : un engagement de montée en charge
très rapide des programmes en clair pour que les Français acceptent de
s'équiper d'un décodeur numérique.
Le moins que l'on puisse dire est que les signes envoyés par le Gouvernement
sont loin d'être encourageants et volontaristes. Mais, là encore, je souhaite
revenir sur votre politique pour le service public.
France Télévisions avait, dois-je vous le rappeler, un projet ambitieux et
réalisable pour le lancement de la télévision numérique de terre gratuite : une
chaîne d'information en continu, une chaîne régionale - en réalité, huit
chaînes régionales - et une chaîne reprenant les meilleurs moments du service
public.
Une dotation spéciale de quelque 150 millions d'euros avait été promise par le
gouvernement de Lionel Jospin à France Télévisions pour financer ces
projets.
M. Michel Pelchat.
Ah, les promesses !
Mme Danièle Pourtaud.
C'est là que nous divergeons, mes chers collègues !
Malheureusement, reprenant les conclusions hâtives - une page et demie - du
rapport Boyon, vous remettez en cause les projets de développement auxquels des
équipes travaillaient depuis un an, sans ouvrir de nouvelles perspectives.
Faut-il rappeler, monsieur le ministre, que si le service public ne se déploie
pas il régresse par rapport aux chaînes privées ? Vous voulez un service public
« concis et visible » ; nous, nous craignons qu'il ne soit confiné et
marginalisé.
Nous sortirons alors du modèle français, où prévaut un équilibre entre secteur
public et secteur privé, pour aller vers le modèle américain d'un service
public alibi culturel, dans une niche de 3 % à 4 % d'audience.
Personne, je l'espère, ne le souhaite ici. Mais pourquoi dès lors écarter le
projet de chaîne d'information de France Télévisions, alors que l'information
est une des premières missions du service public, sinon pour ne pas gêner LCI,
chaîne payante et filiale du groupe TF 1 ?
Pourquoi dès lors refuser la chaîne Régions, qui, grâce aux possibilités du
numérique, allait enfin permettre de répondre mieux que ne le fait actuellement
France 3 à la très forte demande d'informations et de services de proximité des
Français, pourquoi, sinon parce que le marché de la télévision régionale
intéresserait les groupes privés si la publicité pour la grande distribution
était autorisée, ouverture que redoute évidemment, par ailleurs, la presse
quotidienne régionale et les radios généralistes ?
Monsieur le ministre, la télévision de proximité, ce n'est pas l'ouverture de
décrochages locaux dans quelques grandes agglomérations, c'est un maillage réel
du territoire, y compris et surtout des zones rurales et peu denses, qui n'ont
aucun intérêt pour les publicitaires.
Seuls le service public et les télévisions associatives sont capables de
réaliser ce maillage au plus près des Français. Monsieur le ministre,
allez-vous créer le fonds de soutien aux télévisions associatives, fonds
indispensable pour qu'elles puissent développer des projets et concourir à
égalité de chances lorsque le CSA lancera les appels d'offres sur les
fréquences locales ?
Je présenterai, lors de l'examen des articles non rattachés, un amendement
vous incitant à le faire, et j'espère que vous voudrez bien y être favorable !
(M. Michel Pelchat s'exclame.)
Monsieur le ministre, François Mitterand écrivait, dans
Mémoire à deux
voix
: « L'homme politique s'exprime d'abord par ses actes ; c'est d'eux
dont il est comptable ; discours et écrits ne sont que des pièces d'appui au
service d'une oeuvre d'action. »
MM. Philippe Nogrix et Michel Pelchat.
Il savait de quoi il parlait !
Mme Danièle Pourtaud.
Votre projet de budget comme vos premières décisions en matière de numérique
terrestre révèlent une politique de marginalisation du service public. Vous ne
serez donc pas surpris que le groupe socialiste vote contre.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe
CRC.)
M. Michel Pelchat.
C'est dommage !
M. le président.
La parole est à M. Philippe Nogrix.
M. Philippe Nogrix.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de
budget de la communication audiovisuelle prévoit une augmentation de 2 % des
recettes publiques.
Cette augmentation ayant pour principal objet de renforcer les programmes de
France 2, France 3 et France 5, ces trois chaînes verront en conséquence leur
taux d'obligations de résultat relevé en matière de production audiovisuelle.
Les télespectateurs, j'en suis sûr, l'apprécieront. La priorité que vous avez
affichée, monsieur le ministre, de défendre le secteur public de l'audiovisuel
est une démarche qu'il faut saluer et à laquelle je souscris entièrement.
Deux points particuliers seront au coeur de mon intervention, le premier étant
RFO.
En tant que membre du conseil d'administration de RFO, je tenais à vous faire
part de mes inquiétudes au sujet de cette société audiovisuelle que ma
participation aux différentes assemblées générales m'a permis de mieux
connaître et qui concourt pleinement au développement et à la défense du
secteur public audiovisuel français, sur l'ensemble de la planète et, en
particulier, dans les territoires les plus lointains.
On entend très souvent dire que RFO coûte cher, que RFO est toujours en
déficit, que l'audience de RFO est en baisse et qu'il faut donc intégrer RFO
dans France Télévisions.
Qu'en est-il réellement et, s'il est vrai que RFO coûte cher, pourquoi ?
C'est un choix politique : RFO fait vivre dix établissements, dont neuf
stations régionales, qui produisent chacune un volume bien supérieur à
n'importe quelle station régionale de France 3. Cela a un coût.
Les établissements de RFO sont éparpillés aux quatre coins du monde. Cela
aussi a un coût.
Tous les personnels, à l'image de ce qui se fait dans l'administration,
bénéficient d'une indexation indiciaire, autre coût incontournable.
Le marché publicitaire s'appuie sur une population peu nombreuse, ce qui
explique la faiblesse des rentrées d'argent.
La présence de la France dans tous ces départements et territoires ultramarins
est à ce coût. Peut-on le regretter ?
RFO est toujours en déficit, c'est vrai depuis 1998.
Ce déficit résulte essentiellement de l'accroissement mal contrôlé de la
production mise en oeuvre par l'ancienne présidence. La sanction fut une
stagnation de la dotation de la redevance, ce qui n'a rien arrangé à
l'équilibre des comptes, puis des baisses de recettes publicitaires sont
intervenues à la suite des événements internationaux.
Malgré tout cela, et sans doute dès 2002, RFO va, après une période
catastrophique, retrouver un certain équilibre financier.
L'audience de RFO est en baisse : c'est encore vrai.
Le monopole est terminé depuis 1993, mais RFO reste tout de même la principale
télévision d'outre-mer. Tempo souffre de son absence de programme spécifique,
mais les télés de pays sont leaders du marché et le service radio RFO a regagné
des positions.
Enfin, le rôle de RFO dans le maintien et la diffusion du français aux
Caraïbes et dans le Pacifique est de plus en plus important. Il serait
insupportable d'en limiter la diffusion, monsieur le ministre.
L'intégration de RFO dans la holding France Télévisions est-elle une bonne
solution ou une fausse bonne idée ?
RFO s'adresse à un public différent de celui de France Télévisions. Il
faudrait donc maintenir des programmes spécifiques. A défaut, le président de
France Télévisions serait progressivement conduit à trancher en faveur des
programmes métropolitains. Si France Télévisions absorbe RFO, il faudra prévoir
des alignements de salaires dus à l'harmonisation des statuts.
On peut douter de la possibilité de réaliser des économies de structure si
l'on examine ce qui s'est passé lors du rapprochement de France 2, France 3 et
France 5.
Pour toutes ces raisons, je pense, monsieur le ministre, qu'il est
indispensable de rester très vigilant sur les moyens budgétaires et sur le
statut de RFO.
Second point que je souhaite aborder : la violence à la télévision ou, plutôt,
la violence telle qu'elle est traitée à la télévision.
A la suite du rapport de Mme Kriegel, rendu public le jeudi 14 novembre, vous
semblez d'accord, monsieur le ministre, pour créer une commission d'évaluation
de la dérive violente sur les chaînes télévisées et du respect des règles.
C'est bien, mais il faut sans doute aller plus loin et renforcer le rôle du
CSA, notamment dans sa capacité à infliger des amendes importantes à ceux qui
n'auraient pas compris que les enfants doivent être protégés.
Je sais que vous y pensez, mais j'aimerais savoir où en sont les décisions de
révisions des pouvoirs de sanctions du CSA ? Quand pensez-vous proposer
l'aménagement de l'article L. 227-24 du code pénal ?
Des évolutions sont nécessaires, nous les attendons avec impatience, car nous
avons un fort devoir de protection de notre jeunesse.
En qualité de président du « 119 - enfance maltraitée », je connais les
ravages causés par les programmes diffuseurs de violence et les traumatismes
provoqués par certaines images pornographiques, qui peuvent, pour toute une
vie, détruire l'équilibre sexuel de certains enfants fragiles en manque
d'éducation familiale.
Votre collègue Christian Jacob va même jusqu'à demander un rééquilibrage de la
commission de classification des films, la jugeant trop laxiste puisque, pour
100 films présentés, 80 ne font l'objet d'aucune signalisation, alors qu'en
Grande-Bretagne, ce rapport est inversé puisque 80 films sont contrôlés.
Il faudra, monsieur le ministre, prendre position, et je compte sur vous pour
nous informer dès que possible de vos intentions sur ce sujet.
Tant le rapporteur spécial que le rapporteur pour avis ont bien fait, chacun à
sa façon, le « tour » des souhaits du Sénat pour faire face aux enjeux de
l'audiovisuel. Comme eux, le groupe de l'Union centriste soutiendra votre
projet de budget, monsieur le ministre.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des
Républicains et Indépendants ainsi que sur certaines travées du RDSE.).
M. le président.
La parole est à M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je
commencerai par les faits.
Les moyens alloués à France Télévisions augmentent de 2 %, c'est-à-dire que,
compte tenu de l'inflation, ils n'augmentent presque pas. Outre le fait que le
Gouvernement ne respecte pas les engagements de l'Etat - il devait assurer une
croissance de 3,4 % -, c'est la preuve du désintéressement que les pouvoirs
publics professent envers l'intelligence des Français.
J'évoquerai quatre points.
Premièrement, la situation de France Télévisions ne saurait échapper à notre
examen.
Le contrat d'objectifs et de moyens vise à trouver une voie ambitieuse pour
que notre pays dispose enfin d'un service public réellement au service du
public, et non pas à celui des annonceurs. Il fallait pour cela se dégager de
la ressource publicitaire et reconnaître la responsabilité publique, donner des
moyens au service public mais aussi de la liberté.
Mais les choix politiques du Gouvernement concernant le service public dans
son ensemble mettent à mal le service public de l'audiovisuel aussi.
Le projet de budget tend à réduire les moyens et les ambitions de France
Télévisions : l'effort engagé à son égard devait s'intensifier pour développer
trois projets de chaînes cohérents pour la TNT. Ces projets, comme les crédits
correspondants, ont été annulés. France Télévisions sera donc le parent pauvre
de l'audiovisuel français. Aux trois canaux qui lui étaient réservés sur la
TNT, on ne propose que l'indigence.
Vous-même avez mis en cause les chaînes de France Télévisions à plusieurs
reprises au cours de l'été, monsieur le ministre, leur reprochant, à juste
titre, me semble-t-il, de ne pas toujours bien s'acquitter de leurs missions.
Vous n'en présentez pas moins un projet de budget qui n'offre pas aux chaînes
publiques la moindre chance de s'améliorer.
Vous avez déclaré vouloir réexaminer le périmètre de la télévision publique,
ce qui, dans le contexte, ne peut que me désoler, à moins que le Gouvernement
ne se souvienne soudainement que la culture et l'éducation sont les meilleurs
obstacles au désamour de soi et des autres. Mais je crains que le vent
majoritaire ne souffle cependant pas dans ce sens à voir, depuis jeudi,
fonctionner la tronçonneuse de la commission des finances.
Deuxièmement, la colère et la désespérance qu'expriment dans leur grève les
personnels de la télévision publique se comprennent aisément : oui, la valeur
du point d'indice est gelée depuis 1997 ; oui, les effectifs sont en diminution
au profit des emplois précaires et extérieurs ; oui, il y a à redire sur les
conditions de travail.
Il s'agit cependant aussi d'un mouvement réfléchi des personnels, qui sont
attachés à l'idée même de service public, service public qu'ils défendent parce
qu'ils connaissent bien leur outil de travail et qu'ils ont l'ambition d'un
service public bien pensé.
Au-delà de la question récurrente des salaires, cette grève exprime la volonté
des personnels, journalistes, réalisateurs, techniciens, de voir revaloriser
leurs chaînes sur le plan des contenus comme de la fabrication : leur
savoir-faire est en jeu. Pensons au gâchis que constitue la casse de la SFP
!
Troisièmement, ce gâchis n'a d'égal que l'avenir piétiné de l'audiovisuel
français.
Le dispositif imaginé pour que la TNT profite au moins autant à l'intelligence
qu'à la finance est mort-né : alors que les projets publics sont interrompus de
force, le processus du côté du secteur privé suit benoîtement son cours. On
voit pourtant bien à longueur de journée ce que l'audiovisuel privé apporte
culturellement.
Je ne suis pas contre l'initiative privée, monsieur le rapporteur pour avis,
et l'expérience Canal Plus a été salvatrice à divers égards.
M. Jack Ralite.
Sauf sous Messier !
M. Michel Pelchat.
TF 1 est une chaîne privée, et elle marche bien !
M. Ivan Renar.
En réalité, les « nouveaux entrants » de la TNT n'en sont pas ; on retrouve de
vieilles connaissances qui prospèrent au gré de la multiplication des supports.
Les dossiers retenus par le CSA sont des émanations de Pathé, Lagardère,
Bouygues, Vivendi, bref ce sont les multinationales des industries culturelles
qui complètent leur suprématie, avec la bénédiction et l'encouragement du
Gouvernement.
M. Louis de Broissia,
rapporteur pour avis.
C'est quand même mieux que Berlusconi à une époque
!
M. Ivan Renar.
Il n'était pas suffisant que Lagardère contrôle 80 % de la distribution de nos
lectures, il lui fallait un débouché audiovisuel !
Une fois encore, le messianisme technologique aveugle les décideurs ; on fait
comme si la multiplication des canaux de diffusion signifiait mécaniquement une
diversification des contenus proposés et accroissait de ce fait le pluralisme.
Mais, du fait de la politique menée, la télévision numérique terrestre
n'apportera rien d'autre qu'une répétition à l'identique.
Le Gouvernement prépare un paysage audiovisuel français dans lequel le service
public ne jouera plus qu'un rôle minoritaire. Vous vous orientez vers un repli
des ambitions publiques accompagné de la tentation d'un retour à l'ordre
moral.
M. Louis de Broissia,
rapporteur pour avis.
Non !
M. Ivan Renar.
Je me dois enfin de faire quelques remarques sur le rapport de la commission
Kriegel.
L'extension de la plage horaire protégée et la fin des exceptions mettraient
en danger le financement de la production cinématographique. De fait, les
chaînes, qui financent le cinéma à 25 %, doivent rentabiliser leurs
investissements. Mais les chaînes sont obligées d'investir dans le cinéma : «
un pied dans l'art, un pied dans l'argent », comme dit Jean-Luc Godard.
C'est donc surtout d'un point de vue qualitatif que le cinéma risque de
souffrir. Le propos des cinéastes se verrait, en effet, systématiquement
édulcoré par un renforcement de la réglementation. De fait, le cinéma
deviendrait le bouc émissaire du système.
Cela pose la question des rapports qu'entretiennent l'art et la société. Il
est étonnant qu'une philosophe ne se soit pas penchée sur cette question :
l'art reflète la société dont il est issu. Interdire la représentation de la
violence empêcherait les auteurs et, par conséquent, les spectateurs, de
réfléchir sur la violence, qu'elle soit inhérente à notre société ou le produit
de l'histoire.
Si cette recommandation était appliquée,
La Reine Margot
de Patrice
Chéreau ou
Il faut sauver le soldat Ryan
de Steven Spielberg ne
pourraient plus, par exemple, être diffusés aux heures de grande diffusion.
Cela soulève donc une autre question, qui est intimement liée à la précédente
: le rôle de l'art dans un pays démocratique. Interdire la représentation de la
violence alors que, de fait, la société connaît la violence réveille la vision
cauchemardesque d'un public endormi, gavé de mièvreries sucrées encadrées par
la puissance publique.
Fort heureusement - et c'est à votre honneur, monsieur le ministre - vous
n'avez pas suivi la partie liberticide des recommandations de la commission
Kriegel, mais, déjà, plusieurs députés de la majorité la reprennent à leur
compte.
Manifestement, le Gouvernement ne prend pas la mesure des enjeux de la
politique de l'audiovisuel. Le service public devrait être le socle d'une
réelle responsabilité publique de la culture, garantissant les droits de la
culture et le droit à la culture. La diversité de la création et l'accès du
public le plus large à celle-ci sont les conditions de la démocratie réelle,
et, à ce titre, elles doivent sans cesse être encouragées.
Au contraire, les choix faits par le Gouvernement bafouent ces droits sans
vergogne : en livrant les médias à la marchandisation, et donc les programmes à
l'uniformisation, il autorise et encourage même dans les faits une perte de
sens qui ne peut qu'être profondément dommageable.
Je n'ai plus le temps, monsieur le ministre, de vous dire tout le bien que je
pense de Radio France, je vous le dirai un autre jour, mais, vous l'aurez
deviné, le groupe CRC ne pourra voter les crédits qui nous sont proposés.
(Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe
socialiste.)
M. le président.
La parole est à M. Henri Weber.
M. Henri Weber.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne
reviendrai pas ici sur ce qu'a excellemment exposé ma collègue et amie Danièle
Pourtaud, qui a regagné sa place en dépit des agressions dont elle a été
victime de la part du sénateur Pelchat, d'habitude plus courtois et mieux
inspiré.
(Rires.)
M. Ivan Renar.
C'était du harcèlement textuel !
M. Henri Weber.
Exactement !
M. Michel Pelchat.
J'accepte la critique quand elle est fondée !
M. Henri Weber.
Je me bornerai à faire quelques remarques complémentaires.
Monsieur le ministre, vous vous êtes prononcé, tout comme nous, en faveur d'un
service public de l'audiovisuel fort et assumant pleinement ses missions. Vous
avez clairement récusé la privatisation de France 2...
M. Michel Pelchat.
Très bien !
M. Henri Weber.
... que notre collègue M. Karoutchi et beaucoup de ses amis de la majorité
sénatoriale...
M. Louis de Broissia,
rapporteur pour avis.
Pas beaucoup !
M. Henri Weber.
... réclamaient avec insistance l'an passé à cette tribune. Nous en sommes
tout à fait satisfaits et nous vous en donnons acte.
Mais vous n'avez pas obtenu les moyens de soutenir cette ambition. Vos
prédécesseurs ont augmenté de 35 % en cinq ans le budget de l'audiovisuel
public ; ils ont réduit de douze à huit minutes par heure la durée des écrans
publicitaires, et ils ont substitué des contrats d'objectifs et de moyens à la
tutelle administrative de l'Etat sur les entreprises de l'audiovisuel.
Votre projet de budget, quant à lui, marque une progression à peine supérieure
au taux de l'inflation, alors que les coûts de production et de personnel des
chaînes se sont accrus très fortement ; l'effort de réduction des écrans
publicitaires a été interrompu ; le contrat d'objectifs et de moyens conclu
entre France Télévisions et l'Etat, à peine signé, a été rompu
unilatéralement.
On connaissait la méthode Raffarin ; on apprend à connaître la méthode
Aillagon : des objectifs ambitieux, souvent proclamés avec panache, beaucoup
d'injustice et d'exagération aussi dans la critique que vous faites de vos
prédécesseurs, mais une intendance qui ne suit pas.
Mme Danièle Pourtaud.
Exact !
M. Henri Weber.
Loin de moi l'idée de réduire tous les problèmes de l'audiovisuel public à la
question de son financement. L'un des mérites du contrat d'objectifs et de
moyens signé par France Télévisions est d'engager la rationalisation de la
gestion des chaînes, au profit de la qualité des programmes.
Mais puisque nous débattons aujourd'hui du projet de budget, comment nier
qu'il y ait, en France, un problème de financement de l'audiovisuel public ?
Notre secteur audiovisuel public réalise la performance de réunir à peu près
la même audience que ses homologues anglais et allemand - environ 40 % de parts
de marchés - avec des ressources une fois et demie, voire deux fois inférieures
: 2 milliards d'euros pour France Télévisions, 3 milliards d'euros pour la BBC,
4 milliards d'euros pour la ZDF-ARD allemande.
Mme Danièle Pourtaud.
Très bien !
M. Henri Weber.
Il fait jeu égal avec les chaînes commerciales TF 1 et M 6, alors que le
chiffre d'affaires de celles-ci augmente de 10 % par an. Combien de temps cela
pourra-t-il durer ?
Un chiffre que vient d'évoquer notre collègue Michel Pelchat me paraît
symptomatique et alarmant : celui des heures de fiction produites. Dans tous
les pays d'Europe, l'engouement pour les séries de fiction nationales ne se
dément pas. L'audience de ces programmes dépasse souvent, et de beaucoup, celle
des séries américaines, et le volume de la production ne cesse d'augmenter : il
atteint 2 000 heures par an en Allemagne, 1 300 heures en Grande-Bretagne, mais
il est tombé à moins de 600 heures en France cette année, soit moins qu'en
Espagne, et désormais moins qu'en Italie.
Mme Danièle Pourtaud.
Hélas !
M. Henri Weber.
J'observe que, depuis cinq ans, dans tous les pays dont l'industrie des
programmes audiovisuels est dynamique, des mécanismes de financement massifs,
régionaux et nationaux, ne sollicitant pas les diffuseurs, ont été mis en
place. Il en est ainsi pour les
Länder
allemands, la Grande-Bretagne,
les provinces canadiennes, l'Etat de Californie. Que comptez-vous faire,
monsieur le ministre, pour remédier au sous-financement chronique de
l'audiovisuel public français, télévision numérique de terre ou pas ?
Mme Danièle Pourtaud.
Très bien !
M. Henri Weber.
Que comptez-vous faire pour favoriser le développement d'une industrie des
programmes digne de notre pays ?
S'agissant de la télévision numérique de terre, à laquelle M. Boyon vient de
consacrer un huitième rapport,...
M. Michel Pelchat.
... excellent, d'ailleurs !
M. Henri Weber.
... vous récusez « toute fuite en avant » du service public, « toute extension
automatique de son offre de programmes ». Je regrette, pour ma part, le
renoncement à la création de la chaîne culturelle et familiale de rediffusion,
qui permettrait de présenter à des heures de grande audience les meilleures
émissions du service public, trop souvent reléguées en ultime fin de soirée.
Elle permettrait, en outre, de créer un second marché de la rediffusion.
Raymond Courrière.
Très bien !
M. Henri Weber.
Je regrette également le « gel » de la chaîne d'information continue, dont
vient de parler Danièle Pourtaud, ainsi que la suspension des chaînes
régionales. Ces choix ne constituaient pas une « fuite en avant », mais, au
contraire, une démultiplication intelligente de ce que fait déjà le service
public et une meilleure exploitation de ses ressources humaines.
Mme Danièle Pourtaud.
Exactement !
M. Henri Weber.
Ils procédaient de l'effort de rénovation de l'entreprise France Télévision et
de rationalisation des moyens et des ressources. J'espère que les trois canaux
que vous avez réservés seront affectés finalement à ces projets initiaux, et je
forme le voeu que vous consacriez un quatrième canal à une chaîne « enfance et
jeunesse », qui fait aujourd'hui défaut.
Mme Danièle Pourtaud.
Très bien !
M. Henri Weber.
Je crois que le succès de la télévision numérique de terre dépendra, pour
beaucoup, du rôle moteur qu'y jouera le service public, et que ce serait une
grave erreur que de chercher à réduire son poids pour des raisons d'économies,
ou d'idéologie. S'agissant des missions de service public de l'audiovisuel,
j'ai lu avec intérêt que vous faites figurer, à leur nombre, à côté de
l'éducation, de la promotion de la culture et de l'information, ce que vous
appelez la distraction. Je crois, comme vous, que les chaînes publiques doivent
assumer pleinement la fonction de divertissement de la télévision, sinon elles
seraient rapidement condamnées à la marginalisation !
Mme Danièle Pourtaud.
Très bien !
M. Henri Weber.
Je crois qu'il existe un « divertissement de service public », distinct des
émissions de divertissement que l'on diffuse sur les chaînes commerciales en ce
qu'il s'efforce, même dans la distraction, de tirer sans cesse le
téléspectateur vers le haut, par respect pour lui.
J'entends beaucoup de bons esprits, au sein de la majorité, affirmer au
contraire que la « distraction » - l'
entertainment,
comme on dit en bon
cauchois - doit être réservée aux chaînes privées, et que le service public
doit se consacrer exclusivement à l'édification des esprits et à l'élévation
des âmes. Ceux-là crient au dérapage dès qu'ils débusquent sur France
Télévisions des émissions de divertissement. Pour ceux-là, et aussi pour nous
tous, monsieur le ministre, il serait utile que vous définissiez, mieux que
vous ne le faites, ce qu'est, à vos yeux, la mission du service public en
matière de divertissement.
Elle est plus facile à définir dans les autres domaines, notamment ceux de
l'information, de l'éducation ou de la promotion de la culture. Mais s'il est
vrai que divertir est l'une des fonctions essentielles de la télévision, que
nos concitoyens regardent plus de trois heures par jour, qu'est-ce que le
divertissement de service public, et en quoi diffère-t-il d'autres types de
divertissements ? Je crois que l'on échapperait à nombre de faux débats si vous
pouviez préciser vos conceptions dans ce domaine, monsieur le ministre.
Le 7 novembre dernier, à l'Assemblée nationale, vous avez tenu les propos
suivants, en réponse à mon ami Didier Mathus : « Le service public doit
disposer d'un navire amiral, d'une grande chaîne généraliste. La privatisation
de France 2 n'est donc pas à l'ordre du jour ! » Voilà qui a dû rassurer les
salariés de France 3, monsieur le ministre !
Vous savez que l'inquiétude qu'ils éprouvent quant à l'avenir de leur
entreprise, nourrie par des déclarations et des rumeurs récurrentes sur le
choix de la réduction du périmètre du service public comme moyen de régler une
fois pour toutes le problème de son financement, est pour beaucoup dans le
déclenchement du mouvement de grève qui se poursuit depuis quinze jours à
France 3.
Votre protestation sélective a amené de l'eau au moulin de ceux qui croient à
une privatisation de France 3 par filialisation de ses antennes régionales et
ouverture du capital de ces dernières aux investisseurs locaux. Vous avez
aujourd'hui l'occasion, devant le Sénat, de rassurer complètement les uns et de
décevoir les autres.
Monsieur le ministre, votre projet de budget de l'audiovisuel rompt les deux
courbes vertueuses tracées par vos prédécesseurs : la courbe ascendante du
financement et celle, descendante, de la dépendance à l'égard des
publicitaires. En outre, il crée l'incertitude sur la place et le rôle du
service public dans l'avènement de la télévision numérique de terre. Pour ces
raisons, en particulier, le groupe socialiste votera contre ce projet de
budget.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jacques Aillagon,
ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de budget que je vous présente
aujourd'hui est réaliste, sincère, et ménage des moyens suffisants pour
financer l'ensemble des actions de l'Etat en faveur de l'audiovisuel et de la
presse.
Mme Danièle Pourtaud.
C'est vous qui le dites !
M. Jean-Jacques Aillagon,
ministre.
Il faut, me semble-t-il, que nous mesurions tous le poids de
notre responsabilité, sans être tentés de travestir la vérité. Quand j'entends
Mme Pourtaud dire que nous aurions ouvert les vannes de la publicité, je me
demande à quoi elle fait allusion ! En effet, aucun des dispositifs
d'organisation ou de contingentement de la publicité existants, tant à la
télévision qu'à la radio, n'a été remis en cause ou altéré. Si la recette
publicitaire de Radio France augmente, c'est, tout simplement, du fait du
relèvement des tarifs, et non pas parce que l'on aurait donné à cette société
nationale licence de diffuser davantage de publicité. Par conséquent, il ne
faut pas raconter n'importe quoi !
(Applaudissements sur les travées du RPR,
des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Louis de Broissia,
rapporteur pour avis.
Très bien !
M. Jean-Jacques Aillagon,
ministre.
Par ailleurs, je tiens à vous préciser, madame Pourtaud, que je
n'ai jamais considéré qu'une politique de développement des moyens constituait
une politique de qualité pour l'audiovisuel public.
Il se trouve que, aujourd'hui même, se déroule la journée nationale de
protestation des sourds et malentendants contre le mauvais traitement que leur
réserve la télévision. Or a-t-on vu, au cours des deux dernières décennies,
plus particulièrement ces cinq dernières années, la situation s'améliorer à cet
égard, malgré l'accroissement des moyens publics mis à la disposition des
télévisions ? A-t-on vu le service public prendre, de façon responsable, des
dispositions visant à un meilleur traitement de cette catégorie de
téléspectateurs ? Non, et c'est déplorable ! Vous le voyez bien, le
développement des moyens ne signifie donc pas forcément la qualité du service
public ni la qualité de l'engagement.
(Nouveaux applaudissements sur les
mêmes travées.)
M. Henri Weber.
Mais il y contribue !
M. Louis de Broissia,
rapporteur pour avis.
Pas forcément !
M. Jean-Jacques Aillagon,
ministre.
Je vous signale également, madame Pourtaud, monsieur Weber, que
certaines chaînes privées que vous vous plaisez à stigmatiser font, en la
matière, mieux que les chaînes de service public.
M. Louis de Broissia,
rapporteur pour avis.
Absolument !
M. Michel Pelchat.
C'est un comble !
M. Jean-Jacques Aillagon,
ministre.
Je le regrette, compte tenu de mon attachement très profond au
service public dans notre pays.
M. Raymond Courrière.
Ça m'étonnerait que vous y soyez si attaché que cela !
M. Jean-Jacques Aillagon,
ministre.
Cela vaut également pour la qualité des programmes.
Si, dès mon arrivée rue de Valois, j'ai souhaité commander à un certain nombre
de personnalités - nous reviendrons sur le rapport de M. Boyon, mais, en
l'occurrence, je pense à Mmes Kriegel et Clément - des rapports sur la question
de la violence, envisagée d'ailleurs de façon générale, pour l'ensemble des
chaînes de télévision au-delà du seul service public, et sur la question de la
qualité culturelle des programmes de ce dernier, c'est que je sentais bien
monter de la population des acteurs culturels de notre pays, ainsi que d'un
certain nombre d'associations représentatives des téléspectacteurs, une
protestation contre la dégradation de la qualité et de la singularité desdits
programmes.
Aujourd'hui, nous sommes donc tous placés devant nos responsabilités. Il ne
s'agit pas de tenter de « noyer le poisson » en étalant le service public, mais
bien de chercher à approfondir celui-ci. Je suis attaché à un service public
singulier, à un service public fort, à un service public respectueux de ses
missions, à un service public qui ne se fixe pas de vains objectifs de
développement - pour reprendre d'ailleurs un terme propre à l'industrie privée
- à un service public qui se consacre, avec inventivité, avec passion, à
réellement servir nos concitoyens.
Vous avez été un certain nombre, mesdames, messieurs les sénateurs, à évoquer
la grève qui a perturbé, au cours des dernières semaines, l'audiovisuel public.
J'ai noté avec beaucoup de satisfaction que les dirigeants de nos entreprises
nationales avaient su régler la question à Radio France et à RFI. S'agissant de
France 2, le problème a été traité à la satisfaction à la fois de la direction
et du personnel. Le mouvement a persévéré sur France 3, parce que l'on a tenté
de faire croire au personnel que le Gouvernement souhaitait remettre en cause
la situation de cette société et que l'on cherchait à privatiser la chaîne.
A cet égard, j'ai clairement indiqué que le Gouvernement était attaché à
maintenir le périmètre actuel du service public, qui comprend une chaîne
généraliste - je crois, en effet, à la vertu de la généralité en matière de
télévision -, une chaîne ancrée dans la réalité de la société française, plus
particulièrement dans la réalité de nos régions, ainsi qu'une chaîne du savoir.
Sur ce point, je tiens à saluer, après nombre d'entre vous, le travail réalisé
dans le cadre de la programmation de France 5.
On a cru ou voulu faire croire que le « recalage » du calendrier de la TNT
privait France Télévisions de perspectives. Il n'en est rien ! Le service
public a pour perspective d'accomplir avec loyauté, avec intelligence, avec
brio les missions qui lui incombent. Il n'est nul besoin d'inventer chaque
matin une nouvelle chaîne, un nouveau programme, un nouveau projet pour être
fidèle à ces missions de service public : leur approfondissement tient
réellement lieu de grand projet pour l'audiovisuel public, et je souhaiterais
que nous en soyons tous convaincus.
S'agissant de la télévision numérique terrestre, mettons un terme, sur ce
sujet aussi, à certaines légendes ou fariboles : je n'ai pas décalé la mise en
oeuvre du projet de télévision numérique terrestre. Croyez bien, madame
Pourtaud, monsieur Weber, que, si nos concitoyens n'avaient pas décidé de
changer la majorité politique de ce pays, l'un des vôtres se trouverait
aujourd'hui à ma place et devrait vous avouer que la télévision numérique
terrestre ne sera pas en mesure de fonctionner à la fin de cette année.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Louis de Broissia,
rapporteur pour avis.
Absolument !
M. Jean-Jacques Aillagon,
ministre.
Comme je le disais à M. Michel Françaix lors du débat à
l'Assemblée nationale, madame Pourtaud, même si vos amis se trouvaient
aujourd'hui au pouvoir, vous n'auriez pas pu voir la messe de minuit en
numérique cette année ! C'était totalement impossible !
(Rires et nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
M. Louis de Broissia,
rapporteur pour avis.
Très bien !
M. Jean-Jacques Aillagon,
ministre.
En effet, la préparation de ce dossier se caractérisait par un
certain nombre de lacunes.
M. Michel Pelchat.
Absolument !
M. Jean-Jacques Aillagon,
ministre.
Ainsi, on avait fait l'impasse sur le traitement de questions
juridiques, techniques et économiques. Il nous appartient aujourd'hui de
reprendre en main le dossier de façon responsable et volontaire. C'est la
raison pour laquelle le Gouvernement, à la suite de la remise du rapport de M.
Boyon, a pris des mesures pour mettre un crédit spécial à la disposition de
l'Agence nationale des fréquences, de manière que le dossier puisse
progresser.
Les choses n'iront toutefois pas aussi vite que certains l'ont prétendu : au
prix d'un travail intensif, 40 % du territoire sera couvert en 2004, et 80 % en
2008. Pour répondre à vos voeux, je m'attacherai, quant à moi, à ce que soit
traitée la question des 20 % résiduels.
Comment, en effet, pourrions-nous estimer avoir accompli notre devoir et
respecté les obligations qui s'imposent à la fois à la représentation nationale
et au Gouvernement au regard du principe d'égalité, si nous nous résignions à
ce que la population de 20 % du territoire reste privée d'un tel service ?
La deuxième légende que je veux combattre est celle selon laquelle le contrat
d'objectifs et de moyens de France Télévisions aurait été dénoncé par le
Gouvernement : ce dernier a simplement pris en compte les conditions nouvelles
que crée le « recalage » du calendrier de la télévision numérique terrestre. Je
l'affirme avec force : une augmentation des moyens de 2 % sans la TNT est de
loin préférable à une augmentation de 3,1 % avec la TNT.
M. Michel Pelchat.
Absolument !
M. Jean-Jacques Aillagon,
ministre.
Ce sont vos amis, mesdames, messieurs les sénateurs de
l'opposition, qui allaient engager l'audiovisuel public dans une impasse,...
Mme Danièle Pourtaud.
Vous savez bien que c'est faux !
M. Jean-Jacques Aillagon,
ministre.
... en lui ouvrant pour seule perspective une fuite en avant,
ce que je juge, pour ma part, irresponsable.
La troisième légende que je souhaite détruire veut que l'avenir du service
public de la télévision serait forcément lié, et même chevillé, à la TNT. Le
président de France Télévisions a lui-même reconnu qu'il n'en était rien et que
l'on pouvait tout à fait envisager que le service public existe, prospère et se
développe sans la TNT. On avait voulu se convaincre que le seul horizon du
service public, c'était la TNT ; or cet horizon, je le répète, c'est
l'accomplissement du service public.
Je souhaite que ce dernier soit caractérisé par une totale exemplarité, dans
les domaines de l'information, du débat, de l'ouverture au monde, de la
production, non seulement cinématographique, mais aussi documentaire. Pour ma
part, je ne me suis jamais consolé d'un certain retrait opéré, au cours de la
dernière décennie, par le service public au regard de ses engagements sur ce
plan, bien que je tienne à relever qu'il y a eu néanmoins d'excellentes
réalisations.
Pour ce qui concerne la TNT, personne ne peut s'opposer au développement d'une
technologie. L'avenir du cinéma, de l'audiovisuel passe incontestablement par
le numérique.
M. Jacques Valade,
président de la commission des affaires culturelles.
Eh oui !
M. Jean-Jacques Aillagon,
ministre.
Il nous revient de prendre en charge ce dossier de façon à
mettre en place les moyens et les dispositifs qui permettront de le mener à
bien. M. Michel Boyon a fait, à ce sujet, un travail que chacun a jugé
remarquable, qui sera d'ailleurs complété, au cours des prochaines semaines,
par la remise au Premier ministre d'un certain nombre de propositions
complémentaires.
Je le répète : le budget pour 2003 permettra à l'audiovisuel d'aborder ses
problèmes, ses projets et ses missions dans de bonnes conditions. Le taux de
croissance moyen de la ressource publique s'élève à 2 %, soit une masse de
crédits supplémentaire de 49 millions d'euros, ce qui permettra à chacune des
sociétés qui composent le paysage de l'audiovisuel public - radio et télévision
- de prendre en charge son destin de façon claire et positive.
Je voudrais revenir sur un certain nombre de questions particulières qui ont
été posées, et tout d'abord sur les questions relatives à la situation de RFO.
Ce dossier a été évoqué par MM. Othily et Nogrix. J'ai bien entendu vos
préoccupations. Je partage pleinement votre appréciation sur le rôle culturel,
social et civique que joue Radio France Internationale dans les départements
d'outre-mer. Cependant, je ne partage pas entièrement votre pessimisme : en
2003, la ressource de RFO évoluera de la même façon que celle des autres
sociétés publiques de télévision.
Le volume de la production propre n'est pas négligeable, même si chacun
convient qu'elle devrait se développer de façon encore plus marquée : elle
représente aujourd'hui, dans la grille de Télépays, le premier canal de Radio
France Outre-mer, 18 % de la programmation, ce qui est tout à fait important
pour une chaîne nationale comprenant des décrochages locaux. La démarche
éditoriale de RFO permet donc d'alterner des programmes repris des chaînes
métropolitaines et de réelles émissions de proximité, les innovations variant
bien sûr d'une antenne spécifique à l'autre.
Pour ma part, je suis bien conscient de l'importance de cette chaîne. On peut
en effet se demander si son efficacité maximale est atteinte dans le cadre
d'une singularité de la chaîne ou serait atteinte dans le cadre d'un amarrage à
France Télévisions. C'est une question dont nous débattrons sans doute.
De façon générale, je vous en ai déjà fait la confidence, il m'est arrivé de
penser que nous avions, en France, tant pour la radio que pour la télévision,
un trop grand nombre de sociétés opératrices et que nous aurions peut-être
intérêt à rationaliser le paysage des opérateurs de la télévision et de la
radio publiques. C'est une vaste question sur laquelle les opinions divergent.
M. Nogrix faisait remarquer que l'on n'avait peut-être pas retiré de
l'association, au sein de France Télévisions, de France 2, de France 3 et de
France 5...
M. Philippe Nogrix.
De synergie !
M. Jean-Jacques Aillagon,
ministre.
... le maximum d'effets synergiques. Je crois qu'il faut
aborder cette question sans aucun
a priori
et de façon très
pragmatique.
Vous avez ensuite évoqué la question de la ressource qui alimente le
financement de l'audiovisuel public, dont la question de la redevance. Vous le
savez, toutes les taxes parafiscales, dont la redevance, seront supprimées à
compter de la fin de 2003, conformément aux dispositions de la loi organique
relative aux lois de finances. Cette réalité nous impose de faire juridiquement
évoluer la redevance. Mes services, en l'occurrence la direction du
développement des médias, ont travaillé au cours des dernières semaines au
recensement de toutes les solutions alternatives envisagées au cours des
dernières années, car le débat est ancien. La question est complexe. On a
souvent entendu critiquer la redevance. Il lui est notamment reproché d'être
impopulaire. Je remarquerai simplement que peu de taxes sont populaires !
(Sourires.)
J'ai noté avec beaucoup de satisfaction que, finalement, il y avait, à ce
sujet, dans cette assemblée, une très large convergence de vues. Je suis
attaché à ce que cette affaire ne soit pas traitée de façon trop superficielle,
trop expéditive et trop légère. Nous devons garantir à notre audiovisuel public
une ressource stable et pérenne, qui ne soit pas soumise aux aléas budgétaires.
En tout cas, la réflexion sera amplifiée au début de l'année prochaine. Je
veillerai notamment à ce que le Parlement, et en particulier votre assemblée
qui attache une grande importance à cette question, y soit associé.
La question de la violence à la télévision, dont la presse s'est largement
fait l'écho, a également été évoquée. Le rapport que j'avais demandé à Mme
Kriegel m'a récemment été remis. J'ai tenu très rapidement à l'examiner et à en
tirer des conclusions. Celles-ci conduiront le Gouvernement à vous proposer
divers aménagements législatifs renforçant, notamment, la capacité de sanction
du CSA.
S'agissant de la violence dans les programmes eux-mêmes, j'observe que l'on
s'est beaucoup focalisé sur le cinéma, qui ne représente pourtant que 7 % du
temps d'antenne. Il faut, concernant la violence, avoir une vision globale et
s'intéresser également à la publicité, aux programmes, aux émissions de
plateau, étant entendu que les images violentes que nous livre, hélas !
l'actualité du monde sont, quant à elles, encadrées par la responsabilité
rédactionnelle des journalistes et leurs commentaires. Il ne s'agit pas de
violence délibérément et quasi voluptueusement proposée aux téléspectateurs.
Nous avons pris acte des recommandations de Mme Kriegel. Celles-ci trouveront
très rapidement une traduction législative.
S'agissant des films pornographiques, le débat ayant été engagé par le CSA
puis relayé par la mission Kriegel, les éditeurs de programmes pornographiques,
qui avaient senti passer le vent du boulet, ont pris spontanément des mesures
de contingentement de l'accès à ces programmes, notamment par la mise en oeuvre
des procédés de double cryptage, afin de permettre aux parents d'organiser
l'interdiction faite à leurs enfants d'accéder de manière fortuite à ces
programmes. J'ai également recommandé que, pour l'avenir, soit dissocié de
l'abonnement aux chaînes cryptées l'accès spécifique aux programmes
pornographiques. Canal Plus et les autres éditeurs de tels programmes ont mis
cette proposition à l'étude.
Monsieur Nogrix, vous avez également évoqué la classification des films
cinématographiques.
D'abord, je ne crois pas que notre commission de classification soit plus
laxiste que la commission britannique, par exemple, car les critères ne sont
pas tout à fait les mêmes. Songez qu'en Grande-Bretagne on contingente la
diffusion des films dans lesquels il est fait usage de gros mots. C'est ainsi
que, dans ce pays,
Le fabuleux destin d'Amélie Poulain
a été interdit
aux moins de seize ans, ce qui, de notre point de vue et de l'usage quasi
historique que nous avons fait de certains mots, notamment du mot de Cambronne,
est presque inenvisageable !
(Sourires.)
Ensuite, je souligne que la commission de classification des films, celle qui
est « amarrée » au CNC, visionne seulement les films qui sont destinés à la
diffusion en salles. Comme il n'y a pratiquement plus de cinémas
pornographiques, la diffusion des films pornographiques étant réservée à
d'autres circuits, notamment à ceux de la vidéo cassette et du DVD, les films
pornographiques ne sont plus traités par la commission de classification des
films ; cette situation nouvelle a donc fait baisser la statistique.
Je tiens aussi à vous dire que, avec mon collègue Christian Jacob, nous avons
travaillé à mieux nous coordonner et, très prochainement, je ferai des
propositions non pas dans le sens d'une réorganisation radicale de la
commission de classification des films, parce que nous sommes, les uns et les
autres, très attachés à la formule actuelle, mais pour améliorer la
configuration de sa composition et les règles qui président à la prise de
certaines décisions, notamment l'interdiction aux moins de dix-huit ans.
M. Philippe Nogrix.
Je vous en remercie.
M. Jean-Jacques Aillagon,
ministre.
A également été évoqué le développement des télévisions
locales, monsieur le sénateur. Il est vrai que, à cet égard, notre pays est
caractérisé par un réel archaïsme. La raison en est très simple et vous l'avez
d'ailleurs soulignée : aucune de ces télévisions n'atteint le moindre équilibre
économique du fait, notamment, des dispositions particulières qui président au
contingentement de l'accès à la publicité d'un certain nombre de secteurs.
La question est très délicate - M. de Broissia le sait bien - puisque certains
de nos partenaires, notamment la presse, et je pense plus particulièrement à la
presse quotidienne régionale, sont très attachés à la pérennité des
dispositions actuelles, qui sont par ailleurs mises en cause par Bruxelles. Il
nous faudra travailler sur ce dossier et tenter, parce que nous sommes, les uns
et les autres, partisans de la concorde, de tendre vers une solution qui
donnerait satisfaction à la fois aux intérêts d'une presse quotidienne, dont
j'évoquerai tout à l'heure, comme vous l'avez fait, la très grande fragilité,
et au nécessaire développement des télévisions locales, étant entendu qu'il
faudra aussi sans doute aménager le cadre juridique qui permettrait aux
collectivités locales de prendre une part plus significative dans leur
développement. Les télévisions locales sont également des instruments possibles
de la vie civique, de la vie culturelle locale et de la civilité.
Mme Danièle Pourtaud.
Vous pouvez développer les télévisions associatives sans nuire à la santé de
la presse !
M. Jean-Jacques Aillagon,
ministre.
Les retards accumulés dans ces domaines doivent être rattrapés
et nous y travaillons.
Vous avez également évoqué la création d'une chaîne d'information
internationale. C'est une question très complexe, d'abord en termes
institutionnels, puisque, comme pour un autre sujet que nous évoquions hier
dans cette enceinte, elle relève de la responsabilité conjointe du ministère de
la culture et de la communication et du ministère des affaires étrangères qui
exerce traditionnellement la tutelle de l'audiovisuel extérieur.
Mais, les uns et les autres, nous nous rangeons au souhait du Président de la
République de voir la France mieux représentée dans la bataille internationale
des images et de l'information. Je pense que nous saurons, dans les prochaines
semaines, décanter l'ensemble des propositions et des analyses qui ont été
émises à ce sujet et vous proposer une perspective qui permettrait sans doute,
au cours des années à venir, de faire en sorte - mais le sujet est très
complexe - que la voix de la France soit mieux entendue dans le monde. En tout
cas, le ministère de la culture et de la communication apporte sa contribution
à cette réflexion.
Je regrette, moi aussi, que le service public n'ait pas pris, en son temps,
l'initiative de créer une chaîne d'information.
Mme Danièle Pourtaud.
Il n'est jamais trop tard pour bien faire !
M. Jean-Jacques Aillagon,
ministre.
Le service public a créé des chaînes sur le câble et le
satellite, notamment la chaîne Gourmet TV et la chaîne Régions, dont vous
connaissez d'ailleurs les difficultés. Mais peut-être aurait-on dû, alors que
l'initiative privée prospérait dans ce secteur et avant même qu'elle agisse,
créer une chaîne d'information continue.
M. Louis de Broissia,
rapporteur pour avis.
Effectivement !
M. Henri Weber.
C'est un peu plus cher !
M. Jean-Jacques Aillagon,
ministre.
Une initiative de ce type aurait été à l'honneur du service
public et de ceux qui en ont assuré la tutelle pendant si longtemps.
Mme Danièle Pourtaud.
Il n'est pas trop tard !
M. Jean-Jacques Aillagon,
ministre.
Aujourd'hui, madame la sénatrice, j'observe que nous sommes
dans un paysage qui est déjà très fortement saturé, avec LCI et
iTelevision,...
Mme Danièle Pourtaud.
Chaînes payantes !
M. Jean-Jacques Aillagon,
ministre.
... chaînes de très bonne qualité, qui accéderont, grâce à la
TNT, à une diffusion nationale élargie.
Mme Danièle Pourtaud.
Le CSA les a placées dans le bouquet payant !
M. Jean-Jacques Aillagon,
ministre.
Toutes les hypothèses relatives à la télévision d'information
internationale sont à l'étude et j'aurai l'occasion de vous en reparler très
prochainement.
En conclusion de cette partie consacrée à l'audiovisuel, je vous dirai que,
aujourd'hui, nous sommes véritablement à la croisée des chemins et qu'il nous
appartient à la fois de confirmer notre attachement au service public, d'en
contenir les développements inutiles et d'inviter le service public à se
renforcer dans l'expression de ses missions propres car, dans un paysage
audiovisuel terriblement banalisé, il appartient en effet au service public de
la télévision de marquer la différence.
On a très peu parlé de la radio. La radio de service public est de très grande
qualité. Voilà quelques années, une campagne de publicité de France Inter nous
invitait à « écouter la différence ». Je souhaiterais que notre télévision nous
permette tout simplement de voir la différence.
S'agissant des aides à la presse écrite, vous le savez et M. de Broissia l'a
rappelé, le dispositif budgétaire pour 2003 reconduit très largement tous les
dispositifs qui caractérisent la politique de l'Etat dans ce domaine et qui
s'orientent autour d'un certain nombre de grands axes : le soutien à la
diffusion et à la distribution, la défense du pluralisme et l'encouragement à
la modernisation. Là aussi, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes à la
croisée des chemins car, comme vous l'avez rappelé, en France, la presse est
soutenue, mais, paradoxalement, la presse quotidienne est dans une très
mauvaise situation. Son volume de publicité a certes diminué, ce qui est
conjoncturel. Mais, surtout, on voit le lectorat s'effondrer, ce qui est très
préoccupant. C'est pourquoi, en 2003, j'engagerai une grande action nationale
de sensibilisation, des jeunes notamment, à la presse écrite, bien sûr dans le
respect du pluralisme, initiative à laquelle j'associerai le ministère de
l'éducation nationale.
Quant à l'Agence France-Presse, conscients de son importance sur la scène
internationale, nous avons pris le parti d'en soutenir l'activité et le
développement de façon très marquée, puisque l'ensemble des abonnements
souscrits par l'Etat dépassera pour la première fois 100 millions d'euros.
Voilà, monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs
les sénateurs, les éléments de réponse que je souhaitais vous apporter. Certes,
ils n'épuisent pas toutes les questions que vous avez évoquées ni la totalité
du sujet, mais il n'aurait pas pu en être autrement compte tenu du cadre
horaire de notre débat.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union
centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées
du RDSE.)
M. le président.
Nous allons maintenant examiner l'article 52 et la ligne 35 de l'état E annexé
à l'article 48.
Article 52
M. le président.
« Art. 52. - Est approuvée, pour l'exercice 2003, la répartition suivante
entre les organismes du service public de la communication audiovisuelle, des
recettes, hors taxe sur la valeur ajoutée, du compte d'emploi de la redevance
pour droit d'usage des appareils récepteurs de télévision :
millions
d'euros
«
France Télévision
1 499,53
«
Radio France
455,90
«
Radio France Internationale
52,30
«
Réseau France Outre-mer
203,05
«
ARTE-France
189,03
«
Institut national de l'audiovisuel
68,22
« Total
2 468,03
.»
L'amendement n° II-22, présenté par M. Estier, Mme Pourtaud, M. Weber et les
membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Compléter
in fine
cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Le Gouvernement dépose, avant le 30 juin 2003, sur le bureau de chacune des
deux assemblées, un rapport sur les modalités auxquelles il entend recourir
pour assurer le financement pérenne, indépendant et évolutif des organismes du
service public de la communication audiovisuelle. Il indique le montant des
ressources qui seront attribuées à ce secteur et la répartition entre les
organismes des moyens affectés pour l'année 2004. »
La parole est à Mme Danièle Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud.
Depuis des années, de très nombreuses voix - cela a été rappelé au cours du
débat - dont la plupart proviennent de l'actuelle majorité, se sont fait
entendre pour réclamer la suppression de la redevance : impôt injuste,
inégalitaire, archaïque, non rentable... On aura tout entendu !
Dans l'esprit de la majorité gouvernementale, envisager la suppression de la
redevance n'est pas vraiment une prise de position innocente ! Est
sous-entendue, en effet, l'idée de réduire, faute de crédits pour suppléer la
redevance, le périmètre actuel de l'audiovisuel public, et de contenter ainsi
quelques intérêts privés.
Le service public de l'audiovisuel constitue pourtant une réalité dans notre
pays et il accomplit des missions éducatives et culturelles qu'aucun opérateur
privé ne serait à même de remplir, compte tenu de ses impératifs en termes
d'Audimat, et donc de ses contraintes de perception de recettes
commerciales.
J'en reviens ainsi tout naturellement à la question du financement de
l'audiovisuel public : la redevance, même si elle peut, dans l'esprit de
certains, présenter des inconvénients, constitue tout de même le seul mode de
financement à la fois pérenne, évolutif et garantissant l'indépendance du
secteur public de l'audiovisuel par rapport au pouvoir politique.
La preuve éclatante en est d'ailleurs faite, cette année, par le Sénat, qui
sabre allègrement dans tous les budgets à la poursuite d'un équilibre
inatteignable, sans égard pour la culture ni pour l'éducation, pourtant déjà
bien maltraitées. Mais le Sénat ne pourra pas, mes chers collègues, toucher aux
ressources de l'audiovisuel public, puisqu'elles ne sont pas constituées de
crédits budgétaires !
A ma connaissance, personne n'est encore parvenu à trouver une source de
financement de l'audiovisuel public réunissant l'ensemble des qualités de la
redevance.
D'autres types de prélèvement ont, par le passé, été écartés, car ils étaient
sujets à des variations, tels que les taxes sur les jeux, sur les opérateurs de
télécommunications, sur les recettes commerciales des chaînes privées, etc.
Monsieur le ministre, vous nous avez dit que vous réfléchissiez sur le sujet,
mais nous sommes inquiets de savoir que, l'an prochain, vous supprimerez cette
taxe, comme toutes les taxes parafiscales.
M. Jean-Jacques Aillagon,
ministre
Mais non !
Mme Danièle Pourtaud.
Nous souhaiterions, s'il faut se résigner à une solution alternative à la
redevance, qu'elle présente les mêmes garanties. Je les rappelle : ressources
pérennes, évolutives et indépendantes.
Nous voudrions que le Parlement puisse en débattre avant l'examen du projet de
loi de finances pour 2004. C'est pourquoi nous vous demandons de bien vouloir
déposer, avant le 30 juin 2003, sur le bureau de chacune des assemblées, un
rapport concernant vos propositions visant à assurer le financement pérenne de
l'audiovisuel public, auquel vous nous avez dit être attaché.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Claude Belot,
rapporteur spécial.
Je ne vois pas la valeur ajoutée, j'émets donc un
avis défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Aillagon,
ministre.
Défavorable.
M. le président.
La parole est à M. Ivan Renar, pour explication de vote.
M. Ivan Renar.
Cet amendement est pour nous l'occasion de souhaiter qu'un véritable débat ait
lieu sur la question...
M. Jacques Valade,
président de la commission des affaires culturelles.
Bien entendu !
M. Ivan Renar.
... parce que le travail d'une commission ne suffira pas à la régler. Un
véritable débat contradictoire de la représentation nationale est
nécessaire.
Pour notre part, nous restons partisans de la redevance audiovisuelle qui est,
en quelque sorte, la seule taxe parafiscale démocratique et le seul exemple
d'actionnariat de masse, dans le cadre de la participation qui est chère à
certains d'entre vous,...
M. Louis de Broissia,
rapporteur pour avis.
Absolument ! Il a de bonnes lectures !
M. Ivan Renar.
... par rapport au service public de l'audiovisuel. Nous ne faisons pas du
tout confiance à la fiscalité dont on connaît les avatars depuis la vignette
dont les recettes devaient être allouées aux vieillards de notre pays !
C'était, je m'en souviens, en même temps que la guerre d'Algérie : ne me
poussez pas sur cette pente glissante...
M. Louis de Broissia,
rapporteur pour avis.
Du temps de l'ancien gouvernement.
M. Michel Pelchat.
Ex-socialiste !
M. Philippe Nogrix.
C'est Fabius qui l'a supprimée !
M. Ivan Renar.
Il est bon que nous soyons informés et que nous débattions chaque année des
orientations et des choix du Gouvernement pour l'audiovisuel public.
En attendant, nous voterons pour cet amendement, car il nous paraît
raisonnable d'avoir deux fers au feu !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° II-22.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 52.
(L'article 52 est adopté.)
Ligne 35 de l'état E
M. le président.
J'appelle la ligne 35 de l'état E concernant la redevance pour droit d'usage
des appareils récepteurs de télévision.
LIGNES |
||||
---|---|---|---|---|
2002 |
2003 |
DESCRIPTION |
PRODUIT
2001-2002 |
ÉVALUATION
2002-2003 |
38 | 35 |
Nature de la taxe : - redevance pour droit d'usage des appareils récepteurs de télévision. |
2 119 500 000 | 2 092 200 000 |
. | . |
Organismes bénéficiaires ou objet : - compte spécial du Trésor institué par l'article 33 de la loi de finances pour 1975. |
. | . |
. | . |
Taux et assiettes : - redevance perçue annuellement : en 2002 : - 74,31 EUR pour les appareils récepteurs « noir et blanc » ; - 116,50 EUR pour les appareils récepteurs « couleur ». |
. | . |
. | . |
Textes : - décret n° 92-304 du 30 mars 1992 modifié ; - décret n° 2002-27 du 8 janvier 2002. |
. |
La parole est à M. Jack Ralite, pour explication de vote.
M. Jack Ralite. Je voudrais, en cet instant, dire quelques mots sur l'ensemble des crédits alloués à la culture et à la communication, qui font l'objet de ce débat.
On pourrait être satisfait, et même heureux, qu'il ait lieu le jour où un écrivain, Alexandre Dumas, entre au Panthéon, écrivain créateur de mythes s'il en est, citoyen sans compromission, révolutionnaire courageux qui s'est illustré en 1830 en France et plus tard en Italie, aux côtés de Garibaldi !
Je me souviens de Gramsci, ce lumineux communiste assassiné par le régime mussolinien, qui lui rendait hommage, ainsi qu'à d'autres, dans ses Cahiers de prison . Il y écrivait que la France, au xixe siècle, avait eu la chance d'avoir une grande littérature nationale et populaire. Il citait Hugo, Dumas, Eugène Sue et Ponson du Terrail. Un quatuor dont la musique des mots et la geste des personnages sont là, parmi nous, comme des éclats du passé.
Oui, l'entrée de Dumas au Panthéon aurait dû faire devoir à la majorité de croiser avec sa courtoisie, c'est aussi la nôtre envers Dumas, une courtoisie pour la culture et les arts.
Or, dans notre débat, nous avons perdu des crédits. Le budget est malmené, comme mis par certains en examen. Et je pressens la naissance d'un vrai procès de la dépense culturelle, comme si, sans le dire, on lui reprochait d'exister.
M. Michel Pelchat. La Faucheuse !
M. Jack Ralite. Dans la perspective de 2004, cela va fragiliser les institutions et les artistes, surtout les jeunes.
Plus ponctionné que d'autres, ce budget va tendre à devenir un peu, et l'année prochaine beaucoup, insaisissable et source potentielle de rétrécissement des libertés artistiques et du pluralisme, alors que, dans certaines villes dont le nombre malheureusement s'accroît, les crédits culturels sont diminués au nom notamment du populisme et de l'identitarisme et que, dans plusieurs journaux, se développe une véritable campagne contre la création, dont les bords, disait Melville, sont nécessairement déchiquetés.
Oui, la création et la culture sont comme à la croisée des chemins. N'est-ce pas le cas dans la société aussi ?
Elles sont un peu comme au jeu de bilboquet, cette boule reliée par une ficelle qui, un instant, menace de manquer son but ; et alors la conscience, l'existence, le sens du monde sont mis en vertige, c'est le désarroi, la peur, l'inertie ; mais si le but est atteint, alors c'est un élan du monde, c'est l'inaccoutumance.
Oui, je veux le redire, dans le débat qui s'est institué, les crédits de la culture ont comme une double peine : moins 5,2 % dans le bleu budgétaire et moins deux millions d'euros de réduction décidée par le Sénat suivant sa commission des finances.
Mme Danièle Pourtaud. C'est vrai !
M. Jack Ralite. Alors que, dans le secteur privé, voyez Jean-Marie Messier et Vivendi Universal (Exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste)...
M. Philippe Nogrix. Allons bon !
M. Jack Ralite. ... qui gâchent, abîment, cassent en culture, sans la moindre peine et sans aucune intervention acceptée démocratiquement par la commission des finances du Sénat.
M. Philippe Nogrix. Ni par Lionel Jospin !
M. Jack Ralite. Et puis, on ne l'a pas dit suffisamment, un amoindrissement culturel affaiblit la France dans les rendez-vous internationaux capitaux qui approchent,...
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. C'est sûr !
M. Jack Ralite. ... dans les conséquences de la conférence de Doha au plan mondial ou de la directive « Télévision sans frontières » au plan européen.
Il en est ainsi de l'exception culturelle dont nous avons été depuis toujours les artisans passionnés. En écoutant certains, je comprends maintenant qu'on préfère la « diversité culturelle » à l'« exception culturelle ».
Pourquoi est-ce si important ? Cela concerne la culture, mais, devant ceux qui sont présents aujourd'hui et qui s'intéressent à la question, je n'en ferai point le résumé. Mais je veux dire que cela va beaucoup plus loin.
Prenez l'éducation nationale : la gratuité, à la fin du xixe siècle, cette invention française, c'est une exception culturelle. Prenez la sécurité sociale à la Libération : la mutualisation des crédits pour la garantir, c'est une exception culturelle et, si elle est amoindrie, il y aura sans doute la diversité des maladies et des malades, mais la question de la maladie ne sera pas réglée.
Je veux dire, pour terminer, ma pensée profonde. J'aimerais que l'on essaie de bien me comprendre ; je sens naître et se développer dans notre pays comme un vent mauvais, sombre, contre la culture, contre la création, contre la responsabilité publique...
M. Philippe Nogrix. Incroyable !
M. Jack Ralite. ... qui devrait être assumée. Mais, croyez-moi, il y a du monde pour empêcher la dérive !
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Ralite.
M. Jack Ralite. Je conclus, monsieur le président. Ecoutez bien : j'étais un jour au marché de Figeac (Exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste) et je regardais les livres sur un étal. Or, sur un livre d'un ancien ministre de la culture, Edmond Michelet, traitant de la déportation, figurait en exergue une phase de Péguy - que je ne cesse depuis de répéter : « Je n'aime pas les gens qui réclament la victoire et qui ne font rien pour l'obtenir. Je les trouve impolis. »
Eh bien, il y a eu de l'impolitesse dans notre débat, alors qu'il aurait fallu des excès de courtoisie. C'est pourquoi, en annonçant que les états généraux de la culture vont créer un rendez-vous national du spectacle vivant auquel participeront 50 % d'artistes et que je suis en train de créer un comité de vérité et d'avenir sur l'affaire Messier pour lequel j'ai déjà obtenu le soutien de personnes de toutes opinions, j'appelle à des excès de courtoisie pour la culture et, si c'est nécessaire - puisque Dumas nous fait l'honneur d'une halte courtoise -, à la d'Artagnan ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. Très belle chute !
M. le président. Je mets aux voix la ligne 35 de l'état E.
(La ligne 35 de l'état E est adoptée.)
M. le président. Le vote sur l'ensemble de l'article 48 est réservé.
Je vous rappelle que les crédits concernant la communication inscrits à la ligne « Services généraux du Premier ministre » seront mis aux voix le jeudi 5 décembre à la suite de l'examen des crédits affectés à la fonction publique et à la réforme de l'Etat.
ÉTAT B
SERVICES DU PREMIER MINISTRE
I. - Services généraux
M. le président.
« Titre III : 24 151 649 euros. »
Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.
M. le président.
« Titre IV : moins 32 104 685 euros. »
La parole est à Mme Danièle Pourtaud, sur le titre.
Mme Danièle Pourtaud.
Permettez-moi, mes chers collègues, puisque le xixe siècle est à l'honneur
aujourd'hui à travers l'hommage que nous rendons à Alexandre Dumas, de donner
la parole à un autre de ses brillants représentants, Chateaubriand, qui
écrivait : « J'ai aidé à conquérir celle de nos libertés qui les vaut toutes,
la liberté de la presse. »
Aujourd'hui, ce qui menace la presse écrite dans notre pays, ce n'est pas la
censure, ce sont les problèmes économiques. Or, là encore, monsieur le
ministre, je suis désolée de vous dire que le projet de budget que vous nous
présentez est en recul. Comparons : sous le gouvernement de Lionel Jospin, les
aides à la presse avaient augmenté de 80 % en cinq ans.
M. Michel Pelchat.
Comment se fait-il qu'il n'ait pas été réélu ? La France n'est pas
reconnaissante envers ses bienfaiteurs !
Mme Danièle Pourtaud.
Elles avaient été complétées par la création, sur l'initiative de mon ami
Jean-Marie Le Guen, du fonds de modernisation de la presse quotidienne et
assimilée d'information politique et générale, financé par une taxe de 1 % sur
la publicité hors média. Il faudrait remonter loin dans l'histoire pour trouver
un pareil effort.
Aujourd'hui, les crédits d'aides directes à la presse, hors abonnement de
l'Etat à l'AFP et du fonds national de la presse, baissent de 12,4 %. L'aide à
la diffusion connaît une baisse de 15,2 % par rapport à 2002. Les aides à la
presse nationale et locale à faibles ressources publicitaires connaissent une
augmentation trop discrète pour être perceptible. Enfin, le fonds d'aide au
développement multimédia stagne.
Par ailleurs, le fonds institué pour le remboursement des charges sociales
acquittées par les entreprises de presse pour le portage des quotidiens
nationaux arrive à échéance, le rapporteur le déplorait. Ce mécanisme
unanimement salué pour son efficacité mériterait d'être prorogé.
Pourtant, monsieur le ministre, vous le savez comme moi, la situation de la
presse écrite reste délicate, son avenir est incertain, voire compromis. De
nombreux titres sont en difficulté du fait de la chute considérable des
recettes publicitaires et des difficultés récurrente liées à la
distribution.
Monsieur le ministre, vous affirmez que les crédits seront supérieurs en
gestion et atteindront plus de 42 millions d'euros. C'est tout de même le fait,
pardonnez-moi de vous le dire, d'un joli tour de passe-passe, puisque vous
n'hésitez pas à prendre 4,57 millions d'euros d'excédents dans le fonds de
modernisation.
Je voudrais m'arrêter un instant sur le fonds de modernisation qui appelle, à
mon avis, plusieurs questions.
Ce fonds ne rend pas ce qui était prévu. Vous avez indiqué tout à l'heure à M.
le rapporteur pour avis, monsieur le ministre, que vous aviez sollicité l'aide
du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. J'espère que vous
tiendrez la représentation parlementaire informée des résultats de cette
collaboration.
Par ailleurs, comme vous l'avez souligné, monsieur le ministre, les crédits du
fonds sont sous-consommés. Plutôt que d'utiliser les crédits destinés à la
modernisation de la presse pour masquer le désengagement de l'Etat, n'aurait-on
pas pu, et surtout n'aurait-on pas dû, envisager d'améliorer son fonctionnement
? Permettez-moi de vous rappeler les propos que vous avez tenus récemment lors
du dîner organisé par
l'Humanité
: « C'est dans la modernisation de la
presse, celle de son impression et celle de sa diffusion, qu'est l'une des clés
de l'avenir. C'est pourquoi le Gouvernement est très attaché aux mécanismes du
fonds de modernisation ». Oui, monsieur le ministre, nous aussi !
Je vous propose donc deux voies d'amélioration.
Tout d'abord, il conviendrait d'élargir les bénéficiaires à la presse
d'information générale, cela n'ôterait rien à la presse d'information politique
et permettrait à des titres quotidiens tels que
L'Equipe
, que j'ai cité
tout à l'heure, qui souffrent et qui pourtant concourent à l'information de nos
concitoyens, d'en bénéficier. Ce ne serait que justice, car ces titres
participent à la solidarité dans le cadre de la diffusion des quotidiens au
sein des nouvelles messageries de la presse parisienne, les NMPP.
Ensuite, ce fonds est en particulier destiné à moderniser l'outil de
production. Certains journaux souhaitent à juste titre s'en servir pour rénover
leur impression, mais son utilisation est plafonnée à quelque 1,83 million
d'euros. Or une rotative coûte aujourd'hui 22 millions d'euros. Ce dispositif
est d'ordre réglementaire. Il ne dépend donc que de vous, monsieur le ministre,
d'améliorer son fonctionnement.
Enfin, il aura fallu peu de temps au gouvernement de M. Raffarin pour mettre à
mal la politique de soutien continu, pendant cinq ans, du gouvernement de M.
Lionel Jospin à la presse.
(Exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de
l'Union centriste.)
M. Michel Pelchat.
Ce n'est pas possible !
M. Louis de Broissia,
rapporteur pour avis.
Ce qui est excessif est insignifiant !
Mme Danièle Pourtaud.
La diminution des crédits d'aide à la presse pourrait signifier que la presse
se porte mieux !
M. Louis de Broissia,
rapporteur pour avis.
Il faut lire nos rapports !
Mme Danièle Pourtaud.
Malheureusement, je ne saurais mieux dire que vous, monsieur de Broissia. Oui,
il y a urgence pour la presse ! Oui, monsieur le rapporteur, le projet de
budget est décevant mais, évidemment, nous en tirons pour notre part les
conclusions inverses : puisqu'il est mauvais, nous votons contre !
M. Jacques Valade,
président de la commission des affaures culturelles.
Chacun est dans son
rôle !
M. le président.
Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.
ÉTAT C
SERVICES DU PREMIER MINISTRE
I. - Services généraux
M. le président.
« Titre V. - Autorisations de programme : 31 792 000 euros.
« Crédits de paiement : 6 901 000 euros. »
Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.
J'appelle en discussion l'article 63
bis
, qui est rattaché pour son
examen aux crédits affectés à la communication.
Article 63 bis
M. le président.
« Art. 63
bis.
- A compter de 2003, le Gouvernement déposera chaque
année sur le bureau de l'Assemblée nationale et sur celui du Sénat, à
l'ouverture de la session ordinaire, un rapport faisant état du volume
d'émissions télévisées sous-titrées ainsi que celles traduites en langue des
signes. Les informations données par ce rapport devront permettre de mieux
apprécier le coût de ce sous-titrage et de la traduction en langue des signes
pour les sociétés nationales de programmes, les chaînes de télévision publiques
et tous autres organismes publics qui développent ces procédés. Ce rapport sera
préparé par le Conseil supérieur de l'audiovisuel. » -
(Adopté.)
Nous avons terminé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant les crédits de la communication.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quatorze heures, est reprise à seize heures cinq, sous
la présidence de M. Bernard Angels.)
PRÉSIDENCE DE M. BERNARD ANGELS
vice-président
M. le président.
La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 2003, adopté
par l'Assemblée nationale.
Anciens combattants
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant
le ministère des anciens combattants.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Rapporteur spécial du budget des
anciens combattants, il me revient l'honneur d'ouvrir ce débat et de vous
accueillir, monsieur le secrétaire d'Etat, pour cette première discussion
budgétaire de la législature, mission dont je m'acquitte avec le plus grand
plaisir. Au nom de mes collègues et en mon propre nom, je vous souhaite la
bienvenue dans l'hémicycle de la Haute Assemblée.
Le budget des anciens combattants et victimes de guerre, y compris les crédits
inscrits au budget de la défense et les dépenses fiscales constituées par les
déductions et exonérations accordées aux anciens combattants, représente près
de 4 milliards d'euros.
C'est une somme considérable, largement justifiée par le fait qu'elle concerne
près de 4 200 000 bénéficiaires, ressortissants directs et ayants cause. Ces
chiffres prouvent, s'il était nécessaire, le rôle fondamental du secrétariat
d'Etat aux anciens combattants dans la gestion des intérêts de ses
ressortissants - mais aussi dans le développement de la politique de
mémoire.
Lorsque l'on dit « anciens » combattants, chacun pense : « ancien égale passé
». Mais « anciens combattants », c'est aussi, au travers des leçons de
l'histoire, l'avenir des générations futures. Dès votre arrivée rue de
Bellechasse, monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez perçu le message dont est
porteur votre ministère, et votre projet de « mémoire partagée », avec nos
alliés et adversaires d'hier, en est l'exemple.
Cette histoire commune autour de laquelle vous souhaitez souder les nations
est un gage de paix pour l'avenir. Cela prouve que le secrétariat d'Etat aux
anciens combattants est le ministère non pas du passé, mais du futur,
indépendamment de la diminution du nombre de ses ressortissants.
Comme les années précédentes, la réduction globale de 3,97 % du budget
s'explique à la fois par la sous-consommation de certains crédits votés les
années précédentes et par la diminution naturelle et mathématique du nombre de
pensionnés, d'autant que, rapporté au nombre de ressortissants, le montant
reste constant.
Depuis plusieurs années, la commission des finances du Sénat, en dépit
d'incontestables avancées dont nul ne remet en cause l'intérêt, émettait des
avis défavorables sur le vote du budget du secrétariat d'Etat aux anciens
combattants, et j'entends déjà nos collègues de l'opposition nous prédire que,
comme les années précédentes, nous ne voterons pas le budget.
M. Guy Fischer.
C'est bien vrai !
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
Je les entends déjà, et nous les entendrons tout à
l'heure.
M. Guy Fischer.
Nous espérons bien !
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
Je leur répondrai que les raisons qui ont présidé à
ces décisions sont simples.
Vos prédécesseurs, monsieur le secrétaire d'Etat, et plus encore leur chef de
gouvernement, ont cultivé - et cela ne vaut pas uniquement en matière
budgétaire ! - l'art de la division et de la ségrégation.
J'en veux pour preuve le décret du 13 juillet 2000, l'instruction du 23
juillet 2001, le projet de commémoration du 19 mars, la retraite du combattant
attribuée dès l'âge de soixante ans aux seuls bénéficiaires de pensions
d'invalidité... Je reviendrai sur ces points dans quelques instants.
Monsieur le secrétaire d'Etat, il vous incombait donc de mettre fin à ces
injustices qui divisent le monde combattant. La tâche n'est pas aisée, et la
marge de manoeuvre est étroite en raison des contraintes budgétaires qui
s'imposent à votre gouvernement. Je comprends que vous n'ayez pu, en quelques
mois, résoudre l'ensemble des problèmes. Toutefois, j'espère qu'à l'issue de la
législature l'unité du monde combattant sera restaurée.
Ces injustices, ces iniquités, vous en avez fait, monsieur le secrétaire
d'Etat, vos priorités. En ce qui concerne le taux de remboursement des frais
d'hébergement des cures thermales, par exemple - je ne reviendrai pas sur
l'historique de cette « brève tempête » -, je vous remercie d'avoir mis fin à
ce contentieux d'autant plus mesquin que l'économie réalisée était plus que
modique. Vous légalisez par décret le taux, jusque-là coutumier, de cinq fois
le montant du remboursement par la sécurité sociale, et nul ne pourra plus le
contester. Ce point final était attendu ; il est le bienvenu.
Autre injustice criante : l'élargissement des conditions d'attribution de la
carte du combattant. En effet, par le biais d'une instruction datée du 23
juillet 2001, le secrétaire d'Etat de l'époque, notre collègue Jean-Pierre
Masseret, avait accordé dérogatoirement aux policiers et aux CRS ayant séjourné
quatre mois sur les territoires algériens le droit à la carte du combattant. Il
paraît dès lors parfaitement inéquitable d'exiger douze mois des autres
combattants !
M. Jean-Pierre Schosteck.
En effet !
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
Autre exception aux principes généraux : je veux
parler du décret du 13 juillet 2000 et de l'indemnisation des orphelins dont
les parents ont été déportés pour motif d'antisémitisme, mesure à laquelle je
souscris. Si, au regard des sommes en jeu, je comprends que vous n'ayez pu
dégager la ligne budgétaire nécessaire à l'aplanissement de ce contentieux, je
souhaite néanmoins que, en concertation avec le Premier ministre, vous lui
trouviez rapidement une issue, car la discrimination confessionnelle sur
laquelle est fondée cette mesure est propre à ébranler l'indispensable
solidarité du monde combattant, nous l'avons vu et entendu.
Je ne doute pas que M. Philippe Dechartre, que vous avez récemment chargé du
traitement de ce dossier et dont la sagesse et la compétence sont incontestées,
y apportera une solution acceptée par tous.
Le Parlement attend donc le rapport que la commission des affaires sociales de
l'Assemblée nationale a sollicité en adoptant un amendement en ce sens lors du
débat du 12 novembre dernier.
Je rends hommage à mes collègues députés, qui, lors de la discussion des
articles non rattachés de la deuxième partie de la loi de finances, ont adopté
un amendement tendant à insérer après l'article 54 un article additionnel
créant une réduction d'impôt en faveur de ceux qui ont été oubliés dans le
décret. Je souhaiterais que la démarche que vous entamerez grâce aux travaux de
la commission Dechartre puisse aboutir à une extension de cette mesure à tous
les pupilles et orphelins de guerre.
Je m'étonne toutefois, alors que la loi de finances rectificative pour 2001
prévoyait l'extension du dispositif aux orphelins dont les parents ont été
victimes de persécutions raciales et déportés, de n'en trouver aucune
traduction budgétaire dans le projet de loi de finances pour 2003.
Je tiens d'ailleurs à souligner que, si les crédits prévus à cet effet sont
prélevés sur le budget des services du Premier ministre, ce sont les services
départementaux de l'Office national des anciens combattants et victimes de
guerre, l'ONAC, qui sont chargés de la procédure d'indemnisation.
Je disais tout à l'heure que vos prédécesseurs avaient cultivé l'art de la
division, et pas uniquement en matière budgétaire. Je prendrai comme exemple le
projet de commémoration du 19 mars, qui a beaucoup divisé ceux qui ont combattu
ensemble. On connaît bien l'expression : « diviser pour régner ».
Monsieur le secrétaire d'Etat, je crois savoir que vous êtes parvenu à réunir
autour d'une table, à l'occasion des travaux de la commission Favier,
l'ensemble des associations concernées par le choix d'une date commémorative de
la guerre d'Algérie. C'est un premier pas vers la réconciliation que nous
attendons tous, et je tenais à le mettre au crédit de votre action. La
recherche de l'accord du monde associatif me semble relever de la plus grande
sagesse : il est des points de l'histoire sur lesquels l'Etat doit savoir
s'effacer au profit de l'expression populaire et démocratique.
Votre projet de budget présente des avancées incontestables, malgré les
contraintes budgétaires.
C'est ainsi que, rapporteur spécial depuis 1994, j'ai été de ceux qui ont
milité pour une majoration indexée du plafond de la rente mutualiste. Je me
suis donc réjoui lorsque, en 1998, vos prédécesseurs l'ont majoré, hors réserve
parlementaire, de 5 points. Cette mesure a depuis lors été reconduite tous les
ans.
Par un effort supplémentaire, vous prévoyez cette année une progression de 7,5
points. Je ne doute pas que cette disposition donne satisfaction à la plupart
des associations d'anciens combattants. Toutefois, j'aurais préféré que vous en
restiez à 5 points et que vous utilisiez le différentiel pour venir en aide aux
populations plus démunies.
Je rappelle en effet que la rente mutualiste est une rente viagère -
avantageuse - accordée aux anciens combattants qui souhaitent se constituer une
épargne et disposent des moyens de le faire. Elle n'est donc pas accessible à
tous les anciens combattants.
Selon vos services, l'économie dégagée se serait élevée à 2,231 millions
d'euros. J'aurais préféré que, pour mettre fin à l'une des injustices précitées
- certes, la somme n'aurait pas suffi, mais elle aurait peut-être permis une
avancée significative -, vous utilisiez cette somme pour avancer l'âge de
versement de la retraite du combattant ou pour en relever le point d'indice,
qui, rappelons-le, est bloqué depuis 1977. Une telle mesure, contrairement à la
précédente, présenterait l'avantage de bénéficier à l'ensemble des anciens
combattants.
Si je me réjouis que, par voie d'amendement, le Gouvernement ait majoré de 1,5
million d'euros les crédits sociaux de l'ONAC, je regrette toutefois, à
l'instar de mes collègues députés, qu'il ait attendu la discussion à
l'Assemblée nationale pour prendre conscience de la mission fondamentale que
remplit l'Office dans ce domaine. La mission sociale de l'ONAC, notamment en
faveur des veuves, mais également des harkis et - c'est tristement d'actualité
- des victimes d'attentats terroristes, est essentielle. La réduction de cette
dotation constituerait un frein à l'action sociale, individuelle et collective,
que les services de l'ONAC ont si utilement su développer.
Je ne donnerai que quelques chiffres symptomatiques de l'accroissement de
cette activité. Entre 1997 et 2001, le nombre des interventions en faveur des
veuves a été multiplié par 101,5 %, le montant des dépenses progressant de
151,6 %. Entre 1998 et 2001, le nombre des interventions en faveur des harkis a
crû de 40 %, le montant des dépenses augmentant de plus de 65 %. Enfin,
l'attentat de Karachi a conduit l'ONAC à prendre en charge vingt-cinq pupilles
de la nation.
Dans un tel contexte, on ne pouvait admettre que le Gouvernement ait pu
envisager une telle régression, contraire aux intérêts des catégories sociales
les plus fragiles.
La commission des finances du Sénat tient par ailleurs à remercier l'Assemblée
nationale, qui, par le biais de la réserve parlementaire, a abondé en seconde
délibération les comptes sociaux de l'ONAC de 750 000 euros.
Enfin, je loue l'effort de gestion des dépenses de fonctionnement de l'Office,
qui conduit à une réduction de 2,34 % de la subvention sans entraver le bon
fonctionnement de l'établissement public, et ce grâce à la mise en place d'un
contrat d'objectifs et de moyens remarquable de rationalité et d'efficacité. Je
saisis cette occasion pour rendre hommage à la détermination de son directeur
général, qui assure ainsi, j'y insiste, la pérennité de l'institution, que tous
souhaitent.
De même, je me réjouis de l'augmentation importante de la subvention de
fonctionnement de l'institution emblématique que représente l'INI,
l'Institution nationale des invalides, subvention qui progresse de 4,18 %. Elle
permettra à l'INI de parachever son projet d'établissement et d'assurer son
insertion dans le service public hospitalier.
Est également attendu le bilan médical gratuit en matière de
psychotraumatismes de guerre pour les anciens militaires : sont essentiellement
concernés ceux qui ont été engagés dans les conflits contemporains. Cette
mesure répond à une demande du monde combattant mainte fois renouvelée.
En effet, les conflits récents ont entraîné des pathologies physiques et
psychiques nouvelles, méconnues du public, qui laissent souvent les intéressés
dans un état d'isolement d'autant plus pénible qu'ils sont peu nombreux à en
souffrir. La reconnaissance et la prise en charge de ces affections s'avèrent
essentielles dans les thérapies des patients. En leur nom, je vous suis
reconnaissant d'avoir assuré le financement de cette mesure en abondant le
chapitre 46-27 de 440 000 euros supplémentaires.
Enfin, et cette mesure me tient particulièrement à coeur, vous rompez avec le
sordide principe de la cristallisation des pensions et retraites de nos
ex-nationaux.
La demande systématique des parlementaires était restée lettre morte. Aussi,
je me réjouis que vous mettiez fin, du moins partiellement, à ce processus
indigne de la reconnaissance que doit notre nation à nos anciens compagnons
d'armes. Cependant, alors que je ne critique pas la somme de 72,5 millions
d'euros que vous avez dégagée afin d'assurer cette première étape, je regrette
que vous l'ayez partagée entre les chapitres 46-20 et 46-21, ce qui fait
craindre un saupoudrage entre les pensions d'invalidité et la retraite du
combattant.
Personnellement, comme je l'avais envisagé dans la proposition de loi que
j'avais déposée avec quelques-uns de mes collègues en novembre 2000, je reste
convaincu que, dans un premier temps, il eût été préférable de consacrer
l'intégralité de la somme à la décristallisation de la retraite du combattant
seule, ce qui, d'une part, était d'application aisée et, d'autre part,
profitait à l'ensemble des anciens combattants.
Quoi qu'il en soit, je tiens à vous faire part de ma gratitutde pour ce pas
que vous marquez vers un rétablissement dans leurs droits de nos frères
d'armes.
Si j'admets également que l'exigence de réduction du déficit public a dû
considérablement diminuer votre liberté d'action, vous imposant des choix
cruels, je déplore toutefois que le sort des
Reichsarbeitdienst-Kriegshilfsdienst
, RAD-KHD, n'ait pas été au nombre
de vos priorités. Les vains espoirs engendrés par le recensement engagé par vos
prédécesseurs, achevé depuis plus de deux ans, et l'engagement en suspens de «
l'entente franco-allemande » rendent la situation des intéressés insoutenables.
Vous vous honoreriez d'y mettre fin au plus tôt, d'autant que cette
indemnisation, qui représente environ 3 millions d'euros, n'est pas
reconductible. Pourquoi ne le feriez-vous pas à l'occasion du quarantième
anniversaire du traité de l'Elysée, qui a scellé la réconciliation
franco-allemande ?
Malgré les carences sur lesquelles je me suis largement exprimé, mais parce
que vous nous avez assuré que vous mettrez tout en oeuvre pour remédier aux
injustices que j'ai évoquées il y a quelques instants, parce que vous avez la
volonté d'agir dans la concertation et la transparence et parce que votre
budget est empreint de générosité, la commission des finances a émis un avis
favorable.
Oui, mes chers collègues, en dépit de la diminution des crédits du secrétariat
d'Etat aux anciens combattants, la commission appelle à voter ce budget. Si, en
effet, l'année passée, la commission a rejeté le budget proposé par votre
prédécesseur, c'est parce que les dispositions qu'il comportait, et ce depuis
quelques années d'ailleurs, étaient injustes et propres à diviser le monde
combattant. Je ne reviendrai pas sur ces mesures inégalitaires que j'avais
alors dénoncées tout au long de mon intervention.
(Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Michel Pelchat.
Bravo ! C'est vrai !
M. Raymond Courrière.
Position partisane !
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
Enfin, la commission, malgré les remarques de son
rapporteur, a décidé d'émettre un avis favorable sur l'article 62 rattaché, de
même que sur l'article 62
bis,
adopté par l'Assemblée nationale.
M. Gilbert Chabroux.
Personne n'applaudit ! C'était mauvais !
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Marcel Lesbros,
rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.
Monsieur le
président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre débat d'aujourd'hui
revêt une importance toute particulière. D'abord, il nous permet d'accueillir
et de saluer un nouveau secrétaire d'Etat. Ensuite, nous examinons le premier
budget de la présente législature. Enfin, le présent projet de budget amorce un
mouvement historique et trop longtemps attendu : celui de la décristallisation
des pensions et des retraites des anciens combattants d'outre-mer.
Un budget ne se juge pas en fonction de la seule évolution nominale de ses
crédits. Il doit s'apprécier surtout au regard de son contenu concret. Cette
dernière considération n'est pas nouvelle. Elle marque de façon constante
l'appréciation que la commission formule sur le budget des anciens
combattants.
Les crédits relatifs aux anciens combattants s'élèvent à 3,5 milliards
d'euros, soit une diminution de près de 4 % par rapport aux crédits votés pour
2002.
Mais si les crédits relatifs aux anciens combattants continuent de diminuer
cette année, j'ai cependant le sentiment que le présent projet de budget permet
des avancées importantes.
Premièrement, concernant la politique de réparation et de reconnaissance des
services rendus qui reste le premier poste budgétaire, avec un peu plus de 3
milliards d'euros, il faut dire que la diminution des crédits en valeur
absolue, largement imputable à l'évolution de la démographie de la population
combattante, n'empêche pas la préservation ni même le renforcement des droits
individuels des anciens combattants : en témoigne le retour aux droits anciens
dans la prise en charge des cures thermales.
Cette mesure était attendue du monde combattant et avait été demandée avec
force par la commission des affaires sociales l'an passé. Elle prouve
l'attachement du Gouvernement à la spécificité du droit à réparation dont doit
bénéficier chaque ancien combattant. Elle est également le signe de la
solidarité envers les plus démunis parmi la population combattante, qui ont été
privés, du fait de la diminution du plafond, de cet aspect à la fois concret et
symbolique du droit à réparation.
Deuxièmement, en ce qui concerne la politique de solidarité, je ne peux que me
réjouir de la majoration des crédits d'action sociale de l'ONAC, intervenue en
première lecture devant l'Assemblée nationale. Cette majoration permettra à
l'ONAC de poursuivre son action en direction des plus modestes parmi la
population combattante, en particulier en faveur des veuves.
Troisièmement enfin, s'agissant de la politique de la mémoire, je voudrais
souligner deux éléments qui viennent plus particulièrement conforter l'action
conjointe du secrétariat d'Etat aux anciens combattants et du ministère de la
défense.
En premier lieu, la mémoire a été inscrite au rang des missions de l'ONAC par
la convention d'objectifs et de moyens récemment signée avec l'Etat. La
pérennisation des « assistants mémoire » témoigne de la volonté du Gouvernement
de disposer d'un outil de proximité pour diffuser la mémoire combattante ;
cette action s'adressera en particulier aux jeunes.
En second lieu, le budget pour 2003 marque la volonté d'ouvrir davantage la
mémoire combattante au grand public à travers le développement d'un tourisme de
mémoire. Les moyens consacrés à cette action sont presque multipliés par trois
dans le présent projet de budget.
Mais, plus que sur l'évolution générale des crédits, je voudrais insister sur
les avancées que permet ce projet de budget sur des question restées trop
longtemps en suspens.
Je l'ai mentionné tout à l'heure : que l'on retiendra de ce projet de budget
pour 2003, c'est avant tout l'amorce tant attendue d'un processus global de
décristallisation des pensions et des retraites des anciens combattants
d'outre-mer, processus dont le dispositif législatif nous sera présenté à
l'occasion de l'examen de la loi de finances rectificative pour 2002.
Si on me demandait de résumer le budget des anciens combattants d'un seul mot
et de préciser ce qui le caractérise, je répondrais que c'est avant tout et
surtout la décristallisation. C'est en effet un processus historique, et la
France doit en être fière.
(M. Michel Pelchat applaudit.)
Cette mesure, qui mobilise certes 90 % des moyens nouveaux de ce budget,
témoigne de la générosité de la France et de sa volonté de reconnaître le
sacrifice de ceux qui ont jadis combattu pour elle.
La commission des affaires sociales a émis le souhait que le nouveau mode de
calcul des pensions garantisse l'égalité de traitement de tous les combattants.
A cet égard, et par mesure d'équité envers les combattants français, il nous
semblait que le critère de la parité des pouvoirs d'achat devait être pris en
compte.
Nous avons essayé de faire au mieux et de voir s'il était possible d'accorder
la parité totale. C'est impossible pour toutes les raisons que vous connaissez
bien. Il faut respecter l'économie des pays concernés. Le critère de la parité
du pouvoir d'achat nous a donc paru le plus approprié.
Je me félicite, monsieur le secrétaire d'Etat, de ce que vous ayez entendu
notre demande.
Le projet de budget pour 2003 permet également de concrétiser un deuxième
chantier important : la modernisation de deux piliers institutionnels du monde
combattant que sont l'ONAC et l'Institution nationale des invalides.
La signature, le 15 novembre dernier, d'une convention d'objectifs et de
moyens entre l'ONAC et ses autorités de tutelle signature qui avait été remise
à une date ultérieure par le précédent gouvernement, permettra d'adapter les
moyens de l'office à l'évolution de son activité.
Une convention du même ordre, en cours de préparation, permettra à
l'Institution nationale des invalides de franchir avec succès l'étape de
l'accréditation et de participer pleinement au service public hospitalier.
C'est particulièrement important parce que l'Institution national des
invalides jouit d'un grand prestige grâce à ses équipements techniques et à ses
chirurgiens de grande valeur. Il faut leur donner les moyens de travailler. Ce
serait à l'honneur de votre ministère de soutenir cette activité.
Plusieurs autres demandes du monde combattant trouvent également une réponse
dans ce projet de budget.
La création d'un bilan médical gratuit en matière de santé psychique et d'un
observatoire de la santé des vétérans constitue un premier pas vers
l'amélioration de la reconnaissance des psychotraumatismes de guerre,
traumastismes qu'il faut étudier avec précaution.
L'accélération du relèvement du plafond de la rente mutualiste du combattant
permettra d'atteindre, dès 2004, l'objectif de 130 points que tous s'accordent
à considérer comme un objectif raisonnable.
Au total, et malgré les contraintes budgétaires importantes que chacun
connaît, le projet de budget pour 2003 apporte une réponse sinon à toutes les
injustices, du moins aux plus criantes.
M. Raymond Courrière.
Il n'est pas difficile !
M. Marcel Lesbros,
rapporteur pour avis.
On peut, bien entendu, regretter de ne pas pouvoir
aller plus loin dans certains domaines. Les demandes dont je voudrais à présent
me faire l'écho constituent donc non pas des réserves, mais autant de pistes
pour les années à venir. J'ai toutefois conscience que certaines de ces
propositions ne pourront voir le jour que dans un cadre pluriannuel et sous
réserve de conditions budgétaires favorables.
La première piste que je vous propose a trait à la retraite du combattant.
Cette retraite, qui concerne la grande majorité des anciens combattants, a un
caractère hautement symbolique ; un geste en sa faveur serait ressenti comme un
signe fort de l'attention du Gouvernement à l'égard du monde combattant.
Je me permets, monsieur le secrétaire d'Etat, d'insister sur ce point, car les
anciens combattants attendent que vous fassiez un geste fort en faveur de cette
revalorisation, à laquelle ils sont très attachés.
La stratégie des précédents gouvernements a toujours consisté à « jouer la
montre »
(Protestations sur les travées socialistes),
de sorte
qu'aujourd'hui la demande, maintes fois réitérée, d'un abaissement généralisé à
soixante ans de l'âge d'ouverture de la retraite du combattant n'aurait que peu
d'effets concrets. Cette mesure aurait pourtant été, je le maintiens, un geste
important en faveur des anciens combattants, d'Afrique du Nord en
particulier.
Aujourd'hui, la seule piste qui demeure est donc la revalorisation de la
retraite du combattant. Cette revalorisation pourrait être engagée de manière
pluriannuelle. Il reste, j'en conviens, que son coût budgétaire serait
extrêmement élevé.
La seconde piste que je soumets à votre appréciation concerne les conditions
d'accès aux différents titres.
La disparité qui existe au niveau des durées de service requises pour
l'attribution de la carte du combattant apparaît aujourd'hui comme
inéquitable.
M. le président.
Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Marcel Lesbros,
rapporteur pour avis.
L'alignement généralisé à quatre mois de service,
qui est le souhait des associations, remettrait en cause l'existence du titre
de reconnaissance de la nation. Il serait donc juste de réparer certains
oublis, comme celui des « maintenus » ou encore celui de la cohérence des dates
de cessation des hostilités en Afrique du Nord.
Ma dernière interrogation concerne l'indemnisation des orphelins de victimes
du nazisme. Il s'agit, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
d'une question douloureuse.
La limitation, par le décret du 13 juillet 2000, de l'indemnisation aux seuls
orphelins juifs dont les parents ont été déportés pour motifs raciaux et qui
sont morts dans les camps, bien que justifiée, est ressentie comme une
injustice par les autres catégories d'orphelins de déportés, fusillés ou
massacrés. Mais une extension pure et simple de l'indemnisation prévue par le
décret viendrait en concurrence avec d'autres régimes d'indemnisation et de
réparation, certes moins avantageux, mais ayant le même objet.
C'est pourquoi la commission des affaires sociales a estimé qu'un véritable
débat devait être ouvert pour aboutir à un régime cohérent d'indemnisation des
victimes du nazisme, au sein duquel la spécificité du dispositif du décret du
13 juillet 2000 pourrait être conciliée avec une indemnisation équitable des
autres victimes.
Nos collègues de l'Assemblée nationale ont demandé la transmission au
Parlement du rapport sur les perspectives d'extension du décret : j'approuve
entièrement cette demande, qui permettra d'étoffer le débat que la commission
appelle de ses voeux.
En revanche, je ne suis pas certain que la mesure adoptée à l'Assemblée
nationale, instaurant, au bénéfice des autres catégories d'orphelins, une
réduction d'impôt équivalente au montant de l'indemnisation dont ont bénéficié
les orphelins juifs, réponde à cette exigence ; elle paraît en effet précipitée
et coupe court au nécessaire débat sur l'indemnisation des victimes du nazisme.
De plus, une mesure fiscale pénaliserait les orphelins les plus modestes, qui,
n'étant pas soumis à l'impôt sur le revenu, seraient de fait exclus de
l'indemnisation.
Ces pistes, que j'expose avec prudence car je sais combien elles sont soumises
au contexte budgétaire, ne remettent donc pas en cause l'appréciation de la
commission des affaires sociales sur le projet de budget pour 2003, qui permet
des avancées encourageantes pour le monde combattant.
C'est pourquoi la commission a donné un avis favorable à l'adoption des
crédits relatifs aux anciens combattants pour 2003, ainsi qu'aux articles 62 et
62
bis
rattachés à ce budget.
(Applaudissements sur les travées de
l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 23 minutes ;
Groupe socialiste, 21 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 20 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 13 minutes ;
Groupe du rassemblement démocratique et social européen, 13 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe,
6 minutes.
Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des
présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser 10
minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin.
Monsieur le président, monsieur le sécrétaire d'Etat, mes chers collègues,
nous examinons aujourd'hui un budget qui nous tient particulièrement à coeur
parce qu'il intéresse le monde combattant, un monde qui illustre les pages les
plus tragiques sans doute, mais aussi les plus glorieuses de notre histoire.
En effet, aux moments les plus douloureux qu'a connus notre patrie, les
anciens combattants ont su faire preuve d'abnégation en acceptant que leur
destin personnel s'efface au profit du destin collectif de la France. A ce
titre, ils méritent une attention soutenue et constante de la part du
législateur.
Les choix budgétaires que nous faisons en faveur des politiques de réparation
et de mémoire doivent être guidés par le souvenir des sacrifices consentis par
les anciens combattants. Ils doivent être à la hauteur de la mobilisation de
leurs valeurs au service de la République.
Pourtant, monsieur le secrétaire d'Etat, le projet de budget pour 2003 est une
nouvelle fois en diminution, puisque les crédits régressent de 3,97 %, comme
l'ont indiqué avec talent MM. les rapporteurs.
Certes, cette diminution est mécanique pour les raisons démographiques que
nous connaissons. La baisse du nombre de ressortissants du budget des anciens
combattants explique cet affichage négatif. Néanmoins, ne pourrait-on pas
profiter de cette baisse mécanique pour abonder davantage le budget des anciens
combattants et permettre le règlement d'un plus grand nombre de chantiers dans
le domaine des droits individuels ?
Je pense, notamment, à la revalorisation de la retraite du combattant, à la
révision du mode de calcul du rapport constant et, surtout, à la situation des
veuves d'ancien combattant. En ma qualité d'élu local, je rencontre, comme la
plupart de mes collègues, de nombreuses veuves dans une situation de détresse
sociale insupportable. La création d'une allocation spécifique de solidarité
pour les plus modestes d'entre elles est une revendication légitime du monde
combattant, à laquelle il conviendrait de répondre rapidement.
Malgré toutes ces réserves, il faut reconnaître que ce budget permettra de
réaliser quelques avancées non négligeables.
C'est le cas, pour la retraite mutualiste, du relèvement significatif du
plafond majorable. En octroyant 7,5 points, vous poursuivez, monsieur le
secrétaire d'Etat, l'effort entrepris par le précédent gouvernement et vous
répondez à une attente forte des organisations d'anciens combattants. La
création d'un bilan médical pour le dépistage des psycho-traumatismes de guerre
est également une bonne mesure. On a longtemps ignoré la névrose traumatique
liée à des faits de guerre, car les désordres mentaux qui ont pu toucher
certains de nos concitoyens ne se sont pas manifestés avec la même ampleur
qu'aux Etats-Unis, où la guerre du Vietnam a révélé de façon plus flagrante
l'existence des psycho-traumatismes de guerre. La création de centres
spécialisés pour le traitement de ces troubles serait peut-être mal adaptée au
regard des besoins, mais il serait utile de réfléchir à la création d'une
antenne spéciale au sein de notre actuel système de soins.
Je voudrais également saluer les efforts entrepris dans le cadre de la
politique de mémoire. La reprise du programme de rénovation des nécropoles
nationales et des sépultures de guerre ainsi que le développement du « tourisme
de mémoire » témoignent de votre souci, monsieur le secrétaire d'Etat, de
favoriser la transmission de la mémoire combattante. La disparition inéluctable
des témoins des deux grandes guerres mondiales nous oblige à valoriser les
initiatives remémorant l'Histoire afin que les jeunes générations s'instruisent
des valeurs du monde combattant.
Enfin, l'examen des crédits consacrés aux anciens combattants apporte une
satisfaction en ce qui concerne le dossier de la décristallisation. L'ancienne
majorité avait déjà posé quelques jalons dans la loi de finances pour 2002,
mais il faut reconnaître que l'effort budgétaire proposé aujourd'hui pose de
façon globale le dossier de la décristallisation.
Avec une dotation de 72,5 millions d'euros, la décristallisation mobilise 90 %
des moyens nouveaux du budget des anciens combattants pour 2003. C'est là un
geste significatif en direction de ceux qui demandent depuis plus de quarante
ans le règlement d'une situation injuste.
Nous savons qu'ils sont plusieurs milliers à attendre de la France un acte
digne de la devise fondatrice de notre Constitution. Le principe d'égalité qui
nous est cher a, en effet, été rompu avec le processus de décolonisation.
L'année dernière, l'arrêt
Diop
du Conseil d'Etat a pointé ce manquement
en soulignant que la cristallisation de la pension au regard de la nationalité
était contraire à la règle d'égalité de traitement des anciens agents
publics.
Nous connaissons les conditions politiques de la cristallisation. Mais
souvenons-nous aussi de l'engagement des milliers d'hommes d'AOF à nos côtés
durant les deux guerres mondiales. Souvenons-nous du sang versé par les
tirailleurs sénégalais, mobilisés à plusieurs reprises pour sauver notre
République. Des milliers d'Africains et de Malgaches se sont battus sur tous
les fronts. Ils ont été mobilisés et ils ont servi la France avec courage et
loyauté. Ils ont chaque fois participé à notre victoire.
Le général de Gaulle disait : « C'est dans ses terres d'outre-mer, dont toutes
les populations n'ont pas altéré leur fidélité, que la France a trouvé son
recours et la base de départ pour sa libération ».
Pour toutes ces raisons, la France doit rétablir l'égalité en revalorisant les
pensions et les retraites de nos amis de Djibouti, du Sénégal, du Vietnam et de
bien d'autres pays encore. Naturellement, nous sommes conscients des
difficultés de mise en oeuvre de cette décristallisation. Peut-être, monsieur
le secrétaire d'Etat, pourrez-vous d'ailleurs nous apporter des précisions
quant aux modalités, car de celles-ci dépend la pertinence d'une dotation de
72,5 millions d'euros.
Si la cristallisation consiste en une application du montant du point de base
français à tous les pays, nous savons qu'il en coûtera 457,5 millions d'euros
par an.
En revanche, si vous privilégiez une décristallisation modulée en fonction de
la parité du pouvoir d'achat, comment se décomposent les crédits inscrits à ce
titre dans le projet de budget pour 2003 ? Prennent-ils en compte la notion de
rattrapage ?
Même si la mise en oeuvre concrète de la décristallisation est renvoyée à des
dispositions législatives et réglementaires, j'espère, monsieur le secrétaire
d'Etat, que vous avec déjà tracé quelques pistes. Il serait en effet dommage
que les crédits de la décristallisation ne soient pas consommés et que, dès
lors, cette louable intention ne soit que la recherche d'un effet
d'annonce.
Mes chers collègues, les anciens combattants ont su répondre à l'appel de la
patrie lorsqu'elle était en danger. Aujourd'hui, sachons répondre en retour à
leurs revendications en amplifiant l'effort de solidarité nationale là ou il
est encore insuffisant.
Monsieur le secrétaire d'Etat, considérant avec mes amis radicaux de gauche
que, malgré certains efforts, votre budget n'est pas un signe assez fort fait
en direction du monde combattant, nous ne voterons pas les crédits qui nous
sont proposés.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe
socialiste et du groupe CRC.)
M. le président.
La parole est à M. Michel Pelchat.
M. Michel Pelchat.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
enfin ! Oui, « enfin » ! C'est le mot qui me vient spontanément à l'esprit
lorsque je constate que le projet de budget des anciens combattants pour 2003
consacre 72,5 millions d'euros à l'amorce du processus de décristallisation des
pensions et retraites versées aux anciens combattants de nos anciens
territoires d'outre-mer, un problème sur lequel je suis déjà tant de fois
intervenu.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Et qui se trouvait à son origine ?
M. Gilbert Chabroux.
Oui, qui a cristallisé ?
M. Raymond Courrière.
De Gaulle doit se retourner dans sa tombe !
M. Michel Pelchat.
C'est un premier pas mais il est historique !
Enfin, dans les actes, la France va exprimer sa reconnaissance envers ces
valeureux soldats du Maghreb, d'Afrique noire, d'Indochine, de Madagascar et
d'autres encore, en revenant sur ce dispositif injuste qui est en application
depuis 1958.
Au 31 décembre 2000, ils étaient respectivement environ 30 000 personnes et
près de 48 600 à bénéficier d'une pension ou d'une retraite du combattant
cristallisées.
Mais, que de disparités sous ces chiffres selon les différentes nationalités
concernées ! En effet, lorsqu'un ancien combattant français invalide perçoit la
somme de 686 euros par mois, le même ancien combattant reçoit 103 euros s'il
est camerounais et 61 euros s'il est tunisien ou marocain.
Je regrette qu'il ait fallu attendre le 30 novembre 2001 et un arrêt du
Conseil d'Etat pour faire évoluer cette situation inadmissible et honteuse pour
notre pays.
Le Conseil d'Etat a en effet considéré à juste titre que la cristallisation
des pensions militaires des anciens combattants des ex-territoires d'outre-mer
était contraire à l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des
droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce qu'elle crée une
différence de traitement entre les anciens agents publics selon leur
nationalité.
Même si le Gouvernement a simplement tiré les conséquences juridiques de cet
arrêt en affectant à la décristallisation 72,5 millions d'euros dans ce projet
de budget, il est tout à son honneur d'engager dès aujourd'hui cet immense
chantier.
Je me réjouis d'ailleurs de constater que l'espoir qu'avaient fait naître dans
le monde combattant la réélection de Jacques Chirac à la présidence de la
République, l'élection d'une nouvelle majorité à l'Assemblée nationale et votre
nomination au secrétariat d'Etat aux anciens combattants n'est pas déçu, car il
trouve aujourd'hui un début de concrétisation.
Permettez-moi toutefois de formuler une réserve sur le principe de la parité
du pouvoir d'achat, principe qui a été arrêté et selon lequel sera régi le
règlement de la question de la décristallisation.
Il peut paraître juste à première vue mais ce n'est pas tout à fait mon point
de vue.
Pourquoi traiterions-nous différemment ceux qui ont produit pour la France et
ceux qui ont servi la France au péril de leur vie, et à qui nous devons
peut-être en grande partie de pouvoir nous exprimer librement aujourd'hui ?
Je ne suis donc pas convaincu que ce principe de la parité du pouvoir d'achat
soit aussi juste qu'on le pense. Peut-être, monsieur le secrétaire d'Etat, le
problème mérite-t-il qu'on y réfléchisse encore. Cela dit, j'espère que, dans
le même état d'esprit de reconnaissance que celui qui vous a animé lors de la
préparation de votre projet de budget, vous apporterez votre soutien à la
proposition de loi que j'ai déposée et qui a été cosignée par de nombreux
collègues sénateurs.
Elle a pour objet de permettre l'attribution de la nationalité française aux
ressortissant des ex-territoires d'outre-mer ayant combattu dans une unité de
l'armée française et ayant été gravement blessés au combat, s'ils le souhaitent
et quel que soit leur lieu actuel de résidence.
Cette proposition de loi n'a pu être discutée durant la dernière session mais
je ne désespère pas qu'elle soit prochainement inscrite à l'ordre du jour, puis
adoptée à une très forte majorité. En tout cas, je le souhaite ardemment.
Le projet de budget que vous nous présentez aujourd'hui, monsieur le
secrétaire d'Etat, comprend d'autres avancées, notamment en matière de soins
médicaux et de suivi sanitaire des anciens combattants.
Il faut bien admettre, toutefois, qu'il n'apporte pas toutes les réponses aux
attentes du monde combattant. Je sais que vous en êtes conscient et que vous
portez toute votre attention à ces questions en suspens, que les rapporteurs
ont très clairement exposées.
Je n'y reviendrai pas, car je souhaitais pour ma part insister sur l'amorce
historique du processus de décristallisation.
C'est par conséquent bien volontiers, monsieur le secrétaire d'Etat, que je
voterai le projet de budget que vous nous présentez ainsi que les articles
rattachés.
Merci encore, monsieur le secrétaire d'Etat, au nom de nos camarades !
(Appaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du
RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Hubert Durand-Chastel.
M. Hubert Durand-Chastel.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
l'examen des crédits destinés aux anciens combattants dans le projet loi de
finances pour 2003 fait apparaître une baisse de 3,9 % par rapport à 2002,
correspondant, en réalité, à la diminution de 4 % des parties prenantes du
secrétariat d'Etat.
Le droit à réparation, cher aux anciens combattants, est donc respecté dans un
contexte de limitation indispensable des dépenses publiques.
Ce projet de budget s'inscrit dans une politique volontariste de solidarité et
de mémoire envers le monde combattant, avec une marge de manoeuvre appréciable
en moyens nouveaux de 80,1 millions d'euros.
Je m'intéresserai surtout à nos ressortissants anciens combattants à
l'étranger, ainsi qu'aux étrangers ayant combattu pour la France, en me
référant aux voeux que la commission des anciens combattants a exprimés lors de
la dernière assemblée plénière du Conseil supérieur des Français de l'étranger,
le CSFE.
Le Conseil a souligné l'importance des actions de la mémoire et de
l'information historique à l'étranger. Pour les jeunes générations françaises
et pour les francophones fréquentant nos établissements d'enseignement français
à l'étranger, la promotion des actions pédagogiques rappelant le souvenir et
exaltant les valeurs de courage, de volonté et de citoyenneté est primordiale.
Ces établissements comptent plus de 160 000 élèves : il ne faut pas les oublier
dans votre « plan mémoire », monsieur le secrétaire d'Etat. L'Agence pour
l'enseignement français à l'étranger, qui les regroupe, doit insister sur le
renforcement des cours de civisme et d'histoire, en rappelant, en particulier,
notre dette envers les anciens combattants, dont le sacrifice a permis à notre
monde libre de se maintenir et de se développer.
Le CSFE souhaite également qu'il soit recommandé aux représentations
diplomatiques et consulaires de participer nombreuses et le plus possible aux
manifestations patriotiques à l'étranger que sont le 8 Mai, le 14 Juillet et le
11 Novembre. Ces manifestations sont encore plus importantes à l'étranger qu'en
métropole, car elles constituent des occasions de rencontre des différents
membres de la communauté française dans les pays d'accueil : nos compatriotes
établis hors de France peuvent ainsi témoigner de leur attachement à la mère
patrie.
Enfin, l'entretien et la restauration des nécropoles à l'étranger restent un
devoir de mémoire. Il arrive pourtant que des tombes ou de simples plaques
commémoratives soient en ruine, ce qui choque beaucoup nos ressortissants.
Hélas ! les associations d'anciens combattants français à l'étranger n'ont pas
toujours les moyens d'intervenir.
Le développement d'un tourisme de la mémoire de qualité à l'étranger, où nos
combattants se sont illustrés dans de nombreux lieux, exige quelques crédits
supplémentaires, fort modestes au demeurant.
Monsieur le secrétaire d'Etat, votre budget prévoit-il d'intensifier
l'entretien des monuments à l'étranger ?
S'agissant de l'aide aux anciens combattants, le CSFE a émis le voeu que les
allocations forfaitaires octroyées aux harkis comme rentes viagères au titre de
reconnaissance de la nation soient délivrées sans discrimination des lieux de
résidence et soient réversibles aux veuves, comme c'est le cas dans l'Espace
économique européen. Cette demande sera-t-elle prise en compte, monsieur le
secrétaire d'Etat ?
J'en arrive au problème de la décristallisation des retraites et des pensions
des anciens combattants originaires des anciens territoires français.
Lors de l'accession de ces pays à l'indépendance, ces retraites et pensions
ont été remplacées par des indemnités annuelles cristallisées, c'est-à-dire
gelées. Or cette prestation varie beaucoup en fonction de la date de
l'indépendance et se dévalorise très sensiblement avec le temps. Ainsi, la
valeur actuelle du point d'indice, base de la prestation, qui vaut en France
12,73 euros, correspond à 1,32 euro en Algérie et à 0,48 euro dans les ex-pays
d'Indochine, avec un maximum de 6,87 euros à Djibouti.
Le Conseil d'Etat a jugé que la cristallisation représentait une
discrimination illégale, en vertu de l'article 14 de la convention européenne
de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ratifiée par
la France. Bien que les conséquences financières de cette jurisprudence,
évaluées à plus de 450 millions d'euros, ne permettent pas son application
totale et immédiate, le Gouvernement s'est engagé à rétablir une plus grande
équité.
Deux voies de revalorisation ont été préconisées : une première solution
partielle est fondée sur les niveaux des pouvoirs d'achat des monnaies des
différents pays ; une seconde consiste en un double paiement, l'un forfaitaire
et l'autre variable en fonction du pouvoir d'achat. Différentes associations
d'immigrés et de handicapés protestent contre ces formules dilatoires.
Celles-ci aboutiraient à ce que la France traite ses anciens combattants moins
bien que les nombreux étrangers venus chercher en France un asile économique,
ou bien à ce qu'elle diffère l'application des décisions sans équivoque de sa
propre justice jusqu'à la disparition des parties prenantes.
Dans le projet de budget pour 2003 est prévu un crédit de 72,5 millions
d'euros pour entamer le règlement de ce grave problème. Monsieur le secrétaire
d'Etat, pouvez-vous indiquer quelle est la position du Gouvernement et nous
dire si le Parlement sera prochainement saisi d'un texte à cet égard ?
Je conclurai en suggérant que soit envisagée la création d'une « Journée
nationale du souvenir et de la mémoire partagée » pour commémorer l'ensemble
des sacrifices accomplis par la nation. Elle inclurait les anciens combattants
mais aussi les déportés et les internés résistants et patriotes. Cette journée,
qui ne serait pas chômée, serait l'occasion d'une information pédagogique
prodiguée à tous les élèves des établissements d'enseignement français de
métropole et à l'étranger.
Merci, monsieur le secrétaire d'Etat, des réponses que vous apporterez aux
représentants des Français à l'étranger, très attachés à la nation.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Gilbert Chabroux.
M. Gilbert Chabroux.
Tout d'abord, monsieur le secrétaire d'Etat, comme mes collègues, je tiens à
vous saluer avec beaucoup de respect et à vous adresser mes voeux au moment où
vous présentez votre premier budget au Sénat. La tâche est difficile et vous
avez sans aucun doute la volonté de bien faire, mais il n'y aura pas de miracle
! Vous avez d'ailleurs déjà dû vous plier à la dure loi des arbitrages
budgétaires et de Bercy.
Non, il n'y aura pas de miracle. Le Gouvernement ne peut pas diminuer les
impôts pour les plus favorisés et augmenter les budgets.
M. Raymond Courrière.
Bravo !
M. Gilbert Chabroux.
Il y a bien quelques budgets qui sont privilégiés, celui de la défense, celui
de la justice et, surtout, celui du ministère de l'intérieur !
M. Jean-Pierre Schosteck.
Heureusement !
M. Gilbert Chabroux.
Mais il y en a beaucoup d'autres qui sont sacrifiés, avec toutes les
conséquences dommageables qui peuvent en découler.
M. Raymond Courrière.
Très bien !
M. Gilbert Chabroux.
Je pense en particulier au budget de l'éducation nationale, qui est pourtant
destiné à préparer l'avenir de la France ; je pense également au budget de la
culture, à celui de la recherche et aussi, hélas ! à celui des anciens
combattants. Et, là, je m'indigne, car nous avons une dette à l'égard des
anciens combattants et nous nous devons d'assurer la reconnaissance légitime de
la nation à toutes celles et à tous ceux qui, à un moment de notre histoire,
l'ont défendue avec vaillance, courage et dignité !
Or, cela fait longtemps que le budget des anciens combattants n'avait connu
une diminution aussi importante de ses crédits : 3,98 % de moins, alors que son
périmètre s'élargit et englobe les harkis - ce qui constitue au demeurant une
bonne mesure. Et ce ne sont pas les 1,5 million d'euros votés par l'Assemblée
nationale en faveur des crédits sociaux de l'ONAC qui changeront notre opinion
! Le budget des anciens combattants est sacrifié sur l'autel de la réduction de
la fiscalité ! Les explications laborieuses du rapporteur pour avis de la
commission des affaires sociales, M. Marcel Lesbros, qui fait, lui aussi, de
son mieux, et celles, partisanes, du rapporteur spécial de la commission des
finances, M. Jacques Baudot, ne nous convaincront pas.
M. Raymond Courrière.
Ce ne sont pas des arguments, ce sont des arguties !
M. Gilbert Chabroux.
L'année dernière, les crédits du budget des anciens combattants baissaient de
2 % alors que le nombre de ressortissants diminuait de 4 % et vous nous
expliquiez que c'était un drame, qu'il fallait voter contre le budget ! Cette
année, les crédits sont réduits de 4 % et ce serait un progrès !
(M. Raymond
Courrière rit.)
A qui peut-on faire croire cela ? La politique politicienne
devrait être exclue de nos débats ou de nos préoccupations lorsqu'il s'agit des
anciens combattants.
Bien sûr, on nous parle de mesures nouvelles comme s'il ne fallait voir que
cela. Mais sur les 80 millions d'euros de mesures nouvelles, 72,5 millions
d'euros sont consacrés à la mise en route du processus de décristallisation sur
lequel nous avions tous exprimé notre accord...
M. Alain Gournac.
Il fallait voter pour !
M. Gilbert Chabroux.
... en souhaitant d'ailleurs, à l'instar de la commission présidée par Anicet
Le Pors, pouvoir aller beaucoup plus loin et ne pas s'en tenir à cette simple
ébauche. Il nous semble que la dépense doit non pas relever du budget des
anciens combattants mais directement du Premier ministre. C'est une dette de
l'Etat, et il revient au général de Gaulle d'avoir décidé de la
cristallisation. C'est au Premier ministre de réparer cette défaillance à la
suite du jugement rendu par le Conseil d'Etat.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous nous dites que ce premier budget est un
budget de transition. Nous avons déjà entendu ce mot de « transition » dans cet
hémicycle. Nous l'avons entendu pour le projet de loi de financement de la
sécurité sociale et il n'était pas fait pour nous rassurer puisque, derrière ce
terme, semble se profiler une forme de privatisation. Qu'en est-il pour votre
budget ? Transition vers quoi ?
M. Raymond Courrière.
Vers la liquidation !
M. Gilbert Chabroux.
Les années précédentes, il y avait une ligne directrice. On pouvait regretter
de ne pas aller assez vite, mais une programmation se développait, par exemple
pour les anciens combattants d'Afrique du Nord. Il fallait d'abord savoir
reconnaître officiellement la guerre d'Algérie et les combats en Tunisie et au
Maroc. Il fallait aussi élargir les conditions d'accès à la carte du combattant
et au titre de reconnaissance de la nation ; cela s'est fait étape par étape.
Est intervenue aussi la réunification progressive sur trois années de la
valeur du point pour les grands invalides.
On peut citer également la progression des crédits sociaux de l'ONAC, en
particulier pour mieux venir en aide aux veuves d'anciens combattants qui se
retrouvent dans des situations difficiles. Avec votre budget, nous ne savons
pas très bien où nous allons. Ou, plutôt, nous éprouvons beaucoup d'inquiétude,
par exemple pour l'ONAC, dont les effectifs pourraient être réduits de 796 à
533 à l'horizon 2007, alors que vous lui confiez des tâches supplémentaires
comme la gestion des droits des harkis.
Les crédits de fonctionnement, pour l'année 2003, anticipent cette chute en
baissant de 2,34 %, ce qui correspond à la suppression de cinquante emplois
dans les services départementaux.
Cette politique de régression inquiète fortement les personnels qui ont fait
grève, à 90 %, le 15 octobre dernier. Ils ne comprennent pas et nous ne
comprenons pas plus qu'eux que les promesses du candidat Jacques Chirac ne
soient pas tenues. Il avait pourtant réclamé avec énergie le 19 février 2002,
au tout début de sa campagne présidentielle, le « renforcement » des moyens de
l'ONAC.
M. Raymond Courrière.
Maintenant, il est élu !
M. Gilbert Chabroux.
Nous souhaiterions également que le problème des veuves d'anciens combattants
soit traité de façon claire et dans le prolongement de l'action du précédent
gouvernement. Elles ont pu bénéficier d'une carte officielle de veuve d'ancien
combattant. Elles sont reconnues ainsi en tant que ressortissantes de l'ONAC.
Quinze mille veuves de grands invalides ont pu bénéficier d'une revalorisation
de leur pension. Les autres, pour la plupart, connaissent des conditions de vie
précaires et ne disposent que de très faibles revenus. Quel est le plan que
vous voulez mettre en oeuvre pour venir en aide à ces veuves d'anciens
combattants, notamment aux veuves de guerre ?
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous insistez sur l'augmentation du plafond de
la rente mutualiste : 7,5 points de plus, au lieu de 5 points les années
précédentes. Nous apprécions cet effort, mais nous ne le considérons pas pour
autant comme la première des priorités, sachant que seulement un ancien
combattant sur cinq peut cotiser à la hauteur du plafond. Il faudrait,
maintenant que le nombre d'anciens combattants bénéficiant de la retraite s'est
stabilisé, alors qu'il augmentait fortement ces dernières années, revoir le
montant de la retraite en l'augmentant progressivement chaque année. Vous
pourriez ainsi présenter une programmation sur cinq ans, permettant de passer
de 33 à 48 points, ce qui correspondrait à l'indice minimum de la pension
militaire d'invalidité.
Peut-être convient-il de rappeler que le montant de la retraite du combattant
sera, si vous ne faites rien, de 423 euros et 6 centimes, soit 2 775 francs
l'année prochaine, pour l'année entière, c'est-à-dire une somme extrêmement
modique au regard des épreuves endurées par nos soldats !
D'autres questions se posent. Gisèle Printz évoquera, entre autres, celles qui
sont relatives aux anciens du RAD et aux patriotes résistant à l'Occupation,
les PRO.
Nous sommes toujours très attentifs aux problèmes du choix de la date de
commémoration de la guerre d'Algérie. Nous souhaitons sortir au plus vite de
l'incertitude et nous attendons la proposition qui sera faite par la commission
représentative présidée par M. Jean Favier.
Mais je voudrais évoquer un peu plus longuement le problème des orphelins de
déportés, de fusillés ou de massacrés. On ne peut que regretter l'inégalité
profonde existant entre les orphelins qui bénéficient du dispositif mis en
place par le décret du 13 juillet 2000 et les autres. Ce décret constitue une
mesure de réparation spécifique qu'il importe de ne pas modifier ni d'étendre
eu égard au caractère particulier de la Shoah. Mais il faut créer une nouvelle
mesure de réparation au profit de tous les autres orphelins de déportés, quelle
que soit la raison de cette déportation.
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
Que ne l'avez-vous fait !
M. Gilbert Chabroux.
Tous les orphelins de parents déportés, juifs ou non, doivent bénéficier des
mêmes droits. Nous attendrons en tout cas avec le plus grand intérêt le rapport
de la mission qui a été confiée à M. Philippe Dechartre.
Enfin, le problème de ces orphelins m'amène à dire un mot sur la Résistance,
en lien avec la politique de mémoire. Nous pensons, comme vous, monsieur le
secrétaire d'Etat, qu'il faut « susciter l'adhésion des jeunes générations aux
valeurs que nos anciens ont défendues dans les conflits du xxe siècle ». Et il
est vrai que « la liberté et la dignité figurent en tête de ces valeurs si
nécessaires à notre temps ».
Ne serait-il pas possible, pour garder « vivantes et fortes » ces valeurs,
d'instituer une journée nationale de la Résistance ? De nombreuses villes,
déjà, organisent des cérémonies, le 27 mai, en souvenir de l'unification de la
Résistance et du Conseil national de la Résistance. Cette journée nationale
permettrait de mettre l'accent sur le rôle de la Résistance et le sacrifice
exemplaire de Jean Moulin. Comment entendez-vous, monsieur le secrétaire
d'Etat, marquer le 27 mai prochain le soixantième anniversaire de la première
réunion du CNR ?
Le secrétaire d'Etat aux anciens combattants a une place à tenir qui est
irremplaçable, qu'il s'agisse de la transmission de la mémoire ou de la défense
des idéaux républicains. Il s'agit de transmettre les valeurs républicaines et,
tout simplement, la devise de la République aux jeunes générations d'une
société déstabilisée dans laquelle, hélas ! l'intolérance et les idées
extrémistes restent toujours très fortes. Nous sommes tous encore sous le choc
du 21 avril 2002.
Ce devoir qui vous incombe - et qui nous incombe à tous - n'exige pas toujours
des crédits, mais il y faut des initiatives et une politique ambitieuse. Ne
pensez-vous pas qu'il faudrait créer un véritable partenariat avec l'éducation
nationale et sans doute instituer, avec l'aide des mairies, une journée
d'éducation laissant une très large place à la mémoire, une journée civique et
citoyenne dans les écoles, dans les lycées et les collèges ?
Monsieur le secrétaire d'Etat, en conclusion, vos intentions sont sans doute
bonnes, mais votre budget manque singulièrement d'ambition. Il tranche par
rapport à ceux que nous avons examinés les années précédentes et qui
s'inscrivaient dans une programmation répondant aux attentes du monde
combattant. Vos moyens sont par trop limités pour permettre de franchir une
étape significative !
Avec tristesse, car il s'agit des anciens combattants, le groupe socialiste
sera contraint de voter contre votre projet de budget.
(Applaudissements sur
les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je
ne reviendrai pas sur les quelques mesures positives que contient ce budget qui
- si nous en prenons acte - n'est pas celui qu'attendait l'ensemble des
générations du feu. Sans surprises et trop comptable dans sa conception, il est
en baisse de près de 4 % dans des proportions deux fois plus importantes que
l'an dernier, alors que le simple maintien des crédits aurait permis de
satisfaire l'essentiel des revendications. J'en donnerai tout à l'heure un
exemple édifiant.
J'évoquerai tout d'abord les principaux points de ce budget qui alimente nos
craintes.
La retraite du combattant figure au premier plan de nos préoccupations.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous vous opposez à toute négociation sur un
relèvement, même par étapes, du montant de cette retraite qui stagne depuis des
décennies et qui, s'élève aujourd'hui, à 423,06 euros par an. Les anciens
combattants sont mécontents de cette situation et ils souhaiteraient vivement
qu'une revalorisation puisse faire l'objet d'un accord-cadre pluriannuel.
L'harmonisation des conditions d'attribution de la carte du combattant est
toujours très attendue. Alors qu'elle est à présent accordée aux CRS et
policiers ayant effectué quatre mois de présence, pourquoi ne l'est-elle pas,
sur la même base, pour les appelés ayant servi en Algérie ? Et pourquoi ne pas
attribuer la carte du combattant en Tunisie et au Maroc à tous ceux qui ont
combattu jusqu'au 5 mai 1958, date jusqu'à laquelle la médaille commémorative a
été décernée par le ministre de la défense sur ces deux théâtres d'opérations
?
Quant au plafond majorable de la rente mutualiste, si la progression de 7,5
points constitue une avancée, nous sommes toujours loin des 130 points
demandés.
Concernant la décristallisation, vous avez indiqué qu'il conviendrait de
légiférer. Sur un sujet aussi sensible, les 72,5 millions d'euros - que vous
définissez comme une « provision », et nous l'entendons ainsi - constituent-ils
une première étape vers la remise à parité complète de la valeur du point des
pensions militaires d'invalidité en France, que demandent unanimement les
associations d'anciens combattants et les parlementaires, sénateurs compris, de
tous les groupes représentés dans la commission de travail ? Encore faudra-t-il
discuter des caractères discriminants qui pourraient être évoqués. Ou bien
s'agit-il d'un simple relèvement ponctuel uniforme, voire différentiel par pays
concerné, qui ne ferait donc qu'aggraver le sentiment d'injustice éprouvé par
les anciens combattants des ex-pays coloniaux ? Je vous rappelle qu'ils étaient
français !
Qu'en est-il, également, de la levée des forclusions frappant toujours les
demandes de pension et d'aggravation, ainsi que les pensions de réversion des
veuves et des anciens combattants de ces pays ? Mon amie Marie-Claude Beaudeau
reviendra sur ce point.
S'agissant de l'ONAC, il est incompréhensible que vous ayez voulu réduire ses
crédits d'action sociale de 12,5 % alors que les veuves, dont beaucoup sont des
personnes modestes, vont devenir majoritaires parmi les ressortissants de
l'Office.
Le budget 2002 avait relevé la pension de réversion des veuves des plus grands
invalides. Mais un effort reste à faire pour les autres, qui vivent souvent
dans des conditions difficiles. Elles devraient pouvoir percevoir des droits à
réparation plus importants de la part de l'Office. Il est hautement paradoxal
que vous réduisiez ainsi ses moyens d'intervention, et que, peu après, vous
fassiez adopter par l'Assemblée nationale un rétablissement du montant des
crédits sociaux, qui plus est sur la réserve parlementaire, alors que les
anciens combattants demandent non pas l'aumône aux parlementaires mais un droit
à réparation.
Par ailleurs, bien que dans le contrat d'objectifs et de moyens qui a été
adopté majoritairement par le conseil d'administration soit inscrite la
création progressive de 100 postes d'assistants pour la mémoire, j'ai les plus
grandes inquiétudes quant à la capacité des services départementaux à continuer
d'assurer un service de proximité aux ressortissants. Nous ne sommes pas
convaincus, par exemple, que les assistantes sociales pourront mieux se
consacrer à leur travail d'écoute et de soutien alors que leurs effectifs en
personnel administratif seront réduits.
Je voudrais également revenir sur le décret du 13 juillet 2000, qui instaure
une différence de traitement entre les orphelins dont les parents ont été
victimes de persécutions antisémites et les autres catégories d'orphelins, dont
les parents sont morts en déportation, ont été fusillés ou massacrés par les
nazis. Sur ce sujet, les amendements adoptés par l'Assemblée nationale ne nous
satisfont pas complètement. J'attends donc de vous que ce décret soit
clairement étendu à l'ensemble des orphelins dont les parents furent victimes
du nazisme.
En outre, si votre projet de budget prévoit bien d'affecter 440 000 euros aux
consultations pour psychotraumatismes de guerre, ce montant apparaît dérisoire
face aux besoins réels qu'exigerait la mise en place de centres de soins
gratuits de proximité dans chaque département, avec les personnels
indispensables et formés. Malgré nos demandes réitérées, aucune enquête
épidémiologique n'a encore été diligentée. Entendez-vous, monsieur le
secrétaire d'Etat, mettre celle-ci en chantier au début de 2003 ?
Toujours au chapitre des revendications non satisfaites, je déplore, comme
d'autres de mes collègues, que l'indemnisation des incorporés de force, les «
RAD-KHD », ne soit toujours pas intervenue faute d'accord entre le gouvernement
français et l'entente franco-allemande.
Je citerai également une autre catégorie spécifique de victimes du nazisme :
les patriotes résistant à l'Occupation du Rhin et de la Moselle, qui ont payé
très cher leur refus de la germanisation. Ne serait-il pas juste de permettre
aux quelques milliers de survivants, aujourd'hui retraités, de bénéficier d'un
taux d'invalidité de 100 % en raison des séquelles de santé dues à leur
internement ?
Mme Hélène Luc.
C'est le moment ou jamais...
M. Alain Gournac.
Pourquoi ne l'avez-vous pas fait ?
M. Jean-Pierre Schosteck.
Ils n'ont pas eu le temps !
M. Guy Fischer.
Abordant - malheureusement trop rapidement, car le temps m'est compté - le
devoir de mémoire, je voudrais souligner qu'il ne peut être accompli sans dates
de commémoration et sans objet défini.
Je vous demande donc de faire droit à la demande des résistants en consacrant
le 27 mai, date de la première réunion du Conseil national de la Résistance,
journée nationale de la Résistance. Comment mieux célébrer, en 2003, le
soixantième anniversaire de cette date historique ?
De la même façon, dans l'attente de l'officialisation de la date du 19 mars
1962...
M. Marcel-Pierre Cleach.
Ah ça !
M. Guy Fischer.
... comme journée nationale du souvenir et du recueillement pour la guerre
d'Algérie et les combats en Tunisie et au Maroc, la troisième génération du feu
demeure « sans date ». Mon groupe et moi-même, après avoir contribué à la
reconnaissance de l'état de guerre en Algérie, avions déposé une proposition de
loi dans ce sens...
M. Alain Gournac.
Très mauvaise !
M. Guy Fischer.
... et avions fondé tous nos espoirs sur la proposition de loi adoptée par
l'Assemblée nationale le 15 janvier 2002. Malheureusement, ce texte n'a pas été
examiné au Sénat. Aujourd'hui, nous repartons pratiquement de zéro, avec
amertume, certes, mais non sans espoir, car, à cet égard, l'histoire et le
peuple de France sauront assurer la pérennité de la seule date officielle ayant
marqué la fin de la guerre d'Algérie, il y a quarante ans, sur le terrain :
celle du cessez-le-feu proclamé.
Vous vous dites, monsieur le secrétaire d'Etat, partisan d'un étroit
partenariat avec les associations d'anciens combattants : ne soyez pas sourd à
leurs demandes. Certes, vous promettez des études et des commissions, mais
cette bienveillance ne saurait remplacer un budget qui satisfasse leurs
revendications.
Pour ma part, je vous appelle très solennellement à obtenir de Bercy un effort
supplémentaire dont je pense qu'il devrait porter sur une première étape de
revalorisation de la retraite du combattant. Vous disiez à l'Assemblée
nationale qu'une augmentation de cinq points consommerait 80 millions d'euros.
Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai fait mes comptes, les associations
également. Elles estiment à juste titre que la revalorisation de la retraite du
combattant pour une première étape de cinq points ferait encore apparaître un
budget en diminution de 1,76 %, ce qui est parfaitement réalisable.
Pour conclure, monsieur le secrétaire d'Etat, mon groupe et moi-même ne sommes
pas satisfaits de ce budget ; nous ne le voterons pas en l'état et nous
présenterons des amendements qui vont dans le sens des attentes du monde
combattant.
(Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe
socialiste.)
M. le président.
La parole est à M. Joseph Ostermann.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
Mme Hélène Luc.
Attendez de savoir ce qu'il va dire ! Vous êtes sûrs qu'il ne va pas proposer
de diminuer le budget ?
M. Jean-Pierre Schosteck.
C'est cela, la confiance !
M. Alain Gournac.
C'est un bon sénateur !
M. Joseph Ostermann.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la
nécessaire rigueur budgétaire, alliée à une certaine baisse du nombre de
parties prenantes, est l'occasion d'une réorientation de la politique menée en
faveur des anciens combattants qui est ainsi recentrée sur quelques axes
importants.
Il convient de saluer les avancées apportées par le présent projet de budget
sur un certain nombre de dossiers, dossiers qui sont en instance depuis de
nombreuses années...
M. Alain Gournac.
Tiens, tiens !
M. Joseph Ostermann.
... au-delà des changements de majorité. En fait, seul le ton des intervenants
s'adapte aux alternances !
M. Alain Gournac.
Cela c'est vrai !
M. Joseph Ostermann.
Je souhaite, dans un premier temps, évoquer le dossier de la décristallisation
des pensions, déjà cité par nos collègues et qui est maintenant sur le point de
trouver un dénouement. Ainsi, 72,5 millions d'euros sont affectés à la
décristallisation à titre de provisions en attendant le dépôt d'un prochain
projet de loi.
Pourriez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, nous indiquer, parmi les trois
propositions de règlement du problème formulées par la commission présidée par
Anicet Le Pors, laquelle a votre préférence ? Mais au-delà des montants
inscrits en 2003, c'est le principe même qui est en cause et il s'agit
maintenant d'inscrire les moyens dans les budgets à venir.
Autre avancée notable contenue dans le présent projet de budget : celle de
l'article 62 qui vise au relèvement du plafond majorable de la rente mutualiste
du combattant à 122,5 points d'indice de pension militaire.
Cette hausse est inégalée. Il convient de le mentionner et, par conséquent, de
féliciter le Gouvernement et M. le secrétaire d'Etat. En effet, depuis l'an
2000, les relèvements successifs de ce plafond ont entraîné une dépense
budgétaire supplémentaire de près de 6 millions d'euros. La nouvelle
revalorisation prévue pour 2003 fait, elle, plus que doubler cette somme en une
seule fois.
Enfin, dernière caractéristique notable : la hausse de 17,25 % des crédits
consacrés à la mémoire et à l'information historique. Cette orientation me
paraît indispensable dans le contexte actuel de baisse forte et continue des
effectifs depuis plusieurs années. Le nombre très réduit - une soixantaine, je
crois - d'anciens combattants de la Première Guerre mondiale, souligné lors des
dernières célébrations du 11 Novembre, est révélateur.
C'est pourquoi, alors que les effectifs se réduisent et dans la mesure où la
situation de paix demeure, il convient de réorienter progressivement notre
politique en passant de l'indemnisation à un travail de mémoire,
particulièrement auprès des jeunes générations. Celles-ci, j'ai pu le noter le
11 novembre dernier, ont tendance à ne plus mesurer l'importance des événements
passés.
En outre, au-delà du simple effort de mémoire, ce travail de sensibilisation
me semble important pour insuffler à ces jeunes un esprit de paix.
Par ailleurs, je suis particulièrement sensible à cette politique de mémoire
en tant qu'élu alsacien, puisque ma région a été spécialement touchée par les
deux conflits mondiaux.
Je salue ainsi le renforcement de la mise en valeur des hauts lieux de mémoire
liés au second conflit mondial, notamment le financement de la première phase
des travaux du futur centre européen du déporté résistant au Struthof, ainsi
que le soutien financier au projet du mémorial de Schirmeck, destiné à retracer
l'histoire de l'Alsace-Moselle annexée.
Je souhaite également exprimer ma satisfaction à l'égard du développement des
actions pédagogiques destinées aux jeunes générations. Il conviendrait
toutefois, selon moi, d'aller plus loin dans ce sens. Il apparaît en effet que
la multiplication des journées de commémoration induit un risque de brouillage
du message.
C'est pourquoi j'ai récemment déposé une proposition de loi visant à instaurer
une journée unique du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes,
tant civiles que militaires, de tous les conflits auxquels la France a
participé. Elle prévoit - et c'est une innovation - de faire précéder cette
journée d'une demi-journée de sensibilisation obligatoire des élèves de toutes
les écoles.
Nous devons saisir cette occasion d'évoquer l'histoire de France alliée à la
mémoire et, le cas échéant, permettre aux anciens combattants de devenir devant
les classes les témoins vivants des drames subis par notre pays et par ses
citoyens.
Cette action de sensibilisation devrait avoir plusieurs objectifs : une
réflexion sur le temps présent, un nécessaire retour sur certains événements
passés, le resserrement de l'identité nationale, un renforcement de la cohésion
nationale et le rappel de valeurs communes.
Le présent projet de budget présente, par conséquent, des avancées
importantes. Toutefois, l'élu alsacien que je suis ne peut que regretter que
l'arrivée d'un nouveau secrétaire d'Etat, de surcroît ancien combattant
lui-même, n'ait pas permis de régler un problème très ancien, celui de
l'indemnisation des incorporés de force dans les organisations paramilitaires
allemandes RAD -
Reichsarbeitsdients
- et KHD -
Kriegshilfsdienst
.
M. Alain Gournac.
Ah oui !
M. Joseph Ostermann.
Le recensement ayant été effectué voilà quelques années, le nombre de
bénéficiaires potentiels est estimé à 8 500 personnes et, actuellement, on
compte environ 6 500 ou 7 000 ayants droit.
La situation de blocage que nous connaissons depuis de très nombreuses années
est désespérante pour les personnes concernées, d'autant qu'elles sont pour la
plupart âgées de plus de soixante-quinze ans, ce qui les conduit à penser que
l'Etat se contente d'attendre - si je puis m'exprimer ainsi - que le temps
fasse son oeuvre, pour ainsi éviter de les indemniser.
En outre, cette absence d'indemnisation peut être considérée comme un refus de
la part des pouvoirs publics de reconnaître cette tragédie, ce qui est très
douloureusement vécu par ces personnes, mais aussi par la plupart des
Alsaciens.
Enfin, rappelons qu'en janvier prochain se tiendront les festivités célébrant
le quarantième anniversaire de la réconciliation franco-allemande. Il serait,
dans cette perspective, particulièrement souhaitable que ce douloureux
contentieux soit réglé, afin que ces célébrations puissent se dérouler dans une
plus grande sérénité. C'est pourquoi les sénateurs alsaciens ont pris
l'initiative de déposer un amendement en ce sens.
Pour conclure, je souhaiterais aborder un point sur lequel il conviendrait
d'apporter quelques assouplissements sans tarder. Il s'agit des conditions
d'attribution de la carte du combattant en Afrique du Nord.
Depuis 1998, différents assouplissements successifs de ces conditions de
délivrance ont certes permis l'attribution de plus de 100 000 cartes
supplémentaires.
Il serait toutefois souhaitable, dans un souci d'égalité de traitement et de
simplification, d'harmoniser le régime d'attribution de la carte à tous les
anciens combattants d'Algérie, rappelés et maintenus. Pourriez-vous, monsieur
le secrétaire d'Etat, nous indiquer votre position sur cette question ?
Je vous remercie par avance de ces éclaircissements et, afin de vous
encourager à poursuivre dans la voie du règlement des grands dossiers qui ont
été longtemps laissés en suspens et sur laquelle vous vous êtes engagé, je
voterai les crédits de votre ministère.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de
l'Union centriste ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Marcel-Pierre Cleach.
M. Marcel-Pierre Cleach.
Monsieur le président, monsieur le sécrétaire d'Etat, mes chers collègues, le
projet de budget des anciens combattants pour 2003 se révèle encourageant, et
la diminution des crédits ne doit pas cacher d'incontestables avancées pour le
monde combattant. La qualité d'un budget ne se juge pas toujours à
l'augmentation de ses crédits.
Les crédits relatifs aux anciens combattants pour 2003 diminuent, il est vrai,
de 4 % par rapport aux crédits votés en 2002, pour atteindre 3,5 milliards
d'euros. Cette baisse apparaît toutefois en grande partie légitime, compte tenu
de la diminution accélérée du nombre de pensionnés qui atteint, pour 2002, 4,3
%, ou encore de la quasi-extinction du fonds de solidarité en faveur des
anciens combattants d'Afrique du Nord du fait de l'arrivée à l'âge de la
retraite des dernières générations de ces combattants.
Je ne souhaite pas entrer dans les querelles statistiques que ces chiffres ne
manqueront pas de soulever ; c'est permettez-moi l'expression, de « bonne
guerre ».
Il me semble bien plus intéressant d'attirer l'attention sur les moyens
nouveaux de ce budget : leur montant est multiplié par quatre par rapport à
2002. Les actions dont ils assureront le financement vont permettre de mettre
un terme à certaines des injustices les plus criantes subies par les anciens
combattants ces dernières années.
Parmi ces mesures nouvelles, comme nombre de mes collègues, je retiendrai plus
particulièrement le règlement de la question de la décristallisation des
pensions et des retraites des anciens combattants d'outre-mer, attendue depuis
près de quarante ans par nos frères d'armes, souhaitée sur l'ensemble des
travées de cette assemblée, particulièrement par les membres du groupe d'études
des sénateurs anciens combattants.
Les espoirs des anciens combattants d'outre-mer ont été souvent déçus ces
dernières années, même si l'on doit reconnaître que des avancées partielles
avaient eu lieu. C'est pourquoi je salue cette décision qui fait honneur à la
France et qui reconnaît la dignité des fonctions passées de ces combattants.
Le dispositif législatif de décristallisation, qui sera fixé par la loi de
finances rectificative pour 2002, prévoit une évolution de la valeur du point
en fonction du pouvoir d'achat du lieu de résidence, assortie d'un mécanisme de
garantie en cas d'évolution défavorable aux anciens combattants, ainsi qu'une
levée définitive de forclusion pesant sur les droits nouveaux, tant des anciens
combattants que de leurs ayants droit. Il va incontestablement, et je m'en
félicite, dans le sens des propositions exprimées par notre assemblée tout au
long de ces dernières années.
A l'occasion de ce budget, vous avez également, monsieur le secrétaire d'Etat,
annoncé le retour aux droits anciens dans la prise en charge des cures
thermales. Cette mesure était attendue des anciens combattants les plus
modestes. Pour eux, la prise en charge des frais d'hébergement lors de ces
cures constitue un élément essentiel du droit à réparation. Je me réjouis que
vous soyez revenu sur cette mesure qui, au-delà de l'émoi qu'elle avait
provoqué, constituait une atteinte au droit à réparation.
Le renforcement de ce droit passe aussi par la création d'un bilan médical
gratuit en matière de santé psychique et d'un observatoire de la santé des
vétérans : c'est une avancée importante dans l'amélioration de la
reconnaissance des psychotraumatismes de guerre, demandée avec insistance par
notre assemblée depuis plusieurs années. Il reste que des précisions devront
être apportées quant à la prise en charge et à la réparation des conséquences
des maladies ainsi découvertes.
L'ONAC et l'Institution nationale des invalides vont également disposer enfin
de perspectives pluriannuelles, grâce à la signature des conventions
d'objectifs et de moyens attendues depuis longtemps par ces organismes. La
sauvegarde de ces deux institutions me paraît en effet fondamentale, tant pour
le monde combattant, qui bénéficie de leurs services, que pour l'ensemble de
nos concitoyens, pour qui elles jouent un rôle de mémoire important.
Enfin, le rythme du relèvement du plafond de la rente mutualiste du combattant
- 7,5 points contre 5 les années passées - est accéléré. Cette mesure permettra
de donner satisfaction dès 2004 à la demande légitime du monde combattant
d'atteindre l'objectif d'un plafond de 130 points.
Au-delà de ces aspects incontestablement encourageants, je me permettrai
d'évoquer trois questions sur lesquelles il me semble indispensable que nous
progressions.
Il est, tout d'abord, nécessaire de trouver une solution équitable à la
question de l'indemnisation des victimes du nazisme. L'indemnisation des
orphelins juifs, mise en place par le décret du 13 juillet 2000, a soulevé
autant de questions qu'elle en a résolu, et l'exclusion de ce dispositif des
orphelins de déportés, fusillés ou massacrés, pour d'autres motif politiques,
et notamment des orphelins de résistants, a été ressentie comme une
injustice.
(M. Alain Gournac applaudit.)
Dans un domaine qui mêle aussi profondément l'histoire nationale et l'histoire
personnelle des victimes, toute précipitation devrait cependant être exclue :
étendre ce décret sans concertation préalable, c'est inévitablement s'exposer à
d'autres injustices. Ainsi, la mesure adoptée par nos collègues de l'Assemblée
nationale et instaurant une réduction d'impôt équivalente au montant de
l'indemnisation dont ont bénéficié les orphelins juifs, compréhensible dans son
principe, pénaliserait les orphelins les plus modestes, non imposables, et par
conséquent exclus, dans ce cadre, de toute indemnisation.
C'est pourquoi, à l'inverse, et comme d'autres avant moi, je me félicite de
l'initiative de nos collègues de l'Assemblée nationale de demander la
transmission du rapport réclamé par M. le secrétaire d'Etat sur les
perspectives d'extension de ce décret. Ses conclusions éclaireront la réflexion
nécessaire à la mise en place d'un régime cohérent et juste d'indemnisation
pour toutes les victimes du nazisme.
En outre, l'élargissement des conditions d'accès à la carte du combattant,
certes souhaitable, a été effectué apparemment sans vue d'ensemble. Il me
paraît aujourd'hui indispensable de mettre un terme aux disparités des durées
de service requises pour l'attribution de la carte du combattant. Certaines
dérogations à la durée des douze mois de services, comme celle qui est accordée
aux rappelés, sont assurément légitimes, d'autres, comme celle accordée aux
policiers et aux CRS, sont plus contestables.
Les associations demandent désormais un alignement de la durée de présence
requise en Afrique du Nord de quatre mois, au même titre que les policiers et
les CRS. Je n'irai pas, quant à moi, jusqu'à réclamer un alignement immédiat de
la durée de service à quatre mois.
Il me semble cependant qu'il serait équitable de réparer certaines injustices,
comme celle qui frappe les « maintenus », pour lesquels une durée de douze mois
est toujours requise. Une mise en cohérence des dates de cessation des
hostilités en Afrique du Nord, dates qui diffèrent selon le critère pris en
compte pour l'attribution de la carte, est également indispensable.
Enfin, je voudrais vous faire part de ma préoccupation au sujet de la
situation des veuves d'anciens combattants, nombreuses à vivre dans une grande
précarité.
A ce sujet, je voudrais saluer l'initiative de l'ONAC de créer une « carte de
veuve » qui matérialise en quelque sorte leur statut de ressortissantes de
l'Office et de lancer une campagne d'information auprès de ce public qui ignore
bien souvent les secours auxquels il peut prétendre.
Les actions de solidarité que mène l'Office à l'égard des veuves d'anciens
combattants doivent être soutenues, car ces dernières représentent une part
toujours croissante des ressortissants de l'Office. A ce titre, je me réjouis
de la majoration des crédits d'action sociale de l'ONAC décidée par le
Gouvernement, en première lecture à l'Assemblée nationale : elle permettra à
l'Office de poursuivre ses actions.
Il n'en reste pas moins que l'engagement financier de l'Etat en faveur des
veuves devra être renforcé. Je pense notamment à la situation particulière des
veuves de guerre, largement oubliées ces dernièr168es années.
Compte tenu des avancées significatives permises par ce projet de budget sur
des questions laissées jusqu'alors en friche et sur lesquelles nous
intervenions à chaque discussion budgétaire, et malgré les quelques
préoccupations dont je vous ai fait part, je voterai avec mes amis, monsieur le
secrétaire d'Etat, votre projet de budget.
(Applaudissements sur les travées
des Républicains et Indépendants, du RPR, de l'Union centriste, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je suis surprise d'entendre cette année nos
rapporteurs, si prompts ces dernières années à condamner vos prédécesseurs,
trouver à votre projet de budget des vertus que je n'ai point constatées. En
vérité, j'y trouve même de sérieux motifs de critique.
En une phrase, monsieur le secrétaire d'Etat, votre projet de budget fait
illusion. Il baisse plus fortement que les années précédentes puisqu'il accuse
une diminution de 4 % par rapport au budget de 2002. C'est non pas un projet de
budget de transition, mais un projet de budget « transi », qui manque de
chaleur.
Le relèvement de sept points et demi du plafond majorable de la rente
mutualiste, au lieu des cinq points habituels que l'un de vos prédécesseurs
avait initié est une bonne mesure et, tout en indiquant que j'y suis favorable,
je n'oublie pas qu'elle ne profite pas à tous les combattants puisque seuls
ceux qui disposent d'un certain niveau de ressources peuvent en bénéficier.
Le dossier des psychotraumatismes, laissé en jachère pendant trente ans,
ouvert avant vous par une volonté politique née dès 1997, continue à avancer et
c'est bien. Mais la seule mesure budgétaire significative de votre projet de
budget, monsieur le secrétaire d'Etat, n'a pas de contenu concret. Elle
concerne la décristallisation. Une commission, dont sont exclus les ayants
droit, doit préciser, au cours de l'année, les conditions d'attribution de
cette indemnité.
On constate que, sur ce sujet, globalement, vous avez retenu les réflexions et
propositions de vos prédécesseurs qui, les premiers, ont fait évoluer le
dossier.
Le temps nécessaire à la mise en oeuvre des procédures et au recensement des
bénéficiaires sera très long. Le budget ne sera pas sollicité à hauteur des
72,2 millions d'euros. Peut-être même ne le sera-t-il pas du tout, de sorte que
les crédits affichés pour 2003 sont des crédits à effet d'optique.
La politique de mémoire, que vous présentez comme le coeur de votre action,
monsieur le secrétaire d'Etat, ne fait que poursuivre celle qui a été définie
et impulsée par l'un de vos prédécesseurs bien connu de notre assemblée.
Il serait peut-être bon de donner à cette politique une plus grande ampleur en
contractualisant des projets pertinents avec les collectivités territoriales.
Mais, pour cela, il faudra compter avec la direction de la mémoire, du
patrimoine et des archives, la DMPA, dont l'attitude frileuse et technocratique
freine, depuis sa création, un certain nombre d'initiatives.
Nous avons enregistré la mission confiée à Philippe Dechartre afin d'examiner
l'extension du bénéfice du décret du 13 juillet 2000 à tous les orphelins. Il
n'était pas nécessaire de réunir une commission, sauf pour gagner du temps, car
tout est clair, monsieur le secrétaire d'Etat ! Veut-on ou non indemniser les
orphelins, tous les orphelins des morts pour la France ?
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
Pourquoi ne l'avez-vous pas fait ?
Mme Gisèle Printz.
Nous avons toujours été favorables à cette mesure. Pour nous, il a toujours
été clair que la décision du Premier ministre en juillet 2000 était une erreur,
erreur dont nous l'avions prévenu.
Votre budget, monsieur le secrétaire d'Etat, n'apporte rien de concret en
faveur des veuves. Vous ne poursuivez pas, dans ce domaine, ce qui a été fait
avec les budgets précédents, par exemple pour les veuves des plus grands
invalides.
Quelles sont vos intentions réelles pour améliorer les indemnisations des
veuves de guerre et des veuves d'anciens combattants ?
Quels engagements concrets prenez-vous pour majorer, au profit des veuves des
morts au combat, les 500 points d'indice qui, aujourd'hui, correspondent à peu
près au seuil de pauvreté ?
Ne croyez-vous pas, monsieur le secrétaire d'Etat, que ces épouses courageuses
et dévouées méritent que l'on se préoccupe de leur situation ?
Que dire de la retraite du combattant, qui ne fait l'objet d'aucune amorce de
processus de revalorisation,...
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
Il fallait le faire !
Mme Gisèle Printz.
... ou de la revendication portant sur l'attribution de la carte d'ancien
combattant pour quatre mois de présence en Afrique du Nord ? Vous n'en parlez
pas !
L'élue de la Moselle que je suis se doit d'évoquer des dossiers non réglés à
ce jour et qui me tiennent particulièrement à coeur.
Je veux tout d'abord parler de l'indemnisation des RAD-KHD. Le dossier reste
ouvert et, là aussi, il faut rétablir la vérité, car j'ai entendu tout et
n'importe quoi de la part de vos amis politiques.
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
Il est fermé depuis 1981 !
Mme Gisèle Printz.
M. Jean-Pierre Masseret avait souhaité obtenir de la fondation de l'Entente
franco-allemande le règlement définitif du contentieux existant en utilisant
les 100 millions de francs de réserve - c'était encore des francs.
Les membres anciens combattants du conseil d'administration ont refusé. Jean
Laurain, président de la Fondation à l'époque, et les représentants de
l'administration ont obtenu un compromis portant sur le versement, par la
fondation, de 20 millions de francs, sous réserve que l'Etat abonde ces crédits
de la même somme. Ce compromis n'a pas abouti.
M. André Bord est aujourd'hui le nouveau président de la Fondation. En 1998,
il avait pris position contre la proposition du secrétaire d'Etat. Pouvez-vous
obtenir de lui qu'il revienne sur ce refus et décide d'indemniser les RAD-KHD
sur les fonds de la fondation, comme cela aurait dû être fait dès l'origine ? A
défaut, pensez-vous obtenir de l'Etat les crédits nécessaires ?
Pensez-vous pouvoir effacer la ligne Curzon ? Le régime spécial établi par des
décrets de 1973, de 1977 et de 1981 traite différemment les prisonniers des
camps soviétiques selon qu'ils étaient internés à l'est ou à l'ouest de la
ligne Curzon. Quelle est votre opinion, monsieur le secrétaire d'Etat, sur
l'attribution du titre de reconnaissance de la nation aux incorporés de force
?
Les patriotes résistants à l'occupation des départements d'Alsace-Moselle,
incarcérés dans des camps spéciaux, qui constituent une catégorie très
particulière de victimes du nazisme que l'on ne retrouve dans aucune autre
région de France, souhaitent que les années passées dans les camps soient
prises en compte dans le calcul de la retraite pour ceux qui avaient moins de
seize ans à l'époque.
Le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Moselle a donné raison à un
déporté PRO, qui avait demandé qu'il soit tenu compte du temps passé en camp
spécial avant l'âge de seize ans pour le calcul de sa pension de retraite.
Monsieur le secrétaire d'Etat, avez-vous l'intention de tirer les conséquences
générales de cette décision de justice rendue au nom du peuple français ?
Je pourrais, comme le faisaient mes collègues de la majorité du Sénat l'an
dernier ou les années précédentes, depuis 1997, vous interroger et m'étonner
des silences de votre budget en ce qui concerne la fiscalité, le rapport
constant, le syndrome du golfe Persique et des Balkans, les conséquences des
irradiations lors d'essais nucléaires, les réfractaires...
Je ne le ferai pas, car il y a suffisamment à dire sur votre budget sans
suivre la voie de la démagogie.
Nous voterons contre votre budget, monsieur le secrétaire d'Etat, tout comme
l'ont fait avant nous, à l'Assemblée nationale, un certain nombre de députés de
votre majorité, car le monde combattant, qui exige notre respect et notre
reconnaissance, méritait beaucoup mieux.
(Applaudissements sur les travées
du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président.
La parole est à M. Alain Dufaut.
M. Alain Dufaut.
Monsieur le secrétaire d'Etat, permettez-moi, en préambule, de vous confier le
plaisir qui est le mien de m'adresser à vous, quelques semaines après notre
première rencontre, dans mon département de Vaucluse, à l'occasion de
l'inauguration de l'esplanade de l'Armée-d'Afrique, à Avignon.
Je suis persuadé, pour ma part, que votre expérience d'ancien combattant et
vos nombreuses responsabilités dans ce secteur associatif sont des atouts non
négligeables dans la mission difficile qui vous a été confiée. Il s'agit
d'ailleurs, vous le savez, d'un domaine où la concertation est fondamentale et
où, par conséquent, le dialogue avec les associations représentatives doit être
constant.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez d'ores et déjà donné des gages de
votre volonté de travailler dans cet esprit, notamment en annonçant la mise en
place de programmes pluriannuels pour répondre aux préoccupations catégorielles
du monde combattant. Nous ne pouvons que nous en réjouir. Cette méthode de
travail et ce pragmatisme affiché seront d'autant plus nécessaires que, cela a
été dit, le contexte économique dans lequel a été élaboré ce budget et les
marges de manoeuvre financières dont disposait le Gouvernement rendaient le
montage de votre budget relativement délicat. Je n'y reviendrai pas, les
différents intervenants qui m'ont précédé ayant largement insisté sur ce point.
Je ne relèverai pas non plus la totalité des nombreuses mesures positives que
comporte votre budget.
Mon intervention rapide portera essentiellement, dans un esprit constructif,
sur quelques points qu'il convient d'examiner pour tenter de résoudre les
principales difficultés auxquelles sont encore confrontés les anciens
combattants de notre pays.
En premier lieu, sur la question de la retraite du combattant, il semble
indispensable de s'atteler, enfin, à une revalorisation fondée sur un principe
d'égalité, d'autant que les revendications relatives à la retraite anticipée
n'ont pas avancé d'un pouce dans le passé. L'incapacité du gouvernement
précédent à lancer ce processus, malgré une croissance à l'époque génératrice
de marges de manoeuvre financières, ne peut en aucun cas servir d'excuse.
Les associations représentatives sont parfaitement conscientes des contraintes
financières qui pèsent sur le Gouvernement et se satisferaient, monsieur le
secrétaire d'Etat, par conséquent, d'un ajustement progressif de l'indice de la
retraite du combattant. Je compte, à cet égard, sur votre action dans les
prochains mois, pour faire des propositions en ce sens.
J'en viens ensuite à l'évocation de la situation des orphelins de guerre et
pupilles de la nation. Tout le monde ayant évoqué le sujet, je me contenterai,
moi aussi, d'attendre avec confiance le rapport que vous avez confié à M.
Philippe Dechartre. Mais nous nous permettons d'insister sur la nécessité
d'aboutir, dans les meilleurs délais, là aussi, à une solution.
Je ne reviendrai que très brièvement sur les inquiétudes relatives à la
pérennité de l'ONAC, pour vous confirmer que je rejoins ces préoccupations,
compte tenu de l'intérêt de l'action menée par cet organisme, même si l'on peut
tout à fait comprendre votre volonté légitime de recentrer l'établissement sur
son seul objet social.
La récente signature d'un contrat d'objectifs et de moyens cautionné, le 15
octobre dernier, à une très forte majorité, il faut le souligner, par le
conseil d'administration de l'ONAC, apparaît comme une garantie apportée par
l'Etat au monde combattant. L'enveloppe financière qui a été votée voilà
quelques jours par l'Assemblée nationale va aussi dans le bon sens.
A mon tour, comme nombre de mes collègues, je note avec beaucoup de
satisfaction l'effort portant sur la mise en oeuvre d'un véritable début de
décristallisation des pensions des anciens combattants et victimes de guerre
des pays devenus indépendants, tout en m'interrogeant sur les modalités de
règlement de ce dossier relativement complexe. Il faut souligner, encore une
fois avec force, qu'il s'agit, pour les anciens combattants, d'une avancée
historique.
Par ailleurs, je voudrais évoquer rapidement une autre revendication
importante, à savoir le bénéfice de la campagne double pour les anciens
combattants de la guerre d'Algérie et des combats au Maroc et en Tunisie. Là
aussi, je crois légitime que les fonctionnaires et assimilés concernés
bénéficient des mêmes droits que ceux qui ont accompli les mêmes services
pendant les conflits précédents. Il s'agit là - vous le savez tous - d'une
vieille revendication qui mériterait, un jour prochain, une solution
concrète.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Vous avez raison !
M. Alain Dufaut.
Enfin, il me semble nécessaire de se pencher à nouveau sur les conditions
d'attribution de la carte du combattant ; nous avons été nombreux à évoquer ce
sujet. Vous savez que les anciens combattants totalisant moins de douze mois de
présence en Algérie sont exclus de l'attribution de la carte du combattant,
alors que, c'est vrai, ils sont titulaires du titre de reconnaissance de la
nation et de la médaille commémorative.
Sur toutes ces questions, monsieur le secrétaire d'Etat, nous attendons une
écoute attentive et un programme d'actions - et vous avez, selon moi, raison
d'employer la méthode que vous utilisez depuis votre prise de fonctions -, de
manière à répondre aux légitimes attentes du monde combattant, dont on ne dira
jamais assez la reconnaissance que nous lui devons.
Le mérite de ces hommes qui ont vécu et combattu pour défendre notre patrie
vaut bien, certes, les honneurs de la mémoire, mais il doit aussi s'accompagner
de mesures concrètes destinées à la reconnaissance des services rendus. Je
sais, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous allez, tout au long de cette
législature, vous consacrer à cette tâche avec passion et avec efficacité.
C'est dans cet esprit que le groupe du Sénat auquel j'appartiens vous apportera
aujourd'hui, à l'occasion de l'examen et du vote de ce budget, son soutien le
plus total.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, et
de l'Union centriste.)
Un sénateur du RPR.
Bravo !
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Hamlaoui Mékachéra,
secrétaire d'Etat aux anciens combattants.
Monsieur le président,
messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est pour moi un
réel honneur de présenter pour la première fois le projet de budget des anciens
combattants devant votre Haute Assemblée. Ce budget n'est pas tout à fait comme
les autres. Il est en effet, avant tout, une manifestation tangible de la
reconnaissance de la nation envers ceux qui l'ont servie sous les drapeaux,
certes, mais également - et souvent - dans l'épreuve.
Permettez-moi de remercier chacun des intervenants. Je crois pouvoir dire que
le monde combattant sera sensible au soutien que vous lui avez tous
manifesté.
Mesdames, messieurs les sénateurs, pour respecter le souhait du président de
votre commission des finances, plutôt qu'une présentation globale du budget, je
vais m'efforcer de répondre du mieux que je pourrai et le plus précisément
possible à vos questions, qui correspondent à des attentes fortes du monde
combattant.
Je le ferai d'autant plus volontiers que vos rapporteurs vous ont déjà
présenté les principales destinations des crédits qui sont soumis à votre vote.
Je souhaite remercier sincèrement M. Baudot et M. Lesbros pour la chaleur de
leurs propos et pour la pertinence de leurs analyses.
Certains d'entre vous - je pense à M. Chabroux et à M. Fischer - ont insisté
sur l'évolution globale des crédits, comme si ce budget s'inscrivait simplement
dans la continuité de ceux qui l'ont précédé.
Pourtant, tel n'est pas le cas, et je souhaite d'emblée vous en convaincre. Ce
projet de budget n'est pas, je suis persuadé que vous le comprendrez,
uniquement une affaire d'arithméthique ! Il innove sur de nombreux dossiers,
dont certains sont d'une grande importance.
Tout d'abord, c'est un budget clair et sincère. Je précisse à M. Fischer que
nous avons présenté l'évolution globale des crédits dans sa réalité, sans
jamais chercher à la cacher.
Ensuite, ce budget ne traduit pas de façon rigide les conséquences des
évolutions démographiques. Je m'explique.
Outre la diminution, malheureuse mais inéluctable, du nombre de
ressortissants, il faut ajouter que l'arrivée à l'âge de la retraite des
anciens combattants de la guerre d'Algérie entraîne,
ipso facto
, une
diminution mécanique des crédits du fonds de solidarité. Ces deux évolutions
permettaient de réaliser une économie de 200 millions d'euros. Vous pouvez
constater que nous en sommes loin !
Je tiens aussi à dire que cette discussion sur l'évolution globale du budget
présente l'inconvénient de faire croire aux anciens combattants que leurs
droits individuels diminuent. Or c'est précisément l'inverse : ils sont en
augmentation de 0,68 %. J'en arrive à ce qui constitue le changement de fond de
ce budget : l'importance financière et symbolique des mesures nouvelles qu'il
contient.
Sur la décristallisation, l'ONAC, l'Institution nationale des invalides, les
retraites mutualistes, les cures thermales et les bilans médicaux, des avancées
très fortes - qu'il n'est point besoin d'expliquer plus longtemps, mesdames et
messieurs les sénateurs - vous sont aujourd'hui proposées.
Vous comprendrez que je commence par le dossier essentiel de la
décristallisation, que vous avez tous évoqué ; vous l'avez fait, d'ailleurs,
avec des mots justes, souvent émouvants.
Nous avons attendu, vous avez attendu, le monde combattant a attendu quarante
ans que l'occasion soit donnée pour résoudre ce problème de dignité. C'est
pourquoi le Gouvernement auquel j'appartiens a d'ores et déjà inscrit 72,5
millions d'euros pour engager ce processus.
Je souhaite vous présenter plus en détail le dispositif que nous avons retenu.
Nous y reviendrons de façon plus précise, bien entendu, au moment de la
discussion du projet de loi de finances rectificative.
En réponse à M. Collin, je confirme que c'est dans les toutes prochaines
semaines que vous aurez à vous prononcer. Ainsi, l'année prochaine, la
décristallisation entrera dans les faits.
Depuis les annonces gouvernementales du 20 novembre, beaucoup de contre
vérités ont été entendues à ce sujet, et il me paraît utile de rappeler les
mérites de la formule qui a été retenue.
C'est tout d'abord une formule qui procède d'un souci d'équité. Ainsi, le
principe de parité des pouvoirs d'achat, adossé à un barème mis à jour
régulièrement par l'ONU, confère aux anciens combattants les mêmes moyens, quel
que soit leur pays de résidence.
Mais limiter la décristallisation, comme le font certains, à ce seul
mécanisme, c'est passer sous silence d'autres facettes qui sont tout à fait
essentielles et que je vais me permettre de rappeler, notamment à M. Pelchat,
qui, comme nous le savons, suit ce dossier avec détermination depuis
longtemps.
La décristallisation, c'est d'abord l'assurance que chaque situation
individuelle sera améliorée par une majoration forfaitaire de 20 %, là où la
parité de pouvoir d'achat n'apporterait aucun avantage supplémentaire.
C'est aussi une rétroactivité sur quatre ans, c'est-à-dire le maximum autorisé
par le principe de la déchéance quadriennale qui, je le rappelle, est d'ordre
public.
C'est encore la réouverture des droits individuels qui permettra aux invalides
de faire constater d'éventuelles aggravations et aux veuves de percevoir une
pension de réversion.
C'est, enfin, la garantie de mises à niveau ultérieures, en proportion des
progressions de parités de pouvoir d'achat et des augmentations du point de la
fonction publique.
J'indique à M. Baudot, rapporteur spécial, qu'il n'aurait pas été possible de
ne décristalliser que la retraite du combattant. En effet, les attendus et les
décisions de la haute juridiction administrative ne le permettraient pas.
Le dispositif que je viens de décrire est le seul susceptible de s'insérer
harmonieusement dans le contexte local, économique et social. Un alignement pur
et simple n'aurait pas manqué d'être perçu comme une injustice par les anciens
combattants français. Evitons, mesdames, messieurs les sénateurs, de créer de
nouvelles injustices en cherchant à réparer celles qui existent déjà.
Pour clore ce chapitre, permettez-moi de dire que je suis fier d'appartenir à
un gouvernement qui a conçu cette réforme historique et qui va maintenant la
mettre en oeuvre, sous votre haute vigilance, bien entendu. Celle-ci répond à
un souci de justice et d'équité. Elle porte la marque de notre reconnaissance à
l'égard de ceux qui ont répondu à l'appel de la France et de la liberté.
Ce budget innove aussi en ce qui concerne l'avenir de deux établissements
publics auxquels le monde combattant est, à juste titre, très attaché :
l'Office nationale des anciens combattants et victimes de guerre, l'ONAC, et
l'Institution nationale des invalides, l'INI.
M. Chabroux et M. Fischer, que j'ai écoutés avec beaucoup d'attention, ont
fait part de leur inquiétude quant aux conséquences du contrat d'objectifs et
de moyens de l'ONAC. Sur ce sujet, j'entends rassurer à la fois la
représentation nationale et le personnel de ces établissements.
Soyons clairs : comme l'a noté M. Dufaut, si nous n'avions rien fait, la
pérennité de l'ONAC n'était plus assurée. C'est le message que m'a d'ailleurs
adressé son conseil d'administration dès ma prise de fonction. C'est aussi le
constat auquel étaient parvenus la Cour des comptes, l'Inspection générale des
finances et le Contrôle général des armées.
En revanche, le contrat d'objectifs permettra de réaliser l'adéquation si
nécessaire des moyens de l'ONAC avec ses missions. Le déclin inexorable des
actions de reconnaissance, la progression annoncée des missions de solidarité
et celle, très souhaitable, des actions de mémoire appelaient une
réorganisation des moyens de l'établissement. Tout le monde peut le comprendre
!
Le pire a été entendu sur les conséquences sociales de ce contrat. La réalité
est tout autre, mesdames, messieurs les sénateurs. C'est en moyenne un
demi-poste par département et par an qui serait concerné par le redéploiement
que nous proposons.
A l'inverse, cent emplois de cadres de catégorie A seront créés pour
développer et enrichir les actions de mémoire. Les actions de proximité seront,
elles aussi, renforcées grâce à un plan de recrutement qui porterait à cent
postes l'effectif des assistantes sociales à temps complet ou à temps partiel.
Ainsi, chaque département disposerait des moyens nécessaires dans ce secteur
social.
S'agissant des crédits sociaux de l'ONAC, je veux remercier le Parlement, qui
a souhaité contribuer au relèvement des moyens prévus. Les commissions des
finances ont été sensibles aux besoins en ce domaine et je souhaite les saluer
de cette tribune. Vous savez que ces crédits bénéficient principalement aux
veuves en situation de grande difficulté financière, et, hélas ! il y en a.
J'ai bien entendu les propos de votre rapporteur en ce qui concerne la
procédure.
Par ailleurs, l'Institution nationale des invalides fait également l'objet
d'un soin particulier dans le projet de budget qui vous est soumis.
L'expression la plus tangible de cette attention réside dans l'augmentation de
près de 5 % de sa subvention.
Derrière cette augmentation se dessine la volonté, vous l'avez deviné, de
tirer tous les enseignements de la visite d'accréditation qui vient de
s'achever. Sans rien perdre de son identité, cette vénérable institution verra
ainsi sa situation progresser en termes de sécurité et de qualité des soins. A
l'image de ce qui s'est fait pour l'ONAC, un contrat d'objectifs et de moyens
viendra accompagner ses évolutions. Une gestion analytique de qualité sera mise
en place, afin de savoir qui fait quoi.
Je vais maintenant aborder plus brièvement les autres questions qui ont été
évoquées.
Je remercie MM. les rapporteurs, qui ont bien voulu saluer le rétablissement
de la prise en charge des frais d'hébergement des cures thermales à cinq fois
le taux de la sécurité sociale : elle avait été abaissée à trois fois le taux.
L'arrêté a donc été publié au
Journal officiel
du 10 novembre dernier.
Il s'agit d'une mesure de justice, vous l'avez dit, et j'en prends acte.
Répondant en cela à l'attente des associations, ce budget innove.
L'instauration d'un bilan médical gratuit permettra d'améliorer l'expertise
médicale de certaines pathologies et de mieux orienter les anciens combattants
en ce qui concerne le dépistage de leurs affections.
L'augmentation du plafond majorable de la rente mutualiste était aussi une
mesure attendue. Monsieur Baudot, je connais vos réticences sur ce sujet.
Pourtant, dans le cadre de la concertation que j'ai mise en place, il
s'agissait d'une attente vraiment forte. Je me réjouis que nous ayons pu ainsi
progresser à un rythme plus élevé que les années précédentes, avec une
augmentation de 7,5 points, contre 5 points jusqu'à présent.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous m'avez également interrogé sur des
dispositions qui ne sont pas contenues dans le projet de budget qui vous est
soumis.
Le premier sujet c'est, bien sûr, la revalorisation de la retraite du
combattant. Les débats parlementaires ont eu le mérite de montrer l'importance
accordée à ce sujet sur l'ensemble des travées de cette assemblée. Il faut tout
de même savoir - cela a été rappelé tout à l'heure -, qu'une augmentation de
cinq points de la retraite du combattant aurait consommé plus de 80 millions
d'euros, soit l'équivalent de la totalité des mesures nouvelles qui vous sont
aujourd'hui présentées. Elle ne peut donc être envisagée que sur plusieurs
années. Dans une logique de partenariat et de planification, j'engagerai
prochainement une concertation sur ce sujet.
Vous êtes nombreux à avoir rappelé les insatisfactions quant aux conditions
d'attribution de la carte du combattant. Les durées de services exigées sont
variables. Cette dispersion répond parfois à un souci d'équité. Mais,
quelquefois, les raisons sont plus obscures et suscitent un sentiment
d'injustice auprès des intéressés. J'entends engager rapidement une démarche
qui devra clarifier un dispositif qui est aujourd'hui, je le reconnais, confus
et mal adapté.
Comme tous les orateurs qui se sont exprimés au sujet des veuves, notamment M.
Cleach, je suis sensible aux difficultés que celles-ci rencontrent. En effet,
elle sont souvent dans des conditions matérielles ou morales particulièrement
difficiles. Toutes n'ont pas affronté les mêmes épreuves, mais toutes méritent
notre attention. Je suis prêt à examiner les voies et les moyens d'engager une
action de soutien en leur faveur, et ce dès les prochains mois.
M. Durand-Chastel m'a interrogé sur la rente viagère pour les harkis. Son
extension est prévue grâce à la levée de la condition de ressources qui, vous
le savez, en restreignait la portée.
S'agissant de la campagne double, j'ai bien noté les préoccupations de M.
Dufaut. Cette question est effectivement ancienne et n'a pas reçu de réponse à
ce jour, probablement en raison de ses fortes incidences budgétaires. De plus,
elle ne bénéficierait qu'aux agents ayant un statut public. Elle appelle donc
une réflexion toute particulière.
Les situations héritées de l'annexion des départements d'Alsace-Moselle
pendant la Seconde Guerre mondiale doivent être examinées. Je vous en donne
acte ! Elles font partie de ces contentieux récurrents à propos desquels les
réponses dilatoires ne sont plus de mise. J'entends les aborder sans
a
priori
. Il s'agit, vous l'avez compris, des RAD, des KHD, des PRO, et des
PRAF : derrière ces sigles se cachent des souffrances, de nature différente,
dont certaines n'ont pas été reconnues à ce jour. J'en prends également acte
!
J'indique à M. Osterman et à Mme Printz que je me propose de réunir, si elles
le souhaitent, les différentes parties prenantes, notamment les associations et
les parlementaires concernés, avec la fondation Entente franco-allemande ; nous
aurons l'occasion d'y revenir lors de la discussion des amendements.
Je souhaite aborder maintenant les questions de mémoire. Bien que moins
présentes dans les discussions budgétaires, elles n'en sont pas moins
importantes. Je crois même qu'un large consensus se dessine pour dire que la
transmission des valeurs portées par le monde combattant vers les jeunes
générations est une priorité. Je remercie M. Ostermann de son soutien fort sur
ce thème. J'ai également noté des propositions très pertinentes de M.
Durand-Chastel en matière d'action diplomatique.
Concrètement, 17 millions d'euros seront consacrés à ce domaine. Ils
permettront de développer des projets conjuguant une forte capacité d'évocaion
et une modernité répondant à la sensibilité des enfants et des adolescents.
L'accent sera mis, en 2003, entre autres, sur l'action de la Résistance et le
sacrifice de Jean Moulin, ainsi que sur les opérations de reconquête des
territoires sous le joug nazi, comme la campagne de Tunisie, la libération de
la Corse, la campagne d'Italie...
L'effort entrepris en termes de publications, notamment pour la jeunesse, sera
poursuivi et amplifié.
Naturellement, le plus grand soin sera accordé à l'entretien et à la
restauration des nécropoles. J'ai d'ailleurs demandé à tous les préfets un état
des lieux complet, car trop d'échos défavorables nous parviennent çà et là.
Enfin, nous voulons développer, avec les collectivités locales, un « tourisme
de mémoire », et avec certains pays étrangers, qui furent nos alliés ou nos
adversaires, des coopérations sur le thème de la « mémoire partagée ».
En ce qui concerne les journées de commémoration, je rappelle à M. Ostermann
l'attachement du monde combattant à une journée spécifique pour chaque conflit.
Quant à l'institution d'une journée nationale de la Résistance, je précise à M.
Fischer qu'elle ne pose aucune difficulté de principe pour le secrétariat
d'Etat que j'ai l'honneur de diriger. Mais, pour cette date comme pour
d'autres, nous pensons qu'il appartient d'abord au monde combattant de
s'entendre et non à l'Etat d'imposer ses choix. Il est d'ailleurs évident que
nous marquerons avec l'éclat nécessaire l'importance historique de la première
réunion du Conseil national de la résistance, le CNR, le 27 mai 1943.
Avant de conclure, permettez-moi de répondre à vos nombreuses questions sur
deux sujets qui ne sont pas inclus dans le projet de budget, mais que vous avez
tous abordés et qui, bien que de nature très différente, sont sensibles : d'une
part, l'indemnisation des orphelins de déportés et, d'autre part, la
commémoration de la fin de la guerre d'Algérie.
Je voudrais dire, tout d'abord, que le débat relatif au décret du 13 juillet
2000 sur l'indemnisation des orphelins des déportés de la Shoah ne doit pas
faire oublier la tragédie incommensurable qui est à l'origine de cette mesure.
Je rappelle que ce décret procède de la reconnaissance de la responsabilité de
l'Etat français dans les persécutions antisémites et de la mission présidée par
M. Mattéoli.
Cependant, le Gouvernement est pleinement conscient des attentes suscitées par
ce texte chez les autres orphelins de déportés. Il est d'ailleurs révélateur
que la quasi-totalité des orateurs ait évoqué cette question.
C'est la raison pour laquelle nous avons demandé à une personnalité
indépendante et reconnue, M. Philippe Dechartre, ancien résistant - est-il
nécessaire de le rappeler ? - et ancien ministre du général de Gaulle et de
Georges Pompidou, de nous éclairer sur le sujet. Il conduit actuellement une
concertation approfondie avec le souci d'y associer l'ensemble des intéressés.
Il nous remettra donc un rapport avant la fin du premier semestre de l'année
prochaine.
En effet, sur un sujet aussi douloureux et délicat, il est capital que la
solution qui sera préconisée recueille l'assentiment de tous. Il est tout aussi
essentiel de ne pas créer une nouvelle injustice en prétendant réparer celle
que nous avons identifiée.
Dès lors, comme l'ont indiqué notamment MM. Lesbros et Cleach, il est
absolument nécessaire d'aller au terme de la concertation sur un sujet aussi
important pour notre communauté nationale. Dans cet esprit, je le dis
simplement, il me semble prématuré de légiférer.
Pour autant, et afin qu'il n'y ait aucune ambiguïté sur notre volonté commune
de régler cette question, j'assure votre Haute Assemblée que nous proposerons,
dès l'année prochaine, dans la sérénité et après avoir pris le temps d'engager
une réelle concertation, une solution équitable et raisonnable.
Sur ce même sujet, M. Baudot s'est inquiété de l'absence de financement des
mesures du collectif budgétaire de 2001. Je précise que ces crédits figurent
dans le projet de budget du Premier ministre.
La date de commémoration de la guerre d'Algérie a suscité de fortes tensions.
Nous voulons, au contraire, contribuer, patiemment mais sûrement, à l'émergence
d'une solution.
C'est pourquoi nous avons demandé à M. Jean Favier, membre de l'Institut et
historien de renommée mondiale, de présider une commission sur ce sujet.
Une première réunion a eu lieu, comme vous le savez, le 6 novembre dernier.
C'est déjà un signe positif puisque les principaux représentants du monde des
combattants avaient tenu à être présents. Une prochaine réunion aura lieu en
janvier prochain. J'espère que le monde combattant, qui a été uni face à
l'adversaire, saura se rassembler pour honorer ses morts. En tout cas, le
Gouvernement lui fait confiance. Il reste attentif et laisse les frères d'arme
débattre très librement.
L'inauguration, jeudi prochain, par le Président de la République, du mémorial
national de la guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de Tunisie sera un
nouveau moment d'unité autour de la mémoire de ces conflits. Nous ferons tout
pour que celle-ci soit durable.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j'espère avoir répondu à l'essentiel de vos
questions dans le temps qui m'était imparti.
Pour conclure, permettez-moi de jeter un regard rapide sur les quelques mois
qui viennent de s'écouler.
Des dossiers attendus depuis des dizaines d'années qui aboutissent enfin.
Un esprit d'ouverture qui se manifeste sans
a priori
pour aborder les
questions encore en suspens.
Un dialogue confiant et constructif qui s'instaure avec les associations et,
je l'espère, avec le Parlement.
Une volonté permanente qui s'exprime pour rassembler tant sur les messages que
sur l'approche des préoccupations que vous partagez.
Une intervention très forte du Premier ministre en personne, le 11 novembre
dernier, à Rethondes, qui rassemble et qui dynamise.
Une communication en conseil des ministres, mercredi dernier, qui trace tous
les axes du plan d'action en faveur du monde combattant que nous tenons à
mettre en place.
L'inauguration du mémorial de la guerre d'Algérie, qui sera, je le répète, un
nouveau moment d'unité.
Vraiment, je crois que l'on ne peut qu'oeuvrer pour qu'un tel climat de
sérénité perdure pour le monde combattant.
Je vous remercie, mesdames, messieurs les sénateurs, d'y prendre toute votre
part en adoptant les crédits que j'ai eu l'honneur de vous présenter cet
après-midi.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le ministère
des anciens combattants et figurant à l'état B.
ÉTAT B
M. le président.
« Titre III :
moins
645 915 euros. »
La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau, pour explication de vote.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Monsieur le secrétaire d'Etat, permettez-moi de revenir sur quelques questions
qui n'ont peut-être pas été assez explicites.
Le Gouvernement aurait dû, selon nous, profiter de la baisse, que nous
déplorons, bien entendu, du nombre des anciens combattants, pour faire droit
aux demandes anciennes, voire très anciennes, de celles et de ceux qui ont
souffert dans leur chair pour que les générations suivantes vivent en
démocratie.
Ces contentieux, vous les connaissez comme nous tous, monsieur le secrétaire
d'Etat. De nombreuses associations unissent leurs actions et ne ménagent pas
leurs efforts pour défendre les anciens combattants et leur famille. Leur
mobilisation, celle de leurs dirigeants, parfois âgés et malades, sont sans
faille et nous devons les remercier de leur constance et parfois même de leur
opiniâtreté. Nul ne peut ignorer les dossiers en instance. Certains sont plus
importants que d'autres. J'en évoquerai trois.
Nous avons attiré l'attention de ceux qui vous ont précédé et la vôtre, dans
la dernière période, sur la légitime demande des grands invalides et blessés
s'agissant du respect des articles L. 115 et L. 128 du code des pensions
militaires d'invalidité et des victimes de la guerre.
La loi est claire, monsieur le secrétaire d'Etat, et prévoit la prise en
charge intégrale des prestations médicales, paramédicales, chirurgicales et
pharmaceutiques nécessitées par les infirmités qui ouvrent droit à pension. Or,
dans de nombreux cas, l'Etat n'assure plus la prise en charge intégrale des
frais de déplacement et de soins nécessités par les infirmités pensionnées. Le
plus souvent, d'ailleurs, monsieur le secrétaire d'Etat, vos services font
référence aux dispositions propres à la sécurité sociale, toujours plus
restrictives dans la prise en charge des soins, des médicaments et du petit ou
du gros appareillage, pour se dispenser ainsi d'appliquer les textes dans leur
rigueur, notamment les dispositions du code des pensions militaires
d'invalidité et des victimes de la guerre précitées.
Monsieur le secrétaire d'Etat, comme les associations, je dénonce avec la plus
vive énergie la tendance générale à l'abandon de la prise en charge totale par
l'Etat des soins et de l'appareillage des pensionnés de guerre, y compris par
le secrétaire d'Etat chargé de les défendre et de représenter leurs droits
reconnus par la loi.
Il est manifeste que ces mutilés sont considérés progressivement comme des
assurés sociaux de droit commun, auxquels sont appliquées des règles de
solidarité entre citoyens, et de moins en moins comme créanciers d'une dette
sur la nation contractée à la guerre. Je vous demande, monsieur le secrétaire
d'Etat, d'examiner de très près ce dossier, car cette réclamation n'est que
trop justifiée.
En ce qui concerne la bonification de campagne double pour les travailleurs de
l'Etat, fonctionnaires et assimilés, je veux rappeler, monsieur le secrétaire
d'Etat, que la loi du 14 avril 1924 a accordé à toutes les générations du feu,
que ce soit celles de 1914-1918 et de 1939-1945, que ce soit celles de la
Corée, de l'Indochine et de Suez, le bénéfice de la campagne double en temps de
guerre. Seuls les anciens combattants en Algérie, en Tunisie et au Maroc n'ont
bénéficié que de la campagne simple, sous prétexte, je veux vous le rappeler,
qu'il ne s'agissait pas d'une guerre. Aujourd'hui, tel n'est plus le cas, la
guerre a été officiellement reconnue comme telle, et il importe de permettre
aux anciens combattants fonctionnaires de bénéficier de la campagne double.
D'ailleurs, je me permets de rappeler, sans vouloir faire de polémique, que
cette mesure était comprise dans une proposition de loi qui avait été déposée
en 1993 par le groupe du RPR et apparentés à l'Assemblée nationale, sous la
signature de MM. Mazeau et Cabrol.
Donc, maintenant que la guerre d'Algérie a été reconnue comme telle, toutes
les générations de feu sont concernées.
J'aborderai en dernier lieu un problème moins bien connu, celui de la
reconnaissance du droit aux soins et à réparation des anciens militaires et
personnels civils qui ont été victimes d'irradiation lors d'essais nucléaires
au Sahara et en Polynésie.
Nous nous inquiétons tous de la dégradation de l'état de santé de certains
anciens militaires qui ont séjourné sur des aires de tirs d'essais nucléaires
français aériens ou souterrains français au Sahara ou en Polynésie, de 1960 à
1974. Ce problème touche aussi les militaires et les civils ayant travaillé
auprès des équipements nucléaires et qui sont susceptibles d'avoir été
irradiés.
Au Sahara, je le rappelle, la France a procédé à dix-sept essais nucléaires et
à de nombreux autres en Polynésie, dont quarante et un en atmosphère et cent
trente-sept souterrains, à Mururoa.
Une association de vétérans des essais nucléaires français regroupe
actuellement près de quatre cents membres, qui ont participé aux différents
essais.
J'insiste d'autant plus, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'un certain nombre
d'anciens combattants en Algérie ont, sur leur livret militaire, j'ai pu le
constater, la mention « présent à Reggane » ou « présent à In Ekker, premières
expérimentations atomiques françaises le 13 février 1960 ». Pour que ces
mentions figurent sur leur livret militaire, il y a, bien évidemment, une
raison.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite que vous fassiez droit à cette
demande claire. Il faudrait maintenant recenser les personnels civils et
militaires et de sous-traitance qui ont travaillé sur les centres
d'expérimentations nucléaires au Sahara et en Polynésie. Il faudrait aussi que
l'on puisse avoir accès aux dossiers médicaux des personnels des essais en
levant le secret défense qui les frappe sans raison maintenant ; que l'on
reconnaisse la présomption d'origine des maladies radio-induites et que vous
créiez une commission paritaire du suivi des essais nucléaires dotée des
crédits de fonctionnement et de recherche nécessaires pour permettre
d'effectuer toutes les enquêtes.
Monsieur le secrétaire d'Etat, il s'agit là d'une question nouvelle parce que
la maladie apparaît tardivement. Vous ne pouvez plus garder le silence sur
cette question.
M. le président.
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
(Les crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre IV : 16 319 500 euros. »
La parole est à M. Raymond Courrière, pour explication de vote.
M. Raymond Courrière.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le
budget des anciens combattants qui nous est soumis en cette fin de semaine, le
premier de cette douzième législature, n'est pas à la hauteur de ceux qui ont
parfois sacrifié leur vie pour notre pays.
Comme je le disais l'an passé, ce budget doit, en francs constants, rester
identique pour permettre le règlement des problèmes de fond auxquels la nation
n'a toujours pas apporté de réponse. A titre d'exemple, je rappelle que les
anciens combattants d'Algérie souhaitent notamment que soit poursuivie la
revalorisation progressive du montant de la retraite du combattant, avec
précisément une revalorisation de cinq points dès le présent budget.
Ce budget, qui ne correspond pas à l'attente, n'a seulement été amendé que de
1,51 million d'euros pour rétablir les crédits d'action sociale de l'ONAC,
sévèrement amputés dans le budget initial.
Alors que le précédent gouvernement s'était engagé à préservé l'ONAC comme
outil privilégié de la solidarité à l'égard des anciens combattants, malgré le
geste que vous avez fait en cours de discussion, des inquiétudes nombreuses
subsistent au sein du monde associatif à ce propos. En effet, si ce budget
pérennise l'ONAC pour le moment, nous remarquons que la subvention de
fonctionnement que vous lui versez accusera une baisse de 2,34 %. A titre de
comparaison, le budget avait été augmenté de 3,51 % en 2002 ; à l'époque, la
commission des finances le trouvait abominable ! Son avenir n'est donc plus
aussi assuré qu'il l'était précédemment.
Vous nous présentez la décristallisation comme une « grande nouvelle mesure »,
monsieur le secrétaire d'Etat. Permettez-moi de vous faire part de ma surprise,
car je n'ai pas oublié que cette même assemblée avait adopté l'an dernier, sur
proposition de l'ancien secrétaire d'Etat chargé des anciens combattants, M.
Jacques Floch, un début de décristallisation avec la levée de forclusion au
bénéfice des anciens combattants originaires des anciennes colonies françaises.
Je vous pose la question : où est la nouveauté ?
Vous nous dites y consacrer 72,5 millions d'euros. Très bien, mais ce n'est
pas une mesure nouvelle, puisqu'il s'agit d'un redéploiement à partir de
l'allocation préparatoire à la retraite et de l'allocation différentielle pour
les anciens combattants d'Algérie. Comme le disait mon collègue Gilbert
Chabroux, les moyens doivent être pris non pas sur ce budget, mais bien sur les
crédits du Premier ministre, puisqu'il s'agit d'une dette morale et d'une dette
de l'Etat.
Quant à la carte du combattant, il faut revoir ses conditions d'attribution.
Nous avions abouti à une mesure qui permettait son obtention par tous ceux qui
avaient passé douze mois de leur jeunesse en Algérie pour répondre à l'appel de
la France. Par la suite, une autre mesure a fixé à quatre mois la durée de
présence nécessaire pour les policiers et les CRS. Je pense qu'il serait juste
et équitable d'étendre cette mesure à tous les anciens combattants
d'Algérie.
Monsieur le secrétaire d'Etat, en conclusion, vous nous présentez un budget de
redéploiement plus qu'un budget d'innovation ; quant à en faire un budget de
transition, n'en parlons pas ! Il laisse sans réponse un certain nombre
d'interrogations, et nous regrettons qu'il n'ouvre pas de perspectives pour le
monde combattant, contrairement à ce qui a été dit.
J'aimerais notamment que ne soit pas enterré le projet de faire définitivement
du 19 mars, date officielle de la fin des combats en Algérie, la journée du
souvenir et du recueillement, comme le souhaite l'écrasante majorité des
anciens combattants d'Algérie...
M. Bernard Murat.
Non !
M. Marcel-Pierre Cleach.
Ce n'est pas vrai !
M. Raymond Courrière.
... et, avec eux, l'écrasante majorité du peuple français.
(Protestations
sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Organisez un référendum, vous verrez bien !
(Applaudissements sur les
travées du groupe socialiste.)
M. le président.
La parole est à M. Jean-Pierre Masseret, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Masseret.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
j'assiste à ce débat par respect pour le monde combattant, mais je n'avais pas
l'intention d'intervenir. Cependant, j'ai entendu dans la bouche du rapporteur
de la commission des finances, M. Jacques Baudot, des propos qui me poussent à
prendre la parole. Ainsi donc, monsieur le rapporteur spécial, les
prédécesseurs de M. Mékachéra auraient érigé la division en principe de
l'action gouvernementale ?
M. Raymond Courrière.
Il l'a dit !
M. Guy Fischer.
Oui, il l'a dit !
M. Jean-Pierre Masseret.
Je ne peux pas rester sans réaction devant cette accusation tout à fait
infondée. Je ne sais pas où M. Jacques Baudot place le curseur, c'est pourquoi
je me sens un petit peu impliqué...
M. Raymond Courrière.
Le curseur ? Il le place à droite !
M. Jean-Pierre Masseret.
Je rappelle à M. Jacques Baudot les propos qu'il tenait il y a quelques années
quand, déjà rapporteur spécial du budget des anciens combattants, il montait à
la tribune pour vanter les qualités du secrétaire d'Etat, homme de dialogue,
courtois, disponible, qui créait les conditions du rassemblement...
M. Gilbert Chabroux.
Et en plus, c'est vrai !
M. Jean-Pierre Masseret
... pour apporter les réponses les moins insatisfaisantes possible. Mais il
votait contre le budget en invoquant l'insuffisance des crédits.
Je sais bien qu'au moment de voter contre il faut trouver le bon argument,
mais je ne crois pas qu'il faille pour autant travestir la vérité !
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe
CRC.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
Je ne reviens pas sur ce que j'ai dit de l'homme,
c'est-à-dire de l'ancien secrétaire d'Etat ; je ne reviens pas plus sur ses
qualités, il les a toujours. Je maintiens, en revanche, qu'il menait à l'époque
une politique de division des anciens combattants.
(Exclamations sur les
travées du groupe socialiste.)
M. Raymond Courrière.
C'est de la diffamation !
(Exclamations sur les travées de l'Union
centriste.)
On travestit la vérité !
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
Ce n'est pas de la diffamation.
(Vives
protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Laissez-moi parler. On a le droit de s'expliquer, tout de même !
Mais je me tourne vers le secrétaire d'Etat de l'époque, notre collègue
Jean-Pierre Masseret : ne pensiez-vous pas que le fait d'accorder le bénéfice
de la carte aux policiers et aux CRS dès quatre mois de séjour allait susciter
des problèmes ?
C'était une véritable bombe à retardement, et elle est en train d'exploser,
car nous sommes maintenant saisis de demandes d'anciens combattants qui
réclament les mêmes conditions d'octroi de la carte. Et ils ont raison !
M. Jean-Pierre Schosteck.
Eh oui ! Evidemment !
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
Etait-il vraiment nécessaire d'agir avec cette
brutalité, et au bénéfice d'une seule catégorie d'anciens combattants
d'Algérie, je veux parler des CRS et des policiers ?
Voilà ce que je vous reproche, mais en toute amitié, mon cher collègue.
Pendant cinq ans, nous avons connu une période de croissance.
M. Jean-Pierre Schosteck.
La cagnotte !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
On diminue de 2 % les crédits, ils ne les votent pas ; on les diminues de 4 %,
et ils les votent !
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
Et qu'a-t-on fait de plus pendant cette période de
croissance ? On s'est contenté de suivre la pente de la diminution des crédits
consacrés au secrétariat d'Etat aux anciens combattants ! Vous n'aviez pas mis
beaucoup plus pour réellement faire quelques chose de plus, mon cher collègue.
Que de dossiers ont été abandonnés, pas de votre faute, monsieur Masseret, mais
par la faute de Bercy ! Je le disais d'ailleurs moi-même, et je le répéterai
encore au secrétaire d'Etat actuel. Il y avait cependant des choses à faire, et
vous en aviez les moyens lorsque vous étiez secrétaire d'Etat.
Les donneurs de leçons, oui, mais point trop n'en faut !
(Applaudissements
sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Jean-Pierre Schosteck.
Très bien !
M. Jean-Pierre Masseret.
Je ne répondrai pas parce que je ne veux pas intervenir sur le fond !
M. le président.
La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour explication de vote.
M. Gilbert Chabroux.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
j'ai déjà dit que la façon dont M. Baudot avait présenté ce projet de budget
était partisane et il vient de l'illustrer à l'instant en reprenant ses propos
sur les opérations de division qu'aurait menées le précédent gouvernement. Nous
ne pouvons l'admettre !
Je voudrais rappeler, parce qu'il me semble qu'il faut clarifier le débat et
que nous ne pouvons pas voter sans cette clarification, le rôle qui a été joué
par le précédent gouvernement pour mettre fin au contentieux des anciens
d'Afrique du nord. S'il n'y a pas eu rassemblement, je ne sais pas ce que ce
mot signifie...
En effet, il a fallu, tout d'abord, faire reconnaître officiellement la guerre
d'Algérie : cela a été fait par l'ancien gouvernement ; c'est à son honneur et
l'on ne peut pas dire que cela ait été une opération de division !
Il a fallu, ensuite, revoir les conditions d'attribution des titres - la carte
de combattant et le titre de reconnaissance de la nation : cela a été fait !
Il peut rester encore quelques points en discussion, mais ce n'est pas ce qui
s'appelle de la division. Il y a eu rassemblement autour du gouvernement
précédent...
M. Raymond Courrière.
Oui !
M. Gilbert Chabroux.
... et les associations l'ont largement reconnu. Je ne peux donc pas admettre
les propos qui ont été tenus : il s'agit de politique politicienne, de propos
partisans et même, d'une certaine manière, sectaires. Je regrette de devoir le
dire.
M. le président.
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
(Les crédits sont adoptés.)
M. le président.
J'appelle en discussion les articles 62 et 62
bis
, qui sont rattachés
pour leur examen aux crédits affectés aux anciens combattants, ainsi que, en
accord avec la commission des finances, les amendements n°s II-6 rectifié,
II-25, II-26 et II-27 tendant à insérer des articles additionnels.
Article 62
M. le président.
« Art. 62. - Le montant maximal donnant lieu à majoration par l'Etat de la
rente qui peut être constituée au profit des bénéficiaires mentionnés à
l'article L. 222-2 du code de la mutualité est fixé par référence à 122,5
points d'indice de pension militaire d'invalidité. »
L'amendement n° II-23, présenté par M. Fischer et les membres du Groupe
communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
« I. - Dans cet article, remplacer les mots : "122,5 points" par les mots :
"125 points".
« II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... Les dépenses découlant de l'augmentation de la référence indiciaire pour
la majoration par l'Etat des rentes visées à l'article L. 222-2 du code de la
mutualité sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe
additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts. »
« III. - En conséquence, faire précéder le début de cet article de la mention
: "I". »
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer.
Cet amendement porte sur l'article 62, qui prévoit une majoration, à 122,5
points d'indice de pension militaire d'invalidité, du plafond majorable servant
au calcul des majorations spécifiques sur les rentes mutualistes. Cette mesure,
traditionnelle, a un coût de 6,69 millions d'euros en 2003. J'ai relevé la
satisfaction que suscitait la progression non négligeable de la retraite
mutualiste, qui touche un cinquième des anciens combattants.
Notre amendement est un appel à ne pas perdre de vue l'objectif de 130 points
d'indice que nous nous étions fixés.
Afin de ne pas prolonger le débat sur une question qui a été largement
débattue et avant de retirer l'amendement, monsieur le secrétaire d'Etat, nous
voulons souligner que la demande principale des générations du feu, toutes
confondues, est la revalorisation de la retraite des anciens combattants.
Cette revalorisation doit être, d'une part, importante, dans la mesure où elle
n'a pas été engagée depuis plusieurs décennies et, d'autre part, envisagée,
négociée, partagée et prévue, de toute évidence, sur plusieurs années. Il
convient à présent d'engager la concertation qui a été annoncée. Nous serons
très attentifs à l'ajustement progressif de l'indice de la retraite des anciens
combattants.
M. le président.
L'amendement n° II-23 est retiré.
Je mets aux voix l'article 62.
(L'article 62 est adopté.)
M. le président.
Je constate que cet amendement a été adopté à l'unanimité des suffrages
exprimés.
Articles additionnels après l'article 62
M. le président.
L'amendement n° II-25, présenté par M. Fischer et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 62, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans la première phrase du dernier alinéa de l'article L. 253
bis
du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la
guerre, les mots : "douze mois" sont remplacés par les mots : "quatre mois".
« II. - La seconde phrase du même alinéa est supprimée. »
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fisher.
Je serai bref, car cette question a fait l'objet de nombreuses discussions.
Pour nous, l'harmonisation des conditions d'obtention de la carte du
combattant est une mesure de justice sociale, notamment pour les anciens d'AFN,
même si nous reconnaissons que tout ce qui a été accompli auparavant n'est pas
négligeable.
A partir du moment où l'attribution de la carte aux CRS et aux policiers ayant
effectué quatre mois de séjour a été décidée, il nous paraît légitime d'étendre
cette mesure aux anciens d'Algérie, de Tunisie et du Maroc. C'est une mesure
qui est considérée comme discriminatoire par ceux qui, de toute évidence, ont
souvent vécu dans leur chair et sur le terrain des expériences comparables à
celles des policiers et des CRS.
Monsieur le secrétaire d'Etat, cet amendement se veut un appel en faveur de
cette ultime demande des anciens d'AFN, de Tunisie et du Maroc.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
La commission suivra l'avis du Gouvernement.
M. le président.
Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Hamlaoui Mékachéra,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le sénateur, la question que vous posez a été
traitée, d'une manière peut-être différente, lors de ma présentation du projet
de budget.
Je tiens tout d'abord à rappeler que le Gouvernement a la volonté de trouver
une solution sur ce point, guidé par des considérations d'équité et par le
souci d'éviter toute injustice. A cet égard, l'harmonisation de l'attribution
de la carte de combattant pour les combattants d'Algérie doit être regardée
avec acuité, afin de ne pas commettre une nouvelle injustice en voulant en
réparer une autre.
Nous voulons traiter ce sujet dans un cadre plus global et nous proposerons
prochainement des mesures de simplification, d'harmonisation et de
rationalisation qui permettront d'attribuer les cartes de combattant dans de
bonnes conditions.
Il n'est pas satisfaisant, il est vrai, d'attribuer des cartes pour douze
mois, pour quatre mois, pour quatre mois au-delà de la durée légale et,
parfois, pour quatre-vingt-dix jours dans une unité combattante. C'est pourquoi
nous recherchons une solution plus cohérente et plus juste envers tous les
combattants de la guerre d'Algérie.
Monsieur le président, sur cet amendement, j'invoque l'article 40 de la
Constitution.
M. le président.
L'article 40 de la Constitution est-il applicable, monsieur Baudot ?
M. Jacques Baudot,
au nom de la commission des finances du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Oui, monsieur le président, il l'est.
M. le président.
L'article 40 étant applicable, l'amendement n° II-25 n'est pas recevable.
L'amendement n° II-26, présenté par M. Fischer et les membres du Groupe
communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 62, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans l'article 75 de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation
sociale, les mots : "d'un an" sont remplacés par les mots : "de deux ans". »
La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Cet amendement vise les modalités d'application de l'article 75 de la loi du
17 janvier 2002 de modernisation sociale qui est relatif aux fonctionnaires
rapatriés anciens combattants de la guerre d'Algérie.
Je veux rappeler qu'une ordonnance du 15 juin 1945 a statué sur les préjudices
de carrière dus à la Seconde Guerre mondiale. Cette ordonnance intéresse
particulièrement les fonctionnaires d'Afrique du Nord qui s'engagèrent dans les
Forces françaises libres et combattirent pour la libération de la métropole et
dont les carrières administratives furent à nouveau perturbées lors de leur
reclassement en tant que rapatrié après 1962.
Ainsi, l'article 3 de la loi du 8 juillet 1987 relative à certaines situations
résultant des événements d'Afrique du Nord a étendu aux rapatriés d'Afrique du
Nord le bénéfice de l'ordonnance du 15 juin 1945.
La loi du 3 décembre 1982 relative au règlement de certaines situations
résultant des événements d'Afrique du Nord, de la guerre d'Indochine ou de la
Seconde Guerre mondiale, modifiée, avait bien créé des commissions
administratives de reclassement mais, du fait de leur âge, une forclusion avait
éloigné les fonctionnaires rapatriés anciens combattants de leur bénéfice.
Avec l'article 75 de la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002, cette
forclusion a été levée et a autorisé les fonctionnaires rapatriés anciens
combattants à demander la révision de leur situation administrative et
l'établissement d'un nouveau livret de pension. Je rappelle que la date limite
de réception des demandes a été fixée au 18 janvier 2003.
Malheureusement - nous en avons été alertés à plusieurs reprises, comme vous,
monsieur le secrétaire d'Etat, par l'association des fonctionnaires d'Afrique
du Nord et d'outre-mer - les anciens combattants retraités concernés sont
presque tous âgés de plus de quatre-vingts ans et n'ont pas été informés de
cette levée de forclusion.
Pourtant, l'association avait écrit au service des pensions du ministère de
l'économie, des finances et de l'industrie pour lui demander d'envoyer la
notice explicative qu'ils avaient rédigée sur le sujet aux retraités
aujourd'hui âgés de plus de soixante-seize ans ayant été mobilisés en 1942 dès
l'âge de dix-huit ans. En dépit des interventions pressantes d'une délégation
qui a été reçue quatre fois au ministère de la défense, deux fois au ministère
de l'intérieur et au moins deux fois au ministère des affaires sociales, le
service des pensions vient de refuser de diffuser l'information nécessaire car,
selon eux, les retraités lisent - sûrement quotidiennement - le
Journal
officiel
!
Alors que la loi a levé la forclusion et prolongé la mesure jusqu'au mois de
janvier 2003, le dispositif est totalement inopérant parce que les personnes
concernées n'ont pas été informées.
L'amendement n° II-26 vise donc à proroger de deux ans les mesures prévues par
la loi du 17 janvier 2002. Mes chers collègues, c'est pourquoi je vous demande
instamment de voter cet amendement. Ce ne serait que justice sociale. De plus,
cette mesure ne concerne qu'un très petit nombre de fonctionnaires, qui sont,
je le répète, âgés au moins de quatre-vingts ans. Si nous ne le faisons pas
aujourd'hui, c'est le cas de le dire, faute de combattants, nous n'aurons plus
à le faire les années prochaines.
Mme Hélène Luc.
Très bien !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
La commission souhaiterait connaître l'avis du
Gouvernement.
M. le président.
Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Hamlaoui Mékachéra,
secrétaire d'Etat.
Vous évoquez, madame Beaudeau, la possibilité pour les
fonctionnaires de demander à bénéficier de la reconstitution de carrière ou de
l'arriéré en cause s'ils s'estiment lésés en raison des événements d'Afrique du
Nord. Ils doivent effectivement faire leur demande avant le 18 janvier 2003.
Je me permets toutefois de vous indiquer, madame Beaudeau, que nous ne sommes
pas restés inactifs depuis l'adoption de la loi de modernisation sociale. Nous
avons saisi M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et
de l'aménagement du territoire sur la nécessité de mettre en place une
commission d'examen de ces dossiers - mais peut-être en êtes-vous déjà
informée.
Une notice a été diffusée aux directions interdépartementales et aux services
départementaux de l'Office national des anciens combattants et victimes de
guerre, l'ONAC. Il leur a été demandé d'en assurer la large diffusion auprès de
leurs ressortissants. Les associations elles-mêmes ont informé leurs adhérents.
Enfin, l'information figure sur le site internet du ministère de la défense. Il
me semble par conséquent que les intéressés ont eu toute possibilité de faire
valoir leurs droits en temps utile.
En outre, cet amendement n'est pas sans incidence financière, vous vous en
doutez. C'est la raison pour laquelle j'invoque l'article 40 de la
Constitution.
Mme Hélène Luc.
Ah ça !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Ce n'est pas un argument ! Vous le dites vous-même : comme cela coûte trop
cher, on n'informe pas !
M. le président.
Monsieur Baudot, l'article 40 de la Constitution est-il applicable ?
M. Jacques Baudot,
au nom de la commission des finances.
Il l'est, monsieur le président.
M. le président.
L'article 40 étant appliable, l'amendement n° II-26 n'est pas recevable.
Article 62 bis
M. le président.
« Art. 62
bis.
- Le Gouvernement présentera au Parlement, au plus tard
le 1er septembre 2003, un rapport sur l'extension du décret n° 2000-657 du 13
juillet 2000 instituant une mesure de réparation pour les orphelins dont les
parents ont été victimes de persécutions antisémites à l'ensemble des orphelins
des victimes du nazisme. » -
(Adopté.)
Article additionnel après l'article 62 bis
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° II-6 rectifié, présenté par MM. Hoeffel, Grignon, Ostermann,
Lorrain et Richert, est ainsi libellé :
« Après l'article 62
bis
, insérer un article additionnel ainsi rédigé
:
« I. - L'Etat s'engage à indemniser les Alsaciens Mosellans incorporés de
force dans les organisations paramilitaires du régime nazi.
« II. - La perte de recettes résultant du I est compensée à due concurrence
par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et
575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° II-27, présenté par Mme Printz, M. Chabroux et les membres du
groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Après l'article 62
bis
, insérer un article additionnel ainsi rédigé
:
« L'Etat s'engage à assurer le financement complémentaire nécessaire à
l'indemnisation des femmes incorporées de force dans les organisations
paramilitaires du régime nazi. »
La parole est à M. Daniel Hoeffel, pour défendre l'amendement n° II-6
rectifié.
M. Daniel Hoeffel.
Cet amendement a un double objet. Il vise, tout d'abord, à rappeler avant
l'oubli le sort tragique des incorporés de force d'Alsace-Moselle, abandonnés à
leur sort par l'annexion de fait. Ainsi, 40 000 d'entre eux sont morts sous un
uniforme qui n'était pas le leur. Ils méritent notre respect.
Cet amendement tend aussi à appeler l'attention sur la situation des
incorporés de force masculins et féminins dans les organisations paramilitaires
qui, contrairement à ceux qui l'ont été dans les organisations militaires,
n'ont pas été indemnisés. Nos collègues Joseph Ostermann et Gisèle Printz l'ont
évoqué tout à l'heure ; notre collègue Jean-Pierre Masseret connaît bien le
problème et ses éventuelles solutions.
Monsieur le secrétaire d'Etat, cette requête tient à coeur à l'ensemble des
élus de notre région et nous serions heureux si, en toute équité, une solution
pouvait enfin être trouvée à cet aspect d'un chapitre douloureux de l'histoire
tourmentée de l'Alsace et de la Moselle.
Il nous a paru nécessaire d'évoquer ce problème à la veille du quarantième
anniversaire du traité de l'Elysée, symbole d'une amitié franco-allemande à
laquelle nous sommes attachés. Une solution concrète à cette question
apporterait un surcroît de sérénité à la cérémonie de commémoration.
(Applaudissements.)
Mme Hélène Luc.
Nous sommes d'accord avec vous !
M. le président.
La parole est à Mme Gisèle Printz, pour présenter l'amendement n° II-27.
Mme Gisèle Printz.
Je ne vais pas m'étendre plus longuement sur cet amendement qui va dans le
même sens que celui de M. Hoeffel. Je voudrais toutefois insister sur le fait
que ce sont surtout les femmes qui n'ont pas été indemnisées.
M. Jean-Pierre Masseret.
C'est juste.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
La commission souhaiterait connaître l'avis du
Gouvernement.
M. le président.
Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Hamlaoui Mékachéra,
secrétaire d'Etat.
Les Alsaciens et les Mosellans ont subi, du fait de
l'annexion nazie, ainsi que vous l'avez rappelé, une situation
incontestablement dramatique. Beaucoup se sont retrouvés dans des difficultés
extrêmes, que l'histoire n'a pas toujours contribué à apaiser, il faut bien le
reconnaître. Le cas le plus emblématique est celui des incorporés de force, les
« malgré-nous », qui ont bénéficié de régimes d'indemnisation distribués par le
biais de la fondation de l'Entente franco-allemande.
L'absence de règlement de certaines situations suscite manifestement des
sentiments d'injustice qui perdurent ; tel est le cas des enrôlés de force dans
le RAD. Certains, qui furent exposés au danger des combats, ont bénéficié de
compensations par assimilation aux malgré-nous ; d'autres, en revanche, en sont
toujours exclus. Il s'agit souvent de femmes engagées dans des services
administratifs allemands.
Jusqu'à présent, la jurisprudence de l'arrêt Cocher de 1973 n'envisage pas
d'ouverture à leur profit puisqu'elle entend réserver l'indemnisation à ceux
qui ont été contraints de servir sous commandement allemand ou qui ont servi
soit dans l'aviation allemande, soit dans la police.
Pour autant, je suis pleinement convaincu de la sensibilité de ce dossier. Je
suis disponible pour l'évoquer et, si possible, pour le régler en concertation
avec toutes les parties prenantes.
Bien entendu, la fondation de l'Entente franco-allemande doit être sollicitée
pour participer aux échanges avec les parlementaires intéressés.
J'espère vous avoir convaincus, mesdames, messieurs les sénateurs, de la
manière ouverte et dénuée d'
a priori
dont nous abordons ce dossier.
C'est pourquoi, monsieur le sénateur, madame la sénatrice, je sollicite le
retrait de ces amendements auxquels nous sommes extrêmement sensibles.
M. le président.
Monsieur Hoeffel, l'amendement est-il maintenu ?
M. Daniel Hoeffel.
Monsieur le secrétaire d'Etat, à condition que le retrait de l'amendement
signifie non pas le relâchement mais, au contraire, la persévérance dans
l'effort à entreprendre avec toutes les parties prenantes, je le retire. C'est
un acte de confiance en l'action que vous comptez mener avec conviction en
faveur de la défense de ce dossier.
(Applaudissements.)
Mme Hélène Luc.
C'est dommage !
M. le président.
L'amendement n° II-6 rectifié est retiré.
L'amendement n° II-27 est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Masseret.
Je retire cet amendement. De toute façon, l'article 40 de la Constitution
aurait été invoqué et s'appliquerait.
Comme Daniel Hoeffel, j'espère simplement que les parlementaires alsaciens et
mosellans seront associés au dialogue avec la fondation Entente
franco-allemande, qui détient de nombreuses cartes dans ses mains.
M. le président.
L'amendement n° II-27 est retiré.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
A titre personnel, en tant que Lorrain du sud, je
participerai, avec les Mosellans et les Alsaciens, à cette action.
M. Daniel Hoeffel.
Merci !
M. le président.
Nous avons terminé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant les anciens combattants.
Alors que le Sénat s'apprête à examiner les dispositions du projet de loi de
finances concernant le ministère des sports, je vous informe que la France a
gagné le double en Coupe Davis. L'avantage d'être président est de pouvoir
l'annoncer avant le ministre lui-même !
(Sourires.)
(M. Daniel Hoeffel remplace M. Bernard Angels au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL
vice-président
Sports
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant
le ministère des sports.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Michel Sergent,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Permettez-moi, monsieur le
président, de me réjouir à mon tour de la victoire de l'équipe française de
tennis cet après-midi, en double.
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Très bien !
M. Michel Sergent,
rapporteur spécial.
Certes, tout n'est pas gagné, mais une tradition
vieille de plus de vingt ans veut que l'équipe qui remporte le double gagne la
Coupe Davis. Espérons que nous verrons demain la concrétisation de cet espoir
et une belle victoire de l'équipe de France de tennis.
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Allez la France !
M. Michel Sergent,
rapporteur spécial.
Le ministère des sports constitue, dans cette
nouvelle législature, un ministère de plein exercice, mais il conserve encore,
de manière transitoire, des compétences budgétaires au titre de la jeunesse,
les crédits de la direction de la jeunesse et de l'éducation populaire étant
maintenus dans le périmètre du ministère.
Les crédits budgétaires des sports s'élèvent à 400,6 millions d'euros dans le
projet de loi de finances pour 2003, en hausse de 1,3 % par rapport à l'année
2002. Les moyens consacrés aux sports comprennent également un compte spécial
du Trésor, le Fonds national pour le développement du sport, ou FNDS, dont les
prévisions de recettes s'élèvent à 218,4 millions d'euros, soit plus de la
moitié du budget du ministère. Les moyens globaux consacrés aux sports sont
ainsi de 619 millions d'euros, soit une progression appréciable de 2,9 % par
rapport à 2002.
Au sein du budget du ministère, la stabilité des dépenses ordinaires recouvre
une baisse de 6,35 % des dépenses d'intervention. Les dépenses en capital
connaissent en revanche un sort beaucoup plus favorable puisqu'elles doublent
pour s'établir à 11 millions d'euros. Ces montants témoignent cependant de la
modestie des moyens de ce ministère, qui représentent 0,2 % du budget de
l'Etat.
Le FNDS bénéficie de recettes dynamiques, puisque leur augmentation est
évaluée à 6,1 % pour l'année prochaine, l'augmentation s'étant élevée à 47 %
entre 1997 et 2002.
Ces recettes sont cependant régulièrement sous-évaluées, tendance qui
s'accompagne d'une sous-exécution chronique des dépenses qui se traduit par des
reports importants : pas moins de 133 millions d'euros en 2001. Cette situation
est préjudiciable à la sincérité des comptes et au contrôle parlementaire, mais
surtout aux bénéficiaires potentiels des crédits du FNDS, alors que les besoins
en matière de mise aux normes des équipements sont élevés.
Le Gouvernement entend cependant améliorer la programmation des
investissements, qui est, il est vrai, entravée par un processus décisionnel
complexe.
L'avenir du FNDS est également au centre des préoccupations du mouvement
sportif, car nous savons que la loi organique relative aux lois de finances
implique de modifier la configuration de ce fonds d'ici à 2005. Vous avez
récemment évoqué, monsieur le ministre, plusieurs pistes d'évolution, et je
souhaite vous demander si la budgétisation est, de votre point de vue,
clairement exclue. Quelles seraient les modalités de financement et
d'organisation de la « fondation du sport » et de l'établissement public que
vous envisagez ?
Le précédent gouvernement avait privilégié certaines orientations, notamment
la dimension sociale du sport et la lutte contre le dopage, qui sont maintenues
dans le nouveau projet. Ce dernier comprend ainsi trois axes majeurs : la
sécurité de la pratique sportive et de l'environnement des sports, le
renforcement de la cohésion sociale par le sport et le maintien de la France
parmi les grandes nations sportives.
Le sport constitue un vecteur majeur de socialisation et d'éducation, et il
était conçu comme tel par les pères du sport moderne. Ce rôle social connaît
trois grandes expressions : l'accès de tous à la pratique sportive, le soutien
à l'emploi et aux associations, et le maintien de la solidarité financière
entre les milieux professionnel et amateur.
Plusieurs mesures sont à cet égard maintenues ou amplifiées. Les « coupons
sport », dont le succès est réel auprès des familles défavorisées, sont ainsi
pérennisés. Le dispositif « plan sport emploi », qui vise à structurer et à
professionnaliser l'encadrement dans les associations, bénéficie quant à lui
d'une mesure nouvelle de 750 000 euros, et cent postes soutenus par le fonds de
coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire, dits postes FONJEP «
sport », devraient également être créés. Les aides accordées aux fédérations en
charge des personnes handicapées devraient en outre passer de 1 million d'euros
à 2 millions d'euros.
De nombreuses incertitudes demeurent cependant sur le sort des 20 000
emplois-jeunes qui ont été créés au cours des dernières années, parfois,
certes, pour profiter d'un effet d'aubaine, mais il n'en reste pas moins que de
nombreux contrats arriveront à échéance en 2003-2004 et je vous pose donc,
monsieur le ministre, la question suivante : le futur contrat d'insertion dans
la vie sociale, le CIVIS, dont on semble attendre beaucoup, permettra-t-il de
sauvegarder la majorité de ces emplois, le plus souvent très utiles aux
associations sportives ?
Je constate également que la pratique sportive de nos concitoyens ne se situe
pas à un très bon niveau par rapport à nos voisins, notamment les pays
scandinaves et la Grande-Bretagne. Si la diffusion du sport au sein de la
population dépend en partie de l'effet d'entraînement suscité par les succès
des équipes professionnelles, il me semble qu'elle dépend également de la
qualité et de la densité des installations, de la reconnaissance des nouvelles
pratiques urbaines et de plein air, et de la sensibilisation des jeunes à la
nécessité d'une pratique régulière.
La deuxième grande orientation, la sécurité dans le sport, comporte deux
aspects principaux.
Le premier de ces aspects est la lutte contre le dopage, qui fut un des grands
chantiers de Mme Buffet. L'actuel gouvernement entend à juste raison poursuivre
ce combat.
Le dopage est en effet le révélateur d'une certaine perte de repères dans
notre société en même temps qu'il représente un risque majeur de banalisation
de la triche et de non-respect de l'intégrité du corps. Je me félicite que la
France fasse preuve de pugnacité et de constance sur ce terrain, grâce à des
moyens qui ont connu une forte hausse depuis trois ans et qui, après une hausse
plus modérée, s'établiront à 500 000 euros en 2003, grâce aussi à une action
internationale ambitieuse, à une politique de prévention étoffée et à des
contrôles plus nombreux.
Le laboratoire national de dépistage du dopage a également retrouvé un rythme
soutenu, en matière d'analyses, mais le chemin est encore long à parcourir, car
le dopage ne sévit pas que dans les disciplines les plus médiatisées et
commence de plus en plus tôt chez les amateurs.
L'application effective des contrôles se révèle également difficile pour
certaines fédérations, de telle sorte que l'on peut se demander s'il ne
convient pas aujourd'hui de simplifier le suivi médical ou d'assurer un
véritable service public intégré de lutte contre le dopage pour les fédérations
moins structurées.
Le second volet de la sécurisation de la pratique sportive concerne la
sécurité publique dans et autour des enceintes. La violence dans le sport
participe, dans une certaine mesure, des mêmes tendances sociales que le
dopage, lorsque l'enjeu prime sur le jeu. A ce titre, une mesure nouvelle de
2,36 millions d'euros vise à intégrer des avenants « sport » dans les contrats
locaux de sécurité.
La commission nationale de prévention et de lutte contre la violence dans le
sport, mise en place dans vingt-six départements, joue également un rôle
important dans le traitement de l'information et l'anticipation des événements
à risque.
La lutte contre la violence requiert également la formation des arbitres, pour
inciter ceux-ci à la fermeté, et la sensibilisation des pratiquants, pour que
ceux-ci respectent le corps arbitral.
Le maintien de la France au rang de grande nation sportive suppose une
participation importante du pôle France aux compétitions internationales ainsi
que l'organisation de grandes manifestations sur notre sol. L'année 2003 verra
ainsi divers championnats du monde se dérouler en France, en particulier les
championnats du monde d'athlétisme, que l'Etat finance pour moitié.
La préparation aux jeux Olympiques d'Athènes fait également l'objet d'une
mesure nouvelle de 250 000 euros. Mais, au-delà de 2004, il convient de se
poser d'ores et déjà la question d'une éventuelle candidature de Paris aux jeux
de 2012. Si la France faisait à nouveau acte de candidature, il lui faudrait
bien analyser les raisons de son précédent échec et affiner sa stratégie de
communication à l'égard du CIO.
Le rayonnement de la France passe aussi par la qualité des équipements au
service des sportifs. Si je me réjouis de ce que la rénovation de ce précieux
outil qu'est l'Institut national du sport et de l'éducation physique, l'INSEP,
soit poursuivie, je déplore le déséquilibre des clauses du contrat de gestion
du Stade de France. L'Etat a manifestement mal négocié ce contrat, qui a
engendré un coût moyen annuel de près de 9 millions d'euros, soit un montant
approchant les dépenses d'investissement du ministère pour 2003. Je crains
malheureusement que la récente renégociation du contrat n'apporte guère de
modifications substantielles à son économie.
Je souhaite conclure, monsieur le ministre, mes chers collègues, par quelques
observations sur notre organisation sportive. La France a mis en oeuvre un
modèle original et à de nombreux égard efficace, mais qui mérite aujourd'hui
d'être rénové. L'enjeu comporte de multiples aspects : il s'agit de mieux
préciser les contours du service public du sport, de garantir les principes de
l'éthique sportive tout en accordant davantage de souplesse au milieu
professionnel, de préserver la solidarité intrinsèque du mouvement sportif et
d'en clarifier la gestion, enfin, de faire de l'Etat un coordonnateur et un
incitateur, en partenariat avec les acteurs privés.
Je souhaite que les conclusions des états généraux du sport apportent, dès la
semaine prochaine, une confirmation des principes du sport et des pistes
concrètes d'évolution. J'ai bon espoir.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances vous propose,
mes chers collègues, d'adopter les crédits du ministère de la jeunesse et des
sports pour 2003.
Néanmoins, monsieur le ministre, je tiens à préciser que nous aurions pu,
comme pour les autres budgets, être amenés à présenter, au nom de la commission
des finances, un amendement de réduction de vos crédits. Ce n'est pas le cas,
et je m'en réjouis. La commission entend cependant insister sur l'absolue
nécessité d'un suivi précis de l'exécution des dépenses et d'une gestion très
rigoureuse des crédits, en particulier ceux du FNDS.
Il est en effet à craindre que les prévisions de moins-values fiscales pour
2003 ne contraignent le Gouvernement à une sévère régulation budgétaire qui
n'épargnerait aucun ministère.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Bernard Murat,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.
Monsieur
le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je commencerai aussi
par féliciter notre équipe de tennis. Alors qu'aujourd'hui le Sénat a rendu
hommage à Alexandre Dumas, à l'occasion du transfert de ses cendres au
Panthéon, je dirai, si vous me permettez ce raccourci, que, peut-être, nous
assistons à l'émergence d'une nouvelle équipe de Mousquetaires !
(Applaudissements.)
M. Jean-François Lamour,
ministre des sports.
Bien joué !
M. Bernard Murat,
rapporteur pour avis.
Le projet de budget pour 2003 du ministère des
sports est, pour la première fois, uniquement et totalement dédié aux
politiques des sports.
Cette réorganisation gouvernementale témoigne de la volonté du Gouvernement de
prendre pleinement acte de la spécificité et du rôle croissant du sport dans
notre société.
M. le rapporteur spécial a donné les chiffres : c'est un budget de 400
millions d'euros, en hausse de 1,3 %, soit, avec l'apport du Fonds national
pour le développement du sport, une enveloppe financière globale de 618
millions d'euros, en hausse de 3 %. Dans le contexte budgétaire contraint que
nous connaissons, c'est un traitement privilégié !
Je constate, monsieur le ministre, que les crédits du titre III, consacrés aux
moyens des services, s'élèvent à 300 millions d'euros et ont un poids
significatif dans le budget de votre ministère. Vous conservez sous votre
autorité l'essentiel des services de l'ancien ministère de la jeunesse et des
sports. Les crédits des personnels de la direction de la jeunesse et de
l'éducation populaire, pourtant placée sous l'autorité du ministre chargé de la
jeunesse, restent, à titre transitoire, inscrits dans votre budget. La hausse
modérée de ces crédits - 1,9 % - vous permet notamment de créer dix-neuf
emplois et trois contrats de préparation olympique et de haut niveau.
Dans le même temps, la suppression de vingt-cinq emplois d'ouvrier devrait
permettre d'expérimenter l'externalisation de certaines fonctions d'entretien
et de maintenance.
Les crédits d'intervention du titre IV s'élèvent, après le partage opéré avec
le ministère de la jeunesse, à 89 millions d'euros. Ils vous permettent,
moyennant un réaménagement de vos dépenses conforme à vos priorités, de
consacrer 2,6 millions d'euros au programme que vous lancez pour lutter contre
la violence et les incivilités dans le sport, 750 000 euros à la création de
cent postes FONJEP, spécialement destinés aux associations sportives, et 750
000 euros à la relance du plan sport emploi.
Ces deux mesures en faveur de l'emploi sportif n'apporteront pas à elles
seules une solution au problème des emplois-jeunes, mais elles constituent des
dispositifs spécifiques au secteur sportif qui méritent d'être développés, en
complément du contrat d'insertion dans la vie sociale actuellement en
préparation.
A ce propos, monsieur le ministre, je souhaiterais que vous indiquiez comment
le CIVIS s'appliquera au secteur sportif associatif.
D'une façon générale, il me paraît utile de procéder à une simplification et à
une harmonisation des différents dispositifs d'aide à l'emploi dans le sport,
car leur variété est actuellement un peu déroutante, pour les usagers, bien
sûr, mais aussi pour les collectivités locales. Il serait utile de pouvoir
s'appuyer, dans cette perspective, sur une observation continue de l'emploi
sportif afin de mesurer l'impact des politiques de l'emploi dans ce secteur.
Quelques pistes pourraient être explorées avec intérêt, par exemple le
développement des services aux petits employeurs, ce qui permettrait de réduire
la précarité de ces petites structures, ou encore le soutien, grâce à des
dispositifs du type coupon sport, à la demande des services sportifs.
Je note enfin que les dépenses en capital connaissent de fortes progressions,
mais celles-ci ne portent que sur des montants limités du fait de la propension
de vos prédécesseurs à confier le financement des dépenses d'investissement au
Fonds national pour le développement du sport.
Avec des recettes évaluées à 218,37 millions d'euros pour 2003, ce fonds
représente à lui seul plus du tiers des moyens financiers dont vous disposez.
Le monde sportif s'inquiète de sa disparition annoncée. Il me semble
indispensable de conserver au bénéfice du sport les moyens financiers du fonds
et de conserver une participation du mouvement sportif à leur gestion.
Devant l'Assemblée nationale, vous évoquiez, monsieur le ministre, l'hypothèse
d'une solution mixte, associant un établissement public doté des ressources
actuelles et des entreprises privées capables de participer en complément aux
efforts d'investissement, pour remplacer le fonds.
Cette formule est séduisante, mais offrira-t-elle aux entreprises les retours
en termes d'images, qu'elles attendent d'un investissement dans le sport ? Son
succès - et cette question ne vous surprendra pas de la part du maire de l'une
des villes les plus sportives de France - ne portera-t-il pas préjudice aux
clubs sportifs qui reçoivent aujourd'hui localement l'appui de ces mêmes
entreprises ?
Monsieur le ministre, je souhaite enfin évoquer brièvement le déroulement et
le succès des Etats généraux du sport que vous avez souhaités. Ceux-ci ont
permis une véritable concertation avec les acteurs du sport, tant à l'échelon
national qu'à l'échelon local. Cette nouvelle approche, je vous le dis très
officiellement ce soir, a été très appréciée par tous les participants.
C'est d'ailleurs pour répondre immédiatement à une vive inquiétude qui s'était
exprimée à l'occasion des Etats généraux que le Sénat a adopté la proposition
de loi que j'avais déposée et qui garantit sans équivoque aux éducateurs
sportifs titulaires de diplômes homologués le droit d'exercer leur métier.
La commission des affaires culturelles sera, bien entendu, très attentive à la
synthèse de ces travaux et aux propositions qu'elles vous inspireront,
propositions sur lesquelles vous pourrez peut-être par anticipation nous donner
quelques indications.
Cette nouvelle approche des questions du sport et l'évolution favorable des
crédits consacrés à la politique des sports conduisent la commission à
recommander au Sénat d'adopter les crédits du sport pour 2003.
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 15 minutes ;
Groupe socialiste, 13 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 8 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des
présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix
minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Serge Lagauche.
M. Serge Lagauche.
Si les crédits du projet de budget des sports pour 2003, atteignant 410
millions d'euros, enregistrent une hausse de 1,29 %, la plus faible depuis
1997, l'incidence de l'inflation fera, monsieur le ministre, que vous
disposerez de moyens en baisse. Il convient, heureusement, de compter avec le
FNDS, dont les crédits, en augmentation d'environ 6 % par rapport à 2002 grâce
aux dispositions prises par le précédent gouvernement, vous permettent de
disposer de 218 millions d'euros supplémentaires. Au passage, sachez, monsieur
le ministre, que nous resterons vigilants, afin que la réforme du FNDS ne
remette en cause ni sa gestion paritaire par l'Etat et le mouvement sportif ni
le montant de sa part régionale, même si l'idée que vous avez avancée devant la
commission de créer un établissement public nous séduit
a priori.
En termes de chiffres, ce projet de budget est donc loin de correspondre à
l'ambition affichée par le Gouvernement et réaffirmée à l'occasion de multiples
déclarations.
Par exemple, les crédits visant à financer le dispositif des coupons sport,
créé en 1998 en faveur des jeunes de dix à dix-huit ans issus de familles
défavorisées souhaitant s'inscrire à un club sportif, seront amputés de 1,8
million d'euros. J'ajoute que votre souhait d'en supprimer le plafonnement,
s'il peut paraître légitime au regard du coût élevé de l'inscription à certains
clubs sportifs, aura pour effet d'interdire à de nombreux jeunes l'accès à ce
dispositif.
Par ailleurs, les crédits alloués aux contrats éducatifs locaux, dispositif
instauré par Mme Marie-George Buffet qui permet le développement d'actions
éducatives au profit d'enfants et de jeunes scolarisés dans des zones
sensibles, connaîtront une baisse de 880 000 euros. Le succès de ce dispositif
n'est pourtant plus à prouver, car près de 3 millions d'enfants en ont
bénéficié en 2002.
J'ai le sentiment, monsieur le ministre, que l'orientation budgétaire que vous
avez retenue, suivant la même logique, va à l'encontre de la solidarité entre
les niveaux de pratique sportive et marque, une nouvelle fois, une rupture par
rapport aux efforts importants fournis précédemment.
2383A l'heure où cette solidarité mériterait avant tout d'être réaffirmée,
compte tenu des dérives vers lesquelles tend le sport d'élite, votre projet de
budget prévoit une diminution des crédits destinés à financer le développement
de la pratique sportive, élargissant ainsi le fossé entre sport amateur et
sport professionnel.
Je relève toutefois avec satisfaction, monsieur le ministre, les rattrapages
qui ont été consentis par voie d'amendements à l'Assemblée nationale. Les 2,8
millions d'euros supplémentaires alloués au chapitre 43-91 du titre IV,
répartis entre les crédits déconcentrés pour les jeux Olympiques et les grandes
manifestations sportives, les crédits déconcentrés pour la promotion du sport
et le développement de la pratique sportive pour le plus grand nombre, la
formation des animateurs et l'accompagnement de l'emploi, auxquels s'ajoutent
150 000 euros en autorisations de programme et en crédits de paiement pour les
équipements sportifs, demeurent cependant très insuffisants.
Comment comptez-vous, monsieur le ministre, poursuivre le développement du
sport féminin et du sport en entreprise, que le gouvernement précédent avait
soutenus ? Vous nous répondez que les crédits pour la pratique sportive
féminine seront transférés aux services déconcentrés, pour satisfaire les
attentes locales. Je ne vois pas là une mesure budgétaire prioritaire visant à
stimuler cette politique.
Par ailleurs, en matière d'emploi, la création de cent postes FONJEP et les
750 000 euros destinés au plan sport emploi ne pourront compenser, loin de là,
la disparition des 20 000 emplois-jeunes du secteur sportif, dont vous n'êtes
pas sans savoir, monsieur le ministre, qu'ils se sont révélés indispensables,
tant pour la formation des jeunes concernés que pour les petits clubs et les
collectivités locales. A la question de notre rapporteur pour avis, M. Bernard
Murat, sur les aides que le ministère pourrait éventuellement envisager
d'accorder pour assurer la relève de ces emplois, vous avez répondu que la
seule solution était de procéder à une évaluation au cas par cas, ce qui risque
de donner un travail considérable à vos services.
Mais, plus sérieusement, vous répondez aux clubs de s'arranger avec les
collectivités locales, dans le cadre d'une décentralisation à la façon de M.
Raffarin. Où est l'impulsion de l'Etat, qui ne doit pas se défausser de sa
responsabilité, tant financière que sociale, sur les collectivités, dont la
situation est déjà difficile et sur lesquelles les projets de décentralisation
laissent planer bon nombre d'incertitudes ?
De même, vos propositions en faveur des bénévoles vont certes dans le bon
sens, mais elles n'en demeurent pas moins insuffisantes au regard des attentes
de ces derniers, attentes que le gouvernement précédent avait commencé à
satisfaire, notamment par la validation des acquis, les déductions fiscales ou
le droit au congé-formation. A l'instar, me semble-t-il, du rapporteur pour
avis de la commission des affaires culturelles, je déplore, monsieur le
ministre, votre opposition à la création d'un vrai statut du bénévole. Ce
serait pourtant une étape décisive vers la reconnaissance de leur travail et de
la nécessité de continuer à susciter des vocations pour cette forme de
citoyenneté active.
En matière de protection de la santé des sportifs, votre projet de budget nous
semble, là encore, davantage de rupture que de transition. Vous voulez
réactiver la médecine du sport, mais laquelle ? Alors que la France a été, sous
le gouvernement précédent, pionnière en matière de lutte contre le dopage,
grâce à des efforts considérables, et alors que ce combat fait prétendument
partie, monsieur le ministre, de vos priorités, les crédits qui y sont
consacrés n'augmentent que de 2 % par rapport à 2002, contre une hausse de 17,8
% lors du dernier exercice.
Le Laboratoire national de dépistage de Châtenay-Malabry ne bénéficiera que de
100 000 euros supplémentaires et de deux nouveaux emplois ; les crédits alloués
au suivi médical des sportifs et à l'extension des contrôles font l'objet d'une
mesure nouvelle de 400 000 euros, bien insuffisante ; quant aux centres
médico-sportifs, ils ne recevront plus aucune aide de la part de l'Etat. Cela
n'est pas acceptable.
Pour faire face aux pratiques de dopage, notamment chez les jeunes sportifs,
l'Etat doit continuer à afficher son refus de ce fléau en renforçant, d'une
part, les moyens de prévention et d'information, et, d'autre part, les
contrôles, en particulier inopinés, dans tous les sports et à tous les niveaux
de pratique.
Quant aux crédits affectés au soutien au sport de haut niveau, à la
préparation et à l'accompagnement des équipes de France aux prochains jeux
Olympiques et autres grandes compétitions internationales, je note avec
satisfaction les efforts de votre ministère. J'espère toutefois que vous ne
recherchez pas uniquement un effet d'affichage politique, et qu'il s'agit
plutôt d'inviter les jeunes, et même les moins jeunes, à la pratique
sportive.
Je m'attarderai quelques instants sur la question des équipements sportifs,
dont le récent rapport de mon ami Laurent Cathala, député-maire de Créteil, a
rappelé l'insuffisance et la vétusté.
Le Conseil européen des ministres des sports a adopté, en septembre dernier,
un plan de relance du sport à l'école. Pour relayer ce plan, notre pays devra
fournir de nombreux efforts. En effet, le parc d'équipements sportifs ne permet
pas d'assurer, actuellement, les enseignements d'éducation physique et sportive
conformément aux programmes fixés par l'Etat. En outre, la mise aux normes de
sécurité des équipements et leur adaptation à l'évolution de la demande sociale
exigent des financements de plus en plus importants.
Or, alors que les collectivités territoriales rencontrent beaucoup de
difficultés pour faire face à ces dépenses, le soutien financier de l'Etat
demeure bien insuffisant au regard de ce projet de budget et très incertain
compte tenu des craintes suscitées par la décentralisation à venir.
Monsieur le ministre, quelles suites entendez-vous donner aux propositions
avancées dans le rapport de M. Cathala, parmi lesquelles je citerai la
participation de l'Etat à hauteur de 30 % pour la création d'équipements, le
rôle accru que doivent jouer les structures intercommunales, ou encore la
fixation des participations de chaque collectivité à l'investissement et au
fonctionnement des installations sportives ? Ce rapport évoque également
l'indispensable réalisation du recensement et de l'évaluation des équipements.
Comme l'a proposé le président de la commission des affaires culturelles, une
mission d'information pourrait en fournir le cadre et constituer la première
étape avant la mise en place d'un dispositif de financement entre l'Etat et les
collectivités territoriales, pour un maillage d'équipements sportifs modernes
au sein de nos régions.
Le versement de 12,4 millions d'euros prévu dans le projet de budget afin
d'indemniser le consortium du Stade de France pour absence de club résidant,
alors même que ce consortium dégage des bénéfices, demeure inacceptable, année
après année. Qu'envisagez-vous de faire, monsieur le ministre, pour qu'une
solution soit rapidement trouvée ? Ce sujet intéresse l'ensemble de mes
collègues.
Enfin, concernant les états généraux du sport, on peut tout de même regretter
que beaucoup de départements et de communes n'aient pu, dans le cadre des
consultations régionales, s'exprimer comme ils l'auraient souhaité. Or ces
collectivités sont les premières à financer le sport en France, et vous-même,
monsieur le ministre, reconnaissez le très important travail qu'elles
accomplissent. Peut-être serait-il nécessaire qu'une réelle concertation ait
lieu.
En conclusion, votre projet de budget, monsieur le ministre, donne clairement
la priorité au sport professionnel. Il sacrifie, en contrepartie, la pratique
amateur et le sport de masse.
Votre projet politique va malheureusement dans le même sens, s'agissant, par
exemple, de l'appropriation par les sections professionnelles des droits de
télévision et du numéro d'affiliation du club ou de votre position peu claire
sur la cotation en bourse des clubs professionnels.
A l'heure où nous reconnaissons tous les fonctions sociales, éducatives et
culturelles du sport, ainsi que l'importance des valeurs qu'il véhicule, à
l'heure où l'Union européenne confirme ce rôle en choisissant 2004 comme année
européenne de l'éducation par le sport, le groupe socialiste du Sénat ne peut
accepter la remise en cause de la cohésion, déjà fragile, du monde sportif, que
votre projet de budget et votre politique ne manqueront pas, monsieur le
ministre, d'entraîner. En conséquence, il ne votera pas le projet de budget
pour 2003 du ministère des sports.
M. le président.
La parole est à M. Philippe Nogrix.
M. Philippe Nogrix.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je
m'associe, bien sûr, aux félicitations que mes collègues ont adressées à nos
tennismen pour leur victoire de ce jour en coupe Davis, qui fait naître de
grands espoirs.
Le projet de budget du ministère des sports ne marque pas de véritable rupture
avec les années précédentes, puisqu'il accentue l'action engagée en faveur du
développement de la sécurité, du renforcement de la cohésion sociale et de
l'ouverture de la pratique sportive au plus grand nombre.
On connaît la valeur de socialisation du sport. Qui n'apprécie de voir des
jeunes face à face sur un terrain de sport plutôt que désoeuvrés et en proie à
toutes les dérives ?
Grâce à la pérennisation des actions en faveur du développement du sport de
masse, telles que le dispositif « coupon sport », les contrats éducatifs
locaux, le plan handisport, ce projet de budget pour 2003 réaffirme, une fois
de plus, que le secteur sportif s'inscrit dans un véritable projet de société :
une société saine, affrontant des défis dans des règles de respect et de
responsabilité.
Cette fonction sociale du sport est reconnue par tous. C'est pourquoi le
dispositif des emplois-jeunes mis en place en 1997 a profité tout
particulièrement au secteur sportif. Au total, quelque 20 000 emplois-jeunes
ont été créés, et les objectifs ont été largement dépassés.
Il s'agit, de manière générale, de professionnels, le plus souvent bien
formés, avec parfois quelques lacunes. Néanmoins, ce dispositif a permis
d'offrir un meilleur encadrement et un meilleur accueil dans les clubs - cela
est indéniable et reconnu par tous.
Je pense, notamment, aux petits clubs amateurs, mais les emplois-jeunes ont
également permis, au-delà du football, sport roi, d'élargir le champ de l'offre
à des activités sportives émergentes moins médiatiques. C'est là une ouverture
indispensable en vue d'un enrichissement des activités sportives, chacun
pouvant choisir le domaine dans lequel il compte s'épanouir.
Enfin, je tiens à rappeler que les associations ont été les principales
bénéficiaires de ce dispositif, qui leur a permis de développer efficacement
leurs activités en organisant le recrutement, en harmonisant l'accueil et en
faisant découvrir l'esprit sportif : esprit de challenge, esprit d'équipe et
esprit des règles du jeu. Le sport est donc une véritable école de la maîtrise
de soi.
Si le dispositif « nouveaux services emplois-jeunes » a montré tous ses
avantages, comme je viens de le souligner, il n'est pas aujourd'hui sans poser,
monsieur le ministre, de lourds problèmes.
D'une part, compte tenu du nombre très élevé des emplois-jeunes, les
associations n'ont pu tenir leurs engagements en matière de formation et de
pérennisation de ces emplois, qu'elles devaient assurer en contrepartie des
aides accordées par l'Etat.
D'autre part, comme Mme Aubry l'avait décidé, la majorité de ces emplois
arrivent à échéance en 2003, au terme des cinq ans prévus par la loi.
Comment atténuer les conséquences de la sortie du dispositif emplois-jeunes
sans que cela se fasse au détriment des associations ni des jeunes, qui verront
leur avenir remis en question et dont la recherche d'emploi devra être
accompagnée de façon dynamique par l'ANPE et par les services de l'emploi ?
Leur âge les rendant, pour la grande majorité d'entre eux, inéligibles au
dispositif CIVIS - contrat d'insertion dans la vie sociale - censé succéder en
partie aux emplois-jeunes, il y a là, monsieur le ministre, matière à
réflexion, et je compte sur le Gouvernement pour trouver une réponse
appropriée, qui est attendue par tous.
Le projet de budget que vous présentez, monsieur le ministre, tend à remédier
à toutes ces difficultés.
En effet, vous proposez de créer cent emplois dans le cadre du « plan sport
emploi », ce qui représente, pour 2003, un budget de 750 000 euros. Par
ailleurs, pour un même montant, cent postes FONJEP « sport » seront créés.
Je salue bien évidemment ces deux mesures, mais sont-elles vraiment
suffisantes ? Il sera nécessaire de les renforcer.
Comment comptez-vous, monsieur le ministre, sortir de ce dispositif qui a
montré tous ses avantages, mais aussi ses limites ? Quelle aventure pour tous
ces jeunes qui risquent aujourd'hui d'être les naufragés d'un capitaine
imprévoyant, qui les a fait rêver sans assurer leur avenir ! Il vous revient
maintenant, comme l'a très bien dit M. le rapporteur pour avis, de procéder à
une évaluation au cas par cas de ces emplois, afin de répondre de façon
efficace aux attentes.
Cette situation m'inquiète d'autant plus qu'elle touche tout particulièrement
le monde associatif, qui est un acteur essentiel du secteur sportif. Ainsi, 730
000 associations ont une vocation sportive, ce qui représente 14 millions de
licenciés. Ils méritent notre attention, car ils ont grand besoin d'être
encadrés pour progresser.
Comme vous l'avez annoncé, monsieur le ministre, vos services entendent
continuer à favoriser le développement de la vie associative. Sur ce point, je
tiens à dire à M. le rapporteur spécial que, comme lui, nous sommes favorables
au renforcement de la sécurité et au soutien aux associations.
L'exécution des conventions pluriannuelles d'objectifs, qui permettent
d'engager un partenariat entre le ministère et les associations ou les
fédérations, sera poursuivie en 2003, et la part régionale du FNDS, qui est un
outil de soutien à la vie associative, devrait dépasser 80 millions d'euros en
2003. C'est bien, mais veillons à ce que les moyens soient suffisants pour
garantir le succès des associations, lesquelles sont le coeur du système
sportif français. Nous vous aiderons, monsieur le ministre, ici à la Haute
Assemblée, mais aussi dans nos départements, auprès des acteurs de terrain.
Il est donc urgent de prévoir un mécanisme de sortie du dispositif
emplois-jeunes, mais ce n'est pas tout. N'oublions pas le bénévolat assuré dans
les clubs par de nombreuses personnes : les parents, les jeunes, mais aussi les
grands-parents, de plus en plus nombreux à s'engager dans l'accompagnement de
leurs petits-enfants. Ils garantissent à eux seuls la pérennisation de la
valeur éducative et sociale du sport. Sans eux, le sport serait-il ce qu'il est
?
Votre message doit être fort et encourageant. Du fait de votre qualité
d'ancien sportif de haut niveau, je ne doute pas de votre attachement à cet
objectif premier de la politique du sport en France.
Enfin, monsieur le ministre, je terminerai par deux observations plus
brèves.
A la suite de notre collègue Michel Sergent, rapporteur spécial, j'évoquerai
tout d'abord la rénovation des équipements.
L'urgence réside en effet dans la mise aux normes des équipements des
collectivités territoriales. La moitié d'entre eux datent de plus de vingt ans.
Les petites communes, que l'on a chargées de tant de compétences sans leur
donner les capacités financières de les assumer, n'ont, le plus souvent, pas de
moyens suffisants pour garantir une offre d'équipements totalement
sécurisés.
On connaît la responsabilité de plus en plus lourde qui pèse sur les maires en
cas d'accidents, tels que les chutes de panneau de basket ou de cage de but de
football. A chaque instant, nos élus locaux risquent d'encourir de lourdes
peines, alors qu'ils n'ont pas toujours les moyens d'entretenir comme il le
faudrait les équipements sportifs de leurs communes. Heureusement, notre
collègue Pierre Fauchon a su élaborer et faire adopter sa loi tendant à
préciser la définition des délits non intentionnels. Mais la programmation des
investissements est trop irrégulière et les moyens budgétaires sont trop
modestes pour que les maires puissent assurer pleinement une sécurité totale à
leurs administrés. Il faudra encourager et établir les partenariats de
financement nécessaires, tant avec les régions qu'avec les départements, par le
biais de l'intercommunalité.
Je voudrais maintenant saluer l'initiative des Etats généraux du sport, qui
ont débuté le 16 septembre dernier et qui doivent se conclure le 8 décembre à
la cité de La Villette.
Je me souviens de nos échanges à Rennes, monsieur le ministre, sur la
responsabilité, qui ne doit pas être partagée entre fédérations et clubs. La
démocratie, pour survivre et être respectée, doit être organisée. Dans tous les
domaines, il faut un chef de file identifié de par son autorité. Vos éclairages
ont satisfait, en région Bretagne, un bon nombre de ceux qui étaient venus
participer à ces échanges dans les locaux de l'Ecole normale supérieure
Kerlann, en Ille-et-Vilaine.
L'organisation de ces consultations décentralisées illustre parfaitement la
nouvelle approche que l'on peut avoir de la politique. C'est une manière
d'associer l'ensemble des représentants du monde sportif à la prise de décision
et d'étudier au plus près les attentes des uns et des autres, afin de pouvoir
décider en toute connaissance de cause.
Sachez, monsieur le ministre, que le groupe de l'Union centriste vous apporte
son soutien, car les orientations que vous avez retenues nous donnent
satisfaction. Nous voterons le projet de budget que nous nous avez présenté.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et
Indépendants et du RPR.)
M. le président.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David.
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, je voudrais à
mon tour, en préambule, féliciter nos brillants tennismen pour leur magnifique
victoire de ce jour.
Avec la création d'un ministère plein, entièrement consacré au sport et aux
sportifs, et la nomination à la tête de ce ministère d'un ancien sportif de
haut niveau, on nous avait fait miroiter un projet de budget important.
La réalité est tout autre.
L'augmentation est la plus faible depuis 1997, puisqu'elle est d'à peine 1,3 %
par rapport à l'an dernier.
En outre, comme tous les budgets, celui du sport est annoncé comme transitoire
puisqu'il dépend à la fois de la loi constitutionnelle relative à
l'organisation décentralisée de la République et de l'avenir du FNDS.
Pour ce qui est de la décentralisation, je rappelle que 80 % des
investissements, en matière sportive, sont d'origine locale, et pas même
régionale : cela devrait légitimer la participation très large de tous les
intervenants locaux et départementaux aux Etats généraux du sport si ceux-ci
devaient devenir une véritable consultation nationale. Mais cela ne semble pas
être le cas.
Quant au FNDS, il a vu sa part régionale progresser constamment depuis cinq
ans. Son avenir est aujourd'hui incertain, et l'idée d'une fondation du sport
nous fait craindre une perte d'indépendance des sportifs.
De plus, dois-je mentionner la « régulation budgétaire » drastique, qui
s'élève à 10 % des crédits pour 2002 ? La ligne budgétaire « sport et femmes »
est supprimée. Ouverte en 1999, cette ligne permettait de renforcer l'action
gouvernementale s'agissant de la parité en général.
La ligne budgétaire « sport en entreprise » est également supprimée, Elle
concerne deux millions de sportifs, sans compter les différentes compétitions
organisées dans ce secteur et à une échelle internationale. L'expression
sportive doit-elle passer exclusivement par les fédérations ?
Les crédits consacrés aux contrats éducatifs locaux, qui permettent aux élèves
de la maternelle au collège de pratiquer des activités sportives, subissent une
baisse de 880 000 euros.
Enfin, une diminution de 1,8 million d'euros intervient au titre des coupons
sport, qui participaient de la loi de lutte contre les exclusions et qui
permettaient à des milliers de jeunes de milieux défavorisés de payer leur
licence sportive.
Et que faites-vous des emplois-jeunes des clubs et des associations sportives
? Les ferez-vous disparaître au profit de 100 postes FONJEP sport et de
quelques dizaines de créations de postes dans le cadre du plan sport-emploi
?
En outre, aucun des nouveaux emplois au titre du CIVIS, le contrat d'insertion
dans la vie sociale, annoncés par M. Fillon ne concerne le sport. Pourtant,
aujourd'hui, le mouvement associatif, qu'il soit sportif, culturel, humanitaire
ou caritatif, ne peut plus se passer d'emplois salariés permanents, car le
bénévolat ne peut suffire à remplir toutes les missions.
Le sport populaire, à l'échelle d'une nation, a une fonction sociale et
éducative : il participe de la prévention médicale et de l'hygiène, et il
permet la révélation et la mise en valeur d'une élite d'amateurs et de
professionnels.
Quelque 83 % des Français affirment pratiquer une activité physique ou
sportive, c'est-à-dire qu'ils ont intégré la pratique physique et sportive dans
leurs loisirs ; 20 % à 25 % disent et savent pratiquer un sport.
Si le Gouvernement affaiblit, ici aussi, le rôle de l'Etat et son
intervention, le sport amateur disparaîtra nécessairement et, avec lui, le
vivier du sport professionnel.
La coupure entre le sport d'élite professionnel et le sport amateur est
accentuée, alors que votre majorité défend la thèse selon laquelle « l'Etat
doit recentrer son action sur l'éthique sportive et le sport de haut niveau,
qui permet d'attirer les jeunes vers la pratique sportive, creuset de cohésion
sociale ». Comment cependant parler de cohésion sociale et des jeunes si votre
budget ne prévoit pas de passerelles fortes et cohérentes entre le sport
populaire et le sport d'élite ?
Bercy investit 2 millions d'euros dans le maintien du niveau d'excellence du
sport français et de la place de la France parmi les grandes nations sportives.
C'est bien, et même très bien !
Certes, l'élite renvoie au dépassement des limites individuelles et au
perfectionnement collectif d'une nation, mais encore faut-il que les individus,
issus du vivier des amateurs, disposent des infrastructures sportives et des
réseaux d'accès aux sports pour se perfectionner.
Par ailleurs, vous octroyez 2 % supplémentaires aux crédits ministériels
consacrés à la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage. C'est peu,
mais, surtout, la part effective des moyens consacrés à la lutte contre le
dopage n'augmente que de 0,5 million d'euros.
Or la France a un rôle actif important à tenir dans le cadre national et
européen concernant ce phénomène : il s'agit de développer, avec tous les
partenaires du sport, l'éthique qui doit régir la pratique sportive.
La loi sur le sport et ses décrets adoptés en 2001 ont rempli le vide
juridique préexistant. Ils ont donné aux fédérations le pouvoir des règles
sportives, de l'éthique, des sélections nationales, de l'organisation des
compétitions et de la vente des droits télévisés.
L'Etat a dorénavant un outil de régulation active des domaines sportifs et de
partenariat avec tous les acteurs du sport.
La France doit maintenant se donner les moyens d'une politique dynamique et
visionnaire « d'adhésion à un idéal de vie supérieure, d'aspiration au
perfectionnement et de participation aux jeux des arts et de la pensée », selon
Pierre de Coubertin.
Or le présent projet de budget ne répond pas à cette ambition, et mon groupe
ne peut s'en satisfaire. Aussi, nous ne le voterons pas, monsieur le
ministre.
M. le président.
La parole est à M. Alain Dufaut.
M. Alain Dufaut.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l'an
dernier, quasiment à la même date à un jour près - c'était le 1er décembre,
mais déjà un samedi -, quelques sénateurs passionnés de sport se retrouvent en
compagnie des rapporteurs MM. Michel Sergent et Bernard Murat, pour débattre
avec le ministre des sports de son budget.
Monsieur le ministre, le seul fait que ce débat ait lieu deux ans de suite un
samedi, dans un hémicycle forcément clairsemé, montre le chemin qui reste à
parcourir et le peu de cas qui est fait du sport dans le budget de la nation.
Tout cela pour vous dire combien votre tâche est immense, pour inverser la
tendance et faire du sport, comme nous le souhaitons tous, une vraie priorité
nationale. Je sais que vous en avez la volonté.
Année après année, les orateurs qui, à cette tribune, s'expriment sur les
crédits du sport regrettent de ne pas constater d'évolution sensible des moyens
alloués à ce secteur, et personnellement, depuis quinze ans, j'interviens
quasiment chaque année sur ce point. Je ne vous cache pas que, cette année
encore, j'aurai quelques difficultés pour déroger à la règle, même si je sais
qu'il est difficile de corriger, en quelques mois, la fâcheuse tendance de vos
prédécesseurs à favoriser les mouvements dits d'éducation populaire au
détriment des sports.
De ce point de vue, je ne suis pas persuadé que la séparation de ces deux
domaines, la jeunesse et la vie associative étant désormais rattachées au
ministère de l'éducation nationale, constitue la garantie absolue de la mise en
oeuvre d'une politique sportive ambitieuse.
A cet égard, je ferai plutôt confiance à votre passion du sport, à votre passé
de sportif de haut niveau, à votre détermination totale pour valoriser la
pratique sportive dans notre pays et aux récentes déclarations du Premier
ministre, Jean-Pierre Raffarin, dans le cadre des états généraux du sport,
visant à la nécessité de « mettre le sport au rang des priorités nationales
».
Nous placerons donc nos espoirs dans l'élaboration des prochains budgets, en
espérant que le contexte économique permettra de dégager des marges de
manoeuvre nettement supérieures à celles de cette année que je qualifierai de
transitoire. Le gouvernement précédent n'avait pas su, ou pas voulu, lui,
utiliser les moyens que lui donnait une conjoncture favorable pour faire preuve
d'ambition dans ce domaine. Gageons, monsieur le ministre, que vous sauvez
prochainement saisir toutes les opportunités, en bon « sabreur » que vous êtes
!
En attendant de constater une traduction plus concrète de cet espoir, je
souhaiterais centrer mon intervention sur les problèmes posés par l'examen
détaillé de ce budget.
Je me permets d'entrer un peu dans le détail des chiffres.
En fonctionnement, par rapport à la loi de finances initiale pour 2002, ce
projet de budget pour 2003 marque certes une rupture avec les budgets
antérieurs résultant - cela a été dit - des transferts des crédits consacrés à
la jeunesse, ce qui provoque un basculement de 25 %, c'est-à-dire 140 millions
d'euros, sur le ministère de l'éducation nationale. Ces 140 millions d'euros se
répartissent ainsi : quelque 32 millions d'euros au titre III pour les moyens
des services et environ 105 millions d'euros au titre IV pour les crédits
d'intervention, qui ne font donc plus partie de votre budget.
Ces deux transferts engendrent effectivement un déséquilibre entre les coûts
de fonctionnement et les réelles capacités d'intervention financière du
ministère des sports.
Un constat découle de cet éclatement en deux des crédits : les coûts de
fonctionnement du ministère des sports pour 300,6 millions d'euros sur un total
de 400,6 millions d'euros représentent, il faut le reconnaître, les trois
quarts du budget du ministère. Comme un des rapporteurs l'a dit, c'est beaucoup
trop. Pourquoi ? Parce que ce déséquilibre flagrant est dû essentiellement au
règlement des salaires et des charges afférents aux directions régionales et
départementales de la jeunesse et des sports par le ministère des sports, alors
que ces mêmes directions dans les régions et les départements assurent la
promotion des activités du secteur jeunesse.
Dès lors, on se trouve face à un budget des sports qu'il convient de
relativiser. Et l'on est en droit de se demander si le plus petit budget de
l'Etat doit régler les dépenses de la partie jeunesse du ministère de
l'éducation nationale, ce dernier disposant tout de même de moyens plus
importants. Il faudra, je crois, revoir cette anomalie l'an prochain.
Dès lors, il ne reste que le FNDS pour assurer le fonctionnement des comités
olympiques et des fédérations sportives, et la part régionale pour le soutien
aux structures fédérales déconcentrées et pour nos clubs.
Fort de ce constat et après le vote en 2001 de la loi organique relative aux
lois de finances, il est donc urgent de trouver des réponses. Premièrement,
pour maintenir le niveau des ressources du FNDS, dont l'accroissement n'est dû
qu'à l'engouement des parieurs. Deuxièmement, pour garantir les crédits du FNDS
afin de conduire l'accès aux pratiques sportives et le développement de
celles-ci sur l'ensemble du territoire.
Enfin, dans l'hypothèse du maintien de l'illustre Ecole interarmées des sports
à Fontainebleau - on ne peut que vous remercier, monsieur le ministre, de
vouloir sauver ce magnifique outil, qui est partie intégrante du patrimoine
sportif de notre pays - je n'ai discerné, dans le budget, aucune ligne qui
puisse assurer, en 2003, une éventuelle synergie de partenariat entre le
mouvement sportif civil et le mouvement sportif des armées.
En investissement, y compris les financements de l'enveloppe FNDS, j'ai noté à
plusieurs reprises à cette tribune l'insuffisance du taux de consommation des
crédits d'investissement du ministère - je vous en avais parlé, monsieur le
ministre, lors de votre audition devant la commission des affaires culturelles
du Sénat, le 5 novembre dernier. Cette sous-consommation des crédits
s'explique, nous avez-vous dit, par la lourdeur des procédures d'engagement de
ces crédits, ce qui a incité, comme nous l'avons constaté, d'ailleurs, les
gouvernements successifs à parfois considérer ce budget comme une variable
d'ajustement du budget de l'Etat. Je me permets d'insister sur ce point afin
qu'il soit corrigé, compte tenu de la vétusté de nos infrastructures sportives,
qui a été rappelée. Je sais que vous en avez la volonté et que vous serez
vigilant sur ce problème, qui était devenu récurrent avec vos prédécesseurs.
J'en viens aux équipements sportifs de proximité. Nous souffrons d'un manque
d'équipements sportifs, en particulier en milieu rural, car les petites
communes n'ont pas la capacité d'investissement pour réaliser des
investissements sportifs lourds, comme des piscines ou des gymnases.
Mme Hélène Luc.
Eh oui !
M. Alain Dufaut.
Eh bien ! faisons preuve d'imagination et profitons de l'explosion des EPCI
pour favoriser, par une politique adaptée, par des incitations financières de
l'Etat, la création d'équipements sportifs à vocation intercommunale. Je suis
convaincu que c'est une bonne solution en milieu rural. Si l'Etat peut
déclencher, par une contribution modique, le mouvement, la structure
intercommunale - maître d'ouvrage - pourra à l'évidence bénéficier en plus de
l'aide du conseil général, voire du conseil régional, sur de tels projets.
L'expérimentation sur un conseil général d'une telle politique volontariste
d'aménagement sportif du territoire départemental pourrait peut-être se
justifier. Ce serait, je crois, une expérience intéressante.
En conclusion, je vous donne acte, monsieur le ministre, malgré l'ampleur du
chantier qui vous attend, de votre volonté affirmée de rénover et de faire
progresser la politique sportive du pays, en vous appuyant sur une vision
globale des différents problèmes qui se posent.
La traduction concrète de cette volonté apparaît dans l'organisation
exemplaire des états généraux du sport, mais, c'est vrai, encore trop
timidement dans le présent budget. J'espère donc que votre action - notre
action, car nous sommes là pour vous aider, monsieur le ministre, et nous
sommes tous mobilisés derrière vous - permettra, dans les prochains mois,
d'améliorer sensiblement la situation.
C'est dans cet esprit volontariste, au-delà des clivages politiques, que
s'inscrit mon intervention, à l'instar de celle de l'an dernier, avec comme
principal objectif de défendre une vision toujours plus ambitieuse du sport en
France. Monsieur le ministre, je suis convaincu qu'avec vous, et certainement
grâce à vous, nous pourrons y parvenir.
(Applaudissements sur les travées du
RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-François Lamour,
ministre des sports.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, je m'associerai tout d'abord aux propos de MM. les rapporteurs et
des orateurs concernant l'équipe de France de tennis, qui a marqué aujourd'hui
un point très important. Mais au-delà de cet enjeu, la Coupe Davis, qu'est-ce
qu'une équipe de France ? C'est l'émanation d'une fédération qui organise le
sport dans notre pays. C'est une émanation des meilleurs éléments des clubs, de
ces fameux petits clubs que vous évoquiez tout à l'heure, madame la sénatrice,
et dont je suis issu. Vous avez rappelé mon passé d'athlète de haut niveau,
mais, avant de l'avoir été, j'ai commencé à m'entraîner dans un grenier avec un
maître d'armes et j'ai pratiqué longtemps dans ce club avant d'atteindre
l'INSEP et de faire partie de l'équipe de France, pour défendre les couleurs de
notre pays partout dans le monde.
Il est important de rappeler la cohésion entre le club, le très haut niveau et
l'outil remarquable qu'est la fédération, et de faire en sorte que cet outil
perdure. C'est, vous vous en doutez, dans cette voie que je conduirai mon
action.
Je tiens à remercier les rapporteurs et les orateurs d'avoir aussi bien parlé
de la pratique sportive dans notre pays.
Comme je l'ai fait le 5 novembre devant votre commission des affaires
culturelles, c'est avec plaisir que je viens à nouveau aujourd'hui au sein de
la Haute Assemblée pour évoquer les priorités du ministère des sports pour les
années à venir. Cette ligne d'action amorcée dès 2003 aura vocation, bien sûr,
à se développer ensuite en tenant compte d'autres échéances essentielles à
venir, parmi lesquelles figure notamment la mise en oeuvre des conclusions des
Etats généraux du sport, en particulier la réforme du FNDS.
Le projet de loi de finances pour 2003, vous l'avez rappelé tout à l'heure,
porte les crédits budgétaires consacrés aux politiques de développement du
sport à 400,6 millions d'euros, soit une augmentation de 1,3 %. J'ai voulu,
pour ce budget de transition, maintenir un certain nombre de dispositifs,
lorsque les circonstances le justifiaient, tout en apportant des perspectives
nouvelles au mouvement sportif, et ce dans un contexte de responsabilisation de
l'ensemble des services, par le biais - j'y tiens beaucoup - d'une
déconcentration et d'une globalisation accrues des crédits.
C'est ainsi que j'ai reconduit les crédits consacrés aux coupons sport et aux
contrats éducatifs locaux à la hauteur des crédits consommés en 2002. J'ai
toutefois souhaité que ces crédits fassent l'objet d'une réelle mesure de
déconcentration, et donc soient globalisés. Ainsi, les services déconcentrés
pourront, en fonction des besoins locaux spécifiques, adapter les politiques
conduites par le ministère en redevenant de vrais interlocuteurs décisionnels
des collectivités locales. J'ai également demandé la suppression, par exemple,
du plafonnement du nombre de coupons par jeune, de façon à permettre à chaque
jeune d'accéder véritablement au sport de son choix.
Je tiens maintenant à aborder un sujet que vous avez toutes et tous évoqué :
il s'agit de gérer les conséquences des emplois-jeunes, dont près de 20 000
relèvent du domaine des sports. C'est d'ailleurs dans cette perspective que
travaille l'ensemble de l'équipe gouvernementale.
Le Gouvernement a hérité d'une situation politiquement difficile,
économiquement délicate et socialement douloureuse pour tous ces jeunes qui ont
cru pouvoir intégrer des structures alors qu'aucune solution pérenne n'était
envisagée pour leur avenir et qu'intentionnellement était entretenue une
confusion entre un dispositif d'insertion professionnelle ciblé sur un public
et inscrit dans le temps et une politique de soutien à l'emploi associatif qui
n'a, en réalité, jamais été mise en oeuvre et réfléchie dans la durée. Ce
programme mal conçu n'a donc pas vocation à être prolongé ; il sera arrêté
progressivement, à l'issue de son échéance.
Il convient, dans le domaine du sport, de favoriser et de poursuivre la
professionnalisation des emplois-jeunes par le renforcement des actions de
formation. S'agissant des objectifs d'insertion professionnelle des jeunes, je
travaille en relation très étroite avec mon collègue François Fillon pour que
le volet des emplois d'utilité sociale du dispositif CIVIS intègre le champ
sportif. Cela permettra, entre autres dispositions, d'augmenter le champ
d'intervention jusqu'à vingt-cinq ans. Il en sera de même, d'ailleurs, pour le
volet du volontariat civil de cohésion sociale.
Enfin, j'ai souhaité - vous l'avez rappelé - faciliter les démarches
administratives des associations en créant pour la première fois cent postes
FONJEP dans le domaine des sports et relancer - alors que ce dispositif était
en chute libre - le plan sport-emploi également à hauteur de cent postes. Je
rappelle qu'aucune création nouvelle d'emplois au titre du plan sport-emploi
n'avait été proposée depuis 1998.
Après le domaine de l'insertion professionnelle, j'aborderai celui de l'aide à
l'emploi associatif. Il convient de mettre en place progressivement un
dispositif spécifique d'aide aux projets d'intérêt général, j'allais dire
d'utilité sociale, intégrant une exigence d'évaluation. Le Gouvernement y
travaille actuellement et j'espère que nous pourrons très bientôt vous proposer
un certain nombre de dispositifs.
Héritage difficile, convenons-en, surtout si l'on ajoute qu'au cours des cinq
dernières années les crédits d'intervention du ministère, monsieur Lagauche,
ont sans commune mesure plus profité à la jeunesse qu'aux sports. En effet, les
crédits consacrés à la jeunesse ont augmenté de 30 %, contre 3 % seulement pour
les sports. J'en suis heureux pour les politiques en faveur de la jeunesse qui
auraient cependant pu être plus efficaces si elles n'avaient pas été, comme je
viens de le souligner, si confuses ; c'est un point qui a été abordé par M.
Dufaut. Mais cela relativise l'argument de comparaison des pourcentages
d'augmentation du budget consacré aux sports par rapport aux années
précédentes, si l'on ne fait pas une distinction entre les deux secteurs.
Ainsi, les moyens budgétaires spécifiquement dédiés aux politiques de
développement du sport augmentent en 2003 plus que les années précédentes, et
ce dans un contexte budgétaire infiniment plus contraint : le budget du
ministère est en augmentation de 1,3 %, celui du FNDS de 6 %, soit des moyens
consolidés en hausse de 3 %.
Ces moyens sont mis au service d'objectifs clairement énoncés, au nombre de
trois : tout d'abord, le renforcement de la sécurité de la pratique sportive et
la promotion de la santé par le sport ; ensuite, le renforcement de la cohésion
sociale et l'ouverture d'une vraie pratique sportive au plus grand nombre ;
enfin, le maintien du niveau d'excellence du sport français et de la place de
la France parmi les grandes nations sportives.
Ces objectifs s'accompagnent d'une priorité fonctionnelle : la réorganisation
des services du ministère autour de leurs savoir-faire spécifiques et de leurs
domaines d'excellence.
Le renforcement de la sécurité et de la santé autour de la pratique sportive,
compte tenu des dérives enregistrées depuis plusieurs années, est une priorité
essentielle de l'action du ministère des sports. J'ai donc souhaité disposer de
nouveaux moyens, soit 400 000 euros supplémentaires, pour assurer aux sportifs
de haut niveau un suivi médical adapté.
Aujourd'hui, la loi qui régit ce suivi médical est inapplicable, comme les
fédérations me l'ont rappelé durant les Etats généraux du sport, et la
publication des décrets est suspendue dans l'attente d'une vraie concertation
avec les fédérations sportives. Il s'agit pour moi de replacer les sportifs au
coeur des politiques de prévention.
Parallèlement, une somme de 460 000 euros sera affectée à la rétribution des
médecins chargés du contrôle antidopage, et je vous propose d'accroître les
moyens du Laboratoire national de dépistage du dopage, qui passeront de 4
millions à 4,3 millions d'euros. La création de deux emplois supplémentaires au
sein de cette structure accompagnera cet effort. Il faut savoir que, voilà
encore quelques mois, il fallait attendre parfois plus d'un an avant de
connaître les résultats d'une analyse faisant suite à un contrôle qu'il soit
inopiné ou qu'il ait été effectué pendant une compétition. Je crois que nous
avons désormais réglé ce problème !
La lutte contre le dopage doit donc privilégier l'indispensable
complémentarité entre la prévention, le suivi, l'information et le contrôle, je
viens de les évoquer, mais également la répression des trafics. Sur ce dernier
point, j'attends avec une grande impatience la publication du décret qui
permettra la coordination de l'ensemble des services de l'Etat dans ce domaine
; elle devrait intervenir avant la fin de l'année.
Un autre aspect important de la lutte contre le dopage est sa dimension
européenne et mondiale. Je souhaite vivement qu'un article concernant le sport
et la lutte contre le dopage puisse être inséré dans le traité qui résultera
des travaux de la Convention présidée par M. Valéry Giscard d'Estaing.
La dimension éthique de la pratique sportive et le nécessaire respect des
règles de comportement doivent être rappelés. Soucieux de rendre au terrain sa
dimension la plus noble, nous avons décidé de consacrer 2,36 millions d'euros à
la lutte contre les incivilités, notamment - mais cela a été rappelé - en
formant les arbitres aux réponses adaptées à chaque type d'agression. Plus
encore que la culture du résultat, le sport doit devenir le respect librement
consenti de la règle.
Je partage votre volonté, mesdames, messieurs les sénateurs, de renforcer la
place du sport dans les actions d'insertion sociale. C'est d'ailleurs ma
deuxième priorité. Le sport doit demeurer un formidable vecteur de cohésion
sociale. Il représente également en France, ne l'oublions pas, environ 200 000
emplois dans les secteurs public et privé.
L'encadrement de l'activité sportive, notamment au sein des clubs et des
associations, en est un élément essentiel. C'est précisément cette fonction que
je vous propose de renforcer en créant cent postes au titre du plan
sport-emploi, que j'ai déjà évoqué, et de cent postes FONJEP dans le domaine
spécifique du sport. C'est la première fois que ce dispositif nous permettra de
bénéficier de postes exclusivement destinés au sport !
Ces facilités doivent être mises au service de la pratique sportive par tous
et pour tous. A cette fin, nous appliquerons les solutions que les expériences
récentes menées sur le terrain feront apparaître comme les meilleures. C'est
ainsi que certaines mesures seront redéployées et déconcentrées, notamment les
coupons sport.
La globalisation au sein des moyens déconcentrés fera ainsi des directions
départementales du ministère des interlocuteurs des collectivités locales
peut-être plus efficaces, en termes de conseil et d'expertise. Le budget pour
2003 du ministère des sports sera par conséquent celui d'une déconcentration
renforcée.
Mme David et M. Lagauche ont exprimé leurs préoccupations relatives au sport
en entreprise. Le budget pour 2002 lui consacrait environ 1,2 million d'euros.
Je peux vous assurer que les crédits pour 2003 seront au même niveau, puisque,
avec la répartition déconcentrée, ils comprendront les subventions à l'Union
fédérale du sport en entreprise - organisme dont j'ai reçu le président
récemment - et les différentes conventions d'objectifs signées avec les
fédérations sportives, mais également la mise à disposition de cadres
techniques et les crédits d'intervention, sans parler, bien évidemment, de la
part régionale du FNDS.
Un montant de 4,7 millions d'euros sera consacré, sur les crédits du FNDS, à
l'amélioration de la place des femmes dans le sport. Il y avait un véritable
affichage en 2002, mais, en 2003, ce sont près de 5 millions d'euros qui y
seront affectés dans le seul budget, notamment pour l'accueil d'une structure
itinérante concernant les pays européens et dont le nom, en anglais, est
European Women and Sport.
Son séjour en France sera financé en
collaboration étroite avec le Comité national olympique et sportif français.
Nous attendons que, à l'occasion d'un colloque qui se déroulera dans le courant
de l'année prochaine, cette organisation nous fasse des propositions. Elle est
donc incluse, je le répète, dans notre effort budgétaire en faveur de l'accès
des femmes à la pratique du sport.
Cette politique d'accès au sport du plus grand nombre sera complétée cette
année, en accord avec le mouvement sportif, grâce aux crédits du FNDS, et des
actions collectives seront conduites par les fédérations sportives organisant
en France les championnats du monde de leur discipline. Ainsi, et c'est là
aussi une priorité pour moi, sport de haut niveau et pratique élargie - que
l'on oppose souvent, à tort - seront développés de concert.
De même, les contrats éducatifs locaux seront poursuivis, en parfaite
concertation avec les autres ministères concernés : 20,5 millions d'euros leur
seront consacrés, sous forme de crédits eux aussi déconcentrés et globalisés
et, encore une fois, à hauteur des crédits consommés pour 2002. C'est au niveau
local que les ajustements les plus adaptés, en partenariat avec les
collectivités territoriales, devront et pourront être trouvés.
Enfin, l'accès aux pratiques sportives nécessite un encadrement de qualité. Il
importe donc de renforcer les actions de formation, tout particulièrement dans
le domaine de la lutte contre les incivilités.
Au-delà de cette priorité, des moyens importants supplémentaires seront
consacrés à l'amélioration du niveau de qualification des intervenants dans le
domaine sportif. Dans ce secteur aussi, fait essentiel, la gestion d'une part
croissante des moyens sera déconcentrée.
C'est ainsi que 9 millions d'euros seront consacrés en 2003 à la formation des
animateurs et à l'accompagnement de l'emploi.
Toutes ces mesures doivent être mises au service du plus grand nombre. Dans le
même temps - c'est là ma troisième priorité -, il nous appartient de détecter,
de révéler et d'accompagner les jeunes sportifs ayant une volonté et des
qualités remarquables.
La France doit maintenir son niveau d'excellence sportive. C'est dans cette
perspective que je vous propose d'allouer des crédits spécifiques, à hauteur de
1,5 million d'euros, à la préparation et à l'accompagnement des équipes de
France aux prochains Jeux d'Athènes et aux autres grandes compétitions
internationales. Dans le même esprit, 500 000 euros seront consacrés à
l'amélioration de l'environnement des sportifs de haut niveau dans les
établissements du ministère, ce que l'on appelle les « pôles France ». Cette
mesure intégrera naturellement les objectifs d'insertion et de reconversion,
c'est très important, de ces sportifs.
Enfin, le ministère apporte son concours financier à l'organisation de
manifestations de dimension internationale qui auront lieu sur notre territoire
en 2003. La France accueillera ainsi plusieurs grands championnats : tennis de
table, tir à l'arc, lutte, parachutisme et, bien évidemment, athlétisme. Pour
ces derniers, près de deux mille athlètes représentant deux cents nations sont
attendus dans la région d'Ile-de-France. Il importe - et nous devons y parvenir
ensemble - de faire de ce moment exceptionnel non seulement une grande fête
pour la jeunesse, mais aussi l'occasion de valoriser le sport français et la
diversité de ses pratiques, et, surtout, de permettre l'accès de ses
disciplines à nos jeunes.
On m'a reproché il y a quelque temps l'insuffisance de l'effort consenti pour
le sport de haut niveau. Je rappellerai à Mme David que, lors de la
constitution du dossier de candidature à l'organisation des championnats du
monde d'athlétisme, le budget voté s'élevait à 200 millions de francs. Une fois
l'organisation attribuée, il est bizarrement passé, en trois mois, de 200 à 400
millions, dont la moitié à la charge de l'Etat.
Il nous a donc fallu - mais c'est tout à fait normal - faire un effort
considérable pour que les championnats puissent se dérouler dans les meilleures
conditions et nous donnent l'occasion de valoriser notre savoir-faire dans ce
domaine.
Ces trois objectifs ambitieux ne pourraient être pleinement atteints sans une
implication forte de l'ensemble des personnels. Cette mobilisation passe par
une revalorisation de leur situation et par un recentrage de leurs missions sur
leurs savoir-faire spécifiques. A cette fin sera expérimentée en 2003
l'externalisation de plusieurs fonctions d'entretien et de maintenance de nos
établissements, dont certaines pourraient être confiées à des entreprises
agissant dans le domaine de l'insertion.
Dans le même temps, le ministère des sports renforcera les métiers spécifiques
au service de ses objectifs opérationnels. Ainsi seront créés dix postes de
professeurs de sport ainsi que sept emplois dans les corps d'inspection.
L'effort portera parallèlement sur le cadre et les conditions de travail, que
MM. Dufaut et Sergent ont évoqués. Après plusieurs années de sous-consommation
des moyens prévus en autorisations de programme, il nous faut aujourd'hui mener
une politique ambitieuse de modernisation des équipements des établissements
publics de l'Etat. Il convient naturellement, dans un premier temps, de veiller
à la réalisation de travaux de maintenance et de sécurisation du patrimoine
immobilier. Cette année, ce sont 6,1 millions d'euros qui seront affectés à
cette action, dont 2,2 millions pour les seules actions de maintenance et de
mise en sécurité des centres régionaux d'éducation populaire et de sport, les
CREPS, et des établissements dépendant du ministère.
L'un d'entre vous a évoqué l'EIS, l'Ecole interarmées des sports. J'en dirai
un mot, car il s'agit d'un établissement que je porte dans mon coeur. Je vous
l'avais rappelé lorsque j'ai présenté les objectifs de mon ministère devant la
commission, Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, et moi-même avons
lancé une inspection conjointe. Ses travaux se poursuivent, et elle devrait
formuler ses conclusions dans les semaines qui viennent. Il est d'ores et déjà
acquis que, sans avoir besoin de passer par le budget du ministère, les crédits
du FNDS pourront, par des conventions d'objectifs, être engagés en fonction des
demandes des fédérations, pour des utilisations ponctuelles de l'EIS et du camp
de Fontainebleau, afin, précisément, de développer la pratique sportive dans
l'une ou l'autre discipline.
Le déménagement en 2003 de l'administration centrale du ministère doit lui
permettre de retrouver des conditions décentes de travail tout en participant
au rééquilibrage des activités tertiaires à l'est de Paris.
Le Stade de France a été évoqué. Je parlerai en francs, je vous prie de m'en
excuser, pour vous rappeler que près de 30 millions de francs de produits sont
à déduire des 80 millions de francs d'indemnité, ce qui ramène le solde à 50
millions de francs. Certes, nous sommes toujours à la recherche d'un club
résident. Néanmoins, cet équipement - il suffit de le regarder pour pouvoir le
constater - n'a pas pris une ride. Il est toujours dans un état parfait et il a
redonné vie à un quartier en très grande difficulté. Demandez donc à Patrick
Braouezec, le député-maire de Saint-Denis, ce qu'il pense de l'implantation de
cet équipement, qui fait vivre un bassin de vie ! Il est à nos yeux le symbole
d'une réussite, celle de nos équipes nationales ; et si nous devons tous faire
des efforts pour trouver un club résident, je pense que le principe d'une «
construction-concession » a montré qu'il était un outil intéressant. Il
intéresse d'ailleurs nos amis chinois, qui, dans le cadre de la préparation des
jeux Olympiques de 2008, sont venus voilà quelques jours nous demander de leur
exposer le détail du mode de création et de fonctionnement de cet outil quelque
peu particulier.
S'agissant enfin de l'aide aux équipements sportifs dont la maîtrise d'ouvrage
est assurée par les collectivités locales, le projet de budget pour 2003
prévoit des crédits d'un montant de 4,9 millions d'euros, sous forme de
subventions d'investissement. C'est une augmentation de 71 % par rapport aux
crédits inscrits dans la loi de finances pour 2002.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le ministre des sports vous présente un
projet de budget pour 2003 qui répond à des objectifs clairement identifiés,
dans le souci de renforcer l'efficacité de ses services.
Cependant, il est indispensable de rétablir les conditions d'un véritable
dialogue et d'une large concertation avec tous les acteurs du sport.
Le 8 décembre aura lieu la clôture des états généraux du sport, clôture
formelle qui, loin d'être une fin, sera au contraire le point de départ des
évolutions qu'attendent tant le mouvement sportif que les collectivités
locales.
Quant au FNDS, ses crédits s'élèveront à 218 millions d'euros en 2003.
Plusieurs d'entre vous ont rappelé l'échéance de sa disparition, du moins sous
sa forme actuelle. Loin d'être une sentence, elle doit nous permettre, d'ici à
2005 - nous avons donc le temps ! -, de concevoir, dans la concertation, un
nouvel outil. Je vous ferai avant la fin de l'année des propositions qui
reprendront certaines des pistes évoquées par Bernard Murat. On pourra,
effectivement, faire appel à un établissement public, ou peut-être à une
fondation. Mais, monsieur Sergent, je défendrai un FNDS en dehors du budget du
ministère des sports. Il est essentiel que ce fonds, important pour le
mouvement sportif, puisse continuer de vivre sous une autre forme,
éventuellement, donc, adossé à une fondation.
Monsieur Murat, l'instauration d'une fondation ne visera pas, le cas échéant,
à faire concurrence aux sponsors régionaux, voire nationaux, qui aident les
structures professionnelles. Si elle était amenée à exister, elle ne serait
sollicitée que pour mener à bien des projets à caractère d'utilité sociale, par
exemple pour aider des sportifs de haut niveau à poursuivre leur carrière, pour
contribuer à aider l'implantation de tel ou tel équipement... En aucun cas elle
ne viendrait perturber les très bonnes relations qui existent entre les
partenaires financiers des clubs professionnels ni l'attention particulière que
portent les collectivités locales à leurs clubs phares.
Tels sont mes objectifs pour les années à venir. Ce premier budget est une
étape vers une ambition forte pour le sport dans notre pays. Pour ce faire,
j'ai besoin de votre soutien et de votre engagement.
(Applaudissements sur
les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le ministère
des sports et figurant aux états B et C.
ÉTAT B
M. le président.
« Titre III : 5 332 766 euros. »
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David.
Monsieur le ministre, j'ai bien entendu vos propos relatifs au sport au
féminin, et j'ai pris note de votre volonté de lui consacrer 4,7 millions
d'euros. Je regrette que la structure que vous avez évoquée soit une structure
anglo-saxonne, mais je prends acte de son accueil par la France.
Soyez certain que je serai attentive à votre action en faveur du sport
féminin.
La ligne spécifique « sport et femmes » est supprimée de votre motif au motif
que « les dotations globalisées doivent répondre aux besoins exprimés ». Cela
signifie assurément que la parité dans le sport est acquise, en particulier que
le développement du sport féminin a atteint celui du sport masculin, que les
inégalités et discriminations sont réduites, que l'enseignement mixte du sport
dès le jeune âge a produit ses effets...
Permettez-moi pourtant d'en douter !
Cette ligne spécifique avait été ouverte en 1999 dans le cadre de conventions
d'objectifs passées entre le ministère de la jeunesse et des sports et les
fédérations sportives.
« Elle conduit le mouvement sportif à proposer des actions destinées à
promouvoir la pratique féminine dans toutes les disciplines sportives, à
assurer une équité des moyens afférents à l'organisation des compétitions
féminines et masculines, à favoriser la prise de responsabilités dans les
instances dirigeantes », précisait à l'époque le ministère.
En effet, le monde sportif est finalement le simple reflet de la société
d'aujourd'hui.
Les sportives veulent prendre toute leur place ; pour l'instant, c'est au prix
d'une réussite obligée pour que l'on parle d'elles, pour qu'on leur propose des
responsabilités, pour qu'on les reconnaisse dans leur fonction.
Une action volontariste est nécessaire pour soutenir les femmes, pour les
aider à résoudre les difficultés matérielles et contribuer ainsi au changement
des mentalités.
Les filles et les femmes désireuses de faire du sport se heurtent, en effet, à
de nombreux obstacles.
Il y a d'abord des obstacles culturels réels.
En 1896, les jeux Olympiques ne furent-ils pas interdits aux femmes ? Et
Pierre de Coubertin, homme de son époque, ne s'exclamait-il pas : « Une
olympiade de femelles est impensable, elle est impraticable, inesthétique et
incorrecte. Le véritable héros olympique, c'est l'adulte mâle » !
M. Philippe Nogrix.
Nous sommes en 2002, madame !
Mme Annie David.
En 1920, la femme est considérée comme étant de faible constitution et il lui
est préconisé l'éducation physique pour renforcer les muscles nécessaires à la
procréation !
Dans les années cinquante, il lui est interdit de jouer au football, au rugby,
de faire du cyclisme de compétition ou des sports de combat... !
Nous trouverons encore aujourd'hui des pratiques hors la loi de la parité
justifiées par de solides préjugés. Je pense que vous vous souvenez, monsieur
Murat, de l'exemple que j'ai donné en commission de cette équipe féminine de
rugby qui s'est vue tout simplement exclue du club à cause de difficultés
financières.
Mme Hélène Luc.
Absolument !
Mme Annie David.
Dans le domaine du sport, le principal problème réside donc, d'abord, dans la
représentation du corps féminin et de la maternité.
Longtemps exclues du droit de vote obtenu en 1945, juridiquement traitées
comme des mineures sous la tutelle de leur mari jusqu'en 1938, les femmes
possédaient un itinéraire de vie tout tracé, de fillette à mère en passant par
femme au foyer.
Les femmes prennent aujourd'hui possession d'elles-mêmes, corps et âme ; elles
appréhendent leur corps du dedans comme du dehors et se heurtent constamment à
l'image véhiculée par les médias et la publicité.
La liberté d'expression des corps et l'évolution des critères de féminité sont
nouvelles et complexes.
Le deuxième obstacle à la pratique sportive des femmes, qui persiste encore de
nos jours, est la gestion difficile du temps et de l'équilibre entre famille,
travail et loisirs.
Toutes les études montrent que les femmes continuent de consacrer trois fois
plus de temps que les hommes aux enfants et au travail de la maison.
La répartition des tâches au sein de la famille et de la société a changé, la
notion de loisirs et d'activités culturelles est entrée dans les moeurs, et la
femme, aujourd'hui, qu'elle travaille à l'extérieur du foyer ou pas, a
développé un champ privé et tend à vouloir l'exploiter.
Un troisième obstacle est le peu de place que consacrent les médias, tous
supports confondus, à la pratique du sport au féminin.
Les médias, de par la place qu'ils occupent dans la société contemporaine,
façonnent les mentalités, construisent les représentations. Les compétitions
féminines sont moins médiatisées et peuvent donc apparaître comme moins
fréquentes.
Par ailleurs, moins vues à la télévision, les sportives intéressent moins les
sponsors et disposent donc de moins d'argent.
Pourtant, nous avons pu voir des campagnes de publicité, sociologiquement
intéressantes, utilisant l'image de certaines championnes pour promouvoir des
lignes de vêtements de sport. En tout état de cause, le sport se définit dans
les médias surtout comme une réalité masculine.
La ligne budgétaire « sport et femmes », que vous supprimez, monsieur le
ministre, affichait la volonté politique de résoudre concrètement les
difficultés répertoriées lors des Assises pour le sport féminin du mois de mai
1999 et dont voici l'énumération :
Comment développer la pratique des jeunes filles et des femmes par le biais de
l'école, de l'université et de l'entreprise ?
Comment améliorer la place et le rôle des femmes dans le mouvement sportif
?
Quels sont ceux qui s'opposent à la diffusion du sport féminin dans les médias
?
Quels dispositifs proposer pour permettre la promotion des femmes à tous les
niveaux dans les instances sportives ?
Existe-t-il une spécificité liée à la pratique sportive féminine de haut
niveau ?
Y a-t-il des problèmes spécifiques pour la réinsertion professionnelle des
sportives ?
Quel rôle peut jouer la France pour favoriser l'expression des sportives au
niveau international ?
M. le président.
Veuillez conclure, madame David.
Mme Annie David.
Depuis le milieu des années soixante-dix, la question de la réduction des
inégalités entre les hommes et les femmes est explicitement présente dans le
débat politique français et la réponse qui lui est donnée, aujourd'hui, en
attendant mieux, est la parité dans toutes les sphères sociales.
Il est donc préoccupant, monsieur le ministre, de voir l'impulsion donnée par
le précédent gouvernement et considérée dans une large partie de l'opinion
comme un facteur de modernisation de la vie publique, par les femmes
elles-mêmes comme un facteur de développement personnel, brutalement
interrompue par votre décision de ne pas soutenir de façon spécifique le
développement de la parité dans le sport.
M. le président.
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre IV : 4 104 981 euros. »
La parole est à Mme Hélène Luc.
Mme Hélène Luc.
Monsieur le ministre, je ne demanderais pas mieux, très sincèrement, que de
vous dire que votre projet de budget est bon et qu'il va permettre à un plus
grand nombre de jeunes de faire du sport. Malheureusement, je ne le pense pas,
je vous le dis d'emblée.
L'année dernière, j'avais voté ce budget. Tout en considérant qu'il était
encore insuffisant, j'avais reconnu qu'il comportait tout de même quelques
grandes idées fortes.
Cette année, il manque d'ambition, et je voudrais vous faire part de mes
inquiétudes sur deux points.
Le premier concerne la suppression des postes d'aides éducateurs, puisque
telle semble être l'orientation suivie. Ces aides éducateurs ne seront pas tous
remplacés. Or j'ai pu apprécier, l'an dernier, l'action qu'ils avaient
menée.
Au lieu de construire des prisons pour les enfants de treize ans...
M. Philippe Nogrix.
Quelle comparaison !
Mme Hélène Luc.
Mais, mon cher collègue, si les jeunes faisaient plus de sport, il y aurait
peut-être moins de délinquance. Je le crois fermement, me fondant sur ce que
j'ai vu sur le terrain.
A Choisy-le-Roi
(murmures sur les travées du RPR et de l'Union
centriste)
, il y a deux cités très difficiles. Moi, je construis ma
conviction à partir d'exemples concrets. Si vous en avez, exposez-les, mais
laissez-moi développer les miens.
Nous avions donc de très gros problèmes dans ces deux cités. Puis, de jeunes
adultes, accompagnés d'aides éducateurs, ont pris les choses en main :
aujourd'hui, plus de 250 jeunes font du football. Je vous assure que la vie de
la cité a changé, même si je ne prétends pas qu'il n'y ait plus jamais de
problèmes. Le conseil général a complètement rénové la cité, construit des
équipements de proximité. Tout cela a été possible grâce à l'action des
aides-éducateurs.
Le second point que je souhaite évoquer porte sur les équipements sportifs.
Vous avez déclaré, monsieur le ministre, que les crédits avaient un peu
augmenté. Pourtant, il reste beaucoup à faire.
Certes, les municipalités et les conseils généraux s'impliquent davantage.
Ainsi, les jeux du Val-de-Marne, organisés sous l'égide du conseil général et
de l'inspection académique, réunissent chaque année plus de 110 000 jeunes. Il
est vraiment très enthousiasmant de voir 2 000 élèves participer à des
compétitions de rollers dans le parc départemental des sports de Choisy-le-Roi,
dont je suis la présidente.
Néanmoins, il faut oeuvrer davantage pour inciter les jeunes à pratiquer un
sport. Certes, il y a l'école, mais ce n'est pas suffisant.
Par ailleurs, je suis inquiète pour le bénévolat. Certes, ce problème existe
depuis plusieurs années. Mais, aujourd'hui, nous sommes souvent obligés, pour
encadrer un match, de solliciter des gens au pied levé. Je vois que vous
opinez, monsieur le rapporteur pour avis. Il faut donc aider et encourager le
bénévolat.
Je connais un responsable de rugby qui va régulièrement dans les écoles pour
promouvoir ce sport ; mais, quand il partira, qu'adviendra-t-il ?
Dans une seule ville, il a réussi à intéresser 150 jeunes qui vont désormais à
l'école de rugby. Si cela pouvait se multiplier dans toutes les villes, un bien
plus grand nombre de jeunes feraient du sport, et un jeune qui fait du sport,
pour moi, c'est déjà une victoire contre la violence. Pour que les jeunes
prennent conscience que, civilement, ils font partie
(M. Philippe Nogrix
applaudit de façon ironique)...
Vous m'applaudissez mais, tout à l'heure, vous me critiquiez...
M. Philippe Nogrix.
Ce ne sont que des lieux communs que vous énoncez !
Mme Hélène Luc.
Non, je parle du terrain, en liaison avec le budget.
Voilà ce que je voulais vous dire, monsieur le ministre. Je vous invite à
venir dans le département du Val-de-Marne constater par vous-même les efforts
que nous faisons. Mais ces efforts, nous aurons bien du mal à les poursuivre
avec la décentralisation, compte tenu des charges que l'Etat veut nous
transférer.
M. Bernard Murat,
rapporteur pour avis.
C'est hors sujet !
Mme Hélène Luc.
Il nous faudra alors rogner soit sur les collèges, soit sur le sport, soit sur
l'aide que nous fournissons pour la rénovation des logements ; or tout est
lié.
M. le président.
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
(Les crédits sont adoptés.)
ETAT C
SPORTS
M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 5 422 000 euros ;
« Crédits de paiement : 1 356 000 euros.»
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 5 408 000 euros ;
« Crédits de paiement : 1 464 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
Nous avons terminé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant les sports.
4
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au lundi 2 décembre 2002 :
A dix heures, à quinze heures et le soir :
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2003, adopté par
l'Assemblée nationale (n°s 67 et 68, 2002-2003) (M. Philippe Marini, rapporteur
général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation).
Deuxième partie. - Moyens des services et dispositions spéciales :
Economie, finances et industrie :
Services financiers (et art. 66 et 67) :
M. Bernard Angels, rapporteur spécial (rapport n° 68, annexe n° 10) ;
Mme Odette Terrade, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques et du Plan (consommation et concurrence, avis n° 70, tome IX).
Charges communes (et art. 68 et 68
bis) :
Comptes spéciaux du Trésor (et art. 42 et 47) :
M. Yves Fréville, rapporteur spécial (charges communes, rapport n° 68, annexe
n° 5) ;
M. Paul Loridant, rapporteur spécial (comptes spéciaux du Trésor, rapport n°
68, annexe n° 43).
Budget annexe des monnaies et médailles :
M. Bertrand Auban, rapporteur spécial (rapport n° 68, annexe n° 40).
Economie, finances et industrie :
Industrie :
M. Jean Clouet, rapporteur spécial (rapport n° 68, annexe n° 11) ;
M. Francis Grignon, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques et du Plan (industrie, avis n° 70, tome V) ;
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques et du Plan (énergie, avis n° 70, tome VI) ;
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques et du Plan (technologies de l'information et poste, avis n° 70,
tome XXI).
Petites et moyennes entreprises, commerce et artisanat (et art. 64 et 65) :
M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial (rapport n° 68, annexe n° 12) ;
M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques et du Plan (avis n° 70, tome VIII).
Commerce extérieur :
M. Marc Massion, rapporteur spécial (rapport n° 68, annexe n° 13) ;
M. Michel Bécot, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques et du Plan (avis n° 70, tome X).
Services du Premier ministre :
I. - Services généraux (à l'exclusion des crédits relatifs à la fonction
publique, à l'audiovisuel et à la presse) :
M. François Marc, rapporteur spécial (rapport n° 68, annexe n° 29).
II. - Secrétariat général de la défense nationale :
M. Michel Moreigne, rapporteur spécial (rapport n° 68, annexe n° 30).
III. - Conseil économique et social :
M. Claude Lise, rapporteur spécial (rapport n° 68, annexe n° 31).
IV. - Plan :
M. Claude Haut, rapporteur spécial (rapport n° 68, annexe n° 32) ;
M. Jean-Paul Alduy, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques et du Plan (avis n° 70, tome XII).
Budget annexe des Journaux officiels :
M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial (rapport n° 68, annexe n° 38).
Délai limite pour les inscriptions de parole
dans les discussions précédant l'examen des crédits
de chaque ministère
Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant
l'examen des crédits de chaque ministère est fixé à la veille du jour prévu
pour la discussion, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements aux crédits
budgétaires pour le projet de loi de finances pour 2003
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits budgétaires
et articles rattachés du projet de loi de finances pour 2003 est fixé à la
veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles
de la deuxième partie, non joints à l'examen des crédits
du projet de loi de finances pour 2003
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième
partie, non joints à l'examen des crédits du projet de loi de finances pour
2003 est fixé au vendredi 6 décembre 2002, à seize heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures trente.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD