SEANCE DU 29 NOVEMBRE 2002


M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant le travail, la santé et la solidarité : II. - Santé, famille, personnes handicapées et solidarité.
J'indique au Sénat que, pour cette discussion, la conférence des présidents a opté pour la formule expérimentée ces deux dernières années et fondée sur le principe d'une réponse immédiate du Gouvernement aux différents intervenants, rapporteurs ou orateurs des groupes.
Ainsi, les ministres répondront immédiatement et successivement au rapporteur spécial, puis aux deux rapporteurs pour avis, et enfin à chaque orateur des groupes.
Ces réponses successives se substitueront à la réponse unique en fin de discussion.
Chacune des questions des orateurs des groupes ne devant pas dépasser cinq minutes, le Gouvernement répondra en trois minutes à chaque orateur, ce dernier disposant d'un droit de réplique de deux minutes maximum.
J'invite chaque intervenant à respecter l'esprit de la procédure, qui repose sur des questions précises et en nombre limité, et les temps de parole impartis.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, les crédits du budget de la santé, de la famille, des personnes handicapées et de la solidarité s'établiront à 15,47 miliards d'euros en 2003, contre 14,80 milliards d'euros en 2002. C'est, à première vue, une progression de 4,5 %. Mais, en réalité, ce budget subit des changements de périmètre et on constate qu'à périmètre constant les crédits de la santé, de la famille, des personnes handicapées et de la solidarité progresseront de 5,2 %.
Ce budget, messieurs les ministres, est avant tout un budget d'intervention. Les dépenses du titre IV en constituent 92,8 %. Les moyens des services, qui avaient crû de 4 % en 2002, connaissent une progression beaucoup plus modérée : 1,9 % en raison de la suppression de cent emplois budgétaires.
En 2003, le budget comportera six agrégats, au lieu de cinq en 2002, pour tenir compte, notamment, de l'évolution des structures gouvernementales. Il convient toutefois de noter que les crédits de ces agrégats, bien que tous inscrits sur le même fascicule budgétaire, ne relèvent pas de la compétence d'un même ministre, trois d'entre eux étant gérés par le ministre de la santé, deux par le ministre des affaires sociales et du travail, le dernier relevant, quant à lui, d'une compétence partagée : il s'agit de celui qui concerne la gestion des politiques de santé et de solidarité.
C'est cette complexité qui me vaut le plaisir et l'honneur de voir au banc du Gouvernement trois éminentes personnalités.
J'en viens, dès à présent, aux cinq principales observations que m'inspirent les crédits de la santé pour 2003.
Première observation, monsieur le ministre de la santé, la gestion budgétaire de 2001 a été très critiquable. La Cour des comptes, dans son rapport relatif à l'exécution des lois de finances pour 2001 - comment ne pas s'y référer ? - a formulé de nombreuses critiques.
Elle a notamment relevé un fonctionnement très perfectible des agences de veille et de sécurité sanitaires, dont la mise en place a été lente, si bien que le taux de consommation des crédits ne s'est établi qu'à 73 %.
Elle relève aussi - et c'est peut-être plus grave - le non-respect des engagements financiers de l'Etat envers l'hôpital : les crédits prévus par le protocole hospitalier du 14 mars 2000, soit 305 millions d'euros par an sur trois ans, n'ont pu être consommés en 2001 et ont été reportés sur la gestion 2002, faute d'avoir été inscrits en loi de finances initiale. Il a donc fallu, on le sait, que les établissements hospitaliers fassent des avances sur leurs dotations globales, ce qui n'est pas une bonne gestion.
La Cour des comptes relève aussi des répartitions de charges peu pertinentes entre l'Etat et l'assurance maladie et des effets d'affichage qui n'ont pas non plus épargné le ministère de la santé. Certains chapitres, notamment les dépenses en capital, ont été faiblement consommés, tandis que le ministère a externalisé la plupart de ses grandes politiques et sollicité la trésorerie de ses partenaires - c'est notamment le cas de la caisse d'allocations familiales, avec le RMI : comment ne pas le relever ici ?
Deuxième observation, l'application de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances a débuté, mais le ministère de la santé peut encore améliorer sa présentation et sa performance en la matière.
Sans y insister, je vais tout de même relever quelques points, sachant, monsieur le ministre de la santé, que vous avez la volonté - vous l'avez dit et nous vous croyons - de faire de votre ministère un ministère exemplaire et pilote de la mise en oeuvre de la loi organique du 1er août 2001. A cet égard, vous avez présenté les modifications de périmètre et des agrégats comme permettant de préfigurer les programmes prévus par la loi organique.
Je salue ces efforts importants sur la plan méthodologique et organisationnel. Néanmoins, la présentation de ces crédits, vous le savez bien, monsieur le ministre, demeure perfectible. Le ministère peut mieux faire, j'en suis tout à fait convaincu pour ma part.
Vous veillerez, je le sais, à nous faire parvenir rapidement les réponses au questionnaire de la commission.
En outre, la présentation des indicateurs de coûts et de résultats gagnerait, j'y insiste, à être améliorée. Cela va, monsieur le ministre, dans le sens de nos préoccupations.
Les agrégats sont présentés de façon très inégale. Les explications les plus longues sont fournies, il faut bien le dire, pour les informations les plus faciles à connaître, c'est-à-dire les dépenses de personnel et de moyens de fonctionnement, qui sont aussi celles qui présentent traditionnellement l'inertie la plus grande.
Par ailleurs, les objectifs indiqués ont un caractère pour le moins incontestable, et c'est une bonne chose : qui ne conçoit, en effet, qu'une politique de santé publique a notamment pour objectif de lutter contre le sida, le cancer ou les maladies infectieuses ? Quant aux indicateurs de résultats et de performances, ils sont, eux, insuffisants.
Je vous pose donc ma première question, monsieur le ministre : quels types d'indicateurs, non seulement de résultats mais aussi de performances, envisagez-vous d'instituer dans les secteurs dont vous avez la charge ? Le Parlement en aura-t-il une première ébauche dans le projet de loi de programmation quinquennale sur la santé que vous avez annoncé pour le premier semestre 2003 ?
Par ailleurs, je vous signale que 5 millions d'euros sont inscrits dans le projet de loi - de finances initiale au titre de cette future loi cadre de santé publique, ou plus exactement de sa préparation. A quoi servira cette dotation ?
Troisième observation, le budget de la santé est, nous le savons, un budget extrêmement contraint.
Il est consacré en grande partie aux dépenses des minima sociaux - revenu minimum d'insertion RMI allocation aux adultes handicapés AAH allocation de parent isolé, API, couverture maladie universelle CMU - qui sont passées de 10,01 milliards d'euros en 2000 à 10,80 milliards d'euros en 2003, soit une hausse de près de 8 % en quatre ans.
Or cette évolution a absorbé toutes les marges de manoeuvre du budget depuis 1998, c'est un fait. Sur l'ensemble de la précédente législature, les dépenses liées aux minima sociaux ont progressé de 3,64 milliards d'euros. Cela signifie que près de 83 % de la hausse des crédits observés sur cinq ans a servi à prendre en charge les minima sociaux.
Je pose maintenant ma deuxième question qui concerne précisément ces minima sociaux, en particulier le RMI. Le Gouvernement a, à plusieurs reprises, annoncé son intention de transformer le RMI en RMA, c'est-à-dire en revenu minimum d'activité. Je souhaiterais en savoir un peu plus concernant cette transformation. Vous inspirerez-vous, monsieur le ministre, des dispositions de la proposition de loi cosignée, à l'époque, par MM. Lambert et Marini - alors respectivement président et rapporteur général de la commission des finances -, et adoptée par le Sénat le 8 février 2001 ?
Quatrième observation, le Gouvernement a procédé à un indispensable assainissement financier, dont il faut lui donner acte.
Au cours des dernières années, le budget de la santé oubliait régulièrement d'inscrire certaines dépenses incombant obligatoirement à l'Etat ; j'ai parlé du financement du protocole hospitalier, je n'y reviens pas. Par ailleurs, l'Etat détenait aussi des dettes au titre de la prise en charge des minima sociaux, dont le montant atteignait 553 millions d'euros au 31 décembre 2001. Le collectif de l'été 2002 a heureusement ouvert des crédits afin d'honorer la quasi-totalité de ces dettes qui, dans le domaine social, atteignent un montant supérieur à 1,32 milliard d'euros. Il convient de se féliciter de cette décision, bien que l'Etat ait encore quelques dettes, notamment à l'égard de l'assurance maladie.
Par ailleurs, le budget pour 2003 renoue avec la progression des dépenses en capital - il faut saluer ce fait - alors que les crédits de paiement avaient diminué de 72 % entre 1998 et 2002 mais que, sur la même période, les moyens de l'ensemble du ministère augmentaient, eux, de 32,6 %.
Le projet de budget pour 2003, lui, renoue avec l'investissement. Les crédits de paiement progresseront de 10,6 %. En outre, l'investissement hospitalier bénéficiera du plan « Hôpital 2007 », qui prévoit un plan d'investissement de 1 milliard d'euros sur cinq ans, financé en loi de financement de la sécurité sociale.
Cinquième observation, le projet de budget pour 2003 est axé sur de bonnes priorités. Il convient de les saluer.
J'observe d'abord avec satisfaction que le Gouvernement a mis en oeuvre des premières mesures d'économie sur un certain nombre d'interventions.
Les interventions interministérielles de lutte contre la drogue et la toxicomanie permettront d'économiser 5,5 millions d'euros en 2003. Quant à la maîtrise des dépenses de personnel, j'y ai fait allusion tout à l'heure, je n'y reviens pas.
Ces économies contribueront à financer vos priorités en santé publique qui, je l'ai dit, sont, elles, tout à fait judicieuses.
Le Président de la République a annoncé, le 14 juillet dernier, les grandes orientations des cinq années à venir, parmi lesquelles figurent la lutte contre le cancer et l'insertion des personnes handicapées.
Le budget demandé pour 2003 dégage des moyens nouveaux pour les programmes de santé publique, grâce à une mesure nouvelle de 35 millions d'euros, notamment pour financer le programme de prévention et de dépistage du cancer.
Tous les programmes doivent être refondés, revigorés, renforcés, redynamisés dans le cadre d'une loi de programmation quinquennale en santé publique dont la discussion est prévue au Parlement au cours du premier semestre de 2003.
J'en viens aux personnes handicapées.
Le budget pour 2003 porte notamment la création de 3 000 places en centres d'aide par le travail, les CAT, de 400 postes d'auxiliaire de vie, de 30 sites pour la vie autonome, de 500 postes d'auxiliaire d'intégration scolaire et de postes pour le maintien à domicile de 103 personnes très lourdement handicapées. Ma troisième question porte sur ces priorités budgétaires, en particulier sur l'effort réalisé en faveur des personnes handicapées, et sur l'avenir. Quelles principales orientations de la réforme de 1975 en faveur des personnes handicapées entendez-vous retenir, et quel calendrier parlementaire envisagez-vous d'adopter ?
Telles sont, messieurs les ministres, les remarques qu'au nom de la commission des finances je voulais formuler. Cette dernière, bien entendu, est favorable à l'adoption des crédits de ce budget. Tout à l'heure, en son nom, j'aurai - je n'ose pas dire le plaisir - la charge de présenter un amendement, mais j'indique d'ores et déjà que les crédits que vous nous proposez sont satisfaisants et que les orientations que vous avez retenues nous paraissent excellentes. Vous avez donc notre confiance, et nous l'exprimerons par notre vote. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le rapporteur spécial, vous m'avez interrogé sur l'avenir du revenu minimum d'insertion et sur le projet du Gouvernement de créer un revenu minimum d'activité.
Selon nous, le RMI ne donne pas satisfaction, et ce à plusieurs titres.
Tout d'abord, ce dispositif ne fonctionne pas assez pour insérer les personnes qui en bénéficient dans un parcours conduisant à l'emploi. En effet, sur cent bénéficiaires du RMI, aujourd'hui, seul un quart, en moyenne, retrouve un travail dans les cinq ans. C'est évidemment très insuffisant et cela ne correspond pas aux objectifs qui avaient présidé à la création de ce dispositif.
De plus, il existe de très importantes disparités départementales en matière d'insertion, puisque un RMIste sur deux seulement a aujourd'hui signé un contrat d'insertion et que l'obligation légale annuelle pour les départements de métropole de consacrer 17 % des dépenses de RMI au volet insertion est, vous le savez, inégalement respectée. Sur le plan national, les reports cumulés de crédits départementaux d'insertion atteignaient, en 2000, près d'une demi-année d'obligation légale. Une autre critique exprimée par nos concitoyens doit être formulée ; elle concerne l'absence ou l'insuffisance de différentiel entre les revenus de l'assistance et ceux du travail. Ce point, me semble-t-il, a été au coeur de la crise politique et sociale que nous avons connue au mois d'avril dernier et qui reste à résoudre, ne nous y trompons pas. Dans notre pays, il existe aujourd'hui d'importantes fractures qui pourraient conduire à la renaissance de comportements extrémistes si nous ne trouvions pas rapidement des solutions à la fois réalistes, raisonnables, humaines pour y remédier.
Dès sa prise de fonctions, le Gouvernement s'est engagé à mener une réflexion dans deux directions, à savoir la décentralisation accrue de la gestion du revenu minimum d'insertion et la création d'un revenu minimum d'activité.
Sur le premier point, le Gouvernement est persuadé que les départements pourraient mieux gérer le revenu minimum d'insertion. En disant cela, je pense non pas à la gestion technique de ce revenu, qui est assumée largement et fort bien par les caisses d'allocations familiales, mais à la gestion d'ensemble d'un dispositif qui doit être piloté non par une administration, mais par un pouvoir politique qui est aujourd'hui celui des collectivités locales, principalement des départements. Un tel dispositif ne peut pas, en effet, être piloté par plusieurs « patrons » ...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Très bien !
M. François Fillon, ministre. ... car cela conduirait à des dérives qui se résument en un seul constat : aucun bénéficiaire, quel que soit son comportement, ne peut être radié...
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. Eh oui !
M. François Fillon, ministre. ... et même si, après bien des évaluations et des discussions, cela se produit, la personne peut se réinscrire sans difficulté, le dispositif étant géré de manière plurielle !
Le premier objectif du Gouvernement est de faire en sorte qu'il n'y ait qu'un pilote, le département, ce qui ne remet pas en cause la gestion technique des caisses d'allocations familiales. C'est d'ailleurs la proposition que je ferai dans le cadre des lois de décentralisation en 2003.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !
M. François Fillon, ministre. La deuxième proposition que fera le Gouvernement concerne la création d'un revenu minimum d'activité, qui viendra compléter et non remplacer le RMI. Cet engagement, qui avait été pris par le Président de la République, répond à la nécessité de trouver une étape intermédiaire entre l'assistance, le revenu minimum et l'insertion dans un emploi marchand, nécessité ressentie par beaucoup d'entre nous, quelle que soit notre place sur l'échiquier politique.
Nous pensons qu'il devrait être possible, demain, d'offrir à des personnes en difficulté un revenu d'insertion en échange d'heures de travail dans les collectivités locales ou dans le secteur non marchand. Tel est, en tout cas, pour l'instant, ce à quoi réfléchit le Gouvernement.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bravo !
M. François Fillon, ministre. Monsieur le rapporteur, il s'agit d'un dispositif un peu différent de celui qui avait été envisagé par MM. Alain Lambert et Philippe Marini dans la proposition de loi que vous évoquiez. Cela ne veut pas dire pour autant que nous excluons, dans notre réflexion, de prendre en compte certaines des idées qui avaient été émises. Je veux simplement faire remarquer, à ce stade du débat, c'est-à-dire très en amont de la présentation d'un texte devant le Parlement, que les aides à l'emploi trop ciblées sur certaines catégories de publics, par exemple les bénéficiaires de minima sociaux - ceux-là mêmes qui étaient visés par la proposition de loi sénatoriale - font courir un risque d'éviction à des personnes qui connaissent des difficultés comparables pour trouver un emploi.
Par ailleurs, il existe déjà un dispositif, le contrat initiative-emploi, visant précisément à alléger le coût du travail pour les entreprises qui embauchent des personnes relativement éloignées de l'emploi.
Vous le voyez, monsieur Gouteyron, nos réflexions sur ce sujet ne sont pas achevées. La représentation nationale y prendra évidemment toute sa part. Notre objectif est clair : faire en sorte que le revenu minimum d'insertion, conformément d'ailleurs à l'intention de ses fondateurs, ne constitue pas seulement une allocation minimum, mais qu'il représente aussi une véritable voie vers l'insertion et le retour à l'emploi. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d'abord de saluer la qualité de l'intervention de M. Gouteyron, qui, à son habitude, a analysé avec concision les différents aspects du budget de la santé.
Monsieur le rapporteur spécial, permettez-moi ensuite de rappeler mon engagement total dans la mise en oeuvre de la loi organique. La définition de nos politiques publiques en fonction d'objectifs de résultats chiffrés et associés à des financements est essentielle et implique une mutation très forte de l'administration.
Le choix des indicateurs interviendra lorsque ces objectifs seront mieux cernés, ce à quoi s'attèle aujourd'hui le ministère. Pour répondre à votre question, je vous livre néanmoins une réflexion générale que je préciserai dans le cadre de la future loi de santé publique.
Nous allons devoir fixer des objectifs de résultats précis et quantifiés, là où les enjeux des politiques publiques sont très généraux, dépendent de plusieurs départements ministériels ou de plusieurs collectivités publiques, là où, enfin, les objectifs de résultats seront très rarement tenus seuls par l'Etat, mais où ils impliqueront aussi nos concitoyens et leurs comportements. Cela me paraît évident pour la prévention en matière de santé par exemple.
Nous devons lier objectif de résultats et action en matière d'offre de soins. Ainsi, se fixer un objectif de résultat de réduction du nombre de cancers du sein ne peut pas forcément se traduire par une augmentation du nombre ou de la rémunération des radiologistes.
La future loi de santé publique est précisément destinée à doter notre système de santé d'indicateurs qui ne soient pas seulement d'ordre économique ou financier, mais qui soient également relatifs à l'état de santé de la population. Ce n'est pas le nombre d'hôpitaux, de scanners, de consultations, de B ou de Z qui compte vraiment. C'est le résultat de cette activité sur l'amélioration de la santé.
Par conséquent, le Parlement se prononcera sur des objectifs que nous devons atteindre dans cinq ans, et ces objectifs seront formulés en terme de mortalité, de morbidité, de fréquence d'exposition aux différents facteurs de risques majeurs, comme la consommation de tabac et d'alcool.
Nous insisterons tout particulièrement sur la mortalité prématurée, c'est-à-dire celle qui survient avant soixante-cinq ans. La France est très mal placée en Europe sur cet indicateur, et je veux corriger cela.
Enfin, nous travaillons aussi pour disposer d'indicateurs de qualité de vie, car cela est la seule chose pertinente pour les personnes âgées.
S'agissant des 5 millions d'euros inscrits au projet de loi de finances pour la santé publique, cette mesure nouvelle est destinée à lancer des actions exemplaires qui vont préfigurer les nouvelles formes d'action en santé publique que j'entends promouvoir.
Je ne suis pas encore en mesure de vous présenter les priorités que je soumettrai au Parlement, car les consultations ne sont pas achevées. Mais il est évident qu'y figureront deux des chantiers présidentiels annoncés le 14juillet dernier : le cancer et la « violence » routière - je préfère ce terme à celui de « sécurité ».
S'agissant du cancer, je prévois des expérimentations de nouveaux programmes de prévention et de prise en charge. Celles-ci seront décidées au début de l'année 2003, lorsque, avec le président de la République, nous annoncerons les orientations du chantier sur le cancer.
Pour la violence routière, le ministère de la santé n'a guère été actif sur ce sujet au cours des dernières années. Je compte proposer au comité interministériel de la sécurité routière qui se tiendra le 12 décembre prochain une série de mesures qui concerneront les modifications des comportements des conducteurs au regard de l'alcool et des médicaments, une meilleure connaissance des attitudes face aux risques et, monsieur le rapporteur, une amélioration de la prise en charge immédiate des blessés de la moelle épinière et du crâne. Ces mesures seront financées sur cette enveloppe.
S'agissant de votre question portant sur les personnes handicapées, la révision de la loi de 1975 est nécessaire vingt-sept ans après, et nous y travaillons. Cela relève de la responsabilité particulière de Mme Boisseau, qui reçoit, consulte et se rend chaque semaine sur le terrain.
Notre conviction est que doivent être réaffirmés dans cette future loi de grands principes tels que la solidarité nationale et le choix de vie. Ce texte prendra aussi en compte la nécessité de mieux évaluer les besoins de la personne et d'apporter des réponses plus individualisées, que ce soit dans les domaines de l'école, du travail ou de la vie quotidienne.
Accueillir, accompagner, intégrer et compenser seront les grandes lignes directrices du projet de loi que nous vous présenterons dans le courant de l'année 2003. Le défi qui nous attend, monsieur le rapporteur, est celui qu'évoquait récemment une jeune myopathe s'exprimant en ces termes : « Je veux donner le maximum de mes capacités, mais la société doit faire le nécessaire pour que je puisse donner. »
M. Paul Blanc. Très bien !
M. Jean-François Mattei, ministre. Ce défi, nous souhaitons le relever avec vous tous. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. Très bien !
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à quinze heures cinq, sous la présidence de M. Guy Fischer.)