SEANCE DU 12 NOVEMBRE 2002
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Candidatures à une commission mixte paritaire
(p.
1
).
3.
Dépôt d'un rapport du Gouvernement
(p.
2
).
4.
Avenir de l'Europe.
Discussion d'une question orale européenne avec débat
(Ordre du jour
réservé.)
(p.
3
).
MM. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne, auteur
de la question ; André Dulait, président de la commission des affaires
étrangères ; Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères ; Mme
Danielle Bidard-Reydet.
5.
Souhaits de bienvenue à une délégation de parlementaires grecs
(p.
4
).
6.
Avenir de l'Europe.
- Suite de la discussion d'une question orale européenne avec débat.
(Ordre du jour réservé.)
(p.
5
).
MM. Serge Vinçon, Aymeri de Montesquiou, Jacques Blanc, Robert Badinter, Denis
Badré.
M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères ; Mme Noëlle Lenoir,
ministre déléguée aux affaires européennes ; MM. Hubert Haenel, président de la
délégation pour l'Union européenne ; le président.
Clôture du débat.
7.
Nomination de membres d'une commission mixte paritaire
(p.
6
).
Suspension et reprise de la séance (p. 7 )
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
8.
Décès d'un ancien sénateur
(p.
8
).
9.
Mise au point au sujet d'un vote
(p.
9
).
MM. Jean-Marie Poirier, le président.
10.
Responsabilité civile médicale.
- Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission.
(Ordre
du jour réservé.)
(p.
10
).
Discussion générale : MM. Jean-Louis Lorrain, rapporteur de la commission des
affaires sociales ; Christian Jacob, ministre délégué à la famille ; Francis
Giraud, Guy Fischer, Jean-Pierre Godefroy.
Clôture de la discussion générale.
Article 1er (p. 11 )
MM. Gilbert Chabroux, le président, Alain Vasselle, Jean Chérioux, Paul Blanc,
Nicolas About, président de la commission des affaires sociales ; le ministre
délégué.
Amendement n° 3 du Gouvernement. - MM. le ministre délégué, le rapporteur. -
Adoption.
Amendement n° 4 du Gouvernement. - MM. le ministre délégué, le rapporteur, Guy
Fischer, le président de la commission, Jean-Pierre Godefroy, André Lardeux. -
Adoption.
Amendement n° 5 du Gouvernement. - MM. le ministre délégué, le rapporteur. -
Adoption.
Amendement n° 1 de M. Jean-Pierre Godefroy. - MM. Jean-Pierre Godefroy, le
rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.
Amendement n° 2 de M. Jean-Pierre Godefroy. - Devenu sans objet.
Amendement n° 6 du Gouvernement. - MM. le ministre délégué, le rapporteur. -
Adoption.
Amendement n° 13 du Gouvernement. - MM. le ministre délégué, le rapporteur,
Alain Vasselle. - Adoption.
Amendement n° 7 du Gouvernement. - MM. le ministre délégué, le rapporteur. -
Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 2. - Adoption (p.
12
)
Article 3 (p.
13
)
Amendement n° 8 du Gouvernement. - MM. le ministre délégué, le rapporteur. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Article 4 (p. 14 )
M. Jean-Pierre Godefroy.
Amendement n° 9 du Gouvernement. - MM. le ministre délégué, le rapporteur. -
Adoption.
Amendement n° 10 du Gouvernement. - MM. le ministre délégué, le rapporteur. -
Adoption.
Amendement n° 11 du Gouvernement. - MM. le ministre délégué, le rapporteur. -
Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 5. - Adoption (p.
15
)
Article additionnel après l'article 5 (p.
16
)
Amendement n° 12 du Gouvernement. - MM. le ministre délégué, le rapporteur. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Vote sur l'ensemble (p. 17 )
MM. André Vantomme, Guy Fischer, le rapporteur.
Adoption de la proposition de loi.
M. le président de la commission.
11.
Activités physiques et sportives.
- Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission.
(Ordre
du jour réservé.)
(p.
18
).
Discussion générale : MM. Bernard Murat, rapporteur de la commission des
affaires culturelles ; Jean-François Lamour, ministre des sports.
Clôture de la discussion générale.
Article unique (p. 19 )
Amendement n° 2 du Gouvernement. - MM. le ministre, le rapporteur. -
Adoption.
Amendement n° 3 de Mme Annie David. - Mme Annie David, MM. le rapporteur, le
ministre. - Rejet.
Adoption de l'article unique modifié.
Intitulé (p.
20
)
Vote sur l'ensemble (p.
21
)
MM. Serge Lagauche, Dominique Leclerc, Mme Annie David.
Adoption de la proposition de loi.
12.
Rappel au règlement
(p.
22
).
Mme Hélène Luc, M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports,
du logement, du tourisme et de la mer.
13.
Solidarité et renouvellement urbains.
- Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission. (
Ordre
du jour réservé.
) (p.
23
).
Discussion générale : MM. Dominique Braye, rapporteur de la commission des
affaires économiques ; Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des
transports, du logement, du tourisme et de la mer ; Aymeri de Montesquiou.
MM. le rapporteur, le ministre, Gérard Larcher, président de la commission des
affaires économiques ; Aymeri de Montesquiou.
Suspension et reprise de la séance (p. 24 )
PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON
M. le président.
Suspension et reprise de la séance (p. 25 )
MM. Daniel Goulet, Philippe Darniche, Jean-Yves Mano, Mme Valérie Létard, MM.
Yves Coquelle, Yves Dauge, Pierre Jarlier.
M. le ministre.
Clôture de la discussion générale.
Question préalable (p. 26 )
Motion n° 3 de M. Yves Coquelle. - MM. Roland Muzeau, Jean-Paul Alduy, le
rapporteur, le ministre, Jean-Yves Mano, Jack Ralite. - Rejet par scrutin
public.
M. le président de la commission.
Suspension et reprise de la séance (p. 27 )
M. le président de la commission.
Article 1er (p. 28 )
MM. Denis Badré, Yves Coquelle.
Amendements identiques n°s 12 de M. Yves Coquelle et 30 de M. Jean-Yves Mano ;
amendements n°s 31, 32 de M. Jean-Yves Mano, 62
(priorité)
du
Gouvernement, 26 rectifié, 27 de M. Dominique Braye ; amendements identiques
n°s 33 de M. Jean-Yves Mano et 64 du Gouvernement ; amendements n°s 50, 24
rectifié de M. Denis Badré et 58 de M. Christian Demuynck. - MM. Yves Coquelle,
Jean-Yves Mano, le ministre, Dominique Braye, Denis Badré, Christian Demuynck,
le rapporteur, le président de la commission. - Demande de priorité de
l'amendement n° 62 ; retrait des amendements n°s 58 et 50 ; rejet des
amendements n°s 12, 30, 32, 26 rectifié, 27 et 24 rectifié ; adoption des
amendements n°s 62, 33 et 64, l'amendement n° 31 devenant sans objet.
Adoption, par scrutin public, de l'article modifié.
Article 2 (p. 29 )
Amendements identiques n°s 13 de M. Yves Coquelle et 34 de M. Jean-Yves Mano ;
amendements identiques n°s 9 de M. Jean-Paul Alduy, 35 de M. Jean-Yves Mano et
65
(priorité)
du Gouvernement ; amendements n°s 36 à 38 de M. Jean-Yves
Mano et 66 rectifié du Gouvernement. - MM. Yves Coquelle, Jean-Yves Mano, le
ministre, Jean-Paul Alduy, le rapporteur. - Demande de priorité de l'amendement
n° 65 ; retrait des amendements n°s 13 et 37 ; rejet des amendements n°s 34, 36
et 38 ; adoption des amendements n°s 65, 9, 35 et 66 rectifié.
Adoption de l'article modifié.
Article 3 (p. 30 )
Amendements identiques n°s 14 de M. Yves Coquelle et 39 de M. Jean-Yves Mano ;
amendements n°s 40 à 44 de M. Jean-Yves Mano, 28 de M. Dominique Braye, 67 à 69
du Gouvernement et 10 de M. Jean-Paul Alduy. - Mme Evelyne Didier, MM.
Jean-Yves Mano, Dominique Braye, le ministre, Jean-Paul Alduy, le rapporteur. -
Retrait des amendements n°s 10 et 28 ; reprise de l'amendement n° 10 rectifié
par M. Jean-Yves Mano ; rejet des amendements n°s 14 et 39 à 44 ; adoption des
amendements n°s 67 à 69, l'amendement n° 10 rectifié devenant sans objet.
Adoption de l'article modifié.
Article 4 (p. 31 )
Amendement n° 15 de M. Yves Coquelle. - MM. Gérard Le Cam, le rapporteur, le
ministre. - Rejet.
Adoption de l'article.
Article 5 (p. 32 )
Amendement n° 16 de M. Yves Coquelle. - MM. Gérard Le Cam, le rapporteur, le
ministre. - Rejet.
Adoption de l'article.
Article 6 (p. 33 )
Amendements n°s 17 de M. Yves Coquelle, 45 de M. Jean-Yves Mano et 29 de M.
Dominique Braye. - MM. Gérard Le Cam, Jean-Yves Mano, Dominique Braye, le
rapporteur, le ministre. - Rejet des amendements n°s 17 et 45 ; adoption de
l'amendement n° 29.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel avant l'article 7 (p. 34 )
Amendement n° 52 de M. Daniel Goulet. - MM. Daniel Goulet, le rapporteur, le ministre, Yves Dauge. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Article 7 (p. 35 )
Amendements identiques n°s 18 de M. Yves Coquelle et 46 de M. Yves Dauge ;
amendement n° 5 rectifié de M. Jean-Paul Alduy. - Mme Odette Terrade, MM. Yves
Dauge, Jean-Paul Alduy, le rapporteur, le ministre. - Rejet des amendements n°s
18 et 46 ; adoption de l'amendement n° 5 rectifié.
Adoption de l'article modifié.
Article 8 (p. 36 )
Amendements identiques n°s 19 de M. Yves Coquelle et 47 de M. Yves Dauge. - Mme
Odette Terrade, MM. Yves Dauge, le rapporteur, le ministre. - Rejet des deux
amendements.
Adoption de l'article.
Article additionnel avant l'article 9 (p. 37 )
Amendement n° 6 de M. Jean-Paul Alduy. - MM. Jean-Paul Alduy, le rapporteur, le ministre. - Retrait.
Article 9 (p. 38 )
Amendements identiques n°s 20 de M. Yves Coquelle et 48 de M. Yves Dauge. - MM.
Yves Coquelle, Yves Dauge, le rapporteur, le ministre. - Rejet des deux
amendements.
Adoption de l'article.
Article 10 (p. 39 )
Amendements identiques n°s 21 de M. Yves Coquelle, 49 de M. Yves Dauge et 53
rectifié de M. Daniel Goulet ; amendement n° 7 de M. Jean-Paul Alduy. - MM.
Yves Coquelle, Yves Dauge, le président de la commission, Daniel Goulet,
Jean-Paul Alduy, le rapporteur, le ministre, Charles Revet, Pierre Jarlier,
Philippe Arnaud. - Retrait des amendements n°s 53 rectifié et 7 ; rejet, par
scrutin public, des amendements n°s 21 et 49.
Adoption de l'article.
Articles additionnels après l'article 10 (p. 40 )
Amendement n° 1 rectifié de M. Jean François-Poncet. - MM. Charles Revet, le
rapporteur, le ministre. - Retrait.
Amendement n° 8 de M. Jean-Paul Alduy. - MM. Jean-Paul Alduy, le rapporteur, le
ministre. - Retrait.
Amendements identiques n°s 22 rectifié
quater
de M. Jean Arthuis et 57
rectifié
bis
de M. Henri de Richemont ; amendements n°s 55 rectifié et
54 de M. Daniel Goulet. - MM. Philippe Arnaud, Jean Bizet, Daniel Goulet, le
rapporteur, le ministre. - Retrait des quatre amendements.
Amendement n° 25 de M. Henri de Raincourt. - MM. Henri de Raincourt, le
rapporteur, le ministre, Yves Dauge. - Adoption de l'amendement insérant un
article additionnel.
Vote sur l'ensemble (p. 41 )
MM. Yves Coquelle, le président de la commission, le ministre, le
rapporteur.
Adoption de la proposition de loi.
14.
Ordre du jour
(p.
42
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à dix heures cinq.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
CANDIDATURES À UNE COMMISSION
MIXTE PARITAIRE
M. le président.
J'informe le Sénat que la commission des lois m'a fait connaître qu'elle a
procédé à la désignation des candidats qu'elle présente à la commission mixte
paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en
discussion du projet de loi modifiant la loi n° 85-99 du 25 janvier 1985
relative aux administrateurs judiciaires, mandataires judiciaires à la
liquidation des entreprises et experts en diagnostic d'entreprise.
Cette liste a été affichée et la nomination des membres de cette commission
mixte paritaire aura lieu conformément à l'article 9 du règlement.
3
DÉPÔT D'UN RAPPORT DU GOUVERNEMENT
M. le président.
M. le président a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur l'évaluation
globale du statut social de l'ensemble des personnels sous contrat travaillant
à l'étranger, établi en application de l'article 34-V de la loi du 12 avril
2000, relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les
administrations.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
4
AVENIR DE L'EUROPE
Discussion d'une question orale
européenne avec débat
(Ordre du jour réservé)
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion de la question orale européenne avec
débat n° QE-2.
Cette question est ainsi libellée :
M. Hubert Haenel demande à M. le ministre des affaires étrangères d'exposer au
Sénat les attentes du Gouvernement sur les travaux menés au sein de la
Convention sur l'avenir de l'Europe ainsi que les points essentiels sur
lesquels il estime souhaitable que la France fasse entendre sa voix dans la
perspective de la prochaine Conférence intergouvernementale.
Je rappelle au Sénat que cette discussion intervient dans le cadre de l'ordre
du jour réservé.
La parole est à M. Hubert Haenel, président de la délégation du Sénat pour
l'Union européenne, auteur de la question.
M. Hubert Haenel,
président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne.
Monsieur le
président, monsieur le ministre, madame la ministre déléguée, mes chers
collègues, mes premiers mots ne concerneront pas le sujet qui nous occupe
aujourd'hui. Je voudrais en effet, en tout premier lieu, vous féliciter,
monsieur le ministre, pour l'action opiniâtre que la France a menée au sein du
Conseil de sécurité, afin que la question iraquienne soit traitée dans le cadre
des Nations unies et non par des voies unilatérales.
J'en viens au sujet qui est à l'ordre du jour. Je soulignerai tout d'abord
qu'il nous faut prendre la mesure de l'originalité, de la spécificité, de la
Convention sur l'avenir de l'Europe.
Originale, la Convention l'est par sa formule, qui associe toutes les
légitimités : gouvernements, Commission européenne, Parlement européen, enfin,
et surtout, parlements nationaux, puisque - je le rappelle - les représentants
des parlements nationaux sont majoritaires au sein de la Convention : nous
sommes cinquante-six sur cent cinq membres. C'est également la première fois
que des représentants des pays candidats participent à part entière à un
exercice intéressant l'Union dans son ensemble.
Originale, la Convention l'est aussi par son fonctionnement, très différent de
celui d'une conférence diplomatique : il ne s'agit pas, ici, d'arriver avec une
position et de négocier ensuite ; la Convention est le lieu d'échanges
nombreux, d'évolutions incessantes, d'une décantation progressive. C'est en
participant effectivement aux débats, et non en se bornant à donner lecture
d'une position préétablie, que l'on peut avoir une influence. Ce n'est pas un
hasard si le ministre allemand des affaires étrangères a décidé de siéger
personnellement à la Convention.
Originale, la Convention l'est surtout par son objet. Lorsque la méthode de la
Convention a été employée pour la première fois - j'en étais, il y a deux ans -
pour élaborer la charte des droits fondamentaux de l'Union, il s'agissait, pour
l'essentiel, de codifier des droits existants, de les mettre en forme. L'objet
était donc très circonscrit. Cette fois-ci, l'exercice est d'une tout autre
ampleur.
Si le Conseil européen a décidé de lancer le processus de la Convention, c'est
parce qu'il était conscient que la construction européenne avait besoin d'un
acte refondateur. La Communauté s'était bâtie dans le contexte du conflit
Est-Ouest : une même opposition au système soviétique cimentait, en quelque
sorte, les Etats membres et tenait lieu de projet politique commun. Par
ailleurs, les frontières de l'ensemble à unifier ne prêtaient guère à
discussion.
Depuis la fin de l'affrontement des blocs, l'Europe a perdu beaucoup de ses
repères et, si elle continue à avancer, c'est sans direction claire. Le sens du
projet européen et l'identité européenne elle-même sont devenus incertains :
l'Union va passer, sous peu, de quinze à vingt-cinq membres ; d'ici à dix ans,
elle en comptera peut-être plus de trente, et personne ne peut dire aujourd'hui
de manière assurée où, exactement, doit s'arrêter l'élargissement. On craint de
poser la question des frontières de l'Union.
Durant les années quatre-vingt-dix, la réussite de l'Union économique et
monétaire, couronnement de la réalisation du marché unique, était le grand
dessein qui rassemblait les Européens. La monnaie unique est aujourd'hui entrée
dans les faits - pour notre plus grand bien - mais aucun grand projet
mobilisateur n'a véritablement pris le relais.
Parallèlement, chacun peut constater que l'Europe continue à n'occuper qu'une
place réduite dans les débats politiques des Etats membres et que la
participation aux élections européennes décline de scrutin en scrutin. La
construction européenne n'est toujours pas pleinement ancrée, enracinée au sein
des pays membres, et, de ce fait, sa légitimité paraît encore fragile lorsqu'il
s'agit d'aborder des questions directement politiques telles que la justice et
les affaires intérieures, la politique étrangère et la défense, qui sont
pourtant au coeur des attentes des citoyens vis-à-vis de l'Europe.
La Convention a donc une tâche singulièrement lourde à remplir. Elle doit
réassurer les bases de l'entreprise commune, pour une Europe privée d'ennemi
identifié mais non de menaces, engagée dans un processus d'élargissement d'une
ampleur sans précédent. Elle doit dire pourquoi nous sommes ensemble, ce que
nous voulons faire ensemble, et avec quels instruments ; elle doit aussi faire
en sorte que les institutions communes bénéficient d'une légitimité plus forte
qu'aujourd'hui.
La Convention sera-t-elle à la hauteur de sa tâche ? Je mesure l'honneur que
m'a fait le président du Sénat en me désignant pour y représenter notre
assemblée, et la responsabilité que cette désignation entraîne. Précisément
pour cette raison, je ne dissimulerai pas que j'éprouve parfois - heureusement
pas toujours - une certaine inquiétude devant la tournure que prennent les
débats de la Convention.
La Convention travaille beaucoup. Elle a déjà tenu onze sessions plénières.
Elle a créé une dizaine de groupes de travail, parmi lesquels quatre ont d'ores
et déjà rendu leur rapport. Je peux affirmer que nous ne chômons pas ! Ces
nombreuses réunions ne sont pas vaines puisque, peu à peu, des consensus
partiels se dessinent et qu'une première décantation s'est opérée. Alors
pourquoi avoir des inquiétudes ?
La Convention travaille dans des conditions bien particulières. Les réunions
se tiennent dans les locaux du Parlement européen et les réunions des groupes
de travail se tiennent toutes à Bruxelles. Les parlementaires européens, qui se
trouvent en quelque sorte chez eux, avec les facilités que cela entraîne, sont
très présents dans toutes les réunions. Je peux dire, par exemple, que, au sein
du groupe de travail sur le rôle des parlements nationaux auquel j'ai
participé, ce sont paradoxalement les parlementaires européens qui se sont, et
de loin, le plus exprimés ! Il faut bien admettre que, s'il est très facile à
un parlementaire français d'aller à Bruxelles, il n'en est pas de même pour un
député grec ou lituanien, qui hésitera à entreprendre un voyage de deux jours
simplement pour participer à un groupe de travail.
Par la force des choses, les parlementaires européens jouent donc un rôle
central au sein de la Convention, d'autant que la Commission a une certaine
propension à appuyer leurs vues. Une sorte de « vulgate » a ainsi tendance à se
former au sein de la Convention, autour d'un petit nombre de thèmes.
Tout d'abord, nous l'entendons sans relâche, « il ne faudrait pas de nouvelles
institutions », comme si c'était l'alpha et l'omega de nos travaux.
Ensuite, il existerait une méthode simple, efficace, éprouvée, pour résoudre
les problèmes européens : c'est la « méthode communautaire », où la Commission
seule propose et où le Parlement européen et le Conseil codécident, sous le
contrôle de la Cour de justice. Cette méthode ayant fait ses preuves pour la
construction du marché commun, il faudrait l'appliquer aux questions de justice
et d'affaires intérieures, puis, progressivement, aux questions de politique
étrangère, voire, ultérieurement, de défense.
Enfin, pour rendre les institutions plus démocratiques, il faudrait tout
simplement que le président de la Commission soit élu par le Parlement
européen.
En somme - je schématise - il suffirait de conserver ce qui existe en
l'amplifiant. Cette attitude conservatrice rencontre un certain écho, il faut
le reconnaître, chez un certain nombre de « petits » pays qui, encore
traumatisés par les débats qui ont précédé le traité de Nice, ont tendance à
voir derrière toute innovation le spectre d'un « directoire des grands ».
Pour autant, peut-on croire sérieusement qu'un simple ravaudage va suffire
pour donner une base solide à la grande Europe de vingt-cinq membres, peut-être
de trente membres après-demain ?
Qu'on s'entende bien : je crois qu'il faut préserver la méthode communautaire
partout où elle convient, c'est-à-dire pour les questions économiques,
sociales, environnementales. Mais affirmer que, puisque cette méthode a fait
ses preuves pour ces questions, elle doit aussi être appliquée telle quelle à
toutes les autres, c'est, me semble-t-il, un raisonnement un peu sommaire ! Une
chose est de trouver un point d'équilibre entre des intérêts nationaux, autre
chose est de trancher des questions directement politiques.
J'aurais même tendance à craindre qu'à vouloir appliquer la méthode
communautaire à tout domaine on n'en vienne à ruiner ce qui fait sa force. Pour
que la méthode communautaire fonctionne bien, il faut une Commission forte et
indépendante, qui soit un trait d'union entre les Etats membres. Mais dès lors
qu'on veut lui donner, à peu de choses près, les compétences d'un gouvernement,
il devient inévitable de proposer aussi qu'elle reflète la majorité du
Parlement européen. Or, peut-on imaginer un instant qu'une Commission ainsi
dépendante d'une majorité parlementaire pourrait conserver son rôle de
médiateur entre les Etats membres et de gardienne impartiale des traités ?
Je ne crois pas que nous ayons intérêt à réduire le débat institutionnel
européen au dilemme, il est vrai un peu caricatural, entre méthode
communautaire et méthode intergouvernementale. C'est un dilemme que nous
devons, au contraire, dépasser.
On entend souvent dire à la Convention que ceux qui sont à fond pour le
communautaire sont les bons européens, et que ceux qui estiment qu'il y a
encore place pour quelque temps encore pour l'intergouvernemental sont en
quelque sorte les mauvais européens.
Nous ne sommes plus dans les années cinquante. Bien au contraire, comme le
disait il y a quelques jours M. le Premier ministre, nous sommes au bout du
système conçu dans les années cinquante. Nous devons raisonner en fonction d'un
contexte entièrement nouveau pour nous, mais qui, en réalité, renoue le fil
avec des époques plus anciennes.
Permettez-moi de poser la question : n'est-ce pas au Moyen Age que l'Europe
est née ? Un excellent historien a d'ailleurs écrit, voilà quelques années, un
article qui s'intitulait « Mille ans de construction européenne ». C'est un
fait que l'Europe existe profondément, que nous avons été en quelque sorte
Européens avant d'être Français. Il suffit de parcourir l'Europe, des deux
côtés de l'ancien rideau de fer, pour voir partout les traces de ce qui nous
unit depuis des siècles. Nous, Européens, nous avons un héritage commun qui
nous est propre, un héritage culturel, humaniste et religieux. Je n'ai pas peur
du mot, dans lequel j'inclus les trois grandes religions monothéistes. Il
s'agit de savoir ce que nous allons faire de tout cet héritage.
Pour reprendre des termes qui ont eu leur mode, je dirai que l'Europe existe
en soi, mais pas encore pour soi parce qu'elle hésite encore à s'affirmer
vis-à-vis de l'extérieur et parce que ses institutions restent encore un peu
superficielles, sans véritable ancrage dans les peuples. Le plus grand défi que
nous ayons à relever, me semble-t-il, c'est d'enraciner les institutions
européennes, de faire en sorte qu'elles aient une signification pour les
citoyens, qu'ils se reconnaissent en elles. C'est ainsi que l'Union européenne
aura la légitimité requise pour aborder les questions où les attentes sont
aujourd'hui les plus fortes. Je pense, bien entendu, à la sécurité et à la
justice, à la politique étrangère et à la défense.
Les premières séances de la Convention ont été précisément consacrées à ce
thème : qu'attendons-nous de l'Europe ? Or la très grande majorité des
intervenants ont estimé qu'il n'y avait pas lieu d'accroître sensiblement les
compétences de l'Europe en matière économique et sociale. Nous pouvons espérer,
en poussant beaucoup dans ce sens, obtenir certaines avancées en matière
fiscale, encore que le débat récent sur la gouvernance économique ne nous
laisse que peu d'espoirs. Il est clair cependant, même si l'on peut le
regretter, que, par exemple, il n'y a pas de consensus pour aller très loin
vers une harmonisation sociale. En revanche, l'exigence d'une action européenne
plus forte et plus efficace pour lutter contre la criminalité transfrontalière
a été unanimement reconnue.
M. Pierre Fauchon.
Encore heureux ?
M. Hubert Haenel,
président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne.
Le consensus
a été presque aussi large pour demander que l'Europe s'affirme davantage sur la
scène internationale. C'est manifestement autour de ces thèmes qu'une Europe
ayant retrouvé son identité devra trouver un nouvel élan.
Pour disposer des institutions correspondant à cette tâche, il faudra bien
innover. Le Président de la République a proposé la mise en place d'une
présidence stable du Conseil européen. C'est une proposition qui va au-delà du
simple aspect institutionnel. Bien sûr, elle répond d'abord à une nécessité
fonctionnelle : on voit bien qu'il n'est pas possible d'exister sur la scène
internationale avec une présidence changeant tous les six mois ! Qui peut
croire que les pathétiques apparitions des troïkas assurent une quelconque
crédibilité extérieure à l'Europe ? Mais donner une présidence à l'Union répond
à une nécéssité plus profonde. L'Europe a besoin d'être incarnée, d'être
symbolisée. Les citoyens doivent pouvoir lui donner un visage. Et les opinions
publiques doivent pouvoir se situer vis-à-vis d'un responsable ultime qui soit
identifiable. Pour qu'il y ait une démocratie européenne, il faut qu'apparaisse
un espace public commun ; or, pour qu'un tel espace se constitue, il faut des
repères pour les citoyens, il faut un centre. Avec la mise en place d'une vraie
présidence de l'Union, l'Europe pourrait prendre conscience d'elle-même.
Une autre proposition importante dont la Convention est saisie est celle du «
Congrès des peuples d'Europe », lancée par le président Giscard d'Estaing. Si
nous voulons donner une capacité de décision politique à l'Europe, il faut lui
donner en même temps une légitimité plus forte et plus large, c'est-à-dire
impliquer aussi les parlements nationaux, de manière à associer toutes les
légitimités, comme la Convention en donne déjà l'exemple. Le Congrès annuel, où
se retrouveraient parlementaires européens et nationaux, serait un « temps fort
» de la vie politique européenne, identifiable par les citoyens, où aurait lieu
un grand débat sur l'état de l'Union amenant les différents responsables
européens à s'expliquer et à rendre des comptes. La vie politique européenne se
trouverait ainsi reliée aux vies politiques nationales, et ce serait un pas
vers l'ancrage de la construction européenne dans les peuples.
Je voudrais également mentionner ici un problème que la Convention s'est
jusqu'ici ingéniée à éviter, mais qui est sans doute incontournable, celui des
« coopérations renforcées » permettant à certains Etats membres d'aller
ensemble plus vite et plus loin dans tel ou tel domaine d'approfondissement de
la construction européenne. Les coopérations renforcées sont certes déjà
prévues par les traités, mais elles sont enfermées dans des conditions si
nombreuses et si strictes que nul n'a essayé jusqu'à présent de se glisser dans
un pareil carcan. Pourtant, comment croire que, quand l'Union comptera
vingt-cinq membres, nous pourrons progresser à la même allure dans tous les
domaines d'intégration ? Si elle ne se dote pas de formules plus souples, la
construction européenne risque fort d'entrer dans une ère de stagnation. Là
encore, ce n'est pas en restant crispés sur les schémas antérieurs que nous
pourrons trouver la solution du problème.
Mais la Convention se montrera-t-elle capable d'aller vers des voies nouvelles
? Aujourd'hui, ce n'est pas sa tendance dominante, mais rien n'est joué. Les
positions ne sont pas figées. Cependant, pour que la Convention accepte de
s'engager dans des voies nouvelles, il faudra une impulsion forte qui,
aujourd'hui, ne peut venir que du couple franco-allemand. Non pas pour imposer
des vues préétablies, ce n'est pas ce que les conventionnels attendent, mais
pour donner un élan et une direction. Je sais bien qu'en matière
institutionnelle, comme dans beaucoup d'autres matières, les vues françaises et
les vues allemandes ont spontanément tendance, pas toujours, mais parfois, à se
situer aux antipodes.
Raison de plus pour essayer de parvenir à une synthèse dynamique qui aura, du
fait même de la différence des sensibilités de départ entre la France et
l'Allemagne, une force d'entraînement considérable. Les deux pays ont
aujourd'hui, au moins autant qu'hier, un devoir envers l'Europe, une
responsabilité que nul ne peut exercer à leur place, car ils forment, ensemble,
ce que j'ai coutume d'appeler un « fondu enchaîné » européen. Ces deux pays
voisins constituent le point de rencontre d'un grand nombre d'aspects
différents, voire opposés, de l'identité européenne : du côté de la France, les
dimensions atlantique et méditerranéenne, l'influence latine et catholique, la
tradition de l'Etat-nation centralisé ; du côté de l'Allemagne, le rayonnement
vers le Nord et l'Est, l'influence du protestantisme, le fédéralisme associé et
la tradition du « capitalisme rhénan ». L'ensemble franco-allemand est ouvert
sur tous les espaces maritimes européens, touche à toutes les aires culturelles
et linguistiques de l'Europe. C'est pourquoi un rapprochement des deux pays
prend naturellement une dimension qui les dépasse, qui les transcende, car il
ne peut se faire que sur la base d'une synthèse de la diversité européenne.
Voilà qui m'amène, monsieur le président, monsieur le ministre, madame la
ministre, mes chers collègues, à citer en conclusion un propos du général de
Gaulle, extrait d'un discours prononcé en 1965, à Bonn, à l'adresse du
chancelier allemand : « Nous autres Européens, nous sommes les bâtisseurs de
cathédrales [...]. Et maintenant nous entreprenons, vous et nous, la
construction de l'Europe occidentale [...]. Et qui sait, quand nous aurons
abouti, [...] peut-être voudrons-nous alors, et pourrons-nous alors, construire
une cathédrale encore plus grande et encore plus belle, je veux dire l'union de
l'Europe tout entière. »
Eh bien, monsieur le ministre, madame la ministre, mes chers collègues, telle
est bien la tâche qui est aujourd'hui devant nous. J'espère que nous saurons
faire preuve d'autant d'audace et de réalisme que les bâtisseurs qui nous ont
précédés.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe
socialiste.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
M. André Dulait,
président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la
ministre déléguée, mes chers collègues, avant d'entrer dans le vif du sujet,
permettez-moi à mon tour, après le président Haenel, de vous dire combien nous
sommes fiers, au nom de la commission des affaires étrangères, de l'important
travail accompli sous votre autorité par l'ensemble de notre diplomatie. Elle
nous a permis - acceptons-en l'augure - de rester dans le cadre onusien pour le
règlement de la très importante question iraquienne.
J'en viens maintenant aux questions que nous souhaitons vous poser, monsieur
le ministre.
Comment renforcer et rendre plus visible l'Europe sur la scène internationale
? C'est l'une des questions auxquelles la Convention sur l'avenir de l'Europe
devra formuler des propositions de réponse, sur la base des réflexions
conduites par les deux groupes de travail créés à cet effet en son sein :
relations extérieures, d'une part, défense, d'autre part.
Les débats sur la politique étrangère et de sécurité commune, la PESC, et
même, plus récemment, sur la politique européenne de sécurité et de défense, la
PESD, qui en constitue désormais un élément essentiel, présentent généralement
une même tonalité : on met dans la balance, d'un côté, la réalisation politique
unique que constitue la construction européenne, son poids économique,
commercial et désormais monétaire, et, de l'autre, sa capacité - parfois son
incapacité - à répondre efficacement et rapidement aux désordres du monde, à
exprimer concrètement ses idéaux de paix.
Il était donc essentiel que la réflexion générale en cours sur l'avenir de
l'Europe tente de dépasser cette contradiction pour développer son influence
dans le monde.
Sur ces questions, une attitude de prudence et de réalisme s'impose d'abord à
nous pour au moins deux raisons.
La première raison est que tous les Etats membres n'ont pas la même ambition
internationale pour l'Europe. Certains pays, assez peu nombreux, dont le nôtre,
entendent lui conférer une capacité d'influence et d'action globale axée sur
des objectifs de paix et de stabilité fondés sur le rejet de l'unilatéralisme,
sur le droit international, mais aussi, s'il le faut, sur le recours à la force
légitime. Dans une Europe bientôt élargie, les disparités d'objectifs et
d'ambitions risqueront d'empêcher d'aller au-delà de la seule diplomatie
humanitaire ou de proximité.
La seconde raison est que, pour longtemps encore, la politique étrangère
relèvera du pouvoir régalien des Etats et de la souveraineté qui s'y attache.
C'est pour cette raison que toute proposition tendant à recourir en matière de
politique étrangère et de sécurité commune à la méthode communautaire me paraît
particulièrement audacieuse, même si celle-ci a su faire preuve, dans d'autres
domaines de l'action extérieure de l'Europe, d'une efficacité certaine.
M. Pierre Fauchon.
Eh oui !
M. André Dulait,
président de la commission des affaires étrangères.
Cette disparité
d'objectifs et d'ambitions entre partenaires européens vaut aussi pour la
politique européenne de sécurité et de défense : la relation avec l'OTAN, selon
la priorité politique et opérationnelle que certains membres lui accordent ou
non, pèse lourdement, en ce moment même, sur l'évolution de la démarche lancée
à Saint-Malo et explique en partie sa paralysie actuelle. Les « missions de
Petersberg », définies voilà dix ans, sont-elles encore adaptées à l'après 11
septembre ? Convient-il, au contraire, d'en clarifier l'interprétation, d'en
réévaluer le contenu et de les élargir ? C'est également un élément de division
au sein des Quinze. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous faire part de
votre sentiment à cet égard ?
J'ajoute que nous sommes aujourd'hui à quelques semaines de la mise en oeuvre
possible de deux applications concrètes de la PESD qui sont essentielles pour
sa crédibilité. S'il semble acquis que l'Union européenne pourra relayer au
début de l'année prochaine, sans trop de difficultés, la mission de police de
l'ONU en Bosnie-Herzégovine, qu'en sera-t-il, le 15 décembre prochain, de la
succession de l'OTAN par l'Union de l'opération « Renard roux » en Macédoine,
opération relativement simple n'impliquant que 700 hommes mais se heurtant à un
blocage de nos alliés turcs quant à la conclusion d'un accord sur la mise à
disposition de l'Union des moyens de planification de l'OTAN ?
Une attitude de prudence et de réalisme s'impose également dans les moyens
dont dispose l'Union sur la scène internationale.
S'agissant en premier lieu de la PESC, quelques chiffres parlent d'eux-mêmes :
les budgets des diplomaties nationales des pays membres, hors développement,
atteignent 60 milliards d'euros ; le budget d'action extérieure de la
Communauté s'élève à 6 milliards d'euros, soit le dixième ; le budget propre de
la PESC atteint seulement 35 millions d'euros, un montant reconnu par beaucoup
comme étant nettement insuffisant.
S'agissant en second lieu de la PESD, on sait que l'un des enjeux de son
développement en termes de capacité militaire repose sur l'effort budgétaire
des Etats membres, effort que, pour l'heure, seules la Grande-Bretagne et la
France ont décidé de soutenir. L'idée « d'objectifs de convergence » en la
matière est intéressante. Quelle en serait toutefois la valeur contraignante
?
Une fois rappelés ces quelques obstacles préalables qui tiennent en fait à la
volonté politique des partenaires - volonté qui ne se décrète pas mais qu'il
faut construire pas à pas -, je souhaite aborder maintenant les procédures et
les mécanismes qui, pour la PESC comme pour la PESD, sont au coeur des travaux
de la Convention.
Depuis 1999, la création du poste de Haut représentant pour la PESC a
constitué une innovation concrète et positive permettant d'incarner l'Union
européenne sur la scène internationale. Si l'Union a su s'impliquer, avec des
résultats qu'il ne faut pas sous-estimer, par ses actions multiformes, le
travail de ses représentants spéciaux, notamment dans la crise des Balkans et,
d'une manière différente, au Proche-Orient, c'est bien à cette fonction et à
celui qui l'occupe que le crédit doit en revenir.
N'y a-t-il pas là pour la Convention un acquis à valoriser ? Renforcer la
fonction du Haut représentant pourrait consister à placer sous sa compétence
les fonctions du commissaire aux relations extérieures afin de renforcer la
cohérence et la synthèse entre les multiples instruments d'intervention
extérieure de l'Union.
Pourrait-on également aller jusqu'à conférer au Haut représentant un droit
d'initiative ?
La France préconise, pour sa part, la création d'un poste de ministre des
affaires étrangères, qui regrouperait les fonctions de Haut représentant et de
commissaire aux relations extérieures et qui présiderait un conseil spécifique
« relations extérieures ». La gestion de deux domaines relevant l'un de
l'intergouvernemental et l'autre de la méthode communautaire pourrait être une
source de difficultés. Quelle serait, par ailleurs, la nature de ses liens avec
le Conseil et la Commission ? Pourriez-vous, là encore, monsieur le ministre,
nous préciser votre position sur ce point ?
Les interrogations portent également sur les procédures décisionnelles. Pour
l'essentiel, en matière de PESC, l'unanimité reste la règle. Peut-on concevoir
l'introduction, sur certains sujets, du vote à la majorité qualifiée ?
Ne conviendrait-il pas, par ailleurs, contrairement à ce qui a été décidé à
Nice, d'ouvrir la procédure des coopérations renforcées à la PESD ? Cela a été
évoqué par M. Haenel.
Il reste enfin, s'agissant de la défense européenne, la question de sa
sécurité collective. Les dix-neuf membres de l'OTAN bénéficient de l'article 5
du traité de Washington. Les dix membres de l'Union européenne également
membres de l'UEO peuvent recourir à l'article 5 du traité de Bruxelles, mais, à
ce jour, rien ne concerne la défense de l'intégrité territoriale des Quinze, et
demain des Vingt-cinq, voire davantage. Ce paradoxe pourrait, c'est l'une des
propositions françaises, être résolu par l'introduction du principe de sécurité
collective et d'assistance mutuelle entre les membres de l'Union.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre déléguée, mes
chers collègues, en matière de politique étrangère comme de politique de
défense, les risques d'inertie iront grandissant avec l'élargissement prochain.
Il revient à la Convention et à la contribution de notre pays de tenter de
conjurer ce risque. Je vous remercie par avance, monsieur le ministre, de bien
vouloir nous indiquer les propositions que vous serez amené à faire.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Dominique de Villepin,
ministre des affaires étrangères.
Monsieur le président, mesdames et
messieurs les sénateurs, en nous réunissant aujourd'hui pour parler de la
Convention sur l'avenir de l'Europe, le Sénat, sur l'initiative du président
Haenel, que je voudrais saluer, a choisi le bon moment.
Le Conseil européen de Bruxelles a lancé, voilà à peine trois semaines, la
phase finale des négociations d'adhésion. Ce faisant, il a enclenché le compte
à rebours très serré du démarrage de l'Europe élargie : signature du traité
d'adhésion en avril prochain, ratification dans les vingt-cinq pays concernés,
entrée des nouveaux Etats membres courant 2004.
Le processus d'élargissement n'est, comme vous le savez, qu'un des éléments de
l'agenda européen. Le programme de travail est particulièrement chargé dans les
prochains mois et années qui viennent : réforme des institutions, négociations
commerciales multilatérales du cycle de Doha, définition du cadre financier de
l'Union pour les années 2007 à 2013.
Ce calendrier nous fournit l'occasion d'une réflexion approfondie sur l'Europe
de demain, au moment même où nous pressentons, les uns et les autres, qu'une
véritable refondation s'impose. L'Europe à vingt-cinq, demain à trente - ou
plus après-demain -, doit nous inciter à aborder les questions de fond à partir
d'une double exigence : l'élargissement bouleverse notre horizon et doit nous
conduire à repenser l'évolution de notre Union ; notre réflexion sur les
institutions et les politiques européennes doit également s'adapter à cette
nouvelle réalité et se fixer une ambition nouvelle.
Je vous remercie de me donner l'occasion de partager avec vous les
orientations que le Gouvernement se propose de suivre.
L'élargissement pose la question de l'évolution de l'Union européenne. Tout
part de là en effet. La réforme des institutions, engagée sous les auspices de
la Convention, n'est pas une fin en soi. C'est un moyen pour répondre à une
question qui prend aujourd'hui, à la veille de l'adhésion de dix nouveaux Etats
membres, un sens tout particulier. L'Europe a toujours avancé en se fixant de
nouvelles frontières : charbon-acier en 1951, marché commun en 1958 puis marché
unique en 1986, monnaie unique en 1992. L'élargissement est cette nouvelle
frontière, ce nouvel objectif qui peut permettre de mobiliser les esprits et
les énergies. C'est à la fois une chance et un formidable défi.
Personne ne sous-estime le défi que représente cet élargissement pour l'Europe
telle que nous la connaissons. Le nombre des Etats membres va pratiquement
doubler avec l'adhésion en 2004 des « dix de Copenhague », suivis, nous
l'espérons, dès 2007 par la Roumanie et la Bulgarie.
Avec 74 millions d'habitants supplémentaires en 2004, et 31 millions de plus
en 2007, l'Union dépassera bientôt les 480 millions d'habitants.
Cet élargissement transformera profondément la nature même de l'Union,
laquelle va s'enrichir d'une diversité d'expériences et de préoccupations
nouvelles. Il va poser les limites d'un système institutionnel conçu pour six
Etats membres et conservé, au fil des élargissements successifs, sans que les
réformes nécessaires soient adoptées.
Ne nous y trompons pas : les effets du nombre seront considérables ; il faut
donc les analyser et apporter les réponses nécessaires. L'élargissement a un
coût financier et institutionnel ; il aura aussi des conséquences pour
l'élaboration des politiques communautaires et pour les instruments
d'intervention qui les accompagnent.
Cet élargissement s'inscrit dans une perspective historique. Soyons clairs, en
effet : au nom de quoi fermerions-nous la porte aux pays candidats et à leurs
peuples ? Sont-ils moins européens que nous ? Est-ce parce qu'ils sont moins
prospères ? Depuis que la brèche ouverte dans un mur de béton, à deux pas de la
porte de Brandebourg, il y a treize ans, leur a soudainement rendu les
perspectives d'avenir qui leur avaient été confisquées, les pays candidats ont
consenti, année après année, d'immenses sacrifices pour rattraper le temps
perdu, pour s'adapter aux règles de l'économie de marché, pour intégrer dans
leurs réglementations ce que nos experts appellent l'acquis communautaire.
Comme le dit très bien le président de la délégation du Sénat pour l'Union
européenne, M. Hubert Haenel, l'idée européenne est en réalité une idée
ancienne, déjà présente au Moyen Age, vécue comme une réalité tout au long des
siècles. Songeons aux déplacements des artistes de la Renaissance, pour
lesquels travailler à Florence, à Paris, Amboise ou Bruges constituait
l'ordinaire d'une vie de créateur.
Rappelons-nous les voyages des philosophes des Lumières : leur précurseur,
Descartes, partageant sa vie entre la France, les Pays-Bas et la Suède ; la
présence de Diderot à Saint-Pétersbourg ; les séjours de Voltaire à
Londres...
Derrière cette circulation des hommes et des idées, il y a déjà les prémices
de notre grand marché unique. Il y a surtout l'émergence d'un humanisme
européen, nourri de dialogues et d'échanges, fait de tolérance et d'ouverture,
qui représente la marque de l'esprit européen.
Or c'est ce même esprit qui doit aujourd'hui nous inspirer dans le processus
de l'élargissement. Nous ne ferons ainsi rien d'autre que de revenir aux
sources les plus hautes de la pensée européenne, celle qui fait notre honneur
et notre originalité, celle qui nous rend fidèles à nos illustres ancêtres,
celle qui fait de notre continent une terre de liberté et de solidarité.
C'est cette vision historique et cet esprit de l'Europe qui doivent nous
inspirer dans notre appréciation de la candidature de la Turquie.
La perspective d'adhésion de ce pays a été introduite dès le premier accord
d'association en 1963, et, en 1999, le conseil européen d'Helsinki a accepté la
candidature turque. Les élections du 3 novembre 2002 ont porté au pouvoir, à
Ankara, le parti de la justice et du développement, l'AKP, dirigé par M.
Erdogan. Nous avons pris acte du choix démocratique du peuple turc, et nous le
respectons.
Les dirigeants de l'AKP ont fait des déclarations favorables au processus de
rapprochement de la Turquie et de l'Union européenne. Nous les jugerons sur
leurs actes. Pour notre part, nous sommes prêts à travailler avec eux dans un
partenariat exigeant, fondé sur les valeurs européennes communes dont
l'appartenance à l'Union suppose le partage : le respect des droits de l'homme,
de la démocratie, de l'Etat de droit. C'est à l'aune de ces valeurs communes
que l'action du nouveau gouvernement turc et la candidature de la Turquie
seront évaluées.
L'élargissement est aussi et surtout une grande chance pour l'avenir.
L'histoire récente a montré que nous ne devions rien tenir pour acquis, et que
la tentation existait de remettre en cause des équilibres issus de la guerre et
de rouvrir des plaies anciennes. L'élargissement étendra cette stabilité à
l'échelle du continent. Le principal acquis de l'Union est bien d'être un
espace de paix et de stabilité dans un monde incertain et dangereux.
L'élargissement est une chance pour les pays européens et pour la France, sur
les plans humain et économique : il apportera du sang neuf à nos nations, des
marchés à nos entreprises, des relais à nos idées. Aux pays candidats, il
apportera la garantie du développement, l'assurance de la démocratie, la paix
et la stabilité.
L'élargissement est une chance pour le monde, dont il renforcera la sécurité
et auquel il apportera un nouvel acteur conscient de ses responsabilités, et un
modèle à suivre, modèle de paix, de tolérance et de prospérité.
Enfin, cet élargissement est le bienvenu, car il nous force à nous poser des
questions trop longtemps différées sur l'organisation institutionnelle du
système européen. Au moment où la géographie de l'Union va changer de
dimension, l'Europe politique et institutionnelle doit absolument suivre, faute
de quoi elle croulera sous le poids du nombre.
L'élargissement répond ainsi à une exigence politique et morale : la
réunification de la famille européenne. Il pose, ce faisant, la question des
frontières de l'Europe.
« Tout Etat européen qui respecte les principes énoncés à l'article 6 peut
demander à devenir membre de l'Union », dispose l'article 49 du traité sur
l'Union européenne. Ce qui pose la question de savoir où s'arrête l'Europe.
La réponse à cette question est fondée sur deux éléments : le désir d'Europe
exprimé par tel ou tel Etat ou par l'Union ; le respect des critères d'adhésion
posé par le traité et par l'Union. Cependant, cette réponse ne saurait être
autre que politique ; elle doit, pour ce faire, s'inspirer d'une double
préoccupation.
En premier lieu, l'Europe doit trouver un nécessaire équilibre entre l'unité
et la diversité, sinon cet espace indéfiniment recomposé risque de perdre ses
assises. Bien plus, nous courons le risque, adhésion après adhésion, de créer
un sentiment d'incertitude chez nos concitoyens, qui ont besoin de savoir quel
est leur horizon, quel est leur avenir.
En second lieu, ce souci légitime d'identité et de stabilité doit s'opérer
dans l'esprit d'ouverture que j'évoquais auparavant.
Il faut donc inventer une politique forte des frontières, une politique de
coopération étroite, d'imagination féconde et de volonté active pour que, entre
l'adhésion pleine et entière, d'une part, et l'association, d'autre part, il
existe une formule originale de partenariat aussi nourri que possible, qui
aille au-delà de ce qui s'est fait jusqu'à présent et qui soit ouvert,
audacieux et efficace.
Ce serait un partenariat où nos voisins bénéficieraient de la prospérité de
l'Union, de son expérience en matière de sécurité, de son assistance technique.
Nous aurions là un échange réciproque, bénéfique pour les deux parties :
l'Europe y gagnerait la stabilité à ses frontières ; ses partenaires y
trouveraient une coopération propre à favoriser leur développement, sans être
forcément intégrés dans le cadre institutionnel de l'Union.
L'Union s'est déjà dotée de très nombreux instruments adaptés aux pays
voisins. Ainsi ont été conçus les accords d'association pour les pays
méditerranéens - sujet qui sera au coeur des préoccupations des présidences
grecque et italienne en 2003 -, les accords de stabilisation et d'association
pour les Balkans, les accords avec l'Ukraine et, bien sûr, avec la Russie. Sans
doute devrons-nous faire évoluer ces accords pour répondre aux besoins de
chacun, jusqu'à pouvoir mettre en oeuvre une politique cohérente et homogène de
partenariat avec l'ensemble des voisins de l'Europe élargie.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la France a, n'en
doutez pas, une grande ambition pour l'Europe élargie. Notre pays a toujours
été au coeur des progrès de l'Europe ; il est, aujourd'hui, déterminé à ce que
l'élargissement soit une réussite. Pour cela, nous devons adapter les
institutions et préciser les fonctions que nous attendons de l'Europe de
demain.
Cette ambition française pour l'Europe élargie doit être servie par des
institutions réformées.
Le moment est venu de tirer un premier bilan des travaux de la Convention sur
l'avenir de l'Union, qui a reçu pour mandat de tracer les contours de la
nouvelle Europe.
La Convention a engagé ses travaux au début du mois de mars dernier par une
phase d'écoute. Elle a entamé, voilà quelques semaines, sa phase d'étude,
caractérisée par l'activité soutenue de dix groupes de travail. A compter du
début de l'année prochaine démarrera la troisième et dernière phase des travaux
de la Convention, celle des propositions.
Les travaux des conventionnels progressent. On observe déjà une certaine
convergence de vues sur plusieurs des sujets qui ont été abordés à ce stade :
le principe de l'élaboration d'une Constitution ; la volonté de privilégier des
procédures homogènes ; la reconnaissance de la personnalité juridique de
l'Union ; l'intégration dans le Traité de la charte des droits fondamentaux ;
l'accroissement du rôle des parlements nationaux.
Tout cela est encourageant, mais il faut être lucide : le plus important reste
à faire. Les dossiers de l'action extérieure et de la défense viennent d'être
ouverts ; d'autres questions, comme la coordination des politiques économiques,
semblent rencontrer de fortes oppositions ; les thèmes institutionnels
commencent à peine à être abordés.
Le plus difficile est donc encore devant nous. Nous le savons tous, l'avenir
de l'Union se joue autour de l'émergence d'une volonté commune des Européens de
dépasser leurs rivalités actuelles entre grands et petits Etats, ou encore
entre partisans de la méthode intergouvernementale et de la méthode
communautaire. Il faut, désormais, aller à l'essentiel, c'est-à-dire oeuvrer à
la mise en place d'un dispositif institutionnel efficace, démocratique et
transparent, qui permette à l'Europe élargie d'avancer dans la recherche de
meilleures politiques communes et dans le renforcement de son rôle dans le
monde.
Le projet d'architecture de la future constitution présenté à la Convention la
semaine dernière est une étape importante de ses travaux.
Ce projet a le mérite d'engager le débat sur la base de propositions à la fois
précises et ouvertes. Il correspond à notre objectif de disposer d'un texte
fondamental, clair et lisible, qui permette aux citoyens de mieux s'approprier
l'Europe. Les principes qu'il pose, à savoir la transparence, la démocratie, la
présence internationale, l'efficacité, sont ceux que nous avons assignés au
futur de l'Europe. Il reste à rendre ces principes plus opérationnels.
Nos réactions se feront donc au fil des prochains travaux de la Convention.
Nous veillerons, en particulier, à ce que les principales politiques communes
existantes - non seulement la politique agricole commune, mais aussi la
concurrence, la politique commerciale, EURATOM - figurent à leur juste place.
Par ailleurs, le traité devra garantir une union sans cesse plus étroite entre
les peuples d'Europe et une dynamique de solidarité, notamment au moment où
l'Europe s'élargit.
Là encore, notre action devra se concentrer sur la nécessité de donner un
véritable élan au projet européen à travers cette constitution. Un tel texte
est en effet indispensable pour que l'opinion européenne soit convaincue de la
capacité de ses responsables à refonder un système compréhensible et
efficace.
Enfin, nos représentants participent activement aux travaux, tant au sein des
groupes de travail qu'à la session plénière.
Le dialogue entre les représentants du Gouvernement, ceux du Parlement
français - à ce titre, je salue le président de la délégation du Sénat pour
l'Union européenne, M. Hubert Haenel, ainsi que son suppléant, M. Robert
Badinter - comme ceux du Parlement européen, se déroule bien. Mme la ministre
déléguée aux affaires européennes réunit au Quai d'Orsay l'ensemble des
conventionnels français avant chaque session plénière de la Convention. Je suis
heureux de saluer ici le travail et l'engagement de Noëlle Lenoir.
Ainsi, grâce à ces échanges entre nos conventionnels, le message porté par
notre pays est celui d'une France ambitieuse en Europe, généreuse envers ses
partenaires et exigeante au titre des objectifs qu'elle se fixe.
Car la France mesure bien les enjeux qui sont devant nous. Au-delà de la
valorisation de l'acquis communautaire, il faut repenser les institutions
européennes en nous inspirant de l'expérience passée.
La position française est d'abord inspirée par le souci de dépasser la
querelle traditionnelle entre partisans de la méthode communautaire et
partisans de la méthode intergouvernementale.
Pour ce qui concerne le marché intérieur et ses politiques d'accompagnement,
la France est convaincue de l'avantage offert par la méthode communautaire,
gage de vitesse et d'efficacité. Nous souhaitons donc, dans ces domaines,
renforcer le rôle de proposition de la Commission, accroître le champ du vote à
la majorité qualifiée au Conseil, renforcer les prérogatives du Parlement
européen.
En ce qui concerne, en revanche, des domaines comme la diplomatie et la
défense, la problématique n'est pas de même nature ; il s'agit davantage de
volonté politique, dans un cadre où le besoin de légitimité est
particulièrement fort. C'est la raison pour laquelle nous estimons qu'une
communautarisation pure et simple est prématurée ; nous proposons une approche
fondée sur une coopération organisée et une solidarité renforcée, qui doit
aller plus loin que la démarche intergouvernementale classique.
La position française repose, en réalité, sur trois principes simples : la
transparence, la démocratie et l'efficacité.
D'abord, premier principe, la transparence.
Les traités sont devenus incompréhensibles, non seulement pour les citoyens,
mais pour les spécialistes eux-mêmes. Nous devons donc impérativement
simplifier le système institutionnel. Cela passe par la fusion des traités
actuels dans une Constitution intégrant la Charte des droits fondamentaux et
par toute une série de dispositions annexes telles que la clarification des
compétences, l'attribution de la personnalité juridique à l'Union, ou encore un
traité en deux parties avec des règles de modification différentes.
Ensuite, deuxième principe, la démocratie.
Les parlements nationaux doivent être davantage impliqués dans le système
européen. Nous approuvons le principe d'un Congrès qui réunirait, deux ou trois
fois par an, leurs représentants avec ceux du Parlement européen. Le Congrès
pourrait tenir chaque année un débat sur l'état de l'Union et participer à la
procédure de révision ou de ratification de la seconde partie de la
Constitution européenne. Les parlements nationaux pourraient également être
associés au contrôle de la subsidiarité ; le groupe de travail créé au sein de
la Convention et présidé par M. Mendez de Vigo a fait des propositions
intéressantes à cet effet, sous forme d'un mécanisme d'alerte précoce.
Enfin, troisième et dernier principe, l'efficacité.
Si l'on ne veut pas que la machine européenne s'arrête sous le poids du
nombre, il faut lui donner un nouveau moteur, une nouvelle ambition, une vraie
direction à sa tête. Dans ce contexte, la formule de la présidence tournante et
semestrielle du conseil des ministres doit être réformée. Comme l'a dit très
justement M. Haenel, cette présidence doit avoir une permanence qui lui
permette d'incarner une certaine forme d'autorité de l'Union.
C'est l'objet des propositions du Président de la République, visant à élire
un président du Conseil européen et à désigner, auprès de celui-ci, un
véritable ministre des affaires étrangères. Le président du Conseil européen
pourrait ainsi présider le conseil Affaires générales, dont le rôle de
coordination serait par là même assuré, tandis que le ministre des affaires
étrangères présiderait le conseil Relations extérieures.
Un tel schéma ne signifie pas que notre pays veut déséquilibrer les rapports
entre le Conseil et la Commission. Nous cherchons, au contraire, à rehausser
l'équilibre actuel en encourageant la Commission, elle aussi, à renforcer son
efficacité et en prônant une meilleure coordination entre ces deux institutions
afin de favoriser à l'avenir des orientations politiques claires, acceptées par
tous et susceptibles de constituer un cadre commun pour l'action de l'Union.
L'ambition de la France vise aussi une Europe inspirant confiance aux
Européens et forte sur la scène internationale.
L'Europe que nous voulons doit être capable de mobiliser les Européens sur des
projets et des politiques qui répondent à leurs intérêts et à leurs
préoccupations.
Le conseil européen de Lisbonne a fixé l'objectif que l'Europe devienne, dans
dix ans, la zone de croissance et de prospérité la plus forte dans le monde.
Cet objectif, qui vise la pleine intégration de notre continent dans le monde
moderne, doit s'appuyer sur les trois caractéristiques qui font la spécificité
de l'Europe : un modèle social affirmé ; une identité forte ; enfin, un espace
de liberté, de sécurité et de justice. Ces objectifs doivent être aussi ceux de
l'Europe élargie : ils constitueront, comme le furent en leur temps
l'établissement du marché unique et le lancement de l'euro, les grands projets
mobilisateurs de demain.
La politique économique et sociale doit favoriser la croissance et l'emploi.
L'Europe doit rattraper son retard, en privilégiant les facteurs internes de la
croissance tels que la cohésion sociale et territoriale à travers le
développement durable. Une réelle coordination des politiques économiques est
également indispensable.
Ensuite, l'Union doit affirmer haut et fort le modèle social européen, en
accélérant l'harmonisation des législations sociales, en développant le
dialogue social européen et en consacrant les services d'intérêt économique
général.
La promotion de la diversité culturelle doit quant à elle dépasser l'adoption
de mesures strictement défensives. Une action vigoureuse est nécessaire pour
promouvoir l'Europe de l'intelligence et de la connaissance, et aider l'Europe
à franchir la frontière technologique. Il nous faut plus d'échanges
d'étudiants, plus de laboratoires de recherche, plus de programmes
emblématiques comme Galileo.
Enfin, l'Union doit mieux prendre en compte l'aspiration de ses citoyens à la
sécurité et assurer un meilleur fonctionnement de l'espace de liberté et de
justice. Il faut aller plus loin, en rendant plus efficaces les instruments de
la coopération judiciaire pénale et de la coopération policière, en établissant
un socle de compétence européenne en matière pénale, en renforçant les pouvoirs
d'Eurojust pour progresser par étapes vers la création d'un véritable parquet
européen.
L'Europe de demain devra également être une Europe responsable, capable de
peser réellement sur les affaires du monde, pour en garantir la paix et la
stabilité.
La chute du mur de Berlin et la globalisation ont rendu le monde instable. Si
nous voulons répondre aux grands défis qui nous attendent, il faut prendre
acte, en tant qu'Européens, d'une solidarité face aux menaces, mais aussi d'une
commune vision du monde. Nous voulons une planète régie par le respect du
droit, et non par la domination des armes ; nous voulons une communauté
internationale fondée sur le partage et le dialogue, et non pas déchirée par
les conflits ethniques, religieux ou culturels.
L'Europe a besoin de sens. Nous sommes les descendants d'une même histoire.
Nous appartenons au même continent. Rien de ce qui arrive à l'un de nos voisins
ne peut nous laisser indifférents. L'Europe de la défense s'inscrit dans cette
réalité profonde. Nous devons être en mesure d'évaluer ensemble les menaces qui
pèsent sur nos concitoyens, de forger ensemble les instruments d'une réponse
commune efficace.
La France a l'ambition d'une Union s'affirmant comme un acteur majeur sur la
scène internationale, à la mesure du rôle de premier plan qu'elle joue
aujourd'hui sur le terrain économique et commercial, mais cette ambition est
encore loin de se traduire dans les faits.
Des avancées significatives ont certes été faites au cours de ces dernières
années. La création, par le traité d'Amsterdam, du Haut représentant pour la
politique extérieure et de sécurité commune a contribué pour une part
importante à la montée en puissance de la politique extérieure des Quinze.
Ainsi, grâce à l'action de Javier Solana et de ses représentants spéciaux,
l'Union a été capable de développer une politique globale pour les Balkans,
depuis le sommet de Zagreb. Son engagement en Macédoine notamment a été décisif
pour éviter à ce pays de sombrer dans les divisions meurtrières.
Toutefois, cet exemple reste isolé. Au Proche-Orient par exemple, où s'exprime
une forte demande d'Europe, l'Union n'est pas suffisamment active et visible.
Malgré les efforts sur le terrain de son représentant spécial, M. Moratinos,
malgré sa présence au sein du Quartet, malgré les financements importants
qu'elle apporte, l'Europe n'est pas parvenue à traduire en actions concrètes
les grandes orientations définies par le Conseil européen pour retrouver le
chemin de la paix.
Cette incapacité européenne n'est pourtant pas due à un manque de moyens. Ceux
des Etats, conjugués à ceux dont dispose la Commission, sont considérables :
1,4 milliard d'euros ont été apportés par l'Europe à la Palestine au cours des
dix dernières années !
L'incapacité européenne est d'autant plus grave que l'élargissement rendra
l'Union plus hétérogène et que les nouvelles menaces - le terrorisme, la
prolifération, le crime organisé - appellent des réponses urgentes.
Face à ce bilan en demi-teinte, nous proposons d'apporter à la diplomatie
européenne une plus grande unité de la part des Etats membres et une direction
plus forte à sa tête.
Plus d'unité, pour que l'Europe cesse d'apparaître divisée alors que les
positions des Quinze sont en réalité très proches, comme c'était le cas sur
l'Iraq. Je suis frappé par le décalage qui existe entre les positions exprimées
par mes collègues au cours de nos réunions de travail, où nous sommes très
proches, et leur expression sur la scène diplomatique et médiatique, où ce sont
les différences qui sont soulignées plus que les convergences, pourtant plus
nombreuses.
Plus de direction, de permanence et de visibilité, c'est l'objectif des
propositions du Président de la République que j'ai mentionnées : l'élection
d'un président du Conseil européen et la désignation d'un ministre des affaires
étrangères européen. La volonté politique ne se décrète pas, elle doit être
guidée. Ces propositions répondent, je crois, au souci, exprimé par le
président de la commission des affaires étrangères, M. Dulait, de renforcer les
prérogatives du Haut représentant afin de donner plus de poids à son rôle.
Enfin, l'exigence d'efficacité nous conduit aujourd'hui à réfléchir à
l'introduction d'un recours plus large à la majorité qualifiée dans le domaine
de la politique étrangère et à examiner les modalités concrètes de mise en
oeuvre de celle-ci.
En matière de défense et de sécurité, l'Europe a pris conscience de son rôle
politique et les premières réalisations doivent être confortées par la mise en
place des capacités nécessaires.
Depuis le sommet de Saint-Malo, en 1998, et le Conseil européen de Cologne,
nous avons défini les moyens de conduire des opérations de gestion de crise :
comité politique et de sécurité, comité militaire, état-major de l'Union. Les
structures sont désormais en place et l'Union s'est déclarée opérationnelle au
Conseil européen de Laeken. M. Dulait a raison de rappeler que les premières
occasions de mettre en oeuvre ces nouvelles capacités sont imminentes. C'est le
cas en Bosnie, où, à partir de janvier prochain, l'Europe déploiera une force
de 470 policiers. C'est aussi le cas en Macédoine, mais, dans ce pays, nous
sommes encore loin du compte, dès lors que la plupart de nos partenaires
européens ne veulent pas s'engager dans la relève de l'OTAN si la délicate
question des relations entre cette organisation et l'Union européenne n'a pas
trouvé, au préalable, une solution.
Notre pays est bien décidé à poursuivre l'effort en vue de doter la défense
européenne d'une véritable ambition. Nous entendons formuler plusieurs
propositions à cet effet, comme l'insertion dans le futur traité du principe de
sécurité collective et d'assistance mutuelle face aux défis qui peuvent
affecter notre sécurité, ou la mise en place d'une agence européenne de
l'armement, destinée à renforcer l'harmonisation du besoin opérationnel des
armées européennes.
Enfin, avec la nouvelle loi de programmation militaire, la France a décidé de
répondre à l'enjeu d'un monde instable en se dotant d'équipements militaires
modernes et performants. Elle l'a fait pour la sécurité de ses concitoyens,
mais également avec la volonté d'apporter une contribution significative aux
missions de la défense européenne. D'autres pays doivent s'engager dans le même
sens. Nous proposons que soient définis des objectifs de convergence dans ce
domaine, car il y va de la crédibilité de notre outil militaire.
Ces propositions françaises pour l'Europe n'auront de sens que si elles sont
de nature à susciter un très large accord en Europe, dans les Etats membres,
dans les institutions européennes et dans la Convention. C'est la raison pour
laquelle nous avons engagé une concertation approfondie avec nos
partenaires.
Dans ce contexte, le travail franco-allemand est essentiel, hier sur le
chapitre agricole des négociations d'élargissement comme aujourd'hui dans les
travaux de la Convention et demain sur le financement de l'Europe après 2006 et
la réforme des politiques. Après l'accord franco-allemand du 24 octobre sur le
volet agricole des négociations d'adhésion, la détermination est la même des
deux côtés du Rhin.
Les rencontres entre le Président de la République et le Chancelier dans le
cadre du processus de Blaesheim se tiennent à un rythme élevé ; mes contacts
avec mon homologue Joschka Fischer comme ceux de Noëlle Lenoir avec ses
homologues sont tout aussi réguliers.
Portés par leur responsabilité partagée, assurés d'un horizon politique dégagé
pendant les années cruciales à venir, les deux gouvernements entendent bien,
ensemble, faire avancer l'Europe et réussir son élargissement. L'occasion nous
sera donnée, le 22 janvier prochain, lors du 40e anniversaire du traité de
l'Elysée, de réaffirmer toute la force de la coopération franco-allemande et de
lui donner l'élan nécessaire pour continuer à être l'un des moteurs essentiels
de la construction européenne.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le moment est venu
de parler de nouveau d'Europe avec les Français et de les convaincre des
mérites de l'élargissement : sans une forte adhésion populaire, l'Europe
élargie que nous voulons réussir ne sera pas en mesure de démarrer. Le chantier
qui s'ouvre est donc celui de la reconquête de l'opinion publique. Expliquons
cet élargissement à nos compatriotes et, j'en suis convaincu, la France ouverte
et généreuse saura tendre la main à cette autre Europe qui nous rejoint.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe
socialiste.)
M. le président.
Dans la suite du débat, la parole est à Mme Danielle Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre déléguée, mes
chers collègues, l'initiative de ce débat sur le travail de la Convention et
l'avenir de l'Europe est particulièrement opportune : elle coïncide avec la
présentation de l'avant-projet élaboré par la Convention et avec l'affirmation
d'une volonté politique de l'Union européenne de faire prévaloir le droit
international sur toute position unilatérale reposant sur la force. Elle
succède au forum social européen de Florence, dans la perspective de la
construction d'une alternative reposant sur les besoins de tous les peuples à
un modèle où les intérêts économiques et financiers des puissants creusent
chaque jour davantage le fossé entre les riches et les pauvres, entre le Nord
et le Sud.
Dans notre monde complexe et instable, l'Union européenne peut et doit devenir
un pôle de référence et de stabilité. Son élargissement est pour nous d'une
grande importance et constitue un véritable défi historique.
Nous apprécions d'ailleurs que, comme nous l'avions demandé, les pays
candidats soient associés à cette réflexion collective et que des groupes de
travail aient auditionné des organisations syndicales et des associations de la
« société civile ».
Passer à court terme de quinze à vingt-cinq pays, ou plus à moyen terme,
nécessite un autre fonctionnement mais aussi l'élaboration d'un nouveau traité
intégrant les exigences sociales et démocratiques revendiquées par les
citoyens.
L'aspect institutionnel de la nouvelle construction européenne, aussi
important soit-il, est loin d'être fondamental. La question essentielle demeure
celle-ci : quelle finalité pour l'Europe ?
Suivant la réponse, les peuples se sentiront plus ou moins concernés. Il
convient donc de définir un projet ambitieux, répondant à leurs aspirations. Si
tel n'était pas le cas, nous conforterions leur scepticisme et nous
aggraverions le fossé entre l'Union européenne et les citoyens, avec le risque
de voir ceux-ci s'en désintéresser, se réfugier dans l'abstention ou exprimer
leur colère en se tournant vers des démagogues populistes.
Compte tenu du temps qui m'est imparti, je limiterai mon intervention à trois
points essentiels : l'Europe sociale, l'Europe force de paix, l'Europe
démocratique.
A l'heure des nouvelles technologies et de l'informatique, une Europe unie,
forte et solidaire doit être une Europe du progrès social.
Des députés avaient d'ailleurs proposé la création d'un groupe de travail sur
ce sujet. Nous regrettons que cette proposition n'ait pas été retenue. Il est
pourtant urgent d'engager collectivement une réflexion pour combattre le
chômage et permettre aux investissements de privilégier l'emploi.
On ne peut pas parler du respect de la dignité et des droits de l'homme en
ignorant le droit au travail, revendiqué depuis le milieu du xixe siècle
déjà.
Le plein emploi est, en effet, au centre des préoccupations des citoyens
européens. Emploi et formation sont intimement liés. Formation initiale de
qualité pour les jeunes et formation permanente assurant aux salariés une
sécurité d'emploi durant leur vie active et aux chômeurs la possibilité de se
réinsérer sont indispensables.
L'Union européenne doit avoir un droit de regard sur les grands trusts qui
font des bénéfices considérables et délocalisent pour accroître leurs profits
au détriment de milliers de salariés, condamnés au temps partiel ou au
chômage.
La question est centrale pour conforter la croissance, développer la
consommation et lutter contre la pauvreté, laquelle, je le souligne, touche 60
millions de personnes au sein de l'Union européenne. Ne pourrait-on pas créer
un « pacte pour l'emploi, la croissance et l'investissement » ? Le Gouvernement
français peut-il se faire le porteur de cette exigence sociale et l'intégrer
aux travaux de la Convention, monsieur le ministre ?
La relance du progrès social passe également par le développement de services
publics modernes et de qualité. On ne peut pas, en effet, laisser tous les
secteurs à l'économie de marché.
Par sa politique unilatérale, l'Union européenne déréglemente les services
publics et les livre aux marchés financiers. Après l'ouverture de La Poste, des
transports et de l'énergie, elle ambitionne, dans la même logique, d'autres
déréglementations.
Pourtant, les citoyens ont montré leur attachement aux services publics de
qualité, répondant à l'intérêt général et aux besoins de tous, quels que soient
leur lieu d'habitation, leur niveau de vie et leur origine.
Aussi, nous demandons que les services publics aient toute leur place dans le
futur traité, non pas comme une simple dérogation à la libre concurrence, mais
comme un facteur essentiel de limitation des inégalités, d'aménagement du
territoire et de cohésion sociale.
Une charte des services publics ne devrait-elle pas être annexée au nouveau
traité ? Quelles sont les propositions du Gouvernement dans ce domaine ?
Une relance des dépenses à finalité sociale doit aussi être envisagée,
notamment dans les domaines de l'éducation, de la santé, de la recherche et de
l'environnement.
Enfin, il est difficile de parler de progrès social sans remettre en cause non
seulement le pacte de stabilité, que de nombreux pays, dont la France, ont
beaucoup de mal à respecter, mais également le statut de la Banque centrale
européenne, totalement indépendante de toute autorité politique et qui ignore
la question de l'emploi. On ne pourra construire du neuf sans réformer ces deux
institutions.
M. François Autain.
Très bien !
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Concernant l'Europe de la paix, il ne faudrait pas oublier que l'Europe a été,
jusqu'en 1945, un immense champ de bataille. Sans évoquer les périodes
antérieures, elle a vécu, avec la Première Guerre mondiale puis la Seconde, des
affrontements inhumains dans lesquels des millions de combattants et de civils
ont été victimes de l'horreur.
Si nous devons respecter le devoir de mémoire, il nous faut dépasser cette
période, car nous voulons construire autre chose.
L'Union européenne doit promouvoir une mondialisation solidaire où la
coopération, les échanges et l'aide doivent permettre aux pays les plus pauvres
de réduire leur retard de développement et de vaincre les grands fléaux que
sont la faim, l'ignorance et la maladie.
Elle doit participer à une culture de paix, respectueuse des peuples et des
droits de l'homme. Ce choix est d'ailleurs devenu un principe identitaire
inscrit dans les traités de partenariat entre l'Union européenne et d'autres
pays.
Dans ce monde d'incertitudes, d'injustices et d'humiliations, terreau de
violences et de tous les extrémismes, nous devons clairement établir les lignes
de force de notre action, respectueuse d'un droit international élaboré sur des
valeurs reconnues et acceptées par la communauté des Nations unies.
Il nous paraît prometteur que, pour la crise irakienne, les pays de l'Union
européenne aient, quelles que soient leurs différences, réaffirmé en commun le
rôle du Conseil de sécurité et de l'ONU pour privilégier, par la diplomatie, le
recours à une solution politique plutôt qu'à une intervention militaire quelle
qu'elle soit.
C'est un principe absolu, qui doit être intangible. L'Union européenne sera
jugée certes sur ses déclarations, mais surtout sur l'application qu'elle en
fera. C'est une question de crédibilité.
Avec la crise iraquienne, n'oublions pas d'autres violations du droit
international, comme en Palestine ou en Tchétchénie. Là encore, la fin du
conflit appelle une solution politique pour laquelle le rôle de l'Union est
indispensable.
L'Europe démocratique est une exigence commune, mais aujourd'hui les décisions
sont le fait des gouvernants et de spécialistes bien éloignés des
préoccupations des citoyens.
Ces derniers sont rarement informés des débats et des enjeux, encore plus
rarement consultés, et n'ont aucun moyen d'évaluer la justesse des
décisions.
Pourtant, l'Union européenne ne sera viable que si les peuples participent à
sa construction.
Une information régulière doit être diffusée et des débats doivent être
organisés dans les différents pays européens sur des questions comme le vote
majoritaire ou le vote unanime, le maintien d'un droit de veto quand les
intérêts fondamentaux d'un pays sont en jeu, ainsi que la répartition claire
des compétences entre l'échelon européen et l'échelon national.
Quelles propositions l'Etat français peut-il formuler pour donner plus de
place aux citoyens et aux acteurs sociaux ?
Pouvez-vous déjà garantir une consultation par référendum du peuple français
avant l'adoption du nouveau traité ?
Quant aux parlementaires, mandatés par les peuples, ils doivent être mieux
associés à la construction européenne.
Les parlementaires européens doivent voir élargi leur pouvoir de codécision
avec le Conseil. Leurs décisions doivent être respectées.
Il me semble anormal que le Parlement européen, s'appuyant sur la clause du
respect des droits de l'homme du traité d'association avec Israël, ait décidé à
la majorité, compte tenu de la situation, de suspendre provisoirement
l'application du traité et que ce vote soit resté lettre morte.
Les parlementaires nationaux doivent être consultés en amont de toute décision
afin qu'ils ne soient pas de simples chambres d'enregistrement.
Pourquoi ne pas prévoir, avant des échéances importantes, une information et
une discussion dans les parlements nationaux permettant de donner une sorte de
mandat d'objectifs aux ministres concernés ?
Pour conclure, nous pensons que cette nouvelle construction européenne doit
être l'occasion de faire grandir l'exigence d'une transformation en profondeur,
l'exigence d'un traité réellement nouveau, qui tire les leçons des années
écoulées et qui intègre les aspects sociaux et démocratiques.
L'Europe politique a besoin de l'intervention des citoyens, notamment des plus
jeunes. C'est pour eux que nous voulons construire une Europe solidaire, de
justice sociale et de paix. Bâtissons avec eux ce projet commun.
La Convention doit rendre son travail au milieu de l'année 2003. Il nous reste
du temps pour l'enrichir. Nous y sommes déterminés pour réussir l'Europe.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
5
SOUHAITS DE BIENVENUE
À UNE DÉLÉGATION
DE PARLEMENTAIRES GRECS
M. le président.
Monsieur le ministre, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, j'ai
le plaisir de saluer la présence dans notre tribune officielle d'une délégation
de membres du Parlement hellénique, conduite par M. Vassilios
Kontogiannopoulos, président du comité Grèce-France de cette assemblée, en
visite en France à l'invitation du groupe d'amitié France-Grèce du Sénat,
présidé par notre collègue Marc Massion.
Cette délégation sera reçue cet après-midi par notre collègue Hubert Haenel,
président de la délégation pour l'Union européenne.
Je forme des voeux pour que le séjour de cette délégation renforce les liens
d'amitié qui nous unissent de longue date à la Grèce, séjour qui prend une
portée particulière dans la perspective de l'élargissement de l'Union
européenne à de nouveaux pays de l'Europe centrale et orientale.
Au nom du Sénat tout entier, je me réjouis de cette visite et je souhaite à la
délégation une très chaleureuse bienvenue au Sénat de la République française,
où nous sommes heureux de l'accueillir.
(M. le ministre, Mme la ministre
déléguée, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)
6
AVENIR DE L'EUROPE
Suite de la discussion d'une question orale
européenne avec débat
(Ordre du jour réservé)
M. le président.
Nous reprenons la discussion de la question orale européenne avec débat n°
QE-2.
Dans la suite du débat, la parole est à M. Serge Vinçon.
M. Serge Vinçon.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre déléguée, mes
chers collègues, si vous visitez la maison de Jean Monnet, vous y verrez, dans
une petite vitrine, un croquis représentant les productions comparées du
charbon et de l'acier de l'Europe et des Etats-Unis dans les années cinquante.
Ce croquis avait été en quelque sorte son
vade-mecum
au moment où, avec
Robert Schuman, il avait proposé de créer la Communauté du charbon et de
l'acier pour lier de manière irréversible les ennemis d'hier, mais aussi pour
permettre à l'Europe de retrouver sa juste place dans le monde. Si,
aujourd'hui, vous réalisez le même exercice à propos des efforts de défense des
Etats-Unis et de l'Europe, comment ne pas arriver à la même conclusion : la
nécessité absolue d'agir, de franchir une étape supplémentaire dans la
construction européenne ?
Je crois que les Européens en ont désormais pleinement conscience. L'Europe
peut avoir pour objectif légitime de gérer les crises dans son environnement
proche et doit être plus présente dans le monde pour faire entendre sa voix.
Comment comprendre, en effet, qu'elle soit, comme vous l'avez rappelé,
monsieur le ministre, le premier bailleur d'aide à la reconstruction ou au
développement en ex-Yougoslavie, en Afghanistan ou en Palestine et qu'elle
compte si peu dans le règlement des conflits ou dans le retour à la paix ?
Il est donc parfaitement logique que l'organisation future de la politique
étrangère, de sécurité et de défense commune soit devenue l'un des sujets
majeurs de la Convention sur l'avenir de l'Union européenne, dont la commission
pour la défense est présidée par le commissaire français Michel Barnier. Non
seulement les attentes sont fortes dans ce secteur, mais, surtout, les
solutions qui seront proposées auront un impact direct sur la souveraineté des
Etats , et joueront donc un rôle fondamental dans la définition des
institutions futures.
Afin que l'Union puisse s'exprimer plus efficacement sur la scène
internationale, elle doit progresser dans trois directions : la définition
d'une politique étrangère et de sécurité commune, la personnalisation accrue de
cette politique et le développement de solidarités concrètes dans le domaine de
la défense.
Comment, d'abord, améliorer la définition d'une politique étrangère et de
sécurité commune ? Dans les autres domaines d'action de l'Union européenne,
cette question est résolue par l'application de la « méthode communautaire ».
Or la PESC obéit à une logique intergouvernementale respectant la règle de
l'unanimité. C'est pourquoi il est si difficile de parvenir à un consensus.
Chaque Etat a son histoire, ses traditions et la mémoire de conflits
particuliers. Au sein de l'Union, quatre Etats sont neutres et excluent
a
priori
de participer à une quelconque alliance militaire. D'autres, même
s'ils sont membres de l'OTAN, se refusent à s'engager dans une politique de
sécurité commune. D'autres, enfin, craignent qu'une telle politique
n'affaiblisse les liens transatlantiques.
Comment également ménager la susceptibilité des exécutifs qui voient dans la
politique étrangère l'expression privilégiée d'une souveraineté parfois
récemment recouvrée ? Au sein de l'Union européenne, deux Etats, la France et
la Grande-Bretagne, détiennent l'arme nucléaire et conçoivent encore leur
action extérieure sous forme de politique, si ce n'est de puissance, du moins
d'influence, alors que d'autres l'ont définitivement rejetée par des
dispositions constitutionnelles.
Comment, dans ces conditions, trouver un terrain d'entente sans pour autant
s'aligner sur le plus petit dénominateur commun ? Le développement de
coopérations renforcées dans les domaines de la politique étrangère et de la
défense est-il souhaitable ?
Je crois en tout cas que l'Europe ne peut avoir de politique étrangère commune
forte si chacun des Etats européens n'a pas lui-même une volonté de politique
étrangère forte. Au cours des derniers mois, grâce à la fin de la cohabitation,
la France a retrouvé tout son dynamisme diplomatique. Comme Jean-Pierre
Raffarin l'a dit à Estoril : « La France est de retour. » Et quel retour !
Relance du couple franco-allemand comme moteur de l'Europe, réconciliation avec
l'Italie et vote, voilà quelques jours, d'une résolution, inspirée par la
France, sur l'Iraq, au Conseil de sécurité. Ces six premiers mois auront été
utilisés à plein. Les impulsions du chef de l'Etat sont parfaitement relayées
par votre action, monsieur le ministre. Les résultats obtenus sont autant de
promesses pour l'avenir. Sachez qu'au Sénat vous pourrez compter sur notre
appui !
L'Union a ensuite besoin, mes chers collègues, d'une voix unique pour porter
la politique qu'elle aura déterminée en commun. Souvenons-nous que Jacques
Delors, alors président de la Commission européenne, racontait qu'il avait été
plusieurs fois appelé par Ronald Reagan pour parler de politique étrangère et
qu'il avait dû le renvoyer vers les chefs d'Etat et de gouvernement, n'étant
lui-même pas compétent pour cela !
Depuis lors, des progrès ont bien sûr été réalisés. Les Quinze ont pris
l'habitude de nommer des « représentants spéciaux » pour les représenter dans
les négociations ou les crises. Le traité d'Amsterdam a permis la désignation
d'un Haut représentant pour la PESC placé auprès du Conseil. Ces fonctions ont
ensuite été fusionnées avec celles de secrétaire général de l'Union de l'Europe
occidentale, l'UEO. M. Javier Solana, nommé à ce poste depuis 1999, a
d'ailleurs mené une action très utile, mais des améliorations doivent encore
être apportées pour convaincre nos partenaires étrangers de la réalité et de
l'unité de l'action extérieure européenne. Les travaux de la Convention tendent
vers un accroissement des missions et de la marge de manoeuvre de ce « M. PESC
» par la fusion de ses fonctions avec celles qu'assume actuellement le
commissaire chargé des relations extérieures.
Cette démarche me paraît constructive dès lors que le Haut représentant reste
rattaché aux exécutifs des Etats membres et bénéficie de la confiance qui
résultera d'une telle proximité.
Enfin - et c'est pour moi un sujet de réelle préoccupation -, la crédibilité
de la politique extérieure de l'Union est conditionnée par l'existence d'une
force d'intervention européenne et de moyens militaires opérationnels. Comment
faire pour concrétiser les engagements qui ont été pris et pour renforcer les «
solidarités concrètes » dans le domaine de la défense ?
Des progrès institutionnels incontestables, et même inespérés, ont été
accomplis au cours des trois années passées ; le traité de Nice les a
consacrés. Les outils ont été forgés ; les comités politique et militaire,
l'état-major de l'Union commencent à fonctionner. Les Etats se sont entendus
sur la mise en place, d'ici à 2003, d'une force de réaction rapide.
Mais je constate dans le même temps que la coopération européenne peine à
trouver sa traduction dans les faits.
D'une part, des difficultés persistent dans la définition des rapports avec
l'OTAN. A ce sujet, je vous remercie, monsieur le ministre, de nous avoir
indiqué l'état des négociations relatives aux « arrangements permanents », qui
permettraient à l'Union européenne de prendre la suite de l'opération « Renard
roux » conduite en Macédoine.
D'autre part, la « déclaration d'opérationnalité » de Laeken ne parvient pas à
cacher la persistance d'importantes lacunes capacitaires et la difficulté à les
combler grâce à la procédure « ECAP », le plan d'action européen sur les
capacités. L'Europe reste confrontée à l'insuffisance des efforts budgétaires
de ses membres, une faiblesse d'autant plus grande que ces efforts ne sont pas
coordonnés. La « saga » du financement de l'Airbus A-400M est alarmante, au
moment même où les différentes conférences de capacités mettent précisément
l'accent sur les lacunes européennes en matière de transport stratégique.
A contrario
, le succès obtenu entre la France et l'Italie en matière
navale semble être l'exemple à suivre d'une coopération politique, industrielle
et opérationnelle par le biais de la construction de bâtiments communs,
notamment de vingt-sept frégates multi-missions.
Développer aujourd'hui une véritable politique industrielle européenne de
l'armement me paraît être d'une extrême urgence. Dans le domaine aéronautique,
malgré les succès obtenus en matière de consolidation industrielle autour
d'EADS et de Thalès, il faut désormais mettre en place une solution de rechange
à l'avion de combat futur américain. Nous ne pouvons nous résoudre à voir
l'aéronautique militaire européenne passer sous la coupe de Boeing alors que,
dans le domaine civil, Airbus est un formidable succès ! Plus encore, dans les
domaines de l'armement terrestre et de l'armement naval, tout, ou presque, est
à faire. Là aussi, il y a urgence. Les industriels américains ont déjà pris des
positions très fortes dans l'armement terrestre en Espagne et dans l'armement
naval en Allemagne. Prenons garde à ce qu'il soit toujours possible demain de
maintenir l'indépendance de l'Europe, son savoir-faire technologique et, en
définitive, les emplois et la croissance économique.
J'aimerais donc savoir où en sont, dans ce domaine, les projets européens de
créer, à partir de l'OCCAR, l'Organisation conjointe de coopération en matière
d'armement, une véritable agence européenne de l'armement, seule à même
d'assurer la définition commune des besoins, la gestion des programmes et le
développement d'une forte interopérabilité permettant à la défense européenne
d'être efficace et crédible aux yeux du monde entier.
Sur ces questions, nous avons pris note de vos réponses, monsieur le ministre,
et nous sommes certains que, là aussi, le dynamisme nouveau de la diplomatie
française saura trouver les moyens de convaincre l'Europe d'exister par
elle-même et de financer son propre développement afin d'avoir une défense à la
hauteur de son rayonnement historique, culturel, économique, humaniste et
politique.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou.
Monsieur le ministre, vous venez de brosser à grands traits l'histoire et la
problématique actuelle de l'Europe ainsi que les horizons ouverts par la
Convention. Les orientations que vous souhaitez pour les futures institutions
européennes apparaissent.
Il était indispensable de savoir quelle Europe la France voulait. En effet, ce
débat intervient au moment où les Français se désintéressent du grand rêve
européen. Nous avons la responsabilité commune de trouver les mots justes pour
sensibiliser l'opinion publique et lui redonner confiance en l'Europe.
Les attentes que nous formulons aujourd'hui n'ont de sens que par la volonté
claire que vous venez d'exprimer. Sans cela, ce débat eût été dérisoire, voire
inutile, car les Français s'interrogent : quelle Europe le Gouvernement veut-il
? Souhaite-t-il une Europe qui évolue au fil des années vers une intégration de
plus en plus forte ou bien estime-t-il, au contraire, qu'une grande zone de
libre-échange peut, seule, être un objectif raisonnable ?
Répondons à ces interrogations par une refonte des institutions, grâce à la
réflexion du Président de la République, Jacques Chirac, et à l'esprit novateur
du ministre allemand des affaires étrangères, Joschka Fischer. Toutefois,
rédiger une Constitution, qui plus est pour l'Europe et non pour un
Etat-nation, est un exercice ardu et nouveau.
L'Union européenne a inventé un mode de relations entre Etats sans précédent
dans l'histoire et rien ne serait plus absurde que de vouloir plaquer sur
l'Europe des solutions conçues en d'autres temps pour d'autres organismes :
prenons conscience que nous ne pouvons pas construire l'Europe à l'image de la
France ! L'opposition entre une conception immédiatement intégrationniste et
une conception intergouvernementale de l'Europe est aujourd'hui abstraite et
théorique. L'Union européenne est à mi-chemin entre ces deux extrêmes, avec
cependant une prédominance de plus en plus marquée par son aspect
intégrationniste. Ne feignons pas d'ignorer la marche de l'histoire !
L'article 1er de l'avant-projet de traité conventionnel est clair et vise une
« union d'Etats européens, conservant leur identité nationale, qui coordonnent
étroitement leurs politiques au niveau européen et qui gèrent, sur le mode
fédéral, certaines compétences communes ». De même, à l'article 5 sont évoquées
la reconnaissance d'une « double citoyenneté », d'une double allégeance, l'une
nationale, l'autre européenne, et la possibilité d'utiliser l'une ou l'autre
librement. De l'audace : tel pourrait être l'aiguillon du président Valéry
Giscard d'Estaing.
Monsieur le ministre, le texte que choisira, sur la base des travaux de la
Convention, le Conseil européen en 2004 fera-t-il l'objet d'un référendum pour
être ratifié par la France ? Une telle démarche scellerait le contrat moral
unissant le peuple français à l'Europe.
J'aborderai maintenant la question de la proximité. La déclaration de Laeken
du 15 décembre 2001 appelait à « rapprocher les institutions européennes du
citoyen ». Cette volonté d'impliquer les citoyens rejoint celle de l'actuel
gouvernement français. En particulier, l'article 72-1 de la Constitution
présenté par l'article 5 du projet de loi constitutionnelle relatif à
l'organisation décentralisée de la République tend à reconnaître le droit de
pétition aux électeurs de chaque collectivité territoriale et à instaurer des
référendums locaux.
Un forum représentant la société civile européenne a été institué pour être
associé à l'action de la Convention. Cependant, l'article 5 du projet de loi
constitutionnelle ne mentionne, pour les citoyens européens, que la
reconnaissance de leur droit de vote aux élections municipales et à l'élection
au Parlement européen.
Quid
des élections cantonales ? Pourquoi ne pas aller jusqu'au bout de
la logique et s'arrêter ainsi au milieu du gué ?
Par ailleurs, l'article 34 de l'avant-projet de traité constitutionnel énonce
le principe d'une « démocratie participative » et « transparente » ; il devrait
apporter davantage de précisions.
Ce souhait est indissociable de celui d'un partage net entre les attributions
de l'Union et celles des Etats membres. Nos concitoyens regrettent que l'Union
européenne s'immisce là où elle n'a rien à faire et soit absente là où elle
devrait être présente. L'article 7 de l'avant-projet réaffirme ainsi le
principe de subsidiarité, introduit par le traité de Maastricht, alors que
l'article 8 précise que « toute compétence non attribuée par la Constitution à
l'Union demeure de la compétence des Etats membres ».
Cependant, la Convention, pour l'heure, n'a toujours pas fixé les règles du
contrôle effectif du principe de subsidiarité par les Parlements nationaux. Ce
débat est plus que jamais ouvert car trois réponses sont possibles.
La première, avancée par le président Giscard d'Estaing, défend l'idée d'un
Congrès rassemblant les parlementaires nationaux et européens, sur le modèle de
la Convention actuelle. Cette réponse souligne l'idée d'une souveraineté
populaire et d'un pouvoir parlementaire européen, mais elle manque peut-être de
souplesse.
La deuxième met l'accent sur l'amélioration du dialogue entre le Gouvernement
et le Parlement, à l'instar de ce qui se passe au Danemark, en Suède ou encore
en Grande-Bretagne. Elle est sans doute insuffisante.
La troisième réponse, enfin, se trouve dans le rapport très original du groupe
de travail « Subsidiarité », présidé par M. Mendez de Vigo, qui propose, pour
la première fois, d'ériger les parlements nationaux en gardiens de la
subsidiarité. La Commission aurait alors le devoir de joindre à toutes ses
propositions de texte une fiche « subsidiarité ». Les Parlements nationaux,
grâce au mécanisme d'« alerte précoce », pourraient s'exprimer au début de la
procédure sur la conformité ou non des propositions législatives de la
Commission européenne au principe de subsidiarité. S'ils n'obtenaient pas gain
de cause, ils pourraient ensuite saisir la Cour de justice pour violation de ce
principe essentiel, clef de voûte de tout l'édifice européen. Cette solution a
le mérite d'être simple et de ne pas alourdir l'architecture institutionnelle
européenne.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, confirmer le choix du Gouvernement entre
ces trois réponses ?
J'évoquerai aussi - et surtout - la simplification. Nous devons au plus vite
simplifier et rationaliser l'architecture de l'Europe, car les citoyens
attendent davantage de lisibilité et de visibilité des institutions
européennes. Pour que les citoyens aiment l'Europe, ils doivent la comprendre.
Là aussi, la Convention va dans le bon sens et veut donner de la chair à
l'Europe.
L'article 4 de l'avant-projet de traité constitutionnel reconnaît
explicitement la personnalité juridique à l'Union européenne, mettant fin à une
situation juridique floue et permettant la nécessaire fusion des différents
traités régissant l'Europe. L'article 9 énumère les trois catégories de
compétences de l'Union : compétence exclusive, compétence partagée, compétence
d'appui. L'article 14, enfin, établit que l'Union dispose d'un « cadre
institutionnel unique ».
Cette simplification institutionnelle va de pair avec les efforts
indispensables pour que l'Europe soit personnifiée. Quatre personnages clefs
devraient devenir les futurs piliers de la maison « Europe ». Le président du
Conseil européen, le président de la Commission, le Haut représentant pour la
politique étrangère seront-ils nommés ou élus ? S'ils sont élus, le seront-ils
par leurs pairs ou au suffrage universel direct ? Ces questions sont restées
sans réponse, respectivement aux articles 15
bis
, 18
bis
et 41 de
l'avant-projet.
Nous souhaiterions également que la proposition de notre collègue Hubert
Haenel d'instituer un Haut représentant pour la justice et les affaires
intérieures, quatrième personnage clef, rencontre un écho favorable auprès de
la Convention.
Monsieur le ministre, défendez-vous l'idée de l'élection au suffrage universel
direct de ces représentants de l'Europe ?
Je terminerai en évoquant l'humanisme. La Convention doit montrer sa fidélité
à l'héritage moral de l'Europe et à notre universalisme respectueux des
différences, en un mot : à nos valeurs humanistes.
Ainsi, l'éloge de la liberté est indissociable de l'idée même d'Europe, et la
Convention reconnaît que la liberté est inhérente aux individus, mais aussi aux
Etats. En effet, les Etats sont libres d'adhérer ou non à l'Union - article 43
-, mais ils sont libres également de la quitter - article 46.
L'article 45 rappelle que tous les Etats membres de l'Union doivent respecter
scrupuleusement leurs obligations, notamment en ce qui concerne les droits
fondamentaux des individus. Or, sur ce point, la Convention n'a pas encore
décidé définitivement si la charte doit être réintégrée totalement à l'article
6 de l'avant-projet ni si l'Union doit adhérer à la Convention européenne des
droits de l'homme. Pour notre part, nous nous rangeons résolument aux
conclusions du groupe de travail « Charte », présidé par M. Vitorino, qui
répond « oui » à ces deux questions.
Monsieur le ministre, quelle place souhaitez-vous accorder à la défense des
droits fondamentaux dans la future Constitution ?
Chers collègues, nous devons donc apporter des réponses au grand débat sur les
institutions européennes, débat que notre Premier ministre, européen convaincu,
a promis pour l'année 2003. Certes, il aurait fallu réformer les institutions
avant l'élargissement de 1995 ; alors, ne laissons surtout pas échapper cette
ultime occasion qui nous est offerte par la Convention sur l'avenir de
l'Europe. Faisons tout notre possible pour que l'ordre logique et l'ordre
politique ne s'opposent pas, pour que l'urgence de l'élargissement aboutisse
enfin à la nécessaire réforme des institutions européennes.
Si le Gouvernement français souhaite une Europe économique et politique, alors
l'Europe retrouvera non seulement un projet, mais aussi la fierté d'être une
entité qui pèsera sur l'avenir du monde. Elle procurera à chaque citoyen
français ce sentiment d'appartenance propre au patriotisme. Ce choix, monsieur
le ministre, sera conforme à l'histoire d'un grand pays comme le nôtre.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et
des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Jacques Blanc.
M. Jacques Blanc.
Monsieur le président, madame, monsieur le ministre, mes chers collègues, «
l'Europe avance à petits pas », disait l'un de ses pères fondateurs, Robert
Schuman ; « l'Europe ne peut traiter bien qu'une chose à la fois », disait un
spécialiste européen, Raymond Barre, et, aujourd'hui, nous sommes bien
conscients que l'Europe doit franchir un grand pas, qu'elle doit relever
plusieurs défis.
Elle doit franchir un grand pas - vous l'avez dit, monsieur le ministre - et
nous espérons qu'elle en sera capable grâce aux travaux de la Convention sur
l'avenir de l'Europe. Qu'il me soit d'ailleurs permis de remercier M. le
président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, membre éminent de
la Convention, d'avoir pris l'initiative de cette question. La Convention sur
l'avenir de l'Europe doit réussir à donner à l'Europe une vraie constitution.
Son président, européen convaincu - il l'a démontré - auquel je tiens à rendre
hommage, pourra peut-être arriver à dégager ces synthèses qui, au moment où
l'on désespère, montrent souvent la capacité de gagner en Europe.
Aujourd'hui, même si l'on peut regretter que cette démarche institutionnelle
n'ait pas précédé l'élargissement, on ne peut que se féliciter de voir avancer
deux défis : le premier, l'institution, le second, l'élargissement. Sur ce
point, nous pouvons rendre hommage au Gouvernement, en particulier à
vous-mêmes, madame, monsieur le ministre, et au Président de la République. En
effet, combien étaient optimistes à la veille du Conseil de Bruxelles ? Il
suffit de relire la presse : il était expliqué dans nombres d'articles qu'on
allait s'enfermer, qu'un blocage était inévitable. Mais vous avez réussi - la
France, ainsi que l'Allemagne, a joué un rôle majeur à cet égard - à débloquer
la situation, sans renoncer à la défense de politiques européennes qui restent
fondamentales et à partir desquelles l'Europe a fait ses premiers pas : je
pense à la politique agricole commune. On a d'ailleurs oublié que c'est dans ce
domaine qu'une première monnaie, la monnaie verte, avait été mise en oeuvre. Et
pour avoir négocié, en tant que secrétaire d'Etat à l'agriculture, le
démantèlement des montants compensatoires monétaires...
M. Denis Badré.
Et très bien négocié !
M. Jacques Blanc.
... - M. Denis Badré doit s'en souvenir -, il me paraît bon que l'Europe
n'abandonne pas la défense de ces politiques européennes fondamentales pour
réussir l'élargissement.
Vous avez donc réussi à engager l'Europe, depuis ce conseil, dans ce que vous
avez appelé « la phase finale d'élargissement pour dix pays ». Cela fait
vingt-cinq pays. Demain, combien y en aura-t-il ?
Vous avez aussi évoqué, monsieur le ministre, et je vous en remercie, non
seulement l'intégration, mais aussi l'association. Et entre ces deux termes, il
y a le partenariat euro-méditerranéen, sur lequel je reviendrai.
Le troisième défi de l'Europe, c'est que les peuples d'Europe retrouvent la
flamme, l'amour de l'Europe, que se lèvent espérance et enthousiasme, que l'on
perde ce sentiment d'éloignement des institutions européennes, d'une
technocratie qui aurait pris le pouvoir, que l'on cesse aussi de rejeter sur
l'Europe tout ce qui n'irait pas, en oubliant que les choses qui vont bien
dépendent souvent de l'Europe, voire que les comportements eux-mêmes changent :
il est en effet trop facile, quand on revient d'un Conseil à Bruxelles - et je
l'ai un peu fait ! - de dire que l'on a obtenu telle ou telle chose, mais que,
s'agissant d'un autre point, on n'a pas été suivi. Il nous faut retrouver une
vraie dimension.
Pour y parvenir, je ferai une proposition, que d'aucuns considéreront comme
secondaire, et d'aucuns comme dangereuse. Je n'ai bien sûr pas l'intention
d'ouvrir le faux débat entre Europe des Etats et Europe des régions. En
revanche, permettez-moi de dire que les régions peuvent apporter une
contribution pour jouer le rôle de messager, tant auprès des institutions
européennes qu'auprès de leur territoire et de leur population.
J'ai eu l'immense honneur d'être élu le premier président du comité des
régions d'Europe, organisme dont la création a été prévue par le traité de
Maastricht, mais qui est passée inaperçue même aux yeux d'éminents spécialistes
européens - je ne les citerais pas ! D'ailleurs, combien de Français ont-ils lu
le traité ?
En tant que membre du conseil consultatif que le président Delors avait
instauré à l'époque auprès de la Commission, j'avais eu la chance de me battre
pour le comité des régions d'Europe. Je l'avais fait aussi au sein de
l'assemblée des régions d'Europe, reprenant un peu le combat que le président
Edgar Faure avait engagé à travers l'assemblée des régions européennes.
Pour avoir installé ce comité des régions, pour l'avoir fait évoluer en tant
que président puis vice-président - j'y participe d'ailleurs activement et je
vais y partir tout à l'heure -, j'ai la conviction que, si l'on sait ne pas
entrer dans de faux débats, les régions peuvent contribuer à relever ce défi
d'une adhésion nouvelle vers l'Europe. Je soutiens d'ailleurs l'idée du congrès
: pourquoi ne pas associer dans une telle démarche à la fois le Parlement
européen, les parlements nationaux et le comité des régions d'Europe ? Sachant
que l'Europe a rappelé à la France la nécessaire subsidiarité - et je me
réjouis que nous ayons voté ici même la semaine dernière le premier texte
constitutionnel sur la décentralisation -, croyez-vous bien raisonnable
d'éliminer l'ensemble des régions d'Europe ? Je ne suis pas fédéraliste, mais
il existe des pays fédéralistes en Europe. Pourquoi alors ne pas ouvrir au
comité des régions d'Europe une participation au congrès et au contrôle de la
subsidiarité ? C'est indispensable eu égard à l'organisation même de certains
pays en Europe. Or, nous occultons ce point. Je me permets donc de rappeler
cette réalité. Il conviendrait ainsi de faire émerger le comité des régions
d'Europe au titre d'institution, de lui laisser un rôle consultatif - je ne
demande pas l'instauration d'une codécision du comité des régions, la réservant
au Parlement euopéen, - afin d'adopter une dimension nouvelle indispensable
pour gagner le défi fondamental qu'est l'adhésion des citoyens à l'Europe.
Pour gagner cette adhésion, madame, monsieur le ministre, il est également
capital que l'Europe garde des équilibres. Il n'est pas question, là aussi, de
déclencher une guerre entre le Nord et le Sud. Toutefois, au moment ou l'Europe
s'élargit vers l'Est, qui peut fermer les yeux sur l'exigence visant à donner
une place plus grande à l'Euro-Méditerranée ?
Permettez-moi de relater une expérience personnelle : j'ai participé, lors de
la conférence euro-méditerranéenne de Barcelone, à un dîner...
M. Xavier de Villepin.
Veinard !
(Rires.)
M. Jacques Blanc.
... où étaient assis côte à côte Arafat et le ministre d'Israël, ce qui ne
serait plus possible aujourd'hui. Tous les pays de la Méditerranée, alors
associés, s'engageaient dans un pacte de paix et s'engageaient à créer cette
Euro-Méditerranée qui doit devenir en 2010 une zone de libre-échange.
Comment ne pas demander que soient relancées très fortement les chances de
réussite de cette Euro-Méditerranée ?
M. Hubert Haenel,
président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne.
Très bien
!
M. Jacques Blanc.
La France a un rôle majeur à jouer à cet égard.
Comme le président Giscard d'Estaing l'avait fait à l'époque avec le grand
Sud-Ouest, pour réussir l'élargissement vers la Grèce, le Portugal et
l'Espagne, comme l'Europe l'a fait avec les PIM, les programmes intégrés
méditerranéens, pour que réussissent ces élargissements, le Gouvernement ne
pourrait-il pas se mobiliser pour que des programmes nationaux et européens, et
l'évolution des programmes MEDA puissent nous armer pour réussir
l'Euro-Méditerranée ?
Enfin, comment ne pas aussi être vigilants pour que, dans la réforme des
politiques agricoles communes, dans celle des fonds structurels et de la
politique régionale, cet aspect euro-méditerranéen ne soit pas non plus oublié
?
Monsieur le ministre, j'ai aujourd'hui la conviction que le Sénat, une
nouvelle fois, joue un rôle majeur pour nous permettre, dans la sérénité mais
avec conviction et une grande espérance, de nous mobiliser. M. le Premier
ministre nous y a invités en 2003. Nous anticipons cette mobilisation pour que
vive l'Europe.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées
du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Robert Badinter.
M. Robert Badinter.
Monsieur le président, madame, monsieur le ministre, mes chers collègues, à
mi-parcours des travaux de la Convention sur l'avenir de l'Europe et à ce stade
de nos préoccupations concernant l'Europe, l'initiative de cette discussion est
heureuse, et nous devons en remercier tout particulièrement M. Haenel. Le
moment est en effet favorable à la fois pour apprécier ce qui est déjà acquis,
qui est important - vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, - et ce qui
demeure à faire, qui est considérable, sinon essentiel.
L'acquis, s'agissant de la Convention, c'est d'abord l'accord sur le terme
même et sur la nécessité d'une constitution européenne. Sera-t-elle, comme nous
le croyons indispensable, soumise à un référendum après son adoption ? Je crois
que l'on ne pourra pas et que l'on ne devrait pas y échapper. Je conçois mal
les Etats européens et les peuples européens se dotant d'une constitution -
événement considérable dans l'histoire européenne - sans que les peuples
eux-mêmes l'aient approuvée.
L'acquis, c'est aussi la fusion des traités actuels, entraînée logiquement par
le principe d'une constitution, l'affirmation de la personnalité morale
internationale de l'Union et l'incorporation de la charte des droits
fondamentaux, évoquée par notre excellent collègue M. de Montesquiou. Il n'y a
plus de difficultés sur ce dernier point. Lors du groupe de travail auquel j'ai
participé et qui a été excellemment présidé par M. Vitorino, un accord est
intervenu malgré quelques réticences de la part de nos amis britanniques. Tout
est maintenant acquis, et la charte sera donc incorporée.
La question de l'adhésion à la Convention européenne des droits de l'homme,
quant à elle, se trouvera réglée ultérieurement par les instances compétentes
au sein des institutions européennes. Voilà pour l'acquis, qui est important
!
Ce qui reste à faire s'avère évidemment considérable.
Nous avons pour l'instant, il faut le reconnaître, bien des problèmes au
regard de la question de la gouvernance économique. Sans aller jusqu'à une
véritable coordination économique, voire à un gouvernement économique, l'avenir
sur ce point difficile paraît incertain. Il faut donc se remettre au
travail.
Vous savez combien le domaine social est important aux yeux du groupe
socialiste, au nom duquel je m'exprime en cet instant ; nous avons accueilli
avec satisfaction la création d'un groupe de travail sur les questions
sociales. C'est un progrès qu'il convient de saluer.
Il est indispensable que soit affirmée, conformément d'ailleurs au voeu du
Gouvernement, l'importance de la dimension sociale de l'Union européenne. Ce
point doit figurer dans le traité, et il conviendra de développer les
instruments de l'Union à cet égard, ainsi que tout ce qui est de nature à
renforcer les services publics et à consacrer le rôle de partenaires
sociaux.
De même, nous devons proclamer comme objectif prioritaire la sauvegarde de
l'environnement, non seulement en Europe mais dans le monde ; c'est une
question clé, indissociable de celle du développement durable, et l'Union
européenne doit assumer, dans ces deux domaines, une contribution majeure.
M. Louis Le Pensec.
Très bien ! C'est effectivement capital !
M. Robert Badinter.
Il reste que, dans une Constitution, c'est la définition des institutions, de
leurs pouvoirs et de leur équilibre qui est l'essentiel. Disons-le, toute
Constitution est aussi une entreprise juridique. Certains de nos grands
prédécesseurs aimaient à dire que c'étaient des « machines », au sens où on
l'entendait au xviiie siècle. Il est de belles machines ; il en est d'autres
qui fonctionnent moins bien. Etant d'un naturel pessimiste - mon pessimisme
fût-il actif -, il m'arrive de craindre que, si nous ne parvenons pas à mieux
définir l'équilibre et la répartition des pouvoirs, notre machine ne soit qu'un
« machin ». Nous verrons ! Nous sommes encore dans l'expectative.
L'avant-projet, vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, a été présenté avec
grand talent par le président Giscard d'Estaing. Il m'a fait penser à un plan
de thèse : vous sont communiqués les intitulés des différentes parties, les
têtes de chapitres, mais très peu d'informations - voire aucune - quant aux
contenu. Vous savez comment procèdent alors les présidents de jury : ils
décryptent les énoncés sibyllins pour essayer de deviner ce qui s'annonce. Or,
à lire ces énoncés, je n'ai pas trouvé dans cet avant-projet le souffle
historique qui inspire les grandes oeuvres constitutionnelles. Mais peut-être
est-ce, là encore, une manifestation de ce pessimisme naturel que j'évoquais à
l'instant.
Monsieur le ministre, madame la ministre déléguée, je le confesse volontiers,
j'ai toujours considéré le constitutionnalisme comme un art. Doterons-nous
l'Europe d'un chef-d'oeuvre constitutionnel ?
A ce stade, j'ai plutôt l'impression que se profile une rénovation ou une
transformation, mais pas nécessairement une création.
En tout cas, j'ai relevé que le concept si riche de fédération d'Etats-nations
avait perdu quelque peu de sa flamme, de son lustre, en cours de route.
Le caractère fédératif de l'Union aurait dû, selon moi, se traduire par
l'affirmation du principe premier de la majorité qualifiée, quelles qu'en
soient les modalités. Or, en examinant de près le texte de l'avant-projet, je
n'y ai vu nulle part les mots de « majorité qualifiée ». S'ils figurent dans
les explications, ils ne sont pas dans le texte lui-même. Mais ce n'est pas une
raison pour ne pas espérer que la majorité qualifiée devienne la préférence et
même le principe, celui de l'unanimité étant alors abandonné.
On a vu disparaître la distinction, complexe, bien difficile à faire
comprendre, même aux spécialistes, entre les différents piliers, surtout dans
les rénovations intervenues. Cela est bien. Dans les trois domaines de la PESC,
de la défense et de la politique commune en matière de police et de justice
pénale, on parle de « procédure d'application ». Une telle expression fait
toutefois penser à une action commune des Etats, à une coopération entre eux,
plutôt qu'à une action propre de l'Union.
Je n'interviendrai pas, à ce stade sur la question, qui mérite un débat à elle
seule, de la PESC et de la défense. Vous en avez très bien posé les termes,
monsieur le ministre, et elle a fait l'objet d'une excellente intervention de
M. Vinçon.
S'agissant de la justice et de la sécurité, je tiens à dire que les grandes
menaces qui pèsent aujourd'hui sur l'ensemble des Etats de l'Union européenne
relèvent de la criminalité organisée. Qu'il s'agisse du terrorisme, du trafic
de stupéfiants, de la traite des êtres humains, de la prostitution ou des
infractions financières, c'est toujours sous la forme de criminalité
internationale organisée que nous rencontrons l'adversaire. Or nous ne pouvons
pas continuer à lutter contre cette criminalité avec les moyens dont nous
disposons actuellement ; il y va des intérêts premiers de nos concitoyens et de
nos Etats.
Le président Haenel a avancé à juste titre l'idée - ce ne serait qu'un premier
pas mais j'approuverais totalement une telle initiative - de la création d'un
Haut commissaire pour la politique de justice et de sécurité commune.
Je regrette que l'avant-projet ne fasse pas preuve de plus d'audace à cet
égard. Je regrette aussi que n'y soit pas mentionnée la création, pourtant
nécessaire, d'un parquet européen, dont la compétence serait d'ailleurs
supérieure à celle qui est généralement envisagée.
En tout cas, dans ce domaine, l'action de l'Union doit absolument être commune
et rigoureuse.
Pour le reste, j'évoquerai seulement deux institutions : le Congrès et la
présidence de l'Union.
L'idée d'un Congrès, séduisante à première vue, a été accueillie - tous ceux
qui étaient présents l'ont remarqué - avec une certaine réserve, pour ne pas
dire une certaine froideur.
S'il s'agit d'un forum, d'un espace de discussion permettant la rencontre
annuelle de représentants des parlements nationaux et de membres du Parlement
européen, c'est parfait. Ce serait en effet l'occasion d'évoquer des problèmes
communs. Mais cela ne mérite pas d'être institutionnalisé. Ce serait une sorte
de COSAC améliorée, sous un autre nom.
Pourquoi ne faut-il pas l'inscrire dans le traité ? Parce que toute procédure
de révision ou de modification d'une disposition constitutionnelle à
l'intérieur d'un traité comme celui-là engendrera des difficultés
considérables.
Si l'on doit aller vers un forum élargi, renouvelé, je dis bravo ! Mais
l'inscrire dans le traité et, surtout, l'appeler Congrès, me paraît une erreur.
Partout, en effet, le terme « Congrès » évoque l'instance supérieure. Nous
savons dans quelles circonstances solennelles nous nous réunissons en Congrès.
Aux Etats-Unis, le Congrès est bien l'instance suprême. Et je n'ai pas besoin
de rappeler ce que cela signifiait du temps du système soviétique ! Dès lors,
l'institution d'un « Congrès » donnerait à penser qu'il s'agit d'une instance
supérieure par rapport au Parlement européen.
On comprend, alors, les réserves que cette idée a aussitôt suscitées.
S'il s'agit de faire respecter les prérogatives des Parlements nationaux
européens, on peut résoudre le problème autrement.
Il y a d'abord la question essentielle des dispositions de droit
constitutionnel interne et celle du renforcement, nécessaire, de l'intervention
du Parlement dans le cadre de chaque Etat.
En ce qui concerne le respect, important pour les Parlements nationaux, du
principe de subsidiarité ou des principes généraux régissant les compétences
respectives de l'Union européenne et des Etats, des propositions intéressantes
ont été faites. Mais je rappelle qu'il ne serait pas concevable qu'un Parlement
national ou, pis encore, une chambre d'un Parlement ait le droit de saisir la
Cour de justice en ce qui concerne le respect de la subsidiarité : en effet,
les chambres des Parlements ne disposent pas, au regard d'un Etat, de la
personnalité juridique internationale. On n'imagine pas la Cour de justice
saisie par une chambre d'un Etat alors que le Gouvernement de ce même Etat
aurait, lui, une position radicalement contraire. Que deviendrait alors la
notion même d'Etat ?
C'est donc dans d'autres directions qu'il faut chercher la réponse, et la
réflexion à cet égard mérite d'être poursuivie.
J'en viens à la présidence de l'Union, sujet essentiel, et qui me tient
particulièrement à coeur.
La présidence de l'Union ne peut plus être tournante : ce qui était
parfaitement adapté à six et pouvait encore se concevoir à douze devient
absurde à quinze et plus encore à vingt-cinq.
Je sais la réticence des petits Etats, qui souhaitent pouvoir affirmer leur
appartenance à égalité avec les grands par le recours à la présidence
tournante. Mais, à vingt-cinq Etats, avec une présidence différente tous les
six mois, le tour de chacun ne revient que tous les douze ans et demi ! Et, si
l'on porte à un an la durée de la présidence, c'est une fois par quart de
siècle ! Cela rappellerait les itinérances de la cour royale de château en
château !
En vérité, il faut fixer la présidence à la personne d'un président. Je crois
profondément à la nécessité de l'incarnation de l'Union européenne en la
personne d'un Président de l'Union européenne.
Je marque que cette haute fonction, pour qu'elle prenne toute sa dimension,
doit être exercée par une personnalité européenne prestigieuse, qui aura rendu
des sercices éclatants, éminents à la cause européenne.
Incarnant l'Union, son président devra évidemment la représenter dans toutes
les grandes circonstances internationales, mais aussi à l'intérieur des Etats
membres, ainsi que devant le Parlement européen.
Cela me paraît indispensable pour que l'Union prenne conscience de son unité
profonde, pour que tous ses citoyens se souviennent qu'ils habitent une même
Europe, que celle-ci n'est pas seulement un espace d'échanges commerciaux, que
l'Europe d'aujourd'hui est aussi l'héritière d'une grande histoire, la
dépositaire d'une grande culture et de valeurs fondamentales. C'est à cette
personnalité qu'il appartiendra de faire entendre ce message à travers l'Europe
et au-delà.
Nous le savons bien, des poisons menacent toujours l'Union européenne, comme
d'autres ensembles démocratiques : racisme, xénophobie, intolérance, fanatisme.
Il reviendra au Président de l'Union européenne de rappeler à tout moment que
l'Union européenne est résolument fondée sur des valeurs qui sont contraires à
ces poisons-là.
Pour une Union européenne comprenant 480 millions d'habitants et composée de
vingt-cinq Etats - peut-être plus -, le magistère du Président de l'Union sera
essentiellement d'ordre moral, voire symbolique. Il ne peut s'agir d'une
fonction politique au sens où le président aurait la responsabilité de la
direction de l'Union. Il vient un moment où, dans un espace si vaste et si
différencié, l'unité est plurielle, bien que fondée sur des valeurs communes,
et les Européens doivent se reconnaître dans cette personnalité, sans penser à
sa couleur politique.
C'est la raison pour laquelle, partant de l'idée de la double souveraineté,
phénomène extraordinaire qui caractérise l'Union européenne - en l'occurrence
la souveraineté des Etats membres de l'Union, fédération d'Etats souverains, et
la souveraineté du peuple européen, cette immense communauté de 480 millions de
citoyens -, le Président de l'Union devra être désigné par le Conseil européen
et investi par le Parlement de l'Union.
Je le répète, c'est un magistère moral et non pas une responsabilité politique
qu'il doit exercer, ou alors, si l'on considère l'adjectif « politique » dans
un sens noble, je veux bien, en cet instant, admettre que c'est simplement dans
cette dimension-là que cette responsabilité sera assumée par lui.
Le pouvoir exécutif, au sein de l'Union, étant infiniment complexe, je ne
l'évoquerai pas, pour l'heure, en détail. Vous connaissez mes opinions sur ce
sujet, qui mérite que l'on y travaille encore.
En revanche, j'attire votre attention sur un point : un président du Conseil
européen, qui ne serait ni un
chairman
ni un président de la IIIe
République, mais qui assumerait véritablement cette fonction, préparerait le
Conseil, veillerait à l'exécution des décisions, présiderait le Conseil des
affaires générales, jouerait un rôle politique de toute première grandeur, j'y
insiste, et aurait une fonction politique considérable non seulement au sein de
l'Union mais aussi au-delà de celle-ci.
Si l'on exerce une fonction politique dans une démocratie, comment ne pas
concevoir que ce président du Conseil européen ne soit pas investi, au-delà de
sa désignation par le Conseil européen, par le Parlement européen ? Et si le
Parlement européen, qui est l'expression de l'autre souveraineté, celle des
citoyens européens, intervient comme il doit le faire pour l'investiture, on ne
peut pas, s'agissant d'une fonction politique, échapper à ce qui est l'essence
même de toute démocratie, c'est-à-dire l'exercice d'un contrôle parlementaire,
voire la censure. Sans cela, nous ne parviendrons pas à rééquilibrer notre
Union.
Ainsi donc, si la présidence du Conseil européen, telle qu'elle est envisagée,
n'inclut pas le contrôle et la mise en cause de la responsabilité éventuelle,
elle ne répondra pas aux exigences que j'évoquais tout à l'heure. Fonction
politique, il en faut une ; pouvoir exécutif fort, il en faut un ; mais
incarnation de l'Union, je ne saurais trop souligner combien cette fonction
symbolique et morale est essentielle pour cette union complexe.
En conclusion, je formulerai, au nom de tous les membres du groupe socialiste,
un rappel et un voeu.
Je rappelle d'abord qu'aucun progrès substantiel n'est jamais intervenu dans
l'Union sans que la France en ait été, avec l'Allemagne, l'initiateur et
l'artisan.
Nous souhaitons, par ailleurs, qu'un audacieux projet commun prenne en compte
les équilibres complexes d'une fédération d'Etats souverains qui, on ne le
soulignera jamais assez, n'est pas un Etat fédéral. Si nous parlions d'un Etat
fédéral, il faudrait penser les institutions autrement.
Nous devons élaborer, ce qui est unique, les institutions d'une fédération
d'Etats souverains. Nous souhaitons que ce projet commun recueille une large
adhésion en Europe. Pour notre part, nous ne ménagerons pas notre concours à un
tel projet. Il doit correspondre à la vision de l'Union européenne en tant
qu'ensemble porteur de paix, de progrès économique, de justice sociale et de
solidarité internationale.
(Applaudissements sur les travées du groupe
socialiste, sur celles du RDSE, ainsi que sur certaines travées des
Républicains et Indépendants. - M. le président de la délégation applaudit
également.)
M. le président.
La parole est à M. Denis Badré.
M. Denis Badré.
Monsieur le ministre, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, les
candidats à l'adhésion ont entrepris des efforts extraordinaires pour l'Europe.
Mais, comme le souligne le commissaire Günter Verheugen, ils étaient de toute
façon, à titre individuel, appelés à réaliser ces progrès. La perspective de
l'adhésion à l'Union a simplement motivé, orienté, polarisé leurs efforts.
L'Union nous motive-t-elle encore pour accomplir les progrès que nous sommes
toujours appelés à réaliser ? En effet, nous ne sommes pas exemplaires dans
tous les domaines. La mondialisation nous condamne à une compétitivité sans
merci, de tous les instants. De surcroît, dans un monde ouvert, l'expérience
d'ouverture intérieure proposée par l'Union prend une résonance particulière
parce qu'elle est facteur de progrès, bien sûr sous certaines conditions. Une
Europe responsable et respectueuse de chaque peuple et de chaque citoyen trace
un chemin vers une mondialisation humanisée que nous souhaitons tous
effectivement.
Qui, aujourd'hui, parle de l'Europe de la manière la plus forte et la plus
convaincante ? Ce sont nos amis d'Europe centrale et orientale. Ils ne le font
ni par naïveté, ni par angélisme, ni par intérêt, ni par méconnaissance du
sujet. Ils le font plutôt au nom de cette « utopie » dont Bronislaw Geremek dit
qu'elle est indispensable à un véritable engagement politique. Ils croient en
un avenir qu'ils entendent bâtir avec nous ! Affirmons haut et clair que nous y
croyons également et que nous partageons leur volonté, même si leur regard neuf
nous invite à un retour sur nous-mêmes et sur notre passé.
Nous nous souvenons des discours prononcés à cette tribune par M. le président
Vaclav Havel ou par Mme la présidente de la République de Lettonie, Vaira
Vike-Freiberga, il y a quelques semaines.
Ce qui permet à un peuple de supporter l'oppression, nous disait, voilà
quelques jours, Sandra Kalniete, ambassadeur de Lettonie en France, après avoir
rappelé qu'elle était née en Sibérie, ce sont sa langue et sa culture.
Elle ajoutait que la culture est à un peuple ce que le visage est à une
personne, c'est ce qui lui permet de se reconnaître et d'être reconnue, ce qui
exprime immédiatement et profondément son identité. Cette image me paraît très
forte.
Oui, bien plus qu'un marché unique dont l'intérêt n'est remis en cause par
personne, nous voulons construire une Europe au sein de laquelle chaque
Européen et chaque peuple puissent être identifiés comme uniques et
irremplaçables.
Si les Etats candidats sont ceux qui, aujourd'hui, parlent avec le plus
d'espérance de l'Union, ce sont aussi ceux qui contribuent le plus concrètement
à sa construction, plus que ne le font les membres de l'Union ou le couple
franco-allemand. Nous devons en prendre conscience et l'accepter en toute
humilité.
Ils le font d'abord en étant candidats, c'est-à-dire en disant que ce projet,
devenu pour nous un peu banal, peut plus que jamais séduire et que, s'il
n'existait pas, nous devrions sans doute l'inventer.
Il existe un besoin d'Europe sur notre vieux continent, comme vous le
rappeliez tout à l'heure, monsieur le ministre, mais aussi dans le monde.
Je participais, il y a quelques semaines, dans le cadre de la Fondation Robert
Schuman, à une réunion de parlementaires de l'ensemble des Balkans, de
l'Albanie à la Roumanie, et de la Croatie à la Grèce. Ces derniers savent mieux
que personne que la diversité des races et des religions peut engendrer les
plus grands malheurs. Ils ont aussi compris que l'Union européenne était « la »
solution pour surmonter ces malheurs, et surtout pour éviter leur retour.
Si la construction européenne n'avait jailli des cendres des conflits
franco-allemands, l'idée pourrait en être lancée aujourd'hui dans les Balkans,
ce qui ne veut pas dire que tout y deviendrait simple, comme par enchantement.
Cela, nous le savons aussi, puisque nous travaillons à notre propre
construction depuis cinquante ans.
Les pays candidats servent aussi directement et très concrètement la
construction européenne, en nous obligeant à nous poser de vraies questions que
la lassitude pourrait nous faire encore éluder. C'est un service inestimable
qu'ils nous rendent ainsi.
Ce que nous faisions à six, nous l'avons fait à neuf, à douze, à quinze ;
pourquoi ne le ferions-nous pas à vingt-cinq, en élargissant d'ailleurs
toujours la gamme des sujets que nous avons l'ambition de traiter ensemble ?
Toutefois, un moment viendra où le mieux sera l'ennemi du bien, où la
complexité engendrera la paralysie. Il fallait donc un choc pour faire éclater
la réalité et pour montrer que le temps n'était plus au ravaudage. Sans doute
fallait-il aussi un choc pour nous permettre de mesurer le chemin parcouru et
de dire combien nous en sommes fiers, ce que nous ne faisons d'ailleurs pas
assez non plus.
Par conséquent, tout reste à faire pour donner tort à ceux qui, aujourd'hui,
poussent à un élargissement au fil de l'eau parce qu'ils souhaitent la mort de
l'idée européenne.
Oui, l'Europe doit s'élargir. Son génie, son histoire et son destin l'y
invitent. Le projet européen, celui qui nous réunit tous à l'échelle du
continent, doit rayonner dans le monde. L'humanisme des pères fondateurs de
l'Europe leur avait très vite fait prendre conscience que l'idée de constituer
un petit club fermé n'avait aucun sens.
Comme vous le rappeliez, monsieur le ministre, tout à l'heure, les accords de
Yaoundé puis ceux de Lomé ont très vite confirmé ce constat. Nous sommes tous
convaincus de l'importance de ces accords et, incidemment, je rappelle que
l'avenir de l'Union européenne et son rayonnement mondial seront aussi fonction
de notre capacité à faire vivre ces accords.
Par ailleurs, le traité de Rome prévoyait explicitement l'élargissement de
l'Europe. Quelle Constitution de quel Etat a jamais présenté semblable
disposition ? Dès l'origine, nous étions donc hors des normes. Sachons y
demeurer et sachons continuer à innover.
Dans ces conditions, comment refuser la réunification de l'Europe ? Comment
fermer notre porte à des peuples européens qui, pendant un demi-siècle, ont été
retranchés de cette Europe par la force ? Réussir une Europe plus large est
bien sûr plus difficile. Mais il n'y a pas d'autre solution. Sur ce point, nous
avons une obligation de résultat. Comme toujours, s'agissant de la construction
européenne, tout n'est qu'affaire de volonté politique, de volonté des peuples,
des parlements, des gouvernants.
La Convention, venue à son heure, doit déboucher sur des propositions non
seulement opérationnelles et concrètes, mais aussi - j'y insiste - sur des
propositions simples, lisibles et compréhensibles par tous les Européens.
Sinon, à quoi bon rêver et faire rêver d'une Europe des citoyens ?
L'idée d'une Constitution pour l'Europe a fort heureusement fait son chemin.
Dire ce que l'Union doit faire et quels moyens elle doit employer ne peut
choquer personne. Cela ne manifeste ni une volonté bureaucratique, ni une
régression historique, ni une violation des consciences. Cela doit simplement
être l'expression d'une volonté bien naturelle de peuples qui choisissent
librement de s'unir. Cette démarche politique doit, de plus, être emblématique
et clairement affichée.
L'étape actuelle de l'histoire de la construction européenne est aussi
naturelle que le début de l'histoire des communautés qui avait vu naître un
Conseil, réunissant de manière tout à fait originale - prenons-en conscience -
un représentant par Etat ainsi qu'une personne chargée de rappeler à tous que
l'intérêt commun qui les unissait s'ajoutait aux intérêts propres à chacun et
qu'il fallait progresser en cherchant sans cesse à rendre ces différents
intérêts compatibles.
Il y avait là une forme inédite de fédéralisme qui consistait, de manière tout
à fait originale, à agir ensemble en étant toujours un de plus autour de la
table, cette personne supplémentaire étant la Commission.
La même formule a d'ailleurs, et ce n'est sans doute pas un hasard, été
reprise lorsqu'il s'est agi de mettre en place les institutions de l'Union
monétaire. Le conseil des gouverneurs réunit un représentant par Etat, ainsi
que le président de la Banque centrale européenne. L'idée est la même, le
président de la Banque centrale jouant au sein du système monétaire européen
absolument le même rôle que le président de la Commission au sein du
Conseil.
Rappeler ainsi que la Commission est un membre du Conseil n'est pas inutile,
ne serait-ce que pour récuser sans appel l'idée que la Commission devrait
elle-même réunir un représentant de chaque Etat membre, donc devenir à son tour
une sorte de Conseil
bis
, mais sans la Commission. Il y a là une
absurdité devant laquelle il faut réagir. La Commission est membre du Conseil,
elle n'est ni un nouveau Conseil, ni un Conseil
bis
au rabais.
La Convention doit nous proposer des institutions susceptibles de continuer à
gérer ce qui relève du « commun », c'est-à-dire ce qui reste de la compétence
des Etats avec mise en place de communautés. Elle doit nous proposer aussi des
institutions pour mettre en oeuvre ce qui est appelé à devenir unique, donc les
compétences transférées à l'Union après décision des peuples.
Au-delà des institutions, je citerai rapidement une série de sujets qui
doivent également être au coeur de nos réflexions actuelles, si nous voulons -
et je ne doute pas de cette volonté - réussir l'élargissement. Ces questions,
que l'élargissement nous donne l'opportunité de traiter, qu'il nous condamne
même à traiter dès maintenant, ne peuvent plus être éludées.
Parmi ces questions, la première, bien sûr, qui a été évoquée largement
pendant ce débat est « jusqu'où l'Europe ? » La question de l'adhésion de la
Turquie est posée ; demain se poseront celles de l'Ukraine ou de la Russie. Je
parlais tout à l'heure des Balkans. Je pense que l'Union, affichée comme
européenne, est appelée à réunir des membres qui se retrouvent dans une loi
commune qu'ils acceptent librement.
J'ajoute qu'il est important que chaque membre, présent ou futur, de l'Union
s'interroge pour savoir ce qu'il apporte aux autres, ce que ceux-ci peuvent
attendre de lui. Il trouvera alors mieux sa place parmi eux et l'Union sera
plus forte. Madame le ministre, sans doute vous souvenez-vous d'un débat que
nous avions eu sur ce sujet avec des Bulgares.
Autre sujet, l'Europe de la défense doit progresser rapidement. Il n'y aura
pas d'Europe vraiment politique qui ne commence par prendre en charge sa
sécurité.
Les Etats-Unis militent activement auprès de chacun des candidats à l'Union
pour qu'ils participent prioritairement à la seule vraie alliance politique à
leurs yeux, l'Alliance atlantique. Ils militent donc pour que les candidats
rejoignent rapidement l'OTAN.
L'Union européenne entend être un pilier majeur de cette Alliance atlantique ;
elle doit le faire comprendre d'urgence aux candidats : leur participation aux
institutions de défense de l'Union européenne est, pour eux, vitale.
L'Union européenne ne dispose pas d'un budget digne de ce nom. Comment peut-on
parler de démocratie, alors que les dépenses sont votées par le Parlement
européen et les recettes par les parlements nationaux ? Comment peut-on parler
du principe, fondamental en démocratie, du consentement à l'impôt, alors qu'on
demande simplement aux Etats de cotiser à l'Union sans leur donner le moindre
droit de regard sur les dépenses de cette Union ?
Cette situation nourrit par ailleurs tous les réflexes anticommunautaires qui
s'appuient sur le principe du « retour net », principe qu'il faut condamner
définitivement. Mais pour cela, il faut que l'Europe dispose d'un vrai
budget.
Je souhaite évoquer rapidement la politique agricole commune, la PAC, dont il
ne faut plus ajourner la réforme.
Les Etats candidats ont une agriculture dont la situation rappelle étrangement
celle des membres de l'Union lorsque la PAC a été fondée, à ceci près que notre
PAC d'origine reposait sur un choix de société : les consommateurs acceptaient
de payer les produits alimentaires à un prix tel qu'ils contribuaient à assurer
la sécurité quantitative et sanitaire de leur alimentation, sa qualité et
l'équilibre du monde rural.
Depuis, la PAC a été complètement dénaturée lorsqu'ont été mises en place des
aides directes à l'américaine, qui reprenaient la formule du
deficiency
payment
et n'avaient rien à voir avec la logique de la PAC.
L'élargissement de la PAC, qui signifie aujourd'hui l'élargissement des aides
directes, est consternant. En effet, cela ne résoudra pas le problème de pays
qui ne sont pas dans la même situation que celle que nous connaissions en 1992.
L'écheveau est totalement emmêlé et les choix de société ont disparu, chez nous
et chez les candidats. Ils sont pourtant plus que jamais nécessaires, pour
nous, comme pour eux. Ayons le courage d'y revenir maintenant, car nous
n'aurons plus très longtemps la chance de pouvoir le faire. Nous ne disposons
que d'un temps limité. Nous prendrions une lourde responsabilité si nous ne
l'exploitions pas immédiatement et complètement.
Je me limite à ces quelques sujets très concrets : institutions, défense et
sécurité, budget et PAC. Je pourrais en évoquer, bien sûr, beaucoup d'autres :
l'élargissement nous offre une opportunité unique de réagir pour aller de
l'avant.
Ne refusons ni l'élargissement, ce qui serait suicidaire, ni de réagir, ce qui
serait nous condamner à une mort lente.
La construction européenne attend la Convention, mais elle attend surtout, et
encore bien plus, la France. Elle attend que la France montre à nouveau la
voie.
Enfin, nos concitoyens, en grande majorité, n'ont pas encore vraiment compris
ce que représentait l'élargissement. Ils ne mesurent ni sa difficulté, ni les
chances qu'il offre, ni les défis à relever, ni les enjeux en cause. Ils n'ont
pas saisi non plus que la question se pose aujourd'hui. Pour eux, cette
question reste un peu théorique, un peu floue. Un effort de pédagogie sans
précédent doit être entrepris.
Monsieur le ministre, vous parliez fort justement de « reconquête de l'opinion
publique ». Oui, il faut reconquérir l'opinion publique dans notre pays, mais
il faut aussi conquérir celle des pays candidats. Ensemble, nous devons nous y
employer, afin que l'Europe soit vraiment, pour reprendre l'expression de M.
Tandar, ambassadeur d'Afghanistan auprès de l'Union européenne, « non pas un
tiroir-caisse, mais un trésor d'idées et de cultures, une éthique, une vision,
un projet pour l'avenir du monde ».
(Applaudissements sur les travées de
l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur
certaines travées du RDSE. - M. Robert Badinter applaudit également.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Dominique de Villepin,
ministre des affaires étrangères.
Monsieur le président, mesdames,
messieurs les sénateurs, je tiens à remercier l'ensemble des orateurs qui se
sont exprimés au nom des groupes politiques de la qualité de leurs
interventions. Mme Bidard-Reydet, MM. Vinçon, de Montesquiou, Jacques Blanc,
Badinter et Badré ont confirmé par leurs propos la haute tenue de ce débat,
engagé par les présidents Haenel et Dulait.
Je souhaite répondre en particulier aux questions concernant la politique
étrangère et la défense, mais aussi le schéma institutionnel futur, avant de
passer la parole à Mme Noëlle Lenoir, qui répondra, aux autres importantes
questions soulevées ce matin.
Dans son intervention consacrée à la politique étrangère et à la défense, M.
Vinçon a posé trois questions, toutes essentielles.
La première est de savoir comment concilier l'ambition ou le volontarisme
politique et le nombre. Comme le remarque également, à juste titre, le
président Dulait, tous les Etats membres n'ont pas la même ambition
internationale pour l'Europe. J'en conviens avec eux. C'est la raison pour
laquelle la France considère qu'il faut introduire dans la diplomatie
européenne plus de direction ou de
leadership,
ainsi que plus de
permanence. Nos propositions en faveur d'un président élu du Conseil européen
et d'un ministre des affaires étrangères répondent à cet objectif de
volontarisme.
La deuxième question de M. Vinçon porte précisément sur ce ministre des
affaires étrangères européen.
Je suis convaincu qu'il faut aujourd'hui dépasser le statut, quelque peu
subordonné, du Haut représentant pour en faire un responsable politique à
l'égal des membres du Conseil, dont il doit présider les travaux pour ce qui
concerne les ministres des affaires étrangères. Le ministre européen doit
clairement relever du Conseil : c'est de lui qu'il tire son mandat et la
légitimité de son action ; c'est au Conseil qu'il rend compte, sous l'autorité
du Conseil européen incarnée par son président élu.
Pour être efficace, la politique étrangère européenne doit pouvoir utiliser de
manière cohérente l'ensemble des moyens à sa disposition, y compris les moyens
d'action extérieure de la Communauté européenne, dont la gestion incombe à la
Commission. Il est donc indispensable que le ministre européen des affaires
étrangères puisse recourir, en tant que de besoin, aux moyens communautaires,
notamment budgétaires ou commerciaux. Nous devrons donc veiller à définir les
articulations nécessaires à cette fin.
La troisième question de M. Vinçon est consacrée aux moyens militaires et aux
questions d'armement. J'ai souligné dans mon intervention que nous souhaitions
promouvoir une sorte de pacte de convergence des dépenses de défense, souscrit
volontairement par les Etats membres, en augmentant l'effort d'équipement et en
rationalisant l'allocation des ressources. Nous réfléchissons à la possibilité
de fixer dans ce domaine un ou des objectifs de convergence afin que chacun
participe à l'effort commun.
Cette approche commune pourrait, le cas échéant, faire l'objet d'une
coopération renforcée. Il me paraît essentiel également de développer une
politique multisectorielle de l'armement afin de développer l'harmonisation des
besoins opérationnels et la préparation du futur, en renforçant notre base
industrielle et technologique de défense et en progressant vers un marché
européen de l'armement. Une agence européenne de l'armement pourrait être créée
à cette fin, sur la base des mécanismes de coopération existants.
J'en viens à présent aux questions institutionnelles. M. Badinter, en
particulier, a publié voilà quelques semaines un schéma de Constitution qu'il a
bien voulu nous présenter ce matin. Ce projet repose, entre autres ambitions,
sur une volonté affirmée de dépasser les catégories institutionnelles de
l'Union actuelle, pour bâtir un nouveau système articulé autour de deux
personnalités.
Un président de l'Union serait en quelque sorte le visage de l'Europe et son
garant moral. Il serait assisté d'un Premier ministre qui serait le responsable
de la machine européenne, en dirigeant à la fois les travaux du Conseil des
ministres et ceux de la Commission.
La réflexion de M. Badinter va droit à l'essentiel et identifie de manière
très précise les défauts du système actuel de présidence semestrielle du
Conseil. Il vise à corriger les inconvénients résultant de la multiplication de
personnalités exerçant un rôle de président : à la tête du Conseil européen, du
Conseil des ministres, de la Commission et du Parlement européen. Cette
proposition est très intéressante et l'idée d'un magistère moral est bien dans
la ligne de la conception humaniste de l'Europe que nous voulons bâtir.
Pour sa part, le Gouvernement a choisi de retenir, à ce stade des travaux de
la Convention, des options fondées à la fois sur l'expérience, les acquis et
les réussites des institutions.
Je ne crois pas que les développements de l'Europe aient encore atteint le
point où le Conseil et la Commission puissent aujourd'hui partager un président
commun. Dans le système communautaire, l'indépendance et l'autonomie de la
Commission sont le garant de la neutralité de ses positions, qui ne doivent
être inspirées que par le souci de l'intérêt général européen. En outre, le
partage dans le système européen du pouvoir exécutif comme du pouvoir
législatif obéit à des règles très différentes de celles que l'on observe dans
les Etats classiques. Les institutions inventées par les pères fondateurs de
l'Europe répondent aux besoins très spécifiques de ce système original pour ce
qui concerne la méthode communautaire. C'est la raison pour laquelle le
Gouvernement a choisi de concentrer ses propositions sur la dimension
institutionnelle de la politique étrangère et de la défense, où tant la méthode
communautaire que la méthode intergouvernementale ont amplement montré leurs
limites.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants, de l'Union centriste et du RDSE. - M. Robert Badinter applaudit
également.)
M. le président.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Noëlle Lenoir,
ministre déléguée aux affaires européennes.
Monsieur le président de la
commission des affaires étrangères, monsieur le président de la délégation du
Sénat pour l'Union européenne, le débat que vous avez engagé est de ceux qui
confortent notre démocratie. Les questions sont en effet majeures : quelle
Europe voulons-nous pour demain, pour quoi faire et comment ? Les réponses sont
urgentes et concernent en particulier la représentation nationale.
Comme M. Dominique de Villepin, je tiens à saluer et remercier les
intervenants à ce débat, qui a été des plus enrichissants.
Eu égard au mode de fonctionnement de la Convention, comme l'a souligné le
président Haenel, il est particulièrement important, pour Dominique de Villepin
comme pour moi, d'établir ainsi un contact étroit et constant avec vous sur ces
questions fondamentales pour l'avenir de notre pays. C'est d'ailleurs dans cet
esprit que je me rendrai, ce soir même, auprès de la délégation du Sénat pour
l'Union européenne.
Plusieurs interventions, notamment celles de Mme Bidard-Reydet et de M. de
Montesquiou, ont mis l'accent sur l'exigence de démocratie. Cette exigence
passe-t-elle par la ratification par référendum du texte qui sera issu des
propositions de la Convention et élaboré par la Conférence intergouvernementale
? Pourquoi pas ? Ce sera au Président de la République d'en décider. Mais ce
n'est pas dans cette assemblée que j'ai besoin de rappeler que la démocratie ne
se résume pas au seul référendum.
Votre Haute Assemblée illustre d'ailleurs aujourd'hui tout l'intérêt qu'il y a
à mieux impliquer les parlements nationaux dans le débat européen. C'est dans
cet esprit que nous avons très favorablement accueilli plusieurs des
propositions importantes figurant dans les rapports des premiers groupes de
travail à la Convention. Ainsi, la création d'un mécanisme d'alerte précoce
permettant d'impliquer les parlements nationaux dans le contrôle de
subsidiarité, selon des règles qui restent à définir, monsieur Badinter, nous
semble très intéressante. Ce contrôle serait mis en oeuvre bien avant
l'adoption de l'acte - directive ou règlement - par le Conseil, d'où son
intérêt !
De même, nous soutenons l'idée d'un Congrès qui, sans devenir une deuxième
chambre susceptible de rendre encore plus complexe la procédure législative,
tiendrait, à intervalles réguliers, une réunion de parlementaires nationaux et
européens et permettrait notamment de débattre, chaque année et solennellement,
de l'état de l'Union. C'est une idée qui nous paraît très riche. Nous
n'oublions pas pour autant l'importance, que M. de Montesquiou a eu raison de
rappeler, du contrôle des gouvernements par les parlements nationaux, contrôle
qui n'a pas cependant à être régi par l'échelon européen.
La démocratie en Europe, c'est d'abord l'intervention d'élus dans le processus
décisionnel. Mais c'est aussi, vous avez été nombreux à le rappeler, le respect
de la minorité et des droits des individus. Dans la France d'aujourd'hui, tout
particulièrement au Sénat, il n'est pas nécessaire d'opposer, comme le faisait
jadis Victor Hugo, qui fut l'un des vôtres, le droit et la loi.
En Europe même, le respect des droits fondamentaux, l'affirmation de l'Etat de
droit peuvent encore être consolidés. Nous pensons qu'il est possible à cet
égard d'améliorer nettement le dispositif de la protection des droits
fondamentaux des citoyens dans l'Europe.
Ainsi, et cela a été souligné à plusieurs reprises, un consensus se dégage sur
l'intégration de la Charte des droits fondamentaux dans la Constitution. Nous y
sommes, nous aussi, résolument favorables.
Cette réforme consacrerait la vocation de l'Europe comme promoteur de la
défense des droits de l'homme. A cet égard, la Charte pourrait trouver, selon
nous, une plus large application si étaient retenues les propositions que nous
avons faites sur une ouverture encadrée du droit de recours des particuliers
devant la Cour de justice de Luxembourg. Ce serait à notre sens une avancée non
négligeable.
Plus de démocratie passe également, mais pas seulement, par un rôle accru du
Parlement européen. Il faut donc conforter sa position de colégislateur, tout
en prévoyant une simplification des procédures.
Le comité des régions ne sera pas oublié non plus, monsieur Blanc. Il sera
inclus dans cette réflexion sur l'équilibre institutionnel démocratique de
l'Union.
Mme Bidard-Reydet a évoqué pour sa part la création d'un groupe de travail en
matière sociale. Comme M. Badinter l'a dit, nous avons demandé et obtenu, lors
de la dernière session plénière de la Convention, la création d'un groupe de
travail sur l'Europe sociale. Les conventionnels représentant l'exécutif ont
d'ailleurs d'ores et déjà déposé une contribution écrite qui comprend des
propositions précises quant à la recherche d'un équilibre entre efficacité du
marché et impératifs de cohésion sociale et territoriale, notamment par une
meilleure coordination des politiques économiques et des politiques de
l'emploi.
Cette contribution prévoit également une approche des règles de concurrence et
de compétitivité qui, selon votre souhait, intègre le progrès social et la
préservation des services publics, ainsi que la constitution d'un socle minimal
de droits sociaux.
M. Badré a, pour sa part, évoqué plus spécifiquement la problématique de
l'élargissement. Nous pensons, comme lui, que l'élargissement a, parmi ses
mérites, celui de nous obliger à nous concentrer sur une réforme
institutionnelle de grande ampleur, sans laquelle l'Europe deviendrait
ingouvernable.
M. Badré va plus loin, puisqu'il pose également la question de l'impôt
européen, qui constitue, il est vrai, un pilier de toute démocratie et le
fondement même de la légitimité démocratique de toute entité politique. C'est
la raison pour laquelle le Gouvernement examine à l'heure actuelle avec un
esprit ouvert l'opportunité d'un tel impôt communautaire.
Comme le souligne également M. Badré, l'élargissement est la donnée qui
sous-tend l'ensemble de la construction de l'avenir de l'Europe, notamment
l'avenir d'une de ses politiques fondatrices, à savoir la politique agricole
commune, la PAC. Avec l'accord obtenu par le Président de la République à
Bruxelles, nous avons, vous le savez, pérennisé le financement de la dépense
agricole au moins jusqu'en 2013, de même que nous avons garanti la non-remise
en cause de l'accord de Berlin jusqu'à 2006.
Pour la période 2007-2013, il faudra, vous l'avez souligné, examiner quel type
de politique agricole commune nous voulons pour maintenir une ligne d'action
ambitieuse et réfléchie, tout en respectant les niveaux de dépense agréés à
Bruxelles. Cela passera nécessairement, monsieur le sénateur, vous avez eu
raison de le souligner, par une réforme de certains mécanismes. Nous
veillerons, en tout état de cause, à maintenir une politique commune efficace
et ambitieuse pour l'agriculture européenne.
Monsieur Badré, vous avez aussi souligné l'importance des réseaux
transeuropéens dans la construction de la grande Europe. Cette politique se
développe, il est vrai, à nos yeux, à un rythme insuffisamment rapide. Les 2,78
milliards d'euros prévus pour la période 2000-2006 devront être concentrés sur
la traversée des barrières naturelles et la lutte contre les goulets
d'étranglement. Ces priorités, qui sont celles de la Commission, reflètent bien
les intérêts français et la politique de notre pays, telle qu'elle ressort, par
exemple, du relevé de conclusions signé lors des récentes rencontres
franco-italiennes de jeudi dernier. Je pense en particulier à la liaison
ferroviaire Lyon - Turin, dont l'intérêt n'a pas besoin d'être souligné ici.
M. Denis Badré.
Merci, madame !
Mme Noëlle Lenoir,
ministre déléguée.
La construction de l'Europe de demain ne passe pas
seulement par la création de réseaux sur le continent européen. Elle suppose en
outre de réussir le partenariat stratégique - et non seulement économique - que
nous avons lancé avec nos partenaires méditerranéens. Et je remercie donc M.
Jacques Blanc d'avoir posé la question.
Le processus de Barcelone, lancé en 1995, est l'instrument qui permet de
réussir ce partenariat. L'élargissement nous impose désormais de faire preuve
de vitalité dans la conduite de ce processus. C'est ce que la présidence
espagnole, fortement soutenue par nous, a déjà fait valoir lors de la
conférence de Valence, en avril dernier, en adoptant un plan d'action pour
relancer ce processus.
Il faut mettre en oeuvre, à cette fin, un plan charpenté et orienté vers le
développement économique et les échanges humains. Vous n'ignorez pas que, hélas
! le volet politique du dialogue euroméditerranée connaît certains blocages en
raison de la situation au Proche-Orient. Nous espérons donc vivement que les
présidences grecque et italienne, qui vont se succéder l'année prochaine,
permettront de surmonter ces difficultés, car il est essentiel pour nous de
relancer sans délai la dynamique euroméditerranéenne.
En conclusion, mesdames, messieurs, je souhaite vous redire notre conviction
profonde : la France a inventé la Communauté, devenue l'Union européenne. Elle
a construit, avec ses partenaires, une organisation hors du commun, sans
précédent dans l'histoire. Qu'est-ce que l'Europe ? Une union sans cesse plus
étroite entre les peuples - c'est certain -, une fédération d'Etats-nations
sans doute. Le paradoxe est riche de sens. L'Europe c'est aussi, et surtout,
une fédération des légitimités démocratiques et des valeurs humanistes. Les
peuples, les Etats, l'idéal européen, ses valeurs de diversité et
d'universalité : voilà ce qu'est l'Europe.
Notre propre histoire de puissance européenne, de puissance maintenant
attachée au respect du droit et à un certain ordre sur le continent européen,
nous impose plus que jamais un devoir politique et moral, celui de continuer à
jouer un rôle majeur dans la construction de l'Europe, dans la refondation de
l'édifice de l'Europe élargie de demain.
C'est ce que nous nous engageons à faire, le Président de la République, le
Premier ministre, Dominique de Villepin et moi, maintenant, sans délai, au sein
de la Convention sur l'avenir de l'Europe d'abord, puis au sein de la
conférence intergouvernementale qui lui succédera.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe
socialiste.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la délégation du Sénat pour l'Union
européenne.
M. Hubert Haenel,
président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne.
Rassurez-vous, je ne vais pas relancer le débat. Je veux seulement, au nom du
président de la commission des affaires étrangères et en mon nom, remercier
tous les orateurs qui sont intervenus au nom des différents groupes.
Ce débat, qui a été voulu et qui était attendu, a été salutaire, et l'avenir
de l'Europe méritait bien les trois heures de discussion que nous y avons
consacrées. Cela prouve, s'il en était besoin, que le Gouvernement, à travers
vous, monsieur le ministre, madame la ministre déléguée, ainsi que le Sénat
attachent beaucoup d'importance aux travaux de la Convention. Il n'y a pas un
jour où mes collègues ne m'interrogent sur ce point !
Le débat d'aujourd'hui nous a permis de faire un tour d'horizon général. Les
groupes ont pu exprimer leurs interrogations, leurs inquiétudes et leurs
suggestions. M. Badinter et moi-même, qui sommes les « conventionnels » du
Sénat, puisque nous représentons le Sénat à la Convention, ressentions
également le besoin d'ancrer et d'enraciner nos positions dans un débat de
qualité, tel celui que nous venons d'avoir. Monsieur le ministre, madame la
ministre déléguée, je vous en remercie.
(Applaudissements.)
M. le président.
Je m'associe très volontiers aux remerciements qui viennent de vous être
adressés, monsieur le ministre, madame la ministre déléguée. Je remercie
également MM. Haenel et Dulait ainsi que tous ceux qui sont intervenus dans ce
débat, qui a été d'une très grande tenue et qui fait honneur au Sénat !
(Applaudissements.)
En application de l'article 83 du règlement, je constate que le débat est
clos.
7
NOMINATION DE MEMBRES
D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE
M. le président.
Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept
membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un
texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi modifiant la
loi n° 85-99 du 25 janvier 1985 relative aux administrateurs judiciaires,
mandataires judiciaires à la liquidation des entreprises et experts en
diagnostic d'entreprise.
La liste des candidats établie par la commission des lois a été affichée
conformément à l'article 12 du règlement.
Je n'ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat
à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. René Garrec, Jean-Jacques Hyest, Patrice Gélard, Laurent
Béteille, Georges Othily, Mme Michèle André et M. Robert Bret.
Suppléants : MM. Nicolas Alfonsi, Robert Badinter, Christian Cointat, Bernard
Saugey, Jean-Pierre Schosteck, Simon Sutour et François Zocchetto.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons
maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à seize
heures, sous la présidence de M. Jean-Claude Gaudin.)
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
8
DÉCÈS D'UN ANCIEN SÉNATEUR
M. le président. J'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Robert Castaing, qui fut sénateur du Gers de 1989 à 1998.
9
MISE AU POINT AU SUJET D'UN VOTE
M. Jean-Marie Poirier.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Marie Poirier.
M. Jean-Marie Poirier.
Monsieur le président, pour des raisons impératives, je n'ai pu être présent
mercredi dernier, en fin de séance, lors du vote sur l'ensemble du projet de
loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République.
Or j'ai eu la désagréable surprise de constater que j'avais été porté comme
n'ayant pas pris part au vote, alors que j'avais pris le soin de laisser
expressément un pouvoir.
Je souhaite donc simplement indiquer publiquement aujourd'hui que j'ai, en
fait, apporté mon soutien sans réserve au texte du Gouvernement, tel qu'il
résultait des travaux de notre assemblée.
M. le président.
Mon cher collègue, acte vous est donné de cette mise au point, qui figurera au
Journal officiel.
10
RESPONSABILITÉ CIVILE MÉDICALE
Adoption des conclusions modifiées
du rapport d'une commission
(Ordre du jour réservé)
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 49,
2002-2003) de M. Jean-Louis Lorrain, fait au nom de la commission des affaires
sociales, sur la proposition de loi (n° 33, 2002-2003) de M. Nicolas About
relative à la responsabilité civile médicale.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Louis Lorrain,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président,
monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi relative à la
responsabilité civile médicale déposée le 25 octobre dernier par notre collègue
Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, vise à
apporter une première réponse aux difficultés que connaît aujourd'hui
l'assurance en responsabilité civile médicale.
Comme vous le savez, ces difficultés sont anciennes. Contrairement à ce qui
est parfois avancé, elles sont malheureusement bien antérieures à la loi du 4
mars 2002 relative aux droits des malades. Elles tiennent, notamment, au
développement important du contentieux médical et à une jurisprudence de plus
en plus souvent défavorable aux professionnels de santé. Elles proviennent
également de facteurs propres au monde de l'assurance et des difficultés que ce
secteur connaît depuis les attentats du 11 septembre 2001.
Ces difficultés ont aujourd'hui un retentissement direct sur le fonctionnement
de notre système de santé : le retrait, très médiatisé, de plusieurs compagnies
d'assurance du marché de la responsabilité civile médicale prive de nombreux
médecins libéraux, la moitié des cliniques privées et certains hôpitaux publics
de la possibilité de s'assurer.
Si rien n'était entrepris, cette situation pourrait, dès le 1er janvier 2003,
interdire à ces professionnels et à ces établissements de santé de poursuivre
leur activité.
Cette situation génère une inquiétude bien compréhensible et, comme l'a vu
récemment, des mouvements sociaux chez les professionnels de santé et au sein
des établissements, qui voient dénoncer les contrats d'assurance qui les
couvraient jusqu'alors.
Le Gouvernement a rapidement pris les mesures du péril qui menaçait ainsi des
pans entiers de notre système de santé. Après avoir largement consulté les
représentants du système de soins, les assureurs et les associations de
malades, qu'il a réunis lors d'une table ronde le 7 octobre dernier, M.
Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes
handicapées, a annoncé qu'une modification de la loi du 4 mars 2002
apparaissait nécessaire, afin d'inciter les assureurs à revenir sur le marché
de la responsabilité civile médicale.
Tel est précisément l'objet de la proposition de loi déposée par le président
de la commission, Nicolas About. Issue largement de cette concertation, elle
vise à rétablir le bon fonctionnement du marché de l'assurance en
responsabilité civile médicale, tout en préservant les droits des malades,
notamment des victimes d'infections nosocomiales.
Afin de rendre véritablement effective l'obligation d'assurance des
professionnels et établissements de santé, introduite par la loi du 4 mars
2002, il est en effet apparu nécessaire à l'auteur de cette proposition de loi
ainsi qu'à votre commission d'adapter les conditions de mise en cause de la
responsabilité de ces derniers et les conditions d'intervention de leurs
assureurs. Il serait vain, en effet, d'imposer une obligation d'assurance si
aucun assureur n'est disposé à couvrir le risque médical.
L'article 1er de la proposition de loi tend ainsi à opérer un partage de la
réparation financière des dommages qui résultent d'infections nosocomiales
entre les assureurs et l'Office national d'indemnisation des accidents
médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, l'ONIAM,
institué par la loi du 4 mars 2002.
Est appelée infection nosocomiale, rappelons-le, toute infection qui apparaît
au cours ou à la suite d'une hospitalisation, alors qu'elle était absente à
l'admission dans l'établissement de santé. Lorsque l'état infectieux du patient
à l'admission est inconnu, l'infection est classiquement considérée comme
nosocomiale si elle apparaît après un délai de quarante-huit heures
d'hospitalisation.
On distingue plusieurs types d'infections nosocomiales, qui relèvent de modes
de transmission différents : les infections d'origine endogène : le malade
s'infecte avec ses propres germes, à la faveur d'un acte invasif ou en raison
d'une fragilité particulière ; les infections d'origine exogène : il peut
s'agir soit d'infections croisées, transmises d'un malade à l'autre par les
mains ou les instruments de travail du personnel médical ou paramédical, soit
d'infections provoquées par les germes portés par le personnel ou les
visiteurs, soit d'infections liées à la contamination de l'environnement
hospitalier - l'eau, l'air, le matériel, l'alimentation, etc.
Selon une enquête réalisée en 2001 par l'Institut de veille sanitaire auprès
de 1 533 établissements de santé, publics ou privés, regroupant 78 % des lits
d'hospitalisation en France, 7 % des patients hospitalisés avaient contracté
cette année-là une infection nosocomiale lors de leur séjour.
Votre gouvernement a décidé des réductions d'impôts qui favorisent les plus
aisés, en même temps que la mise en extinction des emplois aidés CES, CEC,
emplois-jeunes. Il a réformé la réduction du temps de travail et envisage de
réduire la porté du texte sur la modernisation sociale. Tout cela n'annonce
rien de bon, surtout au moment où le nombre de bénéficiaires du RMI recommence
à augmenter : plus 1 % au cours des six premiers mois de 2002, soit plus d'un
million d'allocataires comptabilisés fin juin, dont 31,7 % n'ont aucun autre
moyen de subsistance, soit 2,4 % de plus que six mois auparavant. Non seulement
la situation ne s'améliore pas, mais elle s'aggrave.
Quant à la CMU, nous regrettons qu'elle ne soit toujours pas ouverte de droit
aux bénéficiaires de l'allocation pour adulte handicapé, ni à ceux de
l'allocation de parent isolé, ni à ceux du minimum vieillesse. La participation
de l'Etat est en hausse de 2,7 % par rapport au budget initial pour 2002, mais
en baisse de 13,7 % si l'on tient compte de la loi de finances
rectificative.
Tout confirme, madame la secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, que nous
sommes loin, avec ce budget, de mettre en oeuvre une véritable politique de
santé publique à la hauteur des défis.
Si ces crédits modestes ne disent pas clairement ce qu'est votre politique de
santé, renvoyée, pour leur utilisation réelle, à des conférences ou projets de
loi futurs, les récentes déclarations de M. Barrot, sont, elles, plus
explicites. Vous vous êtes voulu rassurant mardi derniere, monsieur le
ministre. Mais M. Barrot est resté sur ses positions en indiquant, dès le
lendemain, qu'« il faudra mieux préciser les contours du panier de soins,
chantier confié » - par vous - « à M. Chadelat ».
Il ne faut pas tenter de tromper nos concitoyens. Personne ne met en cause
l'assurance complémentaire en soi. Tout le monde sait son importance, mais tout
le monde comprend aussi ce qu'il y a à comprendre, malgré les discours divers
et contradictoires.
Vous dites vous-même que l'augmentation des dépenses de santé est inéluctable.
Il faut comprendre, je l'espère, que cette appréciation vaut pour tout le
monde, y compris les plus modestes.
M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
Evidemment !
Mme Jacqueline Fraysse.
Vous dites aussi qu'il y a un problème de recettes insuffisantes pour la
protection sociale, mais vous ne proposez aucune modification de l'assiette en
vue de financements nouveaux.
Dans ce contexte, le dispositif qui résulterait de la présente proposition de
loi distingue, d'une part, les infections nosocomiales ayant généré de faibles
dommages, qui resteraient couvertes par les assureurs des professionnels et des
établissements et dont le régime d'indemnisation n'est pas modifié et, d'autre
part, les infections nosocomiales ayant généré des dommages graves, qui
seraient indemnisées par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale.
Naturellement, ce dispositif ne remet en cause en aucune façon le niveau de
garantie et d'indemnisation dont bénéficieront les victimes d'infections
nosocomiales. Il répartit simplement de manière plus équilibrée la charge
financière que représente cette indemnisation.
Comme le souligne l'auteur de la proposition de loi, une telle modification de
la loi du 4 mars 2002 n'est cependant possible que si l'incitation des
établissements à maîtriser le risque nosocomial est parallèlement renforcée. Le
risque serait évidemment que le transfert à la charge de la solidarité
nationale de l'indemnisation des dommages graves provoqués par les infections
nosocomiales ne contribue à déresponsabiliser les établissements de santé et
l'ensemble des personnels soignants. Tel n'est évidemment pas l'objet de la
proposition de loi.
La lutte contre les infections nosocomiales constitue, aux yeux de la
commission des affaires sociales du Sénat, un enjeu essentiel de santé
publique. Les efforts menés depuis une vingtaine d'années pour sensibiliser
l'ensemble des équipes aux mesures d'hygiène et d'asepsie qui permettent de
prévenir ces infections doivent, à l'évidence, être poursuivis et accentués.
Comme l'a souligné avec raison l'auteur de la proposition de loi, les
infections nosocomiales ne sont pas une fatalité.
C'est la raison pour laquelle la proposition de loi, dans son article 1er,
maintient la possibilité d'un recours subrogatoire de l'ONIAM contre l'assuré
responsable de l'infection nosocomiale en cas de faute établie à l'origine du
dommage, notamment le manquement caractérisé aux obligations posées par la
réglementation en matière de lutte contre les infections nosocomiales.
De même, ce texte prévoit que les commissions régionales d'indemnisation
informeront le directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation compétent,
ainsi que l'ONIAM, des infections nosocomiales dont elles auront connaissance
et qui présentent le caractère de gravité requis pour ouvrir droit à une
indemnisation au titre de la solidarité nationale.
Dans un souci de transparence accrue, l'article 1er prévoit également que
l'ONIAM adressera au Parlement et à la Commission nationale des accidents
médicaux, placée auprès des ministres chargés de la santé et de la justice, un
rapport semestriel sur les infections nosocomiales dont il a aura eu
connaissance. Ce rapport sera rendu public et sera, dès lors, accessible à
tous.
Loin d'alléger la responsabilité qui pèse sur les professionnels et
établissements de santé en matière d'infections nosocomiales, le dispositif
proposé fait peser sur ceux d'entre eux qui se rendraient coupables de fautes
ou de négligences la double menace d'une action subrogatoire de l'ONIAM et
d'une publicité qui, il faut le dire, serait particulièrement dissuasive.
L'article 2 de la proposition de loi tend à reporter l'application des
dispositions pénales introduites par la loi du 4 mars 2002, applicables aux
professionnels et établissements de santé en cas de manquement à l'obligation
d'assurance. Il précise ainsi que ces dispositions entreront en vigueur à une
date prévue par le décret créant le bureau central de tarification, et au plus
tard le 1er janvier 2004.
L'article 3, introduit sur l'initiative de la commission et qui ne figurait
donc pas dans la proposition de loi initiale, tend à lever toute ambiguïté
quant à la date d'application du dispositif d'indemnisation de l'aléa
thérapeutique mis en place par la loi du 4 mars 2002. Il confirme l'intention
du législateur, pour qui ce dispositif s'applique aux accidents médicaux,
affections iatrogènes et infections nosocomiales survenus au plus tôt six mois
avant la publication de la loi, soit postérieurement au 5 septembre 2001.
Les articles 4 et 5 définissent les modalités d'une limitation dans le temps
de la durée de garantie des contrats d'assurance de responsabilité civile
médicale, concrétisant ainsi le souhait qui avait été formulé par le Sénat, sur
l'initiative de votre rapporteur, lors de l'examen du projet de loi relatif aux
droits des malades et à la qualité de système de santé.
L'article 4, qui constituait l'article 3 de la proposition de loi, modifie le
code des assurances afin d'adapter les contrats de responsabilité civile
médicale à la spécificité des dommages consécutifs à des accidents médicaux,
dommages qui peuvent survenir de nombreuses années après la réalisation des
actes de soins.
Enfin, l'article 5, qui figurait dans la proposition de loi sous la forme d'un
article 4, définit les modalités d'entrée en vigueur des dispositions issues du
nouvel article 4.
Une indemnisation des infections nosocomiales mieux partagée, des
professionnels et des établissements de santé rassurés et effectivement
assurés, les droits des victimes préservés : l'adoption de la présente
proposition de loi devrait contribuer, en restaurant le marché de la
responsabilité civile médicale, à préserver la pérennité et la qualité de notre
système de soins.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union
centriste et des Républicains et Indépendants. - M. le président de la
commission applaudit également.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Jacob,
ministre délégué à la famille.
Monsieur le président, mesdames, messieurs
les sénateurs, permettez-moi tout d'abord de vous transmettre les excuses de M.
Mattei qui, vous l'imaginez, souhaitait participer à la discussion de cette
proposition de loi, mais qui s'en trouve empêché, retenu qu'il est en ce moment
par la présentation à l'Assemblée nationale du budget du ministère de la santé,
de la famille et des personnes handicapées, dans le cadre de l'examen du projet
de loi de finances.
Il m'a chargé de le représenter pour l'examen d'une proposition de loi dont le
moins que l'on puisse dire est qu'elle conditionne à très court terme le
fonctionnement même de notre système de santé.
Je veux d'ailleurs remercier très vivement, au nom du Gouvernement, M. le
président de la commission des affaires sociales d'avoir pris l'initiative de
déposer ce texte devant le Sénat et, ayant parfaitement saisi l'urgence de la
situation, d'avoir permis son inscription rapide à l'ordre du jour de la Haute
Assemblée. Je souhaite également remercier M. le rapporteur et les membres de
la commission des affaires sociales de la rapidité et de la qualité de leurs
travaux.
Vous l'avez rappelé à l'instant, monsieur le rapporteur, depuis plusieurs
mois, l'émotion grandit et l'inquiétude gagne dans les établissements
d'hospitalisation et chez les professionnels de santé, surtout chez ceux que le
risque médical concerne au premier chef. Je pense, bien sûr, aux
anesthésistes-réanimateurs, aux gynécologues-obstétriciens, aux chirurgiens et
aux sages-femmes. Cette émotion est aussi celle des associations de malades.
La situation, vous la connaissez. Deux assureurs importants, ACE et Saint
Paul, ont décidé de se désengager du marché de la responsabilité civile
médicale. Ces décisions auraient pu être normalement gérées par une
substitution de l'offre dans un marché normalement constitué, c'est-à-dire
concurrentiel. Mais à ces assureurs s'en sont ajoutés d'autres, dans un effet
de contagion qui a encore déprimé l'offre d'assurances. Je pense à Gerling ou
aux Lloyd's, et la liste n'est pas close.
Si rien n'était fait, la moitié au moins des établissements de soins privés
pourraient se trouver sans assurance, ainsi que probablement la quasi-totalité
des gynécologues-obstétriciens et des anesthésistes.
Bien sûr, les gestionnaires d'établissements se démènent pour trouver des
solutions de prorogation ou un nouvel organisme ; les syndicats de médecins,
via
leurs courtiers, cherchent, eux aussi, des formules alternatives. Il
s'agit cependant de solutions transitoires qui ne résolvent pas le problème de
fond. En effet, le marché de la responsabilité civile médicale est actuellement
déstabilisé, et les assureurs s'en détournent en raison de l'ampleur des
risques potentiels et de l'impossibilité dans laquelle ils se trouvent de
limiter dans le temps les garanties de ces contrats, faute de dispositions
législatives.
La loi du 4 mars 2002 sur les droits des malades est venue se greffer sur une
situation qui était déjà fragilisée. Cette loi a créé l'obligation d'assurance
pour l'ensemble des professionnels, et elle a réparti le financement de
l'indemnisation des dommages entre, d'une part, l'ONIAM, pour ce qui concerne
l'aléa thérapeutique, et, d'autre part, les assureurs, pour ce qui concerne la
faute.
Quant aux infections nosocomiales, c'est-à-dire les infections qui
apparaissent au cours ou à la suite d'une hospitalisation, la loi du 4 mars
2002 a consacré la jurisprudence, qui retient une responsabilité pour faute de
l'établissement, sauf à celui-ci de s'en exonérer en prouvant une « cause
étrangère », ce qui est quasiment impossible.
Les compagnies d'assurance, confrontées aux exigences croissantes des
réassureurs, ont alors considéré que, désormais, elle se trouvaient contraintes
tout à la fois d'assurer des professionnels et des établissements qu'elles ne
souhaitaient pas assurer et d'assumer l'indemnisation de dommages de grande
ampleur sur des durées quasiment illimitées.
Face à cette situation, le Gouvernement n'est pas resté inactif : des échanges
techniques ont eu lieu dès le mois de juillet entre les administrations - la
direction du Trésor et le ministère de la santé - et les représentants des
assureurs pour évaluer de très près la situation ainsi créée et identifier
toutes les solutions possibles. D'autres contacts ont évidemment été pris avec
les représentants des professionnels, des établissements et des associations de
malades.
Le Gouvernement a souhaité trouver une solution d'équilibre conciliant la
protection légitime des victimes d'accidents médicaux, la nécessité de
restaurer un marché de l'assurance en responsabilité civile médicale sans
lequel aucune couverture assurantielle ne peut exister et la garantie donnée
aux professionnels et aux établissements de santé qu'ils pourront continuer à
travailler dans la sérénité retrouvée à compter du 1er janvier 2003.
Je rappelle les principes généraux de cette solution : la limitation dans le
temps des garanties définies dans les contrats ; la mise en oeuvre d'un système
d'indemnisation fondé sur la réclamation et écartant les « trous de garantie »
qui pénaliseraient les médecins et les établissements ; une répartition plus
équitable des risques entre les assureurs et l'ONIAM, sans remettre en cause
pour autant ni le principe de la présomption de faute en cas d'infection
nosocomiale ni le niveau de réparation aux victimes.
M. Jean-François Mattei a organisé une table ronde le 7 octobre dernier ; il a
mis en présence l'ensemble des parties concernées et a confirmé l'accord des
parties en présence sur cet équilibre.
J'observe que les dispositions de la présente proposition de loi tiennent
largement compte de cette concertation, et je m'en réjouis.
Le dépôt de la présente proposition de loi a déjà eu un effet concret : les
établissements et les assureurs ont anticipé une dynamique de restauration du
marché de l'assurance en mettant en place un « pool » destiné à assurer une
couverture d'assurance à l'ensemble des établissements et professionnels non
encore assurés.
Votre proposition de loi, monsieur le président de la commission, me semble
tout à fait de nature à répondre au problème posé afin de sortir rapidement le
système de santé de cette situation préoccupante.
Le Gouvernement sera conduit à proposer à la Haute Assemblée quelques
amendements qui auront pour objet soit de préciser certains points du texte,
soit d'introduire des modifications destinées à rendre plus opérationnel le
dispositif qui résultera de vos travaux.
Je terminerai mon propos en soulignant combien les mesures qui sont examinées
par la Haute Assemblée cet après-midi sont cruciales pour la restauration de la
confiance des 55 000 médecins spécialistes libéraux et des 2 300 établissements
de santé. L'enjeu est simple : il s'agit de permettre aux professionnels de
santé de continuer à effectuer en toute sérénité des accouchements, des
interventions chirurgicales graves et des actes d'anesthésie dans un peu plus
d'un mois.
Ce sera un soulagement pour celles et ceux qui accomplissent déjà une tâche
difficile de pouvoir continuer à travailler sans être menacés sur leurs biens
propres pour la réparation d'éventuelles fautes médicales, lesquelles sont
malheureusement le lot de toute activité humaine.
Ce sera aussi un soulagement pour les associations de malades, qui verront
garantis les droits à indemnisation.
Au nom du Gouvernement, je remercie de nouveau la Haute Assemblée de
contribuer ainsi à rétablir la confiance parmi les professionnels de santé.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants. - M. le président de la commission ainsi que M.
le rapporteur applaudissent également.)
M. le président.
La parole est à M. Francis Giraud.
M. Francis Giraud.
Menace de retrait des compagnies du secteur de l'assurance en responsabilité
civile médicale, augmentation prohibitive des primes des contrats déjà conclus,
tels sont les faits qui risquaient, monsieur le président, monsieur le ministre
délégué, mes chers collègues, de conduire, dès janvier 2003, à la cessation
d'activité de certains professionnels et établissements de santé. Tels sont les
faits qui risquent aussi de confirmer une tendance à la désaffection de
certaines spécialités que l'on constate chez les futurs professionnels de
santé.
La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du
système de santé, dans son titre IV, avait pour objectif de régler les
problèmes posés par les risques sanitaires et leur réparation. Ce texte
attendu, louable dans ses intentions, n'a pas tout résolu, loin s'en faut !
L'obligation d'assurance et les remous provoqués par l'arrêt Perruche ont
exacerbé les positions des uns et des autres, notamment des médecins
radiologues et échographistes.
Les raisons d'une telle situation ont été déjà recensées : une augmentation
des recours, une jurisprudence souvent défavorable aux professionnels et une
médiatisation importante, voire excessive, des aléas médicaux.
Comme il vient d'être rappelé, compte tenu de cette crise, M. le ministre de
la santé, de la famille et des personnes handicapées a consulté les différents
acteurs, avant d'annoncer qu'une modification de la loi du 4 mars 2002 était
nécessaire.
Le président de la commission des affaires sociales du Sénat, M. Nicolas
About, a donc déposé la proposition de loi soumise à notre examen aujourd'hui,
qui tend à favoriser le bon fonctionnement de l'assurance, en préservant les
droits des malades. Ce texte a été excellemment rapporté par notre collègue M.
Jean-Louis Lorrain, qui vient de préciser devant nous les aspects juridiques de
cette question.
Le praticien que je suis souhaite revenir sur certaines conséquences de ces
désordres relationnels, dangereuses pour l'avenir de notre système de santé.
En effet, le législateur peut bien s'efforcer de préserver la relation «
soignés-soignants », rien ne changera fondamentalement sans une prise de
conscience de la réalité.
Les infections nosocomiales justifient à elles seules que des mesures
draconiennes d'hygiène soient prises.
Bien sûr, des négligences se produisent. Il n'est pas question d'absoudre ceux
qui les commettent ! Encore faut-il, cependant, rappeler les conditions de
travail dans lesquelles elles se produisent et corriger le mal à la racine :
des services hospitaliers publics et privés surchargés,...
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Très bien !
M. Francis Giraud.
... des horaires exagérément lourds,...
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Très bien !
M. Francis Giraud.
... une insuffisance de postes, rien de tout cela ne permet un exercice serein
de la médecine.
Selon les chiffres publiés dans le dernier rapport du conseil médical du
Groupe des assurances mutuelles médicales, le GAMM, sur un total de 127 576
médecins sociétaires, libéraux et salariés confondus, le nombre de recours
s'élevait, l'an dernier, à 2 255.
Certaines spécialités, et donc certains spécialistes, sont plus exposés que
d'autres. Ainsi, les chirurgiens, d'après les mêmes sources, figurent en
première ligne, avec un taux de recours de près de 10 %. Viennent ensuite les
gynécologues-obstétriciens et les anesthésistes-réanimateurs. Or, dans les
trois spécialités ainsi concernées, on constate que la démographie des
candidats est en chute libre.
Vous me permettrez d'insister particulièrement sur le problème de la
gynécologie-obstétrique. Le suivi de la grossesse, la qualité des
accouchements, la prise en charge des nouveau-nés sont les éléments
déterminants de la prévention des handicaps. Or la spécialité est menacée. Les
conséquences peuvent être dramatiques, avec la naissance possible d'enfants
souffrant de désordres neurologiques graves.
La proposition de loi qui vous est soumise tend à rétablir un équilibre entre
les différents acteurs. Des amendements du Gouvernement et de la commission des
affaires sociales permettront de préciser de nouvelles modalités
d'indemnisation et de réparation.
Nous voterons ce texte, dans l'attente de la réorganisation d'un système de
santé qui, s'il est considéré comme étant le meilleur du monde, est pourtant
fréquemment mis en cause.
La semaine dernière à Marseille, M. le ministre de la santé a annoncé qu'il
entreprenait l'élaboration d'une loi de programmation quinquennale relative à
la santé publique, comprenant l'éducation à la santé.
Si les professionnels de la santé et les établissements doivent être exigeants
en matière de sécurité, il relève de la responsabilité du patient de renoncer à
assimiler l'acte médical à une simple prestation de services.
Il faut expliquer au citoyen, dès son plus jeune âge, que le risque zéro
n'existe ni pour les médicaments ni pour les interventions. En clair, il faut
simplement rappeler que le mieux est souvent l'ennemi du bien.
Sur cette voie difficile, les sénateurs du groupe du Rassemblement pour la
République accompagneront et soutiendront le Gouvernement.
(Applaudissements
sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et
Indépendants. - M. le président de la commission et M. le rapporteur
applaudissent également.)
M. le président.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la
proposition de loi dont nous débattons tente d'apporter une réponse législative
à la désertion de grands groupes d'assurances, américains notamment,
généralistes ou spécialisés du marché de l'assurance en responsabilité civile
et médicale.
Il est vrai que, à la suite de l'adoption le 4 mars 2002, de la loi relative
aux droits des malades et à la qualité du système de santé, les assureurs, en
résiliant tour à tour les contrats qui les liaient aux cliniques privées, aux
hôpitaux et aux praticiens, font peser de graves menaces sur le fonctionnement
de notre système de santé, faute de couvrir la responsabilité civile
médicale.
Il est faux d'attribuer la paternité de ces difficultés, comme se plaît
pourtant à le faire la Fédération française des sociétés d'assurances, à la loi
Kouchner.
M. Michel Mercier.
C'est un peu vrai !
M. Guy Fischer.
C'est faux !
M. Michel Mercier.
Les responsabilités sont partagées.
M. Guy Fischer.
Vous avez voté cette loi, monsieur Mercier.
M. Roland Muzeau.
Vous l'avez votée puisqu'elle a été adoptée à l'unanimité !
M. Michel Mercier.
Pour une fois que nous faisons la même erreur !
(Sourires.)
M. Guy Fischer.
Très justement, l'exposé des motifs de la proposition de loi, comme vous-même,
monsieur le rapporteur, indique que les handicaps rencontrés par ce secteur
sont bien antérieurs à la loi incriminée.
Ils proviennent en partie de l'augmentation du contentieux médical, de
l'instabilité jurisprudentielle, mais également de facteurs propres au monde de
l'assurance, touché par la chute des marchés financiers à la suite du 11
septembre 2001.
Dans un article paru le 10 septembre dernier dans
Les Echos
, intitulé «
Responsabilité civile : les assureurs demandent une vaste réforme », la
démonstration est faite que « la question de la responsabilité civile médicale
est l'arbre qui cache la forêt », le secteur de la responsabilité civile étant
« dans son ensemble en crise ».
Les collectivités locales sont elles aussi touchées. Elles sont nombreuses à
chercher une compagnie d'assurances pour les conséquences des dommages aux
biens. Comme dans le domaine médical, les assureurs ont fortement augmenté les
primes et réduit la couverture du risque.
Dans ce cas, pourquoi cédons-nous aux pressions des assurances privées qui
invoquent les effet « pervers » de certaines dispositions contenues dans le
volet réparations des conséquences des risques sanitaires de la loi Kouchner
pour avancer sur le terrain beaucoup plus général de la responsabilité civile,
afin d'obtenir le rétablissement d'une entière liberté contractuelle ?
La Fédération française des sociétés d'assurances, toujours selon ce quotidien
qui a eu connaissance du mémorandum qu'elle a remis au ministère de l'économie,
des finances et de l'industrie, veut qu'il soit mis un terme à la jurisprudence
tant administrative que judiciaire qui annule les clauses des contrats limitant
dans le temps la garantie de l'assureur.
Les articles 4 et 5 de la proposition de loi répondent à cette préoccupation
en limitant la durée de garantie des contrats d'assurance en responsabilité
civile médicale.
Les possibilités qui sont actuellement offertes au patient victime d'un
accident médical pour obtenir réparation du préjudice subi ne se trouvent-elles
pas réduites, monsieur le ministre ?
Lors de l'examen du texte sur les droits des malades, nous nous sommes opposés
à la proposition similaire que présentait le rapporteur. Aujourd'hui, notre
appréciation est tout aussi négative, voire plus encore, dans la mesure où la
proposition de loi modifie deux dispositions du code de la santé publique.
Qu'il s'agisse de la définition de la responsabilité des dommages résultant
d'infections nosocomiales ou de l'obligation d'assurance pour les
professionnels de santé libéraux et pour les établissements de santé, il me
semble, messieurs, que vous étiez favorables aux solutions consacrées par la
loi Kouchner.
Vous envisagez toutefois de transférer l'indemnisation des dommages lourds
causés par les infections nosocomiales des assureurs à la solidarité nationale.
Selon l'auteur de cette proposition de loi, le président de la commission, M.
Nicolas About, il s'agirait d'une « répartition plus équilibrée » de la charge
financière des dommages nosocomiaux. Il s'agit surtout, à notre sens, de
soulager les assureurs du domaine sanitaire de la prise en charge de risques
lourds, pécuniairement importants.
Vous incitez fortement les compagnies d'assurance à revenir sur le marché ;
l'objet de la proposition de loi est on ne peut plus clair ! Pour l'essentiel,
vous faites en sorte qu'elles assurent sans risques !
Un tel mécanisme de partage, les risques lourds relevant de la solidarité
nationale et les risques plus légers relevant de l'assurance privée, me
rappelle des faits dont je dois vous faire part.
A l'issue de l'examen par l'Assemblée nationale du projet de loi de
financement de la sécurité sociale pour 2003, le chef de file de l'UMP, M.
Barrot, n'a-t-il pas avancé un tel schéma concernant la couverture du risque
maladie ?
Nous n'entendons pas laisser privatiser notre système de protection sociale de
manière rampante, monsieur Chérioux...
M. le président.
Monsieur Fischer, ne provoquez pas M. Chérioux.
M. Jean Chérioux.
Il tient des propos si extravagants que je préfère me taire.
M. Robert Bret.
Qui ne dit mot consent !
M. Guy Fischer.
L'avenir le dira.
Nous n'entendons pas laisser privatiser notre système de protection sociale de
manière insidieuse, louvoyante, déguisée, masquée. Nous ne voulons pas non plus
adopter des dispositions qui seraient de nature à faciliter encore davantage
l'entrée des assurances privées dans le domaine de la santé.
Le porte-parole du collectif interassociatif des usagers du système de santé a
accusé le Gouvernement de « laisser les assureurs imposer leur vision du monde
de la santé ». Ce matin, un grand quotidien national,
Libération,...
M. Jean Chérioux.
Un grand quotidien ?
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Il y a des
inexactitudes dans ce quotidien !
M. Guy Fischer.
Vous voulez comparer avec
Le Figaro
?
M. Paul Blanc.
Avec
L'Humanité !
M. Guy Fischer.
Ce quotidien a titré, au sujet de votre proposition de loi, monsieur le
rapporteur : « Du surmesure pour les assureurs ».
Je reprends, en m'y associant, les propos d'Alain-Michel Ceretti.
M. Robert Bret.
C'est du cousu main !
M. Guy Fischer.
« On bénéficie aujourd'hui d'un système de sécurité sociale qui repose
intégralement sur la solidarité nationale et on laisse un acteur privé le faire
dérailler. C'est tout le système de santé qui est aujourd'hui à la merci des
marchés financiers. Ces primes d'assurance risquent de faire exploser les
honoraires et de creuser le trou de la sécurité sociale. »
M. Nicolas About,
président de la commission.
C'est tout à fait l'inverse du texte
proposé.
M. Guy Fischer.
On s'en expliquera.
Nous partageons ces craintes. Ces dérives sont d'autant plus inacceptables que
le domaine de la santé n'est pas un marché comme un autre.
La singularité de la relation entre le patient et le médecin exige, au
contraire, une approche dénuée de toute exigence économique.
Le traitement distinct des infections nocosomiales les plus graves envisagé
par la proposition de loi aura pour conséquence de déplacer la charge
financière de l'indemnisation des victimes vers un fonds public, l'ONIAM.
Pour un gouvernement et une majorité parlementaire qui font de la baisse des
prélèvements obligatoires et de la maîtrise des dépenses de santé ses
priorités, avouez que cela est paradoxal !
Concrètement, si vous chargez l'ONIAM d'indemniser les victimes, encore
faut-il que la dotation allouée dès cette année à ce fonds par la loi de
financement de la sécurité sociale soit suffisante, ce qui ne semble
manifestement pas être le cas.
L'introduction de la distinction de la gravité des dommages résultant d'une
infection nosocomiale soulève d'autres problèmes.
La loi Kouchner énonce clairement le principe selon lequel la responsabilité
des professionnels et des établissements de santé repose sur la notion
classique de faute et le principe de l'indemnisation au titre de la solidarité
nationale de l'aléa médical, tout en précisant, conformément à la jurisprudence
de la Cour de cassation, que les établissements de santé sont responsables des
dommages résultant des infections nosocomiales, sauf s'ils apportent la preuve
d'une cause étrangère.
Le présent dispositif introduit, selon nous, une certaine confusion.
L'obligation de sécurité de résultat, jusqu'alors à la base de la
responsabilité des professionnels ou des établissements en matière d'infection
nosocomiale, ne perd-elle pas de sa force ?
Quelles que soient les justifications avancées, malgré l'existence d'un
recours subrogatoire de l'ONIAM contre l'assuré, les dispositions contenues
dans l'article 1er sont de nature à déresponsabiliser les établissements et les
professionnels de santé. L'exigence de qualité en matière d'hygiène ou de santé
publique ne sera pas la même puisque les établissements ne se sentiront plus
directement responsables de dommages dont ils n'assumeront plus la charge
financière.
Certes, la proposition de loi n'est pas allée jusqu'à avancer la notion de
responsabilité pour faute, moyen radical de limiter le nombre de déclarations
de maladies nosocomiales et, par conséquent, le montant de l'indemnisation par
les assureurs ! Toutefois, le compromis qui a été trouvé ne saurait nous
satisfaire.
Les assureurs ont toujours vu d'un mauvais oeil la création du bureau central
de la tarification, chargé de fixer le montant de la prime et de désigner un
organisme d'assurance lorsque les professionnels de santé ne trouvent pas
d'assureur. Il était pourtant légitime qu'un tel système existe dans la mesure
où l'obligation d'assurance en responsabilité civile médicale était posée.
La proposition de loi règle la question, l'article 3 envisageant le report de
l'application des sanctions pénales encourues en cas de non-respect de
l'obligation d'assurance incombant aux établissements et aux professionnels de
santé.
Je comprends pourquoi la Fédération française des sociétés d'assurances fait
du vote de cette proposition de loi la « condition du respect de son engagement
à tout mettre en oeuvre pour qu'aucun libéral, aucune clinique ne soient sans
couverture en assurance responsabilité civile médicale au 1er janvier 2003
».
Vous vous êtes engagé, monsieur le ministre, à trouver une solution
législative aux questions posées. Le dépôt de cette proposition de loi devrait
rapidement satisfaire le lobby des assurances, en réglant en partie la question
de l'assurabilité des établissements et des professionnels. Toutefois, comme
l'ont très justement craint les médecins spécialistes libéraux ayant appelé, la
semaine dernière, à la grève, la question du coût du risque reste entière.
Les anesthésistes, les gynécologues-obstétriciens, les chirurgiens ne verront
pas pour autant leurs primes d'assurance diminuer, alors même que le nombre de
déclarations pour dommages déposées contre les médecins sont en baisse.
Pour ces diverses raisons, notre appréciation sur le contenu de la présente
proposition de loi est plus que négatif : nous ne pouvons que voter contre.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen,
ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, bien que
l'urgence n'ait pas été déclarée, c'est bien dans l'urgence que nous examinons
la proposition de loi relative à la responsabilité médicale, sous la pression
du monde des assurances.
Le retrait de plusieurs compagnies d'assurance du marché médical prive de
nombreux professionnels de santé de la possibilité de s'assurer, comme il leur
en est fait obligation par la loi du 4 mars 2002, les autres se voyant imposer
une hausse exorbitante des primes.
Les assureurs mettent directement en cause la loi Kouchner, laquelle avait été
adoptée, je le rappelle après d'autres, à la quasi-unanimité des membres du
Parlement. C'est inadmissible, et il me semble donc nécessaire de rétablir
quelques vérités.
Les difficultés rencontrées en matière de responsabilité médicale sont bien
antérieures à la loi du 4 mars 2002.
Elles tiennent, pour une part, au développement du contentieux médical, à la
sensibilité nouvelle des malades aux accidents médicaux, à l'évolution à long
terme de certaines maladies, autant de facteurs d'incertitude qui fragilisent
un marché somme toute secondaire pour beaucoup de ces compagnies
d'assurances.
Elles tiennent encore à la gestion prévisionnelle défaillante de ce secteur,
qui a souvent manqué de clairvoyance : primes mal adaptées, hausses
erratiques...
Surtout, les événements du 11 septembre 2001 et la catastrophe d'AZF ont
paniqué le monde de l'assurance, entraînant une crise des réassureurs, lesquels
font à leur tour pression.
Par ailleurs, est-il inconvenant de se demander si certaines compagnies
d'assurances ne souhaitent pas aussi faire payer aux organismes de santé
publique certains déboires spéculatifs ?
La loi relative au droit des malades et à la qualité du système de santé vise
à apporter une sécurité juridique aux médecins et aux patients grâce à la mise
en place d'un système d'assurance obligatoire ; pour mettre un terme à
l'incertitude jurisprudentielle dans laquelle se trouvaient les professionnels
et les établissements de santé en cas d'accident survenu à un patient et afin
de permettre aux personnes victimes d'accidents médicaux d'être plus rapidement
indemnisées de leur préjudice, elle prévoit une procédure exceptionnelle
d'examen des contentieux, dans le cadre de commissions de conciliation et
d'indemnisation décentralisées au niveau régional.
Mais les assureurs ont saisi avec opportunisme le changement de gouvernement
et de majorité pour lancer leur offensive contre la loi du 4 mars 2002 !
M. Guy Fischer.
Eh oui !
M. Jean-Pierre Godefroy.
Leur tactique a consisté à attendre le dernier moment pour faire peser une
pression plus forte encore et nous obliger aujourd'hui à mettre en place un
dispositif qui opère, une fois de plus, un transfert de charges vers la
solidarité nationale.
Les assureurs voudraient assurer sans risque. Cette démarche est fortement
contestable, mais c'est pourtant celle que l'on nous propose d'entériner dans
la présente proposition de loi.
Les assureurs contestent le fait que les professionnels et les établissements
de santé soient désormais obligés de s'assurer.
Cette obligation apporte tout d'abord une garantie de solvabilité dans un
secteur où des préjudices corporels parfois très graves peuvent survenir, mais
c'est aussi la contrepartie du fait que, pour garantir le versement de
l'indemnisation à la victime, le fonds se substitue à l'assureur lorsque
celui-ci conteste l'avis de la commission régionale. Sans cette obligation, on
assisterait à un transfert de l'ensemble du risque vers la solidarité
nationale.
Le code des assurances prévoit, par ailleurs, un dispositif spécifique pour
écarter les professionnels qui présenteraient des risques anormaux : les
assureurs ne sont pas obligés de les couvrir lorsqu'ils sont dangereux ou
incompétents.
On peut penser que les assureurs sont en train de réussir un véritable hold-up
: les contrats qui ont été passés l'ont été avec une forte hausse des primes
alors que la présente proposition de loi dédouane les assureurs de l'obligation
d'indemniser les gros risques, c'est-à-dire les risques les plus coûteux. Il y
a là une logique spéculative que nous ne pouvons accepter. Les établissements
qui n'ont pas pris la précaution de prévoir la possibilité de dénoncer
rapidement leur contrat seront victimes - en même temps que la solidarité
nationale - d'un véritable marché de dupes : ils auront versé des primes
extravagantes, mais l'assureur, lui, sera dégagé de toute responsabilité !
Bernard Kouchner l'a très justement dit : « La médecine est faite pour les
malades, pas pour les assurances ; notre système est performant grâce à
l'existence de la CNAM, pas du bureau des assurances. Assurer sans risque, bien
sûr, ce serait le rêve. » Mais nous ne vivons pas dans une société parfaite :
le risque existe, et c'est d'ailleurs ce qui permet aux assureurs d'exister.
Qu'ils assurent le risque, ou qu'ils changent de métier !
Les assureurs disent craindre une généralisation des contentieux et du
versement d'indemnités aux patients. Pourtant, on ne constate pas de hausse des
contentieux depuis le mois de mars 2002 : si les établissements de santé notent
un plus grand nombre de demandes de consultation du dossier médical, ce qui est
une bonne chose - c'est totalement dans l'esprit de la loi -, ils ne font pas,
à ma connaissance, état d'une augmentation notable du nombre de contentieux.
Sauf infirmation de votre part, monsieur le ministre, force est de reconnaître
que cette situation rend la position des assureurs encore plus contestable.
Si la situation des cliniques et établissements privés est en apparence la
plus alarmante, tous les professionnels, y compris les hôpitaux publics, sont
concernés par les difficultés actuelles. Les hôpitaux de Paris, comme ceux de
Lyon, ont décidé ou vont décider de devenir leurs propres assureurs.
M. Nicolas About,
président de la commission.
Ils le sont déjà !
M. Jean-Pierre Godefroy.
Vous nous proposez, monsieur le ministre, un amendement visant à permettre au
ministre de la santé d'accorder, par arrêté ministériel, la possibilité aux
établissements publics d'être leur propre assureur. Quels seront les critères ?
Comment de petits hôpitaux pourront-ils avoir accès à cette possibilité ?
M. Nicolas About,
président de la commission.
Ils l'ont déjà !
M. Jean-Pierre Godefroy.
Eux seront donc soumis à la loi du marché. Or, dans le cadre habituel, le code
des marchés publics impose la concurrence. Si celle-ci ne joue plus, ce sera au
détriment des petits hôpitaux.
Par ailleurs, les établissements publics de santé subissent eux aussi une
hausse des primes, donc des coûts. La dotation globale de fonctionnement des
hôpitaux sera-t-elle augmentée en 2003 pour faire face à cette hausse ?
M. Nicolas About,
président de la commission.
Pour nourrir les assureurs, alors ?
(Sourires.)
M. Jean-Pierre Godefroy.
Le coût du contrat d'assurance de certains établissements privés a été
multiplié par cinq. On peut s'en inquiéter quand on sait que, pour certaines
cliniques privées, le coût de l'assurance représente entre 2 % et 3 % du
chiffre d'affaires, car cela a pour conséquence d'amputer une part non
négligeable des bénéfices, lequels leur permettent de se moderniser et de
maintenir la qualité de l'offre de soins.
L'un des objectifs du titre IV de la loi du 4 mars 2002 était de garantir
l'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des
infections nosocomiales en responsabilisant les professionnels de santé.
Pour les infections nosocomiales, le dispositif prévoit déjà un partage des
indemnisations entre l'ONIAM et les assureurs privés en fonction du taux d'IPP.
Les paragraphes V et le 2° du VI de l'article 1er de ce texte nous inquiètent,
car ils vont beaucoup plus loin : en cas de dépassement du seuil de 25 % d'IPP,
la solidarité nationale, donc l'ONIAM, prendrait en charge, bien sûr, la
personne concernée mais elle rembourserait en plus à l'assureur les dépenses
engagées antérieurement.
Ce deuxième point nous semble pour le moins contestable.
M. Nicolas About,
président de la commission.
Il est logique !
M. Jean-Pierre Godefroy.
On ne voit pas pourquoi l'assureur devrait, dès l'instant où un malade dépasse
le seuil de 25 % d'IPP, être dédouané pour toute la période antérieure. C'est
incompréhensible ! C'est un cadeau extraordinaire au monde de l'assurance !
Qu'au moins les assureurs assument la période pendant laquelle le taux de
l'IPP était inférieur à 25 % !
Se pose aussi un problème de chiffres. Quel est le nombre exact d'infections
nosocomiales ? M. le rapporteur nous a donné quelques chiffres en commission,
mais on ne sait pas grand-chose. Quel est le nombre de décès consécutifs à ces
infections ? Quel est le nombre d'invalidités dont le taux est supérieur à 25 %
? Autant de chiffres qui nous seraient indispensables pour évaluer si la
dotation de l'ONIAM, de 70 millions d'euros, qui est inscrite à l'article 30 du
projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 sera
suffisante.
Dans l'esprit de la loi relative aux droits des malades, ce sont les
établissements qui sont responsables. Nous tenons à cette conception, car c'est
la seule manière de lutter efficacement contre les infections nosocomiales. Il
en est allé ainsi pour la responsabilité des entreprises en cas d'accidents du
travail. Il est maintenant admis que les primes payées par les usines diminuent
si la sécurité au travail est mieux assurée, donc les accidents plus rares. Il
faut qu'il en soit de même pour les établissements de santé, et ce point est
d'ailleurs effleuré dans l'exposé des motifs.
Monsieur le ministre, nous ne contestons ni l'urgence de la situation ni le
fait que le Gouvernement essaie d'y remédier, mais, lors de la table ronde du 7
octobre dernier - dont nous méconnaissons la teneur -, il aurait peut-être pu
être plus ferme à l'égard des assureurs, lesquels instrumentalisent la loi du 4
mars 2002 pour traiter des problématiques qui sont en fait en grande partie
internes au monde des l'assurance.
Vous comprendrez donc, monsieur le ministre, que nous émettions les plus vives
réserves sur la présente proposition de loi.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. - Le titre IV du livre Ier de la première partie du code de la
santé publique est ainsi modifié :
« I. - Après l'article L. 1142-1, il est inséré un article L. 1142-1-1 ainsi
rédigé :
«
Art. L. 1142-1-1.
- Sans préjudice des dispositions du septième
alinéa de l'article L. 1142-17, ouvrent droit à réparation au titre de la
solidarité nationale :
« 1° les dommages résultant d'infections nosocomiales dans les établissements,
services ou organismes mentionnés au premier alinéa du I de l'article L. 1142-1
correspondant à un taux d'incapacité permanente supérieur à 25 % déterminé par
référence au barème mentionné au II du même article, ainsi que les décès
provoqués par ces infections nosocomiales ;
« 2° les dommages résultant de l'intervention, en cas de circonstances
exceptionnelles, d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme
en dehors du champ de son activité de prévention, de diagnostic ou de soins.
»
« II. - A la fin du premier alinéa de l'article L. 1142-2, les mots : "dans le
cadre de cette activité de prévention, de diagnostic ou de soins" sont
remplacés par les mots : "dans le cadre de l'ensemble de son activité".
« III. - L'article L. 1142-8 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque les dommages résultent d'une infection nosocomiale présentant le
caractère de gravité prévu à l'article L. 1142-1-1, la commission signale sans
délai cette infection nosocomiale à l'autorité compétente mentionnée à
l'article L. 6115-3 ainsi qu'à l'Office national d'indemnisation institué à
l'article L. 1142-22. »
« IV. - L'article L. 1142-17 est ainsi modifié :
« 1° Au premier alinéa, après les mots : "au titre du II de l'article L.
1142-1", sont insérés les mots : "ou de l'article L. 1142-1-1" ;
« 2° Le dernier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : "Cette
action subrogatoire ne peut être exercée par l'Office lorsque les dommages sont
indemnisés au titre de l'article L. 1142-1-1, sauf en cas de faute établie de
l'assuré à l'origine du dommage, notamment le manquement caractérisé aux
obligations posées par la réglementation en matière de lutte contre les
infections nosocomiales."
« V. - Après l'article L. 1142-17, il est inséré un article L. 1142-17-1 ainsi
rédigé :
«
Art. L. 1142-17-1.
- Lorsque la commission régionale estime que
l'aggravation de dommages résultant d'une infection nosocomiale entraîne pour
la victime un taux d'incapacité permanente supérieur au pourcentage mentionné
au 1° de l'article L. 1442-1-1 ou son décès, l'Office adresse à la victime ou à
ses ayants droit une offre d'indemnisation dans les conditions prévues à
l'article L. 1142-17 et rembourse à l'assureur les indemnités initialement
versées à la victime. »
« VI. - L'article L. 1142-21 est ainsi modifié :
« 1° Après les mots : "au titre du II de l'article L. 1142-1", sont insérés
les mots : "ou de l'article L. 1142-1-1" ;
« 2° Il est ajouté deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsqu'il résulte de la décision du juge que l'Office indemnise la victime
ou ses ayants droit au titre de l'article L. 1142-1-1, celui-ci ne peut exercer
une action récursoire contre le professionnel, l'établissement de santé, le
service ou l'organisme concerné ou son assureur, sauf en cas de faute établie à
l'origine du dommage, notamment le manquement caractérisé aux obligations
posées par la réglementation en matière de lutte contre les infections
nosocomiales. L'Office signale sans délai l'infection nosocomiale à l'autorité
compétente mentionnée à l'article L. 6115-3.
« Lorsque la juridiction compétente, saisie d'une demande d'indemnisation des
conséquences dommageables de l'aggravation d'une infection nosocomiale, estime
que les dommages subis sont indemnisables au titre du 1° de l'article L.
1142-1-1, l'Office est appelé en la cause et rembourse à l'assureur, le cas
échéant, les indemnités initialement versées à la victime. »
« VII. - Au premier alinéa de l'article L. 1142-22, après les mots : "dans les
conditions définies au II de l'article L. 1142-1", sont insérés les mots : ", à
l'article L. 1142-1-1".
« VIII. - Après l'article L. 1142-22, il est inséré un article L. 1142-22-1
ainsi rédigé :
«
Art. L. 1142-22-1.
- L'office adresse au Parlement et à la Commission
nationale des accidents médicaux, un rapport semestriel sur les infections
nosocomiales dont il a eu connaisance en application des articles L. 1142-8 et
L. 1142-21. Ce rapport est rendu public. »
« IX. - L'article L. 1142-23 est ainsi modifié :
« 1° Le septième alinéa (1°) est ainsi rédigé :
«
1°
Une dotation globale versée par les organismes d'assurance maladie
dans les conditions fixées par décret. La répartion de cette dotation entre les
différents régimes d'assurance maladie s'effectue dans les conditions prévues à
l'article L. 174-2 du code de la sécurité sociale. Le montant de cette dotation
est fixé chaque année par la loi de financement de la sécurité sociale. » ;
« 2° Il est ajouté, à la fin de cet article, un 5° ainsi rédigé :
« 5° Une dotation versée par l'Etat en application de l'article L. 3111-9.
»
La parole est à M. Gilbert Chabroux, sur l'article.
M. Gilbert Chabroux.
Monsieur le président, le groupe socialiste n'entend pas multiplier le nombre
de ses interventions, mais il souhaite néanmoins préciser sa position.
Nous reconnaissons qu'il y a un réel problème : nous pourrions nous trouver
dans une impasse le 1er janvier 2003 si les assureurs décidaient de ne plus
assurer les praticiens.
M. Alain Vasselle.
C'est le cas !
M. Gilbert Chabroux.
Si nous mesurons la gravité de la situation, nous exprimons néanmoins de très
fortes réserves quant aux propositions qui nous sont faites, notamment à
l'article 1er, clé de voûte de la proposition de loi.
Nous ne voudrions pas que, à cette occasion, la loi du 4 mars 2002 soit remise
en cause. Certains émettent des critiques, j'ai même entendu ce matin le mot «
bêtise ». J'aimerais que l'on n'emploie pas de tels termes, sachant que cette
loi a été votée à la quasi-unanimité par les députés et par les sénateurs. Elle
constitue un très grand progrès, qui ne saurait être remis en cause. J'insiste
pour qu'il me soit donné acte que c'est dans cet esprit que doit se dérouler le
débat.
La loi relative aux droits des malades doit être considérée comme une base ;
sans doute peut-on discuter du problème particulier de l'assurance en
responsabilité civile médicale, mais sans pour autant remettre la loi en
cause.
Les difficultés que connaît l'assurance en responsabilité civile médicale sont
anciennes, M. Jean-Pierre Godefroy l'a fort bien dit. Elles ne sont pas liées à
la loi Kouchner !
Il n'est pas établi, contrairement à ce qu'a affirmé M. le rapporteur, qu'il y
a eu au cours des dernières années un développement important du contentieux
médical.
M. Nicolas About,
président de la commission.
Si !
M. Hilaire Flandre.
Il faut lire le journal !
M. Jean Chérioux.
Lisez
Libération !
M. Gilbert Chabroux.
La récente enquête publiée par le groupement des entreprises mutuelles
d'assurance n'a pas fait apparaître une augmentation de l'activité contentieuse
dans ce domaine. Nous aurions aimé avoir des chiffres.
M. Nicolas About,
président de la commission.
Plus de 10 % par an !
M. Gilbert Chabroux.
S'il y a en effet des chiffres dans l'article publié par le journal
Libération
, nous aurions aimé trouvé des données fiables dans le rapport
; il n'y en a pas et force est de constater que nous discutons de cette
proposition de loi dans une certaine précipitation. Je reconnais qu'il y a
urgence, qu'il y a des problèmes, que l'échéance du 1er janvier 2003 se
rapproche, mais nous aurions aimé disposer d'un rapport un peu plus complet,
contenant quelques statistiques, notamment en matière contentieuse.
Certaines affaires ont été très médiatisées, l'arrêt Perruche par exemple, et
les assureurs ont pu en tirer prétexte pour se désengager du marché de
l'assurance en responsabilité civile médicale.
Il faut tout de même situer la responsabilité des assureurs, et c'est le
deuxième point que je développerai.
Les assureurs s'élèvent, en fait, contre la loi relative aux droits des
malades, car ses dispositions assoient l'indemnisation des victimes d'accidents
sans faute sur la solidarité naionale ; elles vont ainsi à l'encontre des
propositions qu'avaient faites les assureurs, qui souhaitaient eux un
dispositif purement privé. Ils ont donc été frustrés d'un marché
lucratif,...
M. Jean Chérioux.
Il faudrait savoir !
M. Gilbert Chabroux.
... et l'on peut se demander dans quelle mesure ils ne veulent pas prendre une
revanche.
Maintenant, ils rechignent à intervenir dans le domaine qui leur était laissé
par la loi, celui de la responsabilité des établissements pour les accidents
nosocomiaux. Cette responsabilité est importante, et les établissements doivent
réagir et veiller à la propreté et à l'hygiène.
Le problème est comparable, d'une certaine manière, à celui des accidents du
travail. Or les entreprises ont trouvé des assureurs et ont pu mettre en place
un système d'assurance qui fonctionne normalement. Pourquoi n'en irait-il pas
ainsi s'agissant des établissements hospitaliers et des infections nosocomiales
? Celles-ci constituent un véritable fléau, que les professionnels ont
l'obligation, je le réaffirme, de faire reculer.
Le système mis en place par le biais de la loi Kouchner paraissait tout à fait
approprié, et avait d'ailleurs été adopté à la quasi-unanimité des députés et
des sénateurs.
Cependant, il est remis en cause par les assureurs, qui ne veulent pas faire
leur métier normalement et qui voudraient, en quelque sorte, assurer sans
risques ou n'assurer que les petits risques, la solidarité nationale se
substituant aux compagnies d'assurances dès que le risque est trop grand.
Est-ce cela, le métier d'assureur ?
M. Hilaire Flandre.
Caricature !
M. Gilbert Chabroux.
Nous regrettons que le Gouvernement ait cédé aux pressions des assureurs et
soit à l'origine de la proposition de loi qui nous est présentée. Nous ne
mettons pas en cause la bonne volonté de l'auteur de celle-ci, M. Nicolas
About, ni celle du rapporteur, M. Jean-Louis Lorrain, mais il nous semble qu'il
y avait d'autres manières de conduire la discussion avec les assureurs et de
les amener à faire preuve de davantage de sens civique.
Nous regrettons également la distinction qui est faite entre gros risques et
petits risques, les premiers étant pris en charge par la solidarité nationale,
les seconds par les assureurs. Cette distinction, comme l'a très bien dit Guy
Fischer, rejoint celle qui a été faite récemment par Jacques Barrot, qui
proposait de restreindre la couverture par la sécurité sociale aux « maladies
graves », les autres risques étant couverts par les assurances complémentaires
: c'est le même système que vous voulez mettre en place.
Cela constitue un précédent dangereux ; nous exprimons de très fortes
réserves, mais nous comprenons, encore une fois, que la situation est vraiment
difficile, qu'il est urgent d'agir et qu'il faut sortir de l'impasse. Quoi
qu'il en soit, nous sommes perplexes au vu des solutions qui nous sont
présentées par le Gouvernement.
(Applaudissements sur les travées du groupe
socialiste et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
Monsieur Chabroux, voilà huit jours, une personne est morte dans un hôpital de
l'Assistance publique de Marseille, à la suite d'une infection nosocomiale. Je
me suis alors demandé si l'on n'allait pas mettre en examen le président du
conseil d'administration de l'Assistance publique de Marseille...
J'aimerais donc que l'on règle le problème soulevé aujourd'hui, parce que je
ne me sens nullement responsable de ce qui a pu arriver.
M. Guy Fischer.
Vous allez devenir votre propre assureur, monsieur le président !
M. Nicolas About,
président de la commission.
Il l'est déjà !
M. le président.
En effet. De nombreux élus de grandes villes ont d'ailleurs déjà souscrit des
polices d'assurance personnelles, ne serait-ce que pour être en mesure,
éventuellement, de payer des avocats.
M. Paul Blanc.
Il n'y a pas que dans les grandes villes !
M. le président.
La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle.
Il est clair que nous sommes entrés, depuis quelques années déjà, dans l'ère
du contentieux.
M. Paul Blanc.
Tout à fait !
M. Alain Vasselle.
Ainsi, nos administrés n'hésitent plus à engager des procédures, et les élus
ont été les premiers à en faire l'expérience.
Aujourd'hui, les professionnels de santé se trouvent dans une situation
particulièrement délicate, résultant d'un ensemble de circonstances liées à la
nature du risque et au développement du contentieux. De surcroît, l'adoption
par le Parlement de la loi relative aux droits des malades et à la qualité du
système de santé ne peut que l'aggraver.
Certes, on comprend bien que des victimes cherchent à obtenir réparation dans
l'hypothèse où un praticien de santé aurait commis une faute caractérisée, mais
nos concitoyens s'engagent également dans la voie contentieuse quand il s'agit
d'un délit non intentionnel, c'est-à-dire d'un préjudice subi par un patient à
la suite de ce que l'on considère comme une erreur médicale, qui peut être
simplement le résultat d'un manque d'information du médecin concerné. Les
professionnels de santé n'échappent pas à cette tendance générale qui veut que
l'on demande réparation de tout préjudice subi, dans quelque domaine que ce
soit.
Lorsque l'on a l'occasion de s'entretenir de ce sujet avec des professionnels
de santé, ceux-ci font valoir que le risque n'est que l'une des difficultés
qu'ils rencontrent. De plus en plus, en effet, ces professionnels recherchent
une meilleure qualité de vie. Ils souhaitent en outre bénéficier des
dispositions qui ont été mises en oeuvre au profit de l'ensemble des salariés
des entreprises et des agents hospitaliers, à savoir les 35 heures.
(Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. Roland Muzeau.
Un salarié sur deux seulement bénéficie des 35 heures !
M. Alain Vasselle.
Quand on considère l'accumulation de ces facteurs - l'effet de la mise en
place des 35 heures, la recherche d'une meilleure qualité de vie, les risques
et le vote par le Parlement de la loi relative aux droits des malades et à la
qualité du système de santé -,...
M. Guy Fischer.
On voit que vous êtes pour le progrès social !
M. Alain Vasselle.
... on ne peut s'étonner de la situation dans laquelle nous nous trouvons
aujourd'hui, ni des états d'âme et des difficultés dont les professionnels de
santé nous font part. On peut affirmer que la responsabilité de cet état de
choses incombe à la majorité précédente !
(Exclamations sur les travées du
groupe socialiste et sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. Guy Fischer.
Bien sûr !
M. Alain Vasselle.
Vous n'avez pas su, chers collègues de la minorité sénatoriale, lorsque vous
souteniez le gouvernement de M. Jospin, mener les actions d'information et de
sensibilisation qui auraient permis d'obtenir une véritable adhésion aux
réformes que vous avez engagées. Aujourd'hui, c'est nous tous qui payons les
pots cassés, et la France souffre !
(Nouvelles exclamations sur les mêmes
travées. - Applaudissements sur les travées du RPR.)
J'avais l'intention, monsieur le président de la commission, monsieur le
rapporteur, de déposer un amendement à l'article 1er de cette proposition de
loi. J'ai finalement préféré prendre la parole sur l'article, afin d'exprimer
mes inquiétudes ou mes interrogations quant au dispositif prévu.
J'entends bien que l'on veuille apporter une réponse à tout patient qui aurait
souffert d'une infection nosocomiale et, en même temps, couvrir un risque qui
n'est pas le fait du médecin ou d'un service qui fonctionne dans les meilleures
conditions possibles, mais qui peut tenir à tout autre chose qu'à la pratique
médicale elle-même.
A cette fin, un partage de la réparation des dommages nosocomiaux a été prévu
selon que le taux d'incapacité permanente de la victime sera ou non supérieur à
25 % : le second cas regroupe la majeure partie des petits risques, le premier
correspond aux risques les plus importants, que l'ONIAM devra couvrir. Donc
acte !
Cela étant, je m'interroge à propos des petits risques qui devront être
couverts par les assureurs. En effet, M. Jean-François Mattei a indiqué à la
commission des affaires sociales du Sénat qu'une mutuelle de la région
Provence-Alpes-Côte d'Azur avait décidé de ne plus s'intéresser à ce créneau du
marché des assurances et que l'on constatait le retrait d'un certain nombre de
compagnies d'assurance ou de mutuelles. Nous assistons donc à une raréfaction
de l'offre d'assurance pour les praticiens de santé. Dès lors, sommes-nous
certains qu'un nombre suffisant de compagnies d'assurance accepteront d'assurer
la couverture du risque ne relevant pas de l'ONIAM, compte tenu de la psychose
et des difficultés actuelles ?
M. Guy Fischer.
Non !
M. Alain Vasselle.
On me répond que, d'une part, les praticiens de santé sont tenus de s'assurer,
et que, d'autre part, les compagnies d'assurance présentes sur le marché ne
peuvent s'en retirer et refuser de proposer une police d'assurance aux
professionnels de santé. Or je constate une raréfaction de l'offre d'assurance
dans ce secteur, et je crains que cette situation n'entraîne une hausse des
tarifs pour les établissements hospitaliers et les professionnels de santé.
On m'objecte alors qu'une tarification va s'imposer aux compagnies
d'assurance. Encore faut-il que celle-ci soit supportable pour les praticiens
et pour les petits établissements hospitaliers ! Un amendement du Gouvernement
prévoit la faculté, pour les établissements hospitaliers qui le souhaiteraient,
d'être leur propre assureur, mais
quid
des petits établissements
hospitaliers ou des petites cliniques qui n'auraient pas une assise financière
suffisante pour couvrir eux-mêmes les risques ne relevant pas de l'ONIAM ? Ils
devront faire appel à une compagnie d'assurance, et si les tarifs augmentent en
raison de l'insuffisance de l'offre, on reviendra à la « case départ » !
Par ailleurs, ne risque-t-on pas, en imposant un tarif, de mettre certaines
compagnies d'assurance en difficulté ?
(Murmures sur les travées du groupe
socialiste.)
M. Guy Fischer.
Elles se sont mises en difficulté en spéculant !
M. Alain Vasselle.
Enfin, il est prévu que, si une compagnie d'assurance refuse d'assurer les
professionnels de santé, elle pourra se voir retirer, partiellement ou
totalement, son agrément d'assurance. Qu'entend-on par un tel retrait partiel
ou total ? S'il s'agit de retirer à cette compagnie son agrément d'assurance
pour ce qui concerne le seul risque santé, elle ne pourra que s'en réjouir ! En
revanche, s'il s'agit de lui retirer totalement son agrément d'assurance, elle
disparaîtra du marché français.
Telles sont les questions que je souhaitais soulever. L'amendement que je
comptais déposer visait à garantir que tout praticien ou établissement
hospitalier pourrait trouver sur le marché français des compagnies d'assurance
tenues d'assurer la couverture du risque ne relevant pas de l'ONIAM. Si M. le
ministre, M. le président de la commission et M. le rapporteur pouvaient
apaiser mes inquiétudes sur ce point, je pense que cela permettrait également
de rassurer l'ensemble des praticiens hospitaliers, qui se posent des questions
fondamentales quant à l'avenir de leur profession.
M. le président.
La parole est à M. Jean Chérioux.
M. Jean Chérioux.
Je ne comptais pas prendre la parole, mais compte tenu du tour qu'a pris le
débat, je crois devoir exprimer mon étonnement devant la politisation du
problème qui nous occupe par nos collègues de gauche.
(M. Robert Bret
rit.)
A l'évidence, le problème est réel et doit donc être résolu. M. Chabroux
lui-même l'a reconnu, ajoutant que la solution devrait être intervenue au 1er
janvier 2003.
Cela étant, il nous accuse d'être en contradiction avec nous-mêmes parce que
nous avons voté la loi Kouchner. Or, ce que nous reprochons à M. Kouchner, ce
n'est pas d'avoir élaboré et soumis au Parlement un texte qui, comme l'a dit M.
Chabroux, constitue effectivement un progrès car il vise à tenir compte de
l'augmentation du nombre des contentieux dans le domaine médical et du coût
qu'ils représentent. Avoir créé l'ONIAM est, à cet égard, une bonne
solution.
Toutefois, on peut formuler deux critiques sur le texte de M. Kouchner.
En premier lieu, il ne permet pas de résoudre les questions financières qu'il
soulève et que nous sommes donc obligés de régler aujourd'hui. M. Kouchner
aurait pu se pencher sur le problème qui se pose aux compagnies d'assurance.
M. Gilbert Chabroux.
Il y a eu un changement de gouvernement !
M. Jean Chérioux.
En effet, celles-ci ne cherchent pas uniquement à conserver des parts de
marché ou à gagner de l'argent ; le coût de la couverture des risques dont il
s'agit ici est très élevé, et M. Kouchner le savait ! Il aurait pu essayer de
régler le problème !
M. Gilbert Chabroux.
Mais il l'a fait !
M. Jean Chérioux.
En second lieu, la loi relative aux droits des malades et à la qualité du
système de santé a encore accru le coût de la couverture des risques. Il faut
être logique ! Une loi a été votée ; cela était nécessaire mais,
malheureusement, elle est incomplète, et son auteur n'a pas mené sa tâche à
bien.
(Protestations sur les travées du groupe socialiste et sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen.)
Il nous a laissé le soin de
régler aujourd'hui la question la plus difficile, celle du financement !
Le progrès, monsieur Chabroux, a un coût, et nous devons aujourd'hui payer.
Soyez logiques avec vous-mêmes, chers collègues de l'opposition : vous avez
considéré que la loi Kouchner représentait un progrès, et, dans une certaine
mesure nous étions d'accord avec vous ; mais, aujourd'hui, acceptez de payer
l'addition et n'essayez pas de vous défausser comme vous le faites en
prétendant que le problème tient aux compagnies d'assurance !
MM. Guy Fischer et Roland Muzeau.
Mais si !
M. Robert Bret.
Vous le savez bien !
M. Jean Chérioux.
A l'évidence, si les compagnies d'assurance - et je ne suis pas là pour les
défendre ! - ne pratiquaient pas une politique d'ajustement du montant de leurs
primes, elles iraient à la faillite. Si c'est ce que vous souhaitez, dites-le !
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Paul Blanc.
M. Paul Blanc.
Je me félicite tout d'abord que le président de la commission des affaires
sociales ait déposé ce texte, parce que, moi qui viens de la « France d'en bas
»
(Exclamations amusées sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen),
je rencontre tous les jours des praticiens et des directeurs de
clinique confrontés à ce problème d'assurance. Or j'ai écouté M. Chabroux avec
beaucoup d'attention et je l'ai entendu souligner précisément qu'il était
urgent d'y apporter une solution. Seulement, quand nous faisons une
proposition, chers collègues de la gauche, vous vous y opposez !
C'est, je crois, la philosophie générale qui a animé nombre de textes
présentés au cours de la précédente législature.
M. Jean-Pierre Godefroy.
C'est la démocratie !
M. Paul Blanc.
En réalité, il y a, d'un côté, le dogmatisme, au nom duquel on propose
beaucoup de choses
(Exclamations sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen),
et, de l'autre, le pragmatisme.
(Sourires sur
les travées du groupe socialiste.)
Aujourd'hui, le Sénat peut
s'enorgueillir d'être avant tout pragmatique.
M. Guy Fischer.
Toujours en direction des mêmes !
M. Roland Muzeau.
Par rapport à ce que dit Ernest-Antoine Seillière !
M. Guy Fischer.
Kessler est content !
M. Paul Blanc.
La situation actuelle appelait une réponse. Par cette proposition de loi, nous
apportons une réponse. Je m'en réjouis, comme les praticiens et les directeurs
de clinique.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
J'ai écouté très
attentivement les intervenants.
Monsieur Chabroux, la loi Kouchner a effectivement été adoptée par le Sénat à
une large majorité, au demeurant pour des raisons très différentes selon les
travées sur lesquelles siégeaient ceux qui l'ont votée.
M. Paul Blanc.
Absolument !
M. Nicolas About,
président de la commission.
Je ne m'étendrai pas sur ce point. Je dirai
simplement que, s'agissant de l'arrêt Perruche, le Sénat a su faire prévaloir
une position très délicate et difficile, d'ailleurs assez largement partagée.
D'autres dispositions du texte de Bernard Kouchner ne nous plaisaient pas
nécessairement. Mais comme, selon nous, nous étions à l'aube d'une nouvelle
période et que le temps viendrait où nous pourrions éventuellement corriger ces
dispositions, nous avions considéré que ce texte ne devait pas donner lieu à un
affrontement. En effet, le texte était trop important. Le droit des malades,
c'est quelque chose de symbolique, et c'est pourquoi nous nous sommes
retrouvés.
M. Gilbert Chabroux.
Bien sûr !
M. Nicolas About,
président de la commission.
Toutefois, monsieur Chabroux, vous avez été
trop loin en affirmant que l'Assemblée nationale avait fait de même. En effet,
au Palais-Bourbon, la droite n'a pas voté le texte.
M. Gilbert Chabroux.
Elle n'a pas voté contre, elle s'est abstenue !
M. Nicolas About,
président de la commission.
Alors, c'était, comme le disaient naguère nos
amis communistes, une abstention positive !
(Sourires.)
M. Gilbert Chabroux.
Très positive !
M. Robert Bret.
Je crois qu'on peut le voir ainsi !
M. Nicolas About,
président de la commission.
En effet !
Il n'y a pas de chiffres, dites-vous. C'est parce que vous ne lisez pas un
quotidien spécialisé ou une revue spécialisée !
(M. Gilbert Chabroux
s'exclame.)
Je vous en prie, monsieur Chabroux, je ne vous agresse pas !
Si, au lieu de lire
Libération,
vous aviez consulté, par exemple,
Le
Concours médical,
qui est tout de même une publication de référence, vous y
auriez trouvé un certain nombre d'informations. En effet, dans son dernier
numéro, en date du 26 octobre, il est précisé que, sur les dix dernières
années, le nombre de déclarations d'accidents médicaux a évolué de façon
continue, de 15 % par an en moyenne. Dans le même temps, le total des
indemnités versées aux victimes d'accidents fautifs a été multiplié par 6,9. La
progression est donc très nette en ce qui concerne non seulement le nombre
d'accidents, mais également le montant des indemnités versées aux victimes. Le
monde de l'assurance du risque de santé, qui n'avait pas forcément pris en
compte, à travers les primes, la progression importante des infections
nosocomiales et leur impact sur le plan des indemnités versées aux victimes,
s'est trouvé peu à peu confronté à une situation à laquelle il ne pouvait plus
faire face lui-même, sauf à faire exploser le montant des primes. Nous sommes
aujourd'hui confrontés à ce problème.
Certains sont partis sur la pointe des pieds, attirés par d'autres cieux.
D'autres ont eu des charges extrêmement lourdes au moment du 11 septembre - je
parle des étrangers. Restent les sociétés mutualistes, celles qui s'intéressent
vraiment au risque médical, qui assument seules aujourd'hui ce risque médical.
A côté de ces sociétés existent, bien sûr, les grands centres hospitaliers,
comme l'Assistance publique, qui s'auto-assurent s'agissant du risque que nous
évoquons.
Le Gouvernement était donc confronté à l'obligation de sauver le dispositif
assurantiel. Une table ronde a eu lieu. Le but n'est pas de remplir les poches
des assurances ! Il s'agit de savoir si nous voulons sauver les assurances
mutualistes de France. Y a-t-il encore en France des structures capables
d'assurer le risque médical ? Faisons-nous ce pas ensemble ou livrons-nous,
pieds et poings liés, les professions de santé à un système assurantiel plus
sauvage ? Or, si nous ne le faisons pas, si telle n'est pas notre démarche,
nous condamnons à mort l'ensemble du système mutualiste de santé. C'est la
raison pour laquelle nous présentons ce texte aujourd'hui, mes chers
collègues.
M. Vasselle a également posé une excellente question : certes, les grosses
structures pourront s'auto-assurer comme par le passé, ce qui est normal, mais
qu'adviendra-t-il des petites cliniques qui courront un risque important et
qui, éventuellement, ne trouveront plus d'assureur, car on ne peut pas demander
l'impossible ?
Je lui répondrai que le Gouvernement s'est engagé à respecter ce qui était la
loi Kouchner, c'est-à-dire à mettre en place le bureau central de tarification.
Cependant - et là, je me tourne vers M. le ministre délégué - va-t-il le faire
parallèlement à la montée en charge de ce texte, c'est-à-dire avant la fin de
l'année, pour que l'ensemble du dispositif soit en place si une clinique ne
peut pas s'assurer à un tarif raisonnable ou si on ne lui propose pas de tarif
? Si le bureau central de tarification est en place au 1er janvier prochain, il
pourra imposer à la fois un montant de prime et un assureur à une clinique qui
en serait dépourvue.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants et du RPR.)
M. Paul Blanc.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Jacob,
ministre délégué.
Monsieur le président About, je réponds bien sûr par
l'affirmative à votre question : le bureau central de tarification sera
opérationnel d'ici à la fin de l'année. Le décret en Conseil d'Etat sera
d'ailleurs présenté dans les prochains jours. Il garantira à la fois la mise en
place du pool et, au-delà, une assurance pour tous les établissements et les
professionnels, et je réponds là également à la question de M. Vasselle.
J'aurai l'occasion, lors de l'examen des amendements qui ont été déposés sur
cet article, de répondre aux autres questions qui ont été posées.
M. le président.
L'amendement n° 3, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Compléter le II de cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Au premier alinéa du même article, les mots : "à l'exclusion des 5°, sous
réserve des dispositions de l'article L. 1222-9 (11°, 14° et 15°)" sont
remplacés par les mots : "à l'exclusion du 5°, sous réserve des dispositions de
l'article L. 1222-9, et des 11°, 14° et 15°". »
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Jacob,
ministre délégué.
Il s'agit d'un amendement purement formel.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Louis Lorrain,
rapporteur.
Favorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 3.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 4, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Compléter le II de cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
« Après le premier alinéa du même article, il est inséré un alinéa ainsi
rédigé :
« Une dérogation à l'obligation d'assurance prévue au premier alinéa peut être
accordée par arrêté du ministre chargé de la santé aux établissements publics
de santé disposant des ressources financières leur permettant d'indemniser les
dommages dans des conditions équivalentes à celles qui résulteraient d'un
contrat d'assurance. »
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Jacob,
ministre délégué.
Cet amendement se justifie par son texte même.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Louis Lorrain,
rapporteur.
Favorable.
M. le président.
La parole est à M. Guy Fischer, contre l'amendement.
M. Guy Fischer.
Cet amendement a fait l'objet d'une très vive et très large discussion en
commission. En fait, il vise à revenir sur l'une des dispositions de la loi du
4 mars 2002.
Selon M. About, le bureau central de tarification réglera, d'ici à la fin
l'année, les problèmes et s'assurera que les tarifs ne sont pas excessifs et
qu'ils n'explosent pas. On peut être sceptique ! Nous considérons que, d'une
manière ou d'une autre, qu'il s'agisse de l'Assistance publique de Paris, des
Hospices civils de Lyon ou de l'Assistance publique de Marseille, il y aura un
coût, qui devra être supporté par quelqu'un.
M. Jean Chérioux.
C'est déjà le cas !
M. Guy Fischer.
Il faudra définir ce coût. Compte tenu de sa répartition et du fait que, dans
le même temps, le mode de financement des hôpitaux va être modifié puisqu'on va
passer à un financement à l'activité, on peut s'interroger.
M. le ministre a confirmé que le bureau central de tarification permettra,
d'ici à la fin de l'année, de résoudre tous les problèmes qui pourraient
surgir. Tout à l'heure, il a été dit que la Fédération française des sociétés
d'assurance créerait un pôle de coassurance. Cela laisserait à penser qu'elle
fait un pas dans la bonne direction. Cependant, ce pôle ne sera créé que
lorsque la présente proposition de loi aura été adoptée définitivement et après
qu'elle aura encadré, d'une manière ou d'une autre, les engagements des
assureurs privés.
A y regarder de plus près, les représentants de ce groupement temporaire des
assureurs médicaux, pôle de coassurance en responsabilité civile, disent qu'il
n'interviendra que lorsque les établissements ou les professionnels de santé
justifieront que les assureurs du marché leur ont opposé deux refus de
couverture. De surcroît, ils ont l'outrecuidance de dire qu'un tarif jugé trop
élevé ne constitue pas un refus d'assurer. Cela relève du cynisme le plus pur !
Les sociétés d'assurance ont pour stratégie de se désengager complètement et,
finalement, la part de la Fédération française des sociétés d'assurance sera
marginale et nous serons confrontés aux difficultés que l'on sait.
Le Gouvernement revient donc sur une disposition de la loi Kouchner. Nous nous
étions expliqués sur ce point. Je connais les arguments qui vont nous être
opposés : « Vous voulez favoriser les surprimes ».
M. Nicolas About,
président de la commission.
Vous vous faites l'allié des assureurs !
M. Guy Fischer.
Non ! Au sein de ce groupement temporaire des assureurs médicaux, les
conditions - avoir été confronté à deux refus et sans avoir discuté les tarifs
- seraient inacceptables. Le délégué général de la FFSA lui-même affirme qu'un
tarif jugé trop élevé ne constitue pas un refus d'assurer.
Aussi, nous voterons contre cet amendement.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Louis Lorrain,
rapporteur.
L'examen de cet amendement suscite un certain nombre de
remarques.
Il faut tout de même rappeler que, à la suite de l'appel d'offres européen
qu'elle a lancé, l'AP-HP a obtenu pour seule réponse une proposition aux termes
de laquelle le coût de la prime représentait trois fois le montant des
indemnisations. Aussi, nous comprenons difficilement la logique qui anime notre
collègue du groupe communiste républicain et citoyen. Prime ou indemnisation,
il s'agit toujours de fonds publics !
Notre proposition ne vise pas à créer des ressources pour les assurances. La
surface financière de l'AP-HP dépassant celle des assureurs, on comprend que ce
type de dérogation soit proposé.
Certes, l'obligation d'assurance est prévue dans la loi Kouchner - que nous
avons appréciée, à certains égards -, mais elle n'est pas sans entraîner un
certain nombre de dysfonctionnements auxquels nous essayons de remédier. Notre
objectif est de lutter contre le gaspillage.
M. le président.
La parole est M. le président de la commission.
M. Nicolas About,
président de la commission.
Il me semble que nous sommes en train
d'examiner le meilleur des amendements déposés sur la proposition de loi.
En effet - première raison -, cet amendement donne satisfaction aux élus qui
siègent sur ces bancs
(M. le président de la commission se tourne vers la
gauche de l'hémicycle),
en particulier à M. Fischer, car il tend à exercer une pression sur les
assurances. Les assureurs sauront désormais que, s'ils abusent, s'ils
n'assurent pas, s'ils exagèrent en fixant le montant des primes demandées, le
Gouvernement pourra les punir en permettant à des établissements qui en ont la
capacité de s'auto-assurer, empêchant ainsi les grandes compagnies d'assurance,
ces chefs du capital, de s'enrichir aux dépens des établissements de santé.
La deuxième raison - et mes collègues y seront sensibles sur l'ensemble des
travées - concerne le bon usage des fonds publics. Quand un établissement de
santé a la capacité de payer moins cher en s'auto-assurant, pourquoi vouloir
lui imposer de verser une prime plus élevée ? C'est tout de même un comble !
Les établissements de santé ont autre chose à faire de leur argent !
M. Alain Vasselle.
Très bien !
M. Nicolas About,
président de la commission.
Troisième raison, et M. Godefroy devrait en
être ravi, l'adoption de cet amendement n° 4 poussera les établissements
concernés à lutter prioritairement contre le risque nosocomial, comme il l'a
souligné tout à l'heure à la tribune.
M. Jean Chérioux.
Exactement !
M. Guy Fischer.
M. Giraud a fait remarquer qu'ils n'en avaient pas les moyens !
M. Nicolas About,
président de la commission.
S'ils s'auto-assurent, ils seront encore plus
sensibles au fait qu'ils doivent faire des économies en luttant avec efficacité
contre le risque nosocomial : ils sauront qu'ils sont comptables des
indemnisations, qu'ils auront à verser sur leurs propres deniers, et qu'ils ne
pourront pas s'en remettre aux assurances.
Parce que je sais que cet amendement vous donne satisfaction, chers collègues
du groupe communiste républicain et citoyen, autant qu'à nous tous, je souhaite
que nous puissions l'adopter à l'unanimité.
(M. Jean Chérioux
applaudit.)
M. le président.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy.
Notre discussion confirme pleinement le bien-fondé de notre opposition.
Monsieur About, vous venez de dire que l'Assistance publique de Paris paiera
trois fois moins cher en s'auto-assurant qu'en se tournant vers les assurances.
C'est donc bien que celles-ci exercent un véritable chantage sur les
établissements de santé ! Tel est bien le sens de la démonstration que vous
venez vous-même d'apporter.
M. Guy Fischer.
Très bien !
M. Nicolas About,
président de la commission.
Mais ils s'auto-assurent déjà !
M. Jean-Pierre Godefroy.
Ce n'est pas parce que certains grands établissements pourront s'auto-assurer
que tous les petits établissements pourront le faire ! Comment organisez-vous
tout cela ? Car les petits établissements, qui sont les plus nombreux dans
notre pays, resteront soumis à la loi du marché !
M. Nicolas About,
président de la commission.
Pas du tout !
M. Jean-Pierre Godefroy.
Et les grands assureurs, qui perdront la clientèle des grands groupes
hospitaliers, ne manqueront pas de se rattraper sur les petits établissements.
(Très bien ! sur les travées socialistes.)
M. Nicolas About,
président de la commission.
Mais non !
M. le président.
La parole est à M. André Lardeux, pour explication de vote.
M. André Lardeux.
Ce débat sur l'auto-assurance est un faux débat, car celle-ci ne concerne pas
les seuls établissements hospitaliers.
M. Nicolas About,
président de la commission.
Elle concerne aussi les collectivités !
M. André Lardeux.
L'Etat lui-même est son propre assureur dans tous les domaines d'activités, et
les collectivités locales aussi ont parfaitement le droit de faire de même pour
certains risques.
M. Nicolas About,
président de la commission.
Absolument !
M. André Lardeux.
La collectivité que je préside vient de voir un contrat d'assurance dénoncé
par une compagnie. Elle ne va pas s'assurer auprès d'une autre, parce qu'une
étude a montré que le risque dont l'assureur estimait le coût trop élevé lui
reviendra beaucoup moins cher en indemnités à verser aux éventuelles
victimes.
M. Nicolas About,
président de la commission.
Absolument !
M. André Lardeux.
Je ne vois donc pas pourquoi on fait autant de bruit autour d'une question qui
me semble assez banale et à laquelle nous avons répondu d'une façon qui, sur le
plan de la protection des victimes, apporte toute garantie et, sur le plan
économique, relève d'une bonne gestion des deniers publics.
M. Nicolas About,
président de la commission.
Tout à fait !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 4.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 5, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Compléter le II de cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le deuxième alinéa du même article, les mots : "de l'alinéa précédent"
sont remplacés par les mots : "du premier alinéa". »
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Jacob,
ministre délégué.
Il s'agit d'un amendement de pure forme qui n'a d'autre
objet que de tirer la conséquence de celui que nous venons d'adopter.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Louis Lorrain,
rapporteur.
Avis favorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 5.
M. Guy Fischer.
Le groupe CRC vote contre.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 1, présenté par MM. Godefroy, Chabroux et les membres du
groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« A la fin du texte proposé par le V de cet article pour l'article L.
1142-17-1 du code de la santé publique, supprimer les mots : "et rembourse à
l'assureur les indemnités initialement versées à la victime". »
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy.
J'ai déjà évoqué cet amendement, qui nous semble tout à fait indispensable,
lors de la discussion générale.
Il est prévu dans votre proposition de loi, monsieur le rapporteur, monsieur
le président de la commission, que, dès l'instant où le taux d'incapacité
permanente dépasse 25 %, c'est la solidarité nationale, par l'intermédiaire de
l'ONIAM, qui intervient ; en revanche, s'il est inférieur à ce pourcentage, les
indemnités sont prises en charge par l'assureur.
Que l'ONIAM finance les indemnités si le taux d'incapacité, s'aggravant,
franchit le seuil de 25 %, soit ; mais pourquoi devrait-il rembourser à
l'assureur les sommes versées au cours de la période antérieure, lorsque le
taux d'incapacité de la victime était inférieur à 25 % ? Cela revient à faire
un cadeau royal à l'assureur, qui, dès lors, ne prend plus aucun risque !
Il convient en conséquence de supprimer cette disposition, afin que l'assureur
assume sa responsabilité jusqu'au bout.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Louis Lorrain,
rapporteur.
La commission souhaite entendre l'avis du Gouvernement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Jacob,
ministre délégué.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. En
effet, son adoption risquerait de créer une réelle distorsion entre la
situation des patients dont le taux d'incapacité évolue, passant
progressivement, par exemple, de 15 % à 30 %, et celle des personnes à qui l'on
reconnaît d'emblée un taux d'incapacité de 30 %. En outre, elle aboutirait à
alourdir les procédures de demande d'indemnisation des malades, qui n'ont
vraiment pas besoin de cela !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 1.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je rappelle amicalement à M. Godefroy que, comme le disait Edgar Faure,
l'amendement est mort alors qu'il était dans son droit, mais qu'il eût été tout
aussi mort s'il avait été dans son tort !
(Sourires.)
L'amendement n° 2, présenté par MM. Godefroy, Chabroux et les membres du
groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« A la fin du second alinéa du texte proposé par le 2° du VI de cet article
pour compléter l'article L. 1142-21 du code de la santé publique, supprimer les
mots : "et rembourse à l'assureur, le cas échéant, les indemnités initialement
versées à la victime". »
Cet amendement est devenu sans objet.
L'amendement n° 6, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« Après le premier alinéa de l'article L. 1142-5, il est inséré un alinéa
ainsi rédigé :
« Toutefois un arrêté du ministre chargé de la santé et du ministre chargé de
la sécurité sociale peut instituer une commission interrégionale de
conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections
iatrogènes et des infections nosocomiales compétente pour deux ou plusieurs
régions. »
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Jacob,
ministre délégué.
Nous proposons de mettre en place des commissions
interrégionales en cas de besoin. En effet, dans certaines régions importantes,
il peut être plus simple de raisonner sur la base de structures géographiques
regroupées.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Louis Lorrain,
rapporteur.
Favorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 6.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 13, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« Le début du quatrième alinéa de l'article L. 1142-15 est ainsi rédigé :
« Sauf dans le cas où le délai de validité de la couverture d'assurance
garantie par les dispositions de l'alinéa 5 de l'article L. 251-2 du code des
assurances est expiré, l'office est subrogé...
(Le reste sans
changement.)
»
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Jacob,
ministre délégué.
Cet amendement se justifie par son texte même.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Louis Lorrain,
rapporteur.
Favorable.
M. le président.
La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle.
J'approuve bien entendu cette disposition, mais je ne peux manquer de réagir à
cette initiative en appelant le Gouvernement à réfléchir à l'extension de cette
mesure à d'autres activités ou à d'autres fonctions.
M. Guy Fischer.
Voilà ! Toujours plus !
M. Alain Vasselle.
Je pense notamment aux élus qui vont prendre leur retraite : ils restent
responsables des risques nés pendant leur mandat, même si les effets ne s'en
manifestent que dix ans ou quinze ans après sa fin. Les élus continuent donc de
pouvoir être appelés à réparer les conséquences de tels risques, soit
directement, soit par le biais de leur assurance.
Au demeurant, nombre d'élus qui ne sont plus maires mais sont simplement
maires honoraires se croient complètement libérés des responsabilités qu'ils
ont assumées durant l'exercice de leurs fonctions...
M. Nicolas About,
président de la commission.
Ils ne le sont pas du tout !
M. Alain Vasselle.
... et ne pensent pas à garder une assurance pendant leur honorariat.
Par conséquent, je salue l'initiative prise par le Gouvernement pour les
professionnels de santé,...
M. Nicolas About,
président de la commission.
Très bien !
M. Alain Vasselle.
... mais je profite de l'occasion pour lui demander de réfléchir à l'extension
de cette mesure à d'autres cas, notamment aux fonctions électives.
(Très
bien ! sur les travées du RPR.)
M. le président.
Monsieur le ministre, vous voilà questionné : nous avons tous en tête
l'affaire des thermes de Barbotan.
M. Christian Jacob,
ministre délégué.
Monsieur Vasselle, je partage votre préoccupation, mais
la discussion de cette proposition de loi ne m'offre pas la possibilité de vous
répondre officiellement. Toutefois, je pense que ce sujet pourra être largement
évoqué à l'occasion de l'examen d'un texte qui vous sera prochainement
soumis.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 13.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 7, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« Après le premier alinéa de l'article L. 1142-22, il est inséré un alinéa
ainsi rédigé :
« Les obligations de l'association France-Hypophyse nées de son rôle dans
l'organisation du traitement des patients par l'hormone de croissance
extractive entre 1973 et 1988 sont transférées à l'Office national
d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des
infections nosocomiales. »
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Jacob,
ministre délégué.
Il s'agit du transfert à l'ONIAM des risques couverts
par France-Hypophyse pour certains dommages.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Louis Lorrain,
rapporteur.
Favorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 7.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
M. le président.
« Art. 2. - Il est inséré, après l'article 98 de la loi n° 2002-303 du 4 mars
2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, un
article 98-1 ainsi rédigé :
«
Art. 98-1.
- Les dispositions des articles L. 1142-25 et 1142-26 du
code de la santé publique entrent en vigueur à une date prévue par le décret
mentionné à l'article L. 252-1 du code des assurances et au plus tard le 1er
janvier 2004. » -
(Adopté.)
Article 3
M. le président.
« Art. 3. - L'article 101 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 précitée est
ainsi modifié :
« 1° La seconde phrase du premier alinéa est supprimée ;
« 2° Il est inséré, après le premier alinéa, un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions du premier alinéa, portant sur des accidents médicaux, des
affections iatrogènes ou des infections nosocomiales survenus au plus tôt six
mois avant la date de publication de la présente loi, ne sont pas applicables
aux instances ayant donné lieu à une décision de justice irrévocable. »
L'amendement n° 8, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi cet article :
« Le premier alinéa de l'article 101 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002
précitée est ainsi rédigé :
« Les dispositons du titre IV du livre Ier de la première partie du code de la
santé publique issues de l'article 98 de la présente loi, à l'exception du
chapitre Ier, de l'article L. 1142-2 et de la section 5 du chapitre II,
s'appliquent aux accidents médicaux, affections iatrogènes et infections
nosocomiales consécutifs à des activités de prévention, de diagnostic ou de
soins réalisées à compter du 5 septembre 2001, même si ces accidents médicaux,
affections iatrogènes et infections nosocomiales font l'objet d'une instance en
cours à moins qu'une décision de justice irrévocable n'ait été prononcée. »
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Jacob,
ministre délégué.
Cet amendement vise à clarifier la date d'effet de la
disposition proposée : elle s'appliquera, rétroactivement, aux événements
survenus à compter du 5 septembre 2001.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Louis Lorrain,
rapporteur.
Favorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 8.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 3 est ainsi rédigé.
Article 4
M. le président.
« Art. 4. - Au chapitre Ier du titre V du livre deuxième du code des
assurances, il est ajouté, après l'article L. 251-1, un article L. 251-2 ainsi
rédigé :
«
Art. L. 251-2. -
Constitue un sinistre, pour les risques mentionnés à
l'article L. 1142-2 du code de la santé publique, tout dommage ou ensemble de
dommages causés à des tiers, engageant la responsabilité de l'assuré, résultant
d'un fait générateur ou d'un ensemble de faits générateurs ayant la même cause
technique, imputable aux activités de l'assuré garanties par le contrat, et
ayant donné lieu à une ou plusieurs réclamations.
« Constitue une réclamation toute demande en réparation amiable ou
contentieuse formée par la victime d'un dommage ou ses ayants droit, et
adressée à l'assuré ou à son assureur.
« Tout contrat d'assurance conclu en application de l'article L. 1142-2 du
même code garantit l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres
pour lesquels la première réclamation est formée pendant la période de validité
du contrat, et qui sont imputables aux activités de l'assuré garanties au
moment de la première réclamation.
« Le contrat d'assurance garantit également les sinistres dont la première
réclamation est formulée pendant un délai fixé par le contrat, à partir de la
date d'expiration ou de résiliation de tout ou partie des garanties, si ces
sinistres sont imputables aux activités garanties à cette date, et s'ils
résultent d'un fait générateur survenu pendant la période de validité du
contrat. Ce délai ne peut être inférieur à cinq ans.
« Le dernier contrat conclu, avant sa cessation d'activité professionnelle ou
son décès, par un professionnel de santé mentionné à la quatrième partie du
code de la santé publique exerçant à titre libéral, garantit également les
sinistres pour lesquels la première réclamation est formulée pendant un délai
fixé par le contrat, à partir de la date de résiliation ou d'expiration du
contrat, si ces sinistres sont imputables aux activités garanties à cette date.
Ce délai ne peut être inférieur à dix ans. Cette garantie ne couvre pas les
sinistres dont la première réclamation est postérieure à une éventuelle reprise
d'activité. Le contrat ne peut prévoir pour cette garantie un plafond inférieur
à celui de l'année précédant la fin du contrat.
« Le contrat ne garantit par les sinistres dont le fait générateur était connu
de l'assuré à la date de la souscription.
« Lorsqu'un même sinistre est susceptible de mettre en jeu la garantie
apportée par plusieurs contrats successifs, il est couvert en priorité par le
contrat en vigueur au moment de la première réclamation, sans qu'il soit fait
application des dispositions des troisième et quatrième alinéas de l'article L.
121-4. »
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, sur l'article.
M. Jean-Pierre Godefroy.
Après le partage des risques, institué à l'article 1er, l'article 4 présente
la deuxième grande mesure destinée à inciter les assureurs à réintégrer le
marché sanitaire en amoindrissant les coûts qu'ils pourraient devoir supporter.
Selon ses termes, l'étendue de la garantie d'assurance courrait à partir du
fait générateur et non plus de la consolidation du dommage, comme cela avait
été prévu dans la loi Kouchner du 4 mars 2002.
Permettez-moi de regretter fortement, pour cet article comme pour la
proposition de loi en général, que notre travail se fasse dans l'urgence : il
n'est pas toujours très facile de vérifier dans le code des assurances le
bien-fondé ou non d'une disposition !
Ainsi, je me demande si l'article 4 n'est pas source de complications et s'il
ne comporte par certaines incohérences. J'aimerais que vous me répondiez sur ce
point, monsieur le ministre. Le nouvel article L. 251-2 du code des assurances
créé par cet article n'est-il pas susceptible de provoquer des discordances
entre les différents délais de recours ?
Je m'explique : la loi du 4 mars 2002 a harmonisé à dix ans les délais de
prescription des actions administratives et civiles ; la proposition de loi
fixe les délais de garantie d'assurance envers un établissement ou un
professionnel de santé à au moins cinq ans après la fin du contrat. Or, les
points de départs des actions ne sont pas les mêmes : consolidation du dommage
pour la prescription des actions civiles et administratives ; fait générateur
lorsqu'il s'agit de la garantie des contrats d'assurance !
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire comment seront réglés, dans la
pratique, cette absence de concordance et ce type de situation ?
M. le président.
L'amendement n° 9, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Après les mots : "validité du contrat," rédiger comme suit la fin du
troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 251-2 du
code des assurances : "quelle que soit la date des autres éléments constitutifs
du sinistre, dès lors que le fait générateur est survenu dans le cadre des
activités de l'assuré garanties au moment de la première réclamation". »
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Jacob,
ministre délégué.
Cet amendement n° 9 me permet d'apporter une réponse à
M. Godefroy. Il vise à la reprise du passé inconnu : l'assureur qui doit être
en charge est l'assureur au moment de la réclamation et non pas nécessairement
l'assureur au moment des faits antérieurs. Cet amendement vise à plus de
simplification, à une réactivité plus grande, l'assureur qui intervient étant
celui qui était assureur au moment de la réclamation des dommages, et à une
clarification.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Louis Lorrain,
rapporteur.
Avis favorable, monsieur le président.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 9.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 10, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Dans la première phrase du cinquième alinéa du texte proposé par cet article
pour l'article L. 251-2 du code des assurances, remplacer les mots : "du
contrat" par les mots : "de tout ou partie des garanties". »
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Jacob,
ministre délégué.
L'amendement n° 10 concerne l'extension de la garantie
de cinq ans et de dix ans, en cas de décès ou de cessation d'une partie
partielle mais définitive de l'activité. Cet amendement vise notamment les
médecins qui peuvent assurer deux spécialisations et décider d'en cesser une
dans un premier temps et l'autre plus tard.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Louis Lorrain,
rapporteur.
Favorable, monsieur le président.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 10.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 11, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« A la fin de la première phrase du cinquième alinéa du texte proposé par cet
article pour l'article L. 251-2 du code des assurances, remplacer les mots :
"si ces sinistres sont imputables aux activités garanties à cette date" par les
mots : "dès lors que le fait générateur est survenu pendant la période de
validité du contrat ou antérieurement à cette période dans le cadre des
activités de l'assuré garanties au moment de la première réclamation". »
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Jacob,
ministre délégué.
Cet amendement, comme l'amendement n° 9, vise à
préciser que la réclamation est une condition suffisante de l'indemnisation.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Louis Lorrain,
rapporteur.
Avis favorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 11.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 4, modifié.
(L'article 4 est adopté.)
Article 5
M. le président.
« Art. 5. - L'article L. 251-2 du code des assurances s'applique aux contrats
conclus ou renouvelés à compter de la date de publication de la présente
loi.
« Sans préjudice de l'application des clauses contractuelles stipulant une
période de garantie plus longue, tout contrat d'assurance de responsabilité
civile garantissant les risques mentionnés à l'article L. 1142-2 du code de la
santé publique, conclu antérieurement à cette date, garantit les sinistres dont
la première réclamation est formulée postérieurement à cette date et moins de
cinq ans après l'expiration ou la résiliation de tout ou partie des garanties,
si ces sinistres sont imputables aux activités garanties à la date d'expiration
ou de résiliation et s'ils résultent d'un fait générateur survenu pendant la
période de validité du contrat. » -
(Adopté.)
Article additionnel après l'article 5
M. le président.
L'amendement n° 12, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Après l'article 5, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution et dans un
délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, le
Gouvernement est autorisé à prendre, par ordonnance, à Mayotte, dans les
territoires des îles Wallis et Futuna et des Terres australes et antarctiques
françaises et, en tant qu'elles concernent les compétences de l'Etat, en
Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, les mesures législatives
nécessaires à l'extension et l'adaptation de la présente loi ainsi que des
dispositions relatives à la réparation des conséquences des risques sanitaires
créées par le titre IV de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits
des malades et à la qualité du système de santé.
« Un projet de loi de ratification de ces ordonnances devra être déposé devant
le Parlement au plus tard six mois à compter de l'expiration du délai prévu à
l'alinéa précédent. »
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Jacob,
ministre délégué.
Il s'agit de la mise en cohérence des dispositions de
ce texte à l'égard des territoires d'outre-mer.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Louis Lorrain,
rapporteur.
Avis favorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 12.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la
proposition de loi, après l'article 5.
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix les conclusions du rapport de la commission des
affaires sociales sur la proposition de la loi n° 33, je donne la parole à M.
André Vantomme, pour explication de vote.
M. André Vantomme.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a des
aspects paradoxaux de la situation à laquelle cette proposition de loi vise à
répondre.
Le premier paradoxe est le déni d'assurance par retrait des assureurs ou, plus
subtilement, par des majorations vertigineuses de cotisations. Je pense qu'il
faudra s'interroger sur les conséquences de ces dysfonctionnements et sur la
conception qu'ont certains assureurs de leur rôle social. Imaginons que, dans
d'autres aspects de la vie sociale, d'autres catégories commencent à
sélectionner leur activité en fonction de ce qui est rentable et de ce qui ne
l'est pas.
J'en viens au deuxième paradoxe : la possibilité réservée à certains
établissements hospitaliers importants de s'auto-assurer pose le problème de
l'assurance sous un angle différent. Si certains établissements sont contraints
à ce choix, c'est bien parce qu'il y a dans le monde de l'assurance des
absences de réponses qui doivent nous amener à nous interroger : d'autres
solutions publiques ne sont-elles pas à envisager pour l'avenir ? Après tout,
la mise en place de l'office national des indemnisations des accidents
médicaux, des affections iatrogènes et des affections nosocomiales est déjà une
première étape d'intervention publique. Souhaitons que les assurances l'aient
bien compris. La nature a, dit-on, horreur du vide. On pourrait demain trouver
dans l'attitude des assureurs des motifs légitimes pour aller vers des
solutions plus plubliques et moins libérales.
Pour toutes ces raisons et pour les motifs qui ont été défendus tout au long
de cette discussion par nos collègues MM. Gilbert Chabroux et Jean-Pierre
Godefroy, le groupe socialiste s'abstiendra sur ce texte.
M. Paul Blanc.
Ah ! Abstention positive ?
M. le président.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai exprimé
très explicitement notre opposition à cette proposition de loi, même si nous
reconnaissons qu'un certain nombre de points doivent être traités.
Nous remarquons surtout que nous travaillons de plus en plus dans l'urgence et
que nous sommes de plus en plus confrontés à des textes très complexes. Ainsi,
nous n'avons découvert les amendements déposés par le Gouvernement que ce matin
!
Cette manière d'élaborer la loi en répondant dans d'aussi courts délais à des
interrogations qui peuvent être légitimes pose problème.
Mais nous sommes convaincus que l'adoption de cette proposition permettra
surtout de satisfaire les demandes médiatisées et très fortes de la fédération
française des sociétés d'assurance, qui est en train d'opérer un recentrage sur
des activités plus lucratives ! Alors que je pensais l'action des sociétés
d'assurance fondée sur une certaine forme de mutualisation et de partage des
risques, j'observe, depuis un certain nombre d'années, un désengagement de ces
compagnies : bien que les primes augmentent, nous assistons actuellement à un
transfert sur la solidarité nationale de ce qui pourrait être légitimement
partagé. En spéculant comme elles l'ont fait, en perdant des dizaines, voire
des centaines de milliards, les sociétés d'assurance, comme certains
établissements bancaires d'ailleurs, contribuent à rendre notre société plus
inégalitaire, plus ultra-libérale et plus injuste.
C'est véritablement en raison d'une accentuation des inégalités et de
transferts toujours plus importants sur la solidarité nationale de charges
devant au contraire être partagées que nous confirmons notre opposition à cette
proposition de loi.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Louis Lorrain,
rapporteur.
Je souhaite situer dans un contexte plus général la manière
dont nous avons abordé la loi Kouchner et la proposition de loi que nous vous
soumettons aujourd'hui.
Au-delà des procès d'intention que l'on nous fait, nous devons développer un
esprit de médiation. C'est ce que je retiendrai de l'approche de cette
proposition de loi.
Il est certain que, si nous délivrons une information très précoce, beaucoup
moins de recours seront déposés. Nous avons également constaté que l'ordre des
médecins était de plus en plus saisi. Les malades pensent en effet que l'Ordre
doit sanctionner les praticiens. Le nombre de plaintes a été multiplié par deux
en dix ans. Mais cela n'aboutit pas obligatoirement à des poursuites sur le
plan pénal.
Il faut aussi préciser que notre souci est avant tout le patient. Et notre
souhait de voir les pratiques médicales se dérouler dans des conditions
sereines vise aussi l'intérêt des malades.
Les tribunaux ont tendance, c'est vrai, à indemniser le maximum de victimes,
et de mieux en mieux. Mais notre souci est non seulement d'apporter une réponse
dans l'urgence, mais aussi de donner à ce gouvernement les moyens de sa
politique sanitaire.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix, modifiées, les conclusions du rapport de la commission des
affaires sociales sur la proposition de loi n° 33 (2002-2003).
(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About,
président de la commission.
Monsieur le président, monsieur le ministre
délégué, mes chers collègues, ce texte étant adopté, je tiens à remercier tous
nos collègues qui ont contribué à l'élaboration de cette proposition de loi. Un
grand quotidien du matin a dénommé ce texte abusivement « loi About ». Ce sera
non « loi About », mais la loi de la République !
Si je n'ai pas souhaité m'exprimer sur ce texte tout à l'heure à la tribune,
c'est non seulement parce qu'il est d'inspiration gouvernementale, mais aussi
parce qu'il est le fruit de la réflexion des associations de malades, des
professionnels de santé et des professionnels de l'assurance du risque médical.
Il n'était donc pas normal que le président de la commission des affaires
sociales tente de s'approprier ce travail commun !
En revanche, après le vote qui vient d'intervenir, je tiens à remercier une
fois encore tous nos collègues, et en particulier M. le rapporteur, du travail
qu'ils ont accompli.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR
et des Républicains et Indépendants.)
11
ACTIVITÉS PHYSIQUES ET SPORTIVES
Adoption des conclusions modifiées
du rapport d'une commission
(Ordre du jour réservé)
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 45,
2002-2003) de M. Bernard Murat, fait au nom de la commission des affaires
culturelles sur sa proposition de loi (n° 28, 2002-2003), portant modification
de l'article 43 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à
l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives.
Dans la discussion générale, la parole est M. le rapporteur.
M. Bernard Murat,
rapporteur de la commission des affaires culturelles.
Monsieur le
président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que
j'ai l'honneur de rapporter devant vous au nom de la commission des affaires
culturelles présente, à mes yeux, un grand mérite : elle permet de résoudre une
question importante en y apportant une réponse claire.
La question est importante, car il s'agit ni plus ni moins du droit de
continuer à exercer leur métier pour des moniteurs, éducateurs, entraîneurs ou
animateurs sportifs professionnels qui avaient accédé à ces professions avant
l'entrée en vigueur de la loi du 6 juillet 2000, dite « loi Buffet ».
Avant l'entrée en vigueur de cette loi, les conditions d'entrée dans ces
professions avaient été définies, en dernier lieu, par la loi Bredin de
1992.
Depuis 1993, l'exercice rémunéré de la profession d'éducateur sportif était
donc subordonné à la détention d'un diplôme inscrit sur une liste
d'homologation établie par le ministère des sports, ce diplôme pouvant être
soit un diplôme d'Etat - l'homologation était alors de droit - soit un diplôme
privé, c'est-à-dire dans les faits un diplôme fédéral.
Dans son texte initial, le projet de loi qui devait devenir la loi Buffet
prévoyait une modification radicale de ce système. Il supprimait en effet
l'exigence de diplôme, au profit d'une « qualification » définie par l'Etat,
dont le contenu et les modalités d'obtention étaient on ne peut plus flous.
Vous vous en souvenez certainement, mes chers collègues, en dépit de l'examen
de la loi en urgence et de l'échec de la commission mixte paritaire, un certain
accord s'était manifesté entre les deux assemblées pour refuser ce schéma
imprécis, dont les conséquences en termes de qualité des formations, et donc de
sécurité des pratiquants, pouvaient être catastrophiques.
L'Assemblée nationale ayant partiellement fait siennes les positions du Sénat,
la nouvelle loi avait maintenu l'exigence de diplôme et l'inclusion des
professions sportives dans le champ des professions réglementées.
Un autre point d'accord s'était manifesté : les deux assemblées avaient en
effet décidé de supprimer le système spécifique d'homologation des diplômes
sportifs et de faire « rentrer » les formations sportives dans le droit commun
de la formation professionnelle, qui était encore défini par la loi
d'orientation sur l'enseignement technologique du 16 juillet 1971.
Le maintien de ce régime spécifique risquait en effet d'isoler les professions
sportives des autres professions, d'autant qu'elles seraient alors restées à
l'écart de la réforme annoncée du cadre juridique de la formation
professionnelle, réforme qui a été réalisée depuis avec la loi de modernisation
sociale de janvier 2002.
Cependant, en mettant fin au régime spécifique d'homologation des diplômes
sportifs, cette réforme a suscité une vive inquiétude chez les titulaires de
diplômes figurant sur la liste d'homologation du ministère des sports. Ceux-ci
craignent de ne plus pouvoir continuer à exercer leur profession à compter du
1er janvier prochain.
Je crois pouvoir affirmer à cette tribune que ce n'était pas l'intention du
législateur. La discussion du projet de loi avait au contraire mis en évidence
que l'Assemblée nationale et le Sénat voulaient maintenir le cadre juridique
général de l'accès aux professions sportives en raison de ses excellents
résultats.
Je crois aussi pouvoir affirmer, monsieur le ministre, qu'aucun des
parlementaires ayant participé au débat sur la loi Buffet n'aurait envisagé de
retirer aux titulaires de diplômes homologués leur droit d'exercer.
Une telle décision, totalement injustifiée, aurait en effet été extrêmement
grave. D'abord, elle aurait causé aux intéressés un préjudice immense. Ensuite,
elle aurait complètement désorganisé l'encadrement des clubs sportifs, en
particulier des plus petits d'entre eux, et de beaucoup d'activités sportives,
dont la charge serait retombée uniquement sur les bénévoles.
On doit en outre admettre que la rédaction de la loi n'est pas assez précise,
si bien que les professionnels et même le ministère ont pu craindre qu'elle ne
soit interprétée comme retirant toute valeur aux diplômes homologués.
Il faut d'ailleurs regretter que cette question n'ait été ni évoquée ni réglée
lorsque le gouvernement précédent a « improvisé » en 2001, dans le cadre de la
loi portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel, dite «
loi DDOSEC », une mesure transitoire permettant de prolonger le régime
d'homologation pour pouvoir continuer de recruter des moniteurs, le nouveau
texte étant inapplicable faute des mesures réglementaires indispensables.
Quoi qu'il en soit, il faut que la loi soit claire : l'avenir de quelque 30
000 diplômés fédéraux ne peut être suspendu à l'exégèse incertaine d'un texte
mal rédigé.
C'est pourquoi il paraît indispensable d'affirmer sans équivoque le maintien
du droit d'exercer des professionnels qui auront acquis ce droit en application
des dispositions en vigueur avant la loi du 6 juillet 2000, y compris pendant
la période de « prolongation » de l'homologation jusqu'au 31 décembre de cette
année.
Le dispositiif que nous vous proposons d'adopter est très simple.
Son objet essentiel, que je viens d'exposer, résulte du II de l'article unique
du texte adopté par la commission. Ce paragraphe affirme les droits acquis des
personnes qui exerçaient légalement, avant le 31 décembre 2002, une fonction
d'éducateur sportif. Cela signifie, en clair, qu'elles pourront continuer
d'exercer leur profession sans qu'on puisse leur imposer quelque condition
nouvelle que ce soit.
Mais il est également précisé que cette faculté de continuer à exercer ne leur
est ouverte que dans la limite de leurs « droits acquis ». C'est ainsi que le
titulaire d'un diplôme donnant le droit d'exercer de façon saisonnière ou
occasionnelle, ou dans certaines conditions, pourra continuer de le faire. En
revanche, s'il souhaite exercer son activité de manière permanente, il devra,
bien sûr, acquérir les titres nécessaires dans les conditions prévues par la
nouvelle loi.
Quant au I de l'article unique, il correspond à une simple mesure de
toilettage et de coordination. En effet, pour des raisons tenant à la date de
publication du code de l'éducation, qui a codifié la loi de 1971, la loi du 6
juillet 2000, promulguée postérieurement, fait toujours référence à la loi de
1971 et au régime d'homologation des diplômes qu'elle avait mis en place.
Il convient de corriger cet « accident de l'histoire » et de faire référence
au régime de certification issu de la loi de modernisation sociale, dont tient
d'ailleurs compte le tout récent décret d'application de l'article 43 modifié
de la loi de 1984.
Tel est, mes chers collègues, l'objet de la proposition de loi que votre
commission des affaires culturelles vous demande d'adopter.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-François Lamour,
ministre des sports.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, il importe de resituer la proposition de loi présentée par M.
Bernard Murat en tenant compte de la formidable évolution que le sport a connue
ces vingt dernières années, évolution dont témoignent d'ailleurs les formations
dispensées aux animateurs et éducateurs sportifs.
Jadis, l'organisation du sport reposait quasi exclusivement sur les bénévoles
oeuvrant au sein du mouvement sportif. Ce mouvement s'est progressivement «
professionnalisé », au sein même des fédérations et des clubs, sous l'effet du
développement du sport dans notre société et de nouvelles exigences de la
pratique.
En matière de formation, nous sommes parallèlement passés d'une préoccupation
axée sur la technicité du sport, répondant aux besoins spécifiques des
fédérations, à une logique qui, tout en continuant à s'appuyer sur des
compétences techniques pointues, visait à répondre aux besoins d'employeurs de
plus en plus diversifiés ; je pense ici plus particulièrement aux collectivités
locales, dont l'investissement dans le champ sportif s'est considérablement
accru, mais aussi aux structures plus commerciales.
Ces deux évolutions majeures ont débouché sur un besoin de
professionnalisation plus important des éducateurs sportifs. En fait, de
véritables métiers du sport ont émergé.
Dans le même temps, les exigences en termes de sécurité et de qualité de
l'encadrement ont conduit les pouvoirs publics à réglementer la profession
d'éducateur sportif afin d'apporter les garanties indispensables aux
pratiquants.
A cet égard, force est de constater que l'article 43 de la loi sur le sport,
dans un domaine d'une très grande complexité, pose aujourd'hui - faute, sans
doute, d'une concertation préalable suffisamment poussée - de nombreuses
difficultés d'application. La proposition de loi a pour objet de résoudre une
de ces difficultés majeures.
Au travers de ce que nous a indiqué M. Bernard Murat, il apparaît que l'apport
de cette proposition de loi est triple.
Sur la forme, tout d'abord, elle permet de rétablir les références
législatives et les formulations adéquates.
Elle vise, ensuite, à clarifier la situation de personnes - 50 000,
potentiellement - qui avaient acquis un diplôme leur permettant d'exercer
contre rémunération et qui, à la faveur d'un changement législatif conduit dans
l'urgence, risquent de se trouver placées, à compter du 1er janvier 2003, dans
l'impossibilité de poursuivre leur activité professionnelle.
Enfin, elle apporte une réponse concrète aux employeurs du secteur sportif qui
ont actuellement en matière d'encadrement des activités physiques et sportives,
des besoins que la nouvelle formule de l'article 43 de la loi sur la sport ne
permet pas de couvrir.
Je pense ici, tout particulièrement, aux emplois saisonniers ou occasionnels,
qui sont nombreux dans le domaine des loisirs sportifs. Ces emplois étaient
majoritairement couverts par les diplômes délivrés par les fédérations
sportives figurant sur la liste d'homologation du ministère des sports,
celle-là même qui est appelée à disparaître après le 31 décembre 2002.
Pour toutes ces raisons, la présente proposition de loi est de nature à
répondre concrètement aux préoccupations exprimées par les professionnels, dont
la compétence n'est, bien entendu, nullement en cause.
Je puis vous assurer que les inquiétudes sont vives et s'expriment largement
au sein des états généraux du sport que nous réunissons actuellement avec le
président du Comité national olympique et sportif français, Henri Serandour.
Ces états généraux m'ont donné l'occasion de me déclacer dans dix-sept régions
et d'entendre les différents acteurs sportifs. Et je sais que, l'échéance
approchant, vous êtes, mesdames, messieurs les sénateurs, de plus en plus
fréquemment interpellés sur cette question.
C'est la raison pour laquelle cette proposition de loi de M. Murat, qui permet
d'apporter une réponse concrète à ce que nous entendons chaque jour sur le
terrain, recueille le soutien du ministère des sports. Que M. Bernard Murat
soit donc remercié pour son initiative.
L'architecture du nouvel article 43 de la loi sur le sport, telle qu'elle a
été conçue, est d'une mise en oeuvre très complexe. Les délais nécessaires à
l'adoption de son décret d'application, qui n'a été publié au
Journal
officiel
que le 19 octobre dernier, en témoignent.
C'est d'ailleurs en raison d'un dispositif réglementaire qui se faisait
attendre que le précédent gouvernement avait, à la hâte, dans le cadre de la
loi du 17 juillet 2001 portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif
et culturel, la fameuse DDOSEC, prorogé la validité de la liste
d'homologation.
Je note aujourd'hui que, dans sa proposition de loi, M. Murat renonce fort
judicieusement à la tentation facile de proroger une nouvelle fois la validité
de la liste d'homologation.
Le choix opéré dans le cadre de la proposition de loi est pertinent pour trois
raisons essentielles.
Il permet tout d'abord de clarifier définitivement la situation des titulaires
des diplômes acquis en vertu de la précédente législation et, en cela, se
conforme à une grande tradition juridique de notre pays : ne pas revenir sur
les droits acquis. Le législateur ne raisonne donc plus en fonction d'une liste
de diplômes ; il se préoccupe des personnes titulaires de ces diplômes.
Ensuite, les circonstances ne sont plus aujourd'hui les mêmes qu'en 2001. Au
moment de l'adoption de la loi DDOSEC, le gouvernement précédent se trouvait
dans une impasse.
En effet, les nouvelles conditions d'encadrement contre rémunération des
activités physiques et sportives étaient applicables dès l'entrée en vigueur de
la nouvelle loi. Or, le décret d'application n'étant pas publié et aucune
passerelle n'ayant été prévue, le nouveau dispositif était inapplicable dans
les faits. Il était donc indispensable de gagner du temps pour adopter les
mesures d'application de l'article 43.
Aujourd'hui, la publication du décret d'application dudit article a permis
l'entrée en vigueur complète du nouveau régime des diplômes. Il serait donc
difficilement concevable de bénéficier d'un arsenal juridique complet et de
décider de ne plus l'appliquer en prorogeant le système ancien.
Je note enfin que, si la manière de procéder en 2001 avait été pertinente,
nous ne serions pas, aujourd'hui, dans l'obligation de modifier une nouvelle
fois l'article 43 de la loi sur le sport.
Le Gouvernement est donc favorable à cette proposition de loi, qui lui paraît,
en vérité, indispensable.
Je tiens d'ailleurs à confirmer que, eu égard aux enjeux de la formation et de
l'encadrement de la pratique sportive, je serai très attentif aux conclusions
des états généraux du sport sur cette question essentielle, tant pour la
diffusion de la pratique que pour la fonction de cohésion sociale du sport.
A la lumière des préoccupations exprimées, je suis certain que cette question
devra être évoquée à nouveau devant vous.
(Applaudissements sur les travées
du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
Article unique
M. le président.
« Article unique. -
Le I de l'article 43 de la loi n° 84-610 du 16
juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités
physiques et sportives est ainsi modifié :
« I. - Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Le diplôme mentionné à l'alinéa précédent est enregistré dans le répertoire
national des certifications professionnelles dans les conditions prévues par le
II de l'article L. 335-6 du code de l'éducation nationale. »
« II. - Le dernier alinéa est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Les dispositions du présent paragraphe ne s'appliquent pas :
« 1° aux fonctionnaires relevant des titres II, III et IV du statut général
des fonctionnaires dans l'exercice des missions prévues par leur statut
particulier ;
« 2° aux personnes ayant acquis au 31 décembre 2002, conformément aux
dispositions législatives en vigueur avant le 10 juillet 2000, le droit
d'exercer contre rémunération une des fonctions mentionnées au premier allinéa,
dans l'exercice de ce droit. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 1 est présenté par M. Dulait.
L'amendement n° 2 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Au début du deuxième alinéa (1°) du texte proposé par le II de cet article
pour remplacer le dernier alinéa du I de l'article 43 de la loi n° 84-610
relative à l'organisation et à la promotion des activités sportives, ajouter
les mots : "aux militaires et". »
L'amendement n° 1 n'est pas soutenu.
La parole est à M. le ministre, pour présenter l'amendement n° 2.
M. Jean-François Lamour,
ministre.
La proposition de loi présentée par M. Murat doit être
également l'occasion de rétablir, dans le champ de la dérogation à l'obligation
de diplôme, les militaires lorsque leur activité s'exerce dans le cadre de
leurs missions professionnelles. Tel est l'objet de l'amendement
gouvernemental.
Il s'agit d'un rétablissement du droit prévalant jusqu'en 2000.
En effet, tous les agents de l'Etat bénéficiaient, en vertu de l'article 43 de
la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984, relative à l'organisation et à la
promotion des activités physiques et sportives, d'une dérogation à l'obligation
de diplôme lorsque leur activité était accomplie dans l'exercice de leurs
missions professionnelles.
Lors de la réécriture de cet article par la loi n° 2000-627 du 6 juillet 2000,
la mention « agents de l'Etat », formulation qui incluait les militaires, a été
remplacée par celle de « fonctionnaires relevant des titres II, III, IV du
statut général des fonctionnaires ». Cette rédaction a involontairement privé
les militaires du bénéfice de cette dérogation.
Au sein du ministère de la défense, près de 1 800 militaires sont chargés de
l'encadrement, de l'entraînement et de l'animation d'activités sportives telles
que l'escalade, le parachutisme et la plongée subaquatique. Il s'agit
exclusivement d'activités sportives conduites pour ses besoins propres, à des
fins de préparation opérationnelle, auprès de la population militaire.
Cette nouvelle rédaction est donc préjudiciable au fonctionnement des
structures sportives du ministère de la défense et, par là même, à la
satisfaction des missions qui sont dévolues aux armées. Les militaires exercent
actuellement leur activité illégalement.
L'amendement présenté a donc pour objet d'aligner à nouveau le régime des
militaires sur celui des fonctionnaires civils.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Murat,
rapporteur.
La commission a émis un avis favorable sur cet amendement
qui, en réparant une erreur de rédaction de la loi du 6 juillet 2000, rétablit
la situation antérieure et accorde ainsi les mêmes droits aux fonctionnaires
civils et militaires.
M. Paul Blanc.
Ce n'est que justice !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 2.
Mme Nicole Borvo.
Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.
M. Paul Blanc.
Est-ce une abstention positive ?
(Sourires.)
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 3, présenté par Mme David, MM. Renar, Ralite, Autain et les
membres du groupe communiste républicain et citoyen, est aini libellé :
« Compléter le dernier alinéa (2°) du texte proposé par le II de cet article
pour remplacer le dernier alinéa du I de l'article 3 de la loi n° 84-610 du 16
juillet 1984 précitée par une phrase ainsi rédigée : "Elles devront passer
devant un jury présidé par le directeur régional du sport dont elles dépendent,
avant le 30 juin 2003, afin de valider leur droit d'exercer." »
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David.
Comme vous l'avez rappelé à juste titre, monsieur le ministre, trop de lois
tuent le sport. Alors, pourquoi autant de précipitation pour changer le contenu
de celle-ci alors même que les états généraux sur le sport, initiés par le
Président de la République, sont encore en cours ?
M. Charles Revet.
Quand une loi n'est pas bonne, il faut la changer. Il faudrait d'ailleurs
aller beaucoup plus vite.
(Protestations sur les bancs du groupe communiste
républicain et citoyen.)
Mme Annie David.
Nous espérons qu'à l'issue de ces états généraux un projet cohérent de
modification et de réactualisation de certaines dispositions législatives verra
le jour. Nous pourrons alors envisager de travailler sur des sujets aussi
sensibles que le financement des clubs, les droits télévisuels ou l'encadrement
pour un exercice sécurisé du sport, notamment des sports de mer ou de
montagne.
Comme l'a rappelé M. Murat, environ 30 000 personnes détenant un brevet
homologué et possédant une compétence professionnelle reconnue peuvent se
prévaloir d'une expérience certaine du terrain. En leur permettant de valider
leurs acquis et leur expérience professionnelle, nous nous donnons les moyens
de reconduire dans leurs fonctions des professionnels de qualité, éprouvés et
aguerris, et de rassurer ainsi les petites structures, très inquiètes de la
fragilisation de leur mode de fonctionnement.
Je suis élue d'un département de montagne et, comme je l'indiquais ce matin en
commission, j'ai la chance d'habiter au pied du plateau de Saint-Hilaire, qui
accueille les épreuves de la coupe Icare, mondialement connue, et donc de voir
évoluer de nombreux parapentes et d'ailes delta. Je vois aussi,
malheureusement, beaucoup d'hélicoptères effectuer des opérations de sauvetages
pour récupérer des parapentistes malheureux ou des adeptes de l'aile delta,
parfois en piteux état.
La pratique des sports à risque doit être encadrée par des règles strictes.
Avec la validation des acquis et de l'expérience, non seulement nous pourrons
assurer de meilleures conditions de sécurité mais, de plus, les entraîneurs,
les éducateurs et les animateurs eux-mêmes seront gagnants. En effet, cela
évitera la pérennisation de deux statuts différents que l'on connaît
aujourd'hui, les diplômés d'Etat et les diplômés fédéraux. La validation de ces
acquis permettra à tous les éducateurs d'avoir le même statut.
Tel est l'objet de l'amendement n° 3 que nous vous proposons aujourd'hui.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Murat,
rapporteur.
Nous avons déjà eu l'occasion de débattre avec notre collègue
Annie David de la question soulevée à travers son amendement, sur lequel un
malentendu subsiste.
Permettre à des professionnels diplômés de bénéficier d'une formation
permanente pour améliorer leurs compétences, s'agissant du parapente par
exemple, ne peut que recueillir notre accord. Mais ce n'est pas du tout le sens
de cet amendement, qui est incompatible avec la position de la commission et
avec le texte qu'elle a adopté.
Alors que nous proposons de reconnaître expressément les droits acquis par les
titulaires de diplômes homologués, cet amendement les soumet à une obligation
de validation de leur titre à exercer, validation dont on ne voit pas du tout à
quoi elle correspondrait ni comment elle serait effectuée.
En somme, cet amendement dénie aux professionnels en exercice les droits que
nous voulons leur reconnaître, en cohérence, je l'ai dit tout à l'heure, avec
les positions prises par le Parlement au moment de l'adoption de la loi de 2000
et, comme l'a dit M. le ministre, avec nos traditions juridiques.
La commission est donc tout à fait défavorable à cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Lamour,
ministre.
Madame la sénatrice, je partage l'avis de la commission. En
effet, rien n'empêche les diplômés fédéraux actuels de s'engager dans la
valorisation des acquis. Il s'agit d'ailleurs d'une logique dont nous pourrons
nous inspirer, dans le cadre d'une vraie concertation avec le mouvement
sportif, pour examiner les éventuelles passerelles. Mais nous avions un
problème urgent à régler : permettre aux petits clubs de continuer à bénéficier
de l'encadrement des diplômés fédéraux.
Or, à partir du 31 décembre 2002, au terme d'une nouvelle prorogation de deux
ans, si rien n'est changé, ils ne pourront plus en bénéficier. Pratiquement,
rien n'avait été prévu pour régler les problèmes qui se posaient en termes de
reconnaissance de l'expérience acquise par les diplômés fédéraux - qui font
très bien leur travail, ce que tout le monde ici reconnaît - mais aussi de
garantie pour les intéressés de pouvoir, à un moment donné, s'engager dans une
logique de brevet professionnel, de formation leur permettant d'acquérir une
qualification et des compétences précises dans tel ou tel domaine de la
pratique sportive.
Une proposition nous avait été faite pour trouver une solution, au-delà de la
énième prorogation, qui était d'inciter les diplômés fédéraux à s'engager dans
une formation de brevet professionnel, qu'ils mènent ou non à bien cette
formation.
Je considère, au-delà du fait qu'on est là dans l'illégalité la plus totale,
que cette logique qui consiste à vouloir mettre en place un brevet
professionnel et à l'utiliser comme support pour évacuer le problème des
diplômés fédéraux n'est pas bonne. Si l'on doit reconnaître le brevet
professionnel, il faut le reconnaître comme tel, mais, de grâce, laissons ceux
qui ont passé leurs diplômes fédéraux continuer leur action.
De surcroît, ainsi que je l'ai rappelé tout à l'heure, et comme Bernard Murat
l'a dit aussi, c'est une activité très saisonnière et elle se déroule en
général sur une période de quatre ou cinq ans. Par conséquent, le fait de
valider définitivement ces diplômes fédéraux permet, encore une fois,
d'apporter aux clubs un certain soulagement et d'envisager, sur le moyen terme,
un vrai travail de concertation avec le mouvement sportif et les différents
partenaires sociaux pour trouver, effectivement, une évolution saine dans le
cadre de cette qualification, qui, vous l'avez rappelé, est désormais une des
priorités de l'encadrement sportif.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 3.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article unique, modifié.
(L'article unique est adopté.)
Intitulé
M. le président.
J'indique que la commission des affaires culturelles propose de rédiger comme
suit l'intitulé de la proposition de loi : « Proposition de loi modifiant
l'article 43 de la loi 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à
la promotion des activités physiques et sportives. »
Il n'y a pas d'opposition ?...
L'intitulé de la proposition de loi est ainsi rédigé.
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix les conclusions du rapport de la commission des
affaires culturelles sur la proposition de loi n° 45, je donne la parole à M.
Serge Lagauche, pour explication de vote.
M. Serge Lagauche.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le
rapporteur du budget des sports, Bernard Murat, nous propose aujourd'hui
d'adopter une modification de forme de l'article réglementant les activités
d'encadrement, d'enseignement, d'entraînement et d'animation des activités
physiques et sportives. Cette modification permettra de clarifier, une fois
pour toutes, la situation des personnes qui remplissent ce type de fonctions,
en vertu d'un diplôme obtenu entre 1992 et la fin de cette année 2002 et
figurant sur une liste d'homologation « maison » du ministère chargé des
sports, liste qui comprenait notamment les diplômes délivrés par les
fédérations sportives.
Les quelque 30 000 personnes qui, conformément à ce type de diplômes,
encadrent, entraînent, enseignent ou animent des disciplines sportives depuis
plusieurs années ont pu légitimement nourrir quelques inquiétudes lors de la
réforme de la loi de 1984 par la loi du 8 juillet 2000, qui a fait entrer les
professions d'enseignement et d'animation sportives dans le régime de droit
commun. L'exercice de ces métiers est désormais subordonné à l'obtention d'un
diplôme délivré par l'Etat, récemment devenu, avec la loi de modernisation
sociale, un diplôme figurant sur le répertoire national des certifications
professionnelles.
Les personnes concernées par le dispositif de la proposition de loi ont déjà
vu leur mode de qualification prorogé jusqu'à la fin de l'année 2002, faute
d'application par le pouvoir réglementaire de la loi de juillet 2000.
Le terme du 31 décembre 2002 s'approchant, les inquiétudes des diplômés selon
le mode de l'ancienne liste d'homologation ressurgissent.
Même si rien, dans les termes de la loi de 2000, ne laisse supposer que
l'obligation de diplôme défini par l'Etat s'applique de manière rétroactive
pour les diplômés selon l'homologation du ministère des sports, il me semble
effectivement préférable, à l'instar de ce que propose notre collègue M. Murat,
de rassurer une fois pour toutes les personnes inquiètes et d'inscrire dans la
loi le caractère pérenne des diplômes sur liste d'homologation visée par le
ministère chargé des sports, ainsi qu'en disposait la loi de 1992 modifiant la
loi de 1984.
Je voterai donc, au nom du groupe socialiste que je représente, cette
proposition de loi, car elle permettra de rassurer de manière définitive de
nombreux acteurs du monde sportif, du mouvement associatif et des secteurs des
loisirs et du tourisme.
M. le président.
La parole est à M. Dominique Leclerc.
M. Dominique Leclerc.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais
rappeler que, le 7 mars 2000, lors d'un précédent débat sur la modification de
la loi relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et
sportives, notre collègue Bernard Murat dénonçait déjà les nombreuses failles
de l'article 43 de la loi du 16 juillet 1984.
Il expliquait notamment que cet article, qui prévoyait que « tout enseignant,
même bénévole, serait obligé de détenir une qualification » suscitait beaucoup
d'inquiétude dans le milieu sportif. Notre collègue prenait l'exemple des
bénévoles qui encadrent les activités sportives dans les petites communes et
qui risquaient d'être « démobilisés » par une telle mesure.
Ce texte restait particulièrement obscur quant au sort réservé aux titulaires
de diplômes homologués, comme il a été dit. D'où la nécessité de revenir de
nouveau et au plus vite sur cet article.
C'est chose faite ce soir grâce à M. Bernard Murat, que je félicite pour son
initiative. Je tiens également à remercier la commission des affaires
culturelles pour son travail, qui met bien en évidence les trois priorités de
cette proposition de loi.
D'abord, comme vient de l'expliquer M. le rapporteur, il était urgent de
clarifier l'avenir des professionnels titulaires de diplômes homologués. Grâce
à ce nouveau texte, ils sont enfin assurés de pouvoir toujours exercer après le
31 décembre 2002, comme vous l'avez indiqué, monsieur le ministre.
Ensuite, il fallait répondre aux inquiétudes de nombreuses associations et de
nombreux clubs qui emploient ces éducateurs sportifs et qui craignaient de
devoir renoncer à dispenser des activités sportives. C'eût été un comble !
Enfin, il était indispensable de conserver une certaine exigence quant à la
qualité de la formation.
Je me permettrai également de noter, monsieur le ministre, que cette
proposition de loi résulte d'une écoute attentive des acteurs du monde sportif
et du souhait de concilier les besoins à la fois des professionnels et de
celles et ceux qui pratiquent des activités sportives. Il est, de plus, en
parfaite phase avec l'esprit de votre politique : une politique qui considère
le sport comme une nécessité sociale et qui s'appuie avant tout sur la
recherche de la conciliation, du meilleur encadrement possible en gardant pour
objectif l'accès du plus grand nombre au sport.
Les états généraux du sport, dont les consultations, notamment dans ma région,
ont contribué à bien mettre en évidence le malaise des professionnels à l'égard
de cet article 43, sont la plus belle illustration de cette politique dynamique
en faveur du sport.
Notre groupe considère, lui aussi, que le sport doit avoir toute sa place dans
notre société, qu'il est un facteur d'intégration important et, par conséquent,
que le travail de tout le personnel encadrant - j'insiste sur ce « tout » -
doit être à la fois respecté, reconnu et encouragé.
C'est pourquoi il votera cette proposition de loi qui donne enfin une
cohérence à l'article 43 de la loi du 16 juillet 1984.
(Applaudissements sur
les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste,
ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David.
Il me semble très important que le sport soit pratiqué en toute sécurité par
tous : les sportifs, les éducateurs ou les entraîneurs.
Cela dit, il est regrettable d'avoir précipité l'examen de ce texte. On aurait
pu attendre la fin des états généraux qui sont actuellement réunis.
Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, le
groupe CRC s'abstiendra.
M. le président.
Je mets aux voix, modifiées, les conclusions du rapport de la commission des
affaires culturelles sur la proposition de loi n° 28 (2002-2003).
(La proposition de loi est adoptée.)
12
RAPPEL AU RÈGLEMENT
M. le président.
La parole est à Mme Hélène Luc, pour un rappel au règlement.
Mme Hélène Luc.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux à
nouveau attirer votre attention sur la situation de la compagnie Air Lib.
Le moment est critique : soit la compagnie continue à exister, soit elle
disparaît avec ses 3 200 salariés. Monsieur le ministre, il s'agit de savoir si
le Gouvernement veut créer les conditions d'un redressement qui s'avère
possible grâce, d'une part, à la situation favorable dans le transport à bas
prix et, d'autre part, à l'ouverture d'une ligne vers le reste de l'Algérie,
les prévisions vers le reste de l'Afrique étant moins certaines.
Certes, les difficultés sont encore importantes car, comme je le rappelais au
cours de la séance du 30 octobre dernier, Swissair, avec son président
Ernest-Antoine Seillière et la société de Wendel, a laissé une situation
catastrophique, avec un déficit de 6 milliards de francs.
De plus, sur les 1 400 milliards de francs que la compagnie a été condamnée à
payer, elle doit encore verser 400 millions à Air Lib. Faudra-t-il un nouveau
jugement pour que cette somme soit payée ?
La compagnie Air Lib ne peut pas honorer ses échéances. Mais son PDG,
Jean-Charles Corbet, nous a affirmé, monsieur le ministre, qu'il serait en
mesure de présenter un ou deux repreneurs dans les délais que le Conseil
supérieur de l'aviation civile a fixés, le vendredi 8 novembre, lors de sa
réunion plénière.
Monsieur le ministre, le moment est venu pour le Gouvernement de prendre ses
responsabilités et de sauver une entreprise française et ses 3 200 salariés,
qui sont inquiets au plus haut degré.
Les propos des membres du Gouvernement ont été interprétés par les médias
comme devant laisser à penser qu'il n'y avait plus rien à faire pour que vive
cette compagnie aérienne. Le
Journal du dimanche
, vous l'avez vu comme
moi, a même titré sur l'après-Air Lib.
Imaginez l'inquiétude des salariés et de leurs familles, eux qui ont déjà
connu une telle situation il y a quinze mois et qui se sont tant investis dans
leur travail !
Ils ont commencé à s'en sortir avec l'aide que leur a apportée M. Gayssot,
ministre des transports du précédent gouvernement
(Murmures sur les travées
du RPR),
en leur octroyant un prêt de 30 millions d'euros, prêt que vous
avez d'ailleurs prolongé, j'en prends acte, monsieur le ministre. Mais il faut
aujourd'hui aller plus loin.
Deux décisions essentielles doivent être prises.
Il faut laisser un peu de temps à Air Lib. Il ne faut pas lui imposer des
délais trop contraignants qui risqueraient de faire échouer ses démarches pour
trouver un ou deux financiers.
Vous devez prendre la décision politique de sauver ces 3 200 emplois et une
entreprise française. Easy Jet, une entreprise anglaise, et Ryan Air - pour ne
parler que de ces deux compagnies - n'attendent qu'un mot pour occuper les
créneaux qu'Air Lib laisserait vides à Orly. Vous ne devez pas le permettre,
monsieur le ministre, et j'espère que vous ne le voulez pas.
Comme vous le savez, je suis restée en liaison durant tout le week-end avec
votre ministère, avec vous personnellement, avec votre chef de cabinet et avec
le Premier ministre. J'ai même alerté le Président de la République. J'étais
également, bien sûr, en liaison avec M. Corbet et le comité d'entreprise d'Air
Lib.
La situation est inquiétante pour Air Lib. Mais les conséquences de la
fermeture de cette ligne pourraient être dramatiques également pour la
Guadeloupe, surtout au moment où le groupe Accor annonce son départ.
L'Europe devra, par ailleurs, accepter la transformation du prêt.
Monsieur le ministre, vous affirmez ne pas vouloir créer de difficultés à Air
Lib. C'est aussi le discours du président du Conseil supérieur de l'aviation
civile. Mes amis du groupe communiste républicain et citoyen et moi-même ne
demandons qu'à vous croire et nous attendons vos actes.
Ma passion à défendre cette compagnie, ses salariés et leur famille n'a
d'égale que ma volonté farouche de ne pas créer encore des chômeuses et des
chômeurs.
Puisque nous avons la chance de bénéficier de votre présence au Sénat,
monsieur le ministre, j'attends bien sûr que vous me répondiez et je souhaite
de tout coeur que vous le ferez avec la sagesse qui sied dans notre
assemblée.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien,
ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la
mer.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, ma réponse
sera très sobre.
Les sujets de préoccupation n'ont pas manqué ces jours derniers, et le dossier
Air Lib en fait partie. A l'évidence, nous ne voulons aucun mal à cette
société. Bien au contraire, nous souhaitons qu'elle vive, qu'elle prospère,
qu'elle continue à desservir bien des destinations. Nous souhaitons
véritablement son succès et son développement.
Cependant, malgré tout ce que vous avez dit, madame la sénatrice, il faut
reconnaître que nous avons déjà fait beaucoup en sa faveur.
Mon prédécesseur a alloué un prêt de 30,5 millions d'euros à cette société.
Comme vous l'avez rappelé, nous avons prolongé ce prêt. Par ailleurs, Air Lib
ne paye pas de charges, ni sociales ni fiscales. L'effort en fonds publics dont
elle bénéficie ainsi s'élève à 60 millions supplémentaires depuis notre arrivée
au gouvernement en mai 2002.
Aujourd'hui, ce n'est pas nous qui détenons la clé pour Air Lib. C'est à ses
dirigeants qu'il appartient de définir une stratégie crédible et de convaincre
des investisseurs qui lui permettront de se maintenir et de se développer.
13
SOLIDARITÉ ET RENOUVELLEMENT URBAINS
Adoption des conclusions modifiées
du rapport d'une commission
(Ordre du jour réservé)
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 46,
2002-2003) de M. Dominique Braye, fait au nom de la commission des affaires
économiques et du Plan, sur la proposition de loi (n° 37, 2002-2003) de MM.
Dominique Braye, Gérard Larcher, Charles Revet, Jean François-Poncet, Georges
Gruillot, Michel Mercier, Nicolas About, Pierre André, Gérard Bailly, José
Balarello, Roger Besse, Laurent Béteille, Joël Billard, Jacques Blanc, Mme
Brigitte Bout, M. Gérard Braun, Mme Paulette Brisepierre, MM. Robert Calmejane,
Jean-Claude Carle, Auguste Cazalet, Gérard César, Jean Chérioux, Marcel-Pierre
Cleach, Jean Clouet, Yvon Collin, Gérard Cornu, Jean-Patrick Courtois, Philippe
Darniche, Fernand Demilly, Christian Demuynck, Eric Doligé, Michel Doublet,
Alain Dufaut, Jean-Léonce Dupont, Daniel Eckenspieller, Jean-Paul Emin,
Jean-Paul Emorine, Michel Esneu, Alain Fouché, Philippe François, Yann
Gaillard, René Garrec, Philippe de Gaulle, André Geoffroy, François Gerbaud,
Charles Ginésy, Francis Giraud, Paul Girod, Alain Gournac, Adrien Gouteyron,
Louis Grillot, Charles Guené, Michel Guerry, Mme Françoise Henneron, MM. Pierre
Hérisson, Jean-François Humbert, Jean-Marc Juilhard, Christian de La Malène,
Jacques Larché, André Lardeux, Jean-René Lecerf, Philippe Leroy, Roland du
Luart, Max Marest, Philippe Marini, Pierre Martin, Serge Mathieu, Jean-Luc
Miraux, Georges Mouly, Bernard Murat, Paul Natali, Mme Nelly Olin, MM. Joseph
Ostermann, Jacques Oudin, Michel Pelchat, Jacques Pelletier, Jean Pépin,
Jacques Peyrat, Xavier Pintat, Ladislas Poniatowski, André Pourny, Henri de
Raincourt, Henri Revol, Henri de Richemont, Mme Janine Rozier, MM. Bernard
Saugey, Jean-Pierre Schosteck, Louis Souvet, François Trucy, Alain Vasselle et
Jean-Pierre Vial portant modification de la loi relative à la solidarité et au
renouvellement urbains.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Braye,
rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur
le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la présente
proposition de loi a été déposée sur l'initiative du président de la commission
des affaires économiques et du Plan, M. Gérard Larcher, et de nos collègues
Charles Revet, Jean François-Poncet, Georges Gruillot et Michel Mercier. Elle a
été cosignée par près de quatre-vingt-dix membres de la majorité de notre Haute
Assemblée, parmi lesquels M. Ladislas Poniatowski, que je souhaite tout
particulièrement saluer car il a beaucoup travaillé au moment de la discussion
de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains. Je tenais à le
remercier pour l'aide qu'il nous a apportée.
Cette proposition de loi n'a pas pour finalité de réviser l'ensemble des
dispositions de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au
renouvellement urbains, dite « loi SRU », mais simplement pour objectif très
ciblé d'en corriger certaines dispositions précises qui rencontrent des
difficultés d'application évidentes et très concrètes.
Une révision et une mise en cohérence des quatre textes de loi présentés
successivement par Mme Voynet, MM. Chevènement, Gayssot et Vaillant s'avèrent
manifestement indispensables et feront l'objet, en 2003, je crois, d'un projet
de loi spécifique présenté après un long et minutieux travail
gouvernemental.
Les initiateurs de cette proposition de loi ont simplement voulu, en leur
qualité de représentants des collectivités territoriales, proposer des réponses
pragmatiques, efficaces et rapides face à des points de blocage concrets et
parfaitement identifiés de la loi SRU, qui leur ont été signalés par un très
grand nombre d'élus locaux de toutes sensibilités politiques.
Outre ce souci de déblocage rapide et pragmatique, trois principes ont inspiré
et guidé le rapporteur du texte qui vous est soumis.
Il nous faut, d'abord et avant tout, maintenir les objectifs de mixité sociale
et de droit au logement pour tous qui ont été posés par la loi SRU.
Contrairement à ce qui a été dit et écrit un peu partout, il n'est nullement
question de remettre en cause l'objectif des 20 % de logements locatifs
sociaux. Au contraire, nous voulons l'atteindre plus rapidement en changeant de
méthode.
Il nous faut, ensuite, inventer un système qui permette aux acteurs locaux que
sont les élus de devenir de véritables partenaires de l'Etat pour relever ce
défi du logement social. Car l'Etat, nous le voyons bien depuis des décennies,
est incapable de relever seul ce défi.
Enfin, nous devons prendre en compte les réalités du terrain et les
contraintes spécifiques des collectivités locales, qui ont été totalement
oubliées dans la loi SRU, ce qui explique les blocages qu'elle a entraînés sur
tout le territoire ainsi, il faut bien le dire, que l'incompréhension et le
manque d'adhésion des élus locaux.
L'ambition de cette proposition de loi est donc d'introduire davantage de
souplesse pour atteindre plus rapidement des objectifs qui sont partagés, je le
sais, par l'ensemble des collègues siégeant dans cet hémicycle, à savoir la
mixité sociale et le droit à un logement décent pour tous, à commencer par les
plus modestes de nos concitoyens.
Pour cela, en ce qui concerne les dispositions relatives au logement,
notamment celles de l'article 55, il faut impérativement mettre un terme à la
méthode de la coercition autoritaire et uniforme, précédée et non pas suivie
d'un régime de sanction incompris car aveugle. Cette politique est non
seulement injustifiée mais surtout inefficace, car elle entraîne de multiples
résistances et tentatives de contournement.
Monsieur le ministre, il faut donc très rapidement la remplacer par une
politique fondée sur la confiance. C'est justement la philosophie retenue dans
le texte que j'ai l'honneur de vous présenter. Il substitue en effet le contrat
à la contrainte, la confiance à la méfiance. Il entend ainsi faire des communes
et de leurs élus de véritables partenaires de l'Etat dans la mise en oeuvre de
la politique du logement social.
Au moment où nous voulons donner à notre pays un nouvel élan par la
décentralisation, l'Etat ne peut plus décider contre les collectivités locales.
Il doit, au contraire, décider avec elles. C'est ainsi que seront obtenus les
meilleurs résultats, notamment dans le domaine du logement social.
La méthode actuelle de la loi SRU, qui consiste à stigmatiser, contraindre,
pénaliser et punir les élus locaux, ne saurait être une bonne pratique pour
atteindre un objectif, aussi louable soit-il. En revanche, les convaincre, les
inciter et les associer au sein d'une démarche de partenariat créera, n'en
doutez pas, mes chers collègues, les conditions de la dynamique du succès.
Mais revenons maintenant à la genèse de la présente proposition de loi. Quel
était le constat de base sur la loi SRU ? Il était simple et incontournable :
moins de deux ans après son entrée en vigueur, son application se heurte à de
lourdes difficultés concernant, d'une part, les obligations de construction de
logements locatifs sociaux et le régime de sanctions en découlant, institués
par l'article 55, et, d'autre part, l'économie des documents d'urbanisme,
désormais dénommés plans locaux d'urbanisme, PLU, et schémas de cohérence
territoriale, SCOT.
Mes chers collègues, j'ai été, en juillet dernier, mandaté par la commission
des affaires économiques afin de procéder à une large consultation auprès des
élus locaux pour recueillir leur sentiment et leur analyse sur la loi SRU.
Cette enquête m'a conduit à interroger non seulement plus de 400 élus locaux,
dont un grand nombre de maires, mais aussi tous les présidents d'associations
départementales des maires et tous les présidents d'agences d'urbanisme.
Au vu des multiples réponses qui me sont déjà parvenues, il est possible
d'affirmer qu'un grand nombre de dispositions de la loi SRU suscitent de
grandes difficultés d'application dans de nombreuses communes. Cette analyse
est aujourd'hui partagée par l'immense majorité des élus locaux, de toutes
sensibilités politiques, je tiens à le souligner.
Concernant le logement, la loi SRU repose sur des principes tels que la mixité
sociale ou le droit au logement pour tous, qui ne peuvent que faire l'objet
d'une approbation et d'un consensus très larges. Je l'ai déjà souligné et j'y
insiste encore - je ne le ferai jamais assez -, car ces principes découlent de
la conception républicaine que nous avons de notre société et sur lesquels
votre rapporteur n'entend faire aucune concession.
Cette proposition de loi tend donc à renforcer et à obtenir une meilleure
application de ces grands principes républicains, mais de manière pragmatique,
plus réaliste et donc, forcément plus efficace. Il s'agit en effet de parvenir
à une meilleure prise en compte des spécificités territoriales par la loi, de
définir des obligations réalistes de construction de logements sociaux et de
bâtir un dispositif inspiré par la confiance et le contrat.
Tout d'abord, mes chers collègues, les élus locaux manifestent, vous le savez,
une très forte hostilité au mécanisme coercitif institué par l'article 55.
Comme l'a souligné très justement notre excellent collègue Daniel Hoeffel, en
tant que président de l'Association des maires de France, rien ne justifie de
pénaliser les nouvelles équipes municipales élues en 2001. Ces dernières
doivent ainsi souvent solder un passé en payant des pénalités sur un stock
insuffisant de logements sociaux, alors qu'elles n'en sont pas responsables.
Or, si l'on ne peut être rendu responsable d'un héritage, on est en revanche
comptable de l'utilisation qu'on en fait.
En outre, l'article 55 constitue par excellence un exemple de mécanisme
déresponsabilisant pour les communes.
En effet, les plus riches d'entre elles peuvent très bien, avec l'article 55
tel qu'il est rédigé aujourd'hui, s'exonérer de toute participation à l'effort
national de construction de logements locatifs sociaux en payant les
pénalités.
Pour notre part, nous faisons confiance aux élus, à leur capacité à remplir
leurs engagements, et nous souhaitons qu'ils s'investissent pleinement dans la
construction de logements locatifs sociaux.
Le mécanisme que nous vous proposons en complément de l'article 55 repose sur
plusieurs principes de bon sens et sur un souci d'efficacité. Il vise, je ne le
dirai jamais assez, à substituer le contrat à la contrainte et à
responsabiliser les élus locaux.
En effet, le contrat négocié localement doit se substituer à la norme
abstraite, uniforme et contraignante venue du sommet. De la sorte, les
collectivités locales pourront devenir de véritables partenaires de l'Etat pour
la mise en oeuvre des politiques du logement social.
Le seuil des 20 % n'est en aucun cas remis en cause, mais les moyens pour
l'atteindre sont modifiés pour obtenir de meilleurs et de plus rapides
résultats. Le coeur du dispositif qui vous est ainsi proposé permet aux
communes disposant d'un stock insuffisant de logements locatifs sociaux de
s'engager par délibération sur un objectif triennal de construction de tels
logements. Cet engagement doit être au minimum égal à 33 % du flux des
nouvelles constructions réalisées sur la période triennale à venir.
Néanmoins, mes chers collègues, pour éviter toute dérive et pour obliger les
communes à atteindre les 20 %, il est défini un seuil minimal de construction
de logements locatifs sociaux, fixé à 1 % du total des résidences principales
de la commune.
Ce n'est toutefois que dans le cas où le tiers du flux de nouvelles
constructions amènerait à des obligations inférieures au seuil de 1 % que ce
dernier trouverait à s'appliquer. C'est bien, mes chers collègues - ne
l'oubliez jamais ! -, le flux de 33 % qui prime dans la proposition de loi qui
vous est soumis.
Notre objectif, contrairement à celui de la loi SRU actuelle, n'est pas de
pénaliser, de faire payer et de sanctionner les communes pour un passé dont
elles ne sont pas responsables. Il est de faire en sorte qu'elles rattrapent
leur retard en construisant suffisamment de logements locatifs sociaux pour
satisfaire aux demandes de nos concitoyens.
Des pénalités sont, certes, prévues, mais n'interviendraient qu'en fin de
période triennale, si - et seulement si - ces communes n'ont pas respecté leurs
engagements. Ces pénalités seraient évidemment proportionnées à l'ampleur du
non-respect du contrat.
Surtout, ce mécanisme tend à renforcer la dimension intercommunale et à
favoriser l'intercommunalité. Dans le cas des communes membres d'EPCI
compétents en matière de logement, cet engagement devra être appréhendé au
niveau de l'échelon intercommunal, comme cela est prévu dans la loi Chevènement
du 12 juillet 1999 si ces EPCI ne disposent pas d'un stock suffisant de
logements locatifs sociaux au regard des 20 %.
Les communes membres d'un EPCI dans lequel le seuil des 20 % est dépassé ne
seraient plus soumises aux obligations de construction de la loi, à condition
que le programme local de l'habitat intercommunal, le PLHI, soit adopté à
l'unanimité et garantisse une répartition équilibrée des logements sociaux sur
le territoire intercommunal.
L'un des défauts majeurs de la loi SRU était - vous le savez - d'appliquer la
même logique à tout le territoire français, et donc le même « remède » à des
situations très différentes. Pourtant, la loi, pour être bien appliquée et
efficace, doit permettre une large marge d'appréciation et de modulation.
Ainsi, il serait prévu que le préfet puisse réduire les obligations de
construction des communes confrontées à des difficultés objectives liées,
notamment, à une pénurie de réserves foncières ou à des servitudes résultant du
droit de l'urbanisme ou de la protection de l'environnement.
En aucun cas, cependant, cet aménagement ne pourrait porter sur l'obligation
de construire un tiers de logements sociaux par rapport au nombre de nouvelles
constructions. La logique du flux des 33 % est incontournable.
Ainsi, actuellement, une commune couverte par un plan de prévention des
risques lié à l'existence de zones inondables voit une grande partie - si ce
n'est la totalité - de son territoire « gelée » pour ce qui est de construire,
mais paradoxalement, dans le même temps, elle est soumise à l'obligation de
construction de logements locatifs sociaux !
Je le répète, mes chers collègues, il ne s'agit nullement de renoncer ni à
l'objectif des 20 % ni au principe de la mixité sociale.
Bien au contraire, il vous est proposé un mécanisme pragmatique qui est
susceptible, en réaménageant l'article 55 de la loi SRU, fondé désormais sur la
confiance et le contrat, d'enclencher et de renforcer une dynamique de
construction de logements locatifs sociaux dans un très grand nombre de
communes.
Pour conclure le volet « logement » de cette proposition de loi dont j'ai
l'honneur et le plaisir d'être le rapporteur, je veux insister une dernière
fois sur l'état d'esprit qui l'a inspirée : c'est la conviction que le monde et
nos sociétés changent, et que les rapports entre le pouvoir central et les
pouvoirs locaux doivent nécessairement, eux aussi, changer.
Le temps de l'Etat centralisateur, des politiques du bâton et des pyramides
intangibles du pouvoir est révolu. Les citoyens aspirent, nous le savons, à
l'exercice du pouvoir au plus près des réalités du terrain. Les élus locaux
aussi ont besoin de ce pouvoir dans certains domaines, non pas pour s'opposer à
l'Etat, mais pour faire à sa place ce qu'ils savent faire mieux que lui. Le
domaine du logement et de l'équilibre social de l'habitat est justement l'un de
ces domaines.
Il est donc impératif que les collectivités territoriales et leurs élus soient
totalement associés à cette démarche et deviennent de véritables partenaires de
l'Etat, si l'on veut obtenir de meilleurs résultats. C'est ce à quoi tend le
volet « logement » de la proposition de loi qui vous est soumise.
J'en viens maintenant au volet « urbanisme ». Comme l'indiquait M. le Premier
ministre dans sa déclaration de politique générale : « La démocratie locale,
c'est une décentralisation plus vivante. Plus les responsabilités sont assumées
au plus près du territoire, meilleures sont les décisions. »
J'ai entamé, voilà six mois, une enquête sur la loi SRU. Je me permets de vous
livrer un extrait d'une réponse que m'a récemment fait parvenir un maire. A la
question : « La commune a-t-elle actuellement les moyens de maîtriser la
pression foncière ? », la réponse fut : « La commune non, la DDE oui ! »
M. Charles Revet.
C'est bien vrai !
M. Dominique Braye,
rapporteur.
C'est précisément contre cet état de fait que nous voulons
lutter, car il constitue non seulement un déni de démocratie mais aussi un
risque important d'arbitraire.
L'enquête que je mène sur la loi SRU n'est pas encore terminée, mais des
conclusions très claires peuvent d'ores et déjà être tirées à propos de
certaines dispositions unanimement contestées en matière d'urbanisme, et qui
nécessitent donc un réaménagement urgent. C'est pourquoi j'ai souhaité m'en
tenir à ces dispositions dans notre proposition de loi.
Toutefois, M. le président du Sénat a décidé de créer, voilà quelque temps, en
plein accord avec M. le Premier ministre et vous-même, monsieur le ministre
(M. le ministre acquiesce),
une structure de réflexion réunissant tous
les premiers signataires de notre proposition de loi. Ce groupe de travail a
identifié de nombreux sujets et en a sélectionné trois qui méritaient d'être
traités dans les plus brefs délais.
Le premier d'entre eux concerne la faculté de fixer une surface minimale pour
les parcelles à urbaniser. Les rédacteurs de la loi SRU ont en effet supprimé
toute référence à la surface minimale qui permet au conseil municipal de fixer
le « maillage » urbain de la commune.
Cette disposition est entièrement inspirée par la philosophie de la «
densification » qui anime l'ensemble de la loi SRU ! On connaît les errements
urbanistiques, trop souvent illustrés par les « grands ensembles », de l'Etat,
qui n'hésite pourtant pas à s'arroger le droit de dicter aux communes la marche
à suivre. En réalité, la suppression des surfaces minimales entraîne le plus
grand désordre dans les communes, en interdisant au conseil municipal de fixer
une telle limite.
Je ne méconnais pas, mes chers collègues, et vous non plus, les critiques
émises par la coalition hétéroclite, mais ô combien active, des apôtres de la
préservation de l'espace, qui veulent densifier à tout prix les zones déjà
construites, et des « bétonneurs » aux aguets, qui saisissent toutes les
occasions pour construire toujours et partout.
J'en veux pour preuve le témoignage d'un maire qui considère que, s'il est
souhaitable de boucher les « dents creuses » dans les centres-villes, il ne
convient pas, en revanche, « d'autoriser les promoteurs, qui sont toujours à
l'affût, à construire dans les mêmes conditions dans le centre et à la
périphérie des villages, où l'habitat est manifestement beaucoup plus aéré
».
La deuxième disposition soumise au Sénat tend à éviter qu'une densification à
outrance ne résulte de la multiplication des divisions de parcelles. Cette
densification est actuellement parfaitement possible depuis la suppression de
l'article L. 111-5 du code de l'urbanisme. Il s'ensuit une multiplication non
maîtrisée des pavillons, construits les uns sur les autres sur de minuscules
terrains.
Là encore, au lieu d'édicter des normes nationales sans laisser le libre choix
aux élus locaux, tirons ensemble les leçons de l'expérience passée. L'Etat
a-t-il des leçons à donner, lui dont les « cités radieuses » sont aujourd'hui
désertées par leurs habitants ? C'est la même idéologie densificatrice qui
conduit à vouloir densifier encore et toujours des espaces périurbains.
La troisième et dernière disposition qui vous est proposée tend à abroger la
règle dite des quinze kilomètres. Rarement une disposition aura été adoptée de
façon aussi précipitée. Je regrette que ceux-là même qui déplorent aujourd'hui
notre proposition de loi de dix articles ne se soient pas émus qu'une
disposition aussi fondamentale ait été votée en urgence, noyée dans la masse
des quatre cents autres dispositions de la loi SRU !
M. Gérard Larcher,
président de la commission des affaires économiques et du Plan.
Eh oui
!
M. Dominique Braye,
rapporteur.
J'observe d'ailleurs que, à l'époque, le Gouvernement
lui-même s'était laissé dépasser par ses services...
Mme Hélène Luc.
Ce n'est pas vrai ! Ces dispositions ont été discutées assez largement !
M. Dominique Braye,
rapporteur.
... et avait présenté un projet de loi initial prévoyant que
toute la France serait couverte de schémas directeurs...
Mme Hélène Luc.
Vous l'avez assez combattu ! Vous remettez en cause ce que vous êtes
mécontents d'avoir vu voter !
M. Dominique Braye,
rapporteur.
Je vous remercie d'intervenir à ce moment, madame Luc, parce
que le Gouvernement de l'époque prévoyait un magnifique « Gosplan urbanistique
» pour tout notre pays.
(Protestations sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen.)
Permettez-moi de vous rappeler que c'est à l'Assemblée nationale que la règle
des quinze kilomètres est sortie du chapeau, par voie d'amendement, dans la
plus grande précipitation, pour tenter de limiter les conséquences d'une
disposition proposée par le Gouvernement et dont celui-ci n'avait pas mesuré
initialement les effets dévastateurs ; je vous renvoie aux débats
parlementaires de l'époque pour vérifier l'exactitude de mes affirmations.
Mme Hélène Luc.
On peut effectivement revenir aux débats !
M. Dominique Braye,
rapporteur.
Nul ne mesurait alors les difficultés que cette mauvaise
solution à la mauvaise application d'une mauvaise disposition allait susciter
sur l'ensemble du territoire...
M. Yves Coquelle.
Quel démocrate !
M. Dominique Braye,
rapporteur.
La règle des quinze kilomètres prévoit que, sur le territoire
des communes situées à moins de quinze kilomètres d'une agglomération de plus
de 15 000 habitants, l'ouverture à l'urbanisation de nouvelles zones est
interdite en l'absence de schéma de cohérence territoriale.
M. Charles Revet.
C'est scandaleux ! Cela bloque toute initiative !
M. Dominique Braye,
rapporteur.
Il s'ensuit que l'on traite de manière indifférenciée Cahors,
Mazamet, Château-Gontier, Manosque, Lyon, Marseille, Rennes ou Bordeaux. En
bref, cette règle n'obéit à aucun principe de réalité et de
proportionnalité.
En outre, elle « gèle » des territoires qui pourraient être urbanisés dans des
zones dépourvues de pression foncière, s'inspirant ainsi du même postulat que
la loi Voynet, en vertu duquel les activités économiques sont pour les villes
et les maisons de campagne pour les ruraux !
Cette règle, mes chers collègues, est à l'origine de nombreux imbroglios
juridiques, car elle incite à créer des établissements publics de coopérations
intercommunale uniquement pour lui échapper, puisqu'elle ne s'applique pas dès
lors que le périmètre d'un tel établissement est défini. Et je ne parle pas des
dérogations qu'elle prévoit, celles-ci consistant, en réalité, à s'en remettre
à l'arbitrage du représentant de l'Etat. C'est là ce que l'un de nos collègues
appelait, par antiphrase, la « décentralisation par le préfet ».
Je tiens enfin à souligner qu'on lit parfois que tous les problèmes sont
réglés dès lors qu'existe un EPCI à l'intérieur du périmètre des quinze
kilomètres. C'est aller très vite en besogne ! En effet, les communes qui se
trouvent à l'intérieur du périmètre des quinze kilomètres, mais à l'extérieur
du schéma de cohérence territoriale, sont, vous le savez, bloquées totalement
et leur territoire est complétement « gelé ».
Nul plus que votre rapporteur, les auteurs de ce texte et la commission des
affaires économiques, n'est conscient de la nécessité de trouver une solution
aux problèmes de la « concurrence foncière » entre les collectivités locales,
qui aboutit à l'absence de gestion des logements, des entreprises, des
commerces et des infrastructures, bref, de tous les équipements.
Dès 1998, alors que ce sujet n'avait pas la même actualité brûlante, le
président Gérard Larcher publiait un rapport sur les espaces périurbains, dans
lequel il plaidait pour une relance de la planification urbaine. Si l'on avait,
dès cette époque, entendu notre voix...
M. Michel Doublet.
Eh oui !
M. Eric Doligé.
C'est vrai !
M. Charles Revet.
Il avait raison par avance !
M. Dominique Braye,
rapporteur.
... et tenté de définir, en concertation avec les élus, des
outils adaptés, je ne serais pas aujourd'hui dans l'obligation de vous
demander, au nom de la commission des affaires économiques, d'abroger l'article
L. 122-2 du code de l'urbanisme.
M. Gérard Larcher,
président de la commission.
Eh oui !
M. Dominique Braye,
rapporteur.
Voilà, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, l'ensemble des modifications que nous avons souhaité apporter à la
loi SRU, afin de lever au plus vite les principaux points de blocage et les
difficultés d'application essentielles de cette loi, auxquels se trouvent
confrontés quotidiennement l'immense majorité des élus locaux concernés, toutes
sensibilités politiques confondues.
Mes chers collègues, en tant que légitimes représentants de ces élus locaux,
je suis persuadé que vous voudrez bien les entendre et apporter votre soutien à
cette proposition de loi qui entend répondre efficacement et pragmatiquement à
certains de leurs soucis très concrets.
(Très bien ! et applaudissements sur
les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
Mme Hélène Luc.
Cela dépend des élus ! Ils n'ont pas tous la même position !
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien,
ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la
mer.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission,
monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de
loi qui nous réunit aujourd'hui comprend deux séries de dispositions : les unes
sont relatives à l'article 55 de la loi SRU, les autres portent sur certaines
dispositions d'urbanisme de cette même loi.
Je commencerai par évoquer l'article 55, qui a déjà suscité de nombreux
débats lors de son adoption par le Parlement.
Je l'ai déjà dit à plusieurs reprises et je le répète ici très clairement au
nom du Gouvernement : l'objectif de mixité sociale ne doit pas être remis en
cause ; il doit être le fil conducteur de notre débat.
M. Guy Fischer.
On en reparlera !
M. Gilles de Robien,
ministre.
La mixité sociale, c'est l'expression même de l'unité et de la
solidarité nationale, qui fondent les valeurs de notre république et de notre
démocratie.
Non seulement cet objectif ne doit pas être remis en cause, mais il doit être
confirmé, et nous avons le devoir de trouver le meilleur chemin pour y
parvenir.
Le Gouvernement souhaite développer l'offre locative sociale dans le parc
public ou privé pour loger nos concitoyens qui ne peuvent accéder à un logement
dans les conditions du marché, notamment dans les agglomérations où les
tensions locatives sont les plus fortes.
Cet effort de solidarité nationale doit être réparti dans l'espace, entre les
communes, si l'on ne veut pas recréer des concentrations telles que celles que
l'on connaît dans certaines communes et qui ont pu conduire à des situations
sociales explosives, situations auxquelles le Gouvernement souhaite apporter
une réponse par une politique ambitieuse et sans précédent de renouvellement
urbain.
Cet effort de solidarité doit aussi être partagé, parce qu'il correspond à un
besoin d'une vie sociale harmonieuse dans nos villes grâce au mélange de
personnes de statut familial, d'origine et de revenus divers.
Nous ne devons pas avoir peur de créer des logements sociaux, mesdames,
messieurs les sénateurs, car la qualité actuelle des constructions et les
efforts réalisés par les organismes d'HLM et les collectivités locales pour
améliorer la qualité de service aux habitants nous garantissent que nous ne
reconstruirons jamais les grands ensembles des années soixante. Il s'agira, au
contraire - on le constate maintenant dans toutes nos villes -, d'un habitat à
taille humaine, où chacun se sent bien.
Il faut également dénoncer - et je le fais bien volontiers - une assimilation
qui est trop facile : logement social égale difficultés sociales ; logement
social égale cas social. Eh bien ! mesdames, messieurs les sénateurs, les gens
modestes sont aussi, très souvent, au moins autant que les autres, des gens
sociables !
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste. - M. Jean-Pierre Sueur
applaudit également.)
Si vous en êtes convaincus - et je suis sûr que vous l'êtes -, il faut choisir
les moyens les plus opérants pour aboutir vite et mieux qu'avec les
dispositions actuelles. Car je ne crois pas que le dispositif en vigueur soit
efficace.
M. Jean-Yves Mano.
Mais si !
M. Gérard Larcher,
président de la commission.
Le ministre a raison !
M. Gilles de Robien,
ministre.
Ce dispositif a une certaine efficacité, mais il a montré ses
limites. Habile dans l'effet d'affichage, il s'est révélé piètre dans le
changement concret de notre tissu urbanistique et social. En effet, son premier
tort est de sanctionner financièrement des communes sur une situation de
fait.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Il n'y a pas d'autres moyens !
M. Guy Fischer.
Cela n'a jamais été appliqué !
M. Gilles de Robien,
ministre.
Il est en cela profondément choquant et injuste, puisqu'il
pénalise
a priori
des communes qui, aujourd'hui, n'ont pas 20 % de
logements sociaux en raison de leur histoire et, le cas échéant, de leurs élus
passés, même si les élus actuels souhaitent réaliser de tels logements au cours
des années à venir.
La complexité du dispositif en vigueur accentue encore son caractère
inéquitable. Vous savez qu'une commune est soumise, une année donnée, à un
prélèvement brut proportionnel au nombre de logements sociaux qui lui
manquaient l'année précédente pour atteindre le fameux objectif de 20 %. Mais
ce prélèvement brut est diminué des sommes dépensées par la commune non pas
l'année précédente, mais la pénultième année.
Compte tenu du décalage de deux ans entre les dépenses déductibles et le
prélèvement effectué sur les recettes des communes, ce dispositif conduit à
faire payer deux fois une commune qui veut réaliser des logements.
(Très
bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Gérard Larcher,
président de la commission,
et M. Dominique Braye,
rapporteur.
Effectivement !
M. Gilles de Robien,
ministre.
Une première fois par l'amende que lui impose d'emblée la loi,
une deuxième fois pour financer des opérations de logements sociaux. Et la
commune devra s'en acquitter jusqu'à ce qu'enfin les dépenses en faveur du
logement social soient effectivement équivalentes au prélèvement. Les élus,
c'est-à-dire les contribuables, sont donc soumis à une double peine.
En raison des nécessaires contraintes budgétaires de ces communes, cela peut
prendre des années. Et encore faut-il que ces communes puissent disposer des
terrains constructibles nécessaires pour ces projets ou, à défaut, des
opportunités d'achat dans le parc existant !
Dans les faits, à l'exception de quelques communes qui ont pu anticiper sur
une loi promulguée le 13 décembre 2000 et justifier, en 2002, de dépenses
déductibles de 2000 supérieures aux prélèvements, les communes ont été
contraintes de réduire parfois l'effort en faveur du logement social pour le
recentrer sur le prélèvement.
M. Gérard Larcher,
président de la commission.
Là est le paradoxe !
Mme Hélène Luc.
Ce n'est pas un argument !
M. Gilles de Robien,
ministre.
Mais les problèmes ne s'arrêtent pas en 2002. Il suffit que,
par malheur, une année, une opération se décale de quelques mois
(Marques
d'approbation sur les travées du RPR.)
et ne soit prête, finalement, qu'en
janvier, alors qu'elle devait l'être en décembre - des dérapages de deux mois
dans l'immobilier, mesdames, messieurs les sénateurs, chacun en connaît ! -,
alors la commune ne pourra plus justifier, deux ans plus tard, de dépenses
déductibles et elle tombera dans le cercle infernal, j'y insiste, de la double
taxation.
Mme Hélène Luc.
C'est un alibi !
M. Gilles de Robien,
ministre.
Ainsi, le système de pénalisation peut se révéler tout à fait
contre-productif en matière de logements sociaux par l'« assèchement »
a
priori
de communes pourtant favorables à l'augmentation de l'offre
sociale.
M. Robert Bret.
Quelle hypocrisie !
M. Gilles de Robien,
ministre.
Je vous remercie de votre appréciation, monsieur le sénateur,
mais je vais vous prouver le contraire !
Au-delà de cette analyse sur le dispositif actuel, faut-il punir - je dis bien
« punir » - autant de communes, c'est-à-dire de contribuables, qui n'ont pas
réalisé aujourd'hui les 20 % de logements sociaux mais qui sont prêtes à
s'engager à le faire, pour la seule raison qu'il y a peut-être quelques maires,
très rares, qui sont récalcitrants, alors que les non-récalcitrants avoisinent
les 36 000 ? Ce serait avoir une bien piètre idée de la démocratie locale et de
la qualité des édiles locaux.
(Bravo ! et applaudissements sur les travées
du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Gérard Larcher,
président de la commission,
et M. Dominique Braye,
rapporteur.
Absolument !
M. Gilles de Robien,
ministre.
Nous l'affirmons donc avec force : il faut renforcer la mixité
sociale et prouver notre efficacité dans ce domaine, en particulier là où il
n'y avait qu'une affirmation avec des résultats trop modestes.
Pour parvenir plus efficacement à atteindre l'objectif de mixité sociale, j'ai
toujours pensé - comme vous, monsieur le rapporteur ! - qu'il fallait faire
confiance aux élus locaux. Je sais qu'ils sont prêts à s'engager, de façon
conventionnelle, avec l'Etat, à créer des logements sociaux. Le Gouvernement
est donc favorable à ce contrat pour la mixité sociale, qui est un véritable
contrat de confiance. Substituons à la contrainte, qui n'est guère efficace, le
contrat de mixité sociale. Si ce contrat de mixité sociale, précis sur des
engagements pluriannuels, n'est pas respecté, alors il est normal que des
pénalités s'appliquent à son échéance.
De même, pour les communes qui ne veulent ni construire de logement social ni
souscrire de contrat de mixité sociale, le dispositif actuel doit
s'appliquer.
M. Gérard Larcher,
président de la commission,
et M. Dominique Braye,
rapporteur.
Absolument !
M. Gilles de Robien,
ministre.
C'est leur choix, et elles doivent en assumer les conséquences
! C'est aussi cela, respecter les élus locaux et le suffrage universel !
Le dispositif à mettre en place doit donc répondre à trois principes
essentiels : maintien de l'objectif de mixité sociale, mise en place d'un
système contractuel incitatif plus efficace - j'insiste sur ce point -, enfin,
maintien de pénalités pour les communes qui refuseraient de s'engager dans le
dispositif ou qui ne le respecteraient pas. C'est aussi cela, la dignité de
l'élu !
C'est donc à la lumière de ces trois principes que le Gouvernement a défini sa
position sur les dispositions de la proposition de loi qui vous est aujourd'hui
soumise.
Parallèlement, le Gouvernement soutiendra toutes les mesures contractuelles
qui vont dans le sens d'une meilleure mixité sociale et s'opposera donc - ou
s'opposerait - à toute disposition qui conduirait à faire sortir des communes
du dispositif actuel.
Faire sortir des communes d'un dispositif remanié et maintenant contractuel
serait, en effet, à notre sens, contradictoire et constituerait un acte de
méfiance envers les élus concernés.
Pour le Gouvernement, le mécanisme conventionnel, c'est-à-dire le contrat pour
la mixité sociale, est le coeur de votre proposition de loi.
M. Dominique Braye,
rapporteur.
Absolument !
M. Gilles de Robien,
ministre.
La proposition de loi prévoit qu'une commune qui s'engage sur
une production minimale est exonérée du prélèvement initial et n'est pénalisée,
le cas échéant, qu'en cas de non-respect de l'engagement.
Mes services ont procédé à une simulation de l'effet d'une telle disposition
sur la production de logements sociaux. Etant rappelé, monsieur Bret, que le
mécanisme actuel oblige à la production d'au mieux 21 000 logements, si toutes
les communes soumises à l'article 55 actuel choisissent le mécanisme
conventionnel, l'objectif de production accepté volontairement,
contractuellement, par les collectivités locales sera augmenté pour atteindre
24 200 logements.
Je ne sais pas, monsieur le sénateur, si vous pouvez continuer à dire qu'il y
a de l'hypocrisie dans mon propos !
(Très bien ! et applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
M. Dominique Braye,
rapporteur.
Bravo !
M. Robert Bret.
Nous verrons aux résultats !
M. Gilles de Robien,
ministre.
Effectivement, monsieur le sénateur, nous verrons aux
résultats. Mais, en attendant, je vous donne rendez-vous pour la discussion des
articles et l'examen des amendements que le Gouvernement a déposés sur ce
texte.
Le Gouvernement soutient donc pleinement cette disposition, qui est
parfaitement conforme à ses orientations. Néanmoins, sur le plan technique, il
doit proposer à votre assemblée que l'engagement de production de logements
sociaux corresponde au tiers des logements construits au cours des trois années
précédentes - monsieur le rapporteur -, je me permets d'insister sur ce point,
et pas des trois années futures. Il est en effet nécessaire que, en début de
contrat, le maire sache exactement quels sont ses objectifs et non pas que
ceux-ci fluctuent au fil des mois en fonction de la production. En somme, il
faut se fonder sur le passé pour susciter des objectifs futurs.
Le Gouvernement dépose donc un amendement sur ce sujet.
La proposition de loi prévoit aussi la possibilité pour un EPCI doté d'un
programme local de l'habitat approuvé de répartir les objectifs de production
calculés commune par commune sur l'ensemble des communes membres.
Cette disposition existe déjà dans le dispositif initial, simplement elle se
trouve étendue au dispositif conventionnel. Le Gouvernement y est favorable.
Enfin, la proposition de loi prévoit que, si une commune est soumise à des
contraintes dûment justifiées limitant le foncier disponible, le préfet peut
moduler à la baisse le seuil de 1 % du parc existant.
Tout ne peut pas être prédéfini depuis Paris. Il faut donc laisser aux
représentants locaux de l'Etat un pouvoir d'appréciation et d'adaptation.
Toutefois, ce pouvoir doit être encadré. Tel est l'objectif de l'amendement
déposé par le Gouvernement. C'est plus clair dans la loi ; c'est plus
transparent aussi.
Je vous le rappelle, l'objectif du Gouvernement est de construire plus de
logements sociaux, sur la base de contrats pour la mixité sociale par lesquels
les communes s'engagent librement. Le Gouvernement souhaite que ce dispositif
incitatif fasse l'objet d'une évaluation avant la fin de la première période
triennale au cours de laquelle les engagements contractuels devront être
respectés. Le Gouvernement a déposé un amendement en ce sens.
Je ne sais toujours pas, monsieur le sénateur, si vous confirmez le terme
d'hypocrisie que vous avez eu la gentillesse de me destiner !
M. Robert Bret.
C'est pourtant le mot qui s'impose !
M. Gilles de Robien,
ministre.
Concernant le volet « urbanisme » de la proposition de loi, il
me semble important de présenter au Sénat un rapide point d'avancement du
travail du Gouvernement dans ce domaine.
Dans son discours de politique générale, M. le Premier ministre a annoncé que
les lois Voynet, Chevènement et Gayssot seraient modifiées dans le courant de
l'année 2003. Les élus locaux le savent bien, au-delà des difficultés propres
que pose chacune de ces lois, la cohérence, ou plutôt les incohérences entre
ces textes posent des problèmes nombreux et sérieux.
Je n'en citerai que deux exemples. Les trois lois parlent d'agglomération,
mais dans des sens différents. La notion de « projet » apparaît comme fil
directeur, mais sous trois formes différentes : le projet d'aménagement et de
développement durable des SCOT, le projet de développement durable des chartes
de pays et des projets d'agglomération et le projet de développement
communautaire des communautés d'agglomération. Une mère n'y retrouverait pas
ses petits !
M. Dominique Braye,
rapporteur.
C'est sûr !
M. Gilles de Robien,
ministre.
La mise en harmonie voulue par M. le Premier ministre ne sera
réussie, mesdames, messieurs les sénateurs, que si nous prenons le temps d'une
concertation très, très attentive. Ces sujets sont si complexes !
Dans cet esprit, Nicolas Sarkozy, Jean-Paul Delevoye, Patrick Devedjian et
moi-même recevrons, dès mardi prochain, les principales associations d'élus.
Cette concertation et une rigoureuse harmonisation des textes vont demander
beaucoup de travail et un peu de temps. Le Gouvernement a cependant prévu de
déposer un projet de loi devant le Parlement dès 2003.
M. Jean-Guy Branger.
Bravo !
M. Gilles de Robien,
ministre.
Conscient de la nécessité de répondre dans l'urgence au
problème de blocage des terrains, j'ai proposé au Premier ministre, qui l'a
accepté, de présenter au Parlement un projet de loi sans attendre cette
réforme.
M. Charles Revet.
Très bien !
M. Gilles de Robien,
ministre.
Ce texte a été examiné ce matin par la section des travaux
publics du Conseil d'Etat. Il sera présenté en conseil des ministres le 27
novembre et, à l'Assemblée nationale, le 10 décembre.
Je souhaite qu'il soit très rapidement étudié par la Haute Assemblée, si
possible avant la fin de cette année, et il semble que ce soit possible.
M. Charles Revet.
Et nous le souhaitons !
M. Gilles de Robien,
ministre.
Ce texte porte sur trois sujets qui, je le sais bien, sont au
coeur de vos préoccupations, mesdames, messieurs les sénateurs : il s'agit de
la règle des quinze kilomètres, de la participation pour voie nouvelle et
réseaux et, enfin, de trois dispositions qui concernent les documents
communaux, à savoir la transition entre les plans d'occupation des sols et les
plans locaux d'urbanisme, le « projet d'aménagement et de développement durable
» et, enfin, les conditions de modification ou de révision des documents
d'urbanisme.
Le Gouvernement ne prétend pas avoir résolu ainsi tous les problèmes mais, je
le redis, il a voulu que ce projet de loi soit limité aux problèmes urgents et
que d'éventuelles évolutions plus importantes soient étudiées dans le cadre de
la mise en harmonie voulue par M. le Premier ministre, après concertation avec
les associations d'élus.
Cela me conduira à vous demander, au nom du Gouvernement, de reporter l'examen
de certains amendements déposés sur la présente proposition de loi à la
discussion du prochain projet de loi. Nous devons, en effet, éviter d'ajouter à
la confusion, sachant que notre but commun est de clarifier la situation afin
de la rendre plus compréhensible pour les élus locaux. Il serait souhaitable
d'achever les deux lectures si possible avant la fin de l'année.
Tels sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les
points qu'il me paraissait important de préciser préalablement à l'examen des
dispositions relatives à l'urbanisme.
Pour ne pas prolonger ce propos liminaire, j'indiquerai au fur et à mesure de
l'examen des articles et des amendements de la présente proposition de loi le
contenu du projet de loi qui vous sera soumis prochainement.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République : 30 minutes ;
Groupe socialiste : 27 minutes ;
Groupe de l'Union centriste : 19 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen : 11 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen : 10 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe :
7 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Aymeri de
Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou.
Monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le
rapporteur, mes chers collègues, je souhaite attirer votre attention sur la
spécificité urbaine de ce texte. Je souscris aux propositions qu'il contient,
mais je veux souligner l'absence de prise en considération, dans cette
proposition de loi, de la spécificité des zones rurales.
M. Gérard Braun.
Tout à fait !
M. Aymeri de Montesquiou.
Elu du Gers, président de l'association des maires de mon département, je me
fais l'écho des inquiétudes des élus ruraux, qui me demandent depuis près de
deux ans la modification de la loi SRU. Je puis vous l'affirmer, ces
inquiétudes sont partagées par tous les élus des zones rurales, lesquelles
représentent les trois quarts du territoire.
On ne peut tout axer sur la ville, comme l'a fait le gouvernement précédent.
Nous nous devons de proposer un texte harmonieux qui prenne également en compte
les spécificités des zones rurales.
Vos propositions sont, certes, très utiles pour corriger les travers de la loi
SRU dans les zones urbaines, mais je déplore votre silence sur nos campagnes.
Les élus ruraux sont confrontés à de réels problèmes d'application de la loi
SRU, qui les ignore, comme l'indique son titre - la solidarité et le
renouvellement « urbains » -, et qui confine parfois à l'absurde. Nous devons
saisir l'opportunité, aujourd'hui, d'apporter les changements tant attendus.
Mme Hélène Luc.
Personne n'a nié la nécessité de construire des logements sociaux dans les
campagnes !
M. Aymeri de Montesquiou.
C'est le sens de la proposition de loi que mon collègue Daniel Goulet et
moi-même avons déposée et qui a été cosignée par quatre-vingt-dix de nos
collègues au Sénat : cela démontre qu'elle répond à une très grande attente, et
c'est pourquoi nous déposons des amendements aujourd'hui, pour que votre texte,
monsieur le rapporteur, concerne à la fois les villes et les campagnes. Nos
propositions s'articulent autour de deux axes : d'une part, permettre une
participation des propriétaires au financement de l'extension de réseaux et,
d'autre part, prendre en charge le coût de réalisation des documents
d'urbanisme.
Nous proposons aussi de supprimer le caractère cumulatif des critères
permettant la participation pour financement des voies nouvelles et des
réseaux.
En l'état actuel des choses, les communes sont dans l'impossibilité de
solliciter une participation pour une extension de réseaux si l'opération n'est
pas accompagnée de travaux de création d'une voie ou d'extension d'une voie
nouvelle. Les communes ne peuvent donc pas délivrer les permis de construire
qui leur sont demandés, ou bien, pour contourner la difficulté, elles
s'engagent dans des travaux de voirie qui confinent au gaspillage.
Faisons preuve de bon sens. Si un candidat à la construction préfère, comme 63
% de nos compatriotes, habiter dans une commune rurale, pourquoi l'empêcher
d'acheter un terrain beaucoup moins cher qu'en zone urbaine, quitte à ce qu'il
finance lui-même tout ou partie des réseaux ? Il pourra ainsi concrétiser son
choix, et le faire à meilleur compte qu'en ville.
Pourquoi refuser ce rééquilibrage du territoire français, ce qui a pour
conséquence de priver les communes rurales des ressources très importantes que
sont pour elles le foncier bâti et la taxe d'habitation ? En un mot, répondons
de façon positive au voeu de nos concitoyens et de nos élus ruraux.
Aujourd'hui, en raison de ces dispositions, les petites communes rurales, aux
finances modestes, ne peuvent se développer et accueillir de nouveaux
habitants. C'est pourtant un moyen de les faire vivre et, avec elles, de faire
vivre nos campagnes. Dans les zones rurales, cinq habitants de plus ou de moins
dans une commune, c'est une classe qui s'étoffe ou qui peut disparaître !
Par ailleurs, la réalisation des documents d'urbanisme devrait pouvoir être
inscrite dans la section investissement du budget des communes, ce qui
permettrait à ces collectivités de bénéficier du fonds de compensation pour la
TVA. De plus, s'agissant d'un projet à long terme, il est tout à fait logique
que ces dépenses soient considérées comme des investissements. Les directions
départementales de l'équipement étant surchargées, il y a souvent obligation de
faire appel à des acteurs économiques privés, dont le coût des prestations peut
être très élevé.
Votre proposition de loi, monsieur Braye, concerne exclusivement les zones
urbaines. Vous vous dites soucieux de « tenir compte des réalités et des
spécificités locales », mais vous occultez la spécificité des zones rurales, ce
que je regrette vivement.
M. Dominique Braye,
rapporteur.
Il y a les SCOT ! Et la surface minimale !
M. Aymeri de Montesquiou.
Je vous l'accorde.
Si, grâce à la disposition relative au logement, l'obligation des 20 % de
logements s'inscrit non plus dans un mécanisme coercitif mais bien dans un
mécanisme incitatif et contractuel, je m'en réjouis. Mais le titre II relatif à
l'urbanisme ne prévoit aucun article sur les zones rurales.
Les élus ruraux attendent avec impatience une modification de la loi, mais ils
ne comprendraient pas que celle-ci soit exclusivement urbaine.
Ne les décevons pas ! Ils comptent sur nous pour modifier la loi SRU, dont
l'application pénalise leurs communes. Les refus de délivrance de certificats
d'urbanisme, et donc le blocage de nombreux permis de construire, paralysent le
développement de bien des communes rurales.
M. Charles Revet.
C'est vrai !
M. Aymeri de Montesquiou.
N'adoptons pas un texte parcellaire, tronqué et incomplet. Engageons un
aménagement harmonieux et durable du territoire. Montrons que le Sénat est
sensible au développement à la fois de nos villes et de nos campagnes.
Mme Hélène Luc.
Personne ne dit le contraire !
M. Aymeri de Montesquiou.
Insérons donc les dispositions indispensables aux zones rurales à l'occasion
de la discussion de cette proposition de loi pour présenter un texte équilibré
et s'intégrant dans le grand projet de décentralisation de M. le Premier
ministre.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Braye,
rapporteur.
Monsieur de Montesquiou, en aucun cas ma proposition de loi
ne s'attaque aux seuls problèmes urbains.
Mme Hélène Luc.
Elle « s'attaque » ?
M. Jean-Pierre Sueur.
Ce n'est pas la guerre, tout de même !
M. Dominique Braye,
rapporteur.
Vous le savez, j'ai lancé une vaste enquête visant à recenser
les difficultés d'application suscitées par la loi SRU sur l'ensemble du
territoire. D'autres réponses continuent à nous parvenir et, par exemple, la
réponse de la Lozère m'est arrivée aujourd'hui ; j'attends que d'autres
remontent.
La possibilité de fixer des surfaces minimales dans le PLU la suppression de
la règle des quinze kilomètres et le rétablissement de certaines dispositions
de l'ancien article L. 111-5 du code de l'urbanisme sont autant de mesures qui
sont demandées essentiellement par les communes rurales !
Sur les quatre mesures contenues dans notre proposition de loi, trois
concernent les communes rurales. Et, si j'en crois les résultats de notre
enquête, la totalité des mesures visant l'urbanisme intéressent au premier chef
les communes rurales.
Certes, la proposition de loi est incomplète, puisqu'elle ne tient pas compte
de tous les résultats de l'enquête que nous venons de mener et qu'un texte
gouvernemental viendra prochainement la compléter, ainsi que M. le ministre l'a
indiqué. Aujourd'hui, nous ne traitons qu'une partie des points les plus
urgents.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien,
ministre.
Je veux à mon tour rassurer M. de Montesquiou. Le projet de loi
dont vous serez saisis, je l'espère, très rapidement, tient compte du monde
rural, notamment des participations pour les voies et réseaux nouveaux. Les
maires devraient pouvoir délivrer des permis de construire sans aucune
arrière-pensée, en sachant qu'il reviendra au maître d'ouvrage et non pas aux
contribuables de leurs communes d'en supporter les conséquences.
De ce point de vue, les maires seront probablement satisfaits par le projet de
loi dont nous débattrons prochainement.
M. Aymeri de Montesquiou.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou.
Monsieur le rapporteur, j'ai signé votre proposition de loi. Je la soutiens
donc tout à fait. Je pense cependant qu'il aurait été préférable de traiter des
problèmes non seulement de la ville mais aussi des campagnes.
M. Gérard Larcher,
président de la commission.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Gérard Larcher,
président de la commission.
Monsieur le président, il convient
d'organiser nos débats. M. le ministre a annoncé le dépôt d'amendements dont la
commission n'a pas encore été saisie.
Monsieur le ministre, je le dis très aimablement, mais le fait de prendre
connaissance des amendements du Gouvernement après le début de la discussion
générale n'est pas une excellente méthode de travail !
La commission se réunira, par conséquent, à vingt et une heures pour examiner
ces amendements. Au demeurant, aucun ne fait quatre pages, comme cela s'était
produit au sujet des établissements publics fonciers !
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt et
une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Serge Vinçon.)
PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON
vice-président
M. le président.
La séance est reprise.
Mes chers collègues, la commission étant encore réunie, nous ne pouvons
reprendre nos travaux dès maintenant.
Je vais donc suspendre la séance pendant quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt et une heures quarante-six, est reprise à
vingt-deux heures.)
M. le président.
La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion des conclusions du rapport de M. Dominique
Braye, fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan, sur la
proposition de loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Daniel Goulet.
M. Daniel Goulet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet du
gouvernement Jospin et de son ministre Gayssot, devenu loi SRU, avait déjà fait
couler beaucoup d'encre dans cette maison, et M. de Rohan avait relevé que le
fait qu'un ministre n'osât pas donner son nom à une loi par lui proposée était
un bien mauvais présage...
Il ne s'était pas trompé et, depuis son adoption, la loi du 13 décembre 2000 a
suscité d'énormes difficultés d'application, notamment en zone rurale.
Rappelons que la loi SRU comporte plusieurs volets, dont un concerne le
logement, un autre l'urbanisme. Le premier est plus spécifiquement destiné aux
zones urbaines, le second a vocation à s'appliquer partout puisqu'il procède à
la refonte de l'ensemble des documents d'urbanisme en instaurant la carte
communale, le plan local d'urbanisme, les schémas de cohérence territoriale,
etc.
S'il est vrai qu'un toilettage et, surtout, une modernisation de nos documents
d'urbanisme étaient nécessaires, la réforme n'a pas, loin s'en faut, donné les
résultats escomptés.
Ainsi les craintes exprimées par le Sénat lors des travaux préparatoires
étaient-elles justifiées.
Devant l'Assemblée nationale, M. Gayssot avait été très clair, indiquant, le 8
mars 2000 : « Le xxie siècle sera celui de la civilisation urbaine. »
Lors de la présentation de son projet devant le Sénat, le 26 avril 2000, il
déclarait toutefois : « Ce n'est pas parce que ce projet concerne les villes
qu'il est contre les campagnes. »
La réalité a malheureusement démontré le contraire. En effet, la loi SRU s'est
révélée « ruralicide ». C'est pourquoi les élus ruraux ont appris avec beaucoup
d'intérêt et beaucoup d'espoir la décision du Sénat de créer une commission
d'évaluation de cette loi pour en proposer ensuite la révision.
Mais - je le dis en toute simplicité mais aussi avec beaucoup d'amitié à notre
collègue M. Braye, rapporteur des conclusions de la commission -, même si je
sais que sa mission n'est pas achevée, je suis un peu déçu, et bien d'autres le
sont avec moi.
Combien d'entre nous, mes chers collègues, ont posé depuis deux ans des
questions écrites ou orales sur les conditions d'application de ce texte ?
Combien de propositions de loi sont restées sans suite et ne sont pas reprises
ni même évoquées dans le rapport qui nous est présenté aujourd'hui ? De deux
choses l'une : soit le texte dont nous débattons a vocation à devenir une sorte
de « loi balai » - et dans ce cas pourquoi est-il elliptique s'agissant des
questions relatives au monde rural ? -, soit il ne concerne que les villes et
le logement - et alors pourquoi y avoir introduit un titre relatif à
l'urbanisme ? Je ne peux croire que cette méthode de travail soit la meilleure.
En tout cas, ce ne devrait pas être la nôtre.
Nous bénéficions certes d'une intéressante « niche » législative, mais
était-ce une raison pour présenter une proposition de loi qui risque, à mon
avis, de compliquer encore les choses, alors même que vous avez annoncé,
monsieur le ministre, votre intention de déposer, d'ici au mois de décembre, un
grand texte sur ce sujet et qu'aujourd'hui vous vous refusez, si j'ai bien
compris, à prendre en compte certaines de nos suggestions ?
Nous savons bien que, par le jeu des navettes, ces deux textes risquent de se
télescoper, à moins que le Gouvernement ne nous demande d'émettre un vote
conforme dans l'attente de la loi à venir... Mais alors, quel est véritablement
le rôle du Parlement ? D'ailleurs, un vote, fût-il conforme, ne réglera ni les
problèmes de cohérence ni les questions urgentes qui resteront en suspens.
En outre, nous avions annoncé aux élus locaux, dans nos départements
respectifs - parce que cela nous avait été promis -, que le texte portant
révision de la loi SRU allait donner lieu à une large concertation.
A l'heure où le Premier ministre et le ministre de l'intérieur, de la sécurité
intérieure et des libertés locales organisent, à juste titre d'ailleurs et à
grand renfort de publicité, des assises de la démocratie locale dans chacune de
nos régions, et alors que l'un des thèmes principaux en est l'aménagement du
territoire et l'urbanisme, pourquoi ne pas attendre que ces assises se soient
tenues pour légiférer en toute connaissance de cause ? Pourquoi légiférer
aujourd'hui, en hâte et de façon partielle ?
M. Jean-Pierre Sueur.
Très bien ! C'est le bon sens !
M. Daniel Goulet.
La loi SRU et, plus généralement, l'ensemble des textes relatifs à l'urbanisme
doivent faire l'objet d'une véritable refonte, pas d'un « colmatage ».
L'urbanisme en milieu rural constitue pour celui-ci l'élément majeur,
déterminant, la clef de sa survie, la clef d'un aménagement harmonieux du
territoire qui prenne en compte les spécificités de la ruralité, en respectant
le fragile équilibre du couple ville-campagne.
Plus de nouveaux habitants, plus d'écoles ; pas d'habitants, pas de DGF ; pas
de DGF, pas d'infrastructures ; pas d'infrastructures, plus de commerces et
plus d'habitants : bref, un cercle vicieux que chacun ici connaît
parfaitement...
Cette proposition de loi pourra-t-elle satisfaire les élus ruraux qui
subissent de plein fouet les effets des réformes ou des « réformettes » votées
ici, à Paris, où nous sommes parfois bien loin des réalités du terrain ?
Démunis de services techniques et de moyens financiers pour la plupart d'entre
eux, les maires ruraux sont désarmés devant un amalgame de textes plus
complexes les uns que les autres, qui s'ajoutent et se superposent, quand par
bonheur ils ne se contredisent pas.
Comment leur expliquer, à ces élus de la « France d'en bas », qu'un texte
portant modification de la loi SRU aura été voté par le Sénat et qu'il ne
comportera aucune disposition visant à mettre un terme au calvaire qu'ils
subissent depuis la mise en application de cette dernière ?
Tels sont les propos généraux et liminaires que je voulais tenir.
Si je comprends l'urgence qu'il y a, pour certains élus, à voir voter
certaines modifications du droit au logement tel qu'il résulte de la loi SRU -
je partage leur impatience -, je regrette vivement que le même empressement
n'ait pu s'appliquer à la proposition de loi n° 389 relative aux questions
d'urbanisme que j'avais déposée en juin 2001 et que nombre d'entre vous avait
signée, mes chers collègues, ou au texte élaboré par Henri de Richemont sur le
même sujet, texte repris par M. Aymeri de Montesquiou et moi-même et cosigné
par quatre-vingts sénateurs.
Il y avait urgence à régler certaines questions portant sur l'urbanisme en
milieu rural, et cette urgence demeure. Elle sera l'objet des amendements que
nous présenterons.
La notion d'urgence est donc relative. Comme le disait naguère un célèbre
humoriste, « tous les hommes sont égaux, mais certains sont plus égaux que
d'autres ». Toutes les urgences sont urgentes, mais certaines urgences sont, au
Parlement, manifestement plus urgentes que d'autres !
Pour conclure sur ce point, je tiens à ajouter que la fin de la période de
cohabitation donne au Sénat, comme à l'Assemblée nationale, de nouvelles
responsabilités. Nous ne pouvons plus arguer de cette discordance ni de
majorités différentes à l'Assemblée nationale et au Sénat pour « accepter »,
faisant parfois contre mauvaise fortume bon coeur, des textes non conformes à
nos souhaits et à nos préoccupations.
M. Jean-Pierre Sueur.
C'est vrai !
M. Daniel Goulet.
Nos élus « d'en bas », selon l'expression désormais consacrée, ont compris le
message des élections. La cohabitation a été rejetée pour donner au
Gouvernement toutes les chances de succès...
M. Jean-Pierre Sueur.
C'est vrai !
M. Daniel Goulet.
... et nous l'aiderons !
Que ferons-nous de cette crédibilité et des espoirs suscités ? Je vous le dis
tout net, mes chers collègues : prenons garde à accomplir notre tâche de
législateur sans compromis et sans autosatisfaction, ayons un comportement
réaliste, car sinon les réactions seraient sans équivoque, et nous n'aurions
alors plus aucune excuse à faire valoir.
Venons-en maintenant au fond du texte présenté.
Je n'ai aucune observation à formuler concernant le titre Ier, relatif au
logement. En revanche, et au bénefice des observations générales que j'ai
faites précédemment, j'ai, avec quelques collègues, déposé plusieurs
amendements qui relèvent, monsieur le ministre, de l'urgence que j'évoquais à
l'instant.
Il s'agit tout simplement, pour le premier amendement, de remplacer le mot : «
et » par le mot : « ou ». C'est un cas d'école de loi interprétative, une
simple erreur de rédaction, sans aucun doute, mais aux conséquences dramatiques
puisqu'elle amène à geler toute construction nouvelle en milieu rural... à
moins que cette rédaction ne fût délibérée.
L'amendement qui sera défendu doit être adopté sans tarder et une circulaire
ministérielle demandant aux services des DDE une application plus souple, le
temps de la navette parlementaire, du texte existant doit être diffusée. Ce
serait, en la circonstance, bien nécessaire !
M. Charles Revet.
En effet !
M. Daniel Goulet.
Merci, cher collègue !
(Sourires.)
Le deuxième et le troisième amendements visent le financement des documents
d'urbanisme.
En effet, la loi SRU a laissé aux collectivités locales la charge des dépenses
liées à ces documents. La circulaire d'application de la loi du 13 décembre
2000 avait toutefois indiqué aux services des DDE qu'ils devaient une
assistance technique aux communes, à la condition que cela ne représente pas
plus d'une demi-journée de travail. Nous savons que ces services sont parfois
débordés, qu'ils manquent de personnel ; bref, comme le dit un vieux proverbe
italien, « entre le dire et le faire, il y a la moitié de la mer »...
L'amendement présenté a donc pour objet de corriger cette incohérence et, pour
tout dire, une injustice contraire à l'article 1614 du code général des
collectivités territoriales s'agissant d'une obligation légale non compensée
par des ressources équivalentes.
Le quatrième amendement aurait - j'ai bien employé, monsieur le rapporteur, le
conditionnel - pour objet de supprimer l'article 10.
En effet, si la règle des quinze kilomètres pour le périmètre du SCOT est
critiquable à bien des égards, la suppression pure et simple de cette règle
sans que des dispositions transitoires soient prévues constitue une incohérence
et, finalement, une prime aux élus qui n'ont pas respecté les lois de la
République en ne mettant pas en place des SCOT dans les délais fixés par des
textes normalement votés par le Parlement.
Quelles dispositions sont prévues, par exemple, pour les communes englobées
malgré elles dans un périmètre ? Quelles règles prévoir pour leur sortie ?
Faut-il supprimer cette règle sans avoir, au préalable, procédé à l'évaluation
de son application dans toute la France ?
Entendons-nous bien : je ne suis pas, pour autant, favorable au maintien de la
règle des quinze kilomètres, car je sais qu'elle peut contribuer à geler, dans
certains cas, les constructions, mais je suis persuadé que la formule
consistant à l'abandonner sans prévoir de dispositions transitoires représente
un grand risque et une injustice.
Mme Jacqueline Gourault.
Très bien !
M. Daniel Goulet.
En effet, dans nos départements ruraux, les préfets ont souvent poussé
certaines communes, un peu fort...
M. Henri de Raincourt.
Un peu trop fort !
M. Daniel Goulet.
... - et l'on connaît la vulnérabilité des élus devant la force de persuasion
de certains préfets -, à adhérer contre leur volonté à des SCOT.
M. Dominique Braye,
rapporteur.
C'est vrai !
M. Daniel Goulet.
Je pourrais citer quelques exemples à cet égard !
La circulaire d'application du 18 janvier 2001 précise qu'aucune commune ne
doit être exclue contre son gré. Mais
quid
des communes intégrées contre
leur gré ?
Quid
des communes qui sont aujourd'hui en phase d'élaboration
de SCOT, c'est-à-dire dans une phase de concertation ? Chacun connaît la liste
des procédures à suivre, et je souhaite beaucoup de courage aux communes
concernées, mais, Dieu merci ! je crois que cette règle ne s'appliquera plus
après que nous aurons voté ce texte.
La loi que nous sommes en train d'élaborer, mes chers collègues,
réglera-t-elle tous les problèmes de ces communes ? Certainement pas ; mais
elle peut être un signe très fort donné aux collectivités locales, qui n'en
peuvent plus.
C'est cette préoccupation qui m'a guidé lorsque j'ai déposé l'amendement de
suppression de l'article, car je souhaitais pouvoir au moins prendre la parole
sur ce sujet pour essayer, dans une manière de provocation, d'envisager des
solutions au problème que je viens d'évoquer.
En conclusion, monsieur le ministre, je voudrais saisir l'occasion qui m'est
offerte pour vous dire combien les missions de vos représentants sur le
terrain, je veux parler des DDE, sont importantes dans les zones rurales.
Donnez donc à ces services déconcentrés les moyens de travailler au mieux et
d'assister les communes et les communautés de communes, qui sont en butte à des
réglementations de plus en plus complexes alors même qu'elles sont dépourvues
de moyens financiers. La qualité et les compétences de ces services sont tels
qu'il ne faut pas qu'ils soient remplacés par des bureaux d'études privés,
bureaux auxquels nos élus sont contraints d'avoir recours même lorsqu'ils ne
peuvent assumer la charge financière d'une telle procédure.
Au moment, monsieur le ministre, où s'ouvre un grand débat national sur la
décentralisation, votre ministère se trouve concerné au premier chef, tant pour
l'urbanisme que pour les transports et, par conséquent, pour cette équité que
nous recherchons tous entre les territoires, c'est-à-dire entre les hommes qui
y vivent et qui en sont les premiers acteurs.
Nous serons donc très vigilants, et vous nous trouverez à vos côtés lors de la
présentation de votre budget, qui, je l'espère, sera l'exact reflet des
promesses qui nous sont faites et, surtout, des nécessités du terrain, dont
vous ressentez bien vous-même toutes les attentes.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Philippe Darniche.
M. Philippe Darniche.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi SRU a
profondément modifié le droit du logement et le droit de l'urbanisme de notre
pays. Je considère néanmoins - comme nombre de mes collègues, et au-delà des
clivages politiques - que, au nom des sentiments les meilleurs de la première
loi SRU, le pire est arrivé.
En effet, loin que soient rééquilibrés, comme le souhaitait le précédent
gouvernement, les objectifs d'aménagement et de solidarité territoriale entre
les collectivités locales, un fossé s'est de nouveau creusé en France, dans nos
départements, entre les zones urbaines, d'une part, et les zones rurales et
périurbaines, d'autre part.
C'est pourquoi, dans mon bref propos, je soulignerai avec détermination trois
dysfonctionnements évidents, visibles sur le terrain. Le texte de notre
excellent collègue Dominique Braye nous permettra, je le souhaite, de les
corriger très rapidement et d'intégrer cette question dans le processus d'une
plus grande décentralisation.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, la première erreur commise avec la
loi SRU tenait, d'une part, à son caractère résolument « pro-urbain » et,
d'autre part, à l'extrême complexité de son application sur le terrain, pour
les élus.
Moins de deux ans après son entrée en vigueur, l'application du texte tel
qu'il a été adopté s'est heurtée à de nombreuses difficultés de compréhension,
sources d'insatisfaction générale.
Parlons franchement : la raison principale de cet état de fait tenait à la
trop grande technicité du texte, incompréhensible pour beaucoup ou laissant
trop souvent cours à des interprétations différentes selon les élus, mais
aussi, d'un département à l'autre, selon les responsables des DDE.
Loi globale et portant exclusivement sur la ville, je dirai même, loi «
globalisante de la ville », la « SRU première génération » a laissé sur le côté
de la route un monde rural dynamique qui ne demande qu'à vivre en harmonie,
dans l'équilibre et le respect des zones urbaines.
Monsieur le ministre, comment redonner de la cohérence au développement des
villes sans penser une seule seconde aux villages de nos provinces ? C'est en
confondant « urbanisation » et « décentralisation » que votre prédécesseur a
commis l'erreur idéologique de penser avec précipitation que le renouvellement
urbain pouvait se faire au profit de la décadence rurale en France.
Lors de la discussion du texte au Sénat, en janvier 2002, je m'étais déjà
opposé à cette vision trop « systémique » des choses, et je m'étais clairement
prononcé en faveur d'une plus grande volonté de simplification et d'accès
concerté à l'offre foncière dans notre pays.
Mes deux dernières critiques - qui, je l'espère, deviendront sans objet au
cours de la discussion des articles - portent tout particulièrement sur le
secteur de l'urbanisme et sur la nécessité de gérer avec équilibre l'extension
de l'urbanisation à proximité des agglomérations.
En effet, nous nous trouvons désormais dans l'impossibilité d'imposer des
surfaces minimales pour la construction par le biais des fameux PLU, les plans
locaux d'urbanisme. Je soutiens donc l'initative et le dispositif législatif
visant à rétablir cette faculté pour les communes.
Par ailleurs, au lieu d'atténuer et de simplifier les règles applicables aux
transferts des droits à construire en cas de division de terrains, la dernière
loi SRU n'a cessé de complexifier la procédure existante.
Enfin, et surtout, comment ne pas s'indigner de l'application unilatérale de
la règle dite des « quinze kilomètres » ? Ce dispositif, aberrant et
liberticide pour nombre de petites communes rurales, prévoit que, en l'absence
de schéma de cohérence territoriale, ou SCOT, les communes situées à moins de
quinze kilomètres d'une agglomération de plus de 15 000 habitants, ne peuvent
ouvrir de nouvelles zones à l'urbanisation.
Cette règle est inéquitable, car elle s'applique de la même façon autour des
villes centre de 15 000 habitants et des villes d'un million d'habitants. Elle
est coûteuse, car les études conduisant à l'élaboration des SCOT exigent de
fortes dépenses de la part de communes déjà dépourvues de moyens. Elle est
paralysante, enfin, parce qu'elle conduit à geler des territoires ruraux où
existent un vaste espace urbanisable et une faible pression foncière.
Dans les faits, les difficultés pour mettre des SCOT en place ne se sont pas
fait attendre,... ou plutôt, si, mes chers collègues : elles se sont fait
attendre. Monsieur le ministre, est-ce répondre rapidement à nos concitoyens et
à leurs élus quand la procédure d'élaboration d'un SCOT dure deux ans ? C'est
pourquoi la suppression de la règle des quinze kilomètres est aujourd'hui
vitale, et je la soutiens.
Enfin, je souhaite évoquer un sujet qui fait l'objet de très nombreux
amendements, je veux parler de l'épineux problème de la participation pour voie
nouvelle et réseaux, la PVNR, à propos de laquelle vous nous avez indiqué,
monsieur le ministre, que vous envisagiez de nous soumettre un projet de
loi.
En effet, aux termes du droit existant, les communes ne peuvent être aidées
financièrement pour une extension de réseau que si, et seulement si, elles
créent une voie nouvelle ou étendent une voie existante. Dans les faits, cette
disposition les oblige parfois à refuser les permis de construire parce
qu'elles ne disposent pas d'une capacité d'investissement suffisante, tandis
que les communes plus riches répondent trop souvent dans la précipitation, en
engageant des dépenses publiques inconsidérées.
Monsieur le ministre, je souhaitais vous interroger sur les réponses que vous
comptiez donner à ce problème, mais vous nous les avez fournies. J'espère que
les textes que vous nous proposerez pourront nous apporter des apaisements.
En conclusion, monsieur le ministre, mes chers collègues, fort du désir qui
pousse chacun d'entre nous à tenir compte en permanence de la richesse et de la
complexité des réalités locales et à réagir avec discernement, je soutiendrai
avec conviction la proposition de loi dont nous débattons aujourd'hui.
L'heure est venue de répondre rapidement aux difficultés croissantes des élus
locaux et de nos concitoyens en matière d'urbanisme. Nous avons besoin de lois
simples et applicables, à même de rendre aux élus leur capacité d'initiative et
de partenariat dans le temps. C'est pourquoi, défenseur du juste équilibre
entre ville et campagne, je voterai avec détermination cette proposition de
loi, qui résulte d'une observation pragmatique des difficultés que rencontrent
nos élus, tout particulièrement dans les secteurs que nous venons d'évoquer.
Son adoption permettra de redonner la parole aux élus des communes rurales et
périurbaines confrontés à la demande sans cesse accrue d'aménagement du monde
urbain, qui n'a jamais cessé d'être privilégié au détriment des « tout-petits
».
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Jean-Yves Mano.
M. Jean-Yves Mano.
Après sept mois de gouvernement, la seule action que vous nous proposez en
faveur du logement, messieurs les initiateurs de cette proposition de loi, est
donc de détruire. Il y avait urgence, à vos yeux, à vider de son contenu -
certains diraient : à liquider - le volet de la loi relative à la solidarité et
au renouvellement urbains tendant à inciter les communes à créer des logements
sociaux et à favoriser la mixité sociale.
« Logement social », « mixité sociale » : ces mots vous font peur.
C'est par la procédure de la proposition de loi que vous vous attaquez à la
loi qui fonde le principe de solidarité urbaine. Vous avez tenté de le faire en
catimini, sans étude d'impact, sans saisine du Conseil d'Etat ; certes, la
procédure choisie vous le permet. Vous avez donc tenté de faire débattre le
Sénat de cette proposition de loi entre deux textes importants, à une heure
d'autant plus avancée de la nuit que tout semble montrer que nos discussions
vont se poursuivre longtemps.
Pour autant, doit-on être surpris ?
A priori,
non, car votre texte est
à l'image de ce que vous représentez, c'est-à-dire d'une droite sans complexe
et qui l'assume, se laissant aller à ses penchants naturels, bref, pour qui la
solidarité n'a plus sa place dans la société.
Tout cela est habilement présenté à partir des mots « contrat » ou « liberté
». Mais, me semble-il, c'est surtout la liberté de choisir d'accueillir qui
l'on veut, où l'on veut, que l'on découvre dans ce texte ; c'est la faculté de
sélectionner les populations désireuses de s'implanter dans les communes
concernées.
Parce que je reste persuadé que cette position ne fait pas l'unanimité sur
les travées de notre assemblée, je ne désespère pas, mes chers collègues, de
faire évoluer votre vision des choses.
Mais reconnaissons à M. Braye, rapporteur de la proposition de loi, de la
constance dans ses propositions ; car, dans le florilège des petites phrases
historiques du débat initial, au mois de décembre 2000, il s'était
particulièrement illustré en se souciant, notamment, de « ne pas pénaliser les
riches », ou bien en qualifiant la loi SRU de « socialisme et rabaissement
urbain. »
Vous me permettrez de procéder à un simple rappel : la loi SRU, dans son
article 55, vise à développer le logement social sur l'ensemble du territoire.
Ce sont 800 communes qui sont concernées, pour un objectif annuel de 20 000
logements.
Dois-je vous rappeler, monsieur le ministre, mes chers collègues, que, saisi
par la droite parlementaire, le Conseil constitutionnel a validé le dispositif
? Il a même érigé en objectif d'intérêt général le principe de mixité sociale
!
Les arguments que vous avancez pour modifier ce mécanisme de solidarité sont
indéfendables. Vous faites état d'une mise en oeuvre difficile et d'une
obligation contestée par les élus locaux. Certes, on peut toujours trouver des
arguties juridiques, d'ordre financier ou technique, pour justifier la
non-volonté politique de développer le parc social. Pensez-vous pour autant que
le passage d'une loi instituant un mécanisme de solidarité entre communes à un
contrat de liberté entraînera l'adhésion des maires à une politique de
logements sociaux ? Hélas non ! Nous avons déjà essayé !
Le bleu budgétaire consacré au logement démontre que la loi est bien
appliquée. En 2001, dès la première année, 18 000 logements - sur un objectif
de 20 000 - ont été créés dans les communes concernées. Modifier la loi SRU,
c'est casser la dynamique en faveur du logement social, c'est casser ce qui
marche.
Avant d'évoquer le contenu de la proposition de loi, je voudrais vous poser
quelques questions, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers
collègues. N'êtes-vous pas troublés par l'émotion et, pour tout dire, par la
contestation émanant du monde associatif du logement, notamment de la Fondation
abbé Pierre, à l'annonce de votre projet ? N'êtes-vous par interloqués par le
rejet net de votre proposition de loi par le Haut comité pour le logement des
personnes défavorisées, présidé par Xavier Emmanuelli, ancien ministre d'Alain
Juppé ? Cette contestation est légitime, car les associations et le Haut comité
savent comme nous que, dans ce pays, plus d'un million de ménages attendent un
logement décent.
Dès le premier alinéa de l'article 1er de votre texte, vous éliminez du
dispositif 43 communes d'Ile-de-France en portant à 3 500 habitants le seuil de
population à partir duquel les communes auraient une obligation de construire
des logements sociaux.
Dois-je vous rappeler que la spécificité concernant les communes
d'Ile-de-France, voulue par le législateur, a été validée par le Conseil
constitutionnel ? Dois-je vous rappeler que 400 000 ménages sont en attente
d'un logement en Ile-de-France et que 70 % des ménages habitant cette région
sont potentiellement éligibles à un logement social, compte tenu de leurs
revenus ? Est-ce trop demander à ces 43 communes que de créer 288 logements par
an, soit de cinq à sept logements par commune ? Monsieur le rapporteur, les
besoins existent, y compris chez vos administrés, et vous refusez de créer cinq
à sept logements par an ! Voulez-vous faire de votre commune un musée, une
réserve que l'on visite ? Envisagez-vous de construire un mur vous mettant à
l'abri de la réalité sociale qui vous entoure ?
A ce stade, arrêtons-nous un instant sur ce qu'est un candidat locataire, et
M. le ministre lui-même le rappelait tout à l'heure : on est candidat à un
logement social lorsque l'on est un policier, une infirmière, un enseignant, un
éducateur et aussi, parfois, quand on rencontre des difficultés financières.
Cette mixité des populations est indispensable à l'équilibre de nos communes.
Il est donc de notre responsabilité de fournir un logement à la fois aux
personnes qui font vivre la ville et aux personnes en difficulté.
C'est à ce prix que nous pourrons garantir la quiétude et la sécurité de nos
concitoyens.
Et pourtant - c'est un fait encore plus pernicieux et représentatif de votre
volonté de négation de la mixité sociale -, vous souhaitez exempter de la
contribution de solidarité les communes appartenant à une communauté urbaine, à
une communauté d'agglomération ou à un EPCI ayant accepté à l'unanimité un
programme local de l'habitat et possédant globalement 20 % de logements
sociaux.
Cette proposition fige la répartition des logements sociaux, entérine les
déséquilibres actuels entre communes et paralyse toute initiative. En un mot,
les ghettos resteront des ghettos.
Dans l'article 2, la modification proposée exonère 35 communes importantes de
la contribution de solidarité instaurée par la loi SRU, et donc de l'incitation
à construire, en abaissant de 15 % à 10 % le seuil de déclenchement de la
contribution.
Sous une apparence anodine, cette proposition de loi entraînera une diminution
des engagements annuels de près de 2 000 logements. Des villes comme Nice,
Hyères, Grasse seront exonérées. Pourtant, dans ces communes, les besoins
existent et les capacités à construire sont incontestables.
Dans l'article 3, vous vous référez à un engagement triennal de réalisation de
logements locatifs sociaux qui doit être au moins égal, d'une part, au tiers du
nombre de logements réalisés sur le territoire de la commune au cours de la
période triennale à venir et, d'autre part, à 1 % du total des résidences
principales.
Après analyse de ces chiffres, je dirais que, si c'est une incitation, j'y
vois surtout, pour ma part, une incitation à ne rien faire. Qu'on en juge !
Comparé au système précédent dans lequel le rattrapage devait se faire en vingt
ans, les communes devront atteindre les objectifs en soixante ans. Est-ce
sérieux ?
L'ensemble de ces mesures auxquelles s'ajoutent diverses dérogations
minimisant les obligations auront un résultat catastrophique pour la
construction de logements sociaux, et, surtout, pour les familles qui les
attendent.
C'est
a minima
10 000 logements de moins qui seront construits dans
notre pays. M. Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire,
peut être rassuré : le budget du logement ne sera pas consommé.
Vous le comprendrez, compte tenu des conséquences négatives de ce texte, nous
ne pourrons bien évidemment le soutenir.
Ce texte est en effet incohérent, notamment avec la politique annoncée par
votre collègue, M. Borloo, ministre délégué à la ville. On ne peut à la fois
vouloir démolir 200 000 appartements et refuser de voir construire des
logements sur des espaces urbains moins denses et mieux répartis.
Monsieur le ministre, ce texte est contradictoire avec vos propos. Devant les
associations s'occupant des personnes défavorisées, vous affirmiez en effet
votre attachement au principe de la mixité sociale et au nécessaire
développement du logement social.
Ce texte est contradictoire avec les propos que vous avez tenus devant le
congrès de l'Union HLM, réunie en septembre dernier à Lyon : vous annonciez
alors votre volonté de garantir aux acteurs du logement social les moyens d'une
politique ambitieuse.
Ce texte va à l'encontre de la mixité sociale. Or, vous vous êtes prononcé
vous-même contre toute tentative de revenir sur ce principe.
Ce texte ne vous ressemble pas, monsieur le ministre. Il ne correspond pas à
votre image d'homme du centre, car c'est un texte d'exclusion sociale et de
ségrégation sociale qui ne respecte pas le droit au logement.
M. Hilaire Flandre.
N'importe quoi !
M. Jean-Yves Mano.
Compte tenu des conséquences dramatiques de ce texte, je vous demande,
monsieur le ministre, au nom du groupe socialiste, de solliciter vos amis
politiques au sein de cette assemblée pour qu'ils retirent leur proposition de
loi.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe
communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard.
Monsieur le ministre, comme vous-même, je m'inscris résolument dans la
démarche qui vise à élargir le champ de la mixité sociale dans notre pays.
Technicienne de la politique de la ville, je connais trop les situations
engendrées par la ghettoïsation de certains de nos quartiers pour ne pas
mesurer à quel point l'objectif de l'article 55 de la loi SRU est louable.
Cette lutte demeure la préoccupation première de tous les élus qui, dans leur
commune, se battent contre la pauvreté et l'exclusion.
M. Denis Badré.
Exact !
Mme Valérie Létard.
Mais certaines communes sont plus démunies que d'autres dans ce combat.
L'objet de mon propos est de rappeler ici leurs difficultés et de profiter de
ce débat, monsieur le ministre, pour appeler votre attention sur leur
situation.
Le 31 janvier dernier, lors d'une séance de questions d'actualité, j'avais
évoqué la situation de la commune de Maing - 3 800 habitants -, membre de la
communauté d'agglomération de Valenciennes. Cette commune ne remplissait pas
les critères fixés par la loi, son taux de logements locatifs sociaux étant
insuffisant, bien qu'elle héberge sur son territoire une communauté harkie
socialement très fragile. Le prélèvement au titre de l'article 55 dont elle est
redevable s'élève, en 2002, à 34 000 euros, somme considérable si l'on songe
que cette commune dispose d'un potentiel fiscal par habitant de 198 euros et
que 60 % des foyers fiscaux y sont non imposables.
C'est au nom des communes telles que Maing que je m'adresse à vous, monsieur
le ministre. Si elles se sont inquiétées d'une taxation supplémentaire, ce
n'est pas par opposition systématique à l'objectif de la loi ; c'est simplement
que leurs moyens sont si limités qu'une contrainte supplémentaire, ajoutée à
l'ensemble de leurs besoins, leur est apparue comme insupportable, tant est
difficile déjà leur situation financière et sociale.
Dans la réflexion engagée aujourd'hui, il me semble important de prendre plus
particulièrement en compte la situation de ce type de communes. Les
dispositions de l'article 55 allaient dans ce sens en prévoyant, à l'article L.
302-7, un seuil différent pour les communes éligibles à la dotation de
solidarité urbaine, la DSU. Toutefois, cette disposition ne va pas sans
soulever des questions, et ce pour deux raisons.
Premièrement ne sont éligibles à la dotation de solidarité urbaine que les
communes de plus de 5 000 habitants. Cela exclut toutes les communes plus
petites, comme la commune de Maing, dont les moyens sont pourtant extrêmement
faibles.
Je souhaiterais, monsieur le ministre, que l'on s'interroge sur la pertinence
de ce seuil de 5 000 habitants. Le développement de plus en plus rapide de la «
rurbanité » a entraîné de nombreuses communes à la périphérie de nos villes
dans une logique urbaine dont on n'a, à l'évidence, pas encore tiré toutes les
conséquences en matière de soutien financier. Pourquoi maintenir ce seuil
couperet alors que les difficultés de ces communes sont les mêmes, à 4 000
habitants comme à 5 000 habitants ? Ces communes ne pourraient-elles bénéficier
de l'éligibilité à la DSU au titre de leur appartenance à une communauté
d'agglomération ou à une communauté urbaine ?
Mais, au-delà du seuil, n'y a-t-il pas lieu aussi, dans un second temps, de
s'interroger sur le dispositif de la DSU tout entier ? Je rappellerai l'objet
de cette dotation inscrit à l'article L. 2334-15 du code général des
collectivités territoriales, qui est « de contribuer à l'amélioration des
conditions de vie dans les communes urbaines confrontées à une insuffisance de
leurs ressources et supportant des charges élevées ».
Si l'on se réfère strictement à cette définition, on s'attendrait à ce que les
moyens qui sont affectés à cette fin soient concentrés sur les communes dont la
situation est la plus difficile. Or, la DSU bénéficie de manière très large à
70 % des communes de plus de 10 000 habitants et au premier dixième des
communes entre 5 000 et 9 999 habitants. Comment, dans ces conditions, éviter
le saupoudrage de crédits qui ne profite vraiment à personne et, surtout, qui
empêche de concentrer les efforts sur les communes les plus en difficulté,
celles où le besoin d'un effet de levier puissant est le plus nécessaire ?
Où devons-nous concentrer notre effort ? Sur la ville de Nice - que mon
collègue Jacques Peyrat ne me tienne pas rigueur de la citer en exemple ! - ou
sur la commune de Maing ?
Au-delà de la seule problématique posée par l'application de l'article 55,
cette réflexion sur la DSU me paraît un prolongement logique de notre débat, et
je serai heureuse, monsieur le ministre, de recevoir, de votre part,
l'assurance que le Gouvernement a l'intention d'étudier prochainement cette
question.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Yves Coquelle.
M. Yves Coquelle.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est dans
la plus grande précipitation que la Haute Assemblée est amenée à débattre ce
jour de cette proposition de loi cosignée par M. Braye et plusieurs de nos
collègues, dont le président Larcher, tendant à modifier la loi relative à la
solidarité et au renouvellement urbains.
Une telle démarche appelle au moins une première observation : n'est-ce pas,
en effet, pervertir quelque peu le principe de l'initiative parlementaire et
des journées consacrées à l'examen de l'ordre du jour réservé que de nous
proposer d'examiner, toutes affaires cessantes, cette proposition de loi dont
les attendus et les motifs sont plus que discutables ?
Pour étayer mon propos, je suis évidemment contraint de revenir sur le
contexte dans lequel nous nous situons depuis les élections du printemps
dernier.
En effet, depuis la constitution du nouveau gouvernement, nous remarquons
l'absence de secrétaire d'Etat au logement, comme l'atteste de manière
signifiante le fait que la question d'actualité que j'ai posée sur le sujet le
jeudi 7 novembre n'a trouvé de réponse qu'auprès de M. Bertrand, secrétaire
d'Etat au tourisme.
Nous entendons également un discours à géométrie variable, porté tant par M.
Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du
tourisme et de la mer, que par M. Jean-Louis Borloo, ministre délégué à la
ville et à la rénovation urbaine, et qui consiste à faire croire que l'Etat va
puissamment s'engager dans une politique audacieuse du logement.
On annonce, ici, des chiffres ronflants, de vastes opérations de démolition et
de reconstruction, là, une démarche volontariste de mise aux normes de
qualité.
Mais que constate-t-on dans les faits ? Un budget qui baisse de 300 millions
d'euros, avec une utilisation habile des reports de crédits pour faire croire
au développement des dépenses d'équipement ; une remise en question des droits
des allocataires de l'aide personnalisée au logement ; l'annonce de la
suppression du parc social issu de la loi du 1er novembre 1948, et, surtout
l'abandon programmé de la priorité à la construction de nouveaux logements
sociaux, répondant aux besoins des populations.
C'est dans la discrétion des mois d'été que le ministère a procédé à une vaste
réforme des modalités d'attribution des aides personnelles au logement,
pénalisant singulièrement les salariés les plus modestes et les jeunes engagés
dans des parcours de formation, le plus souvent logés en foyers de jeunes
travailleurs.
De la même manière, ce gouvernement a décidé, dans le cadre de la loi de
finances, de revenir sur ses engagements de financement du fonds de solidarité
logement, destiné aux familles en difficulté.
Et tout cela se produit alors même que nous devons examiner à partir de demain
ce projet de loi liberticide sur la sécurité intérieure qui stigmatise des
populations particulièrement vulnérables et qui frappera notamment tous les
exclus du droit au logement que sont les sans-abri.
Tout cela nous ramène donc au texte de cette proposition de loi, dont on sent
fort bien qu'elle est inspirée par les conceptions ultra-libérales qui animent
aujourd'hui la politique du Gouvernement en matière de logement.
Cette proposition de loi, polarisée sur les questions de la construction de
logements sociaux, n'est - vous le savez fort bien, mes chers collègues -,
qu'un projet de loi honteux que le Gouvernement ne pouvait évidemment décemment
soutenir.
Elle a d'ailleurs reçu l'opposition du Haut Comité pour le logement des
personnes défavorisées, car elle va à l'encontre de deux objectifs majeurs
affirmés par la loi SRU : le droit au logement et la mixité sociale.
Je dois constater que cette question est embarrassante pour le Gouvernement :
nous ressentons en effet une certaine cacophonie entre les six signataires de
ce projet de loi et le Gouvernement.
De plus, on nous annonce pour le mois de décembre un projet de loi portant
diverses dispositions relatives à l'habitat et à la construction, dont on peut
s'attendre à ce qu'il ne soit qu'une remise en cause plus ou moins disparate
des dispositions de la loi SRU ou de la loi Besson de 1990.
Revenons donc à la proposition de loi qui comprend, en fait, deux grandes
parties.
Les six premiers articles de la proposition de loi portent sur les conditions
d'application de l'article 55 de la loi SRU. Les quatre articles suivants
portent, pour leur part, sur les modifications du droit de l'urbanisme et ne
répondent manifestement pas aux problèmes posés par le développement de
l'habitat dans notre pays.
Prétextant une consultation des professionnels pour motiver les dispositions
préconisées, la proposition de loi peut en fait être résumée de manière
relativement simple : d'une part, c'est un rejet forcené de la mixité sociale,
destiné à rendre inopérantes les dispositions de la loi SRU sur l'obligation de
réalisation de logements sociaux, rejet que l'on peut apparenter d'ailleurs à
un égoïsme de classe que nous combattons énergiquement ; d'autre part, c'est un
étonnant laxisme accordé aux élus locaux, aux promoteurs immobiliers et aux
lotisseurs, en particulier pour construire, tant au coeur des villes qu'en
zones périurbaines, à peu près n'importe quoi, sans se soucier des conséquences
sociales, économiques et environnementales.
Cette proposition de loi est donc clairement régressive, pour ne pas dire
réactionnaire, et ce n'est décidément pas un honneur pour la Haute Assemblée
que d'avoir à en débattre dans la précipitation...
Les questions de l'aménagement et du développement urbains nécessitent
d'autres choix que ceux qui guident cette proposition de loi.
Dois-je d'ailleurs rappeler ici aux auteurs de cette proposition de loi que
c'est à la grande époque du gaullisme, au coeur des années soixante, que l'on a
construit à la va-vite les grands ensembles de logements dont ils stigmatisent
aujourd'hui les travers ?
M. Guy Fischer.
Le général de Gaulle !
M. Yves Coquelle.
Dois-je encore rappeler que cette politique-là ne s'est jamais véritablement
souciée de la question des infrastructures, des lieux de vie et d'échange, et
que seules les années de lutte des populations concernées, relayées ensuite par
les gouvernements de gauche, ont pour partie répondu aux errements du passé
?
Je ne résiste pas, monsieur Braye, à la tentation de vous rappeler certains
des choix que vous aviez manifestés lors de la discussion de la loi Gayssot et
que votre proposition de loi reprend pour l'essentiel.
Vous aviez ainsi, selon vos propres termes, dénoncé dans l'article 55 du
projet de loi - l'article 25 du texte initial -, « un mécanisme technocratique,
autoritaire et profondément attentatoire à l'autonomie des communes » et vous
aviez assimilé les dispositions de cet article à « un retour au passé ».
Vous disiez encore, lors de cette séance du 27 avril 2000, en vous adressant
au ministre : « Ce désir, vous le niez par une définition trop étroite du
logement social, qui exclut le logement social de fait, le logement
intermédiaire et surtout l'accession sociale à la propriété. »
Monsieur Braye, vous et vos collègues vous opposerez-vous, le moment venu, à
l'abrogation de la loi de 1948 qui définit spécifiquement le logement social de
fait ?
La loi Gayssot, que vous combattez avec tant de force et d'énergie, pourquoi
le gouvernement précédent a-t-il dû la faire voter ? C'est à cette question
qu'il faudrait peut-être essayer de répondre ! S'il l'a fait, c'est tout
simplement, mes chers collègues, parce que, dans la plupart des municipalités
de droite, les portes sont verrouillées, cadenassées, aux populations
socialement les plus en difficulté.
(M. Hilaire Flandre s'exclame.)
Mme Jacqueline Gourault.
N'importe quoi !
M. Yves Coquelle.
Au fil des années, c'est dans les communes progressistes, et le plus souvent
communistes, que se sont concentrées ces populations en grande difficulté
sociale. Personne ne peut, honnêtement, nier cet état de fait.
D'ailleurs, lorsque l'on examine avec attention les propositions de loi que
vous souhaitez soumettre au Parlement, une évidence saute aux yeux : sans
ouvertement remettre en cause la loi Gayssot, vous avez le désir de protéger
vos amis, élus et gérants des municipalités de droite, en leur permettant de
détourner la loi, de ne pas l'appliquer.
Ainsi, une commune membre d'un EPCI dans lequel il existe 20 % de logements
sociaux ne sera pas tenue de respecter le seuil de 20 % sur son propre
territoire.
Plus grave encore, vous annoncez que les communes qui ne désirent pas
appliquer le quota paieront une amende.
En fait, monsieur le ministre, les communes riches préféreront payer pour
avoir le droit de ne pas accueillir des populations en difficulté. C'est
proprement scandaleux !
M. Hilaire Flandre.
C'est la loi Gayssot, celle de votre copain !
M. Jean Bizet.
Celle de votre « camarade » !
M. Yves Coquelle.
Votre proposition de loi, permettez-moi de vous le dire, mes chers collègues,
n'est pas destinée à substituer le contrat à la contrainte en matière de
réalisation de logements sociaux, elle n'est que l'illustration du plus parfait
égoïsme et la déclinaison d'une pensée guidée par la volonté d'exclure, de
diaboliser, de ne pas permettre la mise en oeuvre pleine et entière du droit au
logement.
Mme Jacqueline Gourault.
C'est vraiment n'importe quoi !
M. Yves Coquelle.
Et, s'agissant des problèmes sociaux plus généraux qui se traduisent dans nos
quartiers par le mal-vivre des populations, que faites-vous donc ?
M. Christian Demuynck.
Le mal-vivre, c'est vous qui l'avez créé !
M. Yves Coquelle.
Quand on vote des deux mains toutes les lois créant les conditions d'une
précarisation forcenée du travail, quand on vote toutes les lois qui écrasent
les salaires, au seul bénéfice du patronat, il ne faut pas s'étonner des
conséquences qui en résultent au plan social dans certains de nos quartiers.
En fait, si votre proposition de loi est adoptée, elle se résumera ainsi : les
logements sociaux, c'est bien et normal dans les municipalités de gauche mais
pas dans celles de droite !
Je ne développerai pas davantage la seconde partie de votre proposition de
loi, qui relève fondamentalement des mêmes attendus que la première et qui
consiste à anéantir les avancées de la loi SRU en termes d'approche renouvelée
de l'urbanisation.
Nous y reviendrons, notamment dans la présentation de la motion tendant à
opposer la question préalable, mais sachez d'ores et déjà que notre groupe
s'opposera sans la moindre ambiguïté à l'adoption des conclusions de la
commission des affaires économiques sur cette proposition de loi.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen et sur celles du groupe socialiste.)
M. le président.
La parole est à M. Yves Dauge.
M. Yves Dauge.
Monsieur le ministre, vous nous avez annoncé la présentation d'un projet de
loi concernant l'urbanisme dans les semaines à venir. J'espère que nous aurons
le temps d'y travailler sérieusement, car le sujet, on s'en rend compte, n'est
pas toujours simple.
Vous nous annoncez également une concertation qui peut être utile pour mettre
en cohérence, dites-vous, les trois lois Chevènement, Voynet et SRU.
D'ailleurs, je fais partie d'une délégation qui doit prochainement vous
rencontrer à ce sujet.
Il peut effectivement être utile de mettre en cohérence certains points.
Autant le faire dans un esprit positif sans s'engager dans une voie
systématiquement destructrice du travail législatif qui a été réalisé au cours
des dernières années !
Je ne pense pas que ce soit l'état d'esprit qui vous caractérise. Toutefois,
je ne peux m'empêcher de revenir sur l'événement de ce soir qui me paraît tout
à fait stupéfiant : nous travaillons dans une totale improvisation.
Tout le monde veut des lois simples, mais, alors que nous abordons un sujet
d'une immense complexité sur lequel on travaille depuis au moins une génération
pour essayer de résoudre les problèmes d'urbanisme, de développement urbain,
d'aménagement, tout à coup, un soir, on nous adresse des documents dans la
précipitation.
M. Guy Fischer.
A la veille de la Toussaint !
M. Yves Dauge.
On nous reproche souvent de légiférer dans l'urgence, mais ce soir, nous
battons tous les records ! C'est une attaque frontale, étonnante de la part de
gens qui sont censés être des « sages », sur deux aspects fondamentaux d'un
dispositif - dont on peut parler calmement par ailleurs - le fameux article 55
et les quinze kilomètres de protection à la périphérie urbaine.
Tous ceux qui ont travaillé sur la politique de la ville, tous ceux qui sont
concernés à des titres divers par ces questions savent que l'on est face à deux
enjeux majeurs : le désastre des périphéries urbaines auquel on assiste depuis
trop d'années, et la crise urbaine, celle des ghettos, des quartiers, qui est
devant nous encore pour de nombreuses années, deux sujets qui nécessitent que
soient prises des mesures radicales.
J'ose le dire : malheureusement, l'amendement Carrez, il y a quelques années,
a cassé, déjà, une loi d'orientation ! Vous ne reprenez pas, monsieur le
ministre, cette attaque, mais les sénateurs font un travail de destruction de
l'article 55 de la loi SRU qui est tout aussi dangereux et certainement plus
pernicieux.
Heureusement, monsieur le ministre, vous avez quelque peu recadré la
discussion tout à l'heure, en réaffirmant les grands principes. Vous mettez en
avant l'idée du contrat. Je ne suis pas contre, personne n'est contre, d'autant
que l'idée qui sous-tend le dispositif actuel, je me permets de le dire, c'est
également le contrat.
M. Hilaire Flandre.
C'est le contrat obligatoire !
M. Guy Fischer.
Sur vingt ans !
M. Yves Dauge.
A quoi bon se répandre en invectives qui, de toute façon, sont sans fondement
!
M. Hilaire Flandre.
C'est la réalité !
M. Yves Dauge.
Je connais la différence entre les deux dispositifs, figurez-vous : nous avons
compté année par année, et vous proposez de compter sur trois ans. Pourquoi
pas, d'ailleurs ? Mais, au bout de trois ans, il faudra savoir si les règles
que nous avions prévues en ce qui concerne le mode de calcul et les pénalités
seront les mêmes.
Certes, nous avons tous le droit d'être intelligents et d'améliorer les choses
! Mais ne croyez pas qu'hier il n'y avait pas de contrat et que demain il y en
aura un. C'est faux ! Vous n'avez qu'à lire les textes ! Et ceux qui ne veulent
pas adopter le dispositif ne le font pas !
Vous l'avez très bien dit, si le nouveau dispositif que vous préconisez ne
s'appliquait pas, on aurait alors recours à un système de sanctions. Il n'y a
donc pas de rupture entre ce que nous avions prévu et de que vous défendez.
Vous voulez mettre l'accent sur une philosophie, qui est celle du contrat :
nous partageons cette philosophie ! Mais le problème réside dans le mode de
calcul dont j'aimerais bien que nous discutions à nouveau sérieusement. En
effet, vous m'avez un peu surpris en annonçant le chiffre de 24 000 logements,
alors que nous n'en comptons que 20 000. Il faudra vérifier les modes de
calcul, mais on n'en est pas là !
Je suis surpris, monsieur le rapporteur, par votre attaque, qui sent la
revanche. L'opinion que vous exprimez n'est guère partagée. Ayant écouté avec
attention les orateurs qui se sont succédé, notamment Mme Létard, je constate
qu'entre les groupes de la majorité l'approche sur le sujet est différente.
Tant mieux !
Je crois donc qu'il faut se garder de radicaliser le sujet en voulant se faire
plaisir par quelques effets d'annonce et des discours véhéments, monsieur le
rapporteur, qui ne correspondent pas du tout à la réalité du sujet !
Vous allez déclencher des réactions très vives de la part de nombreuses
associations et militants de la cause qui ne sont pas particulièrement engagés
à gauche ou à droite. Ils sont sur le terrain, ils se battent comme des fous
pour essayer de régler des problèmes graves, tandis que vous lancez un appel à
la population à travers un discours selon moi un peu surprenant, car je pensais
que vous connaissiez mieux le sujet.
Monsieur le ministre, je conclus avec l'urbanisme. Il faut être clair. L'enjeu
majeur, c'est la périphérie urbaine. Il faut sauvegarder la règle des quinze
kilomètres. Ne remettons pas en cause cette règle...
M. Hilaire Flandre.
C'est n'importe quoi !
M. Yves Dauge.
... qui est fondamentale.
Etant maire d'une commune de 10 000 habitants, j'aurais aimé que le seuil soit
fixé à 10 000, parce que j'ai besoin de cette règle pour protéger ma
périphérie. J'ai absolument besoin que les abords de ma petite ville...
M. Hilaire Flandre.
Les services dans la ville et le désert autour, voilà votre idéal !
M. Yves Dauge.
... soient protégés par l'application de cette règle, qui est une règle de
sécurité. C'est une règle simple qui est parfaitement comprise. Je connais
bien, moi aussi, le monde rural, et je vois les maires s'impliquer fortement
dans la mise en place des SCOT.
Quelle révolution dénoncez-vous ? A quelle inapplicabilité faites-vous
allusion ? Je veux bien que l'on discute des mesures transitoires et des
interprétations que nous faisons de la loi s'agissant de ce qu'il est possible
de faire ou de ne pas faire pendant l'application de ces mesures transitoires,
je pense notamment à l'ouverture des zones d'aménagement. Le ministère a
d'ailleurs édicté des règles. Vous avez vous-même, monsieur le ministre,
répondu très clairement à des questions qui vous ont été posées sur ce
sujet.
Avant de réviser les lois, je vous demande simplement d'expliquer clairement
ce qu'elles prévoient. Nous vivons en effet dans la confusion.
Je veux bien reconnaître aussi que certaines directions, voire certains
préfets - et ce n'est pas mon habitude de critiquer l'Etat -, ont quelquefois
donné des explications qui ne correspondaient pas à la lettre et à l'esprit de
la loi. Disons-le, avant de nous lancer brutalement, ce soir, dans des
révisions improvisées, commençons calmement à essayer d'expliquer ce que
signifient les lois d'aujourd'hui.
De la sorte, nous réglerons 90 % des problèmes, monsieur le ministre. Cela
touche, par exemple, le financement des voies nouvelles. Les textes de votre
ministère sont, sur ce sujet, parfaitement clairs. Après tout, pourquoi ne pas
inscrire dans la loi les dispositions qui figurent dans les circulaires ?
Pourquoi ne pas clarifier ? En tout cas, ce n'est pas moi qui m'y
opposerai.
J'évoquerai un dernier point.
J'ai entendu dire, non pas au Sénat mais à l'Assemblée nationale, qu'à l'heure
de la décentralisation il fallait faire de la proximité, et donc faire sauter
les verrous. Allons-y ! C'est la décentralisation !
Chers amis, j'étais directeur de l'urbanisme au ministère de l'équipement
quand ont été votées les lois de décentralisation ; vous le savez vous aussi,
monsieur le ministre.
(Exclamations sur les travées du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. Hilaire Flandre.
On comprend mieux les choses !
M. Guy Fischer.
Il sait de quoi il parle ! C'est un très grand spécialiste.
M. Yves Dauge.
Ecoutez-moi, mes chers collègues, car c'est un point très important. A cette
époque, les lois de décentralisation ont conféré aux maires beaucoup de
responsabilités dans l'élaboration des documents d'urbanisme. Mais nous avions
dit à ces maires que leur responsabilité consistait non pas à faire n'importe
quoi, mais à appliquer la loi.
Nous avons alors étoffé le contenu des lois parce que beaucoup de choses
étaient prévues par voie de circulaires et n'avaient donc pas force de loi.
Quand nous avons transféré la responsabilité aux élus, nous avons ainsi très
justement fait figurer dans la loi des éléments dont le contenu était porté par
des circulaires et, ce faisant, nous avons élevé le niveau de la loi.
Cela montre bien que, quand on décentralise, on n'est pas obligé d'abaisser le
niveau de la loi, ni de déréglementer.
(Exclamations sur les mêmes
travées.)
M. Hilaire Flandre.
C'est votre conception des choses ! Ce n'est pas nécessairement la nôtre !
M. Yves Dauge.
Je dirai même que l'on est obligé, si l'on veut être responsable, d'élever ce
niveau.
Chers amis, si vous ne faisiez qu'écouter les maires, comme vous le dites,
monsieur le rapporteur - moi aussi je suis maire -, en prétendant qu'ils sont
unanimes à dire qu'il ne faut plus de loi et à vouloir faire sauter les
verrous, vous n'auriez pas de loi sur les secteurs sauvegardés ni sur le
paysage, ni sur le littoral, ni sur la montagne.
Qu'est-ce que cette politique qui, au nom de la décentralisation, veut nous
laisser croire qu'il n'y a qu'à faire sauter les verrous et abaisser le niveau
de la loi ? Je regrette de vous le dire : c'est une grave erreur politique. Et
j'espère que, dans sa sagesse, cette assemblée saura éviter ce piège.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Hilaire Flandre.
Vous êtes resté un fonctionnaire !
M. le président.
La parole est à M. Pierre Jarlier.
M. Pierre Jarlier.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il n'est pas
surprenant de voir apparaître cette proposition de loi de M. Braye et plusieurs
de ses collègues quelques mois seulement après l'application de la loi du 13
décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains.
En effet, comme nous l'avons dit à cette tribune de nombreuses fois, si, sur
le fond, ce texte était nécessaire pour assurer une meilleure mixité sociale et
une meilleure diversité des fonctions urbaines, périurbaines et rurales -
formule ajoutée par le Sénat -, la procédure d'urgence adoptée à l'époque
n'était pas compatible avec la complexité d'un tel sujet et de ses enjeux pour
l'organisation territoriale de nos collectivités.
Certes, pour atteindre l'objectif d'un nouvel équilibre social dans la ville
et à sa périphérie, une réforme du droit de l'urbanisme et de la politique du
logement social était parfaitement justifiée.
Pour y parvenir, nous avons défendu, ici, au Sénat, une démarche territoriale
respectueuse de la décentralisation et de la responsabilité de l'élu local.
Nous avons plaidé pour une démarche reconnaissant pleinement le rôle des
acteurs locaux, dans le cadre des nouveaux outils institutionnels favorisés par
la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la
coopération intercommunale.
C'est dans ce sens que nous avons défini de nouveaux outils d'aménagement
fondés sur une approche territoriale de projet substituée à une logique trop
restrictive de zonage foncier dont on a pu mesurer depuis trente ans les
limites.
Dans le domaine du logement social, à la démarche coercitive retenue par le
gouvernement de l'époque, qui traduisait une suspicion marquée à l'égard des
collectivités locales et qui ne prenait pas suffisamment en compte la diversité
des situations locales, nous avons préféré, ici, une démarche volontaire dans
laquelle le contrat prévaut sur la contrainte, dans une logique de
décentralisation reposant sur un véritable dialogue et un partenariat
contractualisé entre l'Etat et les collectivités locales.
Ainsi, la notion de contrat d'objectif, reposant sur une réflexion non
seulement communale mais également intercommunale, est sans aucun doute plus
efficace et mieux adaptée à l'expression d'une mixité sociale au sein d'un
bassin de vie.
Les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre,
qui sont aujourd'hui, dotés des compétences en matière d'habitat, sont bien les
garants d'une répartition équilibrée des logements sociaux sur ces
territoires.
C'est dans ce même esprit que M. Braye et plusieurs de nos collègues nous
proposent aujourd'hui un texte adapté aux réalités du terrain et à la nouvelle
organisation intercommunale du développement local à partir d'un nouveau
contrat de confiance entre les acteurs locaux et l'Etat, c'est-à-dire dans un
cadre décentralisé faisant appel à la responsabilité de l'élu local.
C'est pourquoi nous soutiendrons cette initiative très attendue et déjà
proposée dans ses grandes lignes par le Sénat il y a deux ans.
J'en viens aux dispositions relatives à l'urbanisme proposées par M. le
rapporteur.
Le principe de l'assouplissement qui résulte des mesures qui nous sont
soumises s'avère bien nécessaire au regard des nombreux blocages constatés sur
le terrain.
Néanmoins, donner plus de liberté aux communes pour fixer une superficie
minimale des parcelles à urbaniser devrait, à mon sens, être associé à des
justificatifs issus du projet urbain, notamment en matière de paysage,
d'environnement ou de fonctions urbaines spécifiques, pour ne pas compromettre
la mixité sociale de la ville.
En ce qui concerne le régime des divisions des parcelles, donner la
possibilité aux communes de répartir le solde des droits à construire sur des
terrains ayant fait l'objet de divisions successives - en prenant en compte le
calcul des droits à construire déjà utilisés - va dans le sens d'une meilleure
maîtrise de l'urbanisation.
Une telle adaptation permettra surtout de respecter l'esprit du projet urbain
dans un secteur identifié ayant fait l'objet d'un objectif moyen de
densification.
On évitera de cette manière une mauvaise maîtrise de l'urbanisation et une
surdensification des terrains, même si une évolution sera toujours possible par
une modification des documents d'urbanisme, dont les élus conserveront
évidemment la maîtrise.
J'en viens à l'abrogation du périmètre des quinze kilomètres autour des
agglomérations de plus de 15 000 habitants, dans lequel les communes ne peuvent
plus ouvrir de nouvelles zones à l'urbanisation si elles ne font pas partie
d'un schéma de cohérence et d'organisation territoriale. Ce fut l'un des points
de désaccord majeurs entre le Sénat et l'Assemblée nationale lors des débats
sur le texte initial.
Les conséquences d'un dispositif aussi rigide, nous pouvons les constater
aujourd'hui. Et je ne suis pas d'accord avec M. Dauge sur ce point. Combien de
projets sont bloqués dans de nombreux secteurs périurbains ou ruraux ! Combien
de situations conflictuelles entre les élus !
Quant aux périmètres, ils sont inadaptés du fait des nouvelles solidarités
intercommunales, et les risques de contentieux se multiplient.
Il paraît donc opportun de revoir cette règle, parfois arbitraire, car elle ne
correspond pas à la diversité de notre territoire, en particulier à la
spécificité de nos zones rurales.
Pour autant, la recherche d'un aménagement territorial cohérent est majeure
pour l'équilibre du développement local, car les micro-concurrences entre les
collectivités sont génératrices de dépenses publiques superflues et conduisent,
par exemple, à des déséquilibres économiques qui peuvent, à terme, provoquer
des friches industrielles.
Le cas des implantations commerciales ou de la surenchère des installations
d'entreprises illustre parfaitement ce propos.
C'est la raison pour laquelle, si nous décidions aujourd'hui de supprimer
cette disposition, il faudrait, à mon sens, opter pour une mesure de transition
qui devrait être suivie, très rapidement, d'un nouveau dispositif fondé sur la
libre administration des collectivités locales.
M. Roland Muzeau.
Ce n'est pas la France !
M. Pierre Jarlier.
A cette formule arbitraire - dont on mesure les conséquences désastreuses -
doit en effet être substituée la concertation entre les communes, comme l'avait
proposé le Sénat lors de la discussion du texte initial, une concertation
pouvant générer de nouvelles solidarités intercommunales et qui serait conduite
sur l'ensemble du territoire - agglomérations de plus de 15 000 habitants ou
pas - car le problème se pose tout autant autour des villes-centre qu'autour
des bourgs-centre des zones rurales.
Je souhaite enfin, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers
collègues, attirer votre attention sur deux points qui découlent de cette loi
et qui, parmi d'autres, appellent un nouveau débat rapidement.
Je veux parler de la fameuse participation au financement des voies nouvelles
et réseaux, qui impose aux communes de réaliser à la fois des travaux de voirie
et des travaux de réseaux, même quand les voiries existent, pour pouvoir
solliciter les contributions financières des demandeurs de permis de construire
dans les zones urbanisables.
Nous sommes là au coeur du problème posé par les interprétations extrêmement
restrictives de l'administration à l'égard des textes votés par le
Parlement.
Je veux également parler de l'indispensable adaptation des règles d'urbanisme
actuelles en montagne, qui provoquent l'indignation des élus et un blocage
quasi permanent des projets de développement.
Nous sommes tous favorables à la protection des zones de montagne, mais la
superposition de textes inadaptés, et parfois contradictoires, empêche
actuellement l'aboutissement de nombreux projets porteurs d'emplois ou
susceptibles d'accueillir de nouvelles populations, alors même que ces
territoires - notamment en moyenne montagne - connaissent des difficultés
majeures sur les plans économique et démographique.
Nous devons ouvrir ce débat pour obtenir un équilibre réel entre protection et
développement, objectif pourtant clairement affiché dans la loi Montagne de
1985.
Vous l'avez compris, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers
collègues, il ne s'agit pas de remettre en cause les grands principes de mixité
sociale et de diversité des fonctions de l'urbanisme, en ville comme à la
campagne.
Nous souhaitons, comme nous l'avons déjà décidé ici, au Sénat, revoir la
méthode, privilégier la simplicité sur la complexité, la responsabilité et la
flexibilité sur la contrainte, l'initiative de terrain et la décentralisation
sur une recentralisation insidieuse.
Autrement dit, nous voulons faire confiance aux acteurs locaux en tenant
compte de la diversité de notre territoire, dans une démarche de projets, mais
contractualisée, en cohérence avec les nouveaux textes relatifs à
l'intercommunalité.
(Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien,
ministre.
Je répondrai rapidement aux différents orateurs.
M. Goulet s'est interrogé sur le rôle du Parlement en faisant état de deux
textes qui se télescopent : cette proposition de loi, qui concerne
essentiellement l'article 55 de la loi SRU et quelques dispositions en matière
d'urbanisme, et, comme je l'ai dit tout à l'heure, un projet de loi relatif à
l'urbanisme. Je vous confirme que ce projet de loi pourrait être soumis à
l'Assemblée nationale et au Sénat d'ici à la fin de l'année.
M. Goulet s'est beaucoup inquiété au sujet des services des DDE. Je l'assure
que je partage son souci. Nous sommes extrêmement attentifs à la bonne
efficacité des services déconcentrés, ainsi qu'à la clarté des consignes qui
leur sont données afin qu'ils agissent comme des soutiens, des assistants,
notamment auprès des élus locaux, et qu'ils ne soient pas, comme je l'entends
dire parfois, quelque peu restrictifs de crainte de prendre des initiatives
malheureuses. Il faut leur donner plus de liberté, et certainement des
consignes plus nettes.
M. Darniche a souligné que la règle dite des quinze kilomètres était mal
rédigée. Je partage totalement cette impression. Qu'il sache que nous y
remédierons dans le projet de loi consacré à l'urbanisme.
Je lui adresserai la même réponse à propos de la participation pour voie
nouvelle et réseaux.
Monsieur Dauge, vous admettez qu'une harmonisation est indispensable entre les
lois Voynet, Chevènement et Gayssot. Je suis sûr que vous travaillerez avec les
différents groupes qui vont se réunir, tout au long de l'année 2003, pour
essayer d'harmoniser ces lois dans le sens d'une simplification, comme le
souhaite le Premier ministre.
Vous vous êtes par ailleurs interrogé sur les 24 000 logements sociaux que
j'ai annoncés. Je puis vous rassurer, dans la mesure où l'article 55 maintient
ces objectifs, mais nous les réaliserons avec une méthode différente : le
contrat et non la pénalisation.
Je tiens à votre disposition la liste de chacune des communes sur lesquelles
nous prévoyons dix, vingt, cinquante, ou deux cents logements. Vous pourrez
constater que le total fait bien 24 200 logements sociaux, dans la mesure où
aucune disposition de la proposition de loi ne viendrait retirer de notre liste
certaines de ces communes.
Je vous rappelle que ces chiffres sont beaucoup plus importants que les
objectifs qui avaient été fixés par la loi actuellement en vigueur. Pour
l'année 2001, c'est 18 000 logements ; avec notre dispositif, ce sera au moins
6 000 logements de plus.
M. Jarlier demande à juste titre qu'une plus grande liberté soit accordée aux
communes, pour fixer notamment la taille des parcelles. Il a aussi raison quand
il dit que cette liberté doit être assortie de justifications : dans certains
cas excessifs, les parcelles contructibles risqueraient d'être si agrandies
qu'on n'arriverait plus à réaliser les fameuses maisons de ville qui
contribuent tellement à la mixité sociale.
M. Jarlier a également évoqué la règle des quinze kilomètres qui doit être,
selon lui, modifiée. Il a parfaitement raison, il faut revoir cette règle. Cela
ne signifie pas qu'il faille la supprimer. J'ai d'ailleurs bien compris l'appel
du Sénat et des auteurs de la proposition de loi. Ils proposent de supprimer
cette disposition, mais il s'agit d'un appel à la simplification. Nous aurons
l'occasion d'en reparler tout à l'heure.
M. Jarlier a précisé que nous avons également besoin de cohérence, non
seulement autour des villes-centres mais aussi autour des bourgs-centres. Cette
cohérence est, il est vrai, indispensable, sauf à constater une sorte de
développement anarchique autour de ces secteurs.
M. Jean-Yves Mano n'est pas d'accord pour relever le seuil de 1 500 à 3 500
habitants ; j'en ai pris acte.
Mme Valérie Létard, en demandant qu'on revoie la dotation de solidarité
urbaine, a pointé un aspect extrêmement important de la mixité sociale, et
au-delà, de la politique de la ville dans son ensemble.
Cette innovation qu'a constitué la DSU, je sais bien que la majorité
d'aujourd'hui, moi y compris, a certainement voté contre.
M. Jean-Pierre Sueur.
Certainement !
M. Gilles de Robien,
ministre.
Je reconnais qu'elle partait d'une bonne intention, mais je
constate en même temps qu'elle n'atteint pas ses objectifs.
Finalement, du fait de la dispersion des sommes en cause, cette dotation ne
permet pas de provoquer une discrimination suffisamment positive pour aider les
villes qui en ont vraiment besoin en matière d'équipement, de logement. Bref,
elle ne répond pas à la demande de la politique de la ville.
Sans m'engager, je peux affirmer que je suis très favorable à un réexamen des
règles d'attribution de la DSU, de façon qu'elle soit mieux ciblée, que ses
objectifs soient redéfinis.
Monsieur Coquelle, vous avez fait part de vos inquiétudes en matière de
politique du logement social. Vous n'avez pas à vous inquiéter sur ce point
!
Vous vous êtes aussi beaucoup inquiété des villes qui ne sont plus
communistes. Eh bien, si elles ne sont plus communistes, c'est parce que les
électeurs ont vu ce que donnaient les municipalités communistes. Et je suis
bien placé pour en parler.
Tout simplement, il faut savoir que la misère étendue dans la plupart de ces
villes gérées par des communistes a, dans un premier temps, fait peur à la
population, puis, dans un second temps, amené cette dernière à s'affranchir du
communisme, ce qui est une bonne chose.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants et du RPR.)
M. Hilaire Flandre.
Reste-t-il des villes communistes ?
M. Gilles de Robien,
ministre.
J'aurai l'occasion de revenir sur chacun de ces points au cours
de la discussion des articles.
Enfin, monsieur le président, j'indique d'ores et déjà que le Gouvernement
demandera l'examen par priorité des amendements n°s 62, à l'article 1er, et 65,
à l'article 2.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Question préalable
M. le président.
Je suis saisi, par M. Coquelle, Mmes Beaufils, Didier et Terrade, M. Le Cam et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen, d'une motion n° 3,
tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide
qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur les conclusions de la
commission des affaires économiques et du Plan (n° 46, 2002-2003), sur la
proposition de loi portant modification de la loi relative à la solidarité et
au renouvellement urbains. »
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du
Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou
son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour
quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie
au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une
durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Roland Muzeau, auteur de la motion.
M. Roland Muzeau.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans un
souci de cohérence des différentes formes d'intervention, tant de l'Etat que
des collectivités territoriales ou des autres agents économiques, la loi
relative à la solidarité et au renouvellement urbains offrait une démarche et
apportait des solutions adaptées.
Je ne reviendrai pas inutilement sur le détail des dispositions contenues dans
les deux cent neuf articles de la loi finalement promulguée, pas plus que sur
l'acuité particulière des débats qui avaient animé les deux assemblées afin de
parvenir à ce résultat.
Qu'il s'agisse, en effet, de l'évolution de notre droit de l'urbanisme, de la
politique du logement, du développement des infrastructures de transport, de
l'exercice du droit au logement ou de la lutte contre l'insalubrité, la loi
relative à la solidarité et au renouvellement urbains peut légitimement
apparaître comme l'un des éléments actifs les plus pertinents du travail
législatif récent.
Qu'on le veuille ou non, pour tous ceux qui, comme nous, sont engagés
quotidiennement dans le combat pour donner à la ville les couleurs de la vie,
l'acquis des mesures de la loi a constitué à la fois l'aboutissement de nos
démarches conjugées avec le mouvement social et le point de départ d'un nouveau
développement de l'action en faveur d'un urbanisme à la hauteur des exigences
de notre époque.
Nous avions eu l'occasion, lors du débat mené ici même, de constater que cette
orientation était loin d'être partagée par certains, qui étaient littéralement
arc-boutés sur leurs préjugés et aveuglés par les oeillères d'une vision plus
que réductrice des problèmes posés.
Dans cet exercice, le moins que l'on puisse dire est que le premier des
signataires de la présente proposition de loi s'était particulièrement
distingué.
Le moins que l'on puisse dire également, à l'occasion de l'examen de la
présente proposition de loi, est que, quant au fond, rien n'a changé. C'est bel
et bien par pur égoïsme et pratiquement parce qu'il veut dispenser sa propre
localité de tout effort financier ou de réalisation de logements sociaux...
M. Charles Revet.
Il est scandaleux de tenir de tels propos !
M. Roland Muzeau.
... que notre collègue Dominique Braye défend sa proposition de loi avec tant
d'acharnement.
Nous savons aussi, parce que nous l'avons démontré abondamment dans la
discussion générale, qu'il s'agit ici non pas d'une véritable proposition de
loi, mais de ce que l'on peut appeler un « faux nez », c'est-à-dire d'un projet
de loi que le Gouvernement, particulièrement préoccupé de ses effets d'annonce
en matière de politique du logement, n'aurait sans doute pas osé présenter et
dont il a confié la soutenance à quelques élus sénatoriaux.
Pour faire bon poids, on ajoute à la liste des signataires le président et
l'ancien président de la commission des affaires économiques, ou encore le
rapporteur spécial du budget des collectivités locales, et l'on agrémente de
quelques justifications techniques l'ensemble pour mieux le faire passer.
Cela retire-t-il quelque chose au caractère profondément régressif de la
proposition de loi ? Manifestement, non, ainsi que je vais, au nom de mon
groupe, le démontrer.
Que recouvre, en effet, la proposition de loi dont nous débattons aujourd'hui
? Ni plus ni moins que des dispositions contenues, pour l'essentiel, dans les
amendements défendus par la majorité sénatoriale, dans la diversité de ses
groupes et de ses sensibilités, lors du débat sur le projet de loi relatif à la
solidarité et au renouvellement urbains.
En bref, sous l'insistante et amicale pression du Gouvernement, on a demandé
ici à certains élus de la majorité sénatoriale de démolir au plus vite une
proposition de loi reprenant quelques-unes des positions exprimées lors du
débat du printemps 2000.
Les objectifs sont clairs : rendre inopérantes les dispositions de l'article
55 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains en ce qui
concerne la réalisation de programmes de logements locatifs sociaux, et revenir
en arrière sur l'évolution du droit de l'urbanisme contenue dans les articles
initiaux de la loi, évolution rendue pourtant nécessaire par le développement
plus ou moins anarchique d'une urbanisation porteuse et source de futures
difficultés, aussi sûrement que celle qui est issue de la politique des zones à
urbaniser en priorité, les ZUP.
Revenons sur quelques-unes de ces dispositions.
On nous propose de procéder à une programmation de construction de logements
sociaux en fonction d'objectifs définis à l'échelon intercommunal, sur la base
d'un PLU adopté à l'unanimité par le conseil communautaire. Nous connaissons
les motivations de cette proposition.
Il s'agit, par exemple, de considérer comme atteint l'objectif dans la commune
de Mantes-la-Jolie, ce qui laisserait Buchelay, ville chère à notre collègue
Dominique Braye, libre de ne pas acquitter de contribution de solidarité ou de
ne pas réaliser le moindre programme de logements sociaux.
Il s'agit encore, en pondérant le Mont-d'Or par les Minguettes ou le
Mas-du-Taureau, d'éviter que les banlieues les plus aisées de Lyon ne soient
contraintes de payer ou de construire des logements HLM.
Les exemples sont nombreux pour montrer à quel point ce qui nous est proposé
consiste, au mieux à en rester au
statu quo
, au pire à laisser partir à
vau-l'eau les communes accueillant déjà sur leur territoire des logements
sociaux en grand nombre et qui sont aux prises avec la paupérisation de la
population.
Cela revient, par conséquent, à rendre effectivement totalement inopérant le
dispositif de l'article 55.
Sur les aménagements contenus dans les autres articles de cette partie de la
proposition de loi, un commentaire essentiel s'impose. Il ne s'agit en effet,
dans l'esprit de ses auteurs, que de matérialiser et de sophistiquer un
dispositif d'exclusion et de remise en cause du droit plein et entier au
logement pour tous.
La démarche vaut également pour ce qui concerne les évolutions du droit de
l'urbanisme. Les articles 7 à 10 de la proposition de loi ne nous proposent
rien d'autre qu'un retour en arrière sur le cadre fixé par la loi, laissant de
nouveau libre cours à la seule prérogative des élus locaux en matière
d'aménagement urbain.
Les dispositions contenues dans la proposition de loi conduisent en effet,
entre autres, à favoriser le mitage des centres urbains par des constructions
plus ou moins anarchiques ne procédant pas d'une démarche cohérente
d'aménagement.
De la même manière, les dispositions de l'article 10 laissent le champ libre,
c'est le cas de le dire, à la réalisation d'opérations de lotissement de
terrains à faible pression foncière en périphérie des agglomérations.
La loi SRU répondait aussi, je vous le rappelle, au souci de freiner
l'étalement urbain, principal obstacle au renouvellement urbain, au
développement durable et à l'utilisation des transports collectifs prônée dans
tous les plans de déplacements urbains, les PDU. C'était une façon de limiter
cette forme de développement qui est le moteur d'un gaspillage massif d'argent
public, ce qui donne tout son sens à la règle des quinze kilomètres, dont
l'objet est d'éviter la croissance désordonnée et sans limite des franges
d'agglomération.
Le débat qui nous occupe est marqué, en fait, par un certain nombre de visions
réductrices. La première, que notre collègue Dominique Braye a évoquée dans le
passé et qu'il évoque encore aujourd'hui, c'est cette insupportable équation
entre logements HLM, laideur architecturale et concentration des problèmes
sociaux : immigration, échec scolaire, difficultés sociales et délinquance.
Si l'on en croit cette équation, pour le moins simpliste, les trois ou quatre
millions de locataires de logements HLM seraient de dangereux individus, leurs
enfants des délinquants potentiels, et les villes emplies de ces logements de
véritables coupe-gorge. C'est là faire preuve à la fois d'aveuglement et de
mépris, d'un mépris profond pour ces familles, pour leur courage face aux
difficultés de la vie et pour les résultats obtenus dans les luttes qu'ils
peuvent mener.
On pourrait d'ailleurs relever que, selon les études officielles les plus
sérieuses, les logements HLM sont, en France, ceux qui présentent, et de loin,
les meilleures garanties de confort, et que la densité de l'habitat n'est pas
systématiquement au rendez-vous des politiques de construction de logements.
Elu d'une commune populaire des Hauts-de-Seine, j'ai, avec mes collègues, mené
de longue date une politique d'aménagement de groupes de logements locatifs
sociaux de haute qualité sur le plan tant de l'architecture que des services
offerts, et j'invite ceux qui le souhaitent à venir se rendre compte
in
situ
de ce que signifie cette orientation. D'autres villes de couleurs
politiques différentes en ont fait autant. C'est donc possible !
Les logements de médiocre qualité, aux loyers élevés, mes chers collègues,
c'est dans le parc privé que nous les trouvons, où de sinistres individus,
tirant parti de la tension du marché du logement, par exemple dans la région
d'Ile-de-France, proposent à des tarifs prohibitifs de véritables taudis, où
tout se paie d'ailleurs souvent de la main à la main. Au demeurant, la
définition du logement décent entrait aussi dans le champ de loi SRU.
Je ne peux que regretter qu'à l'examen des orientations budgétaires du
ministère de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la
mer la ligne destinée au financement de l'Agence nationale pour l'amélioration
de l'habitat subisse un recul, monsieur le ministre, de même que celle qui est
destinée à la lutte contre le saturnisme.
J'estime donc parfaitement trompeuse l'assimilation entre logement social et
accumulation de problèmes et de difficultés.
Je ne peux également manquer de souligner qu'en la matière le logement a bon
dos, et faire porter la responsabilité dont souffre la société à la manière
dont elle a répondu à une certaine époque à la demande en la matière est pour
le moins malvenu.
Mes chers collègues, la majorité sénatoriale a été à la pointe de la lutte à
la fois contre le développement du logement social et contre l'accroissement
des droits des salariés lors de la discussion de la loi de modernisation
sociale, par exemple.
Mais ne croyez-vous pas que c'est l'accumulation des plans sociaux et
l'accroissement du chômage qui ont occasionné, dans bien des villes,
l'émergence des difficultés que nous connaissons, plus sûrement encore que la
dégradation de l'habitat lui-même ?
Mantes-la-Jolie n'est-elle pas un cas particulièrement significatif à cet
égard, avec la contraction sérieuse des effectifs des entreprises du bassin ?
Quand les pères qui travaillaient dans ces entreprises ont des enfants qui ne
trouvent plus de débouchés professionnels, comment les situations peuvent-elles
ne pas finir par se dégrader ?
Autre vision réductrice qui sous-tend le discours qui nous est tenu à
l'occasion de la présentation de ce texte : l'accession à la propriété serait
le rêve de tous nos compatriotes et la solution à tous les problèmes. C'est un
peu ce que préconisent les articles de la seconde partie de la proposition de
loi. Mais le problème est que le rêve est parfois gâché et que les exemples en
la matière ne manquent pas.
Nous ne pouvons oublier que l'une des raisons qui ont favorisé le
développement de lotissements de pavillons dits « industrialisés » est la
pression foncière forte qui s'exerce dans les centres d'agglomération,
repoussant toujours plus loin de ces centres les salariés modestes ou
moyens.
M. Charles Revet.
Absolument pas !
M. Roland Muzeau.
Et le rêve de la maison à la campagne se double bien souvent de l'absence
d'infrastructures de transport à la hauteur, de services publics de proximité,
d'équipement commercial suffisant, sans compter les contraintes nées de
l'utilisation d'un véhicule personnel pour se rendre à son lieu de travail et
en revenir.
Nous estimons donc que le développement cohérent du territoire, si l'on
souhaite répondre aux aspirations des Français, appelle d'autres solutions que
celles qui consistent à neutraliser toute perspective de réalisation de
logements sociaux au coeur des agglomérations et à laisser se développer une
péri-urbanisation anarchique, où le lien social se distend aussi sûrement que
dans les grands ensembles locatifs victimes de la crise économique.
C'est pourtant ce choix qui anime les auteurs de la présente proposition de
loi, plus soucieux de défendre leurs prérogatives quelque peu égoïstes,
reconnaissons-le, d'élus locaux que d'un développement équilibré des
territoires, avec la conséquence dramatique et vérifiée d'un accroissement des
ghettos, véritable apartheid social et spatial.
Pour l'ensemble de ces raisons, nous ne pouvons que préconiser à la Haute
Assemblée d'adopter notre question préalable tendant à clore la discussion des
conclusions de la commission des affaires économiques sur cette proposition de
loi.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen et sur celles du groupe socialiste.)
M. le président.
La parole est à M. Jean-Paul Alduy, contre la motion.
M. Jean-Paul Alduy.
Je serai bref, car M. le rapporteur et M. le ministre ont déjà développé de
nombreux arguments qui militent contre cette motion tendant à opposer la
question préalable. Je souhaite néanmoins en ajouter un autre.
Comment peut-on refuser de débattre de la loi SRU ? Comment la Haute Assemblée
peut-elle, à une semaine du congrès de l'Association des maires de France,
refuser de discuter d'une loi qui mobilise l'ensemble des maires ?
M. Guy Fischer.
On se découvre ! Voilà une visée électoraliste !
M. Jean-Paul Alduy.
Comment, nous, sénateurs, délégués des maires, pouvons-nous refuser d'écouter
des milliers de maires de droite, de gauche, du centre et d'ailleurs,...
M. Roland Muzeau.
Ecoutez les centaines de milliers de mal-logés !
M. Jean-Paul Alduy.
Je vous ai écouté calmement, cher collègue. J'ai l'habitude de toujours
écouter mes adversaires,...
M. Roland Muzeau.
Moi aussi !
M. Jean-Paul Alduy.
... et je vous prie d'en faire autant.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Paul Alduy et à lui seul, pour quinze minutes.
M. Jean-Paul Alduy.
Rassurez-vous, mes chers collègues, je n'utiliserai pas ces quinze minutes.
Comment, donc, peut-on refuser d'ouvrir ce chantier ?
J'ai entendu M. Yves Dauge dire, lui aussi, ses propres interrogations. Voilà
pourquoi nous devons engager le débat et, ce faisant, envoyer des signaux
clairs au pays.
Certains voudront sans doute s'accrocher à une loi jacobine, sans imagination
autre que celle du bâton, de la taxation, bref, de la coercition.
Nous proposons de mettre l'accent sur la responsabilisation, avec le contrat
pluriannuel et la planification au sein des établissements publics de
coopération intercommunale. C'est la voie de la souplesse, la voie qui
responsabilise les maires.
Sur la partie relative à l'urbanisme, comment ne pas avoir compris que passer
d'une génération de documents d'urbanisme à une nouvelle génération de
documents d'urbanisme demande du temps, trois ans, quatre ans, cinq ans ou plus
? Si donc on bloque l'ouverture des zones d'urbanisation future pendant trois
ans, quatre ans, cinq ans ou plus, c'est la pénurie foncière, donc la
spéculation foncière, donc la ségrégation sociale, soit un résultat inverse de
celui qui était ambitionné avec la loi Gayssot.
M. Michel Doublet.
Très bien !
M. Jean-Paul Alduy.
Il nous faut donc, là aussi, introduire des souplesses : c'est précisément ce
qui est proposé dans le présent texte. Mes chers collègues, on vous propose
responsabilité et souplesse là où il y avait coercition et rigidité. Voilà
pourquoi nous ne pouvons pas refuser de débattre de cette proposition de loi et
voilà pourquoi il nous faut voter contre la question préalable.
(Très bien !
et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants. - M. le président de la commission et M. le
rapporteur applaudissent également.)
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Braye,
rapporteur.
Monsieur Muzeau, tout ce qui est excessif est dérisoire.
M. Roland Muzeau.
C'est vrai, surtout s'agissant de votre intervention !
M. Dominique Braye,
rapporteur.
Nous avons assisté manifestement à une leçon de catéchisme
communiste à laquelle je croyais que nous n'aurions plus droit.
Je partage tout à fait l'avis de M. le ministre, et je comprends pourquoi de
moins en moins de Français vous écoutent parce que, quand on entend des choses
pareilles, on croit vraiment être retourné cinquante ans en arrière.
(Sourires.)
Je tiens à remercier mon collègue Jean-Paul Alduy d'avoir dit ce que la
commission pensait, et de l'avoir fait fort brillamment. Permettez-moi
simplement, puisque vous parlez de problèmes locaux, de prendre quelques
exemples concrets. Ainsi, ma commune - vous m'avez cité -, petite commune de 2
200 habitants...
M. Henri de Richemont.
C'est une grande commune !
M. Hilaire Flandre.
Elle fait vingt fois la mienne !
M. Henri de Richemont.
Et trente fois la mienne !
M. Dominique Braye,
rapporteur.
... qui a la chance de posséder un territoire sur lequel
peuvent se développer des zones d'activité économique, ma commune, donc, est la
seule de France à avoir voté non seulement l'installation d'une zone d'activité
économique de quatre-vingts hectares, mais aussi et surtout à avoir décidé de
reverser la totalité de la taxe professionnelle aux deux communes voisines de
Mantes-la-Jolie et de Mantes-la-Ville.
C'est ainsi que nous imaginons, nous, la solidarité, alors que la commune d'à
côté, mes chers collègues, une commune communiste, Limay, qui compte 19 000
habitants et qui perçoit une taxe professionnelle énorme, ne veut pas entrer
dans notre communauté d'agglomération par simple égoïsme fiscal, réaction que
nous connaissons bien.
(Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
- Protestations sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. Roland Muzeau.
Combien avez-vous de logements sociaux à Buchelay ?
M. Dominique Braye,
rapporteur.
Voilà, mes chers collègues : d'un côté, le discours à
l'Assemblée, de l'autre, l'attitude sur le terrain !
M. Jack Ralite.
Avec 7,7 % de logements sociaux, vous n'en voulez plus !
M. Hilaire Flandre.
Menteurs !
M. Jack Ralite.
Ce sont les chiffres !
M. Dominique Braye,
rapporteur.
Mes chers collègues, si je suis maire de Buchelay, je suis
aussi président de la communauté d'agglomération de Mantes-en-Yvelines, qui, à
elle seule, compte plus de 50 % de logements sociaux et qui a le triste
privilège d'avoir la plus grande ZUP d'Europe. C'est là que je rencontre au
quotidien nos administrés et nos concitoyens les plus malheureux, ceux qui sont
« assignés à résidence économique » dans ces cités : ils souhaitent en sortir,
mais ne peuvent pas le faire, faute de moyens.
M. Roland Muzeau.
Il n'y a pas de logements ailleurs !
M. Dominique Braye,
rapporteur.
Justement, c'est la preuve qu'il faut faire autre chose que
ce que vous nous proposez.
Je voudrais simplement vous donner un certain nombre d'autres exemples.
Le maire de Fontenay-le-Fleury m'écrit, à propos de la loi SRU : « Sur le
second point, je ne serai pas très original en observant le caractère
arbitraire et rigide d'un quota (...). De même, il me paraîtrait plus sage de
chercher un résultat, sans doute louable et nécessaire, par l'incitation plutôt
que par la contrainte et d'utiliser les souplesses offertes par les
regroupements de communes existants ou à créer. »
Le maire de Saint-Germain-de-la-Grange, commune de 1 642 habitants, ...
M. Henri de Richemont.
C'est grand !
M. Dominique Braye,
rapporteur.
... m'écrit : « Il ne faut pas sanctionner, car ce n'est pas
de gaîté de coeur que l'on voit les manques en la matière, et c'est bien le
manque de soutien de l'Etat pour avancer sur le sujet qui est le plus grand
frein ».
De même, le maire de Villemoisson-sur-Orge, dans l'Essonne, m'écrit que la loi
SRU exige de sa commune la construction de 284 logements HLM, alors qu'il
n'existe plus d'espaces constructibles : « La loi est inapplicable physiquement
et irrémédiablement. Mais il y a encore plus paradoxal. Notre commune a plus de
logements sociaux qu'un quartier résidentiel de la commune voisine qui ne sera
pas concernée, puisque ladite commune a des cités qui portent son taux de
logements sociaux au-dessus des 20 %. »
Vous le voyez, on ne descend pas à l'échelle du quartier pour les grandes
villes. De la même façon, il n'est pas souhaitable de descendre à l'échelle des
petites communes pour les EPCI.
Je ne peux pas vous citer les quatre cent cinquante lettres que j'ai reçues
(Exclamations ironiques sur les travées communiste républicain et
citoyen)...
M. Henri de Richemont.
Si ! Citez-les !
M. Dominique Braye,
rapporteur.
... mais l'une d'entre elle me paraît particulièrement
intéressante en ce qu'elle émane d'un élu qui n'a pas les mêmes opinions que
moi - il siège sur les bancs de la gauche à l'Assemblée nationale.
Interrogé sur sa position par rapport à la loi SRU, il n'a pu faire autrement
que de m'écrire en préambule : « Pour ma part, je suis convaincu que les
dispositions générales de la loi répondent aux enjeux de notre société. »
M. Henri de Raincourt.
Qui est-ce ?
M. Henri de Richemont.
Son nom ?
M. Dominique Braye,
rapporteur.
Il est aussi président d'une agence d'urbanisme et président
d'une communauté d'agglomération ! Vous me permettrez de taire son nom, car je
ne lui ai pas demandé l'autorisation de le citer.
(Exclamations déçues sur
les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Mais, après nous
avoir dit à la première page à quel point la loi SRU était extraordinaire, à la
deuxième page, il écrit :
« Dans ce contexte général qui nécessite une solidarité urbaine à mettre en
oeuvre par des entités géographiques et politiques telles les communautés
d'agglomération, la loi SRU s'avère peu satisfaisante dans son dispositif
concernant l'obligation de construire des logements sociaux et les pénalités y
afférentes.
« A l'expérience de la communauté d'agglomération de... » - permettez-moi de
taire le nom - « et de l'application de son programme local de l'habitat,
l'enjeu est de pouvoir mettre en place au niveau du territoire de la communauté
une politique assumée par l'ensemble des communes qui la composent, qu'elles
soient urbaines, périurbaines ou rurales.
« C'est le périmètre de l'ensemble de l'agglomération qui doit être concerné
par les obligations de réalisation de logements sociaux et non les seules
communes intégrées dans un périmètre d'agglomération au sens de l'INSEE. » Je
précise que cinq communes sur dix-neuf sont dans sa communauté d'agglomération.
« Le taux des 20 % obligatoire actuel doit faire l'objet d'une adaptation, à
définir, tenant compte de la réalité des besoins connus au sein des
agglomérations. »
D'un côté, c'est parfait, mais, de l'autre, il faut tout changer ! Voilà, mes
chers collègues, le type de lettre que nous recevons.
Je vous propose de suivre la philosophie que nous avons choisie : le contrat
plutôt que la contrainte, la confiance plutôt que la méfiance.
M. Dominique Braye,
rapporteur.
Il faut tenir compte des réalités locales auxquelles sont
confrontés quotidiennement les milliers d'élus locaux sur notre territoire.
(Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien,
ministre.
Je serai extrêmement bref, monsieur le président : le
Gouvernement émet évidemment un avis défavorable sur cette motion.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Yves Mano, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Mano.
Bien entendu, je soutiens la motion tendant à opposer la question préalable
déposée par nos amis du groupe communiste républicain et citoyen. Non pas que
l'on n'ait pas à discuter de la loi SRU, mais le faisons-nous de façon sereine
?
M. Henri de Richemont.
Oui !
M. Jean-Yves Mano.
Sur le fond, M. le ministre nous annonce le dépôt dans quelques jours d'un
projet de loi relatif à l'urbanisme. Y a-t-il cohérence entre les dispositions
de cette proposition de loi et celle du futur projet de loi ? A l'évidence,
certaines sont contradictoires.
Mais aussi, comment voter éventuellement cette proposition de loi sachant que
M. le ministre défendra prochainement un texte différent en conseil des
ministres ? Y a-t-il cohérence entre la proposition de loi et les amendements
du Gouvernement que nous avons découverts tout à l'heure, en séance ? A
l'évidence, il y a des contradictions !
Donc, s'il est nécessaire, à l'évidence, de discuter au fond de l'évolution de
la loi SRU, comme l'a fait mon ami Yves Dauge, il n'est pas moins nécessaire de
le faire dans la sérénité et dans la quiétude !
Pourquoi ne pas saisir l'opportunité du projet de loi que déposera M. le
ministre pour aborder ces questions sereinement et non pas dans la
précipitation ?
Mais peut-être s'agit-il ici tout simplement d'avoir quelque chose à dire au
congrès de l'Association des maires de France, dans quelques jours. Peut-être
est-ce le véritable fondement de la proposition de loi qui nous est soumise.
Tout cela n'est pas sérieux ! On ne fait pas la loi pour faire plaisir à
l'Association des maires de France qui se réunit en congrès dans quelques jours
!
Voilà pourquoi je soutiens la motion tendant à opposer la question préalable.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen. - Protestations sur les travées du
RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Jack Ralite, pour explication de vote.
M. Jack Ralite.
Je voudrais m'exprimer sur cette question en tant que membre du Haut comité
(Exclamations amusées sur les travées des Républicains et Indépendants et du
RPR.)...
M. Jean Bizet.
Central !
(Rires sur les mêmes travées.)
M. Jack Ralite
... du logement des personnes défavorisées.
Riez, souriez, je vous laisse la paternité de votre indécence !
Ce comité comprend des femmes et des hommes qui appartiennent à toutes les
tendances politiques du Sénat comme de l'Assemblée nationale.
A l'unanimité, l'année dernière, dans son rapport annuel, ce comité...
M. Hilaire Flandre.
Un comité Théodule !
M. Jack Ralite
... a soutenu l'article 55 de la loi SRU. Et, ces derniers jours, ayant pris
connaissance du texte du maire de Buchelay, notre collègue M. Braye, le même
comité a décidé, à l'unanimité encore, d'émettre un avis négatif sur cette
proposition de loi.
M. Hilaire Flandre.
C'est l'abbé Pierre !
M. Jack Ralite.
Il faut réfléchir à cette attitude. Deux anciens ministres de votre
sensibilité politique, monsieur le ministre, siègent au sein de ce comité. Par
ailleurs, toutes les grandes associations religieuses, sociales ou juridiques
qui s'occupent du droit des personnes y sont également représentées.
Le 2 décembre prochain, nous seront reçus par le Président de la République
pour lui remettre notre dernier rapport, voté, lui aussi, à l'unanimité,
intitulé : « Vers un droit au logement opposable ».
Mais, pour qu'il y ait un droit au logement opposable, encore faut-il qu'il y
ait des logements !
Alors, on peut toujours ironiser, c'est facile. Mais prenez
Saint-Maur-des-Fossés : 73 000 habitants, 5,4 % de logements sociaux ;
Neuilly-sur-Seine : 59 800 habitants, 1,3 % de logements sociaux. Le ministre
Sarkozy nous parle beaucoup de sécurité des pauvres à la télévision, mais, dans
la ville dont il est le maire, il n'assure pas la sécurité du logement des
pauvres.
M. Yves Coquelle.
Très bien !
M. Jack Ralite.
Or là est la question fondamentale. Pour Buchelay, notre collègue rapporteur
nous dit : « J'ai 2 203 habitants ». Or sa commune compte 7,7 % de logements
sociaux. Bien sûr, à Mantes, il y en a beaucoup plus. Cela étant, avec 2 203
habitants, la loi SRU est applicable chez lui. Alors, quand il propose le seuil
général de 3 500 habitants, il s'exonère tout simplement de l'application de
cette loi.
Et si tout le monde dit : « Je n'en veux pas », où iront les personnes ayant
besoin de logements sociaux ?
M. Hilaire Flandre.
C'est trop facile !
M. Jack Ralite.
Moi, je n'utiliserai pas l'argument de M. de Robien, culpabilisant les maires
communistes ayant construit beaucoup de logements sociaux. M. de Robien a
succédé, à la mairie d'Amiens, à quelqu'un qu'il estimait, d'ailleurs, et que
j'aimais beaucoup, mon ami et camarade René Lamps. C'est facile de dire ce que
vous avez dit, monsieur le ministre ! Mais, les gens étant jetés de partout
ailleurs, il faut bien qu'ils trouvent un endroit où être accueillis !
Dans ma ville, les logements sociaux représentent 42,31 % des voix
(Exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de
l'Union centriste.)...
M. Dominique Braye,
rapporteur.
Il s'est trahi !
M. Jack Ralite.
... 42,31 % des logements, voulais-je dire. Mais quand le maire de
Levallois-Perret chasse des membres de sa population parce qu'ils sont pauvres
et de couleur
(Oh ! sur les travées du RPR.),
où les fait-il accueillir
? C'est tellement scandaleux que le conseil général des Hauts-de-Seine a dû
intervenir. Il les a fait transporter dans des hôtels à Saint-Ouen, à
Saint-Denis, à Sarcelles et à Aubervilliers ! Vous appelez cela la solidarité
?
Eh bien, l'article 55 est contre cela, et si vous êtes contre l'article 55,
c'est que cela vous agrée !
C'est une question de morale. Je suis comme l'abbé Pierre
(Nouvelles
exclamations sur les mêmes travées.)
Vous pouvez crier, vous vous dévoilez !
L'abbé Pierre s'indignait du fait que l'Etat ait les moyens d'imposer aux
communes le passage d'une autoroute ou la construction d'un aéroport au nom de
l'utilité publique et qu'il n'ait pas cette même capacité pour la construction
de logements à vocation sociale.
Vous parlez de contraintes, mais la loi n'est pas la contrainte. Elle résulte
de la délibération, avec des valeurs qui la nourrissent, elle devient une
responsabilité publique applicable par tous. Le contrat, c'est le rapport de
force permanent.
Or quel sort connaissent ceux qui n'ont pas de logement social ? En vérité, si
l'on suivait M. le rapporteur, on contribuerait à créer des ghettos, à
balkaniser les pauvres, à les assigner à résidence, à les faire obligatoirement
séjourner dans une portion de l'espace social à échanges et à responsabilités
limités. C'est une dénégation d'humanité.
J'en parle avec passion, parce que c'est ma vie quotidienne. Lorsque l'on me
demande quel genre de maire je suis, je réponds que je suis une « cousette ».
Tous les matins, je couds et, le soir, une paire de ciseaux a coupé le fil.
La loi Gayssot-Besson était porteuse d'une volonté humaniste de corriger cela.
Cette loi peut certes être améliorée, mais aujourd'hui vous ne l'améliorez pas,
vous ne l'assouplissez pas : vous la détruisez.
Lorsque nous avons célébré au Sénat l'anniversaire de la naissance de Victor
Hugo, j'étais intervenu sur les aspects sociaux de son oeuvre.
M. Bruno Sido.
C'était excellent !
M. Jack Ralite.
Victor Hugo disait qu'il fallait détruire la misère et non pas seulement
l'amoindrir. Ceux qui la vivent ont besoin qu'elle soit détruite. Or le devoir
du législateur et de l'homme politique est de tout faire pour détruire la
misère ! Avec votre proposition de loi, on la maintient, on la met dans un
petit coin en espérant que les gens ne feront plus rien.
Par conséquent, je crois vraiment que la question préalable mérite d'être
adoptée.
M. le président.
Veuillez conclure, monsieur Ralite.
M. Hilaire Flandre.
Il a déjà épuisé son temps de parole !
M. Jack Ralite.
Je conclurai par un dernier argument.
J'ai mentionné le maire de Levallois-Perret, mais il me souvient que la ville
de La Courneuve, lorsque j'étais député, a vu se construire 4 000 logements
sans aucune concertation parce que la Ville de Paris ne voulait plus souffrir
la présence d'ouvriers dans les quartiers de La Fourche. Elle les a donc priés
d'aller voir ailleurs !
Si vous voulez continuer à configurer la société de cette manière, vous n'êtes
pas des législateurs dignes. Je lance ce soir un appel à la dignité !
(Protestations sur les travées des Républicains et Indépendants et du
RPR.)
Voter la motion tendant à opposer la question préalable est une
question de morale, d'éthique et de républicanisme.
(Vifs applaudissements
sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur celles du
groupe socialiste.)
M. Hilaire Flandre.
C'est du talent gaspillé pour la mauvaise cause !
Mme Danielle Bidard-Reydet.
C'est une bonne cause !
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Braye,
rapporteur.
Je voudrais dire à mon collègue Jack Ralite que,
personnellement, non seulement je comprends sa passion, mais encore que je la
respecte très sincèrement pour la vivre, moi aussi, au quotidien. J'ajoute que
j'apprécie également l'action du Haut comité pour le logement des personnes
défavorisées et qu'il nous faut tous, ici, consentir un véritable effort en
faveur du logement social de qualité.
Quand vous dites, mon cher collègue, que nous n'allons pas améliorer le
système, ayez au moins l'obligeance de croire que, si nous faisons cette
proposition, c'est parce que nous pensons réellement que nous allons
l'améliorer et obtenir de meilleurs résultats avec l'article 55 !
(Murmures sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Le haut comité dont vous faites partie l'admet puisqu'il indique que la
frilosité des élus ne fait souvent que relayer les craintes de leurs
administrés.
Je parle sous le contrôle de mon premier adjoint, qui est présent dans les
tribunes.
(Exclamations sur plusieurs travées.)
J'ai créé vingt-huit logements
sociaux l'année dernière dans ma petite commune, alors que son centre-ville est
plus proche du Val-Fourré que ne l'est celui de Mantes-la-Jolie. Or j'ai pu
constater à quel point les habitants sont tétanisés quand on leur parle de
logements sociaux. Pourquoi le sont-ils ? Ils savent ce qui s'est passé à
Trappes et ils se font une image fausse du logement social, composé de tours,
de barres habitées par des cas sociaux. Voilà ce qu'ils pensent !
Eh bien l'élu que je suis, monsieur Ralite, a dû, dans ces conditions, menacer
de démissionner pour faire vingt-huit logements sociaux. Le conseil municipal
m'a suivi, en sachant, connaissant mon caractère, que j'étais assez fou pour le
faire. Je peux à présent envisager d'en construire beaucoup plus.
Aujourd'hui, nous organisons des journées portes ouvertes auxquelles nous
invitons non seulement la population, mais également les maires de toutes les
petites communes alentour pour prouver que le logement social ne correspond pas
à l'image qu'ils s'en font mais qu'il ressemble plutôt à celui que nous venons
de réaliser. Nous organisons ces visites régulières pour leur faire comprendre
que, contrairement à ce qu'ils voient à la télévision ou à ce qu'ils peuvent
observer, quelquefois, à Mantes-la-Jolie, les logements sociaux ne sont pas
forcément synonymes de cages d'escalier taguées, de boîtes aux lettres cassées
en deux jours.
(Protestations sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
Eh oui, mes chers collègues : je suis le président d'une communauté
d'agglomération ; or, au cours des opérations de rénovation du quartier du
Val-Fourré à Mantes-la-Jolie, les entrepreneurs nous demandaient de
réceptionner les portes des cages d'escalier et les interphones à dix-sept
heures trente, faute de quoi ils les démontaient pour les remonter le lendemain
matin afin qu'ils ne soient pas cassés pendant la nuit !
Voilà la réalité, n'ayons pas honte de le dire, nous qui la vivons au
quotidien ! C'est cela qu'il faut casser ! Je parle avec autant de passion que
mon ami Jack Ralite, parce que c'est une réalité que nous vivons aussi, chacun
à notre manière.
Sachez que la communauté d'agglomération de Mantes-en-Yvelines s'est saisie
avec force de la politique de la ville. Elle est montrée en exemple dans ce
domaine. Alors, je n'ai aucune leçon à recevoir. Je suis prêt à écouter ceux
qui, comme mon collègue Jack Ralite, souffrent de ce problème au quotidien,
parce qu'ils se mettent à la place de leurs concitoyens.
Ayez cependant l'obligeance de croire que nous mettons en place ce système non
pas pour échapper à la loi SRU, mais bien au contraire pour obtenir de
meilleurs résultats.
C'est ce que j'irai expliquer à Xavier Emmanuelli puisque nous devons nous
rencontrer très prochainement. Une fois qu'il m'aura entendu, j'espère qu'il
sera rassuré et qu'il conviendra que nous faisons tout pour améliorer le
système qui a été mis en place.
Je reconnais qu'une certaine dynamique a été créée ; des maires ont été
contraints de réaliser des logements sociaux, c'est sans doute un élément qui a
été positif.
A présent, nous devons prendre le relais pour donner une nouvelle impulsion au
logement social dans notre pays.
( Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste
et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
Je mets aux voix la motion n° 3, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet de la
proposition de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe communiste
républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du
règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Nombre de votants | 320 |
Nombre de suffrages exprimés | 320 |
Majorité absolue des suffrages | 161 |
Pour l'adoption | 114 |
Contre | 206 |
Le Sénat n'a pas adopté.
En conséquence, nous passons à la discussion des articles.
M. Gérard Larcher, président de la commission. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Gérard Larcher, président de la commission. Le Gouvernement vient de nous saisir d'un nouvel amendement. M. le ministre a par ailleurs demandé l'examen par priorité de deux amendements. Par conséquent, je souhaite réunir la commission pendant un quart d'heure pour faire le point.
M. le président. Le Sénat va, bien sûr, accéder à cette demande.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue le mercredi 13 novembre 2002 à zéro heure, est reprise à zéro heure trente-cinq.)
M. le président.
La séance est reprise.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Gérard Larcher,
président de la commission.
La commission a pris plus de temps que prévu
et je veux, monsieur le président, vous remercier de votre mansuétude.
Je rappelle que le Gouvernement a demandé, d'une part, que l'amendement n° 62,
déposé à l'article 1er, soit examiné en priorité avant l'amendement n° 31, et,
d'autre part, que l'amendement n° 65, déposé à l'article 2, soit examiné en
priorité avant les amendements identiques n°s 9 et 35.
La commission est, je l'indique dès à présent, monsieur le président,
favorable à ces deux demandes de priorité.
TITRE Ier
DISPOSITIONS RELATIVES AU LOGEMENT
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. - L'article L. 302-5 du code de la construction et de
l'habitation est ainsi modifié :
« 1° Dans la première phrase du premier alinéa, les mots : "1 500 habitants en
Ile-de-France et" et : "dans les autres régions" sont supprimés et, à la fin de
la seconde phrase, le mot : "approuvé" est remplacé par le mot : "adopté".
« 2° Le même alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : "En sont
également exemptées les communes appartenant à une communauté urbaine, une
communauté d'agglomération ou une communauté de communes compétentes en matière
de programme local de l'habitat, si cet établissement public de coopération
intercommunale a adopté un programme local de l'habitat à l'unanimité et si le
nombre total de logements locatifs sociaux représente plus de 20 % des
résidences principales au niveau de cet établissement."
« 3° Le deuxième alinéa est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Les dispositions de la présente section ne sont pas applicables aux communes
dont plus de la moitié du territoire urbanisé est soumis :
« 1° A une inconstructibilité résultant d'une zone A, B ou C d'un plan
d'exposition au bruit approuvé en application de l'article L. 147-1 du code de
l'urbanisme ;
« 2° A une inconstructibilité résultant d'une servitude de protection
instituée en application des articles L. 515-8 à L. 515-11 du code de
l'environnement ;
« 3° A des règles limitant la construction résultant d'un plan de prévention
des risques, approuvé en application de l'article L. 562-1 du code de
l'environnement.
« 4° A la fin de la première phrase de l'avant-dernier alinéa (4°), les mots :
"l'article 185 du code de la famille et de l'aide sociale." sont remplacés par
les mots : "l'article L. 345-1 du code de l'action sociale et des familles."
« 5° A la fin du dernier alinéa, les mots : "celles qui figurent au rôle
établi pour la perception de la taxe d'habitation." sont remplacés par les mots
: "les locaux d'habitation assujettis à la taxe d'habitation en tant que
résidences principales." »
La parole est à M. Denis Badré, sur l'article.
M. Denis Badré.
Je ne suis pas intervenu dans le débat sur la motion tendant à opposer la
question préalable. J'aurais pu le faire pour explication de vote et, surtout,
pour réagir aux propos de notre collègue Jack Ralite comme à la présentation
que M. Muzeau a donnée de l'ensemble du sujet. Je ne l'ai pas fait parce que je
me réservais d'intervenir sur l'article 1er. Rassurez-vous cependant, mes chers
collègues, je ne prolongerai pas le débat que nous avons eu à l'occasion de la
motion, qui est clos.
Si je veux intervenir sur l'article 1er, c'est avec toute la courtoisie dont
se flatte notre Haute Assemblée et qui lui permet de progresser avec efficacité
sur des sujets aussi délicats, sujets que nous abordons tous avec la conviction
d'hommes de terrain cherchant à faire de leur mieux.
Je veux le faire avec courtoisie parce que je sais que c'est possible, et je
parle sous le contrôle de notre collègue Roland Muzeau, avec lequel j'évoquais
tout à l'heure l'échange très approfondi qu'au conseil général des
Hauts-de-Seine, département dont on a beaucoup parlé, nous avons eu, il y a
quelques jours, entre l'ensemble des groupes sur le même sujet.
Nous nous sommes écoutés, nous nous sommes respectés et nous avons progressé.
C'est donc possible, et ce que peut faire le conseil général des
Hauts-de-Seine, notre Haute Assemblée doit être capable de le faire aussi.
C'est dans cet esprit que je veux intervenir maintenant, avec la courtoisie
dont je parlais à l'instant, mais aussi avec le respect que les maires doivent
aux autres maires.
Nous ne pouvons pas nous faire de procès d'intention les uns aux autres : un
maire sait quels problèmes se posent dans une commune, un maire sait avec
quelle humilité il faut traiter ces problèmes. Le maire est le mieux placé pour
porter les misères de la commune - et toutes les villes de France ont les leurs
- et il est parfois le seul à pouvoir le faire.
C'est dans cet esprit aussi que nous devons aborder ce débat difficile.
Reprenant une expression de M. Ralite, je dirai que nous sommes tous des «
cousettes ». Tous ceux d'entre nous qui exercent la responsabilité de maire
s'attachent à être des cousettes et à faire de leur mieux, et c'est donc en
tant que cousette que j'interviens maintenant.
En mars dernier, j'étais, place Fontenoy, dans le salon d'attente du cabinet
du ministre, pour présenter et défendre la situation de ma ville au regard des
obligations imposées par la loi SRU, et je lisais une affiche, sur le mur en
face de moi, proclamant : « La loi SRU, c'est le partenariat entre l'Etat et
les collectivités territoriales. » Vaste programme ! Beau slogan !
Le ministre m'ayant donné audience, j'ai débuté mon propos en citant la phrase
que je venais de lire dans son antichambre et je l'ai conclu en exprimant le
souhait que nous en démontrions la véracité.
C'est ce à quoi nous nous sommes attachés, mais force est de constater que le
fait qu'un maire de bonne volonté pouvant faire valoir sa bonne volonté avec
des arguments irréfutables doive aller jusque chez le ministre pour faire cette
démonstration est déjà en lui-même anormal.
Cela signifie qu'il n'était pas question de décentralisation dans la loi SRU,
laquelle ne laissait pas à la commune la possibilité de faire jouer quelque
marge de manoeuvre que ce fût.
J'ajoute que je suis allé discuter de mon problème chez le préfet, que
celui-ci est venu pour une réunion de travail très approfondie dans ma ville,
qu'il a examiné nos réalisations, nos projets et nos programmes, qu'il a
constaté qu'ils étaient bons et de nature à nous mettre en règle par rapport
aux obligations imposées par la loi SRU.
Le préfet, néanmoins, ne pouvait rien pour nous et nous a renvoyés au ministre
: pas de décentralisation, mais pas de déconcentration non plus !
On ne peut parler d'un Etat proche des citoyens, et que de temps perdu pour
tous ! Que de suspicions réciproques qui ne grandissent personne et empêchent
le débat de progresser !
Surtout, il y a là de quoi décourager les maires les plus décidés à construire
du logement social, et certains le sont même lorsque, comme dans ma commune,
c'est particulièrement difficile parce qu'il n'y a pas de terrains, ou que les
terrains disponibles sont chers, et que les communes résidentielles n'ont pas
un sou de recette fiscale.
Même dans les pires conditions, nous construisons, ce qui pourrait d'ailleurs
donner tort à la frange de nos administrés - il en existe toujours - qui
considèrent qu'il vaut peut-être mieux payer que de faire du logement
social.
Ne mettons donc pas les maires de bonne volonté en porte-à-faux par rapport à
leurs administrés et ne les décourageons pas en les mettant dans des situations
impossibles !
Il faut au contraire encourager ceux d'entre nous - et nous formons la très
grande majorité - qui ont le souci d'avancer.
L'objet de la loi SRU était, si j'ai bien compris, de favoriser la
construction de logements sociaux et non pas de « taxer », sans même examiner
leur action ou leurs intentions, des maires dont on se méfiait
a
priori
.
J'ai démontré au ministre que ma bonne volonté était totale. Je précise que la
proportion des logements sociaux par rapport aux logements construits dans ma
commune était de 40 % sur dix ans, ce qui n'est pas mal. Néanmoins, je
n'arrivais pas au stock de 20 %.
Regardons donc les choses en face et traitons les problèmes tels qu'ils se
posent et non pas tels que nous voudrions les poser.
Dans son principe, la loi SRU m'obligeait à faire toujours mieux ! C'est
toujours mieux de faire mieux ! Mais la loi, dans son contenu, ne m'autorisait
pas à faire mieux. Au contraire, elle me décourageait de le faire.
Deux exemples me paraissent, à cet égard, tout à fait éclairants.
Premier défaut de la loi SRU, elle fixe le nombre de logements à construire.
Ce n'est pas une bonne chose. Si la loi m'impose un programme de construction
de 2 000 mètres carrés et que je veux me mettre au plus vite en règle pour
réduire le montant de la taxe que j'encoure, je fais un calcul simple : 2 000
mètres carrés, c'est 400 fois 5 mètres carrés. Je construis donc 400 logements
de 5 mètres carrés, et j'ai fait un grand progrès au regard de mes obligations
...
M. Roland Muzeau.
Il n'y a pas de logement de 5 mètres carrés !
M. Denis Badré
... mais je n'ai rien traité au regard des besoins de ma commune. Je suis un
irresponsable dangereux, mais les contribuables de ma commune, qui ne veulent
pas payer la taxe et attendent de moi que j'en fasse le moins possible, sont
contents. C'est dans le cas contraire qu'on me traiterait de piètre
gestionnaire !
La loi n'est donc pas satisfaisante sur ce point.
Deuxième défaut de la loi SRU, toujours pour un programme de 2 000 mètres
carrés, si celui-ci coûte 4 millions de francs, la taxe annuelle à laquelle
sera assujettie ma commune sera de 800 000 francs. Sur deux ans, cela fait 1,6
million de francs. J'aurai donc intérêt à ne réaliser que la moitié du
programme plutôt que la totalité, si ma seule préoccupation est de payer le
moins de taxe possible et d'être dans la situation la plus favorable possible
aux yeux de mes contribuables.
Si, néanmoins, mon objectif est de construire des logements sociaux, je
perdrai 2 millions de francs, sauf à différer de deux ans la réalisation d'une
moitié du programme. Tant pis, les gens attendront ! Construire de petits
logements, c'est faire attendre les familles. Différer une partie de la
réalisation, étaler le programme, c'est faire attendre tout le monde.
Tout cela n'est pas raisonnable, et c'est pourquoi j'ai pris l'initiative, en
homme de terrain responsable, de déposer une proposition de loi tendant très
pragmatiquement, sans revenir sur les objectifs de la loi SRU, à faire en sorte
que ceux qui ont la volonté d'avancer y soient encouragés plutôt que
découragés.
Cette proposition de loi a été largement reprise dans la proposition de loi
qui nous est présentée aujourd'hui par M. le rapporteur. Je soutiendrai donc,
bien sûr, cette dernière dans ses grandes lignes, me réservant de l'amender ou
de la préciser sur certains points.
Nous sommes en effet là pour rendre la loi SRU plus applicable, pour en faire
une loi de terrain et non plus une loi relevant de l'idéologie - idéologie
d'ailleurs discutable -, pour répondre au souhait qui est celui de tous les
maires responsables : faire du logement social. C'est cet objectif que nous
visons, et c'est pourquoi je plaide aujourd'hui pour que nous poursuivions le
débat de la manière la plus courtoise, la plus responsable et la plus
constructive possible.
M. le président.
La parole est à M. Yves Coquelle.
M. Yves Coquelle.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'article
1er de la proposition de loi constitue, comme il est de coutume, l'élément
principal donnant l'orientation qui sous-tend le texte soumis à notre
examen.
Il appelle donc plusieurs observations, en complément de ce que nous avons
d'ores et déjà pu dire au cours de la discussion générale et à la suite de la
motion que nous venons de soutenir.
Comme nous l'avons déjà souligné, l'élaboration et le dépôt de cette
proposition de loi ont été étroitement dictés par les circonstances ; or on ne
peut faire de bonne loi à partir de situations particulières.
Nous avons déjà abondamment évoqué les motivations profondes de notre collègue
Dominique Braye. Même si, en haut lieu, on a probablement guidé son stylo, cela
disqualifie, pour une bonne part, le contenu de la proposition de loi qu'il a
mission de rapporter aujourd'hui.
Je consacrerai néanmoins mon intervention à une question récurrente : pourquoi
certains cherchent-ils à se prémunir contre la construction de logements
locatifs sociaux par tous les moyens possibles - nous verrons, plus avant dans
l'examen du texte, à quel degré de sophistication ils sont parvenus à cet égard
- et selon tous les critères imaginables ?
Leur objectif est clair : laisser jouer la loi du marché dans la plus grande
partie des communes du pays et ne pas permettre, par conséquent, que le droit
pourtant affirmé par la Constitution à disposer d'un toit trouve à s'appliquer
partout.
Il ne s'agit en effet bel et bien que de cela dans le texte de cette
proposition de loi : interdire toute possibilité de logement aux ménages les
plus modestes dans certaines localités qui seraient réservées à ceux qui ont
les moyens d'y habiter ou qui commettent la folie de s'endetter... Quitte, par
symétrie, à assigner à résidence dans les logements locatifs sociaux existants
les personnes ainsi exclues du jeu de la loi du marché.
Nous ne pouvons évidemment pas approuver une telle orientation, qui tend à
donner une dimension spatiale aux inégalités sociales déjà insupportables que
connaît ce pays.
La loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, malgré quelques
défauts, avait au moins la vertu de rejeter cette spatialisation des
inégalités, qui fait se côtoyer la pauvreté la plus noire et la richesse la
plus insolente.
Comme vous le savez, mes chers collègues, Gennevilliers se trouve à moins de
dix kilomètres de Neuilly-sur-Seine, et quand on poursuit sa route au-delà de
l'avenue de ceinture qui longe le lac d'Enghien, on arrive en plein coeur des
cités d'Argenteuil...
S'il veut répondre aux besoins collectifs en matière de logement, qui sont
d'abord et avant tout des besoins en logements locatifs sociaux, notre pays n'a
que peu à gagner au triomphe des particularismes et des égoïsmes qu'il nous est
proposé de consacrer par le biais de ce texte.
Posons-nous aussi une autre question : que signifie cet acharnement à
combattre la règle des 20 % de logements locatifs sociaux ? N'est-ce pas
oublier un peu vite que cela signifie également que 80 % des logements peuvent
ne pas être des logements locatifs sociaux ? Non, décidément, l'article 1er ne
donne pas la réponse appropriée à la question du logement dans notre pays. Nous
ne pouvons donc, encore une fois, que marquer notre opposition à son
adoption.
M. le président.
Je suis saisi de treize amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 12 est présenté par M. Coquelle et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 30 est présenté par MM. Mano, Dauge et les membres du groupe
socialiste, apparenté et rattachée.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer cet article. »
L'amendement n° 31, présenté par MM. Mano, Dauge et les membres du groupe
socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le 1° de cet article :
«
1°
A la fin de la seconde phrase du premier alinéa, le mot :
"approuvé" est remplacé par le mot : "adopté". »
L'amendement n° 62, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Au début du deuxième alinéa (1°) de cet article, supprimer les mots :
« Dans la première phrase du premier alinéa, les mots : "1 500 habitants en
Ile-de-France et" et : "dans les autres régions" sont supprimés et ».
L'amendement n° 32, présenté par MM. Mano, Dauge et les membres du groupe
socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Supprimer le 2° de cet article. »
L'amendement n° 26, présenté par M. Braye, est ainsi libellé :
« Dans le texte proposé par le troisième alinéa (2°) de cet article pour
compléter le premier alinéa de l'article L. 302-5 du code de la construction et
de l'habitation, remplacer les mots : "un programme local de l'habitat à
l'unanimité" par les mots : "à l'unanimité un programme local de l'habitat
garantissant équitablement la répartition des logements locatifs sociaux sur
l'ensemble du territoire de cet établissement". »
L'amendement n° 51, présenté par M. Vial, est ainsi libellé :
« Dans le texte proposé par le troisième alinéa (2°) de cet article pour
compléter le premier alinéa de l'article L. 302-5 du code de la construction et
de l'habitation, remplacer les mots : "l'unanimité" par les mots : "la majorité
des quatre cinquièmes de ses membres". »
L'amendement n° 27, présenté par M. Braye, est ainsi libellé :
« I. - Compléter le texte proposé par le troisième alinéa (2°) de cet article
pour compléter le premier alinéa de l'article L. 302-5 du code de la
construction et de l'habitation par une phrase ainsi rédigée :
« Dans ce cas, les établissements publics de coopération intercommunale ayant
adopté un programme local de l'habitat avant la date de promulgation de la loi
n° ... du ... portant modification de la loi relative à la solidarité et au
renouvellement urbains, et souhaitant bénéficier des dispositions prévues par
la phrase précédente doivent procéder à une révision du programme local de
l'habitat. »
« II. - En conséquence, dans la première phrase du troisième alinéa (2°) de
cet article, remplacer les mots : "une phrase ainsi rédigée" par les mots :
"deux phrases ainsi rédigées."
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 33 est présenté par MM. Mano, Dauge et les membres du groupe
socialiste, apparenté et rattachée.
L'amendement n° 64 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer le quatrième alinéa (3°) du texte proposé par le 3° de cet article
pour remplacer le deuxième alinéa de l'article L. 302-5 du code de la
construction et de l'habitation. »
L'amendement n° 50, présenté par M. Badré, est ainsi libellé :
« I. - Compléter le texte proposé par le 3° de cet article pour remplacer le
deuxième alinéa de l'article L. 302-5 du code de la construction et de
l'habitation par un alinéa ainsi rédigé :
« 4° A une inconstructibilité résultant d'un classement en espaces boisés
conformément à l'article L. 130-1 du code de l'urbanisme. »
« II. - En conséquence, dans le quatrième alinéa (3°) de cet article,
remplacer les mots : "quatre alinéas" par les mots : "cinq alinéas". »
L'amendement n° 58, présenté par M. Demuynck, est ainsi libellé :
« Après le 3° de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Dans la première phrase du 4° de l'article L. 302-5, après les mots :
"les places des centres d'hébergement et de réinsertion sociale" sont insérés
les mots : ", les résidences et foyers affectés aux logements des étudiants".
»
L'amendement n° 24 rectifié, présenté par M. Badré, est ainsi libellé :
« Compléter le dernier alinéa (5°) de cet article par les mots : "dont la
surface habitable minimale est de 9 mètres carrés. »
Le Gouvernement a demandé la priorité de l'amendement n° 62 avant l'amendement
n° 31 et la commission s'est déclarée favorable à cette demande.
Je consulte le Sénat sur cette demande de priorité.
(La priorité est ordonnée.)
M. le président.
La parole est à M. Yves Coquelle, pour présenter l'amendement n° 12.
M. Yves Coquelle.
L'article 1er de la proposition de loi tend, dans l'esprit, à créer les
conditions théoriques d'application de l'article 55 de la loi relative à la
solidarité et au renouvellement urbains.
Il vise, d'une part, à la modification du périmètre d'appréciation de la
situation, en tenant compte de la réalité intercommunale, particulièrement
développée depuis l'adoption de la loi Chevènement, et, d'autre part, à
l'application d'un plan local de l'habitat approuvé par le conseil
communautaire.
Cela soulève d'emblée un certain nombre de questions.
En premier lieu, on considère que l'adhésion à une structure intercommunale
suffit pour dispenser certaines communes de participer, autant que faire se
peut, au nécessaire effort national de réalisation de logements sociaux.
En second lieu, on lie cet effort à l'adoption d'un PLH, dont l'élaboration
est, au demeurant, l'une des fonctions essentielles des structures
intercommunales.
Nous pouvons donc en conclure que le choix fait par M. le rapporteur au
travers de la rédaction de son texte est clair : il s'agit de rendre
parfaitement inopérant dans de nombreuses communes le dispositif de la loi SRU
en matière de construction de logements sociaux.
En fait, l'article 1er vise non à favoriser l'application de l'article 55 de
la loi SRU, mais plutôt à laisser perdurer les inégalités d'accès au logement
que nous connaissons. Cela revient, dans les faits, à exclure du droit au
logement des centaines de nos compatriotes.
Il ne s'agit décidément que d'un article de circonstance, tendant à valider
par avance toutes les politiques d'urbanisation ségrégatives dont vous vous
faites ainsi le champion, monsieur le rapporteur.
La mise en oeuvre du droit au logement dans ce pays mérite mieux que cette
forme d'arrangement qui fait fi des besoins sociaux criants de notre jeunesse
et des familles salariées.
Nous ne pouvons donc qu'inviter le Sénat à supprimer l'article 1er en adoptant
notre amendement.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Yves Mano pour défendre l'amendement n° 30.
M. Jean-Yves Mano.
Le contenu de l'article 1er est objectivement la négation même de l'esprit de
la loi SRU et de la solidarité urbaine.
Par cet article, les auteurs de la proposition de loi nient la spécificité
parisienne, mais j'aurai l'occasion d'y revenir.
Ils prévoient en outre que l'on appréciera globalement le pourcentage de
logements sociaux dans une communauté d'agglomération : c'est renoncer à une
répartition équitable de ces logements sur l'ensemble du territoire, et l'on
comprendra, que nous ne pouvons accepter une telle démarche.
Enfin, ils proposent d'instaurer une catégorie particulière de communes sur le
territoire desquelles la construction, en raison d'un certain nombre de
circonstances, peut être difficile. Pour autant, faut-il exonérer totalement
ces communes, dont 50 % du territoire peut être inconstructible au regard de
certains textes, de la réalisation de logements sociaux ? Ce n'est pas une
raison suffisante, car le développement du logement social ne tient pas
uniquement à la construction neuve, il peut résulter de l'exercice du droit de
préemption et de l'acquisition d'immeubles existants pour les transformer en
logements sociaux. C'est également ainsi que nous renforcerons la mixité
sociale dans les villes.
Nous demandons donc la suppression de l'article 1er, dont tous les alinéas
contredisent l'esprit de la loi SRU.
M. le président.
La parole est à M. le ministre, pour défendre l'amendement n° 62.
M. Gilles de Robien,
ministre.
La proposition de loi prévoit de fixer à 3 500 habitants pour
l'ensemble de la France le seuil d'application du dispositif de l'article 55 de
la loi SRU, alors qu'il n'était initialement que de 1 500 habitants pour
l'Ile-de-France.
J'ai demandé à mes services de mesurer l'effet de cette disposition et,
conformément à ma déclaration liminaire, je constate que son adoption
conduirait à exonérer quarante-trois communes d'Ile-de-France sur un total de
cent quatre-vingt-un, soit environ 30 % d'entre elles. Je me demande s'il est
bien opportun, alors même que c'est dans la région d'Ile-de-France que le
besoin de logements sociaux est le plus marqué, de relever le seuil à 3 500
habitants.
Cet amendement vise donc à supprimer la disposition en question.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Yves Mano, pour défendre les amendements n°s 31 et
32.
M. Jean-Yves Mano.
Je me réjouis de la position adoptée par le Gouvernement sur ce sujet. En
effet, comment nier la spécificité de la région d'Ile-de-France, qui compte 12
millions d'habitants et 400 000 demandeurs de logements sociaux ? Qu'on le
veuille ou non, il est aujourd'hui indispensable d'envisager la répartition
équilibrée sur l'ensemble du territoire de l'Ile-de-France de ces nombreux
demandeurs de logements sociaux.
M. Hilaire Flandre.
Envoyez-les en province !
M. Jean-Yves Mano.
De surcroît, je pense que toutes les demandes de logements sociaux, y compris
celles qui émanent d'habitants de communes que la proposition de loi prévoit de
ne plus soumettre aux obligations inscrites dans la loi SRU, ne pourront être
satisfaites, notamment à Paris et dans la petite couronne. On assiste
aujourd'hui à une explosion du nombre des demandes !
Il est donc légitime, me semble-t-il, de demander aux communes de consentir un
effort particulier pour accueillir dans des logements sociaux ne serait-ce que
leurs propres résidants.
J'ai eu l'occasion, tout à l'heure, lors de la discussion générale, d'indiquer
que l'obligation de réaliser des logements sociaux portait sur 280 logements
par an. Faut-il prévoir des exemptions ? Il me semble que ce chiffre n'est pas
très élevé, et c'est à ce prix que nous pourrons répartir l'effort nécessaire
sur l'ensemble de la région d'Ile-de-France.
Je crois donc indispensable de conserver, pour l'Ile-de-France, le seuil de 1
500 habitants. Cette région constitue en effet un cas spécifique : on peut
peut-être le regretter, mais c'est ainsi !
Par conséquent, le Gouvernement a raison, à mon sens, de vouloir maintenir le
seuil de 1 500 habitants s'agissant de l'Ile-de-France.
J'en viens à l'amendement n° 32.
Le deuxième alinéa de l'article 1er a trait à la quantification, pour les
communautés d'agglomération, les communautés urbaines et les communautés de
communes, des logements sociaux par rapport aux résidences principales.
Soyons clairs : la mixité sociale, c'est la répartition équilibrée des types
de logements sur l'ensemble d'un territoire, y compris celui d'une communauté
de communes, d'une communauté urbaine ou d'une communauté d'agglomération.
Nous connaissons tous la situation qui prévaut souvent aujourd'hui, où les
logements sociaux sont concentrés de façon excessive dans quelques
agglomérations ou quelques communes. L'appréciation globale du taux de 20 % de
logements sociaux ne correspond pas, me semble-t-il, à l'esprit de la loi SRU
et à ce que souhaitaient le législateur et le gouvernement de l'époque. Or
cette loi démontre son efficacité par la réalisation de logements sociaux dans
les communes qui en étaient jusqu'alors dépourvues. Je pense donc qu'adopter la
disposition proposée reviendrait à figer la situation et à maintenir les
ghettos existants, ce qui va d'ailleurs à l'encontre des voeux de M. Borloo.
En effet, M. Borloo veut à juste titre faire démolir 200 000 appartements.
Mais, aujourd'hui, ces appartements sont occupés, et il faudra donc
reconstruire. Or, si l'on procède à la reconstruction au même endroit, rien
n'aura été réglé !
Par conséquent, il faut accepter le principe de l'élaboration d'un schéma
général comportant des implantations obligatoires, ou du moins des incitations,
afin que les communes réalisent progressivement des logements sociaux et
accueillent tous les publics.
Les dispositions de l'article 1er vont à l'encontre de cette démarche
indispensable et de bon sens. Que vous le vouliez ou non, chers collègues, on
ne pourra reconstruire au même endroit. La pression est telle qu'il faut
accepter d'étendre à toutes les communes l'application du principe des 20 % de
logements sociaux.
M. Roland Muzeau.
Très bien !
M. Hilaire Flandre.
L'erreur est humaine ! Persévérer est diabolique...
M. le président.
La parole est à M. Dominique Braye, pour présenter l'amendement n° 26.
M. Dominique Braye.
L'article 1er prévoit que seules les communes relevant d'EPCI comptant un taux
de logements sociaux supérieur à 20 % et ayant adopté un programme local de
l'habitat intercommunal à l'unanimité seront exemptées des obligations de
construction de logements sociaux.
Cet amendement tend à renforcer cette précaution et à prendre en compte les
craintes de nos collègues, notamment celles de M. Mano. Il prévoit que le
programme local de l'habitat intercommunal doit garantir une répartition
spatiale équitable des logements sociaux sur le territoire intercommunal. Il
s'agit d'empêcher ainsi l'accentuation et de favoriser la réduction des
phénomènes de ségrégation entre les communes que l'on peut constater dans
certains bassins d'habitat.
A cette fin, l'amendement n° 26 présente une rédaction légèrement différente
de celle de la proposition de loi, et je le rectifie d'ailleurs, monsieur le
président, en remplaçant les mots : « équitablement la répartition » par les
mots : « une répartition spatiale équilibrée ». Comme on peut le constater,
nous avons travaillé dans l'urgence !
M. le président.
Je suis donc saisi d'un amendement n° 26 rectifié, présenté par M. Braye, et
ainsi libellé :
« Dans le texte proposé par le troisième alinéa (2°) de l'article 1er pour
compléter le premier alinéa de l'article L. 302-5 du code de la construction et
de l'habitation, remplacer les mots : "un programme local de l'habitat à
l'unanimité" par les mots : "à l'unanimité un programme local de l'habitat
garantissant une répartition spatiale équilibrée des logements locatifs sociaux
sur l'ensemble du territoire de cet établissement". »
L'amendement n° 51 n'est pas soutenu.
La parole est à M. Dominique Braye, pour défendre l'amendement n° 27.
M. Dominique Braye.
En complément des mesures que la commission vous propose pour les EPCI
disposant déjà de plus de 20 % de logements sociaux, cet amendement tend à
préciser que, pour bénéficier de ces dispositions, les programmes locaux de
l'habitat, les PLH, déjà adoptés par les EPCI devront être révisés de façon à
tenir compte du nouveau cadre juridique institué par la proposition de loi, à
savoir l'exigence d'unanimité et de répartition spatiale équilibrée des
logements sociaux sur le territoire intercommunal.
En effet, bon nombre des PLH déjà adoptés, vous le savez, sont assez imprécis
et comportent peu d'obligations pour les communes. Il ne conviendrait donc pas
que certaines collectivités puissent s'exonérer de leurs responsabilités au
motif que les EPCI dont elles sont membres ont déjà adopté des documents peu
contraignants qui ne prennent pas en compte les deux aspects que je viens
d'exposer.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Yves Mano, pour défendre l'amendement n° 33.
M. Jean-Yves Mano.
Cet amendement a trait à la spécificité des communes dont le territoire est
partiellement situé en zone inconstructible. En effet, je le répète, même dans
ce cas, les villes bougent, les villes évoluent, et il est toujours possible de
créer des logements sociaux. Je suis persuadé que ces communes aussi
connaissent des réalisations neuves, des acquisitions ou des mutations, et je
rappelle que le droit de préemption, le droit d'acquérir des immeubles
existants pour en faire des logements sociaux est inscrit dans la loi. Je ne
vois pas au nom de quoi ces communes seraient exonérées de toute évolution et
de tout effort en matière de logement social !
C'est pourquoi je pense opportun de supprimer l'article 1er.
M. le président.
La parole est à M. le ministre, pour défendre l'amendement n° 64.
M. Gilles de Robien,
ministre.
Dans la loi actuelle figure déjà le principe d'exonération, qui
permet de répondre à des situations de contraintes lourdes. Dans la proposition
de loi, nous constatons que ce principe est étendu aux communes qu'un plan de
prévention des risques rend partiellement inconstructibles. Il me semble que
l'on peut trouver une autre solution.
Le Gouvernement a donc déposé à l'article 3 un amendement n° 68, tendant à
faire du plan de prévention des risques un élément d'appréciation par le préfet
du programme triennal que la commune peut réaliser dans le cadre du contrat
pour la mixité sociale.
M. le président.
La parole est à M. Denis Badré, pour présenter l'amendement n° 50.
M. Denis Badré.
L'existence d'une forêt n'est pas un risque en soi, bien sûr, mais les forêts
domaniales inaliénables sont encore plus inconstructibles que les zones
inondables !
En Ile-de-France également, monsieur Mano, cher collègue, il faut des espaces
verts, et nous devons les sauvegarder. Toutes les communes ne peuvent pas avoir
à la fois 20 % d'espaces verts, 20 % de logements, 20 % de zones industrielles,
20 % de zones artisanales..., sans quoi nous serions complètement ligotés !
M. Roland Muzeau.
C'est une caricature !
M. Denis Badré.
Dans une agglomération continue comme l'Ile-de-France, certaines communes ont
plus de logements, d'autres plus d'espaces verts, d'autres encore plus de zones
industrielles, avec les recettes, les contraintes ou les charges que chacune de
ces caractéristiques impose. Comme la mise en place de l'intercommunalité est
également très difficile dans ces zones, je demande simplement qu'on tienne
compte des situations particulières lorsque l'on examinera les termes du
contrat.
M. le président.
La parole est à M. Christian Demuynck, pour présenter l'amendement n° 58.
M. Christian Demuynck.
Cet amendement tend à intégrer le logement étudiant dans le logement social.
En effet, les insuffisances dont souffre la capacité de logement des étudiants
dans notre pays doivent nous conduire à entreprendre toutes les réformes
nécessaires pour répondre aux besoins de ceux qui seront les actifs de demain.
A cet égard, l'aide personnalisée au logement, déjà mise en place avec succès
par les caisses d'allocations familiales, a montré que le logement étudiant
s'inscrivait pleinement dans le cadre du logement social.
C'est la raison pour laquelle nous devons apporter notre soutien aux communes
qui y consacrent leurs efforts.
M. le président.
La parole est à M. Denis Badré, pour présenter l'amendement n° 24 rectifié.
M. Denis Badré.
Il n'a échappé à personne que le taux de 20 % est un quotient et comporte donc
un numérateur, qui représente le nombre de logements sociaux, et un
dénominateur, qui représente le nombre total de logements.
Au début de l'année, au cours des négociations que ma commune a menées avec le
préfet sur cette question, nous avons vu le numérateur diminuer de jour en
jour, puisque de plus en plus de catégories de logements sociaux cessaient
d'être considérées comme telles, tandis que le dénominateur augmentait parce
qu'on prenait en compte de plus en plus de logements. On est allé jusqu'à nous
dire que toute surface supérieure à cinq mètres carrés devait être
comptabilisée comme logement, alors même qu'un décret du ministre de
l'équipement paru au mois de janvier 2000 interdisait de considérer comme tel
toute surface inférieure à neuf mètres carrés.
Nous demandons d'abord que l'Etat, partenaire au contrat, soit un partenaire
loyal, prévisible et cohérent : retenons au moins la norme de neuf mètres
carrés pour le numérateur comme pour le dénominateur, et veillons à ce que les
règles sur lesquelles s'appuieront le contrat soient respectées de la même
manière par l'Etat et par les collectivités territoriales, clairement et
lisiblement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Braye,
rapporteur.
La commission est défavorable aux amendements identiques n°s
12 et 30 déposés par MM. Coquelle et Mano, qui tendent tous deux à supprimer
l'article 1er en s'appuyant, notamment pour l'amendement n° 12, sur des
arguments et des raccourcis quelque peu simplistes.
La commission y est défavorable puisqu'elle propose un certain nombre de
dispositions très importantes - nous y reviendrons lorsque nous aborderons la
spécificité francilienne - concernant notamment la promotion de
l'intercommunalité et la prise en compte des réalités et des exceptions
locales. En effet, notre but, nous l'avons dit, est non pas de pénaliser les
communes, mais de faire en sorte qu'elles construisent des logements sociaux.
Rien ne sert de pénaliser
ad vitam aeternam
des communes qui sont dans
l'impossibilité physique de construire de tels logements ! Il faut au contraire
les stimuler, en gardant à l'esprit que la règle des 33 % du flux reste
applicable dans ces communes : si elles parviennent à construire des nouveaux
logements ou à en mettre sur le marché, qu'elles fassent usage de leur droit de
préemption ou que ce soit par réhabilitation de logements existants, 33 % de
ces nouveaux logements doivent être des logements sociaux.
En ce qui concerne la spécificité francilienne, que l'amendement n° 62 du
Gouvernement tend à maintenir, nous nous en sommes expliqués, monsieur le
ministre : vous savez que nous estimons que cette spécificité n'est pas
justifiée. D'autres régions connaissent une pression foncière bien plus
importante que certains départements d'Ile-de-France : je pense notamment à la
région PACA ou à la région Rhônes-Alpes, et notre collègue Jean-Paul Alduy, qui
connaît bien la région PACA et que sa profession amène à avoir un point de vue
pertinent sur ces questions, pourra vous le confirmer. Cette pression est bien
supérieure, par exemple, à celle qui existe en Seine-et-Marne ou dans les zones
rurales des Yvelines.
Je dirai même que, si un seuil avait dû être fixé, il aurait dû l'être dans
l'autre sens : car une ville de 1 500 habitants est souvent, dans les Yvelines,
une toute petite commune, sans commerces, sans rien, alors qu'en province,
quelquefois, c'est au contraire un gros bourg connaisssant une certaine
activité.
J'attire votre attention sur un autre aspect qui me paraît extrêmement
important, mes chers collègues : ces petites communes de 1 500 habitants ont
souvent très peu de moyens et, de ce fait, offrent très peu de services à leurs
habitants, notamment en matière de transports en commun.
M. Guy Fischer.
Ce sont des habitants privilégiés !
M. Dominique Braye,
rapporteur.
Or, mes chers collègues, construire des logements sociaux
dans de telles communes, c'est manifestement condamner des personnes qui, on le
sait, n'ont pas les moyens d'avoir leur propre véhicule, à une
ségrégation...
M. Guy Fischer.
Quel argument !
M. Dominique Braye,
rapporteur.
Mais c'est un vrai problème, mon cher collègue !
Bien sûr, si M. le ministre nous assurait - puisque l'on sait que certaines
communes de la région d'Ile-de-France ne supportent pas les prélèvements de
transports en commun et, de ce fait, ne maîtrisent pas leurs moyens de
transport - qu'il abondera les fonds du STIF, le Syndicat des transports
parisiens et de la région d'Ile-de-France,...
M. Guy Fischer.
On fait sauter la prescription des quinze kilomètres, puis on prend ce
prétexte !
M. Dominique Braye,
rapporteur.
... et que les communes disposeront des transports
nécessaires, même les petites communes dans lesquelles, à certaines heures de
la journée, le bus ne transporte qu'une personne, voire aucune, alors nous
serions tout à fait prêts à reconsidérer le dispositif que nous proposons.
Je le répète avec force : loger des gens dans de petites communes sans
qu'aucun moyen de transport soit mis à leur disposition, c'est exclure les
jeunes de tout, c'est isoler les personnes à la recherche d'un emploi, c'est
augmenter la ségrégation.
Voilà en tout cas ce que nous avons pu constater dans les petites communes de
mon département.
M. Guy Fischer.
Elles ne sont habitées que par des cadres supérieurs !
M. Dominique Braye,
rapporteur.
L'argument de M. Fischer est juste : le problème ne se pose
pas dans les mêmes termes pour les cadres, car ils ont souvent deux voitures.
C'est pourquoi il faut adapter les choses aux réalités locales.
(Protestations sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. Guy Fischer.
C'est une bonne raison pour ne rien changer !
M. Dominique Braye,
rapporteur.
C'est un réel problème, que je suis obligé de constater !
M. Guy Fischer.
Ah ! on nous prépare une belle France, une France des ghettos ! M. Borloo peut
raconter ce qu'il veut !
M. Roland Muzeau.
Des villes avec de hauts murs, comme l'écrivait
Le Monde
!
M. Dominique Braye,
rapporteur.
Vous savez que la commission avait émis un avis défavorable.
Je ne sais pas si l'Assemblée nationale, compte tenu de vos explications,
modifiera sa position.
Nous nous heurtons là à un vrai problème, et je souhaite que ce texte puisse
faire l'objet d'une discussion approfondie au cours de la navette - puisque,
contrairement à d'autres, comme la loi SRU, il n'a pas bénéficié de la
déclaration d'urgence, malgré son importance - et qu'il sorte enrichi du débat
parlementaire.
M. Guy Fischer.
C'est cela !
M. Dominique Braye,
rapporteur.
C'est une chance que nous n'avons manifestement peu eue, en
d'autres temps, et sur des textes bien plus importants !
Pour cet amendement, je m'en remettrai donc à la sagesse du Sénat.
M. Roland Muzeau.
La loi SRU a été enrichie au cours des débats !
M. Dominique Braye,
rapporteur.
L'amendement n° 31, présenté par M. Mano, vise à supprimer la
spécificité francilienne : même cause, même effet, même avis de la commission
!
L'amendement n° 32 vise à supprimer la disposition permettant aux communes
membres d'un EPCI respectant déjà l'obligation de 20 % de logements sociaux sur
l'ensemble du territoire de ne plus être soumises aux obligations de
construction.
Encore une fois, c'est l'incitation à l'intercommunalité que cet amendement
tend à supprimer alors que le territoire national n'est pas complètement
couvert par les structures intercommunales, que tous les gouvernements et tous
les responsables politiques souhaitent pourtant favoriser. Je trouverais
dommage qu'on ne le fasse pas.
Je viens de passer trois jours à Grenoble, où j'ai participé à la treizième
convention de l'ADCF, l'Association des communautés de France, qui est
l'association de structures intercommunales la plus importante. L'ensemble des
présidents et des élus locaux qui étaient présents, toutes sensibilités
confondues, ont réaffirmé leur volonté de voir le problème du logement social
traité à l'échelon pertinent, à savoir celui de l'agglomération. Au demeurant,
la loi Chevènement du 12 juillet 1999 en a fait une compétence obligatoire pour
les communautés d'agglomération, ce qui est bien la preuve que le niveau
pertinent est l'agglomération.
Monsieur le ministre, vous avez dit au cours de la discussion générale que
vous souhaitiez introduire une plus grande cohérence dans toutes ces lois, et
vous avez même cité la question de l'agglomération. C'est le moment de faire
confiance aux élus locaux et de les laisser organiser la répartition des
logements sociaux entre les communes de l'EPCI de la façon qu'ils jugeront la
plus adaptée. N'oublions pas que, dans les très grandes villes, celles qui
comptent 300 000 ou 400 000 habitants, on ne descend jamais à l'échelon du
quartier, quartier pourtant plus important que bien des communes concernées :
certains quartiers ont 6 000 ou 7 000 habitants, alors que nous sommes en train
de traiter le cas de communes de 1 500 habitants, monsieur le ministre !
Enfin, je suis d'autant plus défavorable à l'amendement que nous avons pris
toutes les précautions : c'est bien un programme de l'habitat intercommunal qui
doit être adopté à l'unanimité, en respectant la répartition équilibrée des
logements sur l'ensemble du territoire intercommunal.
Quant à l'amendement n° 26 rectifié, la commission est naturellement favorable
à un amendement déposé par son rapporteur !
L'amendement n° 33 tend à la suppression de l'exemption proposée pour les
communes dans lesquelles plus de la moitié du territoire urbanisé est couvert
par un plan de prévention des risques. Nous l'avons déjà souligné, il est
manifestement paradoxal de soumettre ces communes à des obligations de
construction alors que l'ensemble de la construction est souvent gelé sur leur
territoire ! Cela revient souvent à les contraindre à payer éternellement une
pénalité, sans leur laisser la possibilité de s'en sortir.
Nous souhaitons que ces communes soient effectivement soumises à l'obligation
de construire 33 % de logements sociaux sur le flux des constructions
nouvelles, mais qu'elles échappent au plancher des 20 % de logements sociaux
quand elles n'ont pas la possibilité d'en construire. Si elles prouvent
qu'elles ont la possibilité de construire, elles sont alors soumises à
l'obligation de flux, qui les contraint à atteindre le taux de 33 % de
logements sociaux sur la totalité des logements mis sur le marché. Je voudrais
attirer l'attention de nos collègues sur deux points. Tout d'abord, nos
concitoyens sont actuellement traumatisés par un certain nombre d'événements
tels le drame de l'usine AZF à Toulouse, les inondations du Gard ou les
problèmes des marnières en Normandie. Confrontés à ces problèmes, ils ont réagi
en mettant très justement en cause la responsabilité des élus qui avaient
laissé construire dans des endroits où il n'était pas souhaitable de le faire.
Par conséquent, ne poussons pas les élus à la lisière de ce qui n'est pas
souhaitable et ne les incitons pas à construire s'il ne le faut pas.
Ensuite il n'est pas contestable que le fait d'avoir plus de la moitié de son
territoire gelé est un handicap fort pour la construction, et l'on doit donc en
tenir compte.
La commission est favorable à l'amendement n° 33.
L'amendement n° 64 du Gouvernement va dans le sens des réflexions de la
commission, ce matin, et rejoint les observations de M. Jean-Yves Mano. En
effet, mon cher collègue, vous avez souhaité que les communes qui sont
couvertes par un plan de prévention des risques ne soient pas complètement
exemptées.
Le Gouvernement propose donc tout simplement que ces communes soient soumises
à l'appréciation du représentant de l'Etat et que, dans ce cadre, les modalités
soient changées. Il y aurait appréciation du représentant de l'Etat après avis
de l'EPCI si jamais les communes en font partie ou après avis du conseil
départemental de l'habitat si elles ne font pas partie de l'EPCI. La commission
est favorable à l'amendement n° 64.
L'amendement n° 50 tend à ajouter une nouvelle exemption pour les communes
dont plus de la moitié du territoire urbanisé est soumis à une
inconstructibilité résultant d'un classement en espace boisé. Il ne peut,
naturellement, que retenir mon attention. Néanmoins, le rapporteur que je suis,
n'ayant pas eu la possibilité d'effectuer des simulations et ne sachant pas
combien de communes sont concernées, attend des explications et l'avis du
Gouvernement pour savoir quelle position il donnera sur cet amendement.
L'amendement n° 58 tend à ajouter à la définition des logements locatifs
sociaux « les résidences et foyers affectés aux logements des étudiants ».
Monsieur Demuynck, les logements étudiants constituent manifestement un vrai
problème pour les communes qui en hébergent.
La commission a souhaité ne pas élargir la définition du logement social, car
bien d'autres problèmes se posent. Il y a, bien sûr, le problème des logements
étudiants dont vous nous parlez et il y a également le problème de l'accession
sociale à la propriété dont nous avons beaucoup débattu en première lecture de
la loi SRU. Mais tout cela, ce sont d'autres problèmes, si j'ose dire. Le
logement locatif social constitue souvent la première étape du parcours
résidentiel d'un certain nombre de personnes, et c'est quelquefois la seule
étape pour des populations particulièrement modestes, que ce soient les
personnes âgées ou les jeunes couples particulièrement modestes.
C'est donc bien ce type de logement que la proposition de loi que nous sommes
en train d'étudier veut aider, en sachant qu'il faudra manifestement prendre
d'autres dispositions pour le problème de l'accession sociale à la propriété et
pour celui du logement des étudiants, qu'a soulevé notre collègue M. Demuynck.
J'invite donc ce dernier, pour rester dans la philosophie défendue par la
commission, à retirer son amendement.
M. le président.
Monsieur Demuynck, l'amendement n° 58 est-il maintenu ?
M. Christian Demuynck.
Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° 58 est retiré.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Dominique Braye,
rapporteur.
L'amendement n° 24 rectifié tend à préciser que les
résidences principales retenues pour le calcul des seuils des 20 % sont celles
dont la surface habitable minimale est de neuf mètres carrés. Cet amendement a
été déposé dans le but tout à fait louable de ne pas prendre en compte les
logements d'une superficie inférieure à neuf mètres carrés. Actuellement, les
services de l'Etat retiennent le seuil de cinq mètres carrés pour le calcul des
résidences principales telles que définies par l'article L. 302-5 du code de la
construction.
La commission appelle votre attention, mes chers collègues, sur le risque
qu'il y aurait, avec l'adoption d'un tel amendement, de ne plus prendre en
considération l'existence de logements, sociaux ou non, qui sont encore
indécents et de faire comme si cette situation intolérable n'existait pas.
C'est pour cela, d'ailleurs, que la commission a refusé de prendre en compte le
logement social de fait. En effet, elle ne veut pas entériner l'activité d'un
certain nombre de personnes, notamment celles que l'on dénomme vulgairement «
les marchands de sommeil », pour ne pas la favoriser.
Offrir à nos concitoyens la possibilité de se loger dans des conditions
décentes et à un prix modique : telle est la définition du logement social. En
aucun cas, des logements exploités par des marchands de sommeil ou ne
correspondant pas à certaines normes de salubrité ne peuvent être pris en
compte dans le texte de loi que nous défendons.
M. Henri de Raincourt.
Très bien !
M. Dominique Braye,
rapporteur.
La commission souhaite recueillir l'avis du Gouvernement pour
savoir quelle serait la portée de cette disposition visant à retenir une
surface minimum de neuf mètres carrés.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien,
ministre.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements
identiques n°s 12 et 30, qui tendent à supprimer l'article 1er, lequel contient
d'excellentes dispositions.
L'amendement n° 31 vise à supprimer l'unification du seuil de population des
communes entrant dans le champ de la loi à 3 500 habitants. Le Gouvernement,
vous le savez, a déposé un amendement ayant pour objet le retrait de l'alinéa
1° de l'article 1er.
Comme l'a très bien dit M. le rapporteur, nous ne disposons pas, en l'état,
d'expertise nous permettant de juger des effets de l'amendement n° 32. Il est
vrai que ce texte tend à promouvoir l'intercommunalité, à laquelle nous sommes,
la plupart du temps, favorables. Il aurait donc très certainement des effets
positifs. Mais le Gouvernement ne peut, en l'état, donner un avis favorable.
Nous allons donc mettre à profit la période séparant l'examen de ce texte au
Sénat de la discussion à l'Assemblée nationale pour réaliser une expertise un
peu plus précise, afin de pouvoir en donner les résultats à la représentation
nationale, nous forger une opinion et nous prononcer de façon plus nette.
L'amendement n° 26 rectifié vise à préciser le contenu du PLH qui permet de
faire sortir les EPCI ayant plus de 20 % de logements locatifs sociaux du champ
de la loi. Comme pour l'amendement n° 32, le Gouvernement ne peut émettre un
avis favorable.
L'amendement n° 27 vise à rendre obligatoire la révision des PLH anciens afin
que l'adoption du PLH entraîne la sortie du champ de l'article 55. Le
Gouvernement ne peut, là non plus, émettre un avis favorable.
S'agissant de l'amendement n° 33, le Gouvernement - je l'ai dit tout à l'heure
- a déjà déposé un amendement qui vise au retrait de l'alinéa 3° de l'article
1er.
J'en viens à l'amendement n° 50, que le Gouvernement demande à son auteur, M.
Badré, de bien vouloir retirer. Cet amendement n'est certes pas inintéressant -
il vise en effet à ajouter les espaces boisés à la liste des exonérations de
l'application de l'article 55 de la loi SRU -, mais, toujours dans l'esprit
contractuel que j'ai tenu à souligner tout au long de ce débat, le préfet, pour
favoriser la mixité sociale prévue à l'article 3, tiendra compte de la
situation particulière de telle ou telle commune dont une très grande partie du
territoire serait ou est inconstructible.
S'agissant de l'amendement n° 24 rectifié, qui vise la superficie de neuf
mètres carrés, le Gouvernement le trouve relativement cohérent avec la
définition du logement décent. Il s'en remet par conséquent à la sagesse de la
Haute Assemblée.
M. le président.
Monsieur Badré, l'amendement n° 50 est-il maintenu ?
M. Denis Badré.
Non, je le retire, étant certain que les préfets auront entendu ce que M. le
ministre vient de dire et qu'ils interpréteront les contrats de manière
constructive.
M. le président.
L'amendement n° 50 est retiré.
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 12 et 30.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission, sur l'amendement n° 62.
M. Gérard Larcher,
président de la commission.
Comme M. le rapporteur l'a indiqué, cet
amendement du Gouvernement ne va pas dans le sens des réflexions conduites par
la commission.
Le Haut comité pour le logement des personnes défavorisées, en partant de
l'hypothèse que ces quarante-trois communes de la région d'Ile-de-France ne
réaliseraient aucun logement social, en a conclu que cela correspondait à 288
logements par an en moins sur un flux d'environ 8 000 logements. Il faut donc
remettre les choses à leur place.
Naturellement, le problème ne se pose pas uniquement en Ile-de-France. Comme
M. le rapporteur l'a dit, les régions PACA et Rhône-Alpes connaissent également
des tensions foncières encore plus grandes que les communes de 1 500 habitants
de la région d'Ile-de-France. Cela est vrai aussi dans la région Nord -
Pas-de-Calais où les facteurs d'urbanisation sont tels qu'il nous faut
réfléchir sur ce sujet.
Mais j'entends bien que le Gouvernement souhaite se donner, au-delà de tout
cela, le temps de l'expertise, de l'analyse. Son souci est de ne pas diminuer
les logements potentiels, d'autant plus que le programme local de l'habitat
intercommunal, s'il était adopté à l'unanimité, pourrait permettre à ces
communes, de 1 500 à 3 500 habitants, membres d'un EPCI remplissant
l'obligation des 20 %, d'être exemptées des obligations de contruction.
Sur le fond, la spécificité francilienne ne nous paraît donc pas un bon choix.
Il nous faut procéder à des analyses. Tout à l'heure, d'autres chiffres ont été
avancés, et j'ai même entendu évoquer celui de 5 000.
En tout cas, cette proposition de loi parie sur le contrat, qui constitue un
changement profond par rapport à la contrainte et qui repose sur le principe
d'une société de confiance par rapport à une société de défiance. Si l'on
examine les analyses des philosophes et des théologiens depuis le renouveau du
XVIe hollandais, on voit bien que la société de confiance est une société
ouverte qui croit en la capacité des hommes à contracter, à s'ouvrir et à
cesser d'avoir peur ensemble, et que la société de défiance, tout au contraire,
a pour principe une absence de confiance dans l'autre.
Personnellement, sans être convaincu, je voterai à titre personnel dans le
sens du Gouvernement.
(Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Je souhaite simplement que l'on essaye de sortir de ces effets cliquets que
nous ne cessons de poser au travers de notre société et qui nous condamnent, en
fait, à être une société mitoyenne et non pas une société citoyenne.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 62.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'amendement n° 31 n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'amendement n° 32.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 26 rectifié.
M. Dominique Braye,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Braye,
rapporteur.
Monsieur le président, j'aimerais que M. le ministre nous
confirme qu'il est bien défavorable à cet amendement n° 26 rectifié.
M. Gilles de Robien,
ministre.
J'ai dit que je ne pouvais pas y être favorable !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 26 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 27.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 33 et 64.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président.
Quel est maintenant l'avis de la commission sur l'amendement n° 24 rectifié
?
M. Dominique Braye,
rapporteur.
La commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Yves Mano, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Mano.
Il s'agit, avec cet amendement, de considérer qu'on peut faire du logement
social à partir de neuf mètres carrés. J'imagine que l'auteur de ce texte a
souhaité faire référence au logement décent ! Je rappelle que la notion de
logement décent va bien au-delà de la surface et concerne bien évidemment les
équipements de confort.
Objectivement, aujourd'hui, dans notre pays, on ne fait pas du logement social
à partir d'une surface de neuf mêtres carrés. On ne respecte pas les normes en
proposant un tel logement. Il n'est donc pas souhaitable de donner une suite
favorable à l'amendement qui nous est proposé.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 24 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe communiste
républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du
règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Nombre de votants | 320 |
Nombre de suffrages exprimés | 320 |
Majorité absolue des suffrages | 161 |
Pour l'adoption | 207 |
Contre | 113 |
Article 2
M. le président.
« Art. 2. - L'article L. 302-7 du même code est ainsi modifié :
« 1° Dans le premier alinéa, le taux : "15 %" est remplacé par le taux "10
%".
« 2° Les deuxième, troisième et quatrième alinéas sont remplacés par un alinéa
ainsi rédigé :
« Ce prélèvement est fixé à 20 % du potentiel fiscal par habitant défini à
l'article L. 2334-4 du code général des collectivités territoriales multiplié
par la différence entre 20 % des résidences principales et le nombre de
logements sociaux existant dans la commune l'année précédente, comme il est dit
à l'article L. 302-5, sans pouvoir excéder 5 % du montant des dépenses réelles
de fonctionnement de la commune constatées dans le compte administratif
afférent au pénultième exercice.
« 3° Au cinquième alinéa, la somme : "25 000 F" est remplacée par la somme :
"5 000 EUR".
« 4° Le sixième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : "Dans le
cas de mise à disposition par bail emphytéotique, bail à construction ou bail à
réhabilitation de terrains ou d'immeubles à un maître d'ouvrage pour la
réalisation de logements sociaux, le montant éventuellement pris en compte est
égal à la différence entre la valeur vénale du terrain ou de l'immeuble donné à
bail estimée par le service des domaines et une valeur fixée forfaitairement à
quinze fois la redevance annuelle versée par le preneur du bail."
« 5° A la fin de la première phrase du septième alinéa, les mots : "de l'année
suivante" sont remplacés par les mots : "des années suivantes" et la dernière
phrase est supprimée.
« 6° Dans le dernier alinéa, après les mots : "fonds d'aménagement urbain",
sont insérés les mots : "institué dans chaque région,". »
Je suis saisi de neuf amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Les deux premiers amendements sont identiques.
L'amendement n° 13 est présenté par M. Coquelle et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 34 est présenté par MM. Mano, Dauge et les membres du groupe
socialiste, apparenté et rattachée.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer cet article. »
Les trois amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 9 est présenté par M. Alduy.
L'amendement n° 35 est présenté par MM. Mano, Dauge et les membres du groupe
socialiste, apparenté et rattachée.
L'amendement n° 65 est présenté par le Gouvernement.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer le deuxième alinéa (1°) de cet article. »
L'amendement n° 36, présenté par MM. Mano, Dauge et les membres du groupe
socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Après le 1° de cet article, insérer un 1°
bis
ainsi rédigé :
« 1°
bis.
- Le début du premier alinéa est ainsi rédigé : "A compter du
1er janvier 2002, il est institué un mécanisme de solidarité entre communes
urbanisées. A cet effet, il est effectué... (le reste sans changement.)". »
L'amendement n° 66 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé
:
« Dans le cinquième alinéa (3°) de cet article, remplacer le montant : "5 000
EUR" par le montant : "3 811 EUR". »
L'amendement n° 37, présenté par MM. Mano, Dauge et les membres du groupe
socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Dans le 3° de cet article, remplacer le montant : "5 000 EUR" par le montant
: "4 000 EUR". »
L'amendement n° 38, présenté par MM. Mano, Dauge et les membres du groupe
socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Supprimer le 5° de cet article. »
Le Gouvernement a demandé la priorité de l'amendement n° 65 avant l'amendement
n° 9 et la commission s'est déclarée favorable à cette demande.
Je consulte le Sénat sur cette demande de priorité.
(La priorité est ordonnée.)
M. le président.
La parole est à M. Yves Coquelle, pour présenter l'amendement n° 13.
M. Yves Coquelle.
Dans la mesure où le seuil de 1 500 habitants a été retenu, mon amendement
devient sans objet. En effet, il est articulé essentiellement autour de cette
question.
Je retire donc l'amendement n° 13.
M. le président.
L'amendement n° 13 est retiré.
La parole est à M. Jean-Yves Mano, pour présenter l'amendement n° 34.
M. Jean-Yves Mano.
L'article 2 prévoit, dans son premier alinéa, que le taux de 15 % est remplacé
par le taux de 10 %. Or, quand on étudie en détail les effets de cette règle
qui peut paraître anodine, on constate que 34 % des communes et, parmi
celles-ci, des communes assez importantes, sont exclues du champ de la
contribution de solidarité. Cela ne nous paraît pas aller dans le bon sens,
quant on sait notamment que des villes comme Nice, Cannes ou Hyères seraient
exclues du dispositif. Il me semble que le Sénat, dans sa sagesse, devrait
revenir à une position plus équilibrée en maintenant le taux initialement prévu
de 15 %.
Il est également fait état, dans cet article, d'un certain nombre de
considérations techniques. Ainsi, il est prévu que le coefficient de potentiel
fiscal peut être ramené à 5 000 euros. Il me paraît plus sage de revenir à la
proposition du Gouvernement, qui est 3 811 euros, c'est-à-dire à la traduction
exacte de la proposition en francs contenue dans le texte initial, qui est
d'ailleurs inférieure à celle que nous avions faite, qui était de 4 000
euros.
M. le président.
La parole est à M. le ministre, pour présenter l'amendement n° 65.
M. Gilles de Robien,
ministre.
La dotation de solidarité urbaine est versée à des communes,
nous en avons parlé tout à l'heure, qui répondent à des critères précis. Il est
tenu compte de l'inadéquation des ressources d'une commune par rapport à ses
charges, notamment des charges de nature sociale qu'elle doit supporter du fait
de populations à revenus modestes, de taux de chômage souvent important,
d'occupation de logements sociaux.
Il n'est guère logique que soit repris d'une main ce que l'Etat a donné de
l'autre pour aider des communes en situation difficile. C'était bien mon idée
au départ et j'avais eu des échanges de vue intéressants avec M. le rapporteur
et M. le président de la commission des affaires économiques sur cette
question. Mais il est vrai que certaines communes sont, de façon apparemment
surprenante, bénéficiaires de la DSU, toujours en fonction des critères dont on
parlait tout à l'heure et qu'il faudrait probablement mieux cibler.
J'ai demandé à mes services de réaliser une étude d'impact, qui fait
apparaître que la disposition proposée au 1° de l'article 2 ferait sortir du
champ d'application cinquante-cinq communes - dont certaines sont très
importantes - qui doivent aussi participer à l'effort collectif de construction
dans certaines zones, comme la Côte-d'Azur, où la tension locative, on le sait
bien, est particulièrement forte.
Aujourd'hui, la DSU est perçue par 70 % des communes de plus de 10 000
habitants. Elle n'est pas véritablement concentrée sur les communes qui
connaissent le plus de difficultés sociales. Le Gouvernement ne peut donc
qu'être défavorable à la disposition proposée et, par son amendement n° 65, il
en demande la suppression.
M. Jean-Pierre Sueur.
Excellent !
M. le président.
La parole est à M. Jean-Paul Alduy, pour présenter l'amendement n° 9.
M. Jean-Paul Alduy.
Il s'agit également de supprimer le 1° de l'article 2. Je rappellerai
simplement que, lorsqu'on est passé de 20 % à 15 % pour les communes qui
perçoivent la DSU, c'était précisément pour tenir compte du fait que ces
communes avaient en général un parc social très important. Il n'en était pas
tenu compte dans le calcul des logements sociaux et il était donc souhaitable
d'abaisser le taux de logements locatifs sociaux de 20 % à 15 %. Mais
l'abaisser jusqu'à 10 %, comme l'a dit M. le ministre, c'est aller beaucoup
trop loin, d'autant que, dans ces communes, la demande de logement social est
particulièrement importante. Je rejoins donc exactement M. le ministre dans sa
volonté de maintenir le taux de 15 % dans les communes qui perçoivent la
DSU.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Yves Mano, pour défendre les amendements n°s 35 et
36.
M. Jean-Yves Mano.
Tout d'abord, je ne peux qu'approuver le Gouvernement qui, dans sa sagesse, a
proposé lui aussi de supprimer le 1° de l'article 2 de la proposition de
loi.
Pour ce qui est de l'amendement n° 36, je précise que le prélèvement institué
à l'article L. 302-7 du code de la construction et de l'habitation constitue,
pour les communes n'ayant pas assez de logements sociaux, non pas une sanction
mais une charge obligatoire, comme l'a indiqué le Conseil constitutionnel, tant
qu'elles n'ont pas atteint l'objectif fixé par la loi.
Ce prélèvement est obligatoirement redistribué à des communes ou à des
établissements publics de coopération intercommunale. Il constitue un mécanisme
de solidarité financière qui mérite d'être affiché comme tel dans la loi.
Avec cet amendement, il s'agit de rappeler que, dans son esprit, précisé dans
son intitulé même - « solidarité et renouvellement urbains » -, cette loi vise
bien à envisager une contribution de solidarité et non pas un prélèvement
obligatoire. Il est bon que ce concept de solidarité apparaisse précisément
dans la loi.
M. le président.
La parole est à M. le ministre, pour défendre l'amendement n° 66 rectifié.
M. Gilles de Robien,
ministre.
Le 3° de l'article 2 concerne le minimum de prélèvement. Le
Gouvernement est défavorable à cette disposition qui conduirait à faire sortir
quelques communes du dispositif, alors même que ces dernières auraient
désormais la possibilité de conclure un contrat pour la mixité sociale.
Je rappelle que cette proposition de loi a pour objet essentiel de passer de
la contrainte au contrat. Par conséquent, le Gouvernement souhaite la stricte
transcription en euros du montant actuellement prévu en francs.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Yves Mano, pour défendre les amendements n°s 37 et
38.
M. Jean-Yves Mano.
Je me rallie bien volontiers à la position du Gouvernement sur le sujet, même
si notre générosité nous avait conduits à envisager une légère augmentation : 4
000 euros. Le Gouvernement s'en tient à la stricte transcription comptable et
nous nous rallierons à sa position.
Par conséquent, je retire l'amendement n° 37.
M. le président.
L'amendement n° 37 est retiré.
Veuillez poursuivre, monsieur Mano.
M. Jean-Yves Mano.
Selon l'article 2, les communes peuvent déduire du prélèvement de solidarité
les dépenses qu'elles ont effectuées au titre du logement social. Si elles ont
poursuivi une politique volontariste, le prélèvement peut être négatif. Dans ce
cas, le surplus peut être déduit l'année suivante.
En permettant d'opérer cette déduction sur plusieurs années, la dynamique de
réalisation de logements sociaux risque d'être freinée, notamment dans les
zones fortement urbanisées, là où la demande est forte et où les coûts de
construction sont plus élevés. C'est pourquoi nous proposons, avec l'amendement
n° 38, d'en rester au droit existant.
Je rappelle simplement que lorsque, à Neuilly-sur-Seine, deux cents logements
sociaux sont construits une année, compte tenu de la participation financière
de la ville, il est bien évident que celle-ci peut être exonérée pendant quatre
à cinq ans. Ce n'est pas avec une telle mesure que le parc social de cette
ville se développera ! Il est donc souhaitable de s'en tenir au texte en
vigueur.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Braye,
rapporteur.
Pour ce qui concerne l'amendement n° 34 de M. Mano, qui tend
à supprimer l'article 2, la commission émet naturellement un avis défavorable,
puisque cet article contient un certain nombre de dispositions importantes.
La commission émettra, en revanche, un avis favorable sur certains amendements
visant à le modifier.
Le prélèvement calculé en multipliant le nombre de logements sociaux manquants
par 20 % du potentiel fiscal pour toutes les communes est plafonné et porté à 1
000 francs au minimum au lieu de viser les seules communes ayant moins de 5 000
francs de potentiel fiscal. Pourquoi pénaliser les communes dont le potentiel
fiscal est le plus faible, et qui sont donc les plus pauvres ?
Il nous paraît donc légitime de proposer le taux de 20 % du potentiel fiscal
pour toutes communes, afin de ne pas pénaliser les plus pauvres.
Voilà pourquoi la commission est défavorable à l'amendement n° 34.
Les amendements n°s 65, 9 et 35 sont des amendements de suppression de la
disposition relative aux communes percevant la DSU. Nous avions présenté cette
disposition, monsieur le ministre, vous le savez et l'avez vous-même rappelé.
Vous avez à cette occasion affirmé qu'il paraisait juste d'exempter plus
fortement ces communes soumises à la DSU, l'Etat ne pouvant reprendre d'une
main ce qu'il donnait de l'autre.
Les simulations que vous avez réalisées prouvent que certaines communes
emblématiques touchent la DSU. Cela ne remet pas en question la philosophie de
l'amendement. Cela remet seulement en question la manière dont est versée cette
DSU.
Monsieur le ministre, il n'est pas très rationnel de verser des sommes à des
communes pour les aider et de les leur ponctionner par une pénalité. Il
faudrait revoir très rapidement ce principe de la DSU.
Notre collègue Jean-Paul Alduy nous avait d'ailleurs, en commission, alertés,
sur ce problème en nous expliquant le mécanisme prévu dans la loi SRU
primitive. Nous nous étions interrogés sur le bien-fondé de cette disposition.
Je suis tout à fait d'accord pour en revenir au chiffre de 15 %, qui me paraît
préférable à celui de 10 %, compte tenu des dysfonctionnements de cette
dotation.
Je vous demande donc, monsieur le ministre, de bien vouloir faire le
nécessaire pour que la DSU soit versée plus équitablement aux communes qui en
ont réellement besoin.
Avec l'amendement n° 36, notre collègue Jean-Yves Mano veut prouver qu'il
s'agit d'un mécanisme de solidarité. Non ! Il faut avoir au moins la volonté et
le courage d'assumer les décisions que l'on prend.
En effet, comme l'a rappelé M. le ministre, avec la loi SRU initiale, vous
souhaitiez pénaliser les communes
a priori
, c'est-à-dire sur ce qu'elles
ont fait dans le passé et non pour ce qu'elles feront ou ne feront pas dans le
futur.
Nous, nous souhaitons effectivement sanctionner, pénaliser deux types de
communes : d'une part, celles qui veulent absolument se soustraire à
l'obligation qu'elles ont de construire des logements sociaux, parce que ce
n'est pas conforme à la vision que nous avons de notre société ni aux principes
républicains que nous souhaitons faire respecter par tout le monde, et, d'autre
part, celles qui ne respectent pas le contrat.
Quand il y a contrat, il doit y avoir sanction. Il s'agira donc bien de
pénalités ; ce ne sera pas un effort de solidarité.
Ayez le courage d'admettre que vous avez pénalisé les communes
a priori
pour un passé dont elles n'étaient souvent pas responsables !
M. Jean-Pierre Sueur.
Pas du tout !
M. Dominique Braye,
rapporteur.
Nous, nous les pénaliserons dans l'avenir si elles ne
rééquilibrent pas la situation sur leur territoire quand celle-ci n'est pas
idéale.
M. Jean-Pierre Sueur.
Pénaliser, sanctionner !... Je ne comprends pas très bien.
M. Dominique Braye,
rapporteur.
Nous pouvons tous deux assumer nos responsabilités sans avoir
à nous cacher derrière des propos bien-pensants sur la solidarité,...
M. Jean-Yves Mano.
Le mot solidarité vous gêne !
M. Hilaire Flandre.
On en redira deux mots, si vous le voulez !
M. Dominique Braye,
rapporteur.
... qui passent naturellement toujours mieux que le fait
d'infliger des pénalités.
La commission est donc défavorable à l'amendement n° 36.
Avec l'amendement n° 66 rectifié, le Gouvernement propose d'effectuer le
prélèvement à partir de 3 811 euros et non de 5 000 euros.
Monsieur le ministre, la Haute Assemblée a longuement discuté pour 11 euros.
C'est dire à quel point nous ne travaillons pas dans la sérénité souhaitable
pour prendre les bonnes décisions ! C'est d'autant plus regrettable que le
logement social est un domaine qui mériterait effectivement, à mon sens, que
l'on prenne les décisions dans la sérénité, avec une vision à long terme plutôt
qu'en pensant à qui nous regarde et à ce qu'on en dira.
Alors, 3 811 euros ou 3 800 euros !... J'aurais envie de dire : « Qui dit
mieux ? » Pour sa part, M. Mano avait proposé 4 000 euros !
La seule chose que je puisse vous dire, c'est que ce dispositif n'intéresse
que huit communes, dont trois comptent plus de 19,5 % de logements sociaux et
dont les cinq autres ont consenti des efforts excessivement importants en
termes de logement social au cours de l'année écoulée.
Tout cela prouve que cette longue discussion est plutôt dérisoire. Je le
regrette d'autant plus que cela reflète bien l'état d'esprit dans lequel nous
discutons de cette proposition de loi !
M. Georges Gruillot.
Ce n'est pas dérisoire, c'est ridicule !
M. Dominique Braye,
rapporteur.
La commission a cependant émis un avis favorable sur
l'amendement n° 66 rectifié.
L'amendement n° 38 vise à supprimer la disposition offerte aux communes de
déduire du montant du prélèvement les dépenses effectuées au titre du logement
social sur plusieurs années.
Je l'ai déjà souligné, mais le répéterai une fois de plus aux auteurs de cet
amendement : notre but n'est pas de pénaliser les communes, mais de faire en
sorte qu'elles fassent du logement social.
En conséquence, monsieur Mano, plus elles dépenseront pour faire du logement
social et mieux le rapporteur que je suis s'en portera. Plus elles dépenseront,
plus elles pourront effectivement déduire des prélèvements.
Notre but n'est pas de faire de l'argent sur le logement social, c'est de
faire en sorte que les communes construisent des logements sociaux.
Imaginez une commune qui, ayant demain l'opportunité d'acheter un bâtiment, la
laisserait échapper au motif que des conseilleurs municipaux objecteraient : «
Monsieur le maire, vous allez dépenser plus que vous n'avez le droit de déduire
! »
Cela me paraîtrait excessivement dommageable. Il est donc souhaitable de doter
les communes de tous les moyens nécessaires à la réalisation d'un maximum de
logements sociaux.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement, qui met en
lumière toute la philosophie et la vision de la société qui nous sépare. Comme
cela a été dit, nous sommes contre la politique du bâton et de la
contrainte.
M. Jean-Yves Mano.
Mais pour la pénalisation !
M. Dominique Braye,
rapporteur.
Nous souhaitons la confiance et le contrat, car nous pensons
que cette méthode donnera de bien meilleurs résultats que celle que vous
défendez actuellement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien,
ministre.
Dans la mesure où il vise à supprimer l'article 2, le
Gouvernement est naturellement défavorable à l'amendement n° 13.
S'agissant de l'amendement n° 9, présenté par M. Alduy, je rappelle que le
Gouvernement a lui aussi déposé un amendement qui vise à supprimer le 1° de
l'article 1er.
Quant à l'amendement n° 35 de MM. Mano et Dauge, il est identique à
l'amendement précédent et l'avis du Gouvernement est le même.
Pour ce qui est de l'amendement n° 36 de MM. Mano et Dauge également, il
n'apporte rien, le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Sur l'amendement n° 38, présenté par MM. Mano et Dauge encore, je rappelle
que, si la loi SRU a prévu la possibilité de report des dépenses déductibles
sur une seule année, la proposition de loi permet ce report sur plusieurs
années, ce qui est beaucoup plus juste et nettement plus efficace. Le
dispositif actuel peut en effet conduire une commune à reporter une opération
d'une, ou même de plusieurs années, pour pouvoir imputer ces dépenses
déductibles sur son prélèvement ce qui ne va pas dans le sens de l'accélération
de la mixité sociale.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement n° 38.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 34.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 65, 9 et 35.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 36.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 66 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 38.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Article 3
M. le président.
« Art. 3. - L'article L. 302-8 du même code est ainsi modifié :
« 1° Dans la dernière phrase du quatrième alinéa, les mots : "avant le 31
décembre 2001" sont supprimés et le mot : "approuvé" est remplacé par le mot :
"adopté".
« 2° Six alinéas ainsi rédigés sont ajoutés
in fine :
« Les communes soumises à l'obligation de réalisation de logements locatifs
sociaux peuvent s'engager par délibération du conseil municipal sur un
programme triennal de réalisation de logements locatifs sociaux. Ce programme
doit être au moins égal, d'une part, au tiers du nombre estimé de logements
réalisés sur le territoire de la commune au cours de la période triennale à
venir et, d'autre part, à 1 % du total des résidences principales définies à
l'article L. 302-5 mesuré au début de la période et plafonné à 15 % du nombre
de logements locatifs sociaux nécessaires pour atteindre 20 % du total des
résidences principales. L'accomplissement de l'obligation à laquelle la commune
s'est engagée s'apprécie, en tout état de cause, en fin de période triennale,
sur le fondement des proportions ainsi fixées, au vu du nombre total de
logements réalisés.
« Si les communes sont membres d'un établissement public de coopération
intercommunale compétent en matière de programme local de l'habitat et si cet
établissement public de coopération intercommunale se dote d'un programme local
de l'habitat, celui-ci fixe un objectif triennal de réalisation de logements
locatifs sociaux, dans les conditions définies à l'alinéa précédent, qui ne
peut être inférieur à la somme des obligations des communes soumises à
l'obligation de réalisation de logements locatifs sociaux en application de
l'article L. 302-5 et qui est réparti sur le territoire des communes de
l'établissement public. Les communes non soumises à l'obligation de réalisation
de logements locatifs sociaux ne peuvent se voir imposer la construction de
logements sociaux supplémentaires sans leur accord. Les communes soumises à
l'obligation de réalisation de logements locatifs sociaux en application de
l'article L. 302-5 doivent alors s'engager par délibération sur le programme
triennal qui leur est assigné par le programme local de l'habitat.
« Le préfet peut, sur décision motivée, réduire ces obligations dans le cas de
communes qui, du fait de servitudes ou de contraintes limitant la construction
sur leur territoire, telles que, notamment, zones de risques miniers,
protection de monuments historiques, forte densité urbaine, rencontrent des
difficultés particulières pour réaliser des logements. Cette décision est prise
après avis favorable de l'établissement public de coopération intercommunale
compétent en matière de programme de l'habitat dont la commune est membre ou, à
défaut, du conseil départemental de l'habitat.
« L'adoption des programmes triennaux suspend l'application du prélèvement
prévu à l'article L. 302-7.
« Au terme de la période triennale, la commune établit un bilan portant sur le
respect de l'engagement pris en matière de réalisation de logements locatifs
sociaux, actualisé en fonction du nombre total de logements effectivement
réalisés sur son territoire pendant cette période. Ce bilan est communiqué au
préfet pour examen contradictoire.
« Au cas où le préfet constate, après cet examen, que l'engagement n'a pas été
tenu, un prélèvement est effectué à titre de pénalité dans les conditions
prévues au sixième alinéa de l'article L. 302-7. Ce prélèvement est calculé en
multipliant, d'une part le rapport entre le nombre de logements locatifs
sociaux non réalisés et l'objectif actualisé auquel la commune s'était engagée,
d'autre part le prélèvement total qui aurait été effectué pendant la période
triennale en l'absence d'engagement de la commune, majoré de 100 %. »
Je suis saisi de douze amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 14 est présenté par M. Coquelle et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 39 est présenté par MM. Mano, Dauge et les membres du groupe
socialiste, apparenté et rattachée.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer cet article. »
L'amendement n° 40, présenté par MM. Mano, Dauge et les membres du groupe
socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Supprimer le 2° de cet article. »
L'amendement n° 28, présenté par M. Braye, est ainsi libellé :
« Remplacer la deuxième phrase du premier alinéa du texte proposé par le 2° de
cet article pour compléter
in fine
l'article L. 302-8 du code de la
construction et de l'habitation par deux phrases ainsi rédigées : "Ce programme
doit être au moins égal au tiers du nombre estimé de logements réalisés, y
compris les logements locatifs sociaux, sur le territoire de la commune au
cours de la période triennale à venir. En aucun cas ce nombre ne peut être
inférieur à 1 % du total des résidences principales définies à l'article L.
302-5 mesuré au début de la période et plafonné à 15 % du nombre de logements
locatifs sociaux nécessaires pour atteindre 20 % du total des résidences
principales". »
L'amendement n° 41, présenté par MM. Mano, Dauge et les membres du groupe
socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Dans la deuxième phrase du premier alinéa du texte proposé par le 2° de cet
article pour compléter
in fine
l'article L. 302-8 du code de la
construction et de l'habitation, supprimer les mots : ", d'une part, au tiers
du nombre estimé de logements réalisés sur le territoire de la commune au cours
de la période triennale à venir et, d'autre part, à 1 % du total des résidences
principales définies à l'article L. 302-5 mesuré au début de la période et
plafonné". »
L'amendement n° 67, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« I. - Dans la deuxième phrase du premier alinéa du texte proposé par le 2° de
cet article pour compléter
in fine
l'article L. 302-8 du code de la
construction et de l'habitation, remplacer les mots : "d'une part, au tiers du
nombre estimé de logements réalisés sur le territoire de la commune au cours de
la période triennale à venir et, d'autre part, à 1 % du total des résidences
principales définies à l'article L. 302-5 mesuré au début de la période et
plafonné à 15 % du nombre de logements locatifs sociaux nécessaires pour
atteindre 20 % du total des résidences principales", par les dispositions
suivantes : "au tiers du nombre de logements commencés sur le territoire de la
commune au cours des trois années précédentes. En aucun cas ce nombre ne peut
être inférieur à 4 % du seuil des résidences principales définies à l'article
L. 302-5 mesuré au début de la période et plafonné à 15 % du nombre de
logements locatifs anciens nécessaires pour atteindre 20 % du total des
résidences principales."
« II. - A la fin de la première phrase de l'avant-dernier alinéa du texte
proposé par le 2° de cet article pour compléter
in fine
l'article L.
302-8 du code de la construction et de l'habitation, supprimer les mots :
"actualisé en fonction du nombre total de logements effectivement réalisés sur
son territoire pendant cette période". »
L'amendement n° 10, présenté par M. Alduy, est ainsi libellé :
« Dans la deuxième phrase du premier alinéa du texte proposé par le 2° de cet
article pour compléter l'article L. 302-8 du code de la construction et de
l'habitation, remplacer le pourcentage : "1 %" par le pourcentage : "2 %". »
L'amendement n° 42, présenté par MM. Mano, Dauge et les membres du groupe
socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Supprimer le troisième alinéa du texte proposé par le 2° de cet article pour
compléter
in fine
l'article L. 302-8 du code de la construction et de
l'habitation. »
L'amendement n° 68, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« I. - Dans la première phrase du troisième alinéa du texte proposé par le 2°
de cet article pour compléter
in fine
l'article L. 302-8 du code de la
construction et de l'habitation, après les mots : "forte densité urbaine",
insérer les mots : "plan de prévention des risques touchant plus de la moitié
du territoire urbanisé,". »
« II. - Après la première phrase du même alinéa, insérer une phrase ainsi
rédigée : " Ne peuvent faire l'objet d'une telle décision que les communes dans
lesquelles le nombre de logements commencés dans les trois dernières années
est, en moyenne annuelle, inférieur à 1 % des résidences principales". »
L'amendement n° 43, présenté par MM. Mano, Dauge et les membres du groupe
socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Compléter
in fine
le quatrième alinéa du texte proposé par le 2° de
cet article pour compléter
in fine
l'article L. 302-8 du code de la
construction et de l'habitation par une phrase ainsi rédigé : "Cette suspension
est soumise, si la commune est membre d'un établissement public de coopération
intercommunal compétent en matière de programme local de l'habitat, à l'accord
de cet établissement". »
L'amendement n° 44, présenté par MM. Mano, Dauge et les membres du groupe
socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit la dernière phrase du dernier alinéa du texte proposé par
le 2° de cet article pour compléter
in fine
l'article L. 302-8 du code
de la construction et de l'habitation : "Ce prélèvement est calculé en ajoutant
au prélèvement total qui aurait été effectué pendant la période triennale en
l'absence d'engagement de la commune le même montant multiplié par le rapport
entre le nombre de logements locatifs sociaux non réalisés et l'objectif
actualisé auquel la commune s'était engagé". »
L'amendement n° 69, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé ;
« A - Compléter
in fine
cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« II. - A l'issue de la première période d'application de ces dispositions, un
bilan sera établi sur l'ensemble des communes qui auront pris un engagement
résultant des alinéas précédents. Ce bilan donnera lieu à une évaluation dont
il sera rendu compte au Parlement.
« B. - En conséquence, faire précéder le premier alinéa de cet article de la
mention : "I - ". »
La parole est à Mme Evelyne Didier, pour défendre l'amendement n° 14.
Mme Evelyne Didier.
Avec cet article 3, vous nous parlez de mise en cohérence du dispositif créé
par les deux premiers articles.
Il s'agit, en réalité, de passer, selon les termes de la proposition de loi,
d'une logique de stock - qui a au moins le mérite de nous permettre
d'appréhender la réalité des choses en termes de répartition de logements
sociaux sur le territoire - à une logique de flux, qui prendrait en compte les
constructions.
Dans les faits, et si l'on suit la logique propre de la proposition de loi, il
s'agirait - à moins que nous ayons mal compris - de tenir comme intangible la
réalité du parc immobilier existant et de ne considérer que les constructions à
venir.
Soyons précis ! Une commune qui aurait mille logements sans le moindre
logement locatif social et qui déciderait, à échéance de trois ans, de
construire trente logements, dont dix sociaux, serait-elle dans les normes ?
Obtiendrait-elle la dispense de toute participation au dispositif de solidarité
?
Voyez-vous, monsieur le rapporteur, nous ne sommes pas convaincus que cette
définition des règles de construction de logements locatifs sociaux soit
particulièrement contraignante. Il y a d'ailleurs fort à parier qu'elle sera
aisément adaptée par ceux qui ne souhaiteraient pas consentir un effort majeur
de réalisation de logements sociaux.
Permettez-nous de présenter quelques remarques. Il est évident que, pour
retenir une population jeune et active, l'existence d'un parc locatif social
est déterminante. De même, pour nombre de familles victimes de la précarité de
l'emploi, le logement est une question cruciale.
Dans nos villes et nos villages, de nombreuses familles rencontrent ces
problèmes et attendent une réponse à leur besoin d'un logement de qualité.
Votre proposition consistera pourtant à les exclure de ce droit au logement, en
limitant, de fait, la construction de logements sociaux.
Pour conclure, il est question ici de répondre aux besoins collectifs exprimés
par la population. Dois-je rappeler que la moitié des redevables de l'impôt sur
le revenu ne sont pas imposables ?
Que doit faire la loi ? Elle doit servir l'intérêt général ! La politique du
logement mérite incontestablement d'autres choix que ceux qui sont définis -
certes, en cohérence avec les deux premiers articles - par cet article 3, que
nous vous invitons à supprimer, mes chers collègues.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Yves Mano, pour défendre les amendements n°s 39 et
40.
M. Jean-Yves Mano.
Fidèle à la même logique, l'article 3 constitue le second volet de
l'entreprise de démolition de l'article 55 de la loi SRU visant à favoriser la
réalisation des logements locatifs sociaux dans les communes qui en comptent
moins de 20 %.
Après l'avoir plus qu'édulcoré - soustraction de nombreuses communes sous
divers prétextes - la majorité de la commission des affaires économiques
propose d'ajouter un nouveau dispositif à celui de la loi SRU tendant à
favoriser une « démarche contractuelle ».
L'idée de la contractualisation n'est pas critiquable en soi. Ce qui l'est,
c'est que, sous prétexte de mettre en place une telle démarche, la commission
en profite pour revoir à la baisse les objectifs de réalisation de logements
locatifs sociaux, pour les étaler dans le temps, pour diminuer le montant de la
contribution de solidarité et pour donner au préfet la possibilité de réduire
les obligations de certaines communes sur des critères volontairement imprécis
et larges.
C'est ainsi que, dans le système proposé, une commune qui n'a pas de logements
sociaux verra ses obligations divisées par trois, n'ayant plus que 1 % de
logements sociaux à construire par période triennale, contre 3 % actuellement,
et mettra donc soixante ans pour atteindre 20 % de logements sociaux, contre
vingt ans actuellement.
Ce système est inacceptable car, dans les faits, il va se substituer à celui
de la loi SRU, beaucoup plus volontariste. Il est surtout inacceptable, car en
freinant ainsi la dynamique en faveur du logement locatif social et de la
mixité sociale, il fait fi de la demande insatisfaite de près de 2 millions de
ménages dans notre pays. Il fait également fi de la politique de la ville qui,
par les opérations de démolition-reconstruction, a pour objet de reconstruire
les logements démolis non pas sur les mêmes territoires, mais sur d'autres
sites pour bâtir des villes plus harmonieuses.
C'est pourquoi il vous est proposé de supprimer cet article.
En ce qui concerne l'amendement n° 40, le deuxième alinéa de l'article 3 est
extrêmement sophistiqué. Certes, on voudrait croire que c'est scientifique,
puisque nous avons eu affaire à des mathématiciens eu égard à l'approche
particulière du nombre de logements à créer. Le résultat est simple : c'est un
étalement dans le temps de la contractualisation de nouveaux objectifs pour les
communes. Mais comment peut-on accepter le fait qu'une commune dispose de
soixante ans pour se mettre à niveau ?
Les candidats locataires qui viendront voir les maires de ces communes se
verront répondre gentiment ceci : « J'ai fait ce qu'il fallait pendant mes dix
premières années de mandat ; revenez me voir dans trente ou quarante ans ». Je
doute qu'ils soient satisfaits d'une telle réponse ! Je pense que cette
disposition n'est pas acceptable en l'état.
M. le président.
La parole est à M. Dominique Braye, pour présenter l'amendement n° 28.
M. Dominique Braye.
Il s'agit d'un amendement de clarification. Il tend à préciser que l'exigence
du tiers du flux prime sur le seuil de 1 % et que ce tiers s'applique à
l'ensemble des nouvelles constructions.
Cet amendement tend donc à lever plusieurs ambiguïtés, notamment celle que mon
collègue Jean-Yves Mano rabâche depuis le début,...
M. Jean-Yves Mano.
C'est la réalité !
M. Dominique Braye.
... à savoir qu'il faudra soixante ans aux communes pour atteindre les 20 % de
logements sociaux. Ce serait le cas si les communes ne construisaient que 1 %
de logements sociaux !
C'est la raison pour laquelle nous voulons qu'il soit précisé, je le répète,
que c'est l'exigence du tiers des logements construits sur la commune qui
s'imposera.
Ce matin, en discutant avec Jean-Paul Alduy de ce problème du tiers, nous nous
demandions s'il ne faudrait pas porter le seuil de 1 % à 2 %. Nous lui avons
expliqué qu'en fait il fallait tenir compte non pas du 1 % mais du nombre de
logements qu'il avait fait construire sur sa commune. Il nous a dit que ce
nombre s'élevait à 1 500, soit 500 logements sociaux nouveaux par an. A
l'énoncé de ce dernier chiffre, il a eu le réflexe d'un boxeur récevant un
uppercut dans le foie : effectivement, ça fait beaucoup !
Soyons au moins honnêtes entre nous ! Reconnaissons que ce seuil de 1 %
représente un plancher pour éviter que des communes ne détournent la loi. Il
faut un minimum ! Mais, en réalité, c'est toujours l'obligation du tiers qui
s'imposera, sachant que cette exigence de niveau correspond, comme l'a dit M.
le ministre, à 24 000 logements sociaux construits par an si toutes les
communes s'engagent dans une démarche contractuelle, ce qui est nettement
supérieur à ce que prévoit la loi SRU dans sa version actuelle. Il faut en
tenir compte !
A propos du plancher de 1 % - il faut faire un peu de technique ! - je tiens à
rappeler qu'il ne s'applique qu'aux communes qui ont moins de 13 % de logements
sociaux. Dans le cas contraire, ce serait leur imposer des obligations
supérieures à la loi SRU actuelle. Ce seuil minimum serait donc plafonné à 15 %
du nombre de logements locatifs sociaux manquants pour atteindre 20 % du total
des résidences principales.
Ce seuil de 1 % a tout simplement pour objet de prendre en compte la situation
de communes qui n'ont pas du tout de logements sociaux. On ne peut pas demander
l'impossible : 1 %, c'est déjà beaucoup ! Parfois, elles ne sont pas
responsables de cet état de fait. Nous souhaitons donc pénaliser les communes
qui n'accompliraient aucun effort pour rattraper leur retard, et non pas celles
dont la situation serait due à ce qui n'aurait pas été réalisé dans les années
précédentes.
Notre objectif est toujours le même : faire en sorte que les communes
construisent des logements sociaux, afin que les plus modestes de nos
concitoyens puissent se loger dans des conditions décentes.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Yves Mano, pour présenter l'amendement n° 41.
M. Jean-Yves Mano.
Certes, le délai de soixante ans pour se mettre à niveau est peut-être un cas
d'école mais il est des cas d'école qui peuvent se réaliser ! On ne peut pas
dire que vous nous proposiez une politique volontariste en matière de
construction de logements sociaux, bien au contraire !
J'en viens à l'amendement n° 41.
La démarche de contractualisation volontaire n'est acceptable que si les
objectifs actuels sont maintenus. Une commune qui n'a pas de logements sociaux
ne doit pas pouvoir se contenter d'un rattrapage en soixante ans de l'objectif
de 20 % de logements sociaux. Ce rattrapage doit se faire en vingt ans.
C'est pourquoi il est proposé que l'engagement triennal de réalisation de
logements locatifs sociaux soit au moins égal à 15 % du nombre de logements
locatifs sociaux nécessaires pour atteindre 20 % du total des résidences
principales.
Toute mesure qui va en deçà du texte initial ne favorise pas le développement
du logement social dans ce pays.
M. le président.
La parole est à M. le ministre, pour présenter l'amendement n° 67.
M. Gilles de Robien,
ministre.
La rédaction actuelle de la proposition de loi amènerait les
communes à prendre un engagement sur le nombre de logements, avec le risque que
des écarts importants puissent apparaître, lesquels conduiraient à effectuer
des rectifications en cours de parcours.
Il apparaît donc préférable au Gouvernement que l'engagement de la commune
s'effectue en toute connaissance de cause, par référence au rythme de
construction de la période récente, et non par rapport au rythme de la période
future.
Par ailleurs, l'amendement du Gouvernement permet de clarifier le mode de
calcul de l'engagement contractuel de la commune.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Paul Alduy, pour présenter l'amendement n° 10.
M. Jean-Paul Alduy.
Au risque d'apparaître un peu têtu, je vais vous citer l'exemple d'une commune
de 100 000 habitants qui compte 50 000 résidences principales : 1 %, cela
représente 500 logements, soit 166 par an, et si l'on applique la règle du
tiers, cela fait 55 logements sociaux par an. Cela me paraît peu !
Par conséquent, dans le présent amendement, je vous propose de retenir le
seuil de 2 %, et non pas de 1 % ; je reprends là la proposition que j'ai faite
en commission, monsieur le rapporteur. En effet, se limiter à un plancher de 1
% ne permet pas à des communes qui sont très en retard de combler ce retard
dans un délai suffisant, même si, je l'admets, c'est la règle du tiers et la
contractualisation qui doivent prévaloir.
M. Jean-Pierre Sueur.
C'est le bon sens !
M. le président.
La parole est à M. Jean-Yves Mano, pour présenter l'amendement n° 42.
M. Jean-Yves Mano.
Le troisième alinéa du texte proposé par le 2° de l'article 3 autorise le
préfet, sous certaines conditions, à réduire les obligations d'une commune si
elle fait l'objet de servitudes ou de contraintes liées à des risques miniers,
à la protection des monuments historiques ou encore du fait d'une forte densité
urbaine, au motif qu'elle ne disposerait pas de réserves foncières.
Permettez-moi de m'inscrire en faux contre de telles mesures, qui seraient
vécues comme des contraintes. Certes, des difficultés peuvent surgir s'agissant
de certains terrains. Mais je rappelle, une fois de plus, que d'autres
possibilités existent pour construire des logements sociaux : droit de
préemption pour acquérir des logements existants ; incitation des propriétaires
privés à conclure des conventions avec l'ANAH et donc, à partir de ce
moment-là, à pratiquer des loyers conventionnés dits « sociaux » ; acquisition
des immeubles existants. Et on ne sait pas où s'arrête la notion de « forte
densité urbaine » laissée à l'appréciation du préfet.
M. le président.
La parole est à M. le ministre, pour présenter l'amendement n° 68.
M. Gilles de Robien,
ministre.
Il s'agit d'encadrer les pouvoirs du préfet de telle manière
que cette mesure ne puisse s'appliquer qu'à des communes où le rythme annuel de
construction de logements est effectivement inférieur à la moyenne
nationale.
Il est par ailleurs proposé d'ajouter parmi les éléments d'appréciation du
préfet l'existence d'un plan de prévention des risques couvrant plus de la
moitié du territoire urbanisé de la commune.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Yves Mano, pour présenter les amendements n°s 43 et
44.
M. Jean-Yves Mano.
En ce qui concerne l'amendement n° 43, M. le rapporteur nous propose de
soumettre la contribution des communes qui sont membres d'un établissement
public de coopération intercommunale compétent en matière de programme local de
l'habitat à l'accord de cet établissement. La suspension du prélèvement
constitue une perte de recettes pour l'EPCI et doit donc être soumise à son
accord.
L'article L. 302-7 du code de la construction et de l'habitation prévoit que
le prélèvement de solidarité est versé à l'EPCI dont est membre la commune
lorsque cet EPCI est doté d'un plan local de l'habitat pour réaliser des
logements locatifs sociaux.
Soumettre à l'accord de cet EPCI la supension du prélèvement est une question
de principe puisque, de fait, cette suspension aboutit à une perte de recettes
sur lesquelles les communes comptaient pour mener à bien une politique de
développement du logement social.
L'amendement n° 44 a pour objet de garantir qu'une commune qui n'a pas
respecté ses engagements n'aura pas, finalement, un prélèvement plus faible
qu'une commune ayant accepté les obligations de la loi SRU.
M. le président.
La parole est à M. le ministre, pour présenter l'amendement n° 69.
M. Gilles de Robien,
ministre.
Comme j'ai déjà eu l'occasion de l'indiquer, le Gouvernement
est absolument persuadé que le dispositif contractuel permettra d'obtenir de
meilleurs résultats qu'un dispositif contraignant qui impose et pénalise
d'emblée.
Pour prouver sa bonne foi et pour mesurer les effets de cette politique
contractuelle, le Gouvernement vous propose, par l'amendement n° 69, d'évaluer,
après trois ans d'exercice, les effets concrets de ce dispositif et d'inscrire
cette mesure dans la loi.
M. Yves Coquelle.
Nous sommes d'accord !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Braye,
rapporteur.
L'article 3 de la présente proposition de loi constitue,
chacun l'a bien compris, le coeur du dispositif de contractualisation. Il
définit les conditions dans lesquelles les communes pourront désormais
s'engager par délibération. La commission ne peut qu'émettre un avis
défavorable sur les amendements identiques n°s 14 et 39 qui tendent à la
suppression d'un article aussi fondamental.
Selon les simulations qui ont été effectuées, 24 000 logements devraient être
construits si les communes s'engagent dans ce contrat.
M. Jean-Yves Mano.
Je n'y crois pas !
M. Dominique Braye,
rapporteur.
Nous espérons obtenir de meilleurs résultats que
précédemment, avec l'ancien dispositif.
L'amendement n° 40 aboutirait
in fine
à revoir à la baisse les
objectifs de la loi. La commission a donc émis un avis défavorable.
L'amendement n° 41 tend à fixer les obligations contractuelles au niveau des
obligations actuelles, c'est-à-dire à revenir à l'ancien dispositif. La
commission a donc également émis un avis défavorable.
S'agissant de l'amendement n° 67, monsieur le ministre, la commission est
prête à accepter comme période de référence les trois années passées et non pas
les années à venir. Toutefois, une chose me gêne un peu : avec cette
proposition de loi, la commission souhaitait faire table rase du passé. C'était
la philosophie qui nous inspirait.
M. Jean-Pierre Sueur.
C'est tout le problème de cette proposition de loi !
M. Dominique Braye,
rapporteur.
On demandait aux communes de s'engager et elles auraient été
pénalisées en fonction de ce qu'elles auraient fait.
Certaines communes qui ont, dans les années précédentes, beaucoup construit,
auront désormais de lourdes obligations qu'elles auront de la peine à
respecter. Inversement, des communes qui auront peu construit auront de faibles
obligations alors qu'elles devraient en avoir de plus fortes.
Je comprends bien la clarification que cela apportera, notamment en ce que la
disposition nous permettra d'avoir un objectif mesuré d'entrée. J'émettrai donc
un avis favorable.
Cela étant, il est un problème que nous n'avons fait qu'aborder en commission
et qui me paraît intéressant, monsieur le ministre, celui de ces logements
sociaux que les élus n'arrivent pas, ou difficilement, à louer.
M. Gilles de Robien,
ministre.
C'est le problème des logements vacants !
M. Dominique Braye,
rapporteur.
Le maire de Rodez m'a saisi de ce sujet ainsi que M.
Darniche, pour la Vendée, et bien d'autres élus encore : même avec moins de 20
% de logements sociaux, ils n'arrivent pas à trouver de locataires parce que la
culture locale, c'est plutôt l'accession à la propriété.
Va-t-on obliger ces agglomérations à construire plus de logements sociaux avec
pour seul effet d'accroître encore le parc de logements vacants ? Ce serait
vraiment ne pas tenir compte de la réalité de notre pays. C'est un problème sur
lequel il faudrait peut-être se pencher.
M. Hilaire Flandre.
C'est la technocratie qui est la responsable !
M. Dominique Braye,
rapporteur.
L'amendement n° 10 vise à passer à 2 %. Ce qui prime pour
nous, c'est le flux, c'est la base du contrat : l'objectif de 2 % des
résidences principales quand on part de zéro me paraît trop difficile à
atteindre.
Donc, pour ma part, je souhaite que M. Jean-Paul Alduy retire son amendement
afin de ne pas obliger la commission à émettre un avis défavorable, ce que le
rapporteur ne souhaite pas !
M. le président.
Monsieur Alduy, l'amendement n° 10 est-il maintenu ?
M. Jean-Paul Alduy.
Je le retire, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° 10 est retiré.
M. Jean-Yves Mano.
C'est un amendement excellent et je le reprends, monsieur le président !
M. le président.
Il s'agit donc de l'amendement n° 10 rectifié.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Dominique Braye,
rapporteur.
L'amendement n° 42 tend à supprimer la disposition offrant la
possibilité au préfet de réduire les obligations des communes dans certains
cas.
Nous ne pouvons prévoir tous les cas d'impossibilité, mais nous faisons
confiance aux élus ainsi qu'aux représentants de l'Etat, qui jugeront des
impossibilités objectives et avérées. Nous sommes donc opposés à l'amendement
de M. Mano, d'autant plus que, s'il était adopté, l'amendement du Gouvernement
deviendrait sans objet, ce que nous ne souhaitons pas.
La commission émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 42.
En ce qui concerne l'amendement n° 68 et les plans de prévention des risques,
la commission émet un avis favorable. L'idée de placer le dispositif à cet
endroit-là du texte est excellente.
L'amendement n° 43 vise à soumettre à l'accord de l'EPCI dont la commune est
membre la suspension du prélèvement annuel prévu par l'article 55.
Au moment où l'on veut stimuler l'intercommunalité, il ne s'agit pas d'exiger
d'une commune appartenant à un EPCI une autorisation supplémentaire et donc de
lui imposer une contrainte nouvelle. D'ailleurs, notre proposition de loi
impose ces obligations au niveau de l'EPCI. C'est donc bien à ce niveau de
l'EPCI que tout cela doit se passer, et je ne doute pas que tout se passera
bien.
L'avis de la commission sur l'amendement n° 43 est donc défavorable.
L'amendement n° 44 tend à substituer aux mécanismes de pénalité prévus dans la
proposition de loi un mécanisme différent. M. Mano nous propose, par cet
amendement, de pénaliser plus fortement des communes qui ne seraient pas
arrivés à respecter leur contrat que des communes qui n'auraient rien fait.
Vous comprenez bien qu'à partir du moment où des communes s'engagent dans la
construction de logements sociaux, même si elles ne respectent pas totalement
leur contrat, nous souhaitons qu'elles soient moins fortement pénalisées que
des communes qui ont décidé de ne rien faire.
M. Jean-Yves Mano.
Mais non ! Ce n'est pas cela !
M. Dominique Braye,
rapporteur.
Je tiens à attirer l'attention de la Haute Assemblée sur ce
point : des communes qui s'écarteraient par trop des obligations prévues au
contrat pourraient effectivement être l'objet d'amendes d'un montant supérieur
à celui des pénalités applicables à des communes qui auraient décidé de ne rien
faire, et ce même si les communes en question étaient arrivées à 50 %
d'exécution du contrat. Pénaliser, par exemple, une commune à qui il manque
trois logements sociaux plus fortement qu'une commune qui a décidé de ne rien
faire, cela me paraît peu raisonnable.
En conséquence, l'avis de la commission sur l'amendement n° 43 est
défavorable.
Sur l'amendement n° 69, j'émettrai un avis excessivement favorable, car il est
nécessaire d'avoir un débat dans trois ans.
M. Guy Fischer.
Nous voilà rassurés !
M. Dominique Braye,
rapporteur.
Mon cher collègue, je crois vraiment que, dans trois ans,
nous aurons de bonnes nouvelles et nous pourrons nous féliciter d'avoir adopté
cette formule.
En tout cas, nous mettons tout en oeuvre pour y arriver.
M. Guy Fischer.
Nous jugerons au bilan !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien,
ministre.
Les amendements identiques n°s 14 et 39 étant des amendements
de suppression, le Gouvernement émet un avis défavorable. Cet article 3 est
effectivement le coeur du dispositif. Il correspond exactement à la philosophie
du Gouvernement, qui veut encourager les communes à s'engager à réaliser des
logements sociaux et non à les punir comme dans le cadre du dispositif
existant.
Sur l'amendement n° 40, contrairement aux affirmations de M. Mano, si toutes
les communes s'engagent, la production de logements sociaux sera supérieure de
15 % à celle qui est prévue dans le dispositif actuel.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement n° 40, qui
freinerait la réalisation de logements sociaux.
Sur l'amendement n° 28,...
M. Dominique Braye.
Je le retire, compte tenu du fait que la commission a accepté l'amendement n°
67 du Gouvernement.
M. le président.
L'amendement n° 28 est retiré.
Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Gilles de Robien,
ministre.
L'amendement n° 41 ne nous semble pas avoir beaucoup de sens,
puisqu'il fixe des objectifs identiques aux communes, qu'elles sortent du
dispositif existant ou qu'elles y restent. La proposition de loi a précisément
pour objet de fixer, selon les communes, des objectifs supérieurs ou inférieurs
aux objectifs initiaux en fonction du rythme réel de construction dans la
commune.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Pour l'amendement n° 10 rectifié, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du
Sénat.
Sur l'amendement n° 42, le Gouvernement émet un avis défavorable, étant
rappelé que l'amendement n° 68 tend à encadrer le pouvoir du préfet.
L'amendement n° 43 introduirait une procédure supplémentaire, ce qui va à
l'encontre de l'objectif de mixité sociale et de production de nouveaux
logements sociaux, objectif partagé par le Gouvernement et, certainement, par
les auteurs de l'amendement. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
L'amendement n° 44 prévoit un autre système de pénalisation qui serait
complètement injuste, puisqu'une commune qui aurait réalisé 99 % de son contrat
serait davantage pénalisée que la commune qui n'aurait pas contractualisé du
tout. Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet
amendement.
M. le président.
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 14 et 39.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 40.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 41.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 67.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'amendement n° 10 rectifié n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'amendement n° 42.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 68.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 43.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 44.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 69.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 3, modifié.
(L'article 3 est adopté.)
Article 4
M. le président.
« Art. 4. - Dans la première phrase de l'article L. 302-9 du même code, le mot
: "approuvé" est remplacé par le mot : "adopté". »
L'amendement n° 15, présenté par M. Coquelle et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Supprimer cet article. »
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam.
L'article 4 de la proposition de loi découle naturellement de la rédaction des
trois premiers articles. C'est donc tout à fait logiquement que nous proposons
sa suppression à la Haute Assemblée, par simple cohérence avec notre position
de fond.
Cependant, que se passera-t-il si le PLH n'est pas adopté ? Nous souhaiterions
obtenir quelques éclaircissements sur cette question.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Braye,
rapporteur.
Je m'étonne de la démarche d'opposition systématique qu'a
adoptée le groupe CRC.
En effet, monsieur Le Cam, cet article tend à préciser dans le code de la
construction et de l'habitation que les programmes locaux d'habitat sont «
adoptés », comme l'énonce l'article L. 302-2, et non « approuvés » comme le
prévoit l'article L. 302-9. Cet article vise par conséquent tout simplement à
corriger une inexactitude du code de la construction et de l'habitation.
Je ne vous cache pas que votre amendement ne manque pas de me surprendre, à
moins que vous ne souhaitiez pas mettre en cohérence les deux articles du code.
Je souhaite donc que vous retiriez votre amendement, monsieur Le Cam. Dans le
cas contraire, la commission émettrait un avis défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien,
ministre.
Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement, car
il estime que le terme « adopté » est tout à fait pertinent, et donc que la
rédaction de la proposition de loi est meilleure.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 15.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 4.
(L'article 4 est adopté.)
Article 5
M. le président.
« Art. 5. - Le troisième alinéa de l'article L. 301-3 du même code est
complété par une phrase ainsi rédigée : "Il donne notamment priorité aux
engagements pris par les communes et les établissements publics de coopération
intercommunale en application de l'article L. 302-8". »
L'amendement n° 16, présenté par M. Coquelle et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Supprimer cet article. »
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam.
L'article 5 pose quelques questions qui motivent de notre part un rejet pur et
simple.
En effet, une fois déterminés des objectifs pour le moins modestes de
réalisation de logements sociaux, les communes et les établissements publics de
coopération intercommunale répondant à la définition posée par les articles
précédents de la proposition de loi bénéficieraient d'une priorité dans
l'attribution des financements de la politique de l'habitat.
Permettez-nous, là encore, de nous poser des questions.
Nous touchons, en effet, l'une des données essentielles de la situation des
dernières années, à savoir l'inadéquation entre les financements existants pour
la réalisation de logements sociaux et la demande collective en cette
matière.
Quelques avancées ont eu lieu ces dernières années, telles que la baisse de la
TVA sur les travaux d'entretien ou de réhabilitation, mais les conditions
générales de financement demeurent largement insuffisantes et continuent,
singulièrement en Ile-de-France, à renchérir le coût des opérations.
Même si nous touchons largement au domaine réglementaire, puisque le niveau de
subvention des prêts locatifs aidés ou des primes à l'amélioration des
logements à usage locatif et à occupation sociale, les PALULOS, est directement
dépendant de l'enveloppe ouverte à ce titre par la loi de finances, nous
constatons que la sous-consommation des crédits trouve en partie son origine
dans la difficulté à boucler les financements.
Nous ne pouvons d'ailleurs que souligner que l'enveloppe inscrite dans le
projet de loi de finances pour 2003, monsieur le ministre, est très largement
insuffisante et risque d'aggraver la situation, déjà fort compromise.
Alors, accorder une priorité aux communes et aux EPCI engagés dans un
processus de « rattrapage » par la mise en oeuvre de plans locaux de l'habitat
est tout sauf une solution égalitaire et respectueuse des besoins.
Pourquoi en effet donner plus à certains quand, dans le parc social existant,
il faut aussi faire face à des besoins importants ?
Que voulez-vous, nous ne croyons pas aux vertus de la priorité qui serait
soudainement accordée à ceux qui se seraient si longtemps dispensés de réaliser
des logements sociaux. Elle aurait d'ailleurs un caractère pour le moins
injuste, ne tenant pas véritablement compte des réalités.
Il nous semble en outre, mais ce n'est sans doute qu'une impression, que la
mesure préconisée par l'article 5 relève plus du domaine réglementaire que du
domaine législatif.
C'est sans doute le travers d'une proposition de loi mal ficelée, qui
n'aspire, au fond, qu'à rendre vaine toute initiative de solidarité nationale
en matière de logement.
Au bénéfice de ces observations, je ne peux qu'inviter le Sénat à adopter
notre amendement tendant à supprimer l'article 5.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Braye,
rapporteur.
Le rapporteur est toujours étonné par les propos de M. Le
Cam.
L'article 5 tend tout simplement, dans l'hypothèse où les communes décident de
s'engager dans la démarche contractuelle prévue à l'article 3, à permettre au
préfet, dans son pouvoir de répartition des crédits, de favoriser les communes
et les EPCI qui ont un déficit de logements sociaux.
Je croyais que nos collègues communistes souhaitaient mieux répartir le
logement social sur le territoire. Alors, pourquoi ne pas aider ceux qui ont le
moins de logements sociaux ? J'avoue, monsieur Le Cam, que je ne comprend
absolument pas. Je peux, bien sûr, admettre que les crédits sont parfois
insuffisants pour réaliser les opérations et vous avez pu constater, monsieur
le ministre, à la lecture des lettres que j'ai pu citer au début de notre
débat, que les maires se plaignaient de n'avoir pas pu engager des opérations,
faute de bénéficier d'un soutien financier.
En tout cas, si le financement est insuffisant, monsieur Le Cam, et si nous
voulons, comme vous le demandez depuis le début de la soirée, mieux répartir
les logements sociaux, vous conviendrez avec moi que votre amendement de
suppression de l'article 5 est excessivement étonnant dans la mesure où ce
dernier permet précisément de construire plus de logements sociaux là où il y
en a le moins !
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien,
ministre.
Le Gouvernement souhaiterait d'abord répondre à
l'interpellation de M. Le Cam sur les crédits du logement puisqu'ils
augmentent, comme vous le savez, monsieur le sénateur, de 15 millions d'euros
pour la ligne fongible et que, concernant les subventions pour surcharge
foncière en Ile-de-France, c'est une augmentation de 25 % que vous aurez à
voter, le cas échéant.
Voilà pour l'aspect budgétaire de la question...
En ce qui concerne votre amendement, je vous avoue franchement que vous allez
exactement à contresens de ce que l'on pourrait appeler « le mieux-disant
social », puisque la disposition à laquelle vous vous opposez donne la priorité
aux communes qui sont soumises à l'article 55 pour l'obtention des aides de
l'Etat destinées à la réalisation de logements locatifs sociaux.
Par conséquent, l'adoption de votre amendement aurait pour conséquence de
freiner la construction de logements sociaux dans les communes qui en ont le
plus besoin. A notre sens, c'est complètement illogique. Le Gouvernement émet
donc un avis défavorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 16.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 5.
(L'article 5 est adopté.)
Article 6
M. le président.
« Art. 6. - Les sommes affectées au fonds d'aménagement urbain au titre du
prélèvement de l'année 2002 en application de l'article L. 302-7 du même code
sont reversées aux fonds d'aménagement urbain régionaux. Chaque fonds régional
reçoit les prélèvements des communes situées dans sa région.
« Le prélèvement de l'année 2003 effectué en application de l'article L. 302-7
du même code est reversé aux communes qui ont adopté un engagement triennal
défini au cinquième et au sixième alinéa de l'article L. 302-8 du même code
avant le 1er janvier 2004. »
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° 17, présenté par M. Coquelle et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Supprimer cet article. »
L'amendement n° 45, présenté par MM. Mano, Dauge et les membres du groupe
socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Supprimer le second alinéa de cet article. »
L'amendement n° 29, présenté par M. Braye, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le second alinéa de cet article :
« Le prélèvement de l'année 2003 effectué en application de l'article L. 302-7
du même code sur les communes qui ont adopté un engagement triennal défini au
cinquième et au sixième alinéa de l'article L. 302-8 du même code avant le 1er
janvier 2004 leur est reversé. »
La parole est à M. Gérard Le Cam, pour défendre l'amendement n° 17.
M. Gérard Le Cam.
Etrange article, à proprement parler, que l'article 6 de la proposition de loi
dont nous débattons !
Nous avons souligné, dans la discussion des articles précédents, qu'il
s'agissait clairement de créer les conditions permettant à certaines communes
soumises aux dispositions de l'article L. 302-7 du code de la construction et
de l'habitation - qui traite du financement, par la solidarité nationale, de la
réalisation de logements sociaux - de s'exempter au maximum de leurs
obligations.
Par cet article 6, il s'agit d'alimenter les fonds urbains régionaux avec ce
qui restera du solde dudit prélèvement - nous demandons à voir ce que cela peut
donner, puisque le rapport ne le précise pas -, et donc, dans les faits, à
consacrer une sorte de solidarité interne entre les communes que nous allons
définir ci-après : si vous n'avez pas de logements sociaux sur votre territoire
en nombre significatif et que vous ne vous engagez pas à en construire dans les
trois années à venir, vous serez autorisés à vous acquitter d'un prélèvement
qui sera prioritairement redistribué à des communes dont la situation est
proche de la vôtre et ayant le bon goût d'en construire une poignée.
En clair, alors que le prélèvement institué par l'article L. 302-7 tendait à
permettre le financement des opérations menées dans le cadre des grands projets
urbains ou des contrats de ville, il serait désormais recentré sur le
financement de timides objectifs de construction définis par les communes
redevables.
Dans l'absolu, cela consisterait à faire financer les logements sociaux que
l'on pourrait construire en petit nombre à Buchelay avec l'argent du Vésinet ou
de Montfort-l'Amaury, tandis que la requalification du Val-Fourré à
Mantes-la-Jolie pourrait attendre.
(M. le rapporteur sourit.)
De la même manière que pour l'article 5, cette forme de priorité accordée à
quelques opérations de construction permettant de se donner bonne conscience et
de se dégager à bon compte de ses obligations ne peut pas recevoir notre
assentiment.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Yves Mano, pour défendre l'amendement n° 45.
M. Jean-Yves Mano.
Il est injustifié que les sommes perçues au titre du prélèvement de solidarité
de 2003 soient versées directement aux communes qui ont adopté un engagement
triennal dans le cadre, soit du dispositif actuel, soit de celui qui est prévu
par la proposition de loi, au motif qu'il faut tenir compte des délais de mise
en oeuvre du nouveau dispositif alors qu'il n'est pas précisé que ces sommes
sont affectées à la réalisation de logements sociaux.
Cette disposition rompt avec les choix qui ont été opérés dans la loi SRU.
Elle prive par ailleurs les EPCI dotés d'un PLH de recettes qui leur reviennent
de droit pour effectuer des réserves foncières, comme le prévoit l'article L.
302-7 du code de la construction et de l'habitation.
M. le président.
La parole est à M. Dominique Braye, pour défendre l'amendement n° 29.
M. Dominique Braye.
Cet amendement, purement rédactionnel, vise à clarifier le second alinéa de
l'article 6, de façon à éviter les contestations juridiques.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Braye,
rapporteur.
J'émettrai naturellement un avis défavorable sur l'amendement
n° 17, qui vise à supprimer l'article 6 du texte dont je suis le rapporteur.
Je préciserai que le fonds d'aménagement urbain n'existe pas faute d'avoir été
créé par décret. Les sommes qui lui étaient affectées représentaient 40,2
millions d'euros.
Monsieur Mano, en outre, 6 millions d'euros seulement ont été versés aux EPCI.
Nous souhaitons que le reliquat soit affecté aux fonds d'aménagement urbains
régionaux, de façon à être distribués et mis en oeuvre le plus rapidement
possible auprès des communes. Ce serait une manière d'anticiper la
décentralisation que nous souhaitons voir intervenir au niveau du logement et
de l'habitat.
La commission est également défavorable à l'amendement n° 45. Nous aurions
souhaité, pour lancer un signal fort aux communes afin qu'elles s'engagent
immédiatement dans la contractualisation en faveur du logement social, que le
prélèvement de 2003 soit opérationnel dès le 1er janvier. Manifestement, le
calendrier parlementaire ne le permet pas. Nous souhaitons inciter d'ores et
déjà les communes à s'organiser en vue de la contractualisation.
Notre objectif, contrairement à vous, monsieur Mano, n'est pas de pénaliser
les communes, mais de faire en sorte qu'elles construisent du logement social ;
nous leur reverserons donc ces sommes si elles contractualisent avec l'Etat.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien,
ministre.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 17.
Je rappelle à M. Le Cam que le précédent gouvernement voulait que les fonds
d'aménagement urbain soient régionaux, mais que le Conseil d'Etat avait rejeté
le projet de décret d'application. Je comprends donc mal que les auteurs de
l'amendement veuillent empêcher la correction d'une erreur du précédent
gouvernement.
S'agissant de l'amendement n° 45, je rappelle que le précédent dispositif ne
prévoyait pas la gestion des phases transitoires. C'est l'objet du second
alinéa de l'article 6, et le Gouvernement est donc défavorable à sa
suppression.
L'amendement n° 29 tend au contraire à clarifier la rédaction de ce même
alinéa, et le Gouvernement y est favorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 17.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 45.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 29.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 6, modifié.
(L'article 6 est adopté.)
TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES À L'URBANISME
Article additionnel avant l'article 7
M. le président.
L'amendement n° 52, présenté par MM. Goulet, Doublet, de Montesquiou, Türk et
Demilly, est ainsi libellé :
« Avant l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 121-7 du code de l'urbanisme est complété
in fine
par
deux alinéas ainsi rédigés :
« Ces frais d'étude, d'élaboration, de révision ou de modification des
documents d'urbanisme peuvent être inscrits dans la section d'investissement
des budgets communaux, prévue à l'article L. 2311-1 du code général des
collectivités territoriales.
« Lorsqu'elles engagent de tels frais, les collectivités locales et leurs
groupements peuvent prétendre à ce titre aux attributions du fonds de
compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée. »
La parole est à M. Daniel Goulet.
M. Daniel Goulet.
Nous abordons un tout autre registre, puisqu'il s'agit maintenant d'urbanisme
et, plus particulièrement - problème auquel nos communes, notamment les plus
petites, sont confrontées -, de la prise en charge du coût de la réalisation
des documents d'urbanisme.
La réalisation de ces documents représente une part très importante des
budgets communaux, d'autant que leur conception ne peut pas toujours être
réalisée par les directions départementales de l'équipement. Les communes, en
premier lieu celles qui sont les plus démunies en personnel et en matériel,
sont dès lors obligées de faire appel à des acteurs économiques privés.
Les frais correspondants étant inscrits au chapitre des dépenses de
fonctionnement des budgets communaux, il vous est proposé de permettre aux
communes, en particulier aux plus petites d'entre elles, d'inscrire leurs
dépenses au chapitre des investissements - il s'agit d'ailleurs bien
d'investissements sur l'avenir - afin qu'elles puissent bénéficier des
attributions du fonds de compensation de la TVA.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Braye,
rapporteur.
M. Goulet soulève un vrai problème, celui du financement des
documents d'urbanisme, problème d'autant plus d'actualité qu'avec les PLU, les
SCOT et autres documents d'urbanisme, les frais sont maintenant beaucoup plus
importants qu'ils ne l'étaient auparavant ; notre collègue propose donc que ces
frais soient inscrits parmi les dépenses d'investissement des communes afin que
celles-ci puissent récupérer une partie de la TVA par l'intermédiaire du
FCTVA.
Le rapporteur que je suis serait tenté d'être favorable à cette proposition,
mais il ne peut s'empêcher de se tourner vers M. le ministre pour lui demander
quelle serait son incidence financière et pour s'assurer de sa compatibilité
avec la réforme de la décentralisation.
La commission souhaite donc entendre le Gouvernement, mais je peux dire
d'emblée que son avis est un avis de sagesse plutôt positif.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien,
ministre.
J'aimerais pouvoir donner un avis identique, mais je ne le
puis, même si je suis très sensible à la question que vous soulevez, monsieur
Goulet.
Le financement des études d'urbanisme représente en effet une très lourde
charge pour les communes, les petites et les moyennes surtout. Si je comprends
votre préoccupation, j'estime cependant que l'amendement présenté n'apporte pas
une réponse satisfaisante à la question du financement. Il induirait une
dépense supplémentaire, qui serait compensée par l'augmentation d'une taxe, ce
que le Gouvernement ne souhaite pas.
La question soulevée ne peut être examinée que dans le cadre du projet de loi
de finances, dont c'est d'ailleurs la saison.
Dans ces conditions, le Gouvernement ne peut qu'émettre un avis
défavorable.
M. le président.
La parole est à M. Yves Dauge, pour explication de vote.
M. Yves Dauge.
Je soutiens évidemment cet amendement, même si je suis conscient des problèmes
techniques d'application qu'il soulève.
Je pense, monsieur le ministre, que les budgets d'urbanisme et les crédits
d'études ne sont pas à la hauteur pour soutenir la politique de planification -
c'est le moins que l'on puisse dire et c'est le cas depuis longtemps - et
qu'ils mériteraient d'être réexaminés, si ce n'est pas possible ce soir, du
moins dans le cadre du projet de budget, dans le sens positif de l'amendement
n° 52.
M. le président.
La parole est à M. Pierre Jarlier, pour explication de vote.
M. Pierre Jarlier.
Je soutiens moi aussi cet amendement, qui m'amène à évoquer un autre problème,
celui du financement des cartes communales.
Si les PLU et les SCOT peuvent être aidés au titre de la DGD, il n'en est pas
de même pour les cartes communales. Or, les dispositions que nous avons
adoptées étant plus lourdes en termes d'études, il nous faut aussi encourager
les communes à se lancer dans ces démarches prospectives. Encore faut-il
qu'elles en aient les moyens et j'attire donc votre attention, monsieur le
ministre, sur la nécessité de prendre en compte au titre de la DGD le
financement des cartes communales.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 52.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la
proposition de loi, avant l'article 7.
Article 7
M. le président.
« Art. 7. - Le 12° de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme est ainsi
rédigé :
« 12° Fixer une superficie minimale des terrains constructibles qui ne peut
excéder deux fois la superficie moyenne par bâtiment de la zone considérée
lorsque celle-ci se trouve en site urbain constitué ; »
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 18 est présenté par M. Coquelle et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 46 est présenté par MM. Dauge, Mano et les membres du groupe
socialiste, apparenté et rattachée.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer cet article. »
L'amendement n° 5, présenté par M. Alduy, est ainsi libellé :
« Après les mots : "des terrains", rédiger ainsi la fin du texte proposé par
cet article pour le 12° de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme : "dès
lors que celle-ci est justifiée par des objectifs d'urbanisme ou des objectifs
techniques ;". »
La parole est à Mme Odette Terrade, pour présenter l'amendement n° 18.
Mme Odette Terrade.
Pas plus que les dispositions des six premiers articles de la présente
proposition de loi, les quatre articles portant modification du droit de
l'urbanisme n'apportent de progrès réels à la législation en vigueur.
La loi sur la solidarité et le renouvellement urbains avait, parmi ses effets
attendus, celui de permettre une prise en compte plus globale et plus
systémique des problèmes de développement urbain, dépassant la seule vision
empirique des élus locaux en relation avec leurs administrés, au travers de la
gestion de droits à construire plus ou moins rationnellement distribués.
Or les dispositions qui nous sont proposées ici ne consistent, dans les faits,
qu'à opérer un retour aux pratiques anciennes, sans que soit prise en compte
l'évaluation de ce que la loi SRU aurait pu ou a déjà permis de mettre en
oeuvre.
C'est une sorte de retour à l'urbanisme de circonstance qui nous est proposé
avec cet article 7, qui vise en fait à geler toute véritable initiative de
développement intégré des centres urbains.
Si l'on suit l'approche défendue par notre rapporteur, on se trouvera très
vite dans l'incapacité de mener une politique rationnelle et efficiente de
rénovation des centres urbains, enjeu pourtant essentiel de toute politique de
la ville et susceptible, dans le cadre d'une programmation équilibrée, de
permettre la création d'une offre diversifiée de logements.
L'aspiration de nombre de nos concitoyens à vivre dans les centres-villes
anciens, des travaux de remise aux normes actuelles de confort fussent-ils
nécessaires, est suffisamment réelle pour motiver le refus du choix opéré à
l'article 7.
De la même manière, si l'on suit l'orientation fixée par la proposition de
loi, il sera quasiment impossible de réaliser des logements collectifs, même
dans des immeubles à dimension humaine, dans les secteurs pavillonnaires
relativement denses.
C'est peut-être d'ailleurs l'une des motivations de la proposition de loi,
dont l'égoïsme transparaît dans l'exposé des motifs des six premiers articles,
que de donner une justification législative à une évolution du droit de
l'urbanisme rendant impossible la réalisation de tel ou tel programme locatif
ou collectif.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, dans la même logique que celle qui
nous a animés lors de la discussion des six premiers articles, nous invitons
donc le Sénat à procéder à la suppression pure et simple de l'article 7 de la
proposition de loi.
M. le président.
La parole est à M. Yves Dauge, pour présenter l'amendement n° 46.
M. Yves Dauge.
On nous propose à l'article 7 de « fixer une superficie minimale des terrains
constructibles qui ne peut excéder deux fois la superficie moyenne par bâtiment
de la zone considérée lorsque celle-ci se trouve en site urbain constitué ».
Il faut éviter ce type de formule.
En effet, les efforts faits pour développer les plans locaux d'urbanisme ont
justement consisté à tourner la page, à abandonner cette approche à base de
chiffres et de coefficients, pour laisser place à une politique de projets
construite autour d'une autre vision de l'urbanisme.
Inutile, dès lors, de revenir à l'état antérieur en recourant à un mode de
calcul qui, je regrette de le dire, est totalement dépassé.
Par ailleurs, on peut parfaitement régler le problème en utilisant des
dispositifs existants, notamment dans le cadre des PLU ou de la loi « paysage
».
Je partage l'analyse quant au contenu, mais la formulation me gêne, étant
cependant précisé qu'en matière d'assainissement - c'est une exception - la
fixation d'une surface minimale peut s'imposer.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Paul Alduy, pour présenter l'amendement n° 5.
M. Jean-Paul Alduy.
Je ne suis pas plus que M. Dauge persuadé de l'utilité des formules
mathématiques. Je crois plutôt aux vertus des choses simples. Je vous propose
donc, à la fin du texte proposé par l'article 7 pour le 12° de l'article L.
123-1 du code de l'urbanisme, après les mots : « des terrains », d'ajouter les
mots : « dès lors que celle-ci est justifiée par des objectifs d'urbanisme ou
des objectifs techniques ; ».
En d'autres termes, laissons les maires choisir leur politique urbaine.
Laissons-leur, là la possibilité de réaliser une urbanisation aérée, ici celle
de conserver un rythme de façade, celle d'encourager les regroupements...
Les objectifs techniques doivent, certes, être respectés. Ainsi, les règles
relatives à la superficie minimale des terrains doivent, depuis l'entrée en
vigueur de la loi sur l'eau, être cohérentes avec les zones d'assainissement
non collectif.
Faut-il pour autant définir systématiquement une règle de surface minimale ?
Je n'en suis pas persuadé. Laissons aux communes la possibilité de déterminer
un périmètre, si elles le souhaitent, mais ne les enfermons pas dans des règles
mathématiques.
L'urbanisme doit se méfier des règles mathématiques trop complexes !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Braye,
rapporteur.
La commission est défavorable aux amendements identiques n°s
18 et 46.
J'ai entendu, dans l'argumentaire présenté par Mme Terrade, des phrases que
j'avais pu lire dans la lettre que j'ai reçue du Syndicat national des
aménageurs-lotisseurs, lesquels souhaitent en effet construire partout et
toujours : ils sont, c'est vrai, à l'affût de la moindre petite parcelle, du
moindre petit bout de terrain.
Il est vrai que cela fait le bonheur de certains. J'ai d'ailleurs reçu un
important courrier contre cet amendement de la part de notaires - quoi que
ceux-ci soient un peu à part et souhaitent surtout se simplifier la vie - et de
tous les « bétonneurs ».
Mais quelle solution Mme Terrade apporte-t-elle aux maires ruraux, qui disent
qu'il est possible de densifier ? Je voudrais d'ailleurs la rassurer : dans les
centres urbains, nous continuons à densifier. La restructuration urbaine par
densification se fait tout à fait normalement. En revanche, j'ai reçu toute une
série de lettres, que je ne vous lirai pas, eu égard à l'heure tardive, émanant
de maires de village...
MM. Roland Muzeau et Guy Fischer.
Mais si !
M. Dominique Braye,
rapporteur.
Si vous le souhaitez, je vais le faire, d'autant que je sens
que votre demande vient du coeur.
(Sourires.)
A la question : « Etes-vous favorable à la suppression de la superficie
minimale ? », la réponse n'est pas non, c'est non, non, non ! Un véritable cri
du coeur...
« Etes-vous favorable à la suppression de la surface minimale des terrains
constructibles ? » Non, surtout pas, car on ne peut plus maîtriser l'évolution
de l'urbanisation et cela est source, dans nos villages, de conflits de
voisinage importants.
« Etes-vous favorable au rétablissement d'une disposition permettant aux
communes de fixer une superficie minimale des terrains constructibles ? » Oui,
naturellement, c'est une donnée très importante et facilement compréhensible
pour le public.
Les directeurs d'agence de l'urbanisme m'ont indiqué que les maires de toutes
ces communes leur demandent quel est le moyen d'aboutir aux mêmes résultats
qu'en instaurant une surface minimale. Les agences de l'urbanisme s'efforcent
de définir quinze ou seize paramètres, entre les prospects, les surfaces, les
distances par rapport aux voisins ou par rapport à une ouverture, afin de
pouvoir donner aux maires la solution à leurs problèmes.
Soyons donc réalistes : il s'agit ici de répondre à une vraie demande des
maires ruraux et non pas de sélectionner ou de faire du « tri social », comme
l'a prétendu M. Mano. Je reconnais bien là l'élu parisien que vous êtes, mon
cher collègue ! Dans nos communes, sachez-le, c'est le droit à construire que
l'on achète, et pour cette raison un terrain de 500 mètres carrés vaut le même
prix qu'un terrain de 800 mètres carrés. C'est le droit à construire qui a de
la valeur !
La situation est peut-être différente à Paris, j'en conviens, mais la mesure
que nous préconisons répond surtout aux voeux des élus du reste de la France,
et j'ai la faiblesse de croire que Paris n'est pas la France. La commission
émet donc un avis défavorable sur les amendements identiques n°s 18 et 46.
En revanche, elle est favorable à l'amendement n° 5. Le rapporteur reconnaît
que la formulation qu'il avait retenue n'était pas la meilleure. Il faudra
cependant vérifier, au cours de la navette, qu'il n'existe aucun risque de
contentieux du fait de la rédaction présentée.
Par ailleurs, je souhaiterais, monsieur Alduy, que vous rectifiier votre
amendement en ajoutant, après les mots : « des terrains », le mot : «
constructibles ».
M. le président.
Monsieur Alduy, acceptez-vous la suggestion de M. le rapporteur ?
M. Jean-Paul Alduy.
Oui, monsieur le président.
M. le président.
Je suis donc saisi d'un amendement n° 5 rectifié, présenté par M. Alduy et
ainsi libellé :
« Après les mots : "des terrains constructibles", rédiger ainsi la fin du
texte proposé par l'article 7 pour le 12° de l'article L. 123-1 du code de
l'urbanisme : "dès lors que celle-ci est justifiée par des objectifs
d'urbanisme ou des objectifs techniques ;". »
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien,
ministre.
S'agissant des amendements identiques n°s 18 et 46, le
Gouvernement est sensible au souhait des auteurs de la proposition de loi et
entend donner le maximum de liberté aux élus locaux pour protéger le caractère
architectural ou paysager de leur commune.
Cependant, la faculté laissée aux communes de fixer une superficie minimale
pour les terrains constructibles a parfois pu donner lieu à des excès et à des
dérives, il faut quand même le reconnaître, contre lesquelles il faut se
prémunir.
Le Gouvernement estime, à cet égard, que la rédaction de l'article 7 ne
présente pas, en l'état, toutes les garanties nécessaires. L'amendement de M.
Alduy vise à encadrer la fixation par les communes d'une surface minimale des
terrains constructibles et à définir, avec beaucoup de pertinence, des critères
afin d'éviter, précisément, les dérives. Le Gouvernement y est favorable. Si le
Sénat adopte l'amendement n° 5 rectifié, le Gouvernement s'en remettra, sur
l'article 7, à sa sagesse et, bien sûr, à la volonté des élus locaux.
M. le président.
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 18 et 46.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 5 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 7, modifié.
(L'article 7 est adopté.)
Article 8
M. le président.
« Art. 8. - Après l'article L. 123-1 du même code, il est inséré un article L.
123-1-1 ainsi rédigé :
«
Art. L. 123-1-1. -
Dans les secteurs où un coefficient d'occupation
des sols a été fixé, le plan local d'urbanisme peut prévoir que, lorqu'une
construction est établie sur une partie détachée depuis moins de dix ans d'un
terrain déjà bâti, le calcul des droits à construire résultant de l'application
du coefficient d'occupation des sols prend en compte la surface des
constructions existant sur le reste du terrain.
« En cas de division d'une parcelle bâtie située dans un des secteurs
mentionnés à l'alinéa précédent, le vendeur indique à l'acheteur la surface
hors oeuvre nette des bâtiments existant sur la ou les parcelles concernées.
« Lorsque un plan local d'urbanisme a été approuvé avant l'entrée en vigueur
de la loi n°... du... portant modification de la loi relative à la solidarité
et au renouvellement urbains, la commune peut décider de mettre en oeuvre les
dispositions du premier alinéa du présent article par délibération du conseil
municipal. Le plan local d'urbanisme est alors mis à jour par arrêté du maire.
»
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 19 est présenté par M. Coquelle et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 47 est présenté par MM. Dauge, Mano et les membres du groupe
socialiste, apparenté et rattachée.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer l'article 8. »
La parole est à Mme Odette Terrade, pour présenter l'amendement n° 19.
Mme Odette Terrade.
L'article 8 de la présente proposition de loi constitue en quelque sorte la
suite logique de l'article 7, dans la mesure où il tend à introduire un nouvel
article dans le code de l'urbanisme, destiné apparemment à faire valoir un
impératif de non-densification des constructions.
Mais, ainsi que nous l'avons déjà souligné, il s'agit ni plus ni moins de
rendre inconcevable toute construction d'un type de logements autre que ceux
qui existent déjà dans des espaces urbains constitués.
Dans la pratique, cela reviendra, dans un secteur pavillonnaire, à n'ouvrir de
possibilités de réalisation que pour de nouveaux ensembles pavillonnaires, au
motif qu'il faut préserver l'environnement, alors qu'il s'agit bien plutôt,
dans le droit fil de la philosophie générale de la proposition de loi, de
préserver certaines communes de l'arrivée de populations « inhabituelles ».
Si l'on suit d'ailleurs la logique qui sous-tend cet article, il est également
quasiment impossible de réaliser sur des parcelles, même relativement étendues,
des ensembles locatifs sociaux sous forme de maisons de ville comprenant
plusieurs logements, ce qui correspond pourtant à l'une des réponses les plus
actuelles, en matière de logements HLM, à la demande sociale.
Décidément, cette proposition de loi présente la double caractéristique de
maintenir le
statu quo
quant à la répartition des logements sociaux sur
le territoire national, avec les divergences encore plus marquées que cela peut
recouvrir à l'échelon local, et de favoriser un retour en arrière vers des
procédures d'urbanisation pour le moins dépassées.
Monsieur le rapporteur, certains maires craindraient, selon vous, des
divisions successives et incontrôlées des terrains disponibles sur le
territoire de leur commune.
Mais, au fait, dites-nous qui signe les permis de construire,...
Non, vraiment, pas plus que les précédents, l'article 8 n'offre de réponse
adaptée à la demande sociale de logement dans notre pays.
Au bénéfice de ces observations, nous invitons donc le Sénat à le
supprimer.
M. le président.
La parole est à M. Yves Dauge, pour présenter l'amendement n° 47.
M. Yves Dauge.
Outre que la mise en oeuvre des dispositions de cet article posera des
problèmes, comme cela a été souligné, sur le plan de l'urbanisme, j'attire
l'attention de la commission sur une question juridique.
En effet, un risque juridique existait dans le dispositif antérieur que la loi
SRU a supprimé. Or, en l'occurrence, quelle est la sécurité juridique d'un
dispositif où l'on impose au vendeur d'indiquer la surface hors oeuvre nette
des bâtiments ? Qu'arrive-t-il s'il ne le fait pas ? Qu'arrive-t-il s'il se
trompe ? Qui vérifie ? Très franchement, vous prenez le maximum de risques en
matière de sécurité juridique, monsieur le rapporteur !
Par ailleurs, il est prévu que l'on modifiera le POS par une simple
délibération du conseil municipal, sans qu'il soit procédé à une enquête
publique, bien entendu ! Là, je ne comprends plus ! Je crois qu'il faut revoir
cette affaire très sérieusement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Braye,
rapporteur.
Ces amendements visent à supprimer la nouvelle réglementation
des divisions.
Que l'on me permette de rappeler que les auteurs de la loi SRU ont supprimé
l'obligation d'obtenir un certificat d'urbanisme à l'occasion de toute division
de terrain, en abrogeant l'article L. 111-5 du code de l'urbanisme, dont nous
avons beaucoup parlé en commission. Celui-ci prévoyait que lorsqu'une partie
est détachée d'un terrain dont les droits à construire n'ont été que
partiellement utilisés, il ne peut y être construit que dans la limite des
droits qui n'ont pas été utilisés avant la division. Il s'agissait d'éviter
ainsi que, par des divisions successives, on puisse tourner les règles liées au
coefficient d'occupation des sols, précisées par le conseil municipal. Cela
permettait de prévenir les densifications extrêmes.
Je tiens à vous faire part, mes chers collègues, de l'avis, sur cette
question, de M. Georges Liet-Veaux, agrégé des facultés de droit et professeur
honoraire au Conservatoire national des arts et métiers, paru dans
La
Semaine juridique notariale et immobilière
:
« La thèse officielle, ou en tout cas dominante, aboutit évidemment à
favoriser une fraude bien connue, consistant, de la part d'un propriétaire, à
utiliser sur son terrain une densité maxima, puis à découper ledit terrain en
cédant à un tiers une parcelle nue sur laquelle l'acquéreur revendique à son
tour une densité constructible "autonome", ne tenant pas compte des
constructions réalisées par son vendeur. La loi du 31 décembre 1975 avait été
qualifiée à cet égard par tous les commentateurs de "loi antifraude". »
Je ne veux pas insinuer que les collègues auteurs des amendements sont pour
les fraudeurs, mais je dois livrer l'analyse de M. Liet-Veaux, qui poursuit en
ces termes :
« Avec la thèse officielle analysée ci-dessus, la fraude est ouverte à
nouveau. Comme l'écrit très justement M. Pérignon, la division foncière devient
"en quelque sorte créatrice de nouveaux droits de construire". Le même COS
pourrait être utilisé deux fois. Ce qui fait écrire à Hocreitère : "on peut
s'interroger sur le fait de savoir si le juge, par voie prétorienne, ne
rétablira pas une règle selon laquelle on ne peut consommer plusieurs fois les
mêmes droits de construire". Et Hocreitère renvoie à l'interrogation que se
posait M. Pérignon précité. »
Je propose donc que le juge soit amené à se prononcer et que le Parlement
dispose et fasse preuve de réalisme, afin d'éviter que l'on puisse tourner les
règles posées par le conseil municipal par le biais de l'instauration du
coefficient d'occupation des sols.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien,
ministre.
Le Gouvernement estime tout à fait important et judicieux de
permettre aux élus de contrôler, s'ils le souhaitent, la densité de
l'urbanisation de leur commune.
Par conséquent, le Gouvernement ne peut qu'être défavorable à des amendements
de suppression de l'article 8.
M. le président.
La parole est à M. Yves Dauge, pour explication de vote.
M. Yves Dauge.
J'aurais souhaité que l'on réponde aux questions relatives à la sécurité
juridique du dispositif que j'ai posées : comment compte-t-on garantir cette
sécurité juridique et comment pourra-t-on modifier un POS par simple
délibération du conseil municipal ?
Il faudra bien clarifier ces points !
M. le président.
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 19 et 47.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 8.
(L'article 8 est adopté.)
Article additionnel avant l'article 9
M. le président.
L'amendement n° 6, présenté par M. Alduy, est ainsi libellé :
« Avant l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Le premier alinéa de l'article L. 123-19 du code de l'urbanisme est remplacé
par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les plans d'occupation des sols approuvés avant l'entrée en vigueur de la
loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 ainsi que les plans d'occupation des sols
rendus publics, dont l'approbation est intervenue dans les conditions définies
au troisième alinéa du présent article, demeurent en vigueur jusqu'à leur
prochaine révision selon le régime juridique des plans locaux d'urbanisme. Les
dispositions des articles L. 123-1 et L. 123-2 dans leur rédaction antérieure à
la loi n° 2002-1208 du 13 décembre 2000 ainsi que celles prises pour
l'application de ces articles leur demeurent applicables. Ces dispositions leur
demeurent également applicables dans le cas où ils font l'objet, selon les
modalités définies par le troisième alinéa de l'article L. 123-13, d'une
révision d'urgence concernant un projet présentant un caractère d'intérêt
général.
« Les plans d'occupation des sols approuvés, tels que définis à l'alinéa
précédent, sont soumis au régime juridique des plans locaux d'urbanisme.
Toutefois, pendant un délai de quatre ans à compter de la publication de la loi
n° ... du ..., leur demeurent également applicables les dispositions des trois
premiers alinéas de l'article L. 123-4 dans leur rédaction antérieure à la loi
n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 ainsi que celles mentionnées par cet article
ou prises pour leur application. Demeurent également applicables pendant ce
même délai, dans les communes disposant d'un plan d'occupation des sols
approuvé, les dispositions des articles L. 311-1 à L. 311-7 dans leur rédaction
antérieure à la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 ainsi que celles prévues
pour l'application de ces articles. »
La parole est à M. Jean-Paul Alduy.
M. Jean-Paul Alduy.
Cet amendement relève d'une philosophie simple. Lorsqu'une nouvelle génération
de documents d'urbanisme est élaborée, il vaut mieux, en général, laisser un
peu de temps s'écouler entre la mise en place de ces documents, qui peut
prendre trois ou quatre ans, et l'entrée en application de la loi. Sinon, on
risque de bloquer complètement l'évolution du droit des sols.
Mon amendement vise donc essentiellement à avancer une solution en proposant
que, pendant quatre ans, les plans d'occupation des sols approuvés - j'insiste
: approuvés, et non pas publiés - continuent de s'appliquer suivant les
critères et les procédures antérieurs à l'entrée en vigueur de la loi SRU.
Notamment, les articles L. 311-1 à L. 311-7 du code de l'urbanisme, qui
définissent le régime juridique des zones d'aménagement concerté, les ZAC,
resteront applicables, ce qui permettra l'aménagement des zones d'urbanisation
futures. En effet, à l'heure actuelle, lorsqu'une commune veut modifier 2 000
mètres carrés de terrains situés dans une zone agricole ou naturelle, ou encore
réduire de 100 mètres carrés un espace boisé classé afin de permettre l'accueil
ou l'extension d'activités économiques ou la réalisation de logements ou
d'équipements, elle est tenue d'établir un PLU pour l'ensemble du territoire
communal, ce qui peut demander entre deux et quatre ans. Si nous n'adoptons pas
des mesures de transition souples, nous risquons de créer une véritable pénurie
foncière qui entraînera une spéculation foncière et, par voie de conséquence,
une réelle ségrégation sociale dans l'espace.
L'amendement n° 6 vise donc à proroger de quatre ans la validité des plans
d'occupation des sols, et je proposerai ultérieurement une disposition analogue
pour les plans d'aménagement de zone, les PAZ, qui doivent disparaître au
profit des zones d'aménagement concertées et des PLU, afin de leur laisser le
délai précisément nécessaire à l'élaboration de la nouvelle génération des
documents d'urbanisme conformes à la loi SRU.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Braye,
rapporteur.
Le défaut essentiel de la loi SRU, nous l'avons bien
souligné, consistait dans l'absence de mesures de transition entre les anciens
et les nouveaux documents. Manifestement, cela crée un véritable problème,
puisque l'on rencontre des points de blocage un peu partout.
L'amendement de notre collègue M. Alduy satisfait tout à fait la commission,
car les collectivités locales se verront accorder un délai de quatre ans pour
préparer sereinement les nouveaux documents.
M. Alduy nous propose la transition que nous souhaitions ; nous sommes donc
favorables à son amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien,
ministre.
Le Gouvernement estime lui aussi indispensable que les communes
puissent faire évoluer leur plan d'occupation des sols en attendant l'adoption
d'un plan local d'urbanisme.
Cette disposition, je l'ai souligné pendant la discussion générale, est un
élément du projet de loi qu'examine actuellement le Conseil d'Etat et qui sera
soumis très prochainement au Parlement.
Le Gouvernement souhaitant recueillir l'avis du Conseil d'Etat sur son projet
de loi, et particulièrement sur cette mesure, il demande respectueusement à M.
Alduy de bien vouloir retirer son amendement, en l'assurant que cette question
reviendra très prochainement en discussion devant le Parlement, et sous une
forme très voisine.
M. le président.
L'amendement est-il maintenu, monsieur Alduy ?
M. Jean-Paul Alduy.
Je le retire, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° 6 est retiré.
Article 9
M. le président.
« Art. 9 - Après le premier alinéa de l'article L. 123-19 du même code, sont
insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Dans les zones délimitées par un plan d'occupation des sols, maintenu en
vigueur en application de l'alinéa précédent, où existe un coefficient
d'occupation des sols, le calcul des droits à construire résultant de ce
coefficient d'occupation des sols est de plein droit effectué dans les
conditions définies au premier alinéa de l'article L. 123-1-1. Dans ces
secteurs, les dispositions du deuxième alinéa du même article s'appliquent.
« Toutefois, la commune peut, par délibération du conseil municipal, décider
de ne pas appliquer les dispositions de l'alinéa précédent, dans tout ou partie
des zones du plan d'occupation des sols. Le plan d'occupation des sols est
alors mis à jour par arrêté du maire. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 20 est présenté par M. Coquelle et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 48 est présenté par MM. Dauge, Mano et les membres du groupe
socialiste, apparenté et rattachée.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer cet article. »
La parole est à M. Yves Coquelle, pour défendre l'amendement n° 20.
M. Yves Coquelle.
L'article 9 de la proposition de loi visant simplement, une fois de plus, à
tirer une conséquence quasi mécanique du dispositif arrêté dans les articles
précédents, il appelle naturellement de notre part les mêmes observations.
Encore une fois, il s'agit de revenir en arrière et de prendre en compte la
rédaction antérieure à la loi SRU en matière d'occupation des sols, ce qui
signifie un retour à la règle des POS. Dans les faits, pour des raisons déjà
évoquées par ailleurs, nous ne pouvons accepter ce qui est proposé ici, puisque
la dimension d'approche globale propre à la détermination des plans locaux
d'urbanisme disparaît, une fois de plus, derrière la logique interne de la
proposition de loi, qui est plus restrictive.
C'est la raison pour laquelle nous vous invitons à supprimer l'article 9.
M. le président.
La parole est à M. Yves Dauge, pour présenter l'amendement n° 48.
M. Yves Dauge.
Je n'ai rien à ajouter à ce que vient de dire excellemment M. Coquelle.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Braye,
rapporteur.
S'agissant d'amendements de suppression, et pour les mêmes
raisons que celles qui ont été longuement développées lors de l'examen de
l'article 8, votre rapporteur donne un avis défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien,
ministre.
Défavorable, monsieur le président.
M. le président.
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 20 et 48.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 9.
(L'article 9 est adopté.)
Article 10
M. le président.
« Art. 10. - L'article L. 122-2 du code de l'urbanisme est abrogé. »
Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° 21 est présenté par M. Coquelle et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 49 est présenté par MM. Dauge, Mano et les membres du groupe
socialiste, apparenté et rattachée.
L'amendement n° 53 rectifié est présenté par MM. Goulet, de Montesquiou, Türk
et Demilly.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer cet article. »
L'amendement n° 7, présenté par M. Alduy, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi cet article :
« A la fin du dernier alinéa de l'article L. 122-2 du code de l'urbanisme, les
mots : "à compter du 1er juillet 2002", sont remplacés par les mots : "à
compter du 1er juillet 2004". »
La parole est à M. Yves Coquelle, pour défendre l'amendement n° 21.
M. Yves Coquelle.
Après de longs débats portant sur l'ensemble des problèmes soulevés par le
développement urbain, en particulier dans les zones de notre pays où il est
relativement récent, l'adoption de l'article L. 122-2 du code de l'urbanisme,
lors de l'examen du projet de loi SRU, avait permis de définir de nouvelles
règles législatives.
Les principes de cet article visaient notamment, à ce que le développement
futur des agglomérations soit en quelque sorte pensé plus collectivement, non
seulement en fonction de la volonté politique de tel ou tel élu local, mais
également en fonction de la cohérence entre développement des lieux
d'habitation, activité économique et infrastructures.
C'est au terme de la discussion que s'était trouvée déterminée cette règle des
quinze kilomètres, qui paraît aujourd'hui si contraignante et inadaptée.
Que les choses soient claires : poser de nouvelles règles au développement des
agglomérations futures est la moindre des choses si l'on ne souhaite pas voir
s'accentuer dans les années à venir, certains des travers dont nous avons
hérité avec les ZUP des années soixante.
La pression foncière tend en effet à se renforcer de manière significative
dans les espaces péri-urbains, et singulièrement dans des zones de plus en plus
éloignées des centres d'agglomération. Il est à craindre que certaines des
contraintes déjà observées dans le passé pour les grands ensembles de logement
collectif ne commencent à apparaître, y compris dans ces secteurs.
Quant à l'article 10, dont l'adoption rendrait en fait inopérante la procédure
du schéma de cohérence territoriale, il ne fait que porter en germe les
conditions d'un développement urbain déséquilibré dont les habitants feront les
frais dans les années à venir.
Que voulez-vous, monsieur le rapporteur ! Nous ne sommes pas plus partisans
des cités HLM dortoirs, sans activités économiques ou commerciales dignes de ce
nom, que des lotissements pavillonnaires à architecture répétitive, sans plus
de services de proximité disponibles que dans les premières ; c'est pourtant
cela que vous voulez permettre en demandant la suppression de l'article L.
122-2 du code de l'urbanisme.
Vous comprendrez donc que nous proposions, là encore, la suppression pure et
simple de l'article 10 de la proposition de loi.
M. le président.
La parole est à M. Yves Dauge, pour défendre l'amendement n° 49.
M. Yves Dauge.
L'article 10 tend à supprimer un élément central de la loi SRU dont la
disparition porterait un coup fatal à toute la politique de planification que
les schémas de cohérence territoriale visaient à relancer.
Il faut bien comprendre l'articulation entre ce dispositif et les SCOT.
Si nous avions, à l'époque, arrêté le chiffre de quinze kilomètres, c'était
pour des raisons qui tenaient aux zones de chalandise des équipements
commerciaux. Nous étions alors un certain nombre sur ces travées à être
soucieux d'éviter que les équipements commerciaux ou les complexes de cinémas
ne continuent de s'implanter - comme on constate qu'ils ont actuellement
tendance à le faire -, dans une deuxième couronne, sortant des agglomérations,
vidant celles-ci de leur substance commerciale et les privant des mètres carrés
dont nous avons besoin, monsieur le ministre, pour faire revivre les
quartiers.
On ne peut pas jouer deux cartes contraires en même temps !
Vous l'avez dit très justement, monsieur le ministre, nous voulons engager le
renouvellement urbain, et vous affirmez être désireux d'accentuer cette
politique. Comment y parviendrons-nous ? Grâce au logement, certes, mais aussi
grâce aux activités et au commerce. Si vous laissez le commerce s'implanter en
pleine zone rurale, là où il n'y a pas de taxe professionnelle, quitte à
consommer encore un peu plus d'espace agricole, très bien ! Continuons les
errements du passé, laissons ce dispositif se mettre en place, et nous en
verrons les conséquences sur la périphérie des villes que nous voulons
reconstruire ! Nous sommes sur le point de « faire de la ville » à partir d'une
urbanisation qui n'avait pas encore pris en compte ces éléments d'animation :
c'est dans ces quartiers-là qu'il nous faut les centres commerciaux !
J'entends beaucoup de sénateurs défendre les petites communes rurales. Je veux
bien ! Je comprends que nombre de maires ruraux soient ravis de voir arriver
sur leur territoire des équipements commerciaux qui vont se situer entre la
ville secondaire et l'agglomération ! Mais ils feront perdre à l'une et à
l'autre leurs chances de devenir des villes équilibrées, cohérentes ; et, ce
faisant, on aura détruit l'espace rural. Nous avons vécu suffisamment de ces
scénarios incohérents !
Je pense très sincèrement que ce que je suis en train de dire là relève du
simple bon sens. Ce n'est pas de l'idéologie, comme certains voudraient nous le
faire croire !
M. Hilaire Flandre.
C'est naturel, l'idéologie !
M. Yves Dauge.
C'est du bon sens, c'est de l'observation, et je vous alerte très
sérieusement, chers amis, sur cette gravissime question. Je suis tout de même
surpris devant l'irresponsabilité d'une commission des affaires économiques qui
nous invite à balayer l'existant d'un coup, dans la précipitation, et, je le
répète, d'une manière irresponsable, monsieur le rapporteur. Vous nous
rétorquez que vous avez écrit aux maires, que les maires vous ont dit... Vous
pouvez interroger beaucoup de maires, j'en suis un, moi aussi, et, après tout,
je vaux autant que d'autres. Eh bien, moi, je ne suis pas du tout d'accord avec
cette attitude !
Les maires de France ne veulent pas que nous adoptions de lois qui, c'est
vrai, apportent quelques contraintes. Mais la loi, je le répète, est justement
faite pour apporter un certain nombre de contraintes ! Et cette loi,
précisément, est nécessaire, pour des questions fondamentales d'équilibre du
territoire.
En tant que législateurs, nous n'avons pas à nous retrancher derrière les
enquêtes que nous avons pu faire, ni derrière les maires qui veulent ceci ou
cela. Tel n'est pas le rôle du Parlement ! Le rôle du Parlement, tel que je le
conçois, consiste à prendre en compte l'intérêt général, à faire une analyse
objective, à prendre un peu de recul, quitte à se mettre en désaccord avec
certains élus locaux. C'est ce qui m'arrive dans mon département, où je tiens
le même discours !
Mais nombreux sont aussi les maires qui me soutiennent, y compris des maires
de centres-bourgs importants qui, sans que la population de leur commune
atteigne 15 000 habitants, s'inquiètent vivement de la déstructuration des
villes qu'entraînera la disparition des éléments qui auraient dû nous permettre
de reconstituer la vie urbaine, de tenir la ville dans ce qu'elle a
d'essentiel, plutôt que de la voir continuer à se détruire.
Je connais bien la politique des promoteurs : ils se placent en terrain rural
aux portes des échangeurs autoroutiers. Je peux vous donner le nom des communes
d'Indre-et-Loire - j'ai le cas dans ma propre commune - où l'on prépare
actuellement les acquisitions foncières à proximité des échangeurs, parfois
d'ailleurs payées par le département - il croit que c'est ainsi que nous allons
développer notre territoire -, et où les grands centres de services et les
supermarché vont venir s'installer.
Le dispositif des quinze kilomètres figurant dans la loi SRU a bloqué ces
tentatives. Les schémas de cohérence territoriale sont en train de se mettre en
place. C'est très net.
Bien que je sois maire d'une commune de 10 000 habitants et non de 15 000
habitants, j'essaie actuellement d'élaborer un schéma de cohérence territoriale
qui va jouxter l'agglomération tourangelle pour qu'il y ait une continuité
entre les deux communes, et nous tenterons de gérer cette question grave des
opérations pirates que j'évoquais à l'instant et qui nous portent grand
tort.
Certes, quelques maires ruraux ne seraient pas mécontents de récupérer des
équipements parce que cela leur apporterait de la taxe professionnelle. Mais,
pour ma part, je ne suis pas d'accord avec cette consommation excessive de
l'espace rural. Soyons économes dans notre consommation de l'espace ! Nous
avons assez consommé comme cela !
(M. Hilaire Flandre s'exclame.)
Vous dites que nous voulons densifier. C'est faux ! Le problème n'est pas là.
Il s'agit d'un problème d'équilibre, d'harmonie entre les territoires et de
cohérence.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Gérard Larcher,
président de la commission.
Monsieur Dauge, vous souvenez-vous des
conditions dans lesquelles le texte concernant la règle des quinze kilomètres
est arrivé ? Je voudrais que vous en ayez un souvenir précis.
C'est le 9 mars 2000, quand le secrétaire d'Etat s'est aperçu que l'ensemble
du territoire était couvert par des schémas de cohérence territoriale qui
paralysaient tout, que cette règle a été inventée.
M. Pierre Hérisson.
Exactement !
M. Gérard Larcher,
président de la commission.
Vous parlez de nos études. Y a-t-il eu des
études à l'origine de l'amendement de M. Rimbert, rapporteur ? Il y a eu le
constat que l'on était arrivé à la quintessence de l'aberration dans ce texte
en matière d'urbanisme.
M. Bruno Sido.
Voilà !
M. Gérard Larcher,
président de la commission.
Et, arrivant dans la quintessence de
l'aberration, on s'est demandé comment sortir de la paralysie totale. Sur un
coin de table, on a donc élaboré la règle des quinze kilomètres.
M. Yves Dauge.
Mais non !
M. Gérard Larcher,
président de la commission.
Je cite M. Besson : « J'ai déjà eu l'occasion
d'indiquer qu'il n'était pas dans notre intention de couvrir l'ensemble du
territoire national de schémas de cohérence territoriale. Il est en effet sage
de ne pas soumettre à une règle contraignante des communes éloignées des
agglomérations ou de leur imposer de participer à un schéma de cohérence
territoriale. » Voilà quelles étaient les conditions de l'élaboration de ce
qu'on nous présente comme l'alpha et l'omega !
Moi qui suis un élu et qui ai élaboré depuis longtemps - bien avant tous ces
textes - des schémas d'urbanisme dans le sud du département des Yvelines, j'y
suis favorable. J'avais d'ailleurs présenté une proposition et fait quelques
rapports sur ce sujet. Mais je crois qu'il ne faut pas faire l'alpha et l'omega
de cette règle - je rappelle le débat : est-ce circulaire, annulaire ? - et des
discussions de mars 2000.
Nous savons que le Gouvernement prépare un texte, et nous souhaitons aller
plus loin et envoyer un signal. C'est en effet aussi le rôle du Parlement. Le
rôle du Parlement n'est pas seulement de repousser de janvier à juillet, puis
de juillet à janvier l'application des dispositions qui présentent des
difficultés. Voilà pourquoi nous avons choisi de supprimer l'article L. 122-2
du code de l'urbanisme, car nous constatons que ce n'est pas un bon texte.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants. - M. Pierre Hérisson applaudit également.)
M. le président.
La parole est à M. Daniel Goulet, pour présenter l'amendement n° 53
rectifié.
M. Daniel Goulet.
Je voudrais dire d'entrée de jeu à M. le président Larcher, à M. le rapporteur
et aux membres de la commission que l'objet de cet amendement n'a rien à voir
avec l'objet des deux amendements identiques qui viennent de nous être
présentés. En effet, nous sommes parfaitement solidaires des dispositions
présentées par le rapporteur, car nous ne sommes pas, nous non plus, favorables
au maintien de la règle des quinze kilomètres, qui peut contribuer, nous le
savons, à geler dans certains cas les constructions.
Mais nous avons voulu attirer l'attention du Gouvernement, comme l'avait fait
fort pertinemment tout à l'heure notre collègue M. Alduy, en évoquant la
possibilité de prévoir une période de transition en cas de modifications dans
les dispositions d'urbanisme ou autres. Ce serait particulièrement nécessaire
quand certaines communes sont englobées malgré elles dans le périmètre.
Que vont devenir ces dernières qui n'ont pas attendu, comme d'autres, que les
dispositions au-delà du 31 décembre de l'année en cours tombent dans le domaine
public, si je puis dire ?
Monsieur le ministre, les propos que j'ai tenus cet après-midi peuvent-ils
constituer un élément de réflexion...
M. Gilles de Robien,
ministre.
Bien sûr !
M. Daniel Goulet.
... pour que, en décembre, lorsque vous présenterez votre projet de loi, vous
puissiez, après y avoir réfléchi, nous dire ce que vous pensez faire ?
En effet, c'est là, je crois, que nous serons utiles.
Le fait d'avoir évoqué ce sujet-là n'est pas du tout en contradiction avec ce
que les parlementaires, en contact avec le terrain, doivent vous apporter comme
élément de réflexion. Votre réponse sera ce qu'elle sera, monsieur le ministre.
Mais, d'entrée de jeu, je retire mon amendement.
M. le président.
L'amendement n° 53 rectifié est retiré.
La parole est à M. Jean-Paul Alduy, pour présenter l'amendement n° 7.
M. Jean-Paul Alduy.
Parce qu'elle est brutale et systématique, la règle des quinze kilomètres
pose, à l'évidence, sur le terrain, de nombreux problèmes d'application.
Que faut-il en faire, alors ? La supprimer sans rien mettre à la place ?
L'adapter ? Personnellement, comme pour l'amendement précédent, je suis plutôt
favorable au fait de se donner du temps. Et se donner du temps, c'est tout
simplement prolonger encore de deux années l'entrée en vigueur de l'article L.
122-2 du code de l'urbanisme. Je vous signale, d'ailleurs, monsieur le
ministre, mes chers collègues, que l'entrée en vigueur de cet article a déjà
été repoussée de six mois au 1er juillet 2002.
M. Gérard Larcher,
président de la commission.
C'est vrai !
M. Jean-Paul Alduy.
Je propose donc, par cet amendement, de la repousser jusqu'au 1er juillet
2004. On se donnerait ainsi le temps de bien réfléchir à ce qui remplacera la
règle des quinze kilomètres.
Cela permettrait également aux syndicats intercommunaux, qui sont déjà mis en
place pour étudier les SCOT, de commencer à se forger une doctrine et, à partir
de là, d'être capables d'accorder des dérogations. En effet, les dérogations
sont délivrées non plus par les préfets, mais par les syndicats d'élaboration
des SCOT, dès lors qu'ils existent.
Par conséquent, au bout de deux ans de réflexion, ces syndicats se seront «
fabriqué » une doctrine. Ils auront la capacité d'octroyer des dérogations et
donc de permettre d'adapter cette règle de la constructibilité limitée.
Mon amendement vise donc à prolonger ce délai de deux ans. La suppression
brutale de la règle des quinze kilomètres risquerait d'être interprétée comme
un assouplissement de l'obligation d'élaborer des schémas de cohérence
territoriale, comme le signe que l'on peut attendre que la planification
spatiale en France reprenne ses droits à un moment où l'on parle de
développement durable, où la gestion économe et intelligente de l'espace
devient une question essentielle qui suppose un travail de planification à long
terme sur de vastes périmètres autour des villes-centres.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Braye,
rapporteur.
Je ne reviendrai pas sur les excellents arguments qu'a
développés M. le président de la commission.
Monsieur Dauge, nous ne sommes pas opposés à la planification. Nous pensons au
contraire qu'elle est indispensable. Nous ne souhaitons pas laisser chaque
maire agir dans son coin, parfois aux dépens des communes voisines. Toutefois,
force est de constater que l'application uniforme de la règle des quinze
kilomètres sur tout le territoire n'est pas du tout adaptée.
En 2003, M. le ministre l'a confirmé, une réflexion globale sera engagée sur
l'ensemble de ces textes. Cette réflexion sera difficile.
La commission souhaite que cette réflexion se déroule sans aucune pression.
Or, si nous imposons une échéance trop proche, nous ne supprimerons pas
l'omniprésence des préfets qui poussent les maires des petites communes à
franchir le pas alors que ces derniers ne le veulent pas. Nous éloignerons le
pistolet, mais le pistolet restera chargé et toujours braqué sur les maires des
petites communes. Or, nous savons comment réagissent ces maires. Il faut donc
se donner le temps de la réflexion ; mais, pour avoir une réflexion vraiment
sereine et constructive, il faut qu'aucun élu ne soit sous pression, notamment
sous celle des préfets ; sinon, ces derniers diront aux maires : « Si vous ne
vous dépêchez pas, dans un an, vous serez contraints d'y passer ! »
Quand notre collègue Yves Dauge dit qu'il faut inciter, c'est non pas de
l'incitation, mais plutôt de la contrainte. Peut-être faudra-t-il un jour
contraindre, mais il faudra alors le faire dans de meilleures conditions, ne
pas traiter Cahors et Mazamet de la même façon que Paris, Lyon et Marseille, et
peut-être faudra-t-il - en avons-nous la capacité ? - trouver un système
intelligent qui corresponde à une bonne planification sur notre territoire.
Voilà pourquoi, mes chers collègues, la commission souhaite non pas un report
de l'application de l'article L. 122-2 du code de l'urbanisme, mais une
suppression de ce dernier, étant entendu que cette suppression n'est sûrement
pas, dans notre esprit, une suppression de la planification.
Nous souhaitons cette suppression pour réfléchir sans contrainte, mais je
garantis, au nom de la commission - nous en avons discuté -, qu'il faudra
remettre l'ouvrage sur le métier de façon à trouver un bon système qui s'adapte
sur l'ensemble du territoire français et qui ne soit pas, comme l'a rappelé M.
le président de la commission, un gosplan urbanistique tel qu'il avait été
prévu au départ et dont on a essayé de sortir par la règle des quinze
kilomètres élaborée sur le coin d'une table.
La commission émet un avis défavorable sur les amendements n°s 21, 49 et 7.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien,
ministre.
Le Gouvernement est évidemment tout à fait conscient des
problèmes que pose la règle des quinze kilomètres, problèmes qui ont été fort
bien rappelés pendant le débat. C'est une règle qui conduit à geler des
terrains : on est en manque de terrains, on ne peut pas construire ; c'est une
règle qui oppose inutilement le rural et l'urbain ; enfin, c'est une règle qui
s'applique de façon uniforme à des situations fort différentes.
Le Gouvernement estime indispensable - je l'ai dit dans mon propos liminaire
et je le répète - d'apporter rapidement une solution à ces problèmes. Elle a
donc choisi de traiter ce sujet dans le projet de loi examiné par le Conseil
d'Etat.
Avant de présenter les dispositions que le Gouvernement soumettra à votre
examen d'ici à quelques semaines, mesdames, messieurs les sénateurs, je
souhaite dire clairement que les problèmes posés par la règle des quinze
kilomètres ont été aussi décuplés par une application trop rigide sur le
terrain.
Indépendamment du projet de loi qui sera probablement finalement adopté par le
Parlement, le Gouvernement entend donner des instructions claires pour une
application raisonnable et conforme en cela à la volonté du législateur. Sans
anticiper sur le débat - nous aurons l'occasion, lors de l'examen du texte du
Gouvernement, d'en débattre longuement - je souhaite vous en présenter les
grandes lignes « en primeur », si je puis dire, monsieur le président de la
commission, monsieur le rapporteur.
La règle des quinze kilomètres, vous le savez, concerne les communes qui sont
dotées d'un plan d'occupation des sols ou d'un plan local d'urbanisme. Dans ces
communes, le POS définit trois types de terrains : les zones urbaines, les
zones d'urbanisation future et les zones naturelles et agricoles. Dans sa
rédaction actuelle, la règle des quinze kilomètres limite la possibilité pour
les communes de modifier ou de réviser leur POS pour rendre constructibles les
zones d'urbanisation futures ou les zones naturelles et agricoles.
Le projet du Gouvernement lève, justement, cette contrainte pour les zones
d'urbanisation future délimitées par le POS avant l'entrée en vigueur de la
mesure du 1er juillet 2002. L'Etat, en effet, en acceptant ce POS, avait, de
fait, accepté une urbanisation future de ces terrains. Il n'y a donc pas lieu
de l'empêcher. En d'autres termes, tous les terrains dont les élus avaient
prévu l'urbanisation dans leur POS, même à moyen terme, échapperont à la règle
des quinze kilomètres.
Seuls y resteraient soumis, et cela paraît normal, les terrains agricoles et
naturels, ainsi que les équipements commerciaux, qui sont soumis à la
commission départementale d'équipement commercial, la CDEC.
Cette évolution permet aux communes de poursuivre le développement planifié.
Elle laisse le temps de définir localement les solutions les plus
raisonnables.
Telles sont les grandes lignes du projet gouvernemental que nous aurons
bientôt l'occasion d'examiner ensemble.
Quant à l'abrogation complète de la règle des quinze kilomètres, elle ne peut
qu'être écartée par le Gouvernement. Une telle mesure présenterait le risque de
bloquer les démarches d'élaboration du SCOT en cours, en fragilisant les
difficiles consensus locaux. Les deux tiers des agglomérations de plus de 50
000 habitants ont engagé la réalisation d'un SCOT. Il ne faut pas leur
compliquer la tâche aujourd'hui. Cela irait à l'encontre de la volonté de
concertation affichée par le Gouvernement en amont de la mise en cohérence des
lois Chevènement, Voynet et SRU.
Dès mardi prochain, avec Nicolas Sarkozy, Jean-Paul Delevoye et Patrick
Devedjian, nous recevrons les principales associations d'élus. Bien sûr, rien
n'exclut
a priori
que, dans ce cadre, une réforme plus approfondie soit
étudiée.
Enfin, le Gouvernement pense qu'il ne serait pas raisonnable de supprimer la
règle des quinze kilomètres sans prévoir de dispositions transitoires
incitatives. Sinon, il y aurait, dans une certaine mesure, un vide
juridique.
Dans ces conditions, le Gouvernement ne peut qu'être favorable aux amendements
de suppression de l'article 10, qu'il a d'ailleurs eu la surprise de découvrir.
J'espère, mesdames, messieurs les sénateurs, que ces précisions sont de nature
à vous rassurer sur la volonté du Gouvernement, qui a, en tout cas, bien
entendu votre message.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Gérard Larcher,
président de la commission.
Je fais confiance au Gouvernement, mais je ne
suis pas rassuré pour autant. Si l'on accorde au Parlement un aussi large
pouvoir d'initiative qu'on ne l'a fait au cours de cette soirée, cela augure
mal, me semble-t-il, de l'évolution sensible que nous souhaitons pour une règle
qui, je le rappelle, a été inventée pour sortir d'un schéma de paralysie
totale. Tel est le premier point que je souhaitais évoquer clairement. Vous
nous avez réservé la primeur des grandes lignes de votre texte, monsieur le
ministre, je vous donne la primeur de ma réaction qui, naturellement, n'est que
personnelle à cet instant.
J'en arrive au second point. Vous me permettrez, à cet égard, de rappeler
quelques faits.
En 1995, j'ai eu l'honneur de rapporter ici un texte sur l'aménagement et le
développement du territoire. Les services du ministère m'avaient assuré que les
directives territoriales d'aménagement seraient prises avant trois ans ou cinq
ans au maximum. Or pas une n'a vu le jour, excepté un texte sans importance sur
Nice qui était préparé à l'avance. Imaginons qu'on ait limité les possibilités
de constructibilité concernant, pour reprendre une observation de M. Dauge, les
schémas de sortie d'autoroute. Cela faisait bien partie des réflexions sur les
directives territoriales d'aménagement, les DTA ! Mais voilà aujourd'hui sept
ans que les services de votre ministère, monsieur le ministre, ont été
incapables de diffuser une directive territoriale d'aménagement.
Il nous faut donc envoyer un signal fort pour que, au travers de votre projet
de loi, dont nous ne pouvons que nous réjouir mais qui nécessitera, nous le
sentons bien, un profond travail d'amendement - je le dis franchement - nos
collègues réfléchissent pour savoir, sur un sujet aussi essentiel, quelle devra
être la nature du nouveau dispositif. J'ai le souvenir de 1995. Je fais
confiance au Gouvernement mais, en même temps, je pense qu'il est du rôle de
notre Haute Assemblée d'envoyer ce signal.
(Applaudissements sur les travées
du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote sur les amendements
identiques n°s 21 et 49.
M. Charles Revet.
Monsieur le ministre, même si le Parlement décidait de suspendre certaines
dispositions, rien n'interdirait, me semble-t-il, à des collectivités de
s'organiser volontairement.
Je voudrais dire à notre collègue Yves Dauge que j'ai participé, ces quinze
derniers jours, à deux réunions importantes, dont l'une, l'assemblée des
maires, se tenait dans mon département. M. Charasse y a participé, à
l'invitation du président de l'association des maires, et je peux vous assurer
qu'il a été applaudi par tous les participants lorsqu'il est intervenu sur le
sujet. Je peux comprendre, monsieur Dauge, que vous ne soyez pas nécessairement
en phase avec notre collègue Michel Charasse, mais je peux vous assurer qu'il a
lui-même reconnu, comme l'ensemble des maires, que ce dispositif était beaucoup
trop lourd.
J'ai aussi entendu, avec 1 500 conseillers généraux, le message extrêmement
clair qui nous a été adressé par le chef du Gouvernement à Strasbourg, que ce
soit au sujet des CRADT ou des PLU.
Monsieur le ministre, pour illustrer mon propos, j'évoquerai la situation qui
est celle que connaît mon secteur actuellement.
Un certain nombre de communes de mon canton et des cantons voisins ont voulu
modifier leur plan d'occupation des sols. Il se trouve que nous sommes situés
dans un rayon de quinze kilomètres de Fécamp, dans une ville de plus de 20 000
habitants, donc avec une obligation de SCOT. Le préfet nous ayant dit que nous
ne pouvions pas engager la procédure de modification de notre document
d'urbanisme sans qu'un SCOT ait été élaboré, nous avons donc décidé de nous
réunir pour faire le SCOT. Or la communauté de communes de Fécamp, pour avoir
une dotation plus importante, a pris la compétence de l'urbanisme. « Si l'on se
met ensemble pour faire le SCOT, nous a-t-elle dit, je suis obligée de vous
redonner ma compétence et je vais perdre une partie de ma dotation. Je ne suis
donc pas d'accord. Alors, confiez-moi, à moi, communauté de communes, le soin
d'élaborer le SCOT pour l'ensemble du pays des Hautes Falaises », puisque c'est
de ce pays qu'il s'agit.
Voilà deux ans, monsieur le ministre, que la situation est bloquée. Rien n'est
fait et nous ne pouvons pas modifier nos documents d'urbanisme, alors que la
demande existe, que la pression est extrêmement forte sur le foncier. Des
familles qui veulent construire ne trouvent pas de terrain car plus aucun n'est
disponible, ou alors à des prix dissuasifs. Il me paraît donc tout à fait
indispensable de jouer la carte de l'ouverture.
Je crois que les dispositions qui sont préconisées et qui, je l'espère, vont
être adoptées devraient permettre de donner un peu de souplesse aux
collectivités.
J'ajoute, et vous me pardonnerez de ne pas être tout à fait d'accord avec
vous, monsieur le ministre - une fois n'est pas coutume - que les terrains
disponibles pour une urbanisation future sont en nombre restreint puisque,
depuis déjà de longues années, les directives adressées tendent à limiter les
emprises foncières dans le cadre des documents d'urbanisme. L'ouverture qui
pourrait être donnée serait, de fait, extrêmement limitée.
Je terminerai par une anecdote. Le chef-lieu du canton dont je suis l'élu
avait commencé la révision de son plan d'occupation des sols avant le lancement
des SCOT. On a eu beaucoup de difficultés à le faire aboutir. Les services de
l'Etat obligeaient le maire à diminuer les emprises foncières en le menaçant de
ne pas adopter le document d'urbanisme, c'est-à-dire le plan d'occupation des
sols de l'époque, s'il s'y refusait.
Monsieur le ministre, des messages forts ont été adressés : je les rappellerai
dans un instant en défendant l'amendement de notre collègue M. Jean
François-Poncet. Il nous faut répondre à cette attente, car nous sommes face à
un enjeu extrêmement important en termes d'aménagement du territoire.
M. le président.
La parole est à M. Pierre Jarlier, pour explication de vote.
M. Pierre Jarlier.
J'ai eu l'impression, pendant un moment, de me retrouver deux ans en arrière,
alors même que les débats ont été très longs sur cette question.
En effet, il faut savoir que le Sénat avait proposé une alternative à ce
dispositif des quinze kilomètres qui était fondée, non pas sur des mesures
coercitives, mais sur des mesures volontaristes ; nous pensions qu'il était
important de consulter les communes périphériques, de les associer à
l'élaboration des schémas de cohérence territoriale afin de maîtriser ce qui se
fait dans lesdites communes périphériques sans toutefois, bien sûr, en bloquer
le développement. Malheureusement, nous n'avons pas été entendus alors. Or je
crois que le système qui a été mis en place entraîne de nombreux blocages, de
nombreux conflits - on en a parlé tout à l'heure - et est également susceptible
de créer dans bien des cas des situations contentieuses.
Quelle est la bonne solution ? Faut-il prévoir quinze, dix-huit, vingt
kilomètres ? De toute façon, dès lors que l'on trace un trait au compas, on
sait que la situation ne sera pas satisfaisante. Il faut donc envisager autre
chose.
Quelquefois, en particulier dans certains secteurs ruraux, nous sommes dans
des situations extrêmement difficiles, qui peuvent poser de nombreux problèmes
aux communes. Il faut évidemment trouver une solution qui permette la cohérence
territoriale d'aménagement. Si nous avons défini ce nouveau document
d'urbanisme qu'est le schéma de cohérence territoriale, c'est justement pour
assurer un développement harmonieux sur un territoire, mais également pour
éviter des micro-concurrences avec des territoires riverains. On sait les
conséquences difficiles qu'elles peuvent entraîner, surtout en matière
d'équipement commercial, comme on l'a vu trop souvent sur des communes
périphériques.
Monsieur le ministre, vous vous êtes engagé à trouver une solution dans un
avenir proche. Mais je rejoins quand même la position du président de la
commission des affaires économiques lorsqu'il nous dit qu'il faut un signal
parce que, aujourd'hui, la situation est bloquée. En votant dans le sens
souhaité par la commission des affaires économiques, nous adresserons un signal
fort qui sera peut-être assimilé à une suspension plus qu'à une suppression,
car, dans quelques jours, nous aurons à rediscuter avec vous de ce
dispositif.
C'est la raison pour laquelle, ayant entendu vos propositions, qui me semblent
intéressantes, nous pouvons envoyer dans l'immédiat ce message fort en votant
le texte tel que la commission des affaires économiques nous le propose.
M. le président.
La parole est à M. Philippe Arnaud, pour explication de vote.
M. Philippe Arnaud.
Je suis à la fois perplexe et ennuyé, comme un certain nombre d'entre vous
peut-être, mes chers collègues. Comme vous, j'ai bien mesuré le problème que
pose, sur le terrain, l'application de la règle des quinze kilomètres :
blocages, contentieux, conflits en tous genres, paralysie de certains
projets.
Cela dit, entre la rigidité du texte, voire la stupidité des quinze kilomètres
arbitraires, et l'absence totale de règle, j'ai quelques hésitations.
J'ai entendu M. le président de la commission des affaires économiques plaider
pour l'envoi d'un signal fort. Je considère pour ma part que la nature des
débats, la vigueur des interventions constituent un signal fort qui a été
envoyé au Gouvernement.
Puisque, monsieur le ministre, vous vous êtes engagé à modifier ce dispositif,
à en corriger les effets pervers à travers un texte gouvernemental, je
considère que ce signal fort a été envoyé. Je fais, moi, confiance au
Gouvernement et je suivrai son avis.
M. le président.
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 21 et 49.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe des
Républicains et Indépendants.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du
règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Nombre de votants | 320 |
Nombre de suffrages exprimés | 320 |
Majorité absolue des suffrages | 161 |
Pour l'adoption | 115 |
Contre | 205 |
Je mets aux voix l'amendement n° 7.
M. Jean-Paul Alduy. Je le retire, car il n'a plus de signification dès lors que l'on a supprimé la règle de la constructibilité limitée.
M. le président. L'amendement n° 7 est retiré.
Je mets aux voix l'article 10, modifié.
(L'article 10 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 10
M. le président.
L'amendement n° 1 rectifié, présenté par MM. François-Poncet, Revet et
Darniche, est ainsi libellé :
« Après l'article 10, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« Le début du deuxième alinéa de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme est
ainsi rédigé :
« Dans les communes de plus de 5 000 habitants, ils présentent... (le reste
sans changement) ».
La parole est à M. Charles Revet.
M. Charles Revet.
On a bien vu, dans les débats que nous vivons actuellement, que, les uns et
les autres, nous avons une conception de l'aménagement du territoire
différente. Ce n'est pas choquant, c'est la démocratie.
Pour certains, et c'était l'esprit de la loi Voynet et des autres lois
corollaires, c'est une concentration vers l'urbain : 80 % de la population sur
20 % du territoire.
D'autres ont une conception de l'aménagement du territoire différente. Pour
eux, pour nous, c'est l'objectif : un bon équilibre entre les grandes villes,
les villes moyennes, les bourgs, les communes rurales.
Or on s'aperçoit qu'aujourd'hui - je viens de le dire, ce qui m'évitera de
prolonger le débat - nous sommes confrontés à des situations de blocage.
Par-delà les délais nécessaires à la mise en place des documents, par-delà les
coûts, il faudrait aussi disposer de bureaux d'études en nombre suffisant pour
arriver à répondre à toutes les demandes.
Avec l'amendement qui a été déposé par M. Jean François-Poncet, président de
la délégation du Sénat à l'aménagement et au développement durable du
territoire, amendement que nous avons cosigné, mon collègue Darniche et
moi-même, il s'agit de dispenser les communes de moins de 5 000 habitants de
l'élaboration d'un PADD.
On verra pour le futur. Mais, pour l'instant, puisqu'il n'y a pas tant de
permis de construire à accorder, laissons les communes agir d'une manière
beaucoup plus souple. C'est pourquoi nous vous proposons, mes chers collègues,
d'adopter cet amendement qui permettra aux communes et aux bourgs ruraux de
respirer et de répondre aux attentes de la population.
Monsieur le ministre, pendant trente-six ans, j'ai été maire d'une commune qui
est passée de 284 à 1 500 habitants et où 200 à 300 demandes de logements sont
en attente.
Dans le même temps, je sais, puisque je préside l'OPAC de Seine-Maritime, que
des logements sont vacants au Havre et à Rouen. Cela prouve que nos populations
ont envie de vivre autrement, dans un environnement de qualité, que l'on peut
leur fournir grâce à un aménagement du territoire tout à fait différent.
Encore faut-il nous en donner les possibilités. Aujourd'hui, monsieur le
ministre, c'est, sinon impossible, du moins très difficile. Voilà pourquoi je
propose d'adopter cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Braye,
rapporteur.
Lorsque la question du plan d'aménagement et de développement
durable a été évoquée au Sénat au cours de la discussion de la loi SRU, il
était clair - et cela avait été dit - que le contenu du PADD serait modulable
en fonction de la taille de la commune.
Or il apparaît que certaines DDE ont une conception extensive, voire
inflationniste du contenu de ces plans et qu'elles s'avèrent au demeurant
tellement incapables de les élaborer elles-mêmes qu'il faut confier ce soin à
des cabinets d'études.
Je comprends parfaitement le point de vue des auteurs de l'amendement. Je
souhaiterais cependant obtenir des éclaircissements de la part du Gouvernement
sur les obligations des petites communes en matière de PADD. Nous verrons si
nos collègues maintiennent leur amendement après ces explications.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien,
ministre.
Le projet d'aménagement et de développement durable des plans
locaux d'urbanisme constitue, effectivement, l'une des difficultés qui sont
rencontrées par les communes. Nous aussi, monsieur Revet, nous rencontrons
beaucoup d'élus locaux ! Ce n'est pas une exclusivité des élus et nous sommes,
nous aussi, soumis à la pression des maires.
Ce document inquiète, et le texte de la loi est sans doute insuffisamment
clair à son sujet.
L'une des mesures d'urgence que le Gouvernement proposera au Parlement avant
la fin de l'année consiste à en limiter la portée. Le Gouvernement pense, en
effet, que le projet d'aménagement et de développement durable doit être un
document simple et court. Son intérêt est de permettre au conseil municipal de
tenir un débat - j'insiste sur cet aspect démocratique - sur les grandes
orientations communales, sans tomber dans le jargon technique. C'est un peu le
parallèle du débat d'orientation budgétaire dans le domaine de l'urbanisme.
Vous pouvez compter sur moi, mesdames, messieurs les sénateurs, pour donner
aux préfets des instructions, afin que le PADD, qui me semble pouvoir être un
progrès démocratique, ne constitue en aucun cas une régression
technocratique.
Par ailleurs, j'attire votre attention sur le fait que les communes ont la
possibilité d'élaborer une carte communale, qui représente justement un
document « simplifié » et qui ne comporte pas de PADD aujourd'hui.
Dans ces conditions, il semble au Gouvernement que la suppression pure et
simple du PADD n'est pas souhaitable. De plus, un article du prochain projet de
loi traite de ce sujet. L'examen de cet article pourra être l'occasion d'ouvrir
un débat de fond fructueux.
Dans ces conditions, le Gouvernement propose aux auteurs de cet amendement de
le retirer.
M. le président.
Monsieur Revet, l'amendement est-il maintenu ?
M. Charles Revet.
Monsieur le président, je suis un peu gêné, car c'est le président Jean
François-Poncet qui est à l'origine de cet amendement et il y tient
beaucoup.
M. Jean Bizet.
Nous aussi !
M. Charles Revet.
Bien sûr ! Toutefois, vous avez pris l'engagement, monsieur le ministre, de
nous présenter, avant la fin de l'année, un texte qui prendra en compte ces
dispositions. Dès lors, Jean François-Poncet pourra défendre lui-même les idées
qui l'ont conduit à déposer cet amendement. Je pense donc qu'il serait d'accord
pour le retirer.
M. le président.
L'amendement n° 1 rectifié est retiré.
L'amendement n° 8, présenté par M. Alduy, est ainsi libellé :
« Après l'article 10, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 311-7 du code de l'urbanisme est ainsi rédigé :
«
Art. L. 311-7. -
Dans les communes disposant d'un plan d'occupation
des sols approuvé dans les conditions définies au premier alinéa de l'article
L. 123-19, les plans d'aménagement de zone approuvés avant l'entrée en vigueur
de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 demeurent en vigueur jusqu'à la
prochaine révision du plan d'occupation des sols selon le régime juridique des
plans locaux d'urbanisme. Il en est de même des plans d'aménagement de zone
approuvés conformément au deuxième alinéa de l'article L. 311-7 dans sa
rédaction issue de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000.
« Les plans d'aménagement de zone approuvés sont soumis au régime juridique
des plans locaux d'urbanisme tel qu'il résulte du chapitre III du titre II du
livre Ier. Toutefois, pendant un délai de quatre ans à compter de la
publication de la loi n° ... du ..., leur demeurent également applicables les
dispositions des articles L. 311-1 à L. 311-7 dans leur rédaction antérieure à
la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000, ainsi que celles prévues pour
l'application de ces articles. »
La parole est à M. Jean-Paul Alduy.
M. Jean-Paul Alduy.
Il s'agit un peu de la même démarche que tout à l'heure à propos des plans
d'occupation des sols : le présent amendement vise à définir une période
transitoire entre l'ancienne génération des documents d'urbanisme - les plans
d'occupation des sols et les plans d'aménagement de zone - et la future
génération - les plans locaux d'urbanisme.
Il est proposé de clarifier le statut des plans d'aménagement de zone élaborés
dans le cadre des ZAC et approuvés antérieurement à l'entrée en vigueur de la
loi SRU ou approuvés conformément aux dispositions transitoires qui figurent à
l'article L. 311-7 du code de l'urbanisme dans sa rédaction issue de cette
loi.
Il vous est également proposé de permettre, durant une période transitoire,
une évolution plus rapide et plus souple de ces documents, sans être obligé,
ainsi que l'expérience l'a montré, de devoir réviser un POS sur l'intégralité
du territoire de la commune pour adapter certaines dispositions de ces
documents.
Cet amendement tend à donner de la souplesse, en attendant que la nouvelle
génération de documents d'urbanisme vienne couvrir le territoire.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Braye,
rapporteur.
Comme l'a dit notre collègue Jean-Paul Alduy, cet amendement
relève du même esprit que l'amendement n° 6 relatif aux POS. Il permet de mieux
passer cette période de transition qui n'avait pas été prévue par la loi
SRU.
La commission émet donc un avis favorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien,
ministre.
En cohérence avec sa position précédente, le Gouvernement
souhaiterait que M. Alduy retire cet amendement. Il est tout à fait pertinent,
j'en conviens, et l'essentiel de son dispositif, j'en suis persuadé, se
retrouvera dans le texte du Gouvernement.
M. le président.
Monsieur Alduy, l'amendement est-il maintenu ?
M. Jean-Paul Alduy.
Je le retire, bien entendu, mais je tiens à préciser que je suis prêt à le
redéposer lors de l'examen du prochain projet de loi si, par malheur, cette
proposition n'y trouvait pas son expression.
M. le président.
L'amendement n° 8 est retiré.
M. le président.
Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 22 rectifié
quater
est présenté par MM. Arthuis, Alduy,
Arnaud et Biwer, Mme Bocandé, MM. Cantegrit, Dériot, Détraigne et Dulait, Mme
Férat, M. C. Gaudin, Mmes G. Gautier et Gourault, MM. Grignon, Hyest, Jarlier,
Kerguéris et Lesbros, Mme Létard, MM. Lorrain, Mercier, Moinard, Monory,
Mortemousque et Nogrix, Mme Papon, MM. Richert, Zocchetto, Poirier, Deneux,
Baudot et Virapoullé, Mme Luypaert, MM. Vanlerenberghe et Blin.
L'amendement n° 57 rectifié
bis
est présenté par MM. de Richemont, P.
André, Courtois, César, Leroy, Murat, François, Cornu, Bizet, Vial et
Poniatowski.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Après l'article 10, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« Le premier alinéa de l'article L. 332-11-1 du code de l'urbanisme est ainsi
rédigé :
« Le conseil municipal peut instituer une participation pour voirie et
réseaux, destinée au financement de tout ou partie des voies nouvelles ou, si
nécessaire, de l'aménagement des voies existantes, ainsi que des réseaux qui
leur sont associés, réalisés pour permettre l'implantation de nouvelles
constructions. »
L'amendement n° 55 rectifié, présenté par MM. Goulet, Doublet, de Montesquiou,
Türk et Demilly et Mme Henneron, est ainsi libellé :
« Après l'article 10, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article L. 332-11-1 du code de l'urbanisme est modifié comme suit
:
« 1° Dans le premier alinéa, après les mots : "voies nouvelles", le mot : "et"
est remplacé par le mot : "ou" ;
« 2° Dans le deuxième alinéa, après les mots : "de la voie", sont insérés les
mots : "ou du réseau" ;
« 3° Dans le dernier alinéa, après les mots : "voie nouvelle", le mot : "et"
est remplacé par le mot : "ou".
« II. - Dans la première phrase du quatrième alinéa de l'article L. 332-11-2
du même code, après les mots : "la voie", le mot : "et" est remplacé par les
mots : "ainsi que".
« III. - Dans le dixième alinéa (2° d) de l'article L. 332-6-1 du même code,
après les mots : "voies nouvelles", le mot : "et" est remplacé par le mot :
"ou". »
L'amendement n° 54, présenté par MM. Goulet, Doublet, de Montesquiou, Türk et
Demilly, est ainsi libellé :
« Après l'article 10, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 332-11-1 du code de l'urbanisme est modifié comme suit :
« 1° Dans le deuxième alinéa, après les mots : " d'assainissement ", sont
insérés les mots : " , qui peuvent donner lieu à des subventions des fonds
visés à l'article L. 3232-2 du code général des collectivités territoriales, "
;
« 2° Dans le même alinéa, après les mots : "quatre-vingt mètres ", sont
insérés les mots : ", ou cent cinquante mètres en zone rurale, " ;
« 3° Sont ajoutés
in fine
trois alinéas ainsi rédigés :
« Dans les communes de moins de 2 500 habitants, les propriétaires peuvent,
avant la délivrance d'une autorisation de construire, conclure avec la commune
une convention par laquelle ils acceptent de prendre en charge la totalité du
coût des travaux mentionnés à l'alinéa précédent, déduction faite des
subventions perçues par la commune.
« Lorsque de nouvelles autorisations de construire sont sollicitées à moins de
quatre-vingt mètres de la voie ou du réseau financé en application de l'alinéa
précédent, ou de cent cinquante mètres en zone rurale, la commune demande aux
pétitionnaires une participation destinée aux propriétaires ou à leurs ayants
droit, et calculée au prorata de la superficie des terrains nouvellement
construits, pondérée des droits à construire lorsqu'un coefficient d'occupation
des sols a été institué.
« Lorsque les propriétaires ou leurs ayants droit ne peuvent être identifiés,
la participation prévue à l'alinéa précédent est versée aux fonds visés à
l'article L. 3232-2 du code général des collectivités territoriales. »
La parole est à M. Philippe Arnaud, pour présenter l'amendement n° 22 rectifié
quater.
M. Philippe Arnaud.
Cet amendement tend simplement à mettre en conformité l'application de la loi
SRU avec l'esprit de cette loi. Il s'agit aussi de mettre un peu d'intelligence
- on peut le dire ainsi - dans l'application de ce texte.
Il faut rappeler que l'article 46 de la loi SRU qui intéresse la PVNR - chacun
ici saura ce que cela veut dire sur le terrain : la PVNR, la participation pour
voie nouvelle et réseaux, est une préoccupation quotidienne et majeure pour
l'ensemble des maires - avait vocation à élargir les possibilités de
financement des voies et des réseaux au bénéfice des communes. C'était un
objectif clairement affiché. Mais son application sur le terrain a fait
apparaître des interprétations différentes, notamment d'un département à
l'autre. En outre, l'administration a eu une interprétation abusivement
restrictive, laquelle a conduit tout simplement à stériliser l'urbanisme en
milieu rural. Il en a résulté une source d'incompréhension et de préoccupation
permanente pour les maires.
Trois points de conflit sont identifiés.
Le premier point, c'est la définition précise de la voie nouvelle et de la
voie préexistante pouvant être qualifiée de voie nouvelle. C'est un problème
que vous connaissez bien : il est nécessaire de faire des aménagements, quels
que soient ces aménagements. S'il n'y a pas d'aménagement, il n'y a pas de voie
nouvelle ou qualification de voie nouvelle.
Le deuxième point, c'est le lien qui existe entre la voie et les réseaux. Pour
pouvoir financer les réseaux par la PVNR, il est impératif qu'un minimum de
travaux soient réalisés sur la voie. Ce lien crée un grave problème, car il
oblige tout simplement à effectuer des travaux inutiles.
Le troisième point, c'est la distorsion qui existe entre l'assiette qui sert
au calcul de la PVNR et le périmètre de recouvrement. Dès lors que sont prises
en compte dans l'assiette servant au calcul des superficies non constructibles,
alors même que le recouvrement s'opère uniquement sur des terrains
constructibles, eh bien ! c'est le budget de la commune qui supporte la
différence.
Contrairement à ce qui est écrit dans les documents émanant du ministère, qui
sont très bien faits, il apparaît, dans la pratique, que l'application sur le
terrain de l'article 46 entraîne une réduction des possibilités de financement
et crée des charges nouvelles pour les communes.
En réalité, monsieur le ministre, les problèmes d'application sont dus non pas
à l'article 46 de la loi SRU, mais uniquement à la circulaire du 27 juillet
2001, puisque cet article ne précise pas tous ces points.
En conséquence, il convient impérativement, et de façon urgente, de reprendre
l'ensemble de ces points : il ne doit plus y avoir d'obligation d'aménager une
voirie si cela n'est pas nécessaire, les opérations réalisées sur des voies
existantes normalement équipées et nécessitant seulement des extensions de
réseau doivent permettre l'éligibilité à la PVNR ; enfin, il faut une
concordance entre l'assiette des superficies qui sert au calcul de la PVNR et
le périmètre de recouvrement.
Monsieur le ministre, s'agissant, je le repète, de l'application d'une
circulaire, peut-être pourriez-vous dans l'immédiat, au moyen d'une circulaire
ou d'une directive adressée aux préfets et aux directions départementales de
l'équipement, régler l'ensemble de ces problèmes ?
M. le président.
La parole est à M. Jean Bizet, pour présenter l'amendement n° 57 rectifié
bis
.
M. Jean Bizet.
Cet amendement a pour objet de clarifier la rédaction de l'article L. 332-11-1
du code de l'urbanisme, afin d'éviter toute équivoque.
En effet, le régime de la participation pour voie nouvelle et réseaux a pour
effet de geler tout développement nouveau d'urbanisation du fait de
l'interprétation qu'en donnent les services déconcentrés de l'Etat. Ce point
particulier est au coeur de la problématique de la loi SRU et il a fortement
perturbé un certain nombre de maires, notamment ceux des communes rurales, qui
sont confrontés à des difficultés d'extension en matière d'urbanisation.
M. le président.
La parole est à M. Daniel Goulet, pour présenter les amendements n°s 54 et 55
rectifiés.
M. Daniel Goulet.
Je ne vais pas reprendre les excellents propos qui viennent d'être tenus par
nos deux collègues, qui ont parfaitement démontré que le problème pourrait être
facilement réglé si l'on suivait les conseils éclairés qui m'ont été prodigués
par un directeur départemental de l'équipement.
Je ne reviendrai pas sur la démonstration qui vient d'être faite. Il
suffirait, me semble-t-il, dans l'article L. 332-11-1 du code de l'urbanisme,
de remplacer le mot « et » par le mot « ou » dans chacun des alinéas pour
résoudre le problème, monsieur le ministre.
La circulaire ainsi corrigée faciliterait d'autant la tâche des directeurs
départementaux de l'équipement et, par là même, celle des maires. Jusqu'à
présent, ces derniers étaient victimes du caractère cumulatif des critères, qui
les empêchait d'avoir la maîtrise de leur plan d'urbanisme.
Par ailleurs, l'amendement n° 54 se justifie par son texte même.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Braye,
rapporteur.
Inutile de vous dire, mes chers collègues, que le rapporteur
que vous aviez désigné pour s'occuper du problème de la PVNR l'avait
manifestement identifié. Il en avait d'ailleurs fait part au ministre, qui
avait souhaité que cette question ne soit pas abordée dans la présente
proposition de loi, puisque le Gouvernement, avait-il dit, préparait un projet
de loi à cet effet.
Cela a valu à votre rapporteur d'être taxé par un certain nombre de nos
collègues d'« urbain » et de se faire reprocher d'avoir ignoré les problèmes
des ruraux.
Si, mes chers collègues, votre rapporteur avait bien vu les problèmes urbains
et ruraux ! Mais, par correction, il n'avait traité, au titre de l'article 55,
qu'un certain nombre de points concernant l'urbanisme. Manifestement, il en
avait traité trop, bien qu'il en ait traité très peu !
Reste que le rapporteur avait bien identifié ce problème de la PVNR et est
toujours aussi conscient de la nécessité de revoir la question.
Je ne suis pas sûr, d'ailleurs, monsieur Goulet, compte tenu de
l'interprétation très éclairée qu'ont manifestée les DDE, que le fait de
remplacer « et » par « ou » soit une solution. En effet, quelle que soit la
formule que vous adopterez, « voies et réseaux » ou « voies ou réseaux », elle
ne leur conviendra pas.
L'amendement présenté par nos collègues ne prévoit pas le financement pour ce
qui est de la PVNR, il occulte le problème.
Cela étant, monsieur le président, avant de donner l'avis de la commission sur
les autres amendements, je souhaiterais connaître l'avis du Gouvernement.
M. le président.
Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien,
ministre.
Les amendements n°s 22 rectifié
quater
et 57 rectifié
bis
concernent la participation pour voie nouvelle et réseaux. Le
Gouvernement est bien conscient de ces problèmes, comme j'ai d'ailleurs eu
l'occasion de le dire en réponse à une question de M. Ollier à l'Assemblée
nationale ; je crois même avoir été soumis à une deuxième question portant
exactement sur le même sujet, également à l'Assemblée nationale. Et j'aurais
répondu avec le même entrain au Sénat si la question m'avait été posée.
(Sourires.)
Le Gouvernement a bien pris en compte cette préoccupation dans le projet de
loi auquel j'ai fait longuement et souvent allusion.
Il ne s'agit, en l'occurence, que de réaffirmer la volonté du législateur en
indiquant clairement que cette participation, qui sera nommée, d'ailleurs, «
participation pour voirie et réseaux » est applicable quand une voirie
préexiste.
Je suis, évidemment, très favorable à ces amendements. Le Gouvernement propose
néanmoins à leurs auteurs de les retirer afin de permettre leur examen à
l'occasion de la discussion du texte actuellement soumis au Conseil d'Etat.
D'ici là, compte tenu des souhaits exprimés, j'adresserai aux préfets une
lettre les invitant à eux-mêmes de donner des consignes de souplesse dans
l'interprétation des textes existants afin de rompre avec la pratique passée
que nous ne pouvons tous que regretter.
M. le président.
L'amendement n° 22 rectifié
quater
est-il maintenu, monsieur Arnaud
?
M. Philippe Arnaud.
Compte tenu de l'engagement que vient de prendre M. le ministre, notamment de
cette réaction immédiate vis-à-vis des préfets, je retire cet amendement.
M. le président.
L'amendement n° 22 rectifié
quater
est retiré.
L'amendement n° 57 rectifié
bis
est-il maintenu, monsieur Bizet ?
M. Jean Bizet.
J'ai bien entendu l'engagement de M. le ministre. Je suis cependant désolé,
mais je maintiens cet amendement, parce que, je le répète, il est véritablement
au coeur de la problématique de la loi SRU. En zone rurale, notamment, on ne
comprendrait pas le retrait d'un tel amendement !
M. le président.
Quel est, dans ces conditions, l'avis de la commission ?
M. Dominique Braye,
rapporteur.
Je veux m'adresser à mon collègue et ami Jean Bizet. Compte
tenu de l'avis émis par le Gouvernement et compte tenu des discussions
qu'avaient eues le rapporteur avec le ministre préalablement, je souhaiterais
que notre collègue retire son amendement.
Durant les discussions que j'évoquais à l'instant, les problèmes d'urbanisme
ont été abordés et j'ai identifié celui-ci comme étant particulièrement urgent
pour le monde rural. J'ai dit au ministre ma volonté de traiter ce dossier dans
la proposition de loi, mais, rassuré par M. le ministre, j'ai renoncé.
Pour l'heure, et dans la même logique, il serait peut-être peu convenable de
procéder ainsi par amendement ; il aurait fallu que ce dispositif figure
d'emblée dans la proposition de loi. Ce problème est trop important.
Donc, je ne donnerai pas d'avis sur cet amendement, persuadé que notre
collègue le retirera.
M. le président.
Entendez-vous M. le rapporteur, monsieur Bizet ?
M. Jean Bizet.
Il faut se méfier des accents convaincants de M. le rapporteur.
(Sourires.)
Je ne retirerai pas cet amendement sans avoir réaffirmé l'importance que je
continue d'attacher à la rationalité et à la cohérence de la démarche.
J'aurais souhaité maintenir cet amendement, mais, pour faire plaisir à M. le
rapporteur, je le retire.
M. le président.
L'amendement n° 57 rectifié
bis
est retiré.
Monsieur Goulet, l'amendement n° 55 rectifié est-il maintenu ?
M. Daniel Goulet.
J'allais me rallier à l'amendement de M. Jean Bizet.
(Sourires.)
Je suis maintenant très gêné parce que je voulais qu'il y ait
au moins un amendement sur les trois qui subsiste !
Mais je ne peux pas faire moins que mes deux collègues. Je retire donc
également le mien !
M. le président.
L'amendement n° 55 rectifié est retiré.
Et l'amendement n° 54, monsieur Goulet ?
M. Daniel Goulet.
Celui-là, monsieur le président, je le maintiens.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Braye,
rapporteur.
Le rapporteur n'estime pas avoir la science infuse ni être
nécessairement omniscient. Il lui semble cependant logique que ce problème de
la PVNR, qui est si important pour les communes rurales, soit traité dans sa
globalité. Il n'est pas souhaitable de le découper en morceaux, avec, d'un
côté, des financements, d'un autre côté, l'institution.
Il me semblerait tout à fait rationnel, ne serait-ce que par respect pour les
élus locaux, qui attachent à ce problème une véritable importance, de le
traiter dans sa globalité, avec toutes les conséquences que cela implique.
C'est pour cela que je demanderai à mon collègue Daniel Goulet de bien vouloir
retirer son amendement, en lui disant que le rapporteur attache autant
d'importance que lui à ce problème de la PVNR.
M. le président.
Maintenez-vous malgré tout l'amendement n° 54, monsieur Goulet ?
M. Daniel Goulet.
Je souhaite, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, que vous engagiez
une communication forte dans les prochains jours de sorte que les maires, qui
sauront que nous aurons passé une partie de la nuit à travailler pour eux,
reçoivent des signaux au moins aussi forts que ce que nous avons reçus ce
soir.
Je retire mon amendement, mais, attention, on ne nous fera plus de cadeaux
!
M. le président.
L'amendement n° 54 est retiré.
L'amendement n° 25, présenté par MM. de Raincourt, de Rohan, Valade et
Richert, est ainsi libellé :
« Après l'article 10, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - La loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie
préventive est ainsi modifiée :
« 1° L'article 5 est ainsi rédigé :
«
Art. 5. -
Une convention conclue entre la personne projetant
d'exécuter les travaux et l'établissement public fixe :
« 1° les délais de réalisation des diagnostics et des travaux de fouilles,
ainsi que les conséquences pour les parties du dépassement des délais fixés,
qui courent à compter de la mise à disposition des terrains dans des conditions
permettant d'effectuer les opérations archéologiques. A défaut d'accord entre
les parties, ces délais sont fixés par l'Etat à la demande de la partie la plus
diligente ;
« 2° les conditions d'accès aux terrains ;
« 3° le cas échéant, les conditions de la participation aux diagnostics et aux
opérations de fouille des services archéologiques des collectivités
territoriales ou d'autres personnes morales ;
« 4° le montant de la participation de la personne projetant d'exécuter les
travaux au financement des opérations archéologiques. Ce montant tient compte
de la fourniture à l'établissement public de matériels, d'équipements et des
moyens nécessaires à leur mise en oeuvre. « Le calcul du montant de cette
participation ne prend pas en compte les opérations archéologiques concernant
les terrains sur lesquels seront réalisés soit des travaux de construction ou
d'amélioration de logements à usage locatif réalisés avec le concours de l'Etat
en application des 3° et 5° de l'article L. 351-2 et des articles L. 472-1 et
L. 472-1-1 du code de la construction et de l'habitation, soit des
constructions de logements réalisées par des personnes physiques pour
elles-mêmes.
« Lorsque les travaux d'aménagement sont exécutés pour eux-mêmes par les
collectivités territoriales ou leurs groupements dotés d'un service
archéologique agréé par l'Etat, les opérations archéologiques réalisées par ce
service ne donnent lieu à aucune participation financière.
« Lorsque les travaux projetés ne sont pas réalisés, la participation
financière correspondant aux opérations archéologiques qui n'ont pas été
engagées est remboursée par l'établissement public. »
« 2° Le deuxième alinéa (1°) de l'article 8 est ainsi rédigé :
« 1° Par la participation au financement des opérations archéologiques des
personnes projetant d'exécuter des travaux prévue au 4° de l'article 5 ; » ;
« 3° Les articles 9, 10 et le I de l'article 11 sont abrogés. »
« II. - Sont annulées les décisions portant prescriptions archéologiques
prises en application de la loi n° 2001-44 du 17 janvier précitée et notifiées
avant la date d'entrée en vigueur de la présente loi ainsi que les titres de
recettes émis sur le fondement de ces décisions par l'Institut national de
recherches archéologiques préventives.
« III. - La perte de recettes résultant pour l'établissement public de
recherches archéologiques préventives de la suppression des redevances
d'archéologie préventive est compensée à due concurrence par la création d'une
taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général
des impôts. »
La parole est à M. Henri de Raincourt.
M. Henri de Raincourt.
La loi SRU n'est pas la seule à engendrer un certain nombre de difficultés
dans ses modalités d'application ! La loi relative à l'archéologie préventive
nous a montré, sur un laps de temps très bref, quels effets elle pouvait elle
aussi entraîner.
D'ailleurs, je tiens à rendre hommage à la lucidité du Sénat et à la
clairvoyance de son rapporteur, notre collègue Jacques Legendre, qui avait
parfaitement décrit les effets pervers du mécanisme mis en place, à l'époque
contre l'avis du Sénat.
Quelles sont ces difficultés ?
Tout d'abord, certains textes d'application, en particulier un décret - je ne
précise pas pour ne pas allonger les débats compte tenu de l'heure - dont la
légalité est douteuse et qui permet à l'autorité administrative d'interdire
purement et simplement des opérations d'aménagement.
Cette pratique, qui pénalise paradoxalement les élus les plus soucieux de la
protection du patrimoine archéologique, excède, me semble-t-il, les termes de
la loi et équivaut, dans les faits, à une expropriation sans indemnisation des
terrains concernés par ces opérations. On est bien loin, mes chers collègues,
de l'équilibre souhaité à l'époque par le législateur avec l'article 2 de la
loi, aux termes duquel l'Etat veille « à la conciliation des exigences
respectives de la recherche scientifique, de la conservation du patrimoine et
du développement économique et social ». Ce dernier membre de phrase est, le
plus souvent, laissé de côté.
Par ailleurs, le barème des redevances aboutit à des situations que l'on peut
qualifier d'aberrantes, qui conduisent à imposer aux collectivités
territoriales des montants de taxation insupportables, voire, d'ailleurs,
surréalistes au regard des capacités contributives des collectivités et sans
commune mesure avec le coût des dispositions envisagées.
M. Aillagon a tout à fait conscience de ces difficultés, puisqu'il a déjà
diligenté une mission afin de dresser le bilan de l'application de cette loi,
bilan prévu, d'ailleurs - c'est l'une des seules choses que nous ayons obtenues
- par une disposition introduite sur l'initiative du Sénat.
A la suite de cette mission, M. le ministre souhaite engager une réforme dont
pourrait être saisi le Parlement dès le début de l'année 2003. Cette initiative
est tout à fait bienvenue, et je la soutiens.
Mais, là encore, et cela nous ramène à une discussion précédente, : peut-on
attendre encore quelques mois ?
Je ne le crois pas. Cela reviendrait, en effet, à accepter de voir des
aménageurs, notamment des collectivités territoriales, contraints d'abandonner
des projets sous l'effet de prescriptions abusives ou de redevances
excessives.
Pour cette raison, il convient d'aménager le dispositif en vigueur afin de
rendre supportable sa mise en oeuvre.
C'est le sens de l'amendement que je présente, qui ne remet pas en cause - j'y
insiste - les dispositions permettant à l'Etat de prescrire des opérations
archéologiques pas plus que celles qui concernent le rôle de l'établissement
public chargé de les réaliser.
Le texte que je vous propose se borne à aménager un régime transitoire qui a
vocation à s'appliquer en attendant la réforme d'ensemble annoncée par le
Gouvernement.
Ce régime s'articule autour de deux points.
En premier lieu, les dispositions de la loi instituant les redevances
d'archéologie préventive seraient suspendues et remplacées par un régime
contractuel provisoire inspiré des pratiques antérieures à la loi de 2001 par
l'intermédiaire d'une convention passée entre l'Institut national de recherches
d'archéologie préventive et l'aménageur, convention qui prévoira le montant de
la participation de ce dernier au financement des opérations de diagnostic et
de fouilles archéologiques préventives.
En second lieu, les décisions de prescription prises et les titres de recettes
émis sur le fondement de ces décisions sont annulés.
Pour les décisions de prescription, celles qui ne sont ni contestables ni
contestées pourront être
de facto
renouvelées. En revanche, pour les
autres, leur annulation permettra de les reconsidérer et d'engager le débat, en
concertation avec les élus. Aujourd'hui, les élus sont absents de ce
dispositif.
Les titres de recettes émis sur leur fondement, qu'ils aient donné lieu ou non
à perception, sont annulés. Je veux souligner à ce point de mon propos, que le
montant des redevances - parce que c'est ce que l'on avance - perçu par l'INRAP
est très faible, puisque aujourd'hui l'essentiel des recettes de cet
établissement provient des sommes perçues en application des conventions
passées par l'AFAN, l'Association pour les fouilles archéologiques nationales,
avant la mise en oeuvre de la loi. Qu'on ne vienne pas me dire que je supprime
les ressources de cet établissement !
S'agissant des prescriptions nouvelles, elles ne donneront plus lieu à une
taxation automatique et d'un montant insupportable.
Ce dispositif simple nous permettra d'attendre jusqu'à l'adoption d'un texte
plus équilibré, sans remettre en cause ni la réalisation des opérations
d'archéologie préventive absolument nécessaires à la sauvegarde d'éléments du
patrimoine, ni les opérations d'aménagement indispensables au développement
économique, local ou national, le tout sans faire peser sur les collectivités
territoriales des charges fiscales excessives.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Braye,
rapporteur.
Compte tenu de toutes les garanties que vient de nous
apporter M. de Raincourt dans son exposé détaillé, mais également de la qualité
des signataires de cet amendement, qu'il s'agisse de Josselin de Rohan, de
Jacques Valade ou de Philippe Richert, qui représentent toutes les tendances de
la majorité sénatoriale, la commission ne peut que se prononcer favorablement
sur l'amendement n° 25.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien,
ministre.
Le Gouvernement est bien conscient des défauts de la loi du 17
janvier 2001 ; votre serviteur en a lui-même souffert. Le Gouvernement a donc
l'intention de la réformer, et ce très rapidement, monsieur de Raincourt !
Les premières prescriptions de fouilles établies en application de cette loi
sont entrées en vigueur en février 2002 et suscitent de vives réactions de
toutes parts. Dès le 9 octobre dernier, le ministre de la culture, Jean-Jacques
Aillagon, a chargé une mission d'étude, que vous avez évoquée, d'examiner
attentivement les modalités de calcul de la redevance.
Conformément aux souhaits que vous avez exprimés, mesdames, messieurs les
sénateurs, des modifications de la loi seront proposées dans un délai de trois
mois. Une modification hâtive risquerait, à mon sens, de créer de graves
tensions, sans forcément apporter de solutions satisfaisantes aux
préoccupations légitimes des collectivités locales.
En outre, la rétroactivité prévue par l'amendement poserait de lourds
problèmes.
Pour toutes ces raisons, tout en comprenant et en approuvant parfaitement la
démarche qui sous-tend le présent amendement, mais désireux de procéder à la
réforme avec vous dans des conditions maîtrisées, le Gouvernement, qui va
présenter au Parlement, au début du mois de mars 2003, une disposition
législative en ce sens, demande le retrait de l'amendement n° 25.
M. le président.
Monsieur de Raincourt, répondez-vous à la sollicitation du Gouvernement ?
M. Henri de Raincourt.
J'ai été sollicité, mais pas dans le sens que je souhaitais. En effet, les
différentes conversations auxquelles j'ai participé ces derniers jours,
notamment avec les membres du cabinet de M. le ministre, n'aboutissaient pas à
la même conclusion.
Je maintiens donc mon amendement.
M. Roland Muzeau.
La confiance règne !
M. le président.
La parole est à M. Yves Dauge, pour explication de vote.
M. Yves Dauge.
Monsieur le président, j'avais également en tête que l'article 14 de la loi
faisait état d'un bilan des conditions de son application. Il faut rappeler que
celle-ci est très récente, puisqu'elle date du 17 janvier 2001, et que sa mise
en place est à peine engagée.
Pour tout ce qui touche au patrimoine, mes chers amis, nous allons retomber
dans les mêmes problèmes.
M. Henri de Raincourt.
Tout cela, on le sait !
M. Yves Dauge.
Nous avons déjà eu des discussions au sujet des architectes des Bâtiments de
France. Je m'aperçois que nous refusons toute contrainte imposée par la loi, au
nom des maires que nous représentons.
Nous venons déjà de mettre le ministre en difficulté ; vous vous apprêtez à
recommencer. Je trouve cette soirée vraiement calamiteuse !
Je me demande à quoi sert l'opération que les sénateurs ont lancée et sur quoi
elle va déboucher : probablement sur rien du tout, puisque le ministre nous a
expliqué qu'il préparait une loi. Or je crois plutôt à la sienne qu'à la
vôtre.
En outre, avouez qu'il est déplorable, à cette heure, de découvrir un texte
qui n'a absolument rien à voir avec la proposition de loi dont nous débattons !
Quelle que soit l'honnêté avec laquelle vous défendez ces causes, il faut
savoir qu'il y a toujours des problèmes quand il faut payer. On peut
naturellement revoir les redevances, mais, quand vous dites qu'il n'y aura pas
de conséquence sur l'INRAP, je m'inscrits en faux : il est bien sûr qu'il y en
aura !
M. Guy Fischer.
C'est un cavalier !
M. Yves Dauge.
Ce n'est pas ce matin que nous allons, du revers de la main, balayer une loi
qui ne vous plaît pas, ce que nous pouvons comprendre, au motif que certains
trouvent qu'elle coûte cher.
J'avoue que je suis très choqué de la manière dont s'achève cette nuit. Je
trouve cela très déplacé et je regrette que le Sénat se prête à ce genre
d'exercices.
M. Bruno Sido.
Oh là là !
M. Georges Gruillot.
Et voilà qu'il nous fait la morale...
M. Roland Muzeau.
Il a raison !
M. Gilles de Robien,
ministre.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien,
ministre.
Monsieur de Raincourt, finalement, le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 25.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la
proposition de loi, après l'article 10.
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix les conclusions du rapport de la commission des
affaires économiques sur la proposition de loi n° 37, je donne la parole à M.
Yves Coquelle, pour explication de vote.
M. Yves Coquelle.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au terme de
l'examen de la proposition de loi modifiant la loi relative à la solidarité et
au renouvellement urbains, force est de constater que le texte initial qui nous
a été présenté n'est pas sorti amélioré de la discussion.
M. Guy Fischer.
C'est le moins que l'on puisse dire !
M. Yves Coquelle.
Nous regrettons profondément que vous n'ayez rien retenu de la formidable
intervention de Jack Ralite, qui faisait pourtant état d'un vote unanime du
Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées contre la remise en
cause de la loi SRU que vous avez engagée.
Cette proposition de loi est crispée sur une conception profondément
inégalitaire du développement urbain à venir, qui oppose artificiellement la
construction ou la réalisation de logements sociaux avec l'harmonie et
l'équilibre.
Nous avons démontré que la grande réticence manifestée par certains n'avait
d'autre origine que le profond mépris dont ils font preuve à l'égard des
familles qui demeurent aujourd'hui dans le parc locatif social.
Le reste, mes chers collègues, n'est en quelque sorte que littérature, ou
plutôt adaptation de la législation aux seuls impératifs définis par une vision
pour le moins étroite de l'urbanisme et, plus largement, de la politique de la
ville.
Il s'agit donc de faire en sorte que tout puisse continuer comme avant, comme
si de rien n'était, comme si la situation dégradée que connaît le secteur du
logement n'existait pas et qu'aucun besoin ne se manifestait en la matière.
Ces choix ne permettront évidemment pas de relancer la construction de
logements locatifs sociaux dans les communes qui en sont aujourd'hui largement
dépourvues, pas plus qu'ils ne faciliteront, au demeurant, la réalisation de
nouveaux programmes là où le patrimoine social est d'ores et déjà
significatif.
Les habitants de notre pays ont besoin d'une autre politique du logement que
celle qui se dessine au fil des déclarations ministérielles ou à travers le
soutien accordé par le Gouvernement à ce type d'initiative parlementaire, qui
ne rend pas ses auteurs plus honorables qu'avant.
Ils ont besoin d'autre chose que du choix politique de la liquidation du parc
social de fait, de la remise en question du niveau des aides personnelles au
logement, de l'absence de financement adapté à l'accession sociale à la
propriété.
Ils ont besoin d'autre chose que de propositions de loi de ce genre, qui ne
visent qu'à encourager le
statu quo.
N'oublions jamais, mes chers collègues, que l'un des plus redoutables moteurs
de la violence urbaine est la perception concrète des inégalités sociales ; or
c'est bien ce qui se réaliserait si cette loi était promulguée.
Ce sont clairement des choix de classe que vous venez d'exprimer !
Nous ne pouvons évidemment voter que contre la proposition de loi telle
qu'elle ressort de nos travaux.
(Applaudissements sur les travées du groupe
CRC.).
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Gérard Larcher,
président de la commission.
A près de cinq heures du matin, nous pouvons
dire que nous avons largement utilisé le temps d'initiative parlementaire !
Vous ne m'en voudrez pas de remercier d'abord M. le rapporteur, qui, depuis le
mois de juin dernier, s'efforce d'analyser les causes des blocages issus de la
loi SRU, tant en matière de logement que d'urbanisme.
Je voudrais associer à ces remerciements tous les collègues qui, en commission
comme en séance publique, se sont associés à cette réflexion et l'ont
enrichie.
Les rapports entre la commission et le Gouvernement n'ont pas été faciles ce
soir, mais cela fait partie du débat parlementaire. Je tiens donc à remercier
aussi M. le ministre et ses collaborateurs.
Le Sénat a préféré le contrat à la contrainte. Il a fait le choix de la
confiance aux élus locaux, s'inscrivant ainsi dans la droite ligne du projet de
loi constitutionnelle relatif à la décentralisation voulu par M. le Premier
ministre, que nous avons adopté la semaine dernière.
Nous avons, il convient de le souligner, rappelé l'importance de la mixité
sociale. Ce texte ne l'abroge pas.
M. Roland Muzeau.
Si !
M. Gérard Larcher,
président de la commission.
Nous avons aussi vécu un moment de libre
expression parlementaire. Y compris au sein de la majorité qui soutient le
Gouvernement, nous avons parfois entendu des divergences. Peut-être les
avons-nous trop montrées, mais il en va ainsi dans le débat d'opinion.
Je voudrais toutefois tirer un enseignement pour l'avenir. J'ai bien entendu
M. le ministre avancer la date de la fin de l'année pour l'examen de son projet
de loi. Gardons-nous de la précipitation, qui pourrait nous conduire à ne pas
préparer suffisamment certains points.
Comme je le disais ce matin devant les membres de la commission, il nous faut
être vigilants quand des amendements d'importance sont déposés. Donnons-nous le
temps de les analyser, de rapprocher les points de vue. Tel est mon souhait
pour l'avenir.
Je tenais également à remercier les collaborateurs de la commission, qui sont
fortement sollicités pendant cette période et qui, dans très exactement trois
heures trente, seront présents à la réunion du bureau de la commission. Je les
félicite de la qualité de leurs travaux ainsi que de leur mobilisation autour
des commissaires en cette période de l'année.
Permettez-moi enfin, monsieur le président, tout en remerciant la présidence
d'avoir conduit, avec compétence et attention l'ensemble des débats, de
remercier l'ensemble des personnels du Sénat, qui n'avaient sans doute pas
prévu une nuit aussi longue.
M. le président.
L'ensemble du personnel sera sensible à ces compliments !
La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien,
ministre.
Monsieur le président, je vous remercie d'avoir assuré la
présidence de cette séance publique avec autant de tact, de diplomatie et de
courtoisie. Je remercie également le président de la commission et le
rapporteur qui, par leur spontanéité et leur franchise, ont permis de vrais
échanges, ainsi que l'ensemble des sénateurs qui ont travaillé sur des textes
un peu disparates.
S'agissant de l'article 55, je retiendrai surtout l'idée selon laquelle les
procès d'intention que l'opposition nous faisait il y a peu n'ont plus lieu
d'être, puisque l'affirmation de la mixité sociale a été faite. Les objectifs
sont supérieurs à ceux que vous aviez évoqués voilà deux ans !
Au cours de nos débats, nous n'avons exclu aucune commune du dispositif. Par
conséquent, nous sommes exempts de reproches de la part de l'opposition. La
majorité a donc bien travaillé.
Je voulais enfin vous donner rendez-vous. Nous aurons à connaître des règles
d'urbanisme dans le projet de loi portant diverses dispositions dans le domaine
de l'urbanisme, de l'habitat et de la construction, qui sera examiné à
l'Assemblée nationale dans trois semaines et au Sénat probablement - l'ordre du
jour n'ayant pas encore été fixé - le 20 décembre prochain. En outre, mesdames,
messieurs les sénateurs, nous aurons un grand rendez-vous dans trois ans ; nous
ferons alors le point sur la récolte de ce que nous avons semé ce soir.
Dépasserons-nous, en termes de mixité sociale, les objectifs de l'opposition ?
En ce qui me concerne, compte tenu du travail qui a été fait, j'en suis
persuadé.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Braye,
rapporteur.
Je souhaite à mon tour remercier M. le ministre et les
membres de son cabinet, en espérant qu'à l'avenir nous parviendrons à nouer des
contacts plus étroits avant l'examen des textes, de façon à mieux nous
comprendre dans le débat. Cela me semble particulièrement important.
Je remercie moi aussi les administrateurs de la commission et, bien sûr, je
remercie tous mes collègues de leur soutien, car c'est grâce à leur présence
jusqu'à cette heure tardive que nous sommes parvenus à un résultat.
Je termine, mes chers collègues, en remerciant le président de la commission,
M. Gérard Larcher, véritable ami depuis fort longtemps : nous n'aurions pas
obtenu le résultat que nous avons obtenu s'il n'avait été là à des moments
déterminants.
Merci à tous, et bonne nuit !
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix, modifiées, les conclusions du rapport de la commission des
affaires économiques sur la proposition de loi n° 37 (2002-2003).
(La proposition de loi est adoptée.)
14
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée à aujourd'hui, mercredi 13 novembre 2002, à quinze heures et le soir :
Discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi (n° 30, 2002-2003)
pour la sécurité intérieure.
Rapport (n° 36, 2002-2003) de M. Jean-Patrick Courtois, fait au nom de la
commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel,
du règlement et d'administration générale.
Rapport d'information (n° 34, 2002-2003) de Mme Janine Rozier, fait au nom de
la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes
et les femmes.
Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus
recevable.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
Délais limites pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 (n° 47,
2002-2003) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
vendredi 15 novembre 2002, à dix-sept heures.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat sur l'assurance
maladie : lundi 18 novembre 2002, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 18 novembre 2002, à douze
heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le
mercredi 13 novembre 2002,
à cinq
heures.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD
QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Volet territorial du IV e contrat de plan Etat-région
92.
- 9 novembre 2002. -
M. Georges Mouly
appelle l'attention de
M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de
l'aménagement du territoire
sur la complexité des procédures qui, liée à l'enchevêtrement des niveaux de
compétence, ralentit considérablement la mise en oeuvre de la politique de
pays. En Limousin, alors que des politiques territoriales expérimentales ont
démontré la réalité des dynamiques locales et fait émerger des projets
structurants, quatre ans après l'adoption de la loi n° 95-115 du 4 janvier 1995
d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, exception
faite des périmètres reconnus, les actions structurantes adoptées conformément
aux orientations générales de la démarche « Pays » ne sont pas toujours en
phase de réalisation. C'est pourquoi il lui demande quelles dispositions il
envisage afin de permettre aux acteurs locaux de s'engager réellement et
concrètement dans une démarche de proximité pour le développement harmonieux et
durable de leurs territoires.
Revalorisation du minimum contributif
93.
- 9 novembre 2002. -
M. Yann Gaillard
attire l'attention de
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité
sur la situation du minimum contributif, à propos de laquelle il avait, en
novembre 2001, posé une question écrite à laquelle il n'a pas été répondu et
qui est devenue caduque. En effet, la différence qui existe entre le minimum
vieillesse (minimum social accordé sous conditions de ressources permettant de
garantir à une personne qui a peu ou pas cotisé à un régime vieillesse) et le
minimum contributif (accordé à tout salarié du secteur privé ou agricole
permettant de garantir un minimum de retraite décente en fin de vie
professionnelle) est substantielle. Ainsi, au 1er janvier 2002, le montant du
minimum contributif est de 525,63 euros par mois pour une personne seule, alors
que le minimum vieillesse est de 569,38 euros. A sa création, en 1983, le
minimum contributif visait à garantir aux assurés du régime général à bas
salaire une pension égale à 95 % du SMIC net avec une retraite complémentaire.
Le minimum contributif est revalorisé chaque année par la loi de financement de
la sécurité sociale, comme les pensions. De fait, la revalorisation de ce
minimum, depuis le 1er janvier 1984, est strictement identique à celle des
pensions contributives. En revanche, et contrairement au SMIC, le minimum
contributif n'a profité d'aucune revalorisation et a décroché par rapport à
celui-ci. Cela n'est absolument pas conforme à la logique et ne tient pas
compte des efforts contributifs des intéressés. Les retraités indiquent qu'un
tel montant ne leur assure pas une pension convenable pour une qualité de vie
décente. C'est pourquoi il lui demande de bien vouloir envisager une
revalorisation du minimum contributif d'au moins 152 euros par mois ainsi
qu'une indexation de celui-ci sur le SMIC afin que, pour une carrière complète,
aucune pension du régime général et complémentaire ne soit inférieure au SMIC.
Il le remercie de bien vouloir lui indiquer ses intentions en la matière.
ANNEXES AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du mardi 12 novembre 2002
SCRUTIN (n° 29)
sur la motion n° 3 présentée par M. Yves Coquelle et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen tendant à opposer la question préalable aux
conclusions de la commission des affaires économiques et du Plan sur la
proposition de loi portant modification de la loi relative à la solidarité et
au renouvellement urbains.
Nombre de votants : | 319 |
Nombre de suffrages exprimés : | 319 |
Pour : | 113 |
Contre : | 206 |
Le Sénat n'a pas adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :
Pour :
23.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (21) :
Pour :
8. _ MM. Nicolas Alfonsi, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon
Collin, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré, François Fortassin et Dominique
Larifla
Contre :
13.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (94) :
Contre :
92.
N'ont pas pris part au vote :
2. _ M. Christian Poncelet, président du
Sénat et M. Serge Vinçon, qui présidait la séance.
GROUPE SOCIALISTE (82) :
Pour :
82.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (54) :
Contre :
54.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (41) :
Contre :
41.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (6) :
Contre :
6.
Ont voté pour
Nicolas Alfonsi
Michèle André
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Marie-France Beaufils
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marie-Christine Blandin
Nicole Borvo
Didier Boulaud
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Claire-Lise Campion
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Yvon Collin
Gérard Collomb
Yves Coquelle
Raymond Courrière
Roland Courteau
Yves Dauge
Annie David
Marcel Debarge
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Michelle Demessine
Rodolphe Désiré
Evelyne Didier
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Guy Fischer
François Fortassin
Thierry Foucaud
Jean-Claude Frécon
Bernard Frimat
Charles Gautier
Jean-Pierre Godefroy
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Odette Herviaux
Alain Journet
André Labarrère
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
André Lejeune
Louis Le Pensec
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Jean-Yves Mano
François Marc
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Josiane Mathon
Pierre Mauroy
Louis Mermaz
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Roland Muzeau
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Daniel Raoul
Paul Raoult
Daniel Reiner
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Michèle San Vicente
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Jean-Pierre Sueur
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Jean-Marc Todeschini
Pierre-Yvon Tremel
André Vantomme
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber
Ont voté contre
Nicolas About
Philippe Adnot
Jean-Paul Alduy
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
Gérard Bailly
José Balarello
Gilbert Barbier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Christian Bergelin
Daniel Bernardet
Roger Besse
Laurent Béteille
Joël Billard
Claude Biwer
Jean Bizet
Jacques Blanc
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
Didier Borotra
Joël Bourdin
Brigitte Bout
Jean Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Christian Cointat
Gérard Cornu
Jean-Patrick Courtois
Philippe Darniche
Robert Del Picchia
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Dériot
Sylvie Desmarescaux
Yves Detraigne
Eric Doligé
Jacques Dominati
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Louis Duvernois
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Jean-Claude Etienne
Pierre Fauchon
Jean Faure
Françoise Férat
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Alain Fouché
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Christian Gaudin
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Gisèle Gautier
Patrice Gélard
André Geoffroy
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Jacqueline Gourault
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Charles Guené
Michel Guerry
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Françoise Henneron
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Daniel Hoeffel
Jean-François Humbert
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Bernard Joly
Jean-Marc Juilhard
Roger Karoutchi
Joseph Kergueris
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
André Lardeux
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
René-Georges Laurin
Jean-René Lecerf
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Jean-François Le Grand
Serge Lepeltier
Philippe Leroy
Marcel Lesbros
Valérie Létard
Gérard Longuet
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Brigitte Luypaert
Max Marest
Philippe Marini
Pierre Martin
Jean Louis Masson
Serge Mathieu
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Dominique Mortemousque
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Monique Papon
Anne-Marie Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Josselin de Rohan
Roger Romani
Janine Rozier
Bernard Saugey
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Bruno Sido
Daniel Soulage
Louis Souvet
Michel Thiollière
Henri Torre
René Trégouët
André Trillard
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Jean-Marie Vanlerenberghe
Alain Vasselle
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Jean-Paul Virapoullé
François Zocchetto
N'ont pas pris part au vote
MM. Christian Poncelet, président du Sénat et Serge Vinçon, qui présidait la
séance.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : | 320 |
Nombre des suffrages exprimés : | 320 |
Majorité absolue des suffrages exprimés : | 161 |
Pour : | 114 |
Contre : | 206 |
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.
SCRUTIN (n° 30)
sur l'article 1er des conclusions de la commission des affaires économiques et
du Plan sur la proposition de loi portant modification de la loi relative à la
solidarité et au renouvellement urbains.
Nombre de votants : | 319 |
Nombre de suffrages exprimés : | 319 |
Pour : | 206 |
Contre : | 113 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :
Contre :
23.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (21) :
Pour :
13.
Contre :
8. _ MM. Nicolas Alfonsi, Jean-Michel Baylet, André Boyer,
Yvon Collin, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré, François Fortassin et Dominique
Larifla
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (94) :
Pour :
92.
N'ont pas pris part au vote :
2. _ M. Christian Poncelet, président du
Sénat et M. Serge Vinçon, qui présidait la séance.
GROUPE SOCIALISTE (82) :
Contre :
82.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (54) :
Pour :
54.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (41) :
Pour :
41.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (6) :
Pour :
6.
Ont voté pour
Nicolas About
Philippe Adnot
Jean-Paul Alduy
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
Gérard Bailly
José Balarello
Gilbert Barbier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Christian Bergelin
Daniel Bernardet
Roger Besse
Laurent Béteille
Joël Billard
Claude Biwer
Jean Bizet
Jacques Blanc
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
Didier Borotra
Joël Bourdin
Brigitte Bout
Jean Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Christian Cointat
Gérard Cornu
Jean-Patrick Courtois
Philippe Darniche
Robert Del Picchia
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Dériot
Sylvie Desmarescaux
Yves Detraigne
Eric Doligé
Jacques Dominati
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Louis Duvernois
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Jean-Claude Etienne
Pierre Fauchon
Jean Faure
Françoise Férat
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Alain Fouché
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Christian Gaudin
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Gisèle Gautier
Patrice Gélard
André Geoffroy
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Jacqueline Gourault
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Charles Guené
Michel Guerry
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Françoise Henneron
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Daniel Hoeffel
Jean-François Humbert
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Bernard Joly
Jean-Marc Juilhard
Roger Karoutchi
Joseph Kergueris
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
André Lardeux
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
René-Georges Laurin
Jean-René Lecerf
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Jean-François Le Grand
Serge Lepeltier
Philippe Leroy
Marcel Lesbros
Valérie Létard
Gérard Longuet
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Brigitte Luypaert
Max Marest
Philippe Marini
Pierre Martin
Jean Louis Masson
Serge Mathieu
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Dominique Mortemousque
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Monique Papon
Anne-Marie Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Josselin de Rohan
Roger Romani
Janine Rozier
Bernard Saugey
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Bruno Sido
Daniel Soulage
Louis Souvet
Michel Thiollière
Henri Torre
René Trégouët
André Trillard
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Jean-Marie Vanlerenberghe
Alain Vasselle
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Jean-Paul Virapoullé
François Zocchetto
Ont voté contre
Nicolas Alfonsi
Michèle André
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Marie-France Beaufils
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marie-Christine Blandin
Nicole Borvo
Didier Boulaud
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Claire-Lise Campion
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Yvon Collin
Gérard Collomb
Yves Coquelle
Raymond Courrière
Roland Courteau
Yves Dauge
Annie David
Marcel Debarge
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Michelle Demessine
Rodolphe Désiré
Evelyne Didier
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Guy Fischer
François Fortassin
Thierry Foucaud
Jean-Claude Frécon
Bernard Frimat
Charles Gautier
Jean-Pierre Godefroy
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Odette Herviaux
Alain Journet
André Labarrère
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
André Lejeune
Louis Le Pensec
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Jean-Yves Mano
François Marc
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Josiane Mathon
Pierre Mauroy
Louis Mermaz
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Roland Muzeau
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Daniel Raoul
Paul Raoult
Daniel Reiner
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Michèle San Vicente
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Jean-Pierre Sueur
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Jean-Marc Todeschini
Pierre-Yvon Tremel
André Vantomme
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber
N'ont pas pris part au vote
MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Serge Vinçon, qui présidait la
séance.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : | 320 |
Nombre des suffrages exprimés : | 320 |
Majorité absolue des suffrages exprimés : | 161. |
Pour : | 207 |
Contre : | 113 |
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.
SCRUTIN (n° 31)
sur l'amendement n° 21 présenté par M. Yves Coquelle et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen, tendant à supprimer l'article 10 des
conclusions de la commission des affaires économiques et du Plan sur la
proposition de loi portant modification de la loi relative à la solidarité et
au renouvellement urbains.
Nombre de votants : | 319 |
Nombre de suffrages exprimés : | 319 |
Pour : | 114 |
Contre : | 205 |
Le Sénat n'a pas adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :
Pour :
23.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (21) :
Pour :
8. _ MM. Nicolas Alfonsi, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon
Collin, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré, François Fortassin et Dominique
Larifla.
Contre :
13.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (94) :
Contre :
92.
N'ont pas pris part au vote :
2. _ MM. Christian Poncelet, président du
Sénat, et Serge Vinçon, qui présidait la séance.
GROUPE SOCIALISTE (82) :
Pour :
82.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (54) :
Pour :
1. _ M. Philippe Arnaud.
Contre :
53.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (41) :
Contre :
41.
SÉNATEURS NE FIGURANT SUR LA LISTE D'AUCUN GROUPE (6) :
Contre :
6.
Ont voté pour
Nicolas Alfonsi
Michèle André
Bernard Angels
Philippe Arnaud
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Marie-France Beaufils
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marie-Christine Blandin
Nicole Borvo
Didier Boulaud
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Claire-Lise Campion
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Yvon Collin
Gérard Collomb
Yves Coquelle
Raymond Courrière
Roland Courteau
Yves Dauge
Annie David
Marcel Debarge
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Michelle Demessine
Rodolphe Désiré
Evelyne Didier
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Guy Fischer
François Fortassin
Thierry Foucaud
Jean-Claude Frécon
Bernard Frimat
Charles Gautier
Jean-Pierre Godefroy
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Odette Herviaux
Alain Journet
André Labarrère
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
André Lejeune
Louis Le Pensec
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Jean-Yves Mano
François Marc
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Josiane Mathon
Pierre Mauroy
Louis Mermaz
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Roland Muzeau
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Daniel Raoul
Paul Raoult
Daniel Reiner
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Michèle San Vicente
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Jean-Pierre Sueur
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Jean-Marc Todeschini
Pierre-Yvon Tremel
André Vantomme
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber
Ont voté contre
Nicolas About
Philippe Adnot
Jean-Paul Alduy
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Jean Arthuis
Denis Badré
Gérard Bailly
José Balarello
Gilbert Barbier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Christian Bergelin
Daniel Bernardet
Roger Besse
Laurent Béteille
Joël Billard
Claude Biwer
Jean Bizet
Jacques Blanc
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
Didier Borotra
Joël Bourdin
Brigitte Bout
Jean Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Christian Cointat
Gérard Cornu
Jean-Patrick Courtois
Philippe Darniche
Robert Del Picchia
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Dériot
Sylvie Desmarescaux
Yves Detraigne
Eric Doligé
Jacques Dominati
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Louis Duvernois
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Jean-Claude Etienne
Pierre Fauchon
Jean Faure
Françoise Férat
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Alain Fouché
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Christian Gaudin
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Gisèle Gautier
Patrice Gélard
André Geoffroy
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Jacqueline Gourault
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Charles Guené
Michel Guerry
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Françoise Henneron
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Daniel Hoeffel
Jean-François Humbert
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Bernard Joly
Jean-Marc Juilhard
Roger Karoutchi
Joseph Kergueris
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
André Lardeux
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
René-Georges Laurin
Jean-René Lecerf
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Jean-François Le Grand
Serge Lepeltier
Philippe Leroy
Marcel Lesbros
Valérie Létard
Gérard Longuet
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Brigitte Luypaert
Max Marest
Philippe Marini
Pierre Martin
Jean Louis Masson
Serge Mathieu
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Dominique Mortemousque
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Monique Papon
Anne-Marie Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Josselin de Rohan
Roger Romani
Janine Rozier
Bernard Saugey
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Bruno Sido
Daniel Soulage
Louis Souvet
Michel Thiollière
Henri Torre
René Trégouët
André Trillard
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Jean-Marie Vanlerenberghe
Alain Vasselle
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Jean-Paul Virapoullé
François Zocchetto
N'ont pas pris part au vote
MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Serge Vinçon, qui présidait la
séance.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : | 320 |
Nombre des suffrages exprimés : | 320 |
Majorité absolue des suffrages exprimés : | 161 |
Pour : | 115 |
Contre : | 205 |
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.