SEANCE DU 28 NOVEMBRE 2002
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. GUY FISCHER
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Organisme extraparlementaire
(p.
1
).
3.
Dépôt d'un rapport du Gouvernement
(p.
2
).
4.
Loi de finances pour 2003.
- Suite de la discussion d'un projet de loi (p.
3
).
Jeunesse, éducation nationale et recherche
I. - JEUNESSE ET ENSEIGNEMENT SCOLAIRE (p.
4
)
M. le président.
MM. Roger Karoutchi, rapporteur spécial de la commission des finances ; Luc
Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche ;
Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire.
MM. Pierre Martin, rapporteur pour avis de la commission des affaires
culturelles pour la jeunesse ; Philippe Richert, rapporteur pour avis de la
commission des affaires culturelles pour l'enseignement scolaire ; Mme Annie
David, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour
l'enseignement technologique et professionnel ; le ministre, le ministre
délégué.
MM. Jean Arthuis, président de la commission des finances ; le ministre, Ivan
Renar.
MM. Jean-René Lecerf, le ministre délégué.
MM. Pierre Laffitte, le ministre.
MM. Jean-Claude Carle, le ministre.
MM. Serge Lagauche, le ministre.
MM. Jean-Louis Lorrain, le ministre délégué.
Mme Annie David, M. le ministre.
MM. André Lardeux, le ministre.
MM. François Fortassin, le ministre.
MM. René-Pierre Signé, le ministre.
MM. Ivan Renar, le ministre.
5.
Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire de Pologne
(p.
5
).
6.
Loi de finances pour 2003.
- Suite de la discussion d'un projet de loi (p.
6
).
Jeunesse, éducation nationale et recherche
(suite)
I. - JEUNESSE ET ENSEIGNEMENT SCOLAIRE
(suite)
(p.
7
)
MM. Alain Gournac, le ministre.
MM. Jean-Marc Todeschini, le ministre.
MM. Adrien Gouteyron, le ministre.
Crédits du titre III (p. 8 )
Mmes Annie David, Hélène Luc, MM. Ivan Renar, le président de la commission des
finances, Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles ;
Claude Biwer.
Adoption des crédits.
Crédits des titres IV à VI. - Adoption (p.
9
)
Suspension et reprise de la séance
(p.
10
)
II. - ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR (p.
11
)
MM. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial de la commission des finances ;
Jean-Léonce Dupont, rapporteur pour avis de la commission des affaires
culturelles ; Georges Othily, Jean-Pierre Sueur, Ivan Renar, Jean-René Lecerf,
Serge Lagauche, Jacques Valade, président de la commission des affaires
culturelles.
M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la
recherche.
Crédits du titre III (p. 12 )
Amendement n° II-12 de la commission. - MM. le rapporteur spécial, Jean Arthuis, président de la commission des finances ; le ministre, Ivan Renar, Serge Lagauche, Jean-Pierre Sueur, Pierre Laffitte, Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances ; Claude Estier, Jean-Philippe Lachenaud.
Suspension et reprise de la séance (p. 13 )
M. le président de la commission des finances, Mme Hélène Luc. - Adoption, par
scrutin public, de l'amendement n° II-12.
Adoption des crédits modifiés.
Crédits des titres IV à VI. - Adoption (p.
14
)
III. - RECHERCHE ET NOUVELLES TECHNOLOGIES (p.
15
)
MM. René Trégouët, rapporteur spécial de la commission des finances ; Pierre
Laffitte, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour
la recherche et les nouvelles technologies ; Henri Revol, rapporteur pour avis
de la commission des affaires économiques pour la recherche ; Henri Revol,
Jean-Marc Todeschini, Ivan Renar, Lucien Lanier, Pierre Laffitte, Serge
Lagauche, Jean-Claude Etienne, Georges Othily, Jean-Pierre Sueur.
Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles
technologies.
Crédits du titre III. - Adoption (p.
16
)
Crédits du titre IV (p.
17
)
Mme Marie-Christine Blandin.
Adoption des crédits.
Crédits des titres V et VI. - Adoption (p. 18 )
Mme la ministre déléguée, M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.
Suspension et reprise de la séance (p. 19 )
PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON
7.
Financement de la sécurité sociale pour 2003.
- Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire (p.
20
).
Discussion générale : MM. Nicolas About, président de la commission des
affaires sociales, en remplacement de M. Alain Vasselle, rapporteur pour le
Sénat de la commission mixte paritaire ; Jean-François Mattei, ministre de la
santé, de la famille et des personnes handicapées ; Guy Fischer, Gilbert
Chabroux.
Clôture de la discussion générale.
Texte élaboré par la commission mixte paritaire (p.
21
)
Vote sur l'ensemble (p.
22
)
M. Paul Blanc.
Adoption du projet de loi.
8.
Dépôt d'une proposition de résolution
(p.
23
).
9.
Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
(p.
24
).
10.
Ordre du jour
(p.
25
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. GUY FISCHER
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE
M. le président.
J'informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien
vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein du
Conseil national consultatif des personnes handicapées.
Conformément à l'article 9 du règlement, j'invite la commission des affaires
sociales à présenter une candidature.
La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu
ultérieurement, dans les conditions prévues par l'article 9 du règlement.
3
DÉPÔT D'UN RAPPORT DU GOUVERNEMENT
M. le président.
M. le président a reçu de M. le Premier ministre le rapport de la Commission
des comptes des transports de la nation, établi en application de l'article 12
de la loi de finances rectificative pour 2002.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
4
LOI DE FINANCES POUR 2003
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances
pour 2003 (n° 67, 2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale. [Rapport n° 68
(2002-2003).]
Nous en sommes parvenus aux dispositions de la deuxième partie du projet de
loi de finances.
DEUXIÈME PARTIE
MOYENS DES SERVICES
ET DISPOSITIONS SPÉCIALES
M. le président.
Le Sénat va examiner aujourd'hui l'ensemble des dispositions du projet de loi
de finances concernant la jeunesse, l'éducation nationale et la recherche.
Jeunesse, éducation nationale et recherche
I. - JEUNESSE ET ENSEIGNEMENT SCOLAIRE
M. le président.
Le Sénat va examiner tout d'abord les dispositions du projet de loi de
finances concernant la jeunesse, l'éducation nationale et la recherche : I. -
Jeunesse et enseignement scolaire.
J'indique au Sénat que, pour l'examen de ce premier fascicule budgétaire, la
conférence des présidents a opté, sur proposition du président de la commission
des finances, pour la formule des questions et réponses, expérimentée ces deux
dernières années, afin de rendre notre discussion plus vivante, plus dynamique
et plus interactive.
Ainsi, M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de
la recherche, et M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire,
répondront immédiatement et successivement au rapporteur spécial, aux trois
rapporteurs pour avis et, enfin, à chaque orateur des groupes.
Ces réponses successives se substitueront à la réponse unique en fin de
discussion. Chacune des questions des orateurs des groupes ne doit pas dépasser
cinq minutes. Le Gouvernement répondra en trois minutes à chaque orateur -
c'est un art difficile, messieurs les ministres, mais je ne doute pas que vous
y excellerez -, l'orateur disposant d'un droit de réplique de deux minutes
maximum.
La réussite de cette formule suppose que chacun « joue le jeu ». J'invite en
particulier chaque intervenant à respecter à la fois l'esprit de la procédure,
qui repose sur des questions précises et en nombre limité, et les temps de
parole impartis, en insistant sur ce dernier point du fait du nombre des
orateurs inscrits.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Roger Karoutchi,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Ce projet de budget fait montre,
messieurs les ministres, d'un pragmatisme qu'il convient de saluer.
Pragmatisme, car vous n'avez pas hésité à prolonger, en les amplifiant, les
mesures les plus heureuses impulsées par le précédent gouvernement : la relance
de l'internat, la pérennisation et l'approfondissement du plan de scolarisation
des enfants et adolescents handicapés « Handiscol », la revalorisation du
statut des infirmières scolaires, autant de mesures ébauchées sous la
précédente législature et qu'il convenait de maintenir et de conforter dans ce
nouvel exercice.
Pragmatisme encore dans la consolidation, mais, heureusement, sur des bases
nouvelles, de la généralisation de l'enseignement des langues vivantes à
l'école primaire, qui s'était jusqu'ici traduite par le recours, désordonné et
insuffisamment financé, à une multitude d'intervenants extérieurs. Il convenait
d'y mettre bon ordre ; c'est chose faite.
Ce pragmatisme, mes chers collègues, tranche avec certaines pratiques
précédentes qui tendaient, chacun le sait, à multiplier les effets d'annonce et
les demandes de rapports sans mettre en place les structures concrètes ou les
financements adaptés.
Je dois dire que, pour ma part, j'approuve pleinement les orientations du
nouveau gouvernement, qui s'attache à revaloriser la pédagogie du travail et de
l'effort, à mettre plus nettement l'accent sur l'acquisition des savoirs de
base que sont la lecture et l'écriture, et qui s'attaque de front aux fléaux
que sont l'illettrisme, la violence et la déscolarisation.
De ce point de vue, la création de dispositifs relais et le développement des
actions « école ouverte » sont des mesures pragmatiques dont l'efficacité est
unanimement reconnue.
Une telle approche n'exclut cependant pas les prises de conscience.
Quels que soient ses choix ou ses préférences politiques, chacun reconnaît
votre courage, messieurs les ministres, dans l'analyse de la situation.
En premier lieu, vous avez eu le courage de reconnaître que l'école marquait
le pas.
Depuis maintenant plus de dix ans, l'école ne parvient plus à réduire
l'effectif des quelque 20 % d'élèves qui entrent en sixième sans maîtriser les
savoirs fondamentaux. De nombreux jeunes - et, là aussi, les chiffres stagnent
à un niveau élevé - sortent chaque année du système éducatif sans aucune
qualification. La violence, les incivilités, la déscolarisation touchent un
nombre croissant d'élèves de plus en plus jeunes.
Toutes ces évolutions remettent gravement en cause le principe même d'égalité.
Il faut avoir le courage de prendre en compte ces problèmes, sans
a
priori
mais aussi sans naïveté.
En second lieu, vous avez eu le courage de trancher avec l'idéologie de « la
grande réforme » qui marquait, de manière récurrente, chaque époque du nom d'un
ministre de l'éducation. La « grande réforme » n'est plus adaptée : il faut
mettre un terme aux rafales de réformes pédagogiques, qui n'avaient en pratique
guère d'autres conséquences que la désorganisation des établissements ou du
travail des enseignants, imposées à l'enseignement scolaire au cours des
dernières années.
En troisième lieu, vous avez eu le courage de mettre un terme - et c'était le
plus difficile - à la fuite en avant de l'augmentation des moyens, présentée
jusqu'ici comme la solution à tous les problèmes, alors que la plupart n'ont
fait que s'aggraver.
Faut-il rappeler que les effectifs enseignants ont crû de plus de 1,2 % par an
en moyenne au cours de la période 1990-2002, tandis que les effectifs d'élèves
baissaient continûment depuis 1995 ? Faut-il souligner que la France dépense
d'ores et déjà pour l'enseignement scolaire bien plus que la moyenne des pays
de l'OCDE ?
Convient-il d'injecter encore et encore du carburant dans un moteur noyé ? Ne
faut-il pas plutôt faire l'état des lieux et tenter d'apporter des solutions
?
Le projet de budget de la jeunesse et de l'enseignement scolaire prévoit en ce
sens une inflexion des effectifs : un peu plus de 3 400 emplois budgétaires à
structure constante, environ 20 000 si l'on tient compte de la baisse des
effectifs d'aides-éducateurs.
J'estime pour ma part normal, dans un contexte où la maîtrise des dépenses
publiques est de mise, que les effectifs en personnel de l'enseignement
scolaire s'ajustent aux évolutions du nombre d'élèves, d'autant que la
réduction de la taille des classes n'apparaît plus, selon les différentes
études tant de l'inspection générale de l'éducation nationale, l'IGEN, que de
l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale, l'IGAEN,
comme la solution miracle aux problèmes de l'éducation nationale.
La priorité accordée à l'enseignement primaire avec la création de 1 000
postes supplémentaires d'enseignants est par ailleurs triplement légitime :
parce que les effectifs augmentent à nouveau légèrement ; parce que la part des
dépenses que nous lui consacrons est aujourd'hui, contrairement à
l'enseignement secondaire, légèrement inférieure à la moyenne des pays de
l'OCDE ; enfin et surtout parce que l'école primaire est le lieu où se forge
aujourd'hui l'échec scolaire, échec dont on ne peut que constater les
douloureux effets au collège.
J'en viens aux maîtres d'internat et surveillants d'externat, les MI-SE, qui
ont tant défrayé la chronique. De très nombreux rapports internes à l'éducation
nationale, dont celui de 1999, mettaient en cause leur statut, qui était
supposé donner un « coup de pouce » à des jeunes « méritants » recrutés sur
critères sociaux, dans le but de les aider à poursuivre leurs études
supérieures et à préparer les concours d'enseignement. Dans les faits, chacun
le sait, ce « coup de pouce » s'est souvent révélé peu probant, entravant même
parfois gravement la réussite aux concours de ces jeunes. Il convenait donc de
réformer ce statut.
Quant aux emplois-jeunes, souvent considérés comme des aides-éducateurs,
dois-je rappeler que le gouvernement précédent, qui ne payait d'ailleurs pas
leurs cotisations chômage, n'avait prévu ni dispositif de reclassement ni
sortie en sifflet ? Vous avez souhaité, messieurs les ministres, répondre à ce
type de problème par la création, dès septembre 2003, d'un nouveau corps, celui
des assistants d'éducation, sur lequel je vous interrogerai à la fin de mon
intervention.
Sur un plan plus général de l'élaboration du budget de l'éducation, de réels
progrès en matière d'indicateurs et de transparence de la gestion sont à
saluer. Les systèmes de suivi et d'analyse de la consommation des emplois
s'affinent. Le contrôle local de l'emploi s'accentue. La présentation des
documents budgétaires gagne en clarté.
Ces progrès doivent être poursuivis, d'autant que certaines carences
subsistent. En effet, tout dernièrement, les crédits destinés à payer les
enseignants non titulaires pour les mois de novembre et de décembre 2002 ont dû
être abondés à hauteur de 130 millions d'euros, ce qui traduit bien les
dysfonctionnements de gestion au sein des académies.
Ces progrès en matière de contrôle de gestion ont, en outre, permis de mieux
appréhender les divers dysfonctionnements qui minaient le ministère de
l'éducation nationale : l'excès de centralisme ; l'inadaptation de la
définition des obligations de service des enseignants à l'évolution de leur
métier, qui est difficile ; la faiblesse des relations pédagogiques entre les
niveaux d'enseignement ; les carences de la gestion prévisionnelle des
ressources humaines et de la formation continue des personnels ; l'incapacité à
poser les problèmes en termes de gestion des coûts ; enfin, la surconsommation
des moyens pour maîtriser techniquement la rentrée scolaire.
Bien sûr, ces constats ne sont pas nouveaux, mais les réformes inévitables
avaient jusqu'ici été différées, ce qui n'est plus tolérable lorsque l'on sait
qu'il s'agit là du premier budget de l'Etat.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances a
naturellement émis un avis favorable sur ce projet de budget.
Permettez-moi maintenant, messieurs les ministres, de vous poser trois
questions qui intéressent nombre de nos collègues et qui émeuvent quelque peu,
si je puis dire, l'opinion publique, en particulier, bien sûr, le corps
enseignant et l'ensemble du monde de l'éducation.
Ma première question, la plus globale, concerne l'intégration du budget de
l'éducation nationale à l'ensemble du budget de l'Etat. Compte tenu de la
dégradation des recettes générales prévue en 2003, quels efforts envisagez-vous
de consentir ? Quelles réductions de crédits êtes-vous prêts à proposer, et
comment les rendre compatibles avec l'ensemble de votre politique éducative
?
Par ailleurs, en prévoyant la création de 11 000 postes d'assistant
d'éducation en remplacement des 28 000 emplois-jeunes, ne prenez-vous pas le
risque d'une mauvaise interprétation de vos directives par les parents
d'élèves, dont l'une des principales préoccupations demeure la sécurité des
enfants face à la montée de la violence ? Quelle politique entendez-vous mener
en matière de sécurité dans les établissements scolaires ?
Enfin, je souhaiterais connaître votre position, messieurs les ministres, sur
le texte relatif à l'organisation décentralisée de la République. Des
adaptations dans le domaine de l'éducation sont-elles d'ores et déjà envisagées
? Quelle réponse opposez-vous aux rumeurs qui circulent parfois, faisant état
d'une décentralisation rapide, notamment vers les régions, d'un certain nombre
de services du ministère ?
M. Jean-Claude Carle.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Luc Ferry,
ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.
Monsieur le rapporteur, je vous remercie chaleureusement de votre analyse tout
à fait juste de la situation budgétaire que nous soumettons aujourd'hui au
Sénat.
Avant de répondre d'emblée à vos trois questions sans présenter l'ensemble du
projet de budget, puisque telle est la règle du jeu, je rappellerai tout de
même que le budget de l'éducation nationale a augmenté de 25 % dans les dix
dernières années. Or je crois sincèrement que personne ne pourrait affirmer,
sans prêter à rire, que les résultats de notre système éducatif, dans les
domaines que vous avez évoqués, ont également progressé de 25 % !
Il est donc nécessaire de passer d'une logique de la quantité à une logique de
la qualité, d'une logique de l'accroissement des moyens à une logique de
l'amélioration des performances. Cela suppose que nous tenions les deux bouts
de la chaîne, en nous donnant les moyens, notamment financiers, d'atteindre nos
objectifs prioritaires en matière de prévention de l'illettrisme, de création
de classes en alternance, de lutte contre l'échec scolaire d'une manière
générale et de lutte contre la violence et l'insécurité, tout en étant capables
de faire des économies - il faut dire les choses comme elles sont - et de nous
associer à l'effort de rigueur budgétaire de l'ensemble du Gouvernement, pour
réduire un déficit dont nous connaissons tous, aujourd'hui, l'ampleur.
Comment y parvenir ?
En ce qui concerne notre action au cours de l'année 2002, il faut reconnaître
que nous disposions de peu de temps, puisque, alors que le Gouvernement est
entré en fonctions en mai, le budget était pratiquement « bouclé » à la fin du
mois de juin. Cela nous laissait donc peu de latitude pour réorganiser aussi
intelligemment que nous l'aurions souhaité un budget difficile.
Tout d'abord, nous avons déjà décidé de réorienter les moyens au profit des
actions à entreprendre en priorité.
M. Philippe Richert,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour
l'enseignement scolaire.
Très bien !
M. Luc Ferry,
ministre.
C'est la raison pour laquelle nous avons renoncé à créer les 5
000 postes d'enseignant du second degré qui étaient prévus dans le PPE, le plan
prévisionnel pour l'emploi, élaboré par mon prédécesseur, puisqu'il nous est
apparu que la baisse des effectifs scolarisés permettait de continuer à
améliorer les taux d'encadrement dans les classes. Par conséquent, il n'était
absolument pas nécessaire de créer ces postes.
Par ailleurs, nous avons choisi de recentrer les dispositifs qui ne donnaient
pas satisfaction. Je pense, en particulier, aux emplois-jeunes, mais aussi au
dispositif des maîtres d'internat et surveillants d'externat.
Je dois quand même rappeler, en répondant ainsi au passage à la deuxième
question que vous avez posée, monsieur le rapporteur spécial, que nous pouvions
décider, au mois de juin, soit de pourvoir les 5 600 postes de surveillant qui
étaient vacants, alors que tout le monde reconnaissait que le fonctionnement de
ce dispositif et le statut de ces personnels n'étaient pas satisfaisants à la
fois pour les établissements, en raison des absences trop fréquentes des
surveillants, et pour les intéressés, qui échouaient trop souvent à leurs
examens, soit de supprimer ces 5 600 postes et d'utiliser une partie des
crédits correspondants pour mettre en place le dispositif des assistants
d'éducation, selon des modalités que nous annoncerons dans les jours qui
viennent.
A cet égard, je voudrais cependant exposer dès à présent quelques-uns des
principes qui régiront le dispositif.
En premier lieu, les assistants d'éducation seront recrutés directement par
les établissements, afin de garantir qu'ils y seront plus présents.
En deuxième lieu, le dispositif favorisera le recours au travail à temps
partiel, notamment à mi-temps, pour que les étudiants puissent se consacrer
davantage à leurs études et pour que nous puissions, par ce biais, en aider un
plus grand nombre.
En troisième lieu, nous instaurerons, avec l'accord des universités, un
système de validation des acquis de l'expérience qui permettra à ces étudiants
de bénéficier d'un certain nombre de crédits et d'échouer ainsi moins souvent à
leurs examens de premier cycle, s'agissant en particulier des étudiants
préparant le DEUG, le diplôme d'études universitaires générales.
En quatrième lieu, nous mettrons en place, avec les régions, un système de
formation mieux adapté.
En ce qui concerne les économies budgétaires, qui faisaient l'objet de votre
première question, monsieur le rapporteur spécial, nous avons également choisi
dès cette année de modérer le rythme de montée en charge de certains
dispositifs qui n'avaient pas véritablement été évalués. Je pense en
particulier, ici, à l'enseignement des langues dans les classes de cours
élémentaire deuxième année, mais aussi aux classes à projet artistique et
culturel, les « classes à PAC ». L'ampleur de ce dernier dispositif sera
quelque peu réduite, à hauteur de 15 %, dans l'attente des résultats de
l'évaluation en cours, ce qui me paraît tout à fait légitime.
Cependant, il y a évidemment davantage et mieux à faire, notamment sur le
chapitre, assez scandaleux, des surnombres. Ce point n'apparaît pas dans le
projet de budget, mais, sur le fond, il est évidemment très important. Dans le
second degré, on en a compté jusqu'à près de 4 000, et il en subsistera, à la
fin de l'année, 2 600 : c'est encore beaucoup trop. Plus généralement, dans le
second degré, des emplois ont été créés, au cours des deux dernières années,
par le biais de suppressions de crédits, c'est-à-dire par transformation,
notamment, d'heures supplémentaires. Or la vérité est que ces crédits n'ont pas
été supprimés et que cette gestion a abouti à un dépassement budgétaire de 130
millions d'euros. Cela n'apparaît pas, je le répète, mais c'est bien entendu
sur ce chapitre, en particulier, que nous pouvons et devons rationaliser la
gestion du budget et réaliser des économies véritables.
J'évoquerai maintenant un dernier point très important.
Nous avons engagé un audit visant à évaluer, pour les dix ans à venir, la
baisse des effectifs scolarisés et le nombre des départs à la retraite, ainsi
que l'état réel du « vivier » dans lequel nous pourrons recruter des
enseignants à l'avenir, afin de pouvoir ajuster les chiffres en question.
Telles sont donc les économies que nous proposons de réaliser en 2003.
S'agissant de la question des emplois-jeunes, je rappelle que, lorsque le
dispositif a été mis en place, les besoins réels des établissements n'avaient
pas véritablement été pris en compte. Nous prolongeons d'ailleurs jusqu'au mois
de septembre les contrats qui arrivaient à leur terme en janvier, afin qu'il
n'y ait pas d'interruption brutale des services qu'assurent ces personnels au
sein des établissements. Par ailleurs, les attributions des assistants
d'éducation qui viendront en remplacement des emplois-jeunes seront recentrées
sur les missions essentielles de surveillance et d'aide aux handicapés. Enfin,
les écoles primaires qui affrontent les plus grandes difficultés bénéficieront
d'une aide de notre part.
Avant de laisser la parole à mon collègue Xavier Darcos, je soulignerai que
nous entendrons dans les semaines à venir, notamment le 8 décembre, sans doute,
une argumentation, que je juge véritablement déplorable, selon laquelle il est
scandaleux que le Gouvernement propose de réduire les effectifs de
surveillants, alors même que les phénomènes de violence se développent dans les
établissements.
Je répondrai par avance à cette accusation sur deux plans.
Tout d'abord, elle est infondée, car je m'engage à ce que les surveillants
soient plus nombreux dans les établissements à la rentrée de 2003 qu'à la
rentrée de 2002.
Ensuite, et c'est le point le plus important, l'argumentation que j'ai évoquée
ne tient pas debout ! Il est hallucinant d'entendre affirmer que nous allons
installer des « édredons » et encadrer la violence dans les établissements au
lieu de nous pencher sur la seule véritable question, celle des causes de la
violence et des solutions que l'on peut apporter à ce problème !
A la limite, je préférerais que l'on crée 5 000 classes-relais plutôt que 50
000 postes de surveillant supplémentaires. La solution n'est pas d'encadrer la
violence comme si nous renoncions à l'éradiquer et à nous attaquer à ses
causes, comme si nous renoncions, en tant que parents, à élever nos enfants,
comme si nous considérions qu'il était acquis que nos enfants devaient être
violents, agressifs ou paresseux et que, par conséquent, la seule réponse
possible était de renforcer la présence des adultes dans les établissements.
Dans cette hypothèse, pourquoi ne pas recruter 200 000 surveillants, voire 300
000, puisque les effectifs augmentent chaque année ?
La véritable solution n'est évidemment pas de placer un aide-éducateur
derrière chaque élève ; elle est d'éradiquer la violence, afin de pouvoir
réduire ensuite le nombre des surveillants. Permettez-moi de rappeler, sur le
mode ironique et pour détendre un peu l'atmosphère, que si, en 1968, ceux de ma
génération avaient vu des étudiants ou des élèves défiler dans la rue pour
demander un accroissement des effectifs de surveillants, ils auraient éclaté de
rire !
La solution n'est pas d'augmenter sans cesse le nombre des surveillants dans
les établissements. Notre souci prioritaire doit être de mettre un terme à
l'agressivité, aux insultes racistes, à la violence et à l'insécurité dans les
établissements, afin que les tâches d'assistance à l'éducation puissent être
recentrées sur des missions réellement importantes, par exemple l'aide aux
handicapés.
M. le président.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Xavier Darcos,
ministre délégué à l'enseignement scolaire.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d'abord remercier M.
Karoutchi d'avoir placé son excellente synthèse sous le signe du pragmatisme,
ce qui correspond à notre perception des choses.
Monsieur le rapporteur spécial, je voudrais, pour compléter l'intervention de
M. Luc Ferry, répondre à deux des questions que vous avez posées.
La surveillance et la sécurité dans les établissements scolaires constituent
une préoccupation majeure non seulement du Gouvernement, mais aussi et surtout
des familles, des professeurs et des élèves. Cela est tout à fait normal,
puisque les phénomènes de violence s'étendent, s'aggravent et concernent des
élèves de plus en plus jeunes.
Je vous confirme, comme vient de le dire M. Luc Ferry, qu'il y aura à la
rentrée 2003 autant d'adultes affectés aux missions de surveillance et de
sécurité qu'il y en avait auparavant, compte tenu des actuels MI-SE, des
aides-éducateurs et des futurs assistants d'éducation.
Par ailleurs, nous mettons en place une vaste politique de prévention de la
violence à l'école, visant à permettre à celle-ci de remplir sa mission
première, qui est la transmission du savoir. En effet, pour rétablir
l'autorité, pour changer les mentalités, il faut refonder l'école sur cette
mission première d'instruction publique. L'obligation scolaire et les
prescriptions du règlement intérieur des établissements seront rappelées, et
les élèves et les parents seront mis devant leurs responsabilités. Par
ailleurs, les pouvoirs des chefs d'établissement seront étendus et les
modalités de sanction diversifiées, de sorte que la sanction serve surtout à
faire prendre conscience au jeune de sa dérive et à le réintégrer au sein du
système éducatif.
Tout cela nécessite, bien sûr, l'implication de la communauté scolaire et ne
mérite pas d'être caricaturé comme la presse l'a fait ces jours-ci, en
imaginant que je voulais installer des miradors ou des cordons de CRS autour de
tous les établissements. En effet, j'avais dit exactement le contraire ! Mais
il n'est pire sourd que celui qui ne veut entendre !
Pour éviter les dérives, je souhaite que la nation elle-même se saisisse de ce
sujet et qu'un grand débat puisse être ouvert au sein de l'opinion publique
puis devant le Parlement.
En ce qui concerne la décentralisation, je considère aussi, comme vous l'avez
évoqué, qu'elle peut offrir de réels gages de progrès à notre école. Le
ministère est déjà très décentralisé, mais on peut aller plus loin, dépasser la
logique de déconcentration qui est la nôtre pour aller vers une logique de
décentralisation, notamment en matière de vie scolaire, de conditions d'études,
d'utilisation plus rationnelle des ressources - je pense en particulier à nos
écoles rurales - et peut-être aussi d'organisation nouvelle de la structure de
nos réseaux d'écoles rurales.
La décentralisation nous permettra d'être plus réactifs. Il ne s'agit
nullement de prendre des blocs de compétences que nous aurions pour nous en
décharger sur autrui ; il s'agit de demander aux élus, aux territoires de nous
faire connaître la manière qui permettrait de mieux réagir. L'éducation
nationale ne se dérobera pas à cette ambition de décentralisation. Nous
incitons tous les responsables que M. Ferry et moi-même rencontrons
régulièrement, lors de nos déplacements sur l'ensemble du territoire national,
à nous proposer des initiatives.
Je terminerai en disant que ce sujet ne doit pas nous inquiéter. La
décentralisation n'est pas une inconnue pour les partenaires de l'école. Depuis
plus de cent ans, notre système éducatif vit sur les règles de partage des
compétences. Bien entendu, l'Etat ne renoncera à aucune de ses missions
régaliennes : détermination des programmes et des cursus, définition et
collation des grades, évaluation du système éducatif et, bien sûr, péréquation,
car il ne s'agit pas d'instaurer, sur le territoire, un système de disparités
ou d'inégalités. J'aurai l'occasion de revenir sur tous ces points, mais je
souhaitais d'ores et déjà répondre aux deux principaux sujets qui vous avez
évoqués.
(Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Pierre Martin, rapporteur pour avis.
M. Pierre Martin,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour la
jeunesse.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers
collègues, nous avons encore tous à l'esprit les images de la mobilisation de
la jeunesse française, lors de la dernière élection présidentielle.
Confrontée à la dramatisation d'un dilemme inattendu qui se présentait à notre
pays, cette jeunesse, que l'on disait individualiste et peu portée aux
engagements collectifs, a ébahi tous les observateurs, mais s'est aussi révélée
à elle-même.
Cette force de générosité, de solidarité, de civisme et de créativité, qui
s'est manifestée dans des circonstances historiques, nous impose aujourd'hui
d'accorder à la jeunesse les dispositifs et les moyens pour se réaliser, pour
s'épanouir - comme elle nous l'a suggéré - dans une vie sociale, économique et
politique ayant désormais retrouvé ses repères.
Cette impérative considération, dictée par la volonté du Président de la
République, est désormais devenue la mission que vous a confiée le chef de
l'Etat, monsieur le ministre. Cette mission s'appuie sur une importante réforme
gouvernementale et administrative. La politique de la jeunesse, longtemps
accolée à la politique des sports, se trouve être fort logiquement liée à la
politique de l'éducation nationale et à la politique de la recherche.
Inscrits au fascicule budgétaire « jeunesse et enseignement scolaire », mais
regroupés dans un agrégat distinct, les moyens financiers que vous avez à votre
disposition pour conduire la politique de la jeunesse...
M. René-Pierre Signé.
Sont minces !
M. Pierre Martin,
rapporteur pour avis.
...sont modestes : 142 millions d'euros, 150
millions d'euros en y ajoutant les crédits du Fonds national pour le
développement de la vie associative, le FNDVA, lesquels devront permettre,
cependant, de renforcer les actions traditionnelles de la politique de la
jeunesse et d'amorcer de nouveaux programmes.
Je note qu'une mesure nouvelle de 790 000 euros devrait favoriser la création
de nouveaux contrats éducatifs locaux : au moins 100, et peut-être même
davantage - 400, ai-je cru comprendre en commission. Ces nouveaux contrats
permettront-ils, comme mes collègues et moi-même l'espérons, d'organiser un
rééquilibrage entre les grandes et les petites communes ? C'est ma première
question. Je rappelle à ce sujet que 65 % des villes de plus de 100 000
habitants ont signé un contrat éducatif local ; mais la proportion tombe à 19 %
pour les villes de 2 000 à 10 000 habitants, et à un taux évidemment nettement
plus faible pour les communes du secteur rural.
Il est un autre sujet que je voudrais aborder : l'emploi. Vous annoncez la
création de nouveaux postes FONJEP, ou Fonds de coopération de la jeunesse et
de l'éducation populaire. Il s'agit d'une bonne mesure en faveur de l'activité
professionnelle dans le milieu associatif. Mais comment ne pas évoquer, ici, la
question de l'avenir des 40 000 emplois-jeunes créés, dont 60 % sont employés
dans des structures associatives ? Nous sommes conscients de cette réalité, qui
vous fait hériter de la gestion d'un dossier sensible concernant le devenir de
ces jeunes gens, devenir totalement ignoré à l'origine !
(M. René-Pierre
Signé rit.)
Certes, il était entendu, initialement, que ces associations
devaient, en contrepartie de l'aide de l'Etat, assurer une formation à ces
jeunes et rechercher les moyens de préserver leur emploi, au terme de leur
engagement contractuel de cinq années. Mais elles ne sont aujourd'hui que
rarement en mesure de supporter le financement de ces emplois sans l'aide de
l'Etat. D'où les deux questions que je vais vous poser, monsieur le ministre :
les dispositifs permettant leur prolongation - épargne consolidée et
conventions pluriannuelles - seront-ils maintenus ? Le contrat d'insertion dans
la vie sociale, actuellement en préparation, comportera-t-il un volet
spécifique en faveur des emplois-jeunes qui travaillent dans les associations
d'éducation populaire ?
J'en viens à un autre point important : le programme défi-jeunes, qui
encourage l'esprit d'initiative des jeunes en apportant un soutien technique et
financier à leurs projets, arrive à échéance à la fin de l'année.
Envisagez-vous, monsieur le ministre, de le reconduire et, si oui, sous quelle
forme ? Aura-t-il vocation à s'intégrer au vaste et ambitieux programme que
vous envisagez de lancer en 2003 en faveur de l'engagement des jeunes ou
viendra-t-il le compléter ? Quels seront les moyens que vous envisagez de
consacrer à ce futur programme, qui doit les provoquer et les inciter à donner
libre cours à la concrétisation de leur imagination, de leur créativité et de
leurs projets ?
En effet - et c'est sur ces mots que je souhaite conclure ma brève
intervention -, la jeunesse solidaire et enthousiaste, dynamique et créative,
celle qui sait écouter, partager et dialoguer, celle qui sait se défendre et se
mobiliser, a exprimé, par un message clair, son besoin de reconnaissance et
d'épanouissement. Dans une France où l'espérance de vie s'allonge, pour de
multiples raisons, cette jeunesse est une chance et un atout, car elle est
aussi, évidemment, la force vive de demain. Aussi est-il de notre devoir de
l'encourager dans sa volonté et dans son désir de progresser, de se former et
de s'ouvrir à un monde en perpétuelle évolution. Nous savons, monsieur le
ministre, que telle est votre ambition. C'est pourquoi la commission des
affaires culturelles a émis un avis favorable quant à l'adoption des crédits de
la jeunesse inscrits dans le projet de budget de la jeunesse et de
l'enseignement scolaire.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Jean-Claude Carle.
Excellente intervention !
M. le président.
La parole est à M. Philippe Richert, rapporteur pour avis.
M. Philippe Richert,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour
l'enseignement scolaire.
Monsieur le président, messieurs les ministres,
mes chers collègues, compte tenu du court laps de temps qui m'est imparti et en
raison des modalités de la discussion, je ne formulerai que quelques
observations et demandes de précisions concernant le projet de budget de
l'enseignement scolaire pour 2003.
Comme il a été excellemment dit, ce budget de près de 54 milliards d'euros,
qui reste le premier budget de l'Etat, voit sa progression quelque peu ralentie
après une trop longue dérive budgétaire, justement soulignée par une commission
d'enquête du Sénat.
Il apparaît ainsi comme un budget de transition et d'inflexion, mais, surtout,
comme un budget de recentrage et de gestion au plus près des réalités : c'est
notamment le cas pour les 1 000 créations d'emploi d'enseignant dans le premier
degré, qui sont destinées à accompagner le sursaut démographique qui se
manifestera en primaire à la rentrée 2003 et qui permettront ainsi de maintenir
les écoles, notamment en milieu rural.
Sur un plan plus général, la commission souhaiterait que les années à venir,
compte tenu du renouvellement inéluctable de 40 % du corps enseignant, soient
l'occasion d'un réexamen de la fonction enseignante et d'une réflexion sur le
découpage disciplinaire des enseignants, notamment en collège.
Au-delà de la seule analyse du budget, elle ne peut que se féliciter de la
tonalité nouvelle du discours tenu par les deux ministres qui sont chargés de
l'éducation, aussi bien pour réduire l'illettrisme et l'échec scolaire au
collège - fléau ô combien important ! -, les sorties du système éducatif sans
diplôme ni qualification que pour lutter contre la violence en restaurant, dans
le même temps, l'autorité dans les établissements.
Puisque le temps m'est compté, je n'évoquerai ensuite, messieurs les
ministres, que quelques dossiers, qui appellent de nécessaires
éclaircissements.
S'agissant de la scolarisation avant l'âge de trois ans, la commission se
demande si l'accueil de très jeunes enfants, en vue de leur socialisation
future, doit exclusivement s'effectuer dans un cadre scolaire. En effet, si
notre école maternelle est justement enviée par nos voisins européens, je ne
suis pas certain qu'elle soit la plus efficace pour accueillir de très jeunes
enfants et que la formation de haut niveau de ses enseignants soit la plus
adaptée. L'éducation nationale poursuivra-t-elle ses efforts pour accompagner
la demande des familles qui, pour des raisons diverses, choisissent cette
formule de scolarisation précoce ?
Concernant la formation des enseignants, force est de constater que les IUFM,
les instituts universitaires de formation des maîtres, privilégient trop
l'approche théorique au détriment de la pratique, et apparaissent parfois en
retrait, en termes de durée effective de formation appliquée, par rapport à ce
qui se faisait dans les écoles normales. La commission, qui ne peut que se
féliciter par ailleurs de la réduction annoncée du nombre excessif de postes
sur liste complémentaire, celui-ci conduisant à placer trop de jeunes
enseignants dépourvus de toute formation pratique et pédagogique devant les
élèves, souhaiterait connaître les grandes lignes et le calendrier d'une
possible réforme des IUFM permettant de renforcer la professionnalisation des
formations et de les adapter aux publics scolaires et aux caractéristiques des
établissements.
La commission ne peut, ensuite, que saluer le plan de prévention de
l'illettrisme qu'elle réclamait depuis plusieurs années, en soulignant
cependant que toute expérimentation menée en ce domaine - on l'a vu dans le
passé avec les mathématiques modernes et la lecture - suppose un échantillon de
classes et d'enseignants suffisamment important, des méthodes pédagogiques
éprouvées et une nécessaire continuité. Dans ce domaine, il ne faut pas
expérimenter sur le dos de nos jeunes ; nous devons avoir des garanties quant
aux méthodes qui seront généralisées.
Dans cette perspective, la commission souhaiterait obtenir des précisions sur
les moyens qui seront affectés aux classes de cours préparatoire à effectifs
réduits, lorsque ce dispositif, au-delà de l'expérimentation engagée dans une
quarantaine d'écoles, sera généralisé.
En ce qui concerne les bourses de collège et de lycée, le rapporteur de la
commission se demande s'il ne conviendrait pas, dans un souci d'équité, de
transférer au système des bourses une partie des crédits des fonds sociaux des
établissements, qui ne sont pas tous consommés, et, au-delà des seules
conditions de ressources actuelles, de prendre éventuellement en compte le
mérite dans leurs critères d'attribution. Le montant des bourses est encore
trop faible. Il faudrait penser à l'augmenter un peu.
Enfin, la commission souhaiterait que les modalités d'association des
collectivités locales au recrutement, à la gestion et au financement des
nouveaux assistants d'éducation soient clairement précisées.
Sous réserve de ces observations, la commission a donné un avis favorable à
l'adoption des crédits de l'enseignement scolaire pour 2003.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme Annie David, rapporteur pour avis.
Mme Annie David,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour
l'enseignement technologique et professionnel.
Monsieur le président,
messieurs les ministres, mes chers collègues, comme à l'accoutumée, il est
particulièrement difficile d'évaluer l'effort budgétaire de l'Etat en faveur de
l'enseignement technologique et professionnel, car les crédits qui lui sont
affectés ne sont pas individualisés, à l'exception des emplois de professeur de
lycée professionnel et de quelques aides spécifiques aux élèves. Ce flou
budgétaire est d'autant plus regrettable qu'un lycéen sur trois est aujourd'hui
scolarisé dans l'enseignement professionnel et que ce dernier souffre d'une
image négative dans l'opinion.
Le rapporteur de la commission des affaires culturelles regrette également la
disparition du ministère délégué à l'enseignement professionnel, dont le
dernier titulaire avait engagé ou poursuivi des réformes porteuses d'avenir,
comme la réforme du lycée des métiers.
La commission se félicite cependant du fait que la revalorisation de cet
enseignement figure parmi les priorités ministérielles annoncées pour réduire
la fracture scolaire. Son rapporteur constate, néanmoins, que les chantiers
annoncés à ce titre lors du conseil des ministres du 13 novembre dernier, qui
prolongent d'ailleurs, pour une large part, les actions engagées depuis cinq
ans, ne s'accompagnent d'aucun effort budgétaire pour 2003, et regrette que les
modalités de leur mise en oeuvre ne lui aient pas été communiquées.
Le projet de budget pour 2003 se caractérise par une stabilité des emplois
budgétaires des professeurs de lycée professionnel, les PLP, sous réserve de la
transformation de 235 emplois, alors que l'exercice budgétaire précédent
s'était traduit par la création de 1 770 emplois. Il faut rappeler que 13 000
professeurs de lycée professionnel sont appelés à partir à la retraite dans les
cinq ans à venir et que le taux de précarité est de plus de 9 % dans
l'enseignement professionnel.
Puisque le temps m'est compté, je n'évoquerai que certains dossiers, qui
appellent, selon moi, quelques précisions.
S'agissant des personnels de surveillance, le nombre de maîtres d'internat et
surveillants d'externat affectés en lycée professionnel est à peu près du même
ordre de grandeur que le nombre de suppressions d'emploi annoncées en 2003 - 5
600 environ -, alors que ces lycées accueillent par ailleurs 59 000
internes.
Ma première question, monsieur le ministre, est la suivante : dans quelle
mesure ces établissements sont-ils susceptibles d'être touchés par la réduction
des emplois de MI-SE, notamment des maîtres d'internat qui assurent un
encadrement de proximité ?
Concernant l'effort engagé pour passer d'une orientation par défaut à une
orientation positive vers l'enseignement professionnel, nous ne pouvons que
nous féliciter de la reconduction du dispositif qui a permis d'éviter depuis
deux ans que la baisse démographique ne se répercute exclusivement sur les
lycées professionnels. Il reste que la généralisation de l'entretien « plan de
carrière à 15 ans » se heurte au problème de l'insuffisance des personnels
d'orientation. Avez-vous, monsieur le ministre, l'intention de renforcer le
corps des conseillers d'orientation-psychologues, les COPsy, dans les années à
venir ?
J'évoquerai ensuite l'expérimentation de l'alternance au collège, qui a pour
objet de diversifier les parcours scolaires sans toucher au collège unique,
dont le principe est cependant mis en cause aujourd'hui, y compris par les
enseignants. Cette formule n'est pas nouvelle et les diverses modalités de
transition expérimentées depuis les années soixante-dix se sont souvent
transformées en filière de relégation pour les élèves en situation d'échec
scolaire. Pouvez-vous nous préciser, monsieur le ministre, les moyens humains
et matériels qui seront affectés à ce nouveau dispositif ? Je rappellerai qu'il
est susceptible de s'appliquer à 10 % des collégiens, ce qui est
considérable.
S'agissant du lycée des métiers, force est de constater que son développement
s'effectuera en mutualisant les moyens existants. La commission exprime
cependant la crainte que cette formule, séduisante dans son principe et qui
concerne d'ores et déjà plus de 100 établissements en voie de labellisation, ne
privilégie les établissements les plus importants qui disposent d'un internat
et d'un fort partenariat patronal. Cela conduirait à accélérer la disparition
des petits lycées professionnels de proximité, qui ne proposent que des
formations de niveau V. Celles-ci risqueraient alors d'être laissées à
l'apprentissage. Comment comptez-vous éviter, monsieur le ministre, l'émergence
de lycées professionnels à deux vitesses ?
Sous réserve de ces observations, la commission des affaires culturelles a
émis un avis favorable à l'adoption des crédits de l'enseignement technologique
et professionnel.
(Applaudissements sur les travées du groupe CRC et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Luc Ferry,
ministre.
S'agissant des contrats éducatifs locaux, monsieur Martini je
suis entièrement d'accord avec vous pour faire en sorte que nous fassions,
plutôt que 100 contrats nouveaux dans des grandes villes, 400 contrats dans des
villes moyennes ou des petites villes. Je pense que c'est la bonne orientation.
Je vous réponds très franchement et sans fioritures.
Concernant la question du programme défi-jeunes, qui est en effet très
importante, non seulement le dispositif sera maintenu, mais il deviendra en
quelque façon le fleuron de notre livret des engagements. Il va, comme vous le
savez, être abrité à l'INJEP, l'Institut national de la jeunesse et de
l'éducation populaire, à partir du mois de janvier prochain, puisque le
groupement d'intérêt public dans lequel il trouvait place jusqu'à présent a
pris fin. Donc, non seulement il sera doté de crédits suffisants pour
fonctionner, mais il sera en synergie avec les autres dispositifs de l'INJEP,
ce qui lui permettra de bien travailler et, encore une fois, de trouver sa
place de
leader,
si je puis dire, dans le dispositif du livret des
engagements.
Par ailleurs, en ce qui concerne les emplois-jeunes qui fonctionnaient dans
les associations, nous travaillons avec mon collègue François Fillon - nous
annoncerons le résultat de ce travail dans les jours à venir - à un dispositif
CIVIS, ou contrat d'insertion dans la vie sociale, qui permettra, en effet, de
prendre le relais du dispositif des emplois-jeunes.
Madame David, je vous remercie d'abord de la qualité de votre intervention sur
l'enseignement professionnel.
Personne, dans les lycées professionnels, ne sera touché par la suppression
des 5 600 postes de MI-SE, d'abord pour la bonne et simple raison qu'il en
reste 40 000, ensuite - je le disais tout à l'heure - parce que nous allons
mettre en place un dispositif, le dispositif des assistants d'éducation, qui
évidemment fonctionnera dans les lycées professionnels comme dans les autres
lycées.
Au contraire, vous le savez, nous allons donner une nouvelle impulsion au
système de l'internat, très utile dans les lycées professionnels. Je prends un
exemple tout simple : celui du lycée d'Arras, qui a une section « taille de
pierre », relativement rare et très attractive. L'établissement a évidemment
besoin, pour accueillir les élèves des régions voisines, de disposer d'un
internat. Il faut donc aller dans ce sens.
M. Ivan Renar.
Je confirme !
M. Luc Ferry,
ministre.
Pour ce qui est des COP, j'aimerais - mais je n'ai pas le temps
de développer ce point - que nous ayons plus de COPro, si je puis dire, que de
COPsy, parce que c'est de ceux-là que nous avons besoin. Plutôt que de
réfléchir au projet personnel de l'élève et de faire de la psychanalyse -
pardonnez ma brutalité, mais je n'ai pas le temps de nuancer -, il serait
parfois plus utile que les conseillers d'orientation aient aussi une bonne
connaissance de l'enseignement professionnel !
Pour ce qui concerne le lycée des métiers, nous allons poursuivre la
labellisation, mais dans une optique tout à fait différente : il s'agira
d'assouplir les critères, notamment celui qui exige de regrouper toutes les
voies de formation d'une même branche - c'est une obligation à laquelle les
petits lycées professionnels ne peuvent satisfaire -, afin de créer une
dynamique d'excellence dans l'ensemble des lycées professionnels, qui, à terme,
auront tous vocation à devenir des lycées des métiers dès lors qu'ils pourront
présenter tous les niveaux de diplômes, depuis le certificat d'aptitude
professionnelle, le CAP jusqu'à la licence professionnelle. Ainsi, les élèves
qui fréquenteront ces lycées des métiers pourront immédiatement percevoir que
ce peut être pour eux une voie d'excellence. A mes yeux, l'essentiel est là.
Il s'agit donc de créer une dynamique de qualité, et non pas d'instaurer des
lycées à deux vitesses.
M. le président.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Xavier Darcos,
ministre délégué.
Je voudrais adresser tous mes compliments et mes
remerciements à M. le rapporteur spécial : sa présentation du projet de budget
concernant l'enseignement scolaire a parfaitement mis en lumière les lignes de
force de notre projet.
Il a choisi cinq questions qui sont, en effet, essentielles.
La question de la scolarisation des enfants de moins de trois ans - première
question - fait l'objet d'une demande de la part des familles, nous le savons.
Certains parents qui travaillent y voient une facilité de vie, et cette
tendance est plus fortement marquée dans les zones rurales où les communes ne
disposent pas de budgets suffisants pour investir dans des crèches, dont la
création mais surtout le fonctionnement ont un coût élevé. Les parents se
tournent donc volontiers vers l'école préélémentaire.
Notre avis est nuancé, parce que, comme vous le savez, les pédagogues ne
considèrent pas comme absolument certain qu'un accueil précoce à l'école
maternelle facilite la réussite scolaire des enfants.
M. René-Pierre Signé.
C'est discutable !
M. Xavier Darcos,
ministre délégué.
Une étude assez récente a pourtant démontré que la
scolarisation à deux ans n'a pas de conséquence tangible sur les résultats
obtenus à l'école élémentaire ! A l'inverse, il est clairement établi que des
enfants scolarisés bien après l'âge de trois ans rencontrent des difficultés
assez marquées.
Mme Hélène Luc.
Il faut parler de leur milieu familial et culturel, monsieur le ministre !
M. Xavier Darcos,
ministre délégué.
Il reste que tous les enfants âgés de trois ans sont
scolarisés et que, par conséquent, le nombre d'enfants scolarisés très
tardivement en maternelle s'avère presque dérisoire.
Dans les zones socialement défavorisées, la préscolarisation précoce peut être
une bonne solution pour favoriser la socialisation des enfants qui vivent dans
des conditions familiales difficiles, madame Hélène Luc. Actuellement, environ
33 % des enfants de deux ans sont accueillis dans nos écoles, et nous
continuerons d'en accueillir un nombre similaire. Mais, je le répète, il nous
semble nécessaire d'insister sur un certain nombre de conditions : maturité
suffisante de l'enfant pour s'intégrer à un groupe, engagement de la famille à
un minimum d'assiduité, dialogue approfondi entre la famille et la directrice
préalablement à l'inscription. De bonnes conditions d'accueil sont également
nécessaires, qu'il s'agisse des locaux ou des équipements sanitaires, ou encore
des assistantes de maternelle ; la responsabilité en incombe aux communes.
La deuxième question est celle de l'illettrisme. Vous savez que Luc Ferry et
moi-même avons fait de la lutte contre l'illettrisme notre chantier
prioritaire. Nous estimons en effet, d'une part, que la situation est sérieuse
et, d'autre part, que l'échec précoce, au moment de l'apprentissage de la
lecture, est une situation terrible pour les jeunes qui la vivent. Il constitue
le premier signe révélateur de l'échec plus large du système éducatif et de
l'échec probable du jeune au cours de sa scolarité ultérieure. Il est donc de
notre responsabilité de combattre ce fléau de l'illettrisme.
Il ne s'agit évidemment nullement - nous devons le rappeler avec fermeté
devant le Sénat - de stigmatiser les enseignants ou les élèves ; il s'agit
simplement de prendre la mesure d'un problème grave qu'il est de notre
responsabilité de combattre.
Sans reprendre l'ensemble du plan de lutte contre l'illettrisme, que vous
connaissez bien, mesdames, messieurs les sénateurs, j'en rappelle les grands
axes, que le rapporteur pour avis, M. Philippe Richert, a déjà signalés :
nouveaux programmes pour l'école primaire, centrés prioritairement sur la
maîtrise de la langue française ; dispositifs d'évaluation des acquisitions en
français ; livret en classe de cours préparatoire, pour synthétiser les
principales difficultés rencontrées par les élèves et indiquer les situations
et les activités pédagogiques permettant d'y remédier ; expérimentation portant
sur des classes de cours préparatoire à effectifs réduits, en application dès
cette rentrée dans une centaine de classes ; attention spécifique portée aux
élèves ayant, dirons-nous, des besoins éducatifs particuliers, c'est-à-dire les
enfants qui ont des troubles spécifiques ou les élèves nouveaux arrivants non
francophones, les « primo-arrivants ».
Enfin, les contrats de réussite mis en place dans les zones d'éducation
prioritaire, les ZEP, et dans les réseaux d'éducation prioritaire, les REP,
comportent un axe qui concerne la maîtrise de la langue française et utilise
les résultats des évaluations nationales de CE2 et de sixième en français.
Bien entendu, le plan de prévention s'accompagnera d'une formation continue
des enseignants, et les contrats éducatifs locaux, dont il a été question tout
à l'heure, pourront participer à cette prévention, dont ils feront l'un de
leurs volets prioritaires.
Je sais bien, monsieur le rapporteur, que nous ne résoudrons pas le problème
de l'illettrisme - pas plus que les autres ! - du jour au lendemain. Il s'agit
d'un travail de longue haleine et, pour commencer, nous tirerons les
enseignements de l'expérimentation en cours, notamment du dédoublement des
classes de CP.
Troisième sujet : les bourses des collégiens et des lycéens. Elles
augmenteront en 2003, je le rappelle, d'un montant total de 3,5 millions
d'euros, ce qui n'est pas rien. Cette hausse reste modérée, mais elle nous
permettra d'accroître notre effort en faveur des nombreuses familles modestes
et de répondre à des besoins immédiats.
Je rappelle que, contrairement à ce qui a été dit ici ou là, y compris à
l'Assemblée nationale, les fonds sociaux pour les collégiens, les fonds sociaux
pour les lycéens et les fonds pour les cantines - la plupart ont d'ailleurs été
créés lorsque François Bayrou était ministre de l'éducation nationale - ne
connaissent ni réduction des moyens disponibles ni difficultés de financement.
Si leur gestion est un peu complexe du fait des diminutions de crédits décidées
dans la loi de finances pour 2002, il n'en demeure pas moins que les
établissements ont en réserve, globalement, les moyens nécessaires à une année
de fonctionnement, et nous leur avons demandé de n'utiliser les moyens dont ils
disposent qu'en fonction de leurs besoins, afin que ceux qui ont des besoins
plus importants puissent disposer de réserves complémentaires.
En tout état de cause, nous entendons poursuivre pleinement les actions
financées au titre des fonds sociaux, en particulier celles qui ont trait aux
cantines scolaires.
La quatrième question portait sur les IUFM. Vous savez que nous avons engagé
une discussion à ce sujet. Nous constatons là aussi - « pragmatisme », dirait
M. Karoutchi, « réalisme », dirait M. Richert - que les jeunes professeurs qui
sortent de ces établissements ont le sentiment que, dans la dernière année, ils
ont beaucoup théorisé les pratiques, mais que leur formation est trop peu
adaptée à leurs besoins. Il faut donc faire évoluer très rapidement la forme du
cycle des IUFM, en particulier mieux lier le stage de formation et le stage en
responsabilité.
Nous examinerons les résultats des études qui sont actuellement conduites,
mais Luc Ferry et moi-même comptons pouvoir faire dès le début de l'année 2003
un certain nombre d'annonces en ce domaine.
Enfin, cinquième et dernier point abordé : le remplacement des maîtres
d'internat et surveillants d'externat, qui constitue - Luc Ferry l'a rappelé,
mais il faut le répéter inlassablement - l'une de nos préoccupations. A la
rentrée prochaine, l'ensemble des missions qu'ils accomplissaient seront
remplies d'une manière comparable par d'autres, qui seront en tous les cas en
nombre au moins égal.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Messieurs les ministres, votre présence au Sénat
ce matin vous met dans l'impossibilité de participer au séminaire
gouvernemental sur le développement durable. Je me permettrai de souligner à
quel point le déficit public contrarie la philosophie du développement
durable.
La dérive structurelle des dépenses publiques, au cours de la précédente
législature, les difficultés conjoncturelles, qui ont amené hier le ministre du
budget à demander au Sénat de voter un article d'équilibre portant révision des
recettes fiscales à la baisse de 700 millions d'euros, et les perspectives
d'avoir à faire face aux pensions de retraite dans la fonction publique nous
placent dans une situation délicate sur le plan budgétaire.
M. René-Pierre Signé.
C'est hors sujet !
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances.
Nous savons bien que votre
ministère concentre plus de la moitié des emplois civils de l'Etat et que toute
maîtrise des dépenses publiques passe par un ajustement des emplois dans la
fonction publique.
Mme Hélène Luc.
Et voilà !
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances.
Les statistiques présentées par
Roger Karoutchi dans son excellent rapport et portant sur l'évolution du nombre
des élèves par rapport à celle du nombre des enseignants, ainsi que les
comparaisons internationales, conduisent à penser que l'on aurait peut-être pu
renoncer à la création de certains postes d'enseignant.
Je dois vous avouer ma surprise, messieurs les ministres : vous annoncez la
suppression des emplois budgétaires de surveillance pour nous indiquer ensuite
la perspective de création d'emplois non budgétaires d'assistants d'éducation !
Certes, j'ai bien compris qu'il ne s'agissait pas d'un tour de passe-passe,
mais je voudrais que, devant le Sénat, vous vous engagiez solennellement à
mettre en oeuvre les dispositions structurelles qui vous permettront, demain,
de mieux ajuster les effectifs d'enseignants et d'éviter le recours à des
emplois non budgétaires, qui sont difficiles à maîtriser et qui vous ont amenés
récemment à solliciter en urgence 130 millions d'euros de crédits
supplémentaires par un décret d'avance en date du 8 novembre.
C'est votre premier budget, et nous sommes bien conscients que sa préparation
a dû être difficile. Mais nous serons conduits dans le courant de l'année 2003,
puisque c'est ce que nous dicte la loi organique relative aux lois de finances,
à vous demander compte de votre gestion.
Merci, messieurs les ministres, de l'engagement solennel que vous pourrez
prendre à cet égard.
M. René-Pierre Signé.
Ils n'ont pas assez supprimé !
Mme Hélène Luc.
Voilà qui est clair !
M. René-Pierre Signé.
L'intervention est significative !
M. Luc Ferry,
ministre.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Luc Ferry,
ministre.
Monsieur Arthuis, sachez-le bien, nous partageons totalement
vos préoccupations. J'ai rappelé tout à l'heure que nous avons demandé un
audit, dont nous attendons les résultats. Nous nous engageons, évidemment, dans
une démarche tout à la fois de rigueur et de qualité.
Lorsque nous annonçons des réductions, il ne s'agit pas de tours de
passe-passe, en effet. Il y a près de 100 000 emplois-jeunes dans la maison, si
je tiens compte à la fois de la jeunesse et de l'éducation nationale : aucun
ministre de l'éducation nationale, dans toute l'histoire de la République, ne
s'est heurté à une telle difficulté.
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances.
C'est vrai !
M. Luc Ferry,
ministre.
Il faut néanmoins avoir conscience que les aides-éducateurs,
bientôt les assistants d'éducation, remplissent - M. Martin le rappelait tout à
l'heure - des missions importantes...
M. René-Pierre Signé.
Exactement !
M. Luc Ferry,
ministre.
... qui ne peuvent pas relever de l'emploi marchand. Il nous
faut donc trouver une démarche de compromis.
Je vous ai annoncé tout à l'heure qu'il y aurait à la rentrée prochaine plus
de surveillants, plus d'auxiliaires de vie scolaire pour l'aide à la
scolarisation des handicapés - probablement quatre ou cinq fois plus. Ces
renforcements d'effectifs seront obtenus par redéploiement. Mais il est évident
- je le dis sans aucune démagogie - que le nombre des assistants d'éducation
sera nettement inférieur à celui des emplois-jeunes.
Mme Hélène Luc.
Par qui seront-ils payés, monsieur le ministre ?
M. Luc Ferry,
ministre.
Evidemment par nous tous, madame le sénateur, comme le reste
!
M. René-Pierre Signé.
On le savait !
M. Ivan Renar.
Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président.
La parole est à M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar.
Monsieur le président, mes chers collègues, je m'étonne de l'intervention de
notre collègue M. Arthuis,...
Mme Hélène Luc.
Oh oui !
M. Ivan Renar.
... qui vient étaler dans ce débat, sans que les commissions ni les
rapporteurs en aient été saisis, une logique comptable et financière que je
trouve insupportable.
Monsieur Arthuis, vous nous parlez du coût de la formation, du coût de la
culture, mais je n'entends pas dans votre propos le moindre calcul sur le coût
de l'absence de formation et de culture, et votre attitude au sujet de l'école
me fait penser à ce que disait Jacques Prévert, dont vous connaissez
l'insolence et l'impertinence - ce sont aussi des valeurs de la démocratie ! Il
venait d'offrir un superbe bouquet de fleurs à la femme aimée et la regardait
le mettre en vase :
« Tu dis que tu aimes les fleurs,
« et tu leur coupes la queue.
« [...]
« Alors quand tu dis que tu m'aimes,
« j'ai un peu peur. »
(Rires.)
M. le président.
Monsieur Renar, je vous rappelle que, dans un débat budgétaire, M. le
président de la commission des finances peut demander la parole à tout
moment.
M. Jean-Claude Carle.
C'est normal !
M. le président.
Nous passons aux questions.
Je rappelle que chaque intervenant dispose de cinq minutes maximum pour poser
sa question, que le ministre dispose de trois minutes pour répondre et que
l'orateur dispose d'un droit de réplique de deux minutes maximum.
La parole est à M. Jean-René Lecerf.
M. Jean-René Lecerf.
Messieurs les ministres, il est au moins deux raisons pour lesquelles il
s'avère tout particulièrement intéressant de vous soumettre, courtoisement, à
la question sur ce budget concernant la jeunesse et l'enseignement scolaire.
La première raison tient à son importance considérable : avec 54 milliards
d'euros, c'est le premier budget de l'Etat, et son montant équivaut au produit
total de l'impôt sur le revenu. C'est qu'il s'agit ici de notre principale
richesse, nos enfants, de leur formation et de leur avenir, qui s'identifie à
celui de notre pays.
La seconde raison réside dans une certaine rupture avec le passé. Le budget
qui nous est présenté est un budget d'alternance qui ne recherche plus dans
l'envolée des moyens financiers le remède miracle aux faiblesses cruelles de
notre système éducatif et qui, sous l'apparence d'un budget de transition,
balise déjà assez clairement le chemin pour les années à venir.
Les quelques précisions que je vous demanderai portent sur des problèmes qui
peuvent paraître ponctuels. Mais l'essentiel n'a-t-il pas déjà été largement
appréhendé par les commissions et les rapporteurs, ainsi que par vous-mêmes
dans vos interventions ? En outre, dans l'immense machinerie de l'éducation
nationale, chacun des rouages peut s'avérer essentiel au bon fonctionnement de
l'ensemble.
Ma première question portera sur les personnels ATOSS, ou personnels
administratifs, techniques, ouvriers, sociaux, de santé et de service, et elle
est largement dictée par le vaste débat ouvert aujourd'hui sur la
décentralisation. Au cours des assises régionales, nombreux ont été les
intervenants qui se sont prononcés en faveur d'un transfert des personnels
autres qu'enseignants aux collectivités territoriales de rattachement des
collèges et des lycées.
Je sais que le Gouvernement ne souhaite pas une telle solution. Cette
évolution n'aurait-elle pas, pourtant, le mérite de la logique et de
l'efficacité ? Ces personnels ne pourraient-ils eux-mêmes trouver avantage à
une gestion de proximité ?
Je crains fort que ne plane sur ce dossier l'éternelle rivalité entre les
fonctions publiques. Si tel était le cas, ce serait l'opportunité de réaffirmer
haut et fort l'absurdité d'une discrimination entre une fonction publique qui
serait éminente, la fonction publique d'Etat, et une autre qui ne serait que
subalterne, la fonction publique territoriale.
Chacune des fonctions publiques est digne du même respect et des mêmes éloges,
et il serait d'ailleurs grand temps que les passerelles de l'une à l'autre
cessent de fonctionner largement à sens unique.
Puisque ce problème est posé, encore conviendrait-il, pour que la réflexion
puisse prospérer, que l'on connaisse la répartition des personnels ATOSS sur le
territoire et que l'on puisse rapidement remédier au déséquilibre fort qui me
semble exister aujourd'hui. La création de 1 200 emplois de personnels ATOSS
dans le second degré devrait permettre de réaliser des premières avancées.
Nous avons beaucoup parlé ces derniers jours, dans cet hémicycle, de
péréquation. Il ne faudrait pas oublier qu'une autre modalité de l'égalité
territoriale réside dans une répartition équilibrée des services de l'Etat et
qu'il reste, sur ce point, bien des progrès à réaliser.
En ce qui concerne les personnels ATOSS, tout transfert avant un nécessaire
redéploiement ne pourrait que figer les inégalités actuelles.
Le second point de mon intervention, messieurs les ministres, portera sur la
politique de développement des internats menée par vos prédécesseurs, politique
que vous souhaitez, à juste titre, poursuivre.
En charge des collèges dans le département du Nord pendant six ans, j'ai
amplement constaté que l'internat pouvait être parfois la réponse la plus
simple et la plus efficace à bien des difficultés d'origine et de nature fort
diverses que rencontrent un certain nombre d'élèves.
J'ai aussi déploré les réticences de maintes communautés éducatives devant la
volonté des élus de créer des internats. Bien souvent, on nous opposait la
crainte d'attirer des jeunes difficiles ou de nuire à la réputation de
l'établissement ; il fallait bien de la persévérance pour faire aboutir ces
projets !
Enfin, je suis plus nuancé que vous, messieurs les ministres, sur l'aptitude
des lycées, et plus encore des collèges, à accueillir rapidement de nouveaux
internes car, si des capacités existent, je crains qu'elles n'exigent de
lourdes rénovations préalables.
Je prends l'exemple du département du Nord, qui comptait à l'époque du
transfert 207 collèges publics, dont une soixantaine d'établissements de type
Pailleron ou à tout le moins d'établissements à structure métallique, qu'il a
fallu tous reconstruire.
Il était bien normal, dans ces conditions, que l'investissement dans les
internats ne puisse être une priorité. Toute aide, toute incitation de l'Etat
en ce domaine s'avérera donc particulièrement utile, si ce n'est décisive. Je
vous remercie de nous rappeler, messieurs les ministres, vos propositions en
cette matière.
Permettez-moi un dernier mot sur l'enseignement précoce des langues
vivantes.
J'ai lu que vous ne souhaitiez pas que des aides-éducateurs remplacent des
professeurs à l'école primaire dans l'enseignement des langues. Je souhaiterais
simplement que vous rassuriez de nombreuses communes qui ont parfois suppléé au
manque d'enseignants disponibles grâce à leur réseau de jumelage et ont trouvé
des solutions en partenariat avec les inspecteurs de l'éducation nationale. Je
pense que ce qui se passe bien doit être poursuivi ; merci de nous le confirmer
!
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Xavier Darcos,
ministre délégué.
Monsieur le sénateur, vous m'avez posé trois
questions.
La première porte sur les personnels ATOSS. Je suis heureux que vous nous
donniez l'occasion, à Luc Ferry et à moi-même, de rappeler le rôle fondamental
qu'ils jouent dans nos établissements : un rôle de proximité, un rôle de
réactivité par rapport aux petits problèmes qui se posent au quotidien. Ils
jouent donc un rôle très important dans la communauté éducative et, parfois
même, ils jouent un rôle de médiation auprès d'élèves difficiles qu'ils
acceptent d'accompagner dans des tâches de travaux d'intérêt général.
Bref, c'est parce que nous reconnaissons la place éminente de ces personnels
que le projet de loi de finances qui vous est présenté prévoit un effort très
important en faveur de cette catégorie, effort sans comparaison avec les années
précédentes.
Ainsi, nous créons 900 emplois de personnels ATOSS, ce qui est beaucoup, pour
assurer un meilleur fonctionnement des établissements. Nous créons 262 emplois
dans la filière médico-sociale, dont les personnels jouent auprès des élèves un
rôle de plus en plus irremplaçable. Nous revalorisons de 32 millions d'euros le
régime indemnitaire des personnels ATOSS, soit une amélioration moyenne de plus
d'un tiers. Enfin, nous mettons en place une revalorisation de la carrière des
infirmières, qui, comme vous le savez, appartiennent à ce corps, pour un coût
en année pleine estimé à 5,8 millions d'euros.
Je sais bien que, derrière cette question, est sous-jacente la crainte que le
Gouvernement ne veuille, à l'occasion de la décentralisation, se défaire d'une
partie de ces personnels.
Ce que nous savons, c'est que certaines collectivités émettent l'idée de
prendre en charge, dans le cadre d'expérimentations, telle ou telle tâche
relevant aujourd'hui des missions confiées aux personnels ATOSS. Ces
propositions prendront place dans le débat national sur la décentralisation ;
nous les examinerons, mais nous veillerons à ce que soient préservés les
intérêts des personnels en cause et la cohérence de la communauté éducative
nationale, mais aussi à ce qu'il n'y ait pas une trop grande disparité entre
les différents territoires.
Votre deuxième question portait, monsieur Lecerf, sur les internats.
Contrairement à ce que vous avez dit, ce ne sont pas nos prédécesseurs qui ont
ouvert la politique engagée. Au contraire, ce que nous proposons est vraiment
en rupture par rapport à ce qu'ils ont fait. Nous pensons en effet qu'il s'agit
d'un mode d'accueil des élèves qui peut être pour eux un facteur de réussite,
lorsqu'ils rencontrent des difficultés dans leur vie de famille.
C'est pourquoi nous avons décidé de faire un effort très sensible : nous avons
augmenté de 5 600 places le contingent des bourses d'internat, pour un coût de
1,3 million d'euros. Par ailleurs, une somme de 4,6 millions d'euros a été
débloquée à la fin de 2002 pour aider à la création et à la réhabilitation des
internats. Cette mesure ne peut toutefois être qu'un coup de pouce ponctuel,
dans un domaine où la compétence, l'initiative et l'essentiel du financement
reviennent aux collectivités locales.
Dès juin 2002, nous avons demandé à l'inspection générale une étude sur le
fonctionnement des internats, étude qui ne nous a pas suffisamment renseignés,
si bien que nous en avons demandé une seconde, plus ciblée, visant à observer
les internats en collège, où seulement 56 % environ des places sont
utilisées.
Il y a plusieurs modèles possibles d'internats en fonction des publics
accueillis. Diverses expériences sont en cours. Les réussites existent, et il
faut s'en inspirer. Elles exigent un encadrement renforcé.
La réflexion sur le concept de l'internat renouvelé, plus adapté, plus
moderne, avance grâce, en particulier, à l'aide de la Caisse des dépôts et
consignations.
Nous souhaitons travailler en étroite collaboration sur ce sujet avec les
conseils généraux et régionaux, qui ont compétence en matière de construction,
d'aménagement et de fonctionnement des établissements et qui connaissent bien
le terrain. Nous poursuivons notre effort dans ce domaine.
Vous avez enfin évoqué l'enseignement précoce des langues vivantes.
Aujourd'hui, 94 % des classes de CM 1 et de CM 2 bénéficient de l'enseignement
d'une langue vivante, en tout cas d'une sensibilisation, soit quasiment la
totalité de ces classes.
Des différences existent cependant d'un département à l'autre, notamment en ce
qui concerne l'implication des maîtres dans le dispositif, peut-être à cause de
la difficulté que nous avons à trouver des maîtres qualifiés et disponibles.
Luc Ferry et moi-même avons pensé qu'il ne fallait pas aller à marche forcée
vers une extension systématique de l'enseignement des langues à l'école
élémentaire, en particulier en CE 2. Si cet enseignement doit être encouragé,
il ne faut pas vouloir l'imposer à tout prix en CE 2 dans les académies où il a
du mal à fonctionner en CM 1 et CM 2. Il s'agit, en effet, de faire de la
qualité ; il ne s'agit pas d'étendre à tout prix ce dispositif sans vérifier
s'il fonctionnera bien.
Il nous faut aussi prendre le temps de consolider la formation et l'engagement
des maîtres, y compris par les dispositifs que vous avez évoqués, par des
sollicitations dans le cadre de jumelages, par exemple. En tout cas, il faut
nous assurer de la qualité de l'enseignement.
Je terminerai en faisant part de notre inquiétude à propos de la prédominance
de l'anglais, qui représente plus de 75 % des effectifs. Nous souhaitons une
diversification des langues enseignées. Encore faut-il que la demande existe ;
la plupart des parents, comme vous le savez, souhaitent que leurs enfants
soient formés à l'anglais.
M. le président.
La parole est à M. Jean-René Lecerf.
M. Jean-René Lecerf.
Je remercie très chaleureusement M. Darcos de ses réponses, qui me donnent
largement satisfaction.
En ce qui concerne l'enseignement précoce des langues vivantes, je me permets
de rappeler mon expérience peu ancienne de maire, au cours de laquelle j'avais
souhaité obtenir un enseignant dispensant des cours de néerlandais pour ma
commune, où existe une demande forte à cet égard. Il a malheureusement été
impossible de trouver de tels enseignants par le biais de l'éducation
nationale.
S'agissant des personnels ATOSS, nous devons aborder cette question avec
beaucoup d'objectivité. Je suis de ceux qui pensent qu'un transfert de ces
personnels pourrait être opportun et ne remettrait aucunement en cause leurs
avantages. Il permettrait parfois une meilleure répartition sur le terrain.
Dans le département du Nord, je me souviens d'avoir connu des collèges neufs où
le nombre de personnels ATOSS était relativement important alors que d'autres
collèges qui en auraient eu bien besoin n'en avaient pratiquement pas. Le
transfert nous permettrait de remédier à ce type de situation.
Enfin, en ce qui concerne les internats, l'action que vous développez est
particulièrement intéressante. Les incitations financières que vous avez
rappelées et qui m'avaient échappé, même si elles ne sont pas considérables,
auront certainement pour les collectivités, départements et régions, un effet
de levier intéressant.
M. le président.
La parole est à M. Pierre Laffitte.
M. Pierre Laffitte.
Ma question touche à l'utilisation massive de bonnes volontés extérieures par
le ministère de l'éducation nationale pour combattre la montée de
l'obscurantisme, qui peut présenter un certain danger pour la démocratie, mais
aussi pour remédier à la faiblesse des vocations scientifiques et techniques,
autre tendance qui se dégage dans l'ensemble des pays européens et en Amérique
du Nord.
Ce constat a conduit la commission des affaires culturelles à créer une
mission d'information sur la diffusion de la culture scientifique et technique.
Cette mission a travaillé, elle a beaucoup écouté et a formulé un certain
nombre de recommandations. La plus importante d'entre elles consiste à afficher
une priorité nationale pour la diffusion de la culture scientifique, technique
et économique. Cette priorité concerne l'ensemble des pouvoirs publics et des
forces vives de notre pays. Elle s'adresse tout particulièrement à vous,
messieurs les ministres, puisque vous êtes les seuls à disposer d'une structure
répartie largement sur l'ensemble du territoire.
Il y a donc une nécessité prégnante, pour laquelle les structures existantes
ne sont pas forcément les plus adaptées. Dans ces conditions, un redéploiement
de certains moyens semble obligatoire.
Je pense en particulier à ceux qui sont concentrés à Paris, au sein de grands
organismes qui reçoivent l'essentiel des crédits publics alors que, sur
l'ensemble du territoire, il existe des centaines, voire des milliers de
petites structures, constituées pour l'essentiel par des associations
bénévoles, qui participent efficacement à cette volonté de restaurer la
confiance dans le progrès au service de l'humanité. Ce principe fait en effet
partie des principes fondamentaux de notre République.
Les conclusions du colloque organisé le 11 septembre 2002 au Sénat ont
conforté encore notre opinion. Il nous faut inventer et mettre en place une
meilleure organisation d'ensemble. Cela peut être réalisé grâce à un certain
nombre de décisions qui coûteront très peu, mais qui peuvent faciliter les
actions, y compris le travail éducatif.
Ainsi les écoles, collèges et lycées devraient être plus ouverts vers le monde
de la recherche, le monde associatif et le monde économique, notamment dans le
domaine des nouvelles technologies. Surtout devrait être créée une fondation
regroupant les départements ministériels concernés, les collectivités locales,
les centres de recherche et universités, les assemblées consulaires et des
représentants du monde économique et social.
Cette fondation reconnue d'utilité publique permettrait, en particulier, de
fédérer toutes les initiatives et de les mettre à la disposition des mairies et
des établissements d'enseignement.
Il me semble que vous pourriez adresser une invitation aux recteurs pour
diffuser un certain nombre de consignes ou de suggestions allant dans ce sens.
Ainsi, dans le primaire, on pourrait, plus rapidement qu'actuellement,
encourager l'extension d'expériences initiées par l'Académie des sciences,
telles que « La main à la pâte ».
Une circulaire devrait être adressée aux chefs d'établissement pour les
inciter à faciliter l'interaction entre le monde éducatif, le monde de la
recherche, le monde associatif, le monde consulaire et le monde économique.
Cela faciliterait la diffusion de la culture scientifique, technique et
économique indispensable à la compréhension de la société moderne.
Enfin, monsieur le ministre, la fondation dont je parlais tout à l'heure
pourrait être rapidement mise en place si votre ministère confiait à une haute
personnalité du monde scientifique ou technique le soin d'en préparer les
statuts. Il est également envisageable de demander à une fondation reconnue
d'utilité publique telle que la Fondation de France ou autres d'ouvrir un
compte spécial pour que l'action s'engage sans délais.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Luc Ferry,
ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.
Monsieur le sénateur, je partage tout à fait votre préoccupation.
Effectivement, les premiers cycles universitaires scientifiques connaissent une
baisse des vocations d'environ 10 % depuis huit ans, probablement même un peu
plus, et cette baisse n'est pas compensée par une affluence d'inscriptions dans
les IUT, les instituts universitaires de technologie. Du reste, la technologie
et la recherche fondamentale ne peuvent pas être confondues.
Il s'agit là d'un problème majeur qui touche tous les pays occidentaux,
singulièrement l'Allemagne et le Canada, ce qui prouve, d'ailleurs, que ce
problème n'est pas simplement lié aux conditions financières et matérielles
dans lesquelles s'exerce la recherche scientifique, puisqu'elles sont souvent
plus favorables au Canada ou en Allemagne qu'en France.
Nous sommes, en la matière, devant un problème de fond, que j'ai déjà abordé
hier soir, lors d'une réunion du comité consultatif national d'éthique et sur
lequel je m'exprimerai en janvier prochain devant l'Académie des sciences.
Il y a, à mon avis, deux causes essentielles à cette situation.
Premièrement, dans l'esprit de nos contemporains, la science est associée plus
à l'idée de risque qu'à l'idée de progrès, et c'est un problème majeur.
Deuxièmement, à l'instar de ce qui a été fait pour l'apprentissage de la
langue maternelle et de la grammaire, nous avons développé depuis trente ans
des techniques pédagogiques qui insistent sur la spontanéité et la créativité
des enfants. Or, s'il est un domaine dans lequel il faut mettre - tout au moins
dans un premier temps - sa spontanéité et sa créativité de côté, c'est bien le
domaine de la science. Le nombre de protéines, cela ne s'invente pas, cela
s'apprend. Il y a un certain nombre de choses à savoir dans le domaine
scientifique, et nous voyons bien que les élèves décrochent à partir de la
classe de seconde en raison des difficultés qu'ils éprouvent en cours de
physique.
Tels sont donc les deux problèmes majeurs auxquels nous nous heurtons. Je suis
tout prêt à discuter avec vous, monsieur Laffitte, des réponses
institutionnelles qu'il faut y apporter.
Vous avez évoqué l'expérience « La main à la pâte ». Je peux vous dire que ce
type d'action recueillera tout mon soutien dans le primaire, mais qu'il s'agit
d'un dispositif « hameçon ». Il vise à « accrocher » les élèves, mais il ne
pourra pas se substituer à l'enseignement scientifique, qui exige un véritable
travail. Si cette forme d'apprentissage, fondée sur la découverte,
l'observation, la sensibilisation, est utile dans l'enseignement, il faut
néanmoins garder à l'esprit que l'enseignement des sciences repose sur un
travail incompressible et sur un effort dont, il faut bien le dire, nos élèves
ont parfois perdu le goût.
Le plan de revalorisation de la science dans la cité que j'envisage de mettre
en place intégrera des propositions comme celles que vous faites. Il est très
important, dans l'enseignement secondaire, pour des disciplines comme les
sciences de la vie et de la terre, les SVT, que les professeurs emmènent leurs
élèves visiter des laboratoires. C'est en effet de cette façon que l'on peut
prendre goût à la recherche.
Dans le même ordre d'idées, les étudiants des premiers cycles universitaires
pourraient se voir proposer des cours de culture générale scientifique, sur les
grandes découvertes scientifiques du XXe siècle, par exemple.
Je suis ouvert à toutes les réponses d'ordre institutionnel, monsieur le
sénateur, et je suis prêt à en discuter avec vous dans les semaines qui
viennent ou lorsque cela vous conviendra.
M. le président.
La parole est à M. Pierre Laffitte.
M. Pierre Laffitte.
Monsieur le ministre, je vous remercie des réponses que vous m'avez
apportées.
Je suis convaincu qu'il faut approfondir les voies évoquées, notamment la
visite de laboratoires. Il faut encourager les sorties scolaires. Les recteurs,
inspecteurs généraux et chefs d'établissement ont sans doute un rôle à jouer
dans ce domaine en signalant les difficultés qui peuvent s'y opposer,
difficultés que la fondation pourrait contribuer à lever. Des questions de
financement sont-elles en cause ? Ce n'est pas évident. C'est à mon sens une
question de volonté. Je suis heureux de sentir que vous avez cette volonté,
d'autant qu'après chaque visite de laboratoires organisée à Sophia Antipolis
les professeurs disent : « Mais qu'a-t-on fait à mes élèves ? Désormais ils
s'intéressent à la physique et aux maths ! ».
Il y a véritablement là une voie à suivre. Je vous remercie de votre
proposition d'en parler ensemble, monsieur le ministre, et je me tiens pour
cela à votre disposition.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Claude Carle.
M. Jean-Claude Carle.
Monsieur le ministre, vous avez déclaré devant la commission des affaires
culturelles, et encore il y a quelques instants à cette tribune, que le
quantitatif n'était pas toujours synonyme de qualitatif. M. Darcos a ajouté que
ce sont les objectifs et non pas les moyens qui doivent piloter le système. Je
partage totalement ces deux points de vue, car, depuis sept ans, je ne cesse de
dire avec la même constance qu'il faut mettre un terme à la fuite en avant
budgétaire.
Si notre devoir est de faire que l'éducation reste la priorité de la nation,
il est aussi de ne pas se cantonner à satisfaire l'éternelle revendication des
moyens.
Les moyens n'ont pas fait défaut depuis deux décennies. Pourtant, les
résultats ne sont pas à la hauteur des moyens engagés. Le budget a été
multiplié par deux en quinze ans. Le nombre d'enseignants a augmenté de 40 %
durant cette période, alors que celui des élèves connaît aujourd'hui une
diminution.
Dans le même temps, des élèves se retrouvent sans professeurs et des
professeurs sans élèves. La commission d'enquête sénatoriale a dénombré 30 000
enseignants en surnombre, soit l'équivalent d'une trente et unième académie.
Malgré cette inflation de moyens, un jeune entre la sixième et la terminale
perd une demi-année d'enseignement.
Près d'un enfant sur trois éprouve des difficultés à maîtriser les disciplines
de base au collège et 60 000 élèves sortent chaque année du système éducatif
sans qualification.
Nombre de jeunes au terme de leurs études pousseront non pas la porte d'une
entreprise, mais, malheureusement, celle de l'ANPE, et certains d'entre eux,
après un cursus à bac + 2 ou bac + 4, sont contraints de préparer un brevet
professionnel. Je peux en témoigner, messieurs les ministres : il existe en
effet un centre de formation d'apprentis dans ma commune, qui, entre autres
formations, propose un brevet professionnel de préparateur en pharmacie ; or,
nombre de jeunes ayant suivi une, deux, quatre années d'études après le
baccalauréat viennent, à vingt-trois, vingt-quatre ans, préparer ce brevet
professionnel. N'aurait-il pas mieux valu les orienter plus tôt vers des
filières porteuses de débouchés et éviter ainsi un gâchis humain et financier
?
S'il est souhaitable de prendre en compte la demande sociale, il est néanmoins
nécessaire de tenir compte des besoins de notre économie et, en particulier,
des besoins locaux. Nous l'avions peut-être un peu trop oublié.
Je me réjouis donc, messieurs les ministres, de votre volonté, de votre triple
volonté, oserai-je dire.
La première est d'orienter et de redéployer les moyens là où sont les besoins,
en particulier au niveau du premier degré, afin de recréer une véritable
égalité des chances pour tous les enfants et de redonner confiance à de
nombreux enseignants fiers d'exercer leur mission de transmission du savoir
dans des conditions souvent difficiles.
La deuxième est de leur permettre de le faire dans un climat empreint d'une
plus grande sécurité morale et physique. Et je salue les mesures mises en place
par M. Xavier Darcos pour lutter contre la violence en milieu scolaire, son
souci courageux quant à l'amélioration d'une situation qui, aujourd'hui, nous
interpelle tous. La commision d'enquête sur la délinquance des mineurs, dont
j'ai été le rapporteur, s'est parfaitement rendu compte que les actes de
violence, d'incivilité ou de délinquance ne s'arrêtaient pas à la porte de
l'école et qu'il nous fallait mettre en place des mesures conjuguant bien
évidemment éducation, mais aussi dissuasion et sanction.
Vous le savez comme moi, les idées les plus généreuses se heurtent parfois à
la dure réalité du quotidien.
C'est pourquoi, à l'heure où certains se gaussent des mesures que vous prenez
afin de protéger la communauté éducative et le patrimoine, je leur rappellerai
l'exemple du lycée Léon-Blum de Saint-Fons, que certains, en 1984 et 1985, ont
voulu « ouvert », au sens physique du terme, puisqu'une rue avec des animations
traversait l'établissement. Nous avons dû le fermer quelques années plus tard,
car cet établissement était soumis à des actes de dégradation, de violence, et
il était devenu impossible d'y assumer la mission d'éducation.
Votre troisième souci, et peut-être votre première priorité, est de mettre sur
un pied d'égalité toutes les formes d'intelligence. Nous sommes en effet dans
une société qui n'a d'yeux que pour les sciences abstraites et qui oublie
l'autre forme d'intelligence, celle du geste, de la main, celle qui valorise la
matière et qui a fait la renommée de la France dans des domaines aussi variés
que l'architecture, le bâtiment, l'ébénisterie ou les métiers de bouche et de
la table.
Nous sommes là, messieurs les ministres, face à un véritable problème
culturel, qui, comme tout problème de cet ordre, se résoudra non par décret ou
par circulaire mais par des actions qui s'inscrivent dans le temps.
Il faut donc mettre un terme à un système qui est trop souvent régi par une
orientation faite d'échecs successifs, pour mettre en place une véritable
orientation positive. Nous devons avoir la même considération pour toutes les
formes d'intelligence, pour toutes les voies de formation, qu'elles soient
classiques ou par alternance.
Le collège doit permettre à des jeunes qui sont aujourd'hui voués à l'échec et
parfois conduits à se réfugier dans la violence et le refus de l'école
d'exceller.
Messieurs les ministres, êtes-vous prêts à définir une orientation positive
?
Si oui, êtes-vous prêts à vous appuyer sur deux concepts, le partenariat et la
proximité ?
Ce partenariat s'exercerait avec les collectivités locales, en particulier la
région, avec les familles, premières cellules d'éducation, et les professions,
car l'insertion professionnelle reste l'un des premiers facteurs de réussite
dans la vie.
Par ailleurs, la proximité permettrait de favoriser en particulier la mise en
réseaux de tous les partenaires précités, notamment au niveau du bassin de
formation.
En effet, ce n'est pas seuls et depuis la rue de Grenelle que vous pourrez,
messieurs les ministres, répondre à la diversité des situations et des
besoins.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du
RPR.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Luc Ferry,
ministre.
Monsieur le sénateur, je partage tout à fait vos
préoccupations. Pour mettre véritablement en oeuvre ou valoriser la voie
professionnelle comme elle le mérite aujourd'hui, et étant donné que le lycée
professionnel n'est plus celui que nous avons connu dans notre enfance, qu'il
est généralement très bien équipé et attrayant pour les élèves, lesquels y
reçoivent une formation intéressante et de grande qualité, il faut dépasser les
bons sentiments, de manière que cette voie professionnelle puisse être choisie
autrement que par défaut. Là est en effet le problème majeur.
Pour résoudre ce problème, trois orientations sont envisageables.
Premièrement, la voie professionnelle doit être découverte plus tôt par les
élèves de collège : c'est le seul moyen pour qu'elle ne soit pas choisie par
défaut. Cela signifie, non pas que l'orientation professionnelle se fera plus
tôt, mais que, grâce à la mise en place des classes en alternance, les élèves
pourront découvrir, tout en restant des collégiens, l'enseignement
professionnel et la réalité des métiers plus tôt. Ils pourront par conséquent
choisir en toute connaissance de cause plutôt que d'être obligés de le faire
par défaut.
Deuxième orientation, il faut faire apparaître, comme je le disais tout à
l'heure, notamment dans le cadre du lycée des métiers, que la voie
professionnelle peut être une voie d'excellence, qu'elle peut amener à un
niveau bac + 3, et que l'on peut, à la sortie de cette voie professionnelle,
non seulement trouver un métier attrayant, mais - pourquoi pas ? - créer une
entreprise, être indépendant et, disons-le franchement, gagner de l'argent.
Cela n'est pas honteux et fait aussi partie de ce qui peut intéresser les
jeunes.
Troisième orientation, il faut évidemment, dans le cadre de la
décentralisation proposée par M. le Premier ministre, améliorer le copilotage
des cartes de formation professionnelle, de telle sorte que les élus ne se
retrouvent pas au pied du mur, après avoir équipé magnifiquement certains
lycées, à regretter que telle voie de formation soit ouverte ou telle autre
fermée. Il faut évidemment harmoniser à la fois l'offre de formation et les
besoins réels des entreprises.
Vous savez parfaitement, monsieur le sénateur, qu'une enquête récente de
l'association Jeunesse et entreprises montre qu'il y a un décalage considérable
entre l'image que les jeunes se font des métiers d'avenir et la réalité des
besoins des entreprises.
Il faut évidemment veiller à l'harmonisation de ces deux données. Je
demanderai à partir du mois de janvier aux recteurs de toutes les académies de
réunir les principaux de collèges et les proviseurs de lycées professionnels,
afin que puissent être mises en place ces classes en alternance, où les
collégiens, tout en accompagnant les réformes essentielles en matière
d'enseignement général, pourront néanmoins découvrir la réalité des métiers.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Claude Carle.
M. Jean-Claude Carle.
Je remercie M. le ministre de sa réponse, de la volonté qu'il a exprimée de
développer cette orientation positive qui permet de faire entrer les meilleurs,
le plus tôt possible, dans la voie professionnelle, dans la voie technologique,
en leur donnant l'assurance qu'ils pourront évoluer, éventuellement suivre une
autre formation et, le cas échéant, changer de filière.
Tout système éducatif se doit, à l'évidence, d'apporter une réponse sociale
aux besoins des jeunes - et l'on ne fait rien de bien sans passion - mais aussi
une réponse aux besoins de notre économie, car l'insertion professionnelle est
la meilleure façon pour les jeunes de réussir leur vie, et notre mission est
justement de les y aider.
M. le président.
La parole est à M. Serge Lagauche.
M. Serge Lagauche.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits
en faveur de la jeunesse et de la vie associative, désormais rattachés à ceux
de l'enseignement scolaire, feront l'objet en 2003 d'une baisse de 2,1 % par
rapport à 2002, et seront fixés à 141,9 millions d'euros.
Le choix du Gouvernement de diluer cette enveloppe, déjà insuffisante, au sein
du premier budget de l'Etat, d'une part, et la présentation de ce budget par le
rapporteur de la commission des affaires culturelles comme étant « de
transition » et « préparant l'avenir », d'autre part, ne suffiront pas à
masquer, monsieur le ministre, votre volonté de rompre clairement avec l'action
menée par le précédent gouvernement et laissent présager un avenir des plus
inquiétants pour la jeunesse, le réseau associatif et l'éducation populaire.
Parmi les mesures proposées, je citerai celle qui concerne le réseau
info-jeunes : malgré le succès rencontré - près de 5 millions de personnes ont
été renseignées dans les différentes structures du réseau -, celui-ci verra ses
crédits diminuer de plus de 24 %, au détriment de la qualité de l'information,
de l'indispensable modernisation liée au développement de la société numérique,
du matériel et, bien évidemment, de l'encadrement.
De la même façon, le Gouvernement montre son maigre intérêt pour les contrats
éducatifs locaux : malgré la montée en puissance de ce dispositif initié par le
gouvernement de Lionel Jospin en raison des disparités territoriales
constatées, ils ne bénéficient que d'une mesure nouvelle de 800 000 euros sur
un total que nous avions porté en 2002 à près de 49 millions d'euros
Les crédits destinés aux bourses pour la préparation des brevets d'aptitude
aux fonctions d'animateur ou de directeur de centre de vacances et de loisirs,
ou ceux qui sont consacrés à l'INJEP sont, quant à eux, simplement reconduits,
ce qui, à structure constante, correspond en fait à une baisse.
La situation dans laquelle vont se retrouver de nombreuses associations est
tout aussi inquiétante : le Fonds national de développement de la vie
associative, qui a notamment pour mission de financer la formation des
bénévoles, verra ses crédits diminuer de 20,7 %, hors reliquat des crédits de
la mission interministérielle pour la célébration du centenaire de la loi de
1901.
Monsieur le ministre, la reconnaissance du rôle joué dans notre pays par le
monde associatif a donné lieu, à l'occasion du centenaire de la loi de 1901, à
la signature d'une charte d'engagement entre l'Etat et les associations. Dans
cette charte, l'Etat s'engage, d'une part, à promouvoir et à faciliter
l'engagement bénévole et, d'autre part, conjointement avec les associations, à
ouvrir la citoyenneté au plus grand nombre, en particulier aux jeunes et à ceux
qui ont le plus de mal à se faire entendre.
Que dire enfin de l'emploi quand les quelque 30 000 emplois-jeunes dont
bénéficiaient les associations sont appelés à disparaître en 2003 et quand vous
ne prévoyez que la création de soixante postes dans le cadre du fonds de
coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire ?
Mme Hélène Luc.
C'est toute la question !
M. Serge Lagauche.
Bien maigre effort, en effet, lorsque l'on sait tout l'intérêt des nouveaux
services qu'a généré le programme des emploi-jeunes ! Qui plus est, la
situation financière des collectivités locales et les incertitudes liées à la
décentralisation encore peu explicite engagée par le Gouvernement ne
permettront pas à ces collectivités de soutenir les associations autant que de
besoin et encore moins le dispositif de contrats d'insertion dans la vie
sociale, comme nous le savons tous.
Le monde associatif, dans ce contexte difficile, n'en devra pas moins
redoubler d'efforts pour participer, en partenariat avec l'éducation nationale,
à la réinsertion des jeunes les plus en difficulté.
Si l'on peut ainsi se féliciter que le Gouvernement ait fait des dispositifs
éducatifs comme l'opération « Ecole ouverte », les « classes-relais » et les «
ateliers-relais » une priorité, on regrettera néanmoins, d'une part, que les
crédits soient pris sur ceux qui sont consacrés à l'éducation artistique et
culturelle et, d'autre part, que la participation, au demeurant très positive,
des associations à ces actions oblige celles-ci à fournir plus de moyens tant
humains, pour l'Ecole ouverte par exemple, que matériels, tels les locaux pour
les ateliers-relais.
Je souhaiterais donc savoir si vous comptez, monsieur le ministre, intensifier
vos efforts en faveur de ces dispositifs que sont « l'Ecole ouverte », les «
classes-relais » et les « ateliers-relais », et connaître les aides que vous
comptez apporter aux associations qui s'investissent ainsi en partenariat avec
l'éducation nationale pour lutter contre l'échec scolaire des jeunes. Je me
fais l'écho des vives inquiétudes que suscite au sein du monde associatif votre
projet de budget : dans votre logique de transition, comptez-vous, à l'avenir,
renforcer la participation de votre ministère au FONJEP pour limiter les
difficultés qu'entraînera la disparition des emplois-jeunes ?
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Luc Ferry,
ministre.
Monsieur le sénateur, je tiens immédiatement à vous rassurer.
D'abord, le nombre de classes-relais sera multiplié par deux en 2003 et le
nombre d'ateliers-relais, dispositif encore meilleur d'une certaine façon
puisqu'il associe les associations de jeunesse et d'éducation populaire, sera
multiplié par trois dans l'année qui vient. Vous l'avez vous-même rappelé, nous
faisons un effort en faveur du FONJEP, puisque 60 postes supplémentaires sont
créés. J'ai indiqué tout à l'heure à M. Martin que nous avions un objectif de
400 nouveaux contrats éducatifs locaux l'année prochaine. Quant aux crédits du
FNDVA, ils sont maintenus.
Vous savez, par ailleurs, que les crédits consacrés à la jeunesse avaient
considérablement augmenté au cours des trois dernières années. Nous ne pouvons,
vous et moi, que nous en féliciter ; mais, honnêtement, vous m'accorderez que
le maintien de ces crédits au même niveau n'est pas véritablement
dramatique.
Par ailleurs, je crois que nous devons répondre, dans le cadre de ce budget, à
la demande d'engagement des jeunes, qui est très grande. Les jeunes en ont plus
qu'assez d'être associés aux incivilités, aux « sauvageons », à la violence, en
particulier dans les médias. Ils ont envie de s'engager dans la cité et d'être
reconnus pour cela.
Je crois qu'il y a un espace intermédiaire dans la vie des jeunes entre, d'une
part, leur vie dans les établissements scolaires et, d'autre part, leur vie
privée, leur vie intime : c'est l'espace de la société civile, dans laquelle il
faut leur proposer des engagements. C'est ce que nous allons faire, précisément
avec l'aide des associations de jeunesse et d'éducation populaire, dès le mois
de janvier, puisque nous leur proposerons 10 000 projets très sérieux
d'engagement dans les domaines de l'humanitaire, de la vie civique, de la
culture et du sport, mais aussi dans le domaine de la création
d'entreprises.
Il s'agit là, me semble-t-il, d'une véritable réponse non seulement à la
demande de sens et de reconnaissance qui est celle des jeunes mais aussi à
cette préoccupation souvent présente dans les familles face à cet âge difficile
de l'adolescence, où les jeunes ne savent pas trop quoi faire d'eux-mêmes, où
ils sont parfois désoeuvrés, où ils ont envie d'agir et d'être reconnus.
C'est aussi à cette situation-là que nous allons répondre par le livret des
engagements que nous mettrons en place au mois de janvier ou de février, et je
puis vous assurer que, compte tenu du budget actuel, la mise en oeuvre de ce
beau chantier ne soulèvera aucune difficultué.
M. le président.
La parole est à M. Serge Lagauche.
M. Serge Lagauche.
Vos réponses ne me rassurent pas, monsieur le ministre. En effet, ne
croyez-vous pas que les objectifs et les attentes des associations, qui
souhaitent avant tout pouvoir contribuer pleinement à l'intérêt général,
nécessiteraient des efforts plus importants de la part de l'Etat ? Or, dans le
projet de budget que vous nous présentez, on n'en trouve malheureusement pas
trace, ce qui doit d'ailleurs faire plaisir à M. le président de la commission
des finances.
Cela est d'autant plus inquiétant que, dans le domaine de la prévention de la
délinquance, de nombreuses associations mènent une action de proximité très
positive, en parallèle avec l'éducation nationale. Ne pas les soutenir
pleinement revient à laisser libre champ à la politique répressive de votre
collègue Nicolas Sarkozy, qui n'a pour conséquence que de supprimer
définitivement les chances de réinsertion sociale des jeunes les plus en
difficulté, même si M. Darcos ne croit pas aux miradors, aux hauts murs et aux
barbelés autour des établissements !
Votre ministère, c'est à la jeunesse dans son ensemble - avec toute sa
complexité - qu'il s'adresse : celle qui étudie, qui travaille, qui se
distrait, qui se cultive, qui s'amuse, qui aime, mais aussi celle qui souffre,
qui est en échec, qui est angoissée pour son avenir et qui observe le monde de
violence qui l'entoure. J'ai l'impression, monsieur le ministre, que cette
lourde responsabilité ne transparaît vraiment pas dans votre budget.
M. le président de la commission des affaires culturelles de l'Assemblée
nationale a demandé que soit organisé un débat sur les orientations et les
missions de l'éducation nationale. Si l'on peut rejoindre cette idée, n'est-il
pas préférable d'organiser, en réalité, un grand débat sur la jeunesse - c'est
sur elle que repose l'avenir de notre pays - au sein duquel l'éducation
nationale, l'un des principaux acteurs, aurait bien évidemment toute sa place
?
Pour le groupe socialiste du Sénat, la politique de rupture engagée par le
Gouvernement dans le domaine de la jeunesse et de la vie associative suscite de
vives inquiétudes. C'est pourquoi il s'oppose au projet de budget pour la
jeunesse et l'enseignement scolaire.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Louis Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain.
Messieurs les ministres, il peut sembler banal, voire inutile, de vous
interpeller à propos des violences scolaires devant le nombre de réactions
médiatiques, de déclarations et d'initiatives qui se multiplient depuis
plusieurs années. Je rappelle néanmoins que nous nous sommes intéressés
personnellement à ces problèmes, alors que le mutisme était de règle et les
signalements culpabilisants.
Vous êtes injustement mis en cause à propos des effectifs de surveillants et
nous savons que l'approche quantitative ne règle rien. Il est plus utile de
créer un véritable corps professionnel. Les conditions d'études des jeunes
adultes se sont modifiées et la diversité des populations scolaires nécessite
une adaptation et des compétences. Monsieur le ministre, vous souhaitez changer
les mentalités. Il s'agit d'un travail de longue haleine. Dans cette enceinte,
nous avons organisé un colloque sur les incivilités. Il serait nécessaire de
poursuivre la recherche, la réflexion et l'action, car les incivilités sont à
l'origine de troubles graves du comportement. Nous ne pouvons pas seulement
répondre ponctuellement aux agressions sévères et inadmissibles.
Les textes sur la menace proférée à l'encontre du personnel de l'éducation
nationale ou sur les outrages à l'intérieur des établissements montrent les
bonnes intentions du Gouvernement. La prise de conscience des difficultés et
des conditions d'enseignement permet de déclencher une solidarité des parents,
mais elle engendre aussi une profonde angoisse.
L'école doit être protégée de l'extérieur et de l'intérieur. A son rôle
éducatif, elle doit adjoindre - éventuellement pour les retrouver - un certain
nombre d'outils indispensables à une vie scolaire de qualité, malgré des
acteurs qui sont parfois en grande difficulté.
A cet égard, le débat sur la décentralisation est une occasion.
Mais l'éducation nationale reste une forteresse où se maintient une hiérarchie
pesante et où, malgré le développement récent du partenariat avec la justice,
la police et la gendarmerie, les initiatives sont limitées.
En développant les relations avec la prévention spécialisée qui relève de
l'action du conseil général, pourrait être assurée une liaison entre la
politique de prévention de la délinquance et les violences internes à l'école.
En développant un service social suffisant et en contractualisant avec des
départements, vous pourriez assurer une continuité entre la PMI en amont et le
service social départemental. La prévention et le traitement social seraient
acquis.
Monsieur le ministre, il nous faut agir non seulement sur les mentalités -
c'est ce que vous souhaitez -, mais aussi sur les comportements. Nous sommes
convaincus que le rôle primordial de l'école reste la transmission du savoir,
mais il y a nécessité d'une éducation fondée sur le respect des valeurs :
appréhension du bien et du mal, respect de l'adulte et de l'autre, contrôle des
pulsions agressives, respect du corps et de la dignité de la femme, perception
de son propre « patrimoine santé », enseignement de la politesse et refus du «
para-langage ».
Faut-il sanctuariser l'école, monsieur le ministre, et si oui, comment ? Nous
vivons simplement une transcription des événements violents perçus dans la
ville, dans les familles. L'enfant porte dans son sac les souffrances
familiales : maltraitance, carence éducative, manque d'affectivité. Mais il
doit pouvoir bénéficier d'une observation et d'un dépistage préventif pour
enrayer toute fatalité.
L'école doit redevenir un temple du savoir, avec des rituels qui sont
structurants pour l'avenir. Vous proposez un parcours civique de la maternelle
à la classe terminale. Nous avions proposé un carnet d'accompagnement différent
du livret scolaire.
Quant aux violences graves, elles doivent être traitées de manière rapide et
adaptée. L'école ne peut s'occuper des phénomènes de délinquance, en
particulier de ceux qui relèvent de l'économie parallèle. C'est l'affaire de la
justice, de la protection judiciaire de la jeunesse, de la police judiciaire,
notamment.
Monsieur le ministre, dans le budget, sont prévus 20 millions d'euros
consacrés à cette politique de prévention de la violence à l'école, dont vous
faites une priorité.
Comment changer la donne ? Comment sortir d'une situation inacceptable ?
Il y a des remèdes à court terme. Quels sont-ils, selon vous ? Sans anticiper
sur vos réponses, je crois qu'il est nécessaire de faire comprendre que la
violence n'est ni un jeu ni une réponse. Les crimes sont perçus par des jeunes
comme un légitime règlement de compte. Bien sûr, la sanction évite le sentiment
d'impunité. Cependant, les enseignants ont aussi besoin du soutien de leurs
collègues. L'établissement scolaire a le devoir d'assurer l'intégrité morale et
physique des individus dans ses murs.
Il y a aussi des remèdes à moyen terme. Lesquels voyez-vous, monsieur le
ministre ? Nous pourrions développer l'enseignement des valeurs dès le plus
jeunes âge. Des normes et des impératifs sont nécessaires pour apprendre à
vivre ensemble. L'enseignement précoce des rudiments de la philosophie, du
droit et du fait religieux peut changer les mentalités.
(M. René-Pierre
Signé s'exclame.)
Une réflexion nationale sur la fonction première de l'école est-elle
envisageable ?
L'idéologie est devenue partie intégrante des sciences sociales ; le
démocratisme scolaire a rendu plus injuste la sélection des élites. Les
sciences de l'éducation ne semblent pas remplir leur fonction, pour avoir
cherché à développer une pédagogie de masse.
Il serait utile de retrouver Foucault, Piaget, Durkheim au-delà des chapitres
budgétaires.
M. René-Pierre Signé.
Et vive l'enseignement confessionnel !
(Sourires sur les travées
socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Xavier Darcos,
ministre délégué.
Monsieur le sénateur, vous avez raison de rappeler que
le dispositif auquel nous pensons pour lutter contre les violences scolaires
est essentiel, car nous sommes, à cet égard, face à une réalité indéniable.
Je suis d'ailleurs surpris que l'on critique l'action gouvernementale dans ce
domaine, alors que nous ne faisons que répondre à une situation d'urgence. On
parle en effet, pour l'année passée, de 81 362 incidents graves, c'est-à-dire
des incidents qui interrompent la vie de tout un établissement pendant une
demi-journée, voire une journée. C'est tout de même là un chiffre très
important. Pour le seul premier trimestre, les chiffres sont de l'ordre de 17
000 à 18 000 incidents graves signalés, et il y en a peut-être qui ne le sont
pas.
Je pense que, devant un tel problème, il ne faut ni se livrer à des
rodomontades ni faire l'autruche.
Nous avons considéré qu'il existait déjà beaucoup de dispositifs de lutte
contre la violence scolaire : six pour être précis. Les divers gouvernements se
sont en effet attelés à ce problème. J'ai moi-même, dans d'autres fonctions, eu
l'occasion d'être associé à la réalisation de deux de ces dispositifs.
Cependant, à nos yeux, ces actions ponctuelles successives ne sont pas
suffisantes. Il faut plutôt changer les mentalités. Cela signifie que les
représentants de la nation doivent se mettre d'accord sur ce qu'ils considèrent
comme devant être les valeurs essentielles partagées par les élèves, qu'elles
soient civiques, morales ou comportementales.
Nous devons donc mettre au point une sorte de charte, fixant pour l'ensemble
de la communauté éducative les règles auquelles chacun doit se conformer. Une
fois que nous disposerons de ce grand document, qui sera d'ailleurs présenté au
Parlement, car la représentation nationale doit en débattre, la vie dans les
établissements scolaires pourra se dérouler selon les règles ainsi établies.
Nous souhaitons d'ailleurs que, au moment où les élèves découvrent
l'établissement, accompagnés de leur famille, ces règles leur soient clairement
explicitées, par exemple, au cours d'une demi-journée spécialement consacrée à
cela, et que les élèves signent ensuite un contrat pour lequel ils s'engagent
sur l'honneur à se comporter conformément auxdites règles.
Tout cela peut paraître un peu théorique à ceux qui ne sont pas des
spécialistes de l'éducation. Mais nous qui connaissons cette maison qu'est
l'éducation nationale, nous savons qu'il faut réellement changer les
mentalités, qu'il faut renverser lentement, mais d'une manière continue, l'état
d'esprit qui règne dans nos établissements. Cela passe par la reconnaissance
d'un code commun de comportement et par la volonté de restituer l'école dans sa
mission première, qui n'est pas de faire du gardiennage mais d'instruire.
Je voudrais dire aussi un mot des victimes. Comment réagiraient ceux qui nous
reprochent de vouloir protéger l'établissement ou qui estiment que nous sommes
trop répressifs si leur propre enfant avait reçu un
flash ball
dans
l'oeil, après une intrusion de gens cagoulés dans l'établissement ?
Trouveraient-ils normal qu'on laisse l'établissement ouvert à tous vents ?
N'oublions pas que, derrière tout cela, il y a de la souffrance, d'autant que
ce sont toujours les mêmes qui « trinquent » : ceux qui vivent dans les
quartiers difficiles, qui sont en échec scolaire, dont la famille n'a pas les
moyens d'envoyer ses enfants dans des établissements où ils seront protégés.
Il s'agit donc d'une action réellement sociale, qui va dans le sens de
l'égalité des chances.
Pour les victimes, en particulier pour les personnels qui sont confrontés à
cette violence, nous avons prévu un certain nombre de dispositifs.
Je rappelle qu'il existe désormais un numéro SOS qui permet d'obtenir
immédiatement un contact dans chaque rectorat. Ne sous-estimons pas ces
systèmes d'alerte téléphonique, qui fonctionnent d'ailleurs très bien. L'Ecole
des parents d'Ile-de-France a installé un dispositif comparable qui reçoit 1
250 000 appels par an. Cela prouve bien que l'installation d'un tel dispositif
d'écoute est en fait très important.
Par ailleurs, nous installons dans chaque établissement un adulte référent, de
manière que, lorsqu'une difficulté, une violence quelconque est signalée, on
sache à qui s'adresser. C'est cet adulte référent qui suivra le dossier, qui
accompagnera les parents, les victimes.
Nous avons également décidé de renégocier notre convention avec l'INAVEM,
l'Institut national d'aide aux victimes et de médiation.
Le gouvernement précédent, ayant réduit de deux tiers la subvention de l'Etat
à cet organisme, nous l'avons restaurée dans son intégralité.
Nous croyons aussi - je n'hésite pas à le dire - qu'il faut sanctuariser les
établissements. Bien entendu, il ne s'agit pas d'installer dans les
établissements, comme certains l'ont dit de manière parfaitement caricaturale,
des miradors ou des pelotons de CRS ! C'est complètement ridicule ! Nous
voulons simplement qu'il soit répondu plus rapidement qu'aujourd'hui aux
demandes des établissements qui souhaitent que leurs abords soient mieux
protégés, et cela, évidemment, en accord avec les collectivités locales. Nous
ne voulons pas que les autorités des établissements aient l'impression qu'elles
sont livrées à elles-mêmes en cas de difficulté.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Louis Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain.
Monsieur le ministre, je vous remercie des précisions que vous nous avez
apportées. Je me contenterai, en cet instant, d'évoquer la réflexion qu'a
engagée le Sénat sur la problématique de l'adolescence. Un groupe de travail a
été constitué, qui souhaite oeuvrer en liaison avec le ministère de la santé et
celui de la famille et des personnes âgées, mais qui requiert également votre
soutien.
Nous sommes particulièrement attentifs aux projets tendant à l'ouverture de
maisons de l'adolescence.
Ces maisons de l'adolescence sont des lieux d'écoute et d'accueil ; elles
peuvent aussi être des lieux de soins et d'hébergement ainsi que des lieux
d'éducation. Et c'est pour cette raison que nous avons besoin de tisser des
liens avec le ministère de l'éducation nationale. C'est pourquoi, monsieur le
ministre, je me permettrai de reprendre contact avec vous à ce sujet.
M. le président.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, il nous
incombe de construire l'avenir de manière solidaire, car c'est l'intérêt de
chaque citoyen, toutes générations confondues ; c'est également l'intérêt de la
nation tout entière.
Notre jeunesse dans sa totalité et dans sa diversité constituera, sans nous,
la France de demain : le budget proposé engage cet avenir et ne pas considérer
comme prioritaire l'éducation de notre jeunesse, c'est, selon moi, faire une
bien étrange économie !
Avec 54 milliards d'euros de dépenses, même si c'est là un montant important,
ce budget n'est pas suffisant, et il n'a pas réussi à convaincre mon groupe, ni
l'opinion publique d'ailleurs, comme l'a démontré la manifestation du 17
octobre dernier.
Le budget est traité en termes de masse financière et non pas en fonction des
postes nécessaires, des besoins avérés. La logique qui le sous-tend est celle
du résultat et non celle des moyens. Cette logique entraîne, sans pitié pour la
mission moderne de ce service défini comme laïque et gratuit, la remise en
cause du collège unique et de l'objectif des 80 % d'élèves atteignant le niveau
du bac, la diminution des subventions allouées aux programmes pédagogiques et
la réduction des effectifs prévus.
Pourquoi rompre avec le plan pluriannuel qui, décidé par le gouvernement
précédent, entrait dans sa troisième et dernière année ?
Le budget fait par ailleurs l'impasse sur le financement des manuels
scolaires. Or c'est une revendication forte de toutes les familles. Le Premier
ministre ne déclarait-il pas, voilà quelques mois, en sa qualité de président
de l'Assemblée des régions de France, que cette dépense incombait à l'Etat et
non aux collectivités territoriales ?
Pour que le tandem élève-enseignant avance, il faut que l'enseignement et la
pédagogie soient reconnus comme un savoir-faire spécialisé, comme une mission
qui ne se résume pas à la stricte transmission des connaissances.
Pour ce faire, l'enseignant doit bénéficier d'une formation professionnelle
continue, adaptée aux nouvelles technologies et aux nouveaux outils
pédagogiques. Pourtant, l'enveloppe destinée à la formation continue est, dans
le budget proposé, amputée de 50 millions d'euros.
Par ailleurs, l'enseignant doit être entièrement libéré des tâches de gestion,
de surveillance et de maintenance, d'assistanat social.
Les professionnels de l'encadrement, nécessaires et précieux, intégrés dans la
vie de l'école, sont là pour remplir cette mission : or le Gouvernement
supprime 5600 emplois de MI-SE ; ce sont environ 10 000 personnes qui sont
concernées en tenant compte des emplois à mi-temps et à temps partiel. En
outre, 20 000 aides-éducateurs ne seront pas reconduits.
Les crédits pédagogiques alloués à la vie scolaire et aux différents projets
pédagogiques sont réduits, alors que ces initiatives s'inscrivent dans la
logique d'une action éducative renforcée. De plus, le Gouvernement supprime les
crédits pour les actions éducatives et culturelles, et la plupart des projets
d'action culturelle seront abandonnés puisque ce chapitre du budget connaît une
réduction de 20 millions d'euros.
Au moment où M. Darcos, inquiet et scandalisé devant les faits graves de
violence à l'école, présente un « plan pour la paix scolaire » - intitulé
quelque peu choquant, qui rappelle d'autres situations -, les suppressions
prévues paraissent incohérentes et en totale contradiction avec les exigences
des personnels du monde enseignant.
Si l'école est un régulateur, elle ne peut toutefois assumer seule notre crise
sociale endémique et les effets de celle-ci sur notre jeunesse.
Notre jeunesse, par ailleurs, n'est pas un peuple de « sauvageons » que
l'armée serait susceptible de « pacifier ».
(Murmures d'approbation sur les travées du groupe CRC.)
M. Pierre Martin
en a très bien parlé tout à l'heure, lors de la présentation de son rapport.
Le Gouvernement ne devrait pas revenir aux schémas de pensée, de langage et
d'action du xixe siècle. Des symptômes comme l'illettrisme, l'absentéisme et
même l'insolence à l'école ne sauraient être assimilés à la délinquance et au
banditisme. Certes, la délinquance et le banditisme existent à l'école, mais
ils sont inséparables des problèmes globaux de la société. De surcroît, vous le
savez bien, la délinquance sociale et économique n'a pas d'âge !
La jeunesse, toute la jeunesse, était dans la rue le 21 avril, et sur tout
l'Hexagone, rappelez-vous ! Elle demande non seulement les moyens d'agir sur sa
vie et sur celle de la cité, mais aussi de l'estime et de la confiance.
A ce propos, le projet de budget ne prend pas en compte la question importante
de l'allocation d'autonomie, et rien n'est proposé concernant l'aide financière
aux lycéens.
Le service public, selon les principes de la République, est pourtant là pour
garantir l'égalité des chances et l'accès de tous aux savoirs, permettant ainsi
aux élèves d'acquérir une conscience citoyenne ; le déterminisme social n'est
pas une fatalité !
Monsieur le ministre, ma question concerne l'emploi des jeunes dans
l'éducation nationale. Que proposez-vous aux aides-éducateurs, aux
emplois-jeunes dont le contrat arrive à échéance ? Quelle solution
préconisez-vous concernant le besoin de personnel d'encadrement de proximité
?
Après la déclaration de M. le président de la commission des finances et après
vous avoir entendu répondre, monsieur le ministre, que vous feriez des efforts
pour réduire le budget, j'aimerais que vous nous précisiez sur quels secteurs
vous comptez faire peser ces efforts.
(Applaudissements sur les travées du
groupe CRC.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Luc Ferry,
ministre.
Madame David, je vous écoute toujours avec beaucoup
d'attention. Pardonnez-moi d'être un peu polémique, mais ce n'est pas sur la
sortie du dispositif des emplois-jeunes que vous avez été le plus
convaincante.
Permettez-moi de rappeler que rien n'a été prévu à cet égard par le précédent
gouvernement. J'ai d'ailleurs été obligé de faire savoir à mon précédesseur que
le financement des indemnités de chômage n'avait pas été prévu.
M. Alain Gournac.
Tout à fait !
Mme Hélène Luc.
C'est vrai, mais demandez donc aux jeunes qui ont été aides-éducateurs s'ils
n'ont pas apprécié !
M. Luc Ferry,
ministre.
J'ajoute qu'aucun des jeunes occupant aujourd'hui un tel emploi
ne va être licencié. Qu'on cesse de présenter la sortie du dispositif des
emplois-jeunes comme si nous étions en train de faire un plan de licenciement !
Non seulement ces jeunes sont appelés à conserver l'emploi qu'ils occupent
jusqu'à la fin de leur contrat, mais j'ai décidé de prolonger ces contrats
jusqu'au mois de septembre 2003, alors que leur terme était fixé au mois de
janvier !
Ce n'est donc pas sur la question de la sortie du dispositif que le
gouvernement précédent a été le plus grandiose !
Nous allons, de toute façon, mettre en place un autre dispositif, destiné à
prendre le relais.
S'agissant des crédits de formation, je suis obligé, là aussi, de vous opposer
un démenti : ils sont augmentés.
Quant aux classes à projet artistique et culturel, les « classes à PAC », il
est vrai que nous allons en réduire un peu le nombre. Mais, là encore, il
convient de rester sérieux : nous allons passer de 24 000 classes prévues à 20
000, ce qui n'est déjà pas si mal, notamment au regard du travail d'évaluation
qui a été effectué et lorsque l'on sait que, l'an dernier, le dispositif prévu
n'avait pas été intégralement mis en place.
En tout cas, ne dites pas que nous anéantissons le dispositif. Nous ne sommes
pas dans une perspective aussi noire que vous voulez bien le dire !
Le vrai problème, aujourd'hui, c'est d'améliorer la qualité du métier
d'enseignant. Vous savez bien que 5 % des jeunes agrégés ou des jeunes
certifiés démissionnent dès la première année. C'est dramatique ! Vous savez
bien que le vivier de recrutement des enseignants, contrairement à ce qu'avait
dit mon prédécesseur, connaît un très grave tarissement. Il y a là un problème
de fond.
Le dispositif que Xavier Darcos et moi-même mettons en place pour lutter
contre l'insécurité, les incivilités et la violence dans les établissements
n'est pas un dispositif répressif
a priori.
Il a pour finalité
essentielles, précisément, d'aider les enseignants à retrouver le goût de leur
travail, qui est quand même de transmettre les savoirs pour lesquels ils ont eu
une passion comme étudiants.
Il est évident que, si l'on ne réussit pas à rétablir le calme et la sérénité
dans les établissements, nos enseignants du second degré auront bien du mal à y
réaliser leur vocation. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si cette vocation se
reporte massivement sur le premier degré, où l'on est encore à peu près
tranquille, où l'on peut exercer son métier d'enseignant dans des conditions
qui sont encore à peu près satisfaisantes.
Donc, travaillons ensemble à améliorer la vie des enseignants ; c'est cela,
pour moi, la priorité des priorités.
(Applaudissements sur les travées de
l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David.
Monsieur le ministre, vous vous doutez bien que je ne suis pas complètement
convaincue par vos réponses.
Vous me dites que, pour les emplois-jeunes, rien n'avait été prévu. Soit !
Mais vous, que prévoyez-vous, puisque c'est vous qui êtes aujourd'hui au
Gouvernement ? Et je vous rappelle que cela concerne quand même plus de 62 000
emplois-jeunes, des emplois-jeunes qui ont une réelle utilité, dans l'éducation
nationale comme dans la vie associative.
Ma question était donc essentiellement la suivante : comment faire pour
remplacer tous ces jeunes qui vont quitter l'encadrement de proximité ?
Quant à la condition des enseignants, qui est effectivement un point très
important, je vous rappelle, monsieur le ministre, qu'environ 60 000 d'entre
eux vont bientôt prendre leur retraite. Or, du fait de la non-création de
postes cette année, rien n'est aujourd'hui prévu pour renouveler les
effectifs.
M. le président.
La parole est à M. André Lardeux.
M. André Lardeux.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce n'est pas
d'un manque de moyens que souffre l'éducation nationale : ceux-ci n'ont jamais
été aussi élevés ! Il faut plutôt s'interroger, me semble-t-il, sur l'indice
coût-performance.
Avec 6,2 % du PIB consacrés à la formation des jeunes, la France se situe
nettement au-dessus de la moyenne des pays de l'OCDE. La vieille antienne de
l'insuffisance des moyens n'est qu'un prétexte pour se dispenser de toute
réflexion sur les véritables problèmes auxquels l'école est confrontée ou sur
les pseudo-réformes qui l'ont inutilement perturbée.
La question n'est pas de dépenser plus, mais de dépenser mieux. L'école doit
aider à la fois au développement culturel, à la croissance économique et à la
promotion sociale d'un pays. Or notre système éducatif souffre de carences et
de faiblesses. Parmi celles-ci, il faut souligner le déficit de l'éducation
morale, celui de l'éducation civique ou l'insuffisance pour conduire les jeunes
à l'autonomie de jugement et de détermination.
On peut penser trouver une solution à un certain nombre de ces difficultés en
mettant en place d'autres modes de
management.
Il faut donc, me
semble-t-il, envisager une modification profonde du système éducatif.
Monsieur le ministre, je souhaite que vous nous éclairiez sur ce qui est
envisagé ou envisageable, tant dans le domaine de la déconcentration que dans
celui de la décentralisation. L'idée de donner aux lycées et aux collèges qui
le souhaitent la faculté de disposer d'une grande autonomie en matière de
gestion - qu'il s'agisse des moyens financiers ou de la pédagogie - ne saurait
être écartée
a priori.
En revanche, les objectifs doivent être fixés sur le plan national, et toute
avancée dans l'autonomie doit s'accompagner d'un renforcement de l'autorité
centrale en matière de définition du cahier des charges et d'évaluation.
Quant aux modalités d'exécution, elles relèvent, me semble-t-il, de
l'initiative locale. Un système aussi hiérarchisé et centralisé qu'il l'est
actuellement a fait son temps. Comment, en effet, mener à bien un projet
d'établissement sans avoir son mot à dire sur le recrutement du personnel dudit
établissement ?
On ne peut se satisfaire de laisser les affectations déterminées par un
ordinateur, sauf prétexte d'égalité. Ce système n'est guère conforme à l'équité
et à l'efficacité, car c'est ainsi que les enseignants les moins expérimentés
et les moins bien armés se retrouvent dans des situations qu'ils ont du mal à
gérer et à surmonter.
Les évolutions que j'appelle de mes voeux permettraient, me semble-t-il, de
sauver le collège, « l'homme malade de l'éducation nationale », même si l'école
primaire ne se porte peut-être pas non plus de façon excellente.
Le collège unique est devenu une cocotte-minute prête à exploser. Je peux
citer, à titre d'exemple, un collège de ZEP, situé à quelques mètres de mon
domicile, à Angers, où, malgré la faiblesse de l'effectif global, les
enseignants ont de plus en plus de mal à gérer des comportements violents,
générés pour partie par l'inadaptation des élèves aux classes où ils sont
affectés : les élèves de la SEGPA, ou section d'enseignement général et
professionnel adapté, relèvent davantage, pour nombre d'entre eux, de
l'institut médico-éducatif ou de l'institut médico-professionnel, tandis que
nombre d'élèves du collège relèveraient de la SEGPA.
Il me paraît urgent de mettre fin au caractère uniforme du collège, uniforme
qui vire à la grisaille ! Il faut réintroduire la diversité des voies, car
multiples sont les possibilités des élèves, et les chemins pour les exprimer
sont, à l'évidence, très variés.
Tout le monde sait que la filière unique est une fiction, voire une imposture
que les stratagèmes des parents - plus souvent les enseignants et les cadres
que les autres, d'ailleurs - pour contourner la carte scolaire illustrent
fréquemment et que la répartition géographique des collèges confirme. A cet
égard, il y a lieu de s'interroger sur les raisons qui motivent, ici, la
création de classes à horaires adaptés, là, l'introduction d'une langue plus ou
moins exotique.
Enfin, quelle place pensez-vous donner à l'avenir aux collectivités locales
dans le fonctionnement du système ? Envisagez-vous d'étendre leurs compétences
en matière de santé scolaire, d'intégration des handicapés, à travers la
question du transport, de gestion matérielle des établissements, avec les
personnels ATOSS, de mise en place de la carte scolaire, de financement des
centres d'information et d'orientation, pour lequel les départements
interviennent déjà de façon importante alors que la loi en fait une compétence
exclusive de l'Etat, ou même des centres de documentation pédagogiques, dans
lesquels le rôle des conseils généraux est maintenant loin d'être négligeable
?
Le chantier est vaste. Je suis bien conscient que vous ne pouvez pas répondre
à tout dès maintenant et que tout ne peut se faire dans l'immédiat, d'autant
que vous souhaitez, avec raison, échapper au syndrome de la grande réforme.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Luc Ferry,
ministre.
Je suis en parfait accord avec vous sur un point essentiel de
votre intervention, la nécessité de diversifier les parcours au sein du
collège. C'est précisément le projet qui préside à la mise en place des classes
en alternance dès la quatrième.
Nous devons en effet réfléchir à une véritable diversification des parcours au
collège, diversification qui n'a pas véritablement - c'est le moins que l'on
puisse dire - été réussie par l'introduction des intinéraires de découverte. Si
ces derniers ont permis une certaine interdisciplinarité, que l'on peut, par
ailleurs, trouver positive, ils n'ont toutefois nullement répondu au véritable
objectif poursuivi, la diversification des voies à l'intérieur du collège.
Pourquoi suis-je néanmoins attaché à l'idée que les collégiens qui vont entrer
dans ces classes en alternance avec les lycées professionnels, voire avec les
entreprises, demeurent des collégiens ? C'est précisément parce que j'ai la
conviction qu'il faut maintenir l'idéal de l'enseignement général pour tous.
Ceux qui auront choisi la voie professionnelle ne doivent pas se retrouver en
fin de parcours privés du bagage de culture générale qui leur permettrait, par
exemple, de passer un brevet de technicien supérieur, de suivre une section de
technicien supérieur, voire d'aller dans un IUT. Il faut donc que nous
maintenions cet idéal, mais que nous diversifiions aussi réellement les
parcours. Je crois que, sur ce point, nous sommes tout à fait d'accord.
S'agissant de la décentralisation, notamment de l'autonomie des
établissements, je pense qu'un certain nombre de chantiers extrêmement
prometteurs vont se mettre en place très rapidement.
J'évoquais tout à l'heure le copilotage des cartes de formations
professionnelle, chantier très important sur lequel nous avons beaucoup à
gagner. Sur le chantier de l'orientation, de même que sur le chantier de la
mise en réseau des écoles communales, nous avons également beaucoup à gagner de
la décentralisation. Nous avons des progrès à faire.
Vous avez évoqué la question délicate - mais, à mon avis, prometteuse entre
toutes - de l'autonomie plus grande des établissements. Sachez que nous allons
l'expérimenter dans un certain nombre de régions avec, par exemple, des
dotations budgétaires globales, des fongibilités de lignes de crédits, la
possibilité d'avoir des recettes, et une formation continue plus déployée
qu'elle ne l'est aujourd'hui, permettant ainsi le recrutement de personnels non
enseignants.
Cela étant dit, bien sûr, il faut toujours contrebalancer les choses, comme
vous le disiez fort justement. Il est clair que les fonctions régaliennes de
l'Etat seront maintenues : le recrutement des enseignants - cela va de soi -,
la validation, la définition des diplômes nationaux, la définition des voies de
formation, ainsi que la mission essentielle de péréquation et d'égalisation des
conditions entre les régions.
Les expérimentations que vous évoquez me paraissent, en effet, tout à fait
prometteuses, et nous les mettrons en place dès janvier ou février prochain
dans certaines régions qui sont déjà candidates.
M. le président.
La parole est à M. André Lardeux.
M. André Lardeux.
Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse qui rejoint tout à
fait mes souhaits, ainsi que ceux de bon nombre de sénateurs de mon groupe.
Il est très important, en effet, que l'alternance au collège se mette en
place. On voit l'efficacité des maisons familiales rurales, par exemple, dans
ce genre de formation, et je crois que l'éducation nationale a beaucoup de
choses à glaner pour permettre aux jeunes de trouver leur voie dans la vie.
Pour ce qui est des expérimentations, je suis pleinement d'accord. En tant que
responsable de collectivité locale, permettez-moi simplement de souhaiter qu'il
y ait une grande concertation entre les départements, les régions et les
services de l'éducation nationale. En effet, quelques rouages sont actuellement
encore un peu difficiles à faire fonctionner. En matière de transport scolaire,
par exemple, nous devons nous adapter au dernier moment, notamment pour
intégrer de jeunes handicapés.
M. le président.
La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vais
d'autant moins me livrer à l'exercice de critique systématique du budget de
l'éducation nationale...
M. Ivan Renar.
Ce n'est pas interdit !
M. François Fortassin.
... que nous pourrions avoir des appréciations très diverses : M. le ministre
nous dit que son budget est excellent, moi, je peux avoir une appréciation
légèrement différente.
Permettez-moi toutefois d'insister sur quelques points.
Je commencerai par le problème des surveillants. Vous livrant à un exercice
d'illusionniste extrêmement habile et digne de Gérard Majax, vous nous avez
expliqué, monsieur le ministre, que vous supprimez des postes de surveillants
mais qu'en réalité, vous allez faire mieux. Je veux bien, moi, que le
qualitatif l'emporte sur le quantitatif ; sur cela, nous pouvons être tout à
fait d'accord.
Mais vous n'y arriverez pas en décrétant qu'on doit supprimer des postes de
surveillants dès l'instant où ces derniers ne sont pas motivés et sont absents.
Alors, je vais vous donner une recette tout à fait simple : inspirez-vous des
formations d'ingénieur ou d'autres professions, faites faire une année de «
pionicat » à tous les gens qui veulent s'engager dans l'éducation nationale.
Ils verront ce qui se passe dans la cour, ils verront ce qui se passe à
l'extérieur du collège ! Et vous n'aurez pas, au bout d'une année, toutes ces
démissions de gens qui se retrouvent avec une agrégation au milieu d'élèves
qu'ils n'ont jamais vus auparavant !
Je voudrais aussi insister sur le fait que les surveillants ont une utilité
très forte ; en effet, les surveillants, c'est une présence humaine ! Qu'on
installe des caméras aux portes des établissements scolaires, personnellement,
je n'y vois que des avantages ! Mais croyez-vous que les caméras mises en place
dans le réseau métropolitain ont été d'une grande efficacité en matière de
sécurité ? On ne peut répondre que par la négative.
Par ailleurs, j'aurais aimé, monsieur le ministre, que vous rappeliez quelques
valeurs indispensables, qui, quelles que soient nos sensibilités, peuvent nous
rapprocher. C'est ainsi qu'il me paraît utile de dire que l'école ne doit pas
être un lieu ludique.
M. Adrien Gouteyron.
Effectivement !
M. François Fortassin.
Le professeur, ce n'est pas un animateur, c'est un enseignant.
J'aurais aimé, monsieur le ministre, vous entendre dire qu'il est une autre
valeur importante, celle de la laïcité, et que la religion n'a qu'un caractère
privé. Ce faisant, on amènera de la tolérance dans les établissements scolaires
et on limitera la violence. Je crois utile par ailleurs de dire que
l'orientation ne doit pas être une fatalité à un âge précis. Certains enfants
n'ont pas forcément à douze ans la maturité qu'ils auront à treize ou quatorze
ans. Et alors, qu'est-ce que cela peut faire ? On connaît des adolescents
médiocres qui sont devenus des adultes brillants !
Il faudrait aussi que vous bannissiez le galimatias sévissant dans les
IUFM.
Mme Hélène Luc.
Galimatias ? C'est insultant pour les pédagogues !
M. François Fortassin.
Personnellement, quand je dis que des élèves jouent dans la cour de récréation
avec un ballon, je me comprends assez bien, et je crois que tout le monde
saisit mon propos. Mais quand on dit qu'« un apprenant tente de maîtriser le
paramètre rebondissant », qui devient « aléatoire » lorsqu'il s'agit d'un
ballon de rugby, « dans un espace interstitiel de liberté », je pense qu'on
pourrait parodier Louis-Ferdinand Céline qui parlait - et bien entendu,
monsieur le président, je suis obligé de châtier le langage - de sodomisation
de diptères !
(Sourires.)
Donc, il y a là un élément fort, me semble-t-il.
Vous êtes, messieurs les ministres, l'un et l'autre, des universitaires de
haut vol. J'aurais souhaité, incontestablement, que vous donniez un souffle à
la rupture que vous voulez amenez à l'éducation nationale.
Je poserai enfin une autre question, plus précise celle-ci, concernant les
personnels ATOSS. Nous sommes un certain nombre de présidents de conseils
généraux ou de conseils régionaux à ne pas être forcément hostiles à nous
occuper des personnels ATOSS. Mais il faut être clair : dans ce cas précis, les
gestionnaires et les intendants des lycées doivent aussi faire partie du «
paquet cadeau », pour autant qu'il s'agisse d'un cadeau ! On ne comprendrait
pas, en effet, que la gestion des personnels ATOSS incombe aux départements et
aux régions et que ceux qui sont censés les encadrer ou les commander restent
dans le cadre de la fonction publique d'Etat.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Luc Ferry,
ministre.
Monsieur François Fortassin, vous évoquiez Gérard Majax tout à
l'heure, et vous me compariez à lui, ce qui est beaucoup d'honneur, car j'ai
beaucoup d'admiration pour lui.
(Sourires.)
J'ai toutefois l'impression que vous avez escamoté vous-même la question ; du
moins n'ai-je pas eu le sentiment de la retrouver dans votre intervention !
(Nouveaux sourires.)
Vous avez abordé des thèmes très importants : les IUFM, les passerelles entre
enseignement général et enseignement professionnel, l'histoire des religions,
le fait que l'enseignement ne doit pas être ludique.
Sur ce dernier point, je me permettrai de vous répondre que, dans la
conclusion du petit ouvrage qui publie les programmes et qui s'intitule
Qu'apprend-on au collège ?,
j'ai expliqué pourquoi l'enseignement
n'avait pas pour mission essentielle d'être ludique et pourquoi il fallait bien
considérer que la transmission des savoirs n'était pas toujours de l'ordre du
jeu.
Sur la question des MI-SE, il me semble vous avoir déjà suffisamment répondu.
Peut-être voulez-vous que je vous lise un court extrait du rapport remis à Mme
Ségolène Royal et à M. Claude Allègre en 1999 ?
M. François Fortassin,
ministre.
Avec plaisir !
M. Luc Ferry,
ministre.
Il mérite, me semble-t-il, d'être porté à votre connaissance :
« Il apparaît qu'en raison de l'âge des dispositifs en vigueur et de la
distinction dépassée entre MI et SE et l'inadaptation croissante de la
réglementation avec la vie des établissements, une refonte d'ensemble s'impose
incontestablement. La qualité du service susceptible d'être assumé par les
jeunes étudiants n'est plus compatible avec les exigences posées par
l'encadrement des élèves dans la plupart des établissements actuels. » En
clair, ce n'est pas bon pour les établissements ! « En outre, les intéressés
ne peuvent pas suivre normalement des études en premier cycle universitaire.
[...] Nous demandons donc d'urgence une refonte du statut des MI-SE. » Voilà la
conclusion de ce rapport.
J'avais, au mois de juin dernier, ayant pris connaissance de ce rapport, deux
possibilités : ou bien je remettais 5 600 étudiants dans ce dispositif dont mes
prédécesseurs eux-mêmes disaient qu'il était absurde, ou bien je gardais les
crédits pour les consacrer à un nouveau dispositif, dont je vous redis, puisque
vous me posez à nouveau la question, qu'il sera meilleur sur trois points : un
recrutement par les établissements - probablement par les conseils
d'administration - afin d'assurer la présence physique dans leurs murs, une
formation accrue et une possibilité de validation des acquis qui permettra à
ces étudiants de moins échouer à leur DEUG qu'aujourd'hui.
Quand au souffle, tous les chantiers que j'ai proposés, à savoir la prévention
de l'illettrisme, la lutte contre l'échec scolaire dans les premiers cycles
universitaires, l'autorité et le métier d'enseignant - les deux sont liés -,
l'engagement des jeunes, la refonte professionnalisante des IUFM, tous ces
chantiers, donc, vont dans le même sens, celui de la lutte contre la fracture
scolaire.
J'aurais pu choisir d'autres thèmes, comme l'élitisme républicain, certains
l'ayant d'ailleurs fait avant moi. Mais quand on sait que 160 000 jeunes
sortent chaque année du collège ou du lycée sans aucun diplôme ou sans
qualification, quand on sait, surtout, que 20 % des élèves arrivent en sixième
pratiquement sans savoir ni lire ni écrire, la priorité des priorités doit être
la lutte contre l'échec scolaire.
C'est donc la mienne. Si vous trouvez qu'elle manque de souffle, je suis
désolé, car j'ai l'intention d'insister sur ce sujet pendant les deux ou trois
ans qui viennent, si Dieu me prête vie et le Président de la République aussi !
(Sourires. - Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin.
Je prends acte des déclarations de M. le ministre, j'observe toutefois qu'il
n'a pas répondu à la suggestion que je lui ai faite et qui consisterait à faire
faire aux futurs enseignants du pionicat pendant quelques mois.
Hier, monsieur le ministre, j'ai rencontré pendant une heure des élèves d'une
classe de première et je leur ai demandé les souhaits qu'ils voulaient que je
vous transmette.
Ils souhaitent d'abord une présence humaine dans des lieux où il n'y en a pas,
c'est-à-dire en dehors des salles de classe où sont les professeurs.
Ils souhaitent aussi que soient respectées certaines lois, comme la loi Evin,
ce qui signifie que les jeunes ne sont pas forcément hostiles à une forme de
hiérarchie et de discipline, car il est clair que l'autorité naît de la
compétence et du savoir.
J'ai également rencontré des étudiants qui, eux, souhaitent un peu plus de
cohérence au niveau de la faculté afin, par exemple, que celui qui a passé un
bac comptabilité ne se retrouve pas forcément en sociologie ou en lettres
modernes !
S'agissant des suppressions de postes, qui sont toujours douloureuses,
certains passent leur temps dans l'administration, à établir des statistiques
qui sont fausses et que personne ne lit ! A ce propos, permettez-moi de citer
un exemple que mes collègues apprécieront.
Connaissez-vous, monsieur le ministre, le classement des établissements
scolaires en fonction du taux de réussite au brevet des collègues et au
baccalauréat ? Je n'ai jamais pu obtenir, ni dans mon académie ni dans mon
département, le classement réel des établissements autres que les trois
premiers. Cela prouve que les statistiques ne sont pas très performantes !
On devrait en faire un peu moins et se consacrer davantage aux familles qui
s'adressent à ces établissements pour y inscrire leur enfant, afin de les
recevoir plus courtoisement que ce n'est le cas actuellement !
M. le président.
La parole est à M. René-Pierre Signé.
M. René-Pierre Signé.
Monsieur le ministre, la formule des questions-réponses vous amène souvent à
répondre par avance aux autres questions qui vont vous être posées. C'est mon
cas.
Je rappellerai toutefois que l'éducation nationale est le premier des services
publics, par son importance tant quantitative que qualitative. Au-delà de sa
mission première, l'éducation a une responsabilité plus globale d'intérêt
général et d'aménagement du territoire.
Or votre budget n'est plus celui d'un service public. La suppression des
aides-éducateurs, des MI-SE, même avec le recrutement d'assistants d'éducation
- mais quel sera leur nombre, leur rôle, leur statut, leur financement ? - a
déjà été dénoncée. On savait que certains de vos amis libéraux les plus
radicaux voulaient déjà réduire le nombre de fonctionnaires. Il semble qu'ils y
réussissent.
Mais la qualité de l'enseignement en sera-t-elle renforcée ? Dans cette
perspective, permettez-moi d'attirer votre attention sur la situation des
directeurs d'école.
Aujourd'hui, plusieurs milliers de postes de directeur sont vacants, les
mouvements de grève perdurent, ce qui nuit, malheureusement, au bon
fonctionnement de nos écoles.
Vous nous annoncez pour l'année prochaine un effort budgétaire à hauteur de 12
millions d'euros, qui permettra d'élever le taux moyen d'indemnité et, surtout,
de verser celle-ci à tous les directeurs, quelle que soit la taille de l'école,
soit 925 euros.
En outre, il est prévu d'étendre la décharge complète, aujourd'hui réservée
aux directeurs d'école de treize classes, à ceux de cinq classes. Peut-on
prétendre que cela suffira à faire taire leurs revendications ?
En bloquant le recrutement des jeunes enseignants qui devraient remplacer
leurs aînés en 2005 - le plan de recrutement pluriannuel semble bien oublié !
-, est-on certain de ne rien retrancher au service public ?
Mais le point le plus important tient plus aux écoles elles-mêmes et à leur
fragilité, notamment en milieu rural. L'éducation est, jusqu'à preuve du
contraire, nationale, c'est-à-dire territorialement égalitaire.
Le Gouvernement défend, pour sa part, une vision particulière de la
décentralisation, incluant de nombreux risques qui pèseront sur la fiscalité
locale, sur la cohérence des politiques publiques, sur l'égalité d'accès à ce
service public. Cette décentralisation programmée sans concertation ni
explication ne manque pas d'inquiéter. Accorder une autonomie de gestion, telle
qu'elle semble se dessiner au niveau régional, est possible, à condition
qu'elle soit accompagnée non pas d'une autonomie financière, mais d'une
péréquation ou d'une redistribution à partir des ressources de l'Etat. Comment
rester aveugles aux disparités, aux inégalités entre régions, entre communes,
et à leurs conséquences ?
L'imprécision concernant les moyens est manifeste. On peut ainsi habilement
cacher ses intentions et en arriver à attaquer sévèrement l'éducation
nationale. Je sais que, sur ce point, vous vous voulez rassurant, mais
êtes-vous vraiment convaincant ?
Le Gouvernement a l'intention, semble-t-il, de passer d'une culture de moyens
à une « culture de résultats ». L'éducation nationale, ses professeurs, ne
seraient pas « efficients ». On dépenserait trop, pour trop peu de résultats.
Vous mettez l'accent sur la bonne gestion - soit ! -, sur une allocation
rationnelle de l'argent public - soit encore ! Qui pourrait être contre ? Qui
pourrait s'opposer également au fait que l'on doit toujours mieux faire pour
rendre nos écoles, nos collèges et nos lycées toujours plus justes, plus
accueillants, plus à l'écoute de notre jeunesse. Mais, si je vous rejoins sur
les prémices, je ne puis partager vos conclusions.
Qui critique-t-on ? Quelques explications sur ce point me semblent utiles.
Vous avez évoqué récemment la création d'une nouvelle structure appelée «
réseau d'écoles », qui serait une sorte de regroupement pédagogique
intercommunal agrandi. Qu'entendez-vous exactement par « réseau d'écoles » ?
Quels en seraient les acteurs, les contours et surtout le financement ? Je
crains que les collectivités locales ne soient, là encore, sollicitées. Plus
largement, quelle politique d'enseignement entendez-vous conduire pour garantir
l'avenir des jeunes et des enseignants dans les milieux ruraux et, au final,
l'égalité territoriale du service public essentiel que constitue l'éducation
?
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Luc Ferry,
ministre.
Monsieur le sénateur, s'agissant tout d'abord des postes dans
le premier degré, nous avons fait plus que ce qui était prévu dans le plan
pluriannuel pour l'éducation de Jack Lang, dit PPE Lang. Il n'y a donc pas, sur
ce point, de problème majeur entre nous. Il est un autre problème que vous
auriez pu évoquer, c'est celui des listes complémentaires.
Elles sont passées, au cours des trois dernières années, d'environ 2 500
personnes à 6 500 personnes, ce qui est un véritable scandale ! En effet, les
derniers reçus, ou les premiers collés, se retrouvent donc devant des classes
sans avoir reçu aucune formation, en IUFM ou autre. Quand on aborde une
question, il faut évoquer l'ensemble des questions. Je m'engage à réduire cette
liste complémentaire afin d'en revenir à un chiffre raisonnable de 2 000 ou 2
500 dans les années qui viennent.
Il en va de même pour les directeurs d'école. S'il y a un problème que je n'ai
pas inventé, c'est bien celui-là ! Aussi loin que je remonte dans ma mémoire,
j'entends parler - depuis dix ans - de ce problème des directeurs d'école, que
ni mon prédécesseur ni le ministre qui l'avait précédé n'ont résolu. N'attendez
donc pas que je le fasse dans les trois mois à venir.
Pour l'instant, nous avons pris une mesure d'urgence que vous avez eu la
bienveillance de rappeler : 12 millions d'euros, ce n'est par rien ! Si nous
voulons trouver une solution réelle, nous n'y parviendrons, bien évidemment,
que dans le cadre de la décentralisation et de la mise en réseau des écoles. Il
s'agit non pas de transformer les écoles en établissements publics locaux
d'enseignement, mais de les mettre en réseau, ce qui permettra de faire des
économies d'échelle, de mutualiser les moyens, d'avoir une tête de réseau et
donc de régler ce problème, en tout cas d'en avoir une bien meilleure approche.
On peut attendre beaucoup de cette mise en réseau pour résoudre ce problème qui
n'était pas un cadeau laissé par mes prédécesseurs !
M. le président.
La parole est à M. René-Pierre Signé.
M. René-Pierre Signé.
Monsieur le ministre, je suis tout à fait d'accord avec vous s'agissant des
réseaux d'écoles. D'ailleurs, ma question ne comportait aucune critique sur ce
point. Mais les regroupements pédagogiques ont montré leurs limites et ne
permettent plus de sauver les écoles dans toutes les communes.
En revanche, mon interrogation portait sur le financement de ces réseaux, qui
nécessitent des moyens : organisation de visioconférences, ordinateurs,
transports des élèves et des enseignants. Tout cela, on le sait bien, sera à la
charge des collectivités locales. Il existe un réseau de collèges dans le
département de la Nièvre, et je sais bien qui finance le transport ! Je voulais
attirer votre attention sur le fait que l'éducation nationale semble chercher à
se désengager sur ces différents points. Bien sûr que le problème des
directeurs d'école n'a pas encore été réglé ! Mais on progresse chaque année un
peu plus, et je pensais vraiment qu'on allait maintenant s'attaquer à cette
question, car le fait qu'elle n'ait pas été résolue précédemment ne signifie
pas qu'elle ne devrait pas l'être maintenant.
S'agissant du plan pluriannuel pour l'éducation, ce que je sais, c'est que
l'on va recruter 1 000 professeurs d'école contre 2 400 l'année dernière ! M.
le président de la commission des finances trouve que c'est encore trop. Je
vous accorde que le problème des « reçus-collés » n'était pas très glorieux. Il
est donc d'autant plus important d'y mettre fin.
Je m'interroge encore sur le devenir de l'école et surtout sur la
participation qui va être demandée aux collectivités locales, du fait de la
décentralisation de ministères essentiellement régaliens. Il n'est nullement
fait état, dans vos programmes, de la façon dont seront compensées les
disparités, les inégalités existantes qui auront des conséquences fâcheuses -
il ne faut pas avoir peur des mots - sur le pacte républicain en vertu duquel
tout le monde doit être traité avec égalité, en particulier pour l'accès au
savoir.
M. le président.
La parole est à M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar.
Monsieur le ministre, notre débat intervient quelques semaines après que vous
avez rendu public votre projet de revalorisation de l'enseignement
professionnel, et j'ai bien pris note de la réponse que vous avez faite tout à
l'heure à M. Carle.
Votre ambition d'en faire une « voie d'excellence » ne peut que nous
satisfaire. En revanche, l'examen des mesures préconisées et leur corollaire,
l'abandon du collège unique, appellent un certain nombre de remarques.
S'il est une réalité, c'est que les filières professionnelles souffrent d'une
mauvaise image et sont souvent vécues et considérées comme un échec par les
élèves, par les familles, mais aussi par les enseignants des filières
générales.
Si un élève sur trois est aujourd'hui en enseignement professionnel, cette
orientation se fait le plus souvent par défaut. Le lien entre l'origine sociale
et la formation professionnelle se vérifie : 40 % des élèves inscrits en lycée
professionnel sont des enfants d'ouvriers, tandis que 12,5 % sont des enfants
de chômeurs. En fait, je le reconnais, la situation est contrastée.
En effet, ce constat, s'il est réel, gomme les progrès qui ont été réalisés
dans cette filière : profonde rénovation des lycées professionnels, en termes
tant d'équipements que de diplômes. Avec un taux de réussite de 77 %, le bac
professionnel permet d'accéder aux BTS, aux IUP, ou instituts universitaires
professionnalisés, et à la licence professionnelle.
Mais, avant le bac, combien d'échecs enregistre-t-on, quels débouchés ces
jeunes ont-ils, quels diplômes et pour quels métiers ?
Si nous voulons que les filières professionnelles ne soient plus des voies de
relégation scolaire et sociale, si nous voulons en plus ne pas enfermer les
jeunes dans un corporatisme précoce et étroit, il faut à l'évidence apporter
des réponses budgétaires en conséquence.
L'interaction des pratiques et des savoirs demande des champs de connaissances
plus larges. Aussi, la qualité de l'enseignement exigée demande-t-elle une
formation de pointe des personnels, comme c'est le cas dans les cursus
d'enseignement général.
Nous retrouvons donc ici les questions que les uns et les autres ont soulevées
quant aux mesures que le Gouvernement a prises dans le secteur de l'éducation
nationale dans son ensemble, à savoir les emplois précaires, les réductions de
personnel d'encadrement, les bourses, les internats, le nombre des
établissements scolaires, les équipements en général, sans oublier le « coup de
froid » que la commission des finances a annoncé ce matin.
La question plus spécifique que pose l'enseignement professionnel, avec son
pendant qu'est l'apprentissage, est aussi celle de la relation avec les
entreprises et la politique locale de l'emploi. Nous rejoignons là les débats
relatifs à la décentralisation.
D'abord, la carte scolaire varie selon les régions, et l'orientation des
jeunes est plus souvent subie que choisie. Les formations dans le secteur
tertiaire, celles qui relèvent du domaine sanitaire et social, sont créées en
plus grand nombre parce qu'elles ne demandent pas un gros investissement, mais
elles deviennent très vite des voies de garage. Le BEP, ou brevet d'études
professionnelles, renvoie souvent les jeunes qui n'ont pas de débouchés dans un
centre d'apprentissage. Si nous voulons développer l'apprentissage des nouveaux
métiers, l'investissement en équipements, en machines et en outils est
essentiel, sans compter le personnel enseignant ainsi que le personnel
d'encadrement et de maintenance.
Toutefois, revaloriser cette filière, n'est-ce pas aussi revaloriser les
professions qui s'y rattachent ? Je veux parler de l'amélioration des salaires,
de l'évolution des carrières, de la lutte contre la précarité, la pénibilité du
travail. Je crois que, dans ces domaines, la responsabilité du patronat doit
être pleinement engagée.
Au-delà de cette question, une autre se pose : celle du collège unique, qui
est aujourd'hui contesté au sein même du corps enseignant en raison des
difficultés d'y enseigner et d'assurer la réussite de tous. Faut-il pour autant
y mettre fin ?
La filière professionnelle, donc notre système éducatif, doit-elle ajuster une
offre de main-d'oeuvre aux bassins d'emplois ou former des citoyens à part
entière de la société et du monde d'aujourd'hui ?
Je suis de ceux qui considèrent qu'il est de notre responsabilité d'offrir un
socle commun de connaissances stables pour tous. En remettant en cause le
collège unique, ne prend-on pas le risque de rejeter la faute sur les élèves au
lieu de reconnaître l'échec de l'école ?
Si tous les jeunes ne peuvent pas accéder aux mêmes savoirs, ne s'impliquent
pas tous dans leurs études de la même façon, ne réagissent pas pareillement aux
contraintes de la vie scolaire, ils peuvent tous, selon moi, accéder à une
culture commune moderne, ouverte, ambitieuse. Seulement, il faut non plus
considérer l'élève comme une notion abstraite, mais prendre en compte les
différences à tous points de vue.
Je vous poserai donc une double question, monsieur le ministre.
En proposant les classes en alternance, ce qui revient à réintroduire un
palier d'orientation dès la cinquième, ne prend-on pas le risque de renforcer
le fait que l'orientation vers une filière professionnelle sera plus une
contrainte qu'un choix réel ?
Si les élèves n'ont pas au moins acquis le niveau de troisième, ne
craignez-vous pas qu'ils éprouvent beaucoup plus de difficultés à appréhender
les évolutions auxquelles ils seront confrontés ?
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Luc Ferry,
ministre.
Monsieur le sénateur, jamais je n'ai envisagé l'abandon du
collège unique, ce qui pourtant, à certains égards, me faciliterait la tâche,
comme vous pouvez l'imaginer, d'autant que, je le sais maintenant, j'aurais
même l'appui d'une majorité d'enseignants !
Pourquoi ne l'ai-je pas fait ? Parce que - je l'ai expliqué tout à l'heure -
je tiens à ce que les collégiens restent des collégiens, même s'ils s'engagent
dans la voie de l'enseignement en alternance, en partenariat avec les lycées
professionnels, voire avec les entreprises. Je tiens à l'idée de passerelle. Je
suis convaincu que le maximum d'enseignement général doit être maintenu pour
tous.
Quand on va sur le terrain visiter des classes en alternance dans les
collèges, on s'aperçoit que les enfants qui ont découvert des métiers pendant
quinze jours dans un lycée professionnel s'intéressent à nouveau à
l'enseignement général.
C'est la raison pour laquelle j'ai demandé au recteur Joutard de piloter un
groupe de refonte des programmes scolaires. Je lui ai confié une double
mission, dont vous comprendrez le sens. Elle est, dans mon esprit, inséparable,
d'une part, d'une révision complète des programmes de technologie dans les
collèges, d'autre part, dans le même mouvement - je dis bien : « dans le même
mouvement » -, d'une amélioration de l'enseignement général des filières
professionnelles et, pour cette année, des BEP.
Je considère - je le dis entre nous - que l'enseignement technologique dans
les collèges n'est pas bon, qu'il n'est pas très attractif. C'est un peu, comme
le disait un orateur précédent, un galimatias. De plus, il faut le rendre
beaucoup plus concret qu'il ne l'est actuellement. En même temps, il faut
valoriser, adapter l'enseignement général des voies professionnelles et donc du
BEP.
Je vais rencontrer tous les proviseurs de lycée professionnel et tous les
chefs de travaux...
Mme Hélène Luc.
Très bien !
M. Luc Ferry
ministre.
... à l'occasion d'un tour de France pour voir avec eux
comment mettre en place, au-delà des mini-stages qu'ils organisent pour les
collégiens, ces classes en alternance qui ne sont pas un retour au palier
d'orientation en fin de cinquième, dont je ne veux pas, malgré la demande de
certains syndicats, lesquels ne sont d'ailleurs pas toujours de droite !
Je souhaite que l'on maintienne l'idée des passerelles et que cette découverte
des métiers en alternance avec les entreprises ou les lycées professionnels se
fasse avec l'accord des familles et des élèves, avec un regard de l'inspecteur
d'académie et une possibilité de retour en arrière si nécessaire, ce qui existe
dans les classes en alternance.
M. le président.
La parole est à M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar.
Monsieur le ministre, lorsque je vous entends, j'éprouve toujours à la fois
une satisfaction intellectuelle et une frustration politique.
(Sourires.)
La question posée, y compris sur le collège unique, sur
lequel le débat est ouvert mériterait, que nous le voulions ou non, un débat
qui excède de beaucoup les limites du débat budgétaire.
La question essentielle est de savoir quel est le minimum de connaissances
dont a besoin un être humain, même s'il suit une filière professionnelle. Nous
devons avoir des ambitions élevées à cet égard
(M. le ministre
acquiesce),
et - je vous rejoins sur ce point. Il convient non pas
d'éduquer les jeunes en fonction de besoins productifs à court terme, mais de
former des citoyens aptes à maîtriser le monde qui les entoure. Pour ce faire,
il faut à l'évidence disposer des moyens financiers nécessaires.
Par ailleurs, le système éducatif doit prendre en compte, dès le primaire, les
caractéristiques de l'élève et ne pas délaisser ceux qui sortent du moule.
Cette remarque rejoint le combat contre l'illettrisme.
L'échec du collège unique est également dû à des causes antérieures : comme
vous le savez, le collège reste soumis aux mêmes découpages disciplinaires que
ceux qui ont été appliqués aux lycées en 1802 et 1902 !
C'est une vraie question de société, une question éminemment politique, au
meilleur sens du terme, qui nécessite l'ouverture d'un débat national.
(M.
le ministre acquiesce de nouveau)
. Naturellement, celui-ci inclurait les
élèves, les parents, les élus, bref, les citoyens. Vous-même, aviez proposé, me
semble-t-il, voilà quelques années, que ce débat ait lieu au Parlement.
(M.
le ministre acquiesce une nouvelle fois.)
Cette question est en effet trop
importante pour être réglée uniquement dans un face à face entre les
enseignants et leur ministre. Ce sont tous des personnes respectables, bien
évidemment, mais ce n'est pas de cela qu'il s'agit.
Tant que ce travail n'aura pas été effectué, le collègue unique, puisque c'est
la base du problème, restera un idéal inaccessible, et les professeurs
continueront de s'y sentir mal à l'aise. C'est la raison pour laquelle,
monsieur le ministre, je renouvelle solennellement cette demande de débat. Les
conditions doivent être créées pour qu'il puisse se tenir dans les mois qui
viennent, y compris sur les contenus. C'est, en effet, le rôle de la
représentation nationale d'aborder ces questions.
5
SOUHAITS DE BIENVENUE
À UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE
DE POLOGNE
M. le président.
J'ai le plaisir de saluer la présence dans notre tribune officielle d'une
délégation du Sénat et de la Diète de Pologne, qui séjourne en France dans le
cadre du programme de jumelage institutionnel entre nos parlements.
(M. le
ministre, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)
Je suis convaincu que cette visite contribuera à développer la coopération
entre nos deux assemblées et à resserrer encore des liens d'amitié anciens
entre nos deux pays et entre nos assemblées. Au moment où la Pologne s'apprête
à entrer dans l'Union européenne, le travail commun entre nos assemblées et les
liens personnels que nous pouvons tisser revêtent une importance
particulière.
Au nom du Sénat, je souhaite la bienvenue à la délégation du Parlement
polonais, et notamment aux représentants du Sénat qui a fêté hier le
quatre-vingtième anniversaire de sa fondation.
(Vifs
applaudissements.)
M. Ivan Renar.
Niech zyje Polska !
(Sourires.)
6
LOI DE FINANCES POUR 2003
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2003, adopté par l'Assemblée nationale.
Jeunesse, éducation nationale et recherche
(suite)
I. - JEUNESSE ET ENSEIGNEMENT SCOLAIRE
(suite)
M. le président.
Nous poursuivons l'examen du projet de loi de finances concernant la jeunesse,
l'éducation nationale et la recherche : I. - Jeunesse et enseignement
scolaire.
La parole est à M. Alain Gournac.
M. Alain Gournac.
Monsieur le ministre, permettez-moi tout d'abord de vous féliciter de nous
avoir présenté une politique scolaire consciente des priorités de l'école, une
politique qui exclut toute action à coups de réformes perpétuelles. En effet,
notre système éducatif s'est trop longtemps laissé engluer dans de perpétuelles
réformes en tous genres, réformes plus novatrices les unes que les autres, mais
qui, malheureusement, se sont bien souvent avérées aussi déstabilisantes
qu'infructueuses.
Je me suis particulièrement réjoui de constater que la lutte contre les
multiples formes d'exclusions, qui frappent tant les écoliers que les
étudiants, est l'une de vos grandes priorités. En cela, on revient à l'une des
principales fonctions de notre système scolaire : son objet est non pas - vous
l'avez d'ailleurs régulièrement expliqué, monsieur le ministre - d'innover en
inventant sans cesse de nouvelles méthodes, mais au contraire de permettre
simplement aux élèves d'acquérir les savoirs de base.
Ainsi, aucun enfant ne doit rester sur le bord du chemin. Or force est de
constater que c'est bien trop souvent le cas : certains n'intègrent jamais le
système scolaire, d'autres le quittent précocement, avant d'avoir eu le temps
d'acquérir les savoirs fondamentaux et indispensables à leur avenir.
C'est pourquoi, je le répète, l'école doit être ouverte à tous et permettre à
nombre d'enfants de s'extraire des diverses difficultés sociales, économiques
ou physiques auxquelles ils sont trop souvent confrontés.
Je rappellerai brièvement les nombreuses mesures simples que vous comptez
développer contre divers facteurs d'exclusion : la lutte contre l'illettrisme,
avec plus d'heures consacrées chaque jour à la lecture et à l'écriture ; la
lutte contre la violence scolaire ; une pré-scolarisation réservée de
préférence aux enfants vivant dans un environnement social dangereux - les
zones d'éducation prioritaires et autres quartiers - le développement des
dispositifs relais pour un meilleur encadrement des élèves.
Mais j'aimerais aborder à présent un problème crucial, celui de l'intégration
des enfants handicapés en milieu scolaire. Nous avons le devoir, en effet, de
permettre aux jeunes handicapés de se construire un avenir, notamment un avenir
professionnel. Régler les problèmes, c'est les prendre à la source et ne pas
attendre qu'il soit trop tard.
Aussi, l'une des très bonnes initiatives qui figurent dans le projet de loi de
finances tend à faciliter l'accès des handicapés « à une scolarité en milieu
scolaire normal », donc relancer l'initiative baptisée « Handiscol », mise en
place par le gouvernement socialiste en avril 1999 en faveur des écoliers, des
collégiens et des lycéens handicapés. Le projet de loi de finances prévoit
ainsi d'en augmenter les crédits de 7,1 %. Là encore, vous nous prouvez que le
changement pour le changement n'est guère une solution et qu'il faut savoir
conserver les méthodes qui ont fait leurs preuves.
Par cette continuation de l'opération Handiscol vous avez répondu à l'un des
engagements phares pris par le Président de la République lors de la campagne
pour l'élection présidentielle. Ainsi, Jacques Chirac avait déclaré à Bordeaux,
le 3 avril dernier : « La nation doit reconnaître le droit à la compensation du
handicap. Il faut définir pour chaque personne handicapée un projet de vie, et
d'abord, pour chaque enfant handicapé, un parcours de scolarité. » Le Président
de la République concluait sa déclaration en ces termes : « Trop d'enfants
handicapés demeurent en effet exclus de l'enseignement. »
Vous avez également répondu, monsieur le ministre, au désarroi de nombreux
parents qui rencontrent fréquemment de grandes difficultés pour trouver un
établissement acceptant leur enfant, au désarroi de nombreux enseignants qui se
sentent souvent impuissants face au manque d'aides, de moyens et de supports
appropriés pour aider les enfants handicapés.
Faciliter l'accès des handicapés « à une scolarité en milieu scolaire normal »
me semble primordial. Il ne faut pas, en effet, que les enfants handicapés qui
peuvent intégrer des filières classiques se voient orientés trop
systématiquement vers des écoles, des structures spécialisées. Ils doivent
pouvoir suivre les cours avec les autres élèves.
Nous nous félicitons également de constater, monsieur le ministre, que vous
n'avez pas oublié le sort des étudiants handicapés pour lesquels le projet de
loi que vous venez de nous présenter institue une revalorisation des
remboursements des frais de déplacement.
J'en viens à ma question sur le budget, monsieur le ministre. Vous avez prévu
de dégager 8,64 millions d'euros en faveur des élèves handicapés. Comment
seront-ils précisément répartis ?
La formation, notamment dans les IUFM, doit en effet être adaptée et préparer
les futurs enseignants à aider au mieux les élèves handicapés. Je souhaite
souligner, par ailleurs, que les crédits alloués à la création des postes de
personnels médico-sociaux - 262 sont prévus - sont dans cette perspective, très
encourageants. J'aimerais connaître la manière dont ces postes seront répartis
dans les établissements.
Enfin, à combien s'élèveront les moyens destinés à l'achat du matériel et du
mobilier nécessaires aux élèves handicapés et ceux qui sont alloués à
l'élaboration de programmes scolaires, de logiciels adaptés à leur handicap
pour leur permettre un apprentissage rapide ?
En conclusion, il s'agit d'un projet de loi objectif dans lequel des crédits
sont affectés à des changements prioritaires et qui témoigne de la volonté de
faire évoluer enfin l'éducation dans le bon sens par une recherche de résultats
concrets et, surtout, le souhait de ne voir aucun enfant exclu du système.
Enfin, monsieur le ministre, quelles mesures envisagez-vous de prendre pour
améliorer la condition réservée aux enfants précoces ?
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Luc Ferry,
ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.
Monsieur le sénateur, je tiens tout d'abord à vous dire que c'est un sujet qui
me touche à titre personnel. J'ai été très choqué, en arrivant à ce ministère,
de voir que le principe fondamental selon lequel tous les enfants, quels qu'ils
soient, avaient droit à une scolarisation n'était pas appliqué dans la
réalité.
J'ai donc décidé de mettre en place un plan qui poursuivra, mais en
l'amplifiant de façon considérable, le plan Handiscol ; je l'annoncerai très
bientôt. Il s'agira d'un plan pluriannuel pour lequel 25 millions d'euros sont
d'ores et déjà prévus.
Cette année, ce plan se verra doté de 10 millions d'euros : 2,8 millions
d'euros pour le premier degré, c'est-à-dire pour les classes d'intégration
scolaire, les CLIS, 4,3 millions d'euros pour le second degré, parce qu'un
effort important doit être accompli sur les unités pédagogiques d'intégration,
les UPI, et 3 millions d'euros pour le transport. Si l'on décompose les
missions considérées, 8 millions d'euros sont affectés au matériel qui équipe
ces CLIS et ces UPI et 3 millions d'euros concerne le transport.
Il faut savoir qu'environ 103 000 enfants handicapés sont scolarisés, à peu
près la moitié à titre individuel et la moitié dans des classes du type CLIS ou
UPI.
Nous devons être plus performants pour ce qui est de l'aide individuelle à
apporter aux enfants handicapés qui sont scolarisables en milieu scolaire
normal. C'est la raison pour laquelle, sans tour de passe-passe à la Majax, de
même que j'ai l'intention qu'il y ait à la rentrée 2003 plus de surveillance
dans les établissements par redéploiement du dispositif des assistants
d'éducation, j'ai l'intention de tripler, voire de quadrupler le nombre des
auxiliaires de vie scolaire, les AVS, qui aident aujourd'hui à la scolarisation
des enfants handicapés scolarisables.
Cela signifie qu'il faudra procéder à des redéploiements. Cela prouve
également que, s'agissant des missions qui sont remplies actuellement par les
emplois-jeunes et par les aides-éducateurs, les répartitions sont quelque peu
surréalistes. Tout à l'heure, on évoquait le cas des aides-éducateurs qui
remplissaient des fonctions d'enseignant de langue dans le premier degré. Je
dis très clairement que c'est inacceptable. En revanche, il faut savoir que,
sur les 60 000 aides-éducateurs, 1 101 seulement sont des AVS. C'est
dramatiquement insuffisant ! Nous disposons donc d'une marge de manoeuvre pour
affecter à cette mission, qui est indispensable, un plus grand nombre
d'aides-éducateurs ou d'assistants d'éducation à la rentrée prochaine.
M. le président.
La parole est à M. Alain Gournac.
M. Alain Gournac.
Monsieur le ministre, vous avez dit que ce sujet vous tenait à coeur. Je le
sais, et c'est pourquoi je me suis permis de poser mes questions de cette
manière.
S'agissant du problème du transport, vous m'avez répondu que 3 millions
d'euros y seraient consacrés. Cette mesure est très intéressante.
Pour ce qui est du redéploiement - certes, on peut toujours tout critiquer, et
nous sommes dans un pays où l'on s'adonne volontiers à la critique -,
l'important est d'attribuer les aides là où elles sont nécessaires.
Il serait donc judicieux d'augmenter le nombre des personnels d'encadrement
dans les écoles qui accueillent des handicapés. Dans ma ville, les malvoyants
et les non-voyants sont reçus de la maternelle au collège ; ceux-ci sont très
bien acceptés par les autres élèves, qui sont très solidaires. Il n'en reste
pas moins - la principale du collège ou les directeurs d'école me le disent -
qu'un accompagnement est absolument nécessaire. On ne peut pas accueillir ces
personnes en difficulté comme les autres. Il faut s'en occuper, en particulier
lors des repas et pour toutes sortes d'activités.
Monsieur le ministre, je vous félicite : vous êtes sur la voie de la réussite
en ce qui concerne l'aide à apporter aux handicapés. Vous savez que ce sujet me
touche. J'en suis donc très heureux.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.
M. Jean-Marc Todeschini.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, premier
budget de la nation, le budget de l'enseignement scolaire pour l'année 2003,
n'enregistre qu'une hausse de 2,1 %, soit l'accroissement le plus faible des
crédits alloués pour le devenir de nos enfants depuis plus de dix ans.
Vous affichez, monsieur le ministre, de nombreuses priorités, parmi lesquelles
se trouve la lutte contre l'illettrisme. Cette priorité nécessite un
financement certain. Or aucun crédit spécifique ne figure à ce titre dans votre
budget. Cela démontre bien que la mise en oeuvre de vos priorités est déjà
compromise. L'utilisation plus appropriée des crédits de l'enseignement que
vous mettez en avant afin de justifier la rigueur du budget pour 2003 ne vous
permettra pas de mener à bien les réformes nécessaires à l'éducation
nationale.
La stagnation, dans les faits, de votre budget risque de vous contraindre à
une série d'actions éparses en réponse aux multiples dossiers en attente, ce
qui correspondrait à un vrai saupoudrage.
Les bonnes intentions qui vous animent ainsi que l'approche que vous défendez,
au-delà des effets d'annonce, ne paraissent pas viables au regard des
arbitrages budgétaires qui ont été effectués en votre défaveur, aux dépens de
l'enseignement scolaire.
Au niveau de l'enseignement primaire, dont le traitement n'est pas des plus
favorables, l'enseignement des arts et des langues étrangères semble compromis
par vos coupes budgétaires, monsieur le ministre, malgré les explications que
vous donnez.
La grève administrative des directeurs d'école perdure depuis des mois - même
si, comme vous l'avez dit à juste titre, elle est antérieure à votre nomination
-, et les crédits de 12,2 millions d'euros d'indemnités au titre de sujétions
spéciales ne semblent pas avoir convaincu. Pourtant, il vous faudra bien,
monsieur le ministre, pour régler définitivement la situation des directeurs
d'école, prendre d'autres initiatives.
Au-delà de ce conflit propre à l'enseignement primaire, l'illustration la plus
évidente de la pauvreté de ce budget pour 2003 est le désengagement de l'Etat à
l'égard de l'enseignement secondaire. La réflexion médiatique engagée très
récemment sur le devenir du collège unique ne suffit pas à masquer la réalité
cruelle de votre action. L'enseignement secondaire en est la victime désignée
pour l'année 2003. Votre budget apparaît comme un abandon des personnels
enseignants et non enseignants de l'enseignement secondaire. L'argument de la
décroissance démographique des classes d'âge, que toute personne de bonne foi
pensait oublié, et pour cause, a pourtant été exhumé pour justifier l'absence
de création de postes d'enseignants du second degré, signifiant au passage
l'absence de respect des engagements pluriannuels.
Le taux d'encadrement des élèves a lui aussi été utilisé pour masquer le
manquement à la parole donnée de la République. Tout le monde s'accordera
pourtant à reconnaître que ce taux d'encadrement faible pour la France - 12,8
élèves par professeurs - ne reflète que très partiellement les réalités des
disparités géographiques ; les élus, qui connaissent leur département, le
savent bien.
Le signal clair que vous donnez, monsieur le ministre, ne paraît pas de nature
à valoriser les vocations de professeurs, alors que 40 % de la profession devra
être renouvelée dans la décennie à venir. A cela viennent s'ajouter les
personnels non enseignants des collèges et lycées. Les fins de contrats non
renouvelés des aides-éducateurs ainsi que la suppression des maîtres d'internat
et surveillants d'externat augmentent le malaise et le sentiment d'abandon.
Les contrats des aides-éducateurs, qui s'intégraient dans le dispositif
emplois-jeunes mis en place par le gouvernement de Lionel Jospin, ont permis à
20 000 jeunes de remplir des missions de service public au sein
d'établissements qui ont souvent du mal à encadrer les élèves. Malgré vos
explications, monsieur le ministre, ces jeunes, dont le contrat ne sera pas
pérennisé, vont se retrouver au chômage, alors que nous connaissons une
conjoncture sociale et économique difficile. S'agissant des maîtres d'internat
et surveillants d'externat, ce sont 5 600 de ces postes que vous supprimez.
Quel dommage ! Les élèves étaient encadrés souvent avec professionnalisme, et
les étudiants pouvaient financer leurs études.
Afin de remplacer aides-éducateurs ainsi que maîtres d'internat et
surveillants d'externat, vous avez, dans un premier temps, préconisé le
recrutement d'assistants d'éducation élargi aux mères de familles et aux jeunes
retraités.
(M. le ministre fait des signes de dénégation.)
Je me réfère,
sur ce point précis, à une note que votre directeur de cabinet a envoyée aux
recteurs et aux inspecteurs d'académie. Vous avez, cependant, depuis précisé
que le recrutement de ces assistants d'éducation au statut indéfini se ferait
prioritairement parmi les étudiants. Cette rétractation montre le flou qui
entoure vos projets en matière d'encadrement des élèves.
Les enseignants, même si le cadre de leur formation et leur profil de
compétences devront être réactualisés et redéfinis en même temps que les IUFM,
n'ont certainement pas pour vocation de s'occuper de « pacification » dans les
collèges et les lycées en dehors de leurs heures de cours. Cette fonction était
parfaitement remplie par les maîtres d'internat et surveillants d'externat et
par les aides-éducateurs, que vous supprimez.
Pour un gouvernement et des élus qui ont tant su mettre l'accent sur la
violence scolaire lors de la précédente législature, le fossé qui sépare les
effets d'annonce de la réalité de l'action ne parle guère en votre faveur,
monsieur le ministre !
La lecture de la presse de ce matin et les explications que vous venez de nous
donner non seulement sur les modalités de recrutement de ceux qui seront
désormais chargés du suivi éducatif des élèves en dehors des cours mais aussi
sur les moyens que vous y consacrerez me font penser, de surcroît, que vous
n'avez pas prévu les moyens réellement nécessaires à ces recrutements.
En effet, sauf erreur de calcul de ma part, avec une enveloppe de 14 millions
d'euros pour recruter, à la rentrée 2003, 11 000 personnes qui travailleront
les quatre derniers mois de l'année, cela fera 318 euros par mois pour chacune.
Peut-être mon calcul est-il simpliste : vous allez sans doute m'éclairer sur ce
point.
Pour terminer, monsieur le ministre, je voudrais attirer votre attention sur
un sujet particulier qui me tient à coeur : l'avenir des enseignants dans les
sections d'enseignement général et professionnel adapté. Les 7,25 millions
d'euros que vous avez affectés à la réduction de service des enseignants
spécialisés de SEGPA ont permis de réduire le nombre de leurs heures
hebdomadaires, qui est passé de vingt-trois à vingt et une. Cette initiative va
dans le bon sens. Cependant, les revendications des enseignants de SEGPA
avaient, entre autres, pour objet l'harmonisation du nombre d'heures qu'ils
effectuent au niveau de celui de leurs collègues enseignants du second degré,
soit dix-huit heures par semaine. Que comptez-vous faire, monsieur le ministre,
pour régler de manière définitive le dossier des enseignants de SEGPA qui
méritent une attention toute particulière en raison de la difficulté de leur
mission ?
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Luc Ferry,
ministre.
Je ne voudrais pas vous lasser en revenant pour la quatorzième
fois sur la question des MI-SE ou des emplois-jeunes.
(Sourires.)
Je
crois vous avoir dit à peu près tout ce que j'avais à vous dire sur ce point.
Nous annoncerons le nouveau dispositif des assistants d'éducation dans les
semaines, dans les jours, voire dans les heures qui viennent. Nous pourrons
alors reprendre de manière concrète notre dialogue, fût-il critique.
Les mesures que j'annonce ne sont pas crédibles, dites-vous, parce qu'elles ne
coûtent rien. L'idéologie qui sous-tend le propos m'inquiète. Ainsi donc, seul
le budgétivore serait crédible ? Prenons l'exemple, tout simple, de la lutte
contre l'illettrisme. J'ai demandé à tous les inspecteurs du premier degré - à
tous, monsieur le sénateur - de s'assurer que l'on fait lire et écrire les
élèves deux heures et demie par jour. C'est, dans le dispositif que je propose,
la mesure la plus importante, et pourtant y elle ne coûte rien. Dois-je en être
pénalisé pour autant ?
Il en est de même pour la création de classes en alternance. Etant donné, en
effet, que les lycées professionnels, par ailleurs très bien équipés, ont
perdu, depuis 1985, entre 150 000 et 160 000 élèves, il est logique de proposer
qu'ils accueillent ces classes en alternance. La mesure ne coûte rien. Est-elle
pour autant désastreuse ?
Je pourrais évidemment vous donner de nombreux autres exemples. Je réfléchis
en termes plus qualitatifs que quantitatifs. Il me semble préférable, chaque
fois que je le peux, de proposer une mesure - surtout si elle est excellente !
- qui ne coûte rien.
Il est vrai que je ne suis ni un professionnel de la politique ni un
économiste, mais, en prenant mes fonctions, j'ai été très surpris de constater
que 98,9 % de mon budget étaient en réalité intangibles, ou alors la réforme
exigerait un courage extrême et des mesures forcément difficiles à défendre
devant l'opinion publique. Si ces données étaient connues du grand public, on
en tirerait alors la bonne conclusion, extrêmement grave au demeurant, que la
politique, pratiquement, n'existe plus et qu'elle a été remplacée par
l'économie !
Le seul moyen d'action légitime, à vos yeux, serait-il la fuite en avant et
l'aggravation du déficit budgétaire ? Si nous ne récupérons pas des marges de
manoeuvre budgétaires, nous signifions tout simplement la fin de la politique,
ce qui me paraît extrêmement grave.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. René-Pierre Signé.
Cela dépend où l'on récupère des marges de manoeuvre !
M. Luc Ferry,
ministre.
Permettez-moi quelques mots sur la violence. Là aussi, parlons
entre nous sans polémique
(Sourires.)
Monsieur le sénateur, quand un collégien était, de mon temps, comme disent
les vieux mammifères, renvoyé pour trois jours, la sanction était vécue comme
une infamie, et le retour à la maison était plutôt délicat... Aujourd'hui,
l'élève sanctionné vous rétorque que trois jours, c'est bien, mais que quinze
jours l'arrangeraient davantage !
Une fois que les enfants ont eu intégré l'idée qu'ils étaient des usagers du
système éducatif jusqu'à l'âge de seize ans, toutes les sanctions, jusqu'aux
plus infamantes pour nous, enfants, sont devenues désuètes. Les heures de
colle, cela ne sert à rien ; renvoyer un élève pendant trois jours, cela n'a
plus aucun sens. D'où la nécessité d'inventer et de réinventer d'autres formes
d'autorité, d'autres modalités de sanction.
Nous proposons des classes relais ou des ateliers relais ; c'est une vraie
réponse pour les enseignants, car, pour eux, cela signifie être débarrassés -
il faut dire les choses comme elles sont - pendant quelque temps d'un élève
très difficile, mais aussi pour les élèves, puisque nous leur proposons une
pédagogie adaptée. On ne les met pas en prison, tout de même, contrairement aux
fariboles que l'on peut lire dans les mauvais journaux !
Pour véritablement traiter le problème de la violence à l'école, cessons
d'imaginer un policier ou un aide-éducateur derrière chaque élève : ce n'est
pas ainsi que l'on éradiquera le problème de fond.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées des RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.
M. Jean-Marc Todeschini.
Je vous remercie de vos réponses, monsieur le ministre. Sachez que, sur le
plan philosophique, je souscris en grande partie à votre propos.
Cela dit, les chiffres et les faits sont têtus et vous vous doutez bien que je
ne puis être convaincu par vos arguments.
J'ai été instituteur de base. Alors, certes, si l'illettrisme est la priorité
des priorités de votre ministère, on doit faire lire et écrire les enfants deux
heures et demie par jour. Mais n'est-ce pas déjà ce que font les enseignants et
les instituteurs, et depuis longtemps ? Etonnez-vous, après, que cette mesure
ne coûte rien !
Non, monsieur le ministre, les mesures qui ne coûtent rien sont pure
démagogie, surtout pour la priorité des priorités de votre action. Le
gouvernement auquel vous appartenez est déjà un fervent partisan du décalage
entre le discours officiel et la réalité de l'action. Le sens des formules et
l'application acharnée dont fait preuve le Gouvernement pour maîtriser la
communication vous font oublier la réalité du terrain.
Je crois, moi, que les enseignants font leur travail. Or, à cause de cette
focalisation excessive, vous ne prenez pas en compte la réelle dimension des
problèmes éducatifs dans notre pays.
Les réformes que vous proposez ne sont, pour la plupart, que le prolongement
d'idées développées par vos nombreux prédécesseurs, de droite ou de gauche,
augmentées toutefois de projets dangereux, pour ne pas utiliser d'autres
qualificatifs.
Les hommes et les femmes qui, quotidiennement, travaillent sur le terrain à
résoudre les difficultés de l'éducation nationale et, surtout, de nos jeunes
voient leurs efforts sanctionnés par votre politique et votre budget pour 2003.
Je tenais à vous le dire.
M. le président.
La parole est à M. Adrien Gouteyron.
M. Adrien Gouteyron.
C'est une position assez redoutable que d'intervenir en dernier. Je ne sais
pas si tout a été dit, monsieur le ministre, mais j'ai le sentiment d'arriver
trop tard.
(Sourires.)
Néanmoins, je vais m'efforcer de me faire une petite
place.
Monsieur le ministre, nous sommes ici très nombreux à adhérer à vos objectifs
et à votre méthode.
M. René-Pierre Signé.
Pas tous !
M. Alain Gournac.
Il a dit : « nombreux » !
M. Adrien Gouteyron.
Je viens même d'entendre l'un de nos collègues qui siègent sur les travées de
gauche dire qu'il partageait votre philosophie, monsieur le ministre. Nous nous
en réjouissons !
Nos rapporteurs ont dit tout ce qu'il fallait sur les caractéristiques de ce
budget, ce dont je les félicite.
M. Luc Ferry,
ministre.
Absolument !
M. Adrien Gouteyron.
Je voudrais simplement rappeler que le Sénat avait, il y a quatre ans à peine,
constitué une commission d'enquête sur la gestion des emplois, des postes et
des personnels.
M. Pierre Laffitte.
Exact !
M. Adrien Gouteyron.
Cette commission d'enquête, que j'avais l'honneur et le plaisir de présider,
avait procédé à quelques constatations et émis quelques suggestions. J'ai été
heureux de vous entendre dire qu'on allait s'occuper des surnombres - enfin !
-, qu'on allait examiner de plus près le volume des heures supplémentaires -
enfin ! -, volume qui ne diminue pas, alors qu'on prétend gager des postes sur
des heures supplémentaires. On ne peut que s'en réjouir. Non que l'on ait
diminué les moyens, mais simplement parce que le pouvoir politique se donne les
capacités de rendre compte à la nation de la gestion de ceux qu'elle met à sa
disposition.
M. Luc Ferry,
ministre.
Absolument !
M. Adrien Gouteyron.
C'est encore une bonne chose.
J'aurais pu vous interroger sur la violence scolaire. Mon collègue Christian
Demuynck, qui devait intervenir à ma place, avait des raisons particulières de
vous questionner, parce que le département qu'il représente est, évidemment,
très frappé par le phénomène. Vous avez amplement répondu sur ce sujet, et je
ne m'attarderai donc pas.
Permettez-moi, en revanche, de revenir sur deux points. Le premier concerne
les classes en alternance, pièce essentielle du dispositif qui est le vôtre.
Vous l'avez rappelé, 60 000 jeunes ou adolescents sortent chaque année du
système scolaire sans diplôme, sans réelle qualification. On ne peut pas dire
que cette situation soit satisfaisante. Il faut faire quelque chose, vous
voulez faire quelque chose, et je vous en félicite. Bien entendu, il est
nécessaire de prendre des précautions, monsieur le ministre, et vous en avez
indiqué quelques-unes. D'abord, si ces classes sont accueillies, pour des
raisons évidentes de place et de disponibilité en matériels, dans les lycées
professionnels, où ces élèves recevront-ils l'enseignement général ? Quel sera
leur statut ? J'imagine qu'ils resteront élèves de collège, mais j'aimerais
vous l'entendre préciser, parce que c'est évidemment fondamental.
Puis vous avez parlé de passerelles, et vous avez bien fait. Vous avez refusé
l'orientation précoce, et vous avez encore bien fait. Toutefois, j'y mettrai
deux conditions.
Premièrement, on ne peut pas, me semble-t-il, imaginer ce nouveau dispositif
sans regarder ce qui se passe avant, dans les classes de sixième et de
cinquième. C'est d'ailleurs en ce sens que vous allez revoir le contenu des
enseignements technologiques. Il faut vraiment tout remettre à plat, et très
vite !
Deuxièmement, il faut que les enseignements généraux eux-mêmes soient parfois
dispensés sur des bases plus simples, sans doute plus concrètes. Je vous
approuve, et avec une totale conviction, quand vous insistez sur la nécessité
de revenir à un enseignement qui redonne son sens à l'effort, qui redonne son
sens à l'acte d'apprendre, qui redonne son sens et sa valeur à la mémoire. Il
m'est tombé sous les yeux récemment un article de Roger Ikor qui avait écrit,
dans un grand quotidien, un plaidoyer
pro memoria.
Ce plaidoyer pour la
mémoire, je le fais bien volontiers pour la mémoire à l'école, parce qu'elle
est indispensable pour acquérir les connaissances fondamentales. Qu'on ne me
dise pas que ce sont les élèves le plus en difficulté qui en pâtiront : je suis
persuadé du contraire. En effet, ces élèves trouveront, dans cet enseignement,
des bases solides ; ils comprendront ce qu'on leur dit. Ils ont besoin d'être
guidés, d'être parfois encadrés. Vous le proposez, et je vous en félicite.
Permettez-moi une dernière question sur l'affectation des enseignants.
Certains établissements sont difficiles, on le sait ; certaines académies le
sont également. Or, ce sont précisément dans ces établissements ou dans ces
académies difficiles que sont nommés la plupart des enseignants qui sortent
d'IUFM. Cela constitue, évidemment, un dysfonctionnement grave. Monsieur le
ministre, quelle mesure envisagez-vous de prendre pour mettre un terme à cette
situation ? J'oserai un témoignage : la commission des affaires culturelles, à
une époque où j'y avais quelques responsabilités, avant notre collègue Jacques
Valade, s'était rendue dans un établissement difficile de la région parisienne.
Elle avait pu y faire des constats surprenants. Dans cet établissement réputé
difficile, on obtenait des résultats étonnants, grâce à un chef d'établissement
admirable qui avait réussi à constituer autour de lui une équipe de jeunes qui
avait accompli des exploits.
Comment faire, monsieur le ministre, pour que, au sortir de l'IUFM, les
enseignants ne soient plus lâchés dans des établissements difficiles sans que
leur soient donnés les moyens d'appréhender efficacement la réalité, sans
pouvoir se regrouper et faire face à des situations extrêmement complexes ?
Monsieur le ministre, je vous remercie par avance des réponses que vous ne
manquerez pas de m'apporter.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Luc Ferry,
ministre.
Je vous remercie en retour, monsieur le sénateur, de vos
questions passionnantes.
Nous maintenons les postes à profil particulier. Cependant, dans la
perspective d'une autonomie plus grande des établissements, je pense que nous
aurions la possibilité de contractualiser, en quelque sorte, avec les
enseignants dans des situations difficiles, ce qui leur permettrait d'améliorer
leur situation et de rester éventuellement plus longtemps.
Je l'ai dit tout à l'heure, je m'engage à réduire les listes complémentaires
dans le premier degré qui posent le même problème. Nous allons donc dans le
sens que vous souhaitez.
S'agissant des classes en alternance, l'enseignement général continuera d'être
dispensé dans les collèges et les enfants qui y seront inscrits resteront des
collégiens à part entière.
Cela étant, il existe, dans les lycées professionnels, des dispositifs
excellents tels les PPCP, les projets plurisdisciplinaires à caractère
professionnel, qui permettent déjà de dispenser un enseignement général de
manière parfois beaucoup plus attrayante pour les élèves par rapport à ce
qu'ils connaissent dans l'enseignement traditionnel.
En outre, je précise que la plupart des 60 000 élèves qui sortent du système
scolaire sans qualification - en milieu de CAP ou de BEP - le doivent à un
problème d'affectation.
Il est donc crucial de mettre en place - là réside aussi tout l'intérêt des
classes en alternance - une meilleure connaissance de la réalité du lycée
professionnel, pour éviter ces erreurs d'affectation qui sont la cause d'un
très grand nombre d'échecs et de sorties du système scolaire sans
qualification.
A l'occasion du tour de France des lycées professionnels que j'ai entrepris,
j'apprends beaucoup. J'ai, par exemple, tout récemment découvert que, dans
certains lycées professionnels - il faut, là aussi, procéder avec humilité -,
certaines premières années de BEP sont organisées de telle façon que les élèves
ont la possibilité de découvrir, dans trois ateliers différents, trois métiers
différents, et sans pour autant être pénalisés. Cela a notamment permis dans ce
lycée auquel je pense de réduire considérablement le nombre de jeunes sortant
du système scolaire sans qualification.
S'agissant de la pédagogie du travail, nous devrions peut-être engager une
réflexion plus approfondie dans le cadre des classes en alternance pour savoir
comment redonner le goût de l'effort et le goût du travail.
Depuis le xviiie siècle, il faut le savoir, les philosophies de la pédagogie
ont vu s'opposer trois grandes conceptions de l'éducation.
Tout d'abord, on a envisagé l'éducation par le jeu, dont le modèle politique
est l'anarchie. Il s'agit, par exemple - déjà à l'époque -, de remplacer les
mathématiques par le jeu d'échecs. Puis ce fut, à l'inverse, l'éducation par le
dressage, dont le modèle politique est l'absolutisme : on traite les enfants
comme des animaux que l'on dresse. Enfin, chez les républicains, famille à
laquelle nous appartenons tous ici, j'en suis certain, l'éducation est à
l'exemple de l'exercice de la citoyenneté, c'est-à-dire que l'on est à la fois
actif, lorsque l'on vote la loi, et passif, quand on s'y soumet une fois
qu'elle a été votée. Dans cette école républicaine, le travail est l'activité
par laquelle l'enfant développe sa liberté en se heurtant à des difficultés
qu'il doit surmonter et, en même temps, par laquelle il est formé par la
réalité à laquelle il s'oppose. Cette pédagogie du travail doit être
revalorisée, elle qui associe la liberté et la contrainte, la liberté et la
discipline, comme l'exercice de la citoyenneté nous rend libres dans le vote,
mais soumis à la loi lorsqu'elle est votée.
Il faut donc redonner le goût du travail aux élèves, et les classes en
alternance leur permettront, à cet égard, de découvrir concrètement les métiers
dans le cadre d'établissements « les lycées professionnels », qui sont bien
équipés pour cela et dont les équipes pédagogiques sont compétentes,
suffisamment chaleureuses et sympathiques pour que ce goût du travail renaisse
chez des enfants dont on sait que, très souvent, ils sont arrivés là après
l'avoir totalement perdu.
Mesdames, messieurs les sénateurs, cet objectif n'est pas budgétivore, mais il
en vaut beaucoup d'autres !
(Applaudissements sur les travées du
RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Adrien Gouteyron.
M. Adrien Gouteyron.
Je voudrais simplement vous adresser une requête, monsieur le ministre.
J'ai évoqué la question de l'affectation des enseignants, à laquelle vous
n'avez pas pu répondre, contraint par le temps. C'est un sujet de réflexion
important, vous en êtes certainement conscient.
Nous souhaiterions obtenir dans les plus brefs délais des indications sur ce
qu'il est envisagé de faire à la fois sur le contenu de la formation en IUFM,
que plusieurs intervenants ont évoqué - M. le ministre parle de
professionnalisation - ainsi que sur les affectations et la manière dont
peuvent se constituer les équipes qui me semblent absolument nécessaires dans
les établissements difficiles.
M. le président.
Mes chers collègues, nous en avons fini avec les questions.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et
C et concernant la jeunesse, l'éducation nationale et la recherche : I. -
Jeunesse et enseignement scolaire.
ÉTAT B
M. le président. « Titre III : 175 777 854 EUR. »
La parole est à Mme Annie David, sur les crédits.
Mme Annie David.
Le collège unique n'est pas une utopie, c'est une ambition. J'ai été très
attentive à vos propos, monsieur le ministre.
Bien sûr, la nature ne nous a pas faits tous égaux, elle nous a faits
individuellement inclassables, elle a fait de chacun de nous un individu unique
dont le cheminement est particulier, dont l'intelligence est irremplaçable.
Le collège unique offre à toutes les intelligences de sortir du cloisonnement
social pour acquérir les connaissances et les méthodes de pensée existantes. Il
est le dénominateur commun par lequel l'individu, en s'appropriant le
patrimoine commun, se lie à la communauté nationale.
Le collège unique n'est pas une idée nouvelle. Mis en place en 1975, il doit
accueillir dans un même type d'établissement tous les élèves de la sixième à la
troisième pour leur offrir un enseignement général identique et, pourquoi pas
un enseignement technologique, comme vous le proposez - j'y serais assez
favorable, mais il faudra le mettre en place -, l'objectif étant de
démocratiser l'accès au savoir. Le principe d'égalité suppose que chacun soit
doté par l'école de la République d'une culture commune.
Cette mission a été mise à mal ces dernières années, mais l'origine des
difficultés que rencontre le collège unique ne lui est pas consubstantielle :
elle plonge dans la crise du système socioéconomique et culturel que nous
traversons.
Certes, le collège unique n'a pas permis d'effacer les disparités sociales
dans la mesure où l'échelle des valeurs qui préside au système scolaire reflète
celle de la société actuelle. Cependant, il a permis d'intégrer des enfants
d'origine modeste et d'environnements culturels divers.
Ainsi, d'après un rapport du ministère réalisé en 2000, 86 % des enfants de
cadres étaient bacheliers contre 56 % des enfants d'ouvriers en 1998, alors
que, pour les générations des années trente, les taux étaient respectivement de
41 % et de 2 %. Par ricochet, le nombre d'étudiants a doublé en vingt ans.
En outre, si, selon
Le Monde,
54 % des enseignants considèrent que le
collège unique doit être abandonné, 63 % des élèves, quant à eux, estiment
qu'il est un facteur de démocratisation sociale. Enfin, 72 % d'entre eux, après
orientation, estiment être dans la filière de leur choix.
Par ailleurs, la création du collège unique a conduit à une élévation massive
du niveau moyen de formation et donc à l'enrichissement humain de notre
société.
Je ne peux que regretter que les moyens dévolus au collège unique sur tout le
territoire ne soient pas à la hauteur des solutions qu'il apporte socialement.
Ce manque de moyens a entraîné la pérennisation de la ségrégation sociale au
lieu de la diminuer, en maintenant, par exemple, des classes de niveau, en
faisant entrer la crise dans les établissements scolaires où l'enseignant,
parfois, n'est plus qu'un « maton ».
Les collèges doivent gérer l'hétérogénéité des classes et des élèves à moindre
coût en freinant les redoublements et en provoquant ainsi l'échec scolaire et
des désordres irréversibles : nos enfants ne sont-ils plus que des marchandises
que l'on « garnit » de certains savoirs selon le tri organisé à courte vue par
un patronat, ou bien des consommateurs aveugles gavés d'informations chaotiques
? Certainement pas.
Il faut renforcer dès la maternelle et le primaire les enseignements
fondamentaux afin de mieux préparer les élèves à l'entrée au collège. En outre,
il faut diminuer la taille des classes qui n'a cessé de croître ces dernières
années. Les enseignants et les élèves sont lassés de classes surchargées, faute
de moyens.
A l'évidence, ce dispositif génère des inégalités, creuse les écarts entre les
élèves et conduit à d'énormes disparités au niveau des établissements.
Certes la réévaluation de l'enseignement technique et professionnel est
essentielle aujourd'hui, mais on peut atteindre cet objectif sans mettre au
pilori le collège unique. L'orientation ne devient légitime que si chacun a
reçu un enseignement commun de qualité. Il faut que le collège unique soit une
enceinte où l'enseignement professionnel et technique soit proposé aux élèves
au même titre que les autres filières d'orientation.
Il faut véritablement donner les moyens de son ambition au collège unique afin
qu'il puisse atteindre ces objectifs. C'est donc non pas dans l'application de
la régulation budgétaire à l'éducation nationale que la solution réside, mais
bien dans un investissement prioritaire judicieux et effectif.
L'élève n'est ni une marchandise ni un consommateur aveugle. Il est un
individu unique en développement et, en cela, il a droit à un enseignement
général, seul garant d'une orientation personnalisée, choisie et adaptée.
L'ambition du collège unique réussi est le dénominateur commun qui manque à
notre société.
M. le président.
La parole est à Mme Hélène Luc.
Mme Hélène Luc.
Monsieur le ministre, je veux évoquer très rapidement une problématique sur
laquelle vous avez vous-même mis l'accent, celle de la revalorisation de
l'enseignement professionnel. Mon amie Annie David, à qui j'ai passé le relais,
a parfaitement dépeint la situation dans son excellent rapport pour avis, en
examinant les causes et les solutions de fond.
En tant que parlementaire intervenant avec passion et conviction depuis fort
longtemps sur les questions de l'éducation, en tant qu'élue du département du
Val-de-Marne, je m'implique en permanence avec les acteurs de l'école, au sein
du conseil départemental de l'éducation nationale, du conseil d'université de
Paris-XII et du conseil d'administration de l'IUFM de Créteil.
Oui, l'enseignement professionnel a vocation à être une voie de pleine
réussite et d'accomplissement socioprofessionnels. Oui, l'enseignement
professionnel a commencé à se transformer et à se moderniser, grâce à l'aide
importante apportée par les régions et par certains départements comme le mien.
Nous connaissons quelques exemples de lycées professionnels dans lesquels les
élèves arrivent plus jeunes et dans de meilleures conditions de réussite, aidés
grandement par les enseignants. Oui, l'enseignement professionnel offre de
nombreux débouchés porteurs et gratifiants. Mais il faut créer de très
nombreuses formations nouvelles, y compris pour les filles.
Ainsi, nous avons l'honneur, à Choisy-le-Roi, d'accueillir désormais
l'Imprimerie nationale ; le directeur nous faisait part récemment de la pénurie
de commerciaux que connaissait ce secteur. Nous allons donc demander la
création d'une telle filière. J'espère que vous l'accepterez, monsieur le
ministre.
Alors, pourquoi l'enseignement professionnel demeure-t-il inéluctablement, en
dépit des multiples et successives campagnes de revalorisation, une affectation
et une orientation plus souvent subies que choisies, comme l'a dit Ivan Renar
?
Pourquoi cet enseignement donne-t-il lieu à tant de sorties précoces et sans
qualification ? Il y a, à la racine de ces phénomènes, la question persistante
de l'échec scolaire qui frappe très tôt, dans leur scolarité, une frange
importante des enfants.
Quelles que soient la pertinence et la portée de tel réaménagement,
rééquilibrage, de telle action d'information ou de promotion, de telle campagne
de sensibilisation, force est de constater que les résultats obtenus, au fil du
temps, sont particulièrement faibles et décevants. Mon propos est inspiré non
pas le pessimisme ou par une volonté polémique, mais véritablement par
l'expérience, par l'histoire des politiques éducatives et par la volonté de
faire de l'enseignement professionnel une filière noble sur la base de la
réussite scolaire et de la création de la licence professionnelle, qui en est
un élément.
Aussi, monsieur le ministre, il est démontré de longue date que c'est très en
amont qu'il faut prévenir, agir, remédier : en fin de maternelle, le patrimoine
linguistique varie déjà du simple au double selon les enfants, et un enfant qui
redouble le CP a dix fois moins de chance qu'un autre d'obtenir le bacalauréat.
Ces deux réalités suffisent à illustrer mon propos. Il est nécessaire de
développer dans les écoles, à grande échelle là où c'est nécessaire, les
dispositifs d'aide, de prise en charge individuelle et par petits groupes pour
entraver le processus irréversible de l'échec.
Cela coûtera cher, mais cela sera plus efficace et plus enthousiasmant que de
construire des prisons pour les enfants âgés de moins de treize ans, comme je
l'ai dit à M. Sarkozy au mois de juin dernier.
Tel est le véritable défi qui nous est lancé pour le XXIe siècle. Bien
entendu, tout ne dépendra pas de l'éducation nationale. Néanmoins, l'apport des
enseignements spécialisés, des réseaux d'aide et de soutien serait beaucoup
plus important si ces derniers pouvaient répondre aux besoins.
Depuis la suppression des GAPP, les groupes d'aide psychopédagogique, la
dispersion et le manque de moyens des RASED, les réseaux d'aides spécialisées
aux élèves en difficulté, ne permettent pas d'accomplir les missions
indispensables à la lutte contre l'échec.
Les départements de la Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne, du Gard, des
Bouches-du-Rhône, de la Loire-Atlantique ont obtenu des mesures de
rééquilibrage, voilà deux années, en menant des actions déterminées.
Les acquis doivent être confortés et non pas remis en cause par des retraits
d'emplois ou par l'absence de structures d'aide. C'est l'inquiétude qui s'est
exprimée avec force aux conseils départementaux de l'éducation nationale, jeudi
dernier, et c'est pourquoi ces enseignants participeront à la manifestation du
8 décembre prochain.
Je veux protester aussi contre la manière de procéder, c'est-à-dire contre la
suppression des crédits avant le vote du budget, alors même que la commission
n'en a pas été avertie.
Monsieur le ministre, nous serons là, soyez-en sûr, pour vous apporter notre
appui, car la majorité sénatoriale va voter la réduction des crédits de
l'éducation nationale.
M. le président.
Veuillez conclure, madame Luc.
Mme Hélène Luc.
Je termine, monsieur le président. Le plan d'envergure qui requiert un combat
efficace contre l'échec scolaire reste à concevoir et à mettre en oeuvre avec
l'engagement de la nation tout entière. Ce plan passe non pas par la diminution
des aides-éducateurs, dont vous transformez le rôle et qui ne seront plus payés
par l'éducation nationale - nous ferons le bilan, monsieur le ministre ! - mais
par une formation renouvelée et améliorée de la formation des enseignants. Ceux
de l'IUFM de Créteil ont, pendant deux jours, réfléchi et échangé leurs
opinions sur la formation ; ils ont fait des suggestions.
M. le président.
Madame Luc, je vous prie de conclure.
Mme Hélène Luc.
Vous avez vous-même déclaré à juste raison, monsieur le ministre, vouloir
tenir compte des expériences qui ont été conduites. Alors, réfléchissons et
proposons ensemble ! A cet égard, je vous invite à vous rendre à l'IUFM de
Créteil.
Je renouvelle ma proposition de revenir aux IPES afin d'encourager les
vocations d'enseignants dont le métier reste l'un des plus beaux du monde.
Votre projet de budget est loin d'être à la hauteur des nécessités. La
croissance prévue ne sera pas au rendez-vous et des crédits seront gelés.
M. le président.
Concluez, madame Luc !
Mme Hélène Luc.
Je voudrais enfin que vous gardiez en mémoire la belle image de notre
hémicycle, monsieur le ministre, lors des journées hugoliennes sur l'exil et la
tolérance qui réunissaient quelque 250 collégiens et collégiennes. L'une
d'entre elles vous a demandé pourquoi le budget des affaires militaires
augmentait tant alors que celui de la recherche stagnait.
Alors, gardez cette idée ; il faut écouter ces collégiens, et nous les y
aiderons !
M. Ivan Renar.
Comme l'aurait dit Maurice Thorez, il faut savoir terminer une intervention au
Sénat !
(Sourires.)
M. le président.
La parole est à M. Ivan Renar, pour explication de vote.
M. Ivan Renar.
Mon explication de vote est plutôt un rappel au règlement sur l'organisation
de nos travaux.
Le président de la commission des finances a exhorté tout à l'heure le
ministre de l'éducation nationale à réaliser des économies dans le cadre des
crédits que nous examinons. Il suivait en cela les propos tenus par le
rapporteur général lors de l'examen de la première partie du projet de loi de
finances : « Le Parlement doit demander aux ministres de faire preuve de
transparence, de clarté dans l'exposé de leurs motifs et de rigueur dans la
gestion. Nos rapporteurs spéciaux joueront pleinement leur rôle en énonçant
leurs idées de réduction ciblée de la dépense. L'ambition de la commission des
finances du Sénat est de faire qu'au terme de l'examen de cette loi de finances
le déficit ne soit pas simplement maintenu à son niveau actuel, mais réduit
d'au moins 100 millions d'euros. »
Cette situation pour le moins originale intervient alors même que la
commission des affaires culturelles, intéressée au premier chef par l'examen,
des crédits de l'enseignement scolaire, n'a été ni réunie ni simplement
consultée. Aussi j'interroge le président de la commission des affaires
culturelles, notre collègue Jacques Valade, sur la nécessité de réunir à
nouveau la commission qui a discuté et délibéré d'un budget différent de celui
que nous allons devoir voter en définitive. Je trouve cette situation
profondément anormale, voire aberrante. Je n'en dirai pas plus.
J'avais déjà des raisons de voter contre les budgets, alors, à présent, je
n'aurai pas trop de mes deux bras pour voter !
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Je me permettrai de rappeler solennellement à
notre collègue Ivan Renar que nous sommes en période de discussion budgétaire,
car son rappel au règlement matinal tendait à accréditer l'idée que nous étions
dans une autre discussion.
La commission des finances, comme chacune des commission du Sénat, a commencé
l'examen du projet de loi de finances sur la base du texte adopté par le
conseil des ministres à la fin du mois de septembre.
Le Gouvernement, désireux de jouer la carte de la transparence et de la
sincérité, a fait le constat, il y a quelques jours, que les prévisions pour
2003 devaient être révisées à la baisse, de même que les ressources fiscales
attendues ; il convenait donc de modifier l'article d'équilibre.
Les travaux de la semaine passée, mes chers collègues, n'ont pas été conduits
dans l'intimité. Ils ont eu lieu ici, en séance publique, et l'ensemble des
sénateurs a pu participer à la discussion, monsieur Renar. Peut-être M. Thierry
Foucaud vous a-t-il tenu informé de ce qui s'était dit en séance.
Nous n'entendons pas contrarier en quoi que ce soit la discussion budgétaire ;
nous voulons seulement - et en cela, monsieur le ministre, nous faisons oeuvre
de pédagogie - que nos concitoyens, que nous respectons profondément, prennent
conscience de ce qu'on ne peut pas indéfiniment constater des baisses de
recettes sans tenter de réduire les dépenses.
Laisser filer le déficit public, monsieur Renar, c'est faire payer demain par
nos enfants les charges qu'aujourd'hui nous n'avons pas le courage d'assumer
complètement.
M. René-Pierre Signé.
De l'enseignement au ministre de l'enseignement !
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles.
M. Jacques Valade,
président de la commission des affaires culturelles.
Mes chers collègues,
j'ai lu dans la presse ce matin l'appel lancé par M. le président de la
commission des finances...
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances.
Je l'ai lancé hier soir, et cela
s'est passé ici !
M. Jacques Valade,
président de la commission des affaires culturelles.
Je l'ai lu dans la
presse ce matin.
Mme Hélène Luc.
Ce n'est pas mal, ça !
M. Jacques Valade,
président de la commission des affaires culturelles.
J'ai donc été
informé par voie de presse, et je suppose que l'appel que vous avez lancé était
assorti de l'accord des commissaires de la commission des finances.
Ce qui est sûr, c'est qu'en début de séance vous avez indiqué que vous
souhaitiez qu'un effort soit fait par les différents ministères, en dehors de
ceux dont les crédits sont « sanctuarisés », c'est-à-dire la défense, la
justice et l'intérieur, pour que le budget s'accorde aux nécessités nouvelles
et soit aussi équilibré que possible, c'est-à-dire que le déficit soit aussi
réduit que possible.
Nous suivons ces indications, nous nous inscrivons dans cette volonté partagée
par la majorité, au Sénat comme à l'Assemblée nationale, et, bien entendu, nous
sommes solidaires de M. le ministre de l'éducation nationale.
Ce qui est sûr aussi, et je réponds là à M. Renar, c'est que la commission des
affaires culturelles n'a pas eu, même si vous avez dès hier soir lancé votre
appel, monsieur Arthuis, la possibilité de se réunir et d'examiner dans quelles
conditions nous pouvions aller dans le sens que vous nous indiquez.
En tant que président de la commission des affaires culturelles du Sénat, mais
également à titre personnel, compte tenu des conclusions des rapporteurs de
notre commission, mais également des conclusions des rapporteurs de la
commission des finances, je vous confirme que notre avis favorable sur les
crédits proposés par M. le ministre subsiste. Il changerait peut-être si
d'autres dispositions étaient prises, mais dans, ce cas, il faudrait d'abord
que ces dispositions soient formulées, et ensuite, que nous ayons la
possibilité de les étudier effectivement, si nécessaire dans le cadre d'une
réunion exceptionnelle de la commission.
M. le président.
La parole est à M. Claude Biwer, pour explication de vote.
M. Claude Biwer.
C'est sans état d'âme que je voterai ce projet de budget.
Nous avons beaucoup parlé de l'alternance et des possibilités nouvelles qui
pourraient s'offrir dans ce cadre, mais sauf à être mal informé, je ne crois
pas qu'il ait été précisé à partir de quel niveau l'alternance serait possible,
d'autant que nous entendons aussi dire que la formation devrait peut-être être
identique pour tous jusqu'à seize ans.
Etant élu de la Meuse, j'ai participé à des opérations à caractère
transfrontalier, et j'ai pu constater qu'en Belgique comme au Luxembourg les
filières d'alternance sont ouvertes beaucoup plus tôt qu'en France aux jeunes,
qui disposent ainsi d'un plus large choix de possibilités. J'aurais donc
souhaité que M. le ministre puisse m'indiquer à partir de quel niveau
l'alternance sera permise.
M. le président.
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président
« Titre IV : 165 342 483 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
M. Ivan Renar.
Le groupe CRC votre contre : même motif, même punition !
(Ces crédits sont adoptés.)
ÉTAT C
M. le président.
« Titre V. - Autorisations de programme : 76 729 000 euros ;
« Crédits de paiement : 24 028 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 64 078 000 euros ;
« Crédits de paiement : 35 186 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
(Ces crédits sont adoptés).
M. le président.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant la jeunesse et l'enseignement scolaire.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à quinze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures vingt-cinq, est reprise à quinze heures
trente.)
M. le président.
La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 2003, adopté
par l'Assemblée nationale.
II. - ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant
la jeunesse, l'éducation nationale et la recherche : II. - Enseignement
supérieur.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le ministre, je rapporte
pour la septième fois les crédits de l'enseignement supérieur, et je
m'adresserai à vous comme je m'étais adressé à vos prédécesseurs, sans
reprendre d'ailleurs l'ensemble des informations figurant dans le rapport
écrit, parce que je suppose que tous les participants à ce débat l'ont lu de
manière approfondie. Je centrerai donc mon propos sur le développement du
sous-titre que j'ai donné à ce rapport : « Le moment de vérité ».
C'est en effet, au commencement de l'année universitaire et à la veille de
l'exercice 2003, le moment de vérité. Je voudrais tout d'abord vous remercier,
monsieur le ministre, de l'avoir saisi pour dire la réalité de la situation
universitaire en France, d'avoir fourni à la commission des finances l'ensemble
des informations qu'elle vous avait demandées, d'avoir marqué votre souci de
mettre en oeuvre les dispositions de la loi organique relative aux finances.
Vous avez reconnu que la situation universitaire française était faite
d'ombres et de lumières, qu'elle comportait des contrastes, avec des aspects
positifs extrêmement importants, traduits dans les mesures budgétaires
nouvelles que vous nous présentez, mais aussi des problèmes fondamentaux qui
subsistent, n'ayant pas, jusqu'à présent, trouvé de solution, alors que vous
avez exprimé la volonté de les résoudre.
Cet effort de vérité et de sincérité, nous l'avons apprécié, notamment lorsque
vous nous avez indiqué, à l'occasion de votre conférence de presse et des
réponses que vous avez apportées à la commission des finances, qu'une sorte de
ralentissement, de blocage de l'effort d'investissement universitaire et de
requalification du patrimoine se manifeste ; vous avez reconnu aussi, et c'est
un autre effort de vérité que nous apprécions, que des difficultés importantes
se font jour, dans le premier cycle universitaire, en matière d'orientation et
d'efficience ; vous avez enfin reconnu, et c'était à mes yeux un moment de
vérité important, que, dans le domaine de l'action sociale, un certain retard
existe en ce qui concerne notamment les conditions de vie des étudiants et les
aides indirectes qui leur sont accordées par le biais des résidences et de la
restauration universitaires.
A l'heure de la présentation du projet de budget pour 2003, moment privilégié
du dialogue entre le Sénat et votre ministère, le même impératif de vérité me
guidera pour vous poser quatre questions fondamentales. La procédure des
questions et des réponses suivie ce matin ne s'applique pas à notre débat, mais
j'ai pensé que celui-ci serait plus vivant si j'adoptais cette démarche.
Ma première question sera la suivante : comment relancer vraiment l'effort
d'investissement universitaire, comment requalifier vraiment le patrimoine en
développant les crédits d'entretien et de maintenance, comment améliorer
vraiment le taux actuel, qui est très insuffisant, de réalisation des contrats
de plan liant l'Etat et les régions, principalement dans le cadre de ce que
l'on a appelé le plan U 3 M ou plan université du troisième millénaire ?
Ma deuxième question concernera l'efficience du premier cycle. Vous avez
rappelé, lors de votre conférence de presse d'octobre dernier, que des lacunes
en matière d'orientation, de monitorat, d'encadrement et de soutien, ainsi que
des taux d'échec trop élevés, composaient une situation intolérable et qu'il
fallait concentrer les efforts afin de l'améliorer. Comment pensez-vous pouvoir
progresser dans ce domaine essentiel de l'efficacité du système universitaire
?
Ma troisième question est fondamentale. Nous croyons à l'autonomie des
établissements publics universitaires dans le cadre du service public national
de l'université : il faut donc développer cette autonomie, mais aussi le
contrôle et l'efficacité, sur les plans de la pédagogie, de la recherche et de
la gestion. Comment, monsieur le ministre, comptez-vous procéder ? Sera-ce par
une réforme de la loi sur l'enseignement supérieur de 1984, ou par le biais
d'un ensemble de dispositifs concernant la vie quotidienne et les projets de
développement de chacun des établissements publics ? Nous sommes favorables,
comme nous l'avons toujours dit ces dernières années, à l'autonomie des
établissements publics universitaires, dans le respect du service public
national. Comment progresser vers cet objectif qui, je crois le savoir, est
aussi le vôtre ?
Enfin, ma quatrième question sera relative à la décentralisation : comment
aborder dans de meilleures conditions le débat sur ce thème ? En effet, le
rapport fait apparaître que le débat sur la décentralisation - ce n'est ni
votre faute, monsieur le ministre, ni celle des collectivités locales -
s'amorce dans des conditions quelque peu délicates.
D'une part, les collectivités locales gardent le souvenir des transferts de
compétences pour les collèges, en ce qui concerne les départements, et pour les
lycées, en ce qui concerne les régions. Elles font donc preuve, et cela peut se
comprendre, d'une certaine prudence. Le débat sur la décentralisation s'est
aussi engagé dans des conditions difficiles parce que, malheureusement, tout
esprit objectif peut observer une disqualification d'une partie du patrimoine,
pour lequel des problèmes de contamination par l'amiante ou de sécurité se
posent.
D'autre part, l'effort d'investissement, la programmation partenariale et
l'efficacité du programme d'investissement des universités demeurent
insuffisants.
Ces conditions défavorables ne nous empêchent pas de croire à la
décentralisation, à la nécessité de consentir un effort. Nous souhaitons,
monsieur le ministre, que vous nous éclairiez sur les perspectives du dialogue
qui va s'engager avec les collectivités locales des différents niveaux pour
déterminer dans quels domaines la décentralisation pourra s'exercer, dans quel
cadre contractuel et selon quel calendrier d'éventuelles expérimentations
pourront se dérouler. Quels sont les axes de votre réflexion au regard de ce
grand débat national sur la décentralisation ? Bien entendu, des principes
fondamentaux, tels que le service public national universitaire, le partage des
responsabilités, le partenariat, qui existe déjà pour les divers niveaux
d'enseignement et qui doit être étendu à l'enseignement supérieur, et
l'exercice de responsabilités dans un cadre financier acceptable et permettant
un développement de la qualité de l'université, devront être respectés.
Nous avons une grande ambition pour l'université française. Nous souhaitons
que l'effort public et national pour l'université soit une priorité, nous
souhaitons que les universités françaises, dans un climat de réelle
compétition, soient de véritables pôles d'excellence, en matière de pédagogie,
de recherche et aussi de gestion.
(Applaudissements sur les travées des
Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Léonce Dupont,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.
Monsieur
le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, bien que moins
expérimenté que mon excellent collègue Jean-Philippe Lachenaud, je vous ferai
part de quelques réflexions, qui sont également autant de questions.
Avec 8,8 milliards d'euros, le projet de budget de l'enseignement supérieur
pour 2003 marque une progression de 1,05 % par rapport à 2002, ...
M. Jean-Pierre Sueur.
Il régresse !
M. Jean-Léonce Dupont,
rapporteur pour avis.
... soit une augmentation inférieure de moitié à
celle de l'exercice précédent, ainsi qu'à celle du budget de l'enseignement
scolaire pour 2003.
M. Jean-Pierre Sueur.
Tout à fait ! C'est une régression !
M. Jean-Léonce Dupont,
rapporteur pour avis.
Cette progression limitée, qui n'est pas
condamnable en soi, résulte pour l'essentiel, comme vous le savez, de
l'ajustement, au demeurant légitime, des crédits d'investissement, qui sont
consommés depuis plusieurs années avec retard, et de l'évolution des crédits
d'aide sociale directe, qui tendent à plafonner du fait de l'achèvement du plan
social étudiant.
A tous égards, ce projet de budget apparaît donc comme un exercice de
transition qui, à l'exception de quelques mesures significatives tendant à
réduire l'échec universitaire en premier cycle et à introduire davantage de
parité entre l'enseignement supérieur public et l'enseignement supérieur privé,
problème qu'il faudrait d'ailleurs poser de manière globale, ne porte pas
encore la marque d'orientations nouvelles et vise, pour l'essentiel, les
objectifs fixés depuis 1995.
S'agissant des crédits, 500 emplois d'enseignant et 1 450 emplois de personnel
IATOS - ingénieurs, administratifs, techniciens, ouvriers et de service -
seront créés en 2003. Je rappellerai que la CPU, la Conférence des présidents
d'université, s'est inquiétée de l'abandon du plan pluriannuel de recrutement,
en soulignant le sous-encadrement des établissements en personnels non
enseignants.
Les subventions de fonctionnement aux établissements enregistreront une hausse
de 4,4 %, tandis que les crédits d'investissement diminueront de 7,4 %, ce qui
peut conduire à s'interroger sur le rythme de financement, par l'Etat, des
contrats de plan, mais peut s'expliquer par la dégradation de la consommation
de ces crédits d'investissement. A n'en pas douter, cette sous-utilisation des
moyens traduit aussi une maîtrise d'ouvrage défaillante et un suivi
approximatif par la centrale de la gestion des crédits dans les régions.
J'évoquerai ensuite le programme de restructuration et de réhabilitation des
universités parisiennes, qui ont été oubliées dans le plan Université 2000 :
473 millions d'euros sont prévus, au total, pour l'ensemble de ces opérations,
dont 424,5 millions d'euros inscrits au contrat de plan.
S'agissant de Jussieu, plus de 680 millions d'euros de crédits d'Etat sont
prévus jusqu'en 2009 pour le désamiantage, la mise en sécurité et la rénovation
de ce campus controversé, ce qui est considérable et même supérieur au total
des crédits prévus pour les autres opérations universitaires parisiennes. Le
projet de budget pour 2003 prévoit 21 millions d'euros en autorisations de
programme pour Jussieu, et aucun crédit de paiement compte tenu des retards
constatés dans le déroulement du programme de mise en sécurité.
Force est également de constater que la restructuration des universités
parisiennes se traduira par des superficies nouvelles qui risquent d'attirer
les étudiants des universités de la grande couronne, voire de la très grande
couronne, dont l'équilibre est susceptible d'être sérieusement compromis compte
tenu de l'évolution démographique globale.
S'agissant des aides sociales directes, dont les crédits seront quasiment
stables en 2003, et des aides indirectes, celles-ci représenteront, au total,
près de 1,6 milliard d'euros en 2003, alors que les aides accessoires -
allocation de logement sociale, aide personnalisée au logement, aides fiscales
aux familles, aides des collectivités locales, contributions des régimes
sociaux... - s'élèvent, au total, à plus de 3 milliards d'euros. A l'évidence,
le système d'aides sociales aux étudiants doit être revu, afin, notamment, de
privilégier celles qui sont accordées sous conditions de ressources.
Il convient en revanche de se féliciter des progrès réalisés en matière
d'harmonisation européenne des cursus, qu'il s'agisse de l'évaluation du
mastère par les grandes écoles, du succès des licences professionnelles, de la
prise en compte des BTS et des classes préparatoires dans le cursus européen
3-5-8, et de la généralisation du système de points ou de crédits
capitalisables, dit ECTS. Il serait toutefois souhaitable, monsieur le
ministre, que vous vous assuriez que les crédits acquis, notamment à
l'étranger, selon des évaluations nationales, ne menacent pas l'homogénéité et
le niveau de nos formations supérieures.
Je crois, ensuite, qu'il nous faut poser le problème de l'utilisation des
bâtiments universitaires. C'est l'un des soucis de la mission d'information qui
a été créée sur l'initiative de M. Jacques Valade, compte tenu notamment de la
baisse des effectifs étudiants, qui est appelée à se poursuivre au cours de la
décennie à venir. A n'en pas douter, l'université doit s'ouvrir à de nouveaux
publics pour éviter le développement futur de véritables friches
universitaires.
L'accueil des étudiants étrangers, qui représentent 12,4 % des étudiants, doit
donc être amélioré, en veillant toutefois à ce que les besoins nationaux en
matière d'hébergement et d'aides directes soient également satisfaits, ce qui
n'est pas encore le cas.
Dans le même sens, la formation continue, qui ne représente que 3 % des
diplômes délivrés par l'université, doit être développée : cet objectif, qui
est de nature à procurer des ressources non négligeables aux établissements,
suppose sans doute que cette activité soit équitablement prise en compte dans
la carrière des enseignants-chercheurs.
Par ailleurs, la commission des affaires culturelles se félicite des mesures
annoncées pour réduire l'échec en premier cycle, en y développant des modules
de culture générale indispensables dans le cadre de l'évolution de la gestion
d'une carrière, mesures qui témoignent d'une certaine faillite de
l'enseignement scolaire dans l'acquisition des fondamentaux. Force est de
constater que, à cet égard, la France se rapproche du système américain, dans
lequel le secondaire est le maillon faible du système éducatif.
Je terminerai, monsieur le ministre, en regrettant que la création de
nouvelles filières, comme les licences professionnelles, ne s'accompagne pas
d'un examen des filières existantes, pouvant aboutir à leur éventuelle remise
en cause lorsqu'elles font double emploi, et devant entraîner une nécessaire
redistribution des postes.
Enfin, si nous ne pouvons que nous féliciter de la poursuite de l'effort de
professionnalisation de l'enseignement supérieur, notamment par la voie de
l'apprentissage, il nous faut réfléchir, dans un souci d'équité et d'image, à
un statut de l'apprenti qui se rapprocherait du statut des étudiants.
Sous réserve de ces observations, la commission des affaires culturelles a
donné un avis favorable à l'adoption des crédits de l'enseignement supérieur
pour l'exercice 2003.
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 20 minutes ;
Groupe socialiste, 18 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 5 minutes.
Je vous rappelle qu'en application des décisions de la conférence des
présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix
minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Georges Othily.
M. Georges Othily.
Monsieur le ministre, au moment où l'Université des Antilles et de la Guyane,
l'UAG, réfléchit sur son développement et sur sa restructuration, qu'il me soit
permis d'attirer votre attention sur les difficultés qu'elle rencontre dans la
mise en oeuvre de son programme.
En effet, s'agissant de la Guyane, nul n'ignore l'ampleur de l'investissement
intellectuel nécessaire pour former les cadres dont l'économie a besoin et pour
que les enseignants puissent s'adapter aux contraintes locales d'éducation.
Pour cela, il faut donc rendre plus attrayante la formation. Ce n'est qu'à
cette condition, et à cette seule condition, que sera assuré le devenir de la
Guyane, qui manque actuellement de cadres pour son développement. C'est
pourquoi j'apprécierais que vous me confirmiez la volonté du Gouvernement de
mettre en place un pôle universitaire en Guyane.
Votre budget, monsieur le ministre, nourrit l'autonomie des universités et
prépare l'avenir. Si l'Etat reste le garant de l'équité entre les territoires
et de la qualité de l'enseignement et de la recherche, alors je suis persuadé
que vous saurez entendre notre cri, au sens où l'entendait le professeur
Bertène Juminer.
L'Université des Antilles et de la Guyane, pour reprendre la classification du
ministère de l'éducation nationale, figure dans la catégorie «
pluridisciplinaire avec santé ». Souvent, d'ailleurs, elle se situe en dessous
de la moyenne nationale. Cela témoigne de l'effort qu'il reste à accomplir pour
rattraper ce retard.
La situation tripolaire de notre université - Martinique, Guadeloupe, Guyane
- induit des surcoûts de fonctionnement nettement identifiés, qui ont
d'ailleurs fait l'objet d'un dossier déposé au ministère de l'éducation
nationale.
L'UAG fait partie, des universités qui ont un déficit important en ce qui
concerne tant les personnels enseignants que les personnels administratifs,
techniques, ouvriers et de service.
Ce déficit est largement reconnu, mais, malgré les efforts consentis, le
retard est loin d'être comblé. Cela entraîne d'ailleurs des frais
supplémentaires de fonctionnement, particulièrement pour les personnels
IATOS.
Parallèlement à ce problème de surcoût, l'UAG est également pénalisée par la
faiblesse des moyens qui lui sont attribués pour la maintenance et la mise en
sécurité de ses infrastructures.
Les problèmes que j'évoque ont été soulevés à plusieurs reprises. La réponse
budgétaire apportée par le ministère de l'éducation nationale consistait à nous
accorder 120 % de la dotation San Remo, système analytique de répartition des
moyens. Cette dotation, d'un montant de 3,35 millions d'euros, s'est révélée
notoirement insuffisante et n'a pas été réévaluée depuis plusieurs années.
On devrait d'ailleurs se pencher sur l'adéquation des critères San Remo, même
rénovés, à la situation particulière de notre établissement qu'est l'Université
des Antilles et de la Guyane.
Au moment où je m'adresse à vous, monsieur le ministre, le personnel de l'UAG
est en grève en Guadeloupe et la situation de trésorerie de l'UAG est
catastrophique. Puisque vous n'avez pas encore eu le temps de répondre à la
récente correspondance que je vous ai fait parvenir, laissez-moi vous dire
combien est urgente une ligne de trésorerie auprès de La Poste ou une avance du
ministère des finances pour arranger sérieusement la situation.
Monsieur le ministre, en nous apportant des réponses précises, vous apaiserez
certainement nos inquiétudes et nous pourrons ensemble construire un avenir
meilleur pour les étudiants de France, et singulièrement pour ceux de
l'Université des Antilles et de la Guyane.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur.
Il faut beaucoup de rhétorique, monsieur le ministre, pour défendre ce budget
! J'ai entendu M. le rapporteur pour avis nous expliquer que la progression
était limitée. C'est une manière de dire qu'il y a une régression. Alors,
autant « régression » plutôt que dire « progression limitée ». En effet, autant
appeler les choses par leur nom !
Le budget de 2001 pour l'enseignement supérieur avait augmenté de 2,6 % et le
budget de 2002 de 2,33 %. Le budget que vous nous présentez, monsieur le
ministre, augmente, de 1,05 % en valeur, ce qui correspond à une diminution de
0,4 % en volume. Vous me rétorquerez sans doute qu'il ne s'agit que d'un
facteur d'appréciation parmi beaucoup d'autres et que ce qui compte, c'est le «
qualitatif ». Il s'agit d'un mot que vous employez souvent. C'est un mot que
nous apprécions beaucoup. Nous sommes bien sûr pour le qualitatif. Mais il est
un peu facile de brandir le qualitatif quand le quantitatif ne suit pas, quand
les moyens sont en baisse, quand le budget est mauvais. Monsieur le ministre,
la bonne qualité de l'enseignement supérieur est compatible avec un bon budget
! Si vous aviez un bon budget, rassurez-vous, cela ne porterait en rien
préjudice à la qualité de l'enseignement.
M. Jacques Valade,
président de la commission des affaires culturelles.
Alors, vous le
voteriez !
(Sourires.)
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial. Cum grano salis ! (Nouveaux sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur.
Vous le savez, monsieur le ministre, le budget de l'enseignement supérieur
s'inscrit dans un vaste ensemble. En effet, dans le présent projet de loi de
finances, et cela n'a échappé à personne, les efforts prioritaires ne portent
pas sur l'éducation, la formation, la recherche, la culture et l'université. On
constate même une rupture par rapport à la priorité des efforts.
Tout cela se traduit, en creux en quelque sorte, par un projet de société, par
une conception de l'avenir qui, vous le savez bien, n'est pas la nôtre, et qui
n'est peut-être pas non plus la vôtre, monsieur le ministre, mais qui est en
tout cas celle que vous nous présentez aujourd'hui.
Des discours fleurissent abondamment sur la non-consommation des crédits - on
verra qu'il en est de même pour la recherche scientifique -, sur les
nécessaires ajustements, sur les phénomènes techniques qui, d'un budget à
l'autre, font qu'il y a un certain nombre de reports, et sur les réserves des
universités, qui, si j'ai bien compris, vont être mises à profit. Mais tout
cela n'est pas convaincant, mes chers collègues. Je perçois si peu d'ardeur, de
zèle et d'enthousiame dans le discours de ceux qui nous parlent de cela que je
pressens qu'ils ne sont pas eux-mêmes très convaincus.
Monsieur le ministre, si vous le permettez, je voudrais, au cours de cette
intervention, vous poser cinq questions.
La première concerne les étudiants - parce que les universités sont faites
pour eux - et leur situation sociale. Grâce à l'action de vos deux
prédécesseurs - nous avons d'ailleurs salué ce point en son temps -,
aujourd'hui, 30 % des étudiants français sont boursiers. Un effort important a
été fait et il faut le poursuivre.
Les organisations étudiantes, en particulier l'UNEF, attachent beaucoup
d'importance à une revendication : l'allocation d'autonomie pour les étudiants.
Lors d'un récent congrès de l'UNEF, où nous étions invités avec des
représentants des différentes formations politiques, j'ai eu l'occasion de
débattre sur cette proposition. J'ai regretté que vous y ayez répondu par une
fin de non-recevoir. Vous avez dit que ce n'était pas possible, que cela ne
vous intéressait pas et que votre réponse était : non !
M. Luc Ferry,
ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.
C'est vraiment non !
M. Jean-Pierre Sueur.
Or le principal syndicat d'étudiants avait posé une question et élaboré un
certain nombre de propositions qui, pour le moins, méritent débat.
Quoi qu'il en soit, si je suis bien évidemment d'accord pour dire qu'il faut
discuter des modalités, votre attitude de refus catégorique ne me paraît pas
positive, alors que, vous le savez très bien, selon un rapport officiel
commandé par votre ministère avant que vous ne preniez vos fonctions, plus de
100 000 étudiants vivent en-dessous du seuil de précarité, de pauvreté. Ce
point constitue donc un vrai problème sur lequel je voulais vous interroger en
premier lieu.
Ma deuxième question concerne le premier cycle, sur lequel votre discours est
très intéressant, monsieur le ministre, et nous sommes un certain nombre à
avoir, par le passé, approuvé des discours similaires. Il faut davantage
d'enseignement par petits groupes, davantage d'enseignement individualisé,
dites-vous, de manière à réduire l'échec, au cours et à l'issue de ce premier
cycle, et vous avez cent fois raison.
L'ennui, c'est que je ne vois nulle part dans le budget que vous nous
présentez - mais peut-être ai-je mal vu ! - la traduction concrète de cette
intention. Vous créez 420 postes d'enseignant-chercheur, alors que 600 ont été
créés pans ar le budget pour 2002. Vous créez 80 postes de PRAG, ou professeurs
agrégés, alors que 100 ont été créés dans le budget pour 2002. Vous créez 700
postes d'IATOS, alors que 1 000 étaient inscrits dans le budget pour 2002. En
bref, ces créations ne sont pas à la hauteur de ce que l'on pourrait
attendre.
Je sais bien - on nous le dit abondamment - que c'est un « budget de
transition ». Je constate cependant que, dans l'ensemble des budgets, tous ne
sont pas « de transition ». Seuls certains n'ont droit qu'à ce faible statut
!
Toujours est-il que, dans cette phase de transition, vous n'avez pas eu la
possibilité de réfléchir à la programmation, qui est absolument nécessaire pour
les emplois de l'enseignement supérieur : vous savez, en effet, que de nombreux
départs à la retraite sont prévus, et seule une programmation peut nous donner
la vision d'ensemble qui nous permettra de répondre au problème, que vous avez
vous-même soulevé à très juste titre, des échecs dans le premier cycle.
Ma troisième question porte sur les bâtiments. Vos chiffres sont en baisse,
monsieur le ministre, pour les opérations immobilières dont la maîtrise
d'ouvrage est assurée par l'Etat !
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial.
Oui, par rapport aux chiffres de Jack Lang !
M. Jean-Pierre Sueur.
Non, par rapport aux chiffres du présent budget ! Comparons les chiffres de la
loi de finances pour 2002 à ceux qui nous sont présentés pour 2003 : on observe
une baisse de 7 %. Alors qu'il y a un large accord pour considérer - et,
monsieur le rapporteur spécial, vous le remarquiez vous-même avec éloquence -
qu'il faut plus de crédits pour la maintenance des bâtiments universitaires,
regardez les chiffres : 231,4 millions d'euros y étaient consacrés en 2002, et
seulement 227,7 millions d'euros sont prévues pour 2003. Les crédits sont donc
en baisse !
La quatrième question est la question européenne. Elle est importante, et je
sais tout le prix et tout l'intérêt que vous lui accordez, monsieur le
ministre. Qu'allez-vous faire, concrètement, pour développer cette conception
européenne de l'enseignement supérieur à laquelle vous êtes attaché, comme vos
prédécesseurs ? Qu'allez-vous faire pour qu'un plus grand nombre d'étudiants
puisse faire une année d'études dans un pays européen, ou encore pour favoriser
l'accueil des étudiants d'Europe et du monde entier en France ? Monsieur le
ministre, je suis parfois tout à fait navré de voir les grandes difficultés
qu'éprouvent des étudiants du monde entier qui, voulant venir faire des études
en France, se trouvent confrontés à des obstacles administratifs incroyables. A
croire que le message qui leur est lancé est que nous ne sommes pas fiers de
les accueillir dans notre pays !
Je terminerai par une question sur la décentralisation, à laquelle nous sommes
très attachés. Nous pensons cependant qu'elle ne doit pas se traduire par des
transferts de charges, ni par la tutelle d'une collectivité sur une autre.
Quelles sont vos intentions à cet égard ? Comment concevez-vous en l'occurence
une décentralisation qui soit effectivement compatible avec une conception de
l'aménagement du territoire, en matière d'enseignement supérieur et de
recherche, qui permette à chaque région de ce pays d'accueillir une université
offrant des enseignements du premier, du second et du troisième cycle de grande
qualité ?
Telles sont les questions que je me permets de poser avant que mon collègue
Serge Lagauche ne vous interroge à son tour.
Pour conclure, monsieur le ministre, je dirai en un mot que nous sommes
vraiment déçus que vous n'ayez pu nous proposer un budget tourné vers l'avenir.
C'est un budget de transition, et nous espérons très vivement que les choses
seront différentes l'année prochaine.
(Applaudissements sur les travées du
groupe socialiste.)
M. le président.
La parole est à M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues,
l'enseignement supérieur n'échappe pas aux différentes crises qui secouent
notre époque et notre système de société : crise des moyens, crises des
contenus.
Là encore, faut-il soumettre les savoirs à un « usinage » - pour reprendre une
expression des attardés mentaux du bizutage - formaté pour le marché du
travail, ou doit-on se fixer l'ambition d'apporter une formation et une culture
qui offriront au futur salarié une bonne autonomie et une grande souplesse
d'action sur ce marché et dans la société ?
Pour l'instant, la première hypothèse semble l'emporter, et le ministère des
finances va régir une échelle des valeurs très discutable : les sommes allouées
aux universités sont fonction de la valeur estimée de telle ou telle
discipline, si bien qu'un étudiant en sciences s'avère budgétairement plus
fructueux qu'un étudiant en sciences humaines - exception faite de l'anglais,
naturellement !
Les préjugés parasitent les esprits gestionnaires ! Comment, en effet, évaluer
la perte de savoir et de connaissances liée à la disparition de disciplines
étroites comme les langues mortes, anciennes ou rares ?
Sur le plan social, l'égalité républicaine d'accès à l'université a bien
oeuvré ces trente dernières années, et des jeunes issus des couches populaires
ont pu s'inscrire massivement dans l'enseignement supérieur et y poursuivre
leur cursus. Mais aujourd'hui, la barrière officieuse de la démocratisation de
l'accès au savoir a pris le nom de « taux d'échec en premier cycle » : 47 % des
étudiants échouent au DEUG.
Monsieur le ministre, vous le savez bien,
Les Héritiers,
de Pierre
Bourdieu, est un ouvrage qui garde toute son actualité : un enfant d'ouvrier ou
d'employé, aujourd'hui encore, n'a pas les mêmes chances que les autres
d'entrer, de suivre et surtout de réussir dans l'enseignement supérieur. Si les
jeunes d'origine modeste ont, en théorie, le même droit de poursuivre leurs
études que ceux des classes moyenne et privilégiée, ils n'ont pas, dans les
faits, les mêmes chances de réussite, et ce pour des raisons le plus souvent
économiques.
Tout le monde s'accorde à dire que les étudiants salariés, qui sont
aujourd'hui au nombre de 700 000, ont moins de chances que les autres de
réussir leurs études. Avec une paupérisation accrue des étudiants, qui
s'endettent souvent auprès des banques pour se maintenir, les questions des
bourses et du logement restent les plus sensibles : 150 000 places sont
disponibles en résidences universitaires, pour 500 000 boursiers ; un tiers de
la population étudiante bénéficie de bourses ; sept étudiants sur dix placent
le manque d'argent et de temps au premier rang des obstacles à leur liberté de
choix de vie et de formation ; 100 000 étudiants, parmi les seuls boursiers,
vivent en dessous du seuil de pauvreté.
Or, les crédits pour les bourses que vous nous soumettez n'augmentent que de 1
%, peut-être même moins si le gel que proposent nos collègues de la commission
des finances devait les atteindre.
Les autorisations de programmes sont frappées par la régulation budgétaire, et
le gel du plan pluriannuel s'applique en particulier au recrutement de
personnel. Pourtant, un encadrement adéquat permettrait d'enrayer l'échec dans
le premier cycle. Cette question du recrutement concerne d'ailleurs l'ensemble
de notre enseignement supérieur, puisque, d'ici à 2010, la moitié des
professeurs et le quart des maîtres de conférence, soit 16 000
enseignants-chercheurs, partiront à la retraite.
Le Gouvernement a choisi de ne pas embaucher, de ne pas réévaluer les
salaires, en particulier pour les maîtres de conférence et les professeurs, de
ne pas consolider ni harmoniser le réseau national de la connaissance et de la
recherche. Ce faisant, il porte atteinte non seulement au service public, mais
au potentiel intellectuel de la France.
Monsieur le ministre, la plupart des universités sont implantées dans les
régions - depuis la loi Edgar Faure de 1968. Aujourd'hui, les régions, dans
leur ensemble, soutiennent leurs universités. Il est question, puisque l'on
parle de décentralisation, qu'elles s'impliquent davantage encore.
Personnellement, je n'y vois pas d'inconvénient de fond, bien au contraire ;
mais je crains que les projets que nourrit actuellement le Gouvernement de
recomposer les formations supérieures ne s'inscrivent dans une démarche de
déréglementation législative dont les risques sont évidents. Le droit à
l'expérimentation régionale en matière de gestion des universités pourrait «
balkaniser » la carte nationale universitaire pour aboutir à une France à la
carte, hiérarchisée - à pauvres universités, pauvres diplômes pour régions
pauvres -, dans laquelle les diplômes, qui n'auraient de nationaux que le nom,
seraient adaptés au bassin régional de l'emploi et n'ouvriraient l'accès ni au
marché national ni au marché international.
Mme Hélène Luc.
Eh oui !
M. Ivan Renar.
Ces formations dispensées dans les régions, très spécialisées, pourraient bien
déboucher sur des qualifications qui, au gré de l'évolution de certains
secteurs, et en l'absence de plan de formation continue de pointe, risqueraient
de devenir rapidement obsolètes.
Bref, cela reviendrait à enfermer les étudiants dans des formations non
échangeables et dans des mécanismes de sélection aggravée.
Le processus de décentralisation doit connaître un nouveau souffle, certes ;
mais il doit s'appuyer sur un bilan des moyens existants et sur un débat
portant sur ses conséquences pour le service public d'éducation, ses missions,
ses personnels.
Monsieur le ministre, notre pays doit garder l'ambition de permettre au plus
grand nombre possible de jeunes d'accéder à un enseignement supérieur de haut
niveau et, bien entendu, de réussir. L'appropriation des savoirs scientifiques,
techniques, culturels et professionnels par la jeunesse garantit son insertion
dynamique dans la vie sociale, économique et culturelle. Or, toutes les
comparaisons internationales attestent de la sous-dotation budgétaire de
l'enseignement supérieur français.
Combler ce retard doit être une priorité. Cela conduit à plusieurs exigences :
mener une politique ambitieuse de recrutement d'enseignants-chercheurs ; ouvrir
plus largement l'université aux milieux populaires ; engager un véritable
renouveau pédagogique englobant missions, contenus enseignés, méthodes de
transmission des savoirs ; enfin, prendre des mesures sociales fortes allant
dans le sens d'un véritable statut d'autonomie du jeune en formation. Or,
monsieur le ministre, je ne retrouve de telles ambitions ni dans les chiffres
de ce budget ni dans l'action gouvernementale.
Cessons de considérer l'enseignement supérieur comme un simple coût à
diminuer, au mieux à partager avec les collectivités, et considérons-le enfin
comme un véritable investissement appelant une mobilisation de tous.
Vous comprendrez donc que les sénateurs du groupe communiste républicain et
citoyen votent contre ce budget, et vous le comprendrez d'autant mieux quand
vous aurez entendu les propositions de la commission des finances, qui tendent
à l'aggravation de la situation, et l'annonce des gels budgétaires au mois de
février prochain. Nous en reparlerons quand viendra en discussion l'amendement
déposé sur les crédits figurant au budget de l'enseignement supérieur.
Je relève néanmoins, monsieur le ministre, que, aux trois éléments successifs
de la pédagogie dont vous avez brillamment évoqué l'histoire ce matin, il faut
désormais ajouter pour le xxie siècle un quatrième élément : les coups de
marteau sur la tête.
M. Robert Calmejane.
Avec la faucille !
M. le président.
La parole est à M. Jean-René Lecerf.
M. Jean-René Lecerf.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, chacun
s'accordera à reconnaître l'importance de l'enjeu que représentent la formation
des jeunes et, plus largement, la formation à tous les âges de la vie. A ce
titre, je souhaiterais tout d'abord, monsieur le ministre, m'associer aux
remerciements que vous a adressés tout à l'heure M. le rapporteur spécial de la
commission des finances.
Votre action s'inscrit en effet clairement en rupture avec celle du
gouvernement précédent. Vous portez l'accent sur l'amélioration de la qualité
de l'enseignement supérieur sans pour autant préconiser de grande réforme - ce
ne serait que l'énième grande réforme ou promesse de grande réforme - et vous
exprimez avec force votre détermination à mettre réellement en oeuvre les
moyens qui seront mis à votre disposition.
Ces moyens sont en augmentation. Celle-ci est certes mesurée - de l'ordre de
1,05 % - mais elle tient compte de l'effectivité de la consommation des crédits
au cours des exercices précédents ainsi que de la diminution, aujourd'hui
constante, des effectifs étudiants. Il s'agit donc d'un budget fondé sur la
sincérité et sur le pragmatisme, établi en tenant compte des possibilités
réelles de mener à leur terme les opérations envisagées.
Une fois encore, si les crédits inscrits les années précédentes avaient été
réellement consommés, la situation de l'enseignement supérieur serait moins
préoccupante et les problèmes auxquels nous sommes à présent confrontés
n'auraient pas l'ampleur que nous leur connaissons.
Depuis vingt ans, l'enseignement supérieur français accumule des retards qui
se montrent de plus en plus invalidants. Cette évolution est d'autant plus
inquiétante que notre système universitaire se trouve aujourd'hui à un tournant
: confronté à l'obligation d'assumer sa vocation initiale, la transmission des
savoirs, il est en même temps dans la nécessité de faire face à des contraintes
souvent lourdes, comme l'entretien et la réhabilitation de son patrimoine
immobilier, tout en devant s'adapter à des demandes nouvelles, notamment du
fait de la refonte de l'organisation des études.
Vous héritez ainsi, monsieur le ministre, d'une situation qui fait de vous
l'architecte d'un édifice gigantesque en même temps que son artisan, tout à la
fois occupé à la construction des fondations, pour les années à venir, et
contraint de tenir les murs les plus anciens, dont certains se fissurent, voire
menacent de s'effondrer : c'est une situation inconfortable !
Le premier point qui me semble préoccupant concerne le retard que l'on peut
déjà constater dans la réalisation du programme U3M, ou Université du troisième
millénaire, et des contrats de plan Etat-région 2000-2006. Un retard succède
ainsi à un autre, le programme Université 2000 ayant déjà souffert des mêmes
travers.
Il semblerait ainsi que les contrats de plan Etat-région soient devenus les
seuls contrats susceptibles de ne pas être respectés par l'un des signataires,
toujours par le même : l'Etat.
L'attitude de l'Etat en ce domaine contraste fortement avec le dynamisme des
collectivités territoriales : départements, régions, et même communes et
intercommunalités contribuent de manière croissante au financement de
l'enseignement supérieur. Leur participation s'élevait en effet, en 2001, à 754
millions d'euros pour les régions, à 155 millions d'euros pour les départements
et à 139 millions d'euros pour les communes et intercommunalités, soit au total
à plus de 1 milliard d'euros, alors même que l'université n'entre pas, ou du
moins pas encore, dans les compétences qui leur sont dévolues par les lois de
décentralisation.
Ce constat du désengagement de l'Etat est inquiétant au moins pour deux
raisons.
D'une part, le parc immobilier des universités, qui date pour l'essentiel des
années soixante-dix, est en cours de dégradation. Les réhabilitations, voire
les reconstructions de bâtiments, seront de plus en plus lourdes dans les
années à venir. De plus, bon nombre d'universités sont confrontées au problème
du nécessaire désamiantage de leurs structures, opération indispensable pour la
santé publique mais qui s'avère particulièrement onéreuse.
D'autre part, il est probable que les collectivités territoriales seront
amenées à jouer un rôle de plus en plus important, dans les limites tracées par
la réforme de la décentralisation. Dès aujourd'hui, certaines régions expriment
leur intention de faire usage du droit à l'expérimentation qui résultera de la
révision constitutionnelle en cours d'adoption pour étendre leur domaine de
compétences à l'enseignement supérieur, dans le respect - cela va sans dire -
de l'autonomie des universités.
Si de telles perspectives paraissent intéressantes sur le principe, il ne
faudrait pas que les collectivités territoriales concernées héritent d'un
patrimoine immobilier par trop dégradé et qui serait presque entièrement à
reconstruire. L'expérience du transfert des collèges aux départements et des
lycées aux régions, conformément aux lois de décentralisation de 1982 et de
1983, nous aura appris à faire preuve, sur ce point, d'une particulière
vigilance.
La situation dégradée du patrimoine immobilier de l'enseignement supérieur
doit donc nous conduire à la plus grande prudence ; tout transfert de
compétences de l'Etat devrait bien évidemment s'accompagner du transfert des
moyens correspondants, établis sur le fondement d'un diagnostic extrêmement
précis de l'état des bâtiments concernés.
Le second problème sur lequel je souhaiterais attirer l'attention du
Gouvernement est celui de la pérennité de la qualité de l'enseignement dispensé
dans les universités.
Un préalable s'impose à toute volonté réformatrice, aussi pragmatique
soit-elle dans ses intentions : il est aujourd'hui indispensable d'améliorer le
système d'évaluation des universités.
Les instruments d'évaluation existent, du moins en théorie, qui pourraient
permettre aux établissements de disposer d'indicateurs fiables et précis, et de
comparer leurs résultats respectifs. La systématisation de l'évaluation
pourrait constituer le socle d'une répartition plus équitable des moyens entre
les différentes universités. Elle permettrait également de définir une
meilleure correspondance entre les moyens et les objectifs recherchés, et
l'élaboration des modalités de contractualisation entre les universités et
l'Etat pourrait ainsi prendre en compte le plus fidèlement possible les besoins
et les perspectives de développement de chaque établissement concerné.
L'évaluation pourrait devenir un outil d'aide à la décision. Elle permettrait
également de mieux préparer l'avenir à partir des données statistiques qu'elle
comporterait.
Actuellement, aussi surprenant que cela paraisse, nous ne disposons pas de
véritable méthode d'estimation de l'évolution des effectifs d'étudiants pour
les prochaines années. Il serait pourtant indispensable d'être en mesure de
prévoir, au moins pour les dix années à venir, les évolutions de la population
étudiante, à la fois géographiquement et par filière. L'enjeu est en effet
essentiel, eu égard aux investissements à réaliser dans la construction ou la
réhabilitation des locaux, aux recrutements d'enseignants qu'il faudra
planifier pour la prochaine décennie, en tenant compte notamment des départs
massifs à la retraite, et à la nécessité, qui apparaît aujourd'hui urgente, de
mieux adapter les filières universitaires à la demande des étudiants ainsi
qu'aux réalités du marché de l'emploi.
Soulever le problème de la qualité de l'enseignement supérieur conduit aussi à
poser la question de la répartition géographique des universités. Depuis vingt
ans, on a pu assister à l'éclosion d'antennes universitaires sur l'ensemble du
territoire, à tel point que, bientôt, il n'y aura plus de chef-lieu
d'arrondissement qui n'ait son site universitaire.
Cette situation, qui a été engendrée pour l'essentiel par une interprétation
extensive de l'esprit de la décentralisation, se traduit aujourd'hui par un
éparpillement des moyens et, par voie de conséquence, par une diminution de la
qualité de l'enseignement dispensé dans certains établissements.
Peut-on encore parler de valeur nationale des diplômes lorsque, dans certains
départements universitaires, leurs titulaires n'ont aucune chance d'accéder au
marché de l'emploi correspondant ou de réussir quelque concours d'entrée à tel
institut ou à telle école de réputation nationale ou même régionale ?
Le localisme du recrutement érigé en dogme conforte parfois encore ces
dérives, aussi pénalisantes pour les deniers publics que pour l'intérêt bien
compris des étudiants. Lorsque la crédibilité du diplôme s'estompe, c'est toute
la démocratisation de l'enseignement supérieur, et de notre société tout
entière, qui ne peut qu'en souffrir.
Il est de notre responsabilité de faire preuve d'une attention particulière
sur ce point, notamment dans la perspective prochaine d'une relance souhaitable
du processus de décentralisation, qui ne devrait en aucun cas aggraver
l'éparpillement des universités.
L'échec des étudiants au premier cycle universitaire constitue un autre aspect
essentiel des enjeux que pose le problème, que l'on soulève depuis longremps,
de l'orientation des lycéens, et plus particulièrement - c'est une question
délicate - du niveau du baccalauréat d'enseignement général. Mais il s'agit là
d'un autre débat.
Le troisième point qui me semble essentiel concerne l'environnement social de
l'étudiant, qu'il s'agisse de son logement ou du système d'aide financière.
Depuis 1997, la situation du logement étudiant a subi une dégradation qui se
traduit aujourd'hui par une augmentation du loyer résiduel en résidence
universitaire, par une augmentation du prix du repas, par la diminution du
nombre de lits créés et rénovés, enfin, par la pénurie de logements. Les
besoins dans ce domaine sont criants. Le système des bourses devrait être
reconsidéré.
Le dernier point que je souhaiterais aborder, et qui me tient particulièrement
à coeur, concerne l'enseignement supérieur privé. Nous avons, dans le Nord, une
université catholique dont l'implantation est ancienne et le succès constant.
Cette université assure une mission de service public, dans le cadre de ses
facultés et de ses grandes écoles, la plupart du temps en complétement des
formations assurées par l'enseignement public.
Dans certains cas, l'université catholique dispense des enseignements que le
secteur public n'assure pas : il s'agit plus particulièrement de formations
d'ingénieurs, dont la qualité est largement reconnue et qui forment chaque
année des centaines de jeunes, dont beaucoup ne sont pas originaires de la
région et qui repartent, diplôme en poche, pour exercer leur savoir-faire un
peu partout sur le territoire national ou à l'étranger.
Dans ce cas de figure, il ne serait anormal que l'enseignement privé bénéficie
d'un niveau d'aide de l'Etat plus élevé que la dotation habituellement accordée
aux institutions privées de l'enseignement supérieur, dans la mesure où la
formation dispensée n'est assurée par aucun établissement public de
l'académie.
Je prends acte, sur ce point, de l'effort qui est réalisé par l'Etat pour 2003
en vue de réévaluer les subventions attribuées aux établissements supérieurs
privés. Cette augmentation vient en partie compenser la stagnation des crédits
qui a caractérisé la période 1997-2002, et, en ce sens, il faut s'en
féliciter.
Certes, il reste beaucoup à faire, mais le budget que vous nous présentez,
monsieur le ministre, va dans la bonne direction. L'exercice est d'autant plus
méritoire qu'il s'inscrit dans un contexte de transition. Nous y voyons des
signes fort encourageants pour l'avenir. Le groupe du RPR vous apportera un
total soutien.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Serge Lagauche.
M. Serge Lagauche.
Le budget de l'enseignement supérieur pour 2003, que vous nous avez présenté,
monsieur le ministre, est un budget de rupture.
Il y a rupture, d'abord, avec la hausse continue que ce budget a connue sous
le gouvernement Jospin, car la hausse annoncée de 1,05 % ne trompe personne :
compte tenu de l'inflation, ce budget présente en réalité une baisse de 0,4 %,
sans compter ce qui nous est proposé par amendement.
Il y a également rupture avec la politique volontariste du précédent
gouvernement, en particulier concernant la gestion prévisionnelle et
pluriannuelle des emplois.
Dans les années à venir, l'enseignement supérieur, comme d'autres secteurs,
devra faire face à des départs massifs à la retraite : on estime qu'ils
concerneront 16 000 enseignants-chercheurs. Et que faites-vous ? Vous ne créez
que 500 postes d'enseignants au lieu des 1 000 prévus, que 660 emplois non
enseignants au lieu des 1 000 prévus là encore.
C'est la même logique que celle qui est mise à l'oeuvre dans l'enseignement
scolaire : réduire l'échec, tout en réduisant l'encadrement. Je ne vois pas
comment vous y parviendrez sans une véritable politique de recrutement.
Ce budget de rupture inquiète d'autant plus le monde universitaire qu'il
s'inscrit dans le projet plutôt flou, il faut bien l'avouer, de la réforme de
la décentralisation.
Pour nous, l'Etat doit rester le garant de la qualité de l'enseignement et de
la recherche, de l'égalité des chances, de la cohérence de l'aménagement du
territoire et de l'équité entre les territoires. D'ailleurs, la conférence des
présidents d'université ne s'y est pas trompée en refusant d'emblée la création
d'universités régionales et en demandant que les établissements d'enseignement
supérieur restent sous tutelle de l'Etat.
Nous refuserons aussi que, dans un contexte budgétaire en baisse, l'Etat se
décharge de ses responsabilités, par exemple en transférant des secteurs très
déficitaires comme le logement étudiant, sans accompagner ces transferts des
moyens nécessaires et sans garantir leur évolution en fonction des dépenses
engagées par les collectivités. L'Etat devra garantir les mêmes conditions
d'accueil dans les différentes régions, en prenant en compte les différences de
coût de la vie, notamment en matière de logement étudiant, dont le coût est
bien supérieur en Ile-de-France que dans les autres régions.
Je regrette d'ailleurs que les crédits affectés à l'aide sociale baissent de
0,6 %. Aucune mesure nouvelle n'est prévue en dehors de l'attribution de
bourses de DEA, sur critères sociaux.
Je rappelle que le plan social étudiant du précédent gouvernement, qui est
désormais achevé, a permis que le nombre d'étudiants boursiers augmente de
22,72 % en cinq ans, que le nombre de bourses sur critères sociaux progresse de
12,5 % et le nombre de bourses sur critère universitaire de 17,5 %.
Il est dommage de ne pas aller plus loin, y compris en matière d'information
et d'accessibilité, par exemple en développant de véritables bureaux d'aide
sociale pour étudiants, qui regrouperaient les divers partenaires concernés :
les assistantes sociales, les assistants pour personnes handicapées, etc.
Ce recul des aides directes est d'autant plus préoccupant qu'il doit être mis
en parallèle avec la suppression de 5 600 maîtres d'internat et surveillants
d'externat.
Même si ce système n'était pas parfait, les étudiants en étaient les premiers
bénéficiaires, et il constituait une aide importante à la poursuite d'études
supérieures.
Comme vous avez annoncé, dans une grande confusion, la suppression des MI-SE
sans être en mesure de donner des informations crédibles sur le dispositif
devant les remplacer, l'inquiétude est grande chez les étudiants. Ce n'est pas
la table ronde d'hier qui va les rassurer puisque toutes les organisations,
hormis l'UNI, l'Union nationale interuniversitaire, ont claqué la porte en
réaction à vos propositions. La priorité sera-t-elle bien donnée aux étudiants
? Un nombre équivalent d'étudiants bénéficieront-ils du nouveau dispositif ?
Avec quel financement, quel statut et quelle mission ?
S'agissant de la vie étudiante, le précédent gouvernement avait fait un effort
de création de postes de personnels médico-sociaux. Pour 2003, il n'est prévu
que douze postes d'infirmières contre vingt-six en 2002 et trente en 2001. Là
encore, on ne peut qu'observer un net recul.
Alors que le docteur Bernard Lelu, médecin directeur des universités de
l'académie de Créteil, a remis en avril son rapport sur l'état des lieux des
services de médecine préventive et de promotion de la santé, les SMPPS, rien ne
figure dans votre budget en ce domaine. Il s'agit là pourtant d'un domaine
prioritaire, où l'action est urgente.
J'attends donc le collectif budgétaire qui a été annoncé ; mais il faudrait
que ce soit un collectif qui ne gèle pas les crédits, qui intègre une meilleure
prise en charge médicale et sociale des étudiants et ne manque pas de mettre
l'accent sur la médecine préventive universitaire, qui a vu les besoins des
étudiants considérablement évoluer et se diversifier ces dernières années,
notamment en matière de lutte contre le suicide et les conduites addictives, ou
sur une meilleure prise en charge médicale et sociale des étudiants.
Par ailleurs, je regrette l'abandon de toute idée d'allocation ou de contrat
d'autonomie en faveur de la jeunesse étudiante.
Pour finir, je voudrais aborder un sujet qui préoccupe nombre de
parlementaires : il s'agit de la désaffection des étudiants pour certaines
disciplines scientifiques, essentiellement la physique-chimie et les
mathématiques, et ce dans un contexte où la science est de plus en plus
indispensable dans la bataille de l'intelligence et dans la compétitivité
économique. En novembre 2001, M. Lang avait chargé M. Porchet, professeur de
biologie à l'université de Lille-I, d'une mission sur ce sujet.
Ce rapport est particulièrement instructif, car M. Porchet passe en revue la
diversité et la complexité des éléments de détermination de l'orientation - y
compris les éléments de nature sociologique - vers les filières scientifiques
et, à l'intérieur de celles-ci, de ceux qui dirigent vers les filières courtes
et professionnalisantes au détriment des premiers cycles universitaires. Il en
appelle à notre responsabilité d'élu en considérant que la science doit
reprendre sa place dans le débat politique. Il nous invite à une « réflexion
sur la place des sciences dans le système éducatif actuel » et à « bâtir pour
notre pays un projet global et cohérent de l'enseignement des sciences, du
primaire au supérieur ».
Concernant la place des filles dans les filières scientifiques, c'est à la
sphère politique de promouvoir l'objectif de mixité des métiers. Nous devons
nous demander comment travailler sur les mentalités, car c'est véritablement
une révolution culturelle qui doit s'accomplir.
J'en veux pour preuve les études menées par Mme Mosconi, professeur en
sciences sociales à Nanterre, qui montre que les choses se jouent dès le
primaire, ne serait-ce qu'à travers la sollicitation des élèves. Elle explique
ainsi que les professeurs ne sollicitent pas de la même manière les garçons et
les filles : « Avec ces dernières, on évalue, on vérifie les savoirs acquis.
Les garçons sont plus sollicités pour l'acquisition de nouvelles connaissances.
» Ainsi, en cours de mathématiques, deux tiers des interventions sont destinés
aux garçons, le tiers restant s'adressant aux filles. Il s'agit d'une dimension
à prendre en compte dans la formation des enseignants.
J'espère que nous pourrons réfléchir sur ces problèmes lors du débat sur les
missions de l'école que vous avez annoncé, mais également avec l'ensemble des
acteurs concernés.
Même si notre collègue Jean-Léonce Dupont estime qu'un bon budget n'est pas
nécessairement un budget en hausse,...
M. Jacques Valade,
président de la commission des affaires culturelles.
Il a raison !
M. Serge Lagauche.
... il reconnaît malgré tout que le budget pour l'enseignement supérieur ne
porte pas la marque d'orientations nouvelles.
Outre la baisse des crédits, aucune perspective vis-à-vis de cette jeunesse
étudiante, dont vous avez la charge à double titre, n'est perceptible.
Dans ces conditions, vous comprendrez aisément, monsieur le ministre, que le
groupe socialiste s'oppose à votre budget pour l'enseignement supérieur,
d'autant que ce budget de rupture assombrit l'avenir, tout particulièrement en
matière de gestion des ressources humaines.
(Applaudissements sur les
travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles.
M. Jacques Valade,
président de la commission des affaires culturelles.
Monsieur le
président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaiterais revenir
sur quelques points qui ont été évoqués par les orateurs précédents.
Mon cher collègue Sueur, nous avons toujours la même conception de ce que doit
être l'éducation, la formation et la recherche. C'est pour nous, vous le savez
bien, une ardente obligation. Mais cette obligation ne se traduit pas forcément
par des budgets en perpétuelle augmentation ; je rejoins sur cette analyse
Jean-Léonce Dupont.
A Serge Lagauche, je répondrai que ce budget est bien un budget de rupture
mais de rupture, avec les comportements précédents : il tend vers le réalisme
et la sincérité. C'est pour cela d'ailleurs, monsieur le ministre, que la
commission des affaires culturelles du Sénat vous apporte à la fois tout son
concours et tout son soutien.
En écho aux propos tenus par le rapporteur de la commission des affaires
culturelles et après Pierre Laffitte, qui a évoqué ce matin la mission sur la
diffusion de la culture scientifique, je voudrais parler du patrimoine
immobilier universitaire.
Nous avons décidé qu'à partir du mois de janvier prochain, nous tenterions de
dresser le bilan du patrimoine universitaire français actuel. Nous aurons le
plaisir de vous le présenter, monsieur le ministre, quoique avec quelques
inquiétudes.
En fait, comment se présente la situation ?
Le patrimoine universitaire est considérable ; c'est sans doute le patrimoine
public le plus important de France.
Le doublement des superficies en quinze ans a été effectif, mais ce dans des
conditions parfois « acrobatiques », pour ne pas dire contestables.
Ce patrimoine est sous-utilisé. Il ne sert que le jour ; il ne sert ni la nuit
ni pendant les vacances scolaires, qui sont assez importantes. Si nous voulions
qu'il soit mieux utilisé, il faudrait que l'université accepte de s'ouvrir à
l'environnement des villes et des communautés alentour.
En fait, ce qui est essentiel pour nous, c'est l'état de dégradation dans
lequel se trouve ce patrimoine qui provient d'origines diverses.
A Paris, par exemple, des immeubles superbes accueillent l'université. Je ne
conteste pas du tout cette utilisation, mais cela entraîne des charges
particulières. Or il est clair que les moyens investis par l'Etat ou par les
collectivités, qui sont sollicitées de plus en plus, ne sont pas suffisants.
Ce patrimoine étant dégradé, ce n'est pas maintenant qu'il faut relâcher
l'effort. Nous avons besoin des crédits que vous attribuez à ce poste dans
votre budget. Ils ne sont peut-être pas à la hauteur ni des besoins ni des
espérance, mais vous faites pour le mieux et nous apprécions votre effort.
Nous nous préoccupons également de l'aspect social de la vie des étudiants,
notamment de leurs conditions d'hébergement et de restauration. Nous devons, en
encourageant la construction de nouvelles résidences universitaires, veiller au
respect d'un bon équilibre entre l'offre d'hébergement publique et la
possibilité pour les étudiants de se loger dans le privé. A l'heure actuelle,
le rapport entre ces deux options n'est pas satisfaisant.
Comme l'ont souligné de nombreux orateurs, ces questions doivent être traitées
dans le cadre de la décentralisation. Comment faire pour que l'Etat et les
collectivités territoriales assument pleinement leurs responsabilités et,
serais-je tenté de dire, y trouvent leur compte ?
L'Etat est le garant d'une certaine homogénéité, que ce soit à l'égard des
diplômes délivrés ou à l'égard de l'égalité des chances entre les étudiants des
différentes régions.
Toutefois, si l'Etat doit avoir sa place et toute sa place, il n'en demeure
pas moins que les régions, les départements, les villes ou groupements de
communes doivent savoir quel rôle leur échoit.
Quel élu, maire, président de conseil général, président de conseil régional,
élu régional ou élu national peut résister à la pression des familles, des
enfants, des adolescents, du corps enseignant, notamment du corps enseignant
universitaire ? Quel élu peut résister aux chefs d'entreprise qui viennent le
voir en disant : « nous avons besoin que telle formation spécifique soit
dispensée parce que notre activité est liée à cette formation ? »
C'est dans ce sens que la commission des affaires culturelles a développé ses
réflexions.
Il se trouve, par un heureux hasard, que Jean-Léonce Dupont, rapporteur pour
l'enseignement supérieur, est également rapporteur de la mission d'information.
Je me suis moi-même beaucoup investi dans ce travail, ne serait-ce que pour
l'avoir initié. Pour terminer, je voudrais vous faire part, monsieur le
ministre, de notre préoccupation au sujet des universités parisiennes, et
j'englobe sous cette expression les universités de Paris et celles
d'Ile-de-France.
Je ne dis pas que nous avons découvert les problèmes, parce qu'ils existent
depuis longtemps, mais la situation actuelle mérite qu'on s'y penche d'une
façon très approfondie. Les décisions nécessaires, qu'il s'agisse de
confirmations ou de modifications, doivent être prises. Mais il faut surtout
que soit mis au point un plan d'amélioration des établissements - Jussieu est à
ce titre un exemple cruel - et qu'une redistribution des cartes ait lieu au
niveau des différentes disciplines - je pense notamment à Paris-VI et à
Paris-VII, que vous connaissez bien.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Luc Ferry,
ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je veux d'abord exprimer mes remerciements
les plus chaleureux aux rapporteurs, qui ont fait preuve d'une très grande
acuité dans l'analyse des problèmes auxquels nous nous heurtons aujourd'hui,
ainsi que dans l'analyse de ce budget, qui n'est pas un simple budget de
transition mais qui répond véritablement aux priorités que je me suis fixées ;
c'est ce que j'aimerais montrer dans mon intervention.
Il faut, mesdames, messieurs les sénateurs, très bien manier la réthorique
pour arriver à faire croire qu'un budget qui augmente, certes de façon modérée
mais tout de même de 1,05 %, est un budget en régression !
M. Jean-Pierre Sueur.
Il diminue en réalité !
M. Luc Ferry,
ministre.
A la rigueur, on pourrait dire que la progression est moins
grande que par le passé - cela, je veux bien le reconnaître et je l'assume très
volontiers -, mais une progression de 1,05 %...
M. Jean-Pierre Sueur.
C'est le chiffre de l'inflation !
M. Luc Ferry,
ministre.
... reste une progression, je voulais le relever.
Les crédits de fonctionnement progressent de 4,5 % et l'effort qui est réalisé
en faveur de la maintenance des bâtiments universitaires - même s'il est
insuffisant, je le reconnais, monsieur Valade, au regard des besoins - atteint
tout de même 10 %, ce qui représente une augmentation substantielle.
Monsieur Renar, si je suis un héritier, hélas ! c'est bien en matière de
bâtiments universitaires ! Vous ne pourrez pas faire croire à ceux qui nous
écoutent aujourd'hui que je suis à l'origine de la situation dans laquelle nous
nous trouvons, qui est en effet calamiteuse, il faut bien le reconnaître.
Héritier, je le suis également de la situation qui prévaut en Guyane et que
vous avez, monsieur Othily, parfaitement décrite, avec beaucoup
d'objectivité.
Je profite de l'occasion pour vous faire part du projet que nous avons - et
dont j'aimerais beaucoup parler plus en détail avec vous - de mettre en place,
au sein de l'université Antilles-Guyane, un pôle regroupant des thématiques
spécifiques. Nous allons également réfléchir à la constitution d'un GIP qui
matérialiserait, pour le développement de la recherche, l'association des
collectivités, de l'université Antilles-Guyane et des organismes de
recherche.
Il faut que nous avancions très vite sur ce dossier, que vous avez,
malheureusement, fort bien décrit.
J'ai également hérité du dossier du désamiantage de Jussieu, dossier
particulièrement délicat. Le phasage de l'opération est établi ; les crédits
seront débloqués au fur et à mesure.
Etant moi-même professeur à Jussieu, vous pensez bien que je ferai tout pour
que cette université soit désamiantée avant d'y retrouver la chaire dont je
suis titulaire !
(Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur.
Déjà fatigué d'être au Gouvernement ?
(Nouveaux sourires.)
M. Luc Ferry,
ministre.
Ce projet de budget est lié à des orientations prioritaires. En
cet instant, j'en retiendrai simplement trois.
S'agissant, tout d'abord, de la politique en faveur des étudiants, j'aimerais
rappeler en premier lieu - parce que, sur ce point, la réalité a été déformée
dans quelques-unes des interventions - la création de 7 400 bourses de DEA sur
critères sociaux,...
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial.
Très bien !
M. Luc Ferry,
ministre.
... que vous vous êtes contenté, monsieur Sueur, d'évoquer
simplement au passage. Or c'est tout de même extrêmement important.
Je rappelle également la création de 1 000 monitorats, ce qui n'est pas rien
dans la période actuelle, ...
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial.
Très bien aussi !
M. Luc Ferry,
ministre.
... destinés à favoriser l'orientation des meilleurs étudiants
vers les carrières d'enseignement et de recherche.
Je précise en outre que, dans le cadre de l'harmonisation des diplômes
européens, nous augmentons de 9 000 mois le nombre des bourses de mobilité, ce
qui constitue, là encore, un effort considérable. J'ajoute que les allocations
de recherche sont revalorisées de 5,5 % et qu'un plan en faveur des étudiants
handicapés a été élaboré.
Je vous le dis très franchement, monsieur Sueur, monsieur Lagauche, je n'irai
pas dans le sens de l'allocation d'autonomie généralisée, ce qu'on appelle le «
salaire étudiant ». Au demeurant, si l'idée était tellement géniale et
grandiose et puisque vous y teniez tant, pourquoi mes deux prédécesseurs,
Claude Allègre et Jack Lang, ne l'ont-ils pas mise en pratique entre 1997 et
2002, alors qu'ils appartiennent à la même famille politique que vous ?
M. Adrien Gouteyron.
Oui, c'est curieux !
M. Luc Ferry,
ministre.
En fait, la raison est très simple : mes prédécesseurs, bien
qu'appartenant à votre famille politique, avaient néanmoins beaucoup de bon
sens et ils ont compris que la mise en place de cette allocation généralisée
pour les étudiants aurait été une injustice grave vis-à-vis des autres jeunes
de la même classe d'âge.
M. Renar, évoquant Pierre Bourdieu, rappelait très justement tout à l'heure
que nous n'avions pas beaucoup progressé dans la démocratisation de
l'enseignement. Faut-il donc accentuer les inégalités en attribuant un «
salaire étudiant » à ceux qui sont, malgré tout, les plus favorisés dans une
classe d'âge ? J'observe d'ailleurs que la commission présidée par
Jean-Baptiste de Foucauld - autant que je sache, ce n'est pas un fasciste ! - a
conclu à l'unanimité, à l'exception de l'UNEF, qu'il ne fallait pas aller dans
le sens de cette mesure, qu'elle a considérée comme inique.
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial.
Très bien !
M. Luc Ferry,
ministre.
Ce qu'il faut faire, c'est mettre en place une aide importante
en faveur des étudiants.
Je rappelle à cet égard que, au cours des quatre dernières années, la
réhabilitation du logement étudiant s'est faite au rythme de 2000 à 2 200
logements par an chaque année. Or nous avons prévu d'en réhabiliter 7 000 par
an pour les années qui viennent ! Voilà une mesure concrète qui prouve
l'engagement du Gouvernement en direction des étudiants.
M. François Trucy.
Très bien !
M. Luc Ferry,
ministre.
On agite encore et toujours la question des MI-SE. Force m'est
donc de dire une fois de plus que le dispositif était calamiteux ; vous avez
été obligés d'en convenir à mots couverts mais tout le monde le savait.
M. Jean-Pierre Sueur.
Personne n'a dit cela !
M. Luc Ferry,
ministre.
Dès lors, il eût été parfaitement absurde de remettre des
personnels dans un tel dispositif. Il est beaucoup plus intelligent de mettre
en place un nouveau système, celui des assistants d'éducation, qui permettra
d'aider bien plus d'étudiants à la rentrée de 2003.
Au demeurant, c'est proférer une singulière contre vérité de dire que je
supprime le système des MI-SE puisque les 40 000 MI-SE qui sont en place
aujurd'hui sont évidemment maintenus.
S'agissant des mesures en faveur des étudiants, je veux également évoquer la
question de l'échec scolaire dans les premiers cycles universitaires.
Nous nous heurtons là à des dysfonctionnements qui sont en grande partie liés
à des problèmes d'orientation.
Un simple chiffre : près de 80 % des bacheliers technologiques vont échouer ou
être en position très difficile dans les premiers cycles universitaires.
Je redis très clairement que je ne souhaite pas introduire une sélection à
l'entrée de l'université : le baccalauréat doit rester le ticket d'entrée dans
le premier cycle universitaire. Néanmoins est-il raisonnable de refuser à 50 %
des bacheliers technologiques qui se trouvent aujourd'hui inscrits en premier
cycle universitaire l'affectation qu'ils avaient demandée au préalable en
filière STS, ou sections de techniciens supérieurs, et qui leur a été refusée ?
Il faut corriger ce terrible facteur d'échec scolaire dès la rentrée prochaine
!
C'est pourquoi j'ai demandé aux recteurs de prendre toutes les mesures
nécessaires pour que les bacheliers technologiques qui avaient demandé une
affectation en STS voient leur voeu satisfait en priorité. C'est d'ailleurs
relativement simple à faire : il suffit que les recteurs réunissent
préalablement les directeurs d'IUT et les proviseurs des établissements
préparant aux BTS. On sait parfaitement que, si la filière STS est encombrée au
mois de juin, des places sont vacantes au mois de septembre.
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial.
C'est vrai !
M. Luc Ferry,
ministre.
Une simple bonne gestion devrait donc permettre de régler ces
problèmes d'orientation en faveur des étudiants qui proviennent des voies
technologiques ou,
a fortiori,
des voies professionnelles.
Pour faire en sorte que les étudiants réussissent davantage leurs examens de
premier cycle, en dehors des mesures de validation des acquis de l'expérience
qui sont mises en place pour les assistants d'éducation, il convient aussi
d'organiser une formation en culture générale.
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial.
Eh oui !
M. Luc Ferry,
ministre.
J'ajouterai à ce qu'ont fort justement affirmé MM. les
rapporteurs à ce sujet qu'il ne s'agit nullement de donner un « supplément
d'âme ». Il s'agit d'inviter les enseignants de premier cycle à réfléchir sur
les besoins en formation générale de leurs étudiants en fonction de la
spécificité des voies dans lesquelles ils se trouvent. Il va de soi, par
exemple, que des étudiants en médecine ont besoin d'un enseignement en économie
et sociologie de la santé ou en bioéthique, mais que les étudiants en histoire
ou en philosophie n'ont pas exactement les mêmes besoins.
Il faut donc que les universitaires eux-mêmes nous informent des besoins de
leurs étudiants en matière de culture générale, afin d'égaliser leurs chances
avec celles des élèves qui, issus des classes préparatoires, réussissent en
moyenne davantage, il faut bien le dire, à l'agrégation, au CAPES ou à d'autres
concours, précisément grâce à leur meilleur niveau de culture générale. Pour
améliorer les chances des étudiants, il convient donc de ne pas les précipiter
trop tôt dans des voies très spécialisées.
J'en viens au deuxième grand axe de cette politique budgétaire : les mesures
en faveur de la recherche universitaire.
L'université est, dans notre système éducatif, le seul lieu où les professeurs
sont à la fois ceux qui transmettent le savoir et ceux qui le fabriquent : ce
sont donc bien - la formule consacrée - n'est pas vaine des «
enseignants-chercheurs ».
Il est par conséquent nécessaire de veiller à ce que la recherche
universitaire se développe dans des conditions favorables. A ce propos, je
tiens à rappeler que les soutiens de base aux laboratoires de recherche des
universités progresseront de 5,4 % en 2003.
La question du « 3-5-8 » a été évoquée à plusieurs reprises, là encore, c'est
un dossier que j'ai trouvé dans un état assez lamentable à mon arrivée au
ministère.
Claude Allègre avait eu l'heureuse idée de mettre en place ce système, ce pour
quoi je lui rends très volontiers hommage. Néanmoins, rien n'avait été fait
pour régler les problèmes qui demeuraient, d'une part, entre les grandes écoles
et les universités et, d'autre part, entre les grandes écoles elles-mêmes.
Le problème, je vous prie de le croire, n'était pas simple à résoudre !
D'abord, à la rentrée 2003, les grandes écoles étaient censées ne plus avoir
le droit de délivrer des mastères, ce qui était calamiteux pour elles ; c'est
pourquoi il y avait un conflit latent entre grandes écoles et universités. Par
ailleurs, les grandes écoles de commerce et les grandes écoles d'ingénieurs
étaient également en désaccord entre elles sur la procédure d'habilitation, car
les écoles d'ingénieurs disposaient d'une commission des titres mise en place
dans les années trente et donc pourvue d'une grande légitimité, tandis que les
écoles de commerce et de gestion ne disposaient que de la commission présidée
par M. Helfer, de création bien plus récente et à laquelle s'attachait une
moindre légitimité.
Il était, par conséquent, nécessaire de mettre un terme aux différends très
graves qui divisaient les divers acteurs.
Il fallait également mettre en place un système d'habilitation des diplômes
universitaires délivrés sur notre territoire qui en garantisse le caractère
national, conforme aux exigences du service public.
Nous avons trouvé un principe simple, qui a permis à tous les acteurs de
s'accorder : à diplôme national, évaluation nationale.
Cette évaluation sera réalisée selon une procédure unique, désormais confiée à
la MSU, que nous rebaptiserons MSTP, mission scientifique, technique et
pédagogique, en lui conférant la dimension interministérielle qui convient pour
habiliter les mastères délivrés par les grandes écoles dépendant d'autres
ministères que celui de l'éducation nationale.
Ainsi, pour la première fois, les diplômes délivrés par les universités auront
un caractère véritablement national, infiniment plus, soyons clairs, que ce
n'est le cas aujourd'hui avec les maîtrises ou les DEA, les diplômes d'études
approfondies.
En tant que professeur d'université, j'ai eu à habiliter des DEA ou des
maîtrises : disons-le franchement, c'est une procédure qui est absolument
formelle et qui ne garantit en rien l'égalité des diplômes sur tout le
territoire. Cela ressemble un peu à ce que fait un constructeur de voitures
quand il confie ses véhicules au service des Mines, dont les critères sont
strictement formels : il suffit que la voiture ait quatre roues, des freins et
que ses phares soient situés à quatre-vingts centimètres de la route pour
qu'elle soit jugée apte à circuler !
C'était à peu près la situation qui prévalait pour les maîtrises et les
DEA.
Désormais, nous aurons une habilitation commune, avec une procédure commune,
qui sera confiée à une mission d'évaluation, laquelle se cantonnera à cette
fonction, avant que les dossiers d'habilitation ne parviennent à la direction
de l'enseignement supérieur et ne terminent leur cheminement, comme il est
normal dans un Etat républicain, sur le bureau du ministre.
Le troisième axe de ce projet de budget, c'est la décentralisation.
La décentralisation comportera deux volets : d'une part, ce qu'on appelle,
dans le jargon de la science administrative, la « décentralisation
fonctionnelle », c'est-à-dire l'autonomie des universités, et, d'autre part, la
décentralisation territoriale, c'est-à-dire celle qu'un certain nombre
d'orateurs ont évoquée avec une inquiétude feinte ou réelle, je ne sais, mais
qui me paraît en tout cas tout à fait infondée.
Concernant l'autonomie des universités, il nous faut procéder à une réforme du
code de 1984, certes modérée en nombre d'articles mais extrêmement importante
sur le fond.
Un texte sera donc présenté au Parlement au printemps prochain.
Il s'agit de renforcer l'autonomie des universités dans des domaines qui
peuvent apparaître très techniques à ceux qui ne connaissent pas les procédures
universitaires, mais qui sont, en vérité, tout à fait majeurs.
Nous souhaitons d'abord - cela fait actuellement l'objet d'une discussion avec
les partenaires - assouplir les quorums dans les conseils d'administration et
donc mettre en place des procédures qui permettent véritablement aux
universités de prendre des décisions sans être en permanence bloquées.
Nous souhaitons également faciliter les délégations de signature des
présidents d'universités, notamment aux directeurs de laboratoires.
Il s'agira, par ailleurs, de mettre en place, dans tous les établissements de
recherche et d'enseignement supérieur, les SAIC, les services d'activités
industrielles et commerciales, qui permettent de donner une véritable
signification à la loi sur l'innovation et la valorisation de la recherche.
Mais il faudra aussi aider les universités à gérer ces services, ce qui n'est
pas, dans l'état actuel des choses, très facile pour elles.
Nous voulons en outre permettre aux universités de modifier les structures
internes sans faire appel nécessairement à l'autorisation du ministre.
Il s'agira aussi de modifier les comités techniques paritaires.
Il conviendra enfin de régler la question des mandats des présidents
d'université et aussi - pourquoi pas ? - d'accorder à la Conférence des
présidents d'université l'autonomie à laquelle elle aspire et, me semble-t-il,
elle a droit au regard de la situation qui est celle d'organismes analogues
dans les autres pays de l'Union européenne.
Derrière ces dispositions en apparence techniques, il s'agit, en vérité, de
permettre aux universités d'accroître véritablement leur autonomie, ce qui est
absolument indispensable, non seulement dans le cadre de la décentralisation
territoriale, mais aussi et surtout dans le cadre de l'harmonisation
européenne, afin que nos universités puissent véritablement défendre leurs
chances face aux universités étrangères et entrer avec elles dans des liens
féconds pour former des réseaux d'excellence. Je pense à des dispositifs comme
ERASMUS World, qui invite les universités européennes à entrer en réseau pour
concurrencer, notamment, la puissance des universités américaines.
En ce qui concerne la décentralisation territoriale, pour l'essentiel, deux
dossiers sont ouverts actuellement, sur lesquels il convient de laisser encore
la créativité s'exprimer.
Les régions vont formuler leurs propositions, et c'est au ministre qu'il
reviendra, en fin de parcours, de décider ce qui peut faire partie de
l'expérimentation ou de déterminer éventuellement, comme c'est le cas pour
l'autonomie, ce qui peut faire directement l'objet d'un transfert de
compétence.
Pour l'instant, les propositions des régions tournent donc autour de deux
projets fondamentaux, qui ne me paraissent justifier aucune inquiétude.
Il s'agit, d'abord, d'associer davantage les collectivités territoriales à
l'élaboration des schémas de formation professionnelle jusqu'à la licence. En
quoi cela peut-il être inquiétant ? Il s'agit au contraire d'excellentes
mesures. Il faudrait que nous créions des dispositifs tels que les recteurs,
les présidents d'université et les élus puissent travailler de concert à
l'élaboration de ces schémas de formation professionnelle, et cela doit se
faire dans le cadre d'une politique contractuelle. Il faut passer de la
planification à la contractualisation, c'est l'évidence et c'est l'intérêt des
étudiants.
Il s'agit, ensuite, de tout ce qui concerne la vie des étudiants. Un certain
nombre de régions sont intéressées, par exemple, par la gestion des CROUS et
par celle du logement étudiant. Pourquoi pas ? Cela peut être très intéressant
pour des régions, notamment celles qui sont en concurrence avec des universités
étrangères situées à proximité.
Sur ces sujets, encore une fois, je ne vois pas de motif d'inquiétude et je
rappelle, s'il en était besoin, qu'en ce qui concerne les personnels non
enseignants le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur
et de la recherche n'est pas particulièrement demandeur.
Si certaines régions sont intéressées et si cela se fait avec l'accord des
personnels en question, je ne m'y opposerai évidemment pas.
Mme Hélène Luc.
Donc, monsieur le ministre, cela ne se fera pas sans l'accord des personnels
?...
M. Luc Ferry,
ministre.
Je souhaiterais, en conclusion, évoquer le sujet des IUFM, dont
on a peu parlé, mais qui, à mes yeux, est extrêmement important. Il me paraît
souhaitable que, sur cette question de la formation des maîtres, le ministère
et les recteurs reprennent la main et que nous ayons le courage de redresser la
barre et d'afficher très clairement, même si la formation universitaire est
importante - en tant qu'universitaire, j'y suis évidemment très attaché -, la
nécessité pour les jeunes professeurs de recevoir une formation véritablement
professionnelle.
Les jeunes professeurs ne connaissent pas la réalité des établissements, ni le
public qu'ils vont y rencontrer. Il y a un décalage parfois abyssal entre leurs
études, dans une discipline qui les passionne, et la réalité du métier qu'ils
vont devoir exercer sur le terrain. La formation qui leur est dispensée doit,
pour mieux les y préparer, je le dis franchement, être beaucoup plus
professionnelle qu'elle ne l'est aujourd'hui.
Nous proposerons donc, dès le mois de janvier, sur cette question des IUFM un
certain nombre de mesures et de réformes importantes. Il s'agit non pas de
faire la révolution ni de supprimer les IUFM, mais de les engager très
vigoureusement dans la voie d'une formation bien plus professionnalisante
qu'elle ne l'est aujourd'hui.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et
C et concernant la jeunesse, l'éducation nationale et la recherche : II. -
Enseignement supérieur.
ÉTAT B
M. le président. « Titre III : 79 812 601 euros. »
L'amendement n° II-12, présenté par MM. Arthuis, Marini et Lachenaud, au nom
de la commission des finances, est ainsi libellé :
« Réduire ces crédits de 2 000 000 euros. »
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial.
Je tiens tout d'abord à exprimer mes très vifs
remerciements à M. le ministre, dont les réponses ont été très riches
d'informations et ont ouvert des voies fort intéressantes de réflexion et
d'action pour les années qui viennent.
M. le ministre a été très compréhensif à l'égard de l'ensemble des sénateurs
aux questions desquels il a apporté des réponses positives.
Avant de laisser la parole à M. le président de la commission des finances, je
voulais réparer un oubli. En effet, tout à l'heure, au terme de l'exposé de mon
rapport, j'ai omis d'indiquer que la commission des finances avait émis un avis
favorable sur l'ensemble des crédits de l'enseignement supérieur.
M. Ivan Renar.
Quelle tristesse !
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial.
Cependant, depuis lors, dans des circonstances
d'extrême urgence, des révisions extrêmement importantes pour l'évaluation des
recettes et les conditions d'équilibre du budget sont intervenues. MM. Arthuis
et Marini ont donc décidé de déposer un certain nombre d'amendements, sans
d'ailleurs pouvoir les soumettre aux commissions compétentes, en l'espèce, à la
commission des finances et à celle des affaires culturelles. Je suis le premier
en ligne - ne tirez pas sur le pianiste
(Sourires)
de tous côtés de
l'hémicycle ! - puisque j'ai cosigné un amendement dont le contenu et la portée
vont maintenant être exposés par M. le président de la commission des
finances.
M. Ivan Renar.
Quel malheur !
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes
chers collègues, nous vivons un débat en temps réel, et c'est tout à l'honneur
du Gouvernement que d'avoir joué la carte de la transparence. Lorsque le
conseil des ministres a approuvé le projet de loi de finances pour 2003,
c'était sur la base de prévisions qui, depuis lors, ont dû être révisées.
(Mme Danièle Pourtaud s'exclame.)
C'est ainsi qu'en vertu d'une exigence de sincérité le Gouvernement, hier, au
moment du vote de l'article d'équilibre, a proposé au Sénat un amendement
faisant apparaître une réduction des recettes fiscales de 700 millions
d'euros. La commission des finances a alors considéré que, pour atteindre
l'équilibre, il fallait adopter une démarche appliquée et courageuse de
réduction de dépenses.
Mme Danièle Pourtaud.
C'est extraordinaire ! Mieux vaut tard que jamais !
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances.
Madame Pourtaud, lorsque la
situation se modifie, la responsabilité politique oblige à en tirer les
conséquences.
M. Claude Estier.
Pas n'importe comment !
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances.
Nous ne sommes pas là pour
appliquer une politique virtuelle. Chaque rapporteur spécial a recherché, dans
le budget dont il a la charge, les économies qui pourraient être réalisées.
J'ai, comme chacun d'entre nous, été très attentif aux propos de M. le
ministre ; je l'ai écouté avec beaucoup de satisfaction exprimer les
convictions qui l'animent, et je n'ai pas de doute sur la pertinence de la
politique qu'il entend mettre en oeuvre.
Cela étant, la politique budgétaire, c'est le réalisme. Au cours de l'examen
attentif auquel nous avons procédé avec Jean-Philippe Lachenaud, qui est le
premier à présenter au Sénat un amendement tendant à réduire les crédits, nous
avons trouvé dans votre budget, monsieur le ministre, au moins un sujet
d'interrogation : les réserves des universités.
Ces réserves ont progressé de 30 % entre 1995 et 2000. Leur montant est
supérieur à un milliard d'euros, ce qui équivaut à près d'un an de subventions
de fonctionnement ou à 235 jours de dépenses de fonctionnement, alors que la
norme retenue pour le niveau du fonds de roulement des universités est de 90
jours de dépenses de fonctionnement.
L'enquête réalisée en 2001 par le ministère sur un échantillon
d'établissements a démontré qu'une fraction significative de ces réserves, de
l'ordre du quart, était réellement mobilisable. Mais le projet de budget de
l'enseignement supérieur pour 2003 ne prévoit pas d'objectif d'amélioration de
la gestion de ces réserves.
Cet amendement vise donc à réparer cette omission. Il consiste à encourager le
ministère à inciter chacun de ces établissements à mieux gérer ses réserves.
Nous proposons donc, à cet effet, de réduire de 2 millions d'euros, soit 0,16 %
des crédits en cause les subventions de fonctionnement aux établissements du
chapitre 36-11, à charge bien sûr pour le ministère de répartir cette réduction
en tenant compte des réserves dont dispose chaque établissement.
C'est la responsabilité du Parlement que de voter les crédits mis à la
disposition de chaque ministère. Croyez bien, monsieur le ministre, que nous
allons conduire auprès de chacun de vos collègues la démarche que nous
entreprenons auprès de vous.
M. Jean-Pierre Sueur.
Et la recherche !
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances.
Notre préoccupation est de
donner du sens à la politique budgétaire. Il y a 700 millions de ressources en
moins, nous devons en tirer les conséquences.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Luc Ferry,
ministre.
Monsieur le président de la commission des finances, je crois
pouvoir vous dire en toute honnêteté que la politique dans laquelle nous allons
nous engager sur le plan budgétaire - cela a été suffisamment souligné ici -
est une politique de redéploiement et de rigueur.
Cela étant, comme vous le savez sans doute, j'ai demandé moi-même la mise en
place d'une mission d'expertise qui associera l'Inspection générale des
finances et l'Inspection générale de l'éducation nationale.
Cette mission d'expertise a une triple finalité.
Elle vise tout d'abord à faire le point sur ces fameuses réserves des
universités sur lesquelles, disiez-vous, pèse une interrogation. Laissons
peut-être venir la réponse avant de prendre des décisions drastiques !
Cette mission a par ailleurs pour objet d'évaluer l'état du patrimoine
universitaire. Après la mission conduite par M. le président Valade, je n'ai
pas besoin de souligner devant le Sénat que l'état du patrimoine universitaire
n'est pas véritablement brillant, c'est le moins que l'on puisse dire !
Enfin, cette mission devra réfléchir aux propres capacités de gestion des
universités.
Dans ces conditions, il serait très maladroit et, en tout cas, inopportun
d'adresser un signe négatif aux universités, surtout au moment où elles sont
invitées à pratiquer l'autonomie. Par ailleurs, le coût politique serait
disproportionné par rapport à la faiblesse des économies réalisées.
Il faut se donner les moyens de réaliser des économies, si nécessaire en
mettant en place des budgets de manière plus intelligente, plus réfléchie, et
ne pas obérer les chances de succès en envoyant des signes négatifs qui
entraîneront inévitablement des blocages et qui s'avéreront probablement, par
la suite, plus coûteux que bénéfiques. C'est pourquoi je me permets de demander
aux auteurs de cet amendement de bien vouloir le retirer.
M. le président.
La parole est à M. Ivan Renar, pour explication de vote.
M. Ivan Renar.
L'amendement « enseignement supérieuricide » que nous attendions est sans
surprise, mais il reste surprenant ! En effet, que les universités soient très
riches, voire trop riches, est un
scoop
, si vous me permettez cette
expression.
Par ailleurs, on peut lire dans l'exposé des motifs dudit amendement ceci : «
Le Gouvernement a constaté mercredi 27 novembre une perte prévisionnelle de
recettes pour 2003 à hauteur de 700 millions d'euros. Il convient d'en tirer
les conséquences en termes de dépenses. » Et le jeudi 28 novembre, cet
amendement est déposé !
Quelle efficacité dans la guerre éclair de l'austérité ! On parlait tout à
l'heure de lourdeurs administratives ! Là, chapeau !
Dans les faits, les étudiants qui se retrouvent à soixante dans les travaux
dirigés, qui suivent dans le hall ou le couloir le cours normalement dispensé
en amphithéâtre apprécieront certainement d'apprendre que leurs universités
sont trop riches.
A quelques pas d'ici, nous connaissons tous sans doute, du côté de la
Sorbonne, des étudiants qui goûtent tous les jours le grand bonheur d'avoir à
traverser Paris pour suivre des enseignements éclatés dans des établissements
différents, dans la capitale ou en Ile-de-France, voire en province. Certaines
de ces universités rencontrent d'ailleurs de nombreuses difficultés pour
boucler leur budget. C'est notamment le cas de Paris-XII, où j'ai eu l'occasion
d'effectuer une mission pour Mme Luc.
De même, la grande qualité des prestations sociales et médico-sociales, des
services de restauration universitaire ou des équipements sportifs mis à
disposition des étudiants est suffisamment éloquente pour justifier mille fois
le rejet pur et simple de cet amendement brutal et sans nuance.
De la même façon, les universités où, faute de crédits, l'on coupe dès que
possible le chauffage parce qu'on ne peut plus le payer, apprécieront hautement
la proposition de la commission des finances.
Alors, bien sûr, vous nous dites, monsieur le président de la commission des
finances, monsieur le rapporteur général, monsieur le rapporteur spécial, que
l'effort ne serait concentré que sur les établissements dont la situation
financière est satisfaisante. Mais, que voulez-vous, nous ne partageons pas
votre appréciation de la situation !
Et il n'est pas interdit de penser que ce que vous appelez « réserves » n'est
jamais que l'autofinancement que ces établissements tentent de retrouver pour
faire face à certains investissements ou aux besoins des étudiants, sans parler
de l'indispensable souplesse de fonctionnement.
Devons-nous encore parler de la grande misère des bibliothèques universitaires
? Ainsi, M. Bernard Belloc, premier vice-président de la Conférence des
présidents d'université, indiquait récemment ceci : « L'autonomie des
universités est d'abord au service des étudiants. Il nous est apparu essentiel
de les mettre au centre de nos préoccupations. »
Mes chers collègues, c'est l'autonomie des universités et leur faculté à
répondre aux besoins de formation du pays qui est en cause derrière cet
amendement ! Elle part vraiment mal, l'université du IIIe millénaire !
Entrer dans cette logique, c'est remettre en cause le nécessaire renforcement
des potentiels humains dont notre pays a besoin pour disposer, demain, des
moyens de la croissance économique.
Cette logique est contreproductive par rapport à l'objectif que vous vous
assignez, car elle sera génératrice, demain, de nouvelles difficultés.
J'en appelle à mes collègues membres de la commission des affaires
culturelles, eux qui ont adopté les crédits de l'enseignement supérieur, et je
leur demande de rejeter cet amendement, de ne pas manger aujourd'hui leur
chapeau ! Notre groupe appelle solennellement le Sénat à rejeter cet amendement
par scrutin public.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe
socialiste.)
M. le président.
La parole est à M. Serge Lagauche.
M. Serge Lagauche.
La démarche de la commission des finances que son président, Jean Arthuis, est
venu nous présenter ce matin, lors de l'examen des crédits de l'enseignement
scolaire, est pour le moins suprenante et me laisse perplexe.
S'agit-il, pour la commission des finances de démontrer qu'elle est toujours
la garante de la rigueur budgétaire ? J'en doute, d'autant plus que M. Arthuis
admettait ce matin qu'il existait des budgets « sanctuarisés » correspondant
justement aux budgets prioritaires du gouvernement actuel : la justice, la
défense et l'intérieur.
La commission des finances vole, en réalité, au secours du Gouvernement qui,
depuis plusieurs mois, a tablé sur une croissance nettement supérieure à celle
effective de 2,5 % alors que, dans les milieux économiques, tous s'accordaient
pour dire qu'elle serait au mieux de 1,8 %, M. Ernest-Antoine Seillière ayant
même récemment affirmé qu'elle se situerait entre 1,5 % et 2 %.
Il était donc couru d'avance qu'un budget établi sur de telles bases poserait
quelques problèmes. Toujours est-il que les réductions proposées par la
commission des finances, au nom de l'équilibre budgétaire, vont toucher les
budgets déjà les plus maltraités par le Gouvernement.
Il en est ainsi pour le budget de l'enseignement supérieur, avec 2 millions
d'euros de réduction supplémentaire alors qu'à structure constante ce projet de
budget accuse déjà une baisse qui n'est pas raisonnable.
Il n'est pas réaliste d'affirmer que les universités se sont constitué un
matelas depuis sept ou huit exercices et il est dangereux d'amputer des crédits
figurant au titre III qui finance l'ensemble des dépenses de personnels alors
que seules 1 160 créations, toutes catégories de personnels confondues, sur les
2 000 créations de postes prévues au titre de l'année 2003 par le plan
pluriannuel sont honorées dans ce projet de budget.
Le groupe socialiste votera donc contre l'amendement de la commission des
finances, et demande un scrutin public.
(Applaudissements sur les travées du
groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur.
Monsieur le ministre, j'ai été très surpris de vos propos.
Vous avez déclaré, s'agissant de MM. Allègre et Lang, que, bien qu'appartenant
à la même formation politique que moi, ils ne manquaient pas de bon sens,...
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial.
C'était un compliment, il fallait le prendre comme
tel !
M. Jean-Pierre Sueur.
... ce qui, si les mots ont une signification, veut dire que les Français
appartenant au parti socialiste seraient dépourvus de tout bon sens. Cette
déclaration tout à fait insultante de votre part à l'égard d'une formation
politique de ce pays ne sied pas au statut intellectuel qui est le vôtre.
Ensuite, s'agissant de l'allocation d'autonomie, vous avez simplifié et
caricaturé.
D'abord, l'UNEF ne parle plus de « salaire étudiant » depuis une trentaine
d'années, monsieur le ministre.
M. Jacques Valade,
président de la commission des affaires culturelles,
et M.
Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial.
C'est faux !
M. Jean-Pierre Sueur.
Vous le savez très bien. L'allocation d'autonomie a été conçue par l'UNEF lors
de son dernier congrès, c'est-à-dire il y a près de dix-huit mois. L'UNEF n'a
jamais considéré que cela ne devait concerner que les seuls étudiants, et M.
Jospin comme M. Lang avaient donné leur accord à l'UNEF pour organiser une
discussion afin que l'on puisse creuser cette idée tout en veillant à ce qu'un
nouveau dispositif ne porte pas atteinte à l'équité, à la justice, qui sont,
naturellement, tout à fait nécessaires. Le gouvernement de M. Jospin a fait en
sorte que 30 % des étudiants reçoivent une bourse. Il ne faut donc pas
caricaturer !
Enfin, monsieur le ministre, vous nous avez affirmé que votre budget
augmentait, ce qui est faux. « Une progression de 1,05 % reste une progression
», avez-vous dit.
Mais le minimum de probité intellectuelle devrait vous conduire, monsieur le
ministre, à considérer que, si votre budget augmente de 1,05 % mais que
l'inflation atteint 1,5 %, votre budget, en réalité, baisse. Et je récuse, de
la part d'un intellectuel comme vous, cette attitude qui consiste à dire et à
redire quelque chose qui est faux, en pensant que c'est ainsi qu'on fait de la
politique « intelligente », pour employer un adjectif que vous semblez
particulièrement affectionner.
Enfin, il est proprement scandaleux que la commission des finances du Sénat
propose de réduire encore les crédits de l'université !
Mes collègues viennent de le dire avec beaucoup de force, monsieur le
ministre, il y a moins de crédits, il y a moins de postes que ce qui était
prévu, le budget d'investissement, le budget de maintenance et le budget de
fonctionnement ont diminué ; pourtant, malgré tout, on nous propose benoîtement
un amendement tendant à réduire encore de deux millions d'euros les crédits de
l'enseignement supérieur !
C'est un vrai scandale ! C'est un signe qui sera perçu de manière
extraordinairement négative par tous les chercheurs, par tous les
enseignants-chercheurs, par tous les étudiants de ce pays. Nous sommes
totalement et fondamentalement opposés à cet amendement. Il est vraiment triste
qu'on puisse présenter ici, s'agissant de l'enseignement supérieur, une telle
proposition !
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du
groupe CRC.)
M. le président.
La parole est à M. Pierre Laffitte.
M. Pierre Laffitte.
Je voudrais tout d'abord souligner le courage du président de la commission
des finances du Sénat, qui présente un amendement non pas scandaleux, mais
cohérent avec la mission normale d'une commission des finances, qui, surtout au
Sénat, a prôné de tout temps les vertus de la diminution des charges et des
déficits publics.
Néanmoins, dans le cas particulier, la position de M. Luc Ferry, ministre
responsable, membre du Gouvernement, me paraît parfaitement justifiée. Surtout,
je ne pense pas qu'il soit sain pour notre assemblée, qui a toujours défendu
fortement la recherche et l'enseignement supérieur, de donner un signal ne
correspondant pas à notre volonté traditionnelle, laquelle est la recherche des
mauvaises dépenses.
Or, je ne crois pas que l'on puisse dire que le budget, tel qu'il a été
présenté aujourd'hui par M. Ferry, tel qu'il a été défendu et approuvé par un
certain nombre de personnalités de nos différentes commissions, en particulier
la commission des affaires culturelles, mérite d'être réduit, même s'il ne
s'agit pas d'une sanction.
Je conçois bien qu'il s'agit là d'un système général. Mais voyons comment ce
dernier pourra permettre de recueillir les 700 millions d'euros d'économies qui
sont nécessaires. Ce n'est pas avec 2 millions d'euros de réduction sur un
budget qui est tout de même un des budgets les plus importants de la nation
qu'on y arrivera !
Il faudra donc trouver autre chose. Prenons le temps de réfléchir pour savoir
où dégager ces sommes, où dégager les délais d'exécution de façon à avoir une
organisation dans le plan. Par conséquent, je suis, comme mon groupe, favorable
à la position de M. le ministre.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial.
Nous avions bien évidemment conscience, lorsque nous
avons étudié et préparé la rédaction de cet amendement, qu'il nous faudrait du
courage face aux objections qui nous seraient présentées. Nous ne sous-estimons
pas non plus l'impact politique négatif du signal que pourrait susciter
l'adoption de cet amendement.
Mais à ce stade du débat, je me réserve la possibilité de changer de position
en fonction des arguments qui seront échangés ici.
M. Ivan Renar.
Vous nous avez suffisamment caricaturés tout à l'heure !
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial.
Premièrement, il s'agit de 2 millions d'euros, et ce
ministère n'est évidemment pas le seul sur lequel nous allons faire de telles
propositions de réduction de crédits : il y en aura d'autres, étudiées et
préparées par les rapporteurs spéciaux de la commission des finances, qui
seront présentées dans la suite du débat budgétaire. Le calendrier veut que je
sois, avec le ministre chargé de l'enseignement supérieur, en première ligne.
Mais, je le répète, il s'agit d'un ensemble de mesures.
Mme Danièle Pourtaud.
Il faut bien financer le porte-avions !
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial.
Deuxièmement, malgré les délais extrêmement brefs qui
nous étaient impartis, ces mesures ont été étudiées et témoignent d'une
connaissance approfondie, je puis l'affirmer, de la gestion et des conditions
de gestion du ministère chargé de l'enseignement supérieur.
Je voudrais préciser à M. le ministre que, ce faisant, notre idée était de
l'aider plutôt que de lui rendre la vie plus difficile.
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances.
Bien sûr !
M. Jean-Pierre Sueur.
Quelle magnifique assistance !
Mme Hélène Luc.
Si vous lui demandez de l'argent, cela lui rendra la vie difficile !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Qui aime bien châtie bien !
Mme Danièle Pourtaud.
C'est la corde qui soutient le pendu !
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial.
J'ai bien noté !
J'ai été très sensible à la position de M. le ministre, position qui est
aussi, je le sais, celle de M. le président de la commission des affaires
culturelles.
Sur ce chapitre 36-11, il y a effectivement des problèmes de gestion, des
problèmes de répartition des moyens entre les différentes universités ; il y a
un système analytique de répartition des moyens que l'on baptise San Remo, qui
est incompréhensible pour tout le monde et qui entraîne des injustices, des
inégalités et des difficultés croissantes pour telle ou telle université
nouvelle ou ancienne, qui se voit affecter des moyens ne correspondant pas
réellement à ses projets de développement. Je citerai, à cet égard, le cas de
l'université de La Rochelle.
Quelle est la situation de la trésorerie ? Pour améliorer la gestion, nous
proposons un signe, le retrait de 2 millions d'euros sur un crédit de 1 211
millions d'euros.
La trésorerie, c'est quand même un vrai problème ! Des études ont déjà été
réalisées sur l'origine de ces trésoreries : une partie des fonds provient des
excédents de subventions ; une autre partie a été apportée par les organismes
de recherche ; une autre partie encore correspond à la capitalisation de moyens
pour financer un investissement ultérieur. C'est dire que les fonds des
trésoreries de roulement ont des origines diverses.
En tant que responsable, un temps, des collèges puis des lycées dans une
grande région, j'ai pu conduire des opérations de modulation, année après
année, du volume des subventions attribuées en fonction de l'état réel de
disponibilité et de liberté d'une trésorerie excessive. Dans le cas présent,
ces réserves correspondent aujourd'hui, il faut le savoir, à un an de
fonctionnement de l'ensemble des universités françaises.
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances.
Bien sûr !
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial.
Notre objectif est une gestion rationalisée. Nous
voulons attirer l'attention de M. le ministre sur la nécessité, après les
inspections qu'il a très heureusement lancées et auxquelles il a fait allusion,
de modifier et d'améliorer le système de répartition des moyens. Nous entendons
souligner la nécessité de prendre en compte la partie franchement libérée des
fonds de réserve pour moduler les subventions. Tel est l'objet de notre
amendement.
Nous avons noté avec intérêt, monsieur le ministre, que vous partagez ces
soucis de rationalité dans la répartition des moyens de subventions entre les
établissements. En fonction du dialogue qui va se poursuivre, j'arrêterai de
manière définitive ma position sur l'amendement que j'ai cosigné avec M. le
président de la commission des finances et avec M. le rapporteur général.
M. Jean-Pierre Sueur.
Quel embarras ! Vous voilà bien embarrassé !
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, je suis de ceux qui considèrent que, dans le
domaine de l'enseignement supérieur, de l'éducation nationale en général, une
nouvelle donne est en train d'être réalisée et que le ministre, M. Luc Ferry,
par sa personnalité, par son brio, par sa volonté de faire évoluer les
choses...
M. Jean-Pierre Sueur.
... n'a pas besoin d'argent !
(Rires.)
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
M. le président, je le suppose, donnera la parole à
ceux qui seront habilités par le règlement à s'exprimer !
M. Jacques Valade,
président de la commission des affaires culturelles.
Pas à M. Sueur, car
il a déjà parlé !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Le ministre, M. Luc Ferry, a devant lui des enjeux
tout à fait essentiels, non seulement pour sa mission, ses responsabilités, son
ministère, mais aussi pour le pays. Parmi les novations à apporter, il y a très
certainement celles qui relèvent de la communication et du langage que l'on
doit adopter par rapport à la réalité des choses.
Si le Parlement est une enceinte convenue, où l'on se livre à des exercices
convenus, où l'on distribue les appréciations en fonction du taux
d'augmentation des crédits, où l'on ne prête pas vraiment attention à la
réalité de la gestion, si le Parlement, en quelque sorte, est un lieu où les
votes sont privés d'effet, privés d'intérêt par une sorte d'atmosphère
officielle,...
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial.
Liturgique !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... naturellement, notre République perd elle-même de
sa réalité.
L'exercice auquel nous nous efforçons de nous livrer n'est pas un exercice
facile.
Mme Hélène Luc.
Ça c'est clair !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est un exercice de vérité : nous estimons qu'il ne
sert à rien de répandre des illusions. A partir du moment où la conjoncture est
ce qu'elle est, à partir du moment où la réalité des recettes de 2002 a conduit
à réviser, par une baisse de 700 millions d'euros, la prévision des recettes de
2003, la dépense publique, où qu'elle soit, ne peut être immunisée.
Je suis sûr, monsieur le ministre, que, où que ce soit, et notamment dans le
monde si intelligent de l'enseignement supérieur, on préfère entendre la vérité
plutôt que des messages plus ou moins convenus, qui passent pour être des
signaux optimistes mais en lesquels personne ne croira !
On est assurément d'autant plus fort pour faire avancer les choses, pour les
changer, pour accroître l'effort de la nation dans les domaines les plus
prioritaires que l'on est respecté pour avoir dit la vérité.
Pour notre part, au sein de la commission des finances, nous nous efforçons
simplement d'exercer notre mission et de jouer notre rôle dans l'intérêt de
l'Etat, dans l'intérêt général. Nous avons la chance de disposer, à longueur
d'année, de nos rapporteurs spéciaux, de nos collaborateurs, et nous sommes en
mesure, parfois mieux que d'autres, de dire quelle est la réalité des
budgets.
En vérité, monsieur le ministre, au moment où vous avez pris vos fonctions, à
quelques mois de cette alternance, vous avez observé comme nous que les crédits
votés par la représentation nationale n'arrivent pas toujours où il le
faudrait, comme il le faudrait.
Et le système est tel que des décalages peuvent se produire entre les sommes
que nous votons et le sentiment souvent justifié de rareté ou d'insuffisance
dans un certain nombre d'endroits, dans beaucoup d'universités, notamment.
C'est bien cela la question que nous posons.
Notre université recèle assurément - nous en sommes tous certains - les
meilleurs esprits de la planète et toutes les chances de notre pays pour
l'avenir. Mais sommes-nous certains qu'il est justifié d'avoir fait croître
globalement les réserves de plus de 30 % entre 1995 et 2000 ? Sommes-nous
certains que la réduction, au demeurant symbolique, de 0,16 % que nous suggère
M. le rapporteur spécial est de nature à adresser un signal si négatif que cela
à celles et à ceux qui nous entendent ou qui nous liront ?
Ne sommes-nous pas au contraire en train d'expliquer, par ce type de mesure,
une vérité qui existe ? N'allons-nous pas susciter pour demain et après-demain
plus de confiance, plus d'adhésion à une politique tournée vers l'avenir qui
doit nécessairement aussi être une politique de réforme ?
Alors, oui, cet amendement est le premier de la série. Et c'est vrai, nous
n'avons pas, nous, membres de la commission des finances, le rôle facile.
M. Serge Lagauche.
On va pleurer !
Mme Hélène Luc.
Là, vous êtes en train de chercher un alibi, mais ce n'est pas sérieux !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Nous ne cherchons pas un rôle facile. Mais nous
disons, en toute conscience et à partir des analyses auxquelles nous avons
procédé, que cet amendement, élément d'un ensemble, bien entendu, ne porte
aucunement préjudice aux universités. Il est au contraire de nature à vous
aider, monsieur le ministre, à faire prévaloir les exigences d'une saine
gestion,...
Mme Hélène Luc.
Voyons, voyons, vous n'êtes pas sérieux !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... d'une modernisation qui vous permettra d'apporter
plus à toutes celles et à tous ceux qui le méritent au sein de nos équipes de
recherche et d'enseignement, ainsi qu'aux étudiants, pour véritablement relever
tous les défis qui sont devant nous.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants.)
Mme Hélène Luc.
Ça, c'est scandaleux !
M. le président.
La parole est à M. Claude Estier, pour explication de vote.
M. Claude Estier.
J'ai écouté avec beaucoup d'attention les deux dernières interventions de M.
le rapporteur spécial et de M. le rapporteur général, explications qui me
paraissent d'ailleurs extrêmement embarrassées. C'est tout à fait
compréhensible dans la mesure où ils défendent aujourd'hui une position qui
n'est pas celle qu'ils avaient adoptée à l'origine, lors du débat devant la
commission des finances.
Ce que vient de dire M. Marini est très intéressant, parce que nous avons la
preuve que cette initiative ne concerne pas seulement le budget de
l'université. On nous annonce toute une série d'amendements : autrement dit,
sur tous les budgets qui vont nous être soumis, un amendement sera déposé
tendant à proposer des réductions de crédits pour essayer de retrouver les 700
millions d'euros manquant à l'appel.
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances.
Non, il ne s'agit pas de 700
millions !
M. Claude Estier.
D'ailleurs, à mon avis, vous ne les trouverez certainement pas !
Cela dit, vous avez parlé d'une nouvelle donne. Alors, nouvelle donne, soit,
mais ce qui m'étonne dans cette affaire, c'est que cette nouvelle donne soit
apparue en vingt-quatre heures ! Le mardi, en effet, l'Assemblée nationale a
voté la loi de finances pour 2003 qui comportait les données présentées à
l'origine par le Gouvernement.
Mme Hélène Luc.
Absolument !
M. Claude Estier.
Et c'est le mercredi matin, c'est-à-dire moins de vingt-quatre heures après,
que l'on s'est aperçu d'un « trou » de 700 millions.
Alors, c'est vraiment du travail en temps réel, comme vous l'avez dit tout à
l'heure ! Encore faut-il dire qu'il y a quand même là une grande première, le
Sénat étant saisi pour la première fois d'un budget qui n'est pas celui qui a
été voté la veille par l'Assemblée nationale.
Nous sommes en présence de toute une série de choses qui d'ailleurs méritent
peut-être une réflexion du Conseil consitutionnel. Cela, nous le verrons
éventuellement le moment venu.
Mais, ce que je veux dire, au stade où nous en sommes aujourd'hui, c'est que
tous les arguments de MM. Lachenaud et Marini selon lesquels, avec 2 millions
d'euros de moins, le budget de M. Ferry serait bien meilleur que celui qui a
été présenté à l'origine, c'est du pipeau ! En effet, il ne s'agit pas
simplement, je le répète, du budget de l'université, puisque nous aurons le
même problème sur tous les budgets qui vont nous être présentés !
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC,
ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Jean-Philippe Lachenaud.
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Monsieur le président, je demande au nom du groupe des Républicains et
Indépendants, une suspension de séance de cinq minutes.
M. le président.
Le Sénat va, bien sûr, accéder à votre demande, mon cher collègue.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante, est reprise à dix-sept
heures quarante-cinq.)
M. le président.
La séance est reprise.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances.
Monsieur le président, monsieur
le ministre, mes chers collègues, je voudrais vraiment que l'on dédramatise
l'initiative que nous avons prise.
Il n'est pas contestable que la situation économique ne sera pas tout à fait
telle qu'on l'avait imaginée. Les résultats de la fin de l'année 2002 ne sont
en effet pas au rendez-vous, et le Gouvernement, dans une attitude responsable,
transparente,...
M. Claude Estier.
D'un jour à l'autre !
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances.
... nous donne un témoignage de
vérité.
Monsieur Estier, vous savez l'estime que je vous porte. Au moment du vote du
projet de loi de finances pour 2002, n'y avait-il pas dans votre esprit de
fortes interrogations ? Ne vous demandiez-vous pas si l'appréciation de M. le
rapporteur général de la commission des finances du Sénat était fondée
lorsqu'il affirmait que le budget était mensonger ?
On peut, à un moment donné, faire une prévision en conscience, parce que les
prévisionnistes considèrent que le taux de croissance se situera dans une
certaine fourchette. Mais les faits économiques, qui dépendent très largement
d'éléments supranationaux, sont là... Le Gouvernement fait donc acte de
réalisme, et il faut lui rendre cet hommage.
La proposition d'amendement que nous faisons au Sénat doit être totalement
dédramatisée. Nous exprimons notre totale confiance au ministre et au
Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin. Nous estimons qu'il existe des réserves
de trésorerie et qu'il convient de les activer, de les gérer autrement, c'est
tout.
Nous assumons notre responsabilité et nous pensons que le Parlement doit
renoncer à demander toujours plus de crédits et de dépenses. Nous ne pouvons
pas, en effet, promettre du haut des tribunes l'allégement des prélèvements
obligatoires, l'assainissement des finances publiques, et, après avoir constaté
que la conjoncture ne nous donne pas les fruits que nous attendons sur le plan
fiscal, maintenir en l'état le niveau des dépenses !
Si le Gouvernement est parvenu à un article d'équilibre qui ne modifie ni le
niveau des dépenses ni celui du déficit, c'est, d'une part, grâce au Sénat, qui
a proposé des ressources complémentaires et, d'autre part, grâce au
Gouvernement, qui a puisé dans quelques recettes de poche non fiscales les
éléments nécessaires au maintien de l'équilibre de ce budget.
Mais c'est la commission des finances dans son ensemble, hier soir, qui a
pensé que c'était aider le Gouvernement que de proposer cette recherche
délicate d'économies. J'avais dit, au début de la discussion des articles de la
première partie, que nous devrions rechercher une économie d'au moins 100
millions d'euros. Je l'ai rappelé hier soir, et c'est à cette tâche que nous
nous appliquons.
Encore une fois, dédramatisons cette initiative. Nous assumons avec réalisme
nos responsabilités et nous entendons aider le Gouvernement à mener à bien une
politique dont les orientations présentées par M. Luc Ferry, depuis ce matin,
répondent pleinement à notre attente.
(Applaudissements sur les travées de
l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à Mme Hélène Luc, pour explication de vote.
Mme Hélène Luc.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la
commission des finances, nous sommes vraiment dans une situation surréaliste.
Je n'ai jamais vu ça ici !
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances.
Madame Luc, voyons !
M. Paul Blanc.
Il faut bien commencer !
Mme Hélène Luc.
Non, jamais, monsieur le président de la commission des finances !
Tout d'abord, le président de la commission des affaires culturelles a appris
par la presse l'existence de cet amendement. C'est absolument incroyable ! On
fait tout pour que le Parlement ne soit pas pris au sérieux !
Monsieur le rapporteur général, nous avons compris, bien sûr, ce que vous
vouliez faire, mais ayez au moins le courage de le dire franchement et ne
cherchez pas d'alibi en disant que les universités ont des réserves !
Je suis membre d'un conseil d'université, celui de Paris-XII, et je peux vous
assurer qu'il n'y a aucune réserve ! Le budget doit supporter les 30 % d'heures
complémentaires payées aux enseignants, ainsi qu'un certain nombre d'heures
supplémentaires payées aux personnels ATOSS.
Que vais-je dire à mon conseil d'université, moi qui étais mandatée pour dire
que les crédits qu'il était prévu de voter ne seraient pas suffisants pour
l'année 2003 ? Mes chers collègues, je demande à chacun de faire preuve de
responsabilité et de refuser d'adopter la proposition de réduction de crédits
qui vous est faite.
Je repense aux jeunes qui ont défilé le 1er mai pour défendre la République et
pour protester contre Le Pen, et qui, reconnaissez-le, ont voté par la suite
pour le candidat Jacques Chirac. Que vont penser tous ces jeunes à qui vous
avez fait des promesses ? Vous vouliez vous occuper de leur avenir, vous
vouliez qu'ils étudient, qu'ils réussissent ! Vous prévoyez des licences
professionnelles, vous cherchez de nombreux moyens de les intéresser, et voilà
que vous supprimez les crédits d'un budget qui est déjà insuffisant. C'est
vraiment inadmissible !
Pour ma part, je voterai évidemment contre l'amendement, et je vous demande
une nouvelle fois, mes chers collègues, de ne pas accepter cette façon de faire
qui aboutit à diminuer les crédits inscrits au budget de l'enseignement
supérieur !
(Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe
socialiste.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances.
Madame Luc, partant de
l'hypothèse - mais peut-être suis-je coupable de vous prêter une mauvaise
intention ? - qu'en tout état de cause vous voterez contre les crédits nouveaux
du titre III, je vous rends attentive - et cela est vrai pour tous ceux qui
s'apprêtent à faire de même - au fait que cela revient à priver M. le ministre
de 80 millions d'euros !
M. Claude Estier.
C'est un peu facile !
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances.
Permettez-moi de vous dire,
monsieur Estier, qu'il n'y a aucune comparaison possible entre les 2 millions
d'euros de diminution de crédits que nous sollicitons et les 80 millions
d'euros que vous vous apprêtez à sanctionner !
(Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Ivan Renar.
C'est ce que l'on appelle respecter l'opposition !
Mme Hélène Luc.
On nous a dit ce matin que le ministre avait besoin de notre soutien !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° II-12.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public, émanant, l'une, du groupe
socialiste et, l'autre, du groupe communiste républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du
règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Nombre de votants | 312 |
Nombre de suffrages exprimés | 306 |
Majorité absolue des suffrages | 154 |
Pour l'adoption | 180 |
Contre | 126 |
M. Claude Estier. L'écart se resserre !
M. le président. Je mets aux voix, modifiés, les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre IV :
moins
4 451 153 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits sont adoptés.)
ÉTAT C
M. le président.
« Titre V. - Autorisations de programme : 183 878 000 euros ;
« Crédits de paiement : 18 139 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 732 157 000 euros ;
« Crédits de paiement : 411 491 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant l'enseignement supérieur.
III. - RECHERCHE ET NOUVELLES TECHNOLOGIES
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant
la jeunesse, l'éducation nationale et la recherche : III. - Recherche et
nouvelles technologies.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. René Trégouët,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Madame la ministre, permettez-moi
tout d'abord de vous souhaiter la bienvenue pour votre première présentation
devant la Haute Assemblée du budget de votre ministère.
Ce budget a été élaboré dans des circonstances particulièrement difficiles, et
ce pour diverses raisons : d'une part, le déficit des finances publiques doit
être contenu dans la limite de 3 % du produit intérieur brut ; d'autre part,
une priorité a été accordée aux demandes qui ont été exprimées avec force par
les Français durant ces derniers mois.
Mais cela ne signifie pas - vous le savez très bien, mes chers collègues - que
la France ne réserve pas toute la priorité attendue à la recherche. En effet -
et c'est un élément important -, de tous les pays de l'Organisation de
coopération et de développement économiques, l'OCDE, la France est celui qui
réserve, par rapport au PIB, les crédits publics les plus importants à la
recherche.
Là où un problème se pose - et ce sera certainement pour nous l'objet
d'échanges -, c'est en ce qui concerne les entreprises, et singulièrement les
petites et moyennes entreprises, car celles-ci n'accomplissent pas suffisamment
d'efforts dans le domaine de la recherche.
Dans ce contexte, la seule marge de manoeuvre budgétaire réside dans la
mobilisation des excédents de ressources des organismes de recherche auxquels
sont destinés 90 % des crédits que nous examinons aujourd'hui. Leur montant
total s'élèverait, selon les estimations de vos services, madame la ministre, à
720 millions d'euros, dont 450 millions d'euros pour les seuls établissements
publics à caractère scientifique et technologique, les EPST.
Une part de ces excédents correspond à des reports qui sont légitimes
lorsqu'ils servent à financer des engagements contractuels exécutés en fin
d'exercice. Une autre part représente, en fait, une immobilisation stérile de
ressources importantes qui se répète d'année en année.
Dans le cas du Centre national de la recherche scientifique, le CNRS, et
probablement aussi dans celui de la plupart des autres organismes, en 2001, ces
phénomènes concernent le financement du soutien de base des laboratoires et
celui des investissements programmés, notamment les gros équipements.
Je considère que l'Etat était fondé à demander l'activation de ces trésoreries
dormantes, même s'il est vrai qu'elles proviennent, pour une part, des
ressources propres des organismes qui récompensent la valorisation de leurs
travaux. En effet, il s'agit d'entités publiques subventionnées à plus de 80 %
par les finances publiques dans le cas des établissements publics à caractère
scientifique et technologique.
Seul compte, en définitive, le niveau des moyens réellement disponibles pour
les activités de recherche, quelle qu'en soit l'origine. L'effort qui leur est
demandé dynamisera la gestion des organismes, ce qui leur sera, en fin de
compte, profitable.
J'ai mené auprès de certains d'entre eux des investigations dont je peux vous
résumer ainsi les conclusions : les reports existent, je les ai rencontrés !
Votre budget, madame la ministre, préfère ainsi une logique d'exécution à une
logique d'affichage. Le menu, permettez-moi un peu d'humour, est plus
diététique que gastronomique, mais il fournit les calories nécessaires à
l'alimentation de la recherche.
L'avenir n'est pas compromis, puisque le total des engagements juridiques pris
par l'Etat au titre de l'année 2003 et des années ultérieures est stabilisé en
ce qui concerne les organismes publics de recherche, et progresse fortement, il
faut le souligner, s'agissant des moyens d'intervention propres du
ministère.
Toutefois, le total des crédits consommables dans l'année est en légère
régression et s'établit à 6,13 milliards d'euros.
C'est un budget de transition. Nous aurons certainement l'occasion d'y
revenir. Il conviendra que, les années ultérieures, l'Etat assume ses
obligations, en particulier en matière de couverture en crédits de paiement des
autorisations de programme et aussi en ce qui concerne le financement des très
grands équipements, notamment celui des moyens de calcul, pour lesquels notre
retard devient préoccupant.
Il faut aussi augmenter l'effet de levier des dépenses publiques dans leur
ensemble, que celles-ci soient budgétaires ou fiscales.
A ce propos, permettez-moi, madame la ministre, de m'élever contre l'effet
dissuasif sur les candidats au bénéfice du crédit d'impôt des contrôles fiscaux
qui sont systématiquement déclenchés à leur encontre dès leur première demande.
Ils s'agit là d'un vrai problème auquel il faudra très rapidement trouver une
solution.
L'effort de recherche global de nos entreprises, et notamment des plus petites
d'entre elles, est insuffisant par rapport à ce qu'il représente dans la
plupart des principaux pays de l'OCDE et eu égard aux objectifs fixés au sommet
de Barcelone selon lesquels il devrait atteindre les deux tiers des dépenses
nationales. Or nous en sommes à un peu plus de 50 %.
Il faut donc prévoir des incitations nouvelles, notamment sur le plan fiscal.
La commission des finances propose à cet égard que des déductions soient
accordées aux versements à des fondations dédiées à la recherche, auxquelles
pourrait par ailleurs être confié l'agrément des demandes de crédit d'impôt.
Sur le plan strictement budgétaire, les contraintes actuelles conduisent à
s'intéresser à la recherche de synergies et de moyens complémentaires auprès,
notamment, de la Communauté européenne, des collectivités territoriales et des
armées.
Madame la ministre, je souhaite maintenant vous poser quelques questions.
Comptez-vous renforcer l'évaluation des actions du fonds national de la
science, ainsi que celle du fonds de la recherche et de la technologie ?
Plus généralement, avez-vous l'intention de consacrer plus de temps et de
moyens à la réflexion stratégique et prospective concernant les objectifs, les
structures et les moyens de la recherche ?
L'un de vos prédécesseurs, M. Claude Allègre, avait fait de la réforme des
structures de la recherche un préalable à l'augmentation de ses moyens
budgétaires. Qu'en pensez-vous ?
S'agissant de l'emploi scientifique, faut-il remplacer, nombre pour nombre,
tous les chercheurs qui partiront à la retraite dans les prochaines années par
des personnes sous statut public ?
Comment développer la mobilité entre le public et le privé et entre les
universités et les organismes de recherche ?
Pour ce qui est des universités, comment orienter leurs étudiants vers les
filières prioritaires et renforcer leur excellence scientifique ?
Il est difficile, je le reconnais, madame la ministre, dans le contexte
actuel, de concilier le maintien de notre excellence, notamment dans les
domaines du nucléaire et du spatial - mon excellent collègue rapporteur pour
avis Henri Revol y fera sans doute allusion - avec le rattrapage de nos
retards, dont certains sont très préoccupants. En effet, ces retards, nous les
constatons certes mais dans le domaine du nucléaire, mais également, et ô
combien ! dans le domaine des biotechnologies ou des nano-sciences et
technologies.
J'en viens, pour terminer, à l'évocation des sujets d'inquiétude que je traite
dans mon rapport écrit, mais que je n'ai pas encore abordés à cette tribune :
la fuite des cerveaux, la persistance d'entraves au bon fonctionnement des
laboratoires et de leurs travaux.
Le premier point soulève le problème de l'attractivité de nos établissements
de recherche, notamment en ce qui concerne le niveau des salaires et des
équipements et la création de débouchés pour les post-doctorants dans le privé.
J'estime, en effet, que tous n'ont pas vocation à devenir fonctionnaires
chercheurs à vie.
Sur le second point, il est désolant de constater qu'on en est encore à
l'expérimentation des SAIC - mon collègue Pierre Laffitte vous en parlera
certainement, car je crois que c'est très important -, ces services de
valorisation de la recherche universitaire prévus par la loi Allègre, et que
certaines règles du code des marchés publics continuent de gêner le
fonctionnement des laboratoires des établissements d'enseignement supérieur,
faute de délégation de signature à un échelon suffisamment déconcentré.
Plus généralement, se trouvent posés les problèmes du régime fiscal des
activités de valorisation de la recherche, de l'intéressement à ses résultats
de ceux qui la financent et de la façon dont ils s'en répartissent les
produits.
Vous l'aurez compris, madame la ministre, je recommande à nos collègues
d'adopter votre budget, mais je voudrais que le temps de la transition, puisque
nous allons vivre une année budgétaire intermédiaire, soit pour vous le temps
de la réflexion, avant d'être celui des réformes.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Pierre Laffitte, rapporteur pour avis.
M. Pierre Laffitte,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour la
recherche et les nouvelles technologies.
Madame la ministre, je tiens à
vous le préciser d'emblée : ce budget de transition a reçu l'accord de la
commission des affaires culturelles. Il comporte un certain nombre de points
positifs, quelques zones d'ombre et de lumière, bien sûr.
L'utilisation des reliquats de gestion nous semble une très bonne initiative.
Les efforts consentis en faveur des jeunes nous paraissent importants, voire
considérables. Je trouve très bienvenu le fait de porter de 3,5 millions
d'euros à 10 millions d'euros les crédits relatifs aux post-doctorants. Je me
félicite également de l'augmentation des allocations de recherche et du
maintien des moyens de fonctionnement des organismes. En revanche, la
diminution de certaines dotations apparaît critiquable, d'autant qu'elle tient
compte des reliquats de gestion, qui ne peuvent servir qu'une fois.
Par conséquent, la préparation du budget pour 2004 sera un moment
important.
Au final, j'émets une opinion très positive, surtout compte tenu du fait,
madame la ministre, que votre budget marque la volonté d'afficher des priorités
spécifiques pour un certain nombre de domaines essentiels.
Compte tenu du bref temps de parole qui m'est imparti, je vous renvoie à mon
rapport écrit, lequel prévoit un certain nombre d'opérations, de suggestions et
de réflexions. Celui-ci comporte, en annexe, une ébauche de ce que l'on
pourrait appeler une comparaison des politiques d'innovation dans l'ensemble
des pays européens ; elle a été préparée avec l'appui de tous les ministères.
Bien entendu, je tiens à la disposition de vos services un dossier de plus de
cinq cents pages qui sera très utile, surtout au moment où une nouvelle loi sur
l'innovation est en préparation.
Je formulerai quelques suggestions qui sont précisément liées à l'innovation.
Cela ne constitue pas le coeur du budget de la recherche, ce n'est pas non plus
au centre de vos préoccupations, madame la ministre, mais c'est important
compte tenu, notamment, de l'élaboration en commun, avec le ministère de
l'industrie, de cette loi essentielle sur l'innovation, que nous examinerons
avec beaucoup d'attention.
S'agissant de ladite loi, il faut évaluer dès à présent les conséquences de
l'ancienne loi sur l'innovation et la recherche, que le Sénat a analysée avec
beaucoup d'intérêt, en particulier pour ce qui est des fonctions d'innovation.
Il s'agit non pas seulement des incubateurs, mais de tout ce qui constitue
l'innovation, c'est-à-dire les incubateurs, les locaux et les structures
lourdes, mais aussi tout ce qui est immatériel et que certains appellent le
coaching,
à savoir l'environnement qui est assuré pour la transformation
d'une idée en un projet, puis du projet en une création d'entreprise ou en un
transfert de technologie. C'est complexe, car des problèmes se posent en termes
de conseils, d'enquêtes de marché et de mise en relation. C'est un
accompagnement qui n'est pas habituel au sein du milieu universitaire.
D'ailleurs, cette complexité est liée à d'autres fonctions de valorisation,
notamment celles des SAIC. Les nouveaux SAIC commencent à se mettre en place.
Ils rencontrent des problèmes en raison des traditions : Bercy a édité un guide
de trente-sept pages en ce qui concerne la création à la fois d'une
comptabilité publique et d'une comptabilité analytique, qui soulève
certainement des difficultés considérables. D'autant que tout repose sur des
temps de répartition, c'est-à-dire que l'on peut faire n'importe quoi ! Ce
n'est pas tenable à long terme !
La véritable solution consisterait à établir une séparation entre, d'une part,
les organismes qui sont chargés de développer le travail en concertation avec
l'extérieur et, d'autre part, les sociétés, qui peuvent d'ailleurs être des
filiales à caractère industriel et commercial, qui ont pour mission d'effectuer
des opérations susceptibles de générer des rentrées fiscales. Il faut donc
différencier ce qui est fiscalisable et ce qui est d'intérêt public.
Certaines opérations sont réalisées par des structures anciennes de
valorisation : je pense en particulier à Armines, structure qui n'est pas
fiscalisable, mais qui a créé une filiale de valorisation, Transvalor, qui,
elle, est fiscalisable.
Il serait important, madame la ministre, que vous étudiiez la liste de ces
structures. D'ailleurs, mon rapport écrit comporte une indication sur les
volumes de financements, qui sont parfois considérables, notamment de la part
de certaines écoles, mais aussi de certaines universités, en particulier des
universités technologiques, qui ont souvent trente ans d'expérience dans ce
domaine. Cela vous permettrait d'établir une comparaison fructueuse. J'ajoute
qu'il faudra sans doute faire un parallèle entre la France et les pays
étrangers, puisqu'il existe, en Allemagne, les Fraunhofer, aux Pays-Bas,
l'institut TNO, et, en Finlande, le centre de recherche VTT, qui sont
probablement des modèles intéressants à examiner.
Madame la ministre, il faudra probablement évaluer les financements d'amorçage
d'instituts nationaux comme l'INRIA, l'Institut de la recherche en informatique
et en automatique, de fonds comme EMERTEC et BIOAM - respectivement fonds
d'amorçage dédié au financement en capital de jeunes entreprises et fonds
d'amorçage pour la création d'entreprises de biotechnologies -, de fonds
régionaux, de même que de fonds privés. Autant de possibilités de financements
supplémentaires qu'il faudra inscrire, me semble-t-il, dans le projet de loi
sur l'innovation.
Il est essentiel que nous nous rendions compte que d'autres domaines doivent
être évoqués de façon prioritaire. A cet égard, madame la ministre, je vous
félicite de l'intérêt que vous portez à l'INRIA. La commission des finances
souhaitait proposer une augmentation de la dotation de l'INRIA en même temps
qu'une diminution d'un certain fonds ; mais nous avons préféré y renoncer,
compte tenu de la façon dont la situation se présente actuellement, tant au
Sénat qu'au ministère chargé du budget.
Nous avons par ailleurs constaté avec plaisir que vous aviez beaucoup fait
dans le domaine des biotechnologies et des nanotechnologies, dans la poursuite
des actions prioritaires du CEA, le commissariat à l'énergie atomique, et dans
toute une série d'autres domaines qui seront probablement évoqués par M.
Revol.
Madame la ministre, nous avons indiscutablement besoin d'une réflexion
approfondie sur les priorités : cette réflexion est maintenant engagée, ce dont
nous devons vous remercier.
M. le président.
La parole est à M. Henri Revol, rapporteur pour avis.
M. Henri Revol,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan pour
la recherche.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers
collègues, je ne reviendrai pas sur les chiffres de ce budget dans la mesure où
notre collègue René Trégouët en a parfaitement retracé les principales
évolutions. Je veux néanmoins dire deux mots de la question des reports.
Même si j'approuve la stratégie consistant à mobiliser les trésoreries
dormantes, une telle stratégie, par définition non reconductible l'année
prochaine, doit s'accompagner d'une réflexion sur les raisons qui ont mené à de
tels excédents et sur les moyens d'y remédier à l'avenir.
Sur les grandes priorités de ce budget, je me félicite, bien évidemment, des
mesures emblématiques prévues, comme la création de quatre cents postes de
post-doctorant ou la revalorisation des allocations de recherche de 5,5 %.
Toutefois, mes chers collègues, je centrerai plus particulièrement mon
intervention sur quelques grandes thématiques de recherche.
Les biotechnologies, tout d'abord, constituent aujourd'hui un enjeu économique
d'importance. Selon la Commission européenne, ce marché représenterait, sur le
plan mondial, près de 800 milliards d'euros en 2010. Or la France accuse
actuellement un retard par rapport aux pays leaders en Europe dans ce domaine -
l'Allemagne et l'Angleterre -, mais, surtout, par rapport aux Etats-Unis. Ce
décalage risque de s'aggraver si nous n'y prenons garde.
Ce retard s'explique aussi bien par la faiblesse des structures de soutien à
la création d'entreprises innovantes dans ce domaine que par la faiblesse des
soutiens publics.
A titre d'exemple, même si la comparaison est un peu osée, le soutien de la
recherche biomédicale aux Etats-Unis est considérable, de l'ordre de 24
milliards de dollars en 2002, alors que les crédits de l'Institut national de
la santé et de la recherche médicale, l'INSERM, devraient, en 2003, diminuer de
9,6 %.
Il conviendra donc d'être attentif aux mesures que vous devriez prévoir,
madame la ministre, dans le cadre du projet de loi sur l'innovation que vous
présenterez au début de l'année prochaine et dont mon excellent collègue Pierre
Laffitte a parlé.
Je souhaiterais également évoquer la question de la recherche dans le domaine
de l'énergie nucléaire.
Concernant les recherches relatives à la production énergétique du futur, la
France a transmis à Bruxelles, le 16 octobre dernier, le dossier de candidature
du site de Cadarache pour accueillir l'installation ITER, ou installation
expérimentale de fusion. Ce projet est en effet très important, car il s'agit
d'avoir la main sur la recherche dans le domaine de la fusion thermonucléaire.
Il est donc fondamental que la candidature du site français soit retenue pour
accueillir cette infrastructure.
En revanche, je regrette que ne soit pas mieux affirmée la nécessité d'étudier
les filières de réacteurs à fission capables de prendre la relève de notre parc
actuel de production électrique.
Plus généralement, il est urgent de réfléchir, dès aujourd'hui, aux nouveaux
réacteurs nucléaires qui devront être installés dans les centrales à l'horizon
des vingt prochaines années. La France a pris du retard dans ce domaine et
notre pays risque d'être dépassé, un jour ou l'autre, par ses concurrents,
notamment sur le marché international qui, à coup sûr, s'ouvrira
considérablement dans les pays à fort développement.
Enfin, je me réjouis du redémarrage prochain, au début de l'année 2003, du
réacteur Phénix. Pour des raisons techniques et, plus probablement, politiques,
ce programme avait pris un retard considérable. Or ce redémarrage est
fondamental à la conduite de l'expérimentation prévue par l'un des volets de la
loi du 30 décembre 1991 relative aux recherches sur la gestion des déchets
radioactifs de haute activité et à vie longue, à savoir la transmutation des
déchets nucléaires à vie longue.
Enfin, je terminerai en évoquant la situation délicate dans laquelle se trouve
aujourd'hui le Centre national d'études spatiales, le CNES. Au-delà des
polémiques dont la presse s'est fait l'écho, cet organisme voit son budget
continuellement diminuer depuis cinq ans.
Dans un contexte plus général d'une crise du spatial liée à la diminution du
nombre de satellites à lancer et à une offre abondante de lanceurs concurrents
sur le marché, vous avez, madame la ministre, mis en place une commission qui,
composée de sept membres, est chargée de réfléchir à l'avenir du CNES et de
faire des propositions. Nous en prenons acte.
Le secteur spatial a une dimension politique et stratégique, car il permet
l'autonomie d'accès à l'espace et il est également un fournisseur
d'infrastructures de service public. Or toutes ces problématiques sont
communautaires, et non pas intergouvernementales, d'où la nécessité de
renforcer le rôle de l'Union européenne dans la conduite de cette politique.
Au total, il conviendrait de redonner une impulsion au secteur spatial en
créant, par exemple, une instance interministérielle pour la conduite de la
politique spatiale, car nombreux sont les ministères, notamment celui de la
défense, qui interviennent ou devraient intervenir dans ce secteur. Il
conviendrait également de garantir le budget du CNES dans les années à
venir.
Mes chers collègues, ce budget, malgré ce qui avait pu nous être annoncé au
cours de l'été, est un bon budget, alors que le contexte budgétaire pour
l'année 2003 est extrêmement tendu.
Même si, à un simple examen des chiffres, ce budget peut apparaître un peu
décevant, le recentrage des crédits sur les grandes priorités constitue un
signe positif, qui mérite d'être encouragé. En conséquence, mes chers
collègues, au nom de la commission des affaires économiques et du Plan, j'émets
un avis favorable à l'adoption de ces crédits.
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 20 minutes ;
Groupe socialiste, 18 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 9 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 5 minutes.
Je vous rappelle qu'en application des décisions de la conférence des
présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix
minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Henri Revol.
M. Henri Revol.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, puisque mon
groupe a bien voulu me désigner pour être son orateur sur ce budget,
permettez-moi cette seconde intervention, dans laquelle je souhaite revenir sur
des sujets que j'ai déjà évoqués au nom de la commission des affaires
économiques, mais, rassurez-vous, sans redondances excessives.
Je voudrais, tout d'abord, parler de la loi du 30 décembre 1991 relative aux
recherches sur la gestion des déchets radioactifs de haute activité et à vie
longue, dont j'ai eu l'honneur, à l'époque, d'être le rapporteur au Sénat.
Cette loi a tracé des voies de recherche et a fixé rendez-vous au Parlement
pour 2006. Depuis 1991 et jusqu'en 2006, la Commission nationale d'évaluation,
créée par la loi, doit présenter et présentera au Gouvernement et au Parlement
un rapport sur l'état d'avancement des recherches en ce domaine.
Pour le Parlement, c'est l'Office parlementaire d'évaluation des choix
scientifiques et technologiques qui entend chaque année le président et les
membres de cette commission. Cette audition a eu lieu au mois d'octobre
dernier, pour le rapport d'évaluation n° 8.
Madame la ministre, plusieurs remarques s'imposent.
Sur les trois axes de recherche définis par la loi, au moins deux ont pris un
retard considérable : les laboratoires souterrains et la transmutation. Après
des atermoiements autour du choix des sites respectifs des laboratoires
souterrains, qui devaient être au moins au nombre de deux, c'est finalement un
seul site qui a été retenu à Bure, dans le département de la Meuse. A la suite
d'un tragique accident, le 15 mai dernier, ce chantier est à l'arrêt et les
prévisions les plus optimistes laissent à penser que bien peu d'observations et
de résultats expérimentaux pourront être recueillis avant l'échéance de
2006.
L'absence d'un second laboratoire est un autre motif d'inquiétude, alors qu'il
était pourtant clairement prévu par la loi.
En ce qui concerne la transmutation, élément fondamental pour le développement
durable de la filière nucléaire à fusion et clé d'une meilleure adhésion de
l'opinion, il est à déplorer que les campagnes d'irradiation prévues dans le
programme de recherche sur ce procédé n'aient même pas pu débuter, faute de
disposer d'un réacteur à neutrons rapides. L'abandon scandaleux de Superphénix,
l'indisponibilité technique et sans doute politique de Phénix privent en effet
les expérimentateurs de tout moyen. Il est à souhaiter que le redémarrage de
Phénix soit autorisé, enfin, très prochainement.
Pour l'avenir, des filières prometteuses ont été proposées par des physiciens
et font l'objet d'études au CNRS, en association avec le CEA et Framatome. Il
serait grand temps qu'un démonstrateur de réacteur hybride capable tout à la
fois de produire de l'énergie et de transmuter les radionucléides à vie longue,
en particulier les actinides mineurs séparés après retraitement des
combustibles usés, soit mis en chantier. Le prix Nobel Carlo Rubbia propose
depuis longtemps une mobilisation de moyens à l'échelle européenne autour d'un
tel projet. Malheureusement, dans le cadre du sixième programme cadre de
recherche et développement, la faiblesse des crédits alloués recule l'échéance
de ce projet.
D'autres préconisent une mobilisation à l'échelle mondiale autour d'un projet
américain. On peut douter de sa faisabilité !
Madame la ministre, il m'apparaît extrêmement souhaitable que la France,
leader incontesté de l'industrie nucléaire en Europe, prenne une initiative
forte pour lancer, dans le cadre d'une coopération européenne, un tel
démonstrateur.
Pour en terminer sur ce sujet, et compte tenu de l'importance considérable de
l'enjeu, je souhaite que les moyens soient trouvés pour élargir l'audience
donnée aux rapports de la Commission nationale d'évaluation qui, pour le
moment, ne dépasse pas le cercle restreint de quelques membres du Gouvernement,
d'une délégation de parlementaires, certes concernés et attentifs - plus
précisément, les membres de l'Office parlementaire d'évaluation des choix
scientifiques et technologiques -, et de quelques initiés, mais guère
au-delà.
Je voudrais maintenant aborder un deuxième sujet d'importance : celui du
financement des activités du Centre national d'études spatiales en 2003, et
obtenir de votre part, madame la ministre, des indications sur les évolutions
budgétaires du secteur spatial d'une manière générale, à l'échelon national et
européen, dans une perspective à plus long terme, cadrant avec le plan
stratégique et le contrat d'objectifs de cet établissement qui a été signé à la
fin de l'année 2001.
Le CNES, que vous connaissez bien, est l'un des fleurons de l'activité
spatiale en Europe, il joue un rôle de locomotive auprès de nos partenaires
européens, en liaison avec l'Agence spatiale européenne, au budget de laquelle
il contribue, bien sûr, de manière substantielle.
En 1996, lorsque le professeur Alain Bensoussan a été appelé à assumer la
présidence de l'établissement, la situation du CNES était catastrophique : 3,7
milliards de francs de dettes obéraient l'activité de l'agence. Je
n'épiloguerai pas sur les causes de cette dérive budgétaire, mais je tiens à
souligner que les mesures prises en liaison avec le ministère de tutelle de
l'époque ont permis d'annuler assez rapidement ce déficit. En contrepartie, le
président avait obtenu l'assurance que le budget de l'établissement serait
maintenu à un niveau constant sur trois années consécutives. Cette
stabilisation n'ayant plus été respectée à partir de 1997, le budget du CNES a
alors amorcé un lent déclin, avec la même exigence irréaliste d'une
programmation en totale inadéquation avec les ressources de l'établissement.
Il m'apparaît vital de renouer avec des budgets en croissance à partir de 2004
si nous voulons maintenir notre rang en Europe et dans le monde. Les missions
que j'ai pu accomplir aux Etats-Unis et au Japon m'ont permis de constater que
la compétitivité de l'industrie spatiale de ces grands pays dépendaient
étroitement du maintien d'un niveau de financement public important et de
programmes duaux - c'est notamment le cas du Japon - dont l'insuffisance
chronique en Europe ne peut qu'être déplorée.
Or, depuis 1997, la dotation du CNES a enregistré une perte équivalant à 600
millions d'euros. Des arbitrages douloureux sont nécessaires et, dans le
contexte déprimé du secteur des télécommunications, ils suscitent de grandes
inquiétudes dans les équipes. Je souhaite vivement, madame la ministre, que
vous vous appuyiez sur l'équipe de direction du CNES pour restaurer la sérénité
indispensable à la réflexion sur l'avenir des activités spatiales en France et
en Europe, dans le respect d'un dialogue avec les communautés industrielle et
scientifique.
Toute indication d'un retour à un niveau de financement plus substantiel pour
le CNES sera accueillie avec satisfaction et soulagement. Il faut que le CNES,
qui diffuse autour de ces établissements des technologies novatrices
susceptibles de créer des activités nouvelles et des emplois qualifiés, soit à
même de maintenir une activité industrielle suffisante pour préparer l'avenir
et rester dans la course, notamment en Midi-Pyrénées, en Ile-de-France et en
Guyane.
Bien entendu, au moment où le compte à rebours du lancement de la première
fusée Ariane-5 d'une capacité d'emport de dix tonnes est en cours, à Kourou, je
ne peux pas ne pas évoquer la crise à laquelle notre lanceur européen est
confronté et à laquelle la société Arianespace doit faire face.
Tout doit être mis en oeuvre pour que l'avenir de la fusée Ariane et le succès
de la société soient assurés. La solidarité de tous les acteurs de ce programme
est impérative et, bien entendu, le soutien important décidé par les Etats à la
conférence d'Edimbourg doit être adapté aux nouveaux besoins apparus avec le
développement de la concurrence dans le domaine des lanceurs et l'effondrement
du nombre de satellites à lancer.
Le plan de soutien aux lanceurs, qui se trouve en cours d'élaboration à
l'Agence spatiale européenne et qui doit être soumis au conseil ministériel de
l'Agence au début du mois de mars prochain, présente un caractère crucial et
doit être absolument adopté, d'autant plus que, dans son rapport sur l'avenir
de l'industrie aérospatiale américaine, paru le 18 novembre dernier, la
Commission préconise un accroissement du soutien public à l'industrie. Une
telle préconisation se fonde d'ailleurs sur des arguments assez fallacieux où
l'on met en avant une augmentation de l'effort public consenti en Europe.
Enfin, je n'insisterai pas sur l'impérieuse nécessité de lancer définitivement
le programme européen de positionnement par satellite GALILEO, tant ont été
nombreuses nos interventions parlementaires à ce sujet.
Nous comptons sur vous, madame la ministre, pour mobiliser vos collègues du
Gouvernement sur ces objectifs stratégiques et pour vous faire aussi
l'interprète auprès de vos collègues européens de ces graves préoccupations.
Madame la ministre, le groupe des Républicains et Indépendants votera
l'ensemble de ce budget de la recherche.
(Applaudissements sur les travées
des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Jean-MarcTodeschini.
M. Jean-Marc Todeschini.
Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, pour la première
fois depuis longtemps, le budget de la recherche est en baisse. Qu'en est-il de
l'objectif de 3 % fixé par les chefs d'Etat au sommet de Lisbonne, confirmé à
Barcelone en 2002 et repris par le Président de la République durant la
campagne pour l'élection présidentielle ?
Le budget de la recherche pour 2003 connaîtra une baisse de 1,3 %, bien que
vous affichiez, madame la ministre, une augmentation de 5,3 % grâce à des
reports de crédits de l'année 2002. Il se traduira, en fait, par une chute
moyenne hors salaires de 13,3 % des crédits publics de fonctionnement des
organismes de recherche. Les vrais chiffres font mal !
Cette baisse de financement est un mauvais signal, que ce soit en direction
des chercheurs ou des entreprises. En effet, nous savons tous que l'impact du
financement public est déterminant pour enclencher celui du privé.
Madame la ministre, dans une interview que vous avez accordée au journal
Le
Monde
le 2 octobre 2002, à la question : « Que donnerez-vous comme conseil
à ces jeunes chercheurs ? », vous avez répondu : « Il faut donner aux
chercheurs le moyen de réaliser leurs projets. »
Or les crédits de paiement du CNRS baissent de plus de 20 %, ceux de l'INSERM
de plus de 10 %, ceux de l'INRA, l'Institut national de la recherche
agronomique, de plus de 16 % et les crédits de recherche des universités de 5,6
%. A celà s'ajoute la suppression de 162 postes, dont 137 pour le CNRS.
Permettez-moi de citer un indicateur qui se fonde sur le nombre de chercheurs
par rapport à la population active tiré d'un document émanant de la Commission
européenne. On y constate que, de 1995 à 1999, la part des chercheurs dans la
population active est nettement moindre dans l'Union européenne - 5,3 - qu'au
Japon - 9,3 - et aux Etats-Unis - 8,1 . Le rythme de croissance de l'effectif
total des chercheurs est par ailleurs beaucoup plus rapide aux Etats-Unis.
Pour répondre à ce retard, le gouvernement précédent avait lancé un plan
pluriannuel qui avait le mérite d'attirer à nouveau les jeunes vers les études
scientifiques et vers les métiers de la recherche : 500 postes furent créés en
2002.
Ce ne sont pas, malheureusement, les 400 postes de contractuels prévus dans
votre projet de budget qui répondront à leur attente. Il s'agit d'une attitude
politique que l'on pourrait presque qualifier d'irresponsable à moyen et à long
terme.
Après avoir dénoncé la fuite des cerveaux, vous achevez de convaincre de
nombreux jeunes scientifiques que leur avenir n'est pas en Europe en réduisant
les perspectives de la recherche publique.
Le temps de la recherche a peu à voir avec le rapide calendrier politique.
Former un scientifique, construire une équipe, explorer une idée nouvelle,
tisser des liens avec d'autres groupes en France et à l'étranger, avec des
entreprises, cela prend du temps. Le secteur privé comme le secteur public
peuvent faire à la fois de la recherche fondamentale, de la recherche appliquée
et de la recherche-développement ; mais on sait l'importance vitale que
représente pour un pays un service public de la recherche.
Pour atteindre les 3 % annoncés, nous devrions investir 5,6 % jusqu'en 2010.
La mission semble quasi-impossible. La recherche publique va donc subir une
baisse importante de son potentiel. Il n'est pas honnête de le cacher à la
nation.
Parallèlement, la croissance des budgets de recherche et développement des
entreprises s'est fortement ralentie.
Outre-Atlantique, les dirigeants d'entreprise et les politiques savent que la
recherche est un investissement et non pas un coût de fonctionnement à réduire.
Votre budget a tendance à l'oublier, madame la ministre.
Les Etats-Unis font de la recherche une priorité nationale ; ils développement
à un très haut niveau, avec l'argent de l'Etat, la recherche fondamentale, mais
aussi ses applications et leur développement, en sélectionnant certes des
domaines constituant des enjeux de puissance et de domination.
Je pense donc, comme nombre de mes collègues, que nous devons, pour l'avenir
de notre pays, développer notre potentiel scientifique afin de le porter enfin
au niveau requis par la mondialisation.
M. le Premier ministre, dans sa déclaration de politique générale, plaidait
pour « une France créative qui mise sur l'innovation », promettant de faire les
efforts nécessaires pour atteindre cet objectif et annonçant même que « la
dynamique de l'intelligence est nécessaire à la mobilisation de notre pays » et
« qu'un buget comme celui de la recherche ne serait pas en baisse en 2003 ». Or
les faits contredisent les paroles.
Je souhaiterais maintenant aborder le développement de la recherche au niveau
européen. Vous avez défini dans votre budget, madame la ministre, une quatrième
priorité qui consiste à mener une politique de coopération scientifique et
technique internationale dans le cadre européen. Or avez-vous vraiment, dans
votre budget, assez de moyens pour permettre à la recherche française d'aborder
pleinement ce grand chantier, à savoir l'espace européen de la recherche et son
outil, le sixième programme cadre, qui vient d'être lancé en juin 2002 et qui
sera opérationnel en 2003 ?
Nous nous devons d'être présents à ce rendez-vous. Cet espace européen
représente une vision pour l'avenir de la recherche en Europe, un vrai marché
intérieur de la science et de la technologie. Il favorisera l'excellence
scientifique, la compétitivité et l'innovation par la promotion d'une meilleure
coopération et d'une coordination entre les différents acteurs à tous les
niveaux.
Le sixième programme cadre est l'un des instruments financiers qui permettra
de concrétiser cet espace européen. Avec un budget de 17,5 milliards d'euros,
il représente près de 4 % du budget global de l'Union européenne sur la base de
2001 et 5,4 % de toutes les dépenses de recherche publiques non militaires en
Europe ; il a retenu sept domaines prioritaires que je ne citerai pas.
Or, le sixième programme cadre ne prévoyant pas de quotas nationaux et
privilégiant désormais une approche de projet plutôt qu'une approche
thématique, quels seront nos actions et les moyens financiers dégagés au niveau
national pour permettre à nos laboratoires de recherche, à nos universités et à
nos entreprises de participer aux futurs projets de recherche européens ?
Quelle aide envisagez-vous de fournir à nos chercheurs qui, notamment, n'ont
aucune expérience de Bruxelles ou qui se perdent dans ses labyrinthes ?
La tradition des bourses d'études à l'étranger faisant partie intégrante de
l'histoire scientifique européenne, ce programme cadre investira également
massivement dans la mobilité des scientifiques. Que ferons-nous pour que nos
chercheurs puissent participer à ce mouvement ?
En outre, la Commission veut mettre en oeuvre une meilleure utilisation des
instruments de soutien à la recherche industrielle, des mesures d'aide à la
recherche et à l'innovation, des mécanismes de garantie et de stimulation du
capital risque. Elle souhaite aussi développer l'adaptation des régimes de
propriété intellectuelle, notamment pour la recherche universitaire.
A ce titre, le précédent gouvernement avait, comme l'Allemagne, introduit de
nouvelles réglementations favorables à l'exploitation de la recherche financée
par l'argent public. Nous regrettons que vous renvoyiez ce volet à une
prochaine loi.
A ce sujet, le député Jean-Yves Le Déaut a proposé de créer un conseil
européen de la recherche qui financerait notamment les bourses postdoctorat de
haut niveau et qui faciliterait la coordination des programmes nationaux dans
les sciences de base. Pensez-vous soutenir cette proposition à laquelle je
souscris ?
Je voudrais terminer en citant le Conseil supérieur de la recherche et de la
technologie, qui s'étonne de « l'absence de messages explicites dans le projet
de budget pour inciter les équipes françaises, non seulement à participer, mais
aussi à coordonner des réseaux ou des projets au niveau européen ».
Madame la ministre, je viens de vous exposer une partie des raisons pour
lesquelles mes amis du groupe socialiste et moi-même ne voterons pas votre
projet de budget.
(Applaudissements sur les travées du groupe
socialiste.)
M. le président.
La parole est à M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le Président
de la République et le Gouvernement ont annoncé leur objectif de consacrer 3 %
du produit intérieur brut à la recherche dans les dix années à venir.
Or le budget de la recherche devrait diminuer de 1,3 %, à périmètre constant,
par rapport à 2002. Les divers effets d'annonce concernant une augmentation de
5,3 % ne réussiront pas à masquer les artifices comptables tels que l'addition
des reports de 2002, notamment ceux qui proviennent, pour plus de 400 millions
d'euros, des établissements publics à caractère scientifique et technologique,
les EPST, du CNRS plus particulièrement, ainsi que l'application du « gel
républicain » pour cette année et pour les mois à venir.
Les scientifiques de notre pays sont consternés : la recherche publique joue
un rôle déterminant dans la vie culturelle, sociale et économique de notre
pays, et ils craignent que cette diminution ne prélude à une nouvelle période
de récession telle que celle que nous avons connue entre 1993 et 1997.
Pour se faire entendre, ils nous lancent un appel dont je me fais ici l'écho
fidèle et solidaire.
La recherche se construit dans la durée, dans le cadre d'orientations fortes
et originales, scientifiques, thématiques et organisationnelles. Or le plan
pluriannuel est abandonné.
Les coupes claires dans les crédits atteignent 13 % en moyenne pour les EPST
et près de 6 % pour la recherche universitaire. Le CNRS, qui pouvait envisager
une croissance de l'ordre de 7 % des crédits de paiement en 2003, les voit,
finalement, baisser de 17 %.
En matière d'emploi, la suppression de 150 emplois de chercheur statutaire,
dont 137 au CNRS, est ressentie comme l'abandon explicite d'une politique forte
de recherche civile.
(M. le président de la commission des finances entre en
conversation avec Mme la ministre déléguée.)
Je vous vois vous entretenir
avec M. Arthuis, madame la ministre : ne vous laissez pas abuser par les Attila
de la commission des finances, parce que la hache risque de tomber tout à
l'heure !
(Sourires.)
Le taux de recrutement prévu est de 3 % de l'effectif ; il est de 4,5 %
aujourd'hui, ce qui signifie que les effectifs du CNRS s'affaibliront de plus
de 2 000 personnes d'ici à 2010 !
Le plan décennal 2001-2010 pour l'emploi scientifique est aussi abandonné. Il
visait à anticiper les départs à la retraite massifs attendus entre 2005 et
2010 et à proposer des emplois stables aux jeunes chercheurs.
Or la mise en place de 400 post-doctorants, contrats à durée déterminée de
douze à dix-huit mois destinés au « retour des jeunes chercheurs déjà en séjour
post-doctoral sur la base d'un projet scientifique et professionnel précis »,
prolonge le statut précaire de cette jeunesse. Comment leur faire miroiter la
perspective d'une insertion durable au moment où le nombre de chercheurs
statutaires est réduit ?
La précarisation de l'emploi dans la recherche entraînera une baisse d'intérêt
des jeunes pour les carrières scientifiques et un regain de la fuite des
cerveaux de notre pays.
Cette rupture des engagements de l'Etat affecte nombre d'organismes, les deux
mille laboratoires existants, les formations et les équipes universitaires
associées à un organisme. Elle diminue l'attrait de la France pour les
chercheurs étrangers et pour les entreprises.
Ce désengagement de l'Etat n'est pas conjoncturel, mais il inaugure,
semble-t-il, une nouvelle volonté politique visant à substituer aux
financements d'Etat des financements régionaux et privés.
Les régions financent la recherche et, pour certaines, depuis longtemps. Cela
ne me gêne pas si une responsabilité publique nationale est garantie en la
matière. Sinon, il y a un risque de balkanisation des sources de financement et
de course aux contrats locaux.
Je ne m'oppose pas plus à une plus grande implication du secteur privé. La
recherche privée doit jouer son rôle. Toutefois, sans engagement d'Etat, il n'y
a pas de politique nationale concertée et, sans des services publics forts, il
n'y a pas d'environnement favorable à l'ensemble de la recherche.
Je crains que ce retrait de l'Etat ne livre plus encore l'ensemble de notre
recherche à une dérive libérale. Ce n'est pas sans conséquence. Le marché est
sans conscience ni miséricorde. L'asservissement des programmes scientifiques
aux exigences des marchés financiers a des conséquences sur la santé dans le
monde, sur la politique de gestion de l'eau, sur les rapports Nord-Sud, sur
l'équilibre climatique... Et dans cet asservissement, la science se perd. Je
pense en particulier à l'entreprise Avantis qui abandonne la recherche
moléculaire pour des raisons comptables.
Toujours au nom de la rentabilité à court terme, des pans entiers de la
recherche seront abandonnés, comme la recherche fondamentale au profit de la
recherche appliquée, et les priorités à chaque niveau d'intervention seront de
même nature.
Dans ce cas, quel est l'avenir de la recherche sur le génome humain, le VIH,
le cancer, les maladies génétiques ? Quel est l'avenir des sciences du vivant,
des nouvelles technologies de l'information et de la communication ?
Les Etats-Unis, le Japon ou, pour l'Europe, la Suède et la Finlande renforcent
leur recherche, préservent leur intelligence à tel point qu'il nous faudrait
une augmentation annuelle de 5 % pour atteindre leur niveau. Et le Gouvernement
livrerait notre « matière grise » à l'exploitation anarchique du marché
national et international... Ce lit de Procuste où la pensée unique joue un
rôle structurant provoque le phénomène historiquement inédit d'une
mondialisation croissante de l'activité scientifique en même temps que recule
son universalité.
Madame la ministre, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen
voteront contre votre budget parce qu'il est insuffisant - c'est un fait -,
mais surtout parce qu'il reflète et encourage des orientations très graves pour
l'avenir. Tout à l'heure, j'évoquais Attila sous la forme d'une boutade, mais
il s'esquisse néanmoins un mouvement grave de coupe sur toutes les dépenses
d'investissement en matière grise. Si les Attila n'ont pas plus frappé dans le
budget de la recherche, c'est sans doute parce que l'herbe était déjà par trop
clairsemée ! Cela doit attirer notre attention.
M. le président.
La parole est à M. Lucien Lanier
M. Lucien Lanier.
Permettez-moi, madame le ministre, de vous dire combien nous apprécions
d'avoir cette année comme interlocuteur, plus encore qu'un vrai ministre
délégué à la recherche, une personnalité de la recherche spatiale qui, par sa
compétence, son courage et sa participation à l'effort de recherche, sait de
quoi elle parle et, surtout, connaît la vertu moderne du travail en équipe qui
est si nécessaire à la recherche contemporaine.
Oserais-je dire que vous êtes un chercheur de terrain, vous cependant dont les
études se situent en altitude ? Nous en admirons l'autorité, sachant qu'en la
matière les jeunes curés font les meilleurs sermons !
(Sourires.)
Peu de temps vous a été imparti pour préparer votre budget, avec la
difficulté de devoir l'intégrer dans les exigences drastiques du budget
national.
C'est bien pourquoi je citerai votre conférence de presse du 25 septembre
dernier au cours de laquelle vous avez d'emblée exprimé votre volonté de situer
la science et la technique « au coeur de la société », afin qu'elles deviennent
l'affaire de tous et surtout qu'elles ne s'immobilisent pas dans une logique
d'affichage, mais qu'elles s'inscrivent dans une logique de résultat.
Vous voilà dans le droit-fil du général de Gaulle qui, pour stimuler les
résultats, avait lancé cette boutade : « des chercheurs, on en trouve, des
trouveurs, on en cherche ». Cette boutade renforçait pour lui l'ardente
obligation de la recherche.
Cette ardente obligation, vous la faites renaître en définissant une politique
nouvelle, un élan dont l'ambition est d'aboutir à consacrer, en 2010, 3 % du
PIB à la recherche-développement, ainsi que le souhaite le Président de la
République.
Pour ce faire, ne vous laissez pas enfermer dans le reproche d'un horizon trop
lointain. Toute planification s'inscrit dans la continuité et dans le temps. Ne
vous laissez pas enfermer dans l'explication d'une régression de 1 % à 3 % des
dépenses ordinaires et des crédits de paiement dont le rapport de notre
excellent collègue René Trégouët démontre qu'il s'agit d'une régression qui,
par ailleurs, est en partie compensée.
Il convient moins de se soucier de l'importance des crédits accordés que de la
qualité de leur utilisation, et c'est à cela que votre action s'attache...
M. Jean-Pierre Sueur.
La qualité ne dispense pas de disposer des moyens !
M. Lucien Lanier.
Parfaitement, mon cher collègue, la qualité de l'utilisation des crédits est
beaucoup plus importante que leur montant !
Votre action s'articule autour de trois choix, madame la ministre.
Le premier, c'est celui, clairement exprimé, des priorités. Le deuxième
concerne la synergie de tous les acteurs publics et privés participant à la
recherche. Enfin, le troisième, c'est le souci de moderniser les méthodes
d'intervention de la dépense publique afin de mieux l'adapter à son temps par
un meilleur rapport entre le coût et l'efficacité des dépenses.
Cela a incité M. le rapporteur spécial à porter une appréciation positive sur
votre budget, et nous le suivrons.
Parmi les priorités que vous retenez, je souhaite saluer votre intérêt pour
les jeunes chercheurs, pour leur formation, pour leur insertion, et surtout
pour la suite de leur carrière. Faut-il rappeler que, l'année dernière, un
sondage de la Commission européenne mettait en évidence certaines raisons qui
détournent les jeunes du secteur de la recherche ? Il s'agissait du manque
d'attrait pour les études scientifiques, de leur difficulté, des perspectives
de carrière incertaines, en particulier matériellement.
Or votre projet de budget a le mérite de tenter d'amorcer une réponse à ce
manque de motivation. Il prévoit, en effet, d'augmenter les crédits de
formation de plus de 11 %, de créer 400 contrats nouveaux pour les
post-doctorants, aussi bien français qu'étrangers, de revaloriser de 5,5 %
l'allocation de recherche et d'augmenter le nombre des conventions
industrielles de formation pour la recherche.
Toutes ces mesures concourent à enrayer le phénomène de la fuite des cerveaux,
que nous déplorons d'autant plus qu'il tend à s'accélérer d'année en année.
Certes, les moyens sont encore très insuffisants, mais ils ont le mérite de
renouer avec une politique incitative de la recherche tenant compte de la
diversité des métiers de chercheur, de leur indispensable mobilité, de la
valorisation des travaux, de l'évaluation des rendements et, surtout, des
débouchés ultérieurs satisfaisant la reconversion des chercheurs vers d'autres
tâches, car il paraît difficile, pour la plus grande part d'entre eux, de
rester chercheur tout au long d'une carrière. La recherche implique une
novation permanente que doit garantir le statut, qui lui-même n'a pas été conçu
pour cautionner l'immobilité du chercheur à vie et qui mérite, de ce fait, une
réflexion novatrice.
Vos priorités s'inscrivent aussi dans votre souhait de garantir les capacités
de fonctionnement et surtout d'investissement des grands laboratoires de
recherche, dont certains voient heureusement leurs crédits progresser, au même
titre que la recherche universitaire. D'autres, et non des moindres,
bénéficient d'un maintien de leurs moyens. Je me réjouis entre autres de voir
garantir au travers du CEA nos compétences à long terme « dans le champ de
l'énergie nucléaire, de la sécurité de ses installations et de ses applications
civiles et notamment biomédicales » - ce sont vos propres termes.
Je souhaite aussi que vous puissiez poursuivre avec bonheur la disponibilité
de fonds d'interventions souples favorisant les démarches contractuelles.
Je dirai cependant un mot sur la grande pluralité des parties prenantes et sur
la prépondérance d'une « kyrielle d'organismes » que dénonce notre rapporteur.
Certes, le poids des plus grands organismes reste prépondérant. Certes, la
recherche a besoin de liberté, mais le morcellement du dispositif de recherche
n'entraîne-t-il pas un surcoût de fonctionnement, voire trop de structures de
coordination ? Cela ne mériterait-il pas une réflexion approfondie et peut-être
un peu de remise en ordre, dans un souci d'efficacité ? Pourquoi ne pas
approfondir la proposition de notre collègue Pierre Laffitte, qui appelle de
ses voeux une fondation pour la science ?
Ces considérations n'affectent pas le nécessaire soutien que vous accordez,
avec bonheur, au Centre d'études spatiales pour des programmes le plus souvent
européens, comme Ariane et GALILEO, ou internationaux, par exemple l'appui,
dans le domaine aéronautique, au développement du gros porteur Airbus 380.
Cependant cette orientation serait de moindre valeur sans votre décision de
soutenir l'innovation et le développement d'une synergie entre les acteurs
publics et privés de la recherche.
Bénéficiant peu de l'effort de recherche, nos PME y participent encore moins,
ce qui nuit au développement de la part des brevets français dans le monde, en
Europe et même en France. Je sais que vous souhaitez y remédier en les incitant
à engager des programmes de recherche commune par le biais du fonds de la
recherche et de la technologie, et il s'agit bien là d'un domaine où il faut
réveiller l'indifférence.
Votre politique vise enfin à mieux adapter les méthodes d'intervention de la
dépense publique. La mobilisation de la trésorerie des organismes en est un
excellent exemple.
En effet, l'exécution des budgets de trop d'établissements se solde par de
substantiels excédents, devenus structurels en se répétant d'année en année.
Des « cagnottes » - le mot revient ! - stériles se constituent, trésoreries
dormantes qu'il est temps de mobiliser à des fins utiles pour la bonne gestion
des organismes de recherche.
Une part de cet inconvénient provient de la lourdeur des contraintes
administratives qui entravent trop souvent et sans raisons toujours valables le
bon fonctionnement des laboratoires. Loin de nous l'idée de contrer la
nécessaire observation des règles du code des marchés publics concernant, entre
autres choses, l'acquisition de matériel scientifique, mais une réflexion doit
être entreprise pour concilier la parfaite honnêteté des dépenses et la
meilleure consommation des crédits, afin d'éviter que ne se reproduise cette
anecdote que me narrait un chercheur célèbre, et non des moindres : l'achat
d'un sèche-cheveux nécessaire à certaines expériences lui ayant été refusé, il
convertit sa demande en l'achat d'un générateur de chaleur, lequel lui fut
accordé sans sourciller !
(Rires.)
Madame le ministre, votre tâche est énorme. Se situant souvent au carrefour
des intérêts et des sentiments, elle s'apparente parfois à la remontée du
rocher de Sisyphe. Faire comprendre l'évolution indispensable de la recherche
est difficile, tant se « calcifient » les résistances au changement, le
corporatisme des droits acquis et l'hostilité aux réformes.
Raison de plus pour se mettre à la tâche au plus vite. Votre projet de budget
n'est que l'amorce, encore bien faible, d'une politique plus sélective, plus
solidaire, plus moderne de la recherche scientifique, d'une recherche épousant
son temps.
Nous souhaitons cependant vous aider à valoriser le merveilleux potentiel de
nos chercheurs, de leurs organismes, de leurs laboratoires, et c'est pourquoi
nous rejoindrons les conclusions de l'excellent rapporteur de la commission des
finances : nous voterons votre projet de budget.
(Applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi
que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Pierre Laffitte.
M. Pierre Laffitte.
Madame la ministre, mes chers collègues, je reprends la parole pour vous
parler d'un point particulier que M. Lanier vient d'évoquer et qui me tient à
coeur : la création d'une fondation.
Nos éminents collègues viennent de nous parler de « fuite des cerveaux » et
d'« entrave au fonctionnement », et, en effet, l'épisode du sèche-cheveux est
significatif ; Mais il n'est malheureusement pas isolé !
Il y a beaucoup plus grave : notre système ne nous donne ni la rapidité, ni la
flexibilité, ni la souplesse de fonctionnement pourtant si essentielles à
l'efficacité.
Plus que dans d'autres pays, nos organismes de recherche sont gênés par les
règlements en vigueur dans ce domaine. Ils le sont, bien entendu, plus qu'en
Amérique du Nord, mais aussi beaucoup plus qu'en Allemagne, où de nombreuses
fondations favorisent, justement, un bon fonctionnement de la recherche.
Comment augmenter l'attractivité de nos organismes de recherche ? Comment
faire pour que la France soit capable d'accueillir, parfois de façon
impromptue, les compétences disponibles ? Comment retenir les prix Nobel de
passage, attirés par tel ou tel centre d'excellence, si ce n'est en leur
garantissant des crédits ?
Nous pensons que, si nous parvenons à cette flexibilité et à cette rapidité si
nécessaires, nous augmenterons d'autant l'efficacité des crédits votés par le
Parlement, parce que, lorsque l'on fait les choses de façon efficace, cela
coûte moins cher et c'est souvent beaucoup plus utile !
Une fondation nous permettrait précisément d'y parvenir. Nous pourrions alors
attirer tous les prix Nobel, de physique ou d'autres disciplines.
Madame la ministre, il me semble que les conditions dans lesquelles une
fondation pourrait être créée sont aisées à déterminer. Vous pourriez, par
exemple, missionner l'un de nos prix Nobel, un Georges Charpak, un
Pierre-Gilles de Gennes ou un Claude Cohen-Tannoudji, qui aurait la faculté de
vous proposer à la fois la structure et les modalités de coordination et de
contrôle, contrôle qui pourrait être exercé conjointement par le ministère, par
un comité des sages et, éventuellement, par la Cour des comptes.
Il s'agit d'un problème majeur, car l'efficacité et l'attractivité de la
France sur les grands esprits internationaux sont en jeu : nous avons des pôles
d'excellence et il faut les faire vivre.
(Applaudissements sur les travées
du RDSE et du RPR.)
M. Jacques Valade,
président de la commission des affaires culturelles.
Très bien !
M. René Trégouët,
rapporteur spécial.
Tout à fait d'accord !
M. le président.
La parole est à M. Serge Lagauche.
M. Serge Lagauche.
Par des tours de passe-passe, vous venez de nous présenter, madame la
ministre, un budget de la recherche pour 2003 à la hausse. Mais personne n'est
dupe : c'est une hausse en trompe-l'oeil fondée sur un changement de périmètre
budgétaire et d'hypothétiques transferts de crédits. En fait, le projet de
budget accuse une baisse réelle de 1,31 %. Il est vrai cependant que les coupes
claires envisagées par Bercy en juillet dernier atteignaient environ 7,6 %.
On a donc échappé au pire et l'on pourrait presque comprendre pourquoi la
majorité sénatoriale, pourtant toujours très attentive à l'avenir de notre
recherche, parvient à soutenir que ce budget en trompe-l'oeil est un bon
budget.
Ce n'est pas le cas des milieux scientifiques que ce budget de rupture
inquiète à juste titre : 162 suppressions de postes de chercheurs dont 137 au
CNRS, abandon du plan de gestion prévisionnelle et pluriannuelle de l'emploi
scientifique, qui prévoyait 300 créations d'emploi pour 2003, diminution des
crédits de soutien aux laboratoires...
Hormis quelques mesures emblématiques concernant les jeunes chercheurs, votre
projet de budget pâtit d'une cruelle absence de perspective pluriannuelle et
d'ambition pour la recherche publique.
C'est pourquoi il a donné lieu à un avis extrêmement négatif du Conseil
supérieur de la recherche et de la technologie, le CSRT. Ainsi, pour ce
dernier, les « mesures qui transforment l'exercice budgétaire 2003 en année
"blanche" au nom d'une pause technique pour apurement des comptes apparaissent
hasardeuses ». Le CSRT s'inquiète encore que « la confiance des scientifiques
et notamment des plus jeunes, déjà fragile, soit pour longtemps cassée ». D'une
manière générale, le CSRT rejette l'absence de prospective du budget civil de
recherche et développement, ou BCRD, pour 2003, qui ne décline aucune grande
orientation, qu'elle soit scientifique, thématique ou organisationnelle. Il lui
semble que celui-ci « reste trop fortement articulé sur une approche comptable
et budgétaire ».
J'avais par ailleurs cru, madame la ministre, que votre nomination serait un
signal fort en direction du secteur spatial. Il n'en est rien : il n'y a pas
plus d'impulsion en ce sens dans votre projet de budget ! Pis, les moyens du
Centre national d'études spatiales sont à la baisse non seulement pour les
autorisations de programme, mais aussi pour les crédits de fonctionnement.
Vous allez sans doute me répondre qu'il vous faut du temps et que vous
attendez le rapport de la commission de réflexion sur la politique spatiale
française et sur les activités du CNES. Soit, mais, en attendant, la crise est
ouverte, après la démission du directeur général, entre la direction et les
personnels, qui ont voté une motion demandant le départ de leur président. Pour
eux, il y a dans la politique de la direction un manque total d'anticipation et
de réactivité face à la crise financière que traverse l'établissement.
Ces personnels craignent par ailleurs que le CNES ne soit contraint de
participer à la recapitalisation d'Arianespace, également en difficulté, ou au
financement du projet de lancement des vaisseaux russes Soyouz depuis Kourou.
Ils s'interrogent également sur la capacité future du CNES à mener des
programmes de recherche et développement ambitieux, alors même que c'est la
mission première du centre. A propos d'Arianespace, je souhaite vivement que le
lancement du tout nouveau modèle d'Ariane 5, capable d'emporter une charge
utile de 10 tonnes, qui est prévu ce soir à 23 h 21, heure de Paris, soit un
franc succès, d'autant qu'Ariane 5 doit mettre en orbite, avec plusieurs années
de retard, le nouveau satellite de télécommunications Stentor.
Ce lancement est d'autant plus important que c'est tout le secteur spatial
européen qui est aujourd'hui en difficulté, notamment à cause de la crise des
télécoms. Aux Etats-Unis, les industriels peuvent compter sur les programmes
gouvernementaux - essentiellement militaires, il faut le dire - pour compenser
le ralentissement des commandes privées. En Europe, non seulement nous sommes
en retard, mais le grand programme civil européen de positionnement par
satellite, GALILEO, est de nouveau à l'arrêt.
Pouvez-vous, madame la ministre, indiquer à la Haute Assemblée dans quel
esprit et avec quelles orientations vous compter aborder, dans ce contexte, la
conférence des ministres en charge de l'espace organisée par l'Agence spatiale
européenne, au début de 2003 ?
Pour conclure, l'avis favorable du rapporteur pour avis de la commission des
affaires culturelles sur le projet de budget de la recherche pour 2003 me
laisse perplexe.
L'année passée, en effet, notre commission s'en était remise à la sagesse du
Sénat sur un budget pourtant en hausse de 2,2 % et prévoyant, entre autres
mesures, la création de 500 emplois principalement à cause d'une prétendue
faible hausse des crédits. Que devrait-elle dire aujourd'hui !
Le second motif invoqué concernait l'insuffisante démocratisation de la
culture scientifique et technique. Or, notre rapporteur n'a pas manqué de
relever que les mesures prévues pour 2003 dans ce domaine, si elles allaient
dans le bon sens, n'en demeuraient pas moins insuffisantes. Qu'aurait-il donc
dû en déduire ? La même chose que nous, s'il était logique avec lui-même,
c'est-à-dire le rejet de ce budget de rupture qui augure mal des suites qui
seront données à la promesse électorale de porter les dépenses de recherche à
hauteur de 3 % du PIB en 2010 faite par le candidat Chirac. Au vu de la baisse
enregistrée cette année, il faudrait, pour y parvenir, une hausse moyenne
annuelle d'environ 7 % sur six exercices. Nous pouvons donc légitimement douter
que cette promesse se réalise...
Je citerai, pour finir, le commentaire de M. Samir Hanash, président de
l'organisation du protéome humain, qui vient de tenir son premier congrès
mondial à Versailles : « Le Gouvernement est conscient des enjeux, et la
ministre a annoncé des initiatives pour soutenir la protéomique. Mais avec un
budget en réduction, il y a peu de marge de manoeuvre pour investir. Il est
très difficile de discerner qui va dominer dans cinq ou dix ans. Mais, sans
investissement, la France et l'Europe seront hors course. »
Ainsi, la majorité sénatoriale ferait-elle mieux d'être réaliste et d'envoyer
un signal fort à son gouvernement et, surtout, au monde de la recherche, en
refusant, avec le groupe socialiste, ce projet de budget.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président.
La parole est à M. Jean-Claude Etienne.
M. Jean-Claude Etienne.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, selon la
formule consacrée par les commissaires aux comptes, ce projet de budget est «
sincère ». Il est réaliste, il est vrai.
M. Jean-Pierre Sueur.
Pas du tout !
M. Jean-Claude Etienne.
Mon cher collègue, c'est l'appréciation qu'un certain nombre d'entre nous se
permettent de porter. En tout état de cause, en ce qui nous concerne, nous
tenons à vous en féliciter, madame la ministre.
Au demeurant, tout le monde est d'accord : il faut plus de recherche. La
recherche, c'est le sésame de l'enseignement, le sésame de l'économie, donc de
l'emploi et donc de l'aménagement du territoire.
C'est dire l'importance du rôle qui est le vôtre, madame la ministre. C'est
dire aussi quelle est notre attente : c'est l'attente de tout universitaire
évidemment, de tout élu naturellement, de tout citoyen tout simplement.
Ce budget est, n'en déplaise à certains, une opération vérité. Il fallait
conduire cette opération ; vous l'avez fait, madame la ministre.
Comme beaucoup d'autres domaines, la recherche appelle toujours plus de
dotations. Or, paradoxalement, d'après le relevé de terrain que vous avez
réalisé, un certain nombre de crédits n'ont pas trouvé, au cours de l'exercice
précédent, l'emploi auquel ils étaient dévolus.
Cela démontre que, en matière de recherches, le problème n'est pas seulement
une affaire de dotations budgétaires : il nous faut désormais, pour avancer,
pour progresser, envisager d'autres schémas opérationnels que ceux que nous
connaissons.
Vous avez prévu, et, là encore, nous vous en félicitons, une forte
augmentation des autorisations de programme, soit plus 4,1 % par rapport à
2002.
C'est important. C'est même l'ouverture de perspectives hautement prometteuses
; mais je souhaiterais que vous nous disiez selon quelle donne nouvelle vous
entendez nous éviter de tomber dans les mêmes ornières. Comment les crédits qui
n'ont pas été consommés, qui ont malencontreusement été immobilisés hier,
seront-ils demain directement injectés dans les programmes de recherche ?
Serviront-ils avec efficacité et pertinence la cause que nous défendons ?
En clair, comment comptez-vous mobiliser ces trésoreries parfois en sommeil
?
Dans cet esprit, permettez-moi de « diaphragmer » mes propos sur les liens qui
unissent recherche et enseignement, supérieur notamment, mais pas seulement.
Permettez-moi également de vous interroger sur la décentralisation de la
recherche et sur le rôle des régions. Quels aspects novateurs pourraient
éclairer d'un jour original les perspectives qui se profilent devant nous et
les distinguer de ce que nous avons connu jusqu'à présent ?
On sait que la recherche est le label de la qualité de l'enseignement,
notamment dans le troisième cycle universitaire, bien entendu.
Les structures d'enseignement supérieur, notamment les universités, ont
essaimé depuis les années soixante sur l'ensemble du territoire national,
naturellement à partir des grandes villes à forte tradition universitaire, en
particulier Paris. Les structures de recherche, elles, n'ont pas suivi. Elles
restent concentrées, notamment en Ile-de-France. Permettez-moi de citer un
chiffre éloquent : 36 % des soutenances de thèse émanent de la seule région
d'Ile-de-France. Seules dix autres régions ont un taux de soutenance supérieur
à 2 %. Cinq régions concentrent les deux tiers des personnels de recherche.
L'Ile-de-France, à elle seule, en réunit 32 %, suivie par Rhône-Alpes, 10 %,
PACA, 8 %, Midi-Pyrénées, 6 %, et Champagne-Ardenne - permettez-moi d'y penser
-, 1 %.
S'agissant de la densité, l'Ile-de-France compte 22,1 chercheurs pour 10 000
habitants, la moyenne étant de 13. Il s'ensuit un immense déséquilibre, avec un
risque de manque de pertinence et de notoriété pour certaines de nos
universités et les autres établissements de l'enseignement supérieur répartis
en région.
Actuellement, toutes les régions françaises disposent d'établissements
supérieurs d'importance.
Parmi eux, beaucoup trop d'enseignements qui ont été installés en région n'ont
pas été pour autant accompagnés des laboratoires et des structures de recherche
correspondants dans leurs disciplines. C'est notamment le cas pour les unités
dépendant de grands organismes de recherche, qui restent beaucoup trop
regroupés, ramassés et centralisés.
Les régions, dans leur grande majorité, souhaitent être acteurs. Elles sont
disposées à participer aux initiatives que vous pourriez prendre pour
optimiser, dans leur territoire, l'organisation nouvelle, liant les
enseignements supérieurs et des structures de recherche encore insuffisamment
présentes. Il en va de la notoriété et de l'éminence des enseignements qui sont
délivrées dans ces universités.
Il est nécessaire que la stratégie nouvelle d'essaimage en région des grands
organismes de recherche devienne enfin une réalité. En effet, l'Ile-de-France
n'est pas la seule région qui recèle des points forts. D'autres régions
possèdent des sites très attractifs. Ces jours derniers, vous avez décidé à
juste titre - et nous vous soutenons - d'implanter le centre français de
protéomique à Grenoble, puisqu'il y a dans cette ville un synchrotron. Nous
savons qu'en matière de recherche, tout naturellement, il pleut sur le mouillé
(sourires)
, même si nous souhaitons qu'un certain nombre de disciplines
qui s'exercent dans l'environnement d'universités à fort rayonnement puissent
d'une certaine façon être « humidifiées » et recevoir ensuite ces compléments
de structures de recherche dont elles ont tant besoin pour assurer la notoriété
de leur enseignement.
Dans ce domaine, il nous faut une stratégie nouvelle qui puisse rejoindre les
désirs que les collectivités locales ont à coeur de développer. Compte tenu de
la convergence de vues des collectivités locales qui ont des structures
d'enseignement supérieur mais peu d'unités de recherche, peut-être
conviendrait-il de rechercher une merveilleuse symbiose, pour permettre, grâce
à un bon relevé du terrain, la meilleure adéquation possible s'agissant de la
recherche dans l'économie, des perspectives qu'elle ouvre et du confort qu'elle
doit apporter à l'enseignement supérieur, en le connotant très étroitement.
Et s'il est un domaine de pointe et fortement prometteur où cela doit
s'appliquer, c'est bien dans celui des biotechnologies, qui ont été évoquées
tout à l'heure par notre éminent collègue M. Revol. En effet, il s'agit souvent
de TPME et de TPMI, de très petites et moyennes entreprises et de très petites
et moyennes industries. Ces biotechnologies ne trouveront, dans l'Europe d'une
manière générale, leur accomplissement au sein de notre économie moderne et
prometteuse que si nous parvenons à délocaliser les chercheurs pour les mettre
au contact des structures universitaires nouvelles et pour les impliquer
directement sur les territoires qui, aujourd'hui, ne sont pas suffisamment
irrigués, par manque de moyens humains, dans le domaine de la recherche.
Ces convergences pourraient fort bien trouver à s'exprimer dans des schémas
régionaux d'aménagement de la recherche. Elles seraient mieux définies que dans
un sous-chapitre d'un contrat de plan, pour lequel, dans ma région comme
ailleurs, on a dû batailler pour savoir quoi apporter à l'existant, surtout
quand il était maigre, et donc pour lui donner un peu de consistance. On sait,
en effet, que les contrats de plan comportent des aspects aléatoires. Un schéma
précis de développement pourrait nous aider afin de savoir ce que l'on entend
faire pour conforter les enseignements supérieurs dans une région donnée. Il
s'agit là d'une première opportunité. Parler de décentralisation et ne pas
avancer dans ce domaine, ce serait manquer une belle occasion.
La seconde opportunité, ce sont les départs à la retraite. Sur ce point, je
serai bref. Comme cela a été dit, dans les cinq années à venir, un nombre
important de personnels de la recherche, toutes spécialités confondues, feront
valoir leurs droits à la retraite. Ce mouvement de vaste ampleur concerne 40 %
des personnels à l'horizon 2010, 31 % des enseignants-chercheurs, 27 % des
chercheurs et 38 % des personnels accompagnants.
Que des responsables de recherche, des chercheurs qui ont passé l'essentiel de
leur vie dans une ambiance « parisianisée », à forte teneur d'environnement
accompagnateur, n'acceptent pas, au deux tiers de leur vie professionnelle, de
s'installer dans un laboratoire, aussi moderne ou extraordinaire soit-il, situé
près de telle université dans telle région, c'est humain.
En revanche, ceux qui leur succéderont auront sans doute envie - et j'en suis
intimement convaincu, car j'ai abordé ce sujet avec un certain nombre d'entre
eux - de trouver un environnement différent de celui dans lequel ont évolué
leurs aînés, leurs mentors. Ils chercheront peut-être à s'exprimer sur un
terrain différent de celui où ils ont gravi leurs permiers échelons dans le
domaine de la recherche.
Quant aux plus jeunes, ils sont, par définition, encore plus ouverts à ces
perspectives. Mais encore faut-il, madame la ministre, que ces perspectives
leur soient offertes et qu'elles soient suffisamment attractives pour qu'ils
n'aient pas l'impression d'aller s'installer loin de tout. Il faudra qu'ils y
trouvent matière à publication et qu'ils puissent faire valoir leurs
mérites.
Ainsi, en mettant en oeuvre ces dispositifs nouveaux, nous aurons saisi deux
opportunités qui s'offrent aujourd'hui à nous ; il s'agit, d'une part, de la
décentralisation, pour que, dans le domaine de la recherche, elle ne soit pas
non plus un vain mot, même si, s'agissant des grands organismes de recherche,
elle s'appelle déconcentration ; il s'agit, d'autre part, des changements en
moyens humains, qui ouvriront des horizons nouveaux à tous ceux qui veulent
s'impliquer dans ce domaine.
En conclusion, les aspects novateurs doivent se développer. Dans le domaine de
la recherche, il serait paradoxal que ce ne soit pas le cas. Je vois ressurgir
le vieux débat aristotélicien : recherche fondamentale, recherche appliquée,
transferts de technologie, j'en passe et des meilleurs. Or tout cela est du
même tonneau et est à l'origine de l'innovation. Votre action, madame la
ministre, sera à l'origine de l'innovation dans tous les territoires de notre
République. Nous avons besoin de nouvelles structures. Je vous remercie de ce
que vous faites. Quant à votre budget, il nous paraît sincère et réaliste, même
si d'autres disent que ce n'est pas le cas.
(Très bien ! et applaudissements
sur les travées du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Georges Othily.
M. Georges Othily.
Madame la ministre, je m'associe aux propos élogieux à votre égard de notre
excellent collègue M. Lucien Lanier. En effet, c'est dans un contexte
international difficile que nous abordons la discussion de votre budget pour
2003.
Le budget de la recherche est certes en baisse, mais je me range à
l'argumentation de notre collègue M. Jean-Claude Etienne. Ce dernier a en effet
brillamment rappelé que les contrats de plan pourraient certainement venir en
supplément compte tenu du manque de crédits pour la recherche dans votre
budget.
Notre excellent rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques, M. Henri Revol, a mis en lumière, dans son rapport écrit, quelques
grandes thématiques, notamment le retard français dans le domaine des
biotechnologies, la situation du secteur spatial en Europe et notamment en
France, ainsi que les grandes perspectives de recherche dans le domaine de
l'énergie nucléaire.
Madame la ministre, vous le comprendrez, mon propos ne concernera que la
partie de votre budget qui m'intéresse particulièrement, je veux parler du
domaine spatial.
Certaines questions relatives à l'activité et au budget de l'espace me
paraissent suffisamment importantes pour que les réponses que vous nous
apporterez viennent atténuer l'inquiétude de la communauté spatiale.
En effet, depuis deux ans, Arianespace doit faire face à des difficultés
structurelles dues à trois éléments importants.
Le premier, c'est la chute de la demande de lancement sur le marché
commercial, en raison de la concentration des opérateurs et du difficile
démarrage des nouvelles applications, en particulier l'échec des constellations
type Globalstar, Iridium et Skybrige.
Contrairement à ses concurrents, Arianespace s'appuie seulement - il faut le
reconnaître - à 90 % sur le marché commercial. L'activité gouvernementale
européenne étant très réduite par rapport aux Etats-Unis, Arianespace se trouve
donc directement et fortement affectée par cette situation.
Le deuxième élément, c'est l'arrivée des lanceurs russes et ukrainiens sur le
marché commercial depuis la fin de la guerre froide, qui sont commercialisés
par des co-entreprises américaines - Proton par Lokheed Martin par le biais de
la société International Launch Services et Zenit Sea par Boeing Launch
Services - bénéficiant de coût de production très bas. Ils ont contribué, cela
va sans dire, à une baisse des prix du marché de plus de 30 %.
Le troisième élément, c'est le retour en force des Etats-Unis, qui ont
développé deux nouvelles familles de lanceurs directement concurrents d'Ariane
et qui seront certainement présents sur le marché dès l'année prochaine.
Ces difficultés nous ont conduits à la situation financière que l'on connaît
aujourd'hui et, en tout cas, le retour à l'équilibre ne semble pas prévu pour
2003.
Face à cette situation, l'industrie européenne a donc pris, c'est vrai, des
mesures sévères depuis deux ans afin de réduire les coûts de production.
Comme vous le savez, l'activité du transport spatial constitue pour l'Europe
un atout stratégique, qui lui permet de développer et d'exploiter comme elle
l'entend l'ensemble des applications spatiales : cela lui assure d'ailleurs une
puissance et une autonomie indispensables dans de nombreux domaines :
politique, militaire - et c'est là notre grand regret par rapport aux
Etats-Unis -, économique, technologique et culturel.
Elle représente également une source d'emplois qualifiés considérable pour
l'Europe et notamment pour la France, et un potentiel très important pour la
Guyane en particulier.
Compte tenu de ces éléments et des caractéristiques de cette activité
industrielle, il est indispensable que les gouvernements européens réaffirment
leur mobilisation pour un soutien politique et financier renforcé.
Dès lors, ce soutien peut, à notre avis, prendre les formes suivantes.
D'abord, on pourrait confier à Ariane les satellites gouvernementaux financés
par les pays européens, d'autant que le lancement des satellites
gouvernementaux russes et américains est strictement interdit à Ariane.
Ensuite, on pourrait accorder d'urgence à sa filière « lanceurs » le soutien
dont elle a besoin pour demeurer opérationnelle. Un plan d'action établi par
l'Agence spatiale européenne doit faire l'objet d'une décision lors d'une
conférence ministérielle de l'ESA, au début de l'année prochaine ; il est
important qu'il soit soutenu par le Gouvernement français et qu'il soit adopté
le plus rapidement dans son intégralité.
Enfin, on pourrait lutter contre certaines pratiques inéquitables auxquelles
les Etats-Unis ont recours pour limiter l'accès d'Ariane au marché
commercial.
Madame la ministre, permettez-moi enfin, comme l'a d'ailleurs fait l'un de nos
collègues, de vous interroger sur la programmation de la construction d'un
nouveau pas de tir à Kourou, en Guyane, pour le lancement de vaisseaux russes
Soyouz. A quelques semaines de la réunion de l'ESA, rassurez-nous sur ce
montage financier.
Vous pouvez compter sur mon soutien et, plus largement, sur celui du groupe
auquel j'appartiens, le Rassemblement démocratique et social européen.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur.
Madame la ministre, comment pouvez-vous accepter de nous présenter un tel
budget ?
(Sourires sur les travées du RPR).
Nous avons le sentiment
d'assister à un débat un peu artificiel. Imaginez un instant que le précédent
gouvernement ait présenté un budget identique : ceux qui vous apportent
aujourd'hui un soutien sincère n'auraient pas eu de mots assez durs pour dire
qu'il n'était pas acceptable. Tout le monde le sait ici.
M. Paul Blanc.
Vous, vous l'auriez voté !
M. Jean-Pierre Sueur.
Votre budget, vous le savez, madame la ministre, baisse de 1,31 %, et, puisque
l'on peut imaginer le taux d'inflation pour l'année à venir, on voit que les
moyens diminueront de 3 % en volume. Le nombre de postes, vous le savez aussi,
diminue, avec 50 postes de moins dans votre budget, alors que 500 ont été crées
dans le budget précédent. L'objectif, c'est 3 % du PIB, aussi bien à l'échelon
français qu'à l'échelon européen.
Madame la ministre, les paroles de M. le Président de la République, alors
candidat, résonnent encore à nos oreilles. Dans son style inimitable, que nous
connaissons bien, il déclarait ceci : « L'engagement doit être historique et
surclasser tout ce qui a été fait dans le passé. Le montant des dépenses
publiques et privées consacrées à la recherche et au développement doit être
porté à 3 % du PIB avant la fin de cette décennie. La France pourrait alors
être, dès 2007, en tête des pays de l'Union européenne. » Comme l'a
excellemment expliqué M. Serge Lagauche, pour tenir cet engagement, il
faudrait, compte tenu du budget pour 2003, que le budget augmente de 7 % par an
pendant six exercices. Pourquoi annoncer des choses que l'on ne fait pas ?
N'est-il pas dérisoire, finalement, de faire de telles déclarations
lorsqu'elles sont suivies d'un effet qui est faible ?
Vous connaissez parfaitement le rapport du Conseil supérieur de la recherche
et de la technologie. Il précise ceci : « Ce projet est en rupture avec une
tendance qui, bien que positive, était néanmoins fragile. En effet, le volume
réel des financements de la recherche, en masse salariale et soutien aux
laboratoires et aux équipes de recherche publiques et privées, reste très en
deçà des besoins de la nation, notamment eu égard aux efforts faits
actuellement par les Etats-Unis, le Japon et d'autres nations. Cette inflexion
négative forte et un effort en volume qui reste insuffisant sont d'autant plus
inquiétants que l'Union européenne entre dans une nouvelle dynamique avec le
sixième programme - cadre pour la recherche et le développement technologique.
»
S'agissant des postes, j'ai constaté, à la lecture d'un quotidien du soir, que
vous aviez un certain sens du paradoxe. En effet, vous avez réussi à expliquer
que « le plan décennal pour l'emploi scientifique », mis en place par M.
Schwarzenberg, qui prévoyait 140 créations de poste de chercheur en 2003 - et
qui est
de facto caduc
-, portait « sur une période trop courte ». Si
dix ans, c'est trop court, peut-être voudriez-vous un plan pluriannuel de
cinquante ans, ou d'un siècle ?
(Sourires.)
Parce que nous raisonnons en fonction des enjeux des années à venir, nous
affirmons que ce n'est pas une bonne chose que de renoncer à un plan
pluriannuel : il fallait le respecter et, si possible, faire mieux.
Tout le monde connaît les chiffres : les crédits du CNRS en diminution de 3,42
% ; ceux de l'INRA, de 1,74 % ; ceux de l'INSERM, de 1,85 % ; ceux de l'IRD,
l'Institut de recherche pour le développement, de 0,87 % ; ceux de l'ADEME,
l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, de 15,27 % ; ceux
du CNES - ils ont déjà été très largement évoqués, madame la ministre - de 2,71
% et, en autorisations de programmes, de 1,54 %.
Ayant rencontré des personnels du CNES, madame la ministre, je dois vous faire
part à mon tour de l'incompréhension qui est la leur. Vous savez combien vos
titres, vos compétences, votre personnalité sont éminemment respectés dans le
domaine de la recherche spatiale ; tous ces personnels considèrent que c'est un
signe très négatif que vous envoyez au CNES en présentant un budget comportant
de telles réductions.
Vous avez aussi annoncé pour la fin de l'année 2002 un plan de « réformes
d'envergure » - je vous cite encore. J'espère de tout coeur que, malgré le
mauvais pas, la mauvaise nouvelle que représente ce budget - et je ne comprends
pas comment on peut considérer sincèrement qu'il connaît une bonne progression
! -, vous aurez les moyens - votre volonté n'est pas en doute - de donner à la
recherche française l'impulsion qui lui est nécessaire. Elle en a besoin pour
garder sa place à l'échelle européenne, elle en a besoin pour cet avenir en
lequel se projettent tant de jeunes chercheurs, tant d'étudiants, tant de ces
chercheurs qui, bien sûr, sont satisfaits de voir des postes dégagés pour les
post-doctorants - c'est là un point positif - mais qui nous disent aussi que,
s'ils ne débouchent pas sur de vrais postes, l'attente ne pourra qu'être
déçue.
Pour ce plan d'envergure, comportant des réformes d'envergure, que vous allez,
je l'espère, nous annoncer bientôt, madame la ministre, nous devons surtout ne
pas oublier ce qu'a dit M. le Président de la République ; je le cite de
nouveau parce que cela me paraît important : « L'engagement doit être
historique. Il doit surclasser tout ce qui a été fait dans le passé. »
N'oublions pas ces fortes paroles.
(Applaudissements sur les travées du
groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Claudie Haigneré,
ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies.
Monsieur
le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je remercie tout d'abord tous
ceux qui sont intervenus dans le débat, en particulier les trois rapporteurs,
MM. Trégouët, Laffitte et Revol, qui connaissent extraordinairement bien la
question. Ils ont en effet réussi à dégager, derrière l'aridité de la
présentation budgétaire, les lignes de force que je souhaite défendre, et j'ai
apprécié que soit reconnue la volonté qui est mienne de porter une ambition
pour la recherche.
J'ai également beaucoup apprécié les multiples interventions. Il est important
pour le Gouvernement - Luc Ferry vous l'a dit tout à l'heure - qu'un débat sur
la politique nationale de recherche-développement puisse se tenir de manière
régulière, afin d'alimenter ce qui apparaît donc comme un objectif commun, même
si les discours montrent plus ou moins de compréhension à l'égard de notre
action.
Parce qu'elles conditionnent la construction des perspectives d'avenir pour
les jeunes, pour notre société, la recherche et l'innovation ont beoin d'être
soutenues par cette ambition, indispensable à la préparation maîtrisée de notre
avenir.
M. Sueur m'a accompagnée il y a quelques mois sur le chemin de Jeanne d'Arc, à
Orléans.
M. Jean-Pierre Sueur.
Ce fut un grand moment !
Mme Claudie Haigneré,
ministre déléguée.
Pour poursuivre notre échange d'alors, monsieur le
sénateur, je vous dirai que je me sens le porte-parole, le porte-voix de la
communauté scientifique : je souhaite pouvoir cristalliser pour les jeunes ce
désir de science, cet engagement, cette attraction pour des métiers de la
recherche qui vont changer, je souhaite pouvoir leur offrir des perspectives,
comme le disait M. Etienne, ici et là-bas.
Je ne peux le faire qu'en étant proche de la communauté scientifique, proche
des jeunes, attentive à la recherche privée et à ce
continuum
qui fait
toute la richesse de nos activités, depuis la recherche fondamentale jusqu'à
l'innovation et à la recherche industrielle, mais aussi en étant cohérente avec
la politique gouvernementale, avec les efforts budgétaires destinés à réduire
les déficits.
Ces efforts nous ont valu les louanges de certains, pour la façon transparente
et sincère dont nous avons essayé de construire ce budget - plusieurs d'entre
vous l'ont souligné - ; d'autres nous les ont reprochés. Pourtant, nous
essayons d'avoir la meilleure gestion possible des ressources publiques, tout
en préservant l'intérêt de la science et de la communauté scientifique. De ce
point de vue, j'attache une grande importance à la décentralisation - j'aurai
l'occasion d'y revenir - qui peut permettre toutes les synergies au service
d'une recherche efficace.
Je suis également, bien sûr, attentive à la représentation nationale. On a peu
évoqué dans cet hémicycle cet aspect de la science, qui peut être mise à la
disposition de la société avec tous ses objectifs, tout ce qu'elle permet de
comprendre, tout ce qu'elle permet de partager. Je voudrais aussi pouvoir
soutenir la démocratie participative, en cohérence avec la démocratie
représentative que vous incarnez, pour que nous partagions l'ambition que
j'évoquais et que, ensemble, nous puissions la concrétiser.
Je ne rappellerai pas ce soir le détail du budget, que vous connaissez
d'autant mieux que j'ai eu le plaisir d'intervenir à plusieurs reprises auprès
des commissions du Sénat, que ce soit la commission des finances ou la
commission des affaires culturelles, et nos échanges ont été, je crois,
fructueux. Je reprendrai simplement quelques-unes de ses grandes orientations,
car elles vont me permettre de répondre à certaines des questions qui m'ont été
posées.
Je tiens auparavant à préciser que la semaine prochaine, le 4 décembre
exactement, je ferai en conseil des ministres une communication au sujet de
notre politique de recherche, suivie la semaine suivante par la présentation de
la politique de l'innovation, en concertation avec Mme la ministre déléguée à
l'industrie, Mme Nicole Fontaine, présentation que je souhaiterais pouvoir
intituler : « Les savoirs créateurs de valeurs ».
Ces valeurs créées, ce sont pour moi les valeurs liées à l'innovation, à ce
monde économique dans lequel on s'implique, mais aussi les valeurs que
représentent la réflexion éthique et la participation à la construction de
l'avenir et des perspectives que l'on voudrait pouvoir proposer aux jeunes et
au pays dans son ensemble, pour son ambition européenne et internationale.
Etre créateur de valeurs, c'est aussi donner de la valeur, mettre en valeur :
la valorisation fait partie des activités que nous devons soutenir.
Vous aurez déduit de mes propos que l'une de nos grandes orientations est,
bien sûr, le soutien résolu à la recherche fondamentale dans sa capacité
d'excellence ; sur ce point, la communauté scientifique nous comprend et nous
soutient.
M. Etienne rappelait à juste titre que les autorisations de programmes ont
toutes été au moins maintenues à niveau et même, pour la plupart, augmentées.
Ainsi, notre action pourra se concrétiser dans cet égal soutien à la recherche
technologique, ce
continuum
d'activités au service des grands enjeux de
société. Ceux-ci - enjeux économiques, enjeux politiques, enjeux stratégiques -
nécessitent effectivement un regard particulier sur la recherche publique, qui
est l'un des éléments de notre capacité à progresser, mais aussi sur toutes les
synergies, tous les partenariats qui peuvent être mis en oeuvre grâce à la
coopération avec la recherche privée, celle des entreprises. Je reviendrai sur
toutes ces possibilités d'améliorer les partenariats locaux et européens.
Il m'a été reproché que l'Europe soit peu présente dans mon discours.
Pourtant, je m'implique beaucoup sur ce terrain, surtout depuis quelques
semaines. Ainsi, j'ai représenté le Gouvernement au Conseil de l'enseignement
supérieur, au Conseil « compétitivité », au Conseil « recherche », avec chaque
fois la volonté de montrer notre détermination à construire un espace européen
de la recherche et à donner à la France les moyens de s'organiser de façon à
être excellente et à être intégrée dans les projets et dans les pôles par des
régions bien placées pour le faire. J'ai même été présente au lancement du
sixième programme-cadre de recherche et développement !
J'ai essayé de profiter de toutes ces occasions - j'y reviendrai - pour
proposer une action ambitieuse en faveur d'un outil tout à fait extraordinaire
: l'infrastructure spatiale, au service des besoins de la société, avec la
technologie, la recherche industrielle et l'enjeu stratégique qui s'y
rattachent.
Les activités européennes sont souvent structurées autour de pôles bilatéraux,
et M. Pierre Laffitte a évoqué le traité de l'Elysée et la coopération
franco-allemande. Il est vrai que, dans ce cadre, nous avons des projets
importants, concernant en particulier les biotechnologies et le secteur
spatial, mais aussi bien d'autres domaines de la recherche. Sur tous ces
sujets, notre collaboration est marquée de la même volonté de nous impliquer en
nous fixant pour objectif de consacrer 3 % du PIB à nos dépenses de
recherche.
Cet objectif est très stimulant, parce qu'il vaut à l'échelon non seulement
national, mais également européen, même s'il s'inscrit dans le long terme et ne
peut être atteint qu'après plusieurs étapes. La France, qui a su montrer
l'exemple dans la construction européenne, le montrera aussi dans ce
domaine.
Quelles sont nos priorités dans le domaine de la recherche ? Pour les
déterminer, il nous faut savoir à quels grands enjeux nous devons répondre, car
nous considérons, comme vous tous, que la recherche est un élément essentiel
de la construction de l'avenir. Nous sommes face à des enjeux forts, des enjeux
de société, des enjeux économiques, des enjeux de politique publique, des
enjeux stratégiques. Nos efforts ont été concentrés sur ces grands axes-là,
dont certains demandent des réponses immédiates, d'autres des réponses à plus
long terme.
Je pense d'abord à la santé humaine, notamment à la lutte contre le cancer, et
vous avez rappelé mon engagement, la semaine dernière, auprès du programme
HUPO, qui doit donner toute sa place à la protéomique ; nous avons déjà de
bonnes capacités et des centres d'excellence en ce domaine, sans parler de ceux
qui restent à explorer.
Il est également important de prendre en compte la sécurité alimentaire et la
qualité des productions agricoles, c'est-à-dire le développement des
biotechnologies, pour lesquelles nous sommes en train d'élaborer, en
collaboration avec le ministère de l'industrie, un plan qui sera présenté au
début de l'année 2003.
De même, il est important de soutenir les sciences et technologies de
l'information et de la communication, entendues au sens très large, telles que
les télécommunications, la microélectronique, les nanotechnologies, parce que
ces secteurs contribuent au partage des connaissances et à la création des
valeurs que j'évoquais tout à l'heure.
J'en viens au développement durable. Ce matin s'est tenu un important
séminaire gouvernemental sur le sujet, qui préoccupe l'ensemble du
Gouvernement, l'ensemble des citoyens, et tout particulièrement, parmi ces
derniers, les chercheurs. J'ai présenté un projet de « recherche exemplaire »,
pour un Etat exemplaire, dans le cadre d'un développement durable. Les enjeux
éthiques et les enjeux économiques ont été pris en compte pour préparer notre
avenir et celui des générations futures.
Je n'utilise pas le terme de « réforme » pour décrire la nécessaire évolution
du service public de la recherche. Pour autant, l'objectif de recherche
exemplaire doit nous conduire à réfléchir aux moyens de « libérer » la
recherche, de la faire progresser et de lui donner plus de flexibilité, tout en
ayant une meilleure gestion des fonds publics et en mobilisant les différent
acteurs.
M. Jean-Marc Todeschini a exprimé tout à l'heure sa crainte de voir la
recherche exemplaire se rapprocher trop de la recherche industrielle et de se
laisser alors guider, dans l'accès aux connaissances, par des valeurs éloignées
des nôtres. L'application industrielle est marquée par la volonté forte de
s'inscrire dans le développement durable, même si elle reconnaît les enjeux
économiques et les utilise. C'est là une préoccupation que nous partageons
pleinement.
Le développement durable a bien des facettes, mais l'un de ses aspects
importants est la question des grands équipements liés à la politique de
l'énergie et aux modes de production et de consommation.
M. Revol a fait part de ses préoccupations, en particulier sur ce grand
équipement devant démontrer la faisabilité de la fusion nucléaire à long terme
et son intérêt économique, le projet ITER-FEAT. Je lui confirme que nous avons,
bien entendu, déposé le dossier technique et le dossier de candidature du site
de Cadarache, et que nous en sommes à l'analyse de la partie sécurité. Le
dossier n'est donc pas complètement bouclé : nous attendons de la Commission
européenne des précisions sur les financements, et quelques autres éléments
restent encore à examiner et à inclure dans le dossier avant que nous puissions
soutenir formellement la candidature, ce qui devrait être possible en février
2003.
Pour ce qui est des réacteurs nucléaires à fission du futur, des décisions
devront effectivement être prises dans les mois à venir. Il ne s'agit bien sûr
que d'orientations de recherche, mais elles nous semblent prometteuses, et nous
restons très ouverts.
Il est vrai que nous avons assisté depuis cinq ans au ralentissement de
certains programmes relatifs à ces questions d'énergie, voire à leur arrêt. Le
redémarrage du réacteur Phénix devrait intervenir au début de l'année 2003, ce
qui permettra de relancer ce programme de recherche sur l'axe
séparation-transmutation, lié à la loi de 1991, d'envisager des innovations
dans le traitement des déchets nucléaires et de mieux réfléchir à l'utilisation
et à la gestion de l'énergie nucléaire.
Dans ce domaine, les charges sont prêtes et plus rien ne s'oppose,
normalement, à ce que les expériences soient conduites.
Je ne m'étendrai pas sur les modes de transports individuels ou collectifs,
qu'ils soient routiers, ferroviaires ou autre ; sachez qu'une autre de nos
priorités est, bien entendu, l'espace.
MM. Revol, Lagauche et Othily se sont montrés particulièrement soucieux des
difficultés du secteur spatial. Vous imaginez à quel point je suis consciente
de l'acuité des enjeux et de la situation, laquelle est complexe sur les plans
tant national qu'européen et international.
La complexité de la situation nationale m'a effectivement conduite à mettre en
place une commission de réflexion sur la politique spatiale, afin de redéfinir
le positionnement du CNES au sein de ces grands enjeux. La vision étant
difficile à dégager de l'intérieur, il était important de bénéficier d'un
regard extérieur. Si certaines questions doivent être instruites en urgence, il
en est d'autres, celles qui concernent la préparation de l'avenir, pour
lesquelles il est nécessaire d'élaborer une stratégie raisonnée.
Vous avez même évoqué ces projets européens, tel GALILEO, que nous avons
portés et que nous pensions pouvoir faire avancer rapidement. Nous avons cru y
être parvenus la semaine dernière, et je crois que le volet concernant l'Agence
spatiale européenne se dénouera dans les prochains jours. Tout cela montre à
quel point il faut savoir être à la tête du mouvement et avoir la force de bien
se structurer pour conduire les grands projets stratégiques.
La construction du pas de tir de Soyouz à Kourou ouvre des perspectives de
coopération entre l'Europe et la Russie qui constituent des éléments importants
du contexte international.
Si vous avez évoqué la recapitalisation d'Arianeespace, en revanche, vous avez
peu parlé des programmes scientifiques, notamment du programme martien. La
communauté industrielle attend pourtant des propositions pour s'engager dans la
réalisation de satellites de charges utiles.
Il faut aussi promouvoir le programme Ariane. Des scénarios nous sont
proposés, des stratégies sont mises en place. L'Agence spatiale européenne, en
particulier, a lancé un grand programme de réflexion sur la structuration des
lanceurs pour l'avenir. La conférence ministérielle qui se tiendra au début de
l'année 2003, au sein de l'Agence spatiale européenne, sera le lieu de
discussions intéressantes qui déboucheront sur des décisions concrètes allant
dans le sens de la reconnaissance de la compétition internationale. C'est
celle-ci qui rend indispensable le soutien de certaines de ces activités par le
Gouvernement.
Nous sommes conscients des enjeux, et nos propositions intègrent à la fois les
efforts des industriels - je reconnais qu'ils en ont fait beaucoup - et ceux
que nous sommes, nous aussi, amenés à consentir.
J'ai, pour ma part, proposé à la Commission européenne de réfléchir à cet
enjeu stratégique que représente l'outil spatial. C'est lui qui nous permet
d'accéder à des données portant sur l'ensemble du globe, de les utiliser et de
les retransmettre. Nous ne pouvons pas nous permettre d'avoir une information
émanant d'une source unique. Il doit aussi y avoir une source européenne, ce
qui implique un lanceur, une capacité industrielle, etc.
Il faut donc reconnaître à cette politique spatiale, qui est au service des
transports, de l'agriculture, de la météorologie et de toute une série d'autres
activités, un rôle important, qui peut être inclus dans le traité européen. Il
s'agit d'un grand projet que je vais m'efforcer de porter, de manière qu'il
prenne toute sa place dans l'avenir européen. Cela passe aussi par une
réflexion sur la synergie des activités de recherche en amont, ainsi que par
certaines réalisations en coopération avec le ministère de la défense.
J'ai d'ailleurs des contacts réguliers avec le ministère de la défense en vue
de mieux exploiter nos ambitions communes, nos programmes et nos moyens, tant
matériels qu'humains.
J'ai été très heureuse d'entendre certains d'entre vous - MM. Lanier et
Etienne, notamment - employer, outre la notion très importante d'« innovation
», celle de « novation ». Nous souhaitons en effet être novateurs, et nous
devons l'être avec le type de budget que nous présentons.
Nous devons nous montrer novateurs, en particulier, dans la gouvernance du
système de recherche. Il nous faut développer une culture de projets ainsi
qu'une décentralisation ou une déconcentration permettant d'établir plus de
synergie avec les régions, les universités, les organismes de recherche. Il
nous faut constituer des partenariats, passant par la contractualisation, de
manière que se constitue un
continuum
entre la formation, la recherche
et le tissu industriel, y compris les PME et les très petites entreprises.
Cela va de pair avec une redéfinition du pilotage de la recherche au niveau
national.
Je serai demain en Bourgogne pour discuter, avant que ne se tiennent des
assises locales, avec les présidents d'université et les recteurs sur ces
questions de recherche et de décentralisation. Ce dialogue est très important
pour prendre en compte toutes les sensibilités que vous seuls pouvez exprimer
quand vous êtes sur le terrain.
Bien sûr, l'objectif quantitatif des 3 % du PIB consacrés aux dépenses de
recherche est important mais il ne faut pas négliger l'aspect qualitatif que
recouvrent la gouvernance, la mobilisation, et surtout l'attractivité de notre
recherche vis-à-vis des jeunes que nous allons accompagner en leur donnant des
perspectives, en leur offrant un véritable contrat avec un laboratoire public
ou un laboratoire privé.
Ce sont ainsi 400 « post-docs » qui ont été mis en place cette année. Il
s'agit de mobiliser notre potentiel, actuel et futur, de créer toutes les
synergies possibles.
La participation de la recherche privée à cet effort doit être plus marquée,
car le financement public, en France, atteint déjà un niveau important par
rapport à la plupart des pays européens. Nous devons essentiellement favoriser
la synergie entre le public et le privé ainsi que le renforcement de
l'implication privée.
Notre plan en faveur de l'innovation comportera donc des éléments concernant
la culture de l'entreprise, pour attirer les jeunes vers de nouveaux métiers,
mais aussi des éléments portant sur des aspects fiscaux et administratifs
susceptibles de créer un cadre attractif pour la recherche.
Je tiens à dire à M. Laffitte que nous avons pris en compte sa proposition sur
les fondations. Je sais que le ministère de la culture a fait aussi des
propositions en faveur de fondations plus spécifiquement tournées vers la
culture scientifique et technique. Ces fondations de recherche supposent une
implication de tous les partenaires et même de tout citoyen susceptible de se
sentir concerné. Cela suppose que soit dissipée la défiance qui peut exister
dans la société envers certains progrès de la science et surtout de la
technique.
Je veux, avant de conclure, évoquer l'emploi scientifique, sujet que MM.
Todeschini et Sueur ont abordé.
Sachez qu'il s'agit pour nous d'une préoccupation importante, d'autant que,
bien évidemment, nous serons bientôt confrontés à un renouvellement important
de notre potentiel de chercheurs. Dans cette optique, il faut maintenir la
compétence, transmettre les savoirs et donner des perspectives aux jeunes en
leur permettant de s'impliquer dans des projets.
Il est vrai que dix ans apparaissent comme une période un peu courte quand on
pense qu'une carrière de chercheur s'exerce sur trente années. La période
actuelle donne la flexibilité nécessaire pour se positionner sur une carrière
de chercheur qui est de trente ans.
Dans cette mutation de la recherche, il convient de repenser le métier de
chercheur en interdisciplinarité, en fonction des priorités des organismes. Il
ne faut pas systématiquement remplacer un chercheur par un autre. Il est
nécessaire, au contraire, de donner de la flexibilité, de la mobilité au
système et d'opérer un redéploiement. Nous nous attacherons à adopter une
politique bien construite dans ce domaine.
Certes, des emplois de chercheurs ont été supprimés, mais le renouvellement
régulier de 3 % des effectifs dans les laboratoires a été respecté. Avec ce
choix, le système n'a pas été mis en danger. Nous avons créé 100 postes
d'ingénieur de recherche, d'ingénieur d'étude, d'encadrement administratif. Il
nous semble en effet important d'offrir cet encadrement, indispensable qui est,
à ces chercheurs désireux de travailler à la fois dans la sérénité et dans un
esprit de compétitivité. Il est en effet important d'avoir un environnement
favorable pour ces plates-formes très sophistiquées ; et cela suppose un
encadrement technique et administratif adéquat.
Bien sûr, le système souffre de certaines lourdeurs.
On a parlé des reports de crédits. Il peut s'agir de crédits tout à fait
justifiés mais correspondant à des actions difficiles à mettre en oeuvre du
fait de la complexité des relations de partenariat ou simplement parce qu'il
est difficile d'obtenir immédiatement une infrastructure, un équipement. Là
aussi, les chercheurs se mobilisent. Nous-mêmes essayons d'apporter cette
flexibilité et de faire preuve de plus de diligence dans l'utilisation des
moyens. Cet environnement administratif et technique autour des chercheurs
permettra sûrement de lever les lourdeurs.
Ce projet de budget pour 2003 est un projet vérité. Pour avoir un effet de
levier, pour obtenir l'adhésion du public et celle de la communauté
scientifique, des moyens sont évidemment nécessaires. Nous savions, en
élaborant ce projet vérité qui privilégie l'exécution, qu'il s'agissait d'un
budget de transition. Nous devons nous mobiliser pour amorcer cette progression
que nous visons. Je vous demande de nous permettre de prendre cet élan. Je
pense que vous souscrivez à l'ambition qui est la nôtre et que, après avoir
soutenu ce projet de budget pour 2003, vous nous aiderez à préparer un projet
de budget pour 2004 qui soit à la hauteur de cette ambition.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurants aux états B
et C et concernant la jeunesse, l'éducation nationale et la recherche : III. -
Recherche et nouvelles technologies.
ÉTAT B
M. le président.
« Titre III : 16 282 850 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre IV : 34 795 011 euros. »
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, sur les crédits.
Mme Marie-Christine Blandin.
Madame la ministre, nous avons tous joué ici un rôle assez convenu : vous avez
défendu un budget dont vous avez été déçue ; vos amis ont soutenu un budget
dont ils savent qu'il n'est pas bon. Quant à nous, en tant que membres de
l'opposition, nous n'avons donc guère eu de mal à trouver des sujets nous
permettant d'« appuyer là où ça fait mal » : affaiblissement des moyens,
périmètre modifié pour faire illusion, suppression de postes, pilotage de plus
en plus centralisé au ministère, restrictions à venir en raison de la faible
croissance et quadrature du cercle pour 2004.
Mais ce n'est pas ce « casting » que je choisirai pour évoquer le titre IV,
car d'autres failles m'alertent.
Les priorités énoncées, comme la santé humaine, la sécurité alimentaire ou le
développement durable, avec mention de la biodiversité et de la coopération
Nord-Sud, vont vraiment dans le bon sens.
Cependant, au détour d'un tableau, on découvre que, sur le budget concernant
le développement durable, qui s'élève à 249 millions d'euros, 236 millions sont
réservés à l'institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, l'IRSN. Ainsi,
hors du nucléaire, ne restent que 13 millions pour réfléchir sur l'avenir de la
planète !
Dans le même état d'esprit, la baisse de 19 % des crédits de recherche de
l'ADEME est une grave renonciation à nos responsabilités vis-à-vis des
générations futures.
Autre exemple : la cancérologie est annoncée comme une priorité présidentielle
et nationale, mais il est bien difficile d'en lire la traduction dans le projet
de loi de finances. L'Agence nationale de recherche sur le sida reçoit très
justement 37 millions d'euros. Y a-t-il un effort comparable sur le cancer ?
Quelle est la lisibilité de ce qui est nommé « thématique cancer » du réseau
francilien ?
En commission, vous avez, madame la ministre, dit souhaiter que « la science
et la technique soient l'affaire de tous », ajoutant qu'il convenait « de
rechercher une participation active aux choix de société ».
Je plaiderai pour cette société émancipée, c'est-à-dire cultivée et donc
libre. Or, en France, les rares initiatives de culture scientifique, souvent
épaulées par des bénévoles, peinent à rassembler leur fruste budget. C'est
pourtant un véritable enjeu national que de donner aux gens les moyens de
comprendre leur univers et les techniques qui changent leur vie.
Il en va ainsi du principe de précaution, qui n'a de sens que s'il est
collectivement porté et s'il qualifie le projet. Toute mise en scène de peurs
obscurantistes serait contre-productive pour tous.
Dans un autre domaine, des 550 millions d'euros dont il dispose, l'INRA
consacre une part significative à la recherche sur les OGM, les organismes
génétiquement modifiés. Est-ce une demande des contribuables ou des
multinationales ? Alors que les consommateurs affirment leur volonté de ne pas
manger d'OGM, alors que le tiers-monde n'y trouvera pas de solution aux famines
et aux carences, est-il acceptable, en démocratie, d'orienter l'argent de la
recherche agronomique selon les besoins des exportateurs ou des semenciers ?
Le deuxième aspect de la mobilisation de la société est son droit à faire
entendre la demande citoyenne de recherche.
Aujourd'hui, une majorité se dégage pour ne plus opposer recherche publique et
recherche privée. Mais, alors, pourquoi fragiliser la liberté et l'indépendance
du chercheur public en envisageant de précariser ses statuts ? Il y a peu de
chances de voir la recherche privée répondre aux questions gênantes de
l'origine de certaines maladies, alors qu'elle sera prompte à inventer des
molécules commerciales pour les soigner. Or la population attend l'un et
l'autre.
Je sais que le CNRS envisage deux conférences de citoyens par an. Mais cette
culture du débat transparent, contradictoire, lisible mériterait un
investissement notable de votre ministère ; et cela ne coûte pas cher !
Gageons, au passage, que cela réveillerait l'appétit de carrières scientifiques
chez les jeunes, car leur générosité les rend plus sensibles à l'utilité
sociale qu'au simple prestige du « labo » ou de la blouse blanche.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe
CRC.)
M. le président.
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits sont adoptés.)
ÉTAT C
M. le président.
« Titre V. - Autorisations de programme : 1 220 000 euros.
« Crédits de paiement : 610 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 2 358 310 000 euros.
« Crédits de paiement : 1 874 448 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Claudie Haigneré,
ministre déléguée.
Je tiens à remercier le Sénat de faire confiance au
ministère chargé de la recherche et des nouvelles technologies pour mener à
bien ces projets.
Sachez, mesdames, messieurs les sénateurs, que, dans notre désir d'être
proches de vous, nous avons aussi des comptes à vous rendre, que nous
réfléchissons, par exemple, à des indicateurs de performance.
Je veux remercier tout spécialement M. le président de la commission des
finances d'avoir compris la mobilisation de la recherche au service des
objectifs pour lesquels elle essaie de se donner les moyens de réussir.
M. Jean-Pierre Sueur.
Vous avez de la chance d'avoir échappé aux amendements de la commission des
finances !
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances.
Madame la ministre, j'ai voté
votre budget avec enthousiasme. Nous faisons confiance à la politique que vous
avez décrite avec beaucoup de conviction.
Vous êtes bien consciente que nous sommes confrontés à une situation
financière qui s'est quelque peu altérée. Hier, votre collègue ministre délégué
au budget nous a demandé de modifier, par voie d'amendement, l'article
d'équilibre, et il a prié la commission des finances d'appeler le Sénat à la
responsabilité.
Je voudrais dire à Mme Blandin que ce qui change c'est qu'on substitue à des
budgets d'affichage des budgets de sincérité.
(Exclamations sur les travées
du groupe socialiste.)
Il ne suffit pas d'inscrire des crédits pour
alimenter agréablement une chronique : encore faut-il exécuter un budget.
Au cours de l'année 2003, nous demanderons des comptes à chaque ministre sur
sa gestion. Telle sera, croyez-le bien, notre attitude. Nous porterons une
attention toute particulière à l'exécution budgétaire et nous veillerons,
madame la ministre, à ce que les crédits mis à la disposition des institutions
de recherche soient utilisés et mobilisés, car il y a manifestement un problème
d'utilisation des crédits au sein de votre ministère.
M. Ivan Renar.
Liberté surveillée, madame la ministre !
(Sourires.)
M. le président.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant la recherche.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à vingt-deux heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures vingt, est reprise à vingt-deux heures
trente, sous la présidence de M. SergeVinçon.)
PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
7
FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
POUR 2003
Adoption des conclusions
d'une commission mixte paritaire
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 78,
2002-2003) de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur
les dispositions restant en discussion sur le projet de loi de financement de
la sécurité sociale pour 2003.
Dans la discussion générale, la parole est à M. lerapporteur.
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales, en remplacement de M. Alain
Vasselle, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, réunie mardi
dernier au Sénat, la commission mixte paritaire sur le présent projet de loi de
financement de la sécurité sociale pour 2003 est parvenue à un accord sur les
trente-trois articles qui restaient en discussion.
Je vous rappelle que le texte initial comportait quarante-huit articles
auxquels sont venus s'ajouter treize articles additionnels introduits par
l'Assemblée nationale en première lecture.
Sur les soixante et un articles qui lui étaient ainsi transmis, notre
assemblée en a retenu trente-neuf sans modification, mais elle a également
inséré onze articles nouveaux.
Dans ce contexte de dialogue constructif avec l'Assemblée nationale, il n'est
guère étonnant que la commission mixte paritaire soit parvenue à un texte
commun et que ce dernier comporte vingt-deux articles dans la rédaction issue
de nos travaux.
Je ne reviendrai pas dans le détail sur les apports du Sénat que traduisent
ces vingt-deux articles. Je n'en mentionnerai que quelques-uns.
J'évoquerai tout d'abord l'article 4 concernant le relèvement des droits de
consommation sur les tabacs. Votre commission des affaires sociales, soucieuse
avant tout de santé publique, s'en était prudemment remise à la sagesse du
Sénat sur un amendement ramenant à 106 euros le minimum de perception
applicable aux cigarettes. Ce minimum avait été porté à 108 euros par
l'Assemblée nationale.
La commission mixte paritaire a, en définitive, retenu le texte du Sénat,
estimant que le niveau de 106 euros paraissait de nature à satisfaire aux
exigences de la lutte contre le tabagisme par l'augmentation des prix du tabac
qu'il entraîne, sans favoriser, pour autant, le développement de la contrebande
ni déséquilibrer le marché.
J'évoquerai également l'article 16. Tel qu'il a été adopté par le Sénat et
repris par la commission mixte paritaire, cet article fait obligation au
Gouvernement d'informer le Parlement, précisément et en temps réel, des
conséquences sur l'ONDAM, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie,
des accords et des conventions qu'il agrée ou qu'il approuve.
La commission mixte paritaire a considéré, en définitive, que c'était bien le
Gouvernement qui, en dernière analyse, était responsable devant le Parlement du
respect de l'ONDAM figurant dans la loi de financement de la sécurité sociale.
Le conseil de surveillance de la CNAMTS, la Caisse nationale de l'assurance
maladie des travailleurs salariés, dont la composition fixée par la voie
réglementaire est très hétérogène, ne saurait en effet se voir confier la
mission d'informer le Gouvernement et le Parlement sur le suivi de cet objectif
national.
Je sais, monsieur le ministre, que cette solution vous chagrine quelque peu ;
mais le dispositif initial que prévoyait l'article 16, dont l'Assemblée
nationale avait poussé la logique jusqu'au bout, ne pouvait être mis en
oeuvre.
Il reste qu'aujourd'hui comme hier nous attendons de la CNAMTS qu'elle évalue
les conséquences sur l'objectif, voté par le Parlement, des négociations
conventionnelles qu'elle conduit. Le respect de cet objectif doit constituer
pour elle un élément substantiel de la négociation.
De ce point de vue, il n'y a pas d'ambiguïté de notre part, ni de la part de
la commission mixte paritaire qui s'est ralliée au texte du Sénat.
Enfin, à l'article 47
quater
, la commission mixte paritaire a confirmé
l'introduction, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale,
d'un article approuvant les comptes prévisonnels du FOREC, le fonds de
financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale.
Ainsi, la représentation nationale se prononce en toute connaissance de cause
sur un ensemble de recettes et de dépenses d'un montant de 16 milliards d'euros
qui déterminent, pour partie, l'équilibre financier des régimes de sécurité
sociale, mais qui se trouvaient auparavant disséminés de façon particulièrement
opaque dans les différents agrégats de la loi de financement de la sécurité
sociale. Cette disposition est un élément des propositions de votre commission
pour clarifier la question de la compensation à la sécurité sociale des
exonérations de cotisations sociales.
Trois articles ont été adoptés dans le texte de l'Assemblée nationale.
Il s'agit notamment de la taxe sur les ventes directes de médicaments, que
l'Assemblée nationale avait supprimée et que le Sénat, sur la proposition de
votre commission, avait rétablie.
C'était une question difficile car, d'une part, ce n'est pas tous le jours,
comme le rappelait en commission l'un d'entre nous - n'est-ce-pas M. Paul Blanc
?...
M. Paul Blanc.
Mais oui !
M. Nicolas About,
rapporteur.
... que l'on peut supprimer une taxe mais, d'autre part, la
disponibilité de tous les médicaments, en toute sécurité et en tous lieux du
territoire national, n'est pas une question négligeable.
En réalité, le débat ouvert par l'article 6
bis
du projet de loi de
financement de la sécurité sociale pour 2003 ne permettra pas de faire
l'économie d'une réflexion d'ensemble sur l'économie générale de notre système
de distribution du médicament.
En outre, la commission mixte paritaire a supprimé, sur proposition de
l'Assemblée nationale, l'article 47
ter
qui avait été adopté par le
Sénat sur l'initiative de votre commission. Cet article visait à créer, au sein
des comptes des branches famille et accidents du travail, un compte de réserve
et de régulation conjoncturelle sur le modèle de celui qui existe déjà pour la
branche maladie.
Il est apparu à la commission mixte paritaire que la création d'un tel fonds
destiné, notamment, à garantir l'autonomie financière de chacune des branches
du régime général, et plus particulièrement, de la branche famille, devait
plutôt être envisagée dans le cadre de la réflexion qui sera engagée sur la
clarification des circuits financiers de la sécurité sociale. Nous y
reviendrons donc.
Huit articles, enfin, ont fait l'objet de nouvelles rédactions en commission
mixte paritaire, qui ne sont pas nécessairement d'ailleurs des rédactions de
compromis, mais souvent des précisions apportées au texte voté par le Sénat.
Deux articles appellent toutefois un commentaire particulier.
Il s'agit, tout d'abord, de l'article 1er
bis
créant un office
parlementaire d'évaluation des politiques de santé. En première lecture, notre
assemblée avait supprimé cet article sur proposition conjointe de ses
commissions des affaires sociales et des finances.
Nous avions alors souligné la confusion qui apparaissait dans les missions de
cet office entre, d'une part, l'évaluation en quelque sorte prospective des
choix dans le domaine de la santé publique et, d'autre part, le suivi ou le
contrôle de l'application des lois de financement de la sécurité sociale.
En outre, nous n'étions pas convaincus que la création d'offices mixtes entre
les deux assemblées constituait la bonne réponse au besoin d'expertise des
commissions permanentes ; celles-ci, sous l'impulsion du bureau du Sénat et de
ses questeurs, disposent en effet des crédits permettant de recourir aux études
dont elles constateraient la nécessité.
Le texte retenu par la commission mixte paritaire a été corrigé de ses
ambiguïtés initiales. La mission du nouvel office a été clarifiée : en résumé
et en simplifiant, l'office est chargé d'informer le Parlement sur les
conséquences des choix de santé publique.
Son rattachement aux commissions des affaires sociales des deux assemblées
rassurera en outre nos collègues de l'Office parlementaire d'évaluation des
choix scientifiques et technologiques, car il garantira que le nouvel office
restera fidèle à sa mission initiale ainsi précisément définie.
Le second article qui appelle un commentaire particulier est l'article 4
bis
taxant les bières fortes, afin d'en décourager la consommation
préjudiciable à la santé publique. Adhérant au principe même de cet article, le
Sénat en avait toutefois voté la suppression en première lecture, car sa
rédaction initiale n'était pas conforme au droit communautaire.
S'inspirant de la cotisation additionnelle sur les alcools forts, instituée
en faveur de l'assurance maladie, la nouvelle rédaction adoptée par la
commission mixte paritaire tend à satisfaire cette exigence. Elle crée ainsi
une taxe de 200 euros par hectolitre pour toutes les bières titrant plus de 8,5
degrés, quel que soit leur conditionnement.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues,
les principales conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de
loi de financement de la sécurité sociale pour 2003.
Il reste que le présent projet de loi de financement, dont la navette
parlementaire s'achève aujourd'hui au Sénat, ouvre un certain nombre de
chantiers sur lesquels la commission des affaires sociales, mais également le
Sénat dans son ensemble, devront rester très attentifs.
Vous vous souvenez, mes chers collègues, que la commission avait proposé une
vaste opération de clarification des relations financières entre les
différentes branches de la sécurité sociale et les différents fonds qui
concourent à son financement, ainsi que entre ces branches et fonds, d'une
part, et le budget de l'Etat, d'autre part. M. le rapporteur de la commission
des affaires sociales pour les équilibres financiers généraux avait d'ailleurs
effectué un très gros travail sur ce sujet.
L'article que nous avons voté sur le fonds de réserve des branches de la
sécurité sociale s'inscrivait également dans cette perspective.
Dans ce cadre, la commission avait proposé une simplification des recettes du
FOREC, qui aboutissait notamment à rendre au budget général la taxe générale
sur les activités polluantes.
Or le projet de loi de finances rectificatives, qui a été adopté en conseil
des ministres voilà une semaine, aménage les dispositions relatives à cette
taxe et en modifie notamment l'assiette.
D'une certain façon, l'article 20 du collectif budgétaire conforte notre
proposition, et nous nous en réjouissons tous.
Mais cette proposition ne figurant pas dans le texte définitif de la loi de
financement de la sécurité sociale, je constate à regret que nous sommes en
pleine incohérence : une recette affectée exclusivement à la sphère sociale
figurait en prévision de recettes dans le projet de loi de financement de la
sécurité sociale. Or son assiette a été modifiée dans le projet de loi de
finances sans possibilité de coordination et sans que son effet sur les
équilibres financiers de la sécurité sociale soit même évalué.
C'est une nouvelle preuve que l'essentiel de la tâche est encore devant nous
en matière de clarification des relations financières entre l'Etat et la
sécurité sociale.
Nous avons retenu, monsieur le ministre, votre proposition d'un groupe de
travail rassemblant sur cette question les rapporteurs de l'Assemblée nationale
et du Sénat avec, naturellement, les ministres concernés. Nous sommes prêts à y
participer sans délai.
Vous avez eu la courtoisie de considérer que nos réflexions pourraient servir
de base aux travaux de ce groupe. Nous nous en félicitons.
Cependant, pour aboutir au printemps 2003, date à laquelle commenceront à se
construire les grandes lignes des projets de loi de finances et de financement
de la sécurité sociale pour 2004, il faut que ce groupe de travail se mette en
place dans les meilleurs délais.
En outre, j'ai fait part à plusieurs reprises de la volonté de notre
commission d'avancer dans la voie d'une réforme de la loi organique relative
aux lois de financement de la sécurité sociale, en vue de donner à cet
instrument plus de cohérence, de contenu et de rigueur. Là encore, nous sommes
à votre disposition pour une concertation étroite.
(Applaudissements sur les
travées du RPR.).
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-François Mattei,
ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires
sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, ce soir a lieu le vote définitif
du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il marquera la fin du
débat au Parlement sur ce premier projet de loi de financement de notre
gouvernement.
Comme je vous l'ai dit lors de mon audition par la commission des affaires
sociales et lundi dernier en introduction des débats, la sécurité sociale est
au coeur de la vie des Français. Je crois que vous en êtes tous convaincus,
comme la majorité de nos citoyens. Or notre système connaît actuellement une
crise majeure, financière évidemment, mais en fait bien plus profonde, comme le
montre la situation des conseils d'administration des diverses caisses.
De nombreux acteurs sont démotivés et s'interrogent sur leur rôle, et les
Français s'inquiètent de l'avenir de leur protection sociale.
Nous souhaitons tous surmonter ces difficultés. Le Gouvernement s'est engagé
sur la voie de la réforme. Ce projet de loi en est, en quelque sorte, le point
de départ.
Nos débats au Sénat, et ceux auxquels j'ai participé avec les députés, dont
j'aimerais également à cette occasion saluer le travail, ont permis d'esquisser
les voies de réforme possibles. Cette confrontation de nos idées et de celles
des différents partenaires permet de dessiner les pistes d'évolution de notre
système de sécurité sociale. De ces débats, je retiens, et je m'en félicite, le
ferme soutien de la majorité gouvernementale sur les principes d'action du
Gouvernement.
Il faut d'abord clarifier les compétences des uns et des autres. La réforme de
la gouvernance que nous mènerons ensemble doit le permettre.
Il faut ensuite apporter plus de transparence aux financements - vous l'avez
souligné à juste titre, monsieur le président de la commission. Le Gouvernement
s'est engagé, cette année, dans une première étape. Je sais que certains
parlementaires auraient souhaité qu'il avance plus vite. Les propositions très
constructives de votre rapporteur, M. Vasselle, allaient d'ailleurs dans ce
sens. Mais vous avez compris les contraintes du Gouvernement et je vous en
remercie.
Je souhaite renouveler mon engagement de travailler le plus rapidement
possible sur ce sujet avec le Parlement grâce à un groupe de travail
ad
hoc
qui devra, notamment, se pencher sur le financement de la branche
famille et des exonérations de charge.
Il faut responsabiliser tous les acteurs. J'ai noté que c'était un des sujets
qui nous séparait de l'opposition. Mais, je le redis, c'est grâce à cette
responsabilisation de l'ensemble des acteurs, de l'Etat, des gestionnaires -
assurance de base et assurances complémentaires -, des offreurs de soins et
aussi des patients que nous réussirons la réforme. Nous nous devons d'adopter
une telle politique équilibrée pour ne pas échouer.
Je retiens ensuite avec plaisir l'impression d'un consensus en formation
autour des idées que j'ai développées. Vous êtes tous conscients des
difficultés de notre système et vous voulez l'améliorer. Vous l'avez remarqué,
même si certaines mesures que les différents gouvernements ont adoptées étaient
bonnes, ces derniers, depuis vingt ans, n'ont pas réussi à mener cette réforme
à son terme.
Vous avez accepté la suppression de mécanismes comptables peu opérants, mis en
place par les uns et par les autres. Vous avez aussi reconnu, en particulier,
ma volonté de remettre au premier plan la politique de santé publique. Je
m'engage à vous présenter dans les prochains mois un projet de loi quinquennale
de santé publique.
Enfin, je ne peux que me satisfaire du texte qui a été enrichi par le travail
du Sénat et de l'Assemblée nationale, et que vient de présenter M. le président
de la commission des affaires sociales. J'aimerais d'ailleurs insister sur
quelques amendements du Parlement que je trouve particulièrement dignes
d'intérêt.
Ainsi, les amendements qui portaient sur les articles relatifs au médicament
vont permettre d'accroître l'efficacité de la politique menée par le
Gouvernement et l'ont clarifiée.
L'amendement sur la permanence des soins permettra aux acteurs d'assurer
ensemble une véritable continuité des soins. Je peux vous dire que le groupe de
travail présidé par le sénateur honoraire M. Charles Descours avance, et que
son action est facilitée par les deux amendements qui ont été adoptés.
Enfin, la création de l'office parlementaire montre votre intérêt pour la
politique de santé et le rôle que doit y jouer le Parlement.
Pour conclure, j'aimerais revenir sur la qualité des débats qui ont eu lieu
dans cet hémicycle. Ayant moi-même participé comme parlementaire à des débats
pendant de nombreuses années, vous connaissez mon attachement à un tel
climat.
Cette qualité est à mettre d'abord sur le compte du président et des
vice-présidents qui ont conduit les débats avec souplesse et, en tant que de
besoin, avec fermeté. Je voudrais les remercier pour cela.
Je voudrais aussi remercier le président de la commission des affaires
sociales, M. About, et les rapporteurs, MM. Leclerc, Lorrain et Vasselle, ainsi
que le rapporteur pour avis de la commission des finances, M. Gouteyron. Leurs
analyses remarquables ont réellement permis d'approfondir notre réflexion.
J'aimerais enfin remercier l'ensemble des sénateurs. Vous avez montré votre
attachement pour la sécurité sociale et votre intérêt pour la politique que je
mène.
Le Gouvernement se félicite du soutien de sa majorité, soutien qui l'oblige.
Soyez assurés, mesdames et messieurs, de notre détermination à réformer la
sécurité sociale.
J'aimerais aussi saluer l'opposition. Ses remarques, parfois non dénuées de
pertinence, ont permis au Gouvernement de mieux expliquer sa politique.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors de
l'examen en première lecture du projet de loi de financement de la sécurité
sociale pour 2003, les parlementaires communistes ont exprimé un désaccord
profond et franc sur des dispositions ce texte.
C'est ainsi que nous avons formulé un certain nombre de critiques sur le
remboursement de la moitié de la dette du FOREC par la Caisse d'amortissement
de la dette sociale, la CADES, sur la modification de l'assiette de la
contribution due par les laboratoires pharmaceutiques au titre de leurs
dépenses de promotion, sur l'expérimentation d'un mode de tarification à
l'activité - tarification unique à l'hôpital et aux cliniques -, sur le
financement des programmes immobiliers des hôpitaux par des investisseurs
privés, sur la fixation d'un ONDAM insuffisant, sur le forfait de remboursement
des médicaments sur la base de leurs génériques, sur la liberté des prix pour
les médicaments innovants, sur la nouvelle composition de la commission des
accidents du travail et des maladies professionnelles, sur la stabilisation du
taux de cotisation pour les accidents du travail et maladies professionnelles,
les AT-MP, sur l'amplification du transfert sur la branche famille du coût de
la majoration de 10 % de la pension vieillesse pour les parents ayant élevé au
moins trois enfants ou encore sur la revalorisation
a minima
des
avantages vieillesse.
Nous avons également eu l'occasion de nous inquiéter de l'avenir de notre
système de protection sociale, du devenir des principes fondateurs, notamment
du principe de solidarité et du principe d'égalité pour l'accès aux soins.
Pour bien marquer notre volonté de rejet d'un texte que nous percevons comme
une étape vers une transformation substantielle de notre système de santé ou de
notre système de retraites faisant la part belle à l'assurance privée, nous
avons défendu une exception d'irrecevabilité. A l'appui de cette dernière, j'ai
avancé des arguments politiques, certes, mais également constitutionnels,
auxquels, monsieur le ministre, vous n'avez pas daigné répondre.
Vous n'avez pas plus argumenté votre avis défavorable sur les amendements que
nous proposions, notamment pour accroître les ressources de la protection
sociale, alors que le problème se situe bien, à notre sens, à ce niveau.
Le seul moment où le débat a pu se nouer réellement, c'est à la suite d'un de
nos amendements visant la prise en charge par la sécurité sociale du risque
dépendance. Les réponses apportées par M. le secrétaire d'Etat aux personnes
âgées ne nous ont pas rassurés dans la mesure où le Gouvernement envisage, nous
semble-t-il - mais nous aurons l'occasion d'en discuter une nouvelle fois - le
démantèlement point par point de cette prestation universelle. Cette discussion
a eu au moins le mérite de clarifier le débat !
Faute d'augmenter les dépenses de l'Etat et celles des départements, on
s'oriente vers une maîtrise des dépenses, certes, mais l'Etat et les
départements ne se mettront-ils pas d'accord, pour la respecter, aux dépens de
la sécurité sociale, pis, des familles et des établissements ? Un rapport doit
être rendu le 15 décembre. Nous y serons très attentifs, car ce qui est vrai
aujourd'hui pour la dépendance le sera également demain pour la santé.
Le texte que nous examinons à la suite de l'accord intervenu en commission
mixte paritaire n'a guère évolué. Il ne répond pas davantage aux besoins
sanitaires et sociaux de nos concitoyens. Il n'est pas non plus de nature à
améliorer le champ des risques couverts. Bien au contraire !
A l'article 6
bis
, il nous semble que l'on a cédé au lobby des
laboratoires pharmaceutiques en supprimant la taxe sur les ventes directes de
médicaments.
A notre sens, ce budget demeure celui de tous les dangers, celui qui porte en
germe une sécurité sociale à deux vitesses. Vous êtes resté, monsieur le
ministre, dans le clair-obscur de la nouvelle gouvernance.
Vous nous annoncez un projet de loi de programmation quinquennale de santé
publique : nous aurons l'occasion d'en débattre et de montrer que nous allons
vers une privatisation rampante. Vous l'aurez compris, notre attitude n'a pas
changé. Nous serons donc très attentifs et nous y participerons avec
l'ouverture d'esprit dont nous avons fait preuve au cours des débats.
En conclusion, nous nous opposerons au texte élaboré par la commission mixte
paritaire, comme nous nous étions opposés au projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour l'année 2003.
(Applaudissements sur les travées du
groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président.
La parole est à M. Gilbert Chabroux.
M. Gilbert Chabroux.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la
commission mixte paritaire a, sans surprise, dégagé un accord et abouti à un
texte commun à l'Assemblée nationale et au Sénat.
Un seul point a fait l'objet d'une discussion plus poussée : il s'agit de la
demande, par les sénateurs de la majorité, de création d'un fonds de réserve
pour les excédents de la branche famille. Le rapporteur pour le Sénat de la
commission mixte paritaire, M. Alain Vasselle, a dû, une nouvelle fois,
capituler. Les députés ont considéré que cette décision ne paraissait pas
opportune. Ils ont tout de même déclaré qu'il était essentiel que le
Gouvernement s'engage résolument en faveur d'une politique familiale
ambitieuse, ce qui revient à dire que la famille a été oubliée dans le texte de
loi qui nous a été présenté !
M. Nicolas About,
rapporteur.
Non, pendant les cinq dernières années plutôt !
M. Gilbert Chabroux.
Et il est vrai qu'il n'y a rien ou presque rien pour la famille. Il n'y a, je
le redis, d'une mesure laborieuse pour atténuer la baisse des ressources des
familles d'au moins trois enfants, dont l'aîné atteint l'âge de vingt ans. Elle
ne s'appliquera qu'au 1er juillet 2003 au lieu du 1er janvier prochain, faute
d'argent.
J'exprimerai de nouveau ma profonde compassion à M. Vasselle, qui a dû
accepter tout ce qu'il avait refusé l'année dernière, à commencer par le FOREC.
L'exercice auquel il s'est livré a dû être particulièrement douloureux.
J'éprouve une certaine sympathie pour lui parce qu'il s'est beaucoup investi.
Toutefois, comme vous nous l'avez rappelé, monsieur le ministre, nous savons
bien qu'il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre ni de réussir pour
persévérer.
M. Jean-François Mattei,
ministre.
Guillaume d'Orange !
M. Gilbert Chabroux.
Revenons au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l'année
2003.
Ainsi que le déclarait M. François Fillon, le lundi 18 novembre, à cette même
tribune, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 est
un texte de transition comprenant un nombre très limité de dispositions.
Il est vrai que votre projet est vide d'ambitions et de mesures concrètes. Il
n'y a rien ou presque rien pour la famille ; il n'y a rien ou presque rien pour
la retraite ; il n'y a rien ou presque rien pour la branche accidents du
travail et maladies professionnelles. Cependant, vous avez, je le reconnais, un
certain talent pour bien présenter ce projet et faire, d'une certaine manière,
illusion.
Vous avez ainsi réussi à reléguer au second plan, en arrière-fond même, le
problème le plus important, celui du déficit, dont on a, finalement, peu parlé.
Ce déficit très lourd, annoncé à 3,9 milliards d'euros, risque de peser
fortement sur l'avenir de notre système de protection sociale. Il n'y a rien,
dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui soit de nature
à nous rassurer, que ce soit pour l'évolution des recettes ou pour celle des
dépenses.
Je l'ai dit, la sécurité sociale, pour 2003, n'est pas financée ; elle dérive,
et le déficit cumulé sera au moins de 10 milliards d'euros. Certains dresseront
alors un constat de faillite et la porte sera ouverte à des reculs sociaux.
Ce qui nous inquiète le plus, au-delà du projet de loi lui-même, c'est la
politique libérale qui l'inspire et que trahissent certaines déclarations dans
les médias.
Je ne peux pas ne pas citer une nouvelle fois Jacques Barrot, qui a distingué
les « gros risques » et les « petits risques ». Je ne crois pas que ses propos
soient à mettre sur le compte de la maladresse.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Il a été mal compris !
M. Gilbert Chabroux.
Le Gouvernement avance ses pions et lance des ballons d'essai.
M. le ministre devait nous expliquer qu'il n'y a pas de différences entre les
petits et les gros risques, mais il ne l'a pas fait.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Il l'a dit en commission !
M. Gilbert Chabroux.
En commission oui, mais à la tribune, je ne l'ai pas entendu !
M. Nicolas About,
rapporteur.
Cela revient au même !
M. Jean Chérioux.
Ce n'était pas la peine qu'il le dise, vous l'aviez déjà compris !
M. Gilbert Chabroux.
Nous aimerions être rassurés, mais vos propres déclarations, monsieur le
ministre, confirment qu'une réforme de grande ampleur se prépare pour sortir du
« tout gratuit », pour reprendre votre expression.
Vous faites bon compte, monsieur le minitre, des cotisations payées par les
salariés, les assurés sociaux et les mutualistes. Vous voulez revoir le « rôle
respectif de la sécu et des régimes complémentaires », ajoutant que « les
assurances complémentaires pourraient proposer des couvertures variables selon
la volonté des gens de s'assurer pour tel ou tel risque ». Vous proposez une
assurance à la carte en quelque sorte et donc, quoi que vous vous vous en
défendiez, forcément une sécurité sociale à deux vitesses.
Vous voulez « responsabiliser le patient » et, pour cela, l'amener à prendre
en charge lui-même une part croissante de ses dépenses de santé. Habilement,
vous expliquez qu'il faudrait aider ceux qui n'ont pas de gros moyens à
contracter une assurance volontaire complémentaire ; les plus pauvres seraient
aidés par l'Etat ; la solidarité ferait place à l'assistance. Or ce n'est pas
du tout la même chose.
M. Nicolas About,
rapporteur.
De votre temps, certains étaient privés de la CMU
complémentaire !
M. Gilbert Chabroux.
Le principe de solidarité veut que l'on aide chacun face aux risques
universels que sont la maladie, la vieillesse, le chômage.
Au nom de quoi pourrait-on exclure quiconque de ce progrès de civilisation ?
Au nom du fait « pragmatique » que certains peuvent faire appel aux assurances
? Mais ces dernières ne fonctionnent pas sur une logique de solidarité. Au
contraire, la prime réclamée à chaque assuré est fonction du risque. Certaines
compagnies envisagent déjà d'utiliser les progrès de la génétique pour évaluer
le « risque maladie » de leurs clients.
On pourrait aussi imaginer un système de bonus-malus pour l'assurance santé.
Beau modèle de société en perspective !
M. Nicolas About,
rapporteur.
Qui a exclu les handicapés de la CMU complémentaire ?
M. Gilbert Chabroux.
Je vous ai proposé de remonter le plafond et de lisser les seuils, mais vous
ne m'avez pas entendu, monsieur le président-rapporteur !
M. Nicolas About,
rapporteur.
Il fallait le faire à l'époque, quand vous étiez aux affaires
!
M. Gilbert Chabroux.
Vous avez été muet !
Il faut améliorer la CMU, et chaque année apporter sa contribution pour ce
faire. Mais vous vous y refusez !
M. Nicolas About,
rapporteur.
Vous avez privé de CMU les personnes handicapées !
M. Gilbert Chabroux.
En fait, c'est parce qu'elle assure la solidarité entre tous que la sécurité
sociale a résisté dans notre pays à tant d'attaques.
M. Jean Chérioux.
Elle n'a jamais été attaquée !
M. Gilbert Chabroux.
Si elle n'avait été, comme le défendent les libéraux, qu'un filet de
protection pour les plus pauvres, elle n'aurait jamais bénéficié d'un soutien
aussi large pour sa défense.
Monsieur le ministre, nous dénonçons le choix que porte en germe ce projet de
loi de financement de la sécurité sociale, un choix qui s'amorce en rupture
avec les principes fondateurs de la sécurité sociale. Nous restons très
attachés à l'esprit des ordonnances de 1945 et à un système fondé avant tout
sur la solidarité et l'égal accès pour tous à des soins de qualité. Nous
voterons donc contre ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe
CRC.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, en application de l'article 42, alinéa 12, du règlement,
lorsqu'il examine après l'Assemblée nationale le texte élaboré par la
commission mixte paritaire, le Sénat se prononce par un seul vote sur
l'ensemble du texte.
Je donne lecture du texte de la commission mixte paritaire :
« TITRE Ier
« ORIENTATIONS ET OBJECTIFS
DE LA POLITIQUE DE SANTÉ
ET DE SÉCURITÉ SOCIALE
« TITRE Ier BIS
« CONTRÔLE DE L'APPLICATION DES LOIS
DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
« Art. 1er
bis.
- Après l'article 6
septies
de l'ordonnance n°
58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées
parlementaires, il est inséré un article 6
octies
ainsi rédigé :
«
Art. 6
octies. -
I.
- Afin de contribuer au suivi des lois de
financement de la sécurité sociale, la délégation parlementaire dénommée Office
parlementaire d'évaluation des politiques de santé a pour mission d'informer le
Parlement des conséquences des choix de santé publique, afin d'éclairer ses
décisions. A cet effet, elle recueille des informations, met en oeuvre des
programmes d'études et procède à des évaluations.
«
II.
- La délégation est composée :
« - des présidents des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat
chargées des affaires sociales ainsi que des rapporteurs de ces commissions en
charge de l'assurance maladie dans le cadre des lois de financement de la
sécurité sociale ;
« - de dix députés et dix sénateurs désignés de façon à assurer, au sein de
chaque assemblée, une représentation proportionnelle des groupes politiques, en
tenant compte des membres de droit, chaque groupe ayant au moins un
représentant. Les députés sont désignés au début de chaque législature pour la
durée de celle-ci. Les sénateurs sont désignés après chaque renouvellement
partiel du Sénat.
« L'office est présidé alternativement pour un an par le président de la
commission chargée des affaires sociales de l'Assemblée nationale et par le
président de la commission chargée des affaires sociales du Sénat.
«
III.
- La délégation est assistée d'un conseil d'experts composé de
six personnalités choisies en raison de leurs compétences dans le domaine de la
santé publique.
« Les membres du conseil d'experts sont désignés pour trois ans dans les
conditions prévues par le règlement intérieur de la délégation.
« Le conseil d'experts est saisi dans les conditions prévues par le règlement
intérieur de la délégation, chaque fois que celle-ci l'estime nécessaire.
«
IV.
- La délégation peut recueillir l'avis des professionnels de
santé, ainsi que des organisations syndicales et professionnelles et des
associations intervenant dans le domaine de la santé.
«
V.
- La délégation est saisie par :
« 1° Le bureau de l'une ou l'autre assemblée, soit à son initiative, soit à la
demande d'un président de groupe, soit à la demande de soixante députés ou de
quarante sénateurs ;
« 2° Une commission spéciale ou permanente.
«
VI.
- La délégation dispose des pouvoirs définis par le IV de
l'article 164 de l'ordonnance n° 58-1374 du 30 décembre 1958 portant loi de
finances pour 1959.
« En cas de difficultés dans l'exercice de sa mission, la délégation peut
demander, pour une durée n'excédant pas six mois, à l'assemblée d'où émane la
saisine de lui conférer les prérogatives attribuées par l'article 6 aux
commissions parlementaires d'enquête, à leurs présidents et à leurs
rapporteurs. Lorsque la délégation bénéficie de ces prérogatives, les
dispositions relatives au secret des travaux des commissions d'enquête sont
applicables.
«
VII.
- Les travaux de la délégation sont confidentiels, sauf décision
contraire de sa part.
« Les résultats des travaux exécutés et les observations de la délégation sont
communiqués à l'auteur de la saisine.
« Après avoir recueilli l'avis de l'auteur de la saisine, la délégation peut
les rendre publics.
« Toutefois, lorsque la délégation a obtenu le bénéfice des dispositions de
l'article 6, la décision de publication ne peut être prise que par l'assemblée
intéressée, dans les conditions fixées par son règlement pour la publication
des rapports des commissions d'enquête.
«
VIII.
- La délégation établit son règlement intérieur ; celui-ci est
soumis à l'approbation des bureaux des deux assemblées.
«
IX.
- Les dépenses afférentes au fonctionnement de la délégation sont
financées et exécutées comme dépenses des deux assemblées parlementaires dans
les conditions fixées par l'article 7. »
« Art. 1er
ter.
- Dans le code des juridictions financières, après
l'article L. 132-3-1, il est inséré un article L. 132-3-2 ainsi rédigé :
«
Art. L. 132-3-2. -
Dans le cadre de sa mission de contrôle de
l'application des lois de financement de la sécurité sociale, la Cour des
comptes, sans préjudice des dispositions des articles L. 211-1 et L. 211-8 du
présent code, est habilitée à recueillir, en liaison avec les chambres
régionales des comptes, des informations auprès des établissements mentionnés à
l'article L. 6141-2 du code de la santé publique. »
« Art. 1er
quater
A. - Chaque année avant le 15 juillet, le
Gouvernement transmet au Parlement un rapport qui présente les suites données à
chacune des recommandations formulées par la Cour des comptes dans son rapport
sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, établi
conformément à l'article L.O. 132-3 du code des juridictions financières.
« Art. 1er
quater
. - I. - L'article L. 165-1 du code de la sécurité
sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La commission établit chaque année un rapport d'activité qui est remis au
Parlement. »
« II. - L'article L. 5123-3 du code de la santé publique est complété par un
alinéa ainsi rédigé :
« La commission établit chaque année un rapport d'activité qui est remis au
Parlement. »
« Art. 2
ter
. - Tous les cinq ans, avant le 15 octobre, le Gouvernement
transmet au Parlement un rapport présentant un état et une évaluation
financière des dispositifs affectant l'assiette des cotisations sociales, dans
le but de chiffrer les pertes de recettes pour l'Etat et la sécurité sociale
résultant de ces dispositifs.
« TITRE II
« DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES
« Art. 4. - I. - Le code général des impôts est ainsi modifié :
« A. - A l'article 572, le deuxième alinéa est supprimé.
« B. - A l'article 572
bis,
les mots : "pour les produits d'une marque
reprise" sont remplacés par le mot : "repris".
« C. - L'article 575 est ainsi modifié :
« 1° Au premier alinéa, après les mots : "de la France continentale", sont
insérés les mots : "et les tabacs qui y sont importés" ;
« 2° Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le montant du droit de consommation applicable à ces cigarettes ne peut être
inférieur à 60 EUR par 1 000 unités, et, à compter du 1er juillet 2006, à 64
EUR par 1 000 unités. » ;
« 3° Au sixième alinéa, après les mots : "du droit de consommation", sont
insérés les mots : "applicable aux cigarettes mentionnées au précédent alinéa".
»
« D. - L'article 575 A est ainsi modifié :
« 1° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Le minimum de perception mentionné à l'article 575 est fixé à 106 EUR pour
les cigarettes. » ;
« 2° Au troisième alinéa, la somme : "45 EUR" est remplacée par la somme : "56
EUR" ;
« 2°
bis
Au même alinéa, les mots : "et les autres tabacs à fumer" sont
remplacés par les mots : ", à 45 EUR pour les autres tabacs à fumer" ;
« 3° Le quatrième alinéa est supprimé.
« E. - L'article 575 C est ainsi modifié :
« 1° Le premier alinéa est complété par les mots : "ou lors de l'importation"
;
« 2° Le cinquième alinéa est ainsi rédigé :
« A l'importation, le droit est dû par l'importateur ; il est recouvré comme
en matière de douane. »
« II. - A. - L'article L. 3511-1 du code de la santé publique est complété par
un alinéa ainsi rédigé :
« Est considéré comme ingrédient toute substance ou tout composant autre que
les feuilles et autres parties naturelles ou non transformées de la plante du
tabac, utilisés dans la fabrication ou la préparation d'un produit du tabac et
encore présents dans le produit fini, même sous une forme modifiée, y compris
le papier, le filtre, les encres et les colles. »
« B. - 1. Le premier alinéa de l'article L. 3511-6 du même code est ainsi
rédigé :
« Les teneurs maximales en goudron, en nicotine et en monoxyde de carbone des
cigarettes sont fixées par un arrêté du ministre chargé de la santé. »
« 2. Le deuxième alinéa du même article est supprimé.
« 3. Dans le cinquième alinéa du même article, les mots : "et en nicotine"
sont remplacés par les mots : ", en nicotine et en monoxyde de carbone".
« 4. Dans l'avant-dernier alinéa du même article, les mots : "en nicotine et"
sont supprimés et, après les mots : "en goudron", sont insérés les mots : ", en
nicotine et en monoxyde de carbone".
« 5. Dans le dernier alinéa du même article, après le mot : "message", sont
insérés les mots : "général et un message".
« C. - Le même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« A compter du 30 septembre 2003, il est interdit d'utiliser, sur l'emballage
des produits du tabac, des textes, dénominations, marques et signes figuratifs
ou autres indiquant qu'un produit du tabac particulier est moins nocif que les
autres. »
« III. - Les dispositions du I entrent en vigueur à compter du 6 janvier
2003.
« Art. 4
bis
A. - A compter du 1er janvier 2003, la fraction visée au
5°
bis
de l'article L. 131-10 du code de la sécurité sociale est fixée à
44,07 %.
« Art 4
bis.
- I. - Après l'article L. 245-12 du code de la sécurité
sociale, il est inséré une section 3
bis
intitulée "Cotisation sur les
bières fortes", comprenant les articles L. 245-13 à L. 245-13-6 ainsi rédigés
:
«
Art. L. 245-13. -
Il est institué, au profit de la Caisse nationale
de l'assurance maladie des travailleurs salariés, une cotisation perçue sur les
bières fortes, en raison des risques que comporte l'usage immodéré de ces
produits pour la santé.
«
Art. L. 245-13-1. -
Pour l'application de l'article L. 245-13, sont
considérés comme bières les produits soumis au droit spécifique visé au
a
du I de l'article 520 A du code général des impôts.
«
Art. L. 245-13-2. -
La cotisation est due à raison de la livraison
aux consommateurs de bières d'une teneur en alcool supérieure à 8,5 % vol.
« La cotisation est acquittée pour le compte des consommateurs par les
entrepositaires agréés, les opérateurs enregistrés, les opérateurs non
enregistrés et les représentants fiscaux des entrepositaires agréés et des
opérateurs établis dans un autre Etat membre de la Communauté européenne,
respectivement mentionnés aux articles 302 G, 302 H, 302 I et 302 V du code
général des impôts, qui livrent directement ces bières aux détaillants ou aux
consommateurs. Sont également redevables de la cotisation les personnes
mentionnées aux 2° et 4° du 2 du I de l'article 302 D dudit code.
«
Art. L. 245-13-3. -
Le montant de la cotisation est fixé à 200 EUR
par hectolitre.
«
Art. L. 245-13-4. -
La cotisation est recouvrée et contrôlée sous les
mêmes règles, conditions, garanties et sanctions qu'en matière de contributions
indirectes.
«
Art. L. 245-13-5. -
La cotisation n'est pas déductible pour
l'établissement de l'impôt sur le revenu ou, le cas échéant, de l'impôt sur les
sociétés dû par le consommateur.
«
Art. L. 245-13-6. -
Un décret fixe les conditions d'application de la
présente section. »
« II. - Les dispositions du I entrent en vigueur à compter du 1er janvier
2003.
« Art. 6. -
I.
- L'article L. 245-2 du code de la sécurité sociale est
ainsi rédigé :
«
Art. L. 245-2. - I.
- La contribution est assise sur les charges
comptabilisées au cours du dernier exercice clos au titre :
« 1° Des rémunérations de toutes natures, y compris l'épargne salariale ainsi
que les charges sociales et fiscales y afférentes, des personnes mentionées au
premier alinéa de l'article L. 5122-11 du code de la santé publique, qu'elles
soient ou non salariées de l'entreprise et qu'elles interviennent en France
métropolitaine ou dans les départements d'outre-mer auprès des professionnels
de santé régis par les dispositions du titre Ier du livre Ier de la quatrième
partie du code de la santé publique ou auprès des établissements de santé.
Seules sont prises en compte les rémunérations afférentes à l'exploitation des
spécialités pharmaceutiques inscrites sur la liste mentionnée au premier alinéa
de l'article L. 162-17 du présent code ou sur la liste mentionnée à l'article
L. 5123-2 du code de la santé publique ;
« 2° Des remboursements de frais de transport, à l'exclusion des charges
afférentes à des véhicules mis à disposition, des frais de repas et des frais
d'hébergement des personnes mentionnées au 1° ;
« 3° Des frais de publication et des achats d'espaces publicitaires, à
l'exception de la presse médicale bénéficiant d'un numéro de commission
paritaire ou d'un agrément défini dans des conditions fixées par décret, dès
lors qu'une spécialité pharmaceutique inscrite sur la liste mentionnée au
premier alinéa de l'article L. 162-17 du présent code ou sur la liste
mentionnée à l'article L. 5123-2 du code de la santé publique y est
mentionnée.
«
II.
- Il est procédé sur l'assiette définie au I :
« 1° A un abattement forfaitaire égal à 500 000 EUR et à un abattement de 3 %
des dépenses mentionnées au 1° du I ;
« 2° A un abattement d'un montant égal à 30 % du chiffre d'affaires hors taxes
réalisé en France métropolitaine et dans les départements d'outre-mer au titre
des spécialités génériques définies à l'article L. 5121-1 du code de la santé
publique et des spécialités remboursées sur la base d'un tarif arrêté en
application de l'article L. 162-16 du présent code, bénéficiant d'une
autorisation de mise sur le marché et inscrites sur la liste mentionnée au
premier alinéa de l'article L. 162-17 du présent code ou sur la liste
mentionnée à l'article L. 5123-2 du code de la santé publique ;
« 3° A un abattement d'un montant égal à 30 % du chiffre d'affaires hors taxes
réalisé en France métropolitaine et dans les départements d'outre-mer au titre
des médicaments orphelins désignés comme tels en application des dispositions
du règlement (CE) n° 141/2000 du Parlement européen et du Conseil, du 16
décembre 1999, concernant les médicaments orphelins, bénéficiant d'une
autorisation de mise sur le marché et inscrits sur la liste mentionnée au
premier alinéa de l'article L. 162-17 du présent code ou sur la liste
mentionnée à l'article L. 5123-2 du code de la santé publique.
«
III.
- Le taux de la contribution due par chaque entreprise est
calculé selon un barème comprenant quatre tranches qui sont fonction du
rapport, au titre du dernier exercice clos, entre, d'une part, l'assiette
définie au I et tenant compte, le cas échéant, des abattements prévus au II et,
d'autre part, le chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France métropolitaine
et dans les départements d'outre-mer, au titre des médicaments bénéficiant
d'une autorisation de mise sur le marché et inscrits sur la liste mentionnée au
premier alinéa de l'article L. 162-17 du présent code ou sur la liste
mentionnée à l'article L. 5123-2 du code de la santé publique.
« Pour chaque part de l'assiette correspondant à l'une des quatre tranches
définies ci-après, le taux applicable est fixé comme suit :
PART DE L'ASSIETTE correspondant au rapport « R » entre l'assiette définie aux 1° à 3° du I après déduction, le cas échéant, des abattements et le chiffre d'affaires hors taxes |
TAUX DE LA CONTRIBUTION par tranche (en pourcentage) |
---|---|
R 10 % | 13 |
10 % R 12 % | 19 |
12 % R 14 % | 27 |
R 14 % | 32 |
« II. - L'article L. 245-4 du même code est ainsi rédigé :
«
Art. L. 245-4.
- Sont exonérées de cette contribution les entreprises
dont le chiffre d'affaires hors taxes réalisé au cours du dernier exercice clos
est inférieur à 15 millions d'euros, sauf lorsqu'elles sont filiales à 50 % au
moins d'une entreprise ou d'un groupe dont le chiffre d'affaires consolidé,
réalisé en France métropolitaine ou dans les départements d'outre-mer, dépasse
cette limite ou lorsqu'elles possèdent au moins 50 % du capital d'une ou
plusieurs entreprises dont le chiffre d'affaires consolidé avec leur propre
chiffre d'affaires dépasse cette limite. Le seuil mentionné ci-dessus est
revalorisé en fonction des conditions économiques par arrêté ministériel. »
« II
bis
- Le
c
de l'article L. 138-11 du même code est ainsi
rédigé :
«
c)
A concurrence de 30 % sur les charges mentionnées au I de
l'article L. 245-2, après déduction, le cas échéant, des abattements prévus au
II du même article, exposées par l'ensemble des entreprises redevables. »
« III. - Les dispositions du présent article s'appliquent pour la première
fois à la détermination des contributions dues au plus tard le 1er décembre
2003.
« Art. 6
bis
. - I. - La section 2 du chapitre V du titre IV du livre II
du code de la sécurité sociale est abrogée.
« II. - Les dispositions du I entrent en vigueur à compter du 1er janvier
2003.
« Art. 7
ter
. - I. - Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié
:
« 1° Au premier alinéa de l'article L. 161-1, après les mots : "qui en font
préalablement la demande", sont insérés les mots : "et bénéficient de l'aide à
la création ou reprise d'entreprise instituée par ledit article" ;
« 2° Au premier alinéa de l'article L. 161-1-1, après les mots : "du code du
travail", sont insérés les mots : "qui bénéficient de l'aide à la création ou
reprise d'entreprise instituée par ledit article".
« II. - Sous réserve des décisions juridictionnelles passées en force de chose
jugée, les dispositions du présent article sont applicables au 1er janvier
2002.
« Art. 8. - Pour 2003, les prévisions de recettes, par catégorie, de
l'ensemble des régimes obligatoires de base et des organismes créés pour
concourir à leur financement sont fixées aux montants suivants :
(En milliards d'euros)
« Cotisations effectives 181,87
« Cotisations fictives 32,48
« Cotisations prises en charge par l'État 2,33
« Contributions publiques 11,40
« Impôts et taxes affectés 94,11
« Transferts reçus 0,21
« Revenus des capitaux 1,04
« Autres ressources 4,07
« Total des recettes 327,51 »
« TITRE III
« DISPOSITIONS RELATIVES
À L'ASSURANCE MALADIE
« Art. 11. - I. - Le III de l'article 40 de la loi de financement de la
sécurité sociale pour 2001 (n° 2000-1257 du 23 décembre 2000) est complété par
un membre de phrase et par deux phrases ainsi rédigés : "ainsi qu'une mission
d'expertise et d'audit hospitaliers placée auprès des ministres chargés de la
santé et de la sécurité sociale, chargée de procéder ou de faire procéder à
des audits de la gestion et de l'organisation de l'ensemble des activités des
établissements de santé et de diffuser auprès de ces établissements les
références et recommandations de gestion hospitalière qu'elle élabore à partir
des résultats des audits. Ces références et recommandations de gestion
hospitalière sont communiquées aux agences régionales de l'hospitalisation
mentionnées à l'article L. 6115-1 du code de la santé publique en vue de leur
prise en compte dans l'élaboration des contrats pluriannuels d'objectifs et de
moyens prévus à l'article L. 6114-1 du même code. Le Fonds pour la
modernisation des établissements de santé publics et privés prend en outre en
charge les frais de fonctionnement d'une mission chargée de conduire les
expérimentations visées à l'article L. 6122-19 du code de la santé publique et
d'une mission nationale d'appui à l'investissement, placées auprès du ministre
chargé de la santé, ainsi que les frais de fonctionnement de missions
régionales ou interrégionales d'appui à l'investissement placées auprès du ou
des directeurs d'agence régionale de l'hospitalisation concernés".
« II. - La fin du dernier alinéa de l'article 1er de la loi n° 78-753 du 17
juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre
l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif,
social et fiscal, après les mots : "Médiateur de la République", est ainsi
rédigée : ", les documents préalables à l'élaboration du rapport
d'accréditation des établissements de santé prévu à l'article L. 6113-6 du code
de la santé publique et les rapports d'audit des établissements de santé
mentionnés à l'article 40 de la loi de financement de la sécurité sociale pour
2001 (n° 2000-1257 du 23 décembre 2000)".
« Art. 13. - I. - Les obligations et créances du Fonds pour la modernisation
des cliniques privées créé par l'article 33 de la loi de financement de la
sécurité sociale pour 2000 (n° 99-1140 du 29 décembre 1999) sont transférées à
compter du 1er janvier 2003 au Fonds pour la modernisation des établissements
de santé créé par l'article 40 de la loi de financement de la sécurité sociale
pour 2001 (n° 2000-1257 du 23 décembre 2000).
« II. - Le solde disponible au 31 décembre 2002 du Fonds pour la modernisation
des cliniques privées est versé au Fonds pour la modernisation des
établissements de santé. Le montant du solde est constaté par arrêté des
ministres chargés de la sécurité sociale et du budget.
« II
bis
. - Le montant des subventions du Fonds pour la modernisation
des cliniques privées allouées aux établissements de santé privés mentionnés à
l'article L. 6114-3 du code de la santé publique pour financer des actions en
matière sociale et salariale est pris en compte pour la détermination et le
suivi de l'objectif quantifié national mentionné à l'article L. 162-22-2 du
code de la sécurité sociale pour l'année 2003.
« Les tarifs des prestations des établissements bénéficiaires de ces
subventions sont revalorisés, au 1erjanvier 2003, dans la limite des sommes
allouées.
« III. - A compter du 1er janvier 2003, le VIII de l'article 33 de la loi de
financement de la sécurité sociale pour 2000 précitée est abrogé et, dans le I
de l'article 40 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001
précitée, après les mots : "fonds pour la modernisation des établissements de
santé", sont insérés les mots : "publics et privés". »
« IV. - A l'article L. 6161-9 du code de la santé publique, les mots : "fonds
pour la modernisation des cliniques privées" sont remplacés par les mots :
"Fonds pour la modernisation des établissements de santé publics et privés".
« V. - Le montant de la participation des régimes obligatoires d'assurance
maladie au financement du Fonds pour la modernisation des établissements de
santé publics et privés est fixé, pour l'année 2003, à 450 millions d'euros.
« VI. - L'article 40 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001
(n° 2000-1257 du 23 décembre 2000) est complété par un VIII ainsi rédigé :
« VIII
. - Un rapport annuel retraçant l'activité du fonds est établi
par la Caisse des dépôts et consignations et adressé aux ministres chargés de
la santé et de la sécurité sociale. Ce rapport dresse notamment un bilan des
dotations allouées en fonction du statut et de la taille des établissement
bénéficiaires. »
« Art. 15
bis
. - Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
« 1° Au deuxième alinéa de l'article L. 162-5-11 et au premier alinéa de
l'article L. 162-12-18, les mots : "contrat de bonne pratique" sont remplacés
par les mots : "contrat de pratique professionnelle" ;
« 2° Dans l'article L. 162-12-19 et au troisième alinéa (2°) de l'article L.
162-14-1, les mots : "contrats de bonne pratique" sont remplacés par les mots :
"contrats de pratique professionnelle" ;
« 3° L'intitulé de la section 2.2. du chapitre II du titre VI du livre Ier est
ainsi rédigé : " Accords de bon usage des soins et contrats de pratique
professionnelle ".
« Art. 16. - Lorsqu'il agrée ou approuve les accords, conventions, annexes et
avenants mentionnés aux articles L. 162-1-13, L. 162-14-1 et L. 162-14-2 du
code de la sécurité sociale, le ministre chargé de la sécurité sociale adresse
aux commissions compétentes du Parlement un rapport sur la cohérence de ces
accords, conventions, annexes et avenants avec l'objectif prévu au 4° du I de
l'article L.O. 111-3 dudit code.
« Copie de ce rapport est adressée au conseil de surveillance de la Caisse
nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés.
« Art. 19
ter
. - I. - Dans le III de l'article 36 de la loi de
financement de la sécurité sociale pour 2002 (n° 2001-1246 du 21 décembre
2001), les mots : ", pour la durée fixée par l'agrément" sont remplacés par les
mots : "jusqu'au 31 décembre 2004".
« II. - Les dispositions des conventions de financement conclues entre les
réseaux agréés en application de l'article L. 162-31-1 du code de la sécurité
sociale dans sa rédaction issue de l'article 6 de l'ordonnance n° 96-345 du 24
avril 1996 relative à la maîtrise médicalisée des dépenses de soins et les
organismes d'assurance maladie peuvent être, par avenant, prolongées jusqu'au
31 décembre 2004.
« Art. 23
bis
. - I. - Le titre II du livre III de la sixième partie du
code de la santé publique est complété par un chapitre V ainsi rédigé :
« Chapitre V
« Permanence des soins
« Art. L. 6325-1. -
Sous réserve des missions dévolues aux
établissements de santé, les médecins mentionnés à l'article L. 162-5, dans le
cadre de leur activité libérale, et à l'article L. 162-32-1 du code de la
sécurité sociale participent, dans un but d'intérêt général, à la permanence
des soins dans des conditions et selon des modalités d'organisation définies
par un décret en Conseil d'Etat. »
« II. - L'article L. 162-5 du code de la sécurité sociale est complété par un
16° ainsi rédigé :
«
16°
Les modes de rémunération par l'assurance maladie, le cas échéant
autres que le paiement à l'acte, de la participation des médecins au dispositif
de permanence des soins en application des dispositions prévues à l'article L.
6325-1 du code de la santé publique. »
« Art. 25. - I. - Au I de l'article L. 313-12 du code de l'action sociale et
des familles, la date : "31 décembre 2003" est remplacée par les mots : "31
décembre 2005, ou avant le 31 décembre 2006 pour les établissements mentionnés
à l'article L. 633-1 du code de la construction et de l'habitation".
« II. - Au premier alinéa de l'article 5 de la loi n° 2001-647 du 20 juillet
2001 relative à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées
et à l'allocation personnalisée d'autonomie, les mots : " au plus tard jusqu'au
31 décembre 2003 " sont remplacés par les mots : " au plus tard jusqu'à la date
mentionnée au I de l'article L. 313-12 du même code".
« Art. 27. - I A. - Après les mots : " code de la santé publique ", la fin du
deuxième alinéa de l'article L. 162-16 du code de la sécurité sociale est ainsi
rédigée : " la délivrance de cette spécialité ne doit pas entraîner une dépense
supplémentaire pour l'assurance maladie supérieure à la dépense qu'aurait
entraînée la délivrance de la spécialité générique la plus chère du même groupe
".
« I B. - Après les mots : " supérieure à ", la fin du troisième alinéa de
l'article L. 162-16 du même code est ainsi rédigée : " la dépense qu'aurait
entraînée la délivrance de la spécialité générique la plus chère du même groupe
".
« I. - A l'article L. 162-16 du code de la sécurité sociale, après le premier
alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« Pour les médicaments figurant dans un groupe générique prévu au 5° de
l'article L. 5121-1 du code de la santé publique, la base de remboursement des
frais exposés par les assurés peut être limitée à un tarif forfaitaire de
responsabilité arrêté par les ministres de la santé et de la sécurité sociale
après avis du Comité économique des produits de santé institué par l'article L.
162-17-3 du présent code.
« Lorsque le tarif forfaitaire s'applique, le plafond mentionné à l'article L.
138-9 est fixé à 2,5 % du prix des médicaments.
« Les dispositions du cinquième alinéa du présent article ne s'appliquent pas
aux médicaments remboursés sur la base d'un tarif forfaitaire. »
« I
bis
. - Le quatrième alinéa du même article est ainsi rédigé :
« En cas d'inobservation des dispositions des cinquième et sixième alinéas du
présent article, le pharmacien verse à l'organisme de prise en charge, après
qu'il a été mis en mesure de présenter ses observations écrites, et si, après
réception de celles-ci, l'organisme maintient la demande, une somme
correspondant à la dépense supplémentaire mentionnée aux cinquième et sixième
alinéas du présent article, qui ne peut toutefois être inférieure à un montant
forfaitaire déterminé par la convention prévue à l'article L. 162-16-1. A
défaut, ce montant est arrêté par les ministres chargés de la sécurité sociale,
de la santé, de l'économie et du budget. »
« II. - 1. - Avant la dernière phrase du sixième alinéa (5°) de l'article L.
5121-1 du code de la santé publique, il est inséré une phrase ainsi rédigée
:
« En l'absence de spécialité de référence, un groupe générique peut être
constitué de spécialités ayant la même composition qualitative et quantitative
en principe actif, la même forme pharmaceutique et dont le profil de sécurité
et d'efficacité est équivalent. »
« 2. Le deuxième alinéa (1°) de l'article L. 5121-20 du même code est complété
par les mots : " et les modalités de création de groupes génériques en
l'absence de spécialité de référence, ces groupes étant définis au 5° de
l'article L. 5121-1 ".
« Art. 27
bis.
- Lorsque le tarif forfaitaire s'applique, et par
dérogation au troisième alinéa de l'article L. 162-16 du code de la sécurité
sociale, le plafond des remises prévu au premier alinéa de l'article L. 138-9
dudit code est fixé à 6 % du prix de vente pour toutes les spécialités soumises
à forfait de remboursement. Cette disposition s'applique jusqu'au 30 juin
2004.
« Art. 28. - L'article 4 de la loi n° 88-16 du 5 janvier 1988 relative à la
sécurité sociale est ainsi modifié :
« 1° Au premier alinéa du I, la date : "31 décembre 2004" est remplacée par
les mots : "1er octobre 2003, sauf exceptions définies par décret" ;
« 2° Le cinquième alinéa du I est supprimé ;
« 3° Au troisième alinéa du I, les mots : "par la convention ou le décret
mentionnés" sont remplacés par les mots : "par le décret mentionné" ;
« 3°
bis
Le huitième alinéa du I est ainsi rédigé :
« L'allocation ne peut être cumulée avec les revenus d'une activité médicale
salariée que dans la limite d'un plafond fixé par le décret mentionné au III. »
;
« 3°
ter
Les neuvième et dixième alinéas du I sont supprimés ;
« 4° Le II est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le solde, constaté au 31 décembre de chaque année, des cotisations
encaissées et des prestations servies au cours de l'exercice est affecté au
financement des prestations complémentaires de vieillesse servies aux médecins
en application de l'article L. 645-1 du code de la sécurité sociale. » ;
« 5° Le III est ainsi rédigé :
« III. - Le montant de l'allocation, le montant de la cotisation ainsi que la
répartition de celle-ci entre les médecins et les régimes d'assurance maladie
et les cas d'exonération sont fixés par décret. Le décret fixe également les
cas et les conditions dans lesquels, à titre exceptionnel, la date mentionnée
au premier alinéa du I peut être fixée après le 1er octobre 2003 pour les
personnes ayant organisé avant le 1er octobre 2002 leur cessation d'activité.
»
« Art. 31. - Le II de l'article 25 de la loi de financement de la sécurité
sociale pour 1999 (n° 98-1194 du 23 décembre 1998) est complété par un alinéa
ainsi rédigé :
« Le fonds participe au financement des actions d'évaluation des pratiques
professionnelles des médecins libéraux organisées par les unions régionales des
médecins exerçant à titre libéral mentionnées à l'article L. 4134-1 du code de
la santé publique et des actions d'évaluation des pratiques professionnelles
des médecins exerçant au sein des structures visées à l'article L. 6323-1 du
code de la santé publique organisées par les unions régionales des caisses
d'assurance maladie mentionnées à l'article L. 183-1 du code de la sécurité
sociale. »
« II. - Pour 2003, le montant maximal des dépenses du fonds institué à
l'article 25 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 précitée
est fixé à 106 millions d'euros.
« Ce fonds est doté de 20 millions d'euros au titre de l'exercice 2003.
« Art. 33. - Pour 2003, l'objectif de dépenses de la branche maladie,
maternité, invalidité et décès de l'ensemble des régimes obligatoires de base
comptant plus de vingt mille cotisants actifs ou retraités titulaires de droits
propres est fixé à 136,35 milliards d'euros.
« TITRE IV
« DISPOSITIONS RELATIVES AUX AUTRES BRANCHES DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
« Section 1
« Branche accidents du travail et maladies professionnelles
« Art. 35. I.- Au 2° de l'article 43 de la loi de financement de la sécurité
sociale pour 2002 (n° 2001-1246 du 21 décembre 2001), la somme : "76,22
millions d'euros" est remplacée par la somme : "180 millions d'euros" ».
« Le montant de la contribution de la branche accidents du travail et maladies
professionnelles du régime général de la sécurité sociale au financement du
Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante mentionnée au VII de l'article
53 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 (n° 2000-1257 du
23 décembre 2000), est fixé à 190 millions d'euros au titre de l'année 2003.
« II. - Le VII de l'article 53 de la loi de financement de la sécurité sociale
pour 2001 précitée est complété par les mots : "chaque année avant le 1er
juillet".
« Art. 36. - I. - Au II de l'article 47 de la loi de financement de la
sécurité sociale pour 2002 précitée, la somme : "200 millions d'euros" est
remplacée par la somme : "300 millions d'euros".
« Le montant de la contribution de la branche accidents du travail et maladies
professionnelles du régime général de la sécurité sociale au financement du
Fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante,
mentionnée au III de l'article 41 de la loi de financement de la sécurité
sociale pour 1999 (n° 98-1194 du 23 décembre 1998), est fixé à 450 millions
d'euros pour l'année 2003.
« II. Dans la dernière phrase du dernier alinéa du III de l'article 41 de la
loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 précitée, après le mot :
"Gouvernement", sont insérés les mots : ", avant le 15 juillet,". »
« Art. 36
bis
. - L'article 41 de la loi de financement de la sécurité
sociale pour 1999 (n° 98-1194 du 23 décembre 1998) est ainsi modifié :
« 1° Le huitième alinéa du I est ainsi rédigé :
« Ont également droit, dès l'âge de cinquante ans, à l'allocation de cessation
anticipée d'activité les personnes reconnues atteintes, au titre du régime
général ou du régime d'assurance contre les accidents du travail et les
maladies professionnelles des salariés agricoles, d'une maladie professionnelle
provoquée par l'amiante et figurant sur une liste établie par arrêtés des
ministres chargés du travail, de la sécurité sociale et de l'agriculture. »
;
« 2° Le deuxième alinéa du II est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Pour les personnes reconnues atteintes, au titre du régime d'assurance
contre les accidents du travail et les maladies professionnelles des salariés
agricoles, d'une maladie professionnelle, l'allocation est attribuée et servie
par les caisses de mutualité sociale agricole. »
« 3° Le III est ainsi modifié :
«
a)
Après les mots : "code général des impôts", la fin du premier
alinéa est ainsi rédigée : ", d'une contribution de la branche accidents du
travail et maladies professionnelles du régime général de la sécurité sociale
dont le montant est fixé chaque année par la loi de financement de la sécurité
sociale et d'une contribution de la branche accidents du travail et maladies
professionnelles du régime des salariés agricoles dont le montant est fixé
chaque année par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale, du budget
et de l'agriculture" ;
«
b)
Dans la première phase du second alinéa, après les mots : "à
l'article L. 221-4 du code de la sécurité sociale", sont insérés les mots : ",
des représentants du conseil central d'administration de la mutualité sociale
agricole mentionné à l'article L. 723-32 du code rural" ;
« 4° Dans le deuxième alinéa du IV, les mots : "du régime général" sont
remplacés par les mots : "du régime dont elles relevaient avant la cessation
d'activité".
« Art. 37. - I. - Le montant du versement mentionné à l'article L. 176-1 du
code de la sécurité sociale est fixé, pour l'année 2003, à 330 millions
d'euros.
« II. - Le dernier alinéa de l'article L. 176-2 du même code est complété par
les mots : "avant le 1er juillet de l'année considérée".
« Art. 38. - Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
« I. - Au second alinéa de l'article L. 221-4, après les mots : "le
fonctionnement du conseil d'administration de la Caisse nationale de
l'assurance maladie", sont insérés les mots : "et les modalités de désignation
et d'exercice du mandat de ses membres".
« II. - L'article L. 221-5 est ainsi rédigé :
«
Art. L. 221-5. -
La commission des accidents du travail et des
maladies professionnelles comprend :
« 1° Cinq représentants des assurés sociaux désignés par les organisations
syndicales de salariés interprofessionnelles représentatives au plan national
;
« 2° Cinq représentants des employeurs désignés par les organisations
professionnelles nationales d'employeurs représentatives. »
« III. - A l'article L. 231-5-1, après la référence : "L. 221-3,", il est
inséré la référence : "L. 221-5,".
« IV. - Au deuxième alinéa du I de l'article L. 227-1, les mots : "visées aux
1°, 3° et 4°" sont remplacés par les mots : "mentionnées aux 1°, 2°, 3° et
4°".
« V. - L'article L.227-2 est complété par les mots : "et, en ce qui concerne
la convention d'objectifs et de gestion relative à la branche accidents du
travail et maladies professionnelles, par le président de la commission des
accidents du travail et des maladies professionnelles et par le directeur de la
Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés".
« VI. - La deuxième phrase de l'article L. 227-3 est ainsi rédigée :
« Ces contrats pluriannuels de gestion sont signés, pour le compte de chaque
organisme national, par le président du conseil d'administration ou, selon le
cas, par le président de la commission des accidents du travail et des maladies
professionnelles et par le directeur et, pour le compte de l'organisme régional
ou local, par le président du conseil d'administration et le directeur de
l'organisme concerné. »
« VII. - L'article L.228-1 est ainsi modifié :
« 1° Dans la première phrase du premier alinéa, après les mots : "Caisse
nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés", sont insérés les
mots : ", d'une part pour la branche maladie, maternité, invalidité et décès,
d'autre part pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles"
;
« 2° Dans la deuxième phrase du premier alinéa, les mots : "Le conseil de
surveillance institué" sont remplacés par les mots : "Les conseils de
surveillance institués", et les mots : "est en outre composé" sont remplacés
par les mots : "sont en outre composés" ;
« 3° Au troisième alinéa, après les mots : "Le président de chaque caisse
nationale et de l'agence centrale", sont insérés les mots : "et le président de
la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles".
« Section 2
« Branche famille
« Section 3
« Branche vieillesse
« Art. 43
bis
. - Dans le premier alinéa du II de l'article 27 de la loi
de financement de la sécurité sociale pour 2001 (n° 2000-1257 du 23 décembre
2000), après les mots : "Les organismes cités à l'article L. 161-17-1 du code
de la sécurité sociale", sont insérés les mots : "et l'organisme gestionnaire
du régime d'assurance chômage".
« TITRE IV
BIS
« OBJECTIFS DE DÉPENSES RÉVISÉS POUR 2002
« TITRE V
« MESURES DIVERSES ET DISPOSITIONS RELATIVES À LA TRÉSORERIE
« Art. 47.
(Pour coordination) - I.
- Il est inséré, au titre III du
livre Ier du code de la sécurité sociale, un chapitre VIII
bis
intitulé
: "Dispositions communes aux contributions recouvrées directement par l'Agence
centrale des organismes de sécurité sociale" et comprenant quatre articles L.
138-20 à L. 138-23 ainsi rédigés :
«
Art. L. 138-20. -
Les contributions instituées aux articles L.137-6,
L. 138-1, L. 138-10 et L. 245-1 sont recouvrées et contrôlées dans les
conditions prévues à la présente section par l'Agence centrale des organismes
de sécurité sociale. L'agence centrale peut requérir l'assistance des unions de
recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales et
des caisses générales de sécurité sociale des départements d'outre-mer,
notamment par la mise à disposition d'agents de ces organismes, en particulier
d'inspecteurs du recouvrement, pour assurer les actions de contrôle. Les agents
habilités peuvent recueillir auprès des assujettis aux contributions tous
renseignements de nature à permettre le contrôle de l'assiette et du champ
d'application des contributions.
«
Art. L. 138-21. -
L'Agence centrale des organismes de sécurité
sociale assure les opérations de recouvrement dans les conditions prévues au 3°
de l'article L. 225-1-1. Préalablement à toute action contentieuse, toute
réclamation doit donner lieu à un recours gracieux auprès de l'agence
centrale.
« L'agence centrale peut accorder, le cas échéant, la remise des majorations
et pénalités appliquées ainsi que de la taxation provisionnelle appliquée en
cas de défaut de déclaration. La demande gracieuse de remise des pénalités et
des majorations n'est recevable qu'après le règlement de la totalité des
contributions dues. La remise gracieuse est conditionnée à la bonne foi du
redevable, dûment prouvée par ses soins.
« Les litiges sont portés devant une juridiction de l'ordre judiciaire.
«
Art. L. 138-22. -
Les entreprises ou les groupes non établis en
France désignent un représentant résidant en France personnellement responsable
des opérations déclaratives et du versement des sommes dues.
«
Art. L. 138-23. -
Un décret en Conseil d'Etat fixe, en tant que de
besoin, les modalités d'application des dispositions du présent chapitre. »
« II. - Le quatrième alinéa de l'article L. 137-7, les articles L. 137-8, L.
138-3 et L. 138-14, les deuxième, troisième et quatrième alinéas de l'article
L. 245-6 du même code sont abrogés.
« III. - Les dispositions du présent article entrent en vigueur le 1er janvier
2003.
« Art. 47
bis
. - L'article L.144-2 du code de la sécurité sociale est
ainsi modifié :
« 1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« A l'exclusion des rémunérations des présidents des juridictions et de celles
de leurs secrétaires ainsi que de celles du secrétaire général et des
secrétaires généraux adjoints de la Cour nationale de l'incapacité et de la
tarification de l'assurance des accidents du travail, les dépenses de toute
nature résultant de l'application des chapitres II et III du présent titre sont
: » ;
« 2° Dans les deuxième et troisième alinéas, les mots : "les caisses centrales
compétentes de mutualité sociale agricole" sont remplacés par les mots : "la
Caisse centrale de la mutualité sociale agricole" ;
« 2°
bis
. - Après le troisième alinéa (2°), il est inséré un 3° ainsi
rédigé :
« 3° Ou bien remboursées par la caisse nationale compétente du régime général
au budget de l'Etat. » ;
« 3° Dans l'avant-dernier alinéa, les mots : "à l'alinéa précédent" sont
remplacés par les mots : "aux 1°, 2° et 3°" ;
« 4° Dans le dernier alinéa, les mots : "le fonds national de solidarité prévu
au livre VIII du présent code" sont remplacés par les mots : "le fonds spécial
d'invalidité mentionné par l'article L. 815-3-1 et le Fonds de solidarité
vieillesse institué par l'article L. 135-1".
« Art. 47
ter. - Supprimé par la commission mixte paritaire.
« Art. 47
quater. -
Les prévisions, en recettes comme en dépenses, du
Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité
sociale sont arrêtées à la somme de 16 560 millions d'euros pour 2003,
conformément à l'annexe
f
de la présente loi. »
Quelqu'un demande-t-il la parole sur l'un de ces articles ?...
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M.
Paul Blanc, pour explication de vote.
M. Paul Blanc.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de
loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 illustre la détermination
du Gouvernement à fonder une politique de confiance et de réalisme. Son
principal objectif est de sauvegarder notre système d'assurance maladie, un
système auquel nous sommes tous attachés.
Après cinq ans d'immobilisme sur la santé et les retraites, après de multiples
ponctions sur les recettes financières de la branche famille pour faire face à
une politique de l'emploi néfaste, nous vous remercions, monsieur le ministre,
d'avoir pris à bras-le-corps les difficultés rencontrées par nos régimes de
protection sociale.
Malgré la croissance économique de ces dernières années, la situation des
comptes sociaux est très dégradée. Du fait de l'absence de réforme de structure
de l'assurance maladie, les déficits qui se sont succédé, année après année,
n'ont pas pu être endigués, creusant la dette sociale.
Ainsi, vous avez su renouer le dialogue avec les professionnels de santé en
passant avec eux un accord de confiance, en supprimant le système des
lettres-clés flottantes, en obtenant de prescrire davantage de génériques. Les
premiers résultats sont là et la confiance est revenue.
La taxation supplémentaire des droits de consommation sur les tabacs, mais
aussi de certaines bières très alcoolisées, illustre la volonté de notre pays
de lutter contre ces dépendances. Nous savons que seule une augmentation des
prix réellement importante a un effet sur la consommation. Cela traduit donc un
vrai souci de santé publique.
Quant à l'ONDAM prévu pour 2003, il a été fixé de façon réaliste et sincère au
regard des années précédentes.
L'instauration d'un forfait de remboursement sur la base d'un produit
générique est une bonne idée qui permettra de mieux maîtriser les dépenses de
médicaments.
Les hôpitaux ne sont pas oubliés. Le plan Hôpital 2007, présenté la semaine
dernière, le démontre.
D'autres dispositions de ce texte apportent des améliorations significatives
en faveur, notamment, des établissements hébergeant des personnes âgées
dépendantes et vont dans le sens d'une plus grande autonomie de la branche
accidents du travail et maladies professionnelles.
Sur quelques questions difficiles telles que la suppression de la taxe sur la
vente directe des médicaments, le débat aura permis de poser la nécessité d'une
réflexion plus profonde.
J'émettrai un regret, cependant : la commission mixte paritaire n'a pas
souhaité retenir la suggestion du Sénat de créer un fonds de réserve « famille
». Là aussi, il faudra faire des choix qui, je le souhaite, confirmeront la
volonté de clarifier les financements de la protection sociale et de garder les
excédents de la branche famille pour la politique familiale.
Ce projet de loi de transition annonce pour l'année prochaine des chantiers
importants : la réforme de la politique de santé, la réforme des régimes de
retraites, la conférence de la famille. Soyez assuré, monsieur le ministre, que
nous serons à vos côtés dans ces travaux qui nous attendent.
Pour toutes ces raisons, le groupe du RPR du Sénat votera le texte élaboré par
la commission mixte paritaire, et je ne doute pas que l'ensemble de la majorité
sénatoriale se joindra à lui.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Conformément à l'article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix
l'ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la
commission mixte paritaire.
(Le projet de loi est adopté.)
8
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION
M. le président.
J'ai reçu de MM. Robert Badinter, Michel Dreyfus-Schmidt, Louis Mermaz et les
membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, une proposition de
résolution tendant à créer une commission d'enquête relative à l'augmentation
des suicides en milieu carcéral.
La proposition de résolution sera imprimée sous le n° 80, distribuée et
renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de
la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions
prévues par le règlement.
9
TEXTES SOUMIS AU SÉNAT
EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4
DE LA CONSTITUTION
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil visant à éviter le détournement vers des
pays de l'Union européenne de certains médicaments essentiels.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 21421 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil sur le commerce de certains produits
sidérurgiques entre la Communauté européenne et l'Ukraine.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 2143 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Projet de position commune du Conseil 2002/...PESC concernant des mesures
restrictives à l'encontre de la Somalie.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 2144 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil fixant, pour la campagne de pêche 2003,
les prix d'orientation et les prix à la production communautaire pour certains
produits de la pêche conformément au règlement (CE) n° 104/2000.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 2145 et distribué.
10
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au vendredi 29 novembre 2002, à neuf heures trente, à quinze heures et le
soir :
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2003, adopté par
l'Assemblée nationale (n°s 67 et 68, 2002-2003). (M. Philippe Marini,
rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des
comptes économiques de la nation.)
Deuxième partie. - Moyens des services et dispositions spéciales :
Travail, santé et solidarité :
I. - TravailProcédure de questions et de réponses avec un droit de réplique
des sénateurs.
(+ articles 70 et 77)* :
M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial (rapport n° 68, annexe n° 35) ;
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales
(travail et emploi, avis n° 72, tome IV) ;
Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis de la commission des affaires
sociales (formation professionnelle, avis n° 72, tome V).
II. - Santé, famille, personnes handicapées et solidarité (+ articles 69, 76
et 78)* :
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial (rapport n° 68, annexe n° 36) ;
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales
(solidarité, avis n° 72, tome I) ;
M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis de la commission des affaires
sociales (santé, avis n° 72, tome II).
III. - Ville et rénovation urbaine :
M. Eric Doligé, rapporteur spécial (rapport n° 68, annexe n° 37) ;
M. Pierre André, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques et du Plan (avis n° 70, tome XXIII) ;
Mme Nelly Olin, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales
(avis n° 72, tome III).
Culture (+ article 63)* :
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial (rapport n° 68, annexe n° 6) ;
M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis de la commission des affaires
culturelles (avis n° 69, tome I) ;
M. Marcel Vidal, rapporteur pour avis de la commission des affaires
culturelles (cinéma, théâtre dramatique, avis n° 69, tome II).
Délai limite pour les inscriptions de parole
dans les discussions précédant l'examen des crédits de chaque ministère
Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant
l'examen des crédits de chaque ministère est fixé à la veille du jour prévu
pour la discussion, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements aux crédits
budgétaires pour le projet de loi de finances pour 2003
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits budgétaires
et articles rattachés du projet de loi de finances pour 2003 est fixé à la
veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles
de la deuxième partie non joints à l'examen des crédits du projet de loi de
finances pour 2003
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième
partie non joints à l'examen des crédits du projet de loi de finances pour 2003
est fixé au vendredi 6 décembre 2002, à seize heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-trois heures dix.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD
NOMINATION DE RAPPORTEURS
COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
M. Christian Gaudin a été nommé rapporteur du projet de loi n° 279 (2001-2002)
relatif à la protection de l'environnement en Antarctique.
COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LÉGISLATION, DU SUFFRAGE UNIVERSEL,
DU RÈGLEMENT ET D'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
M. Laurent Béteille a été nommé rapporteur de la proposition de résolution n°
315 (2001-2002) de M. Henri de Raincourt tendant à la création d'une commission
d'enquête sur la maltraitance envers les personnes handicapées accueillies en
institution et les moyens de la prévenir.
M. Laurent Béteille a été nommé rapporteur de la proposition de résolution n°
348 (2001-2002) de MM. Bernard Plaisait et Henri de Raincourt et les membres du
groupe des Républicains et Indépendants tendant à la création d'une commission
d'enquête sur la politique nationale de lutte contre les drogues illicites.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON
ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du jeudi 28 novembre 2002
SCRUTIN (n° 57)
sur l'amendement n° II-12 présenté par M. Jean Arthuis au nom de la commission
des finances, tendant à réduire les crédits du titre III de l'état B du projet
de loi de finances pour 2003 (budget de la jeunesse, de l'éducation nationale
et de la recherche - II enseignement supérieur).
Nombre de votants : | 313 |
Nombre de suffrages exprimés : | 307 |
Pour : | 182 |
Contre : | 125 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :
Contre :
22.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Guy Fischer, qui présidait la
séance.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (21) :
Contre :
21.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (94) :
Pour :
88.
Abstentions :
5. _ MM. Louis de Broissia, Jean-Claude Etienne, Patrice
Gélard, Jacques Legendre et Jacques Valade
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Christian Poncelet, président du
Sénat.
GROUPE SOCIALISTE (82) :
Contre :
82.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (54) :
Pour :
54.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (41) :
Pour :
40.
Abstention :
1. _ M. Jean-Léonce Dupont.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (6) :
N'ont pas pris part au vote :
6.
Ont voté pour
Nicolas About
Jean-Paul Alduy
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
Gérard Bailly
José Balarello
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Christian Bergelin
Daniel Bernardet
Roger Besse
Laurent Béteille
Joël Billard
Claude Biwer
Jean Bizet
Jacques Blanc
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
Didier Borotra
Joël Bourdin
Brigitte Bout
Jean Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Christian Cointat
Gérard Cornu
Jean-Patrick Courtois
Robert Del Picchia
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Dériot
Yves Detraigne
Eric Doligé
Jacques Dominati
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Louis Duvernois
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Pierre Fauchon
Jean Faure
Françoise Férat
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Alain Fouché
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Christian Gaudin
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Gisèle Gautier
André Geoffroy
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Daniel Goulet
Jacqueline Gourault
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Charles Guené
Michel Guerry
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Françoise Henneron
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Daniel Hoeffel
Jean-François Humbert
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Jean-Marc Juilhard
Roger Karoutchi
Joseph Kergueris
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
André Lardeux
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
René-Georges Laurin
Jean-René Lecerf
Dominique Leclerc
Jean-François Le Grand
Serge Lepeltier
Philippe Leroy
Marcel Lesbros
Valérie Létard
Gérard Longuet
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Brigitte Luypaert
Max Marest
Philippe Marini
Pierre Martin
Jean-Louis Masson
Serge Mathieu
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Dominique Mortemousque
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Jacques Oudin
Monique Papon
Anne-Marie Payet
Michel Pelchat
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Josselin de Rohan
Roger Romani
Janine Rozier
Bernard Saugey
Jean-Pierre Schosteck
Bruno Sido
Louis Souvet
Michel Thiollière
Henri Torre
René Trégouët
André Trillard
François Trucy
Maurice Ulrich
Jean-Marie Vanlerenberghe
Alain Vasselle
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Jean-Paul Virapoullé
François Zocchetto
Ont voté contre
Nicolas Alfonsi
Michèle André
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Gilbert Barbier
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Marie-France Beaufils
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marie-Christine Blandin
Nicole Borvo
Didier Boulaud
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Claire-Lise Campion
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Yvon Collin
Gérard Collomb
Yves Coquelle
Raymond Courrière
Roland Courteau
Yves Dauge
Annie David
Marcel Debarge
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Michelle Demessine
Fernand Demilly
Rodolphe Désiré
Evelyne Didier
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
François Fortassin
Thierry Foucaud
Jean-Pierre Fourcade
Jean François-Poncet
Jean-Claude Frécon
Bernard Frimat
Charles Gautier
Paul Girod
Jean-Pierre Godefroy
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Odette Herviaux
Bernard Joly
Alain Journet
André Labarrère
Philippe Labeyrie
Pierre Laffitte
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
André Lejeune
Louis Le Pensec
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Jean-Yves Mano
François Marc
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Josiane Mathon
Pierre Mauroy
Louis Mermaz
Gérard Miquel
Aymeri de Montesquiou
Michel Moreigne
Georges Mouly
Roland Muzeau
Georges Othily
Jean-Marc Pastor
Jacques Pelletier
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Daniel Raoul
Paul Raoult
Daniel Reiner
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Michèle San Vicente
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Daniel Soulage
Jean-Pierre Sueur
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Jean-Marc Todeschini
Pierre-Yvon Tremel
André Vallet
André Vantomme
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber
Abstentions
Louis de Broissia, Jean-Léonce Dupont, Jean-Claude Etienne, Patrice Gélard,
Jacques Legendre et Jacques Valade.
N'ont pas pris part au vote
Philippe Adnot, Philippe Darniche, Sylvie Desmarescaux, Hubert Durand-Chastel,
Bernard Seillier et Alex Türk.
N'ont pas pris part au vote
Christian Poncelet, président du Sénat, et Guy Fischer, qui présidait la
séance.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : | 312 |
Nombre des suffrages exprimés : | 306 |
Majorité absolue des suffrages exprimés : | 154 |
Pour : | 180 |
Contre : | 126 |
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.