SEANCE DU 15 NOVEMBRE 2002
M. le président.
L'amendement n° 243 rectifié, présenté par M. Dreyfus-Schmidt, Mmes M. André
et Blandin, MM. Badinter, Frimat, Gautier, Mahéas, Mermaz, Peyronnet, Sueur et
les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Après l'article 29, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article L. 345-1 du code de l'action sociale et des familles est
complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Certains établissements sont exclusivement réservés et sécurisés afin
d'accueillir les victimes de la traite des êtres humains. »
« II. - Il est institué un défenseur des victimes d'exploitations sexuelles,
autorité indépendante.
« Les modalités de désignation et de fonctionnement, ainsi que les compétences
seront fixées par décret en Conseil d'Etat. »
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Cet amendement, qui se justifie par son texte même, résulte des travaux de la
mission d'information de l'Assemblée nationale. Il nous donne l'occasion de
démontrer que nous avons, les uns et les autres, le souci des victimes qui
auraient besoin d'être sécurisées et mises à l'abri.
J'ai donné tout à l'heure l'exemple de ces jeunes femmes qui avaient eu le
courage d'accuser leur proxénète et qui se sont trouvées ensuite sans aucune
protection.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Cet
amendement répond à deux objectifs.
Il prévoit tout d'abord que des établissements soient réservés pour accueillir
les victimes de la traite des êtres humains.
Une telle disposition ne relève pas du domaine de la loi.
Par ailleurs, les auteurs de l'amendement n'auraient pas eu à le déposer si le
gouvernement qu'ils soutenaient jusqu'en mai dernier avait lui-même ouvert des
établissements.
L'amendement prévoit aussi, depuis sa rectification, la création d'un
défenseur des victimes d'exploitations sexuelles.
La commission n'a pas examiné cette partie de l'amendement. A titre personnel,
je considère que cette idée, suggérée par la délégation aux droits des femmes
du Sénat, est intéressante, mais qu'il est prématuré de la traiter au détour
d'un amendement tardif au présent projet de loi.
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, vous proposez des mesures destinées à
favoriser la réinsertion des prostituées, et nous y sommes tout à fait
favorable sur le principe. Il faut en effet prévoir des places à cet effet,
mais le Gouvernement n'est pas certain qu'il doive s'agir de places en
établissement spécialisé.
J'entends bien que vous visez la spécialisation de l'accompagnement sanitaire
et social en même temps qu'une spécialisation de la protection policière, pour
protéger ensuite la prostituée qui aura tenté d'échapper à « son » souteneur ou
à « son » proxénète, l'emploi du possessif ne servant qu'à illustrer mon
propos.
Cette modalité de réinsertion est-elle toujours la bonne ? Faut-il que nous
figions définitivement les modalités d'accueil par des établissements
spécialisés ? Le Gouvernement hésite à répondre favorablement dès maintenant à
ces deux questions.
Comme M. le rapporteur l'a dit, ce n'est pas un non sur le principe. Nous en
sommes d'accord, il faut des établissements, il faut des places. Faut-il qu'il
s'agisse de places spécialisées pour la réinsertion des prostituées et faut-il
figer les modalités dans la loi ? Nous n'en sommes pas sûrs, mais nous sommes
tout à fait prêt à étudier le problème, avec le rapporteur et vous-même, si
vous le voulez bien, pour trouver une solution.
Nous sommes donc conduits à solliciter le retrait de votre amendement, car
nous ne voudrions pas avoir à émettre un avis défavorable à son encontre,
d'abord pour ne pas être désagréable à votre endroit, ensuite et surtout pour
ne pas donner le sentiment que nous sommes en désaccord sur l'objet.
Peut-être pourrions-nous étudier cette question et faire des propositions lors
de la commission mixte paritaire, pas nécessairement d'ailleurs dans la loi,
mais sous la forme d'un engagement que prendrait le Gouvernement, qui est tout
à fait conscient de la nécessité d'investir pour ouvrir des places, dans les
établissements que vous visez ou dans d'autres.
M. le président.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, l'amendement n° 243 rectifié est-il maintenu ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je suis satisfait de la réponse de M. le ministre, qui porte sur le fond.
Au moins ne nous a-t-il pas dit que notre proposition était d'ordre
réglementaire pour la repousser, d'autant, monsieur le rapporteur, qu'il n'a
jamais été interdit d'introduire des mesures d'ordre réglementaire dans la
loi.
Il ne nous a pas non plus reproché de ne pas avoir fait avant ce que nous
proposons aujourd'hui, d'autant que c'est l'article 46 du décret du 15 juin
1946 qui énumère les personnes ne disposant pas de ressources suffisantes et
qui peuvent, en application des articles 185 et suivants du code de la famille
et de l'aide sociale, bénéficier, sur leur demande, de l'aide sociale pour être
accueillies dans des centres de réadaptation sociale, publics ou privés. Les
établissements que nous mentionnons dans l'amendement existent donc déjà,
monsieur le rapporteur.
Cela étant dit, je vais vous proposer une autre méthode, monsieur le ministre
: introduisons cet article additionnel dans le projet de loi, étant entendu que
celui-ci sera ensuite examiné par l'Assemblée nationale et que, d'ici là, vous
aurez eu le temps d'arrêter la position que vous penserez devoir arrêter.
Nous montrerons ainsi que nous avons, les uns et les autres, le souci de
traiter les victimes en victimes, et cet article additionnel servira de rappel
lorsque le texte viendra en janvier devant l'Assemblée nationale.
C'est une question de méthode, et je crois que celle-ci est la bonne.
Adoptons l'amendement maintenant ; vous proposerez les modifications ensuite,
après y avoir réfléchi de plus près.
Nous maintenons donc l'amendement, mais nous le faisons dans l'esprit que je
viens d'indiquer.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
C'est un sujet important, puisqu'il s'agit de la réinsertion,
et nous sommes en début de soirée.
Même si je prends un peu mes collaborateurs à froid, si M. le rapporteur en
était d'accord, je serais assez tenté d'accepter votre amendement, monsieur
Dreyfus-Schmidt. En effet, vous l'avez présenté comme un amendement d'appel et
je ne vois pas d'inconvénient à préciser qu'il faut prévoir davantage de
places. J'estime simplement qu'il faudrait enlever le mot « exclusivement »
dans le I.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
D'accord, enlevons « exclusivement » !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
La rédaction de l'alinéa proposé pour compléter l'article L.
345-1 serait donc : « Certains établissements sont réservés et sécurisés afin
d'accueillir les victimes de la traite des êtres humains. »
J'accepterais bien volontiers votre amendement ainsi rectifié. Si vous voulez
le garder,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je le rectifie !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
... il vous faut donc supprimer le mot « exclusivement », parce
qu'il peut y avoir d'autres pauvres filles, par exemple les victimes de la
drogue, à réinsérer. Certaines associations, vous le savez, s'occupent à la
fois des prostituées et des drogués, ces personnes étant parfois les mêmes.
Si vous voulez bien retirer « exclusivement »,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
C'est fait !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
... nous prendrons, devant l'Assemblée nationale, le temps de
vérifier comment pérenniser cet article additionnel. Si le rapporteur en était
d'accord, le Gouvernement émettrait donc un avis favorable.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Merci beaucoup !
Mme Nelly Olin.
Ah ! Vous voyez, monsieur Dreyfus-Schmidt !
M. le président.
Il s'agit donc de l'amendement n° 243 rectifié
bis,
qui est ainsi
libellé :
« Après l'article 29,...
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Excusez-moi, monsieur le président, mais j'ai omis le
paragraphe II de l'amendement.
S'agissant du I de l'article 243 rectifié
bis,
dont je rappelle les termes : « Certains établissements sont
réservés et sécurisés afin d'accueillir les victimes de la traite des êtres
humains », le Gouvernement maintient sa position et émet un avis favorable.
En revanche, sur le paragraphe II, dont le premier alinéa est ainsi libellé :
« Il est institué un défenseur des victimes d'exploitation sexuelle, autorité
indépendante », le Gouvernement reste défavorable.
Si vous tenez au I, monsieur Dreyfus-Schmidt, je vous suggère de rectifier à
nouveau votre amendement pour supprimer le II, ou bien il faudra procéder à un
vote par division.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
J'accepte de retirer le paragraphe II de l'amendement n° 243 rectifié
bis
!
M. le président.
Je suis donc saisi d'un amendement n° 243 rectifié
ter,
présenté par M.
Dreyfus-Schmidt, Mmes André et Blandin, MM. Badinter, Frimat, Gautier, Mahéas,
Mermaz, Peyronnet, Sueur et les membres du groupe socialiste et apparenté, et
ainsi libellé :
« Après l'article 29, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I - L'article L. 345-1 du code de l'action sociale et des familles est
complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Certains établissements sont réservés et sécurisés afin d'accueillir les
victimes de la traite des êtres humains. »
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois,
rapporteur.
Favorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 243 rectifié
ter
.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 29.
Division et articles additionnels après l'article 29
M. le président.
L'amendement n° 117 rectifié, présenté par MM. Vasselle, Masson, Gournac et
François, est ainsi libellé :
« Après l'article 29, insérer une division additionnelle ainsi rédigée :
"Chapitre VII. - Dispositions diverses". »
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 119 rectifié, présenté par MM. Vasselle, Gournac et François,
est ainsi libellé :
« Après l'article 29, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 19 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi
rédigé :
« Ils informent les maires des crimes, délits et contraventions de cinquième
classe dont ils ont connaissance sur le territoire de la commune. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 120 rectifié, présenté par MM. Vasselle, Gournac et François,
est ainsi libellé :
« Après l'article 29, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 40 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi
rédigé :
« A la demande du maire, le procureur de la République l'informe des suites
données aux plaintes formulées pour des infractions commises sur le territoire
de sa commune et, le cas échéant, des motifs de leur classement sans suite.
»
Cet amendement n'est pas soutenu.
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