SEANCE DU 25 NOVEMBRE 2002
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. GUY FISCHER
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Loi de finances pour 2003.
- Suite de la discussion d'un projet de loi (p.
1
).
Articles additionnels après l'article 4 (suite) (p. 2 )
Amendement n° I-9 de la commission. - MM. Philippe Marini, rapporteur général
de la commission des finances ; Alain Lambert, ministre délégué au budget et à
la réforme budgétaire ; Denis Badré, Jean Chérioux, Jean-Pierre Masseret,
Michel Charasse. - Retrait.
Amendements n°s I-5 de la commission, I-115 et I-116 de M. Roland du Luart. -
MM. le rapporteur général, Jean Clouet, le ministre délégué, Denis Badré,
Jacques Oudin, Gérard Miquel. - Retrait des trois amendements.
Amendements n°s I-7 de la commission et I-113 de M. Roland du Luart. - MM. le
rapporteur général, Jean Clouet, Jean Arthuis, président de la commission des
finances ; le ministre délégué. - Retrait des deux amendements.
Reprise de l'amendement n° I-113 rectifié par M. Gérard Miquel. - MM. Gérard
Miquel, le ministre délégué. - Rejet.
Amendement n° I-8 de la commission. - MM. le rapporteur général, le ministre
délégué. - Retrait.
Amendement n° I-6 de la commission. - MM. le rapporteur général, le ministre
délégué. - Retrait.
Amendement n° I-216 rectifié de M. Philippe Adnot. - MM. Jacques Oudin, le
rapporteur général, le ministre délégué. - Retrait.
M. le président de la commission.
Amendement n° I-100 de M. Bernard Dussaut. - MM. Michel Charasse, le rapporteur
général, le ministre délégué. - Retrait.
Amendements n°s I-101 et I-212 rectifié de M. Bernard Dussaut. - MM.
Jean-Pierre Demerliat, le rapporteur général, le ministre délégué. - Retrait
des deux amendements.
Article 4 bis (p. 3 )
Amendements n°s I-144 de M. Thierry Foucaud, I-217 et I-218 de la commission. -
MM. Thierry Foucaud, le rapporteur général, le ministre délégué. - Retrait de
l'amendement n° I-217 ; rejet de l'amendement n° I-144 ; adoption de
l'amendement n° I-218.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels après l'article 4 bis (p. 4 )
Amendement n° I-10 rectifié de la commission. - MM. le rapporteur général, le
ministre délégué. - Adoption de l'amendement insérant un article
additionnel.
Amendement n° I-203 rectifié de M. Philippe Richert. - MM. Denis Badré, le
rapporteur général, le ministre délégué. - Retrait.
M. le président de la commission.
Amendement n° I-11 de la commission. - Réserve.
Suspension et reprise de la séance (p. 5 )
PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON
Article additionnel après l'article 2
(précédemment réservé)
(p.
6
)
Amendements n°s I-43 de M. Jean Chérioux, I-121 de M. Roland du Luart et I-207 de M. Michel Mercier. - MM. Jean Chérioux, Michel Mercier, Jean Clouet, le rapporteur général, le ministre délégué. - Retrait des trois amendements.
Article 5 (p. 7 )
MM. le rapporteur général, le ministre délégué.
Amendements n°s I-145 à I-147 de M. Thierry Foucaud. - MM. Thierry Foucaud, le
rapporteur général, le ministre délégué. - Rejet des trois amendements.
Adoption de l'article.
Article additionnel après l'article 5 (p. 8 )
Amendement n° I-219 rectifié de la commission. - MM. le rapporteur général, le
ministre délégué. - Retrait.
Amendement n° I-148 de M. Thierry Foucaud. - MM. Thierry Foucaud, le rapporteur
général, le ministre délégué. - Retrait.
Article additionnel avant l'article 5 bis (p. 9 )
Amendement n° I-76 rectifié bis de M. Yann Gaillard et sous-amendement n° I-222 de M. Michel Charasse. - MM. Yann Gaillard, Michel Charasse, le rapporteur général, le ministre délégué, le président de la commission. - Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié insérant un article additionnel.
Article 5 bis (p. 10 )
Amendement n° I-12 rectifié de la commission. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel avant l'article 6 (p. 11 )
Amendement n° I-64 rectifié de M. Michel Charasse. - MM. Michel Charasse, le rapporteur général, le ministre délégué. - Retrait.
Article 6 (p. 12 )
Amendements identiques n°s I-65 de M. Gérard Miquel et I-149 de M. Thierry
Foucaud ; amendement n° I-150 de M. Thierry Foucaud. - MM. Gérard Miquel,
Thierry Foucaud, le rapporteur général, le ministre délégué, le président de la
commission. - Rejet des trois amendements.
Adoption de l'article.
Articles additionnels après l'article 6 (p. 13 )
Amendements n°s I-31 de M. Joseph Ostermann, I-151 à I-154 de M. Thierry
Foucaud, I-128 rectifié de M. Alain Gournac et I-66 de M. Gérard Miquel. - MM.
Joseph Ostermann, Thierry Foucaud, Bernard Murat, Gérard Miquel, le rapporteur
général, le ministre délégué, Jean Chérioux. - Retrait des amendements n°s
I-128 rectifié et I-31 ; rejet des amendements n°s I-153, I-151, I-154, I-66 et
I-152.
Amendement n° I-53 rectifié de M. Denis Badré. - MM. Denis Badré, le rapporteur
général, le ministre délégué. - Adoption de l'amendement insérant un article
additionnel.
Article 6
bis.
- Adoption (p.
14
)
Article additionnel avant l'article 7 (p.
15
)
Amendement n° I-44 rectifié de M. Jean Chérioux. - MM. Jean Chérioux, le rapporteur général, le ministre délégué. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Article 7 (p. 16 )
Amendement n° I-155 rectifié de M. Thierry Foucaud. - MM. Paul Loridant, le
rapporteur général, le ministre délégué. - Rejet.
Adoption de l'article.
Articles additionnels après l'article 7 (p. 17 )
Amendement n° I-159 de M. Thierry Foucaud. - MM. Paul Loridant, le rapporteur
général, le ministre délégué. - Rejet.
Amendements n°s I-139 rectifié et I-160 de M. Thierry Foucaud. - MM. Paul
Loridant, le rapporteur général, le ministre délégué. - Rejet des deux
amendements.
Amendement n° I-158 de M. Thierry Foucaud. - MM. Paul Loridant, le rapporteur
général, le ministre délégué. - Rejet.
Amendement n° I-156 de M. Thierry Foucaud. - MM. Paul Loridant, le rapporteur
général, le ministre délégué. - Rejet.
Amendement n° I-157 de M. Thierry Foucaud. - MM. Paul Loridant, le rapporteur
général, le ministre délégué. - Rejet.
Articles 8 à 8
ter.
- Adoption (p.
18
)
Articles additionnels après l'article 8
ter
(p.
19
)
Amendement n° I-32 de M. Joseph Ostermann. - MM. Joseph Ostermann, le
rapporteur général, le ministre délégué. - Retrait.
Amendement n° I-33 de M. Joseph Ostermann. - MM. Joseph Ostermann, le
rapporteur général, le ministre délégué. - Retrait.
Amendement n° I-34 de M. Joseph Ostermann. - MM. Joseph Ostermann, le
rapporteur général, le ministre délégué. - Retrait.
Amendement n° I-35 de M. Joseph Ostermann. - MM. Joseph Ostermann, le
rapporteur général, le ministre délégué. - Retrait.
Amendement n° I-36 de M. Joseph Ostermann. - MM. Joseph Ostermann, le
rapporteur général, le ministre délégué. - Retrait.
Article 9. - Adoption (p.
20
)
Articles additionnels après l'article 9 (p.
21
)
Amendements identiques n°s I-19 de M. Jean-Louis Masson et I-71 de M.
Jean-Pierre Masseret ; amendement n° I-24 de M. Jean-Louis Masson. - MM.
Jean-Louis Masson, Jean-Pierre Masseret, le rapporteur général, le ministre
délégué, Gérard Longuet, Roland du Luart, Jacques Oudin, Serge Lepeltier, Yves
Fréville, Michel Charasse, le président de la commission. - Retrait des
amendements n°s I-71 et I-24 ; rejet, par scrutin public, de l'amendement n°
I-19 ;
Amendement n° I-165 rectifié de M. Thierry Foucaud. - Mme Marie-Claude
Beaudeau, MM. le rapporteur général, le ministre délégué, Thierry Foucaud. -
Rejet.
Amendements n°s I-37 de M. Joseph Ostermann, I-166 de M. Thierry Foucaud et
I-74 de M. Michel Pelchat ; amendements identiques n°s I-75 rectifié de M.
Michel Pelchat et I-204 rectifié de M. Yves Détraigne. - M. Bernard Murat, Mme
Marie-Claude Beaudeau, MM. Roland du Luart, Denis Badré, le rapporteur général,
le président de la commission, le ministre délégué. - Retrait des amendements
n°s I-37, I-74, I-75 rectifié et I-204 rectifié ; rejet de l'amendement n°
I-166.
Suspension et reprise de la séance (p. 22 )
PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL
Amendement n° I-164 de M. Thierry Foucaud. - Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. le
rapporteur général, le ministre délégué. - Rejet.
Amendement n° I-70 de M. Gérard Miquel. - MM. Gérard Miquel, le rapporteur
général, le ministre délégué. - Rejet.
Amendement n° I-46 rectifié
bis
de M. Paul Girod, repris par la
commission. - MM. le rapporteur général, le ministre délégué. - Adoption de
l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° I-167 de M. Thierry Foucaud. - Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. le
rapporteur général, le ministre délégué. - Rejet.
Amendements n°s I-38 de M. Joseph Ostermann, I-49, I-50 de M. Denis Badré, I-68
de M. Gérard Miquel et I-168 de M. Thierry Foucaud. - MM. Joseph Ostermann,
Denis Badré, Gérard Miquel, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. le rapporteur
général, le ministre délégué, Bernard Angels, Jacques Oudin, Roland du Luart,
Yann Gaillard. - Retrait des amendements n°s I-38, I-49 et I-50 ; rejet des
amendements n°s I-68 et I-168.
Amendement n° I-127 de M. Jacques Oudin. - MM. Jacques Oudin, le rapporteur
général, le ministre délégué. - Retrait.
Amendement n° I-161 de M. Thierry Foucaud. - Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. le
rapporteur général, le ministre délégué. - Rejet.
Amendements n°s I-69 de M. Gérard Miquel et I-162 rectifié de M. Thierry
Foucaud. - MM. Gérard Miquel, Paul Loridant, le rapporteur général, le ministre
délégué, Yves Fréville, Bernard Angels, Thierry Foucaud. - Rejet des deux
amendements.
Amendement n° I-163 de M. Thierry Foucaud. - Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. le
rapporteur général, le ministre délégué, Jacques Oudin. - Rejet.
Amendement n° I-104 de M. Jacques Oudin. - MM. Jacques Oudin, le rapporteur
général, le ministre délégué. - Retrait.
Amendement n° I-201 de M. Jean-Jacques Hyest. - MM. Jean-Jacques Hyest, le
rapporteur général, le ministre délégué. - Retrait.
Amendement n° I-23 de M. Philippe François. - MM. Jean-Jacques Hyest, le
rapporteur général, le ministre délégué. - Retrait.
Amendements n°s I-109 de M. Serge Franchis et I-200 de M. Jean-Jacques Hyest. -
MM. Yves Fréville, Jean-Jacques Hyest, le rapporteur général, le ministre
délégué. - Retrait des deux amendements.
Amendement n° I-39 de M. Joseph Ostermann. - MM. Joseph Ostermann, le
rapporteur général, le ministre délégué. - Retrait.
Article 10. - Adoption (p.
23
)
Article additionnel après l'article 10 (p.
24
)
Amendement n° I-51 rectifié de M. Denis Badré. - MM. Denis Badré, le rapporteur général, le ministre délégué. - Retrait.
Article 11 (p. 25 )
MM. le président de la commission, le ministre délégué, Thierry Foucaud.
Amendements n°s I-169 de M. Thierry Foucaud, I-84 rectifié de M. Gérard Miquel
et I-13 de la commission. - MM. Thierry Foucaud, Jean-Pierre Demerliat, le
rapporteur général, le ministre délégué. - Rejet des amendements n°s I-169 et
I-84 rectifié ; adoption de l'amendement n° I-13.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels après l'article 11 (p. 26 )
Amendement n° I-170 de M. Thierry Foucaud. - MM. Thierry Foucaud, le rapporteur
général, le ministre délégué. - Rejet.
Amendement n° I-171 de M. Thierry Foucaud. - MM. Thierry Foucaud, le rapporteur
général, le ministre délégué. - Rejet.
Renvoi de la suite de la discussion.
3.
Ordre du jour
(p.
27
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. GUY FISCHER
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à dix heures trente.)1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
LOI DE FINANCES POUR 2003
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances
pour 2003 (n° 67, 2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale. [Rapport n° 68
(2002-2003).]
Dans la discussion des articles de la première partie, nous en sommes parvenus
à l'examen de l'amendement n° I-9 tendant à insérer un article additionnel
après l'article 4.
Avant d'aborder cet examen, je tiens, pour la première fois en tant que
président de séance, à saluer la présence de M. le ministre Alain Lambert au
banc du Gouvernement.
Articles additionnels après l'article 4 (suite)
M. le président.
L'amendement n° I-9, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 885-O
bis
du code général des impôts, il est
inséré un article 885-O
bis
-1 ainsi rédigé :
«
Art. 885-O
bis-
1.
- Sont également considérées comme des biens
professionnels au sens de l'article 885-O
bis
les parts ou actions
détenues par des associés détenant collectivement au moins 25 % des droits
financiers ou des droits de vote attachés aux titres émis par la société, à
condition qu'ils soient liés par une convention de vote et qu'ils s'engagent à
ne pas céder leurs titres pendant une période de cinq ans au moins.
« L'engagement de conservation, ainsi que la convention de vote sont notifiés
à la société émettrice des titres, en précisant le nombre de titres visés. Ces
documents sont délivrés à tout associé qui en fait la demande. Ils sont
communiqués à l'administration fiscale.
« L'associé qui rompt l'engagement de conservation souscrit des déclarations
rectificatives de l'impôt de solidarité sur la fortune au titre des trois
années précédentes et acquitte, dans le mois suivant la rupture de
l'engagement, le supplément d'impôt en résultant augmenté de l'intérêt de
retard visé à l'article 1727 du présent code et de la pénalité visée à
l'article 1731 du présent code.
« Dans le cas où le seuil fixé au premier alinéa n'est plus respecté au 1er
janvier de l'année d'imposition, les associés ayant souscrit l'engagement de
conservation perdent le bénéfice de la présente disposition jusqu'à ce que le
seuil soit de nouveau franchi.
« Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application du présent
article. »
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du I
ci-dessus est compensée par la création, à due concurrence, d'une taxe
additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, nous reprenons ce matin la discussion des
articles de la première partie du projet de loi de finances en abordant l'impôt
sur le patrimoine.
La commission des finances a souhaité qu'ait lieu en toute clarté un débat
relatif aux effets économiques de l'impôt de solidarité sur la fortune. C'est
pourquoi elle a déposé une série d'amendements, dont celui que je défends
présentement, tendant à insérer des articles additionnels après l'article 4.
Cette série d'amendements doit être abordée de manière globale. Nous avons
essayé de façon méthodique, je dirai presque pédagogique, d'identifier les
différents sujets qui, au sein de la problématique de l'impôt de solidarité sur
la fortune doivent être traités.
Le présent amendement pose la question du sort fiscal des participations
minoritaires.
Chacun sait, monsieur le ministre, que les dirigeants d'entreprise, les
personnes qui exercent des fonctions de direction, qui exercent des mandats
sociaux sont fondés à considérer comme biens professionnels, de ce fait exlus
de la base du calcul de l'ISF, les participations qu'ils détiennent pendant la
durée de leur fonction, et ce quelle que soit la quotité de ces
participations.
Un problème se pose essentiellement dans deux cas de figure.
Considérons tout d'abord le cas des actionnaires fidèles, par exemples membres
de groupes familiaux ou investisseurs personnes physiques se trouvant aux côtés
d'un chef d'entreprise, qui détiennent moins de 25 % du capital et des droits
de vote ; leurs participations ne sont pas assimilées aux biens professionnels
et représentent dès lors un actif taxable au titre de l'ISF.
Dès lors, pour que la charge fiscale annuelle soit supportable, il faut
pouvoir compter sur des revenus correspondants, revenus apportés en particulier
par les dividendes issus de ces mêmes participations.
Or, dans certaines situations, le poids fiscal de l'ISF peut être sans commune
mesure avec les revenus issus de ces participations. Nous connaissons des cas
dans lesquels des actionnaires fidèles ont dû céder leurs titres, remettant par
là même en cause le contrôle des entreprises, la continuité de leurs
stratégies, voire l'emploi.
Envisageons ensuite le cas du départ en retraite, de la cessation d'activité
professionnelle du dirigeant.
La participation, qui était exonérée, devient dès lors taxable. Vous savez,
monsieur le ministre, que cette situation est particulièrement mal comprise car
elle est à l'origine de ruptures, parfois très préoccupantes, dans la
continuité des stratégies d'entreprises.
L'amendement n° I-9 reprend une proposition de loi que j'avais déposée en
juillet 1997. Cette proposition visait à créer une articulation entre la notion
de pacte d'actionnaires, d'une part, et le régime des biens professionnels au
titre de l'ISF, d'autre part.
Les pactes d'actionnaires, notamment dans les sociétés non cotées, doivent, à
notre avis, être encouragés, car ils sont un gage de stabilité ; ils permettent
l'organisation claire du pouvoir et du contrôle au sein du capital de
l'entreprise et sont donc facteurs de crédibilité des stratégies conduites au
sein de ces entreprises.
L'idée est simple : il s'agit de permettre aux participations minoritaires
réunies dans un pacte, si ce pacte représente au total plus de 25 % du capital
ou des droits de vote de l'entreprise, de bénéficier du régime du bien
professionnel. Toutefois, cette possibilité est subordonnée à une condition :
l'engagement de conservation des titres pendant une durée de cinq ans au
moins.
L'engagement de conservation ainsi que la convention de vote assortie au pacte
d'actionnaires devraient être notifiés à la société émettrice des actions en
précisant le nombre de titres visés. Selon le principe de transparence, ces
informations seraient portées à la connaissance de tout associé qui en ferait
la demande et seraient communiquées à l'administration fiscale pour faciliter
le contrôle.
Parmi tous les amendements que nous avons déposés sur le sujet, cet amendement
n° I-9 est celui qui correspond sans doute le mieux à l'idée d'attractivité
fiscale. Nous savons bien en effet, par expérience, que l'application de l'ISF
à des participants minoritaires a de nombreux effets pervers pour le tissu
économique ; elle peut être un facteur non négligeable de délocalisation de
projets industriels hors de nos frontières.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.
Monsieur le
président, je vous remercie des paroles d'accueil que vous avez prononcées à
mon endroit. Mesdames et messieurs les sénateurs, j'espère que la pause du
week-end aura été bénéfique et que nous en ressentirons les bienfaits dans nos
travaux à venir.
Permettez-moi de prendre la parole quelque peu longuement pour répondre sur
l'ISF à M. le rapporteur général et à l'ensemble du Sénat. Qu'il soit bien
entendu que je ne compte nullement éluder cette discussion. Aussi, monsieur le
rapporteur général, à l'occasion de l'examen de chacun des amendements de la
commission des finances, vous donnerai-je des explications de la part du
Gouvernement.
Il me semble utile, tout d'abord, de faire un rappel, bref mais clair, du
calendrier fiscal du Gouvernement.
Le Gouvernement a pris ses fonctions au début de l'été - ce qui est habituel
depuis la mort du président Pompidou - c'est-à-dire au moment où l'élaboration
du budget est déjà engagée. Le Gouvernement a souhaité ne pas disperser son
action sur toutes les catégories d'impôts, mais au contraire concentrer son
effort, compte tenu des faibles marges de manoeuvre dont il pouvait disposer,
sur l'allégement des prélèvements qui pèsent sur le travail, afin de favoriser
l'initiative et l'emploi.
C'est ainsi que le Gouvernement a réduit l'impôt sur le revenu ; c'est ainsi
qu'il a diminué la taxe professionnelle qui pèse sur les entreprises ; c'est
ainsi qu'il a financé la convergence des SMIC sur trois ans par l'allégement
des charges. Il n'était absolument pas dans ses intentions d'éluder
l'importante question de la fiscalité du patrimoine, qui est un des éléments
clés - et, monsieur le rapporteur général, vous en parlez tellement mieux que
moi ! - de l'attractivité du territoire français. C'est en effet le rempart
idéal pour éviter les délocalisations qui menacent et pénalisent l'emploi sur
notre territoire.
Le Gouvernement a donc simplement paré au plus pressé, dans le temps très
court qui lui était imparti, d'une part, pour soutenir ceux qui travaillent et
qui commençaient à se décourager en raison du poids de la fiscalité, pour
résoudre le problème de la multiplicité des SMIC qu'ont entraînée les 35 heures
- cela supposait de financer les allégements de charges correspondants - et,
d'autre part, pour soutenir les entreprises qui, nous le savons tous, sont
soumises à une concurrence de plus en plus vive du fait du poids des charges
qui les pénalisent.
S'agissant de la fiscalité du patrimoine, j'ai décidé d'engager, dès le
premier trimestre de 2003, un travail d'ensemble très approfondi - auquel je
convie par avance votre commission des finances - afin que nous soyons prêts
pour la prochaine loi de finances.
Je souhaite que ce travail puisse, comme ce fut le cas dans de nombreux pays
voisins, être mené dans un consensus assez large, sans tabous ni diabolisation.
Dans la mesure où il y va de l'avenir économique de notre pays et de ses
emplois, je pense que ce n'est pas trop demander aux forces politiques que de
s'accorder sur des principes simples, au premier rang desquels figurent, selon
moi, ceux-ci : l'impôt, quel qu'il soit, doit être le plus neutre possible par
rapport aux choix économiques des contribuables et il ne doit pas pénaliser
l'emploi mais au contraire l'encourager.
Il va de soi, mesdames, messieurs les sénateurs, que je conserve, en cet
instant, un souvenir très précis des positions que j'ai été amené à défendre au
cours des années passées au nom de votre commission des finances et que ces
positions ne sont en rien contraires à celles que je suis appelé aujourd'hui à
soutenir au nom du Gouvernement. Ce qui pourrait nous séparer serait plutôt une
question de calendrier que l'orientation générale à donner à notre fiscalité du
patrimoine.
Les défauts de notre système fiscal sont bien connus. Ils révèlent, s'agissant
notamment de l'ISF, une conception trop punitive de notre fiscalité, qui
pourrait s'avérer mortelle dans un univers où les bases de l'impôt sont de plus
en plus mobiles, et qui risque de nuire au rendement et à l'efficacité de nos
prélèvements. Ces défauts, ce sont, en particulier, une progressivité excessive
et un empilement d'impôts sur une même assiette, notamment en ce qui concerne
le patrimoine.
Le renforcement de la compétitivité fiscale de la France doit donc être un
objectif national, transcendant les clivages traditionnels.
Curieusement, en France, cette vision des choses est assimilée à une politique
libérale. Ce n'est pas le cas chez nos voisins dont les gouvernements sont
dirigés par des sociaux-démocrates : chacun se souvient du manifeste publié en
juin 1999, sous la plume conjointe de MM. Schröder et Blair, qui visait à
dessiner la politique fiscale d'une gauche moderne et dans lequel figurait en
bonne place la nécessité d'accroître les compétitivités nationales et
européennes, rangeant en quelque sorte au « placard de l'histoire »
l'irréductible conflit entre la redistribution des revenus héritée des schémas
de l'économie industrielle du XIXe siècle et la diminution du taux
d'imposition, nécessaire à la création de richesses en économie ouverte.
Gageons que les forces politiques de bonne foi et de bon sens - et je suis
très confiant envers le Sénat - s'accorderont pour porter notre pays au premier
rang de la compétitivité.
Je me suis quelque peu éloigné de l'amendement proposé par M. le rapporteur
général, mais je tenais à ne pas esquiver le débat et à me tenir au plus près
des préoccupations qu'il a exprimées au nom de la commission des finances.
Monsieur le rapporteur général, je viens de dire que l'ISF comportait des
effets pervers incontestables pour l'initiative économique et la détention de
participations au capital d'entreprises qui ne sont pas susceptibles de
bénéficier de l'exonération au titre des biens professionnels.
Le seuil de 25 % conduit à retarder le départ à la retraite de certains
dirigeants âgés. Il décourage des membres de la famille qui souhaiteraient
conserver leurs titres, par solidarité ou par respect pour leurs ascendants, de
le faire parce que les dividendes distribués ne couvrent parfois même pas
l'impôt à payer. Il incite donc à la vente des titres, et le contrôle de
certaines de nos belles entreprises par un actionnariat français peut s'en
trouver menacé, avec tous les risques qui en résultent pour nos emplois.
Cette question doit être traitée pour le bien du pays, pour le bien des
entreprises, pour le bien de l'emploi, autant que pour les redevables, dont la
patience, je crois, mérite la considération des pouvoirs publics et de nos
concitoyens mais dont l'impatience, en revanche, pourrait affecter à terme le
contrôle de nos entreprises.
La solution du pacte d'actionnaires que vous suggérez, monsieur le rapporteur
général - je ne la découvre pas puisque j'avais eu la chance de vous la voir
présenter en commission des finances les années passées -, est en effet l'une
des voies possibles. Ce pacte comporte des avantages, que vous soulignez dans
votre rapport, mais il mériterait cependant une base civile qui sécuriserait
les contractants et conférerait une valeur supplémentaire à son contenu.
Sans pouvoir traiter ce sujet de manière exhaustive ce matin, je suis
naturellement prêt à l'examiner avec vous dans le cadre de la préparation de la
réforme que nous allons engager au premier trimestre de 2003.
Je pense, monsieur le rapporteur général, que cette longue réponse devrait
vous permettre de retirer cet amendement.
M. le président.
L'amendement est-il maintenu, monsieur le rapporteur général ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Pour que le débat s'épanouisse, je ne vais pas
immédiatement donner suite à la demande de M. le ministre.
M. le président.
La parole et à M. Denis Badré, pour explication de vote.
M. Denis Badré.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous ne
serez pas surpris que j'intervienne à ce moment de notre débat, alors que nous
examinons le premier des amendements concernant l'ISF.
M. le rapporteur général a parlé d'attractivité, M. le ministre de
compétitivité ; il est normal que le président de la mission sur l'expatriation
des capitaux et les compétences des entreprises monte en ligne ! Vous avez pu
noter que, cette année, je n'avais déposé aucun amendement sur l'ISF, alors que
j'en avais déposé un certain nombre l'année dernière. En vérité, l'année
dernière, les conditions étaient meilleures pour avancer sur ce dossier
essentiel à l'avenir du pays, à son attractivité, à sa compétitivité et donc à
son emploi.
Je ne l'ai pas fait cette année parce que les temps sont un peu plus
difficiles et que j'ai préféré suivre scrupuleusement les positions prises par
la commission des finances, dont je soutiens les amendements.
Je sais que le sujet est passionnel et qu'il peut donner lieu à des
affrontements de nature idéologique. Or ce n'est pas l'intérêt de la France :
le sujet mérite, eu égard à ses aspects tant financiers que psychologiques, une
approche beaucoup plus concrète et pragmatique, une analyse tout à fait
dépassionnée.
Un ISF trop lourd, c'est d'abord de l'ISF qui était payé l'année précédente et
qui ne l'est plus parce que ceux qui le payaient sont partis.
Vos services, monsieur le ministre, savent parfaitement mesurer cet effet de
l'ISF, ils savent même qui est parti, mais ils considèrent trop souvent que
ceux qui paient et qui ne paient plus vont revenir et que la perte n'est,
finalement, que temporaire. Je crains, moi, que la perte ne soit durable et que
ceux qui rentrent ne soient beaucoup moins nombreux que ceux qui sont partis.
Simplement, ceux qui rentrent, vos services ne les connaissent pas et sont donc
incapables de les compter.
Mais, surtout, dans vos statistiques, n'apparaissent pas ceux qui sont partis
avant même d'avoir payé l'ISF : ils sont partis parce qu'ils avaient le
sentiment que leur projet pourrait être développé ailleurs plus intelligemment,
plus facilement, plus économiquement, plus harmonieusement. Or ils sont
nombreux.
Il y a aussi ceux qui sont à l'étranger depuis très longtemps, qui auraient pu
rentrer au moment de leur retraite, par exemple, et qui ne le feront pas parce
qu'ils ne veulent pas voir leur fortune taxée dans ces conditions. Ils restent
donc à l'étranger. J'en ai connu combien qui ont réussi ainsi aux Etats-Unis et
qui y restent au moins la moitié de l'année plus un jour !
Au-delà de la simple question du rendement de l'ISF, quelqu'un qui part à
l'étranger pour y déployer son activité sans perspective de retour en France,
c'est aussi de l'impôt sur les sociétés en moins, de la TVA en moins et toute
une série d'autres recettes qui nous échappent. C'est également quelqu'un qui
aurait épargné en France et qui ne le fera pas.
En tout cas, du seul point de vue fiscal, quelle perte ! D'où la nécessité
impérieuse d'examiner cette question posément, pour voir où est l'intérêt de la
France et pour faire en sorte que, sur un sujet comme celui-là, le pragmatisme
l'emporte sur l'idéologie.
C'est pourquoi je souscris à la proposition du ministre tendant à une
réflexion d'ensemble sur la fiscalité du patrimoine. J'ai d'ailleurs moi-même
émis le souhait, en commission des finances - et je crois avoir recueilli son
approbation -, de voir notre assemblée s'engager dans une telle réflexion, afin
que nous puissions envisager les moyens d'apporter plus de cohérence et
d'efficacité dans l'ensemble que constituent l'ISF, les impôts sur les
plus-values, les droits de mutation et de succession ainsi que les impôts
fonciers.
Bien sûr, dans ce contexte, l'amendement n° I-9, déposé par la commission,
avait une valeur en quelque sorte emblématique de notre volonté de définir une
fiscalité du patrimoine plus cohérente, propre à renforcer l'attractivité et la
compétitivité de notre pays, car ce sont les clés de l'avenir dans un monde
ouvert.
M. le président.
La parole est à M. Jean Chérioux, pour explication de vote.
M. Jean Chérioux.
Les aspects économiques de la question ont été abordés, et je veux, pour ma
part, souligner que l'impôt de solidarité sur la fortune est, en outre, un
impôt injuste dans la mesure où il frappe non pas tant les grosses fortunes que
les classes moyennes.
Je me souviens très bien du débat auquel a donné lieu la création de cet impôt
: M. Fabius était alors ministre délégué chargé du budget. En fait, on était
déjà conscient que c'était une véritable mystification : on savait parfaitement
que les grandes fortunes avaient, elles, la possibilité de s'évader, et c'est
bien ce qu'elles ont fait, au détriment de notre économie, comme l'a justement
montré notre collègue M. Badré.
Qui donc paie alors l'ISF ? Tout simplement les classes moyennes, et ceux qui
croient en leur pays, c'est-à-dire ceux qui restent domiciliés fiscalement en
France, parce qu'ils y ont leur travail, leur entreprise ou un patrimoine, ceux
qui possèdent un ou deux appartements, tous ces membres des professions
libérales qui ont épargné, notamment pour se créer un complément de
retraite.
Ce sont eux qui sont frappés par l'ISF, ce ne sont pas les grosses fortunes !
Voilà en quoi réside la mystification : on dit aux classes populaires que, avec
cet impôt, on va « faire payer les riches », mais, en réalité, les vrais
riches, les très riches ne le paient pas !
J'ai eu, un moment, l'intention de présenter un amendement reprenant une
proposition que j'avais formulée lors de l'examen du texte relatif à la
participation et qui tendait à exonérer de l'ISF les actions détenues au titre
de la participation. A l'époque, le Sénat avait voté le texte que la commission
des affaires sociales avait présenté et qui contenait des dispositions
instituant une telle exonération, mais ces dispositions n'ont pas été retenues
dans le texte qui a été voté ensuite à l'Assemblée nationale sur l'initiative
du gouvernement socialiste.
Il faut savoir, monsieur le ministre, que certains salariés ont accumulé, au
titre de la participation, un patrimoine relativement important et que, ce
patrimoine venant s'ajouter à une petite épargne, ils se trouvent assujettis à
l'impôt sur la fortune, ce qui est tout de même un comble ! J'avais donné à
l'époque l'exemple d'une caissière de grande surface qui, ayant utilisé au
cours de sa carrière toutes les possibilités qui lui étaient données par la
loi, se trouvait finalement à la tête de 3 millions ou 3,5 millions de francs
d'actions de sa société.
On peut également citer le cas de tous ces cadres d'entreprises moyennes qui
détiennent une partie du capital, mais qui ne seraient pas pris en compte par
le dispositif du pacte d'actionnaires, lequel concernerait essentiellement des
financiers.
Puisque ce débat sera repris au début de l'année prochaine, il conviendrait
que le Gouvernement réfléchisse à la possibilité d'inclure les cas que je viens
d'évoquer dans les dispositions qui seront élaborées, car il y a aussi un
aspect social dans cette question de l'ISF.
M. le président.
La parole est à Jean-Pierre Masseret, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Masseret.
Permettez-moi d'ajouter mon « grain de sel » dans un débat qui occupe
manifestement le Gouvernement et sa majorité.
M. Denis Badré.
A juste titre !
M. Jean-Pierre Masseret.
Monsieur Chérioux, je fais partie de ces gens qui n'acquittent pas l'impôt sur
la fortune, mais, manifestement, je dois mal me débrouiller puisque, à vous
entendre, la quasi-totalité de nos concitoyens devraient être assujettis à
l'impôt de solidarité sur la fortune.
Cet impôt, dont on connaît l'origine, qui est parfaitement équilibré quand il
est mis en oeuvre et qui répond à un souci de justice fiscale, a été, en
vérité, progressivement vidé de son contenu.
M. Philippe de Gaulle.
C'est le contraire !
M. Jean-Pierre Masseret.
Et les amendements qui nous sont proposés vont encore plus loin en ce sens.
Le courage politique consisterait aujourd'hui, me semble-t-il, à déposer un
amendement visant à supprimer l'impôt de solidarité sur la fortune.
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances, du contrôle budgtaire et des comptes
économiques de la nation.
Absolument !
M. Jean-Pierre Masseret.
Ce serait conforme à la logique qui vient d'être exprimée. Il faut, à un
moment donné, assumer ce que l'on prétend être.
M. Denis Badré.
Comme nous sommes pragmatiques, nous essayons d'être réalistes !
M. Jean-Pierre Masseret.
Monsieur Badré, souhaitez-vous vous exprimer ?
M. Denis Badré.
Je ne faisais que préciser votre pensée !
M. Jean-Pierre Masseret.
Je peux la préciser seul !
Si j'interviens ce matin, c'est simplement pour souligner que la cohésion
sociale dont chacun se réclame et, la nécessité de mener une politique qui
favorise aussi la consommation devraient nécessairement conduire le
Gouvernement à ne pas privilégier une catégorie de contribuables. Or le projet
de loi de finances inclut des mesures qui vont systématiquement dans le même
sens, c'est-à-dire qui tendent à favoriser une seule catégorie de nos
concitoyens. Mais la France n'est pas seulement composée de chefs d'entreprise,
qui prennent des risques, qui méritent certes d'être considérés et rémunérés !
Une autre partie de la population a des besoins dont il faut tenir compte, et
je vous mets en garde : votre politique fiscale est vraiment inégalitaire.
Je tenais, par cette courte intervention, à rappeler quelques principes que
nous avions déjà évoqués lors de la discussion générale.
M. le président.
La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse.
Tout à fait dans la ligne de mon ami M. Jean-Pierre Masseret, je ne résiste
pas à la tentation de participer, moi aussi très brièvement, à ce débat assez
surréaliste de la majorité sénatoriale avec elle-même.
Qu'est-ce qui a provoqué, en 1981, la taxation de la fortune ? Le manque de
discrétion des riches et l'étalement, dans la presse, la radio, la télévision,
des richesses anciennes ou nouvelles, etc. Ils ont donc été victimes de leur
manque de discrétion.
(M. de Gaulle fait un signe de désapprobation.)
J'ai pu comparer, quand j'occupais la place de M. Alain Lambert, la
différence entre les fortunes qui s'étalent dans les magazines, notamment, et
la réalité. Dans ma région d'Auvergne, je m'étais fait communiquer la liste des
contribuables qui étaient assujettis à l'impôt de solidarité sur la fortune.
Dans mon département, il y avait des gens à qui j'aurais donné trois francs six
sous, qui rasaient les murs avec des imperméables « grisouilloux », dont je
n'aurais jamais imaginé qu'ils avaient une telle situation de fortune ; mais
ceux-là, cher Alain Lambert, n'étaient pas dans les magazines !
Donc, au départ, en 1981, la gauche arrive au pouvoir - M. Chérioux évoquait
M. Fabius il y a un instant - et crée l'impôt sur les grandes fortunes.
Toutefois, cet impôt, comme le disait M. Jean-Pierre Masseret, était très
équilibré : les oeuvres d'art, les bois et forêts en étaient exclus et,
surtout, il était plafonné.
La droite arrive en 1986 et commence par le supprimer - erreur psychologique
majeure ! - puis le rétablit, mais avec des allers-retours sur le plafonnement
qui font que, maintenant, le système de plafonnement a sauté alors qu'il ne
posait aucun problème.
Aujourd'hui, mes chers collègues, je ne vous ferai pas de reproches amers, je
constate simplement que l'on ne sait plus comment en sortir.
M. Denis Badré.
Mais si !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Votez nos amendements !
M. Michel Charasse.
En fait, techniquement, on sait très bien comment en sortir. Je me rappelle
très bien M. Balladur disant : « La plus belle c... que j'ai faite pendant que
j'étais au gouvernement a été de supprimer l'impôt sur les grandes fortunes.
»
Par conséquent, quand on dit : « On ne sait plus comment en sortir », on sait
très bien, en fait, techniquement, comment en sortir.
Nous avons un rapporteur général qui est un remarquable technicien ; M. Alain
Lambert, lui aussi, connaît la musique, il avait proposé des solutions les
années précédentes : donc, on sait très bien comment en sortir. Le problème
n'est pas d'ordre technique, vous le savez, c'est un problème politique parce
qu'on a réussi à se metttre, les uns et les autres, dans une situation
impossible, vous avec l'histoire du plafonnement, et éventuellement nous avec
le blocage du barème, qui a fini d'arranger les choses.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il faut nous soutenir !
Nous sommes parvenus à un système tel qu'aujourd'hui les vrais fortunes sont
parties.
M. Denis Badré.
Ce serait bien qu'elles reviennent !
M. Michel Charasse.
Il ne reste plus aujourd'hui que l'immobilier, qui représente 70 % ou 80 % du
rendement de l'impôt, lequel impôt procure aujourd'hui moins de recettes qu'un
impôt dont on dit qu'il est le « plus bête » de tout le dispositif fiscal
français, à savoir la redevance télévisuelle.
Si un délai devait être mis a profit pour réfléchir - et vous nous donnez un
an de réflexion, ce qui ne sera pas complètement inutile -, il vaudrait mieux
avoir le courage de sortir du système actuel et d'en trouver un plus
intelligent et plus efficace pour taxer les vraies fortunes.
J'ajoute - et nous nous connaissons assez les uns et les autres pour savoir
qu'il n'y a pas de méchanceté dans mes propos -, que je peux quand même
m'amuser de ce débat rituel et annuel qui, au fond, se résume un peu à
l'histoire de l'arroseur arrosé !
M. Denis Badré.
Il finira par aboutir !
M. Jean Chérioux.
Je constate que M. Charasse est d'accord avec moi !
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je formulerai quelques remarques complémentaires à la
suite des interventions qui viennent d'avoir lieu, qui sont utiles et de
qualité, bien entendu, et de nature à faire progresser les choses.
Cher collègue Michel Charasse, le problème qui nous est posé est en effet de
faire évoluer notre système fiscal dans le sens du réalisme et en tournant le
dos à l'hypocrisie, même si cette hypocrisie est parfois commode dans les
relations des hommes politiques avec l'opinion publique.
Ce n'est pas un parlementaire de la majorité actuelle qui, au début de cette
année, en s'exprimant dans un organe de presse dont le lectorat est plutôt de
droite et de centre droit,
le Figaro,
a souhaité rendre l'ISF «
économiquement supportable ». Je cite les propres termes de l'ancien rapporteur
général du budget à l'Assemblée nationale, M. Didier Migaud. D'ailleurs, vous
le savez, une mouvance existe au sein de votre formation politique qui appelle
à plus de réalisme économique. Ce sont ceux que, par contrecoup, des
personnalités comme Henri Emmanuelli ont qualifiés de sociaux-libéraux.
Loin de moi l'idée de m'immiscer dans des débats internes, mais puisque vous
évoquez des échanges de propos au sein de la majorité sénatoriale,
permettez-moi à mon tour de vous renvoyer à des échanges de propos qui, bien
logiquement, interviennent dans d'autres segments de l'opinion, notamment au
sein du parti socialiste. Il n'y a pas lieu de s'en étonner.
M. Michel Charasse.
C'est Juppé qui a proposé le plafonnement !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Mais nous reviendrons, bien entendu, sur le
plafonnement, mon cher collègue. Il n'y a pas de tabou dans ce débat.
M. Michel Charasse.
MM. Juppé et Emmanuelli sont du même département !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Le devenir de l'ISF est un sujet sérieux qui est
évoqué au sein de toutes les formations politiques, sauf peut-être par nos
collègues du groupe CRC, ou du moins par la principale composante de ce groupe.
Mais pour tous les autres groupes politiques, ce sujet existe et fait l'objet
de discussions que l'on ne saurait nier. On ne peut couvrir ce sein que l'on ne
saurait voir ! Cela fait partie de la réalité économique, politique et sociale
d'aujourd'hui que de débattre de l'ISF, de la fiscalité du patrimoine et du
devenir de cette fiscalité au sein de notre système fiscal.
S'agissant des propos tenus par M. le ministre délégué au budget et à la
réforme budgétaire, que j'ai écouté tout à l'heure avec grande attention, je me
suis réjouis de la forte connexité de nos analyses et des jugements économiques
qu'il a portés.
Oui, cet impôt, tel qu'il est actuellement conçu, peut inciter à la vente de
titres, déstabiliser le contrôle des entreprises et exercer un effet
défavorable, voire destructeur, sur l'emploi. Oui, des situations dans
lesquelles des dirigeants âgés souhaiteraient prendre leur retraite mais ne le
font pas, au détriment de l'entreprise et de son dynamisme, existent
fréquemment. Oui, mes chers collègues, beaucoup de situations, dans la France
profonde, celle de nos provinces, celle de la PME, sont rendues complètement
artificielles par l'existence même de cet impôt et par ses modalités de
calcul.
A cet égard, le pacte d'actionnaires constitue, à notre avis, une bonne
approche.
Bien entendu, dans cet amendement, il ne pouvait être question de tout
traiter. D'ailleurs, ce dispositif s'applique déjà fréquemment : son existence
et sa licéité ne posent pas de problèmes.
Sans doute, monsieur le ministre, la capacité de sanctionner l'inexécution du
pacte nécessiterait-elle d'être renforcée par la voie civile. C'est en effet
l'aspect qui, aujourd'hui, selon la doctrine et la pratique, est le moins
précis dans notre situation juridique ; c'était l'un des aspects traité par la
proposition de loi que j'avais présentée en juillet 1997. Naturellement, dans
une loi de finances, des dispositions purement juridiques ne pouvaient prendre
place, ce qui explique que, sur cet aspect, le dispositif préconisé ne soit pas
complet.
Mes chers collègues, compte tenu des remarques qui ont été formulées tant par
Denis Badré que par Jean Chérioux, compte tenu du débat qu'a suscité ce premier
amendement et compte tenu des réponses du ministre, c'est avec un certain
espoir que je retirerai dans un instant cet amendement n° I-9 : espoir que le
débat se développe, qu'il soit sans tabou, que l'on raisonne en vue du
développement économique et du développement de l'emploi, que l'on évite
l'hypocrisie, que l'on évite de pénaliser...
M. Denis Badré.
La France !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... des gens sérieux qui peuvent être pris au piège
de cet impôt, parce qu'ils ne seront pas suffisamment riches, parce qu'ils ne
seront pas suffisamment bien conseillés, parce qu'ils auront, finalement, trop
l'amour de leur terroir pour en sortir.
C'est bien avec l'espoir qu'un tel débat puisse se développer et aboutir
rapidement, monsieur le ministre, à des dispositions compréhensibles et
facilement explicables à l'opinion publique, que je retire le premier de cette
série d'amendements tendant à insérer un article additionnel après l'article 4.
(M. Jean Chérioux applaudit.)
M. le président.
L'amendement n° I-9 est retiré.
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° I-5, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le tarif prévu à l'article 885 U du code général des impôts est ainsi
modifié :
FRACTION DE LA VALEUR nette taxable du patrimoine |
TARIF
(en pourcentage) |
---|---|
N'excédant pas 732 000 EUR | 0 |
Comprise entre 732 000 EUR et 1 180 000 EUR | 0,55 |
Comprise entre 1 180 000 EUR et 2 339 000 EUR | 0,75 |
Comprise entre 2 339 000 EUR et 3 661 000 EUR | 1 |
Comprise entre 3 661 000 EUR et 7 017 000 EUR | 1,3 |
Comprise entre 7 017 000 EUR et 15 255 000 EUR | 1,65 |
Supérieure à 15 225 000 EUR | 1,8 |
« II. - Les dispositions relatives à l'article 885 U du code général des
impôts figurant à l'annexe III de l'ordonnance n° 2000-916 du 19 septembre 2000
portant adaptation de la valeur en euros de certains montants exprimés en
francs dans les textes législatifs sont abrogées.
« III. - La perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du I et
du II ci-dessus est compensée par la création, à due concurrence, d'une taxe
additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts. »
L'amendement n° I-115, présenté par MM. du Luart, Bourdin, Clouet, Lachenaud
et Trucy, est ainsi libellé :
« Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le tarif prévu à l'article 885 U du code général des impôts est ainsi
modifié :
FRACTION DE LA VALEUR nette taxable du patrimoine |
TARIF
(en pourcentage) |
---|---|
N'excédant pas 732 000 EUR | 0 |
Comprise entre 732 000 EUR et 1 180 000 EUR | 0,55 |
Comprise entre 1 180 000 EUR et 2 339 000 EUR | 0,75 |
Comprise entre 2 339 000 EUR et 3 661 000 EUR | 1 |
Comprise entre 3 661 000 EUR et 7 017 000 EUR | 1,3 |
Comprise entre 7 017 000 EUR et 15 255 000 EUR | 1,65 |
Supérieure à 15 255 000 EUR | 1,8 |
« II. - La perte de recettes pour le budget de l'Etat résultant du I ci-dessus
est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux
droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° I-116, présenté par MM. du Luart, Bourdin, Clouet, Lachenaud
et Trucy, est ainsi libellé :
« Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le tarif prévu à l'article 885 U du code général des impôts est ainsi
modifié :
FRACTION DE LA VALEUR nette taxable du patrimoine |
TARIF
(en pourcentage) |
---|---|
N'excédant pas 786 000 EUR | 0 |
Comprise entre 786 000 EUR et 1 277 000 EUR | 0,55 |
Comprise entre 1 277 000 EUR et 2 535 000 EUR | 0,75 |
Comprise entre 2 535 000 EUR et 3 936 000 EUR | 1 |
Comprise entre 3 936 000 EUR et 7 621 000 EUR | 1,3 |
Comprise entre 7 621 000 EUR et 16 721 000 EUR | 1,65 |
Supérieure à 16 721 000 EUR | 1,8 |
« II. - La perte de recettes pour le budget de l'Etat résultant du I ci-dessus
est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux
droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l'amendement n°
I-5.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cet amendement pourrait s'appliquer à un certain
nombre d'éléments de notre fiscalité. Il peut arriver - cela se produit
d'ailleurs trop fréquemment à mon goût -, que des seuils en valeur absolue ne
soient pas ajustés comme ils devraient l'être et qu'ainsi, de manière
implicite, la fiscalité progresse sans que le Parlement en ait jamais
véritablement délibéré.
Bien des exemples pourraient être cités à cet égard mais, dans ce contexte,
l'ISF mérite cependant une mention particulière.
De 1997 à 2002, mes chers collègues, chaque année, le gouvernement de Lionel
Jospin a préconisé, dans le projet de loi de finances initiale, une
actualisation selon la hausse officielle des prix du barème de l'ISF et, chaque
année, dans le cadre d'un petit ballet toujours organisé de la même façon à
l'Assemblée nationale, au sein de la majorité alors dite plurielle, M.
Jean-Pierre Brard et ses amis du parti communiste protestaient vigoureusement.
Pour leur donner une satisfaction psychologique - à la vérité, pendant cette
législature, le gouvernement de M. Lionel Jospin n'a guère réservé de
satisfactions autres que psychologiques au parti communiste - chaque année, à
la fin de ce petit ballet, l'Assemblée nationale annulait l'actualisation du
barème. Puis, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances au Sénat,
la majorité sénatoriale rétablissait l'actualisation dans la version initiale
du gouvernement. Enfin, venait la commission mixte paritaire et, naturellement,
la thèse du Sénat était rejetée puisque jamais les commissions mixtes
paritaires sur les projet de loi de finances n'ont abouti à un accord pendant
la précédente législature.
Au demeurant, ce point précis n'a jamais été évoqué dans les délibérations des
commissions mixtes paritaires, car, vous le savez, il suffit que se révèle un
premier désaccord, selon une pratique qui est à mes yeux contestable, pour que
la commission mixte paritaire soit considérée comme infructueuse et pour que
l'on passe de façon très conviviale aux petits fours qui sont disposés dans la
salle voisine.
(Sourires.)
Nous avons donc vécu ces jeux de rôle pendant une législature, monsieur le
ministre.
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Ensemble !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Nous les avons vécus ensemble, en effet, et avec le
sourire, parce que nous savions où les choses commençaient et où elles se
termineraient.
Cette année, c'est la surprise ! Bien entendu, le dispositif politique est
nouveau, et la commission, dans sa majorité, ne peut que s'en réjouir, mais,
contrairement à ceux qui étaient présentés sous M. Jospin, le projet de loi de
finances initiale ne comporte pas, cette année, de revalorisation du barème de
l'ISF. Cette décision, monsieur le ministre, mérite sans doute quelques
commentaires, et nous serions heureux de vous entendre sur ce point. Nous
sommes nombreux, en effet, à estimer que la revalorisation du barème de l'ISF,
au même titre que celle du barème de l'impôt sur le revenu, loin d'être une
décision nouvelle, est le simple maintien des choses en l'état.
A l'inverse, en ne revalorisant pas ce barème et en revalorisant celui de
l'impôt sur le revenu, ne prenez-vous pas la décision d'alourdir la charge de
l'ISF ? Je ne vois pas comment analyser différemment cet oubli qui ne peut en
être un, car on a beaucoup parlé de ce sujet. Pourquoi, monsieur le ministre,
alourdir l'ISF, même légèrement, cette année, alors que nous devons, nous
avez-vous dit, nous livrer à un réexamen d'ensemble et sans tabou de cette
question dans le cadre d'une réforme globale de la fiscalité du patrimoine ?
Voyez quelles sont nos incertitudes, voyez dans quels abîmes de perplexité
nous nous trouvons plongés ! Pouvez-vous nous apporter des éléments de réponse,
afin que nous soyons en mesure, simplement, de comprendre ?
M. le président.
La parole est à M. Jean Clouet, pour présenter les amendements n°s I-115 et
I-116.
M. Jean Clouet.
L'amendement n° I-115 a pour objet de corriger une injustice.
Contrairement au barème de l'impôt sur le revenu, qui est actualisé chaque
année en fonction de l'inflation, la dernière actualisation du barème de
l'impôt de solidarité sur la fortune remonte à la loi de finances pour 1996.
Cette non-actualisation est un prélèvement rampant vécu comme confiscatoire
par les contribuables concernés et constitue un facteur déclenchant de
l'expatriation des compétences et des capitaux, lourd de conséquences en
matière de dynamisme économique et d'emploi.
Dans un souci d'équité fiscale et d'efficacité économique, cet amendement tend
à actualiser le barème de l'ISF en fonction du taux de la hausse des prix hors
tabac en 2002, soit 1,7 %, au même titre que l'impôt sur le revenu.
J'en viens à l'amendement n° I-116. Comme je le disais tout à l'heure,
contrairement au barème de l'impôt sur le revenu, qui est actualisé chaque
année en fonction de l'inflation, aucun aménagement du barème de l'impôt de
solidarité sur la fortune n'est intervenu depuis 1996.
Cette non-actualisation du barème durant cinq années aura constitué un
prélèvement rampant de 150 millions d'euros, qu'on pourrait qualifier de « trop
perçu ».
Le présent amendement tend à rattraper le retard ainsi accumulé et procède à
une nouvelle actualisation pour l'année 2003, soit une revalorisation cumulée
de 9,63 %.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
L'amendement n° I-115 est similaire à celui de la
commission, que j'ai défendu il y a un instant. Je ne peux évidemment que
partager le louable souci de nos collègues du groupe des Républicains et
Indépendants.
L'amendement n° I-116 va plus loin puisqu'il refait tout le chemin que l'on
aurait dû parcourir depuis 1997. Mais, à la vérité, c'est l'amendement le plus
fidèle à la pensée de M. Jospin puisque cet amendement cumule ce qu'aurait été
l'effet des lois de finances, si elles avaient été adoptées dans leur version
initiale, des gouvernements de M. Jospin. Donc, pour la continuité de l'Etat,
l'amendement n° I-116 me semble être particulièrement intéressant.
(Sourires.)
Toutefois, il présente l'inconvénient de coûter plus cher que le dispositif de
l'amendement n° I-115. Si l'on veut veiller au respect du solde, il est clair
que la situation des finances publiques qui nous a été léguée
(Ah ! sur les
travées du groupe socialiste)...
M. Marc Massion.
L'héritage !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... et qui se poursuit ces temps-ci ne peut pas nous
apporter les marges de manoeuvre qui seraient indispensables pour une
actualisation globale immédiate, afin de rattraper tout le terrain perdu depuis
1997.
Je voudrais tout de même indiquer que l'effet de cette non-actualisation du
barème de l'ISF sur toute la période représente, si mes indications sont
justes, un surcoût, pour les contribuables assujettis à cet impôt, de l'ordre
de 150 millions d'euros, soit environ un milliard de francs.
Il faudrait d'ailleurs ajouter à ce coût supplémentaire l'incidence de la
nouvelle tranche d'imposition à 1,8 %. Mais c'est une autre affaire !
Restons-en pour le moment à la question du surcoût de 150 millions d'euros
résultant de la simple non-actualisation du barème depuis 1997.
Sur l'amendement n° I-115, je ne peux que partager les propos qui ont été
tenus par M. Jean Clouet. En revanche, l'amendement n° I-116 me paraissant un
peu coûteux, je souhaite son retrait.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Tout d'abord, et c'est non pas un reproche mais un
compliment, même si vous êtes un ancien rapporteur général du budget ou un
ancien président de la commission des finances du Sénat, mais lorsque vous
intervenez devant le Sénat au nom du Gouvernement, vous vous voyez rappeler,
sans complaisance, aux idées de la commission des finances.
Monsieur le rapporteur général, encore une fois, ce n'est pas un reproche que
je vous adresse : c'est la crédibilité de la Haute Assemblée et son caractère
irremplaçable que je souligne.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Merci !
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Pour conserver au débat sa fluidité, je n'ai pas
demandé la parole après les interventions de MM. Jean-Pierre Masseret et Michel
Charasse.
M. Michel Charasse nous a dressé une fresque historique de l'impôt, sur
laquelle je n'ai pas beaucoup d'observations à formuler. Il s'est quelque peu
étonné, après M. Jean-Pierre Masseret d'ailleurs, qu'il y ait un débat.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j'aime trop le Parlement pour regretter que
le débat se tienne au Parlement !
Vous le savez, dans les sociétés modernes, très médiatiques, les échanges
d'arguments se font dans la presse. Celle-ci a toute son utilité, et j'espère
bien d'ailleurs qu'elle suit nos travaux. Mais ne regrettons pas de choisir de
parler au Parlement de ces sujets, qui sont essentiels pour l'avenir de notre
économie. Nos compatriotes nous ont accordé leur confiance pour les représenter
et pour exprimer leurs idées. Faisons donc en sorte que ces idées puissent être
soumises au débat dans nos enceintes - la première personne du pluriel étant
une usurpation de ma part, puisque, malheureusement, je ne fais plus partie du
Parlement.
S'agissant de la revalorisation, monsieur le rapporteur général, je comprends
votre argumentation. Par honnêteté intellectuelle, je ne peux en réfuter la
cohérence. Je vous demande simplement de bien vouloir interpréter les propos
que j'ai tenus au début de notre débat, sur un plan général, comme une
indication sur l'ordre dans lequel le Gouvernement a souhaité mettre en oeuvre
son programme fiscal. Mais cet ordre ne saurait s'interpréter comme ayant été
une manifestation de la volonté du Gouvernement d'accroître l'ISF ! Je vous
donne la confirmation que vous souhaitez entendre : à l'evidence, le
Gouvernement n'a pas la volonté d'alourdir l'ISF.
Cela étant, il est vrai que la non-actualisation du barème aboutit à un léger
accroissement de l'ISF, ce qui est sans doute regrettable. Il est cependant
probable que, l'immense majorité des contribuables assujettis à l'ISF étant
également redevable de l'impôt sur le revenu, elle aura perçu dans la baisse de
ce dernier la volonté du Gouvernement d'agir vite et efficacement en matière de
baisse des prélèvements.
C'est ce qui me conduit - mais je reconnais ne pas avoir d'autres arguments,
monsieur le rapporteur général - à vous dire qu'un effort a été fait dans ce
sens. Il a été fait au titre de l'impôt sur le revenu. J'espère que les
redevables de l'impôt de solidarité sur la fortune verront dans la baisse de
l'impôt sur le revenu un signe d'encouragement pour attendre l'année prochaine,
lorsque nous mettrons en oeuvre ensemble une réforme de la fiscalité du
patrimoine.
Telles sont les raisons pour lesquelles je vous demande de bien vouloir, après
nous avoir donné vos explications, retirer cet amendement.
Je me tourne maintenant vers M. Jean Clouet pour lui demander de faire de même
s'agissant de l'amendement n° I-115, qui est rédigé dans les mêmes termes que
l'amendement n° I-5 de la commission et qui appelle de ma part des arguments
identiques.
L'amendement n° I-116 vise, comme M. le rapporteur général l'a exprimé, avec
la forme d'humour que nous lui envions tous, à rattraper ce qui aurait pu être
présenté comme la volonté du gouvernement précédent, incomprise et
insuffisamment soutenue par sa majorité de l'époque. Le rattrapage que vous
proposez, monsieur Clouet, serait toutefois vraiment au-dessus des moyens du
Gouvernement.
Aussi, je vous propose, dans votre grande sagesse que je connais depuis si
longtemps, de bien vouloir retirer également cet amendement.
M. le président.
Monsieur le rapporteur général, l'amendement n° I-5 est-il maintenu ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Monsieur le président, il me semble préférable que
tous ceux qui souhaitent s'exprimer sur le sujet puissent le faire avant un
éventuel retrait.
M. le président.
La parole est à M. Denis Badré, pour explication de vote.
M. Denis Badré.
Je remercie M. le rapporteur général de laisser se développer la discussion.
Je pense effectivement que c'est utile : comme l'indiquait M. le ministre à
l'instant, le débat doit avoir lieu au Parlement. Je pense que nous sommes là
pour cela et que nous le faisons avec un souci de pragmatisme, de réalisme, et
avec une grande sérénité qui nous permettra, je l'espère, d'avancer
régulièrement chaque fois que nous le pourrons.
« N'ayez pas la compétitivité honteuse, monsieur le ministre » : c'est en ces
termes que je vous interpellais, si je me souviens bien, lors de la discussion
générale. Afficher une volonté d'avancer, même si l'on n'avance pas
immédiatement très vite et très loin, mais marquer au moins une volonté, ce
sera déjà un message perçu par ceux qui hésitent à partir car, à l'évidence,
nul ne part de gaîté de coeur - et j'ai pu le vérifier lors de nos travaux en
commission. Marquer une volonté sera perçu par ceux qui sont partis et qui
n'imaginent peut-être pas un instant qu'ils pourraient revenir alors même
qu'ils en ont envie, le désir, car ceux qui sont partis ont toujours envie de
rentrer un jour.
Marquez une volonté, monsieur le ministre !
L'amendement n° I-9 avait un caractère emblématique mais, un peu compliqué, il
n'était pas immédiatement lisible. L'amendement n° I-5 est beaucoup plus
immédiatement lisible et, de ce point de vue, il représente le signal de base,
marquant cette volonté d'aller de l'avant.
Vous avez cette volonté, monsieur le ministre, vous nous l'avez dit. Nous vous
demandons de l'afficher dès maintenant. Je crains, comme vous le souligniez
vous-même à l'instant, que si vous ne le faites pas et si vous opposez un avis
défavorable à cet amendement, le texte du Gouvernement ne donne au contraire un
signal inverse puisqu'il alourdirait alors encore l'ISF. Marquer une volonté
suppose au moins d'aller dans le sens de l'amendement n° I-5 de la commission.
J'insiste beaucoup pour dire que ce serait le signal attendu qu'il nous
paraîtrait psychologiquement important d'envoyer aujourd'hui pour marquer que
le Parlement et le Gouvernement ont la volonté de prendre en main ce qui peut
assurer la compétitivité du pays.
M. le président.
La parole est à M. Jacques Oudin, pour explication de vote.
M. Jacques Oudin.
Je formulerai trois observations.
Premièrement, je remercie M. le rapporteur général de l'historique qu'il nous
a fait concernant la façon dont le débat sur l'ISF s'est déroulé au cours des
dernières années. Le gouvernement socialiste avait lui-même proposé une
revalorisation annuelle. Ensuite, à l'issue de manoeuvres de couloir, la
revalorisation du barème de l'ISF, votée ou rétablie par le Sénat,
systématiquement, n'avait pas figuré finalement dans la loi de finances. Cela
me paraît important et m'amène à ma deuxième observation.
Le Sénat, au cours des dernières années, a toujours demandé la revalorisation
du barème de l'ISF, au moins au niveau de l'inflation. Non seulement il l'a
demandée, mais il l'a votée, et cela sous un gouvernement socialiste.
Actuellement, alors que le gouvernement a changé, que l'aspiration des
Français s'est manifestée clairement et que le Gouvernement a toujours dit
qu'il ne souhaitait pas alourdir l'ISF, je n'imagine pas que nous ne
revalorisions pas ce barème. Ce serait une contradiction complète avec l'action
qui a été menée auparavant.
Je pense donc que l'amendement n° I-5 de la commission est non seulement
normal, mais qu'il sera compris et accepté par nos concitoyens.
Ma troisième observation - ce point a été évoqué dans le débat précédent -
concerne les fortunes mobilières, dont les plus grosses sont parties. Que
reste-t-il ? Il reste les fortunes immobilières. Or comment évolue actuellement
le prix moyen du mètre carré dans l'immobilier en France ? Il augmente beaucoup
plus vite que l'inflation. Si vous voulez estimer l'alourdissement de l'impôt
de solidarité sur la fortune, il faut cumuler à la fois la non-revalorisation
du barème et l'évolution à la hausse du marché des biens immobiliers. Or
celui-ci s'accroît très vite, parfois de 8 %, 9 % ou 10 % dans certaines villes
de province, mais aussi à Paris.
Dans ces conditions, l'alourdissement ne résulte pas simplement de la
non-actualisation il est dû à l'évolution elle-même de ces biens immobiliers
qui, souvent, sont détenus par des personnes qui ne se livrent pas à de la
spéculation immobilière ou à des activités destinées à l'enrichissement,
puisque ces biens sont des biens de famille.
Dans ces conditions, le Gouvernement aurait tout intérêt à écouter le Sénat et
à approuver cet amendement. Ensuite, nous verrons le sort qui sera réservé à ce
dispositif lors de la commission mixte paritaire. Mais je crois que le Sénat
doit pouvoir continuer à confirmer sa position, parce que le problème est
symbolique, comme l'a d'ailleurs expliqué M. Charasse, et nous ne pouvons pas
nous déjuger sur ce point.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Gérard Miquel, pour explication de vote.
M. Gérard Miquel.
Il est difficile de toucher aux symboles, et là nous sommes bien devant un
symbole !
Nous avons, au fil des ans, accumulé les possibilités de déductions fiscales
au titre de l'impôt sur le revenu. Nous avons proposé un amendement visant à
plafonner les possibilités de déduction fiscale à 50 % du montant de l'impôt à
payer. Si vous voulez toucher au symbole de l'ISF, il faut lancer un message
clair qui tende vers une plus grande justice fiscale !
La proposition que nous avons faite visant à plafonner les possibilités de
déduction fiscale au titre de l'impôt sur le revenu serait très intéressante et
très appréciée. Aujourd'hui, les catégories moyennes, qui n'ont pas la
possibilité d'investir ni de déduire leurs investissements de l'impôt sur le
revenu, paient beaucoup plus d'impôt sur le revenu que les catégories
supérieures qui, elles, ont la possibilité de faire des investissements leur
donnant droit aux déductions fiscales.
Notre proposition fournirait, j'en suis convaincu, des gains à l'Etat plus
intéressants que ceux de l'ISF, qui aujourd'hui est devenu un impôt peu
productif.
M. Michel Charasse.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Tous les propos que nous venons d'entendre suscitent
naturellement beaucoup de réflexions au banc de la commission.
M. le ministre a raison de souligner que l'ISF ne s'apprécie pas tout seul.
D'ailleurs, les quelques analyses - à nos yeux bien insuffisantes mais qui ont
le mérite d'exister -, provenant de la direction générale des impôts, la DGI,
sur les questions d'expatriation des capitaux, montrent que c'est le couple
suivant qu'il faut regarder : d'un côté, l'impôt sur le revenu plus la CSG, de
l'autre, l'ISF. C'est le cumul de ces impositions qui peut expliquer des
délocalisations de capitaux.
Les analyses présentées par la DGI, qui, à cet égard, sont correctes sur le
plan méthodologique, nous laissent cependant une impression d'inachevé. Si des
éléments existent pour dire l'ampleur du phénomène, telle qu'appréciée par
l'administration, des transferts de capitaux, aucun n'élément n'existe
a
contrario
pour dire ce que représentent les projets d'entreprise qui
auraient été réalisés sur notre territoire...
M. Denis Badré.
Absolument !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... et pour lesquels le choix d'autres territoires a
été fait compte tenu de systèmes fiscaux plus attractifs.
Donc, tout en souscrivant à la démonstration de M. le ministre en ce qui
concerne la combinaison des éléments de politique fiscale, je voudrais malgré
tout souligner que, dans l'appréciation des facteurs de compétitivité fiscale,
l'ISF joue bien sûr un rôle très important : c'est une affaire de montant, mais
c'est aussi une affaire de psychologie.
Dans ce domaine aussi bien que dans celui de l'impôt sur le revenu, le
Gouvernement manipule des volumes d'argent importants en ajustant les curseurs
de la politique fiscale, mais il joue surtout avec la psychologie des acteurs
de l'économie.
Donc, monsieur le ministre, je suis d'accord sur le fait que la baisse de
l'impôt sur le revenu est un acquis important sur le plan psychologique pour
certaines catégories d'agents économiques, notamment pour ceux qui influencent
le climat des affaires.
J'en viens aux propos de notre collègue M. Miquel.
Je voudrais saluer sa conclusion car, si j'ai bien compris, lui non plus ne
considère pas comme tabou le débat sur l'ISF au sein de la fiscalité du
patrimoine. Il ajoute, bien entendu, d'autres préconisations et fait part
d'autres soucis, mais j'ai pris ses appréciations comme le témoignage
responsable que ce débat doit avoir lieu et que le maintien du
statu quo
est économiquement critiquable.
Cela étant dit, je resterai fidèle, naturellement, en ce qui me concerne et en
ce qui concerne la commission, à la parole que j'ai donnée à M. le Premier
ministre, et je retirerai cet amendement n° I-5. Je convie notre collègue M.
Clouet à faire de même pour les amendements n°s I-115 et I-116.
Nous avons devant nous d'autres travaux et M. le ministre nous a répondu en
termes constructifs. Il ne faut pas non plus oublier, hélas ! que la
conjoncture des marchés financiers va conduire, en 2003, malgré la
non-actualisation du barème si elle demeure, la plupart des contribuables
assujettis à l'ISF à payer des cotisations sensiblement plus faibles en raison
de la baisse de la valorisation des actions et des autres produits
financiers.
Dans ce contexte spécifique, monsieur le ministre, pour cette année, et cette
année seulement - je me permets de le dire avec une certaine solennité -,
compte tenu des arguments que vous avez développés, de l'intention que vous
avez manifestée et du plan de travail que vous nous tracez, la commission
accepte de retirer cet amendement.
M. le président.
L'amendement n° I-5 est retiré.
Monsieur Clouet, répondez-vous aux sollicitations de M. le rapporteur général
et de M. le ministre ?
M. Jean Clouet.
Absolument, monsieur le président, je retire l'amendement n° I-115.
S'agissant de l'amendement n° I-116, je formulerai tout de même une
observation.
L'impôt de solidarité sur la forture coûterait, nous dit-on, plus cher à
percevoir qu'il ne rapporte.
M. Jean-Pierre Masseret.
Non !
M. Jean Clouet.
Si cela est vrai, plus il concerne de personnes, plus nous perdons. Par
conséquent, en proposant de diminuer les recettes de l'Etat, nous réduisons ses
pertes !
(Sourires.)
A l'avenir, il faudrait tenir compte de cet argument. Quoi
qu'il en soit, je retire l'amendement n° I-116.
M. le président.
Les amendements n°s I-115 et I-116 sont retirés.
M. Paul Loridant.
« Tout ça... pour ça ! »
(Sourires.)
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° I-7, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - A l'article 885 V du code général des impôts, le montant : "150 euros"
est remplacé par le montant : "300 euros".
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du I
ci-dessus est compensée par la création à due concurrence d'une taxe
additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts. »
L'amendement n° I-113, présenté par MM. du Luart, Bourdin, Clouet, Lachenaud
et Trucy, est ainsi libellé :
« Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 885 V du code général des impôts est ainsi rédigé :
«
Art. 885 V. -
Le montant de l'impôt de solidarité pour la fortune
calculé dans les conditions prévues à l'article 885 U est réduit d'un montant
de 300 euros par personne à charge au sens de l'article 196 et de 1 500 euros
par personne à charge au sens de l'article 196 A
bis
. »
« II. - La perte de recettes pour le budget de l'Etat résultant du I ci-dessus
est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux
droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général, pour défendre l'amendement n°
I-7.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
L'amendement n° I-7 pose le problème de la prise en
compte de la situation familiale pour le calcul de l'impôt de solidarité sur la
fortune. D'une manière très modérée d'ailleurs, la commission préconise de
porter de 150 à 300 euros la réduction par personne à charge. Cette mesure,
d'un coût limité, est quelque peu symbolique, et nous souhaiterions entendre le
Gouvernement à ce sujet.
M. le président.
La parole est à M. Jean Clouet, pour défendre l'amendement n° I-113.
M. Jean Clouet.
La portée de l'amendement n° I-113 est très proche de celle de l'amendement n°
I-7 de la commission. L'argumentation étant la même, je ne la reprendrai
pas.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Avant d'entendre l'avis du Gouvernement, je
ferai observer, mes chers collègues, que le barème de l'ISF laisse peu de place
à la notion de patrimoine familial. Contrairement au barème de l'impôt sur le
revenu, dont le caractère est progressif, l'ISF ne tient pas compte, en effet,
de la situation familiale.
Quelques-unes des mesures proposées dans ces deux amendements ne vont pas
jusqu'au bout de cette logique mais, en faisant cette remarque, je suis en
contradiction avec leurs auteurs car, selon moi, l'ISF est un impôt que nous
aurons bien du mal à améliorer ! Je tenais néanmoins à faire cette observation
avant que le Gouvernement donne son avis sur ces deux amendements.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est un excellent amendement que l'amendement n°
I-113, d'autant que ses auteurs ont pensé à prendre en considération les
charges liées à la présence au foyer d'un handicapé. Ce souci est tout à fait
opportun, à la veille de l'ouverture de l'année des handicapés.
La prise en compte des enfants de moins de dix-huit ans et handicapés, pour
lesquels la réduction serait, selon nos collègues, de 1 500 euros,
représenterait une avancée sociale et humaine significative. La commission
salue par conséquent cette initiative et donne un avis favorable à cet
amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
S'il est vrai que ces mesures visent à mieux
appréhender la situation familiale des redevables pour la liquidation de
l'impôt de solidarité sur la fortune, il est non moins certain que - comme M.
le président de la commission vient de le souligner -, pour la détermination de
la capacité contributive des redevables, la composition du foyer fiscal a une
incidence bien moindre qu'en matière d'impôt sur le revenu.
Selon les statistiques, 84 % des redevables de l'impôt sur la fortune n'ont
pas d'enfants à charge, les deux tiers d'entre eux ayant plus de soixante
ans.
Cette mesure tendant à prendre en compte le foyer familial recueille donc
plutôt ma sympathie, en tout cas à titre personnel, mais, étant un lecteur
assidu de M. le rapporteur général, j'estime, comme il l'a écrit dans son
rapport, que cela appelle une correction corrélative des seuils, voire -
pourquoi pas ? - une introduction ou non d'un quotient familial.
M. Jean Arthuis,
président de la commission.
Absolument !
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Une telle réforme ne peut donc s'inscrire que dans une
refonte de l'impôt lui-même, à laquelle je vous propose de travailler dès
l'aube de l'année.
(Sourires.)
C'est ce qui me conduit, me tournant à
nouveau vers M. Clouet et sous le bénéfice des explications que je viens de
donner - qui, je pense, sont positives -, à lui demander de bien vouloir
retirer son amendement, sachant que nous allons travailler tous ensemble sur ce
sujet dès le premier trimestre de 2003.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La dimension familiale de l'impôt sur le patrimoine
doit être connue et reconnue. Au demeurant, c'est ce qu'a fait le Conseil
constitutionnel dans sa décision du 30 décembre 1981 relative à la première
version de l'impôt sur la fortune. Il estimait en effet « qu'il est de fait que
le centre de disposition des revenus à partir duquel peuvent être appréciées
les ressources et les charges du contribuable est le foyer familial ».
A mon sens, ce point a été un peu perdu de vue au cours des dernières années,
la réduction pour personnes à charge étant presque symbolique. Mais, compte
tenu de la réponse qui nous a été apportée, du plan de travail qui nous a été
adressé et qui va commencer, si j'ai bien compris M. le ministre, le 1er
janvier prochain à zéro heure
(Sourires)
, je vais, en témoignage de
confiance, retirer l'amendement n° I-7. Je convie M. Clouet à bien vouloir
faire de même avec son amendement.
M. le président.
L'amendement n° I-7 est retiré.
Monsieur Clouet, acceptez-vous de retirer votre amendement ?
M. Jean Clouet.
Oui, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° I-113 est retiré.
M. Gérard Miquel.
Je le reprends, monsieur le président.
M. le président.
Il s'agit donc de l'amendement n° I-113 rectifié.
Je vous donne la parole, monsieur Miquel, pour le défendre.
M. Gérard Miquel.
Cet amendement me paraît empreint de bon sens, en particulier la mesure
concernant les personnes handicapées titulaires d'une carte d'invalidité.
Accorder une réduction d'impôt de 1 500 euros pour les personnes à charge est
d'autant plus judicieux que l'on veut valoriser le soutien aux handicapés. En
outre, ce serait un signe intéressant qui ne coûterait pas très cher à
l'Etat.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Défavorable. Je n'ai pas d'observation complémentaire
à ajouter ; je me suis déjà largement exprimé.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Quels que soient les auteurs de l'amendement, la
position du Gouvernement restera la même. Je l'ai souvent dit, je suis tout à
fait « inoxydable » à la diabolisation, qui n'est, je le sais bien, sûrement
pas dans les intentions de Gérard Miquel, et pas à mon endroit de surcroît.
A l'occasion de l'examen des différents amendements relatifs à l'ISF, je vous
propose de revoir l'instrument, de remettre l'ouvrage sur le métier et d'y
travailler. Cela vaut pour l'ensemble des propositions qui sont faites. Si nous
commençons à choisir des solutions différentes selon la nature des amendements,
cela signifie que nous voulons d'ores et déjà réformer cet impôt.
Si telle était votre intention, mesdames, messieurs les sénateurs du groupe
socialiste, il fallait le dire dès le départ : nous aurions peut-être donné des
avis différents sur les amendements qui viennent d'être débattus.
Par conséquent, je ne recommande pas au Sénat d'adopter cet amendement, en
raison du défaut de méthode - Gérard Miquel ne m'en voudra pas - et parce que
je vois peut-être un peu d'opportunisme dans cette suggestion.
(Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Ne nous fâchons pas ! Nous n'allons pas, à cette heure matinale, nous dire des
choses désagréables !
Je ne voudrais pas que la position du Gouvernement soit perçue comme étant
aveugle à l'endroit des personnes qui souffrent de handicaps, mais de deux
choses l'une : soit on réforme d'ores et déjà cet impôt, soit on choisit de le
faire l'année prochaine ; on ne peut pas faire les deux en même temps !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-113 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
L'amendement n° I-8, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 885 V
bis
du code général des impôts, il est
rétabli un article 885 V
ter
ainsi rédigé :
«
Art. 885 V
ter. - Les personnes soumises à l'impôt de solidarité sur
la fortune peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt égale à 75 % des
versements ou remises de titres cotés effectués en faveur de fondations ou
d'associations reconnues d'utilité publique répondant aux conditions fixées au
b de l'article 200 du code général des impôts, sans que la réduction d'impôt ne
puisse être supérieure à 25 % des droits dus et résulter pour plus de la moitié
de la remise de titres cotés.
« Cette réduction ne peut être cumulée pour un même versement ou une même
remise de titres cotés avec la réduction d'impôt prévue à l'article 200.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent
article. »
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du I
ci-dessus est compensée par la création à due concurrence d'une taxe
additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Notre pays a besoin des oeuvres d'intérêt général
soutenues par l'initiative privée. Or les fondations sont insuffisamment
développées, ce qui aboutit parfois à un manque de pluralisme et à une
insuffisance de moyens, notamment pour la recherche universitaire.
Cela a également pour conséquence l'omniprésence des fonds publics dans la
mise en valeur ou la préservation du patrimoine, alors que, sous d'autres
cieux, l'initiative privée et la contribution des fonds privés sont souvent
beaucoup plus significatives.
La commission des finances a donc considéré qu'il y avait une urgente
nécessité à envoyer un signal favorable à l'initiative privée, afin de parvenir
à la constitution de fondations puissantes.
Le dispositif proposé s'appuie sur la fiscalité du patrimoine et préconise
l'impôt choisi dans certaines conditions et jusqu'à un certain point, bien
entendu. Cela permettrait aux contribuables de décider de l'affectation de leur
effort et de consacrer de l'argent qui aurait été versé à l'Etat dans le cadre
d'un prélèvement fiscal à un concours personnel privé apporté à une oeuvre
d'intérêt général dans l'ordre social, dans l'ordre patrimonial ou dans l'ordre
de la recherche. C'est l'idée sur laquelle est fondée la proposition de loi que
j'ai eu récemment l'honneur de déposer, et la commission des finances a bien
voulu en reprendre le dispositif dans cet amendement n° I-8.
En clair, il s'agit de transposer à l'impôt de solidarité sur la fortune les
dispositions qui existent en matière d'impôt sur le revenu dans le cadre de
l'actuel article 200 du code général des impôts, et d'accepter une réduction
d'impôt au titre de l'ISF égale à 75 % d'un don dans la limite de 25 % de
l'impôt dû et sans que la remise de titres cotés puisse être à l'origine de
plus de la moitié de la réduction d'impôt. On voit bien que ce système comporte
un effet de levier puisqu'il faut apporter de l'argent frais à hauteur de 25 %
de la totalité du financement dévolu à la fondation.
Enfin, pour que les initiatives puissent librement éclore, il conviendra
d'adapter, d'assouplir le droit des fondations, mais cela est une autre affaire
puisque c'est un dispositif juridique, donc non fiscal et non susceptible
d'être inscrit dans une loi de finances, qui devrait voir le jour si l'on veut
assurer une complète cohérence avec la préconisation que je viens de faire en
ce qui concerne la réduction d'impôt au titre de l'ISF.
Voilà, monsieur le ministre, une réflexion que la commission des finances
voulait vous soumettre pour connaître votre orientation sur le sujet et savoir
si cette proposition est susceptible d'évoluer dans le cadre de la réflexion à
laquelle vous nous avez conviés pour l'année 2003.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Tout d'abord, je constate un point d'accord, monsieur
le rapporteur général : le développement du mécénat et de la générosité
individuelle doit être encouragé, vous l'avez dit il y a un instant, au moment
où il stagne, au moment où il décline même peut-être.
Je partage donc votre avis sur la nécessité d'explorer des voies nouvelles
pour appeler nos compatriotes au financement volontaire de besoins sociaux,
moyennant un contrôle direct et parfois plus exigeant que celui qu'exerce
l'action publique concernant le bon usage de leurs versements.
Cela peut conduire à une diminution de la contribution publique, donc des
prélèvements obligatoires, ce dont chacun pourrait se réjouir. Mobiliser un
potentiel de générosité des Français est une démarche civique et
l'encouragement fiscal pourrait, en effet, être renforcé.
Monsieur le rapporteur général, il s'agit de savoir s'il est bien opportun de
transposer à l'ISF les dispositions fiscales de l'impôt sur le revenu. Notre
impôt sur le revenu, vous le savez, est complexe. Faut-il « contaminer », si
j'ose dire, l'ISF par les mêmes défauts ? Cette question méritera d'être
approfondie lors des travaux que nous mènerons ensemble dès l'an prochain.
Souvenons-nous - c'est vous qui me l'avez appris - que les moins mauvais impôts
sont ceux dont l'assiette est large et le taux faible.
Puisque vous sembliez prêt, monsieur le rapporteur général, tout à l'heure, à
travailler sur ce sujet dès le 1er janvier prochain, je crois qu'il faut
commencer à mettre l'ouvrage sur le métier dès maintenant.
Je souhaite attirer votre attention sur un point : le cumul des dispositions
d'encouragement aux dons, d'une part au titre de l'impôt sur le revenu, d'autre
part au titre de l'ISF, pourrait créer une situation où la dépense fiscale
serait égale à 100 %.
Nous ne pouvons donc pas travailler sur le sujet sans examiner très
précisement les questions de cumul entre les deux impôts. Par conséquent, cet
amendement justifie, plus encore que tous les autres, un examen très
approfondi, auquel je suis prêt.
Je sais que d'autres ministères ont manifesté des intentions à ce sujet. Je
souhaite donc que l'on évite toute improvisation et que l'on agisse dans un
souci de cohérence fiscale, souci qui a toujours animé la commission des
finances du Sénat.
Sous le bénéfice de ces observations, qui sont sans ambiguïté sur les
intentions du Gouvernement mais qui expriment la nécessité de réfléchir à cette
question, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, monsieur le
rapporteur général.
M. le président.
Monsieur le rapporteur général, l'amendement n° I-8 est-il maintenu ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Avant de répondre à la sollicitation de M. le
ministre, je souhaite rappeler dans quel esprit cette proposition est formulée.
Dès lors que l'ISF existe, dès lors que son existence n'est pas remise en cause
et dès lors qu'il y a une tranche que l'on peut qualifier de très élevée, il
n'est pas absurde que les cotisations versées au titre de cet impôt puissent
comporter des versements à des oeuvres d'intérêt général. En effet, si ces
versements n'interviennent pas s'agissant de la recherche universitaire,
s'agissant du patrimoine, s'agissant d'oeuvres sociales, que se passera-t-il ?
Ce sont des fonds publics de l'Etat, dans une très large mesure, et des
collectivités locales qui seront affectés aux mêmes finalités.
Monsieur le ministre, on ne peut quand même pas considérer que, dans ce pays,
la situation soit pleinement satisfaisante, par exemple pour le financement des
monuments historiques : nous constatons des retards considérables dans ce
domaine. Le système est assez défectueux, tant en matière de maîtrise d'ouvrage
que de disponibilité des financements. L'initiative privée pourrait assurément
être un facteur de dynamisation d'actions d'intérêt général.
Je voudrais également insister, monsieur le ministre, sur la recherche en
macro-économie, domaine que vous connaissez très bien. Dans notre pays, des
personnalités éminentes conduisent des réflexions tout à fait remarquables. Il
s'agit soit d'équipes qui travaillent sur fonds publics, sur les subventions ou
les commandes - ce qui est souvent un peu analogue - du grand ministère de
Bercy, soit d'équipes qui oeuvrent dans le cadre de groupes financiers et qui,
ainsi, soutiennent et développent la réflexion de ces groupes financiers,
naturellement dans l'intérêt de leur stratégie, en particulier dans l'intérêt
du placement de produits financiers au sein de leur clientèle.
Les jugements dont nous disposons en matière de macro-économie - je vous
renvoie en particulier, monsieur le ministre, à toutes les analyses sur la
croissance économique - sont rarement indépendants de l'Etat, qui finance des
secteurs de l'économie, des branches professionnelles ou des grandes
entreprises, en particulier des banques. Cette situation est-elle vraiment
satisfaisante ?
Il faut vraiment se poser ce type de questions. Passer par le biais de l'ISF
est une démarche que certains peuvent approuver, d'autres désapprouver, mais,
lorsqu'un petit nombre de personnes sont susceptibles d'apporter un concours à
des activités de ce type et souhaitent associer leur nom à la réalisation de
ces buts d'intérêt général, pourquoi ne pas examiner attentivement ce type de
possibilités ?
Vous n'avez pas dit non, monsieur le ministre, à cette réflexion et je m'en
réjouis, car c'est un témoignage de liberté d'esprit qui ne nous surprend pas
de votre part. C'est extrêmement précieux dans le monde franco-français dans
lequel nous vivons et dans lequel beaucoup de choses, hélas ! sont trop souvent
figées par un certain conformisme administratif ou bien-pensant. Tâchons de
sortir de cette situation et peut-être cette disposition sera-t-elle un jour de
nature à y contribuer.
C'est avec cet espoir, monsieur le ministre, que je retire cet amendement.
M. le président.
L'amendement n° I-8 est retiré.
L'amendement n° I-6, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - La seconde phrase du premier alinéa de l'article 885 V
bis
du
code général des impôts est supprimée.
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du I
ci-dessus est compensée par la création à due concurrence d'une taxe
additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je serai beaucoup plus bref, car chacun connaît le
fond de cet amendement. Michel Charasse en a d'ailleurs parlé tout à l'heure
puisqu'il a indiqué qu'à une certaine époque il existait un plafonnement de
l'ISF par rapport aux revenus, plafonnement qu'il a lui-même, si je ne me
trompe, qualifié de « raisonnable » - peut-être a-t-il utilisé un terme
équivalent -...
M. Michel Charasse.
Je l'avais créé !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il était donc « raisonnable » !
Chacun le sait ici, mes chers collègues, la majorité sénatoriale depuis
plusieurs années a adopté des amendements équivalents pour rétablir le
plafonnement de l'ISF par rapport aux revenus très exactement dans les
conditions dans lesquelles il existait avant la loi de finances de 1996.
Je n'ajouterai donc pas d'arguments supplémentaires ; je rappellerai
simplement à ceux qui affirment que toucher à l'ISF est politiquement
dommageable que les mesures qui figuraient dans la loi de finances de 1996 ont
été fortement préjudiciables et que leurs auteurs l'ont chèrement payé aux
élections législatives anticipées de 1997 !
M. Jean-Pierre Schosteck.
C'est vrai !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Je serai aussi bref que M. le rapporteur général, car
de nombreux échanges sont déjà intervenus sur ce sujet. Tout à l'heure, lors de
son intervention, Michel Charasse a expliqué les variations qui s'étaient
produites en matière de plafonnement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, dans mon propos introductif, j'avais appelé
à la concorde entre les sensibilités politiques de bonne volonté et de bon
sens. Le tabou du plafonnement va devoir être levé. S'il ne l'était pas, j'y
verrais, à terme, une menace pour nos emplois.
Jean-Pierre Masseret, à qui je n'ai pas répondu lors de la discussion générale
- je saisis donc cette occasion pour le faire -, nous a parlé du drame
industriel qui touche sa région. Il sait que j'en ai moi-même connu un
semblable. Je suis toujours inquiet, non pas par nationalisme exacerbé, de voir
des actionnaires « extérieurs » détenir - ce ne fut pas le cas pour
l'entreprise de votre région, monsieur Masseret mais ce fut celui de Moulinex -
le contrôle d'une entreprise parce qu'ils n'ont pas, en effet, la préoccupation
immédiate de l'emploi. Nous devons donc rester vigilants face à la montée en
charge, si j'ose dire, des fonds de pension dans l'actionnariat de nos
entreprises.
Ne décourageons pas les actionnaires français : c'est un appel que je lance !
Mais cette question pourra faire l'objet d'un débat de fond l'année prochaine,
lors de la réforme de la fiscalité du patrimoine. Il serait bon que les
différentes forces politiques qui croient vraiment à la nécessité de conforter
l'attractivité de la France parviennent, à partir de travaux loyaux et
sincères, à un véritable consensus sur ce sujet.
Cela me conduit, monsieur le rapporteur général, à vous demander de bien
vouloir retirer cet amendement.
M. le président.
Monsieur le rapporteur général, l'amendement est-il maintenu ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je le retire, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° I-6 est retiré.
L'amendement n° I-216 rectifié, présenté par MM. Adnot, Darniche,
Durand-Chastel, Seillier, Lachenaud et Oudin, est ainsi libellé :
« Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 885 V
bis
du code général des impôts, il est
inséré un article ainsi rédigé :
«
Art. ...
L'impôt sur la fortune est réduit de la moitié des
souscriptions en numéraire effectuées au capital de sociétés immatriculées au
registre du commerce et des sociétés depuis moins de dix ans et dont les titres
ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé ».
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat du I ci-dessus est
compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits
prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts ».
La parole est à M. Jacques Oudin.
M. Jacques Oudin.
L'objet du présent amendement est d'accélérer l'accès au financement en fonds
propres des jeunes pousses en encourageant les personnes physiques les plus
fortunées à soutenir la création d'entreprises innovantes à un stade où
l'investissement est des plus risqué.
Outre le fait que cette disposition découragera un certain nombre de
délocalisations fiscales et suscitera des vocations d'anges providentiels, elle
entraînera, en « retour sur investissement » pour l'ensemble de notre économie,
le développement des entreprises. Je pense que tout le monde y gagnera.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il s'agit d'excellentes réflexions qui, si je ne me
trompe, sont nées au sein du « Club.Senat.fr », le club des nouvelles
entreprises, qu'il faut saluer tout particulièrement.
Nos collègues sont animés par le souci d'inciter les investisseurs
professionnels, que je n'ose pas, monsieur Angels, dénommer selon leur
appellation anglo-saxonne habituelle
(Sourires)
, à investir dans les
jeunes pousses. Cette initiative nous paraît opportune et nous souhaiterions
entendre l'avis du Gouvernement à cet égard.
M. le président.
Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Nous avons déjà eu l'occasion, lors de la discussion de
l'impôt sur le revenu, d'évoquer ce sujet et la nécessité de prévoir une
fiscalité qui soutienne les initiatives économiques telles que celles qui ont
été décrites par Jacques Oudin. Je vous propose donc, s'agissant de l'ISF, de
procéder comme nous l'avons fait avec l'impôt sur le revenu : ce sujet traité à
l'occasion de l'examen du projet de loi intitulé « Agir pour l'initiative
économique », qui sera présenté par Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux
petites et moyennes entreprises, au début de l'année, et qui vise, précisément,
à donner à nos entreprises toutes les chances de se développer.
J'ajoute d'ores et déjà - je pense que vous avez besoin de cette précision -
qu'il ne sera pas prétexté, lors de l'examen de ces dispositions, que l'ISF
sera revu au cours du projet de loi de finances pour 2004. En effet, toutes les
mesures relatives à l'entreprise, quand bien même elles touchent à l'ISF,
pourront être traitées dans le projet de loi de M. Dutreil.
J'espère vous avoir donné toutes assurances pour que ce débat puisse se tenir
dès le mois de janvier prochain, à l'occasion de l'examen de ce texte.
Cela me conduit à proposer à M. Oudin de retirer son amendement, afin de
pouvoir le déposer de nouveau lors de la discussion du projet de loi
précité.
M. le président.
Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission a entendu avec grand intérêt les
précisions apportées par M. le ministre, car, par rapport à ses précédentes
interventions, il a été un tout petit peu plus loin dans la chronologie : il
nous a indiqué, en effet, que les travaux sur la loi d'action pour l'initiative
économique pourront inclure des dispositifs incitatifs reposant sur la
fiscalité sur le patrimoine, et en particulier sur l'ISF. Ces dispositifs ne
seront pas, nous a-t-il dit, disqualifiés par la réflexion d'ensemble sur la
fiscalité du patrimoine, celle-ci devant aboutir dans la loi de finances pour
2004.
Par conséquent, dès le début de l'année 2003 - en janvier, nous l'espérons -
nous pourrons reprendre des débats de cette nature. C'est un bon jalon qui a
été posé et je suppose que la réponse de M. le ministre vaudrait d'ailleurs
également pour le pacte d'actionnaires et pour d'autres dispositifs relatifs
aux relations entre ISF-entreprises, ISF-investissements, maintien de l'emploi,
etc.
Compte tenu de cette approche, je recommande évidemment à nos collègues, en
particulier à M. Oudin, de bien vouloir patienter encore quelques semaines,
voire quelques mois.
M. le président.
L'amendement est-il maintenu, monsieur Oudin ?
M. Jacques Oudin.
M. le rapporteur général et M. le ministre semblent avoir parfaitement compris
le sens de cet amendement. Il est important de pallier les insuffisances de nos
investissements dans ces jeunes pousses. Nous avons, dans ce domaine, un retard
considérable vis-à-vis de nos concurrents - M. Denis Badré le sait, lui qui
parle de la compétitivité de nos entreprises.
Je comprends que le projet de loi « Agir pour l'initiative économique »
reprendra l'ensemble de ces dispositifs, ce dont je me réjouis. Nous y
participerons, car c'est un débat important pour la France. Dans l'attente de
ce texte, je retire l'amendement.
M. le président.
L'amendement n° I-216 rectifié est retiré.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis,
président de la commission.
Avec la présentation de l'amendement n° I-216
rectifié de M. Adnot, prend fin l'examen des amendements portant sur l'impôt de
solidarité sur la fortune.
Monsieur le ministre, je crois que la commission des finances, pas plus que le
Sénat, n'a pas trahi sa réputation et vous avez vous-même contribué à
stabiliser des principes et une doctrine. On ne pourra donc pas dire, au terme
de ce débat de grande qualité, que le Sénat s'est montré complaisant à l'égard
du Gouvernement. Si la majorité du Sénat soutient le Gouvernement, elle entend
le faire en présentant sans indulgence ses préoccupations.
Monsieur le ministre, vous allez repartir avec un dossier enrichi par la
contribution du Sénat et M. le rapporteur général a été particulièrement
convaincant.
Le dossier de l'ISF, Michel Charasse le rappelait, nous a créé beaucoup de
soucis. Moi-même, j'assume la responsabilité d'une erreur, celle de la loi de
finances de 1996. A l'époque, nous souhaitions que la France puisse se
qualifier pour l'euro et il fallait ramener le déficit public de 5,5 % du PIB à
3 % au plus tard le 31 décembre 1997.
Lorsque nous avons voulu plafonner le montant total de l'impôt de solidarité
sur la fortune et de l'impôt sur le revenu par rapport au revenu, nous n'avons
pas trouvé les conditions politiques nécessaires dans la loi de finances pour
1997. Mais c'était une erreur ! Finalement, au travers des différents
amendements, on voit bien que l'on essaie de corriger un ensemble marqué par
une somme de contradictions et d'hypocrisie. En définitive, il n'est pas exclu
que l'ISF coûte plus cher à la France qu'il ne rapporte au budget de l'Etat.
Nous sommes dans le domaine du symbole. Tout cela est emblématique et il
faudra donc aborder nos prochains rendez-vous, celui de la discussion du texte
que prépare le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises et celui
de l'examen de la loi de finances pour 2004, avec beaucoup de pragmatisme, me
semble-t-il, et en essayant de faire taire nos vieux fantasmes politiciens.
C'est l'intérêt de la France qui est en cause !
Ce matin, je crois que nous avons fait la démonstration de notre capacité de
mouvement. Les membres du groupe socialiste ont eux-mêmes pris part à une
tentative de modification de l'ISF. C'est prometteur. J'espère que nous serons
à la hauteur des prochains rendez-vous que vous nous fixez, monsieur le
ministre.
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° I-77, présenté par MM. Joly, Pelletier et Mouly, est ainsi
libellé :
« Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans la première phrase du I de l'article 2 de l'ordonnance n° 82-283
du 26 mars 1982, portant création des chèques-vacances, les sommes : "15 250
euros" et "3 550 euros" sont remplacées respectivement par les sommes : "16 320
euros" et "3 785 euros".
« II. - La perte de recettes résultant du I est compensée à due concurrence
par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et
575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° I-100, présenté par MM. Dussaut, Peyronnet, Domeizel et les
membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« A l'article 2 de l'ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982 portant création des
chèques-vacances, les sommes : "15 250 euros" et "3 550 euros" sont remplacées
respectivement par les sommes : "16 320 euros" et "3 785 euros". »
L'amendement n° I-77 n'est pas soutenu.
La parole est à M. Michel Charasse, pour défendre l'amendement n° I-100.
M. Michel Charasse.
Il est défendu, monsieur le président.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
De même que l'amendement n° I-77, qui n'a pas été
soutenu, cet amendement n° I-100 tendant à réévaluer le revenu fiscal de
référence dans le dispositif des chèques-vacances doit être considéré comme
satisfait par l'article 59
quinquies
du projet de loi de finances, issu
des délibérations de l'Assemblée nationale, que nous examinerons en deuxième
partie.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Le Gouvernement partage l'avis de la commission des
finances et souhaite le retrait de cet amendement.
M. le président.
L'amendement n° I-100 est-il maintenu, monsieur Charasse ?
M. Michel Charasse.
Puisqu'il est satisfait, nous le retirons !
M. le président.
L'amendement n° I-100 est retiré.
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° I-78, présenté par MM. Joly, Pelletier et Mouly, est ainsi
libellé :
« Après l'article 4, insérer un article additionnel rédigé comme suit :
« I. - Dans la première phrase du I de l'article 2-1 de l'ordonnance n° 82-283
du 26 mars 1982, portant création des chèques-vacances, les mots : "Dans les
entreprises de moins de cinquante salariés" sont remplacés par les mots : "Dans
les entreprises de plus de vingt salariés et de moins de cinquante
salariés".
« II. - Après l'article 2-1 de l'ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982
précitée, il est inséré un article 2-2 rédigé comme suit :
«
Art. 2-2. - I. -
Les entreprises de moins de vingt salariés,
dépourvues de comité d'entreprise et qui ne relèvent pas d'un organisme
paritaire mentionné au dernier alinéa de l'article 6, sont exclues du champ
d'application des articles 2-1 et 2-3.
« L'employeur peut faire bénéficier ses salariés des chèques-vacances selon
les modalités suivantes :
« - la contribution de l'employeur à l'acquisition des chèques-vacances est
fixée en fonction du niveau des rémunérations perçues par les salariés dans
l'entreprises. L'employeur contribue à hauteur de 80 % au plus de leur valeur
libératoire, modulée en fonction du niveau des rémunérations pratiquées dans
l'entreprise ;
« - les termes de la modulation maximale en fonction des rémunérations
pratiquées dans l'entreprise sont de 80 % jusqu'à 1,3 SMIC, de 50 % entre 1,3
et 1,8 SMIC et de 25 % au-delà de 1,8 SMIC.
« L'avantage résultant de la contribution de l'employeur à l'acquisition des
chèques-vancances est exonéré des cotisations et contributions prévues par la
législation du travail et de la sécurité sociale, à l'exception de la
contribution sociale généralisée et de la contribution pour le remboursement de
la dette sociale. Le montant de l'avantage donnant droit à exonération est
limité, par salarié et par an, à 30 % du SMIC apprécié sur une base
mensuelle.
«
II. -
Cette simplification d'attribution des chèques-vacances pour
les très petites entreprises de moins de vingt salariés est laissée à leur
libre choix. Elles peuvent décider de recourir à un dispositif optimisé fondé
sur le revenu fiscal de référence.
«
III. -
Les chefs d'entreprise de moins de vingt salariés, à défaut de
délégués syndicaux et de personnels mandatés, associent leurs salariés à la
procédure de consultation et de fixation de la contribution de l'employeur.
»
« III. - La perte de recettes résultant du I et du II est compensée à due
concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux
articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° I-101, présenté par MM. Dussaut, Peyronnet, Domeizel et les
membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« L'ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982 portant création des chèques-vacances
est modifiée de la façon suivante :
« I. - Au I de l'article 2-1, les mots : "Dans les entreprises de moins de
cinquante salariés" sont remplacés par les mots : "Dans les entreprises de plus
de vingt salariés et de moins de cinquante salariés".
« II. - Après l'article 2-1, il est inséré un article 2-2 ainsi rédigé :
«
Art. 2-2. - I. -
Les entreprises de moins de vingt salariés,
dépourvues de comité d'entreprise, et qui ne relèvent pas d'un organisme
paritaire mentionné au dernier alinéa de l'article 6, sont exclues du champ
d'application de l'article 2-1 et 2-3 de l'ordonnance du 26 mars 1982.
« L'employeur peut faire bénéficier ses salariés des chèques-vacances selon
les modalités suivantes :
« - la contribution de l'employeur à l'acquisition des chèques-vacances est
fixée en fonction du niveau des rémunérations perçues par les salariés dans
l'entreprise (l'employeur contribue à hauteur de 80 % au plus de leur valeur
libératoire) et sera modulée en fonction du niveau des rémunérations pratiquées
dans l'entreprise ;
« - la modulation maximale en fonction des rémunérations pratiquées dans
l'entreprise est de 80 % jusqu'à 1,3 SMIC, de 50 % entre 1,3 et 1,8 SMIC et de
25 % au-delà de 1,8 SMIC.
« L'avantage résultant de la contribution de l'employeur à l'acquisition des
chèques-vacances est exonéré des cotisations et contributions prévues par la
législation du travail et de la sécurité sociale, à l'exception de la
contribution sociale généralisée et de la contribution pour le remboursement de
la dette sociale. Le montant de l'avantage donnant droit à exonération est
limité, par salarié et par an, à 30 % du salaire minimum de croissance
appréciée sur une base mensuelle.
«
II. -
Cette simplification d'attribution des chèques-vacances pour
les entreprises de moins de vingt salariés est laissée au libre choix desdites
entreprises, qui peuvent décider de recourir à un dispositif optimisé basé sur
le revenu fiscal de référence.
«
III. -
Les chefs d'entreprise de moins de vingt salariés, à défaut de
délégués syndicaux et de mandaté, associent le personnel à la procédure de
consultation et de fixation de la contribution de l'employeur. »
L'amendement n° I-212 rectifié, présenté par MM. Dussaut, Peyronnet, Domeizel
et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
« Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« L'ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982 portant création des chèques-vacances
est modifiée de la façon suivante :
« I. - Au I de l'article 2-1, les mots : "Dans les entreprises de moins de
cinquante salariés" sont remplacés par les mots : "Dans les entreprises de plus
de vingt salariés et de moins de cinquante salariés".
« II. - Après l'article 2-1, il est inséré un article 2-2 ainsi rédigé :
«
Art. 2-2. - I.
- Les entreprises de moins de vingt salariés,
dépourvues de comité d'entreprise, et qui ne relèvent pas d'un organisme
paritaire mentionné au dernier alinéa de l'article 6, sont exclues du champ
d'application de l'article 2-1 et 2-3 de l'ordonnance du 26 mars 1982.
« L'employeur peut faire bénéficier ses salariés des chèques-vacances selon
les modalités suivantes :
« - la contribution de l'employeur à l'acquisition des chèques-vacances est
fixée en fonction du niveau des rémunérations perçues par les salariés dans
l'entreprise (l'employeur contribue à hauteur de 80 % au plus de leur valeur
libératoire) et sera modulée en fonction du niveau des rémunérations pratiquées
dans l'entreprise ;
« - la modulation maximale en fonction des rémunérations pratiquées dans
l'entreprise est de 80 % jusqu'à 1,3 SMIC, de 50 % entre 1,3 et 1,8 SMIC et de
25 % au-delà de 1,8 SMIC.
« L'avantage résultant de la contribution de l'employeur à l'acquisition des
chèques-vacances est exonéré des cotisations et contributions prévues par la
législation du travail et de la sécurité sociale, à l'exception de la
contribution sociale généralisée et de la contribution pour le remboursement de
la dette sociale. Le montant de l'avantage donnant droit à exonération est
limité, par salarié et par an, à 80 % du salaire minimum de croissance apprécié
sur une base mensuelle.
«
II. -
Cette simplification d'attribution des chèques-vacances pour
les entreprises de moins de vingt salariés est laissée au libre choix desdites
entreprises, qui peuvent décider de recourir à un dispositif optimisé basé sur
le revenu fiscal de référence.
«
III. -
Les chefs d'entreprise de moins de vingt salariés, à défaut de
délégués syndicaux et de mandaté, associent le personnel à la procédure de
consultation et de fixation de la contribution de l'employeur. »
L'amendement n° I-78 n'est pas soutenu.
La parole est à M. Jean-Pierre Demerliat, pour défendre les amendements n°s
I-101 et I-212 rectifié.
M. Jean-Pierre Demerliat.
L'amendement n° I-101 vise à simplifier les modalités d'attribution des
chèques-vacances aux salariés des entreprises de moins de vingt salariés.
En effet, les employeurs d'entreprises de moins de vingt salariés se plaignent
de la complexité de la mise en place des chèques-vacances et de la procédure de
consultation sociale qui les oblige à une consultation de salariés « mandatés
», lesquels n'existent pas dans la plupart des petites et des très petites
entreprises.
Cet amendement a donc pour objet de simplifier les procédures de mise en place
du chèque-vacances au sein des entreprises, en prenant en compte les critères
de ressources des salariés et en allégeant la procédure de consultation
sociale.
L'amendement n° I-212 rectifié...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Très proche du précédent !
M. Jean-Pierre Demerliat.
... se situe, en effet, dans la continuité du précédent et répond au même
souci de simplification de la procédure d'attribution des chèques-vacances pour
les entreprises de moins de vingt salariés.
Estimant que la simplification des procédures pour les entreprises de moins de
vingt salariés pourrait être assortie d'un relèvement du plafond d'exonération
des cotisations de sécurité sociale, nous proposons une réévaluation dans la
limite de 80 % pour la contribution de l'employeur.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Ces amendements sont très intéressants, mais ils
relèvent plutôt de la deuxième partie. Je suggère donc à M. Demerliat de les
retirer à ce stade du débat pour les réintroduire lors de l'examen des articles
non rattachés.
M. le président.
Monsieur Demerliat, acceptez-vous la suggestion de M. le rapporteur général
?
M. Jean-Pierre Demerliat.
Oui, monsieur le président, et je retire provisoirement les amendements n°s
I-101 et I-212 rectifié, pour les présenter de nouveau en deuxième partie.
M. le président.
Les amendements n°s I-101 et I-212 rectifié sont retirés.
Article 4 bis
M. le président.
« Art. 4
bis
. - I. - Le
g
du 1° du I de l'article 31 du code
général des impôts est ainsi modifié :
« 1° Le troisième alinéa est ainsi modifié :
«
a)
Dans la deuxième phrase, les mots : ", un ascendant ou un
descendant" sont supprimés ;
«
b)
Dans la cinquième phrase, les mots : ", de membres de son foyer
fiscal ou de ses descendants et ascendants" sont remplacés par les mots : "ou
des membres de son foyer fiscal" ;
«
c)
Les sixième et septième phrases sont supprimées ;
« 2° Dans la deuxième phrase du dixième alinéa, les mots : ", un ascendant ou
un descendant" sont supprimés. »
« II. - Les dispositions du I sont applicables aux logements acquis neufs ou
en l'état futur d'achèvement à compter du 9 octobre 2002 et aux logements que
le contribuable fait construire et qui ont fait l'objet, à compter du 9 octobre
2002, de la déclaration d'ouverture de chantier prévue à l'article R. 421-40 du
code de l'urbanisme. Elles sont également applicables aux locaux affectés à un
usage autre que l'habitation acquis à compter du 9 octobre 2002 et que le
contribuable transforme en logements. »
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° I-144, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« « Supprimer cet article. »
L'amendement n° I-217, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« Complétez le II de cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les logements acquis avant le 9 octobre 2002, lorsque la location est
suspendue à l'issue d'une période d'au moins trois ans au profit d'un ascendant
ou d'un descendant du contribuable, la déduction forfaitaire s'applique au taux
de 14 % et ce dernier ne bénéficie pas, pendant la période de mise à
disposition du logement au profit d'un ascendant ou d'un descendant, de la
déduction au titre de l'amortissement. Cette période de mise à disposition, qui
ne peut excéder neuf ans, n'est pas prise en compte pour la durée de location
minimum de neuf ans. »
L'amendement n° I-218, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« A. - Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
« III. - Le
e
du 1° du I de l'article 31 du code général des impôts est
ainsi modifié :
« 1° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
«
a)
Dans la troisième phrase, les mots : ", un ascendant ou un
descendant" sont supprimés (deux fois) ;
«
b)
Les sixième et septième phrases sont supprimées. »
« 2° Dans la première phrase du troisième alinéa, les mots : ", ou de ses
descendants ou ascendants" sont supprimés. »
« IV. - Les dispositions du III ci-dessus sont applicables aux logements qui
ne peuvent donner lieu au régime prévu au
g
du 1° du I de l'article 31
du code général des impôts et qui, répondant aux normes d'habitabilité telles
que définies par décret, sont acquis à compter du 22 novembre 2002 et loués par
une personne physique ou une société non soumise à l'impôt sur les sociétés en
vertu d'un bail conclu à compter de cette même date.
« Pour les logements acquis avant le 22 novembre 2002 répondant aux
obligations fixées au
e
du 1° du I de l'article 31 du code général des
impôts, lorsque la location est suspendue à l'issue d'une période d'au moins
trois ans au profit d'un ascendant ou d'un descendant du contribuable, la
déduction forfaitaire s'applique au taux de 14 % et la période de mise à
disposition du logement au profit d'un ascendant ou d'un descendant n'est pas
prise en compte pour la durée de location minimale de six ans. Cette période de
mise à disposition ne peut excéder neuf ans. »
« B. - Pour compenser la perte de recettes résultant pour l'Etat des
dispositions du A ci-dessus, compléter
in fine
cet article par un
paragraphe ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'ouverture du
dispositif fiscal en faveur du logement locatif ancien aux ascendants et
descendants du contribuable pour les logements acquis et les baux conclus à
compter du 22 novembre 2002 est compensée à due concurrence par la création
d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code
général des impôts. »
La parole est à M. Thierry Foucaud, pour défendre l'amendement n° I-144.
M. Thierry Foucaud.
L'article 4
bis
soulève un certain nombre de questions.
Le dispositif existant d'incitations à l'investissement locatif dit « Besson »
marquerait le pas, selon les auteurs de l'amendement à l'origine de l'article 4
bis,
puisque la dépense fiscale afférente s'élèverait, en 2003, à un peu
plus de 500 millions d'euros.
Mais quelle est cette conception de la famille qui anime les membres de la
majorité parlementaire ? Ainsi, chaque initiative, chaque marque de solidarité
familiale devrait avoir une traduction fiscale ? Si vous étiez logiques, chers
collègues de la majorité, vous adopteriez une disposition permettant la
déduction du revenu imposable des cautions solidaires exigées des parents de
jeunes locataires d'HLM par certains organismes ou par certaines agences
immobilières.
Proposer une nouvelle incitation fiscale en faveur de l'investissement dans le
secteur locatif privé s'apparente à une véritable provocation, dès lors que
l'on garde en mémoire la baisse programmée des crédits du ministère des
transports, du logement, du tourisme et de la mer, s'agissant notamment de
l'enveloppe PLA-PALULOS, c'est-à-dire les prêts locatifs aidés et les primes à
l'amélioration des logements à usage locatif et à occupation sociale.
Vous préférez vous en tenir à une disposition qui est clairement destinée à
ceux qui ont la possibilité de réaliser des investissements immobiliers, ce qui
n'est pas le cas de la majorité des Français, ceux-ci étant soit locataires,
soit simples accédants à la propriété, c'est-à-dire, dans un premier temps,
propriétaire de leurs dettes !
Adopter l'article 4
bis
en l'état reviendrait à ajouter à ce projet de
loi de finances, qui en est déjà fort pourvu, et alors même que la situation
des comptes publics est pour le moins préoccupante, une mesure destinée à ne
profiter qu'à quelques-uns, dont les revenus leur permettent de jouir déjà de
toutes les autres formules d'optimisation fiscale que la législation en vigueur
offre. Transformer la solidarité familiale en source d'évasion fiscale n'est
pas et ne doit pas être à l'ordre du jour. C'est la raison pour laquelle nous
vous invitons à adopter cet amendement de suppression de l'article 4
bis.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter les amendements n°s
I-217 et I-218 et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n°
I-144.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
L'amendement n° I-217 apporte une précision
rédactionnelle. Je ne suis pas complètement persuadé que cette disposition
doive figurer dans la loi mais, à l'inverse, je suis certain qu'il faut pouvoir
répondre clairement à la question ici posée.
Je le rappelle, c'est sur l'initiative de l'un de nos collègues, M.
Jean-Pierre Plancade, sénateur de la Haute-Garonne, que, voilà quelques années,
le régime dit « Besson » a été légèrement ajusté. C'était tout ce que nous
avions pu obtenir du gouvernement de l'époque, avec le concours actif de cet
excellent collègue. Si je ne m'abuse, d'ailleurs, le groupe socialiste du Sénat
aurait voulu aller bien plus loin encore.
A l'époque, le régime Besson ne pouvait pas s'appliquer à la location, à des
ascendants ou à des descendants du contribuable. Il y avait un blocage complet
sur ce sujet. Nous avions pu obtenir une sorte de régime suspensif de
l'avantage fiscal au cas où un bien répondant aux conditions du régime Besson
se trouverait, à un moment donné, être loué à un ascendant ou à un descendant ;
il y avait donc neutralisation du dispositif fiscal, jusqu'au jour où un tiers
serait, à nouveau, entré dans les lieux.
Monsieur le ministre, par cet amendement n° I-217, je pose la question de
savoir si le régime Plancade subsiste à l'intérieur du nouveau dispositif.
Il est important que les contribuables relevant déjà du régime « Besson neuf »
puissent continuer à bénéficier du mécanisme de suspension de l'avantage fiscal
en cas de location aux ascendants ou aux descendants. Cette souplesse nous
semble toujours aussi nécessaire.
L'amendement n° I-218 est, quant à lui, plus ambitieux, puisqu'il tend à
instaurer une certaine symétrie entre le secteur du neuf et celui de
l'ancien.
Nous ne sommes naturellement pas favorables aux effets d'aubaine, mais nous
souhaitons un réel entraînement de la vie économique.
Nous proposons donc de subordonner le bénéfice de la mesure susvisée à
l'acquisition de logements anciens en vue de leur location. On acquiert des
logements anciens, on doit les rénover, on les met en location. Pourquoi
exclure le marché de l'ancien ? Pourquoi avoir cette vision tronquée du marché
de l'immobilier et cette attitude discriminatoire à l'égard de l'ancien ?
Pourquoi favoriser les promoteurs de réalisations neuves et défavoriser les
opérations de réhabilitation réalisées à l'unité dans des immeubles anciens,
par exemple dans les centres-villes des villes moyennes de province qui nous
tiennent beaucoup à coeur, monsieur le ministre ?
L'amendement de la commission des finances, cumulé avec les mesures déjà
adoptées par l'Assemblée nationale, ferait évoluer assez sensiblement le régime
Besson, dont nous avions beaucoup critiqué, ces dernières années, le caractère
exagérément étroit, au point qu'il faudrait, pour tenir compte de cette
évolution très qualitative, parler désormais d'un « dispositif Besson-Lambert »
ou « Lambert-Besson » !
(Sourires.)
Si l'amendement n° I-218 était
adopté, il serait tout à fait opportun de changer ainsi l'appellation, comme le
suggère M. le président de la commission des finances.
Il s'agirait donc de réserver l'ouverture aux ascendants et descendants du
contribuable aux nouvelles acquisitions dans l'ancien, comme cela a été fait
pour le neuf, et d'accroître par là même le marché locatif dans l'ancien.
Pour répondre aux objections parfois formulées - tout à l'heure encore, par M.
Foucaud -, je rappelle que les conditions d'octroi du régime fiscal en faveur
du logement locatif privé sont très précises : sont prévues des contraintes en
termes de ressources du locataire et de loyer, et le fait qu'il s'agisse d'un
membre de la famille ne change rien.
Monsieur le ministre, il est véritablement nécessaire de développer le marché
locatif, tant dans l'ancien que dans le neuf. Ce nouveau dispositif que nous
propose la commission sera parachevé, lors de l'examen de la deuxième partie du
projet de loi de finances, par une revalorisation du taux de déduction
forfaitaire sur les revenus fonciers, que nous proposons de porter de 25 % à 40
%. S'agissant d'un article non rattaché, nous ne pouvons pas encore l'examiner
pour l'instant, mais c'est bien toute la panoplie des mesures qu'il faut avoir
présente à l'esprit pour apprécier la portée du dispositif proposé.
S'agissant de l'amendement n° I-144 présenté par notre collègue Thierry
Foucaud, il est clair que son inspiration est totalement opposée à celle tant
du Gouvernement que de la majorité de l'Assemblée nationale et de la commission
des finances du Sénat, raison pour laquelle l'avis de la commission - M.
Foucaud n'en sera pas surpris - ne peut qu'être défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
S'agissant de l'amendement n° I-144, l'avis du
Gouvernement est en effet défavorable, puisque cet amendement vise à supprimer
une mesure de nature à encourager la construction de logements neufs et à
dynamiser un secteur d'activité particulièrement important pour l'emploi.
L'amendement n° I-217 pose un problème rédactionnel : il est incomplet. Il est
indispensable, en effet, de maintenir en vigueur les dispositions antérieures
pour les logements que le contribuable a fait construire avant le 9 octobre
2002, donc qu'il a acquis avant cette date en vue de les transformer en
logements. A défaut, on obtiendrait, en ce qui concerne ces logements, l'effet
inverse de celui qui est recherché.
Cet amendement me donne cependant l'occasion de réaffirmer solennellement que
le dispositif de suspension est maintenu pour les investissements réalisés
antérieurement. Je demanderai d'ailleurs à mes services de rappeler l'existence
de cette mesure par une note en italiques, insérée dans le code général des
impôts. De plus, l'existence et la pérennité de cette mesure seront également
rappelées dans l'instruction administrative qui commentera les nouvelles
dispositions, ainsi que dans la notice de la déclaration des revenus fonciers
et dans les dépliants d'information.
Ce sont là, me semble-t-il, des garanties de nature à satisfaire la légitime
préoccupation de précision que vous avez formulée et qui devraient vous
permettre de retirer votre amendement, monsieur le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est le cas, monsieur le ministre : je le retire
!
M. le président.
L'amendement n° I-217 est retiré.
Veuillez poursuivre, monsieur le ministre délégué.
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Je serai direct : le Gouvernement n'est pas favorable à
l'amendement n° I-218, car il est, sinon contradictoire, du moins concurrent
avec la disposition préalablement adoptée qui vise à soutenir les logements
neufs et l'activité de construction immobilière. Cela étant, monsieur le
rapporteur général, vous connaissez la sensibilité qui est la mienne sur tous
ces sujets, et je ne suis pas opposé à ce qu'une réflexion soit engagée sur le
régime applicable aux logements anciens, que vous avez qualifié tout à l'heure
de « Besson-Lambert », ce qui était me faire beaucoup d'honneur !
Différentes pistes sont possibles et mériteraient d'être expertisées avec la
participation, d'une part, des professionnels, et, d'autre part, de mon
collègue Gilles de Robien. C'est pourquoi, à ce stade de la réflexion, le
Gouvernement souhaite le retrait de l'amendement n° I-218 ; à défaut, il
demanderait au Sénat de le repousser.
M. le président.
Monsieur le rapporteur général, l'amendement n° I-218 est-il maintenu ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Monsieur le président, la commission n'est pas
convaincue par l'argumentation de M. le ministre et maintient l'amendement.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-144.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-218.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 4
bis
, modifié.
(L'article 4
bis
est adopté.)
Articles additionnels après l'article 4 bis
M. le président.
L'amendement n° I-10, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« Après l'article 4
bis
, insérer un article additionnel ainsi rédigé
:
« I. - Dans la première phrase du deuxième alinéa du 4 de l'article 32 du code
général des impôts, le chiffre : "cinq" est remplacé par le chiffre :
"trois".
« II. - Le 4 de l'article 32 du code général des impôts est complété par un
alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, en cas de changement du locataire, le contribuable peut opter,
pour une année seulement, c'est-à-dire pour l'imposition des revenus de l'année
au cours de laquelle le départ du locataire est intervenu, ou pour l'imposition
des revenus de l'année suivante, pour le régime prévu aux articles 28 et 31 du
présent code. »
« III. - La perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions des I et
II ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe
additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il convient de rappeler que la loi de finances
initiale pour 2002 a transformé le régime dit du micro-foncier, jusqu'alors «
régime simplifié sur option », en régime de droit commun pour les contribuables
disposant de moins de 15 000 euros de revenus fonciers par an.
Le régime réel peut être choisi sur option, mais pour une période irrévocable
de cinq ans. Ce délai de cinq ans, qui ne correspond à rien en matière de
location immobilière, vise à dissuader les bailleurs de choisir le régime réel
lorsqu'il leur est plus favorable que le régime simplifié. C'est le cas,
notamment, lorsque le bailleur réalise des travaux dans son logement, car les
travaux ne sont pas déductibles dans le régime simplifié.
Il est donc ici proposé d'assouplir le passage du régime simplifié au régime
réel, et ce de deux manières.
Premièrement, nous réduisons la période irrévocable d'option pour le régime
réel, qui passe de cinq ans à trois ans. Nous maintenons une période
irrévocable pour inciter tout de même les contribuables à rester dans les
régime simplifié, mais avec une durée plus raisonnable.
Deuxièmement, nous permettons à tout propriétaire, l'année où son locataire
part ou l'année suivante, d'opter pour un an pour le régime réel afin de
l'encourager à réaliser des travaux dans son logement. Le micro-foncier ne
permettant pas de déduire les travaux effectués dans les logements, si aucune
souplesse n'est donnée pour en sortir temporairement, le risque est grand, dans
l'état actuel de notre droit fiscal, de dissuader les propriétaires de rénover
leur logement. Vous en conviendrez, monsieur le ministre, c'est totalement
contraire aux intentions des pouvoirs publics.
Les dispositions préconisées seraient applicables aux revenus de 2002 payés en
2003. Le coût en 2003 devrait être réduit ; il résultera de l'effet
d'incitation à opter pour le régime réel du fait de la réduction du délai
incompressible de l'option.
Tel est, mes chers collègues, exposé de façon synthétique mais précise, le
contenu de cet amendement qui adapte le régime d'imposition dit « micro-foncier
».
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Votre proposition, monsieur le rapporteur général,
témoigne de la constance du travail du Sénat puisqu'elle avait été débattue au
cours de l'examen de la précédente loi de finances, ce qui, naturellement, ne
peut me laisser indifférent.
Vous proposez de donner plus de souplesse au régime du microfoncier en
réduisant de cinq ans à trois ans la durée incompressible de l'option que les
contribuables peuvent exercer pour l'application du régime réel. Cette mesure
que j'approuve, monsieur le rapporteur général, permet sans nul doute de
renforcer l'attractivité de ce régime et va dans le sens d'un allégement des
obligations des contribuables en même temps que d'une réelle simplification des
tâches des services d'assiette.
J'accepte par conséquent sans difficulté le premier volet de votre amendement,
monsieur le rapporteur général, mais je voudrais m'assurer que vous acceptez de
retirer le deuxième volet, m'épargnant ainsi un long exposé concernant la
situation du régime du micro-foncier.
Si l'amendement est rectifié et son paragraphe II supprimé, je lèverai le gage
et émettrai un avis favorable.
M. le président.
Monsieur le rapporteur général, acceptez-vous de rectifier votre amendement en
ce sens ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Par souci de poursuivre un dialogue constructif avec
le Gouvernement, j'accepte, à ce stade, de rectifier l'amendement n° I-10 en
supprimant le paragraphe II.
Bien entendu, je ne désespère pas de convaincre le Gouvernement et ses
services. Toutefois, la mesure préconisée par le paragraphe I constitue déjà un
net progrès.
M. le président.
Je suis donc saisi d'un amendement n° I-10 rectifié, présenté par M. Marini,
au nom de la commission des finances, et ainsi libellé :
« Après l'article 4
bis,
insérer un article additionnel ainsi rédigé
:
« Dans la première phrase du deuxième alinéa du paragraphe 4 de l'article 32
du code général des impôts, le chiffre : "cinq" est remplacé par le chiffre :
"trois". »
Je mets aux voix l'amendement n° I-10 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi de finances, après l'article 4
bis.
L'amendement n° I-203 rectifié, présenté par M. Richert et les membres du
groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :
« Après l'article 4
bis,
insérer un article additionnel ainsi rédigé
:
« I. - Après le 6°
bis
du 1 de l'article 207 du code général des
impôts, il est inséré un 6°
ter
ainsi rédigé :
« 6°
ter
Les sociétés d'économie mixte exerçant une activité de gestion
de logements sociaux pour les plus-values nettes, les provisions devenues sans
objet et les subventions non réintégrées, résultant d'un transport de propriété
à un organisme d'habitation à loyer modéré de patrimoine locatif faisant
l'objet d'une convention prévue à l'article L. 351-2 du code de la construction
et de l'habitation ».
« II. - Au 1° de l'article 1051 du code général des impôts, après les mots
"organismes d'habitation à loyer modéré" sont insérés les mots "sociétés
d'économie mixte exerçant une activité de gestion de logements sociaux,
organismes sans but lucratif qui les mettent à la disposition de personnes
défavorisées mentionnées à l'article 1er de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990
visant à la mise en oeuvre du droit au logement et qui ont été agréés à cet
effet par le représentant de l'Etat dans le département".
« III. - La perte de recettes résultant pour l'Etat du I et du II est
compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux
droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Denis Badré.
M. Denis Badré.
Mon collègue Philippe Richert et les membres du groupe de l'Union centriste
sont, vous le savez, soucieux de dynamiser la politique du logement social.
Ainsi estimons-nous devoir encourager la restructuration du patrimoine des
organismes de logement social en regroupant des opérateurs qui ne disposent pas
toujours d'une taille et d'un savoir-faire suffisants. Encore faudrait-il que
ces opérateurs ne soient pas trop lourdement taxés. Telle est le sens de cet
amendement.
Le processus de reprise du patrimoine d'une société d'économie mixte, une SEM,
par un organisme d'HLM par vente, fusion-absorption ou transmission universelle
du patrimoine de la SEM à l'organisme d'HLM entraîne l'imposition immédiate, au
titre de l'impôt sur les sociétés, des plus-values latentes, des subventions
accordées pour la construction et des provisions devenues sans objet.
Le régime de faveur des fusions ne s'applique pas dès lors que l'organisme
d'HLM est exonéré d'impôt sur les sociétés, alors même qu'il s'agit
d'opérations non spéculatives s'inscrivant dans le cadre de la rationalisation
des opérateurs du logement social. Il est donc proposé d'exonérer la SEM
d'impôt sur les sociétés pour les plus-values latentes, les subventions
accordées pour la construction et les provisions devenues sans objet résultant
d'un transfert de propriété de patrimoine locatif conventionné à un organisme
d'HLM.
Par ailleurs sont exonérés de droits de mutation les transferts de biens entre
organismes d'HLM. Il est proposé d'étendre cette exonération à l'ensemble des
organismes de logement social, donc aux SEM et aux associations d'insertion par
le logement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Le problème que posent MM. Badré, Richert et leurs
collègues est incontestable. Dans le patrimoine de logements sociaux
interviennent des sociétés d'économie mixte entièrement soumises à l'impôt sur
les sociétés, des OPAC partiellement exonérés et des sociétés anonymes d'HLM
totalement exonérées, y compris parfois pour des opérations qui ne relèvent pas
du logement social.
Des distorsions manifestes existent, particulièrement en cas de transfert de
patrimoine. Lorsqu'une société d'économie mixte vend un immeuble à une société
anonyme d'HLM, les plus-values latentes sont imposées immédiatement au titre de
l'impôt sur les sociétés, dans la mesure où la société anonyme d'HLM est
exonérée de cet impôt.
MM. Richert et Badré préconisent une exonération pure et simple d'impôt sur
les sociétés sur les tranferts, mais ils ne remédient pas aux distorsions de
régimes fiscaux qui, pourtant, posent un vrai problème. La solution qu'ils
préconisent ne nous semble pas entièrement aboutie.
Monsieur le ministre, la commission souhaiterait vous entendre sur la question
des transferts de patrimoine entre organismes sociaux, mais surtout sur celle
de l'harmonisation du régime fiscal entre des acteurs qui exercent les mêmes
métiers dans le même secteur. Quelles voies de simplification envisagez-vous,
monsieur le ministre ? Votre administration a-t-elle commencé à travailler sur
ce sujet sensible, le mouvement HLM, représenté dans la plupart des villes et
dans les départements, nous écoute avec la plus grande attention !
Tels sont, mes chers collègues, les quelques commentaires que je souhaitais
faire. La commission, qui souhaite connaître l'avis du Gouvernement, ne
considère pas que l'amendement présenté par M. Richert soit de nature à traiter
le sujet dans toute son ampleur ; elle sera sans doute amenée à en suggérer le
retrait.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Le Gouvernement souhaite encourager les
restructurations. Comme M. le rapporteur général l'a rappelé, les acteurs sont
soumis à des régimes fiscaux différents et il est nécessaire de s'engager dans
la voie de l'harmonisation.
Je tiens à rassurer M. Badré en lui indiquant que j'ai reçu les dirigeants de
la société d'économie mixte du Bas-Rhin, département dont M. Philippe Richert
est l'élu, pour tenter de répondre aux besoins du logement social tout en
respectant la loi.
Monsieur le rapporteur général, nous travaillons à l'élaboration d'un régime
fiscal aussi unifié que possible, qui ne vise pas pour autant à supprimer tous
les impôts, même si les acteurs y seraient certainement favorables.
M. Michel Charasse.
Ce n'est pas sûr !
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
L'Etat manquerait alors des moyens nécessaires pour
assumer ses missions ! Des travaux sont en cours et nous sommes à votre
disposition pour vous en donner l'état d'avancement, ainsi que pour connaître
vos propositions.
Je veux dire à M. Denis Badré que nous sommes informés tout à fait du sujet.
Mais, en l'état, je lui demande de bien vouloir retirer son amendement,
moyennant l'engagement que je prends devant vous d'y travailler. Il comporte en
effet certaines imperfections : il traite de l'impôt sur les sociétés, mais
également des droits d'enregistrement. Connaissant la Haute Assemblée, je
n'imagine pas qu'elle veuille amputer les recettes fiscales des collectivités
territoriales !
M. le président.
Quel est donc l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Compte tenu des explications du Gouvernement, la
commission des finances invite, en effet, notre collègue Denis Badré à bien
vouloir retirer son amendement.
M. le président.
Monsieur Badré, maintenez-vous l'amendement n° I-203 rectifié ?
M. Denis Badré.
Je suis toujours très sensible aux invitations de la commission. Je tiens à
remercier M. le rapporteur général d'avoir engagé la réflexion qu'appelait cet
amendement.
Vous avez dit, avec beaucoup d'indulgence, que cet amendement n'était pas
abouti, M. le ministre a lui-même indiqué qu'il comportait des imperfections.
Nul n'est parfait ! Nous ne demandons qu'à trouver une bonne solution à un vrai
problème. Monsieur le ministre, il s'agit d'un problème national, et non pas
particulièrement alsacien, même si vous avez eu le souci d'ouvrir un dialogue
avec les responsables d'organismes d'HLM du Bas-Rhin qui se sont montrés en
pointe sur le sujet.
Après avoir entendu M. le rapporteur général et M. le ministre, je retire bien
sûr mon amendement. Je me demande toutefois s'il n'aurait pas sa place au sein
de la deuxième partie de la loi de finances, ce qui nous laisserait le temps de
réfléchir et d'aboutir à une vraie solution qui comprendrait moins
d'imperfections.
M. le président.
L'amendement n° I-203 rectifié est retiré.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis,
président de la commission.
Je voudrais apaiser la crainte qu'a exprimée
le ministre il y a un instant. Je ne crois pas que le rapporteur général ait la
volonté, par souci de mettre à parité tous les acteurs économiques, de faire
disparaître les impôts...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Pas tout... pas tout de suite !
M. Jean Arthuis,
président de la commission.
... même si nous souhaitons en alléger le
poids.
Cependant, monsieur le ministre, nous sommes attachés au principe selon
lequel, dans un secteur économique donné, tous les acteurs qui exercent un
métier sont soumis au même régime d'imposition, afin de ne pas créer de
distorsion dans l'exercice de la concurrence. Telle est notre seule
préoccupation.
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Cela fait dix ans que vous m'avez enseigné ce principe
et que j'y souscris !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Monsieur le président, avant que vous n'appeliez en
discussion l'amendement n° I-11, je vous indique que la commission des finances
en souhaite la réserve jusqu'avant l'examen de l'article d'équilibre, à savoir
l'article 34.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Le Gouvernement y est tout à fait favorable, monsieur
le président.
M. le président.
La réserve est ordonnée.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze
heures, sous la présidence de M. Adrien Gouteyron.)
PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON
vice-président
M. le président.
La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 2003, adopté
par l'Assemblée nationale.
Je vous rappelle que les articles et les amendements tendant à insérer des
articles additionnels relatifs aux collectivités locales seront examinés
demain, mardi 26 novembre, à la suite du débat sur les recettes des
collectivités territoriales, qui aura lieu à seize heures.
Dans la discussion des articles de la première partie, nous en revenons aux
amendements tendant à insérer des articles additionnels après l'article 2, qui
avaient été précédemment réservés.
Article additionnel après l'article 2
(précédemment réservé)
M. le président.
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° I-43, présenté par MM. Chérioux, Doublet et Rispat, est ainsi
libellé :
« Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Les troisième et dixième alinéas du
d
du 1° du 7 de l'article
261 du code général des impôts sont remplacés par cinq alinéas ainsi rédigés
:
« Toutefois, lorsque l'organisme décide que l'exercice des fonctions dévolues
à ses dirigeants justifie le versement d'une rémunération, le caractère
désintéressé de sa gestion n'est pas remis en cause si ses statuts et ses
modalités de fonctionnement assurent sa transparence financière, la désignation
régulière et périodique de ses dirigeants, le contrôle effectif de sa gestion
par ses membres et l'adéquation de la rémunération aux sujétions effectivement
imposées aux dirigeants concernés.
« Cette disposition s'applique dans les conditions suivantes :
« - le financement de la rémunération est assuré par des ressources autres que
les subventions publiques de toute nature ;
« - le montant de toutes les rémunérations versées à chaque dirigeant au titre
de la présente disposition ne peut en aucun cas excéder trois fois le montant
du plafond visé à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application des quatre
alinéas précédents ; »
« II. - Au troisième alinéa de l'article 80 du code général des impôts, le mot
: "dixième" est remplacé par le mot : "sixième".
« III. - La perte de recettes pour l'Etat résultant des I et II ci-dessus est
compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits
prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° I-121, présenté par MM. du Luart, Bourdin, Clouet, Lachenaud
et Trucy, est ainsi libellé : « Après l'article 2, insérer un article
additionnel ainsi rédigé :
« Le
d
du 1° du 7 de l'article 261 du code général des impôts est
complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le caractère désintéressé de la gestion n'est également pas remis en cause,
pour les associations de jeunesse et d'éducation populaire disposant de
l'agrément national, qui sont tenues, à raison de leurs statuts, de rémunérer
un nombre supérieur à trois de jeunes dirigeants ayant au plus 35 ans, si elles
répondent aux conditions des alinéas 2, 6 et 9 précédents et si le montant de
la rémunération totale versée à chaque dirigeant n'excède pas une fois et demi
le montant du plafond visé à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale.
»
L'amendement n° I-207, présenté par M. Mercier et les membres du groupe de
l'Union centriste, est ainsi libellé : « Après l'article 2, insérer un article
additionnel ainsi rédigé :
« Le deuxième alinéa du
d
du 1° du 7 de l'article 261 du code général
des impôts est complété par les dispositions suivantes : "imposées aux
dirigeants concernés. Le caractère désintéressé de la gestion n'est également
pas remis en cause, pour les associations de jeunesse et d'éducation populaire
disposant de l'agrément national, qui sont tenues, à raison de leurs statuts,
de rémunérer un nombre de jeunes dirigeants ayant au plus 35 ans supérieur à
trois, si elles répondent aux conditions des alinéas 2, 6 et 9 précédents et si
le montant de la rémunération totale versée à chaque dirigeant n'excède pas une
fois et demi le montant du plafond visé à l'article L. 241-3 du code de la
sécurité sociale". »
La parole est à M. Jean Chérioux, pour défendre l'amendement n° I-43.
M. Jean Chérioux.
La rémunération des dirigeants d'organismes à but non lucratif reste un
problème difficile, qui intéresse bien sûr le Sénat.
Certes, une solution a déjà été apportée dans la loi de finances pour 2002,
mais il apparaît à l'expérience qu'elle ne permet pas de régler tous les
problèmes. Ainsi, certaines fédérations ont plusieurs dirigeants et tous ne
peuvent alors être rémunérés. Dans d'autres domaines se pose le problème de
l'élection des dirigeants ou bien celui du montant des rémunérations.
L'objet de l'amendement n° I-43 est précisément d'apporter quelques
changements aux critères existants, afin de faire entrer dans le système des
organismes à but non lucratif qui fonctionnent de façon tout à fait
désintéressée, dans un esprit conforme aux textes que nous avons déjà votés.
Il faut notamment admettre que, dans certains cas, l'élection des dirigeants
ne soit pas toujours obligatoire, c'est-à-dire qu'il n'y ait pas d'élection, et
faire abandon de la référence à la loi de 1901 sur les associations.
Je ne prendrai qu'un seul exemple : les syndicats. Ce ne sont pas des
associations de la loi de 1901, mais il est évident que leur but est non
lucratif. Dans ces conditions, il n'y a aucune raison de ne pas faire
bénéficier leurs dirigeants du même traitement que les dirigeants
d'association.
Tout en modifiant légèrement les critères, on maintient, bien sûr, les points
essentiels : l'exigence de transparence financière ; la désignation régulière
et périodique des dirigeants, même s'il n'y a pas d'élection au sens habituel
du terme ; la limitation de la rémunération à trois fois le plafond de la
sécurité sociale ; enfin, la nécessité pour l'organisme de disposer de
ressources propres lui permettant d'assurer le financement de la rémunération
des dirigeants et, bien entendu, le non-recours à des subventions publiques.
A l'évidence, ces dispositions permettront de régler certains points très
importants sans déroger à l'esprit de la loi de finances pour 2002.
M. le président.
La parole est à M. Jean Clouet, pour présenter l'amendement n° I-121.
M. Jean Clouet.
L'amendement n° I-207 est identique dans ses objectifs à l'amendement n°
I-121, et je ne peux qu'espérer qu'il aura bonne fortune.
M. le président.
La parole est à M. Denis Badré, pour présenter l'amendement n° I-207.
M. Denis Badré.
Les signataires de l'amendement n° I-207 sont inspirés par les mêmes
préoccupations que notre collègue Jean Chérioux. Il s'agit de soutenir l'action
des mouvements de jeunes gérés et animés par des jeunes. Michel Mercier, son
auteur principal, s'inquiète fortement des difficultés que plusieurs mouvements
de cette nature rencontrent dans le monde rural. Pour ma part, je suis heureux
qu'il me revienne de défendre cet amendement parce que je rencontre dans le
monde urbain des associations qui sont confrontées aux mêmes difficultés.
Je complèterai la présentation de M. Chérioux en rappelant qu'il y a un an,
presque jour pour jour, nous avions, ici même, un débat tout à fait intéressant
sur les conditions dans lesquelles nous souhaitions soutenir le bénévolat. Si
les associations doivent fonctionner de manière indépendante et transparente,
elles doivent pouvoir s'appuyer sur l'action d'entraînement de dirigeants
salariés qui jouent leur rôle, mais nous avions émis de nombreuses réserves sur
la possibilité de rémunérer les dirigeants élus.
C'est dans le même esprit que nous présentons l'amendement n° I-207.
L'amendement de Michel Mercier et des membres du groupe de l'Union centriste
va un peu moins loin que celui de Jean Chérioux, mais nous y insistons, en
revanche, sur la notion de promotion collective. Nous sommes cependant animés
par le même souci de trouver une solution et une manière d'améliorer l'action
des associations de jeunes, et c'est dans ce sens que nous souhaitons voir
déboucher le débat.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Lorsque le sujet avait été - assez abondamment -
évoqué, voilà un an, la commission des finances avait souhaité que la
distinction soit clairement faite au sein des associations entre les élus, qui
- Denis Badré y a fait allusion - doivent demeurer des bénévoles, et les
collaborateurs, qui sont en général sous un régime salarié.
Nous sommes tous habitués à travailler avec les nombreuses associations qui
forment le tissu vivant de nos communes et de nos départements, et nous sommes
animés du souci de les aider.
Dans le même temps, nous ne voulons pas tuer le bénévolat en le corrompant au
sens propre du terme, je veux dire en le faisant profondément changer de
nature.
Si tous les membres de comités et les présidents des associations de toute
nature que nous connaissons pouvaient compter sur des défraiements ou des
indemnités, cela se traduirait, bien entendu, par un changement d'état d'esprit
majeur et on ne pourrait plus trouver de vrais bénévoles.
Cela se traduirait en outre par un accroissement considérable des besoins de
subventions...
M. Michel Charasse.
Eh voilà !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... de la part de nos collectivités territoriales,
voire par des pressions extrêmement fortes s'exerçant sur les maires et sur les
présidents de conseils généraux ou régionaux.
M. Denis Badré.
Les associations y perdraient leur indépendance !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission ne sous-estime évidemment pas, mes
chers collègues, les difficultés susceptibles de subsister dans des cas de
figure très particuliers, qu'il s'agisse, d'un côté, de ministres du culte,
qu'il s'agisse, d'un autre côté, de dirigeants de syndicats professionnels ou
représentatifs de différents intérêts.
La loi de 1901 est d'une très grande souplesse, et il existe parfois un
certain flou dans la notion même de « dirigeant ». Pour la commission des
finances, le critère auquel il faut très scrupuleusement veiller est celui qui
sépare les permanents, éventuellement à temps partiel, et les élus, qui ont, je
le répète, vocation à demeurer bénévoles.
Mais il peut exister, dans le respect de la loi de 1901, certaines pratiques,
certaines traditions, voire certains archaïsmes, qui créent des situations peu
claires où l'on ne sait pas très bien si le dirigeant concerné est un élu ou un
permanent.
Pour ces situations, peut-être serait-il possible de trouver des régimes
ad
hoc,
et c'est dans cette direction que la commission voudrait vous inviter,
mes chers collègues, à réfléchir afin que l'on parvienne très rapidement à
finaliser un dispositif adapté.
La commission estime que les amendements qui ont été présentés laissent
subsister des risques de dérive de l'esprit associatif bénévole, même si elle
ne sous-estime pas les difficultés d'application particulières qui ont été
rapportées, difficultés constatées au fil d'expériences très précises, très
ciblées et très concrètes.
La commission souhaite savoir si son approche est partagée par le
Gouvernement, étant précisé que nous avons encore à examiner, à bref délai, une
loi de finances rectificative qui pourrait éventuellement servir de support à
un dispositif tenant compte tout à la fois des soucis légitimes dont Jean
Chérioux, Jean Clouet et Denis Badré se sont faits les porte-parole, et des
principes généraux auxquels la commission des finances est attachée et dont le
Sénat, jusqu'ici, s'est fait le gardien efficace.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
J'ai encore en mémoire le débat qui s'est tenu au Sénat
sur ce sujet, débat fort intéressant qui avait suivi un débat non moins
intéressant au sein de la commission des finances.
Chacun sait bien, puisque la vie associative est au coeur de la vie des
Français, que celle-ci correspond à la fois à un état d'esprit - le bénévolat
consacré à l'intérêt général - et à un cadre juridique qui pourrait, si nous
n'y veillions, être utilisé pour exercer des activités à caractère
concurrentiel. Si tel était le cas, personne, bien évidemment, ne songerait à
réserver aux associations un statut particulier.
Je tiens à remercier MM. Chérioux, Clouet et Badré ainsi que M. le rapporteur
général de leurs explications, car la délicate question de l'indemnisation des
dirigeants associatifs méritait en effet d'être posée.
Le dispositif adopté l'année dernière par l'Assemblée nationale - le Sénat
n'avait pas choisi, lui, de s'engager dans cette voie - crée à l'expérience des
difficultés, que nous avions d'ailleurs envisagées, et pardonnez-moi d'utiliser
une fois encore la première personne du pluriel, mais je me surprends à rester
en communauté d'âme avec vous.
(Sourires.)
Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale ouvre la possibilité de
rémunérer les dirigeants associatifs sans que cette décision entraîne
l'assujettissement de l'association à des impôts commerciaux, qu'il s'agisse de
l'impôt sur les sociétés, de la taxe professionnelle ou de la TVA, cette
possibilité étant toutefois subordonnée à la réunion de très nombreuses
conditions cumulatives qui ôtent de fait toute portée au dispositif.
M. Chérioux propose de lever ces conditions. J'enregistre sa proposition, qui
témoigne de sa connaissance du sujet ainsi que de son attachement, que le
Gouvernement partage, au secteur associatif, élément essentiel de notre
société. Toutefois, monsieur Chérioux, à l'heure où nous parlons, votre
proposition suscite des débats techniques complexes.
J'en ai parlé assez longuement avec M. le rapporteur général vendredi soir, à
l'issue de la séance, et il me semble que la solution la plus efficace - et je
sais que c'est un souci d'efficacité qui vous guide - consiste
vraisemblablement, à la lumière des échanges que nous venons d'avoir, à
reporter au prochain projet de loi de finances rectificative l'examen de cette
question, afin d'éviter d'introduire trop rapidement, comme l'année dernière,
des normes susceptibles de faire naître des difficultés.
Nous ferons alors tout pour tenter de faire droit à vos demandes, mais, à ce
stade, les amendements proposés ne me semblent pas suffisamment aboutis pour
être adoptés en l'état.
Je vous donne donc rendez-vous au collectif budgétaire et je vous invite à
retirer les différents amendements, en m'engageant à examiner à nouveau le
problème à cette occasion.
M. le président.
Monsieur Chérioux, l'amendement n° I-43 est-il maintenu ?
M. Jean Chérioux.
Je suis reconnaissant à M. le ministre et à M. le rapporteur de m'avoir non
seulement écouté, mais aussi entendu, et je remercie M. le ministre de nous
fixer un rendez-vous point trop éloigné.
Renvoyer la question à deux ou trois ans aurait peut-être posé problème, mais,
lors de l'examen du collectif budgétaire, elle sera encore fraîche dans nos
esprits.
J'accepte donc le rendez-vous et je l'accepte d'autant plus volontiers que je
comprends que ce genre de problème ne puisse être traité à chaud, au détour
d'un amendement dans le projet de loi de finances. Il faut une approche
globale, et, étant persuadé que c'est dans cet esprit que nous travaillerons,
je retire mon amendement.
M. le président.
L'amendement n° I-43 est retiré.
Monsieur Clouet, l'amendement n° I-121 est-il maintenu ?
M. Jean Clouet.
Je le retire, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° I-121 est retiré.
Monsieur Badré, l'amendement n° I-207 est-il maintenu ?
M. Denis Badré.
J'ai pris bonne note, moi aussi, des propos de M. le ministre et de M. le
rapporteur général.
Nous avons posé, voilà un an, une vraie question, à laquelle fut alors
apportée une réponse qui était loin d'être parfaite et dont nous souhaitons
qu'elle soit aujourd'hui améliorée.
Une année s'est donc écoulée, au cours de laquelle le nouveau dispositif a été
mis à l'épreuve. M. le ministre propose de fixer un délai d'un mois pour mener
la réflexion à son terme et trouver une solution viable qui permette aux
associations de vivre de manière autonome. En effet, M. le rapporteur général a
souligné à juste titre qu'il faut se garder de rendre les associations de plus
en plus dépendantes de subventions, donc d'une tutelle indirecte des
collectivités territoriales. Elles doivent demeurer indépendantes, le bénévolat
doit être encouragé et il faut que des associations de jeunes puissent être
animées par des jeunes.
Tel est notre souci. M. le ministre s'étant engagé à le prendre en compte, je
retire l'amendement.
M. le président.
L'amendement n° I-207 est retiré.
Article 5
M. le président.
« Art. 5. - A l'article 790 B du code général des impôts, la somme : "15 000
euros" est remplacée par la somme : "30 000 euros". »
La parole est à M. le rapporteur général, sur l'article.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je souhaitais indiquer à M. le ministre et à notre
assemblée que la commission des finances a récemment engagé, dans le cadre des
travaux du comité d'évaluation des politiques publiques, une réflexion sur la
fiscalité des mutations à titre gratuit. Pour ce faire, nous nous sommes
appuyés sur une étude réalisée par un cabinet d'avocats fiscalistes, auquel
nous avons demandé d'inscrire ses réflexions dans une perspective comparative.
Son rapport, que j'ai eu le plaisir de présenter à la commission, fait
apparaître que la France est sans doute, avec la Suède, le pays d'Europe où la
fiscalité d'Etat sur le patrimoine est la plus lourde. Je parle bien de la
fiscalité d'Etat sur le patrimoine, car les taxes foncières relèvent de la
fiscalité locale affectant celui-ci.
Je ne saurais évoquer ici le détail de ce rapport, qui sera très prochainement
présenté à la presse. Il me suffira de souligner, à l'occasion de l'examen de
la disposition visant à encourager les donations en faveur des petits-enfants
qui nous est soumise par le Gouvernement et que j'estime très opportune,
l'importance de ce sujet pour notre pays.
Notre société, qu'on le veuille ou non, est vieillissante ; s'y posent de plus
en plus le problème de la transmission des patrimoines entre les générations et
celui de l'anticipation, de telle sorte que la solidarité s'exerce entre les
générations et que la vie économique ne soit pas pénalisée par l'évolution de
la pyramide des âges. Dans nombre de cas, à l'heure actuelle, on voit des
retraités hériter de leurs parents : la législation doit donc offrir les
ressorts nécessaires pour inciter nos compatriotes à procéder à des mutations
anticipées.
Du point de vue de la commission des finances, il ne serait pas bon de compter
sans cesse davantage sur des régimes de faveur, par nature complexes, pour
réduire, par des déductions, des abattements d'assiette, des imputations, que
sais-je encore ? des taux nominaux quasi prohibitifs.
C'est bien un choix structurel et de principe qui se trouve devant nous :
maintenir un système fiscal comportant des taux très élevés et mettre en place
toutes sortes de dispositifs compliqués pour en atténuer les incidences dans
certains cas de figure, ou bien avoir le courage de tout réexaminer et de
concevoir des mécanismes simples et lisibles évitant, autant que possible, les
effets de seuil.
La commission des finances du Sénat a quelques idées pour l'application de ces
principes en matière de transmission des entreprises ; cela représente, en
effet, un enjeu essentiel pour l'attractivité du territoire national. Nous
avons évoqué cet ensemble de sujets ce matin, au cours de nos échanges sur
l'ISF, et il y aura lieu, bien sûr, d'y revenir dès le mois de janvier, lors de
l'examen du texte que viendra défendre devant nous M. le secrétaire d'Etat
chargé des petites et moyennes entreprises.
Aujourd'hui, il me semble nécessaire de dire quelques mots d'un dispositif que
la commission souhaiterait vous voir étudier, monsieur le ministre, et qui
devrait permettre de faciliter les transmissions entre les personnes, qu'il
s'agisse des transmissions entre parents et enfants ou entre grands-parents et
petits-enfants. Il s'agit là de l'un des enseignements de l'étude comparative
que nous avons commanditée : la Grande-Bretagne, par exemple, applique des
régimes successoraux dont il serait concevable de s'inspirer pour faciliter la
circulation des patrimoines et éviter les effets de seuil. Il y existe, en
particulier, un régime permettant de donner 5 000 euros chaque année et qui
présente la particularité d'être cumulable au point de constituer une réserve
de donation en franchise de droits.
En France prévaut un cycle décennal qui a l'inconvénient d'être très rigide :
il faut, pour en bénéficier à plein, être en mesure de procéder à des donations
tous les dix ans, indépendamment de l'évolution d'une situation personnelle qui
peut ne pas s'inscrire dans ce rythme.
M. Michel Charasse.
Il ne faut pas mourir entre-temps !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est en effet la principale source d'injustice, mon
cher collègue, vous avez tout à fait raison !
M. Michel Charasse.
C'est ma réforme !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Un abattement cumulable sur une base annuelle serait
certainement plus adapté aux besoins et aux possibilités de chacun. Un tel
dispositif serait sans doute plus utilisé que celui qui est actuellement en
vigueur et permettrait, en outre, qu'une personne qui décède dans le délai de
dix ans ne perde pas tout, en quelque sorte, avec la vie !
J'ajoute, pour ce qui concerne les enfants, que l'abattement est lui aussi
établi sur une base décennale et qu'il y a une certaine injustice à imposer,
dans le cas du décès du donateur moins de dix ans après la libéralité, le
rapport des donations antérieures.
On pourrait concevoir un système de proratisation de l'obligation de rapport,
ce qui serait à la fois plus juste et plus incitatif pour toutes les personnes
qui hésitent à procéder à une donation au motif qu'elles savent que ces dons
viendront s'imputer sur les abattements auxquels auront droit leurs héritiers
au moment de leur décès. Concrètement, cela signifie que si le décès
intervenait, par exemple, neuf ans après la donation, on pourrait conserver les
neuf dixièmes de l'abattement et ne faire le report que du dixième de la
donation. Cela permettrait à l'héritier de bénéficier de 90 % de l'abattement
pour le calcul des droits dus à la suite du décès.
Je tenais à formuler ces quelques réflexions, monsieur le ministre, afin de
prendre date et de vous inviter à ne pas hésiter à vous inspirer d'expériences
étrangères en vue de mettre au point cette réforme de notre système fiscal, ou
plus précisément du volet patrimonial de celui-ci. Notre système fiscal ne
saurait résulter de l'empilement d'abattements supplémentaires, il doit
procéder d'une réflexion plus fondamentale sur les mécanismes mêmes des
prélèvements.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Je souhaite indiquer à M. le rapporteur général que le
Gouvernement ne se privera pas, naturellement, de tirer tous les enseignements
d'expériences étrangères. Il permettra à l'ancien président du comité
d'évaluation des politiques publiques...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Qui a pris l'initiative de ce travail !
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
... que je suis d'affirmer l'intérêt que présentent les
comparaisons avec les législations d'autres pays.
Quoi qu'il en soit, nous sommes entre bons connaisseurs du sujet, puisque j'ai
dans mon champ de vision Michel Charasse, qui avait, lorsqu'il occupait les
fonctions qui sont les miennes aujourd'hui, instauré la règle de non-rappel
décennal, ce qui constituait d'ailleurs une première révolution...
M. Michel Charasse.
Très appréciée des notaires !
(Sourires.)
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Ils ne font que refléter fidèlement les préoccupations
de la population, mon cher collègue !
... au regard de la situation qui prévalait antérieurement, ainsi que Jean
Arthuis, qui, en son temps, avait pris en compte le souhait de nombre de
familles de « passer », si l'on peut dire, une génération, en raison de
l'allongement de la durée de la vie.
Cela étant, monsieur le rapporteur général, sachez que le Gouvernement a
conscience que les droits de mutation à titre gratuit sont plus élevés en
France que chez nos principaux voisins. Leur poids dans le PIB est chez nous
plus de deux fois supérieur à la moyenne européenne, et c'est une singularité
française qui tend à se renforcer. Nous sommes déterminés à travailler sur ce
sujet, dont je ne suis bien entendu pas le dernier, au sein du Gouvernement, à
me soucier.
Comme je l'ai indiqué tout au long de la matinée, nous allons mener une
réflexion approfondie sur l'ensemble de la fiscalité du patrimoine à compter -
accordez-moi une journée ! - du 2 janvier 2003. La commission des finances du
Sénat y sera d'ailleurs associée, personne n'étant, en la matière, détenteur de
la vérité.
Il s'agira d'une réforme ambitieuse qui aura besoin du soutien le plus large
du Sénat, d'une réforme globale qui sera fondée sur deux principes directeurs :
assurer l'équité du système fiscal et restaurer l'attractivité de ce pan de
notre fiscalité. Naturellement, nous nous inspirerons des multiples travaux
déjà réalisés, et je tiens à évoquer, devant la Haute Assemblée, ceux de Denis
Badré.
Il ne s'agit pas, j'y insiste, d'une promesse en l'air : j'ai déjà réuni une
somme importante d'informations et je ne manquerai pas de prendre connaissance
avec la plus grande attention, mesdames, messieurs les sénateurs, de celles que
vous me communiquerez. Nous aurons la matière nécessaire pour travailler à
cette réforme.
Je voudrais maintenant réagir spontanément au point de vue que vous avez
exprimé, monsieur le rapporteur général, même si ce n'est pas de bonne pratique
et si cela inquiète sans doute mes collaborateurs !
(Sourires.)
M. Michel Charasse.
De toute façon, c'est toujours comme ça !
(Nouveaux sourires.)
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Mais, après tout, nous sommes ici pour cela, n'est-ce
pas ?
M. Michel Charasse.
Osez, monsieur le ministre !
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Ce qui me paraît le plus préoccupant, pour notre pays,
c'est que, à ce rythme, l'essentiel du patrimoine sera demain détenu par des
personnes d'un âge très avancé. Michel Charasse a fait référence tout à l'heure
à ma vie professionnelle, qui m'a permis d'observer la manière dont nos
compatriotes organisent leur patrimoine et sa transmission. A cet égard, j'ai
toujours été frappé par cette tentation qu'ils ont de transférer leur
patrimoine par anticipation, certes, mais en nue-propriété seulement, si bien
que l'usufruit reste détenu par des personnes vieillissantes. Or si la plus
grande partie du patrimoine français demeure entre les mains de personnes qui,
pour certaines d'entre elles, « accumulent la jeunesse » - je reprends une
expression que Philippe Marini connaît bien ! -, on peut aboutir à une
situation où les intéressés n'auront plus le ressort ni la détermination
nécessaires pour faire vivre ce patrimoine, l'entretenir et en faire un outil
performant au service de l'intérêt général.
Je souhaite donc, monsieur le rapporteur général, continuer à favoriser la
transmission anticipée, mais en pleine propriété et non en nue-propriété, comme
le décide actuellement l'immense majorité de nos compatriotes. Des usufruits
importants sont détenus par de nombreuses personnes âgées, et je pense que nous
pourrions également réfléchir aux moyens de transformer les donations en
nue-propriété en donations en pleine propriété, peut-être en contrepartie de la
constitution de rentes viagères, afin que les nus-propriétaires, recouvrant
l'usufruit de leur bien et devenant ainsi pleins propriétaires, puissent
assumer leurs responsabilités.
A ce stade de la discussion, je ne peux dire s'il convient de passer d'une
règle de non-rappel décennal à une règle annuelle. Peut-être est-ce très
ambitieux, mais sachez, en tout cas, que nous examinerons cette hypothèse et
que nous étudierons dans le détail les fiscalités du patrimoine en vigueur dans
les pays voisins. C'est là un très beau chantier, et c'est aussi un enjeu
économique pour notre pays : une réflexion menée conjointement par le
Gouvernement, dont c'est la responsabilité, et le Parlement est nécessaire. Je
me réjouis par avance de travailler avec le Sénat sur ce thème, afin que nous
puissions, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2004,
présenter une réforme véritable et opportune de notre fiscalité du
patrimoine.
M. le président.
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° I-145, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Supprimer cet article. »
L'amendement n° I-146, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit cet article :
« I. - A compter du 1er janvier 2003, les droits de mutation à titre gratuit
entre vifs visés aux articles 776, 790, 790 A, 790 B et 791 du code général des
impôts sont affectés au Fonds de financement de l'allocation personnalisée
d'autonomie visé à l'article L. 232-21 du code de l'action sociale et des
familles.
« II. - Le III de l'article L. 232-21 du code de l'action sociale et des
familles est complété par un alinéa ainsi rédigé :
«
3°
Le produit des droits de mutation à titre gratuit entre vifs visés
aux articles 776, 790, 790 A, 790 B et 791 du code général des impôts. »
« III. - Le cinquième alinéa du 1° du II de l'article L. 232-21 du code de
l'action sociale et des familles est supprimé.
« IV. - Les pertes de recettes pour le budget général sont compensées par le
relèvement, à due concurrence, de l'impôt sur les sociétés. »
L'amendement n° I-147, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« A la fin de cet article, remplacer le montant : "30 000 euros" par le
montant : "20 000 euros". »
La parole est à M. Thierry Foucaud, pour présenter ces trois amendements.
M. Thierry Foucaud.
L'article 5 porte sur l'avenir de la fiscalité du patrimoine, qui est à la
source, dans notre pays, d'une part non négligeable des recettes fiscales de
l'Etat et des collectivités locales.
La disposition présentée par cet article tend à réévaluer sensiblement
l'abattement sur les donations. Bien entendu, cette proposition appelle de
notre part plusieurs observations.
On peut tout d'abord s'interroger sur l'opportunité ou le bien-fondé d'une
telle mesure, sur un plan tant économique que social. En d'autres termes, la
réévaluation du plafond de l'abattement sur les donations était-elle
véritablement la priorité des priorités en matière fiscale ?
L'exposé des motifs de l'article précise qu'il s'agit d'encourager la
réalisation des opérations visées. Nous n'en disconvenons pas, mais cela
soulève immédiatement une autre question. En effet, les montants en jeu ne sont
pas négligeables : si l'on porte à 30 000 euros le plafond de l'abattement, des
sommes importantes risquent d'échapper à toute imposition ; en outre, cela
amènera probablement une dégradation de l'information économique, qui demeure
liée à l'existence des droits d'enregistrement.
Considérons l'exemple d'un heureux grand-père qui déciderait de donner à
chacun de ses quatre petits-enfants un « petit quelque chose » : ce serait
alors 120 000 euros de patrimoine qui ne se verraient assujettis à aucune
imposition. Un recours réitéré, dans l'optique d'une gestion « judicieuse » et
bien conseillée, à un tel procédé pourrait conduire à un démembrement du
patrimoine qui permettrait aux personnes intéressées d'échapper à certains
impôts bien connus pesant sur le capital... On pense immanquablement ici à
l'impôt de solidarité sur la fortune, les membres de la majorité sénatoriale
ayant retiré ce matin tous leurs amendements portant sur ce thème.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Nous y reviendrons !
M. Thierry Foucaud.
La mesure présentée à l'article 5 peut très bien, dans ces conditions, être
considérée comme un outil destiné à permettre soit d'éviter de franchir le
premier palier d'imposition, soit de réduire une cotisation existante. Elle est
donc à nos yeux bien plus un instrument fiscal élaboré au bénéfice exclusif des
détenteurs d'un patrimoine plus ou moins important qu'un outil visant à aider
des jeunes ménages débutant dans la vie et qui auraient besoin d'un « coup de
pouce » familial, comme certains tentent de le faire croire.
Pour toutes ces raisons, nous proposons au Sénat d'adopter l'amendement n°
I-145, tendant à supprimer l'article 5 du projet de loi de finances.
L'amendement n° I-146, quant à lui, vise l'APA, l'allocation personnalisée
d'autonomie. Voilà quelques semaines, dans un entretien qu'il a accordé à
La
Gazette des communes,
M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes
âgées, indiquait qu'il fallait trouver un financement pour l'APA et que son
rôle était « de chercher des financements sans pénaliser les départements ». Il
ajoutait qu'il ne reviendrait pas sur le principe de cette prestation, dont le
succès prouve qu'elle répond à un besoin et à une attente très forts de la
population.
Aujourd'hui, au lieu de consentir un effort pour dégager des moyens nouveaux,
le Gouvernement baisse les impôts et décide que cette prestation sera révisée à
la baisse.
Ainsi, une participation financière accrue sera demandée aux allocataires
vivant à domicile, les critères d'attribution seront revus, le recours sur
succession sera instauré. Selon nous, cette décision est inadmissible. En
effet, il y a de l'argent et il faut donc l'utiliser pour cet effort de
solidarité envers nos aînés.
Les collectivités locales, les conseils généraux, mais également les communes,
assurent, vous le savez, la prise en charge de ces besoins, et sans moyens
nouveaux.
Voilà pourquoi nous proposons que l'Etat attribue l'intégralité des droits de
mutation à titre gratuit entre vifs au Fonds de financement de l'allocation
personnalisée d'autonomie, le FFAPA. Il s'agit, bien sûr, d'une solution
transitoire, la résolution de ce problème passant, comme nous l'avons dit lors
de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003,
par la création d'un cinquième risque au sein de l'assurance maladie.
M. Michel Charasse.
Avec cotisation !
M. Thierry Foucaud.
Cette affectation permettrait de conserver, au sein de l'APA, un niveau de
prestation identique à celui de l'année dernière : 886 millions d'euros
supplémentaires y seraient consacrés.
Cette affectation des droits de mutation entre vifs au FFAPA permettrait par
ailleurs aux conseils généraux de retrouver des marges de manoeuvre, avec tous
les effets bénéfiques que cela peut avoir en matière d'investissements publics.
C'est pourquoi nous proposons que le concours versé par l'Etat ne soit plus
limité.
Je formulerai une dernière remarque. Si nous ne préconisons pas le transfert
pur et simple de cet impôt, à l'instar de M. Marini, au titre du budget de
2001, c'est parce que son assiette est très mal répartie. Je rappelle que la
région d'Ile-de-France génère plus d'un quart des recettes. Les départements
qui connaissent les plus grandes difficultés ne s'y retrouveraient donc pas.
Quant à l'amendement n° I-147, il s'agit d'un amendement de repli par rapport
à l'amendement n° I-145.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Ces amendements ne nous semblent pas aller dans le
bon sens.
L'amendement n° I-145 remet en question une mesure qui vise à renforcer la
solidarité intergénérationnelle. Il s'agit, en quelque sorte, d'aider les plus
jeunes lorsqu'ils peuvent éprouver des difficultés à l'entrée dans la vie
active. Aussi, il est difficilement compréhensible que, compte tenu du
vieillissement de notre société, une telle mesure puisse être proposée. La
commission y est, bien sûr, défavorable.
Pour ce qui est de l'amendement n° I-146, outre le fait qu'il appelle les
mêmes objections de principe, il présente, sur le plan rédactionnel, le défaut
de se substituer à la mesure prévoyant le doublement de l'abattement sur les
donations entre grands-parents et petits-enfants. De plus, son impact sur le
solde du budget général serait considérable et insupportable. On ne peut tout
confondre. La question de l'APA, par laquelle nous avons commencé la discussion
du projet de loi de finances, est suffisamment sérieuse pour être traitée en
elle-même. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Quant à l'amendement n° I-147, qui est une sorte d'amendement de repli par
rapport à l'amendement n° I-145, il se heurte, sur le plan des principes, aux
mêmes objections de la part de la commission que l'amendement n° I-145. La
commission ne peut donc qu'y être défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
M. Foucaud ne s'étonnera pas que j'émette un avis
défavorable sur l'amendement n° I-145 puisque cet amendement est en complète
opposition avec le souhait du Gouvernement de favoriser la transmission
anticipée du patrimoine.
S'agissant de l'APA, et il ne le prendra pas mal, j'émets également un avis
défavorable, puisque nous en avons déjà débattu dès vendredi dernier.
Quant à l'amendement n° I-147, il s'agit d'un amendement de repli qui
s'inscrit dans le même esprit et il appelle donc, lui aussi, un avis
défavorable.
En résumé, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces trois
amendements.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-145.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-146.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-147.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 5.
(L'article 5 est adopté.)
Article additionnel après l'article 5
M. le président.
L'amendement n° I-219 rectifié, présenté par M. Marini, au nom de la
commission, est ainsi libellé :
« Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 762 du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Art. 762. - I. -
Pour la liquidation des droits de mutation à titre
gratuit, la valeur de la nue-propriété et de l'usufruit est déterminée par une
quotité exprimée en pourcentage de la propriété entière, en fonction de l'âge
de l'usufruitier, conformément au barème ci-après :
ÂGE DE L'USUFRUITIER |
BÉNÉFICIAIRES usufruit |
NUE-PROPRIÉTÉ |
---|---|---|
Moins de 25 ans | 80 | 20 |
De 25 à moins de 30 | 75 | 25 |
De 30 à moins de 35 | 70 | 30 |
De 35 à moins de 40 | 65 | 35 |
De 40 à moins de 45 | 60 | 40 |
De 45 à moins de 50 | 55 | 45 |
De 50 à moins de 55 | 50 | 50 |
De 55 à moins de 60 | 45 | 55 |
De 60 à moins de 65 | 40 | 60 |
De 65 à moins de 70 | 35 | 65 |
De 70 à moins de 75 | 30 | 70 |
De 75 à moins de 80 | 25 | 75 |
De 80 à moins de 85 | 20 | 80 |
De 85 à moins de 90 | 15 | 85 |
De 90 à moins de 95 | 10 | 90 |
Plus de 95 ans révolus | 5 | 95 |
« Pour déterminer la valeur de la nue-propriété, il est tenu compte des
usufruits ouverts au jour de la mutation de cette nue-propriété ainsi que des
usufruits successifs éventuellement stipulés au contrat.
« II. -
L'usufruit constitué pour une durée fixe est estimé aux deux
dixièmes de la valeur de la propriété entière pour chaque période de cinq ans
de la durée de l'usufruit, sans fraction et sans égard à l'âge de
l'usufruitier. »
« II. - Les dispositions du I s'appliquent aux donations effectuées et aux
successions ouvertes à compter du 1er janvier 2003.
« III. - La perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du I et
du II ci-dessus est compensée par le relèvement à due concurrence des droits
prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes
chers collègues, je voudrais vous inviter à faire un peu d'archéologie
financière !
(Sourires.)
M. Michel Charasse.
Ah !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est l'article 13 de la loi du 25 février 1901
portant fixation du budget général des dépenses et des recettes de l'exercice
1901 - vous voyez, on a fait des progrès, puisque maintenant on vote le budget
avant le démarrage de l'exercice - ...
M. Michel Charasse.
Les douzièmes provisoires !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... c'est donc l'article 13 de cette loi mémorable
qui a créé le barème fiscal de l'actuel article 762 du code général des
impôts.
De quoi s'agit-il ? Il s'agit du barème de conversion de l'usufruit et de la
nue-propriété en pleine propriété. Ce barème est issu, très vraisemblablement,
de la méthode du calcul actuariel des flux de revenus des biens démembrés à
partir des données disponibles de l'époque 1901. Il est donc fondé sur les
tables d'espérance de vie de la période 1898-1903. Il évalue le rendement des
biens détenus en usufruit à 2 %.
Il est inutile d'insister sur le caractère très sensiblement décalé, voire
complètement obsolescent, de ce dispositif. Au cours du siècle, l'espérance de
vie a augmenté de plus de 60 %, tandis qu'un écart significatif s'est creusé
entre les hommes et les femmes, et le postulat d'un rendement uniforme de 2 %
par an est devenu extrêmement critiquable.
Il est clair que les paramètres que l'on utilise aujourd'hui - et M. le
ministre Alain Lambert les connaît mieux que quiconque - conduisent à
surévaluer la nue-propriété. Selon les informations dont nous disposons, cette
surévaluation peut dépasser 70 % de la pleine propriété pour des
investissements d'un rendement égal ou supérieur à 10 %.
Enfin, l'obsolescence du barème n'est pas neutre sur le plan fiscal. En cas de
donation ou de donation-partage avec réserve d'usufruit, elle s'avère très
pénalisante pour les contribuables, puisque l'assiette de l'impôt est augmentée
par une sous-estimation artificielle de la valeur de l'usufruit. Aux termes du
barème actuel, pour les personnes de plus de soixante-dix ans, la valeur de
l'usufruit s'élève à 10 %, alors qu'elle devrait atteindre 30 % compte tenu de
la valeur issue de la réalité démographique d'aujourd'hui.
Monsieur le ministre, de deux choses l'une : ou bien on change de système,
c'est-à-dire que l'on considère qu'il n'y a plus lieu de rapporter de la même
façon la quote-part de l'usufruit et de la nue-propriété à la valeur de la
pleine propriété - on met alors en cause la construction du tarif dans ses
fondements mêmes -, et il faut nous expliquer par quoi on remplace ce barème ;
ou bien on maintient les modes de raisonnement traditionnels, mais il faut
ajuster le barème à la réalité démographique et sociale d'aujourd'hui.
Cet amendement a bien sûr pour objet de rappeler cette anomalie flagrante. La
solution que nous proposons vise à conserver un barème unique mais à en
actualiser les paramètres. La durée de l'usufruit et calculée en fonction de
l'espérance de vie constituée à partir de la table de mortalité en 1990-1992
établie par l'INSEE. Nous avons pris l'hypothèse, qui semble aujourd'hui
économiquement raisonnable, d'un taux de rendement du bien de 4 %.
Dans le cadre de vos réflexions, dont le rythme, nous avez-vous dit, monsieur
le ministre, s'accélérera encore à partir du 2 janvier prochain, quel sort
comptez-vous réserver à cette proposition de modernisation du barème de
l'usufruit et de la nue-propriété ?
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
M. le rapporteur général a raison. L'année dernière, il
avait d'ailleurs proposé un amendement allant dans ce sens. Ce barème de calcul
de l'usufruit est frappé d'une obsolescence quasi définitive.
Comme il est bon que le Sénat connaisse tout de nos débats avec M. le
rapporteur général, sachez qu'il m'a fait part de son souhait d'aboutir sur le
sujet. Cependant, autant M. le rapporteur général a raison d'insister pour que
l'on sorte de cette situation qui est une négation de la réalité économique,
autant je recommande très vivement que nous le fassions à l'occasion du texte
qui nous permettra de réviser la fiscalité du patrimoine, et donc des
successions.
Lors de l'établissement des barèmes, il a été tenu compte de l'obsolescence de
l'évaluation de l'usufruit. Si nous procédons à une réévaluation du barème de
l'usufruit sans modifier, par exemple, les seuils d'imposition de la fiscalité
entre époux, des conjoints survivants ayant, disons, entre cinquante et
soixante ans, risquent de se retrouver pénalisés pendant une année par rapport
à la situation présente, ce qui n'est naturellement pas votre intention,
monsieur le rapporteur général.
Si, en l'occurrence, nous voulons être véritablement efficaces, il faut
réaliser cette réforme de l'évaluation de l'usufruit en même temps que celle de
la fiscalité des successions et du patrimoine.
Aussi, monsieur le rapporteur général, je vais être très direct avec vous : si
nous n'avons pas progressé dans la réforme de la fiscalité du patrimoine et des
successions, vous serez fondés à imposer cet amendement l'année prochaine.
Cela étant, je vous demande, à raison de la volonté du Gouvernement de prendre
à bras-le-corps ce sujet, de bien vouloir verser cette proposition comme
contribution, et elle devra naturellement être prise en compte dans le travail
que nous allons mener ensemble. Il faut faire les deux réformes en même temps.
En effet, si nous agissons séparément, nous risquons de produire des effets
secondaires que nous n'aurions pas anticipés et dont nous serions malheureux.
C'est ce qui me conduit à vous proposer de retirer cet amendement, sous le
bénéfice, bien sûr, de l'introduire dans le texte auquel nous allons travailler
ensemble.
M. le président.
Monsieur le rapporteur général, entendez-vous cet appel de M. le ministre
délégué ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Le ministre a été direct et il a eu raison. Les
indications qu'il a fournies sont importantes pour le Sénat car nous voyons
progressivement se dessiner la problématique de la réflexion sur la fiscalité
du patrimoine, et en particulier sur cet aspect spécifique qu'est la question
de sa transmission.
Je partage, bien sûr, les propos qui ont été tenus sur certains des effets
pervers qui pourraient résulter d'une avancée un peu erratique et d'un barème
remis au goût du jour sans que le tarif et la structure des droits de
succession ne l'aient été.
Sous le bénéfice de cet échange, dont je tiens à remercier M. le ministre du
budget, je retire cet amendement. Bien entendu, l'archéologie financière aura,
l'an prochain, un an de plus, mes chers collègues, mais ce ne sera pas bien
dramatique puisque nous avançons dans la bonne direction. Après avoir attendu
cent un ans, nous pouvons patienter une année de plus !
(Sourires.)
M. le président.
L'amendement n° I-219 rectifié est retiré.
L'amendement n° I-148, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 778 du code général des impôts, il est inséré un
article additionnel ainsi rédigé :
«
Art.
... Bénéficient du tarif de la ligne directe les successions
ouvertes à compter du 15 septembre 2002 affectées au profit de personnes
assumant la charge de tutelle ou de curatelle en vertu des dispositions du
titre XI du livre I du code civil. »
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I
ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe
additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts. »
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud.
Cet amendement a pour objet d'adapter la législation en matière de
successions.
La question des droits de succession se pose, parfois, dans des termes
relativement particuliers. Ces dernières années, un certain nombre d'évolutions
se sont produites, qui ont notamment porté sur les conditions d'abattement des
droits en ligne directe afin de permettre une meilleure prise en compte des
différentes situations.
Cet amendement soulève le problème des successions qui font suite à des
décisions de justice aux termes desquelles la gestion des intérêts ou du
patrimoine d'une personne a été confiée à des tuteurs ou à des curateurs qui,
conformément aux dispositions du code civil, en assument toutes les
conséquences.
En l'absence d'héritier en ligne directe, ces tuteurs ou ces curateurs, qui
peuvent d'ailleurs être des héritiers par voie collatérale, se retrouvent
imposés au titre de la succession au tarif prévu pour la ligne indirecte, alors
qu'ils assument des charges similaires à celles que les héritiers en ligne
directe sont parfois conduits à accomplir.
C'est donc pour créer un traitement identique entre, d'une part, ces tuteurs
et ces curateurs et, d'autre part, les héritiers en ligne directe que nous
proposons cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cet amendement a suscité la surprise de la
commission, indépendamment des opinions politiques qui peuvent nous opposer,
monsieur Foucaud. En effet, inciter une personne âgée à tester en faveur d'un
curateur ou d'une personne en charge de sa propre tutelle ne revient-il pas à
faire pression sur un être fragilisé ? Une telle disposition ne comporte-elle
pas de trop grands risques de captation d'héritage dans l'extrême fin de vie de
personnes très âgées ? Ne connaissons-nous pas déjà de tels risques ? Ne
seraient-ils pas aggravés par un tel dispositif ? Notre collègue Thierry
Foucaud, en déposant cet amendement, n'a sans doute pas mesuré l'importance de
tels risques. Aussi, je lui demande de bien vouloir y réfléchir et de retirer
l'amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Compte tenu de l'estime personnelle que je porte à M.
Thierry Foucaud, et qu'il connaît -, je lui recommande très vivement de retirer
cet amendement.
M. le président.
Monsieur Foucaud, l'amendement n° I-148 est-il maintenu ?
M. Thierry Foucaud.
Je retire cet amendement, qui est sans doute mal formulé.
M. Michel Charasse.
L'idée est bonne !
M. Thierry Foucaud.
Merci, monsieur Charasse !
M. Michel Charasse.
Mais les risques sont grands !
M. Thierry Foucaud.
Nous le reformulerons.
M. le président.
L'amendement n° I-148 est retiré.
Article additionnel avant l'article 5 bis
M. le président.
L'amendement n° I-76 rectifié
bis
, présenté par M. Gaillard, est ainsi
libellé :
« Avant l'article 5
bis
, insérer un article additionnel ainsi rédigé
:
« I. - La fin du premier alinéa de l'article 7 de la loi n° 96-590 du 2
juillet 1996 relative à la Fondation du patrimoine est ainsi rédigée : "... les
cotisations, les subventions publiques, les dons et legs, une fraction fixée
par décret du produit des successions appréhendées par l'Etat à titre de
déshérence et, généralement, toutes recettes provenant de son activité." »
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant du I sont compensées à
due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux
articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Yann Gaillard.
M. Yann Gaillard.
Cet amendement a pour objet d'ajouter à la liste des ressources de la
Fondation du patrimoine, créée par la loi du 12 juillet 1996, une fraction,
fixée par décret, du produit des successions appréhendées par l'Etat à titre de
déshérence.
La Fondation du patrimoine, organisme privé créé par la loi et reconnu
d'utilité publique - auquel le Président de la République est d'ailleurs, me
semble-t-il, personnellement très attaché -, a pour domaine d'action le
patrimoine bâti non protégé. Il s'agit donc principalement du petit patrimoine
rural si cher aux élus locaux que nous sommes.
La Fondation a une double activité de mécénat et d'agrément fiscal,
puisqu'elle décerne un label ; son organisation déconcentrée s'appuie sur un
réseau de délégations régionales et départementales fondé sur le bénévolat ;
elle a tissé des liens avec l'association Maisons paysannes de France et a
passé des conventions avec soixante départements et quinze conseils
régionaux.
Qu'entend-on par « successions appréhendées par l'Etat à titre de déshérence »
? Ce sont celles dont on ne connaît pas les héritiers, et dont l'article 768 du
code civil précise qu'elles sont acquises à l'Etat, par droit de déshérence.
L'histoire en est d'ailleurs assez curieuse : elle remonte à un acte dit « loi
du 21 novembre 1940 », à une époque donc où la recherche des successions était
sans doute difficile. Je n'insisterai pas sur cet aspect historique, sous peine
de susciter bien des questions dont certaines pourraient se révéler
embarrassantes.
La disposition que nous proposons est née d'une réflexion menée au sein de la
commission des finances sur les mesures en faveur du patrimoine et a été
reprise par M. Bady dans le rapport qu'il vient de présenter au ministre de la
culture. Elle aurait pour effet de conforter définitivement la Fondation du
patrimoine, dont les moyens semblent insuffisants au regard de la vaste mission
que la loi lui a confiée.
M. le président.
Je viens d'être saisi d'un sous-amendement n° I-222, présenté par M. Michel
Charasse, et qui est ainsi libellé :
« Dans le second alinéa du I du texte proposé par l'amendement n° I-76
rectifié
bis
pour insérer un article additionnel avant l'article 5
bis,
après les mots : "par décret", insérer les mots : "en Conseil
d'Etat". »
La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse.
Le dispositif présenté par notre collègue M. Gaillard à travers l'amendement
n° I-76 rectifié
bis
prévoit l'octroi à la Fondation du patrimoine d'une
fraction des successions appréhendées par l'Etat à titre de déshérence. M.
Gaillard propose que cette fraction soit « fixée par décret ». Je suggère de
préciser que ce doit être un décret en Conseil d'Etat. Non pas que j'aie la
manie du Conseil d'Etat, mais il pourrait très bien être décidé, pour
satisfaire l'amendement de M. Gaillard, de fixer un pourcentage symbolique ; il
n'est donc pas inopportun qu'une instance d'avis comme le Conseil d'Etat puisse
vivement encourager le ministre à aller au-delà des 3 % ou 4 % qu'il pouvait
avoir envie de proposer.
Aux termes de l'amendement n° I-76 rectifié
bis
, le décret serait pris
de façon tout à fait autonome, sans que personne soit consulté. Il me semble
préférable qu'une petite discussion ait lieu, afin que, sans aller jusqu'à
capter la totalité des successions, comme l'avait initialement proposé notre
collègue M. Gaillard, la part soit tout de même significative. En la
circonstance, le Conseil d'Etat pourrait jouer un rôle fort utile.
Tel est l'objet de mon sous-amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
En ce qui concerne l'amendement n° I-76 rectifié
bis,
je voudrais tout d'abord rendre un hommage particulier aux travaux
du rapporteur spécial des crédits de la culture et de la communication, M. Yann
Gaillard, qui a réalisé très récemment différentes investigations, qui nous a
suggéré de nombreuses pistes de réflexion et d'action et qui est l'auteur d'un
rapport remarqué,...
M. Michel Charasse.
Et remarquable !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... publié au début du mois d'octobre, qui s'intitule
Cinquante et une mesures pour le patrimoine monumental
.
Parmi ces cinquante et une mesures figure celle dont nous débattons. Je
reconnais avoir très vivement encouragé notre collègue à présenter sa
proposition dès maintenant, dès la discussion du projet de loi de finances, car
elle va manifestement dans le bon sens.
Elle est formulée de manière très ouverte, puisque notre collègue s'en remet
au pouvoir exécutif pour définir la proportion des biens qui seraient ainsi
alloués à la Fondation du patrimoine, et ne serait donc pas extrêmement
contraignante. Si je ne me trompe, elle recueille la sympathie du ministre de
la culture. De plus, je crois pouvoir dire qu'elle est très attendue par les
dirigeants de ladite Fondation. Grâce aux fonds qui lui seraient ainsi
affectés, celle-ci pourrait bénéficier de sommes, certes variables chaque
année, certes difficilement prévisibles, mais néanmoins susceptibles, de
s'élever, au bout d'un certain temps, à quelques dizaines de millions
d'euros.
Ainsi, en liaison avec les collectivités territoriales, dans le cadre de la
décentralisation, des actions devraient pouvoir être conduites, concrètement et
efficacement, dans le domaine de la politique de sauvegarde du patrimoine de
proximité, celui qui fait l'ambiance de nos terroirs, de nos villes, de nos
bourgs, de nos villages, et qui représente une charge tout à fait considérable
pour les propriétaires tant publics que privés.
Dans ce pays, des énergies tout à fait considérables sont déterminées à lutter
pour la sauvegarde du patrimoine, mais, souvent, manquent de moyens. Le vote
d'une telle disposition serait l'occasion de leur adresser un excellent signal
et permettrait en outre une bonne utilisation d'une très vieille disposition de
notre fiscalité - je n'en ai pas recherché l'origine exacte - qui remonte sans
doute aux fondements de l'Etat moderne, cet Etat qui, à l'image de l'Etat
monarchique, récupère les biens considérés comme étant sans maître. Mais je
m'aventure là sur un terrain que M. le ministre connaît infiniment mieux que
moi, et j'espère ne pas commettre d'erreur historique.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Pour me faire pardonner par avance l'avis que
j'émettrai à la fin de mon commentaire, je rendrai à mon tour hommage à Yann
Gaillard : à sa personne même, que chacun connaît bien ici, mais aussi au
travail qu'il mène, avec, notamment, ce rapport remarquable sur le patrimoine
monumental.
C'est également l'occasion pour moi de dire toute l'estime que le Gouvernement
porte - mais je peux parler à la première personne du singulier : que je porte
- à la Fondation du patrimoine, puisque - je l'ai montré dans le passé, en
essayant de la soutenir - j'ai pu mesurer la qualité de son action.
Yann Gaillard étant un très bon spécialiste des finances publiques, il
comprendra qu'il est difficile à un ministre du budget de trouver la méthode
parfaite : M. le rapporteur général, dans sa bonté immense, a bien voulu ne pas
remarquer qu'en fait on réinvente ici l'impôt affecté.
Procéder ainsi l'année qui suit la promulgation de la loi organique relative
aux lois de finances, la LOLF, reconnaissez que cela relève du grand écart !
C'est exactement le contraire de ce que nous avons fait l'année dernière ! Cela
étant, on peut manier le paradoxe lorsqu'il s'agit d'une bonne cause.
M. Philippe Marini,
rapporteur gnéral.
Voilà qui est très monarchique !
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Monsieur le rapporteur général, le caractère
monarchique de la disposition est peut-être avéré. En tout état de cause, je
voudrais souligner auprès de Yann Gaillard que je suis totalement d'accord sur
la nécessité de soutenir une fondation comme la Fondation du patrimoine, que la
mission qu'elle exerce est d'une très grande utilité et, surtout, que
l'instrument de la fondation est un instrument qui, en termes d'efficacité,
dépasse et de beaucoup l'action publique. A la suite d'une réflexion de Michel
Charasse, nous avions d'ailleurs constaté que cet instrument faisait peut-être
défaut dans le domaine de l'aide au développement, tant il est vrai que les
procédures consomment une partie des crédits affectés au développement, en
raison de l'inefficacité des instruments publics.
Cependant, l'affectation à la Fondation du produit des successions en
déshérence n'est pas opportune, du moins pas en totalité, et je prendrai des
précautions oratoires, tant j'ai d'estime à la fois pour l'auteur de
l'amendement et pour son bénéficiaire.
En effet, l'affectation directe d'une recette de l'Etat dont le montant est
totalement déconnecté du programme d'action et des objets de la Fondation n'est
pas du meilleur goût du point de vue de la modernisation des finances
publiques. Le montant de la ressource est par ailleurs tout à fait aléatoire
pour la Fondation.
L'examen des modalités de financement de la Fondation devrait, me semble-t-il,
être l'un des objets de la réflexion qui est actuellement menée sur
l'amélioration du régime du mécénat et des fondations, auxquelles vous êtes,
monsieur le rapporteur général, très attaché. Ce financement pourrait aussi -
pourquoi pas ? - être inscrit au budget et être prévu dans les crédits du
ministère de la culture. Cette formule me semblerait plus pure du point de vue
des finances publiques et, à tout le moins, plus conforme à l'esprit de nos
lois de finances.
A regret, parce que, encore une fois, je comprends très bien l'objectif, et il
est d'une très grande noblesse qui, je suis donc conduit à ne pas être
favorable à cet amendement, même si je partage les préoccupations de Yann
Gaillard.
Monsieur le président, j'ai fait mon devoir en défendant les principes qui
doivent encadrer nos finances publiques.
(Michel Charasse lève les bras au ciel.)
M. le président.
La parole est à M. Yann Gaillard, pour explication de vote.
M. Yann Gaillard.
Sans vouloir lasser la patience de nos collègues, je souhaite poursuivre
brièvement ce dialogue très intéressant avec le ministre, M. Alain Lambert, qui
sait aussi quelle amitié et quelle estime je lui porte.
Nous sommes tous, cher Alain Lambert, très attachés à la LOLF, cette grande
aventure intellectuelle dans laquelle vous nous avez entraînés et où nous vous
avons suivi à l'unanimité, l'année dernière.
Toutefois, l'ancien président du Conseil national du notariat que vous êtes
aussi sait fort bien qu'il ne s'agit pas réellement, métaphysiquement, si je
puis dire - juridiquement, je reconnais que la question est différente ! -,
d'un patrimoine public : il s'agit de patrimoines privés en déshérence - dont
les notaires s'occupaient autrefois, avant que le gouvernement du maréchal
Pétain ne décide de confier cette tâche au service des domaines qui viendraient
abonder - les petits ruisseaux faisant les grandes rivières d'autres
patrimoines privés. C'est bien de cela qu'il s'agit, c'est-à-dire de produits
effectivement aléatoires, très divers, connaissant des variations d'une année
sur l'autre, et non de l'affectation de fonds publics créés par l'impôt. Ces
produits sont d'ailleurs confondus dans une ligne 237, dite de « produits
divers », où ils sont très difficiles à identifier.
Par ailleurs, on ne peut pas dire qu'ils fassent l'objet d'une préoccupation
très importante de la part des services des domaines. Je vous ferai un aveu :
au temps où j'avais l'honneur de servir au ministère des finances en tant
qu'inspecteur général, j'avais même commis une note pour proposer, au titre des
éléments de modernisation de l'Etat, la suppression de ce service des
successions en déshérence. Une telle tâche est de celles dont l'Etat ne devrait
pas s'occuper !
Si la Fondation du patrimoine, à supposer qu'elle reçoive une telle ressource,
prenait du « muscle », elle pourrait très bien, dans l'avenir, s'en occuper
elle-même sans que cela passe par vous, monsieur le ministre, et, par
conséquent, sans que ce soit une exception à votre « sainte » loi d'orientation
!
(M. le ministre sourit.)
Je ne voudrais pas faire bondir mon éminent collègue M. Charasse, ancien
ministre du budget lui-même, mais pourquoi, alors, l'Etat ne s'occuperait-il
pas des droits d'auteurs, des droits de la propriété intellectuelle... ? Ce
n'est pas lui qui s'en charge, ce sont des sociétés d'auteurs !
M. Michel Charasse.
Hélas !
M. Yann Gaillard.
Je reconnais que les conditions ne sont pas toujours formidables !
Puisque l'on cherche à « dégraisser l'Etat » et à le ramener à ses vocations
principales, il faudrait s'orienter vers un système dans lequel une fondation
ainsi renforcée pourrait par elle-même, en liaison avec un office notarial,
procéder à de tels recouvrements.
Monsieur le ministre, cette exception ne devrait être que temporaire, et la
disposition proposée ne remettrait pas en cause la nature même de la LOLF, car
il ne s'agit pas de ressources publiques : il s'agit d'un produit très
particulier, de ce que les Anglo-Saxons appellent un
windfall,
ces
fruits qui tombent en automne alors qu'on ne les attendait pas. Je vous demande
de considérer cet aspect de la question.
Cet amendement ne résulte pas d'un caprice. Il ne vise pas davantage à
répondre à une demande abusive de la Fondation du patrimoine - qui, d'ailleurs,
n'y pensait même pas. Il est le fruit d'une étude approfondie qui remonte à une
expérience très ancienne.
J'en appelle donc à l'arbitrage de nos collègues pour trancher non pas un
conflit, mais une différence d'appréciation qui s'exprime dans un climat
d'estime réciproque, et je comprends bien, monsieur le ministre, que, du fait
de votre fonction, vous ne puissiez vous écarter de votre point de vue.
M. le président.
La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse.
Sans vouloir être désagréable à l'égard de notre ami Alain Lambert, je lui
dirai pourquoi je soutiens l'amendement de M. Gaillard, éventuellement modifié
par la précision que je propose.
La première raison de mon soutien, mes chers collègues, pourrait bien entendu
tenir à l'estime que je porte à M. Gaillard et au formidable travail qu'il fait
en commission des finances et récemment à celui qu'il a fait sur les questions
de patrimoine. Je souhaite d'ailleurs que les élus locaux soient nombreux à
lire son rapport, car il contient des éléments sur les pratiques des
conservateurs et des architectes des Bâtiments de France qui nous donnent un
éclairage que nous n'avions pas toujours eu.
Pourquoi soutenir cet amendement ? Cher Alain Lambert, je pense que, si vous
le vouliez, non seulement cet amendement ne vous coûterait pas d'argent, mais
il vous en rapporterait !
(Exclamations et sourires.)
Voici pourquoi, et je pense, mes chers
collègues, que vous allez me rejoindre dans peu de temps.
Evacuons d'emblée la question de la loi organique. Les successions en
déshérence ne sont pas un impôt : elles constituent une ressource de l'Etat qui
est une ressource domaniale. Contrairement à un impôt, qui obéit à des règles
particulières, une telle ressource peut toujours être affectée. La preuve,
c'est qu'un bien en déshérence revient certes à l'Etat, mais que, si le
département ou la commune sont intervenus entre-temps, par exemple au titre de
l'aide sociale, l'Etat est obligé de leur rétrocéder une partie du produit de
la succession. En matière de produits domaniaux, la rétrocession existe donc
déjà.
Mais ne chicanons pas sur la loi organique, nous aurons sans doute d'autres
occasions d'y revenir.
Pourquoi cet amendement pourrait-il rapporter de l'argent ? Cher ami Alain
Lambert, au ministère des finances, depuis plus de cinquante ans, aucun service
n'est plus mal géré que celui des successions en déshérence. Cela ne marche pas
!
M. Jacques Oudin.
S'il n'y avait que cela !
M. Michel Charasse.
Chaque fois que vous circulez le long d'une route et que vous voyez des
immeubles qui s'effondrent, ne vous trompez pas, chers amis : ils appartiennent
généralement à l'Etat. Et personne ne s'en occupe !
Je souhaiterais que cet amendement, du fait même de son adoption, donne à
Alain Lambert l'occasion de s'intéresser à cette question. Il est notaire, il
sait de quoi nous parlons parce qu'il l'a lui aussi professionnellement vécu.
Nous constatons tous, en commission cantonale d'aide sociale, que les biens qui
ont donné lieu à récupération sont jamais récupérés et sont, dans nos cantons,
toujours les plus pourris, ceux qui s'effondrent, ceux qui sont là depuis dix
ans... Je souhaite donc que le ministre demande à ses collaborateurs de plonger
leur nez dans ce dossier. Il s'apercevra alors que le produit des sucessions en
déshérence dégringole régulièrement d'année en année ou n'a pas le rendement
qu'il devrait avoir parce que c'est un secteur, cher Alain Lambert, qui est
lui-même en déshérence au sein de la direction générale des impôts et du
service des domaines !
Ce n'est pas le ministre d'aujourd'hui, Alain Lambert, qui est en cause ; ce
n'est même pas le ministre d'hier, Jean Arthuis ; ce n'est même pas le ministre
d'avant-hier que je suis... C'est vieux comme le monde. C'est ainsi !
Par conséquent, la perspective de ponctionner une partie de cette maigre
ressource domaniale pourrait donner l'occasion de réformer le système. Et
pourquoi pas ? Yann Gaillard vient d'amorcer l'affaire, en bon inspecteur
général des finances qu'il est. Si les domaines sont surchargés, s'ils ne
peuvent assumer la charge parce que cela mobilise trop de gens, pourquoi ne pas
confier la gestion à un organisme spécialisé, public ou privé ? Je ne parle
tout de même pas de rétablir la ferme générale !
(Sourires.)
Je vous
garantis qu'alors l'argent rentrera, parce que vous trouverez toujours
quelqu'un, parce que intéressé à la recette, capable de valoriser ces
successions, de les vendre, de les liquider, de façon à ce que la recette
rentre.
Monsieur le président, je me suis promis de ne jamais créer de difficultés à
Alain Lambert, mais là, je rejoins Yann Gaillard, car je suis sûr que si un
homme de bonne foi, animé de bonne volonté veut s'y intéresser, il y a pour
notre pays, dans la situation financière dans laquelle il se trouve, des
ressources importantes à retirer. Il suffirait, pour cela, cher Alain Lambert,
d'engager une simple enquête de l'inspection générale des finances sur la
manière dont fonctionne ce service.
J'ai, dans le passé, non pas en tant que ministre, mais à titre personnel,
aidé au règlement de successions abandonnées, de successions d'artistes en
particulier. En l'une de ces occasions, le service des domaines a laissé
prescrire, s'agissant d'un artiste que je connais bien, juqu'à 2 millions ou 3
millions de francs de droits par négligence, parce que l'on ne s'est pas occupé
de l'affaire, parce que l'on n'a pas fait rentrer les droits d'auteurs, etc. Ce
n'est pas supportable.
Lorsque l'on est à la recherche du moindre centime pour boucler un budget
difficile, on doit s'intéresser à cette question.
Je ne veux pas attaquer excessivement le service des domaines, qui a des
habitudes, qui a des pratiques. Les règles du code civil, qu'Alain Lambert
connaît bien, ne sont pas toujours simples, parce que, avant qu'une succession
soit déclarée en déshérence, il faut que le tribunal soit saisi, qu'une enquête
ait eu lieu, qu'un affichage ait été fait en mairie.
Ce qui intéresse notre collègue Yann Gaillard et moi-même, c'est ce qui se
passe après, c'est-à-dire quand le bien devient vraiment la propriété de
l'Etat. Et que devient-il alors ? Il s'effondre ! Il devient rien, sauf s'il
s'agit d'un château des bords de Loire ou d'une chose approchante. S'il s'agit
d'un bien de qualité intermédiaire, c'est l'abandon.
Je suis persuadé que l'adoption de l'amendement de Yann Gaillard pourrait
donner un coup d'aiguillon au bon endroit - je ne signale pas quel est le
meilleur endroit pour ce genre de chose
(Sourires)
- pour secouer
l'administration, qu'elle pourrait en outre inciter le ministre à donner des
instructions fermes pour que le service soit enfin organisé de manière à faire
face au volume de successions à gérer dans de bonnes conditions. Dès lors, cher
ami Yann Gaillard - et ce n'est pas à la Fondation du patrimoine que je pense -
je crois que, collectivement, nous n'aurions pas complètement perdu notre
temps.
(M. Chérioux applaudit.)
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis,
président de la commission.
A mon tour, je voudrais saluer le travail de
Yann Gaillard et l'excellence de son amendement, qui a emporté la conviction de
la commission des finances.
Me tournant maintenant vers vous, monsieur le ministre du budget, cher Alain
Lambert, je solliciterai toute votre compréhension.
D'abord, il n'est pas sûr que l'on contrevienne aux dispositions de la loi
organique sur les lois de finances. Michel Charasse s'est livré à ce sujet à
une première explication.
La Fondation du patrimoine est sans doute une belle et grande ambition, mais
on ne peut pas dire que l'Etat l'ait surdotée et qu'elle dispose de moyens
considérables. Elle développe, à destination notamment des conseils généraux,
une argumentation très fournie pour obtenir des subsides et assurer son
fonctionnement de façon décentralisée.
Ce que souhaite Yann Gaillard, c'est finalement que l'on dote la Fondation du
patrimoine. On pourrait en effet très bien imaginer que l'Etat lui affecte ses
biens en déshérence. Je ne doute pas que, dans chaque département, les antennes
de la Fondation feraient diligence avec les hommes de l'art pour recueillir,
dans les meilleures conditions et les meilleurs délais, ce patrimoine qui ne
cesse de dépérir.
Dans ces conditions, le Sénat peut accompagner Yann Gaillard dans son
initiative, à charge pour nous de trouver une rédaction plus satisfaisante
d'ici à la réunion de la commission mixte paritaire.
M. Michel Charasse.
Ou dans le collectif !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
C'est bien à l'honneur de la démocratie que le
Gouvernement donne son avis et que le Sénat conserve le sien. Que voulez-vous
que je vous dise ? J'ajouterai simplement, parce que je veux être tout à fait
loyal et sincère, que j'aimerais être sûr que cette attribution ne soit pas
prise par le ministère de tutelle de ladite fondation pour solde de tout
compte.
M. Michel Charasse.
Oui ! Très bien !
M. le président.
Je mets aux voix le sous-amendement n° I-222.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-76 rectifié
bis,
modifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi de finances, avant l'article 5
bis.
Article 5 bis
M. le président.
« Art. 5
bis. -
I. - L'article 775 du code général des impôts est ainsi
rédigé :
«
Art. 775. -
Les frais funéraires sont déduits de l'actif de la
succession dans la limite d'un maximum de 1 500 euros. »
« II. - Les dispositions du I s'appliquent aux successions ouvertes à compter
du 1er janvier 2003. »
L'amendement n° I-12 rectifié, présenté par M. Marini, au nom de la
commission, est ainsi libellé :
« Dans le texte proposé par le I de cet article pour l'article 775 du code
général des impôts, remplacer les mots : "dans la limite d'un maximum" par les
mots : "pour un montant". »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Favorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-12 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 5
bis,
modifié.
(L'article 5
bis
est adopté.)
Article additionnel avant l'article 6
M. le président.
L'amendement n° I-64 rectifié, présenté par MM. Charasse, Angels, Auban,
Miquel, Demerliat, Haut, Lise, Marc, Massion, Moreigne, Sergent et les membres
du groupe socialiste, est ainsi libellé :
« Avant l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Le produit brut des frais facturés par les banques à leurs clients lorsque
ceux-ci effectuent des retraits d'espèces sur leur compte, ou dans les
distributeurs automatiques, est reversé à l'Etat dans des conditions prévues
par décret. »
La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse.
Il s'agit d'un amendement que l'on pourrait considérer comme un amendement
d'appel, puisqu'il a pour objet d'appeler l'attention des pouvoirs publics,
notamment celle du Gouvernement, sur une pratique bancaire que je trouve,
personnellement, très inquiétante : la facturation des retraits en espèces.
Autant on peut admettre que les banques peuvent facturer leurs prestations dès
lors que celles-ci ont un caractère facultatif, autant le retrait en espèces
est le minimum de service obligatoire à partir du moment où il y a une
obligation généralisée de paiement par chèque, même pour les petites sommes
comme les allocations familiales, les prestations familiales, les petits
salaires, les petites retraites, etc.
A mon avis, par cette facturation, on touche à l'application stricte du droit
de propriété. En effet, le droit de propriété, qui est un droit
constitutionnel, permet à chaque citoyen de disposer librement de son argent à
tout moment. Par conséquent, prévoir une taxe sur le retrait de cet argent,
même si celui-ci a lieu non pas au guichet de la banque dont l'intéressé est
client mais au guichet d'une autre banque, constitue une atteinte grave au
droit de propriété et donc à un droit constitutionnel.
L'amendement n° I-64 rectifié est élémentaire : il prévoit simplement que les
sommes facturées au client seront reversées directement au Trésor public pour
dissuader un peu les banques de procéder ainsi.
Je ne sais pas si Alain Lambert est en état de donner des précisions à ce
sujet aujourd'hui, car c'est un sujet qui relève plutôt de la direction du
Trésor
(M. le ministre fait un signe d'assentiment)
, il n'empêche que je
souhaite vraiment que l'on réfléchisse à ce sujet.
On peut très bien facturer certains services bancaires tels que les prêts, les
avances, l'envoi de renseignements ou toute autre chose, mais facturer le
retrait en espèces est une atteinte insupportable au droit de propriété. Cher
Alain Lambert, si d'aventure un client en vient un jour à faire un recours, il
a de fortes chances de le gagner car le droit de propriété dans ce domaine
jouera pleinement devant le tribunal.
Je souhaitais attirer l'attention sur ce point et j'entendrai avec intérêt ce
que nous diront M. le rapporteur général et, éventuellement, M. le ministre du
budget.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
L'intervention de Michel Charasse soulève à juste
titre un grand nombre de problèmes, en particulier un point de droit concernant
les conditions d'accès des personnes à leurs propres avoirs.
J'imagine que le système bancaire lui rétorquerait que les frais facturés
rémunèrent un service : la mise à disposition d'un matériel censé fonctionner
dans telle ou telle condition. Sur cet aspect des choses, nous serons
naturellement très attentifs à l'avis du Gouvernement.
Je crois, mes chers collègues, que la question posée s'inscrit dans un cadre
plus vaste qui est celui de l'adaptation des pratiques bancaires au grand
marché européen.
On ne peut à la fois voir s'opérer les restructurations bancaires en Europe et
considérer que rien ne doit changer dans nos pratiques, ni en ce qui concerne
la rémunération des comptes courants des déposants ni en ce qui concerne la
rémunération des banques à raison des services qu'elles offrent, parmi lesquels
figurent naturellement la tenue des comptes de chèques. C'est donc bien le
débat sur la mise en cause du principe « ni-ni » - ni rémunération des comptes
courants ni facturation des chèques - qui émerge de l'amendement de nos
collègues.
L'ancien président de la commission des finances qu'est M. le ministre connaît
fort bien ces sujets pour avoir dirigé notamment, il y a quelques années, un
groupe de travail dont le rapport, très remarqué, s'intitulait :
Banques :
votre santé nous intéresse.
Ce rapport décrivait les conditions d'évolution
de la compétition et débouchait sur des propositions de nature structurelle
quant à la nécessité de secouer les conservatismes ambiants dans l'intérêt même
des professions, dans l'intérêt des différentes grandes maisons de banque dont
nous disposons à Paris et dans l'intérêt des personnels concernés.
Monsieur le ministre, c'est en évoquant cette toile de fond que je m'adresse à
vous pour solliciter votre avis. Pour ce qui la concerne, la commission, compte
tenu des analyses dont je viens de vous faire part, ne peut qu'émettre un avis
défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
M. le rapporteur général a retourné le couteau dans la
plaie en évoquant ce rapport. Je me souviens parfaitement des positions très
claires, d'ailleurs confirmées par la commission des finances, qui avaient été
prises alors.
Il serait aujourd'hui indécent de ma part de m'en désolidariser, d'autant que
mes convictions n'ont pas changé. Mais je voudrais tenter de rassurer Michel
Charasse, qui a le sens pratique - c'est peut-être celui d'entre nous qui en
est le plus doté - en disant : de deux choses l'une, soit les clients de la
banque ont les moyens, auquel cas, s'ils ne sont pas satisfaits du coût des
prestations qui leur sont offertes, ils changent d'établissement, soit les
clients n'ont pas les moyens et, dans cette hypothèse, le Gouvernement veut
faire en sorte que les catégories les plus fragiles puissent disposer d'un
accès gratuit minimal, par carte de retrait, à leurs avoirs détenus en compte,
notamment par le biais du service bancaire de base.
Je puis vous indiquer, mon cher collègue, que le comité de la médiation
bancaire présidé par le gouverneur de la Banque de France, qui est chargé de
suivre les relations entre les banques et leur clientèle, devrait se réunir
pour examiner la question que vous avez posée.
C'est ce qui me conduit à vous demander de bien vouloir retirer votre
amendement, que vous avez vous-même qualifié d'amendement d'appel puisque, si
j'ai bien compris, vous entendez attirer l'attention du Gouvernement sur la
situation des populations les plus démunies.
M. le président.
Monsieur Charasse, répondez-vous à l'invitation de M. le ministre ?
M. Michel Charasse.
Il y a les services bancaires et il y a le retrait d'espèces ; ce sont deux
choses différentes. Le retrait d'espèces, c'est véritablement l'accès direct à
son patrimoine. Même si j'ai bien entendu ce qu'a dit M. le ministre concernant
les personnes en situation difficile, comme celles qui n'ont pour ressources
que les allocations familiales, il n'empêche que l'accès aux espèces, c'est
l'exercice plein du droit de propriété. On peut taxer tout le reste.
D'ailleurs, mes amis ont des positions très nuancées sur ce sujet : on peut en
discuter en considérant qu'on peut taxer tel service et qu'on ne peut pas taxer
tel autre. Mais là, c'est un autre problème.
L'amendement que nous avons déposé avec mes amis avait surtout pour objet,
au-delà de cette enceinte, d'attirer l'attention sur le fait qu'un certain
nombre d'entre nous - en dehors même des rangs du groupe socialiste - ne se
laisseront pas faire sur ce sujet particulier du retrait d'espèces, parce qu'il
y va, en l'occurrence, de l'application du droit de propriété.
Cela étant, nous retirons cet amendement en attendant de voir venir !
M. le président.
L'amendement n° I-64 rectifié est retiré.
Article 6
M. le président.
« Art. 6. - I. - Au III de l'article 235
ter
Y du code général des
impôts, il est inséré, après la première phrase du premier alinéa, une phrase
ainsi rédigée : "Toutefois, ce taux est fixé à 0,80 % pour la contribution due
en 2003 sur les dépenses et charges comptabilisées en 2002 et à 0,40 % pour la
contribution due en 2004 sur les dépenses et charges comptabilisées en
2003."
« II. - L'article 235
ter
Y du même code cesse d'être applicable aux
dépenses et charges engagées à compter de 2004.
« III. - L'article 235
ter
YA du même code est complété par un VI ainsi
rédigé :
«
VI. -
Le crédit d'impôt prévu au II n'est plus imputable sur la
contribution des institutions financières à compter de la contribution due en
2003 sur les dépenses et charges comptabilisées en 2002. »
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° I-65 est présenté par MM. Miquel, Angels, Auban, Charasse,
Demerliat, Haut, Lise, Marc, Massion, Moreigne, Sergent et les membres du
groupe socialiste.
L'amendement n° I-149 est présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant
et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer cet article. »
L'amendement n° I-150, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit cet article :
« Dans la première phrase du premier alinéa du III de l'article 235
ter
Y, le taux : "1 %" est remplacé par le taux : "1,2 %". »
La parole est à M. Gérard Miquel, pour défendre l'amendement n° I-65.
M. Gérard Miquel.
Cet amendement vise à supprimer l'article 6, qui tend à faire disparaître la
contribution des institutions financières instituée en 1982 par le gouvernement
de gauche d'alors, au motif qu'elle renchérirait le coût du travail et qu'elle
nuirait à la compétitivité internationale du secteur financier. Nous
connaissons ces arguments !
Mais pourquoi mettre en oeuvre une mesure particulière à destination des
entreprises du secteur financier ? Pourquoi ne pas prévoir de mesures visant
l'ensemble des entreprises ? De fait, ce qui est en cause, c'est la différence
de hiérarchie entre vos priorités en matière de politique économique et sociale
et les nôtres.
Nous déplorons que vous ne préserviez pas les marges de manoeuvre budgétaires
déjà fort étroites, qui vous seraient bien utiles pour cibler vos propositions
sur certains contribuables et sur certaines institutions.
La mesure proposée par l'article 6 n'est qu'un cadeau fiscal offert sans
contrepartie et qui sera improductif et lourd pour les finances publiques.
Quelle importance que cette contribution n'ait pas d'équivalent dans l'Union
européenne ! Si nous devons toujours nous aligner sur les « moins-disants »
fiscaux au motif qu'il nous faut être plus compétitifs, nous avons encore
devant nous un bien long chemin à parcourir ! Cette année, les banques
bénéficieront déjà de la suppression de la part salaires de la taxe
professionnelle. Maintenons la contribution des institutions financières en
votant cet amendement !
M. le président.
La parole est à M. Thierry Foucaud, pour présenter les amendements n°s I-149
et I-150.
M. Thierry Foucaud.
Avec cet article 6, la contribution des institutions financières est appelée à
disparaître progressivement sans, pour le moment, que la mesure ait le moindre
effet pour l'Etat sur un plan directement comptable du fait de la
neutralisation des effets de la baisse du taux de la taxe.
Cette contribution est d'un produit relativement limité puisqu'elle est fixée
à 373 millions d'euros.
Au demeurant, le motif qui préside, quant au fond, à la mise en oeuvre des
dispositions de cet article ne nous semble pas déterminant. Que pèsent, en
effet, 373 millions d'euros sur le volume global des opérations menées par les
établissements financiers au regard, en particulier, des produits tirés de
l'exploitation des services bancaires, qui dépassent, si l'on en croit les
associations de consommateurs agréées, des montants supérieurs à 6,5 milliards
d'euros ?
La compétitivité de nos établissements de crédit, de nos compagnies
d'assurance ou des sociétés de locations immobilières n'est donc pas le moins
du monde remise en question par l'existence ou non de cette taxe. En fait, ne
s'agirait-il pas, une fois de plus, de répondre aux exigences du MEDEF
(Rires sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants)
,
organisation dont certains des membres les plus influents étaient, jusqu'à une
époque récente, issus des entreprises du secteur financier ?
Si les dispositions de l'article 6 nous sont proposées pour cette seule
raison, cela suffit, à notre avis, pour en voter la suppression.
J'en vient à l'amendement n° I-150.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est le même en pis !
M. Thierry Foucaud.
Oui, ils sont du même ordre, monsieur le rapporteur général.
La contribution des institutions financières, la CIF, qu'on le veuille ou non,
n'est pas une charge totalement insupportable pour les établissements concernés
puisque, ainsi que le précise le document préparatoire au débat sur les
prélèvements obligatoires, son rendement est aujourd'hui de 373 millions
d'euros.
Sa suppression intervient dans un contexte où les établissements bancaires
mènent des négociations sociales pour le moins délicates, tandis qu'elle pousse
les feux d'une banalisation de la tarification des services bancaires, qui tend
à accroître encore et toujours ce que l'on peut appeler les « recettes de poche
» de ces établissements.
La même observation vaut pour le secteur des assurances, où l'on regarde
évidemment avec le plus grand intérêt tout ce qui peut réduire les charges de
fonctionnement tandis que l'on est moins exigeant sur la qualité des placements
réalisés par l'adossement sur les primes d'assurances collectées.
Nous doutons, pour notre part, que l'allégement, fût-il limité, de la
contribution ici visée permette de dégager des marges pour résoudre certains
problèmes nés à la suite du 11 septembre. Nous avons plutôt l'impression que
l'article 6 est « commandité » par l'Association française des banques et par
la Fédération française des sociétés d'assurance.
Au moment même où ces groupements professionnels mènent une action résolue en
vue d'une gestion encore plus serrée des effectifs, alors que les années à
venir vont être marquées par une vague importante de départs en retraite, nous
sommes partisans d'un accroissement de 20 % de la CIF, ce qui permettrait de
dégager environ 75 millions d'euros de ressources complémentaires.
Parmi les maintes utilisations possibles de ces ressources nouvelles figure,
par exemple, l'abondement du Fonds national de garantie des calamités
agricoles, particulièrement sollicité du fait des intempéries et des
inondations que nous avons connues ces derniers mois. On pourrait également
opter pour l'alimentation d'un fonds destiné à intervenir en première urgence
auprès des collectivités locales ou des particuliers lorsque se produisent soit
des catastrophes naturelles, soit des accidents industriels, et que les délais
d'instruction des dossiers d'assurance privent lesdites collectivités ou
lesdits particuliers des moyens qu'ils ont besoin de mobiliser très
rapidement.
Vous le voyez, des possibilités de mutualisation existent à cet égard, et les
fonds ainsi recueillis permettraient de répondre au moins partiellement à des
problèmes ponctuels.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je me permettrai de faire un bref rappel
chronologique.
Juin 1982 : création, à titre exceptionnel et provisoire, de la contribution
des institutions financières par la loi de finances rectificative. Cette loi,
c'était ce qu'on a appelé le « plan Delors » : les perspectives économiques
étaient un peu moins souriantes qu'on ne l'avait espéré en 1981...
Provisoire et exceptionnelle en 1982, cette contribution est néanmoins
reconduite en 1983, puis en 1984.
En 1985, elle devient permanente, avant de voir, en 1999, son dispositif
compliqué par la création d'un crédit d'impôt spécifique : c'était une bonne
façon de convaincre la profession bancaire de doter divers fonds de garantie
institués par la loi relative à l'épargne et à la sécurité financière.
Je fais un léger retour en arrière dans ma chronologie. En 1996, paraît le
rapport de M. Alain Lambert sur les banques, dont j'extrais cette phrase : «
Cette taxe doit être supprimée. » En 1998, nouveau rapport de M. Alain Lambert
: sur les assurances, cette fois. Je n'ai pas de citation aussi concise, mais
le fond était le même !
(M. le ministre sourit.)
En juin 2001, c'est le rapport de nos collègues Denis Badré et André Ferrand,
où l'on peut lire ceci : « La CIF reste un handicap pour les entreprises
françaises. »
M. Denis Badré.
C'est toujours vrai !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
En juillet 2001, le député Michel Charzat, ami de
Laurent Fabius, écrivait quant à lui dans son rapport : « La CIF fait figure
d'archaïsme et d'anomalie dans le paysage fiscal français. »
Mes chers collègues, comment ne pas complimenter un gouvernement qui tient ses
promesses, dont les membres ont des convictions et les mettent en oeuvre ?
M. Denis Badré.
Très bien !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Vous êtes souvent enclins, chers collègues de
l'opposition, à dauber sur ce que nous avons dit et que nous ne sommes pas en
mesure de faire tout de suite. En l'occurrence, vous le constatez, nous nous
engageons sur le sentier vertueux dès le départ avec, évidemment, une
progressivité budgétaire sur les années à venir.
La mesure préconisée étant assurément bonne du point de vue de la commission,
les différents amendements qui la contestent rencontrent son avis
défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Ayant eu à plusieurs reprises l'honneur de soutenir, au
nom de la commission des finances du Sénat, une proposition semblable à celle
que contient l'article 6, je suis très fier de pouvoir la présenter aujourd'hui
au nom du Gouvernement. Cela me conduit à émettre sur ces trois amendements un
avis défavorable.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis,
président de la commission.
La fin de la semaine dernière a été marquée
par la mise sur le marché de près de 11 % des actions du Crédit Lyonnais
détenues par l'Etat. Nos collègues Miquel et Foucaud pensent-ils que le produit
de cette cession aurait atteint 2,2 milliards d'euros si le Gouvernement
n'avait pas pris l'initiative d'une telle mesure ? Personnellement, j'ai la
conviction qu'elle a suscité une appréciation de ces actifs et que l'Etat en a
ainsi déjà perçu certains fruits.
M. le président.
Je mets aux voix les amendements identiques n°s I-65 et I-149.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-150.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 6.
(L'article 6 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 6
M. le président.
Je suis saisi de sept amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° I-31, présenté par MM. Ostermann, Bailly, Besse, Doublet,
Eckenspieller, Murat, Oudin, de Richemont et Vasselle, est ainsi libellé :
« Après l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Les articles 231 à 231
bis
Q du code général des impôts,
relatifs à la taxe sur les salaires sont abrogés.
« II. - La perte de recettes pour l'Etat résultant du I ci-dessus est
compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits
prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Les trois amendements suivants sont présentés par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M.
Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° I-153 est ainsi libellé :
« Après l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans la première phrase du premier alinéa du I de l'article 231 du code
général des impôts, les mots : "et de leurs groupements" sont remplacés par les
mots : ", de leurs groupements et des établissements publics de santé".
« II. - Le taux de l'impôt sur les sociétés est relevé à due concurrence. »
L'amendement n° I-151 est ainsi libellé :
« Après l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après le 2
bis
de l'article 231 du code général des impôts, il
est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ... - Le taux majoré de 13,60 % prévu au 2
bis
ne s'applique pas aux
salaires, indemnités et émoluments versés par les associations à caractère
sportif, éducatif, social ou philantropique régies par la loi du 1er juillet
1901 et qui sont reconnues d'utilité publique. »
« II. - Le taux de l'impôt sur les sociétés est relevé à due concurrence. »
L'amendement n° I-154 est ainsi libellé :
« Après l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après le 2
bis
de l'article 231 du code général des impôts, il
est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ... - Le taux majoré de 13,60 % prévu au 2
bis
ne s'applique pas aux
salaires, indemnités et émoluments versés par les associations à caractère
sportif, éducatif, social ou philantropique régies par la loi du 1er juillet
1901 et qui bénéficient d'un agrément ministériel. »
« II. - Le taux de l'impôt sur les sociétés est relevé à due concurrence. »
L'amendement n° I-128 rectifié, présenté par MM. Gournac, Murat et Karoutchi,
est ainsi libellé :
« Après l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 231
bis
L du code général des impôts est complété par
un alinéa ainsi rédigé :
« Les salaires versés par les établissements publics ou privés mentionnés au
6° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles et
mentionnés à l'article L. 6111-2 du code de la santé publique, sont exonérés de
taxes sur les salaires. »
« II. - La perte de recettes pour l'Etat résultant du I ci-dessus est
compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits
prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° I-66, présenté par MM. Miquel, Angels, Auban, Charasse,
Demerliat, Haut, Lise, Marc, Massion, Moreigne, Sergent et les membres du
groupe socialiste, est ainsi libellé :
« Après l'article 6 insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans la première phrase de l'article 1679 A du code général des impôts,
le montant : "5 185 euros" est remplacé par le montant : "10 000 euros".
« II. - La perte de recettes pour l'Etat résultant du I ci-dessus est
compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits
visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° I-152, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans la première phrase de l'article 1679 A du code général des impôts,
la somme : "5 185 euros" est remplacée par la somme : "10 000 euros".
« II. - Le taux de l'impôt sur les sociétés est relevé à due concurrence. »
La parole est à M. Joseph Ostermann, pour défendre l'amendement n° I-31.
M. Joseph Ostermann.
La taxe sur les salaires représente une charge importante pour les entreprises
et organismes qui ne sont pas soumis à la TVA. Elle constitue, en outre, un
frein important à l'embauche pour les entreprises qui y sont soumises.
Il paraît anormal que les chambres consulaires y soient soumises alors que
l'Etat et les collectivités territoriales en sont exonérés. Les sommes ainsi
prélevées pourraient servir à des embauches utiles, notamment pour la promotion
de l'artisanat.
M. le président.
La parole est à M. Thierry Foucaud, pour présenter les amendements n°s I-153,
I-151 et I-154.
M. Thierry Foucaud.
Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps
l'amendement n° I-152.
Tout le monde s'accorde à reconnaître que la situation des hôpitaux est
particulièrement préoccupante : une offre de gestion globalement insuffisante
et inégalement répartie sur le territoire, un manque chronique de personnels
médicaux et de médecins. Avant la mise en place de la réduction du temps de
travail, tous les ingrédients étaient déjà réunis pour asphyxier l'hôpital
public, dont chacun se plaît pourtant à reconnaître qu'il joue un rôle
essentiel.
Alors que le service public hospitalier a besoin de moyens tant humains que
financiers pour se moderniser et développer ses missions, accueillir les
patients dans des conditions optimales de sécurité et prodiguer des soins
d'excellence sans file d'attente, on constate des reports de charge d'un
exercice à l'autre et un manque grave d'investissements.
Un de nos éminents collègues, qui représente par ailleurs la Fédération
hospitalière de France, a demandé au Gouvernement, dans une interview accordée
au
Quotidien du médecin
du 3 juin 2002, d'« être réaliste et de sortir
de cette espèce d'aveuglement à l'oeuvre depuis des années et des années, qui
fait qu'on ne finance pas la réalité ».
Cette année, le taux d'évolution de l'enveloppe allouée aux hôpitaux est de 5
%, alors qu'on estime à plus de 6 % le taux de progression de l'ONDAM
nécessaire au bon fonctionnement des établissements.
Le Plan « Hôpital 2007 », qui vient d'être présenté en conseil des ministres,
prévoit que, en 2003, plus d'un milliard d'euros devraient être débloqués pour
relancer les investissements immobiliers et d'équipement des établissements
hospitaliers. Les régimes obligatoires de sécurité sociale seront sollicités à
hauteur de 300 millions d'euros, les collectivités locales et des investisseurs
privés devant apporter une contribution équivalente et le reste devant être
fourni par des emprunts.
Ce programme d'investissement appelle notamment deux observations.
D'une part, il nous semble dangereux, au regard du principe d'égalité d'accès
aux soins sur l'ensemble du territoire, que la part des régions soit si
importante.
D'autre part, l'Etat contribue peu à l'effort de financement, alors même que,
par le biais de la TVA, de la taxe sur les salaires, de la ponction sur la
Caisse nationale des retraites des agents des collectivités locales, l'Etat
opère des prélèvements substantiels sur les budgets des hôpitaux.
Aujourd'hui, la taxe sur les salaires est montrée du doigt par les directeurs
d'hôpitaux, par les syndicats, par la Fédération hospitalière de France, qui en
demandent la suppression.
M. Gournac a défendu, lors de l'examen du projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 2003, l'idée d'un allégement des charges des
établissements sociaux et médico-sociaux par une exonération de la taxe sur les
salaires.
Une telle proposition ayant plus sa place en loi de finances, les sénateurs du
groupe CRC proposent, comme l'an dernier, la suppression de la taxe sur les
salaires que doivent acquitter les hôpitaux publics, ce qui permettrait à
ceux-ci de disposer de 1,5 milliard d'euros supplémentaires.
Tel est l'objet de l'amendement n° I-153.
Nos amendements n°s I-151, I-154 et I-152 portent sur les modalités
d'application de la taxe sur les salaires.
Avec l'amendement n° I-151, il s'agit de relever de manière sensible le
plafond d'exonération de la taxe sur les salaires, ce qui permettrait aux
associations visées d'être plus nombreuses à y échapper.
Avec les amendements n°s I-154 et I-152, il s'agit de faire en sorte que les
fondations et associations agréées ou reconnues d'utilité publique puissent
bénéficier d'un allégement de la taxe sur les salaires.
Par ces différents amendements, nous proposons d'alléger la charge fiscale
pesant sur le secteur associatif, dont les finances sont en outre largement
fragilisées par la TVA et qui se trouve confronté à une relative insécurité
juridique.
M. le président.
La parole est à M. Bernard Murat, pour présenter l'amendement n° I-128
rectifié.
M. Bernard Murat.
Les établissements publics et privés d'hébergement pour personnes âgées
doivent faire face à des charges de mise en conformité et à des travaux de
rénovation indispensables. Or ils ont déjà dû supporter un coût financier
extrêmement lourd avec la mise en place de la réduction du temps de travail.
Afin de leur permettre de dégager des marges de manoeuvre financières en vue de
réaliser les investissements qui leur sont nécessaires sans accroître les prix
de journée à la charge des personnes âgées et de leur famille, nous proposons
d'exonérer les établissements publics d'hébergement pour personnes âgées de la
taxe sur les salaires.
M. le président.
La parole est à M. Gérard Miquel, pour défendre l'amendement n° I-66.
M. Gérard Miquel.
La suppression des emplois-jeunes va, hélas ! provoquer de graves difficultés
financières au sein du secteur associatif, où ces emplois se sont révélés
particulièrement utiles, dans les activités sociales, culturelles et
sportives.
Nous pensons qu'il faut faire tout ce qui est possible pour limiter l'impact
négatif de cette suppression, qui est un mauvais coup supplémentaire porté à
l'emploi.
Parce que nous sommes pragmatiques, nous proposons de procéder à une
augmentation significative de l'abattement spécifique dont bénéficient les
associations en ce qui concerne la taxe sur les salaires.
En fixant cet abattement à 10 000 euros, on permettra aux associations de ne
pas supporter de taxe sur les salaires à concurrence de deux emplois à plein
temps payés au SMIC. Notre proposition est modeste et je ne doute pas, monsieur
le ministre, qu'elle recueillera non seulement votre approbation mais même
votre soutien appuyé. Elle va, en effet, tout à fait dans le sens des
propositions que vous avez exprimées vigoureusement dans votre rapport
sénatorial, publié voilà seulement un an et intitulé :
La taxe sur les
salaires, ou comment s'en débarrasser.
Vous dénonciez une telle taxe en
proclamant : « Taxe assise sur les salaires, cet impôt est un frein à
l'embauche, notamment dans les associations. »
Un tel relèvement de l'abattement spécifique permettra donc d'atténuer
l'augmentation du chômage des jeunes, qui risque fort, hélas ! de ne pas se
ralentir.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Certes, la taxe sur les salaires est à bon droit
fustigée par la commission des finances du Sénat depuis des années. Nous en
avons expliqué les effets pervers, tant sur le plan économique que sur le plan
social.
Cependant, les marges de manoeuvre qui existaient jusque récemment et qui
auraient permis de faire raisonnablement une partie du chemin ont aujourd'hui
disparu. Il faut espérer que, dans un avenir que nous souhaitons aussi proche
que possible, la croissance les reconstituera. Tant que ce n'est pas le cas, il
est difficile de s'engager dans un processus de suppression d'un impôt qui
rapporte tout de même annuellement au budget de l'Etat 8,6 milliards
d'euros.
Je remercie donc Joseph Ostermann d'avoir rappelé nos options fondamentales
mais je l'invite à patienter un peu et, dans l'immédiat, à bien vouloir retirer
l'amendement n° I-31.
L'amendement n° I-153 appelle les mêmes objections. Il ne vise que la taxe sur
les salaires que doivent acquitter les établissements publics de santé, mais
cette suppression réduirait tout de même d'au moins un milliard d'euros les
recettes de l'Etat, ce qui reste difficilement envisageable dans la situation
actuelle.
L'amendement n° I-151 est encore plus ciblé. Cette mesure mériterait d'être
examinée à l'avenir mais, pour l'heure et compte tenu de la nature du gage qui
est proposé, cet amendement ne peut pas faire l'objet d'un avis favorable de la
commission. Il en est de même pour l'amendement n° I-154.
L'amendement n° I-128 rectifié, qui a été exposé avec beaucoup de force et de
conviction par M. Murat, vise à exonérer de la taxe sur les salaires les
établissements publics et privés d'hébergement pour personnes âgées. Il
convient en effet de souligner la lourdeur de la charge que ces établissements
ont à supporter, ne serait-ce qu'en raison de l'application particulièrement
inopportune des 35 heures. Nous devons, là, gérer une difficulté majeure que
nous a, hélas ! léguée le gouvernement précédent.
M. Roland du Luart.
Tout à fait !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Les professionnels de ce secteur me paraissent donc
mériter, de la part du Gouvernement, des signes susceptibles de leur donner au
moins quelques raisons d'espérer.
Il reste que les impératifs liés à l'équilibre du projet de loi de finances ne
paraissent pas nous permettre de donner une suite favorable à une mesure qui
est nécessairement onéreuse. C'est pourquoi je suggère à M. Murat de retirer
son amendement.
Les amendements n°s I-66 et I-152 visent tous deux à relever à 10 000 euros
l'abattement sur la taxe sur les salaires dont bénéficient les associations,
les syndicats et leurs unions. Outre le fait que le gage prévu pour l'un des
amendements n'est pas acceptable, ces deux amendements représentent un coût de
115 millions d'euros. Là encore, et sans originalité, pardonnez-moi, je ne puis
qu'émettre un avis défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Il est vrai que la commission des finances du Sénat -
j'en étais alors le président - a travaillé sur la question de la taxe sur les
salaires et les propos tenus à l'instant par les différents orateurs
résonnaient en moi comme un écho de ceux que j'avais tenus il y a un an et que,
loin de renier, je continue à trouver très opportuns.
Parmis les différentes catégories de redevables, on distingue d'abord les
redevables de la sphère publique. On peut s'étonner - c'était notre cas à la
commission des finances - que la sphère publique, quand bien même ce serait le
budget de l'Etat qui encaisserait la taxe sur les salaires et le budget de la
sécurité sociale qui l'acquitterait, se prélève elle-même. C'est une forme de
paradoxe et nous avons du mal à croire - sans doute sommes-nous trop simples -
que cela puisse générer un progrès.
Il demeure que démêler un écheveau aussi compliqué requiert du temps. Vous
avez constaté, à travers les débats que nous avons commencés ensemble à la fin
de la semaine dernière, que le Gouvernement, avec application, de manière
méthodique et progressive, essayait de mettre un terme à l'ensemble des
incohérences qui existent dans notre système fiscal et que vous avez
décelées.
Toutefois, en commission des finances, lors de la présentation du rapport -
Joseph Ostermann doit s'en souvenir -, nous avions constaté que les sommes en
cause étaient extraordinairement lourdes et qu'il était impossible de régler
les problèmes en une seule fois.
Par conséquent, les auteurs des amendements doivent comprendre que le
Gouvernement n'est pas en situation de pouvoir accueillir leurs propositions
avec la faveur qu'elles mériteraient, au motif, précisément, que les marges de
manoeuvre budgétaires ne sont pas pour l'instant en rapport avec les sommes en
cause.
J'ai parlé, il y a un instant, des redevables de la sphère sociale. J'ai pensé
naturellement aux hôpitaux comme aux établissements accueillant des personnes
âgées, qu'a également évoqués Bernard Murat. Joseph Ostermann aura compris,
étant membre de la commission des finances, mon propos.
L'enjeu est d'environ 8,5 milliards d'euros. C'est plus que l'ensemble du
programme fiscal du Gouvernement pour une année.
J'en viens aux autres catégories de contribuables, en particulier aux
associations, pour lesquelles le Gouvernement souhaite marquer naturellement
son intérêt. La situation est comparable. Les associations représentent une
part très importante des redevables, puisque, selon le système fiscal en
vigueur, on est redevable de la taxe sur les salaires quand, dans son activité,
on n'est pas redevable de la TVA. Tel est le principe fiscal auquel nous sommes
soumis.
Là encore, quel que soit le bien-fondé des amendements qui nous sont proposés
et sur lesquels je ne veux pas porter de jugement de valeur parce qu'ils ont
tous leurs mérites, il est impossible au Gouvernement de les accepter cette
année. Cela me conduit à vous demander collectivement à leurs auteurs de bien
vouloir comprendre cette préoccupation et d'accepter de nous faire confiance,
en attendant que soit inscrite à l'ordre du jour la réforme de la taxe sur les
salaires, dès que cela sera possible et dès que nos marges de manoeuvre
budgétaires auront été reconstituées. Voilà ce que j'ai à leur proposer,
n'ayant malheureusement pas les moyens de faire mieux aujourd'hui.
M. Roland du Luart.
Espérons que nous n'attendrons pas trop longtemps !
M. le président.
Monsieur Murat, maintenez-vous l'amendement n° I-128 ?
M. Bernard Murat.
La conclusion de votre intervention, monsieur le ministre, va selon moi dans
le bon sens. L'abrogation de la taxe sur les salaires sera désormais une
perspective claire du Gouvernement lorsque ses marges de manoeuvre financières
le permettront.
Tout à l'heure, on parlait des associations. La suppression de la taxe que les
employeurs acquittent sur les salaires se traduirait par des emplois. Ce serait
particulièrement vrai dans le mode associatif compte tenu des problèmes que
pose aujourd'hui la suppression des emplois-jeunes. Il est clair qu'une telle
mesure irait dans la direction souhaitée par tous les ministres concernés ; je
pense notamment au ministre des sports, qui cherche un moyen de pérenniser ces
emplois-jeunes.
J'ajoute que tout le monde connaît, dans cet hémicycle, les difficultés
financières auxquelles se heurtent les chambres consulaires. De plus en plus,
les collectivités doivent se substituer à elles. Là encore, cette suppression
de la taxe sur les salaires n'irait-elle pas dans la bonne direction ?
Enfin, concernant l'hébergement des personnes âgées - on a d'ailleurs parlé du
secteur public mais on pourrait tout aussi bien parler du secteur privé, car
dans mon esprit l'un ne va pas sans l'autre - il y aurait peut-être un moyen
terme à trouver qui consisterait à moduler la suppression de cette taxe dans le
temps.
Monsieur le ministre, si je parle ainsi, c'est parce que je vous ai beaucoup
écouté, et que j'ai également, par le passé, soutenu vos propositions. Il faut,
dès que possible, que le Gouvernement revienne sur sa décision, car je suis
persuadé que la suppression de la taxe sur les salaires serait génératrice
d'emplois. Cela étant, je retire mon amendement.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Très bien !
M. le président.
L'amendement n° I-128 rectifié est retiré.
L'amendement n° I-31 est-il maintenu, monsieur Ostermann ?
M. Joseph Ostermann.
Je le retire, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° I-31 est retiré.
Monsieur Miquel, l'amendement n° I-66 est-il maintenu ?
M. Gérard Miquel.
Les emplois-jeunes ont permis de répondre à des besoins jusqu'alors
insatisfaits. Les associations ont joué un rôle déterminant dans le maintien du
lien social. Je crois qu'il aurait été judicieux de leur permettre de continuer
à mener les actions qu'elles ont conduites jusqu'à ce jour dans de bonnes
conditions, dans l'ensemble des régions, des départements et des secteurs où
nous avons des difficultés. Ces associations vont être asphyxiées et ne
pourront plus jouer ce rôle, ce qui créera des problèmes dont nous ne mesurons
pas l'importance aujourd'hui.
C'est la raison pour laquelle je maintiens mon amendement.
M. le président.
La parole est à M. Jean Chérioux, pour explication de vote, sur l'amendement
n° I-153.
M. Jean Chérioux.
Bien sûr, je suivrai la position de la commission et celle du Gouvernement,
mais je voudrais insister sur la remarque qu'a faite très judicieusement M. le
ministre, qui a bien compris le fond du problème. Nous n'allons pas,
aujourd'hui, à l'occasion de ce simple vote à propos de la taxe sur les
salaires, résoudre ce problème, car cela créerait un déséquilibre.
Il est certain que nous sommes devant une situation ubuesque. La collectivité
se taxe elle-même d'un côté, pour recevoir de l'argent de l'autre ! Mais
j'ajouterai un élément, et c'est pour cette raison que j'interviens : non
seulement c'est la collectivité qui se taxe elle-même, car même lorsqu'il
s'agit d'associations, finalement, on retrouve les subventions versées par les
collectivités, donc c'est encore la collectivité qui paie - mais on doit
surtout déplorer - et nous pouvons tous le constater - l'acharnement exercé par
les services de contrôle envers ces malheureux établissements publics ou même
ces associations. Ils feraient beaucoup mieux de s'occuper de la grande fraude
que de faire perdre des heures aux dirigeants des établissements publics ou des
associations et de perdre eux-mêmes leur temps !
Monsieur le ministre, il s'agit non seulement d'examiner les économies que
l'on pourrait dégager dans ce système, mais aussi de considérer tous les
doubles emplois qui existent ou les redéploiements que l'on pourrait faire au
sein des personnels, car un grand nombre d'agents de votre ministère ainsi que
l'administration de la sécurité sociale passent leur temps à contrôler des
collectivités locales ou des organismes financés par l'Etat afin, par ailleurs,
de leur faire payer une taxe. C'est complètement absurde ! Je suis sûr que l'on
pourrait faire des économies considérables, et c'est la raison pour laquelle je
suis intervenu, pour appuyer, monsieur le ministre, votre propos.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-153.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-151.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-154.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-66.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-152.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
L'amendement n° I-53, présenté par M. Badré et les membres du groupe de
l'Union centriste, est ainsi libellé :
« Après l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans la première phrase du 1° de l'article 998 du code général des
impôts, après les mots : "Les assurances de groupe", sont ajoutés les mots :
"et opérations collectives" et après les mots : "les assureurs", sont ajoutés
les mots : "ou des articles L. 932-1, L. 932-14 et L. 932-24 du code de la
sécurité sociale ou L. 221-2 et L. 222-1 du code de la mutualité".
« II. - Les dispositions du I du présent article sont applicables à compter du
1er octobre 2002.
« III. - La perte de recettes pour l'Etat est compensée à due concurrence par
la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus par les articles 575 et
575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Denis Badré.
M. Denis Badré.
La loi de finances rectificative du 28 décembre 2001 a exonéré de la taxe sur
les conventions d'assurance les contrats maladie des sociétés d'assurance, des
institutions de prévoyance et des mutuelles qui répondent à certaines
conditions de solidarité. Votre administration, monsieur le ministre, considère
que les conditions posées à cette exonération sont également applicables aux
contrats couvrant l'incapacité de travail et l'invalidité.
La loi de finances rectificative de 2001 visait, à juste titre, à prendre en
compte les injonctions de la Commission européenne. La Commission voulait en
effet stigmatiser une différence de traitement liée à la forme juridique des
organismes assureurs. Si cette différence de traitement a effectivement disparu
en ce qui concerne les contrats de remboursements complémentaires de frais de
soins de santé, en revanche, une nouvelle discrimination est alors apparue pour
les contrats couvrant l'incapacité et l'invalidité. En effet, les sociétés
d'assurance régies par le code des assurances bénéficient d'une exonération de
plein droit pour leurs contrats collectifs couvrant l'incapacité et
l'invalidité. Ce n'est pas le cas pour les institutions de prévoyance.
Le présent amendement a donc pour objet de faire disparaître cette différence
de traitement en étendant le champ de l'exonération prévue à l'article 998 du
code général des impôts aux institutions de prévoyance. Cela est d'autant plus
important que, si nous ne le faisons pas, nous nous heurterons à une nouvelle
difficulté vis-à-vis de Bruxelles.
Il est proposé de rendre applicables les dispositions de l'article 998 du code
général des impôts aux institutions de prévoyance et aux mutuelles à compter de
la même date que celle de la mise en oeuvre de la loi de finances rectificative
pour 2001, c'est-à-dire le 1er octobre 2002.
Je précise également que les institutions de prévoyance comme les mutuelles
ayant jusqu'alors bénéficié d'une exonération totale sur les conventions
d'assurance, le présent amendement n'entraîne pas de pertes de recettes
fiscales.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cet amendement vise à permettre aux institutions de
prévoyance et aux mutuelles de bénéficier de l'exonération de la taxe sur les
conventions d'assurance dont bénéficient déjà les entreprises d'assurance pour
ce qui est des contrats d'assurance de groupe souscrits par des entreprises au
profit de leurs salariés et dont 80 % au moins de la prime est affectée à des
garanties liées à la durée de la vie humaine, à l'invalidité, à l'incapacité du
travail ou au décès par accident. Tel est exactement le sujet ciblé par notre
collègue.
M. Denis Badré.
Absolument ! Merci de l'avoir si bien dit !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Rédigé avec beaucoup de talent, de conviction, de
précision, auxquels la commission se plaît à rendre hommage, cet amendement
tend à supprimer une distorsion de concurrence entre organismes de statuts
différents réalisant les mêmes prestations. Dans ce cas précis, c'est une
distorsion de concurrence au détriment, semble-t-il, des institutions de
prévoyance et des mutuelles.
La commission est intéressée par la proposition de notre collègue qui,
toutefois, n'en connaît pas exactement le coût. Peut-être serons-nous informés
sur cet aspect des choses ? En attendant, la commission ne peut que s'en
remettre à l'avis du Gouvernement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
S'agissant du coût, je voudrais dire à M. le rapporteur
général et à M. Badré qu'il me semble raisonnable. Je n'ai rien à ajouter aux
propos savants qui viennent d'être tenus, sinon que je suis favorable à cet
amendement qui supprime toute discrimination tenant à la nature de l'organisme
de couverture. J'en remercie son auteur, M. Badré, et je lève le gage.
M. le président.
Il s'agit donc de l'amendement n° I-53 rectifié.
La parole est à M. Denis Badré, pour explication de vote.
M. Denis Badré.
Je remercie M. le ministre et M. le rapporteur général de leurs observations.
Je veux simplement souligner mon objectivité totale dans cette affaire : je
tente de débusquer toutes les distorsions de concurrence, d'où qu'elles
viennent.
Certains d'entre vous se souviennent sans doute du débat que nous avons eu
lors de la transcription par ordonnances du code de la mutualité dans la loi
française, au cours duquel j'avais été amené à dénoncer d'autres distorsions de
concurrence, en sens inverse. Dans ce genre d'affaire, je m'attache donc
toujours à une objectivité totale.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-53 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi de finances, après l'article 6.
Article 6 bis
M. le président.
« Art. 6
bis
. - Après le VI de l'article 231
ter
du code général
des impôts, il est inséré un VI
bis
ainsi rédigé :
« VI
bis
. - Pour l'application des dispositions des V et VI, les parcs
d'exposition et locaux à usage principal de congrès sont assimilés à des locaux
de stockage. » -
(Adopté.)
Article additionnel avant l'article 7
M. le président.
L'amendement n° I-44 rectifié, présenté par MM. Chérioux, Bailly, de Broissia,
Dubrule, Fournier, Oudin et Rispat, est ainsi libellé :
« Avant l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - La première phrase du premier alinéa du II de l'article 158
bis
du code général des impôts est complété,
in fine
, par les mots : "ou une
fondation reconnue d'utilité publique".
« II. - La perte de recettes pour l'Etat résultant du I ci-dessus est
compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits
prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Jean Chérioux.
M. Jean Chérioux.
Cet amendement a pour objet de faire bénéficier les fondations reconnues
d'utilité publique du régime applicable aux personnes physiques en matière
d'avoir fiscal.
C'est une vieille affaire que nous connaissons bien puisque j'ai eu, à
plusieurs reprises, l'occasion de poser ce problème. Le Sénat m'avait
d'ailleurs suivi, mais je me suis heurté à l'opposition systématique et
renouvelée du gouvernement et de sa majorité à l'Assemblée nationale.
Bien entendu, la finalité de ces institutions - la Fondation de France, la
Fondation pour la recherche médicale, la Fondation pour la recherche
scientifique, par exemple - ne pouvait être mise en cause.
Mais l'argument qui avait été avancé, en particulier l'année dernière, était
assez extravagant puisqu'il consistait à dire que, de toute façon, il n'y avait
aucune raison de faire bénéficier les fondations de cet avantage fiscal,
puisque, par définition, elles n'ont pas de fonds à gérer. Cette réflexion
était assez étonnante de la part d'un secrétaire d'Etat au budget, car, par
définition, les fondations reconnues d'utilité publique ont une dotation, donc
un capital qu'il faut gérer. J'avais, à cette époque, rappelé l'importance que
peut revêtir ce capital, puisque, l'année dernière, a ainsi été créée la
Fondation pour la mémoire de la Shoah, dotée de près de 3 milliards de francs,
ce qui n'est pas rien !
Le système actuel va d'ailleurs être aggravé, monsieur le ministre, puisque,
dans l'article 7 du projet de loi de finances, vous réduisez encore le taux de
récupération de l'avoir fiscal pour le ramener à 10 %. Le résultat, c'est que
les fondations se trouvent pénalisées et, dans la mesure où elles veulent tout
de même avoir la possibilité d'effectuer des placements en actions, c'est le
marché financier français qui est pénalisé puisque, par définition, le
dispositif supprime un avantage à investir en actions françaises. Tout cela est
donc totalement absurde.
Monsieur le ministre délégué au budget, vous avez été souvent cité au cours de
ce débat, mais j'avoue que vous aviez joué un rôle déterminant dans la position
qu'avait prise le Sénat à l'époque. En tant que président de la commission des
finances du Sénat, vous aviez fait une très belle intervention que vous
terminiez en disant - vous devez vous en souvenir - qu'en la circonstance,
aider la finalité de ces fondations était le premier devoir du gouvernement et
qu'il était dommage qu'il ne le comprenne pas en cet instant.
Dès lors, je pense que ce qui n'a pas été compris par le gouvernement de
l'époque doit l'être nécessairement par le gouvernement actuel et surtout par
vous-même, monsieur le ministre, d'autant qu'il s'agit de sommes très faibles
par rapport à la recette fiscale que vous procurera la réduction du taux de
l'avoir fiscal pour les personnes morales, puisque vous le ramenez de 15 % à 10
%.
Je suis persuadé que M. le rapporteur général conservera la position qui a été
la sienne les années précédentes et que le ministre délégué au budget se
souviendra de ses positions précédentes.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je pense le plus grand bien de l'amendement n° I-44
rectifié, car en 2000 et en 2001 le Sénat a adopté des amendements identiques
qui avaient été présentés par M. Jean Chérioux - il vient lui-même de le
rappeler.
Il est vrai que la baisse du taux de l'avoir fiscal pour les personnes
morales, intervenue depuis 1999, a fortement pénalisé les fondations, et en
particulier les fondations reconnues d'utilité publique.
L'amendement n° I-44 rectifié vise une catégorie très restrictive, les
fondations reconnues d'utilité publique. Cette reconnaissance n'étant pas
facile à obtenir, comme chacun sait, je suppose que le coût de la mesure est
raisonnable, voire modeste, monsieur le ministre ! Le Sénat, qui ne saurait en
la matière se déjuger, doit pouvoir considérer que la mesure est compatible
avec l'équilibre des finances publiques.
Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis favorable sur
l'amendement n° I-44 rectifié.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-44 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi de finances, avant l'article 7.
Article 7
M. le président.
« Art. 7. - Le troisième alinéa du II de l'article 158
bis
du code
général des impôts est ainsi rédigé :
« Le taux du crédit d'impôt prévu au premier alinéa est fixé à 25 % pour les
crédits d'impôt utilisés en 2001, à 15 % pour les crédits d'impôt utilisés en
2002 et à 10 % pour les crédits d'impôt utilisés à compter du 1er janvier 2003.
La majoration mentionnée au deuxième alinéa est portée à 50 % pour les crédits
d'impôt utilisés en 2001, à 70 % pour les crédits d'impôt utilisés en 2002 et à
80 % pour les crédits d'impôt utilisés à compter du 1er janvier 2003. »
L'amendement n° I-155 rectifié, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M.
Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi
libellé :
« I. - Dans la première phrase du texte proposé par cet article pour le
troisième alinéa du II de l'article 158
bis
du code général des impôts,
remplacer les mots : "et à 10 % pour les crédits d'impôt utilisés à compter du
1er janvier 2003" par le membre de phrase suivant : " ; aucun crédit d'impôt
n'est accordé à compter du 1er janvier 2003".
« II. - En conséquence, dans le même texte, remplacer les mots : "en 2001, à
15 %" par les mots : "en 2001 et à 15 %". »
La parole est à M. Paul Loridant.
M. Paul Loridant.
Cet amendement porte sur l'avoir fiscal qui, chacun le sait, est aujourd'hui
réservé aux seules personnes physiques.
L'article 7 du présent projet de loi de finances est une source de recettes
pour le budget de 2003. On constate en effet que, avec une réduction de l'avoir
fiscal perçu par les entreprises, ce sont 275 millions d'euros de rentrées
fiscales complémentaires qui viennent alimenter le budget de la nation.
Au moment même où l'on est à la recherche d'économies de plusieurs millions
d'euros, vous me permettrez de penser que le groupe communiste républicain et
citoyen pourrait utilement vous apporter sa contribution si cet amendement
était adopté.
(Sourires.)
De son côté, la commission des finances a souhaité, par la voix de son
rapporteur général, réduire encore de 100 millions d'euros le déficit
budgétaire de 2003. Dès lors, cet amendement ne peut recueillir qu'un avis
favorable de la commission.
Le fait que l'article 7 génère une rentrée fiscale de 275 millions d'euros,
comme je viens de le dire, montre que l'avoir fiscal ne jouit plus,
aujourd'hui, de la neutralité fiscale qu'il avait à l'origine et qu'il
participe en fait d'un ensemble de mesures favorables aux revenus financiers, y
compris ceux des entreprises. Ne vient-il pas rompre le principe d'égalité
devant l'impôt ?
On sait, de plus, que l'existence même de l'avoir fiscal est menacée, puisque
notre pays est l'un des derniers de l'Union européenne à continuer de le
pratiquer.
Cet amendement visant à apporter un rendement fiscal supplémentaire, nous
pensons que le Sénat, dans sa sagesse, pourrait tout à fait l'adopter.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
L'article 7 de ce projet de loi de finances a pour
objet de réduire de 15 % à 10 % le taux de l'avoir fiscal pour les personnes
autres que les personnes physiques et les sociétés bénéficiant du régime des
sociétés mères et filiales ; c'est donc la poursuite d'une décroissance du taux
de l'avoir fiscal entamée depuis plusieurs années s'agissant des personnes
morales.
Puisque vous avez lu avec intérêt - vous nous l'avez dit - le rapport écrit
de la commission, vous avez pu observer que, sur l'article 7, il est assez
critique. La commission est disposée à « laisser passer » cette diminution du
taux de l'avoir fiscal à l'égard des personnes morales parce qu'elle a le
sentiment que la disposition se situe dans le contexte d'une réforme
globale.
Nous aurions souhaité en savoir un peu plus sur cette réforme globale. Etant
bien sûr sensibles, vous le savez bien, à la situation des finances publiques
et aux perspectives très préoccupantes du déficit, nous ne contestons pas une
mesure qui est susceptible de rapporter 275 millions d'euros au budget de
l'Etat. Cependant, nous voudrions savoir vers quel mécanisme nous nous
orientons.
Dans le rapport écrit de la commission, j'évoque une réforme susceptible,
peut-être, de comporter trois volets, à savoir la substitution à l'avoir fiscal
d'un nouveau dispositif, la mise en place d'un crédit d'impôt pour
investissement en actions - sujet souvent évoqué - et la suppression du
précompte.
S'agissant du nouveau dispositif, il existe, dans les pays européens qui nous
entourent, différentes formules qui peuvent être appliquées, à savoir soit un
abattement sur les dividendes, comme en Allemagne, soit un prélèvement
libératoire, comme en Belgique, soit enfin une retenue à la source.
En résumé, monsieur le ministre, pourriez-vous nous éclairer sur l'état des
travaux au sein de votre administration et sur votre opinion à propos de la
réforme de l'avoir fiscal ?
Dans l'immédiat, l'amendement n° I-155 rectifié suscite, on l'aura bien
compris, un avis défavorable de la part de la commission.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
La lecture du rapport de la commission me permet de
voyager, et c'est passionnant compte tenu de mon activité assez sédentaire,
monsieur le rapporteur général !
(Sourires.)
Ainsi, à l'occasion de la réforme de l'avoir fiscal, il permet d'aller au
Royaume-Uni, en Allemagne, en Italie.
Vous citez également chez M. Charzat !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Bonne source !
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Absolument ! Et j'ai apprécié votre éclectisme !
A dire vrai, votre question anticipe quelque peu sur l'état de nos réflexions
sur le sujet.
Etant l'un des meilleurs spécialistes de la question, vous savez que la
suppression du précompte était nécessaire et que l'avoir fiscal devra être revu
en tant que modalité d'élimination de la double imposition économique. A
l'heure où je vous parle, la solution qui a été choisie par l'Allemagne
pourrait servir de référence, sous réserve de l'adapter à la situation propre à
notre pays. C'est là un avis d'étape que je vous donne.
En tout état de cause, comme je vous l'ai dit à plusieurs reprises à propos de
l'ensemble des régimes fiscaux que nous avons pu évoquer depuis le début du
débat, le Gouvernement se tient à votre disposition pour engager un dialogue
avec vous et avec l'ensemble de la commission des finances. En effet, personne
n'est détenteur de la vérité dans ce domaine et le Gouvernement pourra tout à
fait tirer profit des avis de votre commission pour trouver le régime le plus
approprié et le plus adapté à cette modernisation tout à fait indispensable.
Je veux dire à M. Loridant que je ne peux pas suivre sa proposition d'aller
plus loin encore que le dispositif proposé par le Gouvernement. Une
pénalisation, qui pourrait apparaître comme excessive, d'un investissement en
titres de placement serait imprudente dans le contexte actuel.
Au contraire, M. Loridant, qui est, lui aussi, un bon spécialiste de ces
sujets, devrait plutôt nous donner du grain à moudre pour engager la réforme
d'ensemble des régimes de distribution, dont l'objectif est de remplacer
l'avoir fiscal, à l'instar des réformes qui ont été adoptées par nos
partenaires européens. Une réflexion sera engagée dès le début de l'année
prochaine, en concertation avec tous les professionnels et les organismes
représentatifs des entreprises et avec votre commission des finances si elle le
souhaite.
Il s'agit, par cette réforme, de simplifier le régime actuel de distribution
qui est complexe et inadapté à la situation des grandes entreprises, comme aux
plus petites d'entre elles.
Telles sont, monsieur Loridant, les raisons qui me conduisent à vous demander
de retirer votre amendement. Si vous le mainteniez, je demanderais au Sénat de
rejeter votre amendement.
M. le président.
Monsieur Loridant, l'amendement n° I-155 rectifié est-il maintenu ?
M. Paul Loridant.
Oui, monsieur le président.
Vous avez bien compris que, par cet amendement tout à fait raisonnable, nous
proposions au Gouvernement d'accélérer la cadence de la réforme de l'avoir
fiscal et qu'au surplus nous apportons quelques recettes supplémentaires au
budget général. Je pensais donc rencontrer l'adhésion du Gouvernement, et en
particulier du ministre délégué au budget. Je regrette son avis défavorable et
j'invite le Sénat à voter notre amendement.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-155 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 7.
(L'article 7 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 7
M. le président.
L'amendement n° I-159, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le quatrième alinéa du I de l'article 158
bis
du code général
des impôts, les mots : "à la moitié" sont remplacés par les mots : "au tiers".
»
La parole est à M. Paul Loridant.
M. Paul Loridant.
Cet amendement est devenu traditionnel. Depuis de longues années en effet,
nous soulignons la nécessité de résoudre le problème de l'évolution de l'avoir
fiscal, qui était censé, à l'origine, répondre à la double imposition des
contribuables - des particuliers, mais également des entreprises, qui
constituaient un cas un peu différent.
Or il se trouve que le taux de l'impôt sur les sociétés a été ramené à 33,3 %,
en application de diverses mesures fiscales mises en place par le passé, alors
que le taux de l'avoir fiscal, lui, demeure fixé à 50 %. L'existence de l'avoir
fiscal nous paraît fortement menacée par la convergence des modalités
d'imposition des entreprises. La vertu de cet amendement est de le
souligner.
Nous pensons que notre amendement peut également être source de rendement,
puisqu'il pourrait rapporter au budget de l'Etat, selon nos estimations, un
minimum de l'ordre de un milliard d'euros, ce qui serait tout de même
intéressant dans le contexte budgétaire de l'année 2003.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
M. Loridant a dit que cet amendement était
traditionnel ; il sait donc que l'avis traditionnel de la commission est
défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
La transition est difficile, car la tradition de ces
dernières années n'était peut-être pas la même. En tout cas, le Gouvernement en
engage une nouvelle et émet le même avis défavorable que la commission.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-159.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° I-139 rectifié, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M.
Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi
libellé :
« Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 242
quater
du code général des impôts est abrogé. »
L'amendement n° I-160, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 242
quater
du code général des impôts est complété par un
alinéa ainsi rédigé :
« Le taux du crédit d'impôt prévu au premier alinéa du II de l'article 158
bis
est fixé à 5 % pour les crédits d'impôts utilisés à compter du 1er
janvier 2002 par une personne morale non résidente, dans le cadre d'une
convention fiscale prévue par l'alinéa précédent. »
La parole est à M. Paul Loridant, pour défendre ces deux amendements.
M. Paul Loridant.
L'amendement n° I-139 rectifié a pour objet de supprimer l'article 242
quater
du code général des impôts. Nous entendons tirer les conséquences
de l'évolution de la législation fiscale chez les différents partenaires de
notre pays, en particulier au sein de l'Union européenne.
En effet, l'avoir fiscal sera bientôt à remiser au magasin des accessoires
d'une législation fiscale désuète, puisque la France - je l'ai dit tout à
l'heure - est quasiment le dernier des pays à le pratiquer.
Je vous rappelle que l'article 242
quater
vise à permettre l'imputation
des avoirs fiscaux pour les résidents des pays ayant signé avec la France une
convention fiscale le prévoyant expressément.
Il ne trouve aujourd'hui que peu de raisons de s'appliquer, puisque, ainsi que
nous l'avons souligné, ce mode d'allégement a quasiment disparu.
C'est donc pour tenir compte de cette évolution que nous invitons le sénat à
adopter cet amendement n° I-139 rectifié.
L'amendement n° I-160 vise à réduire le taux de l'avoir fiscal portant sur les
revenus perçus par les contribuables non résidents.
On sait qu'une bonne partie des non-résidents concernés sont bien souvent des
citoyens français demeurant à l'étranger pour des raisons diverses et qui, du
fait de leur résidence à l'étranger, bénéficient, çà et là, de certains
avantages fiscaux.
D'ailleurs, dans l'actualité récente, quelques exemples particulièrement
intéressants montrent que l'installation à l'étranger est souvent motivée par
des raisons fiscales.
On sait, par ailleurs, que l'une des motivations de l'avoir fiscal, outre
qu'il permet de « neutraliser » la double imposition des revenus de placement,
consiste à fidéliser en quelque sorte les actionnaires dans le développement
des entreprises de notre pays.
En fait, l'avoir fiscal serait un bien pour le renforcement des fonds propres
de nos entreprises, en ce sens qu'il encouragerait une forme d'épargne
longue.
Le problème est que, lorsque ce dispositif intervient pour des contribuables
non-résidents, les retombées immédiates sur l'économie française ne sont pas
évidentes. On peut même se poser la question de savoir s'il y en a ! C'est la
raison pour laquelle nous invitons le Sénat à adopter cet amendement n°
I-160.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Ces deux amendements ne lui semblant pas conformes
aux engagements internationaux de la France, la commission émet un avis
défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Même avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-139 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-160.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
L'amendement n° I-158, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Le deuxième alinéa du I de l'article 219 du code général des impôts est
complété par une phrase ainsi rédigé :
« Toutefois, les bénéfices distribués sont assujettis au taux de 36,67 %. »
La parole est à M. Paul Loridant.
M. Paul Loridant.
Dans un contexte budgétaire dans lequel nous recherchons des recettes, toutes
les pistes nous paraissent devoir être explorées pour contenir les déficits ou,
en tout cas, pour accompagner les dépenses de certains ministères.
L'adoption de cet amendement, qui a un caractère générique, permettrait de
dégager 1,5 milliard d'euros de recettes nouvelles. Une telle somme permettrait
évidemment de remettre à niveau des dotations budgétaires que l'Etat verse aux
collectivités locales ou d'améliorer le solde global de la loi de finances.
Elle pourrait encore être utilement utilisée pour certaines dépenses sociales.
Ne parlons évidemment pas du financement de l'allocation personalisée
d'autonomie, qui pourrait également être complété.
Cet amendement à sa pertinence. Il permet de valider les choix de gestion
tendant à préférer le réinvestissement des bénéfices dans l'entreprise à la
distribution de dividendes. Cet amendement, qui revêt donc un caractère
incitatif et éthique, permettra, sur un plan social et économique, une
utilisation plus positive des excédents produits par l'activité économique. En
outre, les bénéfices distribués pourraient être assujettis au taux d'imposition
de 36,67 %.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission se demande pourquoi nos collègues
s'arrêtent à 36,67 %. Ils pourraient proposer un taux d'imposition bien
supérieur !
Bien entendu, la majorité de la commission ne partageant pas ce raisonnement,
elle ne peut être que défavorable à cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Il s'agit d'un dispositif complexe qui découragerait et
donc freinerait l'épargne en actions et qui va complètement à l'encontre du
souhait du Gouvernement de renforcer les fonds propres des entreprises.
M. Paul Loridant a encore le temps de retirer cet amendement, ce que je
l'invite à faire. A défaut, le Gouvernement émettrait un avis défavorable.
M. le président.
Monsieur Loridant, maintenez-vous cet amendement ?
M. Paul Loridant.
Oui, monsieur le président.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-158.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
L'amendement n° I-156, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - La seconde phrase de l'article 235
ter D
du code général des
impôts est ainsi rédigée : ´´Ce pourcentage est porté à 1,4 % à compter du 1er
janvier 1992, à 1,5 % à compter du 1er janvier 1993 et à 2 % à compter du 1er
janvier 2003''.
« II. - Dans la troisième phrase du même article, le pourcentage : ´´2 %'' est
remplacé par le pourcentage ´´3 %''.
« III. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I
ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe
additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts. »
La parole est à M. Paul Loridant.
M. Paul Loridant.
Même s'il est dans les intentions du Gouvernement et de sa majorité
parlementaire d'oeuvrer à la réduction du montant et du taux des prélèvements
obligatoires, nous ne pouvons nous empêcher de penser qu'il est nécessaire de
faire varier, pour les besoins spécifiques, le niveau de certains de nos
prélèvements.
On notera d'ailleurs que les taxes diverses destinées à financer la formation
continue, l'apprentissage ou la formation en alternance ne participent pas tout
à fait de la définition communément admise en termes de prélèvements
obligatoires.
La question qui nous est posée avec cet amendement est celle du développement
de la formation continue des salariés. L'actualité sociale récente est en effet
marquée - nous le constatons, hélas ! avec beaucoup de regrets - par la mise en
oeuvre d'un certain nombre de plans de licenciement de personnels dans des
entreprises fort diverses, et de restructurations. Alors que le chômage a
tendance à augmenter dans notre pays, il nous semblerait intéressant de
contribuer à favoriser et à accélérer la formation professionnelle et la
qualification des salariés, notamment de ceux qui sont victimes de ces plans de
licenciement.
Cet amendement vise donc à majorer les taux de cotisation des entreprises au
titre du financement de la formation professionnelle continue, aux fins de
dégager les marges nécessaires à l'atteinte des objectifs que je viens de
rappeler.
Sous le bénéfice de ces observations, j'invite le Sénat, dans sa sagesse, à
adopter cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission craint que ce dispositif ne soit de
nature à alourdir inconsidérément les charges des entreprises. C'est pourquoi
elle est défavorable à cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Même avis.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-156.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
L'amendement n° I-157, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Le premier alinéa du II de l'article 11 de la loi de finances pour 2001 (loi
n° 2000-1352 du 30 novembre 2000) est ainsi rédigé :
« Les entreprises dont l'objet principal est d'effectuer la première
transformation du pétrole brut ou de distribuer les carburants issus de cette
transformation doivent acquitter une taxe assise sur la fraction excédant 100
millions de francs du montant de la provision pour hausse des prix prévue au
onzième alinéa du 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts et
inscrite au bilan à la clôture de l'exercice, ou à la clôture de l'exercice
précédent si le montant correspondant est supérieur. »
La parole est à M. Paul Loridant.
M. Paul Loridant.
L'amendement n° I-157 a la même inspiration philosophique, en quelque
sorte,...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Philosophique !
M. Paul Loridant.
... que celui que je viens de défendre.
Dans le cadre de la loi de finances pour 2001, un prélèvement exceptionnel
avait été créé sur les provisions de reconstitution de gisements des compagnies
pétrolières.
Ce prélèvement fut instauré l'année où le principal groupe pétrolier français
voyait sa responsabilité indirectement - peut-être directement - engagée dans
ce qu'on a appelé la marée noire de l'
Erika,
et annonçait des bénéfices
records de l'ordre, je le rappelle, de 50 milliards de francs !
Ce prélèvement de caractère exceptionnel a été transformé l'an dernier en
contribution sur le résultat des mêmes compagnies pétrolières et a permis de
dégager une recette fiscale qui, si elle n'est pas reconduite, risque de
disparaître pour cet exercice.
Ce sont, au total, 195 millions d'euros qui disparaissent ainsi du budget
général, alors que l'on nous annonce un peu partout - en particulier le
Gouvernement - que les prévisions de recettes du présent projet de loi vont
être diminuées.
Pour notre part, au contraire, nous estimons nécessaire de maintenir le
prélèvement institué en 2000 pour la loi de finances de 2001, pour dégager des
ressources d'environ 600 millions d'euros au titre de l'exercice 2003. Cette
somme pourrait être utilisée non seulement pour rééquilibrer le solde du budget
général, mais aussi pour alimenter, à l'instar de la majoration de la
contibution des institutions financières que nous avons défendue, toute dépense
susceptible de survenir dans des domaines comme la prévention des risques
industriels ou encore des pollutions accidentelles liées aux activités
économiques.
Notre amendement ne pouvait pas être plus pertinent puisque, cette semaine,
nous avons de nouveau appris le naufrage d'un pétrolier, cette fois au large
des côtes de Galice. L'an passé c'était l'explosion de l'usine AZF de Toulouse.
De tels événements deviennent récurrents - c'est peu de le dire - et menacent
peu ou prou notre pays. Le naufrage qui vient d'avoir lieu au large des côtes
de Galice risque en tout cas d'avoir des conséquences sur la côte atlantique
française.
Dans le même ordre d'idées, la discussion prochaine d'un projet de loi sur la
question des risques industriels implique naturellement que des moyens
financiers aient été prévus pour donner un sens à la politique qui pourrait
découler de l'application de ce type de dispositions.
C'est donc dans ce souci de prévention des risques que nous proposons, par cet
amendement, le maintien du prélèvement sur les entreprises pétrolières dans le
projet de loi de finances pour 2003.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
En perpétuant une taxation exceptionnelle, nos
collègues du groupe CRC prennent le risque de voir l'impôt tuer l'impôt ! C'est
en vertu de ce raisonnement que la commission est défavorable à cet
amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
La provision pour hausse de prix est susceptible, je le
rappelle, de rester inscrite au bilan des entreprises durant six ans. La mesure
proposée par M. Paul Loridant conduirait à un taux global de prélèvement
pouvant atteindre jusqu'à 150 % ! Le Gouvernement est donc très défavorable à
cet amendement, qu'il demande au Sénat de rejeter !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-157.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 8
M. le président.
« Art. 8. - I. - Le code général des impôts est ainsi modifié :
« 1° Après le cinquième alinéa du 3 de l'article 287, il est inséré un alinéa
ainsi rédigé :
« Les redevables sont dispensés du versement d'acomptes lorsque la taxe due au
titre de l'année ou de l'exercice précédent, avant déduction de la taxe sur la
valeur ajoutée relative aux biens constituant des immobilisations, est
inférieure à 1 000 euros. Dans ce cas, le montant total de l'impôt exigible est
acquitté lors du dépôt de la déclaration annuelle mentionnée au premier alinéa.
» ;
« 2° Après le premier alinéa du I de l'article 1693
bis,
il est inséré
un alinéa ainsi rédigé :
« Les exploitants agricoles sont dispensés du versement d'acomptes lorsque la
taxe due au titre de l'année civile précédente, avant déduction de la taxe sur
la valeur ajoutée relative aux biens constituant des immobilisations, est
inférieure à 1 000 euros » ;
« 3° Au IV de l'article 298
bis,
le mot : "deuxième" est remplacé par
le mot : "troisième".
« II. - Les dispositions du I s'appliquent à partir du premier acompte devant
être versé au titre de l'année 2003 ou des exercices ouverts à compter du 1er
janvier 2003. » -
(Adopté.)
Article 8 bis
M. le président.
« Art. 8
bis
. - Dans la première phrase du troisième alinéa du 1 de
l'article 50-0 du code général des impôts, les taux : "70 %" et "50 %" sont
respectivement remplacés par les taux : "72 %" et "52 %". » -
(Adopté.)
Article 8 ter
M. le président.
« Art. 8
ter
. - Dans le première alinéa du 1 de l'article 102
ter
du code général des impôts, le taux : "35 %" est remplacé par le
taux : "37 %". » -
(Adopté.)
Articles additionnels après l'article 8 ter
M. le président.
L'amendement n° I-32, présenté par MM. Ostermann et Besse, Mme Bout, MM.
Cornu, Del Picchia, Doublet, Eckenspieller, Fournier, Ginésy, Murat, Natali,
Oudin, Peyrat, Rispat, Schosteck et Vasselle, est ainsi libellé :
« Après l'article 8
ter
, insérer un article additionnel ainsi rédigé
:
« I. - Dans la première phrase du premier alinéa du I de l'article 154 du code
général des impôts, les mots : "de 2 600 euros" sont remplacés par les mots :
"d'une rémunération égale au plus à trente-six fois le montant mensuel du
salaire minimum interprofessionnel de croissance".
« II. - Dans le second alinéa du I du même article, le nombre : "trente-six"
est remplacé par le nombre : "soixante-douze".
« III. - La perte de recettes pour l'Etat résultant des I et II ci-dessus est
compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits
prévus aux articles 403, 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Joseph Ostermann.
M. Joseph Ostermann.
Lorsque l'épouse d'un artisan ou d'un commerçant occupe un emploi salarié dans
l'entreprise de son mari, son salaire est réintégré pour une grande part dans
le bénéfice de l'entreprise. Il en est ainsi pour la part de son salaire
dépassant 2 600 euros par an, sauf si l'entreprise adhère à un centre de
gestion agréé. Une partie plus ou moins importante de son salaire est donc
assimilée, fiscalement, à un bénéfice et non à un salaire.
Cette règle est absurde sur le plan de l'assurance sociale. En effet, alors
que le salaire du conjoint supporte en totalité les cotisations d'assurance
maladie, vieillesse, etc., du régime général, une partie de celui-ci est une
nouvelle fois soumise à ces cotisations au titre du régime des travailleurs non
salariés.
Il est par conséquent indispensable de mettre un terme à cette anomalie que
constitue le bas plafonnement de la déductibilité du salaire du conjoint à 2
600 euros.
Le présent amendement vise donc à relever ce plafond à trente-six fois le SMIC
pour les entreprises non adhérentes à un centre de gestion agréé et à
soixante-douze fois le SMIC pour les entreprises adhérentes.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Comme l'indique M. Joseph Ostermann, il est vrai
qu'il existe un double assujettissement, comme rémunération et comme bénéfice,
aux cotisations sociales pour la part du salaire du conjoint qui excède le
plafond. Cela paraît incontestable et c'est bien une anomalie.
Pour cette raison, notre collègue propose de relever fortement les plafonds de
l'article 154 du code général des impôts. Or - et ce sont là des objections que
je tiens à signaler - l'objet du plafonnement étant d'assurer la sincérité du
bénéfice déclaré, il est difficile de l'augmenter dans des proportions aussi
importantes sans favoriser quelques dérives.
S'agirait-il de véritables rémunérations traduisant la réalité de services
accomplis pour l'entreprise ? Peut-être, dans bien des cas de figure. Ne
pourrait-il y avoir des situations plus contestables ? Ce sont quelques-une des
questions que je me permets de soumettre à la Haute Assemblée.
Il m'a été dit par ailleurs que, sur l'initiative du secrétaire d'Etat aux
PME, M. Renaud Dutreil, qui est très fécond, puisqu'il est déjà à l'origine
d'un projet sur l'initiative économique, le Gouvernement réfléchissait à un
autre projet sur le développement des entreprises susceptible d'englober
différents sujets importants pour les activités agricoles, commerciales et
artisanales. D'après les informations qui m'ont été communiquées, ce projet de
loi, qui serait présenté en 2003, permettrait notamment d'améliorer le sort du
conjoint d'un non-salarié. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous en dire
plus à ce sujet ?
Sur l'amendement de notre collègue M. Ostermann, la commission s'en remet à
l'avis du Gouvernement, tout en rappelant qu'il lui est déjà arrivé de voter un
amendement analogue.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
C'est d'un sujet ancien qu'il s'agit, en effet, puisque
cette question de la déductibilité du salaire du conjoint est bien connue de
tous ceux qui ont approché, de près ou de loin, une entreprise individuelle.
Je me souviens de gens qui ont changé de régime matrimonial pour ne pas rester
sous le régime de la communauté, puisque les règles et la situation juridique
diffèrent selon que l'on est soumis au régime de la communauté ou au régime de
la séparation de biens. Il est d'autant plus difficile, dans ces conditions, de
traiter les cas de manière identique. En effet, lorsque les époux sont soumis à
un régime de communauté de biens, cette communauté lie les intérêts des deux
époux. On considère alors que le conjoint participe en fait à l'exploitation et
a vocation à la propriété d'une quote-part des résultats qui sont réalisés.
Le principe même de la déduction du salaire qui lui est versé et qui présente
en réalité le caractère d'une affectation du bénéfice et non celui d'une charge
apparaît comme une dérogation au principe de la détermination du bénéfice
imposable et toute autre solution serait source d'abus ou de contentieux, les
intéressés pouvant être tentés, en effet, de majorer la part du conjoint pour
diminuer le bénéfice taxable. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle la
législation est plus favorable lorsque l'entreprise a adhéré à un centre de
gestion agréé.
On ne peut pas non plus comparer les règles d'assiette de l'impôt sur le
revenu et le calcul des cotisations sociales, puisque les régimes sont
différents.
Je ne puis affirmer que les curseurs sont placés au bon endroit, cher ami
Ostermann, mais, comme l'a dit M. le rapporteur général, puisque le Sénat va
examiner, au début de l'année prochaine, un texte sur l'entreprise, je pense
que ce sera une meilleure occasion pour revoir l'ensemble de ces dispositifs.
Cela me conduit à vous demander de bien vouloir retirer votre amendement, que
vous pourriez-nous proposer à nouveau lors de l'examen du projet de loi que
j'évoquais.
M. le président.
Votre amendement est-il maintenu, monsieur Ostermann ?
M. Joseph Ostermann.
Au bénéfice des informations qui me sont communiquées, tant par M. le
rapporteur général que par M. le ministre, je retire cet amendement, tout en
précisant que nous serons très attentifs au projet de loi qui nous sera
présenté.
M. le président.
L'amendement n° I-32 est retiré.
L'amendement n° I-33 présenté par MM. Ostermann, Bailly et Besse, Mme Bout,
MM. Braun, Braye, Cornu, Del Picchia, Doublet, Dubrule, Eckenspieller,
Fournier, Ginésy, Murat, Natali, Peyrat, de Richemont, Rispat, Trillard et
Vasselle, est ainsi libellé :
« Après l'article 8
ter
, insérer un article additionnel ainsi rédigé
:
« I. - Après l'article 199
quater
D du code général des impôts, il est
rétabli un article 199
quater
E ainsi rédigé :
«
Art. 199
quater
E
. - Les titulaires de revenus passibles de
l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et
commerciaux imposés d'après leur bénéfice réel peuvent bénéficier d'une
réduction de leur cotisation d'impôt sur le revenu égale à 35 % de l'excédent
plafonné à 1 524 euros par an, des dépenses de formation professionnelle
exposées au cours de l'année, par rapport aux dépenses de même nature au cours
de l'année précédente.
« La formation visée à l'alinéa précédent doit être dispensée par des
organismes agréés par l'Etat et avoir pour objet l'acquisition, le maintien ou
le perfectionnement de la qualification professionnelle de ces
contribuables.
« Les dispositions du présent article s'appliquent aux dépenses de formation,
à l'exclusion des frais de voyage et de déplacement, d'hébergement et de
restauration, exposées au cours des années 2003 à 2006, sur option du
contribuable irrévocable jusqu'au terme de cette période.
« L'option doit être exercée au titre de 2003 ou au titre de l'année de
création ou de la première année au cours de laquelle le contribuable expose
les dépenses visées au premier alinéa.
« Sont également prises en compte les dépenses exposées au profit du conjoint
collaborateur du chef d'entreprise, au sens de l'article 1er de la loi n°
82-596 du 10 juillet 1982 relative aux conjoints d'artisans et de commerçants
travaillant dans l'entreprise familiale. Cette réduction d'impôt est égale à 35
% des dépenses exposées chaque année. Le montant des dépenses retenues pour le
calcul de la réduction d'impôt ne peut excéder 1 524 euros au cours de la
période 2003 à 2006.
« Lorsque les dépenses de formation exposées au cours d'une année sont
inférieures à celles exposées au cours de l'année qui précède, il est pratiqué
une amputation, égale à 35 % du montant de la différence, sur la réduction
d'impôt suivante.
« Les dispositions du 5 du I de l'article 197 sont applicables.
« Un décret fixe les conditions d'application du présent article, notamment en
ce qui concerne les obligations incombant aux contribuables et aux organismes
agréés. »
« II. - La perte de recettes pour l'Etat résultant du I ci-dessus est
compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits
prévus aux articles 403, 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Joseph Ostermann.
M. Joseph Ostermann.
La reconduction de la réduction d'impôt pour formation du chef d'entreprise et
de son conjoint collaborateur constituerait un encouragement à la formation des
chefs d'entreprise et de leur conjoint, formation nécessaire pour leur
permettre de rester compétitifs.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cet amendement tend à rétablir l'article 199
quater
E du code général des impôts en visant à restaurer, pour les
années 2002 à 2005, la réduction d'impôt pour formation du chef d'entreprise et
de son conjoint collaborateur, objectif qui paraît légitime.
Il convient toutefois de rappeler que le dispositif avait un caractère
expérimental et que sa suppression, en 1998, était due à son très faible
succès. Selon le ministère des finances, moins de mille demandes auraient été
présentées. Faut-il réintroduire dans notre code des dispositions qui sont
nécessairement complexes, qui viennent se greffer sur la législation fiscale,
qui nécessitent une page de législation et qui n'ont pas un nombre considérable
d'utilisateurs ? Je me permets de poser la question.
Sans contester l'utilité de l'objectif, il me semble qu'il convient de
réfléchir à un système plus significatif et plus simple en vue de l'examen du
texte sur l'initiative économique auquel il a été fait allusion précédemment,
et l'année 2003 sera le bon rendez-vous pour traiter de ce sujet.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Pour compléter l'information donnée par M. le
rapporteur général, ce dispositif a eu un succès plus que limité, puisque moins
d'une entreprise sur mille en a bénéficié. Quand je sais le soin tout
particulier que la commission des finances apporte à éviter le bavardage
législatif, je pense qu'il ne faut pas accumuler les dispositifs.
Etant donné que vous allez avoir l'occasion de réfléchir aux dispositifs les
plus appropriés pour soutenir l'entreprise, et donc à une solution susceptible
de répondre au souci qui est le vôtre, je vous propose d'y penser dès
maintenant, mais je ne suis pas sûr qu'il faille rétablir un dispositif comme
celui-ci, d'autant qu'il n'a manifestement pas été perçu par les bénéficiaires
comme étant utile à leurs besoins. Cela m'amène, à ce stade, à vous demander de
retirer votre amendement.
M. le président.
Maintenez-vous votre amendement, monsieur Ostermann ?
M. Joseph Ostermann.
Nous allons réfléchir à une simplification du dispositif. En attendant, je
retire l'amendement.
M. le président.
L'amendement n° I-33 est retiré.
L'amendement n° I-34, présenté par MM. Ostermann, Besse et Bizet, Mme Bout,
MM. Cornu, Del Picchia, Doublet, Eckenspieller, Fournier, Ginésy, Murat,
Natali, Peyrat, Rispat et Vasselle, est ainsi libellé :
« Après l'article 8
ter
, insérer un article additionnel ainsi rédigé
:
« I. - Après l'article 244
quater
E du code général des impôts, il est
inséré un article 244
quater
F ainsi rédigé :
«
Art. 244
quater
F
. - Les entreprises immatriculées au
répertoire des métiers peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des
emprunts contractés pour financer leur adaptation à la réglementation en
vigueur, la mise aux normes de sécurité de leurs machines et équipements de
travail, le respect des règles d'hygiène des denrées alimentaires et de
salubrité des installations, ainsi que leurs investissements dans le domaine
des technologies nouvelles.
« Le crédit d'impôt est égal à 50 % des intérêts payés au titre des emprunts y
ouvrant droit pendant les cinq premières années à compter de la signature du
contrat.
« Le montant de ce crédit d'impôt est plafonné chaque année à 1 600 euros.
»
« II. - La perte de recettes pour l'Etat résultant du I ci-dessus est
compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits
prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Joseph Ostermann.
M. Joseph Ostermann.
Le présent amendement vise à ouvrir à l'artisan qui emprunte la possibilité de
bénéficier d'un crédit d'impôt d'un montant équivalant à une bonification, à
condition que le prêt finance dans la limite de 1 600 euros par an, d'une part
des investissements d'adaptation à la réglementation ou tendant à permettre la
mise aux normes de sécurité, le respect des règles d'hygiène des denrées
alimentaires et de salubrité des installations, c'est-à-dire des
investissements pour lesquels il n'y a pas de retour sur investissement
possible, d'autre part des investissements dans les nouvelles technologies
auxquelles les petites entreprises n'ont pas accès avec la même facilité que
les plus grandes.
L'artisanat, dont les marges sont faibles, les capacités d'autofinancement
réduites et les conditions d'accès au crédit souvent pénalisantes, doit être
soutenu dans sa dynamique d'investissement en vue de l'adaptation aux nouvelles
contraintes qui lui sont imposées.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cet amendement vise à instaurer au profit des
artisans effectuant des investissements un crédit d'impôt égal à 50 % des
intérêts d'emprunts payés pendant cinq ans dans la limite de 1 600 euros par
an. Il doit s'agir d'investissements destinés à la mise en conformité avec les
règlements de sécurité, d'hygiène ou de salubrité et des investissements
pratiqués dans le domaine des technologies nouvelles.
Ce dispositif mérite certainement une expertise plus approfondie. Outre qu'il
est difficile de définir son coût, la mesure proposée paraît encore
relativement complexe dans sa formulation. Toutefois, compte tenu de l'intérêt
des idées qui ont été exprimées, peut-être serait-il convenable que la mise au
point se précise en vue de la discussion du texte de Renaud Dutreil sur
l'initiative économique, auquel il a déjà été fait allusion.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Chacun sait que les dépenses de mise aux normes qui ont
un caractère obligatoire sont déductibles des résultats des entreprises.
Faut-il instituer un crédit d'impôt supplémentaire ? Sans doute aurait-il pour
effet d'aider ceux qui ont tardé à se mettre aux normes et cela ne serait pas
tout à fait illogique, même si, à titre personnel, je me pose un certain nombre
de questions quand je vois la somme des normes s'abattant sur ceux qui exercent
des activités sur notre territoire. Mais c'est un autre débat !
Monsieur Ostermann, je pense, comme vous, qu'il faudrait aider l'artisanat, le
petit commerce et, globalement, les activités modestes de nos provinces à
travailler dans de meilleures conditions. Mais cela ne sera possible qu'en
allégeant le formalisme administratif dont on les accable, et non pas en
surajoutant en permanence des dispositifs fiscaux supplémentaires. C'est la
raison pour laquelle je suis très circonspect quant à l'utilité d'une telle
disposition.
Ainsi que l'a dit M. le rapporteur général, vous disposez de deux mois
environ, mesdames, messieurs les sénateurs, pour y réfléchir, mais je ne serai
pas au banc du Gouvernement à cette occasion pour vous répondre. Mon souhait
est de ne pas multiplier les normes, car ce n'est pas ainsi que nous
simplifierons la vie des entreprises. Je voudrais donc qu'on limite au maximum
les dispositifs trop complexes.
A ce stade, il me semble préférable de retirer cet amendement et de le
soumettre de nouveau au Sénat, le cas échéant aménagé, lors de l'examen du
texte sur les entreprises.
M. le président.
Monsieur Ostermann, l'amendement est-il maintenu ?
M. Joseph Ostermann.
Je le retire, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° I-34 est retiré.
L'amendement n° I-35, présenté par MM. Ostermann, Besse et Bizet, Mme Bout,
MM. Cornu, Eckenspieller, Ginésy, Murat, Natali, Oudin et Rispat, est ainsi
libellé :
« Après l'article 8
ter,
insérer un article additionnel ainsi rédigé
:
« I. - L'article 719 du code général des impôts est complété par un alinéa
ainsi rédigé :
« Le paiement des droits d'enregistrement peut être fractionné selon des
modalités fixées par décret. »
« II. - La perte de recettes pour l'Etat résultant du I ci-dessus est
compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits
prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Joseph Ostermann.
M. Joseph Ostermann.
Les cessions de fonds de commerce et opérations assimilées sont en principe
constatées par un acte qui doit être enregistré dans le mois suivant la
signature de l'acte.
Conformément au principe général en la matière, le droit doit être
intégralement acquitté avant l'enregistrement.
Pour l'acquéreur, le paiement de cet impôt - 4,8 % sur la fraction du prix
excédant 23 000 euros - peut constituer un frein à la reprise d'une entreprise.
C'est pourquoi il est proposé de permettre le fractionnement des paiements de
ce droit. Cette possibilité est déjà prévue dans le cas des acquisitions
totales ou partielles d'entreprises en redressement ou en liquidation
judiciaire, ainsi qu'en cas de mutation par décès.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Le présent amendement tend à autoriser le paiement
fractionné des droits de mutation à titre onéreux des fonds de commerce.
Je rappelle que l'article 1717 du code général des impôts autorise déjà le
paiement fractionné ou différé, selon des modalités définies par décret, des
droits d'enregistrement et de la taxe de publicité foncière. Peut-être
serait-il utile, monsieur le ministre, de compléter le décret considéré et
peut-être pourriez-vous nous éclairer sur ce point ?
Cependant, la possibilité de paiement fractionné est surtout intéressante pour
les droits de mutation à titre gratuit. Ces droits sont élevés et ils peuvent
être motivés par des événements complètement imprévus.
En ce qui concerne les droits de mutation à titre onéreux, leur taux est
faible - 4,8 % - et le redevable a déjà pu effectuer une mise de fonds pour
l'achat de son entreprise. S'il est en mesure d'acheter l'entreprise, en règle
générale, il peut payer les droits fiscaux de 4,8 %.
En outre, le produit des droits de mutation à titre onéreux des fonds de
commerce est réparti entre l'Etat, les départements et les communes. Et, dès
lors que l'on touche à ces impôts, les finances locales en sont quelque peu
affectées.
Enfin, d'après mes informations, dans le projet de loi relatif à l'initiative
économique que présentera M. Renaud Dutreil - mais, là, il s'agit d'un premier
« paquet », si je ne me trompe -, pourrait éventuellement figurer le principe
du paiement fractionné de l'impôt sur les plus-values de cession d'un fonds de
commerce ou d'une entreprise, en fonction du calendrier de règlement du prix.
Cette mesure irait, me semble-t-il, dans le sens préconisé avec sagacité par
Joseph Ostermann. Peut-être pourrait-il donc attendre l'examen de ce projet de
loi, qui sera soumis au Parlement dans les semaines à venir, afin d'avoir en
partie au moins satisfaction ?
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
M. le rapporteur général a bien expliqué les enjeux de
cette disposition. Je crois, monsieur Ostermann, que les droits
d'enregistrement ne sont plus un problème : nous les avons tous connus à 20 % ;
ils s'élèvent aujourd'hui à 4,80 %.
Je n'ai pas eu connaissance de difficultés qui seraient liées à l'obligation
de procéder à un paiement fractionné de ces droits d'enregistrement. En
revanche, comme M. le rapporteur général l'a précisé, c'est la plus-value qui
est dégagée à l'occasion des cessions de fonds de commerce, qui pose problème.
C'est sans doute le frein le plus important à la transmission des fonds de
commerce dans nos provinces.
Je veux bien que nous continuions à additionner des dispositifs dérogatoires !
Mais si tous ceux qui réfléchissent à l'avenir de l'artisanat et du petit
commerce voulaient bien nous dresser la liste complète des nécessaires
allégements de formalités administratives, je suis intimement convaincu que
nous rendrions davantage service aux petites entreprises. La solution ne réside
pas dans des mécanismes extraordinairement compliqués, qui ne correspondent pas
vraiment à des besoins avérés des entreprises.
Je crois savoir ce dont il s'agit, parce que je connais le domaine des droits
de mutation, qu'ils soient à titre onéreux ou à titre gratuit, et je ne pense
pas que ce fractionnement soit décisif. La modification de la taxation des
plus-values, qui n'est d'ailleurs pas une mince affaire du point de vue du coût
budgétaire, est en revanche beaucoup plus attendue.
Bref, il faut que vous mettiez à profit les semaines à venir pour travailler
sur toutes ces mesures visant à soutenir l'artisanat et le petit commerce. Mais
- je tiens à le redire -, il faut vraiment déterminer ce qui est du domaine
fiscal et ce qui relève des formalités administratives. En matière de
simplification administrative, tout est encore à inventer !
(M. Gérard
Longuet fait un signe d'assentiment.)
M. le président.
Monsieur Ostermann, l'amendement est-il maintenu ?
M. Joseph Ostermann.
Comme pour les autres amendements, nous affinerons la rédaction des mesures
proposées et nous représenterons celles-ci lors de la discussion du projet de
loi sur l'initiative économique.
Par conséquent, je retire l'amendement, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° I-35 est retiré.
L'amendement n° I-36, présenté par MM. Ostermann, Besse, Doublet,
Eckenspieller, Natali, Oudin et Rispat, est ainsi libellé :
« Après l'article 8
ter,
insérer un article additionnel ainsi rédigé
:
« I. - Les deuxième et troisième alinéas du 1° de l'article 726 du code
général des impôts sont ainsi rédigés :
« - pour les actes portant cessions de parts de fondateurs ou de parts
bénéficiaires et de titres en capital, souscrits par les clients des
établissements de crédits mutualistes ou coopératifs ;
« - pour les cessions de parts sociales dans les sociétés dont le capital
n'est pas divisé en actions ; »
« II. - Le deuxième alinéa du 2° du même article est ainsi rédigé :
« - pour les cessions de participations dans des personnes morales à
prépondérance immobilière y compris les cessions de parts ou de titres de
capital souscrits par les clients des établissements de crédit mutualistes ou
coopératifs à prépondérance immobilière ; »
« III. - La perte de recettes pour l'Etat résultant des I et II ci-dessus est
compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits
prévus par les articles 403, 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Joseph Ostermann.
M. Joseph Ostermann.
L'article 726 du code général des impôts établit une distinction entre les
droits exigibles en matière de cession de droits sociaux selon que les cessions
concernent des sociétés par actions - les sociétés anonymes, ou d'autres
sociétés, comme les sociétés à responsabilité limitée. Depuis 1991, les
premières bénéficient, en effet, d'un droit préférentiel de 1 % plafonné à 3
049 euros par mutation, alors que les secondes sont assujetties au taux de 4,8
%.
Rien ne justifie une telle différence de traitement, qui pénalise injustement
les petites sociétés d'artisans ou de commerçants, notamment celles qui sont
généralement constituées sous la forme de SARL.
Par le présent amendement, nous proposons donc une harmonisation à 1 % dans la
limite de 3 049 euros, quelle que soit la forme sociétaire.
M. Roland du Luart.
Excellent !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cet amendement prévoit une harmonisation des droits
exigibles en matière de cession des droits sociaux en ce qui concerne les
sociétés par action et les autres sociétés.
L'objectif est naturellement de tendre à la neutralité fiscale, quelle que
soit la nature juridique des entreprises. Il serait en effet logique que les
coûts fiscaux de cession soient identiques. C'est là une distorsion bien connue
qui s'exerce au détriment de certaines catégories d'entreprises.
Sur le plan juridique, l'existence de deux taux distincts est liée au fait que
le régime des cessions de droits sociaux dans des entreprises qui ne disposent
pas d'un capital divisé en actions est assimilé au régime des cessions de fonds
de commerce. Or les droits de mutation à titre onéreux des fonds de commerce
s'élèvent à 4,8 %.
Notre collègue Joseph Ostermann propose d'abaisser cette taxe de 4,8 % à 1 %.
Il est clair que le coût de cette mesure serait de l'ordre de 200 millions à
300 millions d'euros pour le budget de l'Etat. Mais il est non moins clair,
pardonnez-moi de me répéter, qu'il faudrait parvenir à une véritable neutralité
fiscale, quelle que soit la structure juridique donnée à l'exploitation.
Peut-être faut-il trouver un taux intermédiaire, mais en ce qui concerne les
fonds de commerce non personnalisés, les SARL et les sociétés par actions, dès
lors qu'il s'agit des mêmes exploitations économiques, des mêmes métiers ou
activités, aucune raison ne justifie un traitement fiscal différent.
Sans doute cette réflexion peut-elle déboucher sur des mesures dans le cadre
du premier projet de loi de M. Dutreil relatif à l'initiative économique. J'ai
cru comprendre que l'on allait se diriger vers une harmonisation des droits sur
les cessions de parts sociales de fonds de commerce ou d'immobilier à usage
industriel et commercial et qu'il était question d'étendre aux cessions de
parts sociales l'exonération de 23 000 euros qui est actuellement applicable
aux cessions de fonds de commerce.
A ce stade du débat, la commission suggère à M. Ostermann de retirer son
amendement, dans l'attente de l'examen du projet de loi de M. Dutreil. Mais, à
l'évidence, elle serait intéressée par les remarques du Gouvernement sur le
fond du sujet.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Je ne suis pas sûr que nous puissions parvenir, demain,
à une égalité de traitement en matière de droits de mutation s'agissant des
actions et des parts sociales. Le différentiel est très ancien et une
harmonisation aurait un coût non négligeable.
Je souhaite également attirer votre attention sur le fait que le présent
amendement ne résout pas les problèmes, puisqu'il aboutit à traiter
différemment, sur le plan fiscal, le fonds de commerce selon qu'il est en
société ou en entreprise personnelle. Je ne crois pas que tel soit votre
objectif, monsieur le sénateur, ce qui montre la difficulté d'intervenir en
matière fiscale.
Comme l'a dit M. le rapporteur général, nous voulons travailler sur la
fiscalité des cessions de parts des petites et moyennes entreprises et
maintenir l'unité de perception des droits dus sur les cessions d'actifs
professionnels. Le projet de loi « Agir pour l'initiative économique » va dans
ce sens. Il vous sera proposé d'accorder un abattement de 23 000 euros sur la
valeur des sociétés dont les titres sont cédés.
Les réformes en la matière sont donc en cours d'approfondissement. Je vous
propose, monsieur Ostermann, de retirer votre amendement pour le proposer de
nouveau à l'occasion de l'examen du texte « Agir pour l'initiative économique
».
M. le président.
Monsieur Ostermann, l'amendement est-il maintenu ?
M. Joseph Ostermann.
Je reconnais qu'il s'agit de 300 millions d'euros ; c'est un montant
relativement important. Mais tout à l'heure, monsieur le ministre, vous
préconisiez la simplification. Nous proposons de passer à 1 % pour tout le
monde, ce qui simplifie les choses !
Néanmoins, en attendant le texte annoncé, je retire cet amendement.
M. le président.
L'amendement n° I-36 est retiré.
Article 9
M. le président.
« Art. 9. - Au
c
du 7°
bis
de l'article 257, au
i
de
l'article 279 et au 1 de l'article 279-0
bis
du code général des impôts,
la date : "31 décembre 2002" est remplacée par la date : "31 décembre 2003" ».
-
(Adopté.)
Articles additionnels après l'article 9
M. le président.
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Les deux premiers amendements sont identiques.
L'amendement n° I-19 est présenté par MM. Masson, Longuet, Leroy et Besse, Mme
Brisepierre, MM. Cleach, Del Picchia, Deneux, J.-L. Dupont, Fournier, François,
Poncet et Gérard, Mme Henneron, MM. Joly, Karoutchi, Laufoaulu, Leclerc,
Mathieu, Mouly, Murat, Natali, Peyrat, Richert, Rispat, Vasselle et
Virapoullé.
L'amendement n° I-71 est présenté par M. Masseret, Mme Printz et M.
Todeschini.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 273
septies
A du code général des impôts, il est
inséré un article additionnel ainsi rédigé :
«
Art. 273
septies
A
bis. - La taxe sur la valeur ajoutée
afférente aux achats, importations, acquisitions intracommunautaires,
livraisons et services effectués à compter du 1er janvier 2003 cesse d'être
exclue du droit à déduction en ce qui concerne les véhicules de deux places et
de moins de trois mètres. »
« II. - La perte de recettes résultant du I est compensée, à due concurrence,
par la création, au profit de l'Etat, d'une taxe additionnelle aux droits
mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° I-24, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
« Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après le premier alinéa du 2 de l'article 273 du code général des
impôts sont insérées les dispositions suivantes :
« Toutefois, ces exclusions ne concernent pas :
« - les voitures ou les triporteurs affectés de façon exclusive aux activités
de l'entreprise et dont la longueur est inférieure à trois mètres ;
« - les voitures ou les triporteurs affectés de façon exclusive aux activités
de l'entreprise et qui fonctionnent à l'électricité. »
« II. - Les pertes de recettes résultant du I sont compensées à due
concurrence par une augmentation de la taxe intérieure sur les produits
pétroliers. »
La parole est à M. Jean-Louis Masson, pour présenter l'amendement n° I-19.
M. Jean-Louis Masson.
L'an dernier, j'avais déposé un amendement qui avait exactement le même objet,
mais M. le rapporteur général m'avait fait remarquer, à juste titre d'ailleurs,
que, sur le fond, les mesures proposées étaient intéressantes, mais que leur
rédaction devait être améliorée. Un certain nombre d'entre nous ont donc
travaillé sur la question et, cette année, je présente de nouveau ces
dispositions. D'ailleurs, de nombreux collègues se sont associés à cette
démarche en étant cosignataires de l'amendement, notamment M. Longuet. Et nos
collègues socialistes ont présenté un amendement identique.
De quoi s'agit-il ? Jusqu'à présent, seuls sont considérés comme ouvrant droit
à récupération de la TVA les véhicules d'entreprise à deux places qui ont un
coffre d'au moins un mètre de long. Cette règle est logique pour les véhicules
habituels et, comme l'avait d'ailleurs souligné le rapporteur général l'an
dernier, elle a pour objet d'éviter que les voitures de sport à deux places ne
puissent être considérées comme des voitures d'entreprise.
Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2002, j'avais déjà
présenté, je le répète, un amendement dans ce sens, en soulignant que le cas
des petites voitures était spécifique. En effet, on ne peut pas demander à un
petit véhicule de moins de trois mètres, voire parfois de deux mètres
cinquante, d'avoir un coffre d'un mètre de long. Bien évidemment, c'est
impossible ! Sinon, il n'y aurait de place ni pour le conducteur ni pour le
moteur !
Par conséquent, pour que les petites voitures puissent être admises comme des
véhicules d'entreprise, on leur impose des règles que, manifestement, elles ne
peuvent pas respecter. Il convient donc de considérer comme véhicule
d'entreprise soit les véhicules de deux places qui ont un coffre de plus d'un
mètre de long, ce qui est le cas jusqu'à présent, soit les très petits
véhicules de deux places dont la longueur est inférieure à trois mètres.
J'insiste sur ce point, monsieur le ministre, car l'incidence fiscale de cette
mesure est insignifiante.
Certes, le groupe Dassault prévoit de construire une voiture de ce type-là
d'ici à deux ou trois ans - il s'agira d'ailleurs d'une voiture électrique -
mais, sur le présent budget, l'incidence fiscale de cette disposition est très
faible, je le répète.
Il y a donc lieu, en l'espèce, de donner un signal fort de notre volonté de
soutenir le développement durable.
J'ajoute que M. le Premier ministre vient d'annoncer qu'il réunirait jeudi
prochain plusieurs de ses ministres à Matignon pour réfléchir aux mesures
concrètes à adopter au titre du développement durable. Précisément, cet
amendement est l'exemple même d'une mesure concrète, peu coûteuse, pratique et
facile à mettre en oeuvre, susceptible d'améliorer la qualité de la vie en
réduisant la pollution. N'oublions pas, en effet, qu'à Paris, par exemple, les
statistiques et les études montrent que les conducteurs passent un tiers de
leur temps à chercher une place de stationnement. Autrement dit, s'il n'y avait
pas ces problèmes de stationnement, la circulation des voitures serait réduite
d'un tiers dans Paris ! C'est la logique de la petite voiture.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Pierre Masseret, pour présenter l'amendement n°
I-71.
M. Jean-Pierre Masseret.
Comme l'a rappelé notre collègue Jean-Louis Masson, la législation actuelle ne
permet la récupération de la TVA que s'agissant des voitures à deux places dont
le coffre est long de plus d'un mètre.
Pourquoi cette législation ? Il s'agissait, à l'époque, d'interdire la
récupération de la TVA sur les voitures de sport, donc sur les véhicules qui
n'avaient un caractère ni utilitaire ni pratique pour les entreprises. Depuis,
un certain nombre de voitures ont été conçues et mises sur le marché qui, bien
que ne répondant pas à la définition fiscale précitée, sont utiles pour les
entreprises comme voitures de société, pratiques pour se déplacer dans les
grandes villes - on en voit de plus en plus à Paris -, pratiques pour
stationner et, enfin, peu consommatrices de carburant.
M. Michel Charasse.
Elles peuvent même être électriques !
M. Jean-Pierre Masseret.
Tout à fait !
M. Roland du Luart.
Mais, à ce moment-là, on ne récupère plus la TVA sur la TIPP !
M. Jean-Pierre Masseret.
Il n'y a donc aucune raison objective d'exclure de la récupération de la TVA
ces véhicules qui ont pour eux un certain nombre de qualités.
Telles sont les raisons pour lesquelles mes collègues M. Todeschini et Mme
Printz se sont associés à moi pour déposer cet amendement.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Louis Masson, pour défendre l'amendement n° I-24.
M. Jean-Louis Masson.
Cet amendement a été déposé parce que, lorsque ces problèmes ont été évoqués à
l'Assemblée nationale, certains ont fait valoir qu'il fallait peut-être
englober tous les véhicules électriques. Cela étant, si M. le ministre et M. le
rapporteur général estiment que l'amendement n° I-19 suffit, je m'en
contenterai amplement !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Ces amendements nous viennent de tous les horizons
politiques de la Lorraine et, plus particulièrement, du département de la
Moselle.
(Sourires.)
M. Gérard Longuet.
Pas seulement !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
J'ai bien parlé de la Lorraine, mon cher collègue.
M. Gérard Longuet.
Mais également de la Réunion : M. Virapoullé est cosignataire de notre
amendement !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
J'ai même recueilli des marques d'intérêt amical de
la part d'un grand élu de Lorraine, mais d'un autre département, qui préside au
devenir de notre institution.
M. Gérard Longuet.
Très bien ! C'est le consensus.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La préoccupation que traduisent ces amendements est
donc largement partagée.
L'amendement n° I-19, qui a été présenté par M. Jean-Louis Masson et cosigné,
notamment, par MM. Gérard Longuet et Philippe Leroy, suscite de ma part
quelques commentaires, les mêmes, au demeurant, que ceux que suscite
l'amendement présenté par Jean-Pierre Masseret et cosigné par ses deux
colistiers du beau département de la Moselle.
Ces amendements visent à ne plus exclure du droit à déduction prévu pour les
véhicules utilitaires de société ceux de ces véhicules qui ont moins de trois
mètres de long.
Il convient de rappeler que bénéficient du droit à déduction les véhicules de
transport de matériels et non conçus comme véhicules de transport de personnes
ou à usage mixte, c'est-à-dire, concrètement, ceux qui ont deux places et dont
le coffre est long d'au moins un mètre.
En juin 2002, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie,
l'ADEME, a prouvé que les véhicules de moins de trois mètres étaient parmi les
modèles les moins polluants, ce qui est éminemment sympathique aux yeux de
notre assemblée.
M. Roland du Luart.
C'est normal, ils n'ont pas de gros moteur !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Par ailleurs, il semble que bon nombre de sociétés,
notamment des petites et moyennes, n'ont pas besoin de véhicules à grand
coffre. Dans ces conditions, pourquoi ne pas leur offrir le bénéfice des mêmes
avantages fiscaux que ceux qui sont conférés à un véhicule utilitaire plus
classique ou, en tout cas, non produit par une usine mosellane ?
(Sourires.)
Telle est la délicate question qui nous est posée ici.
J'avoue avoir un peu de peine à me déterminer, faute de disposer d'une
évaluation du coût budgétaire qu'impliquerait une telle avancée de la
législation. Dans ces conditions, la commission des finances souhaite entendre
l'avis du Gouvernement sur ce délicat sujet.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Ces questions ayant fait l'objet d'une décision de la
Cour de justice des Communautés européennes, je me dois de vous donner des
informations aussi précises que possibles car le droit que nous élaborons ici
est plein de toute sa rigueur.
S'agissant de la déduction, elle est afférente, entendons-nous bien, aux
véhicules de deux places et de moins de trois mètres. L'annexe II du code
général des impôts exclut du droit à déduction la taxe qui grève les véhicules
conçus pour le transport de personnes ou à usage mixte. L'exclusion s'apprécie
au regard des caractéristiques intrinsèques du véhicule et non au regard de
l'utilisation qui en est faite. Le critère déterminant est donc l'usage pour
lequel le véhicule a été conçu et non son utilisation effective.
Tout à l'heure, il a été fait état de la dimension des coffres. J'indique que
cette indication ne constitue pas un critère pour l'application de l'exclusion
du droit à déduction. Cette mesure d'exclusion, dont la validité a été
confirmée en 1998 par la Cour de justice des Communautés européennes, est
justifiée pour ces véhicules. Ouvrir le droit à déduction pour les véhicules
visés dans les amendements serait incompatible avec cet objectif, dès lors
qu'ils sont précisément par nature conçus pour le transport de personnes, sauf
à considérer que le véhicule en question n'a pas été conçu à l'origine comme
étant destiné au transport de personnes.
J'ajoute que l'ouverture éventuelle d'un droit à déduction pour ces véhicules
devrait, pour des raisons d'équité, profiter demain à d'autres catégories de
véhicules dont l'utilisation serait également une alternative crédible pour
désengorger les axes urbains. Il en résulterait, mesdames, messieurs les
sénateurs, un coût important pour les finances publiques.
En d'autres termes, la question qui nous est posée aujourd'hui est de savoir
si nous voulons légiférer pour un véhicule d'une certaine catégorie et qui est
aujourd'hui sur le marché, sachant, comme vous vous en doutez bien, que tous
les constructeurs, dès lors que le régime fiscal changera, s'engouffreront dans
cette brèche. Si tel était le cas, le coût de la mesure, monsieur le rapporteur
général, serait de deux milliards d'euros !
Soyons conscients, les uns et les autres, de ce que nous faisons. Je veux bien
que nous marquions notre préoccupation pour les unités de fabrication de ces
véhicules situées dans l'est de la France, mais j'indique à ceux qui se situent
ailleurs sur le territoire qu'ils risquent d'entendre des points de vue
différents de la part d'autres constructeurs. Je le dis avec tout le calme
nécessaire, mesdames, messieurs les sénateurs, mais c'est une information que
je souhaitais livrer au débat.
Je considère, au nom du Gouvernement, que si nous allions dans le sens
proposé, vous seriez très rapidement saisis de demandes de même nature émanant
d'autres constructeurs. Ou alors, autant tout de suite ouvrir le droit à
déduction à la quasi-totalité des véhicules de la même catégorie.
Sauf erreur de ma part, à quelques dizaines de centimètres près, un autre
véhicule - je ne veux pas faire de publicité - serait susceptible de bénéficier
du même dispositif. Je crois que chacun doit, en conscience, bien mesurer la
responsabilité qu'il prendra en votant ces amendements. En tout cas, monsieur
le président, le Gouvernement ne peut qu'y être défavorable.
M. Roland du Luart.
C'est comme pour la bûche !
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
M. le ministre vient de nous donner un certain nombre
d'explications ; il a exprimé ses préoccupations au regard du rendement de la
TVA. Je voudrais, pour ma part, et quelle que soit la sympathie que l'on puisse
avoir pour l'initiative de nos collègues, souligner qu'il y a là un risque que
la situation présente des finances publiques permet difficilement d'assumer.
C'est d'ailleurs la réponse que j'ai déjà eu l'occasion de formuler lors de
l'examen de bien des amendements sympathiques, utiles, bien articulés et
pertinents.
A mon grand regret, donc, je suis conduit à suivre M. le ministre, fort des
indications qu'il nous a données et qui sont beaucoup plus précises et
détaillées que celles qui figurent dans le compte rendu des travaux de
l'Assemblée nationale. L'analyse est beaucoup plus fouillée, développée,
concrète, notamment en ce qui concerne le risque budgétaire. Pour toutes ces
raisons, il me paraît nécessaire que les auteurs des amendements veuillent bien
les retirer, faute de quoi la commission ne pourrait pas y être favorable.
M. le président.
La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote sur les
amendements n°s I-19 et I-71.
M. Gérard Longuet.
Monsieur le ministre, une fois n'est pas coutume, je ne partage ni votre
sentiment ni votre analyse, à commencer par le coût budgétaire de ces
amendements : en réalité, il est nul !
De quoi s'agit-il ? Il s'agit d'étendre la possiblité de déduction de TVA à
une catégorie de véhicules qui, pour des raisons techniques, en est aujourd'hui
exclue. Que se passera-t-il ? Il y aura simplement un déplacement dans les
achats de véhicules ; les entreprises n'en achèteront pas plus ; simplement,
elles répartiront différemment leurs achats annuels et passeront de catégories
qui prennent de la place - M. Masson l'a dit avec raison - et qui consomment
beaucoup de carburant à des catégories de véhicules qui prennent moins de place
et consomment moins de carburant. Le nombre de véhicules achetés sera
exactement le même !
Evidemment, ceux qui ne fabriquent pas le genre de véhicules dont il est
question peuvent craindre de perdre des parts de marché, alors que ceux qui en
fabriquent en gagneront, mais le nombre de véhicules sera exactement le même,
et l'Etat ne perdra pas d'argent dans l'opération. Je tenais à apporter cette
précision.
C'est la raison pour laquelle je soutiens les amendements n° I-19 et I-71,
car, avec une incidence budgétaire parfaitement nulle, ils élargissent
simplement l'offre des entreprises et leur permettent, pour le même nombre de
véhicules achetés, d'arbitrer en faveur de véhicules plus petits, moins
polluants et plus urbains.
M. le président.
La parole est à M. Roland du Luart, pour explication de vote.
M. Roland du Luart.
J'ai été très intéressé par cette discussion, mais j'avoue ne pas en
comprendre tous les aspects, monsieur le ministre. En effet, vous avez évalué,
à la demande du rapporteur général, le coût de cette mesure à deux milliards
d'euros. Or je crois savoir qu'il se produit, dans notre pays, 100 000
véhicules de ce type chaque année, dont 30 000 sont vendus en France ; quant au
parc locatif, il représente 10 000 voitures de cette catégorie. Dès lors,
comment, sur 10 000 voitures valant 10 000 euros, pouvez-vous arriver à un
montant de 2 milliards d'euros ? C'est ce que je n'arrive pas à comprendre.
Tout cela me rappelle une discussion un peu ubuesque que nous avons eue, voilà
quelques années, dans cette même assemblée, du temps de notre regretté collègue
Geoffroy de Montalembert, alors que M. Charasse était ministre délégué au
budget : il s'agissait de la longueur de la bûche de bois. Selon la longueur,
en effet, la TVA sur la bûche était à 19,6 % ou à 5,5 %. Tout cela est un peu
ridicule ! Ne pourrait-on pas faire une avancée et permettre la déductibilité
de la TVA s'agissant des voitures en location, afin de diminuer la pollution et
de permettre une occupation plus harmonieuse de l'espace urbain ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Faisons des voitures en bois !
(Sourires.)
M. Roland du Luart.
La seule objection recevable concernerait la TIPP, car les voitures qui
consomment plus de carburant rapportent davantage. Mais je ne comprends
toujours pas cette perte estimée à 2 milliards d'euros.
M. Gérard Longuet.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Jacques Oudin, pour explication de vote.
M. Jacques Oudin.
Le débat qui vient de s'ouvrir prouve la nécessité de mener une réflexion plus
approfondie sur ce qu'on appelle la fiscalité écologique. Souvenez-vous des
discussions complexes qu'avait suscitées la taxe générale sur les activités
polluantes, TGAP ! La fiscalité écologique est un enjeu particulièrement
important. Susciter la fabrication et l'utilisation de véhicules moins
consommateurs d'énergie et moins consommateurs de place me paraît aller dans le
bon sens. Néanmoins, une moindre consommation de recettes sur le carburant,
c'est aussi une moindre recette de TIPP. L'environnement exige donc une
réflexion plus vaste.
Dans la mesure où la commission et le Gouvernement ne souhaitent pas aller
dans ce sens, momentanément, je suivrai la commission. Je demande simplement au
Gouvernement de nous dire comment il entend développer une fiscalité écologique
comprenant à la fois les sources d'énergie, les véhicules polluants et même la
protection des zones humides ou des zones naturelles, elles qui coûtent chères
aux collectivités sans leur rapporter.
Le débat est vaste et nous attendons du Gouvernement une réponse globale. En
l'espèce, j'ai beaucoup de sympathie pour ces amendements. Je suivrai la
commission, mais je pense que ce sera l'honneur du Sénat d'aller plus loin.
M. le président.
La parole est à M. Serge Lepeltier, pour explication de vote.
M. Serge Lepeltier.
Sur l'argument du coût budgétaire, je rejoins notre collègue Gérard Longuet.
Les entreprises qui, actuellement, achètent ce type de voiture avec deux places
et un petit coffre, ont, en fait, rarement utilisé de ce coffre. Les véhicules
servent essentiellement aux représentants ainsi qu'à certaines catégories de
personnels.
Il s'agira donc simplement de faire de ces véhicules des voitures un tout
petit peu plus confortables, mais ayant moins de trois mètres de long.
Je ne suis pas certain que l'évaluation qui nous est annoncée soit réaliste.
Il y a donc un véritable problème. D'ailleurs, monsieur le ministre, l'argument
du coût est presque fallacieux. Selon vous, cette mesure, si elle est efficace,
coûtera cher. Mais, quand on prend une mesure, on souhaite qu'elle soit
efficace ! Faut-il comprendre que, en tant que ministre du budget, vous
n'accepteriez que les mesures qui ne coûtent rien, parce qu'elles ne sont pas
efficaces ? Mais alors, qu'en est-il du développement durable qui est défendu
ici ?
Cela me rappelle la proposition que j'avais faite - sur laquelle je reviendrai
- d'une prime à la voiture propre. Quand je défends cette idée, on me rétorque
que la mesure est, bien sûr, extrêmement intéressante, mais qu'elle serait
coûteuse. Eh oui, le développement durable peut avoir un coût. Reste à savoir
combien notre société est prête à lui consacrer.
Nous sommes confrontés à une vraie question de principe : on ne peut pas
refuser un dispositif parce qu'il peut être efficace, et donc avoir un certain
coût. Le raisonnement doit s'attacher à l'objectif et à l'efficacité que l'on
en attend.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Pierre Masseret, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Masseret.
Je n'ai pas été convaincu par l'argument des deux milliards d'euros ; c'est
l'argument massue typique de Bercy ! Quand une mesure ne convient pas, on
réalise un chiffrage si exorbitant que tout le monde se met au garde-à-vous et,
« circulez, il n'y a plus rien à voir » !
En effet, nous ne savons pas d'où provient un tel montant, qui supposerait que
tous les constructeurs fabriquent ce type de voiture et que les Français les
achètent. Ce n'est pas ainsi qu'il faut argumenter !
J'ajoute, pour détendre l'assistance, que cette voiture roule très bien : je
l'ai moi-même utilisée l'an dernier lors de la campagne sénatoriale et ma liste
a obtenu trois élus sur cinq !
(Sourires.)
M. Gérard Longuet.
Vous ne pouviez pas être trois dedans, ou alors il y en avait un dans le
coffre !
(Nouveaux sourires.)
M. le président.
La parole est à M. Jean-Louis Masson, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Masson.
Monsieur le ministre, je suis absolument stupéfait par le chiffre que vous
avez avancé. Pour être crédible, un argument doit être cohérent !
Avec deux milliards d'euros, vous financez la moitié du TGV Est. Or la voiture
en question a été produite à raison de 100 000 unités, dont moins de 10 000 ont
été vendues en France. Sur ces dernières, seules 189 ont été achetées par des
entreprises l'an dernier.
Si la France risque la faillite pour 189 voitures, monsieur le ministre, les
finances publiques sont vraiment au plus bas !
M. le président.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Monsieur le président, j'aborde cette discussion avec
beaucoup de calme et d'attention. Je vais tenter de répondre aux orateurs qui
se sont exprimés.
Je veux dire à M. Gérard Longuet - avec qui, il est vrai, je suis rarement en
désaccord ; et, si c'est le cas, nous avons l'honneur, du fait de nos
responsabilités, de nous en expliquer les raisons - que je ne suis pas
convaincu que l'amendement sera sans effet sur les finances publiques. En
effet, certains propriétaires de véhicules de ce type qui n'ont pas aujourd'hui
accès au droit à déduction en demanderont le bénéfice, ce qui entraînera à
l'évidence un coût budgétaire qu'il me paraît difficile de contester.
M. Yves Fréville.
Tout à fait !
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
S'agissant de l'estimation qui en est faite, Roland du
Luart est sorti de ses gonds. Il s'agit du premier procès « en évaluation
fallacieuse » auquel je suis confronté - il y en aura certainement d'autres
-...
M. Roland du Luart.
Je n'ai pas employé cette expression !
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Je ne vous imputais pas ces propos, monsieur du Luart,
mais, pour simplifier et pour gagner du temps, je répondais conjointement à
deux interventions.
Ce procès est, il est vrai, souvent intenté à ceux qui ont la tâche de siéger
au banc du gouvernement.
En vue de la relecture qui sera faite de nos travaux, y compris par les
juridictions, je voudrais indiquer que l'estimation que j'ai faite correspond
au coût de cette déduction pour l'Etat lorsque l'ensemble des véhicules de tous
les constructeurs y ouvriront droit.
J'ajoute que la Cour de justice des Communautés européennes aura les moyens
juridiques de contraindre la France à étendre à tous les véhicules de transport
de personnes la déduction qui serait accordée à la Smart.
En outre, d'autres constructeurs, dont les véhicules, à quelques centimètres
près, sont susceptibles de bénéficier des droits à déduction auxquels vous
faites allusion seront naturellement très attentifs à nos travaux.
Par conséquent, mesdames, messieurs les sénateurs, si les amendements étaient
maintenus, il faudrait que chacun prenne ses responsabilités, et je demanderais
qu'il soit procédé à un vote par scrutin public. Car vous ne manquerez pas, les
uns et les autres, d'avoir la visite de tous les constructeurs automobiles
français, et je tiens à ce que chacun d'entre vous puisse répondre des choix
qu'il a faits.
Le Gouvernement, pour sa part, n'a pas l'intention de proposer ou de soutenir
une norme qui vise une catégorie de constructeurs, si estimables soient-ils.
M. le président.
La parole est à M. Yves Fréville, pour explication de vote.
M. Yves Fréville.
Je ne voterai pas ces amendements. Je suis l'élu d'un département qui compte
une très importante usine de production automobile, mais je ne me placerai pas
sur ce terrain.
En premier lieu, l'article 273 du code général des impôts autorise le
Gouvernement à se prononcer par décret sur les droits à déduction. Il serait
maladroit, de la part du Parlement, de vouloir interférer sur des points
particuliers avec ce principe.
En deuxième lieu, il serait tout aussi maladroit de procéder par voie
d'exception en matière fiscale, ce qui serait le cas en l'espèce.
En troisième lieu, enfin, je ne suis pas opposé à une politique d'incitation
fiscale en matière d'environnement ; encore faudrait-il que nous fixions des
règles afin que toutes les entreprises soient placées en situation
d'égalité.
Par conséquent, si le Parlement veut favoriser la construction de voitures
d'un certain gabarit leur permettant de stationner le long des trottoirs, il
serait logique qu'il le dise clairement sous la forme « d'appel d'offres fiscal
», pour que tous les constructeurs soient placés à égalité en vue d'adapter
leurs modèles et de répondre, en quelque sorte, à cet « appel d'offres ».
Telles sont les raisons pour lesquelles je ne voterai pas ces amendements.
M. le président.
La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse.
Sur cette affaire, j'avoue être très partagé, parce que, si je comprends
parfaitement la motivation de mes collègues - notamment de mes amis M.
Masseret, Mme Printz, M. Todeschini, mais aussi de M. Masson -, je comprends
également un peu la position du Gouvernement.
Cette affaire, au fond, fait partie des mystères fiscaux qui émaillent
quelquefois notre législation : M. du Luart rappelait voilà un instant le
dialogue que j'avais eu avec notre ancien collègue Geoffroy de Montalembert sur
les raisons profondes pour lesquelles les bûches de plus de 1,20 mètre
destinées aux cheminées étaient taxées au taux fort de TVA, et celles de moins
de 1,20 mètre au taux inférieur. Je dois dire que les services ne m'ont jamais
vraiment fourni la réponse : on ne sait pas !
C'est exactement comme lorsque j'étais jeune secrétaire de groupe à
l'Assemblée nationale et qu'un député s'étonnait que la vignette automobile
soit réclamée aux voyageurs représentants de commerce mais pas aux
représentants d'assurance. Pourquoi les uns et pas les autres ? Le ministre
avait répondu, de guerre lasse : « Parce que ».
(M. le ministre délégué
sourit.)
Mais, « Parce que » n'étant pas une réponse, le ministre avait
ensuite expliqué, en aparté, que le président Félix Gaillard s'était rendu, à
l'issue de la séance, à une heure du matin, bien fatigué, au congrès des
représentants d'assurance et qu'après trois ou quatre coups de rouge, il avait
lâché.
(Sourires.)
J'ajouterai même que feu notre collègue le doyen de Montalembert ne comprenait
pas pourquoi le tracteur qui remplaçait un tracteur était déductible, alors que
le poulain qui venait à la suite de la jument ne l'était pas.
(Rires.)
Donc, on ne peut pas comprendre.
J'en reviens à la question, qui est sérieuse. Si j'ai bien compris, il n'y a
pas d'obstacle du côté de l'Europe, sauf le risque d'extension ; si j'ai bien
compris, il s'agirait de modifier une disposition réglementaire.
A ce propos, monsieur Fréville, je ne suis pas certain que, dans ce cas, on
ait eu raison de classer cette disposition dans le domaine réglementaire, parce
qu'elle me paraît relever du domaine de la loi, mais passons.
Surtout, je reste sur ma faim, dans cette affaire, sur ce que font nos
partenaires européens. Nous ne savons pas ce qui se passe dans le reste de
l'Europe !
Les évaluations budgétaires sont toujours difficiles à faire. Je
n'incriminerai pas, comme certains collègues, Alain Lambert : il n'est pas
facile de faire une évaluation, on peut toujours se tromper, et
l'administration a tendance à surévaluer parce qu'elle veut se réserver des
marges. Mes chers collègues, c'est humain ! Donc, si tous les véhicules de tous
les constructeurs..., mais ce n'est sans doute pas demain la veille.
J'ai cru comprendre que nous en étions arrivés à une situation de blocage,
puisque le Gouvernement est prêt à demander un scrutin public sur cette
affaire. Monsieur le ministre, ne serait-il pas préférable que nous ayons une
petite discussion entre nous avant d'en arriver à l'irrémédiable, que nous en
reparlions, par exemple, lors du collectif et que, d'ici là, vous nous
apportiez tous les éléments qui nous manquent ? Il serait notamment intéressant
de savoir si, dans le cadre européen, nous sommes dans une situation différente
des autres Etats. C'est cela qui est important ; la recette budgétaire suit.
Je propose donc que les amendements soient retirés - je n'ai pas consulté mon
ami Masseret, qui va peut-être m'étrangler à la sortie
(Sourires)
- et
que le débat soit renvoyé au moment de l'examen du collectif, afin que la
commission des finances, le ministre et les auteurs des amendements aient la
possibilité et le temps de rapprocher leurs points de vue et de trouver une
solution acceptable ou, au moins, de fournir des arguments véritablement
convaincants pour les uns comme pour les autres.
Franchement, je dois le dire, au terme de cette discussion, je me sens un peu
gêné : je ne veux faire un mauvais coup ni aux productions qui sont en cause ni
aux finances de mon pays.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Notre débat est assez surréaliste. D'ailleurs, Michel
Charasse faisait état de précédents débats et rappelait quels sommets peuvent
atteindre les absurdités du code général des impôts.
Je voudrais simplement rappeler brièvement ce qui est en jeu en l'espèce.
En effet, les véhicules de société à caractère utilitaire peuvent bénéficier
d'un droit à déduction, pourvu qu'ils servent d'abord au transport de
matériels. Il nous est proposé de rendre éligible à ce droit les véhicules
n'ayant pas vocation première à transporter des matériels et mesurant moins de
trois mètres.
La discussion porte sur l'enjeu budgétaire. Le ministre chargé du budget
craint en quelque sorte la cannibalisation de l'impôt. Il redoute qu'à partir
de la petite Smart - on va enfin dire son nom, parce qu'il n'a pas encore été
cité dans l'hémicycle - il y ait un effet de contamination budgétairement
dangereux dans l'état actuel de nos finances publiques.
Quand j'entends les défenseurs de la mesure - et croyez-moi, mes chers
collègues, j'essaie d'être d'une totale objectivité sur ce sujet -...
M. Gérard Longuet.
C'est à votre honneur !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... soutenir qu'il ne s'agit en définitive que d'un
tout petit ajustement destiné à régler la situation des 189 véhicules en cause,
j'ai tendance à m'interroger.
Pourquoi mettre tant de passion dans un débat qui concernerait ces seuls
véhicules ? C'est probablement parce qu'on voudrait, à partir de ces 189
véhicules, créer une part de marché non négligeable !
Je tiens surtout à faire une remarque : des véhicules qui mesurent légèrement
plus de trois mètres, qui n'ont que deux places et qui n'ont pas non plus le
fameux coffre d'un mètre de long se trouveraient alors exclus, si je comprends
bien, de la déduction.
Or il existe, me semble-t-il, beaucoup de véhicules de ce type - des Twingo,
si je ne me trompe... - qui sont produits au Mans ou à Rennes dans certaines
grandes usines de producteurs français sur notre territoire mais qui ne
pourraient pas, si j'ai bien compris, être considérés comme véhicules de
société et bénéficier du droit à déduction.
(M. Gérard Longuet fait un signe
de dénégation.)
Ce point me semble très litigieux, au vu de la définition que préconise
l'amendement défendu par MM. Jean-Louis Masson et Gérard Longuet.
Ces véhicules qui mesurent un peu plus de trois mètres, à quelque dix
centimètres près, vont être exclus de la déduction. Comment va-t-on justifier
une telle distorsion de concurrence ?
Même si l'on a beaucoup de considération pour la fiscalité dite « écologique
», les appellations de cette nature utilisées ces dernières années nous ont
laissé un goût amer - n'est-ce pas, cher collègue Serge Lepeltier ? -, puisque
nous nous sommes battus contre des fiscalités qualifiées d'« écologiques » mais
qui en réalité n'étaient que des fiscalités de rendement.
M. Gérard Longuet.
Tout à fait !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Elles n'avaient rien d'écologique puisqu'elles
s'alimentaient de la répétition des comportements les plus anti-écologiques que
l'on puisse concevoir.
M. Paul Loridant.
Diversion !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Puisque je me réfère à la plaidoirie qu'a prononcée à
juste titre Serge Lepeltier, il serait bon de replacer la mesure très ciblée
qui nous est soumise ce soir dans un cadre plus général !
S'agissant de cette mesure, il faut tenir compte des faiblesses de
raisonnement que l'on a pu noter, ainsi que du risque que représenterait une
législation sur mesure. Je me permets de le souligner, ce ne serait sans doute
pas à l'honneur de notre assemblée et du Parlement que d'être suspecté de
prendre une mesure presque
ad hominem,
pour une seule production, dans
un seul établissement de production.
Compte tenu de ces observations, tout en souscrivant aux orientations
générales en faveur d'une fiscalité plus écologique, il me semble, mes chers
collègues, dans l'intérêt même de ce que vous défendez, qu'il convient de
retirer les amendements. Nous pourrons alors engager une réflexion raisonnable
pour aller dans le sens que vous souhaitez, mais, très sincèrement, en ne
passant pas par des chemins aussi contestables sur le plan du droit fiscal et
des détournements de concurrence.
Enfin, bien sûr, quel que soit le coût budgétaire de cette mesure, je
comprends que le ministre du budget soit extrêmement vigilant, compte tenu de
ses responsabilités si difficiles, compte tenu de toutes les pressions
auxquelles il est sujet pour accroître sans cesse les dépenses publiques tout
en réduisant les recettes. Il est le gardien du déficit et il ne peut pas le
laisser dériver au-delà de montants qui sont déjà trop élevés.
Pour l'ensemble de ces raisons, mes chers collègues, ne m'en veuillez pas si
j'interviens de manière insistante pour solliciter le retrait des amendements.
Si ce retrait n'intervenait pas, il faudrait, comme l'a demandé le ministre
délégué au budget, se prononcer par scrutin public. Or je ne crois vraiment pas
qu'un tel vote puisse être considéré comme un vote positif dans le cadre du
combat que vous menez, qui, placé sur un plan plus large, est le combat
honorable et nécessaire en faveur d'une fiscalité écologique.
M. le président.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
A la suite des propos que vient de tenir M. le
rapporteur général, j'indique que le Gouvernement est à la disposition de la
commission des finances pour lui présenter toutes informations utiles.
Par ailleurs, j'apporterai deux éléments complémentaires au débat.
En premier lieu, si l'on décide d'élargir le bénéfice du droit à déduction, on
ne pourra plus revenir en arrière par la suite.
En second lieu, je souligne, en réponse à M. Charasse, que l'Allemagne a en
effet modifié le taux du droit à déduction. Or elle est aujourd'hui confrontée
à un contentieux devant la juridiction communautaire. Nous devons donc être
très prudents en la matière.
Quoi qu'il en soit, l'intervention de M. le rapporteur général est frappée au
coin du bon sens. Nous sommes, je le répète, à la disposition de la commission
des finances pour lui donner tous les éléments d'information nécessaires, et si
les auteurs des amendements persistent dans leurs intentions au vu de ces
derniers, le problème sera tranché à l'occasion de l'examen du collectif
budgétaire.
En tout état de cause, il ne serait pas raisonnable d'introduire dans le
projet de loi de finances un dispositif qui n'est, à l'évidence, pas abouti.
Cela me conduit à confirmer que le Gouvernement demandera un vote par scrutin
public si les amendements n°s I-19 et I-71 ne sont pas retirés.
M. le président.
Monsieur Masson, l'amendement n° I-19 est-il oui ou non maintenu ?
M. Jean-Louis Masson.
Monsieur le président, je regrette vivement de ne pas pouvoir m'exprimer
autrement que par « oui » ou par « non » !
M. le président.
Monsieur Masson, vous autoriser à vous exprimer plus longuement reviendrait à
relancer le débat. Or j'ai le souci de l'équité.
M. Jean-Louis Masson.
C'est tout de même dommage, car il aurait été satisfaisant, sur le plan
intellectuel, de pouvoir répondre aux arguments qui ont été avancés. Cela ne
m'est pas permis, dont acte !
Quoi qu'il en soit, on nous explique que l'on craint des dérives à long terme.
Par conséquent, je suis disposé, éventuellement, à accepter une rectification
de l'amendement visant à prévoir que la disposition s'appliquera pendant deux
ans.
Faute d'une telle proposition, je maintiendrai mon amendement dans sa
rédaction actuelle.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis,
président de la commission.
Je voudrais joindre ma voix à celles du
rapporteur général et du ministre délégué.
En matière de TVA, mes chers collègues, nous devons être extrêmement prudents.
Certes, il est toujours très tentant de faire passer de 19,6 % à 5,5 % le taux
de la TVA applicable à certains biens ou services ou même, pourquoi pas, de
prévoir une exonération totale. Je vous rends cependant attentifs au fait que,
dans une économie qui se mondialise, l'impôt sur la consommation est appelé à
demeurer une ressource significative aussi bien pour le budget de l'Etat que
pour le financement de la protection sociale.
Avant d'ouvrir une nouvelle brèche, nous devons donc bien réfléchir, car nous
risquons de priver progressivement l'Etat de ses ressources et d'aggraver les
dysfonctionnements de la sphère publique.
M. Charasse a évoqué tout à l'heure le problème des bûches, je prendrai pour
ma part l'exemple du passager d'un TGV qui, ayant passé commande dans la
voiture-bar, s'entend demander par l'hôtesse s'il compte consommer sur place ou
dans son compartiment : dans un cas, le taux de la TVA sera de 19,6 % ; dans
l'autre, il sera de 5,5 % ; mais de toute façon le prix payé par le
consommateur sera le même. C'est dire si nos pratiques présentent des anomalies
! Peut-être est-ce la conséquence d'un accord discret entre le ministère de
l'économie, des finances et de l'industrie et la société gestionnaire des
services de restauration dans les TGV, toujours est-il qu'il en est ainsi...
Sur le ticket de caisse apparaîtront des taux de TVA différents selon les cas,
mais le prix acquitté par le consommateur, étrangement, ne changera pas.
M. Denis Badré.
C'est comme pour la restauration rapide !
M. Jean Arthuis,
président de la commission.
S'agissant des véhicules d'entreprise, je
pense que nous devons en rester à la règle, sinon nous commettrons un acte
législatif critiquable. Le Gouvernement étant d'accord pour engager la
réflexion, j'invite le Sénat à repousser les amendements n°s I-19 et I-71 s'ils
devaient être maintenus.
M. le président.
L'amendement n° I-71 est-il oui ou non maintenu, monsieur Masseret ?
M. Jean-Pierre Masseret.
Faisant miennes les observations de M. Masson, je retire cet amendement : même
si je conteste le Gouvernement, j'accepte l'idée d'un approfondissement de la
question.
M. Thierry Foucaud.
M. Masson n'a pas retiré son amendement !
M. Jean-Pierre Masseret.
Je le sais bien, mon cher collègue, mais pour ma part je retire le mien au
bénéfice des explications que le Gouvernement nous a données. En effet,
celui-ci s'est engagé à reprendre le problème et à nous fournir des
informations lors de l'examen du collectif budgétaire. Ce n'est pas parce que
je conteste un certain nombre de prises de position du Gouvernement que je me
refuse
a priori
à lui faire confiance aujourd'hui.
M. le président.
L'amendement n° I-71 est retiré.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président.
La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse.
J'ai entendu M. le ministre nous expliquer, voilà un instant, que l'Allemagne,
qui a adopté des dispositions similaires à celles qui nous sont présentées par
le biais des amendements en discussion, fait actuellement l'objet d'un
contentieux devant la Cour de justice des Communautés européennes.
Mon rappel au règlement tient au fait que, les traités ayant une valeur
supérieure à celle des lois, nous ne pouvons pas, en principe, voter de mesures
« euro-incompatibles ». Le problème est là !
Dans ces conditions, monsieur le président, comment en sortir ? Soit nous
votons l'amendement de M. Masson, mais alors nous commettrons une erreur
vis-à-vis de la Constitution ; soit je dépose un sous-amendement affectant
l'amendement n° I-19 et tendant à remplacer les mots : « à compter du 1er
janvier 2003 cesse » par le mot : « cessera » et à compléter la rédaction
proposée pour l'article 273
septies
A
bis
par les mots : « à une
date qui sera fixée par décret après consultation de la Commission de l'Union
européenne ».
M. Jean-Louis Masson.
Très bien ! Je suis tout à fait d'accord !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Alors nous voilà tranquilles !
(Sourires.)
M. Michel Charasse.
Non, cela peut aller très vite !
Quoi qu'il en soit, je voudrais savoir si la mesure est euro compatible ou pas
! Là est le problème !
M. Jean-Louis Masson.
Très bien !
M. le président.
Monsieur Charasse, nous n'allons pas rouvrir le débat ! L'amendement n° I-19
ayant été maintenu, je vais maintenant le mettre aux voix.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public, émanant l'une de la
commission et l'autre du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du
règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 54 :
Nombre de votants | 314 |
Nombre de suffrages exprimés | 200 |
Majorité absolue des suffrages | 101 |
Pour l'adoption | 11 |
Contre | 189 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Monsieur Masson, maintenez-vous l'amendement n° I-24 ?
M. Jean-Louis Masson. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° I-24 est retiré.
L'amendement n° I-165 rectifié, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 278 du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Art. 278. - A compter du 1er janvier 2003, le taux normal de la TVA est fixé à 18,6 %. »
« II. - Le taux de l'impôt sur les sociétés est relevé à due concurrence. Le taux des deux plus hautes tranches de l'impôt est relevé à due concurrence. »
La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Par cet amendement, nous demandons, comme nous l'avons déjà fait à maintes reprises, l'abaissement du taux normal de la TVA de 19,6 % à 18,6 %. La mesure que nous présentons prend l'exact contre-pied de la baisse de l'impôt sur le revenu que vous avez fait voter, messieurs les ministres. Elle traduit notre choix en faveur d'une relance de la croissance par la justice fiscale et le soutien à la consommation populaire.
Je rappellerai, une fois de plus, combien la fiscalité indirecte, notamment la TVA, est injuste, je dirai même perfide, et combien elle pénalise les ménages les plus modestes.
L'enquête de l'INSEE sur le budget des familles citée dans le rapport de 1999 du Conseil des impôts sur la TVA estime à 13 % la part du revenu d'un ménage gagnant 9 000 euros par an prélevée par le biais de la TVA ; cette part est inférieure à 7 % pour un ménage dont les ressources dépassent 70 000 euros par an.
Monsieur le ministre délégué, nous vous avons entendu répéter ici que la baisse de l'impôt sur le revenu était un signal adressé à ceux qui vivent des revenus de leur travail : cela ne me semble pas exact.
Les contribuables les plus aisés, qui en profiteront le plus, par exemple ceux qui sont concernés par le taux marginal et qui gagneront globalement, grâce à vous, 550 millions d'euros, sont en effet aussi ceux pour lesquels les salaires représentent une moindre part du revenu total : 43 % de celui-ci, contre 64 % en moyenne.
La baisse de la TVA, au contraire, profiterait avant tout à ceux de nos concitoyens qui se serrent la ceinture tous les jours, en premier lieu aux salariés dont les revenus sont les plus modestes et dont la propension à consommer est la plus forte. Ces derniers n'utiliseraient pas le bénéfice retiré de la baisse de la TVA pour spéculer...
La mesure que nous préconisons constitue un soutien direct à la consommation populaire, moteur d'une croissance saine et créatrice d'emplois stables.
Alors que vous allégez le seul impôt progressif, donc juste, de notre fiscalité, nous combattons, pour notre part, le plus injuste d'entre tous les impôts. Dois-je répéter également, n'en déplaise à certains de nos collègues toujours prêts à s'appuyer sur des comparaisons internationales - plus ou moins fumeuses d'ailleurs - pour justifier le dumping social et fiscal que le taux normal de la TVA en France est supérieur à celui de nos principaux partenaires européens - il est de 17,5 % en Grande-Bretagne, de 16 % en Allemagne -, et qu'il se situe très au-delà du taux plancher prévu pour l'Union européenne, c'est-à-dire 15 % ? La baisse du taux de la TVA dans notre pays irait donc dans le sens de l'harmonisation européenne que vous préconisez par ailleurs !
J'ajouterai que le coût de la mesure que nous présentons et qui vise à revenir au taux normal de la TVA antérieur à l'augmentation décidée en 1995 par le gouvernement d'Alain Juppé est sensiblement inférieur - il est de moins de 2 milliards d'euros - au coût cumulé des abaissements d'impôt sur le revenu prévus et qu'il grèverait moins les dépenses publiques et sociales de l'Etat, pour une plus grande efficacité économique.
Je contrerai enfin l'argument que l'on nous oppose généralement et selon lequel la baisse de la TVA serait en grande partie annulée par l'augmentation des marges. Outre qu'il témoigne du peu de confiance accordé à certains acteurs économiques, il est démenti par l'enquête effectuée, en 2000, par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes après l'abaissement du taux normal de la TVA de 20,6 % à 19,6 %. Ce dernier avait entraîné, dans l'année, une baisse de 0,8 % des prix des produits et des services concernés, l'ensemble des prix, y compris dans la distribution générale, reflétant cette baisse, au moins à moyen terme.
C'est au bénéfice de tous ces éléments, chers collègues, que nous vous invitons à adopter l'amendement n° I-165.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission se demande si cet amendement est vraiment d'actualité.
Mme Marie-Claude Beaudeau. C'est tout ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Le coût de la mesure présentée est très élevé, alors même, vous le savez, que la situation des finances publiques est très tendue. (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
Mes chers collègues, si vous voulez une réponse plus détaillée,...
Mme Marie-Claude Beaudeau et M. Thierry Foucaud. Oui !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... je vous renvoie aux conséquences de la dernière mesure de baisse d'un point du taux de la TVA, prise par le gouvernement de M. Jospin, voilà quelques années.
M. Denis Badré. Cinq milliards d'euros !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Elle a coûté cher : cinq milliards d'euros, comme le rappelle très opportunément M. Badré. Pour quel résultat ? Je vous pose la question !
M. Jean-Pierre Masseret. Pour soutenir la consommation !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Défavorable.
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud. Je suis étonné de la réponse de M. le rapporteur général, car elle est identique à celle que nous avait faite le ministre des finances, l'an dernier, lorsque nous avions demandé, déjà, l'abaissement d'un point du taux normal de la TVA.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous voyez bien que ce n'est pas une réponse sectaire ! (Sourires.)
M. Thierry Foucaud. Il est quand même très surprenant que la Haute Assemblée préfère de beaucoup s'interroger sur l'impôt de solidarité sur la fortune ou défendre la réduction de l'impôt sur le revenu plutôt que de consacrer ses débats à l'avenir de la fiscalité indirecte. On sait pourtant - tous les rapports publiés sur la question le prouvent -, que la fiscalité indirecte est le facteur essentiel d'inégalité fiscale, car elle pèse plus lourdement sur le budget des plus modestes de nos concitoyens que sur celui des ménages les plus aisés.
Mais, on l'aura compris, telle n'est pas l'orientation du débat. M. le rapporteur général vient d'ailleurs de le rappeler : il préfère réduire l'ISF et l'impôt sur le revenu, s'agissant notamment des tranches les plus élevées du barème.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-165 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I-37, présenté par MM. Ostermann, Bailly, Besse, Bizet, de Broissia, Del Picchia, Doublet, Fournier, Karoutchi, Murat, Peyrat, de Richemont, Rispat, Trillard et Valade, est ainsi libellé :
« Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le 2° de l'article 278 bis du code général des impôts est ainsi rédigé :
« 2° Produits destinés à l'alimentation humaine à l'exception du caviar. »
« II. - La perte de recettes pour l'Etat résultant du I ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° I-166, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le 2° de l'article 278 bis du code général des impôts est ainsi rédigé :
« 2° sur l'ensemble des produits destinés à l'alimentation. »
« II. - Le taux de l'impôt sur les sociétés est relevé à due concurrence. »
L'amendement n° I-74, présenté par M. Pelchat et les membres du groupe des Républicains et Indépendants, est ainsi libellé :
« Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le premier alinéa du 2° de l'article 278 bis du code général des impôts, après les mots : "produits destinés à l'alimentation humaine à l'exception" sont ajoutés les mots : ", et sous réserve que les dispositions suivantes ne soient pas contraires au principe d'égalité devant les charges publiques". »
Les deux derniers amendements sont identiques.
L'amendement n° I-75 rectifié est présenté par MM. Pelchat, Pintat et les membres du groupe des Républicains et Indépendants.
L'amendement n° I-204 rectifié est présenté par M. Détraigne, Mme Férat, MM. Moinard et Badré.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Les deuxième (a) , troisième (b) , et quatrième (c) alinéas du 2° de l'article 278 bis du code général des impôts sont supprimés.
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits sur les tabacs visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Bernard Murat, pour défendre l'amendement n° I-37.
M. Bernard Murat. Il devient quelque peu difficile de défendre nos amendements, car nous finissons par avoir l'impression d'agresser en permanence les ministres qui sont au banc du Gouvernement (M. le ministre délégué fait un geste de dénégation) ; or croyez bien que telle n'est pas du tout notre intention ! Nous essayons de faire avancer les débats et, année après année, c'est bien souvent que nous examinons des amendements similaires.
Tout à l'heure, il a été question de la bûche de bois de Michel Charasse ; pour ma part, j'évoquerai plutôt la bûche de Noël ! En effet, je souhaite revenir une fois encore sur le problème de la TVA portant sur les produits alimentaires qui, à l'exception du chocolat et de la confiserie en tout ou partie, de la margarine et des graisses végétales, qui restent soumis au taux normal de 19,6 %, relèvent du taux réduit de TVA.
Une telle différence de taxation entraîne des distorsions de concurrence préjudiciables au bon fonctionnement du marché intérieur européen, ainsi que de nombreux conflits d'interprétation relatifs à la composition des différents produits concernés.
Afin de remédier à ces conséquences néfastes pour nombre de petites et moyennes entreprises, le présent amendement vise à instaurer des baisses de TVA ciblées sur ces produits devenus de consommation courante.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau, pour présenter l'amendement n° I-166.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Partant du constat que les produits destinés à l'alimentation ne font pas tous l'objet d'une taxation à 5,5 %, nous vous proposons de rendre plus cohérent l'article 278 bis du code général des impôts, qui ne mérite pas de nous faire sourire par des digressions devenues ici traditionnelles. En effet, le chocolat - quelle que soit la forme sous laquelle il est présenté - et la margarine sont désormais des produits de consommation courante.
Il faut également éviter de prendre prétexte des difficultés communautaires et de se réfugier derrière des paravents europens. Il nous est possible de voter librement et souverainement cet amendement, et nous pouvons prendre une telle décision sans attendre, messieurs les ministres !
Cette décision de cohérence ne serait-elle pas également efficace sur un plan économique ? On voit bien, en cette fin d'année, l'obstacle que constitue le prix de vente des confiseries et des chocolats. Faire baisser leur prix permettrait d'en vendre davantage ! On oublie trop souvent que plus de consommation, c'est plus de chiffre d'affaires, plus de rentrées de recettes fiscales et, par là même, plus de production. En cette période de ralentissement de la croissance, une telle conséquence ne serait pas superflue !
Monsieur le ministre, la consommation plie mais ne rompt pas... pour le moment : l'OCDE vient d'indiquer que la consommation des ménages se redresse légèrement. Les économistes pensent qu'un rebond est possible qui permettrait à la consommation de tirer la croissance, alors que, malheureusement, les investissements des entreprises marquent le pas. C'est parce que nous n'oublions pas les liens très forts qui unissent consommation et croissance que nous défendons cet amendement.
La consommation des ménages a augmenté de près de 4 %, en moyenne annuelle, de 1998 à 2001, contre 1,3 % de 1987 à 1997.
C'est la solidité de la consommation qui a jusqu'ici amorti ce que j'appelle avec vous le « creux conjoncturel ». Ainsi, la viande représente un quart du budget alimentaire des familles. La part des produits laitiers augmente légèrement, celle des produits à base de farine diminue. Quant aux confiseries et au chocolat, la progression est réelle - l'évolution de la maladie du diabète le confirme d'ailleurs malheureusement !
M. Jean Arthuis, président de la commission. C'est ennuyeux !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Ne faut-il pas adapter l'offre non seulement aux besoins, mais aussi aux possibilités ? Tout commande donc que le taux de la TVA soit encore réduit pour les produits alimentaires qui, jusqu'ici, échappaient à cette baisse.
Reste à résoudre la question du coût de cet amendement, qui, je vous l'accorde, s'élève à 400 millions d'euros environ. Mais je n'ai pas eu la possibilité de faire confirmer ce chiffre. La force de notre proposition de gage est évidente. Le taux de l'impôt sur les sociétés serait relevé à due concurrence, et notre amendement tient compte des baisses intervenues ces dernières années.
Sur un plan plus général, il représente, je crois, un facteur de justice sociale : les plus aisés dans notre pays ont bénéficié d'une baisse de l'impôt ; cette baisse de l'impôt sur l'ensemble des produits alimentaires constituerait-elle aussi un élément de justice fiscale, tout en contribuant à la relance de la consommation et à la progression de la croissance.
M. le président. La parole est à M. Roland du Luart, pour défendre les amendements n°s I-74 et I-75 rectifié.
M. Roland du Luart. Alors que, depuis de nombreuses années, le Parlement soulève le problème des discriminations fiscales dans le secteur alimentaire, le traitement de cette question est systématiquement repoussé.
Dès lors, l'amendement n° I-74 tend à permettre l'examen de la constitutionnalité des dispositions prévues à l'article 278 bis du code général des impôts en subordonnant leur application à leur conformité au principe d'égalité devant les charges publiques. Le Sénat ne saurait s'opposer à son adoption, sauf à souhaiter que le Conseil constitutionnel ne puisse disposer des moyens de se prononcer sur la conformité de ces dispositions aux principes généraux du droit, c'est-à-dire à entraver le contrôle de constitutionnalité d'une disposition controversée.
L'amendement n° I-75 rectifié, quant à lui, vise à appliquer au chocolat, aux produits de confiserie ainsi qu'aux margarines et graisses végétales le taux de TVA réduit applicable aux autres produits alimentaires.
Il tend ainsi à mettre fin à une incohérence de la fiscalité française, puisque, dans l'état actuel de la législation, 98 % des produits alimentaires - dont le foie gras et les langoustes - sont soumis au taux réduit de TVA de 5,5 %, le chocolat et la confiserie ainsi que la margarine et les graisses végétales demeurant soumis, par exception à ce principe, au taux normal de 19,6 %. Or ces produits sont aujourd'hui des produits de consommation courante et non plus des produits de luxe.
Il convient donc de corriger cette situation injuste et d'appliquer le même taux de TVA réduit à l'ensemble des produits alimentaires, sans distinction.
M. le président. La parole est à M. Denis Badré, pour présenter l'amendement n° I-204 rectifié.
M. Denis Badré. Le rapport que j'ai eu l'honneur de signer, il y a de cela trois ou quatre ans, et qui a servi de « bible » à nos débats sur la possibilité de passer au taux réduit de TVA pour un certain nombre de produits ou de services...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Une bible, assurément !
M. Denis Badré. ... fixait exactement ce qui était euro-compatible et ce qui ne l'était pas. Il faisait donc la part entre ce qui relevait de la responsabilité de Bruxelles et ce qui relevait de la responsabilité du gouvernement français, qui peut ensuite, en fonction de ses moyens, choisir telle ou telle priorité.
Sur le sujet particulier, le rapport soulignait que de nombreuses difficultés apparaissent là où les limites sont imprécisément dessinées. En réponse à la question que posait notre collègue Mme Beaudeau tout à l'heure, je confirme que le chocolat, la margarine et certains autres produits alimentaires ne soulèvent aucune difficulté de la part de Bruxelles : nous pouvons faire ce que nous voulons, et c'est devant un choix franco-français que nous sommes placés.
En revanche, qui dit limites dit difficultés. Pour ce qui est du chocolat, les limites tiennent au fait que l'on ne sait pas très bien à partir de quand il s'agit d'un produit de confiserie - tablette ou autres -, ce qui entraîne des problèmes sans fin. J'ajoute, prolongeant la réflexion, que l'on rencontre également des difficutés de distorsion de concurrence, aux frontières et ailleurs.
La question se pose donc réellement, mais, malheureusement, il est clair que la réponse que propose notre collègue coûterait cher au budget français. J'avais déposé des amendements en ce sens les années précédentes, lorsque la conjoncture et la croissance nous permettaient de régler ce sujet. Ils n'ont pas été retenus à l'époque, et je le regrette.
Je ne peux pas, sauf à être incohérent avec les positions qui ont été les miennes les années précédentes, ne pas rappeler que le problème est réel. C'est pourquoi j'ai cosigné cet amendement - c'est d'ailleurs la seule raison de la rectification dont il a fait l'objet -, ce qui me permet de souligner l'importance du sujet et de montrer que nous n'aurons plus de difficultés dans le domaine alimentaire, qu'il s'agisse de chocolat ou de restauration, le jour où nous aurons supprimé ces limites artificielles et difficiles à cerner et lorsque tout ce qui est alimentaire, transformé ou non, servi à la place ou non, dans les wagons-restaurants ou à la place dans les trains, comme le rappelait le président de la commission des finances tout à l'heure, constituera une seule catégorie.
La mesure aura un certain coût, et c'est pourquoi je demande instamment au Gouvernement, qui a pris un engagement pour la restauration, d'adopter la même démarche, dès que ce sera possible, pour les derniers reliquats de produits alimentaires, chocolat ou margarine.
Je souhaite que ce problème soit traité dès que la France aura les moyens de le faire, et c'est pourquoi j'ai tenu à m'associer de nouveau à cet amendement.
Cela étant, si M. le ministre et M. le rapporteur général me demandent de le retirer, je le dis dès maintenant, je le retirerai ; mais vous aviez bien compris que telle serait la conclusion de mon intervention.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Puisque nous abordons la discussion relative aux taux de TVA, mon propos revêtira un caractère quelque peu général.
Le vrai problème, le problème stratégique, c'est la hiérarchie des taux de TVA...
M. Yves Fréville. Tout à fait !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... et la répartition des produits et des services entre les différents paliers.
Si je ne m'abuse, la Commission européenne met actuellement en chantier de nouvelles réflexions qui devraient être soumises aux Etats membres, MM. les ministres le savent mieux que moi. Il conviendra donc que la France sache où est son intérêt et qu'elle prépare suffisamment en amont les positions qui lui sembleront être bonnes pour elle.
Les critères d'examen de ce problème sont doubles. D'un côté, il faut avoir le souci de l'égalité pour traiter les branches professionnelles à égalité ; de l'autre côté, il ne faut pas obérer excessivement le budget de l'Etat. En d'autres termes, nous ne devons pas nous priver de ressources dont nous avons par ailleurs cruellement besoin pour équilibrer l'ensemble des budgets et des comptes de l'Etat. Il nous faut engager la réflexion sur le devenir de la hiérarchie des taux avec le plus grand sérieux, afin d'être en mesure de prendre éventuellement en compte de nouvelles propositions tout en respectant l'intérêt de nos finances publiques et le souci de l'équité.
Tels sont les éléments d'ordre général que je tenais à rappeler avant de détailler les différents aspects de la TVA.
Mes chers collègues, j'attire votre attention sur le fait que nous n'avons plus les marges de manoeuvre qui existaient en 1998 et en 1999. La « bible », comme l'a lui-même désignée notre excellent collègue Denis Badré - avec le sourire qui est toujours le sien -, s'intitule Comment baisser le taux de TVA et a été élaborée pendant la session de 1998-1999, à l'époque où existaient ces marges de manoeuvre dont nous ne disposons plus aujourd'hui.
M. Roland du Luart. Hélas !
M. Philippe Marini, rapporteur général. « Hélas ! », dit en écho notre collègue M. Roland du Luart.
Nous ne pouvons pas, mes chers collègues, la situation ayant évolué, reprendre sans cesse les mêmes antiennes, les mêmes raisonnements, les mêmes amendements, comme si entre-temps rien ne se passait ou ne s'était passé.
Je tiens à rappeler que, depuis la publication de ce rapport, nous n'avons pas eu connaissance, monsieur le ministre, de nouveaux éléments d'appréciation ou d'évaluation des pertes fiscales susceptibles d'être constatées par l'Etat. Je reprends donc les chiffres de M. Badré, puisque je n'en ai pas de plus récents, si bien que je parlerai encore en francs.
L'application du taux réduit coûterait ainsi 457 millions de francs par an pour la margarine et les graisses végétales ; elle représenterait une perte de 3,2 milliards de francs pour l'ensemble des produits de confiserie et le chocolat et pour les produits de toute nature, dont 400 millions de francs pour le seul chocolat au lait. Sans doute serait-il précieux de disposer d'estimations actualisées au moment de nous prononcer sur les différents amendements qui ont été formulés !
Quant aux amendements qui viennent d'être exposés, la commission en souhaite bien sûr le retrait. Elle considère comme positif que leurs auteurs aient exprimé leurs préoccupations, mais elle souhaite ardemment que le Gouvernement énonce une stratégie en matière de taux de TVA : quels sont, messieurs les ministres, les objectifs que vous vous fixez ? Quelle est, dans le concert européen, la position que vous envisagez pour notre pays ?
Voyez-vous toujours un taux réduit à 5,5 % ? Envisagez-vous des taux intermédiaires ? Combien de paliers ?...
Ce sont des questions de fond. Peut-être ne pouvez-vous pas répondre à toutes ce soir, car j'imagine qu'un certain nombre d'arbitrages ne sont pas encore intervenus, mais ne tournons pas autour du pot ! Ce sont bien les vraies questions, celles qu'il faudra trancher. Dites-nous, je vous prie, dans quel esprit vous abordez ce sujet et si vous pouvez donner un peu d'espoir, même partiel, à tous les estimables chocolatiers, confiseurs, fabricants de margarine et autres professionnels particulièrement honorables dont la Haute Assemblée se soucie au premier chef.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Il y a d'abord les clients !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission. Comme M. le rapporteur général, je voudrais interroger le Gouvernement. Je pense en effet que nous aurons du mal à supporter l'écart appliqué en France entre le taux normal de 19,6 % et le taux réduit de 5,5 %. On sent bien qu'une pression s'exerce en faveur de la réduction des taux les différentes professions se préparent à revendiquer pour obtenir satisfaction.
Je ne vais pas revenir sur le contexte historique de la directive européenne de 1991, mais convenons qu'elle n'est pas adaptée à la situation.
La TVA est un impôt de consommation et la ressource qu'elle engendre doit revenir à l'Etat où résident les consommateurs, même si des arbitrages peuvent intervenir aux frontières.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, ne serait-il pas opportun de demander, à l'échelon européen, l'ouverture d'une négociation afin de revoir cette directive et d'instituer un taux intermédiaire qui pourrait s'élever à 10 % ou 12 % ? Si l'on veut procéder à des aménagements de notre barème de TVA, il me paraît indispensable qu'il y ait un taux intermédiaire, faute de quoi nous obtiendrons de bien médiocres résultats. Je ne vois pas au nom de quoi nos partenaires européens pourraient critiquer le fait que nous demandions la fixation de trois taux de TVA !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Je vais essayer de faire le lien entre tous les échanges qui viennent d'avoir lieu.
Tout d'abord, monsieur Murat, je tiens à vous dire que l'on ne se sent absolument pas assiégé quand on se trouve au banc du Gouvernement ou à celui de la commission. Il est tout à fait légitime que le débat ait lieu. Ce qui compte, c'est que les Français sentent leurs préoccupations exprimées par la représentation nationale et que celle-ci reçoive du Gouvernement les informations qui lui sont utiles pour former son propre jugement.
Au demeurant, comme M. le rapporteur général l'a rappelé il y a un instant, nous nous trouvons au centre d'un faisceau de contraintes contradictoires : chaque fois que nous diminuons les prélèvements, cette baisse influe sur le déficit alors que notre préoccupation commune est de réduire celui-ci.
Quoi qu'il en soit, tous les échanges auxquels nous nous livrons, les uns et les autres, sont de nature à éclairer nos compatriotes, et tel est notre rôle.
Marie-Claude Beaudeau a raison de dire que nous ne devons pas nous réfugier derrière la réglementation européenne pour esquiver nos responsabilités politiques. Mais, madame la sénatrice, aucune réglementation communautaire ne s'oppose à l'amendement que vous avez déposé, même si je vais émettre un avis défavorable à son encontre !
Je vais maintenant répondre à M. le rapporteur général et à M. le président de la commission des finances.
Vous avez raison, créer des taux intermédiaires, entre 8 % et 12 % environ, est sans doute une bonne idée. Nous pourrons la présenter à la Commission, qui n'est pas opposée au principe de l'ouverture d'une discussion. Il s'agit en fait, comme vous l'avez souligné, de limiter la pression liée à l'écart de 10 à 15 points entre le taux normal et le taux réduit, écart qui est devenu insupportable. Il s'agit aussi de revoir la hiérarchie des taux.
Une note est en préparation sur le sujet. Nous pourrons ainsi, monsieur le rapporteur général, vous fournir l'ensemble des informations à jour.
Vous êtes allés plus loin dans vos interrogations, puisque vous nous avez demandé quelle était notre stratégie.
Je vais être très loyal avec vous : cette stratégie est difficile à élaborer dès lors que nous sommes enserrés dans le faisceau de contraintes que vous connaissez mieux que personne. Le programme fiscal que nous souhaitons développer dans les années qui viennent pourra être réalisé en fonction des marges de manoeuvre que nous réussirons à dégager. Il est un peu trop tôt pour que nous puissions vous éclairer de manière définitive sur les pistes que nous pourrons ouvrir.
Ces voies sont d'ailleurs à débattre entre nous. Nous avons toujours veillé à nouer cet échange direct, et nous sommes, Francis Mer et moi, à votre disposition pour discuter avec vous des évolutions possibles du taux de TVA.
Bref, monsieur le président, pour l'instant, je souhaite le retrait des différents amendements, tout en comprenant parfaitement l'objectif poursuivi par leurs auteurs. Ce sont des raisons purement budgétaires qui conduisent le Gouvernement à émettre cet avis défavorable.
M. le président. Mes chers collègues, accédez-vous au souhait de M. le ministre ?
M. Bernard Murat. Je retire l'amendement n° I-37.
M. Roland du Luart. Je retire les amendements n°s I-74 et I-75 rectifié.
M. Denis Badré. Je retire l'amendement n° I-204 rectifié.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Pour ma part, je maintiens l'amendement n° I-166.
M. le président. Les amendements n°s I-37, I-74, I-75 rectifié et I-204 rectifié sont retirés.
Je mets aux voix l'amendement n° I-166.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Daniel Hoeffel.)
PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL
vice-président
M. le président.
La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 2003, adopté
par l'Assemblée nationale.
Je vous rappelle que les articles et les amendements tendant à insérer des
articles additionnels relatif aux collectivités locales seront examinés demain,
mardi 26 novembre.
Dans la discussion des articles de la première partie, nous poursuivons
l'examen des amendements tendant à insérer des articles additionnels après
l'article 9.
L'amendement n° I-164, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le 3°
bis
de l'article 278
bis
du code général des impôts
est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« ... gaz naturel utilisé comme combustible et consommation d'électricité dans
la limite de 5 000 kwh/an. »
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I
ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe
additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts. »
La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Cet amendement vise à appliquer à la consommation domestique d'électricité et
de gaz le taux réduit de TVA.
Il s'agit d'abord, tout comme la baisse du taux normal de TVA que nous avons
réclamée, d'une mesure propre à soutenir la consommation populaire, qui
constitue, à nos yeux, une priorité pour entraîner une croissance saine,
durable et créatrice d'emplois.
Cette mesure nous paraît d'autant plus justifiée qu'électricité et gaz sont
incontestablement des produits de première nécessité.
Le coût du chauffage, notamment, pèse très lourd dans le budget des abonnés
aux revenus les plus modestes. La facture EDF d'un RMIste vivant dans un studio
chauffé à l'électricité peut représenter jusqu'à 10 % de son budget.
Je rappelle aussi que 12 % des Français renoncent au moins occasionnellement à
chauffer leur logement, faute de moyens, et que 5 % n'arrivent pas à régler
leurs factures EDF et GDF.
La loi de finances pour 1999 avait amorcé ce processus de baisse de la TVA que
nous préconisons en appliquant le taux réduit aux abonnements EDF et GDF, ce
qui représente environ, 700 millions d'euros par an. Cette disposition est
aujourd'hui attaquée par la Commission européenne, qui entend la faire annuler
au nom de l'unicité des taux pour un même type de prestations. A cette fin,
elle a saisi la Cour européenne de justice à l'encontre de notre pays.
Aussi, je vous demande, monsieur le ministre, de réaffirmer clairement le
maintien définitif de la disposition de justice sociale que constitue
l'application du taux réduit de TVA aux abonnements de gaz et d'électricité.
Je précise que l'application du taux réduits de TVA sur l'ensemble de la
consommation d'électricité fait partie des baisses de TVA déclarées «
eurocompatibles », ce qui donne la possibilité de « sortir par le haut » du
piège de Bruxelles.
Le coût de cette nouvelle mesure est estimé à 2 milliards d'euros,
c'est-à-dire nettement moins que le montant de la baisse de l'impôt sur le
revenu, dont nous avons déjà largement dénoncé l'inefficacité sur la
consommation et la croissance.
Le monopole de distribution de EDF et de GDF pour l'énergie domestique est une
garantie du plein effet de la mesure.
Je fais également observer que la très forte augmentation du prix du gaz
depuis plusieurs années - la dernière augmentation, le 1er novembre dernier, a
été de 3 % - a apporté à l'Etat un supplément susbtantiel de recettes de TVA
qu'il serait juste de restituer aux usagers.
En vertu des mêmes préoccupations vis-à-vis des usagers domestiques, je tiens
à exprimer mon inquiétude devant l'évolution de la politique tarifaire de EDF
et de GDF, en liaison avec la remise en cause progressive de leur statut
d'entreprise nationale et de leurs missions de service public.
GDF ne répercute plus automatiquement, il s'en faut, les baisses du cours du
brut sur ses tarifs domestiques, bien que ses contrats d'achat soient indexés
sur ce cours. L'abandon progressif du principe de péréquation tarifaire au
bénéfice des « clients éligibles », sur lesquels, par exemple, n'a pas été
reportée la dernière hausse du prix du gaz, pénalise scandaleusement les autres
usagers et donc, au premier chef, les ménages.
Nous aurons l'occasion d'intervenir à nouveau sur ces questions, qui sont
également au coeur du mouvement des électriciens et des gaziers contre la
privatisation rampante de leurs entreprises.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
L'avis de la commission est malheureusement
défavorable à cet amendement, pour des raisons qui sont strictement liées au
contexte budgétaire très difficile que nous connaissons.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Les abonnements à l'électricité et au gaz sont d'ores
et déjà soumis au taux réduit de la TVA. La mesure qui est proposée par Mme
Beaudeau aurait un coût budgétaire de 1,7 milliard d'euros, ce qui se situe
très au-dessus de nos marges de manoeuvre. Je la prie donc de bien vouloir
retirer son amendement, faute de quoi je devrai en demander le rejet.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-164.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
L'amendement n° I-70, présenté par MM. Miquel, Angels, Auban, Charasse,
Demerliat, Haut, Lise, Marc, Massion, Moreigne, Sergent et les membres du
groupe socialiste, est ainsi libellé :
« Après l'article 9 insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 278
bis
du code général des impôts est complété par un
alinéa ainsi rédigé :
« ...° Protections pour incontinence adulte. »
« II. - La perte de recettes résultant des dispositions du I est compensée à
due concurrence par l'institution d'une taxe additionnelle aux droits prévus
aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Jean-Pierre Demerliat.
M. Jean-Pierre Demerliat.
Les personnes âgées et les adultes handicapés qui souffrent d'incontinence
acquittent une TVA de 19,6 % sur leurs protections personnelles. Ce type de
produit étant, de toute évidence, de première nécessité, nous proposons, dans
un souci de justice sociale, d'y appliquer le taux de 5,5 %.
Nous voyons d'ailleurs là une mesure à prendre d'urgence eu égard à
l'importance croissante de la population de notre pays en état de dépendance
physique.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission note l'enjeu social ou tout simplement
humain qui est sous-jacent à cet amendement, et elle partage, bien sûr, les
préoccupations de ses auteurs.
Tout ce qui peut réduire les dépenses auxquelles doivent faire face des
personnes dépendantes est effectivement de nature à faciliter leur maintien à
domicile.
Cependant, on peut craindre que le coût budgétaire d'une telle mesure ne soit
significatif, et il me paraît difficile, dans ces conditions, d'émettre un avis
favorable. Je souhaiterais néanmoins connaître l'avis du Gouvernement sur cette
question.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
En raison de la sensibilité du sujet au regard des
personnes concernées, je tiens à dire à Jean-Pierre Demerliat que le
Gouvernement partage le souci qu'il a exprimé.
Je dois cependant rappeler que le taux réduit s'applique déjà à la plupart des
appareillages pour handicapés ainsi qu'à des équipements médicaux spéciaux, qui
sont conçus exclusivement pour compenser les incapacités graves dont souffrent
certains handicapés.
Ainsi que j'ai déjà eu l'occasion de le dire à l'Assemblée nationale, nous
nous heurtons, s'agissant de la mesure proposée, à une difficulté pratique : il
serait en effet quasiment impossible de ne pas l'étendre à l'ensemble des
produits similaires, notamment aux couches pour les jeunes enfants. Dès lors,
le coût budgétaire serait d'au moins 145 millions d'euros.
Puisque les évaluations que j'ai produites ont tout à l'heure été mises en
question, je précise bien que ces 145 millions d'euros ne représentent pas le
coût direct de votre amendement, monsieur Demerliat : ce montant inclut le coût
de l'inévitable extension de la mesure que vous préconisez aux couches pour les
jeunes enfants, car il est impossible de différencier les produits.
Pour cette raison, je suis conduit à solliciter le retrait de votre amendement
et, à défaut, son rejet.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-70.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
L'amendement n° I-46, présenté par M. Girod, est ainsi libellé :
« Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après le 3 du I de l'article 278
sexies
du code général des
impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 3
bis.
Le premier apport de logements sociaux à usage locatif dont la
construction a fait l'objet d'une livraison à soi-même mentionnée au 2 du
présent article, réalisé dans les cinq ans de l'achèvement de la construction
au profit d'un organisme d'habitations à loyer modéré visé à l'article L. 411-2
du code de la construction et de l'habitation, à la condition que l'acte
d'apport prévoie le transfert de la société cédante à la société bénéficiaire
de l'apport, du prêt prévu à l'article R. 331-1 du code précité et de la
convention mentionnée aux 3° et 5° de l'article L. 351-2 du même code. »
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat du I ci-dessus est
compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits
prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je le reprends, monsieur le président.
M. le président.
Il s'agit donc de l'amendement n° I-46 rectifié.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Notre collègue Paul Girod avait souhaité, par cet
amendement, aligner, du point de vue de la TVA, le régime des apports de
logements sociaux neufs sur celui des ventes de logements sociaux.
Il s'agit en quelque sorte de réparer un oubli. En effet, l'article 278
sexies
du code général des impôts soumet au taux réduit de TVA les
ventes de logements locatifs sociaux qui remplissent un certain nombre de
conditions : les logements visés doivent être conventionnés, bénéficier de
prêts aidés et avoir fait l'objet d'une décision favorable du préfet. Mais cet
article ne mentionne pas les apports de logements neufs d'une société d'HLM à
une autre.
Le transfert de logements sociaux à usage locatif dans les cinq ans qui
suivent sa construction - transfert entre deux organismes d'HLM par voie
d'apports en nature -, est une opération spécifique visant un immeuble précis
et dont l'objectif principal peut être de réorganiser le patrimoine pour lui
apporter plus de rationalité géographique et assurer une meilleure gestion de
l'ensemble.
La mesure ici proposée par notre collègue Paul Girod ne vise que les
organismes dont le capital est constitué en actions, c'est-à-dire les sociétés
anonymes d'HLM.
En 2000 et 2001, ce ne sont que cinquante à cent logements qui auraient fait
l'objet de tels apports en nature. Compte tenu du faible nombre de logements
concernés chaque année, il semble que la conséquence financière de la mesure
soit mineure. Monsieur le ministre, c'est naturellement l'une des raisons pour
lesquelles j'ai accepté, au nom de la commission, de soutenir cet amendement,
qui me paraît tout à fait raisonnable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Le Gouvernement est en effet favorable à cette demande,
mais il souhaitait que les organismes professionnels soient consultés et que
les dispositifs soient affinés. Compte tenu des précisions qui ont été
apportées par les organismes professionnels, - seul le premier apport est
concerné - et du fait que les conditions d'application du logement social
restent remplies, il m'est désormais possible d'émettre un avis favorable sur
l'amendement n° I-46 rectifié.
Par ailleurs, je lève le gage.
M. le président.
Il s'agit donc de l'amendement n° I-46 rectifié
bis
.
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 9.
L'amendement n° I-167, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 278
septies
du code général des impôts, il est
inséré un article ainsi rédigé :
«
Art. ... -
La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de 5,5 %
en ce qui concerne les opérations d'achat d'importations, d'acquisition
intracommunautaire, de courtage, ou de façon portant sur les casques
motocyclistes homologués et sur les sièges auto homologués pour enfants. »
« II. - Le taux de l'impôt sur les sociétés est relevé à due concurrence. »
La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Notre amendement a pour objet de porter le taux de TVA sur les casques
motocyclistes homologués et sur les sièges auto homologués pour enfant à 5,5 %.
Il ne s'agit pas, j'y insiste, de répondre à des demandes de sociétés
productrices de matériel voulant améliorer leur chiffre de vente. Je ne parle
évidemment au nom d'aucun lobby, si ce n'est celui de la sécurité publique. Je
me permettrais même de dire que je parle au nom du Président de la
République...
MM. Denis Badré et Jean-Jacques Hyest.
Oh !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
... qui a souhaité qu'une action nouvelle forte et responsable soit mise en
oeuvre pour faire diminuer le nombre des accidents et celui des victimes de la
route.
Notre amendement, s'il était adopté, ne ferait peut-être pas significativement
baisser le nombre des accidents, on a en effet vu, au cours de la dernière
période, qu'il ne diminuait que très peu. En revanche, il serait susceptible de
faire diminuer le nombre et la gravité des accidents pour deux types de
passagers d'engins les plus vulnérables.
La circulation et la sécurité des motocyclistes demeurent un problème majeur,
permanent, aggravé. Réduire la vitesse, protéger les voies de circulation sont,
bien entendu, des mesures préventives nécessaires, mais la protection des
motards par le port de casques sophistiqués de grande qualité permettrait de
réduire le nombre des victimes. Encore faut-il évidemment qu'ils soient
fabriqués et achetés.
L'incitation à rendre plus performants les casques est certainement un
objectif à faire valoir, à condition que le prix de vente reste accessible au
plus grand nombre. La baisse de la TVA va dans ce sens : le fait de passer son
taux de 19,6 % à 5,5 %, soit une baisse de quatorze points, a une répercussion
non négligeable sur les prix de matériels qui coûtent plusieurs centaines
d'euros. D'ailleurs, personne ne peut contester qu'un casque parfaitement
protecteur peut permettre de sauver une vie humaine.
Il faut donc prendre nos responsabilités.
Ce ne sont pas de pauvres arguments de non-compatibilité avec la
réglementation européenne qui aideront à sauver des vies humaines ! J'ose
espérer que ce ne sont pas uniquement des arguments de non-rentrées financières
qui pourront, monsieur le rapporteur général, être retenus. La vie n'a pas de
prix, même pour le budget de l'Etat, surtout pour le budget de l'Etat,
oserai-je dire.
Permettez-moi de noter que l'argument que vous avez avancé à l'Assemblée
nationale, monsieur le ministre, est quand même singulier. Il serait
incohérent, avez-vous dit, de faire pour les casques de moto ce que l'on ne
ferait pas pour d'autres équipements de sécurité !
Je souhaite améliorer tous les équipements de sécurité.
S'agissant des sièges auto pour enfants, la situation est encore plus
préoccupante, mais elle est évidemment perfectible.
Premièrement, les enfants doivent être protégés impérativement, et je ne
parlerai pas de ceux qui sont laissés sans protection - je pense à la ceinture
de sécurité - car, dans ce cas, la responsabilité incombe aux seuls
parents.
Deuxièmement, permettre l'acquisition et l'aménagement de dispositifs
protecteurs pour les sièges d'enfant nous concerne tous. Fabriquons donc des
protections performantes, à des coûts aussi abordables que possible.
Troisièmement, l'argument de la compatibilité européenne ne tient pas. Nous
sommes libres ! Vous avez, mes chers collègues, des petits-enfants - vous
faites souvent référence à eux lorsqu'il est question de l'avenir des retraites
- et je propose que nous les protégions.
J'ose espèrer, monsieur le ministre, que vous ne me demanderez pas de retirer
mon amendement, comme vous l'avez demandé à certains de mes collègues à
l'Assemblée nationale. Ce serait, à mon sens, moralement condamnable. En effet,
vous voulez de la cohérence, et je souhaite, comme vous, défendre la vie des
enfants de manière globale, certes, mais aussi ponctuelle, car selon moi, c'est
là l'expression de la vie.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission ne peut qu'être sensible au plaidoyer
de Marie-Claude Beaudeau...
M. Denis Badré.
Surtout quand il est fait au nom du Président de la République !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Un obstacle cependant demeure, au moins pour les
casques motocyclistes sinon pour les sièges d'enfant dans les voitures : c'est
la liste de l'annexe H de la sixième directive européenne de 1977 sur la TVA,
bien connue de notre collègue Denis Badré.
Il semble bien que, pour les casques, le passage au taux réduit ne soit pas
eurocompatible. Peut-être, monsieur le ministre, pourrez-vous nous dire si,
dans le cadre de prochaines négociations, surtout s'il devait y avoir un jour
un taux intermédiaire, il sera possible d'évoquer le cas de ces équipements de
sécurité sensibles compte tenu de l'insécurité routière dont de très nombreux
jeunes sont, hélas ! victimes chaque année.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Monsieur le président, vous me permettrez de peser
chaque mot, Mme Beaudeau m'ayant indiqué que j'avais déjà tenu des propos
moralement condamnables à l'Assemblée nationale et que mon argumentation était
singulière.
Je vais donc m'efforcer de lui transmettre des éléments objectifs : les
casques de moto, et plus généralement le matériel destiné à la sécurité des
personnes, notamment au transport des personnes, ne figurent pas sur la liste
des biens auxquels le droit communautaire autorise l'application du taux réduit
de la TVA, à la seule exception, en effet, des sièges d'enfant pour les
véhicules automobiles.
Toutefois, seule une révision globale et cohérente des règles de TVA en la
matière est envisageable. En effet, les mêmes questions ne manqueront pas
d'être posées pour d'autres matériels - et cela fait écho à la question de M.
le rapporteur général - qui participent aussi à un objectif de sécurité, qu'il
s'agisse des systèmes intégrés aux véhicules tels que les aides au freinage,
les antipatinages, les coussins gonflables, etc. ; et, de fil en aiguille,
pratiquement tous les équipements devraient se voir appliquer ce taux réduit de
TVA.
C'est ce qui me conduit, en espérant ne pas vous avoir choquée, madame
Beaudeau, à vous demander le retrait de votre amendement, faute de quoi j'y
serais défavorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-167.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je suis saisi de cinq amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° I-38, présenté par MM. Ostermann, Bailly, Besse et Bizet, Mme
Bout, MM. Del Picchia, Doublet, Dubrule, Fournier, Gérard, Karoutchi, Leclerc,
Murat et Natali, Mme Olin, MM. Peyrat, de Richemont, Rispat, Schosteck et
Valade, est ainsi libellé :
« Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après le
a quinquies
de l'article 279 du code général des
impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
«
a
sexies. Les prestations de restauration. »
« II. - La perte de recettes pour l'Etat résultant du I ci-dessus est
compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits
prévus aux articles 403, 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° I-49, présenté par M. Badré et les membres du groupe de
l'Union centriste, est ainsi libellé :
« Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 278
septies
du code général des impôts, il est
inséré un article 278
octies
ainsi rédigé :
«
Art. 278
octies. - La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux
de 5,5 % en ce qui concerne :
«
a)
La fourniture de repas à consommer sur place ;
«
b)
Les ventes de boissons non alcoolisées réalisées à l'occasion des
prestations visées au
a
ci-dessus. »
« II. - La perte de recettes générée par l'application des dispositions du I
ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe
additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts.
« III. - Les dispositions du I et II ci-dessus entreront en vigueur le 1er
juillet 2003. »
L'amendement n° I-50, présenté par M. Badré et les membres du groupe de
l'Union centriste, est ainsi libellé :
« Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 278
septies
du code général des impôts, il est
inséré un article 278
octies
ainsi rédigé :
«
Art. 278
octies. - La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux
de 5,5 % en ce qui concerne :
«
a)
La fourniture de repas à consommer sur place ;
«
b)
Les ventes de boissons non alcoolisées réalisées à l'occasion des
prestations visées au
a
ci-dessus. »
« II. - La perte de recettes générée par l'application des dispositions du I
ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe
additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts.
« III. - La date d'application du I ci-dessus sera fixée par décret. »
L'amendement n° I-68, présenté par MM. Miquel, Angels, Auban, Charasse,
Demerliat, Haut, Lise, Marc, Massion, Moreigne, Sergent et les membres du
groupe socialiste, est ainsi libellé :
« Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le
a quater
de l'article 279 du code général des impôts est
rétabli dans la rédaction suivante :
«
a quater
. La fourniture de repas à consommer sur place. »
« II. - Les pertes de recettes résultant des dispositions à I sont compensées
par le relèvement du taux de l'impôt sur les sociétés à due concurrence. »
L'amendement n° I-168, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le
a quater
de l'article 279 du code général des impôts est
rétabli dans la rédaction suivante :
«
a quater
. La fourniture de repas à consommer sur place. »
« II. - Le taux de l'impôt sur les sociétés est relevé à due concurrence. »
La parole est à M. Joseph Ostermann, pour présenter l'amendement n° I-38.
M. Joseph Ostermann.
Il s'agit d'un amendement récurrent, qui est également un amendement
d'appel.
Le secteur de la restauration est soumis à deux taux de TVA : l'un à 5,5 %
pour la vente à emporter et la livraison de repas à domicile, l'autre de 19,6 %
pour la restauration à consommer sur place.
Le taux de 19,6 % met en difficulté un certain nombre de restaurateurs qui ne
peuvent assurer la rentabilité de leurs équipements, notamment en zone rurale,
où les prix sont bien souvent en deçà de ceux qui sont pratiqués par leurs
concurrents.
Par ailleurs, la coexistence de ces deux taux provoque, au sein d'une même
entreprise, des difficultés de comptabilité.
Le présent amendement vise, par conséquent, à assujettir le secteur de la
restauration dit traditionnel au taux réduit de TVA, soit 5,5 %.
Cet amendement a déjà été adopté par le Sénat sur ma proposition, mais il est
resté sans suite. Je tiens à préciser également que notre collègue Bernard
Murat a saisi M. le Premier ministre, qui lui a répondu : « J'ai signalé votre
démarche à M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie, en lui demandant de vous tenir informé de l'évolution de ce
dossier. » Pourrions-nous, ce soir, connaître l'évolution de ce dossier ?
M. le président.
La parole est à M. Denis Badré, pour présenter les amendements n°s I-49 et
I-50.
M. Denis Badré.
Je vais essayer d'aller un peu plus loin encore que notre collègue M.
Ostermann afin que le Gouvernement puisse, lui aussi, aller encore plus loin
dans ses réponses et nous faire savoir où il en est exactement sur cet
important sujet.
Je ne reviendrai pas - tout a été dit au cours des dernières années - sur les
raisons pour lesquelles nous présentons avec une belle constance des
amendements tendant à faire passer au taux réduit l'ensemble des prestations de
restauration, qu'il s'agisse de la restauration collective, de la restauration
rapide ou de la restauration traditionnelle.
Le président de la commission des finances, tout à l'heure, nous rappelait
encore combien il était choquant, quand on voyage à bord du TGV, de s'entendre
demander si l'on désire emporter le sandwich que l'on a acheté ou si l'on
préfère le consommer sur place.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
De toute façon, ce n'est pas bon !
M. Denis Badré.
On pourrait multiplier les exemples d'aberration de ce genre. Ainsi, autre
injustice, selon qu'un restaurant d'entreprise utilise ou non les services
d'une entreprise de restauration collective, il peut, alors qu'il s'agit
manifestement d'une prestation de grande qualité, acquitter la TVA à 5,5 %. Et
je ne parle pas ici de tous les repas livrés à domicile ou servis en magasin
par les traiteurs ! On aboutit donc a une situation d'une complexité
exceptionnelle, entraînant de très nombreuses injustices qui desservent, dans
le contexte européen, notre restauration.
Je rappelle simplement, puisqu'il a été chiffré avec une grande précision, le
coût du passage complet de tout le secteur de la restauration à un taux de TVA
à 5,5 %. Contrairement à ce qui se disait encore il y a deux ans - je suis
parvenu, semble-t-il, a en convaincre les responsables des services compétents
à Bercy -, ce coût ne s'élève pas à 4,5 milliards d'euros, ce qui
correspondrait à un chiffre d'affaires, toutes formes de restauration
confondues, de 170 milliards d'euros. En effet, si la différence de rendement
entre une TVA à 19,6 % et une TVA à 5,5 % pour l'ensemble de la restauration
est effectivement de 4,5 milliards d'euros, il ne faut pas oublier que de très
nombreuses prestations se voient déjà appliquer un taux de 5,5 %, et que nous
ne proposons pas de faire passer l'ensemble des consommations à 5,5 %. Par
exemple, les boissons alcoolisées resteraient à 19,6 %. Par ailleurs, un
certain nombre de dérogations sont prévues.
C'est ce qui me permet de confirmer que le coût de la mesure proposée est non
de 4,5 milliards mais de 1 milliard d'euros par an.
S'agissant maintenant de la difficulté communautaire, effectivement, la mesure
n'est pas actuellement euro-compatible et l'accord de Bruxelles est nécessaire.
On peut obtenir cet accord de deux manières : en modifiant l'annexe H, qui
définit la liste des biens et services qui sont justifiables d'un taux réduit -
à charge pour les Etats membres d'avoir recours ou non aux possibilités
ouvertes par cette annexe H - ou en se fondant sur l'article 29 de la
directive, qui prévoit des dérogations temporaires.
La Commission est tout à fait opposée à la modification de l'annexe H, parce
que c'est selon elle une boîte de Pandore que l'on ne peut pas prendre le
risque d'ouvrir.
La seule modification qui a été apportée concernait les services à haute
intensité de main-d'oeuvre, voilà maintenant trois ans. En s'appuyant sur
l'article 29 de la directive, il a été décidé de lancer un certain nombre
d'expérimentations et d'examiner, trois ans après, au vu des résultats de ces
expérimentations, s'il fallait modifier l'annexe H. C'est une manière de
reporter la décision. On a encore décidé de prolonger la réflexion d'un an
parce que, sur le fond, la Commission reste très réservée.
Il reste l'article 29, qui a été utilisé pour appliquer le taux réduit aux
prestations de floriculture, par exemple. Il est en effet possible d'utiliser
cet article, et les services à haute intensité de main-d'oeuvre sont arc-boutés
sur cette position. C'est temporaire, mais c'est du temporaire qui peut durer.
Donc, on peut le faire, mais il faut l'accord de Bruxelles. Or pratiquement
tous les Etats de l'Union européenne qui l'ont demandé ont pu maintenant
l'obtenir, y compris le Portugal, qui était encore notre allié voilà trois ans
lorsque nous demandions à bénéficier du dispositif pour les services à haute
intensité de main-d'oeuvre. Entre-temps, le Portugal a cependant trouvé une
autre dérogation : n'arrivant pas à entrer par la porte, il est entré par la
fenêtre !
La France est donc pratiquement le seul pays à connaître de telles différences
de situation au sein même de la restauration. Les différences sont d'autant
plus sensibles, que, comme M. le président de la commission des finances le
rappelait tout à l'heure, la France a l'un des taux normaux les plus élevés et
l'un des taux réduits les plus faibles de l'Union européenne.
Dans ce contexte, les plus hautes autorités de l'Etat ont souligné leurs
préoccupations face à ce problème. Si j'ai bien compris, le Gouvernement s'est
saisi de la question. Les amendements n° I-49 et I-50, dont l'un est un
amendement de repli, visent à l'aider à régler le problème sans peser sur
l'équilibre du budget de 2003.
L'amendement n° I-49 tend à prévoir - et j'avais déjà déposé un amendement
identique l'année dernière - que toutes les prestations de restauration, à
l'exception des boissons alcoolisées, je le rappelle, bénéficient du taux
réduit de la TVA à compter du 1er juillet 2003, ce qui donne six mois pour
obtenir la dérogation de Bruxelles. Cela me paraît possible, et je suis prêt à
apporter ma contribution au Gouvernement pour l'appuyer dans sa démarche auprès
des autorités communautaires. Je ne veux pas m'élever au-dessus de ma
condition, mais si je puis être utile, je le ferai.
La difficulté de l'euro-compatibilité est donc levée et mes amendements, de ce
point de vue, sont parfaitement recevables.
En revanche, subsiste la difficulté du coût budgétaire. Il serait ramené à 500
millions d'euros, ce qui, je le concède, est encore important et de nature à
rompre l'équilibre de notre exercice budgétaire. C'est pourquoi je propose
l'amendement n° I-50, qui prévoit que la date de mise en oeuvre de la mesure
soit fixée par décret.
Ce peut donc être le 15 décembre 2003 ou, à la limite, le 31 décembre 2003.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Le 31 décembre, pour le réveillon !
(Sourires.)
M. Denis Badré.
Cette disposition, monsieur le ministre, présente un avantage important. Non
seulement elle ne grève pas votre budget, mais, en plus, les professionnels
concernés, qui sont las des paroles, auront enfin le sentiment qu'une démarche
est engagée et qu'on leur propose une mesure concrète de nature à leur redonner
confiance dans le Gouvernement et dans la représentation parlementaire et à
redonner à ce secteur confiance en lui-même. Cela me paraît important, monsieur
le ministre ! C'est pourquoi je plaide pour qu'au moins cet amendement de repli
puisse être examiné avec intérêt.
M. le président.
La parole est à M. Gérard Miquel, pour défendre l'amendement n° I-68.
M. Gérard Miquel.
Nous proposons, par cet amendement, d'abaisser le taux de TVA sur la
restauration. En effet, s'il est bon que les baisses ciblées de TVA
s'appliquent aux produits de première nécessité, il est tout aussi souhaitable
qu'elles s'appliquent aux produits et services offerts par les secteurs
d'activités qui emploient de la main-d'oeuvre. Mais, pour que cette baisse ne
soit pas un cadeau à sens unique, il conviendrait évidemment d'exiger de la
profession une contrepartie à l'emploi, c'est-à-dire un engagement précis sur
l'embauche de personnels.
D'une façon plus générale, il s'agit, en adoptant l'amendement que nous vous
proposons, non seulement d'aider le Président de la République et le
Gouvernement à tenir leurs engagements électoraux, mais aussi et surtout
d'atteindre trois objectifs : aider les petites et moyennes entreprises à
oeuvrer pour l'emploi et, partant, pour la croissance ; aider ces mêmes PME à
oeuvrer pour le tourisme ; enfin, aider le secteur de la restauration française
à se rapprocher de celui de nombreux autres pays européens.
M. le président.
La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau, pour présenter l'amendement n°
I-168.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Par notre amendement, nous proposons d'harmoniser à 5,5 % les taux de TVA
applicables à l'alimentation sur place et à l'alimentation à emporter, et de
profiter de l'ouverture des négociations relatives à la sixième directive, qui
doivent, si j'ai bien compris, démarrer début 2003, pour faire des
propositions.
Premièrement, il faut en finir avec les situations ubuesques et illogiques. Un
collègue a pris l'exemple d'un voyageur qui veut s'alimenter au cours d'un
voyage en train en provenance de l'Italie. Il connaîtra un taux de 0 % au
départ si la restauration est assurée par les Italiens, puis un taux de 5,5 %
ou de 19,6 % suivant qu'il descendra ou non du train. Vous reconnaîtrez que
c'est assez absurde, voire risible, et pourtant... c'est réel !
Deuxièmement, le Conseil d'Etat s'enlise dans des situations de plus en plus
inextricables, sans solution valable pour tous.
Troisièmement, le moment est venu de trancher : avec l'ouverture des
négociations relatives à la sixième directive, c'est possible. Il y va de
l'intérêt du tourisme français et de l'industrie hôtelière, qui emploie 600 000
salariés et qui réalise un chiffre d'affaires de plus de 30 milliards d'euros,
lequel pourrait être sensiblement amélioré par une baisse du taux de TVA
entraînant une baisse des prix et donc une reprise de l'activité. Il y va aussi
de la qualité culinaire de la restauration française traditionnelle. Celle-ci
ne mérite-t-elle pas un peu plus de considération ? C'est également très
important pour l'activité économique et pour l'emploi.
La profession estime que 80 % des restaurateurs investiraient pour améliorer
les prestations de service et que 80 % des entreprises concernées seraient
prêtes à embaucher au moins une personne par établissement, ce qui
représenterait plusieurs milliers d'embauches : certains estiment à 40 000 le
nombre d'emplois supplémentaires susceptibles d'être créés dès la première
année,grâce à une baisse de taux de TVA à 5,5 % !
J'ajoute qu'on ne peut pas continuer à faire des déclarations officielles dans
ce sens sans prendre les décisions qui s'imposent. Le Président de la
République s'était engagé dans un discours prononcé à Saint-Cyr-l'Ecole, le 27
février dernier, à promouvoir un taux réduit pour la restauration. Je n'ose pas
croire qu'il s'agit là d'une simple promesse électorale, d'autant que cette
position a été confirmée par une lettre de M. Mer au commissaire européen
chargé de la fiscalité.
M. Raffarin lui-même, le 16 septembre dernier, a exprimé au président de la
Commission, M. Prodi, la même volonté. Mme Lenoir prétend d'ailleurs que la
Commission européenne est disposée à étudier cette proposition.
N'y aurait-il que nous, mes chers collègues, pour bouder cette proposition,
alors que, dans tous les départements, nos discours, les vôtres comme les
miens, correspondent à ce que je vous propose ? Alors j'ai envie de vous dire,
mes chers collègues : courage, votez ces amendements, la cuisine française vous
en sera reconnaissante !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je m'exprimerai sur l'ensemble de ces amendements,
qui ont une inspiration très voisine même si quelques facteurs techniques les
différencient.
Comme chacun le sait ici, la Commission de l'Union européenne a prévu de
revoir la politique globale concernant les taux réduits au cours de l'année
2003.
La France, par la voix du Gouvernement, en particulier du nouveau
gouvernement, a déjà manifesté son souhait de voir la restauration bénéficier
du taux réduit en raison de son caractère de service à forte intensité de
main-d'oeuvre.
Il est tout à fait exact que l'application du taux réduit aurait pour
conséquence, comme plusieurs d'entre vous l'ont souligné, de créer de nombreux
emplois et que l'incidence sur le tissu économique et social serait loin d'être
négligeable, compte tenu du très grand nombre d'entreprises de restauration de
notre pays et du marché de la main-d'oeuvre.
Les négociations entre les Etats membres et la Commission aboutiront, nous
a-t-on dit, à une décision concernant la restauration au cours de l'année 2003.
Dès lors, il serait, me semble-t-il, très maladroit de la part de la France de
s'arroger unilatéralement un droit dont elle ne dispose pas encore du point de
vue communautaire. C'est une question de respect des procédures et des
négociations. Nous ne devons pas agir comme si la décision - qui doit, je le
rappelle, être prise à l'unanimité par le Conseil européen - était déjà
intervenue. Chacun le sait bien, en particulier l'orfèvre de la commission des
finances en matière de droit communautaire et de budget communautaire qu'est
notre collègue et ami Denis Badré.
La commission des finances est évidemment favorable sur le fond à l'ensemble
des amendements, même si elle nuance cette approbation au regard de certains
gages. Mais cela n'est qu'un point de détail.
Elle demande toutefois à leurs auteurs de vouloir bien retirer ces amendements
compte tenu des efforts constants et réitérés du gouvernement actuel pour faire
avancer ce dossier, efforts qui sont, sans conteste, tout à fait fidèles aux
engagements pris auprès des professionnels et de l'opinion publique voilà
quelques mois à peine, lors des compétitions électorales nationales.
Mes chers collègues, cette demande s'applique donc à l'amendement n° I-38,
présenté par M. Ostermann, à l'amendement n° I-49, présenté par M. Badré, à sa
version « dégradée » - si j'ose dire -...
M. Jean-Jacques Hyest.
Allégée !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... ou de repli que constitue l'amendement n° I-50,
également de M. Badré, à l'amendement n° I-68 de M. Miquel et, enfin, à
l'amendement n° I-168 de Mme Beaudeau.
Tous ces amendements sont excellents sur le fond, même si Mme Beaudeau
prévoit, dans le sien, un gage sur l'impôt sur les sociétés...
M. Paul Loridant.
Eh bien, levez le gage !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... qui n'est pas considéré comme recevable par la
commission.
Indépendamment de cette remarque vraiment très ponctuelle, tous ces
amendements ont pour objet de défendre une excellente cause et les arguments
avancés l'ont été avec efficacité et talent. Nous touchons très probablement au
but. Espérons que M. le ministre nous le confirmera !
Après avoir entendu l'avis du Gouvernement et après que le débat aura eu lieu
au sein de la Haute Assemblée, il sera nécessaire de retirer les amendements,
afin que le Gouvernement ait les coudées franches au cours des négociations qui
l'attendent et qui permettront, n'en doutons pas, de concrétiser les
engagements pris et de bien servir un secteur économique qui est l'un des
fleurons de la qualité de vie à la française !
(Très bien ! sur les travées
du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Pour prolonger ce débat qui a déjà permis de bien
clarifier les choses, je confirme que, dès son installation, le Gouvernement a
manifesté sa détermination en la matière. Il a en effet déjà présenté la
demande officielle à l'Union européenne, ce qui n'avait pas été fait.
(M. le
rapporteur général s'exclame.)
M. le Premier ministre a d'ailleurs
rencontré le président de la Commission, M. Prodi, pour lui confirmer toute la
détermination du gouvernement français. Mme Lenoir, ministre déléguée aux
affaires européennes, a été chargée de suivre le dossier pour l'ensemble des
ministères concernés par cette mesure qui nécessite, M. le rapporteur général
l'a rappelé, un vote à l'unanimité par les Etats membres.
Pour répondre à la question de M. Badré, je dirai qu'après avoir été, c'est
vrai, réservée sur l'opportunité de soutenir cette demande de la France la
Commission est aujourd'hui, je le pense, convaincue. Nous allons d'ailleurs lui
transmettre très prochainement l'étude économique qu'elle nous a demandée et
qui a pour objet de démontrer l'importance qu'aurait une telle mesure sur
l'emploi dans notre pays. Nous nous appliquerons à ce que cette étude soit
aussi convaincante que possible pour tous nos partenaires européens.
La question qui se pose maintenant au Parlement - je l'ai dit à l'Assemblée
nationale - est de savoir comment nous devons nous y prendre ensemble pour
faire aboutir cette demande.
Mesdames, messieurs les sénateurs, deux solutions se présentent à vous : soit
vous estimez que votre vote sera déterminant pour convaincre nos partenaires
européens, soit vous estimez qu'il est préférable - et c'est ma conviction - de
ne pas introduire dans notre droit interne une disposition qui requiert
préalablement un vote unanime de nos partenaires européens. C'est une question,
me semble-t-il, de diplomatie, je dirai même de délicatesse et de
courtoisie.
A partir du moment où l'on doit prendre une décision en commun, mieux vaut
avancer les arguments destinés à convaincre nos partenaires d'approuver
unanimement notre position avant de modifier notre droit interne plutôt que de
faire l'inverse, ce qui donnerait à penser à nos partenaires que nous sommes
par avance indifférents à la réponse qu'ils nous feront !
Je ne suis pas un spécialiste des questions internationales, mais j'ai, comme
vous tous, un peu d'expérience dans ce domaine. On a, me semble-t-il, plus de
chances de convaincre quand on respecte ses interlocuteurs que quand on leur
donne le sentiment de les mettre devant le fait accompli.
L'Assemblée nationale comme le Sénat ont manifesté, sur cette question, une
volonté claire et unanime. Le Gouvernement s'en fait l'interprète là où il
faut, c'est-à-dire autour de la table du Conseil européen. Toute indélicatesse
risquerait d'affaiblir la négociation et d'empêcher le dossier d'aboutir, ce
qui irait à l'encontre des intérêts de la France, en particulier dans le
secteur de la restauration.
Monsieur le rapporteur général, puisque nous sommes sur la bonne voie, nous
devons, pour mettre toutes les chances de notre côté, nous abstenir de traduire
immédiatement dans notre droit interne une telle mesure. C'est la raison pour
laquelle je souhaite vivement le retrait de ces cinq amendements. Leurs auteurs
ont pu exprimer leur détermination. Je veux qu'ils ne doutent pas de celle du
Gouvernement : tous les actes qu'il a accomplis depuis son installation
l'attestent. Je pense qu'il faut lui faire confiance pour obtenir satisfaction
dans les meilleurs délais.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Très bien !
M. le président.
L'amendement n° I-38 est-il maintenu, monsieur Ostermann ?
M. Joseph Ostermann.
J'ai affirmé d'emblée qu'il s'agissait d'un amendement d'appel. Les
signataires de cet amendement comptent sur la détermination du Gouvernement
pour que ce dossier soit enfin réglé et acceptent de retirer cet amendement.
M. le président.
L'amendement n° I-38 est retiré.
Les amendements n°s I-49 et I-50 sont-ils maintenus, monsieur Badré ?
M. Denis Badré.
Je retire l'amendement n° I-49.
En revanche, avant de retirer l'amendement n° I-50, je souhaite m'expliquer
sur cette question importante, puisque les plus hautes autorités de l'Etat ont
de nouveau marqué leur volonté de trouver une solution.
Nous devons tout faire pour y parvenir. Il est vrai que cela aurait été plus
facile voilà trois ans : notre situation budgétaire était favorable et nous
avions une opportunité avec l'expérimentation sur les services à haute
intensité de main-d'oeuvre. Ce fut une occasion manquée.
Voilà deux ans l'opportunité de l'expérimentation sur les services à haute
intensité de main-d'oeuvre n'existait plus, mais d'un point de vue budgétaire,
cette démarche aurait été plus facile.
Aujourd'hui, nous sommes dans la situation la plus difficile. La vraie
question est de savoir si un vote du Parlement est de nature à aider ou non le
Gouvernement.
Il l'aurait, à l'évidence, aidé à convaincre la Commission. Le ministre nous
dit que c'est fait. J'en prends acte, et j'en suis heureux. Mais permettez-moi
de rappeler que nous avions réussi, voilà cinq ans, à convaincre M. Mario
Monti, alors commissaire chargé de la fiscalité, et obtenu que la Commission
renonce à mettre en place immédiatement le régime commun de TVA, car celui-ci
aurait braqué contre l'Union européenne toutes les entreprises et tous les
contribuables d'Europe. Cela aurait été, permettez-moi l'expression, une
ânerie, et M. Monti a retenu nos arguments. Cela prouve, que de temps en temps,
un vote du Parlement peut peser sur une décision de la Commission.
Mais il s'agit maintenant de la réticence du Conseil, nous dit M. le ministre.
A ce propos, je rappelle que l'amendement n° I-50 présente deux avantages. Le
premier, c'est de réduire le coût. Ainsi, l'affaire franco-française n'existe
pratiquement plus. Le second est d'ouvrir un délai sans limite car,
effectivement, le fait de fixer une date d'application donnerait le sentiment
que le Gouvernement, coincé en quelque sorte, est finalement en mauvaise
position pour négocier avec ses partenaires. C'est la raison pour laquelle j'ai
retiré l'amendement n° I-49. Je suis parfaitement convaincu par cet
argument.
Mais, à partir du moment où aucune date n'est fixée dans l'amendement n° I-50
et que le Gouvernement, en fonction de l'évolution de la négociation, peut
choisir la date et la fixer ultérieurement par décret, non seulement on lève
cette difficulté, mais on marque une volonté parlementaire sur laquelle le
Gouvernement peut s'appuyer pour emporter l'adhésion de ses partenaires.
La seule question qui subsiste est celle du coût à payer. Le ministre évoquait
tout à l'heure la courtoisie que nous devons avoir vis-à-vis de nos
négociateurs. Je sais comment ont lieu les négociations communautaires, pour
avoir participé à une dizaine de sommets agricoles, de marathons agricoles ! Si
la courtoisie est de mise dans un premier temps, elle devient formelle ensuite
et, au bout d'un certain temps, il faut mesurer la détermination du partenaire
et, surtout, chiffrer le coût de l'opération. C'est cela qui est important.
Il faut savoir que nos partenaires nous veulent courtois, mais que les
Allemands ne tiennent pas du tout à ce que le taux réduit soit adopté car, pour
le moment, ils bénéficient largement de la différence entre leur taux, qui est
réduit, et le nôtre, qui ne l'est pas. Et les frontaliers - je parle sous le
contrôle du président de séance - savent très bien que cela coûte moins cher, à
qualité ou à prestation égale - ce qui est difficile à obtenir du fait que nos
prestations sont au-dessus de toute qualité...
M. le président.
Elles sont incomparables ! Surtout dans le Bas-Rhin !
(Sourires.)
M. Denis Badré.
... de l'autre côté de la frontière. Voilà pourquoi les Allemands sont contre
cette mesure.
Il faut maintenant savoir ce que nous serons prêts à lâcher par ailleurs pour
obtenir l'accord des Allemands sur ce point. Il faut, dans la négociation,
obtenir satisfaction sans payer trop cher le vote de la mesure d'un côté, et
sans trop céder aux Allemands de l'autre.
Monsieur le ministre, la pression du Parlement, grâce à l'adoption d'un
amendement qui ne fixe aucune date butoir, peut-elle aider le Gouvernement à
obtenir satisfaction au moindre coût, en ayant bien mesuré l'exacte
détermination de l'ensemble de nos partenaires au sein du Conseil ? C'est la
seule vraie question à mon sens.
M. Roland du Luart.
Il pourrait y avoir un vote unanime !
M. le président.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Pour le bon ordonnancement de nos débats, je dirai
simplement à M. Denis Badré que, s'il veut rendre service au Gouvernement, il
vaut mieux qu'il retire son amendement.
Si vous pensez savoir mieux que moi ce qui est bon pour le Gouvernement, je
m'en remets à votre science. Mais je crois préférable - et pardonnez-moi de le
souligner aussi franchement - que cet amendement ne soit pas voté par le
Parlement.
Dans un système démocratique comme le nôtre, c'est l'exécutif qui représente
les intérêts de la nation. Il demande au Parlement de lui faire confiance. Le
peuple souverain pourra en décider autrement, mais je le sollicite, car les
meilleures chances de réussite sont celles que je viens de vous décrire.
Cher ancien collègue et ami Denis Badré, je vous le dis franchement, cet
amendement ne nous arrange pas, il nous pénalise plutôt pour atteindre
l'objectif commun que nous fixons.
M. le président.
Monsieur Badré, l'amendement n° I-50 est-il toujours maintenu ?
M. Denis Badré.
Je ne veux nullement mettre le Gouvernement dans une impasse ni le gêner dans
la négociation avec ses partenaires. Mon seul souci est d'aller au bout de la
réflexion et, sans vouloir peser sur le choix qui sera celui du Gouvernement,
en qui nous avons une confiance totale, de confronter les expériences que nous
avons pu avoir, les uns et les autres, de négociations communautaires. Je
n'avais aucune autre prétention.
Par conséquent, je retire mon amendement, tout en rappelant que son adoption
aurait été aussi un moyen d'envoyer un signal fort aux professionnels du
secteur, qui attendent, au-delà des promesses et des engagements, une mesure
concrète.
M. le président.
L'amendement n° I-50 est retiré.
L'amendement n° I-68 est-il maintenu ?
M. Bernard Angels.
Avant de retirer cet amendement, nous voudrions obtenir des précisions : je
n'étais pas l'un de ces sénateurs qui étaient jusqu'au-boutistes lorsque le
gouvernement était différent.
On m'a toujours répondu que cette mesure était impossible à mettre en oeuvre
du fait de la directive européenne. Et comme, en général, je suis quelqu'un de
sage, je le croyais. Or, entre-temps est intervenue l'élection présidentielle,
où l'un des candidats, l'éminent président sortant -, s'est permis, tout au
long de sa campagne, de faire croire aux restaurateurs que cette directive
n'avait pas de raison d'être. Il a promis par écrit et oralement que, s'il
était élu, le taux de TVA sur la restauration serait baissé à 5,5 %. Or,
aujourd'hui, monsieur le ministre, membre du Gouvernement de ce Président de la
République, vous dites que c'est impossible. Par conséquent, je ne comprends
pas ! Comment se fait-il qu'un Président de la République puisse se tromper de
manière aussi grave et faire des promesses qu'il ne peut pas tenir ? Peut-être
suis-je naïf, mais, pour ma part, je pense qu'un homme politique, quelle que
soit sa position, ne doit jamais promettre ce qu'il ne peut pas tenir !
Par ailleurs, monsieur le ministre, quel est le coût réel de cette mesure ?
Les ministres qui vous ont précédé ont cité des chiffres annuels faramineux. Or
M. Badré, qui est très compétent en la matière puisqu'il est le rapporteur
spécial du budget des affaires européennes, a parlé de 1 milliard d'euros. Ce
n'est pas du tout le chiffre qui est annoncé ! Qu'en est-il exactement ?
Enfin, monsieur le ministre, il faudrait arrêter de dire - vous ou votre
majorité - que c'était plus facile avant : vous êtes au pouvoir, mais vous
n'avez pas les moyens d'agir !
M. Jean Chérioux.
C'est vrai !
M. Bernard Angels.
C'est un problème de choix.
Ou alors, cela signifie que, lorsque vous arrivez au pouvoir, c'est la poisse,
et les caisses se vident.
M. Jean Chérioux.
C'est vous qui les avez vidées avant !
M. Bernard Angels.
Combien coûte la baisse de l'impôt sur le revenu ? Vous avez fait le choix
politique d'accorder cette baisse d'impôt, qui ne concerne qu'une faible partie
de la population - celle qui est très nantie -, alors que vous auriez très bien
pu procéder à une baisse ciblée de la TVA sur la restauration. Tout le reste
n'est que mensonge ! Vous êtes majoritaires ! Vous faites des choix ! Vous
serez jugés sur les résultats dans quelques années, comme nous l'avons été
nous-mêmes !
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je souhaite reprendre la parole après avoir entendu
notre collègue Bernard Angels. Je suis en effet assez surpris de la manière
dont il pose la question et du registre qu'il utilise.
Alain Lambert nous a indiqué, voilà quelques instants, que la demande
officielle déposée auprès de la Commission l'a été par le gouvernement auquel
il appartient. Il a rappelé toutes les démarches qui ont été effectuées en vue
de sensibiliser nos partenaires, de convaincre la Commission et de conduire la
négociation dans de bonnes conditions.
Que je sache, ce n'est pas M. Lionel Jospin qui a reçu M. Romano Prodi à
Matignon pour parler du taux de TVA applicable à la restauration ! Il s'agit là
de faits et non pas de promesse !
M. Christian Demuynck.
Exactement !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La façon dont M. Angels s'en est pris au chef de
l'Etat me semble tout à fait déplacée
(M. Bernard Angels s'exclame),
puisque, depuis la mise en place du Gouvernement, qui a toute sa confiance,
des actes concrets ont été accomplis en vue du déblocage de la situation. Il ne
s'agit ni de promesses ni de lettre envoyée à une corporation : c'est la
réalité des démarches effectuées par la France pour aboutir à un traitement
convenable de ce problème.
Je trouve « un peu fort de café », pardonnez-moi l'expression, que ceux qui,
au cours des années passées, ont, par solidarité politique, soutenu un
gouvernement qui n'en a pas fait autant, s'étonnent que l'on n'aille pas assez
vite !
(Marques d'approbation sur les travées du RPR.)
Permettez-moi de
le dire avec toute la modération qui est la mienne dans ce débat.
Par ailleurs, mes chers collègues, voilà quelques années - cela a été rappelé
par plusieurs d'entre nous -, il y avait des choix à effectuer. Il eût été
possible de pousser le dossier de la restauration et, consciemment, cela n'a
pas été fait.
(Très bien ! sur les travées du RPR.)
Alors, cher collègue, compte tenu des bonnes relations que sont les nôtres et
des débats très francs que nous avons, de grâce, pas vous, et pas cela !
M. Christian Demuynck.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Je dirai tout d'abord à Denis Badré que, s'agissant de
signal concret à donner aux professionnels, nous recevons ceux-ci très
régulièrement. J'ai moi-même reçu longuement M. Daguin et nous avons parlé de
la meilleure tactique à mettre en oeuvre pour atteindre l'objectif fixé. La
profession sait donc parfaitement que le gouvernement français considère comme
moins habile le vote d'un texte par le Parlement avant la négociation. Cette
question a été évoquée directement avec les professionnels, et très longuement,
je peux vous en assurer !
Je souhaite maintenant répondre à Bernard Angels de la manière la plus honnête
possible. Vous disiez, monsieur le sénateur, qu'au moment des élections
présidentielles le cheminement administratif était connu. Tout à fait !
Simplement, la détermination d'aboutir était totale et le choix fiscal était
fait. Il ne s'agit pas de s'adresser des reproches, mais il est incontestable
qu'un rendez-vous a eu lieu en 1999 : alors que cette mesure aurait pu être
insérée dans le cadre de la directive sur les services à forte intensité de
main-d'oeuvre, ce choix fiscal n'a pas été effectué ! Je ne porte pas de
jugement !
La volonté du présent gouvernement, à la suite de l'engagement du Président de
la République, est de faire ce choix maintenant. Il va de soi que cette
disposition se substituera à d'autres mesures fiscales. C'est ainsi : il faut
faire des choix ! Il ne me paraît pas utile de nous reprocher soit des
déclarations, soit des positions. Ce qu'il faut, c'est aboutir ! En tout cas,
je vous demande d'aider le Gouvernement à y parvenir, quelles que soient les
travées sur lesquelles vous siégez. Ainsi, vous rendrez service à la France -
si vous n'avez pas spontanément envie de rendre service au Gouvernement, ce qui
peut se comprendre dans certains cas -, et vous rendrez service au secteur de
la restauration en permettant au Gouvernement de mener la négociation à son
terme dans les meilleures conditions possibles.
Cela me conduit à solliciter, une dernière fois, le retrait de ces
amendements.
S'agissant de l'estimation du coût de la mesure, je propose qu'elle soit
effectuée de manière contradictoire.
Je suis désolé de ne pas pouvoir confirmer le chiffre qui a été donné tout à
l'heure par M. Badré.
(M. Denis Badré s'exclame.)
A un moment donné,
lorsqu'il s'agit de mathématiques, il ne doit y avoir qu'un chiffre. Par
conséquent, utilisons des procédures pour faire en sorte que ce chiffre-là soit
incontestable.
Je regrette qu'à l'heure où je vous parle, et après tant de mois, quelle que
soit la bonne volonté commune, nous ne soyons pas en état d'avancer un chiffre
qui soit incontestable. Eh bien ! prenons les moyens pour qu'il le devienne !
Monsieur le rapporteur général, je suis à votre disposition pour que nous
puissions ensemble donner à la représentation nationale un chiffre qui sera
incontestable.
A l'heure où je vous parle, selon les calculs qui ont été faits - ils sont
peut-être erronés, mais, pour ma part, je ne donnerai pas, pour faire plaisir,
un autre chiffre que celui qui m'a été communiqué conjointement par la
direction de la législation fiscale et par la direction de la prévision - le
chiffre est de trois milliards d'euros.
Je vous livre l'information dont je dispose. Si ce chiffre est faux, je ferai
amende honorable et je viendrai devant vous pour vous donner des explications.
En tout état de cause, nous allons, avec M. le rapporteur général, adopter la
méthode pour parvenir à un chiffre incontestable, car on ne peut pas travailler
dans de telles conditions.
M. Christian Demuynck.
Très bien !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est la bonne méthode !
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Personnellement, je viens de prendre un engagement
solennel devant vous, et je le tiendrai. Cela étant, si vous voulez vraiment me
faire plaisir - mais je sais que votre vote en conscience ira au-delà de votre
volonté de me faire plaisir -, je continue de solliciter le retrait des
amendements.
M. le président.
Après avoir entendu M. le rapporteur général et M. le ministre, maintenez-vous
l'amendement n° I-68, monsieur Miquel ?
M. Gérard Miquel.
Monsieur le ministre, même si nous avons envie de vous faire plaisir, un
argument avancé par M. Badré nous conforte dans notre volonté de maintenir
l'amendement.
Nous comprenons tous ici les contraintes européennes qui nous lient, mais les
professionnels, eux, ne les comprennent pas. Ils sont très nombreux dans mon
département à m'interroger chaque fois que je les rencontre : on nous a promis
la baisse de la TVA, mais elle n'arrive pas !
C'est donc pour leur donner un signe fort que je propose le maintien de cet
amendement. Je ne crois pas qu'il soit de nature à gêner le Gouvernement dans
ses négociations à Bruxelles : au contraire, cela ne pourrait que le
conforter.
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Permettez que ce soit à moi d'en juger ! Et cela me
gêne !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Le rôle d'un élu est de dire la vérité !
M. le président.
Madame Beaudeau, l'amendement n° I-168 est-il maintenu ?
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Nous semblons être tous d'accord, mais ce n'est pas la première fois : je me
souviens de plusieurs discussions budgétaires où tous les groupes
parlementaires du Sénat avaient déposé un amendement tendant à la baisse de la
TVA. Ce qui nous différencie, ce soir, c'est le meilleur moyen pour y
parvenir.
Je vous rappelle, monsieur le ministre, que les restaurateurs avaient défilé
dans la rue pour obtenir cette baisse de TVA. Mon collègue Gérard Miquel vient
de le dire : ils ne croient pas du tout que ce soient les contraintes
européennes qui nous empêchent de voter cet amendement. Par conséquent, nous le
maintenons.
Contrairement à ce que vous pensez, monsieur le ministre, si le Sénat votait
ce soir cette mesure, ce geste soutiendrait encore plus le Gouvernement et lui
permettrait de mener la négociation à son terme, afin d'obtenir cette baisse de
TVA. Pour reprendre ce que vous avez dit tout à l'heure, ce serait le meilleur
service à rendre à la France.
M. le président.
La parole est à M. Jacques Oudin, contre l'amendement n° I-68.
M. Jacques Oudin.
Depuis plusieurs années, je me bats pour que le taux de cette TVA diminue, car
nous nous trouvons dans une situation paradoxale : première destination
gastronomique mondiale, première destination touristique mondiale, la France a
l'un des taux de TVA les plus élevés. Cette situation est incompréhensible et
inacceptable.
Tout à l'heure, M. le président de la commission des finances citait un
exemple que j'avait déjà pris, celui de la TVA dans le TGV : que le taux de TVA
soit de 5,5 % ou de 19,6 %, le consommateur paie le même prix. Je suppose qu'un
arrangement doit permettre à la SNCF ou aux prestataires de service de payer
aux environs de 12 % ! Mais peu importe.
Nous savons que nous sommes tous favorables à un ajustement de la TVA. Mais
nous savons également que le Gouvernement a pris les contacts nécessaires avec
les instances bruxelloises pour engager une négociation.
J'ai été convaincu par les arguments du rapporteur général et du ministre du
budget sur le fait qu'il était préférable de soutenir le Gouvernement dans
cette négociation plutôt que de lui créer des difficultés.
En dépit du combat que nous avons mené au cours des dernières années, cette
avancée ne pourra avoir lieu qu'en soutenant le Gouvernement et non pas en lui
mettant des bâtons dans les roues.
Je suis donc non pas contre les mesures proposées par les deux amendements
restant en discussion, mais contre la stratégie qui est suggérée. Par
conséquent, je vous propose, mes chers collègues, de ne pas adopter ces deux
amendements.
Cela peut paraître paradoxal, mais je lance un appel aux professionnels pour
qu'ils comprennent bien le sens de la démarche qui est la nôtre : il s'agit
d'aider le Gouvernement dans une action difficile. Il est vrai que les
Allemands ou les autres pays européens n'ont peut-être pas le même souci que
nous de soutenir ce gouvernement ! Nous ne pouvons cependant pas continuer à
appliquer un taux de TVA qui est parmi les plus élevés d'Europe ! Pour
l'instant, la Commission est un peu arc-boutée sur cette annexe qu'elle ne veut
pas modifier ; Denis Badré nous l'a expliqué de façon fort pertinente.
Par conséquent, mes chers collègues, nous devons, en conscience, voter contre
ces amendement, mais pour le succès de la baisse de la TVA. Cela peut paraître
paradoxal, mais les choses sont parfois un peu compliquées.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Roland du Luart, pour explication de vote.
M. Roland du Luart.
J'ai écouté attentivement les uns et les autres développer leur position. J'ai
d'abord été assez sensible aux arguments de Denis Badré s'agissant de la
tactique à suivre, et j'espérais que notre assemblée voterait ces mesures à
l'unanimité. Puis j'ai écouté les explications de M. le ministre, qui a demandé
le retrait des amendements.
Finalement, ce qui compte, c'est le résultat ! Nous mandatons donc le
Gouvernement pour obtenir, dès 2003, un résultat qui corresponde à l'engagement
du Président de la République, à l'engagement de l'ensemble de la majorité
devant les Français. Nous faisons confiance au Gouvernement ! Mais si, par
malheur, nous n'aboutissions pas à un résultat au cours de l'année 2003, notre
position serait différente l'année prochaine. Nous ne pourrions pas, en effet,
tromper les gens à qui nous avons promis d'obtenir une avancée sur ce sujet.
Nous savons que c'est très difficile pour le Gouvernement. Mais, puisqu'il nous
demande d'avoir recours à cette tactique, eh bien ! je me rallie à cette
position et je voterai contre l'amendement n° I-68.
M. le président.
La parole est à M. Paul Loridant, pour explication de vote.
M. Paul Loridant.
J'ai suivi avec attention le débat relatif à l'abaissement du taux de la TVA
pour la restauration. Vous me permettrez de rappeler que le candidat qui a été
élu à la présidence de la République l'avait promis ! D'ailleurs, il n'était
pas le seul, puisque le candidat que je soutenais s'était également engagé à le
faire.
Vous nous expliquez, monsieur le ministre, que les démarches sont engagées.
Dont acte ! Cela signifie que le dossier a mûri et qu'aujourd'hui tout le monde
va dans le même sens. Cependant, vous me permettrez d'être en désaccord avec
vous d'un point de vue tactique. Ou alors, vous finassez trop !
Si vous le voulez, vous pouvez arguer du fait que vous avez le soutien du
Parlement. C'est limpide ! Vous nous objectez que le vote de ces amendements va
compliquer votre tâche lors des négocations. Au contraire ! Si le peuple
souverain, que nous représentons, demande l'abaissement du taux de la TVA, vous
vous présenterez devant les commissaires européens, qui, eux, n'ont pas la
légitimité du suffrage universel,...
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Ce n'est pas la Commission européenne, c'est le Conseil
!
M. Paul Loridant.
... ou devant les membres du Conseil, en leur disant que c'est le Parlement
qui demande l'abaissement du taux de la TVA ! Que puis-je vous dire de plus
?
Les parlementaires représentent le peuple souverain, qui les a élus pour voter
la loi. Eh bien ! Nous la votons et, en adoptant cet amendement, nous vous
soutenons, monsieur le ministre !
M. le président.
La parole est à M. Yann Gaillard, pour explication de vote.
M. Yann Gaillard.
Je serai bref. Si l'on soutient le Gouvernement, il faut lui laisser le choix
des armes. Il a peut-être tort de ne pas vouloir être lié par nos votes, mais
faisons-lui confiance, puisque c'est lui qui est à la table des
négociations.
M. Roland du Luart.
C'est le bon sens !
M. Yann Gaillard.
Par conséquent, j'émettrai le même vote que mes amis Roland du Luart et
Jacques Oudin.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-68.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-168.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
L'amendement n° I-127, présenté par MM. Oudin et Ostermann, est ainsi libellé
:
« Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le
a
de l'article 279 du code général des impôts est complété
in fine
par un alinéa ainsi rédigé : "à la fourniture du logement et aux
trois quarts du prix de pension ou de demi-pension dans les croisières
fluviales".
« II. - La perte de recettes pour l'Etat résultant du I ci-dessus est
compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits
prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Jacques Oudin.
M. Jacques Oudin.
J'ai quelques scrupules à présenter cet amendement.
(Sourires.)
Les prestations relatives à la fourniture de logements dans des meublés ou des
établissements d'hébergement, dans des maisons de retraite ou, dans certaines
conditions, dans des campings bénéficient d'un taux de TVA réduit à 5,5 %.
Alors que les croisières fluviales constituent une forme de tourisme populaire
tout à fait essentielle tant par la qualité des prestations qu'elles offrent
que par leur rôle économique pour les bassins concernés, il apparaîtrait
souhaitable de faire bénéficier ces croisières d'un taux de TVA réduit.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cet amendement ne laisse pas la commission
indifférente. Il convient de rappeler le régime de TVA qui s'applique à cette
profession : pour les prestations de transport, c'est le taux réduit ; pour le
reste des prestations, logement et restauration, c'est le taux normal. Ce
régime a été décrit dans une réponse ministérielle du 29 mai 2000 à M. Demange,
député de la Moselle.
Les professionnels concernés pratiquaient différemment jusqu'à cette réponse
ministérielle : ils appliquaient le taux réduit non seulement sur les
prestations de transport, mais aussi sur les trois quarts des prestations de
pension, de logement et de restauration.
Le passage brutal, en 2000 - auquel veille, semble-t-il, le contrôle fiscal -,
du régime appliqué de façon coutumière, en quelque sorte, au régime défini par
la réponse ministérielle change la donne économique pour les organisateurs de
croisières fluviales, ce qui est d'autant plus regrettable que ce petit secteur
connaît une forte croissance depuis dix ans et que ses perspectives semblent
bonnes. Or une vague de redressements fiscaux significative est actuellement en
cours ou vient d'avoir lieu, nous a-t-on dit.
Enfin, la commission souligne, après avoir procédé à des comparaisons à
l'échelon international, que les croisières fluviales sont imposées à 6 % en
Hollande et à 5,5 % en Belgique et en Allemagne. Pourtant, lorsqu'on navigue
sur le Rhin, pour ne prendre que cet exemple, on passe d'un pays à l'autre.
M. Joseph Ostermann.
Tout à fait !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il semble donc que la préoccupation de nos collègues
MM. Jacques Oudin et Joseph Ostermann soit frappée au coin du bon sens. Aussi
la commission souhaiterait-elle entendre l'avis du Gouvernement sur cette
question.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
M. Jacques Oudin a attiré mon attention sur les
contrôles opérés par l'administration auprès des organisateurs de croisières
fluviales. Je veux vous dire, cher ami, que j'ai à coeur de régler ce
problème.
Je viens de demander à mes services de contacter les professionnels afin de
faire le point sur toutes les prestations qui sont offertes et de définir avec
eux un régime simple et clair, qui ne donne plus lieu aux difficultés
d'application rencontrées aujourd'hui.
Ce dossier devrait aboutir dans des délais très rapprochés. Je vous
consulterai afin que vous puissiez me confirmer qu'aucune difficulté ne
subsiste à l'issue de ces concertations. De deux choses l'une : soit le fruit
de ces consultations nécessite une modification législative, et je proposerai
que nous le traduisions dans la loi, soit il suffira de prendre une disposition
réglementaire permettant d'aboutir à une doctrine d'application stable, donnant
satisfaction aux professionnels concernés.
Je vous propose de mener à bien ce travail, afin que la traduction en droit se
fasse dans les meilleures conditions de sécurité fiscale. Telle est la
solution, pratique et efficace, que je préconise.
M. le président.
Monsieur Oudin, l'amendement n° I-127 est-il maintenu ?
M. Jacques Oudin.
Monsieur le ministre, nous sommes, il est vrai, dans le cas de la bûche de
plus ou moins 1,20 mètre... Cet exemple restera dans les annales du Sénat !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Même si c'est une bûche en chocolat !
(Sourires.)
M. Denis Badré.
A consommer sur place !
(Nouveaux sourires.)
M. Jacques Oudin.
Les trois quarts d'une prestation taxée à un taux et le reste à un autre...
Monsieur le ministre, nous pouvons en tirer quelques enseignements, le premier
étant qu'il faudrait entreprendre un toilettage de la TVA.
M. Denis Badré.
C'était l'intérêt de mon rapport !
M. Jacques Oudin.
Nous ne pouvons pas maintenir des caractéristiques de cette nature, qui
donnent d'ailleurs lieu à des interprétations divergentes et à des contrôles
incompréhensibles pour les assujettis.
Je voudrais souligner que les croisières fluviales sont organisées dans des
provinces françaises qui ne sont guère fortunées, je pense par exemple à la
Bourgogne, à la Bretagne ou au Sud-Ouest.
Nous devons faire un effort par rapport aux pays européens où le réseau
fluvial est plus développé et dont l'attractivité financière est meilleure.
Les croisières fluviales sont un atout pour la dynamisation de notre milieu
rural. Nous vous faisons confiance, monsieur le ministre, pour aboutir très
prochainement à des résultats intéressants.
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
J'espère que ce sera le cas avant la fin de l'année
!
M. Jacques Oudin.
Monsieur le ministre, en raison de vos engagements et de la confiance que nous
vous témoignons, je retire l'amendement. Je souhaite toutefois que vous ne
perdiez pas de vue l'intérêt du petit secteur des croisières fluviales pour la
dynamisation du secteur rural.
M. le président.
L'amendement n° I-127 est retiré.
L'amendement n° I-161, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après le
a quinquies
de l'article 279 du code général des
impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ... Les locaux appartenant à des établissements publics de santé. »
« II. - Le taux de l'impôt sur les sociétés est relevé à due concurrence. »
La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Actuellement, s'agissant, d'une part, des travaux d'équipement et de
modernisation de locaux appartenant à des établissements publics de santé et,
d'autre part, de la construction d'un nouvel établissement hospitalier, le taux
de TVA est fixé à 19,6 %, et cette TVA n'est pas récupérable.
Seules les maisons de santé bénéficient de la TVA au taux de 5,5 %. Pourtant,
les établissements de santé sont confrontés à des difficultés que tout le monde
connaît. En Ile-de-France, région que je connais le mieux, ces derniers
enregistrent pratiquement tous un déficit.
De l'avis de tous les directeurs d'établissement hospitalier qui ont réuni
leur conseil d'administration, comme cela a été dit par mes collègues lors de
l'examen de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, il aurait
fallu prévoir une dotation spéciale de 6 % ou 7 % afin de stopper l'aggravation
des déficits. Or la dotation prévue n'est que de 5 % ; les déficits vont donc
s'aggraver.
Le budget d'un hôpital, ce sont d'abord, bien entendu, des dépenses de
fonctionnement, dont 70 % de frais de personnels, des médicaments ; mais ce
sont aussi des travaux liés à la modernisation, à l'adaptation des locaux ou à
la création de nouveaux équipements. Nombre d'hôpitaux sont vétustes et les
appels d'offre sont, vous le savez, trop souvent infructueux.
L'application d'un taux réduit de TVA aiderait de façon efficace à régler
certaines dépenses et comblerait en partie l'insuffisance de crédits et de
dotations pour 2003.
Je vous donnerai un exemple : l'union régionale hospitalière d'Ile-de-France,
qui se réunit après-demain sous la présidence de notre collègue Gérard Larcher,
aura à décider d'actions importantes concernant le fonctionnement des
établissements hospitaliers pour 2003. Je ne doute pas que notre collègue
serait bien accueilli s'il pouvait annoncer le vote par le Sénat de la mesure
qui est prévue par notre amendement.
M. Jean Arthuis,
président de la commission.
C'est sûr !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Vous l'aurez compris, le refus que vous pourriez opposer à notre amendement
serait, en revanche, très mal perçu. C'est pourquoi, mes chers collègues, je
vous invite à voter notre amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission souhaite, bien entendu, que le
président de la fédération hospitalière de France rencontre un très grand
succès auprès de ses mandants.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Je n'en doute pas !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
De ce point de vue, elle partage totalement
l'inspiration de Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Cela ne suffit pas !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cependant, il faut bien se référer au droit
communautaire. Celui-ci permet d'appliquer le taux réduit aux travaux réalisés
non seulement dans les logements privés, mais aussi, par extension, dans les
établissements d'hébergement tels que les maisons de retraite, les
établissements de convalescence, les établissements de vie pour personnes
handicapées ou les lieux de vie des congrégations religieuses, en d'autres
termes les couvents.
Toutefois, les établissements de santé, lorsqu'ils ne sont pas à titre
essentiel des établissements d'hébergement de longue durée, ne peuvent pas, au
regard du droit communautaire, bénéficier du taux réduit.
Pour cette raison, la commission souhaite le retrait de cet amendement, sans
même insister sur le caractère inacceptable du gage qui est prévu pour cette
mesure.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Madame Beaudeau, vous avez insisté pour que nous soyons
sensibles à votre demande. Nous vous écoutons toujours avec grand intérêt, mais
vous devez reconnaître que nous avons besoin d'un accord - qui est d'ailleurs
en passe d'aboutir -, pour confirmer l'application du taux réduit de TVA aux
travaux portant sur les logements.
Tout le monde est satisfait de cette disposition. Nous sommes en cours de
discussion et nous sommes tout à fait confiants dans le succès de la
consolidation de cette mesure. Rien ne serait plus dangereux, pour rendre cette
baisse définitive, que de chercher à en étendre l'application à des travaux qui
n'y figurent pas encore.
Mais, chaque chose en son temps, prenons garde à ne pas charger la barque au
risque de faire échouer nos négociations.
Telles sont les raisons qui me conduisent, madame Beaudeau, à vous demander de
bien vouloir retirer votre amendement. A défaut, je serais contraint d'émettre
un avis défavorable.
M. le président.
Madame Beaudeau, l'amendement est-il maintenu ?
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Il l'est, monsieur le président.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-161.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° I-69, présenté par MM. Miquel, Angels, Auban, Charasse,
Demerliat, Haut, Lise, Marc, Massion, Moreigne, Sergent et les membres du
groupe socialiste, est ainsi libellé :
« Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans le b
decies
de l'article 279 du code général des impôts,
les mots : "les abonnements relatifs aux livraisons d'électricité et de gaz
combustible" sont remplacés par les mots : "les abonnements relatifs aux
livraisons d'électricité, de gaz combustible et d'énergie calorifique". »
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant du I ci-dessus sont
compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux
droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° I-162 rectifié, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M.
Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi
libellé :
« Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 279 du code général des impôts est complété par un alinéa
ainsi rédigé :
« ... Les abonnements relatifs aux livraisons d'énergie calorifique
distribuées par réseaux publics, alimentés par la géothermie et la
cogénération. »
« II. - Le prélèvement libératoire prévu à l'article 220 A du code général des
impôts est relevé à due concurrence. »
La parole est à M. Gérard Miquel, pour présenter l'amendement n° I-69.
M. Gérard Miquel.
La loi de finances pour 2000 a permis d'appliquer le taux réduit de TVA aux
abonnements aux réseaux d'électricité et de gaz des clients domestiques - M. le
ministre vient de confirmer sa volonté de maintenir ce dispositif - mais pas
aux abonnements aux réseaux de chaleur, c'est-à-dire aux réseaux de
distribution publique d'énergie calorifique qui, de ce fait, se trouvent
pénalisés par rapport aux autres modes de chauffage.
Cette situation a des conséquences socialement regrettables, car les
utilisateurs de réseaux de chaleur habitent principalement dans les quartiers
de grand habitat collectif, équipés d'un réseau de chauffage organisé autour
d'une chaufferie centrale, en général polyvalente, l'eau chaude étant
distribuée jusqu'aux immeubles par un réseau de canalisations. Ces réseaux
desservent pourtant trois millions de personnes, particulièrement dans
l'habitat social, dans près de quatre cents villes françaises.
Cette situation a également des conséquences regrettables du point de vue de
la protection de l'environnement, car les réseaux de chaleur sont des vecteurs
d'énergie peu émetteurs de polluants chimiques et de gaz à effet de serre,
comme telles que les énergies produites par le bois, la géothermie, les déchets
ou la cogénération. Ces réseaux de chaleur sont donc d'excellents moyens de
développer les énergies renouvelables, et d'utiliser rationnellement
l'énergie.
La directive européenne 92/77 ne prévoit la possibilité d'adopter le taux
réduit de TVA que pour l'électricité et le gaz. Cette limitation n'ayant pas de
justification, la France en a déjà demandé la modification afin d'étendre cette
possibilité à la chaleur.
Le processus d'harmonisation du dispositif pouvant durer plusieurs années et
la France étant le seul pays de l'Union européenne à appliquer des taux
différents aux réseaux de distribution d'énergie, l'amendement que nous
présentons vise à anticiper la modification attendue, d'autant qu'il semble que
la commission européenne souhaite aujourd'hui qu'un taux unique s'applique à un
même bien, en l'occurrence la production d'énergie.
Monsieur le ministre, le Gouvernement souhaite, semble-t-il, promouvoir les
énergies renouvelables. En donnant un avis favorable à cet amendement, vous
corrigeriez une injustice fiscale pénalisante pour tous les projets de réseaux
de chaleur qui sont conçus pour utiliser lesdites énergies renouvelables.
Le particulier qui se chauffe individuellement au bois acquitte une TVA de 5,5
% ; celui qui est desservi par un réseau de chaleur au bois paie une TVA de
19,6 %. C'est une injustice que vous devons corriger.
C'est la raison pour laquelle je vous engage, mes chers collègues, à voter cet
amendement.
M. le président.
La parole est à M. Paul Loridant, pour présenter l'amendement n° I-162
rectifié.
M. Paul Loridant.
Notre amendement procède de la même inspiration que celui qui est présenté par
notre collègue Gérard Miquel.
Il vise à assujettir les abonnements relatifs aux livraisons d'énergie
calorifique distribuée par des réseaux alimentés par la géothermie, la
cogénération ou, plus simplement, par les réseaux de chaleur au taux réduit de
TVA.
Cette proposition, qui est une mesure de justice fiscale, avait été présentée
l'année dernière. Je rappelle que, dans sa grande sagesse, le Sénat l'avait
adoptée, contre l'avis du Gouvernement. La Haute Assemblée avait estimé, à
juste titre, qu'il s'agissait de rectifier une anomalie, l'abonnement au réseau
de chaleur ne bénéficiant pas du taux réduit de TVA à la suite, m'a-t-on
confirmé, d'un oubli de la part de la Commission et non pas d'une volonté
d'écarter cette forme d'énergie distribuée dans les appartements, notamment
dans les grands ensembles.
Je vous rappelle que les sites de géothermie permettent d'absorber l'énergie
du sous-sol, ce qui permet de préserver l'environnement. Quant à la
cogénération, elle est la forme la plus avancée de production d'énergie dans
les meilleures conditions, puisqu'elles permet de produire à la fois de la
chaleur et de l'électricité. Lorsque la cogénération provient du gaz, elle
permet en outre de réduire l'incidence sur l'effet de serre.
De surcroît, nous évitons les désagréments provoqués par les camions de
livraison de fioul lourd destiné aux cuves des chaufferies des grands
ensembles.
En résumé, il nous semble que cette mesure va dans le bons sens. Monsieur le
ministre, vous ne pourrez pas nous enjoindre une fois de plus de ne pas voter
cet amendement au motif qu'il traite d'un point que vous n'avez pas encore
négocié ! A notre connaissance, le dossier a été déposé. Par conséquent,
monsieur le ministre, acceptez que nous vous aidions ; vous pourrez invoquer à
la fois le vote de l'an passé et le vote de cette année, avec votre accord.
Mes ches collègues, par souci de cohérence et en vue d'aider le Gouvernement,
je vous adjure de voter notre amendement qui tend à imposer au taux réduit de
TVA les abonnements aux réseaux de chaleur.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
L'an dernier, nous avons en effet eu de longs
échanges sur les taux de TVA et examiné, les unes après les autres, toutes les
demandes émanant de secteurs d'activité qui désiraient bénéficier du taux
réduit. Au demeurant, quand on fait la liste des produits et des services
concernés, on se demande parfois s'il en existe qui ne soient pas appelés à
passer, un jour ou l'autre, au taux réduit.
M. Yves Fréville.
Voilà !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Si l'on raisonne sur l'ensemble des activités, des
prestations, des biens et des services pour lesquels on demande, à chaque fois
avec de bons arguments, qu'ils soient soumis au taux réduit, on en arrive à
s'interroger sur le devenir de nos finances publiques et sur la couverture des
charges de l'Etat !
Par ailleurs, quand j'entends certains de nos collègues contester les
raisonnements tenus en faveur de la réduction des prélèvements obligatoires,
affirmer qu'il ne faut pas toucher aux services publics et que chaque euro
dépensé par une administration est indispensable, etc., tout en multipliant les
demandes visant à diminuer le rendement de l'impôt qui est globalement le plus
productif pour le budget de l'Etat,...
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Justement !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... je me pose quelques questions sur la cohérence de
leur démarche !
En matière de cohérence, je dois reconnaître que le Sénat avait voté l'an
dernier une disposition identique à celle qui est présentée par les auteurs des
deux amendements en discussion. D'ailleurs, le compte rendu de nos débats de
l'époque en fait effectivement foi, monsieur Loridant.
Cependant, depuis lors, la situation des finances publiques s'est
considérablement tendue, l'audit MM. Nasse et Bonnet a dévoilé de mauvaises
surprises, le premier semestre de 2002 a vu le déficit s'alourdir de 15
milliards d'euros supplémentaires, l'avalanche des promesses électorales faites
par l'ancien gouvernement s'est traduite par toutes sortes de dépenses que nous
avons les plus grandes peines du monde à assumer.
(Exclamations ironiques
sur les travées du groupe socialiste.)
Tous ces faits nouveaux peuvent nous
conduire à réviser certaines des appréciations qui, très honnêtement, dans le
souci du bien commun, avaient pu être portées à la fin de l'année 2001 !
(Mme Marie-Claude Beaudeau s'exclame.)
Je vois que mon argumentation convainc ceux de nos collègues qui siègent du
côté gauche de l'hémicycle !
(Sourires.)
Peut-on sérieusement vouloir la
baisse du taux de la TVA pour tous les biens et services ? Toute une série de
secteurs d'activité ont été évoqués, notamment la restauration, et M. le
ministre, très honnêtement, s'en est remis à une réflexion commune pour mieux
évaluer les pertes de recettes fiscales à attendre. Est-il responsable de
continuer à vendre de l'espoir à un certain nombre de professionnels ou
d'usagers des différents secteurs que nous passons en revue, péniblement,
amendement après amendement, quand on connaît la situation actuelle des
finances publiques ?
M. Gérard Miquel.
On baisse les impôts !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Toutes les demandes de réduction du taux de la TVA
apparaissent-elles responsables, quand on les ajoute les unes aux autres et que
l'on mesure l'ordre de grandeur des pertes de recettes fiscales qui pourraient
en résulter ?
Enfin, comme vous l'avez d'ailleurs reconnu, mes chers collègues, la mesure
relative aux réseaux de chaleur que vous présentez n'est pas compatible avec le
droit communautaire actuel. Il n'est donc pas envisageable d'adopter un
amendement de cette nature dès cette année, ce qui, sans doute, n'insulte pas
l'avenir, parce que nous croyons tous au retour de la croissance, d'une
croissance vigoureuse qui permettra de dégager des marges et de poser de vraies
questions sur le devenir de notre système fiscal et de nos finances publiques.
Mais, dans l'immédiat, mes chers collègues, il conviendrait vraiment que vous
retiriez vos amendements, car ils ne sont pas opportuns.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
L'envolée lyrique de Paul Loridant affirmant qu'il
voulait m'aider était émouvante.
(Sourires.)
Je tiens à le remercier et
à lui dire qu'une bonne manière de m'aider serait de retirer son amendement
!
En effet, le droit communautaire ne permet pas, actuellement, l'application du
taux réduit de la TVA aux prestations visées par celui-ci, quelle que soit la
source d'énergie en jeu, alors que la fourniture d'électricité et de gaz peut y
être assujettie. Le Gouvernement s'attache à promouvoir à l'échelon
communautaire une réflexion sur la nécessité d'une plus grande cohérence dans
ce domaine, et je pense qu'il faut lui faire confiance.
Par conséquent, si les deux amendements n'étaient pas retirés, je serais dans
l'obligation d'émettre un avis défavorable.
M. le président.
La parole est à M. Yves Fréville, pour explication de vote sur l'amendement n°
I-69.
M. Yves Fréville.
Je n'ai jamais proposé d'abaisser un taux de TVA. En effet, je pense que la
solution à tous nos problèmes serait d'instaurer un taux unique de TVA, et je
n'ai jamais trouvé de critère permettant de décider si une activité doit être
assujettie au taux de 19,6 % ou au taux de 5,5 %.
Par ailleurs, on affirme que la TVA présente, dans certains cas, un effet
redistributif en faveur des bas revenus, or cela est faux. On dit aussi,
parfois, qu'elle aurait une incidence écologique, qu'il convient de favoriser
les activités à forte intensité de main-d'oeuvre... Bref, on trouvera toujours
des arguments pour justifier la demande que l'on avance !
Dans le cas particulier qui nous occupe, étant donné ce que je viens de dire
sur un plan général, il faudrait tout de même faire preuve de cohérence. Il est
effectivement très difficile d'expliquer à nos concitoyens que, dans certains
cas, les abonnements à une source d'énergie sont soumis à un taux de TVA de
19,6 % et que, dans d'autres cas, le taux de TVA est de 5,5 %, d'autant que,
par exemple, un tiers des habitants de ma ville sont des clients captifs des
réseaux d'énergie.
Cela étant dit, je ne voterai pas l'amendement n° I-69, et ce pour deux
raisons : d'une part, parce que les gages sont exécrables - vous auriez pu en
choisir d'autres, monsieur Loridant ! -, d'autre part, parce que je fais
confiance au Gouvernement pour défendre ce dossier à Bruxelles.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Gérard Miquel, pour explication de vote.
M. Gérard Miquel.
Nous sommes face à un problème important.
En effet, nos concitoyens sont de plus en plus sensibles aux problèmes
d'environnement, et nous souhaitons promouvoir les énergies renouvelables à
chaque fois que cela se révèle possible.
Ainsi, je viens de faire réaliser, dans ma commune, un réseau de chaleur dont
la chaudière est alimentée par du broyat de palettes, palettes qui étaient
jusqu'à présent jetées ou déposées dans des décharges. J'ai donc demandé à mes
concitoyens de cesser de se chauffer à l'électricité, alors que l'abonnement
est taxé à 5,5 %, ou individuellement au bois, lui aussi taxé à 5,5 %, et je
leur fais désormais payer un abonnement soumis à TVA de 19,6 %. Croyez-moi, mes
chers collègues, il faut faire preuve d'une grande force de persuasion pour les
amener à changer leur système de chauffage dans ces conditions !
Par conséquent, maintenir un taux élevé de TVA pour les abonnements aux
réseaux de chaleur n'est pas judicieux, car nous pénalisons alors l'utilisation
des énergies renouvelables que nous appelons par ailleurs de nos voeux, afin
d'économiser les énergies fossiles. C'est la raison pour laquelle je maintiens
l'amendement n° I - 69.
M. le président.
La parole est à M. Paul Loridant, pour explication de vote.
M. Paul Loridant.
Je ne reprendrai pas les arguments déjà exposés sur a défense de
l'environnement, afin de me placer, conformément à l'optique privilégiée par
l'Union européenne, sur le terrain de la concurrence libre et égale.
On ne peut justifier, monsieur le ministre, le fait qu'un abonnement au gaz ou
à l'électricité soit soumis à un taux de TVA de 5,5 %, tandis qu'un abonnement
à un réseau de chaleur, doté d'une chaufferie moderne permettant la
cogénération, des économies d'énergie fossile et une réduction des émissions
polluantes par rapport aux chaudières fonctionnant au fioul lourd, est
assujetti au taux de 19,6 %.
Je veux bien croire que cette anomalie résulte d'un oubli des instances
européennes, mais puisque la Commission européenne ne cesse de faire référence
au libre marché, à la concurrence et à l'égalité qui doit régner entre les
différents acteurs économiques, le taux réduit de TVA doit, à l'évidence,
monsieur le ministre, être appliqué aux abonnements aux réseaux de chaleur.
Je crois savoir que le précédent gouvernement en avait formulé la demande. Je
me souviens même avoir interpellé vos prédécesseurs, avant que la France ne
prenne la présidence de l'Union européenne, afin qu'ils profitent de cette
occasion pour faire progresser le dossier. Vous pouvez, sur ce point, vous
référer au compte rendu de nos débats budgétaires de l'an passé.
La mesure que nous présentons me semble relever du bon sens, et il serait
souhaitable que le Sénat, par cohérence, confirme son vote de l'année dernière
: cela aiderait le Gouvernement !
M. le président.
La parole est à M. Bernard Angels, pour explication de vote.
M. Bernard Angels.
La réponse de M. le ministre est à mes yeux largement recevable. Je sais très
bien que, même s'il partage notre opinion, il est « coincé », comme l'ont été
ses prédécesseurs.
En revanche, monsieur le rapporteur général, je crois que notre débat de ce
soir mérite mieux que la réponse que vous avez faite tout à l'heure. Nous
savons très bien que la France ne peut aujourd'hui obtenir gain de cause, sur
ce dossier, auprès des instances européennes, mais si nous insistons, c'est
pour que nos ministres puissent, demain, s'appuyer sur ce qui est apparu comme
une évidence dans cette assemblée. Quoi qu'il en soit, cessez de prétendre,
monsieur le rapporteur général, pour justifier votre volte-face par rapport à
l'année dernière, que ce qui était possible hier ne l'est plus aujourd'hui ! En
effet, il aurait suffi de décider une baisse de 1 % seulement de l'impôt sur le
revenu pour dégager des marges de manoeuvre et pouvoir procéder à des
réductions ciblées des taux de TVA.
Il faut donc arrêter de dire tout et le contraire ! Défendez clairement la
position qui est la vôtre, monsieur le rapporteur général : vous avez préféré
une réduction de l'impôt sur le revenu à des baisses ciblées des taux de TVA.
Cessez d'invoquer le manque de moyens car on a les moyens que l'on veut bien se
donner !
M. le président.
La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud.
Tout à l'heure, M. Marini a évoqué un supposé manque de cohérence de votre
part. En ce qui me concerne, je me demande si le rapporteur général est bien le
même en 2002 qu'en 2001 !
Ainsi, au compte rendu de la séance du 27 novembre 2001 figure l'intervention
suivante de M. Marini, s'agissant du même sujet que celui qui nous occupe
aujourd'hui :
« Compte tenu de tous les arguments que nous avons entendus et de la réponse
que vient de faire Mme le secrétaire d'Etat, et contrairement à ce que je
préconisais tout à l'heure dans le souci de ne pas trop dégrader le solde
budgétaire, j'estime que le signal souhaité par les auteurs de l'amendement
pourrait être donné dès maintenant.
« A la vérité, sur ces sujets, la question est de savoir s'il faut persister à
raffiner sans fin les dispositions relatives à la fiscalité locale et à
complexifier sans fin les dégrèvements de taxe d'habitation, par exemple, ou
s'il ne vaudrait pas mieux essayer d'apporter, par le biais d'un dispositif
comme celui que nous examinons, une contrepartie à des collectivités qui se
sont dotées d'équipements et de réseaux onéreux, financés par les usagers et
sur fonds publics, et destinés, au moins en partie, à préserver l'environnement
et à permettre un développement durable.
« Telles sont les considérations que je souhaitais énoncer à la suite de tout
ce qui a été dit par nos collègues. »
Tels étaient alors vos propos, monsieur le rapporteur général. L'amendement
dont il est question fut, bien entendu, finalement adopté.
J'aurais pu recourir à ce genre de référence à propos d'autres amendements qui
ont été examinés ce soir, mais je souhaitais simplement souligner ici que vous
employez un double langage et que vous manquez de cohérence. Très sincèrement,
cela nous inquiète beaucoup pour la suite des débats.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-69.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-162 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
L'amendement n° I-163, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 279 du code général des impôts est complété par un alinéa
ainsi rédigé :
« ... Les prestations de services funéraires. »
« II. - Le taux de l'impôt sur les sociétés est relevé à due concurrence. »
La parole est Mme Marie-Claude Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Cet amendement vise à réduire le taux de la TVA affectant les prestations de
services funéraires. Je me demande comment notre proposition pourrait être
rejetée, étant donné le nombre d'arguments qui militent en sa faveur.
J'ai remarqué, à la lecture du compte rendu des débats à l'Assemblée
nationale, que ni le rapporteur général ni vous-même, monsieur le ministre,
n'avez avancé un seul argument pour rejeter une disposition similaire. Et pour
cause ! Vous vous êttes contenté d'émettre un avis défavorable sur l'amendement
présenté ; j'espère, monsieur le ministre, que vous vous montrerez plus inspiré
devant le Sénat !
Quoi qu'il en soit, je vais maintenant développer les arguments qui fondent
notre proposition.
Premièrement, les transports funéraires sont soumis au taux de TVA de 5,5 %.
Pourquoi les frais d'obsèques demeurent-ils assujettis au taux de 19,6 % ?
Notre amendement vise d'abord à instaurer davantage de cohérence.
Deuxièmement, les frais d'obsèques représentent de un à deux mois de salaire
pour un citoyen moyen. Souvent, la soudaineté du décès ne permet pas à la
famille de faire face à des dépenses importantes et imprévues. Notre amendement
tend donc à plus de justice sociale.
Troisièmement, notre amendement présente un aspect moral non négligeable :
faire du profit sur la mort n'est pas valorisant, et celui qui ne peut pas
honorer une telle dépense en souffre.
Quatrièmement, notre amendement, s'il était adopté, nous permettrait de
profiter des possibilités offertes par la réglementation européenne qui, je
vous le rappelle, figurent à la fameuse annexe H de la directive européenne
relative à la TVA.
Cinquièmement, notre amendement a une certaine valeur, puisque le Sénat
s'était honoré, voilà deux ans, en adoptant à l'unanimité une disposition
analogue à celle qu'il prévoit. Vous ne pouvez, monsieur le rapporteur général,
que le reconnaître. Si ce vote n'a pas eu de suite, c'est parce que,
malheureusement, l'Assemblée nationale n'a pas suivi le Sénat. Le compte rendu
des débats qui se sont tenus l'an dernier au Sénat fait apparaître que vous
aviez alors tenu les propos suivants, monsieur le rapporteur général : « Il
s'agit d'une mesure sociale, car les dépenses importantes occasionnées sont
subies par des familles qui se trouvent souvent dans des situations de grande
détresse morale. »
Bien entendu, vous aviez entièrement raison, et je pense donc que vous ne
pourrez pas, ce soir, rejeter notre amendement.
En effet - je le rappelle - il est moral, il présente une réponse cohérente à
une situation sociale difficile et son coût est supportable, compte tenu du
gage prévu, puisque l'impôt sur les sociétés a baissé ces dernières années.
D'ailleurs, si vous nous proposiez de retenir un autre gage, nous serions tout
disposés à rectifier notre amendement en conséquence.
Enfin, nous n'admettons pas l'argument selon lequel les opérations réalisées
par les pompes funèbres seraient trop nombreuses et variées pour qu'il soit
possible d'envisager une solution d'ensemble. Je pense au contraire que retenir
une telle solution entraînerait une simplification à la fois pour les services
funéraires, pour le Trésor public et pour les familles, qui se sentent souvent
perdues.
Globalement, le coût de la présente mesure s'élèverait à quelques dizaines de
millions d'euros. Reconnaissez, mes chers collègues, que son adoption
permettrait une simplification et, surtout, qu'elle présente un caractère
moral. C'est pourquoi je vous invite instamment à voter cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Mme Beaudeau, comme tout à l'heure M. Thierry
Foucaud, tente de mettre la commission en contradiction avec la position
qu'elle avait adoptée l'an dernier.
J'avais pourtant exposé avec soin et avec précision, me semble-t-il, les
éléments objectifs et concrets qui ont changé depuis la tenue des débats que
vous évoquez ce soir, madame Beaudeau : le gouvernement n'est plus le même,
mais surtout la situation économique et budgétaire a évolué, et nous devons en
tirer les conséquences. Vous ne m'avez sans doute pas bien écouté, pas plus que
M. Thierry Foucaud, lorsque j'ai évoqué la dégradation de la situation des
finances publiques et les problèmes sans nombre nés d'une gestion extrêmement
hasardeuse.
Vous-même, madame Beaudeau, le répétiez ces dernières années.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Je suis d'autant plus à l'aise !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Vous ne cessiez de mettre en garde le gouvernement de
l'époque, le gouvernement de la majorité dite « plurielle », et vous ne devez
pas être surprise du spectacle auquel nous assistons aujourd'hui,...
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Il est vrai que c'est un drôle de spectacle !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... compte tenu des conséquences de cette gestion, en
particulier des dérives des finances publiques, très préoccupantes, auxquelles
elle a abouti.
Le raisonnement de la commission ne présente donc aucun défaut de cohérence,
aucun défaut dans la cuirasse : la situation des finances publiques ne nous
permet pas de faire droit à votre demande, madame Beaudeau.
Voilà deux ans, lorsque nous avons voté la mesure, c'est-à-dire à la fin de
l'année 2000,...
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Il y avait plein d'argent !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
« Plein d'argent », non, ce n'est jamais le cas,
parce que les budgets sont toujours trop restreints et parce que, dans les
périodes où les recettes abondent, les convoitises sont peut-être plus grandes
encore !
Néanmoins, si la majorité de l'Assemblée nationale et le Gouvernement avaient
eu à l'époque la volonté politique de mettre en oeuvre la mesure que vous
préconisiez - et que nous préconisions avec vous -, nous n'en parlerions plus
aujourd'hui parce qu'elle eût déjà été en vigueur. Malheureusement, cette
occasion a été perdue et la situation objective des faits est aujourd'hui tout
à fait différente.
Après vous avoir rappelé les différentes étapes de son raisonnement, la
commission émet donc un avis défavorable sur l'amendement I-163.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Je fournirai des explications à Marie-Claude Beaudeau,
qui, ayant lu le compte rendu des débats de l'Assemblée nationale, m'a trouvé
trop lapidaire.
Le Gouvernement est sensible à la situations des personnes frappées par un
deuil, puisqu'il ne vous aura pas échappé, madame, que nous avons relevé le
niveau de déductibilité des frais funéraires pour les successions : cela montre
que nous sommes, en effet, attentifs aux misères de ces familles.
Afin d'éviter une trop grande complexité, l'application du taux réduit de la
TVA devrait cependant concerner l'ensemble des prestations funéraires. Or
celles-ci, vous le savez, sont très diverses, le service extérieur des pompes
funèbres ne comptant pas moins de huit catégories. Le coût budgétaire d'une
telle mesure s'élèverait à environ 110 millions d'euros en année pleine. Bien
que compatible avec le droit communautaire - puisque vous insistez sur le fait
que nous ne devons pas en permanence nous réfugier derrière le droit
communautaire -, elle mesure n'est donc pas envisageable dans l'immédiat.
Par conséquant, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement
I-163.
M. le président.
La parole est à M. Jacques Oudin, contre l'amendement.
M. Jacques Oudin.
Je serai bref, monsieur le président. Nous devons, me semble-t-il, entendre
les explications de M. le rapporteur général et de M. le ministre, et je
formulerai deux observations.
Nous pouvons tout à fait comprendre, sur un plan humain les propos de Mme
Beaudeau. En effet, plus les coûts des services funéraires seront minorés,
mieux ce sera pour les familles qui, déjà, vivent une détresse morale.
Cependant, je soulignerai que le taux de la TVA n'est pas le seul responsable
du coût fort élevé des services funéraires : les prestations des pompes
funèbres elles-mêmes ne sont pas bon marché ! Il faudrait donc qu'un accord
entre les pouvoirs publics et les services de pompes funèbres puisse intervenir
sur cette question. N'oubliez pas qu'il fut un temps où existait un monopole.
Or qui dit monopole dit majoration des frais, et le résultat d'un taux de TVA
élevé s'appliquant à des frais élevés ne peut pas être satisfaisant, je vous le
concède.
M. Roland du Luart.
C'est une industrie de main-d'oeuvre !
M. Jacques Oudin.
J'aimerais, chère collègue, que vous preniez note des propos de M. le
ministre, qui a annoncé que le Gouvernement avait pris en considération les
frais funéraires et majoré les déductions dont ils font l'objet dans les droits
de succession. C'est important, car c'est un premier pas intéressant qui
profite directement aux familles.
Dans ces conditions, en attente d'un accord entre les pouvoirs publics et les
entreprises funéraires, nous devons adopter la solution présentée par le
Gouvernement. Je propose donc de ne pas adopter l'amendement du groupe CRC.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-163.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
L'amendement n° I-104, présenté par M. Oudin, est ainsi libellé :
« Après l'article 9, insérer un article additionnel rédigé comme suit :
« I. - La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 5,50 % en ce
qui concerne les opérations de formation à la sécurité routière.
« II. - La perte de recette résultant pour l'Etat des dispositions du I
ci-dessus est compensée à due concurrence par une augmentation des recettes
prévues aux articles 575 à 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Jacques Oudin.
M. Jacques Oudin.
Dans la lutte contre l'insécurité routière qu'ont décidé de mener tant le
Président de la République que le Gouvernement, les pouvoirs publics, associés
aux professionnels concernés - au premier rang desquels les enseignants de
conduite, malheureusement touchés, actuellement, par une grève -,...
M. Jean-Jacques Hyest.
De toute façon, cela coûte moins cher avec les gendarmes !
M. Jacques Oudin.
... réalisent des efforts actifs à travers des actions de sensibilisation et
de formation des futurs jeunes conducteurs.
Outre la modernisation des moyens de contrôle routiers engagée par la loi sur
la sécurité intérieure, la prévention des risques liés à la route passe par
l'éducation à la sécurité routière et par la responsabilisation soutenue de la
population. A l'évidence, dans le cadre du partenariat mis en place par le
Gouvernement, les enseignants de conduite tiennent un rôle majeur dans
l'éducation à la sécurité routière et dans la diffusion des bonnes pratiques
auprès des jeunes conducteurs.
Toutefois, compte tenu du nombre croissant de candidats et du sous-effectif
des inspecteurs, ils ne disposent pas des conditions optimales - notamment en
raison d'un taux de TVA non réduit pour l'activité de formation à la sécurité
routière - pour dispenser une formation suffisamment valorisante aux yeux des
candidats au permis de conduire.
Or il semble que les conditions d'application du taux de la TVA minoré soient
toutes remplies par ce secteur d'activité et qu'une telle réduction de la TVA
contribuerait efficacement à la lutte contre l'insécurité routière.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission estime que cette idée est intéressante
mais que, malheureusement, elle n'est pas applicable en l'état actuel de
l'annexe H de la directive « TVA », bien connue.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
C'est un coup de « H »(sourires) !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cependant, nous partageons totalement les intentions
affichées dans cet amendement.
Peut-être M. le ministre peut-il nous en dire plus sur les chances de voir ce
droit communautaire évoluer au cours des négociations qui auront bientôt lieu
?
Si nous n'avons pas d'assurances à ce sujet, il faudra malheureusement retirer
l'amendement !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Je n'ai pasd'assurances à donner au Sénat. J'essaie
d'être sincère et loyal dans toutes mes réponses, et je suis obligé de demander
à Jacques Oudin de bien vouloir retirer son amendement.
M. le président.
Monsieur Oudin, l'amendement n° I-104 est-il maintenu ?
M. Jacques Oudin.
Pour être honnête, monsieur le président, je n'ai pas très bien saisi les
motivations qui poussent le Gouvernement à me demander de retirer cet
amendement. La situation est complexe, je le reconnais, mais les raisons qui
m'ont amené à présenter cet amendement me paraissent fondées.
Je veux bien, puisque je soutiens le Gouvernement et répondre à sa demande et
retirer ma proposition, mais je ne vois pas l'issue qu'il envisage pour un
secteur qui connaît, chacun le conçoit, une situation difficile du fait des
grèves qui le perturbent, et je n'ai pas saisi les raisons qu'il a avancées
pour refuser cet amendement.
Je le retire néanmoins par solidarité, monsieur le président, mais uniquement
par solidarité !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
C'est dur la solidarité, monsieur Oudin !
M. le président.
L'amendement n° I-104 est retiré.
L'amendement n° I-201, présenté par M. Hyest, est ainsi libellé :
« Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le 1° du I de l'article 298 du code général des impôts est rédigé comme
suit :
« 1° Ils doivent seulement déposer une déclaration au titre de chaque année ou
exercice dans les conditions fixées au 3 de l'article 287 ; »
« II. - Dans le premier alinéa du 3 de l'article 287 du code général des
impôts, après les mots : "l'article 302
septies
A", sont insérés les
mots : "et au 1° du I de l'article 298
bis".
»
La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Cet amendement, de même que les suivants, vise non plus à baisser le taux de
la TVA, mais à rapprocher le régime agricole du régime de droit commun.
Ainsi, l'amendement n° I-201 tend à réduire le nombre de traitements
comptables, permettant de la sorte une simplification administrative de la
comptabilité des agriculteurs ; c'est là, me semble-t-il, un objectif auquel
nous devrions tous souscrire.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cet amendement de simplification administrative ne
devrait normalement entraîner qu'un décalage de trésorerie.
Le point délicat, en la matière, est que ce coût de trésorerie peut se
traduire par un coût budgétaire. Si la loi organique relative aux lois de
finances était appliquée dans toutes ses dispositions - je parle sous le
contrôle de plus compétent que moi ! -, les écritures budgétaires ne devraient
pas en être affectées. Mais, la mise en oeuvre de la loi n'étant que
progressive, c'est toujours le
statu quo ;
par conséquent, pour 2003,
première année d'application de la mesure, le coût en trésorerie devrait être
budgété.
Tout cela est évidemment assez complexe. Sur le fond, vouloir faire coïncider
la date de clôture de l'exercice comptable des agriculteurs avec la date
obligatoire de déclaration annuelle de TVA, actuellement fixée au 31 décembre
de l'année, semble relever du bon sens, et l'on ne peut que souscrire à cette
orientation. Cependant, c'est la question du coût de la mesure, estimé pour la
première année - c'est la « marche d'escalier » ! - à 53 millions d'euros selon
les règles de la comptabilité budgétaire applicables, qui préoccupe la
commission et la conduit à solliciter l'avis du Gouvernement, afin de vérifier
s'il partage les analyses qu'elle a présentées.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Je préciserai d'abord à Jacques Oudin, qui n'avait pas
bien saisi le sens de ma réponse sur l'amendement n° I-104, que celui-ci était
contraire au droit communautaire.
Monsieur Hyest, l'amendement que vous avez présenté a pour objet de permettre
aux exploitants agricoles placés sous le régime simplifié agricole de déposer
une déclaration de TVA correspondant à leur exercice comptable et non à l'année
civile. Cependant, la plupart des exploitants agricoles ne bénéficieraient pas
de la mesure, en particulier ceux qui sont soumis au régime du bénéfice
forfaitaire agricole ainsi que ceux qui ont opté pour le dépôt de déclarations
trimestrielles de TVA.
Le régime simplifié agricole repose sur le principe de l'année civile, qui
constitue un élément essentiel de sa simplicité. Dans ces conditions,
l'adoption de votre proposition, monsieur le sénateur, rendrait le suivi des
déclarations ou des obligations déclaratives plus difficiles, tant pour les
redevables, qui devraient procéder à des calculs supplémentaires pour apprécier
leur situation au regard de la TVA que pour l'administration.
Au demeurant, la demande de remboursement de crédit de TVA devrait être, en
tout état de cause, déposée en même temps que la déclaration annuelle de TVA,
que celle-ci soit établie par rapport à l'année civile ou par rapport à
l'exercice comptable. De la sorte, comme le soufflait à l'instant M. le
rapporteur général en conclusion de son propos, nous ne sommes pas en présence
d'une véritable simplification. De surcroît, le coût de la mesure serait de 53
millions d'euros.
Je suis donc contraint de vous demander de bien vouloir retirer votre
amendement, qui, encore une fois, n'apporterait pas de réelle
simplification.
M. le président.
Monsieur Hyest, l'amendement est-il maintenu ?
M. Jean-Jacques Hyest.
Je comprends bien les arguments de M. le ministre, mais le seul qui ne me
convainque pas est celui de la non-simplification. Il me convainc d'autant
moins que la simplification est précisément l'objet de cet amendement !
Quant au coût, si le texte de l'amendement ne le mentionne pas, c'est que sa
réalité ne me paraissait pas évidente, s'agissant uniquement d'une question de
trésorerie.
Néanmoins, je persévérerai. J'étudierai mieux vos arguments, monsieur le
ministre, et je déposerai peut-être le même amendement l'année prochaine !
En attendant, je le retire.
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Merci !
M. le président.
L'amendement n° I-201 est retiré.
L'amendement n° I-23, présenté par MM. François, Hyest, Dubrule, P. André et
Bailly, Mme Bout, MM. Bizet, Braye, de Broissia, César, Cornu, Doublet,
Fournier, Ginésy, Leroy, Natali, Ostermann, Oudin, de Richemont, Rispat,
Trillard et Vasselle, est ainsi libellé :
« Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - La seconde phrase du sixième alinéa (4°) du I de l'article 298
bis
du code général des impôts est ainsi rédigée : "Toutefois, les
dispositions des I et II de l'article 302
septies
A ne leur sont pas
applicables".
La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Cet amendement a sensiblement le même objet que le précédent. Il vise en effet
à faire coïncider l'exercice de TVA des agriculteurs avec leur exercice
comptable et à permettre le remboursement du crédit de TVA à la fin de chaque
trimestre, comme cela se pratique dans le régime général.
La présente disposition tend donc à aligner le régime agricole sur le régime
de droit commun. Elle aurait le double avantage de répondre aux exigences en
matière de simplification administrative - mais je crains que les mêmes
arguments que précédemment ne lui soient opposés ! - et de rapprocher les deux
régimes de TVA.
Vous m'avez répondu tout à l'heure, monsieur le ministre, que cette
disposition ne constituait pas une simplification. Mais elle existe dans le
régime de droit commun, et son extension au régime agricole me paraît
concevable intellectuellement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Outrela disposition qu'il a en commun avec
l'amendement précédent, ce texte vise à permettre le remboursement trimestriel
aux exploitants agricoles du crédit de TVA qu'ils avancent, alors
qu'actuellement ce remboursement n'a lieu qu'après l'expiration de l'exercice
annuel de TVA. Comme le précédent, il entraînerait donc, semble-t-il, un coût
de trésorerie, lequel serait même sensiblement plus important que le précédent,
ce qui me conduit à formuler une réponse analogue.
Par ailleurs, n'oublions pas que l'article 8 du présent projet de loi de
finances permet déjà d'améliorer de manière significative la situation
comptable des agriculteurs acquittant une TVA d'un montant inférieur à 1 000
euros, c'est-à-dire de 75 % des agriculteurs. Cette mesure, qui n'a pas été
évoquée en séance publique parce qu'aucun amendement n'a été déposé à l'article
8, n'en figure pas moins dans le projet de loi de finances !
La commission salue la volonté tout à fait réelle que montre M. Hyest de
simplifier la situation comptable des agriculteurs. Toutefois, compte tenu du
coût de trésorerie et du coût budgétaire de la mesure, elle souhaite le retrait
de cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Le Gouvernement recherche la même simplification que M.
Hyest. Il semble pourtant que nous ne nous comprenions pas très bien, en effet,
ce qui suppose que nous approfondissions la discussion de nos points de vue.
Il est vrai que les agriculteurs soumis au régime du bénéfice forfaitaire
agricole doivent effectuer leur déclaration en respectant l'échéance de l'année
civile. Je ne pense pas que la disposition que vous proposez, monsieur le
sénateur, leur apporte la simplification que vous souhaitez, mais je suis prêt
à l'étudier, puisque nous nous sommes fixé pour objectif de faciliter et de
simplifier notre fiscalité.
En tout état de cause, ce qui est incontestable, c'est le coût de la mesure,
légèrement supérieur aux chiffres que j'ai annoncés tout à l'heure.
Je suis donc contraint de vous demander de bien vouloir retirer cet
amendement, tout en restant à votre disposition pour étudier les moyens de
simplifier ce point de notre fiscalité, car, je le répète, il s'agit là d'un
objectif commun !
M. le président.
L'amendement est-il maintenu, monsieur Hyest ?
M. Jean-Jacques Hyest.
Je retire cet amendement, d'autant que son application serait apparemment
beaucoup plus coûteuse que je ne l'avais imaginé.
Quoi qu'il en soit, monsieur le rapporteur général, les agriculteurs qui
paient moins de 1 000 euros de TVA et ceux qui acquittent un montant supérieur
méritent le même intérêt, et le sénateur de l'Oise que vous êtes le sait fort
bien ! Il ne faut pas se représenter les agriculteurs comme une catégorie
unique !
M. le président.
L'amendement n° I-23 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° I-109, présenté par M. Franchis et les membres du groupe de
l'Union centriste, est ainsi libellé :
« Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le I de l'article 298
bis
du code général des impôts est
complété par un 5° ainsi rédigé :
« 5° Les assujettis placés sous le régime d'acomptes peuvent demander un
remboursement trimestriel du crédit constitué par la taxe ayant grevé
l'acquisition de biens constituant des immobilisations lorsque leur montant est
au moins égal à 760 euros.
« Les remboursements sont effectués dans les conditions prévues par l'article
242
septies
J à l'annexe II. »
« II. - Les pertes de recettes résultant du I sont compensées, à due
concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux
articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° I-200, présenté par M. Hyest, est ainsi libellé :
« Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le I de l'article 298
bis
du code général des impôts est
complété par un 5° rédigé comme suit :
« 5° Les assujettis placés sous le régime d'acomptes peuvent demander un
remboursement trimestriel du crédit constitué par la taxe déductible ayant
grevé l'acquisition de biens constituant des immobilisations lorsque leur
montant est au moins égal à 760 euros. Les remboursements sont effectués dans
les conditions prévues par l'article 242
septies
J à l'annexe II du code
général des impôts. »
« II. - La perte de recettes pour l'Etat est compensé à due concurrence par la
création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du
code général des impôts ».
La parole est à M. Yves Fréville, pour présenter l'amendement n° 109.
M. Yves Fréville.
Cet amendement, qui va dans le même sens que le précédent, vise à rapprocher
le régime simplifié agricole de TVA des autres régimes.
Le problème est simple, comme le soulignait M. le ministre il y a un instant :
les exploitants concernés étant soumis au régime de la déclaration annuelle,
s'ils réalisent un investissement important en juillet alors qu'ils ont rempli
leur déclaration annuelle en mai, ils devront attendre l'année suivante pour
obtenir le remboursement de leur crédit d'impôt sur cet investissement. En
d'autres termes, ils feront l'avance de trésorerie nécessaire. Le problème est
donc identique à celui que soulevait l'amendement précédent : il est logique
que ces agriculteurs obtiennent plus rapidement, si c'est possible, le
remboursement du crédit d'impôt.
L'amendement n° I-109 balise donc le champ du remboursement anticipé en le
limitant aux seuls exploitants soumis au régime des acomptes et pour les
investissements supérieurs à 760 euros, ce qui est une double manière de
réduire le coût de trésorerie.
Je reconnais que la mesure proposée a un coût budgétaire, du moins la première
année, puisque les remboursements d'impôt qui devraient avoir lieu en 2004
seraient avancés à l'année 2003. Il me paraît cependant tout à fait logique que
l'Etat, qui est le débiteur, rembourse sa dette plus rapidement.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour présenter l'amendement n°
I-200.
M. Jean-Jacques Hyest.
Cet amendement a le même objet que le précédent. J'ajouterai simplement que
les entreprises commerciales et artisanales qui relèvent du régime simplifié
d'imposition dans le cadre du régime général de TVA peuvent demander le
remboursement trimestriel du crédit de taxe déductible ayant grevé l'acquisiton
de biens constituant des immobilisations lorsque leur montant est au moins étal
à 760 euros.
Je ne vois pas pourquoi ce que l'on a fait pour les artisans et les
commerçants, on ne le ferait pas pour les agriculteurs, ou alors il faut
changer le système des commerçants et artisans, qui en effet n'est pas simple.
En tout cas, il y aurait un réel intérêt pour les agriculteurs à bénéficier
d'un remboursement trimestriel dans la mesure où ils ont fait des
investissements importants.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Ces amendements sont d'inspiration tout à fait
analogue aux précédents. Ils induisent un coût de trésorerie et donc un coût
budgétaire non négligeable la première année d'application.
Dans chaque cas, les dispositifs visent à simplifier la situation
administrative et comptable des agriculteurs, ce qui, bien sûr, serait positif.
Seuls des arguments relatifs aux finances publiques me contraignent à sollicier
le retrait de ces amendements.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Certes, il y a une distorsion entre la situation
fiscale des agriculteurs et celle des commerçants ou artisans. Je ne vous
cacherai pas, messieurs les sénateurs, que c'est une raison de coût qui motive
ma réticence par rapport à votre proposition. Le coût de la mesure est en effet
estimé à 812 millions d'euros, ce qui est une somme considérable.
Par ailleurs - et c'est aussi une distorsion par rapport au système fiscal des
commerçants et des artisans - les exploitants agricoles peuvent opter pour le
dépôt de déclarations trimestrielles lorsque, étant dans une situation
créditrice au regard de la TVA, ils souhaitent obtenir un remboursement des
crédits de taxe non imputables sans attendre le dépôt de leur déclaration
annuelle. Toutefois, vous le savez, cette option est irrévocable, ce qui n'est
pas le cas des autres régimes.
Telle est la situation que je vous décris en toute sincérité. J'ai bien
entendu votre appel. Il faudra, c'est certain, aller vers une harmonisation des
régimes fiscaux des différentes activités. Mais la situation budgétaire dans
laquelle nous nous trouvons aujourd'hui ne nous permet pas d'accepter les
propositions qui nous sont soumises. C'est la raison pour laquelle je vous
demande, messieurs, de bien vouloir retirer vos amendements, sinon je serai
obligé d'en demander le rejet.
M. le président.
L'amendement n° I-109 est-il maintenu, monsieur Fréville ?
M. Yves Fréville.
J'ai bien entendu les propos favorables de M. le ministre allant dans le sens
de l'harmonisation des régimes fiscaux des artisans, commerçants et
agriculteurs. Il faudra absolument aller dans cette direction pour l'ensemble
de notre système fiscal. Même si le régime agricole peut comporter un certain
nombre de spécificités, elles ne doivent pas être exagérées. Un droit commun
doit s'établir pour les petites entreprises.
J'en viens au coût de 800 millions d'euros dont vous avez parlé. En fait,
c'est un coût apparent. Le coût réel s'établit, lui, à 800 millions d'euros
multiplié par un taux d'intérêt de 5 %, ce qui fait 40 millions. J'espère que
des jours meilleurs, qu'une croissance retrouvée permettront de réparer cette
injustice.
Dans cet espoir, je retire mon amendement.
M. le président.
L'amendement n° I-109 est retiré.
L'amendement n° I-200 est-il maintenu, monsieur Hyest ?
M. Jean-Jacques Hyest.
Je le retire également, mais cela me désole !
M. le président.
L'amendement n° I-200 est retiré.
L'amendement n° I-39, présenté par MM. Ostermann, Besse, Bizet, Cornu,
Doublet, Eckenspieller, Fournier, Gérard, Ginésy, Karoutchi, Leclerc, Peyrat,
de Richemont et Schosteck, est ainsi libellé :
« Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Les assujettis soumis de plein droit ou sur option au régime normal
d'imposition et facturant la taxe sur la valeur ajoutée au taux réduit au titre
de l'article 279-0
bis
du code général des impôts peuvent demander
mensuellement le remboursement du crédit de taxe déductible lorsque le montant
de celui-ci est au moins égal à 763 euros.
« Les assujettis placés sous le régime d'acomptes prévu au 3 de l'article 287
du code général des impôts et facturant la taxe sur la valeur ajoutée au taux
réduit au titre de l'article 279-0
bis
du même code peuvent opter à tout
moment pour le régime normal d'imposition et demander immédiatement le
remboursement du crédit de taxe déductible lorsque le montant de celui-ci est
au moins égal à 763 euros. »
La parole est à M. Joseph Ostermann.
M. Joseph Ostermann.
Depuis que la TVA au taux de 5,5 % sur les travaux d'amélioration, de
transformation, d'aménagement et d'entretien des locaux à usage d'habitation
achevés depuis plus de deux ans a été instaurée, les entrepreneurs paient la
TVA au taux de 19,6 % sur leurs achats de matériels et de fournitures et
facturent au taux de 5,5 %. Pour certains corps de métiers, ces achats
représentent tous les mois un montant important. Pour eux, le montant de la TVA
déductible est désormais beaucoup plus important que celui de la TVA
récoltée.
Ils disposent donc d'un important crédit de TVA, dont ils ne peuvent demander
le remboursement que trimestriellement lorsqu'ils sont soumis au régime normal
d'imposition et qu'annuellement lorsqu'ils sont soumis au régime simplifié.
Pour ces derniers, la réduction autorisée du montant des acomptes versés ne
sert à rien. La trésorerie de ces entreprises est, par conséquent, souvent
asséchée. Celles-ci subissent de ce fait un préjudice important.
Le présent amendement vise donc à permettre aux entrepreneurs du bâtiment de
demander le remboursement mensuel du crédit de TVA dont ils disposent lorsque
celui-ci atteint au moins 763 euros. Il ne s'agit que d'une mesure tout à fait
normale d'accompagnement du dispositif d'instauration de la TVA au taux réduit
pour certains travaux dans le logement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cet amendement, qui s'applique non plus à
l'agriculture mais à d'autres professions, a en vérité un objet tout à fait
analogue à la série d'amendements qui vient d'être défendue.
Lors des discussions budgétaires précédentes, l'ancien gouvernement, pour
repousser les suggestions déjà formulées par notre collègue Joseph Ostermann,
avait invoqué des mesures en cours destinées à accélérer les procédures de
remboursement, notamment la modernisation des outils informatiques, ainsi que,
avait-il dit, les efforts de la direction générale des impôts.
Peut être pourrez-vous nous dire, monsieur le ministre, si, en termes de bonne
administration, ces procédures de remboursement ont évolué. En tout état de
cause, vos observations nous seront précieuses.
Cela dit, à l'instar des amendements précédents, celui-ci engendrerait un coût
significatif en trésorerie qui se traduirait dans le budget de la première
année. Ce seul élément nous conduit à suggérer à M. Osterman de retirer son
amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
D'abord, les entreprises dont fait état Joseph
Ostermann peuvent réaliser des travaux soumis au taux réduit de TVA pour les
locaux d'habitation de plus de deux ans et au taux normal pour des
constructions d'immeubles neufs. Elles ne se trouvent donc pas, de manière
générale et systématique, en situation de crédit de taxes.
Ensuite, ces entreprises, qui relèvent du régime simplifié d'imposition,
peuvent opter pour le régime réel normal tout en restant placées sous le régime
simplifié d'imposition de leurs bénéfices - il s'agit du régime dit du «
mini-réel -, ce qui leur permet de déposer des demandes de remboursement de
crédits de TVA supérieurs à 760 euros, à l'issue de chaque trimestre civil,
sans condition tenant à la nature des dépenses supportées.
L'instauration d'un régime dérogatoire au bénéfice des seules entreprises du
bâtiment serait discriminatoire vis-à-vis des entreprises d'autres secteurs
économiques, ce qui paraît très difficilement envisageable.
Dans ces conditions, je crois devoir vous demander de retirer votre
amendement, monsieur Ostermann. A défaut, j'émettrais un avis défavorable.
M. le président.
Monsieur Ostermann, l'amendement est-il maintenu ?
M. Joseph Ostermann.
Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° I-39 est retiré.
Article 10
M. le président.
« Art. 10. - Le chapitre II
bis
du titre V de la deuxième partie du
livre Ier du code général des impôts est complété par une section 5 ainsi
rédigée :
« Section 5
« Dégrèvement en faveur des armateurs
«
Art. 1647 C
ter. - I. - A compter des impositions établies au titre
de 2003, la cotisation de taxe professionnelle et des taxes annexes des
entreprises d'armement au commerce mentionnées dans la loi n° 69-8 du 3 janvier
1969 relative à l'armement et aux ventes maritimes fait l'objet d'un
dégrèvement pour la part de la cotisation relative à la valeur locative des
navires de commerce et de leurs équipements embarqués.
« Pour les impositions établies au titre de 2003, ce dégrèvement est accordé
sur réclamation. Pour les impositions établies au titre de 2004 et des années
suivantes, il est accordé sur demande effectuée dans la déclaration prévue à
l'article 1477. La réclamation ou la demande est déposée auprès du service des
impôts dont relèvent le ou les établissements auxquels les navires sont
rattachés.
« Ce dégrèvement est égal à la cotisation de taxe professionnelle multipliée
par le rapport existant entre, d'une part, la valeur locative des navires de
commerce et de leurs équipements embarqués et, d'autre part, les bases brutes
totales retenues pour l'imposition.
« II. - Pour l'application du troisième alinéa du I, la cotisation s'entend de
l'ensemble des sommes mises à la charge de l'entreprise figurant sur l'avis
d'imposition, diminué le cas échéant de l'ensemble des réductions et autres
dégrèvements dont cette cotisation peut faire l'objet, à l'exception du
dégrèvement prévu au I de l'article 1647 C qui sera opéré, le cas échéant,
après celui prévu au présent article. » -
(Adopté.)
Article additionnel après l'article 10
M. le président.
L'amendement n° I-51 rectifié, présenté par M. Badré et les membres du groupe
de l'Union centriste, est ainsi libellé :
« Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le chapitre II
bis
du titre V de la deuxième partie du code
général des impôts est complété par une section VI ainsi rédigée :
« Section VI : dégrèvement en faveur
des industries techniques du cinéma
«
Art. 1647 C
quater -
I. -
A compter des impositions établies
au titre de 2003, la cotisation de taxe professionnelle et des taxes annexes
des industries techniques du cinéma dont la nomenclature est fixée par décret
fait l'objet d'un dégrèvement pour la part de la cotisation relative à la
valeur locative des matériels servant spécifiquement et exclusivement à la
production d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles et à la création
d'images filmées réalisées sur le territoire national et dont la liste est
fixée par décret.
« Pour les impositions établies au titre de 2003, ce dégrèvement est accordé
sur réclamation. Pour les impositions établies au titre de 2004 et des années
suivantes, il est accordé sur demande effectuée dans la déclaration prévue à
l'article 1477. La réclamation ou la demande est déposée auprès du service des
impôts dont relèvent le ou les établissements auxquels les matériels
spécifiques sont rattachés.
« Ce dégrèvement est égal à la cotisation de taxe professionnelle multipliée
par le rapport existant entre, d'une part, la valeur locative des matériels
visés ci-dessus et, d'autre part, les bases brutes totales retenues pour
l'imposition.
«
II.
- Pour l'application du troisième alinéa du I, la cotisation
s'entend de l'ensemble des sommes mises à la charge de l'entreprise figurant
sur l'avis d'imposition, diminuée le cas échéant de l'ensemble des réductions
et autres dégrèvements dont cette cotisation peut faire l'objet, à l'exception
du dégrèvement prévu au I de l'article 1647 C, qui sera opéré, le cas échéant,
après celui prévu au présent article. »
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat du I et du II est
compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux
droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Denis Badré !
M. Denis Badré.
La France possède un capital culturel et artistique attractif. On a beaucoup
parlé d'attractivité depuis le début de ce débat : en voilà un exemple
concret.
Cette attractivité est forte dans le domaine cinématographique, où la France
continue d'exister solidement, malgré la concurrence de la production
américaine, et il est bon que cela continue.
Les industries techniques du cinéma, de l'audiovisuel et des médias se
trouvent au coeur de ce qui fait ainsi une exception française.
Ces industries doivent cependant lutter contre des concurrences à l'intérieur
même de notre Union européenne, où existent des incitations financières.
Celles-ci peuvent prendre la forme d'économies sur les coûts de production au
Royaume-Uni, d'incitation fiscale au Luxembourg, ou encore d'avances
remboursables en fonction des recettes en Allemagne.
Conserver des équipements techniques performants et concurrentiels est
particulièrement lourd en France pour les petites entreprises et les
indépendants.
De nombreuses petites entreprises du secteur sont actuellement en difficulté.
Il est donc nécessaire de prendre des mesures urgentes en faveur de ce secteur,
qui concerne, je le rappelle, 25 000 emplois.
A chiffre d'affaires égal, ces industries supportent, en moyenne, une taxe
professionnelle trois fois plus importante que l'ensemble des industries
françaises. Cet amendement a donc pour objet de leur offrir, à l'instar de ce
qui est fait pour les entreprises de presse, soit une exonération de taxe
professionnelle compensée par l'Etat, soit la création d'un crédit d'impôt.
Le coût de cette mesure serait de l'ordre de 20 millions d'euros à compter de
2003.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
L'amendement qui a été présenté par Denis Badré vise
à faire bénéficier les industries techniques du cinéma et de l'audiovisuel
d'avantages analogues, en matière de taxe professionnelle, à ceux dont
bénéficient déjà les entreprises de presse.
Ces industries techniques du cinéma, nous le savons, connaissent une situation
souvent difficile, en particulier du fait de la concurrence des producteurs et
des centres spécialisés des pays de l'Est ainsi que d'autres pays, qui
interviennent souvent par le biais de subventions afin d'améliorer la position
compétitive de leurs acteurs locaux.
Le dégrèvement ici proposé est-il à la mesure des problèmes structurelles de
la profession ? La commission n'en est pas certaine.
Elle s'interroge en outre sur l'opportunité de créer de nouveaux dégrèvements
et, sur le plan du droit communautaire, sur le caractère explicitement national
de ce dispositif, qui pourrait être de nature à nous créer quelques ennuis si
des actions étaient entreprises par des professionnels d'autres Etats de
l'Union européenne.
Pour l'ensemble de ces raisons, il ne nous semble pas que le dispositif soit
pleinement satisfaisant, ce qui n'empêche pas la commission de souligner la
réalité du problème posé et de souhaiter que des solutions y soient
apportées.
Sous réserve de l'avis du Gouvernement, la commission souhaite le retrait de
cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Le Gouvernement n'est pas d'un avis très différent de
celui du rapporteur général même s'il souhaite saluer la volonté de Denis Badré
de soutenir les entreprises du secteur des industries culturelles.
Toutefois, j'assimilerai le dispositif proposé par Denis Badré à celui des
armateurs, qui en son temps avait fait l'objet d'un accord de la Commission
européenne et qui, aujourd'hui, semble être perçu comme une aide d'Etat, pour
laquelle une autorisation préalable serait nécessaire.
De toute façon, il me semble dangereux pour l'équilibre des finances publiques
de créer un dégrèvement supplémentaire de taxe professionnelle pris en charge
par l'Etat pour tenir compte des difficultés conjoncturelles d'un secteur
d'activité particulier.
Cela me conduit, monsieur Badré, à vous demander de bien vouloir retirer votre
amendement, faute de quoi je serai obligé d'émettre un avis défavorable.
M. le président.
L'amendement est-il maintenu, monsieur Badré ?
M. Denis Badré.
M. le rapporteur général a déclaré que la mesure ne serait pas à la hauteur du
problème, ce qui signifie qu'il y a bien un problème ; or, quand il y a un
problème, il vaut mieux avancer un peu que pas du tout ! Je ne suis donc pas
tout à fait convaincu par cet argument.
Cela dit, je pense que, pour tout ce qui touche à la compétitivité, le côté
psychologique est important et que, dans le domaine qui nous occupe, qui est un
domaine culturel, les incitations ont valeur de symbole. Le fait d'apporter une
aide témoignerait de la volonté du Gouvernement de soutenir ce secteur de notre
activité nationale, qui est en butte non seulement à la concurrence américaine
mais aussi à celle de certains de nos partenaires européens ou à celle de pays
de l'Est, futurs membres de l'Union européenne.
A M. le ministre qui invoquait les difficultés que nous pourrions rencontrer
avec Bruxelles, qui nous reprocherait d'accorder des aides d'Etat, je
rappellerai que trois ou quatre pays de l'Union dispensent déjà de telles aides
; il s'agit notamment, comme je l'ai dit tout à l'heure, du Royaume-Uni et de
l'Allemagne.
Il y a là un vrai problème. Aussi, je souhaiterais que, à défaut d'accepter le
débat sur cet amendement, monsieur le ministre, vous preniez l'engagement d'y
apporter une solution. La France doit continuer d'être présente sur le
terrain.
Cela me paraît vital pour que l'exception culurelle française puisse s'appuyer
sur une réalité, sur un secteur performant et original.
Cela dit, je retire mon amendement, la mort dans l'âme.
M. le président.
L'amendement n° I-51 rectifié est retiré.
Article 11
M. le président.
« Art. 11. - A. - Le code général des impôts est ainsi modifié :
« I. - Après le premier alinéa du 2° de l'article 1467, il est inséré un
alinéa ainsi rédigé :
« La fraction des recettes mentionnée au premier alinéa est fixée à 9 % au
titre de 2003, 8 % au titre de 2004 et 6 % à compter de 2005. »
« II. - Au deuxième alinéa de l'article 1647
bis
, après les mots : "du
30 décembre 1998", sont insérés les mots : " et du deuxième alinéa du 2° de
l'article 1467".
« III. - A l'article 1648 B, il est inséré un II
bis
ainsi rédigé :
«
II
bis. - La diminution des bases résultant du deuxième alinéa du 2°
de l'article 1467 n'est pas prise en compte pour l'application des 2° et 3° du
II. »
« B. - I. - Il est institué un prélèvement sur les recettes de l'Etat destiné
à compenser, à chaque collectivité locale et établissement public de
coopération intercommunale à fiscalité propre, la perte de recettes résultant
de la réduction progressive prévue au A.
« II. - A compter de 2003, la compensation prévue au I est égale, chaque
année, au produit obtenu en multipliant la perte de base résultant, pour chaque
collectivité locale et établissement public de coopération intercommunale à
fiscalité propre, de la réduction de la fraction imposable des recettes visée
au 2° de l'article 1467 du code général des impôts, par le taux de taxe
professionnelle de la collectivité et de l'établissement public de coopération
intercommunale pour 2002.
« La perte de base visée au premier alinéa est égale, pour chaque collectivité
ou établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, à la
différence entre les bases nettes imposables au titre de 2003 telles qu'elles
auraient été fixées sans réduction de la fraction imposable des recettes prévue
au 2° de l'article 1467 précité et les bases nettes imposables au titre de 2003
tenant compte de la fraction mentionnée au deuxième alinéa du 2° de l'article
1467 précité applicable à l'année concernée.
« Pour l'application du deuxième alinéa, les bases nettes s'entendent après
application de l'abattement prévu à l'article 1472 A
bis
du code
général des impôts.
« Pour les communes qui, en 2002, appartenaient à un établissement public de
coopération intercommunale sans fiscalité propre, le taux voté par la commune
est majoré du taux appliqué au profit de l'établissement public de coopération
intercommunale pour 2002.
« Pour les établissements publics de coopération intercommunale soumis pour la
première fois à compter de 2003 aux dispositions de l'article 1609
nonies
C ou à celles du II de l'article 1609
quinquies
C du code général
des impôts, la compensation est calculée en retenant le taux moyen pondéré des
communes membres de l'établissement public de coopération intercommunale
constaté pour 2002, éventuellement majoré dans les conditions prévues au
quatrième alinéa.
« Au titre des années 2004 et suivantes, la compensation est actualisée,
chaque année, en fonction du taux d'évolution de la dotation globale de
fonctionnement entre 2003 et l'année de versement.
« III. - La compensation prévue au I fait l'objet de versements mensuels.
« C. - L'article 1636 B
octies
du code général des impôts est ainsi
modifié :
« 1° Le III est complété par les mots : ", et de la compensation prévue au B
de l'article 11 de la loi de finances pour 2003 (n°... du...) versée au titre
de l'année précédente en contrepartie de la réduction de la fraction imposable
des recettes visée au 2° de l'article 1467" ;
« 2° Le premier alinéa du IV
bis
est complété par les mots : ", ainsi
que de la compensation prévue pour l'année d'imposition au B de l'article 11 de
la loi de finances pour 2003 précitée en contrepartie de la réduction de la
fraction imposable des recettes visée au 2° de l'article 1467". »
La parole est à M. le président de la commission, sur l'article.
M. Jean Arthuis,
président de la commission.
L'article 11 étend l'allégement de la taxe
professionnelle au bénéfice des professionnels libéraux, c'est-à-dire aux
prestataires de services employant moins de cinq personnes, qui, jusqu'à
maintenant, acquittent une taxe professionnelle correspondant à 10 % de leur
chiffre d'affaires.
Je voudrais saluer la constance du ministre du budget, qui, lorsqu'il exerçait
les fonctions de président de la commission des finances de notre assemblée, ne
manquait pas d'appeler l'attention du Gouvernement sur l'injustice que
constituait le traitement différencié appliqué aux contribuables soumis à la
taxe professionnelle.
Je voudrais aussi me féliciter de ce que cette mesure d'allégement de la taxe
professionnelle des professionnels libéraux fasse l'objet d'un ralliement
in
extremis
du groupe socialiste et du groupe CRC.
Il demeure que les contribuables employant plus de cinq collaborateurs verront
aboutir le dispositif d'allégement en 2003, alors que les professionnels
libéraux employant moins de cinq collaborateurs devront attendre 2005.
Quoi qu'il en soit, c'est une avancée dont nous devons nous féliciter, et je
m'en félicite notamment parce qu'il s'agit d'une mesure d'équité entre
contribuables susceptible de réduire les distorsions de concurrence.
Je souhaiterais toutefois rappeler, monsieur le ministre, que l'assiette de la
taxe professionnelle se caractérise par d'autres distorsions de concurrence.
En effet, trente et un articles du code général des impôts exonèrent de taxe
professionnelle près d'une centaine de catégories de contribuables. Or la
plupart de ces exonérations résultent du choix, effectué lors de la réforme de
1975, de maintenir les avantages acquis par certaines professions au regard de
la patente.
Certaines de ces exonérations sont, aujourd'hui, inéquitables. Elles sont
souvent obsolètes dans leur objet économique.
En outre, elles réduisent d'autant les ressources dont l'autonomie fiscale des
collectivités locales dépend très largement.
Enfin, comme le soulignait encore la semaine passée le vingtième rapport du
conseil national des impôts, la rédaction des articles afférents du code
général des impôts emprunte « un vocabulaire parfois désuet » et contribue à ce
que le code général des impôts soit « devenu largement inintelligible ».
Par exemple, l'article 1457 du code général des impôts vise à exonérer de taxe
professionnelle « les personnes qui vendent en ambulance dans les rues, les
lieux de passage, les marchés », à condition qu'elles vendent « des fleurs, de
l'amadou, des balais, des statues et figures en plâtre, des fruits, les
légumes, du poisson, du beurre, des oeufs, du fromage et autres menus
comestibles », ainsi que les « chiffonniers au crochet » et les « rémouleurs
ambulants ».
Monsieur le ministre, je souhaite donc que vous nous exposiez les mesures que
vous entendez prendre en matière d'assiettes, de taxe professionnelle pour
réduire les distorsions de concurrence.
Nous avons eu l'occasion de rappeler à plusieurs reprises depuis le début de
la discussion générale combien il était important de soumettre aux mêmes
contributions les acteurs économiques qui exercent les mêmes métiers.
Nous avons d'ailleurs vu la concrétisation de ce principe à propos des
assurances de groupes souscrites par des entreprises au profit de leurs
salariés, lorsque la compagnie d'assurance relève du régime des sociétés de
provoyance et des mutuelles. Dans ce cas-là, on a appliqué la mise à parité
pour empêcher ce qui aurait pu constituer une distorsion de concurrence.
Il me paraît important que nous redonnions un peu de consistance aux assiettes
de taxe professionnelle. Je me permets, à cet égard, de rappeler que la réforme
constitutionnelle a notamment pour objet d'assurer aux collectivités
territoriales des ressources « déterminantes », ressources fiscales pour
l'essentiel.
Voilà, monsieur le ministre, l'objet de mon interrogation.
M. le président.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
M. le président de la commission des finances souhaite
que la législation actuelle soit rendue plus lisible et soit débarrassée de ses
obsolescences.
Il est vrai que le code général des impôts n'a pas le privilège des
obsolescences : j'ai noté que subsistait, dans le code du travail, un article
L. 224-4 aux termes duquel « les chefs d'établissements occupant plus de cent
femmes de plus de quinze ans peuvent être mis en demeure d'installer, dans
leurs établissements ou à proximité, des chambres d'allaitement ».
Cela montre, je pense, que notre droit mériterait d'être « toiletté » de temps
en temps pour le rendre plus conforme à la vie actuelle.
S'agissant des exonérations de taxe professionnelle, je vous rejoins, monsieur
le président de la commission, pour remarquer quelques cas particuliers très
surprenants. Cela mis à part, les dispositions actuelles d'exonération se
concentrent pour l'essentiel sur de grands secteurs d'activité qu'il pourrait
être difficile d'imposer à la taxe professionnelle. Il en va ainsi de la
presse, du secteur de l'agriculture et de la pêche, des activités publiques ou
parapubliques qui sont réalisées, par exemple, par les activités locales.
Par ailleurs, certaines des exonérations s'appliquent soit sur délibération
des collectivités locales, comme pour les spectacles, soit sur délibération
contraire de leur part ; c'est le cas des régimes spécifiques à la Corse, ou
encore des zones franches urbaines.
Dans ces situations, où l'exonération dépend des décisions des autorités
locales, l'autonomie fiscale des collectivités locales paraît préservée.
En tout état de cause, monsieur le président de la commission, nous allons,
comme vous nous y invitez, procéder à un examen minutieux de ces exonérations,
afin de voir si elles ont gardé leur raison d'être. Nous les supprimerons si
elles sont obsolètes, tout en veillant à ne pas alourdir les charges
d'activités économiques qu'il convient de ne pas pénaliser à un moment où nous
devons nous employer à soutenir l'emploi.
Vous avez, par ailleurs, monsieur le président de la commission, posé la
question essentielle, qui est celle de l'autonomie fiscale des collectivités
locales. La question de la taxe professionnelle est, à cet égard, très
importante. Elle doit être replacée dans une problématique plus vaste. Si vous
en êtes d'accord, nous pourrions évoquer cette problématique demain, à
l'occasion de notre débat sur les finances des collectivités territoriales.
Pour ce qui est de la nécessité de ne pas établir de discrimination entre les
activités économiques, vous avez cent fois raison. Il est particulièrement
dommageable pour notre économie que les activités soient soumises à des régimes
fiscaux différents selon le cadre juridique qu'elles ont choisi. Cette
discrimination est tout à fait contraire au principe même de l'économie de
marché, et il serait tout à fait souhaitable que nous y mettions bon ordre. Je
prends l'engagement d'y travailler avec vous.
J'ai sous les yeux la liste impressionnante des exonérations existantes. Je
dois dire que, si elles étaient soumises aujourd'hui aux assemblées
parlementaires, celles-ci auraient beaucoup de mal à les reconduire.
Il faut donc que nous effectuions ce travail de toilettage. Il y va de
l'égalité des contribuables devant la loi.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud.
Si l'on en croit l'exposé des motifs, l'article 11 vise à résoudre un problème
d'équité fiscale en mettant en oeuvre une mini-réforme de la taxe
professionnelle, concentrée sur l'élément le plus marginal de l'assiette, à
savoir la part taxable des recettes des titulaires de bénéfices non commerciaux
et assimilés.
Cette réforme nous est présentée comme le pendant naturel de celle qui a porté
sur l'assiette « salaires » et s'achève cette année par l'exclusion pure et
simple de cet élément de l'assiette - pour un coût complémentaire, ne
l'oublions pas, de près de 2 milliards d'euros -, alors même que nous ne
disposons que de peu d'éléments nous permettant de mesurer l'efficacité de la
réduction d'assiette de la taxe professionnelle.
Même si le coût global de la mesure semble marginal - ce qui conduit à
s'interroger sur sa pertinence même -, c'est bien une étape supplémentaire de
remise en question de la taxe professionnelle que nous invite à franchir le
Gouvernement.
Irons-nous demain jusqu'à la suppression pure et simple de l'imposition locale
des entreprises, comme le préconise le MEDEF ? Que deviendrait, alors,
l'autonomie financière des collectivités locales, que l'on s'apprête pourtant à
graver dans le marbre du texte constitutionnel ?
Mais les dispositions de l'article 11 appellent d'autres observations.
Force est d'abord de constater que la situation des redevables concernés est
fort variable et que, à la limite, plus le revenu professionnel est élevé, plus
la mesure sera profitable.
Par ailleurs, comme le souligne le rapport de M. Marini, tout laisse penser
que la compensation offerte aux collectivités locales en contrepartie de ce
processus de détaxation progressive sera sans commune mesure avec ce qu'elles
auraient pu continuer de percevoir avec le maintien de l'imposition.
Sans portée déterminante sur la situation des professionnels - le coût de la
mesure en 2003, rapporté à la moyenne propre à chaque article fiscal, se situe
en effet à 176 euros - et ne garantissant nullement une compensation équilibrée
aux collectivités locales, l'article 11 se présente donc plus comme un gadget
destiné à une « clientèle » électorale bien ciblée que comme une mesure fiscale
efficace et proportionnée.
M. le président.
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent fait l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° I-169, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit cet article :
« I. - L'article 1467
bis
du code général des impôts est complété par
un paragraphe ainsi rédigé :
«
II.
- A compter de 2003, pour les contribuables définis au 2° de
l'article 1467, le montant de la cotisation due est ainsi réduit :
«
a)
152 euros au titre de 2003 ;
«
b)
230 euros au titre de 2004 ;
«
c)
305 euros au titre de 2005 ;
«
d)
380 euros au titre de 2006. »
« II. - Après le II de l'article 1648 B du même code, il est inséré un
paragraphe II
bis
ainsi rédigé :
« II
bis
. - La diminution des bases résultant du deuxième alinéa du 2°
de l'article 1467 n'est pas prise en compte pour l'appréciation du 2° du II.
»
« III. - La perte de recettes pour l'Etat résultant des I et II ci-dessus est
compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits
visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° I-84 rectifié, présenté par MM. Miquel, Massion, Moreigne,
Sergent, Demerliat, Charasse, Lise, Haut, Marc, Angels, Auban et les membres du
groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :
« Au début du texte proposé par le I du A de cet article pour être inséré
après le premier alinéa du 2° de l'article 1467 du code général des impôts,
ajouter les mots : "Pour les redevables employant au moins un salarié au titre
de l'année d'imposition,". »
L'amendement n° I-13, présenté par M. Marini, au nom de la commission des
finances, est ainsi libellé :
« Compléter le C de cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« 3° Dans le dernier alinéa du IV
bis
, les mots : "la compensation
visée" sont remplacés par les mots : "les compensations mentionnées". »
La parole est à M. Thierry Foucaud, pour présenter l'amendement n° I-169.
M. Thierry Foucaud.
Nous proposons que soit mis en place un système de dégrèvement partiel et
progressif de la cotisation de taxe professionnelle due par les titulaires de
bénéfices non commerciaux et les contribuables assimilés.
Plusieurs raisons motivent ce choix.
Tout d'abord, cet amendement recentre la mesure sur les titulaires de
bénéfices non commerciaux disposant des revenus les plus faibles, ce qui permet
de corriger certains des effets du dispositif proposé par le Gouvernement,
d'autant plus profitable que le revenu professionnel est élevé.
Ensuite, notre amendement règle le problème de la compensation aux
collectivités locales de l'allégement de la cotisation de taxe
professionnelle.
Enfin, notre proposition se rapproche de ce qui est pratiqué en matière de
taxe d'habitation, pour laquelle le revenu imposable au titre de l'impôt sur le
revenu est pris en compte afin de faire jouer les mécanismes d'allégement de
cotisation.
Dès lors que la taxe professionnelle prend en compte, pour l'essentiel, un
revenu d'activité - ce qui est le cas avec l'assiette « recettes » -, il n'est
pas anormal que des dispositions analogues puissent être proposées.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Pierre Demerliat, pour présenter l'amendement n° I-84
rectifié.
M. Jean-Pierre Demerliat.
Cet amendement tend à exclure de la baisse de la taxe professionnelle prévue
par l'article 11 les titulaires de bénéfices non commerciaux qui n'emploient
aucun salarié.
En l'absence d'une telle mesure, les dispositions de l'article 11 créeraient
un effet d'aubaine considérable et ne seraient pas efficaces pour lutter contre
le chômage.
Le Gouvernement compare souvent la réduction de la part « recettes » de la
taxe professionnelle des bénéfices non commerciaux à la suppression de la part
salariale de cette même taxe. En réalité, ces deux mesures n'obéissent pas aux
mêmes motifs.
Dans le premier cas, il s'agissait de supprimer une disposition fiscale ayant
des conséquences fâcheuses sur l'emploi, tandis que, dans le second, il s'agit
de faire bénéficier certains contribuables d'un allégement d'impôt pour
rétablir l'équité fiscale.
En effet, à la différence des dispositions de l'article 11, la suppression de
la part « salaires » de la taxe professionnelle mise en oeuvre par le
gouvernement de Lionel Jospin dès 1999 était économiquement justifiée. La part
salariale revenait à taxer directement les emplois. Tel n'est pas le cas de la
taxe professionnelle des titulaires de bénéfices non commerciaux employant
moins de cinq salariés. Leur imposition repose sur une fraction de leurs
recettes. Dès lors, elle n'a pas directement de conséquences néfastes sur
l'emploi.
C'est pourquoi il faut absolument conditionner, comme le prévoit cet
amendement, l'allégement de la taxe professionnelle à l'emploi d'au moins un
salarié - ce qui n'est tout de même pas très restrictif -, de façon que la
mesure ait un effet bénéfique sur l'emploi.
En cas de rejet de l'amendement n° I-84 rectifié, nous serions fondés à penser
que la lutte contre le chômage n'est pas aujourd'hui la priorité des priorités.
Les dispositions de l'article 11 n'auraient pour fondement que l'idéologie
libérale et non le pragmatisme. L'objectif serait, en réalité, d'offrir un
cadeau fiscal à une clientèle électorale.
L'amendement que nous proposons est équilibré : il permet, d'une part, de
faire bénéficier, par souci d'équité fiscale, la grande majorité des titulaires
de bénéfices non commerciaux de l'allégement de taxe professionnelle, comme les
autres redevables de cet impôt, et, d'autre part, d'inciter les titulaires de
bénéfices non commerciaux à développer l'emploi.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l'amendement n° I-13,
ainsi que pour donner l'avis de la commission sur les amendements n°s I-169 et
I-84 rectifié.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
L'amendement n° I-13 est un amendement purement
rédactionnel.
En ce qui concerne les amendements n°s I-169 et I-84 rectifié, il est
intéressant de constater que le groupe CRC et le groupe socialiste, qui se sont
opposés dans le passé aux nombreuses tentatives faites par la commission des
finances pour mettre fin à l'inéquité dont étaient victimes les titulaires de
bénéfices non commerciaux employant moins de cinq salariés, paraissent se
réveiller aujourd'hui et vouloir corriger la mesure gouvernementale.
Il convient de souligner que ladite mesure gouvernementale reprend purement et
simplement les votes émis par le Sénat en 1999, 2000 et 2001.
Les deux amendements qui nous sont soumis ont quasiment le même objectif : «
retailler » le dispositif gouvernemental. Toutefois, en procédant à une lecture
attentive, on s'aperçoit qu'ils auraient des effets techniques opposés.
Le dispositif que propose le groupe CRC ne serait que faiblement avantageux
pour les titulaires de bénéfices non commerciaux réalisant moins de 50 000
euros de recettes par an, c'est-à-dire disposant de revenus nets d'impôts et de
charges relativement faibles. Si j'en ai bien compris la logique, le dispositif
serait d'autant plus intéressant pour l'assujetti que celui-ci emploierait
moins de salariés ; il atteindrait ainsi son optimum en l'absence de tout
salarié !
A l'inverse, l'amendement du groupe socialiste ne s'appliquerait pas aux
professionnels libéraux qui n'emploient aucun salarié.
En rapprochant ces deux amendements, on comprend donc les difficultés de
coexistence qui ont pu marquer les dernières années de l'ancienne majorité,
dite « plurielle » !
(Sourires sur les travées du RPR.)
La commission préfère la solution du Gouvernement, considérant que l'avancée
réalisée par l'article 11 est tout à fait significative. Certes, ce n'est pas
encore parfait ! Nous avons reçu différentes sollicitations de la part de
catégories de professionnels libéraux, dont certains estimaient même qu'il
fallait revenir jusqu'à l'origine de la réforme récente de la part salariale de
la taxe professionnelle.
Soyons déjà satisfaits de ce qu'il est possible de réaliser cette année, et
dont le coût n'est d'ailleurs pas négligeable. Pour l'essentiel, l'équité est
tout de même rétablie et il est mis fin à de véritables distorsions de
concurrence, en même temps qu'à un défaut de considération auquel les
professions en cause avaient été particulièrement sensibles au cours des
dernières années.
Dans ces conditions, il convient de rejeter les amendements n°s I-169 et I-84
rectifié.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Les titulaires de bénéfices non commerciaux employant
moins de cinq salariés subissaient une iniquité réelle, que le Sénat avait
d'ailleurs voulu corriger et à laquelle le gouvernement actuel a souhaité
remédier dès son installation. Les amendements n°s I-169 et I-84 rectifié
allant à l'encontre de cette volonté, le Gouvernement ne peut qu'y être
défavorable.
En revanche, il est favorable à l'amendement de la commission, qui apporte une
modification rédactionnelle bienvenue.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-169.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-84 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-13.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 11, modifié.
(L'article 11 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 11
M. le président.
L'amendement n° I-170, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le 1° de l'article 1467 du code général des impôts est complété par
deux alinéas ainsi rédigés :
«
c)
L'ensemble des titres de placement et de participation, les titres
de créances négociables, les prêts à court, moyen et long termes. Ces éléments
sont pris en compte pour la moitié de leur montant figurant à l'actif du bilan
des entreprises assujetties. Pour les établissements de crédits et les sociétés
d'assurance, le montant net de ces actifs est pris en compte après réfaction du
montant des actifs représentatifs de la couverture des risques, contrepartie et
obligations comptables de ces établissements.
« La valeur nette des actifs, déterminée selon les dispositions du précédent
alinéa, est prise en compte après réfaction de la valeur locative des
immobilisations visées au
a.
»
« II. - L'article 1636 du même code est ainsi rédigé :
«
Art. 1636. -
Le taux grevant les actifs définis au
c
de
l'article 1467 est fixé à 0,5 %. Il évolue chaque année, pour chaque entreprise
assujettie, à proportion d'un coefficient issu du rapport entre la valeur
relative aux actifs définis au
c
de l'article 1467 au regard de la
valeur ajoutée créée par l'entreprise. »
« III. - 1. Le II de l'article 1648 A
bis
du même code est complété par
un alinéa ainsi rédigé :
« ...° la moitié du produit résultant de l'imposition des actifs définis au
c
de l'article 467, suivant les règles fixées par l'article 1636. »
« 2. Le I de l'article 1648 B
bis
du même code est complété par un
alinéa ainsi rédigé :
« ... ° de la moitié du produit résultant de l'imposition des actifs défnis au
c
de l'article 1467, suivant les règles fixées par l'article 1636. »
« IV. - 1. Dans le deuxième alinéa du 1 du I
ter
de l'article 1647 B
sexies
du même code, après les mots : "la base", sont insérés les mots :
"à l'exception de celle définie par le
c
de l'article 1467".
« 2. Le premier alinéa du 4° du 1 de l'article 39 du même code est complété
in fine
par les mots : "et de l'imposition résultant de la prise en
compte des actifs financiers définis au
c
de l'article 1467, selon les
règles fixées par l'article 1636". »
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud.
Il s'agit d'un amendement important qui concerne les actifs financiers.
Par cet amendement, nous vous proposons une modernisation de la taxe
professionnelle, à laquelle il est urgent de procéder.
En effet, les différentes mesures, suppression de la part « salaires » et de
la part « recettes », ont à ce point entamé les bases de taxe professionnelle
qu'aujourd'hui se pose la question de l'avenir de cette taxe. Vous vous la
posez vous-même, d'ailleurs.
Or, n'en déplaise au MEDEF, qui prône sa disparition, la taxe professionnelle
a toute sa place dans notre fiscalité ; c'est le seul impôt local sur les
entreprises, mais c'est aussi celui qui appréhende le mieux leur capital.
Pour la grande majorité des élus locaux, vous le savez, l'existence d'un impôt
local sur les entreprises est une nécessité.
Nous vous proposons donc d'inclure les actifs financiers dans la base de la
taxe professionnelle.
C'est à la fois une mesure réaliste, que vous connaissez, puisque nous l'avons
déjà exposée, au regard de l'économie d'aujourd'hui, mais aussi une mesure
volontariste, qui vise à garantir une croissance durable et à lutter contre la
financiarisation de l'économie.
Il s'agit d'une mesure réaliste, car la richesse financière est une source de
rendement fiscal énorme, même avec de très faibles taux. Or elle est, nous
disait M. Delevoye, il y a quelques années, nettement sous-fiscalisée.
Même dans vos rangs, l'idée qu'il faut prendre un peu plus à ce niveau fait
son chemin : dans ce projet de loi de finances, vous en convenez vous-mêmes,
lorsque vous présentez la réduction du taux de l'avoir fiscal comme une mesure
de rendement fiscal.
Voilà qui nous donne bon espoir, et nous vous invitons, bien sûr, à aller plus
loin.
Le montant des actifs financiers des entreprises reste très élevé aujourd'hui,
d'un niveau proche de celui qui existait lorsque nous avons pour la première
fois présenté notre proposition.
Nous avions alors calculé qu'avec un taux de 0,3 % l'inclusion des actifs
financiers permettait de tripler le montant de la dotation forfaitaire, après
péréquation de chaque collectivité. Cela permettrait d'apporter une réponse aux
besoins criants de financement des collectivités locales.
Il s'agit également d'une mesure volontariste, car elle vise à orienter
l'argent des entreprises vers les investissements productifs, vers l'emploi,
plutôt que vers la finance.
Les récents déboires de grands groupes, qui avaient priviligié une croissance
externe parfois complètement fictive, sont là pour en témoigner : une économie
qui dépend à ce point du monde de la finance n'est pas solide. La croissance
s'y dégonfle comme une baudruche, car elle est déconnectée de l'économie
réelle.
Et ceux qui aujourd'hui produisent, investissent, embauchent, contribuent plus
aux budgets publics locaux que ceux qui spéculent : plus une entreprise possède
d'actifs financiers, moins ses actifs productifs sont proportionnellement
élevés. C'est une situation absurde, quand on sait que les collectivités
locales sont en première ligne pour réparer les dégâts sociaux découlant de
cette spéculation.
Voilà pourquoi nous vous invitons - je ne dirai pas à « tobiniser » la taxe
professionnelle - mais à voter cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cet amendement rituel est complètement inopportun,
car il va à l'encontre de l'attractivité du territoire. La commission y est
donc défavorable.
(Très bien ! sur les travées du RPR.)
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Défavorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-170.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
L'amendement n° I-171, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 1472 A
bis
du code général des impôts est abrogé. »
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Même avis, même vote !
M. Thierry Foucaud.
Monsieur le rapporteur général, soyez sérieux !
M. Jacques Chaumont.
Il l'est toujours !
M. Thierry Foucaud.
Il est toujours sérieux sauf quand il se trompe, qu'il ne se souvient pas de
ce qu'il a dit l'année précédente et qu'il faut lui rappeler ses propos pour
qu'il prenne au sérieux les amendements qu'on lui présente !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je me rappelle très bien mes propos, ce sont les
circonstances qui changent !
M. Thierry Foucaud.
Je souhaite simplement évoquer ici la suppression de l'abattement de 16 %.
On entend souvent, dans le cadre du débat sur la réforme des finances locales,
que l'Etat verse trop aux collectivités au titre des différents abattements,
dégrèvements, etc. Il en ressort que cette contribution doit être revue à la
baisse, fondue dans la masse des dotations - c'est déjà le cas en matière de
taxe professionnelle - et qu'elle n'est pas un dû aux collectivités locales.
Nous considérons que ce n'est pas ainsi que le problème doit être posé.
Il nous faut, aujourd'hui, faire l'inventaire de ces différentes mesures et en
estimer le bien-fondé au regard non seulement du coût de la mesure pour l'Etat
et les collectivités, mais aussi de la justice fiscale et de l'efficacité
économique.
De ces points de vue, l'abattement de 16 % est un exemplaire cadeau fiscal aux
entreprises : ses effets sur l'investissement et l'emploi ont été plus que
douteux, alors qu'il fait perdre chaque année des sommes considérables aux
collectivités locales.
Nullement ciblé, assorti d'aucune contrepartie en matière d'emploi ou
d'investissement « pérenne », l'abattement de 16 % ne peut soutenir la
croissance. Il n'a nullement entraîné une vague d'investissements massifs. Il a
coûté cher à l'Etat, bien plus encore aux collectivités locales.
En effet, concernant la compensation accordée aux collectivités locales au
titre de cet abattement, nul doute que le compte n'y est pas. Et nous ne sommes
pas les seuls à le dire.
L'écart entre la compensation accordée et la perte que subissent les
collectivités locales est aujourd'hui du simple à plus du triple. En 2002,
l'Etat a versé un peu plus d'un milliard d'euros, alors que cette mesure
faisait perdre aux collectivités près de quatre milliards d'euros.
Voilà pourquoi nous vous invitons à adopter cet amendement, qui permettra par
ailleurs de redonner un peu de consistance à la taxe professionnelle.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cet amendement conduirait à alourdir très
sensiblement les charges des entreprises. Il induirait probablement des
délocalisations, se retournerait contre l'emploi. Il est bien entendu tout à
fait contraire aux impératifs d'attractivité économique de notre territoire. De
ce fait, cet amendement inopportun ne peut que recevoir l'avis très défavorable
de la commission.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Cet amendement va effectivement à l'encontre de la
politique que souhaite mener le Gouvernement. J'observe par ailleurs que cet
amendement ne prévoit pas de supprimer la compensation versée aux collectivités
locales en contrepartie de la mesure proposée, ce qui n'est pas admissible non
plus. Je demande donc à M. Foucaud de le retirer. A défaut, j'émettrais un avis
défavorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-171.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
L'article 12 sera examiné à l'issue du débat sur les recettes des
collectivités locales, mardi 26 décembre 2002, l'après-midi.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
3
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée à aujourd'hui, mardi 26 novembre 2002 :
A dix heures :
1. Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2003, adopté par
l'Assemblée nationale (n°s 67 et 68, 2002-2003). - M. Philippe Marini,
rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des
comptes économiques de la nation.
Première partie (suite). - Conditions générales de l'équilibre financier :
- amendement n° I-40 tendant à insérer un article additionnel après l'article
12 à l'article 34 et état A.
Aucun amendement aux articles de la première partie de ce projet de loi de
finances n'est plus recevable.
A quinze heures et le soir :
2. Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2003, adopté par
l'Assemblée nationale (n°s 67 et 68, 2002-2003). - M. Philippe Marini,
rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des
comptes économiques de la nation.
Première partie (suite). - Conditions générales de l'équilibre financier :
Débat sur les recettes des collectivités locales.
Examen des articles 12 à 14
bis
, 29 à 32 et articles additionnels :
- après l'article 2 (amendements n°s I-26 et I-60) ;
- après l'article 13 (amendements n°s I-126 rectifié, I-86 et I-87) ;
- après l'article 14 (amendements n°s I-209, I-118 rectifié, I-176, I-177,
I-117 rectifié, I-41, I-72, I-42, I-52, I-14, I-88, I-175, I-89, I-179, I-120
rectifié, I-178 et I-15) ;
- après l'article 29 (amendements n°s I-94, I-95, I-191, I-192 et I-193) ;
- après l'article 30 (amendement n° I-79 rectifié) ;
- après l'article 32 (amendements n°s I-18, I-98, I-197, I-199 et I-198).
3. Suite de l'examen des articles de la première partie du projet de loi de
finances pour 2003.
Vote de l'ensemble de la première partie
du projet de loi de finances pour 2003
En application de l'article 59, premier alinéa, du règlement, il sera procédé
à un scrutin public ordinaire lors du vote de la première partie du projet de
loi de finances pour 2003 le mercredi 27 novembre 2002.
Délai limite pour les inscriptions de parole
dans les discussions précédant l'examen des crédits
de chaque ministère
Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant
l'examen des crédits de chaque ministère est fixé à la veille du jour prévu
pour la discussion, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements
aux crédits budgétaires pour le projet de loi
de finances pour 2003
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits budgétaires
et articles rattachés du projet de loi de finances pour 2003 est fixé à la
veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
la séance est levée.
(La séance est levée le mardi 26 novembre 2002, à zéro heure
cinquante.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD
ERRATUM
Au compte rendu intégral de la séance du 12 novembre 2002
Page 3619, 1re colonne, supprimer du 3e au 10e alinéa inclus, de « Votre
gouvernement ... » à « ... en vue de financements nouveaux. »
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON
ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du lundi 25 novembre 2002
SCRUTIN (n° 54)
sur l'amendement I-19, présenté par M. Jean-Louis Masson et plusieurs de ses
collègues, tendant à insérer un article additionnel après l'article 9 du projet
de loi de finances pour 2003, adopté par l'Assemblée nationale (déduction de la
TVA sur les véhicules de deux places et de moins de trois
mètres).
Nombre de votants : | 313 |
Nombre de suffrages exprimés : | 199 |
Pour : | 11 |
Contre : | 188 |
Le Sénat n'a pas adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :
Abstentions :
23.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (21) :
Contre :
13.
Abstentions :
8. _ MM. Nicolas Alfonsi, Jean-Michel Baylet, André
Boyer, Yvon Collin, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré, François Fortassin et
Dominique Larifla.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (94) :
Pour :
11. _ M. Roger Besse, Mme Paulette Brisepierre, MM. Bernard
Fournier, Alain Gérard, Roger Karoutchi, Dominique Leclerc, Serge Lepeltier,
Jean-Louis Masson, Paul Natali, Jacques Peyrat et Alain Vasselle.
Contre :
81.
N'ont pas pris part au vote :
2. _ M. Christian Poncelet, président du
Sénat, et M. Adrien Gouteyron, qui présidait la séance.
GROUPE SOCIALISTE (82) :
Abstention :
82.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (54) :
Contre :
54.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (41) :
Contre :
40.
Abstention :
1. _ M. Gérard Longuet.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (6) :
N'ont pas pris part au vote :
6.
Ont voté pour
Roger Besse
Paulette Brisepierre
Bernard Fournier
Alain Gérard
Roger Karoutchi
Dominique Leclerc
Serge Lepeltier
Jean-Louis Masson
Paul Natali
Jacques Peyrat
Alain Vasselle
Ont voté contre
Nicolas About
Jean-Paul Alduy
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
Gérard Bailly
José Balarello
Gilbert Barbier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Christian Bergelin
Daniel Bernardet
Laurent Béteille
Joël Billard
Claude Biwer
Jean Bizet
Jacques Blanc
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
Didier Borotra
Joël Bourdin
Brigitte Bout
Jean Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Louis de Broissia
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Christian Cointat
Gérard Cornu
Jean-Patrick Courtois
Robert Del Picchia
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Dériot
Yves Detraigne
Eric Doligé
Jacques Dominati
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Louis Duvernois
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Jean-Claude Etienne
Pierre Fauchon
Jean Faure
Françoise Férat
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Alain Fouché
Jean-Pierre Fourcade
Serge Franchis
Philippe François
Jean-François Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Christian Gaudin
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Gisèle Gautier
Patrice Gélard
André Geoffroy
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Jacqueline Gourault
Alain Gournac
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Charles Guené
Michel Guerry
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Françoise Henneron
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Daniel Hoeffel
Jean-François Humbert
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Bernard Joly
Jean-Marc Juilhard
Joseph Kergueris
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
André Lardeux
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
René-Georges Laurin
Jean-René Lecerf
Jacques Legendre
Jean-François Le Grand
Philippe Leroy
Marcel Lesbros
Valérie Létard
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Brigitte Luypaert
Max Marest
Philippe Marini
Pierre Martin
Serge Mathieu
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Dominique Mortemousque
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Monique Papon
Anne-Marie Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Josselin de Rohan
Roger Romani
Janine Rozier
Bernard Saugey
Jean-Pierre Schosteck
Bruno Sido
Daniel Soulage
Louis Souvet
Michel Thiollière
Henri Torre
René Trégouët
André Trillard
François Trucy
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Jean-Marie Vanlerenberghe
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Jean-Paul Virapoullé
François Zocchetto
Abstentions
Nicolas Alfonsi
Michèle André
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Marie-France Beaufils
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marie-Christine Blandin
Nicole Borvo
Didier Boulaud
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Claire-Lise Campion
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Yvon Collin
Gérard Collomb
Yves Coquelle
Raymond Courrière
Roland Courteau
Yves Dauge
Annie David
Marcel Debarge
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Michelle Demessine
Rodolphe Désiré
Evelyne Didier
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Guy Fischer
François Fortassin
Thierry Foucaud
Jean-Claude Frécon
Bernard Frimat
Charles Gautier
Jean-Pierre Godefroy
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Odette Herviaux
Alain Journet
André Labarrère
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
André Lejeune
Louis Le Pensec
Claude Lise
Gérard Longuet
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Jean-Yves Mano
François Marc
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Josiane Mathon
Pierre Mauroy
Louis Mermaz
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Roland Muzeau
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Daniel Raoul
Paul Raoult
Daniel Reiner
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Michèle San Vicente
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Jean-Pierre Sueur
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Jean-Marc Todeschini
Pierre-Yvon Tremel
André Vantomme
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber
N'ont pas pris part au vote
Philippe Adnot, Philippe Darniche, Sylvie Desmarescaux, Hubert Durand-Chastel,
Bernard Seillier et Alex Türk.
N'ont pas pris part au vote
Christian Poncelet, président du Sénat, et Adrien Gouteyron, qui présidait la
séance.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : | 314 |
Nombre des suffrages exprimés : | 200 |
Majorité absolue des suffrages exprimés : | 101 |
Pour : | 11 |
Contre : | 189 |
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.