SEANCE DU 12 NOVEMBRE 2002
AVENIR DE L'EUROPE
Suite de la discussion d'une question orale
européenne avec débat
(Ordre du jour réservé)
M. le président.
Nous reprenons la discussion de la question orale européenne avec débat n°
QE-2.
Dans la suite du débat, la parole est à M. Serge Vinçon.
M. Serge Vinçon.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre déléguée, mes
chers collègues, si vous visitez la maison de Jean Monnet, vous y verrez, dans
une petite vitrine, un croquis représentant les productions comparées du
charbon et de l'acier de l'Europe et des Etats-Unis dans les années cinquante.
Ce croquis avait été en quelque sorte son
vade-mecum
au moment où, avec
Robert Schuman, il avait proposé de créer la Communauté du charbon et de
l'acier pour lier de manière irréversible les ennemis d'hier, mais aussi pour
permettre à l'Europe de retrouver sa juste place dans le monde. Si,
aujourd'hui, vous réalisez le même exercice à propos des efforts de défense des
Etats-Unis et de l'Europe, comment ne pas arriver à la même conclusion : la
nécessité absolue d'agir, de franchir une étape supplémentaire dans la
construction européenne ?
Je crois que les Européens en ont désormais pleinement conscience. L'Europe
peut avoir pour objectif légitime de gérer les crises dans son environnement
proche et doit être plus présente dans le monde pour faire entendre sa voix.
Comment comprendre, en effet, qu'elle soit, comme vous l'avez rappelé,
monsieur le ministre, le premier bailleur d'aide à la reconstruction ou au
développement en ex-Yougoslavie, en Afghanistan ou en Palestine et qu'elle
compte si peu dans le règlement des conflits ou dans le retour à la paix ?
Il est donc parfaitement logique que l'organisation future de la politique
étrangère, de sécurité et de défense commune soit devenue l'un des sujets
majeurs de la Convention sur l'avenir de l'Union européenne, dont la commission
pour la défense est présidée par le commissaire français Michel Barnier. Non
seulement les attentes sont fortes dans ce secteur, mais, surtout, les
solutions qui seront proposées auront un impact direct sur la souveraineté des
Etats , et joueront donc un rôle fondamental dans la définition des
institutions futures.
Afin que l'Union puisse s'exprimer plus efficacement sur la scène
internationale, elle doit progresser dans trois directions : la définition
d'une politique étrangère et de sécurité commune, la personnalisation accrue de
cette politique et le développement de solidarités concrètes dans le domaine de
la défense.
Comment, d'abord, améliorer la définition d'une politique étrangère et de
sécurité commune ? Dans les autres domaines d'action de l'Union européenne,
cette question est résolue par l'application de la « méthode communautaire ».
Or la PESC obéit à une logique intergouvernementale respectant la règle de
l'unanimité. C'est pourquoi il est si difficile de parvenir à un consensus.
Chaque Etat a son histoire, ses traditions et la mémoire de conflits
particuliers. Au sein de l'Union, quatre Etats sont neutres et excluent
a
priori
de participer à une quelconque alliance militaire. D'autres, même
s'ils sont membres de l'OTAN, se refusent à s'engager dans une politique de
sécurité commune. D'autres, enfin, craignent qu'une telle politique
n'affaiblisse les liens transatlantiques.
Comment également ménager la susceptibilité des exécutifs qui voient dans la
politique étrangère l'expression privilégiée d'une souveraineté parfois
récemment recouvrée ? Au sein de l'Union européenne, deux Etats, la France et
la Grande-Bretagne, détiennent l'arme nucléaire et conçoivent encore leur
action extérieure sous forme de politique, si ce n'est de puissance, du moins
d'influence, alors que d'autres l'ont définitivement rejetée par des
dispositions constitutionnelles.
Comment, dans ces conditions, trouver un terrain d'entente sans pour autant
s'aligner sur le plus petit dénominateur commun ? Le développement de
coopérations renforcées dans les domaines de la politique étrangère et de la
défense est-il souhaitable ?
Je crois en tout cas que l'Europe ne peut avoir de politique étrangère commune
forte si chacun des Etats européens n'a pas lui-même une volonté de politique
étrangère forte. Au cours des derniers mois, grâce à la fin de la cohabitation,
la France a retrouvé tout son dynamisme diplomatique. Comme Jean-Pierre
Raffarin l'a dit à Estoril : « La France est de retour. » Et quel retour !
Relance du couple franco-allemand comme moteur de l'Europe, réconciliation avec
l'Italie et vote, voilà quelques jours, d'une résolution, inspirée par la
France, sur l'Iraq, au Conseil de sécurité. Ces six premiers mois auront été
utilisés à plein. Les impulsions du chef de l'Etat sont parfaitement relayées
par votre action, monsieur le ministre. Les résultats obtenus sont autant de
promesses pour l'avenir. Sachez qu'au Sénat vous pourrez compter sur notre
appui !
L'Union a ensuite besoin, mes chers collègues, d'une voix unique pour porter
la politique qu'elle aura déterminée en commun. Souvenons-nous que Jacques
Delors, alors président de la Commission européenne, racontait qu'il avait été
plusieurs fois appelé par Ronald Reagan pour parler de politique étrangère et
qu'il avait dû le renvoyer vers les chefs d'Etat et de gouvernement, n'étant
lui-même pas compétent pour cela !
Depuis lors, des progrès ont bien sûr été réalisés. Les Quinze ont pris
l'habitude de nommer des « représentants spéciaux » pour les représenter dans
les négociations ou les crises. Le traité d'Amsterdam a permis la désignation
d'un Haut représentant pour la PESC placé auprès du Conseil. Ces fonctions ont
ensuite été fusionnées avec celles de secrétaire général de l'Union de l'Europe
occidentale, l'UEO. M. Javier Solana, nommé à ce poste depuis 1999, a
d'ailleurs mené une action très utile, mais des améliorations doivent encore
être apportées pour convaincre nos partenaires étrangers de la réalité et de
l'unité de l'action extérieure européenne. Les travaux de la Convention tendent
vers un accroissement des missions et de la marge de manoeuvre de ce « M. PESC
» par la fusion de ses fonctions avec celles qu'assume actuellement le
commissaire chargé des relations extérieures.
Cette démarche me paraît constructive dès lors que le Haut représentant reste
rattaché aux exécutifs des Etats membres et bénéficie de la confiance qui
résultera d'une telle proximité.
Enfin - et c'est pour moi un sujet de réelle préoccupation -, la crédibilité
de la politique extérieure de l'Union est conditionnée par l'existence d'une
force d'intervention européenne et de moyens militaires opérationnels. Comment
faire pour concrétiser les engagements qui ont été pris et pour renforcer les «
solidarités concrètes » dans le domaine de la défense ?
Des progrès institutionnels incontestables, et même inespérés, ont été
accomplis au cours des trois années passées ; le traité de Nice les a
consacrés. Les outils ont été forgés ; les comités politique et militaire,
l'état-major de l'Union commencent à fonctionner. Les Etats se sont entendus
sur la mise en place, d'ici à 2003, d'une force de réaction rapide.
Mais je constate dans le même temps que la coopération européenne peine à
trouver sa traduction dans les faits.
D'une part, des difficultés persistent dans la définition des rapports avec
l'OTAN. A ce sujet, je vous remercie, monsieur le ministre, de nous avoir
indiqué l'état des négociations relatives aux « arrangements permanents », qui
permettraient à l'Union européenne de prendre la suite de l'opération « Renard
roux » conduite en Macédoine.
D'autre part, la « déclaration d'opérationnalité » de Laeken ne parvient pas à
cacher la persistance d'importantes lacunes capacitaires et la difficulté à les
combler grâce à la procédure « ECAP », le plan d'action européen sur les
capacités. L'Europe reste confrontée à l'insuffisance des efforts budgétaires
de ses membres, une faiblesse d'autant plus grande que ces efforts ne sont pas
coordonnés. La « saga » du financement de l'Airbus A-400M est alarmante, au
moment même où les différentes conférences de capacités mettent précisément
l'accent sur les lacunes européennes en matière de transport stratégique.
A contrario
, le succès obtenu entre la France et l'Italie en matière
navale semble être l'exemple à suivre d'une coopération politique, industrielle
et opérationnelle par le biais de la construction de bâtiments communs,
notamment de vingt-sept frégates multi-missions.
Développer aujourd'hui une véritable politique industrielle européenne de
l'armement me paraît être d'une extrême urgence. Dans le domaine aéronautique,
malgré les succès obtenus en matière de consolidation industrielle autour
d'EADS et de Thalès, il faut désormais mettre en place une solution de rechange
à l'avion de combat futur américain. Nous ne pouvons nous résoudre à voir
l'aéronautique militaire européenne passer sous la coupe de Boeing alors que,
dans le domaine civil, Airbus est un formidable succès ! Plus encore, dans les
domaines de l'armement terrestre et de l'armement naval, tout, ou presque, est
à faire. Là aussi, il y a urgence. Les industriels américains ont déjà pris des
positions très fortes dans l'armement terrestre en Espagne et dans l'armement
naval en Allemagne. Prenons garde à ce qu'il soit toujours possible demain de
maintenir l'indépendance de l'Europe, son savoir-faire technologique et, en
définitive, les emplois et la croissance économique.
J'aimerais donc savoir où en sont, dans ce domaine, les projets européens de
créer, à partir de l'OCCAR, l'Organisation conjointe de coopération en matière
d'armement, une véritable agence européenne de l'armement, seule à même
d'assurer la définition commune des besoins, la gestion des programmes et le
développement d'une forte interopérabilité permettant à la défense européenne
d'être efficace et crédible aux yeux du monde entier.
Sur ces questions, nous avons pris note de vos réponses, monsieur le ministre,
et nous sommes certains que, là aussi, le dynamisme nouveau de la diplomatie
française saura trouver les moyens de convaincre l'Europe d'exister par
elle-même et de financer son propre développement afin d'avoir une défense à la
hauteur de son rayonnement historique, culturel, économique, humaniste et
politique.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou.
Monsieur le ministre, vous venez de brosser à grands traits l'histoire et la
problématique actuelle de l'Europe ainsi que les horizons ouverts par la
Convention. Les orientations que vous souhaitez pour les futures institutions
européennes apparaissent.
Il était indispensable de savoir quelle Europe la France voulait. En effet, ce
débat intervient au moment où les Français se désintéressent du grand rêve
européen. Nous avons la responsabilité commune de trouver les mots justes pour
sensibiliser l'opinion publique et lui redonner confiance en l'Europe.
Les attentes que nous formulons aujourd'hui n'ont de sens que par la volonté
claire que vous venez d'exprimer. Sans cela, ce débat eût été dérisoire, voire
inutile, car les Français s'interrogent : quelle Europe le Gouvernement veut-il
? Souhaite-t-il une Europe qui évolue au fil des années vers une intégration de
plus en plus forte ou bien estime-t-il, au contraire, qu'une grande zone de
libre-échange peut, seule, être un objectif raisonnable ?
Répondons à ces interrogations par une refonte des institutions, grâce à la
réflexion du Président de la République, Jacques Chirac, et à l'esprit novateur
du ministre allemand des affaires étrangères, Joschka Fischer. Toutefois,
rédiger une Constitution, qui plus est pour l'Europe et non pour un
Etat-nation, est un exercice ardu et nouveau.
L'Union européenne a inventé un mode de relations entre Etats sans précédent
dans l'histoire et rien ne serait plus absurde que de vouloir plaquer sur
l'Europe des solutions conçues en d'autres temps pour d'autres organismes :
prenons conscience que nous ne pouvons pas construire l'Europe à l'image de la
France ! L'opposition entre une conception immédiatement intégrationniste et
une conception intergouvernementale de l'Europe est aujourd'hui abstraite et
théorique. L'Union européenne est à mi-chemin entre ces deux extrêmes, avec
cependant une prédominance de plus en plus marquée par son aspect
intégrationniste. Ne feignons pas d'ignorer la marche de l'histoire !
L'article 1er de l'avant-projet de traité conventionnel est clair et vise une
« union d'Etats européens, conservant leur identité nationale, qui coordonnent
étroitement leurs politiques au niveau européen et qui gèrent, sur le mode
fédéral, certaines compétences communes ». De même, à l'article 5 sont évoquées
la reconnaissance d'une « double citoyenneté », d'une double allégeance, l'une
nationale, l'autre européenne, et la possibilité d'utiliser l'une ou l'autre
librement. De l'audace : tel pourrait être l'aiguillon du président Valéry
Giscard d'Estaing.
Monsieur le ministre, le texte que choisira, sur la base des travaux de la
Convention, le Conseil européen en 2004 fera-t-il l'objet d'un référendum pour
être ratifié par la France ? Une telle démarche scellerait le contrat moral
unissant le peuple français à l'Europe.
J'aborderai maintenant la question de la proximité. La déclaration de Laeken
du 15 décembre 2001 appelait à « rapprocher les institutions européennes du
citoyen ». Cette volonté d'impliquer les citoyens rejoint celle de l'actuel
gouvernement français. En particulier, l'article 72-1 de la Constitution
présenté par l'article 5 du projet de loi constitutionnelle relatif à
l'organisation décentralisée de la République tend à reconnaître le droit de
pétition aux électeurs de chaque collectivité territoriale et à instaurer des
référendums locaux.
Un forum représentant la société civile européenne a été institué pour être
associé à l'action de la Convention. Cependant, l'article 5 du projet de loi
constitutionnelle ne mentionne, pour les citoyens européens, que la
reconnaissance de leur droit de vote aux élections municipales et à l'élection
au Parlement européen.
Quid
des élections cantonales ? Pourquoi ne pas aller jusqu'au bout de
la logique et s'arrêter ainsi au milieu du gué ?
Par ailleurs, l'article 34 de l'avant-projet de traité constitutionnel énonce
le principe d'une « démocratie participative » et « transparente » ; il devrait
apporter davantage de précisions.
Ce souhait est indissociable de celui d'un partage net entre les attributions
de l'Union et celles des Etats membres. Nos concitoyens regrettent que l'Union
européenne s'immisce là où elle n'a rien à faire et soit absente là où elle
devrait être présente. L'article 7 de l'avant-projet réaffirme ainsi le
principe de subsidiarité, introduit par le traité de Maastricht, alors que
l'article 8 précise que « toute compétence non attribuée par la Constitution à
l'Union demeure de la compétence des Etats membres ».
Cependant, la Convention, pour l'heure, n'a toujours pas fixé les règles du
contrôle effectif du principe de subsidiarité par les Parlements nationaux. Ce
débat est plus que jamais ouvert car trois réponses sont possibles.
La première, avancée par le président Giscard d'Estaing, défend l'idée d'un
Congrès rassemblant les parlementaires nationaux et européens, sur le modèle de
la Convention actuelle. Cette réponse souligne l'idée d'une souveraineté
populaire et d'un pouvoir parlementaire européen, mais elle manque peut-être de
souplesse.
La deuxième met l'accent sur l'amélioration du dialogue entre le Gouvernement
et le Parlement, à l'instar de ce qui se passe au Danemark, en Suède ou encore
en Grande-Bretagne. Elle est sans doute insuffisante.
La troisième réponse, enfin, se trouve dans le rapport très original du groupe
de travail « Subsidiarité », présidé par M. Mendez de Vigo, qui propose, pour
la première fois, d'ériger les parlements nationaux en gardiens de la
subsidiarité. La Commission aurait alors le devoir de joindre à toutes ses
propositions de texte une fiche « subsidiarité ». Les Parlements nationaux,
grâce au mécanisme d'« alerte précoce », pourraient s'exprimer au début de la
procédure sur la conformité ou non des propositions législatives de la
Commission européenne au principe de subsidiarité. S'ils n'obtenaient pas gain
de cause, ils pourraient ensuite saisir la Cour de justice pour violation de ce
principe essentiel, clef de voûte de tout l'édifice européen. Cette solution a
le mérite d'être simple et de ne pas alourdir l'architecture institutionnelle
européenne.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, confirmer le choix du Gouvernement entre
ces trois réponses ?
J'évoquerai aussi - et surtout - la simplification. Nous devons au plus vite
simplifier et rationaliser l'architecture de l'Europe, car les citoyens
attendent davantage de lisibilité et de visibilité des institutions
européennes. Pour que les citoyens aiment l'Europe, ils doivent la comprendre.
Là aussi, la Convention va dans le bon sens et veut donner de la chair à
l'Europe.
L'article 4 de l'avant-projet de traité constitutionnel reconnaît
explicitement la personnalité juridique à l'Union européenne, mettant fin à une
situation juridique floue et permettant la nécessaire fusion des différents
traités régissant l'Europe. L'article 9 énumère les trois catégories de
compétences de l'Union : compétence exclusive, compétence partagée, compétence
d'appui. L'article 14, enfin, établit que l'Union dispose d'un « cadre
institutionnel unique ».
Cette simplification institutionnelle va de pair avec les efforts
indispensables pour que l'Europe soit personnifiée. Quatre personnages clefs
devraient devenir les futurs piliers de la maison « Europe ». Le président du
Conseil européen, le président de la Commission, le Haut représentant pour la
politique étrangère seront-ils nommés ou élus ? S'ils sont élus, le seront-ils
par leurs pairs ou au suffrage universel direct ? Ces questions sont restées
sans réponse, respectivement aux articles 15
bis
, 18
bis
et 41 de
l'avant-projet.
Nous souhaiterions également que la proposition de notre collègue Hubert
Haenel d'instituer un Haut représentant pour la justice et les affaires
intérieures, quatrième personnage clef, rencontre un écho favorable auprès de
la Convention.
Monsieur le ministre, défendez-vous l'idée de l'élection au suffrage universel
direct de ces représentants de l'Europe ?
Je terminerai en évoquant l'humanisme. La Convention doit montrer sa fidélité
à l'héritage moral de l'Europe et à notre universalisme respectueux des
différences, en un mot : à nos valeurs humanistes.
Ainsi, l'éloge de la liberté est indissociable de l'idée même d'Europe, et la
Convention reconnaît que la liberté est inhérente aux individus, mais aussi aux
Etats. En effet, les Etats sont libres d'adhérer ou non à l'Union - article 43
-, mais ils sont libres également de la quitter - article 46.
L'article 45 rappelle que tous les Etats membres de l'Union doivent respecter
scrupuleusement leurs obligations, notamment en ce qui concerne les droits
fondamentaux des individus. Or, sur ce point, la Convention n'a pas encore
décidé définitivement si la charte doit être réintégrée totalement à l'article
6 de l'avant-projet ni si l'Union doit adhérer à la Convention européenne des
droits de l'homme. Pour notre part, nous nous rangeons résolument aux
conclusions du groupe de travail « Charte », présidé par M. Vitorino, qui
répond « oui » à ces deux questions.
Monsieur le ministre, quelle place souhaitez-vous accorder à la défense des
droits fondamentaux dans la future Constitution ?
Chers collègues, nous devons donc apporter des réponses au grand débat sur les
institutions européennes, débat que notre Premier ministre, européen convaincu,
a promis pour l'année 2003. Certes, il aurait fallu réformer les institutions
avant l'élargissement de 1995 ; alors, ne laissons surtout pas échapper cette
ultime occasion qui nous est offerte par la Convention sur l'avenir de
l'Europe. Faisons tout notre possible pour que l'ordre logique et l'ordre
politique ne s'opposent pas, pour que l'urgence de l'élargissement aboutisse
enfin à la nécessaire réforme des institutions européennes.
Si le Gouvernement français souhaite une Europe économique et politique, alors
l'Europe retrouvera non seulement un projet, mais aussi la fierté d'être une
entité qui pèsera sur l'avenir du monde. Elle procurera à chaque citoyen
français ce sentiment d'appartenance propre au patriotisme. Ce choix, monsieur
le ministre, sera conforme à l'histoire d'un grand pays comme le nôtre.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et
des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Jacques Blanc.
M. Jacques Blanc.
Monsieur le président, madame, monsieur le ministre, mes chers collègues, «
l'Europe avance à petits pas », disait l'un de ses pères fondateurs, Robert
Schuman ; « l'Europe ne peut traiter bien qu'une chose à la fois », disait un
spécialiste européen, Raymond Barre, et, aujourd'hui, nous sommes bien
conscients que l'Europe doit franchir un grand pas, qu'elle doit relever
plusieurs défis.
Elle doit franchir un grand pas - vous l'avez dit, monsieur le ministre - et
nous espérons qu'elle en sera capable grâce aux travaux de la Convention sur
l'avenir de l'Europe. Qu'il me soit d'ailleurs permis de remercier M. le
président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, membre éminent de
la Convention, d'avoir pris l'initiative de cette question. La Convention sur
l'avenir de l'Europe doit réussir à donner à l'Europe une vraie constitution.
Son président, européen convaincu - il l'a démontré - auquel je tiens à rendre
hommage, pourra peut-être arriver à dégager ces synthèses qui, au moment où
l'on désespère, montrent souvent la capacité de gagner en Europe.
Aujourd'hui, même si l'on peut regretter que cette démarche institutionnelle
n'ait pas précédé l'élargissement, on ne peut que se féliciter de voir avancer
deux défis : le premier, l'institution, le second, l'élargissement. Sur ce
point, nous pouvons rendre hommage au Gouvernement, en particulier à
vous-mêmes, madame, monsieur le ministre, et au Président de la République. En
effet, combien étaient optimistes à la veille du Conseil de Bruxelles ? Il
suffit de relire la presse : il était expliqué dans nombres d'articles qu'on
allait s'enfermer, qu'un blocage était inévitable. Mais vous avez réussi - la
France, ainsi que l'Allemagne, a joué un rôle majeur à cet égard - à débloquer
la situation, sans renoncer à la défense de politiques européennes qui restent
fondamentales et à partir desquelles l'Europe a fait ses premiers pas : je
pense à la politique agricole commune. On a d'ailleurs oublié que c'est dans ce
domaine qu'une première monnaie, la monnaie verte, avait été mise en oeuvre. Et
pour avoir négocié, en tant que secrétaire d'Etat à l'agriculture, le
démantèlement des montants compensatoires monétaires...
M. Denis Badré.
Et très bien négocié !
M. Jacques Blanc.
... - M. Denis Badré doit s'en souvenir -, il me paraît bon que l'Europe
n'abandonne pas la défense de ces politiques européennes fondamentales pour
réussir l'élargissement.
Vous avez donc réussi à engager l'Europe, depuis ce conseil, dans ce que vous
avez appelé « la phase finale d'élargissement pour dix pays ». Cela fait
vingt-cinq pays. Demain, combien y en aura-t-il ?
Vous avez aussi évoqué, monsieur le ministre, et je vous en remercie, non
seulement l'intégration, mais aussi l'association. Et entre ces deux termes, il
y a le partenariat euro-méditerranéen, sur lequel je reviendrai.
Le troisième défi de l'Europe, c'est que les peuples d'Europe retrouvent la
flamme, l'amour de l'Europe, que se lèvent espérance et enthousiasme, que l'on
perde ce sentiment d'éloignement des institutions européennes, d'une
technocratie qui aurait pris le pouvoir, que l'on cesse aussi de rejeter sur
l'Europe tout ce qui n'irait pas, en oubliant que les choses qui vont bien
dépendent souvent de l'Europe, voire que les comportements eux-mêmes changent :
il est en effet trop facile, quand on revient d'un Conseil à Bruxelles - et je
l'ai un peu fait ! - de dire que l'on a obtenu telle ou telle chose, mais que,
s'agissant d'un autre point, on n'a pas été suivi. Il nous faut retrouver une
vraie dimension.
Pour y parvenir, je ferai une proposition, que d'aucuns considéreront comme
secondaire, et d'aucuns comme dangereuse. Je n'ai bien sûr pas l'intention
d'ouvrir le faux débat entre Europe des Etats et Europe des régions. En
revanche, permettez-moi de dire que les régions peuvent apporter une
contribution pour jouer le rôle de messager, tant auprès des institutions
européennes qu'auprès de leur territoire et de leur population.
J'ai eu l'immense honneur d'être élu le premier président du comité des
régions d'Europe, organisme dont la création a été prévue par le traité de
Maastricht, mais qui est passée inaperçue même aux yeux d'éminents spécialistes
européens - je ne les citerais pas ! D'ailleurs, combien de Français ont-ils lu
le traité ?
En tant que membre du conseil consultatif que le président Delors avait
instauré à l'époque auprès de la Commission, j'avais eu la chance de me battre
pour le comité des régions d'Europe. Je l'avais fait aussi au sein de
l'assemblée des régions d'Europe, reprenant un peu le combat que le président
Edgar Faure avait engagé à travers l'assemblée des régions européennes.
Pour avoir installé ce comité des régions, pour l'avoir fait évoluer en tant
que président puis vice-président - j'y participe d'ailleurs activement et je
vais y partir tout à l'heure -, j'ai la conviction que, si l'on sait ne pas
entrer dans de faux débats, les régions peuvent contribuer à relever ce défi
d'une adhésion nouvelle vers l'Europe. Je soutiens d'ailleurs l'idée du congrès
: pourquoi ne pas associer dans une telle démarche à la fois le Parlement
européen, les parlements nationaux et le comité des régions d'Europe ? Sachant
que l'Europe a rappelé à la France la nécessaire subsidiarité - et je me
réjouis que nous ayons voté ici même la semaine dernière le premier texte
constitutionnel sur la décentralisation -, croyez-vous bien raisonnable
d'éliminer l'ensemble des régions d'Europe ? Je ne suis pas fédéraliste, mais
il existe des pays fédéralistes en Europe. Pourquoi alors ne pas ouvrir au
comité des régions d'Europe une participation au congrès et au contrôle de la
subsidiarité ? C'est indispensable eu égard à l'organisation même de certains
pays en Europe. Or, nous occultons ce point. Je me permets donc de rappeler
cette réalité. Il conviendrait ainsi de faire émerger le comité des régions
d'Europe au titre d'institution, de lui laisser un rôle consultatif - je ne
demande pas l'instauration d'une codécision du comité des régions, la réservant
au Parlement euopéen, - afin d'adopter une dimension nouvelle indispensable
pour gagner le défi fondamental qu'est l'adhésion des citoyens à l'Europe.
Pour gagner cette adhésion, madame, monsieur le ministre, il est également
capital que l'Europe garde des équilibres. Il n'est pas question, là aussi, de
déclencher une guerre entre le Nord et le Sud. Toutefois, au moment ou l'Europe
s'élargit vers l'Est, qui peut fermer les yeux sur l'exigence visant à donner
une place plus grande à l'Euro-Méditerranée ?
Permettez-moi de relater une expérience personnelle : j'ai participé, lors de
la conférence euro-méditerranéenne de Barcelone, à un dîner...
M. Xavier de Villepin.
Veinard !
(Rires.)
M. Jacques Blanc.
... où étaient assis côte à côte Arafat et le ministre d'Israël, ce qui ne
serait plus possible aujourd'hui. Tous les pays de la Méditerranée, alors
associés, s'engageaient dans un pacte de paix et s'engageaient à créer cette
Euro-Méditerranée qui doit devenir en 2010 une zone de libre-échange.
Comment ne pas demander que soient relancées très fortement les chances de
réussite de cette Euro-Méditerranée ?
M. Hubert Haenel,
président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne.
Très bien
!
M. Jacques Blanc.
La France a un rôle majeur à jouer à cet égard.
Comme le président Giscard d'Estaing l'avait fait à l'époque avec le grand
Sud-Ouest, pour réussir l'élargissement vers la Grèce, le Portugal et
l'Espagne, comme l'Europe l'a fait avec les PIM, les programmes intégrés
méditerranéens, pour que réussissent ces élargissements, le Gouvernement ne
pourrait-il pas se mobiliser pour que des programmes nationaux et européens, et
l'évolution des programmes MEDA puissent nous armer pour réussir
l'Euro-Méditerranée ?
Enfin, comment ne pas aussi être vigilants pour que, dans la réforme des
politiques agricoles communes, dans celle des fonds structurels et de la
politique régionale, cet aspect euro-méditerranéen ne soit pas non plus oublié
?
Monsieur le ministre, j'ai aujourd'hui la conviction que le Sénat, une
nouvelle fois, joue un rôle majeur pour nous permettre, dans la sérénité mais
avec conviction et une grande espérance, de nous mobiliser. M. le Premier
ministre nous y a invités en 2003. Nous anticipons cette mobilisation pour que
vive l'Europe.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées
du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Robert Badinter.
M. Robert Badinter.
Monsieur le président, madame, monsieur le ministre, mes chers collègues, à
mi-parcours des travaux de la Convention sur l'avenir de l'Europe et à ce stade
de nos préoccupations concernant l'Europe, l'initiative de cette discussion est
heureuse, et nous devons en remercier tout particulièrement M. Haenel. Le
moment est en effet favorable à la fois pour apprécier ce qui est déjà acquis,
qui est important - vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, - et ce qui
demeure à faire, qui est considérable, sinon essentiel.
L'acquis, s'agissant de la Convention, c'est d'abord l'accord sur le terme
même et sur la nécessité d'une constitution européenne. Sera-t-elle, comme nous
le croyons indispensable, soumise à un référendum après son adoption ? Je crois
que l'on ne pourra pas et que l'on ne devrait pas y échapper. Je conçois mal
les Etats européens et les peuples européens se dotant d'une constitution -
événement considérable dans l'histoire européenne - sans que les peuples
eux-mêmes l'aient approuvée.
L'acquis, c'est aussi la fusion des traités actuels, entraînée logiquement par
le principe d'une constitution, l'affirmation de la personnalité morale
internationale de l'Union et l'incorporation de la charte des droits
fondamentaux, évoquée par notre excellent collègue M. de Montesquiou. Il n'y a
plus de difficultés sur ce dernier point. Lors du groupe de travail auquel j'ai
participé et qui a été excellemment présidé par M. Vitorino, un accord est
intervenu malgré quelques réticences de la part de nos amis britanniques. Tout
est maintenant acquis, et la charte sera donc incorporée.
La question de l'adhésion à la Convention européenne des droits de l'homme,
quant à elle, se trouvera réglée ultérieurement par les instances compétentes
au sein des institutions européennes. Voilà pour l'acquis, qui est important
!
Ce qui reste à faire s'avère évidemment considérable.
Nous avons pour l'instant, il faut le reconnaître, bien des problèmes au
regard de la question de la gouvernance économique. Sans aller jusqu'à une
véritable coordination économique, voire à un gouvernement économique, l'avenir
sur ce point difficile paraît incertain. Il faut donc se remettre au
travail.
Vous savez combien le domaine social est important aux yeux du groupe
socialiste, au nom duquel je m'exprime en cet instant ; nous avons accueilli
avec satisfaction la création d'un groupe de travail sur les questions
sociales. C'est un progrès qu'il convient de saluer.
Il est indispensable que soit affirmée, conformément d'ailleurs au voeu du
Gouvernement, l'importance de la dimension sociale de l'Union européenne. Ce
point doit figurer dans le traité, et il conviendra de développer les
instruments de l'Union à cet égard, ainsi que tout ce qui est de nature à
renforcer les services publics et à consacrer le rôle de partenaires
sociaux.
De même, nous devons proclamer comme objectif prioritaire la sauvegarde de
l'environnement, non seulement en Europe mais dans le monde ; c'est une
question clé, indissociable de celle du développement durable, et l'Union
européenne doit assumer, dans ces deux domaines, une contribution majeure.
M. Louis Le Pensec.
Très bien ! C'est effectivement capital !
M. Robert Badinter.
Il reste que, dans une Constitution, c'est la définition des institutions, de
leurs pouvoirs et de leur équilibre qui est l'essentiel. Disons-le, toute
Constitution est aussi une entreprise juridique. Certains de nos grands
prédécesseurs aimaient à dire que c'étaient des « machines », au sens où on
l'entendait au xviiie siècle. Il est de belles machines ; il en est d'autres
qui fonctionnent moins bien. Etant d'un naturel pessimiste - mon pessimisme
fût-il actif -, il m'arrive de craindre que, si nous ne parvenons pas à mieux
définir l'équilibre et la répartition des pouvoirs, notre machine ne soit qu'un
« machin ». Nous verrons ! Nous sommes encore dans l'expectative.
L'avant-projet, vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, a été présenté avec
grand talent par le président Giscard d'Estaing. Il m'a fait penser à un plan
de thèse : vous sont communiqués les intitulés des différentes parties, les
têtes de chapitres, mais très peu d'informations - voire aucune - quant aux
contenu. Vous savez comment procèdent alors les présidents de jury : ils
décryptent les énoncés sibyllins pour essayer de deviner ce qui s'annonce. Or,
à lire ces énoncés, je n'ai pas trouvé dans cet avant-projet le souffle
historique qui inspire les grandes oeuvres constitutionnelles. Mais peut-être
est-ce, là encore, une manifestation de ce pessimisme naturel que j'évoquais à
l'instant.
Monsieur le ministre, madame la ministre déléguée, je le confesse volontiers,
j'ai toujours considéré le constitutionnalisme comme un art. Doterons-nous
l'Europe d'un chef-d'oeuvre constitutionnel ?
A ce stade, j'ai plutôt l'impression que se profile une rénovation ou une
transformation, mais pas nécessairement une création.
En tout cas, j'ai relevé que le concept si riche de fédération d'Etats-nations
avait perdu quelque peu de sa flamme, de son lustre, en cours de route.
Le caractère fédératif de l'Union aurait dû, selon moi, se traduire par
l'affirmation du principe premier de la majorité qualifiée, quelles qu'en
soient les modalités. Or, en examinant de près le texte de l'avant-projet, je
n'y ai vu nulle part les mots de « majorité qualifiée ». S'ils figurent dans
les explications, ils ne sont pas dans le texte lui-même. Mais ce n'est pas une
raison pour ne pas espérer que la majorité qualifiée devienne la préférence et
même le principe, celui de l'unanimité étant alors abandonné.
On a vu disparaître la distinction, complexe, bien difficile à faire
comprendre, même aux spécialistes, entre les différents piliers, surtout dans
les rénovations intervenues. Cela est bien. Dans les trois domaines de la PESC,
de la défense et de la politique commune en matière de police et de justice
pénale, on parle de « procédure d'application ». Une telle expression fait
toutefois penser à une action commune des Etats, à une coopération entre eux,
plutôt qu'à une action propre de l'Union.
Je n'interviendrai pas, à ce stade sur la question, qui mérite un débat à elle
seule, de la PESC et de la défense. Vous en avez très bien posé les termes,
monsieur le ministre, et elle a fait l'objet d'une excellente intervention de
M. Vinçon.
S'agissant de la justice et de la sécurité, je tiens à dire que les grandes
menaces qui pèsent aujourd'hui sur l'ensemble des Etats de l'Union européenne
relèvent de la criminalité organisée. Qu'il s'agisse du terrorisme, du trafic
de stupéfiants, de la traite des êtres humains, de la prostitution ou des
infractions financières, c'est toujours sous la forme de criminalité
internationale organisée que nous rencontrons l'adversaire. Or nous ne pouvons
pas continuer à lutter contre cette criminalité avec les moyens dont nous
disposons actuellement ; il y va des intérêts premiers de nos concitoyens et de
nos Etats.
Le président Haenel a avancé à juste titre l'idée - ce ne serait qu'un premier
pas mais j'approuverais totalement une telle initiative - de la création d'un
Haut commissaire pour la politique de justice et de sécurité commune.
Je regrette que l'avant-projet ne fasse pas preuve de plus d'audace à cet
égard. Je regrette aussi que n'y soit pas mentionnée la création, pourtant
nécessaire, d'un parquet européen, dont la compétence serait d'ailleurs
supérieure à celle qui est généralement envisagée.
En tout cas, dans ce domaine, l'action de l'Union doit absolument être commune
et rigoureuse.
Pour le reste, j'évoquerai seulement deux institutions : le Congrès et la
présidence de l'Union.
L'idée d'un Congrès, séduisante à première vue, a été accueillie - tous ceux
qui étaient présents l'ont remarqué - avec une certaine réserve, pour ne pas
dire une certaine froideur.
S'il s'agit d'un forum, d'un espace de discussion permettant la rencontre
annuelle de représentants des parlements nationaux et de membres du Parlement
européen, c'est parfait. Ce serait en effet l'occasion d'évoquer des problèmes
communs. Mais cela ne mérite pas d'être institutionnalisé. Ce serait une sorte
de COSAC améliorée, sous un autre nom.
Pourquoi ne faut-il pas l'inscrire dans le traité ? Parce que toute procédure
de révision ou de modification d'une disposition constitutionnelle à
l'intérieur d'un traité comme celui-là engendrera des difficultés
considérables.
Si l'on doit aller vers un forum élargi, renouvelé, je dis bravo ! Mais
l'inscrire dans le traité et, surtout, l'appeler Congrès, me paraît une erreur.
Partout, en effet, le terme « Congrès » évoque l'instance supérieure. Nous
savons dans quelles circonstances solennelles nous nous réunissons en Congrès.
Aux Etats-Unis, le Congrès est bien l'instance suprême. Et je n'ai pas besoin
de rappeler ce que cela signifiait du temps du système soviétique ! Dès lors,
l'institution d'un « Congrès » donnerait à penser qu'il s'agit d'une instance
supérieure par rapport au Parlement européen.
On comprend, alors, les réserves que cette idée a aussitôt suscitées.
S'il s'agit de faire respecter les prérogatives des Parlements nationaux
européens, on peut résoudre le problème autrement.
Il y a d'abord la question essentielle des dispositions de droit
constitutionnel interne et celle du renforcement, nécessaire, de l'intervention
du Parlement dans le cadre de chaque Etat.
En ce qui concerne le respect, important pour les Parlements nationaux, du
principe de subsidiarité ou des principes généraux régissant les compétences
respectives de l'Union européenne et des Etats, des propositions intéressantes
ont été faites. Mais je rappelle qu'il ne serait pas concevable qu'un Parlement
national ou, pis encore, une chambre d'un Parlement ait le droit de saisir la
Cour de justice en ce qui concerne le respect de la subsidiarité : en effet,
les chambres des Parlements ne disposent pas, au regard d'un Etat, de la
personnalité juridique internationale. On n'imagine pas la Cour de justice
saisie par une chambre d'un Etat alors que le Gouvernement de ce même Etat
aurait, lui, une position radicalement contraire. Que deviendrait alors la
notion même d'Etat ?
C'est donc dans d'autres directions qu'il faut chercher la réponse, et la
réflexion à cet égard mérite d'être poursuivie.
J'en viens à la présidence de l'Union, sujet essentiel, et qui me tient
particulièrement à coeur.
La présidence de l'Union ne peut plus être tournante : ce qui était
parfaitement adapté à six et pouvait encore se concevoir à douze devient
absurde à quinze et plus encore à vingt-cinq.
Je sais la réticence des petits Etats, qui souhaitent pouvoir affirmer leur
appartenance à égalité avec les grands par le recours à la présidence
tournante. Mais, à vingt-cinq Etats, avec une présidence différente tous les
six mois, le tour de chacun ne revient que tous les douze ans et demi ! Et, si
l'on porte à un an la durée de la présidence, c'est une fois par quart de
siècle ! Cela rappellerait les itinérances de la cour royale de château en
château !
En vérité, il faut fixer la présidence à la personne d'un président. Je crois
profondément à la nécessité de l'incarnation de l'Union européenne en la
personne d'un Président de l'Union européenne.
Je marque que cette haute fonction, pour qu'elle prenne toute sa dimension,
doit être exercée par une personnalité européenne prestigieuse, qui aura rendu
des sercices éclatants, éminents à la cause européenne.
Incarnant l'Union, son président devra évidemment la représenter dans toutes
les grandes circonstances internationales, mais aussi à l'intérieur des Etats
membres, ainsi que devant le Parlement européen.
Cela me paraît indispensable pour que l'Union prenne conscience de son unité
profonde, pour que tous ses citoyens se souviennent qu'ils habitent une même
Europe, que celle-ci n'est pas seulement un espace d'échanges commerciaux, que
l'Europe d'aujourd'hui est aussi l'héritière d'une grande histoire, la
dépositaire d'une grande culture et de valeurs fondamentales. C'est à cette
personnalité qu'il appartiendra de faire entendre ce message à travers l'Europe
et au-delà.
Nous le savons bien, des poisons menacent toujours l'Union européenne, comme
d'autres ensembles démocratiques : racisme, xénophobie, intolérance, fanatisme.
Il reviendra au Président de l'Union européenne de rappeler à tout moment que
l'Union européenne est résolument fondée sur des valeurs qui sont contraires à
ces poisons-là.
Pour une Union européenne comprenant 480 millions d'habitants et composée de
vingt-cinq Etats - peut-être plus -, le magistère du Président de l'Union sera
essentiellement d'ordre moral, voire symbolique. Il ne peut s'agir d'une
fonction politique au sens où le président aurait la responsabilité de la
direction de l'Union. Il vient un moment où, dans un espace si vaste et si
différencié, l'unité est plurielle, bien que fondée sur des valeurs communes,
et les Européens doivent se reconnaître dans cette personnalité, sans penser à
sa couleur politique.
C'est la raison pour laquelle, partant de l'idée de la double souveraineté,
phénomène extraordinaire qui caractérise l'Union européenne - en l'occurrence
la souveraineté des Etats membres de l'Union, fédération d'Etats souverains, et
la souveraineté du peuple européen, cette immense communauté de 480 millions de
citoyens -, le Président de l'Union devra être désigné par le Conseil européen
et investi par le Parlement de l'Union.
Je le répète, c'est un magistère moral et non pas une responsabilité politique
qu'il doit exercer, ou alors, si l'on considère l'adjectif « politique » dans
un sens noble, je veux bien, en cet instant, admettre que c'est simplement dans
cette dimension-là que cette responsabilité sera assumée par lui.
Le pouvoir exécutif, au sein de l'Union, étant infiniment complexe, je ne
l'évoquerai pas, pour l'heure, en détail. Vous connaissez mes opinions sur ce
sujet, qui mérite que l'on y travaille encore.
En revanche, j'attire votre attention sur un point : un président du Conseil
européen, qui ne serait ni un
chairman
ni un président de la IIIe
République, mais qui assumerait véritablement cette fonction, préparerait le
Conseil, veillerait à l'exécution des décisions, présiderait le Conseil des
affaires générales, jouerait un rôle politique de toute première grandeur, j'y
insiste, et aurait une fonction politique considérable non seulement au sein de
l'Union mais aussi au-delà de celle-ci.
Si l'on exerce une fonction politique dans une démocratie, comment ne pas
concevoir que ce président du Conseil européen ne soit pas investi, au-delà de
sa désignation par le Conseil européen, par le Parlement européen ? Et si le
Parlement européen, qui est l'expression de l'autre souveraineté, celle des
citoyens européens, intervient comme il doit le faire pour l'investiture, on ne
peut pas, s'agissant d'une fonction politique, échapper à ce qui est l'essence
même de toute démocratie, c'est-à-dire l'exercice d'un contrôle parlementaire,
voire la censure. Sans cela, nous ne parviendrons pas à rééquilibrer notre
Union.
Ainsi donc, si la présidence du Conseil européen, telle qu'elle est envisagée,
n'inclut pas le contrôle et la mise en cause de la responsabilité éventuelle,
elle ne répondra pas aux exigences que j'évoquais tout à l'heure. Fonction
politique, il en faut une ; pouvoir exécutif fort, il en faut un ; mais
incarnation de l'Union, je ne saurais trop souligner combien cette fonction
symbolique et morale est essentielle pour cette union complexe.
En conclusion, je formulerai, au nom de tous les membres du groupe socialiste,
un rappel et un voeu.
Je rappelle d'abord qu'aucun progrès substantiel n'est jamais intervenu dans
l'Union sans que la France en ait été, avec l'Allemagne, l'initiateur et
l'artisan.
Nous souhaitons, par ailleurs, qu'un audacieux projet commun prenne en compte
les équilibres complexes d'une fédération d'Etats souverains qui, on ne le
soulignera jamais assez, n'est pas un Etat fédéral. Si nous parlions d'un Etat
fédéral, il faudrait penser les institutions autrement.
Nous devons élaborer, ce qui est unique, les institutions d'une fédération
d'Etats souverains. Nous souhaitons que ce projet commun recueille une large
adhésion en Europe. Pour notre part, nous ne ménagerons pas notre concours à un
tel projet. Il doit correspondre à la vision de l'Union européenne en tant
qu'ensemble porteur de paix, de progrès économique, de justice sociale et de
solidarité internationale.
(Applaudissements sur les travées du groupe
socialiste, sur celles du RDSE, ainsi que sur certaines travées des
Républicains et Indépendants. - M. le président de la délégation applaudit
également.)
M. le président.
La parole est à M. Denis Badré.
M. Denis Badré.
Monsieur le ministre, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, les
candidats à l'adhésion ont entrepris des efforts extraordinaires pour l'Europe.
Mais, comme le souligne le commissaire Günter Verheugen, ils étaient de toute
façon, à titre individuel, appelés à réaliser ces progrès. La perspective de
l'adhésion à l'Union a simplement motivé, orienté, polarisé leurs efforts.
L'Union nous motive-t-elle encore pour accomplir les progrès que nous sommes
toujours appelés à réaliser ? En effet, nous ne sommes pas exemplaires dans
tous les domaines. La mondialisation nous condamne à une compétitivité sans
merci, de tous les instants. De surcroît, dans un monde ouvert, l'expérience
d'ouverture intérieure proposée par l'Union prend une résonance particulière
parce qu'elle est facteur de progrès, bien sûr sous certaines conditions. Une
Europe responsable et respectueuse de chaque peuple et de chaque citoyen trace
un chemin vers une mondialisation humanisée que nous souhaitons tous
effectivement.
Qui, aujourd'hui, parle de l'Europe de la manière la plus forte et la plus
convaincante ? Ce sont nos amis d'Europe centrale et orientale. Ils ne le font
ni par naïveté, ni par angélisme, ni par intérêt, ni par méconnaissance du
sujet. Ils le font plutôt au nom de cette « utopie » dont Bronislaw Geremek dit
qu'elle est indispensable à un véritable engagement politique. Ils croient en
un avenir qu'ils entendent bâtir avec nous ! Affirmons haut et clair que nous y
croyons également et que nous partageons leur volonté, même si leur regard neuf
nous invite à un retour sur nous-mêmes et sur notre passé.
Nous nous souvenons des discours prononcés à cette tribune par M. le président
Vaclav Havel ou par Mme la présidente de la République de Lettonie, Vaira
Vike-Freiberga, il y a quelques semaines.
Ce qui permet à un peuple de supporter l'oppression, nous disait, voilà
quelques jours, Sandra Kalniete, ambassadeur de Lettonie en France, après avoir
rappelé qu'elle était née en Sibérie, ce sont sa langue et sa culture.
Elle ajoutait que la culture est à un peuple ce que le visage est à une
personne, c'est ce qui lui permet de se reconnaître et d'être reconnue, ce qui
exprime immédiatement et profondément son identité. Cette image me paraît très
forte.
Oui, bien plus qu'un marché unique dont l'intérêt n'est remis en cause par
personne, nous voulons construire une Europe au sein de laquelle chaque
Européen et chaque peuple puissent être identifiés comme uniques et
irremplaçables.
Si les Etats candidats sont ceux qui, aujourd'hui, parlent avec le plus
d'espérance de l'Union, ce sont aussi ceux qui contribuent le plus concrètement
à sa construction, plus que ne le font les membres de l'Union ou le couple
franco-allemand. Nous devons en prendre conscience et l'accepter en toute
humilité.
Ils le font d'abord en étant candidats, c'est-à-dire en disant que ce projet,
devenu pour nous un peu banal, peut plus que jamais séduire et que, s'il
n'existait pas, nous devrions sans doute l'inventer.
Il existe un besoin d'Europe sur notre vieux continent, comme vous le
rappeliez tout à l'heure, monsieur le ministre, mais aussi dans le monde.
Je participais, il y a quelques semaines, dans le cadre de la Fondation Robert
Schuman, à une réunion de parlementaires de l'ensemble des Balkans, de
l'Albanie à la Roumanie, et de la Croatie à la Grèce. Ces derniers savent mieux
que personne que la diversité des races et des religions peut engendrer les
plus grands malheurs. Ils ont aussi compris que l'Union européenne était « la »
solution pour surmonter ces malheurs, et surtout pour éviter leur retour.
Si la construction européenne n'avait jailli des cendres des conflits
franco-allemands, l'idée pourrait en être lancée aujourd'hui dans les Balkans,
ce qui ne veut pas dire que tout y deviendrait simple, comme par enchantement.
Cela, nous le savons aussi, puisque nous travaillons à notre propre
construction depuis cinquante ans.
Les pays candidats servent aussi directement et très concrètement la
construction européenne, en nous obligeant à nous poser de vraies questions que
la lassitude pourrait nous faire encore éluder. C'est un service inestimable
qu'ils nous rendent ainsi.
Ce que nous faisions à six, nous l'avons fait à neuf, à douze, à quinze ;
pourquoi ne le ferions-nous pas à vingt-cinq, en élargissant d'ailleurs
toujours la gamme des sujets que nous avons l'ambition de traiter ensemble ?
Toutefois, un moment viendra où le mieux sera l'ennemi du bien, où la
complexité engendrera la paralysie. Il fallait donc un choc pour faire éclater
la réalité et pour montrer que le temps n'était plus au ravaudage. Sans doute
fallait-il aussi un choc pour nous permettre de mesurer le chemin parcouru et
de dire combien nous en sommes fiers, ce que nous ne faisons d'ailleurs pas
assez non plus.
Par conséquent, tout reste à faire pour donner tort à ceux qui, aujourd'hui,
poussent à un élargissement au fil de l'eau parce qu'ils souhaitent la mort de
l'idée européenne.
Oui, l'Europe doit s'élargir. Son génie, son histoire et son destin l'y
invitent. Le projet européen, celui qui nous réunit tous à l'échelle du
continent, doit rayonner dans le monde. L'humanisme des pères fondateurs de
l'Europe leur avait très vite fait prendre conscience que l'idée de constituer
un petit club fermé n'avait aucun sens.
Comme vous le rappeliez, monsieur le ministre, tout à l'heure, les accords de
Yaoundé puis ceux de Lomé ont très vite confirmé ce constat. Nous sommes tous
convaincus de l'importance de ces accords et, incidemment, je rappelle que
l'avenir de l'Union européenne et son rayonnement mondial seront aussi fonction
de notre capacité à faire vivre ces accords.
Par ailleurs, le traité de Rome prévoyait explicitement l'élargissement de
l'Europe. Quelle Constitution de quel Etat a jamais présenté semblable
disposition ? Dès l'origine, nous étions donc hors des normes. Sachons y
demeurer et sachons continuer à innover.
Dans ces conditions, comment refuser la réunification de l'Europe ? Comment
fermer notre porte à des peuples européens qui, pendant un demi-siècle, ont été
retranchés de cette Europe par la force ? Réussir une Europe plus large est
bien sûr plus difficile. Mais il n'y a pas d'autre solution. Sur ce point, nous
avons une obligation de résultat. Comme toujours, s'agissant de la construction
européenne, tout n'est qu'affaire de volonté politique, de volonté des peuples,
des parlements, des gouvernants.
La Convention, venue à son heure, doit déboucher sur des propositions non
seulement opérationnelles et concrètes, mais aussi - j'y insiste - sur des
propositions simples, lisibles et compréhensibles par tous les Européens.
Sinon, à quoi bon rêver et faire rêver d'une Europe des citoyens ?
L'idée d'une Constitution pour l'Europe a fort heureusement fait son chemin.
Dire ce que l'Union doit faire et quels moyens elle doit employer ne peut
choquer personne. Cela ne manifeste ni une volonté bureaucratique, ni une
régression historique, ni une violation des consciences. Cela doit simplement
être l'expression d'une volonté bien naturelle de peuples qui choisissent
librement de s'unir. Cette démarche politique doit, de plus, être emblématique
et clairement affichée.
L'étape actuelle de l'histoire de la construction européenne est aussi
naturelle que le début de l'histoire des communautés qui avait vu naître un
Conseil, réunissant de manière tout à fait originale - prenons-en conscience -
un représentant par Etat ainsi qu'une personne chargée de rappeler à tous que
l'intérêt commun qui les unissait s'ajoutait aux intérêts propres à chacun et
qu'il fallait progresser en cherchant sans cesse à rendre ces différents
intérêts compatibles.
Il y avait là une forme inédite de fédéralisme qui consistait, de manière tout
à fait originale, à agir ensemble en étant toujours un de plus autour de la
table, cette personne supplémentaire étant la Commission.
La même formule a d'ailleurs, et ce n'est sans doute pas un hasard, été
reprise lorsqu'il s'est agi de mettre en place les institutions de l'Union
monétaire. Le conseil des gouverneurs réunit un représentant par Etat, ainsi
que le président de la Banque centrale européenne. L'idée est la même, le
président de la Banque centrale jouant au sein du système monétaire européen
absolument le même rôle que le président de la Commission au sein du
Conseil.
Rappeler ainsi que la Commission est un membre du Conseil n'est pas inutile,
ne serait-ce que pour récuser sans appel l'idée que la Commission devrait
elle-même réunir un représentant de chaque Etat membre, donc devenir à son tour
une sorte de Conseil
bis
, mais sans la Commission. Il y a là une
absurdité devant laquelle il faut réagir. La Commission est membre du Conseil,
elle n'est ni un nouveau Conseil, ni un Conseil
bis
au rabais.
La Convention doit nous proposer des institutions susceptibles de continuer à
gérer ce qui relève du « commun », c'est-à-dire ce qui reste de la compétence
des Etats avec mise en place de communautés. Elle doit nous proposer aussi des
institutions pour mettre en oeuvre ce qui est appelé à devenir unique, donc les
compétences transférées à l'Union après décision des peuples.
Au-delà des institutions, je citerai rapidement une série de sujets qui
doivent également être au coeur de nos réflexions actuelles, si nous voulons -
et je ne doute pas de cette volonté - réussir l'élargissement. Ces questions,
que l'élargissement nous donne l'opportunité de traiter, qu'il nous condamne
même à traiter dès maintenant, ne peuvent plus être éludées.
Parmi ces questions, la première, bien sûr, qui a été évoquée largement
pendant ce débat est « jusqu'où l'Europe ? » La question de l'adhésion de la
Turquie est posée ; demain se poseront celles de l'Ukraine ou de la Russie. Je
parlais tout à l'heure des Balkans. Je pense que l'Union, affichée comme
européenne, est appelée à réunir des membres qui se retrouvent dans une loi
commune qu'ils acceptent librement.
J'ajoute qu'il est important que chaque membre, présent ou futur, de l'Union
s'interroge pour savoir ce qu'il apporte aux autres, ce que ceux-ci peuvent
attendre de lui. Il trouvera alors mieux sa place parmi eux et l'Union sera
plus forte. Madame le ministre, sans doute vous souvenez-vous d'un débat que
nous avions eu sur ce sujet avec des Bulgares.
Autre sujet, l'Europe de la défense doit progresser rapidement. Il n'y aura
pas d'Europe vraiment politique qui ne commence par prendre en charge sa
sécurité.
Les Etats-Unis militent activement auprès de chacun des candidats à l'Union
pour qu'ils participent prioritairement à la seule vraie alliance politique à
leurs yeux, l'Alliance atlantique. Ils militent donc pour que les candidats
rejoignent rapidement l'OTAN.
L'Union européenne entend être un pilier majeur de cette Alliance atlantique ;
elle doit le faire comprendre d'urgence aux candidats : leur participation aux
institutions de défense de l'Union européenne est, pour eux, vitale.
L'Union européenne ne dispose pas d'un budget digne de ce nom. Comment peut-on
parler de démocratie, alors que les dépenses sont votées par le Parlement
européen et les recettes par les parlements nationaux ? Comment peut-on parler
du principe, fondamental en démocratie, du consentement à l'impôt, alors qu'on
demande simplement aux Etats de cotiser à l'Union sans leur donner le moindre
droit de regard sur les dépenses de cette Union ?
Cette situation nourrit par ailleurs tous les réflexes anticommunautaires qui
s'appuient sur le principe du « retour net », principe qu'il faut condamner
définitivement. Mais pour cela, il faut que l'Europe dispose d'un vrai
budget.
Je souhaite évoquer rapidement la politique agricole commune, la PAC, dont il
ne faut plus ajourner la réforme.
Les Etats candidats ont une agriculture dont la situation rappelle étrangement
celle des membres de l'Union lorsque la PAC a été fondée, à ceci près que notre
PAC d'origine reposait sur un choix de société : les consommateurs acceptaient
de payer les produits alimentaires à un prix tel qu'ils contribuaient à assurer
la sécurité quantitative et sanitaire de leur alimentation, sa qualité et
l'équilibre du monde rural.
Depuis, la PAC a été complètement dénaturée lorsqu'ont été mises en place des
aides directes à l'américaine, qui reprenaient la formule du
deficiency
payment
et n'avaient rien à voir avec la logique de la PAC.
L'élargissement de la PAC, qui signifie aujourd'hui l'élargissement des aides
directes, est consternant. En effet, cela ne résoudra pas le problème de pays
qui ne sont pas dans la même situation que celle que nous connaissions en 1992.
L'écheveau est totalement emmêlé et les choix de société ont disparu, chez nous
et chez les candidats. Ils sont pourtant plus que jamais nécessaires, pour
nous, comme pour eux. Ayons le courage d'y revenir maintenant, car nous
n'aurons plus très longtemps la chance de pouvoir le faire. Nous ne disposons
que d'un temps limité. Nous prendrions une lourde responsabilité si nous ne
l'exploitions pas immédiatement et complètement.
Je me limite à ces quelques sujets très concrets : institutions, défense et
sécurité, budget et PAC. Je pourrais en évoquer, bien sûr, beaucoup d'autres :
l'élargissement nous offre une opportunité unique de réagir pour aller de
l'avant.
Ne refusons ni l'élargissement, ce qui serait suicidaire, ni de réagir, ce qui
serait nous condamner à une mort lente.
La construction européenne attend la Convention, mais elle attend surtout, et
encore bien plus, la France. Elle attend que la France montre à nouveau la
voie.
Enfin, nos concitoyens, en grande majorité, n'ont pas encore vraiment compris
ce que représentait l'élargissement. Ils ne mesurent ni sa difficulté, ni les
chances qu'il offre, ni les défis à relever, ni les enjeux en cause. Ils n'ont
pas saisi non plus que la question se pose aujourd'hui. Pour eux, cette
question reste un peu théorique, un peu floue. Un effort de pédagogie sans
précédent doit être entrepris.
Monsieur le ministre, vous parliez fort justement de « reconquête de l'opinion
publique ». Oui, il faut reconquérir l'opinion publique dans notre pays, mais
il faut aussi conquérir celle des pays candidats. Ensemble, nous devons nous y
employer, afin que l'Europe soit vraiment, pour reprendre l'expression de M.
Tandar, ambassadeur d'Afghanistan auprès de l'Union européenne, « non pas un
tiroir-caisse, mais un trésor d'idées et de cultures, une éthique, une vision,
un projet pour l'avenir du monde ».
(Applaudissements sur les travées de
l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur
certaines travées du RDSE. - M. Robert Badinter applaudit également.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Dominique de Villepin,
ministre des affaires étrangères.
Monsieur le président, mesdames,
messieurs les sénateurs, je tiens à remercier l'ensemble des orateurs qui se
sont exprimés au nom des groupes politiques de la qualité de leurs
interventions. Mme Bidard-Reydet, MM. Vinçon, de Montesquiou, Jacques Blanc,
Badinter et Badré ont confirmé par leurs propos la haute tenue de ce débat,
engagé par les présidents Haenel et Dulait.
Je souhaite répondre en particulier aux questions concernant la politique
étrangère et la défense, mais aussi le schéma institutionnel futur, avant de
passer la parole à Mme Noëlle Lenoir, qui répondra, aux autres importantes
questions soulevées ce matin.
Dans son intervention consacrée à la politique étrangère et à la défense, M.
Vinçon a posé trois questions, toutes essentielles.
La première est de savoir comment concilier l'ambition ou le volontarisme
politique et le nombre. Comme le remarque également, à juste titre, le
président Dulait, tous les Etats membres n'ont pas la même ambition
internationale pour l'Europe. J'en conviens avec eux. C'est la raison pour
laquelle la France considère qu'il faut introduire dans la diplomatie
européenne plus de direction ou de
leadership,
ainsi que plus de
permanence. Nos propositions en faveur d'un président élu du Conseil européen
et d'un ministre des affaires étrangères répondent à cet objectif de
volontarisme.
La deuxième question de M. Vinçon porte précisément sur ce ministre des
affaires étrangères européen.
Je suis convaincu qu'il faut aujourd'hui dépasser le statut, quelque peu
subordonné, du Haut représentant pour en faire un responsable politique à
l'égal des membres du Conseil, dont il doit présider les travaux pour ce qui
concerne les ministres des affaires étrangères. Le ministre européen doit
clairement relever du Conseil : c'est de lui qu'il tire son mandat et la
légitimité de son action ; c'est au Conseil qu'il rend compte, sous l'autorité
du Conseil européen incarnée par son président élu.
Pour être efficace, la politique étrangère européenne doit pouvoir utiliser de
manière cohérente l'ensemble des moyens à sa disposition, y compris les moyens
d'action extérieure de la Communauté européenne, dont la gestion incombe à la
Commission. Il est donc indispensable que le ministre européen des affaires
étrangères puisse recourir, en tant que de besoin, aux moyens communautaires,
notamment budgétaires ou commerciaux. Nous devrons donc veiller à définir les
articulations nécessaires à cette fin.
La troisième question de M. Vinçon est consacrée aux moyens militaires et aux
questions d'armement. J'ai souligné dans mon intervention que nous souhaitions
promouvoir une sorte de pacte de convergence des dépenses de défense, souscrit
volontairement par les Etats membres, en augmentant l'effort d'équipement et en
rationalisant l'allocation des ressources. Nous réfléchissons à la possibilité
de fixer dans ce domaine un ou des objectifs de convergence afin que chacun
participe à l'effort commun.
Cette approche commune pourrait, le cas échéant, faire l'objet d'une
coopération renforcée. Il me paraît essentiel également de développer une
politique multisectorielle de l'armement afin de développer l'harmonisation des
besoins opérationnels et la préparation du futur, en renforçant notre base
industrielle et technologique de défense et en progressant vers un marché
européen de l'armement. Une agence européenne de l'armement pourrait être créée
à cette fin, sur la base des mécanismes de coopération existants.
J'en viens à présent aux questions institutionnelles. M. Badinter, en
particulier, a publié voilà quelques semaines un schéma de Constitution qu'il a
bien voulu nous présenter ce matin. Ce projet repose, entre autres ambitions,
sur une volonté affirmée de dépasser les catégories institutionnelles de
l'Union actuelle, pour bâtir un nouveau système articulé autour de deux
personnalités.
Un président de l'Union serait en quelque sorte le visage de l'Europe et son
garant moral. Il serait assisté d'un Premier ministre qui serait le responsable
de la machine européenne, en dirigeant à la fois les travaux du Conseil des
ministres et ceux de la Commission.
La réflexion de M. Badinter va droit à l'essentiel et identifie de manière
très précise les défauts du système actuel de présidence semestrielle du
Conseil. Il vise à corriger les inconvénients résultant de la multiplication de
personnalités exerçant un rôle de président : à la tête du Conseil européen, du
Conseil des ministres, de la Commission et du Parlement européen. Cette
proposition est très intéressante et l'idée d'un magistère moral est bien dans
la ligne de la conception humaniste de l'Europe que nous voulons bâtir.
Pour sa part, le Gouvernement a choisi de retenir, à ce stade des travaux de
la Convention, des options fondées à la fois sur l'expérience, les acquis et
les réussites des institutions.
Je ne crois pas que les développements de l'Europe aient encore atteint le
point où le Conseil et la Commission puissent aujourd'hui partager un président
commun. Dans le système communautaire, l'indépendance et l'autonomie de la
Commission sont le garant de la neutralité de ses positions, qui ne doivent
être inspirées que par le souci de l'intérêt général européen. En outre, le
partage dans le système européen du pouvoir exécutif comme du pouvoir
législatif obéit à des règles très différentes de celles que l'on observe dans
les Etats classiques. Les institutions inventées par les pères fondateurs de
l'Europe répondent aux besoins très spécifiques de ce système original pour ce
qui concerne la méthode communautaire. C'est la raison pour laquelle le
Gouvernement a choisi de concentrer ses propositions sur la dimension
institutionnelle de la politique étrangère et de la défense, où tant la méthode
communautaire que la méthode intergouvernementale ont amplement montré leurs
limites.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants, de l'Union centriste et du RDSE. - M. Robert Badinter applaudit
également.)
M. le président.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Noëlle Lenoir,
ministre déléguée aux affaires européennes.
Monsieur le président de la
commission des affaires étrangères, monsieur le président de la délégation du
Sénat pour l'Union européenne, le débat que vous avez engagé est de ceux qui
confortent notre démocratie. Les questions sont en effet majeures : quelle
Europe voulons-nous pour demain, pour quoi faire et comment ? Les réponses sont
urgentes et concernent en particulier la représentation nationale.
Comme M. Dominique de Villepin, je tiens à saluer et remercier les
intervenants à ce débat, qui a été des plus enrichissants.
Eu égard au mode de fonctionnement de la Convention, comme l'a souligné le
président Haenel, il est particulièrement important, pour Dominique de Villepin
comme pour moi, d'établir ainsi un contact étroit et constant avec vous sur ces
questions fondamentales pour l'avenir de notre pays. C'est d'ailleurs dans cet
esprit que je me rendrai, ce soir même, auprès de la délégation du Sénat pour
l'Union européenne.
Plusieurs interventions, notamment celles de Mme Bidard-Reydet et de M. de
Montesquiou, ont mis l'accent sur l'exigence de démocratie. Cette exigence
passe-t-elle par la ratification par référendum du texte qui sera issu des
propositions de la Convention et élaboré par la Conférence intergouvernementale
? Pourquoi pas ? Ce sera au Président de la République d'en décider. Mais ce
n'est pas dans cette assemblée que j'ai besoin de rappeler que la démocratie ne
se résume pas au seul référendum.
Votre Haute Assemblée illustre d'ailleurs aujourd'hui tout l'intérêt qu'il y a
à mieux impliquer les parlements nationaux dans le débat européen. C'est dans
cet esprit que nous avons très favorablement accueilli plusieurs des
propositions importantes figurant dans les rapports des premiers groupes de
travail à la Convention. Ainsi, la création d'un mécanisme d'alerte précoce
permettant d'impliquer les parlements nationaux dans le contrôle de
subsidiarité, selon des règles qui restent à définir, monsieur Badinter, nous
semble très intéressante. Ce contrôle serait mis en oeuvre bien avant
l'adoption de l'acte - directive ou règlement - par le Conseil, d'où son
intérêt !
De même, nous soutenons l'idée d'un Congrès qui, sans devenir une deuxième
chambre susceptible de rendre encore plus complexe la procédure législative,
tiendrait, à intervalles réguliers, une réunion de parlementaires nationaux et
européens et permettrait notamment de débattre, chaque année et solennellement,
de l'état de l'Union. C'est une idée qui nous paraît très riche. Nous
n'oublions pas pour autant l'importance, que M. de Montesquiou a eu raison de
rappeler, du contrôle des gouvernements par les parlements nationaux, contrôle
qui n'a pas cependant à être régi par l'échelon européen.
La démocratie en Europe, c'est d'abord l'intervention d'élus dans le processus
décisionnel. Mais c'est aussi, vous avez été nombreux à le rappeler, le respect
de la minorité et des droits des individus. Dans la France d'aujourd'hui, tout
particulièrement au Sénat, il n'est pas nécessaire d'opposer, comme le faisait
jadis Victor Hugo, qui fut l'un des vôtres, le droit et la loi.
En Europe même, le respect des droits fondamentaux, l'affirmation de l'Etat de
droit peuvent encore être consolidés. Nous pensons qu'il est possible à cet
égard d'améliorer nettement le dispositif de la protection des droits
fondamentaux des citoyens dans l'Europe.
Ainsi, et cela a été souligné à plusieurs reprises, un consensus se dégage sur
l'intégration de la Charte des droits fondamentaux dans la Constitution. Nous y
sommes, nous aussi, résolument favorables.
Cette réforme consacrerait la vocation de l'Europe comme promoteur de la
défense des droits de l'homme. A cet égard, la Charte pourrait trouver, selon
nous, une plus large application si étaient retenues les propositions que nous
avons faites sur une ouverture encadrée du droit de recours des particuliers
devant la Cour de justice de Luxembourg. Ce serait à notre sens une avancée non
négligeable.
Plus de démocratie passe également, mais pas seulement, par un rôle accru du
Parlement européen. Il faut donc conforter sa position de colégislateur, tout
en prévoyant une simplification des procédures.
Le comité des régions ne sera pas oublié non plus, monsieur Blanc. Il sera
inclus dans cette réflexion sur l'équilibre institutionnel démocratique de
l'Union.
Mme Bidard-Reydet a évoqué pour sa part la création d'un groupe de travail en
matière sociale. Comme M. Badinter l'a dit, nous avons demandé et obtenu, lors
de la dernière session plénière de la Convention, la création d'un groupe de
travail sur l'Europe sociale. Les conventionnels représentant l'exécutif ont
d'ailleurs d'ores et déjà déposé une contribution écrite qui comprend des
propositions précises quant à la recherche d'un équilibre entre efficacité du
marché et impératifs de cohésion sociale et territoriale, notamment par une
meilleure coordination des politiques économiques et des politiques de
l'emploi.
Cette contribution prévoit également une approche des règles de concurrence et
de compétitivité qui, selon votre souhait, intègre le progrès social et la
préservation des services publics, ainsi que la constitution d'un socle minimal
de droits sociaux.
M. Badré a, pour sa part, évoqué plus spécifiquement la problématique de
l'élargissement. Nous pensons, comme lui, que l'élargissement a, parmi ses
mérites, celui de nous obliger à nous concentrer sur une réforme
institutionnelle de grande ampleur, sans laquelle l'Europe deviendrait
ingouvernable.
M. Badré va plus loin, puisqu'il pose également la question de l'impôt
européen, qui constitue, il est vrai, un pilier de toute démocratie et le
fondement même de la légitimité démocratique de toute entité politique. C'est
la raison pour laquelle le Gouvernement examine à l'heure actuelle avec un
esprit ouvert l'opportunité d'un tel impôt communautaire.
Comme le souligne également M. Badré, l'élargissement est la donnée qui
sous-tend l'ensemble de la construction de l'avenir de l'Europe, notamment
l'avenir d'une de ses politiques fondatrices, à savoir la politique agricole
commune, la PAC. Avec l'accord obtenu par le Président de la République à
Bruxelles, nous avons, vous le savez, pérennisé le financement de la dépense
agricole au moins jusqu'en 2013, de même que nous avons garanti la non-remise
en cause de l'accord de Berlin jusqu'à 2006.
Pour la période 2007-2013, il faudra, vous l'avez souligné, examiner quel type
de politique agricole commune nous voulons pour maintenir une ligne d'action
ambitieuse et réfléchie, tout en respectant les niveaux de dépense agréés à
Bruxelles. Cela passera nécessairement, monsieur le sénateur, vous avez eu
raison de le souligner, par une réforme de certains mécanismes. Nous
veillerons, en tout état de cause, à maintenir une politique commune efficace
et ambitieuse pour l'agriculture européenne.
Monsieur Badré, vous avez aussi souligné l'importance des réseaux
transeuropéens dans la construction de la grande Europe. Cette politique se
développe, il est vrai, à nos yeux, à un rythme insuffisamment rapide. Les 2,78
milliards d'euros prévus pour la période 2000-2006 devront être concentrés sur
la traversée des barrières naturelles et la lutte contre les goulets
d'étranglement. Ces priorités, qui sont celles de la Commission, reflètent bien
les intérêts français et la politique de notre pays, telle qu'elle ressort, par
exemple, du relevé de conclusions signé lors des récentes rencontres
franco-italiennes de jeudi dernier. Je pense en particulier à la liaison
ferroviaire Lyon - Turin, dont l'intérêt n'a pas besoin d'être souligné ici.
M. Denis Badré.
Merci, madame !
Mme Noëlle Lenoir,
ministre déléguée.
La construction de l'Europe de demain ne passe pas
seulement par la création de réseaux sur le continent européen. Elle suppose en
outre de réussir le partenariat stratégique - et non seulement économique - que
nous avons lancé avec nos partenaires méditerranéens. Et je remercie donc M.
Jacques Blanc d'avoir posé la question.
Le processus de Barcelone, lancé en 1995, est l'instrument qui permet de
réussir ce partenariat. L'élargissement nous impose désormais de faire preuve
de vitalité dans la conduite de ce processus. C'est ce que la présidence
espagnole, fortement soutenue par nous, a déjà fait valoir lors de la
conférence de Valence, en avril dernier, en adoptant un plan d'action pour
relancer ce processus.
Il faut mettre en oeuvre, à cette fin, un plan charpenté et orienté vers le
développement économique et les échanges humains. Vous n'ignorez pas que, hélas
! le volet politique du dialogue euroméditerranée connaît certains blocages en
raison de la situation au Proche-Orient. Nous espérons donc vivement que les
présidences grecque et italienne, qui vont se succéder l'année prochaine,
permettront de surmonter ces difficultés, car il est essentiel pour nous de
relancer sans délai la dynamique euroméditerranéenne.
En conclusion, mesdames, messieurs, je souhaite vous redire notre conviction
profonde : la France a inventé la Communauté, devenue l'Union européenne. Elle
a construit, avec ses partenaires, une organisation hors du commun, sans
précédent dans l'histoire. Qu'est-ce que l'Europe ? Une union sans cesse plus
étroite entre les peuples - c'est certain -, une fédération d'Etats-nations
sans doute. Le paradoxe est riche de sens. L'Europe c'est aussi, et surtout,
une fédération des légitimités démocratiques et des valeurs humanistes. Les
peuples, les Etats, l'idéal européen, ses valeurs de diversité et
d'universalité : voilà ce qu'est l'Europe.
Notre propre histoire de puissance européenne, de puissance maintenant
attachée au respect du droit et à un certain ordre sur le continent européen,
nous impose plus que jamais un devoir politique et moral, celui de continuer à
jouer un rôle majeur dans la construction de l'Europe, dans la refondation de
l'édifice de l'Europe élargie de demain.
C'est ce que nous nous engageons à faire, le Président de la République, le
Premier ministre, Dominique de Villepin et moi, maintenant, sans délai, au sein
de la Convention sur l'avenir de l'Europe d'abord, puis au sein de la
conférence intergouvernementale qui lui succédera.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe
socialiste.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la délégation du Sénat pour l'Union
européenne.
M. Hubert Haenel,
président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne.
Rassurez-vous, je ne vais pas relancer le débat. Je veux seulement, au nom du
président de la commission des affaires étrangères et en mon nom, remercier
tous les orateurs qui sont intervenus au nom des différents groupes.
Ce débat, qui a été voulu et qui était attendu, a été salutaire, et l'avenir
de l'Europe méritait bien les trois heures de discussion que nous y avons
consacrées. Cela prouve, s'il en était besoin, que le Gouvernement, à travers
vous, monsieur le ministre, madame la ministre déléguée, ainsi que le Sénat
attachent beaucoup d'importance aux travaux de la Convention. Il n'y a pas un
jour où mes collègues ne m'interrogent sur ce point !
Le débat d'aujourd'hui nous a permis de faire un tour d'horizon général. Les
groupes ont pu exprimer leurs interrogations, leurs inquiétudes et leurs
suggestions. M. Badinter et moi-même, qui sommes les « conventionnels » du
Sénat, puisque nous représentons le Sénat à la Convention, ressentions
également le besoin d'ancrer et d'enraciner nos positions dans un débat de
qualité, tel celui que nous venons d'avoir. Monsieur le ministre, madame la
ministre déléguée, je vous en remercie.
(Applaudissements.)
M. le président.
Je m'associe très volontiers aux remerciements qui viennent de vous être
adressés, monsieur le ministre, madame la ministre déléguée. Je remercie
également MM. Haenel et Dulait ainsi que tous ceux qui sont intervenus dans ce
débat, qui a été d'une très grande tenue et qui fait honneur au Sénat !
(Applaudissements.)
En application de l'article 83 du règlement, je constate que le débat est
clos.
7