SEANCE DU 29 NOVEMBRE 2002
L'amendement n° II-17, présenté par MM. Arthuis, Marini et Ostermann au nom de
la commission des finances, est ainsi libellé :
« Augmenter la réduction des crédits du titre IV de 5 000 000 euros.
« En conséquence, porter le montant des mesures nouvelles négatives à
moins
1 036 602 129 euros. »
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Joseph Ostermann,
rapporteur spécial.
Dans le cadre de la politique de maîtrise des
dépenses publiques menée par la commission des finances, cet amendement tend à
réduire les crédits destinés au travail. Cet objectif est d'autant plus
justifié que le Gouvernement a revu à la baisse les recettes fiscales.
M. Roland Muzeau.
C'est un scandale !
M. Joseph Ostermann,
rapporteur spécial.
Ainsi, 700 millions d'euros de moins entreront dans
les caisses de l'Etat. Il faut donc faire des économies si l'on ne veut pas
augmenter les impôts.
La réduction envisagée porte sur les bourses d'accès à l'emploi destinées aux
jeunes en insertion. Je rappelle que le programme TRACE est maintenu. Seules
les bourses seront donc supprimées en 2003, le dispositif n'ayant pas été
reconduit. Il faudra financer uniquement les bourses accordées en 2002, qui
arriveront à échéance en 2003.
Il apparaît que les 30 millions d'euros prévus en 2003 pour ces bourses, bien
qu'en forte baisse par rapport à 2002, excèdent encore le coût attendu.
La réduction proposée s'élève à 5 millions d'euros. Elle est réaliste et somme
toute modeste rapportée à un budget de plus de 15 milliards d'euros.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon,
ministre.
Monsieur le rapporteur, la suppression de la bourse d'accès à
l'emploi interviendra à la fin de l'année 2002. Il s'agissait d'un dispositif
expérimental ; nous en tirerons le bilan qui servira dans le cadre de la mise
en oeuvre du CIVIS.
Les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2003, s'élevant à
30 millions d'euros, ne visent donc qu'à permettre de continuer à financer le
programme des personnes entrées dans le dispositif avant la fin de 2002. Il est
exact que, compte tenu du rythme actuel des entrées, la dotation pour 2003 peut
être réduite de 5 millions d'euros.
Je m'en remets donc à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
M. le président.
La parole est à M. Gilbert Chabroux, contre l'amendement.
M. Gilbert Chabroux.
Cet amendement, comme un certain nombre de ceux que la commission des finances
a déposés sur différents budgets, témoigne d'une forme d'intégrisme comptable
qui méconnaît totalement la réalité sociale.
Le Gouvernement a déjà choisi de mettre
de facto
un terme au programme
TRACE, en supprimant la bourse d'accès à l'emploi. Il est bon de rappeler que
le programme TRACE s'adresse à des jeunes en grande difficulté, et n'est pas
une simple formule. L'expression « en grande difficulté » renvoie à la solitude
de jeunes qui n'ont pas de famille, ou qui ont une famille avec laquelle, quand
ils en ont une, ils ne peuvent plus cohabiter. Ils sont donc sans logement et
vivent souvent en foyer. Des problèmes de santé se posent également à eux de
façon cruciale, et ce point a été négligé depuis longtemps. Bien entendu, ils
sont sans ressources et, en général, sans aucune formation, leur environnement
n'ayant pas été - c'est un euphémisme ! - propice à l'étude.
L'intérêt du programme TRACE était justement de conjuguer pour ces jeunes une
insertion sociale et professionnelle ainsi qu'une formation, en leur procurant
des petites ressources qui leur permettaient d'assurer le quotidien, entre deux
sessions de formation.
La réduction du programme TRACE est une décision lourde de conséquences. Cela
signifie que ces jeunes, froidement rendus à leur dénuement matériel, ne seront
plus en situation de suivre à peu près sereinement un parcours d'insertion. Ils
vont être contraints d'accepter dans l'urgence n'importe quel petit boulot
précaire, sans espoir de voir leur condition s'améliorer.
C'est une responsabilité sociale et humaine importante que le Gouvernement
veut endosser. Il le fait - il faut le reconnaître - avec précaution puisqu'il
n'entend pas mettre fin brutalement au programme TRACE. Comment, d'ailleurs,
pourrait-il le justifier auprès des grandes associations d'insertion et des
associations humanitaires qui travaillent pour et avec ces jeunes ?
La commission des finances ne fait pas preuve de la même prudence, et il est
manifeste qu'elle entend, au sens propre, arrêter rapidement les frais.
Cette décision risque de renvoyer ces jeunes au désespoir, après qu'on leur a
manifesté de l'intérêt, du respect, et qu'on a trouvé avec eux un début de
solution.
L'adoption de cet amendement équivaudrait à une condamnation immédiate.
(Protestations sur les travées du RPR.)
Nous voterons évidemment contre
et nous demandons un scrutin public.
(Applaudissements sur les travées du
groupe socialiste.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Je veux d'abord rendre hommage à M. François
Fillon qui, ce matin, avec conviction, nous a rappelé les objectifs que s'est
fixés le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin en matière d'emploi, de cohésion
sociale et de formation professionnelle.
Ces objectifs constituent une véritable ambition politique ; ils sont fondés
sur une vision réaliste de notre société, ils visent à réinsérer chacun dans le
monde du travail, à ne pas se payer de mots, à rompre avec une politique
d'affichage.
A cet égard, M. Chabroux devrait peut-être modérer son expression. Il n'est
pas question de je ne sais quel « intégrisme » ! Il s'agit là d'une discussion
budgétaire, et nous avons appris, parce que le Gouvernement joue la carte de la
sincérité et de la transparence,...
M. Roland Muzeau.
Non !
M. Jean Chérioux.
Cela change !
M. Roland Muzeau.
On en reparlera !
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances.
... que les prévisions sur
lesquelles se fondait l'estimation des recettes budgétaires au mois de
septembre devaient être révisées...
M. Gilbert Chabroux.
Mauvaises prévisions !
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances.
... et que l'article
d'équilibre, que nous avons voté mercredi soir, était amputé de 700 millions
d'euros de recettes fiscales.
M. Guy Fischer.
On n'a même pas pu en discuter avec la commission des finances !
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances.
C'est cela le réalisme, c'est
cela la rupture avec le budget mensonger dont nous discutions, vous vous en
souvenez, il y a tout juste un an.
(Protestations sur les travées du groupe
CRC et du groupe socialiste.)
Alors, ne nous payons pas de mots ! Il ne saurait être question de voter un
budget comportant 700 millions d'euros de recettes en moins.
Il est vrai que le Sénat, par une heureuse initiative, apporte un supplément
de recettes de 400 millions d'euros, qui permet d'arrondir les dotations de
solidarité urbaine, les DSU, et les dotations de solidarité rurale, les DSR,
qui contribuent à l'aménagement du territoire, ainsi qu'à la cohésion sociale.
C'est une démarche de confiance vis-à-vis des acteurs de la démocratie
locale.
La commission des finances, dans l'urgence bien sûr et je prie ceux de nos
collègues qui n'ont pas été associés à ce débat de me pardonner mais nous
travaillons en temps réel...
M. Guy Fischer.
Pas du tout !
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances.
... pour répondre à une exigence
de réalisme et de responsabilité -, la commission des finances, disais-je, a
pensé qu'il était de son devoir - ce n'est pas une mission facile - de demander
à chaque ministre une contribution à l'économie que nous devons réaliser.
Lorsque les recettes s'estompent, il en est ainsi dans les familles comme dans
les entreprises : on cherche à faire des économies, et c'est ce que nous
faisons.
Je voudrais au passage saluer l'abnégation que manifeste M. le ministre des
affaires sociales, du travail et de la solidarité puisqu'il s'en remet à la
sagesse du Sénat sur cette amendement.
Bien entendu, je voterai cet amendement, que j'ai déposé avec M. le rapporteur
général et M. le rapporteur spécial comme je voterai l'ensemble des crédits du
ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.
M. Roland Muzeau.
Comme je l'ai déjà indiqué dans mon intervention précédente, nous dénonçons la
baisse des crédits du travail pour 2003 car ils sont notoirement insuffisants.
Pour preuve, le montant des exonérations de cotisations sociales patronales
sera supérieur l'an prochain au montant des crédits du travail.
Tous les dispositifs volontaristes de nature à accroître quantitativement
l'emploi mis en oeuvre ces dernières années - la RTT et les emplois-jeunes -,
toutes les mesures de traitement social du chômage, quelles que soient leurs
limites, font les frais de la grosse soustraction proposée par le Gouvernement,
qui mise uniquement sur l'allégement du coût du travail.
Alors que tout le monde s'accorde à dire que les jeunes sont les premières
victimes de la dégradation du marché du travail, le Gouvernement a adopté un
contrat jeune en entreprise qui n'est assorti d'aucune obligation de
formation.
Pour ceux qui sont très éloignés de l'emploi, qui alternent les périodes de
stage et de recherche d'emploi, qui ont des besoins vitaux immédiats pour se
loger et se nourrir, un accompagnement individualisé s'impose. Or le dispositif
TRACE est remis en cause.
Comme si cela ne suffisait pas, la commission des finances, soucieuse d'aider
le Gouvernement à tenir son budget au regard des réajustements de croissance,
nous propose une coupe supplémentaire, dont la commission des affaires sociales
n'a même pas été saisie, de 5 millions d'euros sur les crédits servant au
financement des bourses d'accès à l'emploi destinées aux jeunes en insertion
!
Un autre amendement, que nous examinerons dans un instant, vise à l'inverse à
prolonger les exonérations aux entreprises. C'est proprement scandaleux ! C'est
chercher à faire des économies sur le dos des jeunes, déjà en situation de
grande précarité, et accepter de les laisser s'enfermer dans l'exclusion.
Nous nous opposons vigoureusement à cet amendement, et nous demandons un
scrutin public.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° II-17.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public, émanant l'une du groupe
socialiste et l'autre du groupe communiste républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du
règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Nombre de votants | 319 |
Nombre de suffrages exprimés | 319 |
Majorité absolue des suffrages | 160 |
Pour l'adoption | 206 |
Contre | 113 |
Je mets aux voix, modifiés, les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits sont adoptés.)
ÉTAT C
M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 11 390 000 euros ;