SEANCE DU 5 NOVEMBRE 2002
M. le président.
Nous poursuivons la discussion de l'article 4, dont je rappelle les termes
:
« Art. 4. - L'article 72 de la Constitution est ainsi rédigé :
«
Art. 72.
- Les collectivités territoriales de la République sont les
communes, les départements, les régions et les collectivités d'outre-mer régies
par l'article 74. Toute autre catégorie de collectivité territoriale est créée
par la loi. La loi peut également créer une collectivité à statut particulier,
en lieu et place de celles mentionnées au présent alinéa.
« Les collectivités territoriales ont vocation à exercer l'ensemble des
compétences qui peuvent le mieux être mises en oeuvre à l'échelle de leur
ressort.
« Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s'administrent
librement par des conseils élus. Pour l'exercice de leurs compétences, elles
disposent, dans les mêmes conditions, d'un pouvoir réglementaire.
« Dans les conditions prévues par la loi organique, et sauf lorsque sont en
cause les conditions essentielles d'exercice d'une liberté publique ou d'un
droit constitutionnellement garanti, les collectivités territoriales peuvent,
lorsque, selon le cas, la loi ou le règlement l'a prévu, déroger, à titre
expérimental, aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent
l'exercice de leurs compétences.
« Lorsque l'exercice d'une compétence nécessite le concours de plusieurs
collectivités territoriales, la loi peut confier à l'une d'entre elles le
pouvoir de fixer les modalités de leur action commune.
« Dans le ressort des collectivités territoriales de la République, le
représentant de l'Etat, représentant de chacun des membres du Gouvernement, a
la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des
lois. »
Je suis saisi de sept amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 135 est présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau,
Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc,
Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste.
L'amendement n° 182 est présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et
Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M.
Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et
Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar et Mme Terrade.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article
72 de la Constitution. »
L'amendement n° 136, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau,
Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc,
Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé
:
« Rédiger comme suit le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour
l'article 72 de la Constitution :
« Les collectivités territoriales peuvent exercer l'ensemble des compétences
qui peuvent le mieux être mises en oeuvre à l'échelle de leur ressort, sauf en
ce qui concerne les droits civiques et les garanties fondamentales accordées
aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques, la nationalité, l'état et
la capacité des personnes, les régimes matrimoniaux, les successions et
libéralités, la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui
leur sont applicables, la procédure pénale, l'amnistie, la création de nouveaux
ordres de juridiction, le statut des magistrats et de la fonction publique, les
régimes électoraux, la création de catégories d'établissements publics, les
garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires de
l'Etat, les nationalisations d'entreprises et les transferts de propriétés
d'entreprises du secteur public au secteur privé, la défense, la politique
étrangère, l'enseignement, le régime de la propriété, des droits réels et des
obligations civiles et commerciales, le droit du travail, le droit syndical et
de la sécurité sociale, l'organisation de la justice, le droit civil et pénal,
les procédures civiles et pénales, la sécurité et l'ordre public, la monnaie,
le crédit et les changes. »
L'amendement n° 90, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour
l'article 72 de la Constitution :
« Les collectivités territoriales peuvent exercer, dans les conditions prévues
par la loi organique ou par la loi, toutes les compétences, autres que celles
qui relèvent par nature et par nécessité de la souveraineté nationale et de
l'Etat, dont la mise en oeuvre à leur niveau est de nature à mieux répondre aux
besoins des citoyens. »
L'amendement n° 77, présenté par Mme Blandin, est ainsi libellé :
« Au début du deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article
72 de la Constitution, après les mots : "les collectivités territoriales",
insérer les mots : "et les communautés à fiscalité propre". »
L'amendement n° 72, présenté par M. Vasselle, est ainsi libellé :
« Dans le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72
de la Constitution, après les mots : "Les collectivités territoriales", insérer
les mots : ", par application du principe de subsidiarité,". »
L'amendement n° 7, présenté par M. Garrec, au nom de la commission, est ainsi
libellé :
« A la fin du deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article
72 de la Constitution, remplacer les mots : "à l'échelle de leur ressort.", par
les mots : "à leur échelon.". »
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour présenter l'amendement n°
135.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Monsieur le président, nous trouverons un moyen de reprendre les amendements
de la commission, si besoin en déposant des sous-amendements à l'article 6.
Le groupe socialiste s'associe pour une large part aux propos de M. Bret,
ainsi qu'à ceux de M. Garrec s'agissant du retard.
Nous n'avons pas l'impression de retarder les débats. En tout cas, ce n'est
pas volontaire. Nous avons le sentiment, au contraire, grâce à nos
interventions, d'ouvrir les yeux de la majorité sénatoriale, qui est amenée à
revoir sa copie, sur un texte dont nous avons toujours dit qu'il était « mal
ficelé ».
L'amendement n° 135 vise à supprimer un alinéa qui nous semble dangereux pour
trois raisons et inutile.
Il est inutile parce que rien n'impose le cadre constitutionnel pour pratiquer
la subsidiarité. La Constitution en vigueur laisse toute latitude à la loi pour
approfondir la décentralisation. Je ne vois pas quel « nouvel élan », selon les
termes du Premier ministre, serait donné par l'adoption de cet texte.
Surtout, cet amendement nous semble dangereux. Je l'ai déjà dit, même s'il a
été rappelé par M. Gélard que ce principe avait pour origine le droit
organique,... le droit canonique.
M. Michel Charasse.
Ce n'est pas pareil !
M. Jean-Claude Peyronnet.
Je crois que ce principe est d'essence fédérale, c'est-à-dire que la
subsidiarité ne convient pas de façon satisfaisante à un Etat unitaire. Le
fédéralisme n'est pas dans notre tradition. Or l'on devine dans la
subsidiarité, telle qu'elle est décrite ici, l'expérimentation par l'Etat de
compétences qu'il abandonne à des collectivités.
L'Etat se dessaisit de certaines compétences dans ce que M. Debré qualifiait
de « grande braderie ». Nous sommes inquiets au regard des compétences qui lui
resteront. Nous pensons que ce dispositif est dangereux.
Par ailleurs, et par voie de conséquence, le principe d'égalité nous semble
être largement mis en cause par la pratique de la subsidiarité.
Enfin, la rédaction incertaine de ce texte représente en elle-même un
danger.
Les termes « ont vocation » - il s'agit sans doute encore de droit canon,
monsieur Gélard - ou « le mieux » donnent une marge d'appréciation trop grande
au Conseil constitutionnel, donc au juge. Ces expressions sont tellement vagues
que des conflits surgiront forcément lorsqu'il s'agira de déterminer la
collectivité qui peut le mieux mettre en oeuvre la compétence qui lui sera
transférée.
Pour toutes ces raisons, nous souhaitons la suppression du deuxième alinéa du
texte proposé par l'article 4 du projet de loi pour l'article 72 de la
Constitution et demandons un vote par scrutin public. L'affaire nous semble
suffisamment importante pour le justifier.
M. le président.
La parole est à Mme Josiane Mathon, pour présenter l'amendement n° 182.
Mme Josiane Mathon.
Le deuxième alinéa du texte proposé par l'article 4 du projet de loi pour
l'article 72 de la Constitution tend à introduire un principe de subsidiarité
dans les rapports entre l'Etat et les collectivités territoriales.
Il faut souligner que le concept de la subsidiarité est étranger au droit
français traditionnel ; le fait que ses contours soient peu perceptibles pour
les acteurs du droit français rend difficile son intégration dans un ensemble
de normes.
Ce principe de subsidiarité, nombre de nos compatriotes le connaissent dans sa
version européenne, sans jamais vraiment avoir perçu sa signification. Pour ma
part, j'estime qu'il s'agit d'un outil de dilution de la souveraineté.
La rédaction de l'alinéa que nous vous proposons de supprimer est
particulièrement pernicieuse.
Qui peut être opposé à l'idée que ce soit l'institution la mieux à même de
régler un problème qui détienne la compétence de le faire ? A première vue,
c'est le bon sens même. Cependant, cette disposition porte en elle une remise
en cause de la République unie et solidaire. On l'a dit et répété depuis le
début du débat, le principe de subsidiarité aboutira en effet à la réduction
progressive des compétences de l'Etat à la portion congrue.
Quels seront les critères pour déterminer la collectivité la mieux à même de
remplir une mission et pour évaluer sa capacité à faire des économies, voire,
pourquoi pas, à permettre une réduction des dépenses de l'Etat ?
Le principe de subsidiarité est historiquement inséparable de la conception
fédérale des institutions. Il porte en lui le germe de l'émiettement des
responsabilités en dehors de tout cadre national.
Il ne s'agit pas d'un point de détail du texte, mais d'une modification
essentielle de notre approche constitutionnelle des rapports entre le collectif
et le particulier.
Le président de l'Assemblée nationale, considéré comme l'un des plus fidèles
porte-parole du chef de l'Etat, a lui-même récemment dénoncé sans ambiguïté le
principe de subsidiarité.
Le sujet n'a pas été suffisamment approfondi en commission, alors que l'enjeu,
nous le constatons, dépasse la simple déclaration de principe.
Pour cet ensemble de raisons, nous vous proposons donc de voter notre
amendement.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour défendre l'amendement n°
136.
M. Jean-Claude Peyronnet.
C'est un amendement de repli.
M. le président.
Messieurs les ministres, mes chers collègues, permettez-moi de saluer la
présence dans nos tribunes de M. Zuccarelli, député et ancien ministre, qui
nous fait l'honneur d'assister à nos travaux. Bienvenue au Sénat, monsieur le
député !
La parole est à M. Michel Charasse, pour présenter l'amendement n° 90.
M. Michel Charasse.
On ne peut que se réjouir, monsieur le président, quand les vrais républicains
assistent à nos travaux !
(Sourires.)
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué aux libertés locales.
Qui sont les faux ?
M. Michel Charasse.
Peut-être ceux qui ne sont pas là !
(Rires.)
Mon ami Jean-Claude Peyronnet vient d'indiquer les motifs pour lesquels le
groupe socialiste souhaite la suppression du deuxième alinéa du texte proposé
pour l'article 72 de la Constitution.
Le principe de subsidiarité a fait l'objet en 1992 d'un très grand débat à
l'occasion, chacun s'en souvient, du traité de Maastricht. Posé dans l'article
3 B-2° du traité, il nous était même présenté, mes chers collègues, comme la
grande innovation. Il serait bon d'ailleurs de savoir ce qu'il est advenu de
cette innovation, car je n'ai pas entendu dire que l'Europe ait cessé de se
mêler de tout et de n'importe quoi.
Bref, il faudrait qu'un jour l'on fasse le point sur la question de savoir
comment a été appliqué le principe de subsidiarité dans l'Union
européenne...
En tout état de cause, si, au fond, on peut ne pas être forcément opposé à
l'introduction de ce principe dans l'article 72 de la Constitution - encore
qu'il n'y ait pas vraiment de nécessité, puisque, jusqu'à présent, les
collectivités locales se sont toujours vu confier les compétences qui
paraissaient naturellement devoir leur être attribuées sans que cela figure, ou
soit interdit, dans la Constitution -, encore faut-il que la rédaction soit
suffisamment précise.
En effet, c'est une chose de dire que les collectivités territoriales ont
vocation à exercer l'ensemble des « compétences qui peuvent le mieux être mises
en oeuvre » au niveau local, c'en est une autre de savoir comment cette
disposition s'appliquera dans la pratique.
Aujourd'hui, mes chers collègues, le conseil municipal, à l'instar des
assemblées de toutes les collectivités territoriales, règle par ses
délibérations les affaires de la commune.
M. Michel Mercier.
Exactement !
M. Michel Charasse.
Et quelles sont ces affaires ? Ce sont celles qui entrent dans les compétences
légales de la commune et toutes celles que le conseil municipal considère comme
relevant des affaires de la commune. Par exemple, on ne trouve rien à redire à
un geste de solidarité à l'égard des communes du Gard qui ont été récemment
sinistrées.
Jusqu'à présent, il n'y avait donc pas de limites strictes.
Le deuxième alinéa de l'article 4 signifie-t-il que, désormais, sans qu'une
loi intervienne puisque le texte du Gouvernement ne le prévoit pas, un maire
pourra dire : « Je pense que je règlerai mieux, à mon niveau, tel problème,
donc je m'en empare »,...
Mme Nicole Borvo.
C'est exactement ça !
M. Michel Charasse.
... ou « je pense qu'étant frontalier je règlerai mieux mes problèmes avec le
canton de Genève que ne le ferait le ministère des affaires étrangères, donc je
m'en occupe » ?
Mme Nicole Borvo.
Bien sûr !
M. Michel Charasse.
Monsieur le ministre, je trouve que cet article est très mal ou plutôt - ne
soyons pas désagréables - très imprécisément rédigé. Il faudrait que l'on sache
exactement si, par la simple application de cet article, n'importe quelle
collectivité pourra demain décider librement de s'occuper de certaines
questions ou s'il faudra une loi, ordinaire ou organique, pour l'encadrer.
Par ailleurs, dans la mesure où il n'y a aucune précision, cela veut-il dire
que, demain, une collectivité territoriale pourra décider d'exercer des
activités régaliennes de l'Etat relevant de la souveraineté nationale ? Ce ne
serait pas la première fois qu'une commune, ou n'importe quelle autre
collectivité territoriale, en viendrait à s'estimer plus compétente en matière
de sécurité publique que le préfet et l'Etat...
Mme Nicole Borvo.
Bien sûr ! Ça se passera comme ça !
Mme Josiane Mathon.
Tout à fait !
M. Michel Charasse.
Seulement, on ne peut pas fonder une telle démarche sur un texte aussi
imprécis !
C'est la raison pour laquelle, au cas où les amendement n°s 135 et 182 ne
seraient pas adoptés - la suppression de l'alinéa me paraît toutefois la
solution la plus simple, d'autant plus que l'on peut toujours attribuer les
compétences que l'on veut aux collectivités -, je propose la rédaction suivante
: « Les collectivités territoriales peuvent exercer, dans les conditions
prévues par la loi organique ou par la loi, toutes les compétences, autres que
celles qui relèvent par nature et par nécessité de la souveraineté nationale et
de l'Etat, dont la mise en oeuvre à leur niveau est de nature à mieux répondre
aux besoins des citoyens. »
J'indique « par la loi organique ou par la loi » parce que certains articles
visent la loi organique, et d'autres une loi ordinaire.
Certes, on pourrait proposer une autre rédaction, mais au moins, avec une
telle précision, on n'aura plus le sentiment que, demain, les collectivités
territoriales pourront tout faire sans que personne ne puisse rien dire !
M. le président.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour présenter l'amendement n°
77.
Mme Marie-Christine Blandin.
Monsieur le garde des sceaux, le Gouvernement n'a pas voulu inclure les
intercommunalités dans les collectivités qui seront mentionnées à l'article 72
de la Constitution. Ce refus a sans doute des motivations variées : peur qu'il
ne s'agisse d'un premier pas vers l'élection au suffrage universel direct pour
les uns, oubli d'un hommage à l'exemplaire dynamique animée par le précédent
gouvernement pour les autres, mais peu importe !
A défaut d'accepter de reconnaître les intercommunalités comme collectivités à
part entière, je vous propose au moins - et c'est l'objet de l'amendement de
repli n° 77 - de ne pas en nier le savoir-faire et de les identifier comme un
échelon pertinent d'exercice des compétences.
M. le président.
L'amendement n° 72 n'est pas soutenu.
M. Michel Charasse.
N'attendez pas que je le reprenne, monsieur le président. Je ne reprends pas
tout systématiquement !
(Sourires.)
M. le président.
Celui-là, vous ne pourriez pas le reprendre ! (
Nouveaux sourires.)
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 7 et pour
donner l'avis de la commission sur les différents amendements.
M. René Garrec,
président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale, rapporteur.
L'amendement n° 7 est un amendement rédactionnel : afin de ne pas utiliser pour
les collectivités territoriales un terme qui, dans le langage juridique,
s'applique aux juridictions, il tend à remplacer les mots : « à l'échelle de
leur ressort » par les mots : « à leur échelon ».
M. Michel Charasse.
Le mot « ressort » s'applique aussi aux amortisseurs !
M. René Garrec,
rapporteur.
Les amendements n°s 135 et 182 sont contraires au texte de la
commission. Le principe de subsidiarité permettra de donner un nouvel élan à la
décentralisation et un fondement à la répartition des compétences entre les
collectivités.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces amendements identiques.
S'agissant de l'amendement n° 136, le principe de subsidiarité étant introduit
dans la Constitution en tant qu'objectif à valeur constitutionnelle et le texte
constitutionnel devant être le plus concis possible, il ne me semble pas
nécessaire de faire figurer une liste d'exceptions à l'application du principe
posé.
J'en viens à l'amendement n° 90.
M. Michel Charasse.
Il est plus court !
M. René Garrec,
rapporteur.
Mais mes commentaires seront plus longs !
La rédaction proposée, mon cher collègue, ne nous semble pas meilleure - je ne
dirai pas « moins bonne » - que celle du projet de loi constitutionnelle, qui a
le mérite de la concision.
En raison du caractère unitaire de l'Etat que vous avez, avec raison,
souligné, les collectivités territoriales tiennent leurs compétences de la loi.
Il est donc inutile de le préciser. On peut d'ailleurs s'interroger sur « les
compétences qui relèvent par nature et par nécessité de la souveraineté
nationale et de l'Etat ».
Enfin, la formule selon laquelle les collectivités territoriales exercent les
compétences « dont la mise en oeuvre à leur niveau est de nature à mieux
répondre aux besoins des citoyens » ne me semble pas une application plus
claire du principe de subsidiarité.
Dès lors, je vous demande de bien vouloir retirer l'amendement n° 90 ; à
défaut, la commission émettra un avis défavorable.
En ce qui concerne l'amendement n° 77, les termes « communauté à fiscalité
propre » sont impropres : il s'agit d'« établissements publics de coopération
intercommunale dotés d'une fiscalité propre ».
Sur le fond, la qualité de collectivité territoriale de la République a déjà
été refusée à ces groupements de communes. Ce sont des émanations de communes.
Les établissements publics de coopération intercommunale sont régis par le
principe de spécialité et ne disposent que de compétences que les communes ont
décidé de leur conférer. Il n'y a pas lieu de les inscrire dans la Constitution
en tant que bénéficiaires du principe de subsidiarité.
La commission demande donc le retrait de l'amendement n° 77 ; à défaut, elle
émettra un avis défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Le Gouvernement est évidemment
défavorable aux amendements identiques n°s 135 et 182, qui, s'ils étaient
adoptés, supprimeraient un des éléments clés du projet de réforme
constitutionnelle.
Je veux, à l'occasion de ma première intervention sur un amendement, dire
combien je suis étonné par la frilosité et par l'immobilisme...
M. Robert Bret.
De Jean-Louis Debré !
M. Dominique Perben,
garde des sceaux.
... des sénateurs siégeant à gauche de cet hémicycle
s'agissant d'un projet qui, au fond, vise à proclamer : « Osons la liberté ! »
En effet, il s'agit de savoir comment répondre enfin à l'impuissance publique,
qui, hélas ! ronge notre société politique depuis plusieurs années.
(Protestations sur les travées du groupe communiste, républicain et citoyen
et du groupe socialiste. - Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
Ce sont les Français, mesdames, messieurs les sénateurs,
qui l'ont dit, en particulier lors des dernières échéances électorales !
(Protestations sur les travées du groupe communiste, républicain et citoyen
et du groupe socialiste.)
M. Robert Bret.
Ils ne l'ont jamais dit ! C'est votre interprétation !
M. Dominique Perben,
garde des sceaux.
Nous devons répondre à cette attente très forte d'une
organisation politique et administrative capable de résoudre bien mieux
qu'aujourd'hui et à chaque niveau les problèmes de la vie quotidienne de nos
concitoyens...
M. Robert Bret.
Ils n'ont jamais été pour le démantèlement de la République !
Mme Nicole Borvo.
Ni pour l'augmentation des impôts locaux !
M. Dominique Perben,
garde des sceaux.
... comme de la vie en société. Il faut ajouter de
l'efficacité et renforcer la capacité de nos concitoyens à s'impliquer dans la
vie politique.
C'est la raison pour laquelle cette réforme constitutionnelle est
indispensable,...
M. Robert Bret.
Consultons d'abord nos concitoyens !
Mme Nicole Borvo.
Par référendum !
M. Dominique Perben,
garde des sceaux.
... et je dois dire mon étonnement devant l'immobilisme
de la gauche de l'hémicycle et une certaine volonté de ralentir l'examen d'un
texte qui correspond, à l'évidence, à l'attente de nos concitoyens.
S'agissant de l'amendement n° 136, on ne voit pas bien l'intérêt d'insérer
dans la Constitution un alinéa aussi long et rédigé avec autant de précision
apparente. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire - c'est le moins que l'on
puisse dire - d'énumérer de manière aussi fastidieuse les attributions
régaliennes de l'Etat, dont il est absolument clair qu'elles ne sauraient être
assumées dans les meilleures conditions à l'échelon des collectivités
territoriales. Cela me paraît évident, et ce cas illustre peut-être le propos
que je tenais à l'instant, quand j'évoquais des amendements dont l'objet est
davantage de ralentir le débat que d'apporter un élément constructif à la
discussion.
(Murmures sur les travées du groupe socialiste et du groupe communiste,
républicain et citoyen .)
S'agissant de l'amendement n° 90, présenté par M. Charasse, je ne vois pas
davantage que M. le rapporteur quel peut être son intérêt, dans la mesure où
les fonctions régaliennes de l'Etat ne relèvent pas, à l'évidence, ni par
nature ni par nécessité, des collectivités territoriales.
S'agissant de l'amendement n° 77, la question soulevée par Mme Blandin a été
tranchée à la fin de la semaine dernière, lorsque le Sénat a décidé du sort à
réserver au premier alinéa du texte présenté par l'article 4 pour l'article 72
de la Constitution. Au terme d'une discussion approfondie et très intéressante
sur les établissements publics de coopération intercommunale, Patrick Devedjian
et moi-même avons clairement indiqué que le Gouvernement était d'accord pour
ouvrir à ces structures la possibilité de mener une expérimentation. Pour
autant, il nous est apparu prématuré d'inscrire dès à présent ces
établissements publics dans la Constitution.
Enfin, s'agissant de l'amendement n° 7 présenté par M. Garrec, le Gouvernement
y est favorable.
M. le président.
La parole est à M. Michel Mercier, contre les amendements identiques n°s 135
et 182.
M. Michel Mercier.
Que sommes-nous en train de faire au travers de l'examen de la proposition de
réforme de la Constitution qui nous est soumise ? Il s'agit en fait de combler
une lacune de notre Constitution et de mettre en place un droit constitutionnel
des collectivités territoriales.
Ce droit existe dans de très nombreuses Constitutions de pays voisins, et il
s'agit ici de fonder constitutionnellement l'organisation décentralisée de
notre pays : il suffit d'étudier notre organisation administrative, sans qu'il
soit besoin d'aller chercher je ne sais quel texte européen, pour constater que
l'inscription dans la Constitution de l'alinéa en cause est nécessaire au
fonctionnement de la décentralisation.
La loi du 10 août 1871, par son article 46, a établi le principe selon lequel
l'assemblée élue d'une collectivité territoriale règle par ses délibérations
les affaires de ladite collectivité. Il faut donc bien donner un fondement
constitutionnel à cette clause générale de compétence de toutes les
collectivités territoriales, et le deuxième alinéa du texte présenté par
l'article 4 pour l'article 72 de la Constitution vise précisément à cette fin.
La loi de 1871 précitée, s'agissant des départements, la loi de 1884,
s'agissant des communes, et la loi de 1982, s'agissant des régions, ont établi
cette clause de compétence générale, qui est essentielle si l'on veut éviter
qu'une collectivité territoriale n'exerce sa tutelle sur une autre. Le texte
dont nous débattons permettra de lui garantir un fondement constitutionnel, et
c'est la raison pour laquelle je voterai contre les amendements identiques n°s
135 et 182.
M. Jean-Jacques Hyest.
Très bien !
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Très bonne observation !
M. le président.
La parole est à M. Jean-Pierre Masseret, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Masseret.
Je souhaite, monsieur le garde des sceaux, revenir brièvement sur les propos
que vous avez tenus en donnant l'avis du Gouvernement sur l'amendement n°
135.
Vous avez parlé d'immobilisme et de frilosité en regardant vers la gauche de
l'hémicycle : cela est tout à fait injuste, et les amendements que nous avons
déposés sur les quatre premiers articles du texte le démontrent. Sur un certain
nombre de sujets, c'est plutôt le Gouvernement qui s'est révélé fermé à la
discussion.
Vous avez également affirmé, monsieur le garde des sceaux, que nous essayons
de gagner du temps et que nous prolongeons inutilement les débats.
M. Michel Mercier.
Certes.
M. Jean-Pierre Masseret.
Or il me semble que les difficultés que vous rencontrez sont suscitées autant
par la majorité que par les sénateurs qui siègent du côté gauche de
l'hémicycle.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Robert Bret.
Et que par le fond du texte !
M. Jean-Pierre Masseret.
Il suffit, à cet égard, de rappeler quelques récents épisodes !
Pour notre part, nous cherchons à assumer nos responsabilités sans tenter le
moins du monde de gagner du temps. Nous sommes en désaccord avec le
Gouvernement sur un certain nombre de points, et nous avons nous aussi la
volonté d'aborder la question de l'« impuissance publique », que votre
proposition frileuse, monsieur le garde des sceaux, ne permettra pas, à notre
sens, de traiter.
Cette frilosité, on la retrouvera d'ailleurs, de votre côté, quand nous en
viendrons au problème du financement de la réforme,...
M. Jean-Jacques Hyest.
Ce n'est pas vrai !
M. Jean-Pierre Masseret.
... notamment quand nous examinerons la nouvelle rédaction qui nous est
proposée s'agissant du volet financier de la décentralisation.
(Protestations sur les travées du RPR.)
On verra alors quel repli vous
avez opéré au regard de vos ambitions initiales !
Par conséquent, ne nous accusez pas : nous voulons que la République
fonctionne. Dans cette optique, nous aurions souhaité que le Gouvernement nous
indique quelles priorités il se donne dans ce débat sur la décentralisation et
qu'il aborde les problèmes d'une autre façon.
(Applaudissements sur les
travées du groupe socialiste.)
M. le président.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur.
Nous sommes vraiment au coeur du débat. Monsieur le ministre, vous avez parlé
de frilosité, d'immobilisme...
M. Dominique Perben,
garde des sceaux.
Oui !
M. Jean-Pierre Sueur.
Il faut quand même rappeler certaines réalités : toutes les lois de
décentralisation ont été présentées, soutenues, votées par la gauche, tandis
que la droite s'y est opposée !
M. Roger Karoutchi.
Ce n'est pas vrai !
M. Jean-Pierre Sueur.
Ces dernières années encore, les lois relatives à l'intercommunalité ont
permis de faire avancer les choses, avec la création de 2000 communautés de
communes.
M. Michel Mercier.
Quelles lois ?
M. Jean-Pierre Sueur.
Celles de 1992 et de 1999, monsieur Mercier !
Ces lois ont été votées...
M. Michel Mercier.
A l'unanimité !
M. Jean-Pierre Sueur.
... après avoir été présentées et défendues par des gouvernements de gauche.
(M. Henri de Raincourt s'exclame.)
Mais quel est l'enjeu aujourd'hui ?
Nous voulons de toutes nos forces que soit engagée une deuxième étape de la
décentralisation, mais la question est de définir son contenu. Cette nouvelle
étape doit-elle se traduire par un certain nombre de principes flous, mal
définis, ou imprécis, ou faut-il, comme nous le voulons, qu'elle amène de
nouvelles avancées en matière de transferts de compétences, dans la droite
ligne des préconisations du rapport Mauroy, qui avait le grand mérite de
présenter des propositions précises ?
Le débat consiste à décider si nous voulons une décentralisation précise ou si
nous nous dirigeons vers ce que l'on me permettra d'appeler une « République
aléatoire ». En effet, si l'on met en perspective les différents aspects de ce
texte, on constate que les formulations extrêmement imprécises relatives au
principe de subsidiarité ainsi qu'à l'expérimentation et à la substitution
possible de certaines collectivités territoriales à d'autres aboutiront à ce
que des collectivités aux contours mal définis...
M. Roger Karoutchi.
Lesquelles ?
M. Jean-Pierre Sueur.
... pourront exercer des compétences mal cernées, dans un contexte où les
attributions de l'Etat ne sont pas non plus définies ! C'est cela, la
République aléatoire ! Nous voulons, pour notre part, une République qui
garantisse le principe d'égalité, qui permette aux collectivités d'aller plus
loin dans les domaines qui relèvent de leur champ de compétence et qui leur
donne aussi de nouvelles compétences, mais en toute clarté !
J'indiquerai, pour conclure, que le principe de subsidiarité est un principe
de bon sens. Il est tout à fait souhaitable que les compétences soient assumées
au bon niveau. Cependant, proposer d'inscrire dans la Constitution de la
République française que les collectivités territoriales ont vocation à exercer
l'ensemble des compétences qui peuvent « le mieux » - ces deux derniers mots,
vous le savez très bien, ne signifient rien - être mises en oeuvre à l'échelle
de leur ressort est indigne d'une rédaction constitutionnelle. Demain, nombre
d'interprétations seront possibles ! Comme le disait M. Charasse, telle
collectivité s'estimera la mieux à même de traiter les questions de sécurité,
telle autre se jugera la mieux placée pour gérer les problèmes universitaires,
et ainsi de suite ! Ces collectivités territoriales demanderont alors à mener
des expérimentations, et l'on débouchera sur une situation aléatoire et mal
définie, au rebours de ce qu'est une décentralisation républicaine, pour
laquelle nous appelons de nos voeux de nouvelles étapes fortes. Nous sommes
partisans d'une telle décentralisation républicaine.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président.
La parole est à Mme Nicole Borvo, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo.
Il me semble que l'on ne peut restreindre ce débat à une opposition entre la
majorité sénatoriale et le Gouvernement, qui représenteraient le camp des
décentralisateurs, et les sénateurs qui siègent à gauche de l'hémicycle et
seraient hostiles à la décentralisation.
(Exclamations amusées sur les
travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Michel Mercier.
C'est quand même la vérité !
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Cela y ressemble !
Mme Nicole Borvo.
Pas du tout ! C'est une caricature !
Ce dont nous ne voulons pas, c'est d'une République en morceaux, pour
reprendre une expression qui a été employée par quelqu'un d'autre !
(Sourires.)
J'espère que M. de Rohan, qui a affirmé à plusieurs
reprises, la semaine dernière, que je disais n'importe quoi, s'adresse dans les
mêmes termes à son ami Jean-Louis Debré quand celui-ci parle de « féodalité »
ou de « République en morceaux » !
M. Josselin de Rohan.
Je n'ai rien dit sur la féodalité !
(Rires sur les travées du RPR.)
Mme Nicole Borvo.
Vous m'avez reproché de dire n'importe quoi au moins trois fois la semaine
dernière, monsieur de Rohan !
M. Josselin de Rohan.
C'est vrai !
(Sourires sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
Mme Nicole Borvo.
Je trouve cela très amusant ! Je referme cette parenthèse, mais je continuerai
à dire n'importe quoi, à l'exemple de certains membres de la majorité : ce dont
nous ne voulons pas, c'est d'une République en morceaux.
Vous vous référez toujours à ce que les Français ont voulu : ils veulent
davantage de démocratie, c'est certain ; ils veulent des décisions
compréhensibles, c'est également certain ; ils veulent que les problèmes soient
réglés au plus près de la population, et ils veulent surtout que l'on prenne en
compte leurs besoins. Les Français se sont-ils prononcés en faveur d'un
désengagement de l'Etat vis-à-vis de ses compétences et des grands services
publics nationaux ? Certainement pas !
Mme Hélène Luc.
Au contraire !
Mme Nicole Borvo.
Les Français se sont-ils prononcés en faveur de l'augmentation des impôts
locaux ? Certainement pas !
M. Henri de Raincourt.
C'est vous qui avez institué l'APA ! Vous nous ennuyez !
Mme Nicole Borvo.
Les débats qui ont lieu aujourd'hui à l'intérieur de la majorité sur la
question de la décentralisation doivent vous amener, messieurs les ministres,
mes chers collègues, à réfléchir sur la volonté réelle des Français, que l'on
invoque sans cesse à propos de la décentralisation et de la proximité.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste, républicain et
citoyen et sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président.
La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote. Je vous invite à
être concis, mon cher collègue !
M. Michel Charasse.
J'interviendrai pour explication de vote sur l'amendement n° 135, ce qui me
dispensera de revenir sur l'amendement n° 90. Donc, je fais gagner du temps au
Sénat !
(Sourires.)
Mes chers collègues, après avoir entendu ce débat en particulier les
interventions des membres du Gouvernement et celle de notre estimé
rapporteur-président, je reste toujours aussi perplexe s'agissant du deuxième
alinéa du texte présenté par l'article 4 pour l'article 72 de la
Constitution.
A-t-il fallu attendre cette révision pour donner les meilleures compétences
aux collectivités locales ? Evidemment non ! En reste-t-il encore à leur donner
? Evidemment oui ! A-t-on aujourd'hui le droit de le faire sans cette révision
? Naturellement oui !
Mme Nicole Borvo.
La loi suffit !
M. Michel Charasse.
Les collectivités territoriales pourront-elles désormais s'emparer d'office
d'une compétence ?
MM. René Garrec,
rapporteur,
et Michel Mercier.
Non !
M. Michel Charasse.
Non, nous dit M. le rapporteur, et il a raison puisque cela est régi par la
loi. Donc, si la loi ne l'a pas prévu, elles ne pourront pas s'en saisir
elles-mêmes, contrairement à ce que l'on pourrait déduire de la rédaction du
deuxième alinéa du texte présenté.
Mme Nicole Borvo.
La loi suffit !
M. Michel Charasse.
Pourront-elles non seulement se saisir elles-mêmes d'une compétence, mais
aussi s'emparer d'attributions de souveraineté ? Evidemment non, nous dit le
ministre. Dans ces conditions, je me demande à quoi tout cela sert, puisque le
dispositif présenté n'ajoute rien.
Mme Nicole Borvo.
Cafouillage !
M. Michel Charasse.
M. Mercier, qui lui est très astucieux
(Exclamations amusées sur les
travées du RPR et de l'Union centriste)
et qui se souvient des règles de
l'université, nous dit que, aujourd'hui, les textes prévoient - je l'ai rappelé
tout à l'heure dans ma première intervention - que le conseil municipal, le
conseil général, etc. règle par ses délibérations les affaires de la
collectivité territoriale concernée.
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Mais il n'y a pas de fondement constitutionnel !
M. Michel Charasse.
Ah, monsieur Devedjian, je vous attendais là ! En effet, cette formulation
n'est pas apparue pour la première fois dans la loi Defferre ; elle figure dans
la loi de 1884 sur les communes,...
M. Michel Mercier.
Dans celle de 1871 !
M. Michel Charasse.
... et même dans celle de 1871 sur les départements. Elle n'a été reprise par
la loi Defferre que pour l'appliquer aux régions.
M. Michel Mercier.
Exactement !
M. Jean-Jacques Hyest.
Voilà !
M. Michel Charasse.
Or, mes chers collègues, si l'on admet que la liberté locale est un principe
fondamental de liberté reconnu par la République, il faut admettre que le
principe selon lequel l'assemblée élue d'une collectivité territoriale règle
par ses délibérations les affaires de la collectivité territoriale fait partie
des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, auxquels le
Conseil constitutionnel a donné valeur constitutionnelle à plusieurs reprises.
Il n'est donc pas besoin de modifier la Constitution.
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Cela ira mieux en le disant, monsieur Charasse !
M. Michel Charasse.
Enfin, mes chers collègues, je faisais référence tout à l'heure à la
subsidiarité au sens du traité de Maastricht ! C'était la grande affaire, et M.
le garde des sceaux, voilà un moment, nous a dit que cette question de la
subsidiarité, qui est visée au deuxième alinéa de la rédaction présentée pour
l'article 72 de la Constitution, est l'élément clé de cette révision
constitutionnelle. Mais c'était déjà l'élément clé du traité de Maastricht. Or,
qu'en a-t-on fait ? Rien ! Pourquoi ? Parce que les Etats, comme les
collectivités territoriales, ne peuvent pas se saisir d'office et qu'ils
attendent que la Communauté veuille bien les autoriser à faire jouer le
principe de subsidiarité. C'est ce que l'Etat fera, comme l'a dit tout à
l'heure M. Garrec.
Donc, décidément, tout cela ne change rien, et si l'Etat ne veut rien faire,
il ne sera pas plus obligé de faire en vertu de cette disposition - et tant
mieux ! car je suis, moi aussi, un défenseur de l'Etat - qu'il ne pouvait le
faire jusqu'à présent.
Conclusion et résultat des courses : en l'occurrence, on veut nous faire voter
un alinéa qui ne sert à rien. Aussi, comme je n'aime pas perdre mon temps, je
voterai l'amendement de suppression. On n'a effectivement pas intérêt à charger
la Constitution avec des histoires qui relèvent tout juste du niveau du café du
commerce !
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. -
Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Apparemment, vous le fréquentez, monsieur Charasse !
M. Michel Charasse.
Je le fréquente, monsieur Devedjian !
M. le président.
Monsieur Charasse, comme le disait Talleyrand, tout ce qui est excessif est
insignifiant !
M. Michel Charasse.
C'est ce texte qui est insignifiant !
(L'orateur brandit un document.)
Ce n'est pas du Poncelet, car cela aurait été écrit autrement, monsieur le
président !
(Sourires.)
M. le président.
Merci pour lui !
(Nouveaux sourires.)
La parole est à M. Laurent Béteille, pour explication de vote.
M. Laurent Béteille.
Tout à l'heure, notre collègue Jean-Pierre Sueur disait que nous étions au
coeur du débat. Je suis au moins d'accord avec lui sur ce point. Cette
disposition est en effet très importante. Elle démontre la volonté du
Gouvernement de proposer une véritable décentralisation, qui s'impose pour
l'avenir.
Aujourd'hui, on a entendu un certain nombre d'affirmations. Plusieurs de nos
collègues nous ont expliqué, bien sûr la main sur le coeur, qu'ils étaient pour
la décentralisation mais que toute réduction des compétences de l'Etat leur
paraissait suspecte.
M. Jean-Pierre Sueur.
Lesquelles ?
M. Laurent Béteille.
Aux termes de la rédaction qui nous est proposée, les collectivités
territoriales seront chargées de faire ce qu'elles peuvent faire mieux que
l'Etat, et il s'agira d'un principe constitutionnel.
J'avoue ne pas comprendre comment on peut être contre le fait que ce soit
l'échelon le mieux à même de faire quelque chose qui en soit chargé. Il y a là,
pour moi, un mystère assez incroyable.
On vient en effet de nous énumérer une série de dispositions dont l'Etat ne
doit pas se dessaisir. Tout le monde est d'accord sur le fait que, s'agissant
des compétences régaliennes de l'Etat, c'est bien sûr l'Etat qui est le mieux à
même de les accomplir. Cela paraît évident.
Mais lorsqu'une compétence particulière peut être mieux accomplie par une
collectivité territoriale, je ne vois pas sur quoi se fondent les réticences
pour la lui confier. C'est ce que prévoit la Constitution dans la rédaction qui
nous est proposée. On en fait un principe constitutionnel, ce qui signifie que
la loi ne pourra pas recentraliser de force ce qui est bien fait par les
collectivités territoriales. Il s'agit donc d'une disposition utile. Pour ma
part, je suis étonné que l'on conteste ce principe, qui est de simple bon
sens.
Je remercie nos collègues d'avoir demandé un scrutin public car il nous
permettra d'affirmer que, de ce côté-ci de l'hémicycle, nous sommes partisans
de la décentralisation.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur plusieurs travées de l'Union
centriste.)
M. Michel Charasse.
De notre côté aussi !
M. le président.
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 135 et 182.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du
règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Nombre de votants | 320 |
Nombre de suffrages exprimés | 319 |
Majorité absolue des suffrages | 160 |
Pour l'adoption | 104 |
Contre | 215 |
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote sur l'amendement n° 136.
M. Jean-Claude Peyronnet. Je souhaite m'exprimer à nouveau sur cet amendement, car je l'ai présenté rapidement afin de gagner du temps. (Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.) Comme je l'ai dit tout à l'heure, il s'agit d'un amendement de repli.
Nous supportons difficilement d'être sans cesse accusés de ne pas être favorables à la décentralisation (Exclamations sur plusieurs travées du RPR), que nous avons portée et que nous avons défendue au sein de la commission Mauroy, même s'il ne nous avait pas semblé pour autant utile de réformer la Constitution.
Je suis étonné que M. le garde des sceaux fasse observer que l'amendement que nous présentons est trop long et confus, et qu'il est inutile de l'insérer dans la Constitution. En effet, cet amendement précise les compétences qui sont du ressort de l'Etat et qui, en aucun cas, ne devront être transférées à une collectivité territoriale.
J'invite M. le garde des sceaux à lire le texte proposé par l'article 9 pour l'article 74 de la Constitution et qui concerne les collectivités à statut particulier des départements d'outre-mer. Comme je crains qu'il ne le fasse pas, je lis moi-même ce texte : « le transfert de compétences de l'Etat ne peut porter sur la nationalité, les droits civiques, les garanties des libertés publiques, l'état et la capacité des personnes, l'organisation de la justice, le droit pénal, la procédure pénale, la politique étrangère, la défense, la sécurité et l'ordre publics, la monnaie, le crédit et les changes ainsi que le droit électoral ». L'énumération s'arrête là. Nous l'avons un peu poursuivie afin que les collectivités à statut particulier d'outre-mer puissent se voir confier un certain nombre de compétences, notamment l'enseignement, le régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales, le droit du travail et le droit syndical.
Ainsi, nous ne faisions qu'apporter, avec une plus grande précision que le projet de loi, des précisions qui sont manifestement utiles pour les départements d'outre-mer. On ne comprend donc pas très bien pour quelle raison elles ne seraient pas utiles aux collectivités territoriales. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 136.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Monsieur Charasse, l'amendement n° 90 est-il maintenu ?
M. Michel Charasse. A la suite des explications qui ont été données par M. le garde des sceaux et par M. le rapporteur, cet amendement ne veut plus rien dire, pas plus d'ailleurs que l'alinéa concerné. Par conséquent, comme je suis logique, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 90 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 77.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 137, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit la première phrase du troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72 de la Constitution :
« Les collectivités territoriales, qui procèdent d'une organisation territoriale décentralisée de la République, s'administrent librement par des conseils élus, dans les conditions prévues par la loi. »
L'amendement n° 8, présenté par M. Garrec, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Après les mots : "conseils élus", rédiger comme suit la fin du troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72 de la Constitution : "et disposent d'un pouvoir réglementaire pour l'exercice de leurs compétences." »
Le sous-amendement n° 219, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :
« Dans le texte proposé par l'amendement n° 8 pour la fin du troisième alinéa de l'article 72 de la Constitution, après le mot : "disposent", insérer les mots : ", dans les mêmes conditions,". »
Le sous-amendement n° 183 rectifié, présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar et Mme Terrade, est ainsi libellé :
« Dans le texte proposé par l'amendement n° 8 pour la fin du troisième alinéa de l'article 72 de la Constitution, après le mot : "réglementaire", insérer le mot : "dérogatoire". »
Le sous-amendement n° 253, présenté par M. Alduy, est ainsi libellé :
« Compléter in fine le texte proposé par l'amendement n° 8 pour la fin du troisième alinéa de cet article par le membre de phrase suivant : ", notamment pour promouvoir leur patrimoine culturel et linguistique.". »
L'amendement n° 91, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :
« A la fin de la première phrase du troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72 de la Constitution, après les mots : "des conseils élus", ajouter les mots : "au suffrage universel direct". »
L'amendement n° 92 rectifié, présenté par M. Charasse et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit la seconde phrase du troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72 de la Constitution :
« Pour la mise en oeuvre de leurs décisions, et dans le respect de la Constitution et des principes fondamentaux de la République, elles arrêtent les mesures nécessaires à leur application. »
L'amendement n° 138, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit la seconde phrase du texte proposé par cet article pour le troisième alinéa de l'article 72 de la Constitution :
« Pour l'exercice de leurs compétences, elles disposent, dans les conditions et les limites fixées par la loi, et sous réserve des articles 13, 20 et 21, du pouvoir réglementaire nécessaire à la mise en oeuvre de leurs délibérations. »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l'amendement n° 137.
M. Jean-Pierre Sueur. La précision que nous proposons d'apporter au début de l'alinéa concerné nous semble très importante.
Tout d'abord, nous voulons revenir sur la question de l'organisation territoriale décentralisée. J'ai lu, dans un journal, que M. Patrick Devedjian avait considéré que les propos de M. le président de l'Assemblée nationale relatifs à l'« intégrisme décentralisateur » ne s'appliquaient en aucun cas aux représentants de la majorité, mais visaient explicitement les représentants de l'opposition, en raison de leurs idées sur l'intercommunalité. Cette interprétation des propos de M. Jean-Louis Debré ne manque pas d'intérêt !
Compte tenu de ce qui s'est passé voilà quelques jours, un problème très important demeure. Puisque l'article 1er a été adopté ici même, nous espérons vivement que, dans la suite de la discussion, à l'Assemblée nationale, il sera possible de revenir sur cette question de l'« organisation décentralisée ». Plus nous échangeons avec des constitutionnalistes, avec des élus et avec nos concitoyens, plus il nous apparaît évident que, dans notre pays, l'organisation territoriale est décentralisée pour ce qui relève des collectivités locales et déconcentrée pour ce qui relève de l'administration de l'Etat. Les choses sont très claires ! Finalement, il aurait fallu écrire : « L'organisation territoriale de la République est décentralisée et déconcentrée », car telle est la stricte vérité !
M. Josselin de Rohan. C'est complètement faux !
M. Jean-Pierre Sueur. Or, vous avez absolument refusé que l'on prenne en compte ce qui est pourtant le bon sens, et M. Jean-Claude Peyronnet l'expliquait encore à l'instant : comment imaginer que l'on puisse inclure dans les compétences des collectivités locales ce qui doit demeurer de la compétence de l'Etat ? Mais puisque vous avez déclaré, monsieur le ministre, que vous ne vouliez pas définir a priori les compétences de l'Etat, arguant que ce n'était pas l'objet du débat et que cela aurait l'inconvénient de clore la discussion, nous voici dans la confusion, nous voici entraînés dans cette conception de la République aléatoire que nous combattrons, car elle ne correspond pas à l'idée que nous nous faisons de la République décentralisée.
Voilà pourquoi, monsieur le président, il nous paraît important d'indiquer que c'est l'organisation territoriale qui est décentralisée - et il faudrait ajouter : « déconcentrée ». Nous ne pouvons pas accepter d'écrire que toute l'organisation de l'ensemble de la République procède de la décentralisation. Chacun ici sait bien que c'est faux, que c'est inexact, que c'est contraire à la vérité, que c'est contraire à la réalité. Nous saisissons donc l'occasion qui nous est donnée aujourd'hui de tenter de préciser les choses, mais nous savons bien que nous avons malheureusement peu de chances d'être entendus.
Enfin, il nous semble très important d'inscrire dans la loi que les collectivités de la République « s'administrent librement par des conseils élus ». Cela figurait dans les lois Defferre ; il est bon que, maintenant, cela entre dans la Constitution. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste ainsi que sur certaines travées du groupe communiste, républicain et citoyen.)
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'aministration générale. C'est déjà dans la Constitution !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 8.
M. René Garrec, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel visant à fondre les deux phrases de cet alinéa en une seule.
M. Michel Charasse. C'est plus court ! Les meilleurs amendements sont les plus courts.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour défendre le sous-amendement n° 219.
M. Jean-Pierre Sueur. Il s'agit d'un sous-amendement de précision, voire d'un sous-amendement rédactionnel.
En effet, la rédaction que propose M. le rapporteur ne nous paraît pas très claire et, de plus, aboutit à une coordination entre un grand principe de la République, selon lequel les collectivités territoriales « s'administrent librement par des conseils élus », et le fait que ces mêmes collectivités disposent d'un pouvoir réglementaire. Ce sont deux questions très différentes qu'il n'est pas souhaitable de mettre sur le même plan. C'est pourquoi nous pensons qu'il est bien préférable de les distinguer : d'une part, le grand principe et, d'autre part, l'affirmation d'un pouvoir réglementaire. Ce sera ainsi beaucoup plus cohérent.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, pour présenter le sous-amendement n° 183 rectifié.
Mme Nicole Borvo. Comme mon collègue M. Sueur, je pense qu'il faut dissocier ces plans différents. Si le débat avait pu être mené à son terme lors de l'examen de l'article 1er du projet de loi tendant à modifier l'article 1er de la Constitution, nous serions parvenus à un bien meilleur résultat et nombre d'ambiguïtés auraient été levées. Mais celles-ci contribuent à entretenir la « face cachée » de ce projet de loi !
Je rappelle qu'existe déjà, de manière résiduelle et subordonnée, un pouvoir réglementaire des collectivités territoriales. Aujourd'hui, on nous propose une logique totalement inverse, qui suscite des interrogations : ce pouvoir réglementaire sera-t-il différent selon l'endroit où l'on vit ? Sera-t-il sans limite connue à ce jour, puisque les compétences des collectivités seront elles-mêmes désormais sans limite ?
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission. Mais non ! C'est n'importe quoi !
Mme Nicole Borvo. Comme vous pouvez le constater, mes chers collègues, la situation ainsi créée est très ambiguë. (M. le ministre délégué manifeste son doute.)
De plus, il est tout de même paradoxal que, dans l'article même qui vise à accorder un pouvoir réglementaire aux collectivités territoriales soit instaurée la possibilité pour une collectivité d'exercer une tutelle sur une autre collectivité.
Notre sous-amendement a donc pour objet de conférer à ce pouvoir réglementaire un caractère dérogatoire, ce qui nous paraît plus précis.
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission. Qu'est-ce qu'un « pouvoir réglementaire dérogatoire » ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Il n'est pas dérogatoire !
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Alduy, pour présenter le sous-amendement n° 253.
M. Jean-Paul Alduy. Ce sous-amendement vise à mettre fin au flou constitutionnel qui entoure la question de l'enseignement des langues de France et celle du soutien des collectivités locales à cet enseignement. Sans contredire les termes du premier alinéa de l'article 2 de la Constitution - « La langue de la République est le français» - , il a pour objet d'attribuer aux collectivités territoriales une compétence juridiquement sûre qui leur permette de préserver leurs spécificités en matière de culture et de langue. Son adoption laisserait au législateur le soin d'élargir éventuellement les compétences des collectivités territoriales en la matière.
Il ne s'agit pas de la « République en morceaux », il ne s'agit pas de la « République aléatoire » : il s'agit de la « République en mouvement ». Donner aux collectivités territoriales la possibilité de défendre et de promouvoir leur patrimoine culturel et linguistique fait partie de ce mouvement et, monsieur le ministre, de cette exhortation à oser la liberté.
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour présenter les amendements n°s 91 et 92 rectifié.
M. Michel Charasse. Afin d'éviter toute difficulté, je propose par l'amendement n° 91 de préciser que si, aux termes de la Constitution « les collectivités territoriales s'administrent librement par des conseils élus », ceux-ci sont désignés « au suffrage universel direct ».
Comme dirait M. Mercier, mais à l'inverse, la règle qui s'applique depuis 1871 est celle de l'élection des collectivités territoriales au suffrage universel direct. Mais elle n'a jamais été précisée dans la Constitution, et, si nous voulons que la libre administration « par des conseils élus » prenne valeur constitutionnelle - et je pense que ce principe le mérite -...
M. Michel Mercier. Il a été consacré par des décisions du Conseil constitutionnel !
M. Michel Charasse. Il a certes été consacré par des décisions du Conseil constitutionnel, mais le membre de phrase : « s'administrent librement par des conseils élus » aussi !
M. le président. Monsieur Charasse, veuillez exposer votre amendement.
M. Michel Charasse. C'est ce que je suis en train de faire, monsieur le président. Il faut suivre ! (Sourires.)
Ma démarche intervient à un moment où l'on voit proliférer un peu partout des organismes, des comités de quartier, des sous-comités de quartier, des associations locales, etc., qui, bientôt, considéreront qu'ils ont la légitimité nécessaire pour demander à bénéficier du même statut que les collectivités territoriales, à lever l'impôt, que sais-je encore... ?
La solution consiste donc, puisque nous en avons l'occasion, à confirmer, en l'inscrivant dans la Constitution - même si le Conseil constitutionnel l'a déjà dit, mais il l'avait dit aussi pour d'autres aspects que M. Mercier a fait entrer dans la Constitution voilà cinq minutes (Sourires) -, que ces collectivités s'administrent librement « par des conseil élus au suffrage universel direct ». Ainsi, les choses seront plus claires.
J'en viens à l'amendement n° 92 rectifié, qui a trait à l'affaire du pouvoir réglementaire.
M. le rapporteur a proposé tout à l'heure une formulation qui est certes plus élégante, je le lui concède, mais qui a tout de même l'inconvénient de maintenir l'expression : « pouvoir réglementaire ». Or, je considère que, dans une République comme la nôtre, il n'y a qu'un pouvoir législatif, celui du Parlement, et qu'un pouvoir réglementaire, celui du Gouvernement, c'est-à-dire de l'exécutif, et je n'aime pas beaucoup que l'on mélange les genres.
Si les collectivités territoriales ont depuis toujours le pouvoir de réglementer certains points, en particulier pour l'application de leurs décisions, elles n'exercent pas pour autant de pouvoir réglementaire, du moins de pouvoir qui mérite de porter le même nom que celui qu'exercent le Président de la République, le Premier ministre et éventuellement les ministres. C'est la raison pour laquelle je suggère de remplacer l'expression : « pouvoir réglementaire » par les mots : « elles arrêtent les mesures nécessaires à leur application ».
Compte tenu de ce qui a été dit la semaine dernière, il serait très dangereux d'essayer de faire croire aux collectivités territoriales qu'elles peuvent être les égales des pouvoirs centraux, car ce n'est pas vrai.
M. René Garrec, rapporteur. Il a raison !
M. Michel Charasse. De surcroît, le pouvoir réglementaire qu'il est envisagé de donner aux collectivités territoriales serait en tout état de cause subordonné au pouvoir réglementaire du Premier ministre, puisqu'elles ne sauraient avoir le droit de modifier les actes de celui-ci. Je préfère donc indiquer que les collectivités locales arrêtent les mesures nécessaires à l'application de leurs décisions plutôt que d'appeler cela « pouvoir réglementaire ». Il est entendu qu'il y a une exception : les maires exercent un pouvoir réglementaire en matière de police, mais ce uniquement parce qu'ils sont agents de l'Etat.
M. le président. Ce sont des agents de l'Etat élus !
M. Michel Charasse. Certes, mais, en l'occurrence, cela n'importe pas.
M. le président. La parole est à M. Peyronnet, pour présenter l'amendement n° 138.
M. Jean-Claude Peyronnet. Pour le cas où l'amendement n° 92 rectifié ne serait pas adopté, je vous propose un amendement de repli tendant à préciser la notion de pouvoir réglementaire, de façon à éviter toute confusion entre le pouvoir réglementaire - puisqu'il n'y a pas d'autre terme pour le désigner - des collectivités territoriales et celui du Gouvernement et du Président de la République.
L'amendement n° 138 vise donc à préciser que les collectivités locales exercent leurs compétences sous réserve des dispositions prévues aux articles 13, 20 et 21 de la Constitution qui, chacun le sait, concernent la politique de la nation menée par le Gouvernement - article 20 -, la mise en oeuvre des lois par le Premier ministre - article 21 - et le pouvoir réglementaire mis en oeuvre par le Président de la République - article 13.
M. Michel Charasse. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. René Garrec, rapporteur. Sur la forme, l'amendement n° 137 est incompatible avec l'amendement n° 8. Sur le fond, le Sénat a décidé d'inscrire dans l'article 1er de la Constitution le principe selon lequel l'organisation de la République est décentralisée, sans préciser qu'il s'agissait de son organisation territoriale. La rédaction de cet amendement est donc inutile et contradictoire avec celle de l'article 1er de la Constitution.
Le sous-amendement n° 219 vise à introduire dans le projet de loi une précision inutile et contraire à l'objectif de simplification rédactionnelle que la commission recherche avec l'amendement n° 8.
S'agissant du sous-amendement n° 183 rectifié, il n'est pas juste de dire, madame Borvo, que le débat n'a pas été mené à son terme : il l'a été, même si les conditions ne vous convenaient pas pleinement.
La précision que vous proposez d'ajouter est inexacte. En effet, le pouvoir réglementaire des collectivités territoriales se doit d'édicter des normes qui respectent les lois et les règlements en vigueur. La commission a donc émis un avis défavorable.
Le sous-amendement n° 253 n'a pas été examiné par la commission. Il me semble dépourvu de valeur normative. Or la Constitution doit être aussi précise que possible,...
M. Jean-Pierre Sueur. C'est très bien de souligner que la Constitution doit être aussi précise que possible !
M. Robert Bret. C'est pertinent !
M. René Garrec, rapporteur. ... ce qui n'est pas le cas du sous-amendement. Donc, avis défavorable, et je remercie M. Sueur de son soutien.
L'amendement n° 91 de M. Charasse, malgré des qualités évidentes, comme d'habitude, me semble trop restrictif.
M. Michel Charasse. Allons bon !
M. René Garrec, rapporteur. Il n'est pas opportun de prévoir une telle condition ni d'entretenir une telle rigidité, alors que, après la révision, le législateur pourra créer des collectivités territoriales se substituant à des collectivités existantes et qu'il lui appartiendra de définir le mode d'élection de leurs représentants.
M. Michel Charasse. Donc, on abandonne le suffrage universel direct !
M. René Garrec, rapporteur. Le Sénat est une assemblée législative à part entière, mon cher collègue. Pourtant, il est élu au suffrage universel indirect !
La commission émet donc un avis défavorable.
L'amendement n° 92 rectifié est incompatible avec l'amendement n° 8 de la commission des lois. Notre collègue Michel Charasse a raison sur le fond : il va de soi que les collectivités territoriales doivent respecter la Constitution et les principes fondamentaux de la République. Cette précision est donc inutile. Par ailleurs, l'expression : « pouvoir réglementaire des collectivités » est parfaitement identifiée et ne suscite aucune confusion. La commission émet donc un avis défavorable.
L'amendement n° 138 apporte une précision inutile. Le pouvoir réglementaire du Président de la République et celui du Premier ministre primeront sur celui des collectivités territoriales, aucun doute n'est permis. La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 137, qui n'est pas cohérent avec les dispositions votées à l'article 1er.
Je voudrais d'ailleurs dire à M. Sueur et à tous les sénateurs de gauche qui se sont référés à M. Jean-Louis Debré que, vingt ans après le débat qui a opposé Michel Debré à Gaston Defferre et en entendant son fils biologique et spirituel en maintenir fidèlement les principes, il est savoureux de voir la gauche se rallier à lui.
M. Jean-Pierre Bret. C'est lui qui s'est rallié à nous !
M. Jean-Pierre Sueur. Ce n'est pas ce que j'ai dit : j'ai parlé de son interprétation !
M. le président. Monsieur Sueur, je ne vous ai pas invité à intervenir.
Monsieur le ministre, je vous prie de continuer.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 8, dont l'écriture nous paraît plus élégante que la nôtre.
Quant aux sous-amendements n°s 219 et 183 rectifié, ils nous paraissent inutiles parce que satisfaits, s'agissant de l'amendement n° 219 de M. Peyronnet, en tout cas. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Sur le sous-amendement n° 253 concernant les langues régionales, le Gouvernement émet également un avis défavorable. Le souci de M. Alduy est légitime, mais cette précision n'a pas sa place dans la Constitution. C'est dans une loi ordinaire que devra être défini le champ des règles de fonctionnement des collectivités territoriales.
De même, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 91, qui me paraît tout à fait contradictoire avec la position développée par les sénateurs de gauche quant à la reconnaissance dans la Constitution des EPCI et de toute l'intercommunalité. Le Conseil constitutionnel a permis le transfert des grands principes de libre administration des collectivités territoriales aux EPCI. Par conséquent, monsieur Charasse, votre amendement ne me semble pas le bienvenu par rapport au discours qui a, notamment, été tenu par M. Mauroy.
Le Gouvernement émet encore un avis défavorable sur l'amendement n° 92 rectifié, qui, en fait, ne constituerait qu'une régression. En effet, le pouvoir réglementaire des collectivités territoriales a déjà été reconnu comme tel par la jurisprudence. Je rappelle également que le Conseil constitutionnel a reconnu ce pouvoir à la Corse. Vous voudriez donc revenir en arrière, monsieur Charasse, cela m'étonne de la part d'un homme de progrès comme vous ! (Sourires.)
Enfin, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 138, qui est un amendement de repli, comme l'était déjà l'amendement n° 93 rectifié.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 137.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 219.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 183 rectifié.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 253.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, les amendements n°s 91, 92 rectifié et 138 n'ont plus d'objet.
M. Michel Charasse. Mais non, monsieur le président ! L'amendement de la commission modifiait la fin de l'alinéa mais intervenait seulement après les mots : « conseils élus ». Donc, mon amendement, qui propose d'ajouter, directement après ces mots, les mots « au suffrage universel direct », aurait dû être appelé avant. Je n'en ferai pas une maladie, monsieur le président, si vous me permettez d'ajouter quelques mots. (Sourires.)
M. le président. C'est toujours avec plaisir que l'on écoute M. Charasse.
Toutefois, mon cher collègue, je vous ferai remarquer que vous auriez dû déposer un sous-amendement.
M. Michel Charasse. Pas du tout, puisque la partie dont traite l'amendement de M. Garrec n'est pas celle que visait le mien. Cela dit, on ne va pas en faire un potage ! (Sourires.) J'en viens au contenu de l'amendement, c'est-à-dire à l'adjonction des mots : « suffrage universel direct ». Je dois dire que j'ai été surpris par un certain nombre d'explications puisque, comme M. Mercier me l'a soufflé tout à l'heure - mais il n'avait d'ailleurs pas besoin de le faire -, le Conseil constitutionnel a réaffirmé à plusieurs reprises qu'il s'agissait d'organes élus au suffrage universel direct. Si l'on ne modifie pas la Constitution sur ce point, l'interprétation du Conseil constitutionnel demeurera identique.
Aussi, quand M. le rapporteur nous dit qu'on pourra demain élire je ne sais quoi, désigner des collectivités territoriales qui ressembleront à des chameaux ou à des dromadaires, etc. et qui ne seront pas forcément élus au suffrage universel direct, je suis perplexe.
M. Devedjian évoquait tout à l'heure ce que disait M. Jean-Louis Debré (Murmures sur les travées du RPR)...
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Michel Charasse. Mais cela concerne bien le texte dont nous discutons ! On me « carotte » un amendement : on peut bien me laisser aller jusqu'au bout de mon propos !
D'ailleurs, je n'en ai plus pour longtemps.
Je voulais dire simplement que le président Debré a rappelé les principes fondamentaux de la Constitution actuelle, lesquels découlent de la loi du 3 juin 1958, qui a autorisé l'élaboration d'une nouvelle constitution. Or cette loi du 3 juin 1958 n'aurait pas été votée par la dernière assemblée nationale de la IVe République si la nouvelle constitution n'avait pas dû contenir un certain nombre de principes à propos desquels on peut se demander de temps en temps si on n'est pas en train de les mettre à mal. C'est pour cela que j'apprécie les propos de M. Debré, puisque c'est pour ce motif-là qu'une partie des socialistes de l'époque a voté la loi du 3 juin 1958. Sinon, je ne sais pas comment on serait sorti du coup d'Etat d'Alger !
Il faut quand même rappeler les grands ancêtres, monsieur le président.
M. le président. Oui, c'est très intéressant ! Nous nous comprenons, monsieur Charasse, nous avons vécu ces événements !
L'amendement n° 93 rectifié, présenté par M. Charasse et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
« Après le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72 de la Constitution, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les décisions des collectivités territoriales ne peuvent avoir pour objet ou pour effet de faire obstacle à la mise en oeuvre de la politique de la nation visée à l'article 20. »
La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse. L'amendement n° 92 rectifié est tombé, ce qui est tout à fait logique. Je ferai simplement remarquer que ce qu'il propose ne constitue pas une régression puisque la jurisprudence corse porte sur le cadre des compétences qui sont reconnues par la loi et pas au-delà. Il n'y a donc pas de pouvoir réglementaire nouveau.
J'en arrive à l'amendement n° 93 rectifié.
On nous dit, mes chers collègues, qu'il faut que les collectivités puissent faire tout ce qu'elles ont envie de faire, librement, dans tous les sens. Bref, c'est le « bazar » dont parlait M. Debré ou le supermarché ! (Protestations sur les travées du RPR.) Il ne faudrait quand même pas qu'elles puissent mettre en cause la mise en oeuvre de la politique de la nation telle qu'elle est définie par le Premier ministre, aux termes de l'article 20 de la Constitution, et approuvée par le Parlement.
Cette espèce de caravansérail de choses très variées me fait un peu penser à ce qu'on appelait autrefois « les missions africaines ». (Exclamations sur les travées du RPR.) Vous vous rappelez : on y trouvait des tas d'objets dans tous les sens.
Il est quand même bon de rappeler, à un moment ou à un autre, qu'il y a un Etat, que cet Etat est le bras armé de la nation, que la nation a une politique qui découle de la souveraineté nationale telle qu'elle sort des élections législatives et que cette politique de la nation est mise en oeuvre par le Gouvernement. L'amendement n° 93 rectifié est un amendement d'Etat, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. René Garrec, rapporteur. Je ne voudrais pas être désagréable avec notre collègue M. Charasse, mais cet amendement est inutile car les collectivités territoriales tiennent leurs compétences de la loi, et je fais confiance au législateur. La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le Gouvernement émet un avis défavorable pour les raisons que vient d'énoncer M. le rapporteur.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Je voudrais apporter mon soutien à l'amendement de M. Charasse et relever la grande clarté républicaine qui en émane.
Je souhaiterais démontrer tout l'intérêt que présente cette clarté républicaine à partir de ce qui vient d'être dit dans notre hémicycle, et qui ne doit pas passer inaperçu, à propos d'un amendement sur lequel nous n'avons pas pu voter ; je veux parler de l'amendement n° 91 de M. Charasse.
En effet, la semaine dernière, M. Mauroy et certains de nos collègues ont proposé que l'on inscrive dans la liste des collectivités territoriales les communautés à fiscalité propre. Il nous a été opposé divers arguments, dont le fait que celles-ci n'étaient pas élues au suffrage universel direct, ce à quoi nous avons rétorqué que, si la Constitution changeait sur ce point, la jurisprudence du Conseil constitutionnel changerait nécessairement et que l'argument n'était donc pas dirimant.
C'est la raison pour laquelle j'ai entendu avec beaucoup d'intérêt, mais aussi beaucoup de surprise, l'avis donné par M. Garrec sur l'amendement n° 91. En effet, M. Garrec a dit ceci : on ne peut pas préciser que les collectivités territoriales sont toutes élues au suffrage universel direct comme le propose M. Charasse, parce que les nouvelles collectivités que la Constitution modifiée permettra de créer pourraient tout à fait ne pas être élues au suffrage universel direct.
Cela est donc tout à fait contradictoire avec les propos qui nous ont été tenus la semaine dernière !
La fin de l'intervention qu'a prononcée M. le ministre tout à l'heure allait d'ailleurs dans le même sens et était tout aussi contradictoire.
En effet, si l'on considère que les collectivités locales définies par la Constitution doivent toutes être élues au suffrage universel direct, on ne peut pas accepter d'introduire les communautés à fiscalité propre dans la catégorie des collectivités locales et il faut accepter l'amendement n° 93 rectifié, en tout cas en approuver le principe.
Vous êtes donc en totale contradiction puisque vous envisagez la possibilité de créer des collectivités, aujourd'hui tout à fait inconnues, aux contours totalement imprécis, qui pourraient être élues au suffrage universel indirect et non pas au suffrage universel direct.
Nous avons là la preuve de la grande confusion, de la totale imprécision, du caractère tout à fait aléatoire des mesures que l'on nous propose.
C'est pourquoi M. Charasse a eu raison de nous rappeler à la nécessaire clarté républicaine. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. René Garrec, rapporteur. Cher collègue Sueur, il ne faut pas se priver de cette possibilité de souplesse. Je laisse à votre sagacité la réflexion suivante : les EPCI, dont les membres sont aujourd'hui désignés, sont appelés à évoluer, ainsi que vous l'avez dit vous-même, et il se peut qu'un jour leurs membres soient élus au suffrage universel indirect. Voilà ce à quoi le texte prépare.
M. Michel Charasse. Le Conseil constitutionnel l'interdit !
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse. L'argumentation de mon ami Jean-Pierre Sueur est parfaitement logique et cohérente.
Je dois dire, en revanche, au rapporteur que plus nous avançons moins je le comprends, même si je ne mets en doute ni ses qualités intellectuelles ni ses compétences juridiques, acquises dans une autre assemblée.
En effet, à partir du moment où nous laissons le texte constitutionnel tel qu'il est actuellement, c'est-à-dire que nous conservons les mots « par des conseils élus », et dès lors que le Conseil constitutionnel a interprété cette disposition à plusieurs reprises en indiquant qu'il s'agissait d'élections au suffrage universel direct, il n'y a aucune raison pour que le Conseil constitutionnel change sa jurisprudence. Dans ces conditions, il ne pourra y avoir en France de collectivités territoriales qui ne soient qu'administrées par des conseils élus au suffrage universel direct.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le Conseil constitutionnel n'a jamais dit cela !
M. Michel Charasse. Cela étant dit, je ne pensais pas que l'amendement n° 93 rectifié susciterait un tel étonnement chez le rapporteur et au Gouvernement.
Mes chers collègues, la décentralisation n'empêche pas, fort heureusement, qu'il y ait aussi un Etat. Or, dans la mesure où, selon ce qu'on nous dit, sont prévues de nouvelles avancées en matière de décentralisation, il y a bien un moment où il faut rappeler que les collectivités territoriales doivent rester à leur place.
Il ne faudrait tout de même pas que la constitutionnalisation de la règle de subsidiarité - « ... règlent pour leurs délibérations les affaires de la commune, du département,... » - permette désormais aux collectivités territoriales de s'emparer comme elles le veulent de n'importe quoi, notamment pour mettre en cause les modalités d'application de la politique de la nation, qui émane de la souveraineté nationale, laquelle a malgré tout, permettez-moi de vous le dire, un caractère supérieur aux 36 000 souverainetés locales des communes, aux 99 souverainetés locales des départements, et j'en passe !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 93 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de quatorze amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune ; mais, pour la clarté du débat, je les appellerai successivement.
L'amendement n° 139, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
« Supprimer le quatrième alinéa de l'article proposé par cet article pour l'article 72 de la Constitution. »
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre et nous continuons donc à prendre date sur un certain nombre d'éléments de ce texte qui nous paraissent imprécis, voire dangereux.
Le quatrième alinéa du texte proposé par l'article 4 pour l'article 72 de la Constitution porte sur le droit d'expérimentation législative et réglementaire reconnu aux collectivités territoriales.
Il nous semble que le droit d'expérimentation qui est ici proposé comporte la même imprécision que celui qui est reconnu au Parlement et au Gouvernement à l'article 2 du présent projet, imprécision que nous avons dénoncée la semaine dernière.
Là encore, le fait que les prérogatives régaliennes de l'Etat ne soient pas explicitement exclues pose un vrai problème.
En outre, la rédaction rend complètement incertains le champ d'application de l'expérimentation, les modalités de celle-ci et les conséquences que l'on pourrait en tirer à terme.
Enfin, nous en avons de multiples exemples, il est possible d'expérimenter sans révision constitutionnelle.
En ce qui concerne les transferts de compétences, nous avons déjà dit combien il était dangereux de ne considérer les compérences de l'Etat que comme résiduelles. Sans revenir sur la « grande braderie » ou sur la « République en morceaux », force est de constater que cette République se trouve dépouillée par prélèvements successifs de compétences dont on ne sait pas si elles sont majeures ou si elles sont subsidiaires, faute d'avoir défini le bloc de compétences incompressible de l'Etat.
Nous maintenons à cet égard nos interrogations : quelles sont, selon vous, les compétences régaliennes qu'à aucun moment l'Etat ne peut déléguer ? Pour ne citer qu'un exemple, qui a occupé l'actualité récente : peut-on ou non confier la sécurité à une région lorsque celle-ci la réclame ?
M. Roger Karoutchi. Oh ! Laquelle ?
M. Jean-Claude Peyronnet. C'est tout de même une question majeure !
Nous ne sommes pas opposés à l'idée d'expérimentation, mais nous considérons que, ainsi mise en oeuvre, elle ne rendra pas la décentralisation plus claire pour nos compatriotes, au contraire. Sans parler de « grand bazar », disons que nous sommes devant un système de plus en plus confus, incohérent et illisible.
M. le président. L'amendement n° 140, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72 de la Constitution :
« Dans les conditions prévues par la loi organique, sauf lorsque sont en cause une liberté individuelle ou un droit fondamental, et sous réserve des articles 13, 20 et 21, la loi peut habiliter les collectivités territoriales qui le souhaitent à adapter certaines modalités d'application d'une loi, pour l'exercice de leurs compétences. »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous proposons une nouvelle rédaction pour le quatrième alinéa de l'article 72 de la Constitution.
Constatons tout d'abord que l'expérimentation est aujourd'hui possible. Elle a été mise en oeuvre de façon extrêmement féconde pour les transports ferroviaires régionaux, et ce n'est qu'un exemple.
Dès lors, nous ne voyons pas en quoi il est aujourd'hui nécessaire de changer la Constitution pour pouvoir faire des expérimentations.
Par ailleurs, selon nous, il faut clairement distinguer ce qui est fondamental dans l'édifice républicain, et au premier chef une certaine idée de la loi, qui s'applique également à tous les citoyens, il faut donc distinguer cette conception de la loi que nous partageons tous et qui fonde l'unité nationale de ce qui relève de l'application de la loi.
Monsieur le président de la commission, peut-être pourrez-vous accepter la rédaction que nous proposons puisqu'il s'agit d'affirmer que les modalités d'application de la loi peuvent tout à fait relever des collectivités. Cela permet l'expérimentation, dans des conditions parfaitement claires et sans porter atteinte à l'idée que nous faisons de la loi.
Sinon, après la République aléatoire, on en vient à une idée de loi aléatoire, chaque loi prévoyant les cas dans lesquels la loi ne s'applique pas. La dérogation devient une sorte de principe ! C'est le règne du flou, de l'indistinct, du mal défini.
A l'inverse de cela, nous proposons de distinguer clairement la loi, d'une part, et les modalités d'application de la loi, d'autre part.
M. le président. L'amendement n° 141, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72 de la Constitution :
« Dans les conditions prévues par la loi organique, sauf lorsque sont en cause une liberté individuelle ou un droit fondamental, et sous réserve des articles 13, 20 et 21, la loi peut habiliter les collectivités territoriales, pour l'exercice de leurs compétences, à adapter certaines modalités d'application d'une loi, dès lors que celle-ci le prévoit. »
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. L'objet de cet amendement est de permettre de manière pérenne aux collectivités territoriales d'adapter certaines modalités d'application d'une loi pour l'exercice de leurs compétences.
En autorisant une différenciation dans les modalités d'application des lois, cet amendement donne aux collectivités territoriales une possibilité de « respiration réglementaire » leur permettant de réaliser les adaptations nécessaires aux circonstances locales.
Je tiens à préciser encore une fois que nous ne sommes pas contre l'expérimentation ; nous voulons simplement qu'elle obéisse à un certain nombre de règles.
M. le président. L'amendement n° 94 rectifié, présenté par M. Charasse et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le début du quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72 de la Constitution :
« Dans les conditions prévues par l'article 37-1 et par la loi organique, et sauf lorsque sont en cause le principe d'égalité ou les conditions essentielles d'exercice d'une liberté publique,... »
La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse. Dans cet alinéa, qui prévoit la possibilité de l'expérimentation, je propose que nous fassions référence à l'article 37-1 que le Sénat a accepté, la semaine dernière, d'insérer dans la Constitution.
Je profite, monsieur le président, de ce que les deux ministres sont présents pour leur demander s'ils ont réussi, depuis leur audition par les commissions des lois et des finances, réunies ensemble pour l'occasion, à se mettre d'accord sur l'interprétation de cet article. En effet, à la question que j'avais posée au cours de cette réunion commune - « Est-ce que le principe d'égalité est un droit constitutionnellement garanti ? » -, M. le garde des sceaux avait nettement répondu par l'affirmative tandis que M. le ministre délégué aux libertés locales avait dit : « Euh, ça dépend, il peut y avoir des nuances... » Cette double interprétation m'avait laissé un peu inquiet. Mais je suis sûr qu'ils ont fini par s'accorder.
Si le principe d'égalité n'est pas un droit constitutionnellement garanti...
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Bien sûr qu'il est garanti ! Il est affirmé à l'article 1er !
M. Michel Charasse. ... on se demande ce qui l'est !
M. le président. Monsieur Charasse, vous n'avez pas à être surpris que MM. les ministres soient au banc du Gouvernement ! Vous connaissez la Constitution : les ministres sont à la disposition du Parlement.
M. Michel Charasse. Je m'en réjouis d'autant plus qu'ils sont sympathiques !
M. le président. L'amendement n° 184, présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar et Mme Terrade, est ainsi libellé :
« Dans le quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72 de la Constitution, supprimer le mot : "essentielles". »
La parole est à Mme Josiane Mathon.
Mme Josiane Mathon. S'agissant de l'exercice d'une liberté publique, il ne saurait y avoir d'exception, de hiérarchie ou de restriction. Toutes les conditions d'exercice des libertés publiques, parce qu'elles font partie intégrante de ces libertés, doivent être respectées en toute circonstance.
Qu'est-ce qui est « essentiel » et qu'est-ce qui ne l'est pas lorsqu'il s'agit de l'exercice des libertés publiques ?
M. le président. L'amendement n° 79, présenté par Mme Blandin, est ainsi libellé :
« Dans le quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72 de la Constitution, après les mots : "d'une liberté publique", insérer les mots : ", des engagements internationaux de la France". »
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Le quatrième alinéa de l'article 72 de la Constitution dispose que les collectivités territoriales peuvent déroger aux dispositions « sauf lorsque sont en cause les conditions essentielles d'exercice d'une liberté publique », ce qui est fort bien, « ou d'un droit constitutionnellement garanti », ce qui est excellent. Je trouverais néanmoins pertinent, dans le monde où nous vivons, d'ajouter entre ces groupes de mots « des engagements internationaux de la France »,...
M. Michel Charasse. C'est la moindre des choses !
Mme Marie-Christine Blandin. ... auxquels des dispositions législatives ou réglementaires ne sauraient se soustraire.
Il y va de notre image publique et du respect mutuel entre les nations.
Ces engagements internationaux concernent, je vous le rappelle, des domaines très larges : dévelopement durable, droits humains, engagements économiques ou sociaux. Il s'agit aussi de nos engagements liés à notre appartenance à l'Union européenne.
Il y a là des signes de la France auxquels on ne saurait manquer.
M. le président. L'amendement n° 9, présenté par M. Garrec, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Dans le quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72 de la Constitution, supprimer ler mots : "ou d'un droit constitionnellement garanti". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. René Garrec, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer une mention inutile. Si les conditions essentielles d'une liberté publique peuvent être définies par la loi, les droits constitutionnellement garantis relèvent, par définition, de la seule Constitution.
Il va de soi que les expérimentations ne pourront mettre en cause un droit constitutionnellement garanti. Le législateur ne saurait habiliter les collectivités territoriales à déroger à des droits auxquels il ne peut lui-même porter atteinte.
M. Michel Charasse. Ça règle le problème de l'interprétation !
M. le président. L'amendement n° 41 rectifié bis, présenté par MM. Hoeffel, Jean-Claude Gaudin, Darniche, Lorrain, Hyest et Mercier, est ainsi libellé :
« Dans le quatrième aliné du texte proposé par cet article pour l'article 72 de la Constitution, après les mots : "les collectivités territoriales", insérer les mots : "ou leurs groupements". »
La parole est à M. Daniel Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel. Cet amendement a pour objet de faire reconnaître, au moins dans le cadre de l'expérimentation, les groupements intercommunaux.
M. Michel Charasse. Ah !
M. Daniel Hoeffel. Nous avons entendu tout à l'heure les raisons pour lesquelles ceux-ci ne pouvaient bénéficier d'une reconnaissance globale, les plaçant sur le même plan que les communes, les départements et les régions, mais il nous paraît indispensable que l'existence des communautés urbaines, des communautés d'agglomération et des communautés de communes puisse être actée quelque part dans la Constitution.
Nous offrons ainsi au Gouvernement, monsieur le garde des sceaux, l'occasion d'affirmer clairement sa volonté de poursuivre la politique de coopération intercommunale fondée sur le volontariat.
Voilà trente ans, la France s'est détournée des fusions pour se tourner vers l'intercommunalité. Au cours de la dernière décennie, en particulier, cette intercommunalité, sous l'empire des lois de 1992 et 1999, a connu une nette progression.
Les communes et les élus attendent que le Gouvernement démontre que ce cap sera maintenu, la coopération intercommunale étant le meilleur moyen d'affirmer notre souci de préserver la commune en tant que socle et fondement de l'édifice institutionnel français.
M. le président. L'amendement n° 185, présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar et Mme Terrade, est ainsi libellé :
« Dans le quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72 de la Constitution, après les mots : "peuvent, lorsque", supprimer les mots : "selon les cas, la loi ou". »
La parole est à Mme Josiane Mathon.
Mme Josiane Mathon. Monsieur le président, je présenterai en même temps l'amendement n° 186, puisque les deux sont liés.
Nous sommes favorables à la reconnaissance en faveur des collectivités territoriales d'un pouvoir d'adaptation de certains textes. Il est juste de prendre en compte certaines spécificités locales ou de permettre des expérimentations qui, nous l'avons dit, peuvent être positives pour les populations, à condition, bien sûr, qu'il ne s'agisse pas d'un simple transfert.
Mais nous considérons que cette délégation ne peut concerner que le pouvoir réglementaire et qu'elle doit rester partielle. C'est pourquoi nous proposons de supprimer les dispositions qui concernent le domaine législatif. En tout état de cause, le droit - et le devoir - de contrôle de l'Etat ne sauraient être réduits.
M. le président. L'amendement n° 206, présenté par MM. Delfau, Fortassin, A. Boyer, Baylet et Collin, est ainsi libellé :
« Dans le quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72 de la Constitution, remplacer le mot : "déroger" par le mot : "adapter" et le mot : "aux" par le mot : "les". »
La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin. L'article 4 autorise les collectivités territoriales, à titre expérimental et dans les conditions prévues par une loi organique, à déroger aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l'exercice de leurs compétences, ce qui revient à leur permettre de s'écarter de l'application d'une loi ou d'un règlement.
L'amendement n° 206 a pour objet de permettre aux collectivités territoriales qui le souhaitent, et selon les conditions prévues, d'adapter, à titre expérimental, les lois et les règlements qui régissent leurs compétences.
Cette nouvelle rédaction permet de faire preuve d'une plus grande souplesse dans la mesure où les collectivités territoriales n'ont plus à choisir entre déroger ou non aux dispositions législatives et réglementaires en question, puisqu'elles disposent d'une plus large marge de manoeuvre dans l'adaptation de ces normes.
M. le président. L'amendement n° 142, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :
« Dans le quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72 de la Constitution, après le mot : "déroger", insérer les mots : "dans le respect du principe d'égalité". »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement vise à réintroduire ici le principe d'égalité. Certes, ce principe figure déjà dans l'article 1er de la Constitution, mais il nous semble intéressant de voir comment on peut le rendre compatible avec les modalités qui nous sont proposées s'agissant de l'expérimentation. En effet, un membre du Gouvernement a déclaré que l'expérimentation se traduisait nécessairement par une dérogation au principe d'égalité. Or le principe d'égalité s'impose à tous, de toute façon.
Certains ayant donc cru pouvoir dire que l'on pouvait déroger à ce principe, nous pensons qu'il n'est pas inutile de réaffirmer ici que l'expérimentaiton ne saurait s'effectuer que dans le respect du principe d'égalité.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 60 est présenté par M. Girod.
L'amendement n° 143 est présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme Durieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste.
L'amendement n° 186 est présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar et Mme Terrade.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
« Dans le quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72 de la Constitution, après les mots : "aux dispositions", supprimer les mots : "législatives ou". »
La parole est à M. Paul Girod, pour présenter l'amendement n° 60.
M. Paul Girod. Le quatrième alinéa du texte proposé par l'article 4 pour l'article 72 de la Constitution prévoit, s'agissant de l'exercice des compétences des collectivités, deux types de dérogation qui seront encadrées par une loi organique : des dérogations à la loi et des dérogations au règlement.
Je suis tout à fait partisan des dérogations au règlement, dans la mesure où une loi d'ordre général peut susciter des difficultés d'application en fonction des caractéristiques locales. J'avais d'ailleurs, M. le rapporteur a bien voulu le rappeler, déposé une proposition de loi constitutionnelle allant dans le même sens, puisqu'il s'agissait d'offrir aux régions la possibilité de disposer d'un pouvoir réglementaire d'application pour des lois particulières votées dans des termes spécifiques.
Le Gouvernement souhaite étendre ces dérogations au bénéfice de toutes les collectivités territoriales, et je n'ai pas d'objections sur ce point.
En revanche, s'agissant de la loi, de telles dérogations me paraîtraient imprudentes et risqueraient d'aller trop loin.
M. Michel Charasse. C'est vrai !
M. Paul Girod. Je m'explique : depuis quarante ans, nous n'avons pas cessé d'insérer dans les textes législatifs des dispositions qui, au regard d'une lecture précise de l'article 34 de la Constitution, s'avèrent en réalité ressortir au règlement. J'en avais d'ailleurs donné un exemple, lors de la discussion générale, en rappelant qu'un certain nombre de nos collègues avaient souhaité fixer dans la loi « Montagne » la distance en mètres entre la plantation d'un mélèze et le bord d'une rivière. Voilà qui semble bien difficile à appliquer sur l'ensemble du territoire ! Ces dispositions méritent donc effectivement que l'on puisse, à un certain moment, les adapter.
S'il s'agit ici de viser de telles dispositions, je l'accepte, mais je refuse de considérer que l'on peut déroger à certaines mesures parce que leur application est difficile : on ouvrirait alors la brèche et tout l'arsenal législatif de notre pays serait visé.
C'est en partie pour obtenir du Gouvernement des explications sur ce qu'il entend faire figurer dans la loi organique qui va encadrer cette disposition que j'ai déposé mon amendement.
Quant aux deux amendements n°s 143 et 186, ils sont peut-être rédigés en termes identiques, mais ils n'ont probablement pas été déposés avec les mêmes intentions. (Murmures sur les travées du groupe socialiste et du groupe communiste, républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l'amendement n° 143.
M. Jean-Pierre Sueur. Il s'agit de tirer les conséquences de l'amendement n° 140 que nous avons présenté tout à l'heure : il convient de bien distinguer la loi et la mise en application de la loi.
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon, pour défendre l'amendement n° 186.
Mme Josiane Mathon. Cet amendement a déjà été défendu.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. René Garrec, rapporteur. L'amendement n° 139 est contraire à la position de la commission des lois. J'ajoute que j'ai eu la surprise de constater que nos collègues du groupe socialiste voulaient, par cet amendement, supprimer une disposition qui figurait dans la projet de loi relatif à la Corse avant d'avoir été censurée par le Conseil constitutionnel.
M. Michel Charasse. Depuis, ils ont réfléchi !
M. René Garrec, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement, tout en se réjouissant que ses auteurs aient progressé.
M. Michel Charasse. Il y a plus de joie dans le Ciel pour un pécheur repenti...
M. René Garrec, rapporteur. Il y a plus d'une demeure dans la maison du Père !
M. Michel Charasse. Nous sommes en plein droit canon !
M. le président. Monsieur Charasse, vous n'avez pas la parole. Veuillez écouter M. le rapporteur !
M. René Garrec, rapporteur. S'agissant de l'amendement n° 140, je note que M. Sueur se plaint souvent de la qualité rédactionnelle des amendements, mais je constate que le sien n'est pas tellement meilleur que les nôtres ! C'est sans doute dû à la précipitation commune dans laquelle nous avons dû travailler...
Quoi qu'il en soit, cet amendement prive le quatrième alinéa de l'article 4 du projet de loi constitutionnelle d'une grande partie de sa portée. Les collectivités territoriales ne pourraient pas déroger à la loi, elles pourraient simplement adapter certaines modalités d'application, et ces mesures d'adaptation pourraient ensuite être annulées par le pouvoir réglementaire du Premier ministre. La commission est donc défavorable à cet amendement.
La commission est également défavorable à l'amendement n° 141, qui a le même objet.
Elle a émis un avis défavorable à l'amendement n° 94 rectifié, qui est contraire à sa position sur l'expérimentation.
L'amendement n° 184 s'écarte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, et la commission y est défavorable.
La commission est défavorable à l'amendement n° 79, qui lui paraît apporter une précision inutile.
Elle s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 41 rectifié bis . (M. Jean-Pierre Masseret rit.)
M. Daniel Hoeffel. Pourquoi ? Une sagesse favorable, alors ?
M. René Garrec, rapporteur. Une sagesse... favorable.
M. Jean-Claude Gaudin. C'est une sagesse positive !
M. le président. Allons ! allons ! mes chers collègues...
M. René Garrec, rapporteur. La commission est défavorable à l'amendement n° 185. Les expérimentations auront un objet et une durée limités. Autorisées par le Parlement, elles permettront, après une évaluation, d'adapter la législation. La différenciation du droit applicable sur l'ensemble du territoire sera donc temporaire.
La commission est également défavorable à l'amendement n° 206, qui est source de confusion, ainsi qu'à l'amendement n° 142, qui vise à apporter une précision inutile.
Enfin, la commission est défavorable aux amendements identiques n°s 60...
M. Jean-Pierre Masseret. C'est pourtant celui de M. Paul Girod !
M. René Garrec, rapporteur. Cela arrive ! La commission, je le confirme, est défavorable aux amendements identiques n°s 60, 143 et 186.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 139, qui vise à supprimer le dispositif d'expérimentation législative et réglementaire qui serait reconnu aux collectivités territoriales. En effet, l'expérimentation est une des idées centrales du projet de loi constitutionnel.
Si le Gouvernement en a retenu le principe dans le présent projet de loi, c'est que l'expérimentation résulte d'une longue réflexion conduite depuis des années par les parlementaires, par les sénateurs en particulier.
Le Gouvernement est également défavorable à l'amendement n° 140 qui, je dois l'avouer, me plonge dans une certaine perplexité. Cet amendement tend en effet à autoriser les collectivités locales à procéder à une adaptation pérenne des modalités d'application de certaines lois. Or il ne s'agit pas là de l'expérimentation telle que nous la concevons. Depuis le début de ce débat, vous nous expliquez que le Gouvernement va créer des inégalités alors que nous proposons, au contraire, une expérimentation qui devra faire l'objet d'une évaluation avant d'être soit généralisée soit abandonnée. Autoriser une adaptation pérenne des modalités d'application de certaines lois me paraît surprenant, dangereux et très inégalitaire.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 141, tout comme il l'est à l'amendement n° 194 rectifié, pour une raison simple, monsieur Charasse : l'expérimentation met nécessairement en cause une certaine conception uniforme du principe d'égalité.
M. Michel Charasse. Ah !
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Mais vous savez bien, monsieur le sénateur, que le Conseil constitutionnel examinera la proportionnalité entre l'intérêt général et le respect du principe d'égalité,...
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission. Voilà !
M. Dominique Perben, garde des sceaux. ... ainsi que nous le disons depuis quelques jours déjà.
Sur l'amendement n° 184, le Gouvernement émet également un avis défavorable, comme sur l'amendement n° 79, qui lui paraît tout à fait inutile.
Avec l'amendement n° 9, M. le rapporteur propose la suppression des mots : « ou d'un droit constitutionnellement garanti ». Je crois que, de ce point, nous pourrions débattre longuement ! Le Gouvernement s'en remet donc à la sagesse de la Haute Assemblée.
Sur l'amendement n° 41 rectifié bis , non seulement le Gouvernement et favorable, mais le garde des sceaux l'est de façon enthousiaste car il est personnellement tout à fait convaincu de l'intérêt de l'intercommunalité.
M. Jean-Claude Gaudin. Très bien !
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Pour avoir personnellement travaillé longuement sur ce sujet, je considère que l'amendement que M. Hoeffel a déposé avec MM. Gaudin, Darniche, Lorrain, Hyest et Mercier est extrêmement intéressant.
M. Jean-Claude Gaudin. M. Mauroy aurait d'ailleurs pu lui aussi signer cet amendement !
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Effectivement !
Cet amendement est le résultat d'une discussion constructive, je tiens à le souligner, entre le Gouvernement et la Haute Assemblée. Il n'est pas inutile de le rappeler à la suite de ce qui a pu être dit par les uns ou par les autres. C'est la concrétisation très claire d'un engagement du Premier ministre.
M. Jean-Claude Gaudin. Très bien !
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 185.
S'agissant de l'amendement n° 206 de M. Delfau, il aboutirait à priver de sa substance le pouvoir normatif qui sera reconnu aux collectivités dans le cadre de l'expérimentation. Cette raison suffit à justifier l'avis défavorable du Gouvernement.
Sur l'amendement n° 142, le Gouvernement émet également un avis défavorable. Je reviens à ce propos sur ce que je disais tout à l'heure à M. Charasse, car il n'est pas inutile de le rappeler : il convient de permettre de déroger au principe d'égalité dans une mesure strictement proportionnée à l'intérêt général que représente le recours à l'expérimentation.
S'agissant de l'amendement n° 60, je souhaite préciser à M. Girod que, contrairement à ce qui est inscrit dans l'exposé des motifs de son amendement, le droit à l'expérimentation n'est pas uniquement encadré par la future loi. Vous me demandez, monsieur le sénateur, quel sera le contenu de celle-ci. Je suis incapable, bien sûr, de vous répondre, puisqu'il appartiendra au Sénat et à l'Assemblée nationale, sur proposition du Gouvernement, d'adopter les futures lois organiques ou ordinaires. Mais l'expérimentation sera avant tout encadrée par la Constitution, qui n'autorise les collectivités à déroger qu'aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent leurs compétences et sous la double réserve de ne concerner ni les conditions essentielles d'exercice d'une liberté politique ni l'exercice d'un droit constitutionnellement garanti.
Même si cette dernière réserve a été levée, elle est implicite. C'est la raison pour laquelle cette expérimentation ne comporte aucun danger, y compris dans le domaine législatif.
Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement n° 60.
L'avis du Gouvernement est également défavorable sur les amendements n°s 143 et 186.
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote sur l'amendement n° 139.
M. Michel Charasse. Monsieur le président, je suis favorable à la suppression du quatrième alinéa du texte proposé pour l'article 72 de la Constitution parce qu'il me paraît lui aussi - ce n'est pas une manie de ma part - très mal rédigé compte tenu de ce que nous avons déjà voté.
J'appelle votre attention, monsieur le président, mes chers collègues, sur le fait que nous avons voté un article 2 tendant à insérer un nouvel article 37-1 dans la Constitution ainsi libellé : « La loi et le règlement peuvent comporter, pour un objet et une durée limités des dispositions à caractère expérimental. »
Or l'alinéa dont je souhaite la suppression dispose : « Dans les conditions prévues par la loi organique... ». Est-ce que cela signifie que, pour les collectivités locales, il faudra toujours une loi organique ? Est-ce que cela veut dire que, dans la mesure où une loi ordinaire expérimentale doit être appliquée par les collectivités locales, celles-ci ne pourront l'appliquer que si cette loi ordinaire expérimentale est confirmée par une loi organique ? (M. le garde des sceaux fait un geste dubitatif.)
Il s'agit là d'une question précise. Vous pouvez me dire : on pourra toujours s'en tirer en votant le même jour la loi ordinaire et la loi organique ! Certes, mais ce sont là des débats qui ressemblent sans doute à ceux qui ont pu se produire autrefois, en 1958, au sein du Comité consultatif constitutionnel. Tout cela est assez mal étudié, assez mal « boutiqué » !
Je répète donc ma question : une loi ordinaire comportant des dispositions expérimentales pourra-t-elle être appliquée par une collectivité territoriale ou les collectivités devront-elles attendre que cette loi soit confirmée par une loi organique ?
Tout cela est tellement « cafouilleux » que je voterai dans l'enthousiasme l'amendement n° 139.
M. le président. La parole est à M. Paul Dubrule, pour explication de vote.
M. Paul Dubrule. Cette forêt d'amendements cache quelque peu la réalité. En fait, il s'agit d'une défense des pouvoirs de l'Etat qui pourraient être transférés aux collectivités locales. J'en veux pour preuve l'intervention de M. Sueur, lequel regrettait tout à l'heure qu'on ne mentionne pas dans les textes la déconcentration.
Mais qu'est-ce que la déconcentration si ce n'est le fait, pour l'Etat, de reprendre de la main gauche ce qu'il a pu octroyer de la main droite ? Or, à l'avenir, les lois organiques devront veiller à poser d'une façon précise des limites à une déconcentration qui fait souvent doublon avec le pouvoir des régions et des départements.
Cette lutte contre l'expérimentation montre bien la crainte de l'extension de l'expérimentation - qui pourra avoir un certain succès - à d'autres départements, à d'autres régions, éventuellement par les lois organiques. Cette lutte traduit une volonté de restriction, et tous ces amendements visent à freiner l'élaboration de cette loi constitutionnelle qui est un des grands moments de ce pouvoir.
Je voterai donc contre l'ensemble de ces amendements.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 139.
M. Michel Charasse. Je ne peux donc pas espérer de réponse de la part de M. le ministre !
M. le président. Je ne peux pas obliger M. le ministre à vous répondre, monsieur Charasse.
M. Jean-Claude Gaudin. Il l'a déjà fait, et très bien d'ailleurs !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 139.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote sur l'amendement n° 140. M. Michel Charasse. Si je comprends bien, lorsqu'une loi ordinaire aura pris des dispositions à caractère expérimental, une association relevant de la loi 1901 ou une chambre de commerce ou un port autonome, par exemple, pourront l'appliquer, mais une collectivité élue au suffrage universel direct ne le pourra pas s'il n'y a pas de loi organique. C'est étonnant ! Cela revient à dire qu'en fait une collectivité élue au suffrage universel vaut moins qu'un regroupement de quartier ! (Protestations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.) Je lis vos textes, je n'invente rien !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Je suis étonné par la tournure que prend ce débat, et je souligne, monsieur le sénateur, que la provocation n'est pas une façon de s'expliquer ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Michel Charasse. Ceux qui n'ont pas compris applaudissent !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 140.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 141.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 94 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 184.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote sur l'amendement n° 79.
Mme Marie-Christine Blandin. Je ne provoque pas, je ne demande qu'à entendre et à comprendre !
Mentionner les engagements internationaux de la France me semblait fondamental, lourd de sens, porteur d'engagements. Le ministre nous répond que c'est superflu, que cela va de soi. Mais pourquoi le texte mentionne-t-il les libertés publiques ou le droit constitutionnellement garanti ?
Ou tout doit être écrit, notamment les engagements internationaux de la France qui pèsent bien autant que les deux domaines que je viens de citer, ou il est superflu de les inscrire eux aussi et le texte est trop lourd. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Sueur. Toujours pas de réponse !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 79.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote sur l'amendement n° 9.
M. Michel Charasse. La commission des lois nous propos de supprimer l'une des deux formules dont Mme Blandin rappelait l'existence il y a un instant : on laisserait figurer dans le texte les libertés publiques, mais on enlèverait les mots « ou d'un droit constitutionnellement garanti ».
M. René Garrec, rapporteur. Oui !
M. Michel Charasse. M. le rapporteur nous a dit : c'est parce que les droits constitutionnellement garantis sont garantis par la Constitution et qu'il n'est, par conséquent, pas besoin de le répéter. Je paraphrase à peine ses propos.
Mais, monsieur le rapporteur, la liberté aussi est garantie par la Constitution.
M. René Garrec, rapporteur. Non !
M. Michel Charasse. Donc, si l'on n'inscrit pas l'un, il n'est pas besoin d'inscrire l'autre.
Je comprends d'ailleurs que le Gouvernement ne soit pas favorable au découpage de sa phrase, même s'il s'en remet à la sagesse du Sénat. Je dirai d'ailleurs au passage à M. Perben que j'ai trop d'estime pour lui pour le laisser penser que je fais de la provocation. J'essaie simplement de comprendre ce texte parce que je le trouve mal fichu. Je n'y peux rien ! Ce n'est pas une attaque personnelle !
J'en reviens à cet amendement baroque de la commission qui pose un problème.
On nous dit que le principe d'égalité est constitutionnellement garanti. Très bien ! Cette question a fait l'objet d'un débat tout à l'heure, et M. Perben y a partiellement répondu en déclarant à peu de chose près que l'on pourra porter atteinte au principe d'égalité si l'on poursuit un objectif de valeur constitutionnelle. Je l'avais dit moi-même la semaine dernière sans obtenir de réponse. On a donc réfléchi à la question depuis !
Je voudrais donc que l'on m'explique pourquoi l'on maintient les libertés publiques alors qu'elles sont garanties par la Constitution et que l'on enlève les droits constitutionnellement garantis dans la mesure où ils le sont aussi. Il y a là une incohérence que je ne comprends pas très bien.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. René Garrec, rapporteur. Je suis désolé que mon collègue M. Charasse moleste cet amendement de la commission.
Les libertés publiques sont du domaine de la loi, elles relèvent du législateur ordinaire.
Quant aux droits constitutionnellement garantis, ils sont garantis par la Constitution et s'imposent à tous ; il est inutile de le répéter, ou alors il faudrait le faire à chaque fois pour qu'ils soient respectés.
Pour ce qui est des traités internationaux, ils s'imposent au pays comme le droit constitutionnel alors que les libertés publiques sont du domaine de la loi.
M. Michel Charasse. Je ne comprends toujours pas !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 9.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote sur l'amendement n° 41 rectifié bis .
Mme Marie-Christine Blandin. J'ai bien retenu la manière dont la commission des lois m'a répondu sur le point relatif à l'introduction des communautés à fiscalité propre, pointant mon inexpérience, soulignant que le terme utilisé était incorrect et qu'il eût été préférable de faire état d'établissements publics, notamment.
Je note simplement que, quand on se contente d'évoquer les groupements de communes, tout va bien : la décision est renvoyée à la sagesse du Sénat, même si un esprit pointilleux pourrait y voir la porte ouverte aux syndicats intercommunaux à vocation multiple, les SIVOM, ou aux syndicats intercommunaux à vocation unique, les SIVU.
Mais l'essentiel de mon propos porte non pas sur cette petite vexation, mais sur la méthode. (Exclamations sur les travées du RPR.)
Je suis soigneuse : je conserve les liasses d'amendements successives, sur lesquelles je reporte les notes que je prends, les pages de garde de ces liasses, la verte du 30 octobre à quinze heures trente, la bleue du 31 octobre à huit heures et la jaune du 5 novembre - celle d'aujourd'hui - à douze heures, ainsi que les dérouleurs correspondants.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. On dirait un inventaire à la Prévert !
Mme Marie-Christine Blandin. J'ai vainement recherché l'amendement n° 41. Monsieur le président, est-il normal que nous examinions un amendement n° 41 rectifié bis, alors que le dérouleur du 30 octobre à quinze heures trente ne comportait ni l'amendement n° 41 rectifié ni même l'amendement n° 41 ?
M. Guy Fischer. C'est un amendement virtuel !
M. le président. Madame, après avoir interrogé nos services, je suis en mesure de vous donner l'explication technique : les amendements ont été rectifiés avant que le jeu classé ne soit constitué et avant le tirage du dérouleur de séance.
Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le président, le dérouleur est notre outil de travail. Si nous n'avons pas connaissance des amendements dont nous débattons, nous ne pouvons pas travailler !
M. le président. Madame Blandin, ce n'est pas la première fois que les choses se passent ainsi, même si, j'en conviens, il faut essayer de l'éviter.
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur le président, je ne suis pas du tout convaincu par les explications que vous venez de donner à Mme Blandin !
Bien que cet amendement suscite une certaine sympathie, nous préconiserons l'abstention, car nous pensons qu'il comporte beaucoup d'incertitude. En effet, l'introduction dans la Constitution du mot « groupements » pose un vrai problème en raison de son sens extrêmement large et imprécis. On peut penser que n'importe quel syndicat serait concerné.
Je ne suis pas du tout d'accord avec M. Jean-Claude Gaudin quant il dit que M. Mauroy aurait pu signer cet amendement. Ce n'est pas ce que souhaitait M. Mauroy. Il avait compris qu'il s'agissait d'introduire, comme collectivités à part entière, des communautés de communes, ce qui est autre chose ! Peut-être aurait-il pu le signer,...
M. Jean Chérioux. Nous voilà soulagés !
M. Jean-Claude Peyronnet ... mais sous une forme juridiquement plus rigoureuse.
Cela dit, on comprend bien qu'il ne s'agit pas de n'importe quel SIVU de campagne ! En réalité, les seules vraies expérimentations dans ce domaine concerneront les communautés urbaines, les grosses collectivités. Selon moi, il aurait donc mieux valu purement et simplement inscrire dans la Constitution que sont concernées les collectivités urbaines.
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse. Comme mon collègue et ami M. Peyronnet, j'ai - on le comprendra - une certaine bienveillance à l'égard de cet amendement, mais le fait pour le Sénat de l'adopter - ce qui va sans doute arriver dans quelques instants - ne devra pas nous dispenser, au cours de la navette, de chercher une autre rédaction.
En effet, mes chers collègues, je vous rappelle que les groupements ont des compétences qui découlent quelquefois de la loi et, la plupart du temps, du libre consentement des collectivités groupées. Par conséquent, sans l'accord des communes - pour parler librement - membres d'un groupement, les groupements soit n'ont aucune compétence, soit n'ont que les compétences prévues par la loi et, dans ce dernier cas, on sait qu'elles ne sont pas très nombreuses, qu'il s'agisse des communautés urbaines ou des communautés à fiscalité propre.
Les questions qui se posent me paraissent importantes pour la suite de la navette, mais je ne demande pas qu'on leur apporte une réponse tout de suite.
Lorsque l'on va accorder une dérogation aux communes pour modifier leur compétence, si elles ont délégué cette compétence à une communauté, faudra-t-il une loi spéciale pour autoriser les communautés à faire l'expérimentation de la compétence ? A mon avis, non. Mais encore faudrait-il que cela soit clair et qu'on le sache.
Si le groupement ne peut pas déroger parce qu'on n'a pas voté de loi dans ce sens, mais si, dans la compétence considérée, la commune peut déroger, peut-on considérer que la compétence n'est plus la même que celle qu'elle a déléguée et que, par conséquent, cette compétence déléguée tombe automatiquement et revient à la commune pour qu'elle puisse l'expérimenter ? Je n'en sais rien !
Et comment les groupements peuvent-ils expérimenter - car on peut très bien, par exemple, voter une loi les autorisant à expérimenter dans tel domaine - s'ils n'ont pas la compétence et si l'on n'est pas sûr qu'ils l'auront, notamment parce que le législateur n'est pas favorable à la leur donner ?
Ne va-t-on pas aboutir, dans certains cas, à créer, par la loi, une tutelle des groupements sur les collectivités de base que sont les communes, sans forcément l'avoir voulu ?
Pourquoi dis-je cela ? Ce n'est pas pour embêter qui que ce soit, c'est parce que je crois - et je le dis à M. Gaudin, qui est l'un des premiers signataires de cet amendement après M. Hoeffel - qu'il faut, à l'occasion de la navette, bien préciser les choses ou renvoyer à une loi spéciale. Il y a en effet des chevauchements involontaires qui peuvent aboutir à des situations inextricables !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Il y a la loi organique !
M. Michel Charasse. Ce sont les raisons pour lesquelles, comme mon groupe, je m'abstiendrai sur cet amendement, bien que l'idée soit excellente.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. La situation est toujours confuse ! En effet, ce qui était porteur, monsieur Gaudin, c'était l'amendement n° 41 rectifié, que vous aviez signé la semaine dernière avec M. Hoeffel et qui visait à inscrire les groupements à fiscalité intégrée dans la liste des collectivités territoriales.
M. Robert Bret. Il est retiré !
M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement a effectivement subi la dure loi qui est très intensément mise en application ici jour après jour et nuit après nuit, et qui conduit au retrait soudain des amendements ! Je me permets de vous le dire, monsieur Gaudin, vous auriez dû maintenir l'amendement n° 41 rectifié, car il avait le mérite de la clarté.
De surcroît, à partir du moment où nous retenons l'argument de M. Garrec - comme il nous l'a expliqué tout à l'heure, des collectivités territoriales procéderont dans le futur non pas du suffrage universel mais du suffrage indirect en raison de la nouvelle rédaction de la Constitution -, il n'y a plus d'objections - nous pensions d'ailleurs qu'il n'y en avait pas dès la semaine dernière - pour refuser votre amendement n° 41 rectifié.
En réalité, on vous a offert un petit cadeau en guise de compensation en vous disant : « Eh bien, on va faire entrer ces communautés dans la Constitution non pas par la grande porte, c'est-à-dire en les inscrivant dans la liste des collectivités territoriales, mais en les intégrant dans le passage relatif à l'expérimentation ! » (Protestations sur le banc des commissions.)
Cela a quand même une conséquence, à savoir que tous les groupements, qu'il s'agisse de SIVU, de SIVOM ou de pays - qui sont des groupements de communes -, pourront expérimenter. De plus, en raison de l'alinéa qui suit, ils pourront aussi être chefs de file. Si l'on en doutait encore, il suffirait de lire le texte suivant, qui figure à la page 114 de l'excellent rapport de M. Garrec : « Enfin, s'il ne juge pas opportun de faire figurer les établissements publics de coopération intercommunale et les syndicats mixtes dans la Constitution puisque, par définition, il ne s'agit que d'établissements publics créés par les collectivités territoriales, votre commission considère que, dans la mesure où ils agissent par délégation de leurs membres, ces établissements pourraient également se voir confier le rôle de collectivité "chef de file". »
Le bricolage permanent auquel nous assistons aboutit donc à inscrire dans la Constitution la possibilité pour un SIVU ou pour un SIVOM d'être chef de file pour la mise en oeuvre d'une opération au sein d'une région ou d'un département, et de fixer les modalités de la mise en oeuvre commune par ces collectivités de ladite opération. C'est exactement ce qu'il y a dans le texte. Telles sont les contradictions totales auxquelles nous aboutissons, tout cela pour évoquer à la faveur de cet alinéa de la Constitution les groupements de communes qui figuraient dans l'amendement de départ qui était le vôtre, messieurs Gaudin et Hoeffel, qui était bon, mais auquel vous avez dû renoncer ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Dominique Perben, garde des sceaux. A ce stade du débat, je souhaite préciser les choses.
Monsieur Sueur, vous parlez d'une approximation mais, excusez-moi de vous le dire, c'est l'exposé que vous venez de faire qui est approximatif !
Vous ne pouvez pas tenir de tels propos avec tant d'assurance, ou alors vous n'avez pas lu le texte du Gouvernement ! Vous n'avez pas noté que la loi organique, par définition, allait préciser les conditions d'application du quatrième alinéa.
M. Claude Estier. On ne la connaît pas !
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Je ne peux pas vous laisser dire que ce sera n'importe quoi ! (M. Jean-Pierre Sueur proteste.) Je ne vous ai pas interrompu, monsieur le sénateur, alors je vous saurais gré de faire de même !
Vous ne pouvez donc pas, histoire de faire peur, raconter n'importe quoi en évoquant ce qui risque de se passer. Le projet de loi organique que vous voterez ou non, monsieur Sueur, mais que vous discuterez, et sur lequel vous déposerez des amendements, précisera les choses dans le cadre de la responsabilité du Parlement.
Nous sommes actuellement dans la phase constitutionnelle. Il s'agit de rendre possibles un certain nombre d'actions, dont le contenu sera précisé par la loi organique, puis par la loi ordinaire. C'est le travail normal du Parlement !
Il est choquant que vous tentiez de créer une sorte de peur ou d'incertitude sur les intentions ou les fantasmes du Gouvernement, alors qu'il s'agit de rendre possible l'expérimentation.
Je souhaitais apporter cette précision parce que je ne veux pas que le compte rendu des séances fasse état de telles approximations. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Gaudin, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Gaudin. Si l'on suit les rêveries de M. Sueur, on pourrait aussi dire que, dans les communautés d'agglomération ou dans les communautés urbaines, il y a des compétences obligatoires ou optionnelles. C'est pour simplifier les choses que M. Hoeffel, les autres cosignataires de cet amendement et moi-même l'avons déposé.
Je tiens ici à remercier M. le garde des sceaux et M. le Premier ministre, car ce dernier s'est engagé, il n'y a pas huit jours, devant les quatorze présidents de communautés urbaines. Vous allez me dire, monsieur Sueur, si l'on suit toujours votre raisonnement, que quatorze, ce n'est rien du tout ! Cela représente pourtant un Français sur dix, 6,5 millions de Français, 1,5 milliard d'euros par an d'investissements au service du peuple et de nos compatriotes !
Ces quatorze présidents de communautés urbaines souhaitaient obtenir du Gouvernement que les communautés urbaines, les communautés d'agglomération - désormais sous la forme de « groupements » - puissent participer à l'expérimentation. Le Premier ministre s'est engagé.
Il a même été question, à un moment donné, qu'un amendement soit déposé par M. Mauroy, M. Hoeffel et moi-même. Nous y avons renoncé pour ne pas vous être désagréable, estimant que cela ne vous plairait pas. D'ailleurs, dans le système politique actuel, mieux vaut clarifier les choses.
Pendant cinq années, vous avez recentralisé, donné des pouvoirs supplémentaires aux préfets pour reprendre ce que, généreusement, vous vouliez donner d'une main, en faisant des lois de contrainte, en forçant les maires, comme avec la loi SRU. Alors, un peu de modestie ! L'expression « ou leurs groupements », si elle nous convient, peut vous convenir aussi ! D'ailleurs, j'observe que, Mauroy ou pas Mauroy, finalement, vous allez vous abstenir. Eh bien, nous, monsieur le garde des sceaux, nous voterons volontiers cet amendement.
Je vous dis merci, à vous, ainsi qu'à M. le Premier ministre qui respecte sa parole : tel n'a pas toujours été le cas dans le passé ! (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, et du RPR. - Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Michel Charasse. Cela n'a rien à voir avec ce que j'ai dit !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 41 rectifié bis.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. La parole est à M. Paul Girod, contre l'amendement n° 185.
M. Paul Girod. Je souhaite attirer l'attention des auteurs de cet amendement sur l'énorme imprudence qu'ils commettent : si, par malheur, cet amendement était adopté, seul le pouvoir réglementaire pourrait prévoir des dérogations à la loi, ce qui irait vraisemblement très au-delà de ce que l'on peut concevoir aujourd'hui. C'est la raison pour laquelle je voterai des deux mains contre cet amendement.
Par ailleurs, compte tenu des propos qu'à tenus tout à l'heure M. le ministre sur la manière dont il envisage l'encadrement des expérimentations, je retire l'amendement n° 60, identique aux amendements n°s 143 et 186, mais que j'avais déposé dans un esprit différent.
M. le président. L'amendement n° 60 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 185.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 206.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 142.
M. Jean-Pierre Sueur. Cette explication de vote vaut également pour les autres amendements que nous avons déposés sur cet article.
Monsieur le garde des sceaux, la réponse que vous nous avez donnée tout à l'heure n'en était pas une. En effet, vous avez dit ceci : Cette Constitution, telle que nous la proposons, est très bien ! Des lois organiques interviendront, de sorte que vous n'avez rien à craindre. Vous excluez ainsi la possibilité, pour des groupements qui ne seraient pas à fiscalité propre, de devenir chef de file, au motif que la loi organique ou les lois futures l'excluront. Mais nous n'en savons rien, puisque vous ne nous avez rien dit du contenu ni des lois organiques ni des lois que vous pensez nous proposer. Nous n'avons même pas un avant-projet sommaire ! Nous devons donc nous prononcer sur un texte tendant à modifier la Constitution, sachant que la Constitution dure longemps et qu'après ce gouvernement il y aura d'autres gouvernements. Par conséquent, le fait de nous dire qu'on votera une loi demain ou après-demain ne peut en acucun cas être considéré comme une une réponse aux questions que nous nous posons.
M. Jean-Claude Gaudin. Cela n'a rien voir !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 142.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 143 et 186.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
(M. Jean-Claude Gaudin remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
vice-président
M. le président.
Je suis maintenant saisi de six amendements qui peuvent faire l'objet d'une
discussion commune ; mais, pour la clarté du débat, je les appellerai
successivement.
L'amendement n° 144, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau,
Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc,
Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé
:
« Supprimer l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour
l'article 72 de la Constitution. »
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Cet amendement concerne le « chef de file ». Même s'il n'y est pas fait
explicitement référence, cette notion existe toujours.
Il est vrai qu'un certain nombre de collectivités - notamment les départements
-, par le biais de l'Assemblée des départements de France, ont longtemps
demandé la reconnaissance du « chef de file ». Dans leur esprit, il ne
s'agissait sans doute pas de le reconnaître dans la Constitution : elles
souhaitaient surtout que les citoyens puissent parfaitement identifier, parmi
les différentes collectivités, celle qui, lors d'une opération particulière,
sera acteur, donc le maître d'ouvrage. Tel est le sens de la notion de « chef
de file ».
Dans le texte qui nous est proposé, c'est tout à fait différent : il s'agit
non pas d'une opération particulière, donc d'une opération temporaire, mais de
l'exercice d'une compétence. Autrement dit, c'est beaucoup plus large et
beaucoup plus important que la réalisation d'un pont, d'une autoroute, ou
autres. Sans vouloir faire de procès d'intention au Gouvernement - nous n'en
avons d'ailleurs jamais fait -, il y a là les éléments constitutifs d'une
tutelle d'une collectivité sur une autre.
Tout d'abord, le texte prévoit que la collectivité qui se voit confier le
pilotage d'une opération obtient, par la même occasion, le pouvoir de fixer les
modalités de l'action commune. Autrement dit, sans que soient prévus des
discussions ou des contrats librement consentis entre les collectivités, la loi
délègue totalement à la collectivité chef de file le droit de fixer seule les
modalités de l'action.
Il s'agit véritablement d'un élément constitutif de tutelle. Cela est d'autant
plus vrai que l'article 6 dispose, même si les choses semblent évoluer : « les
recettes fiscales, les autres ressources propres des collectivités et les
dotations qu'elles reçoivent d'autres collectivités territoriales représentent
une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources. »
Autrement dit, il est prévu que les ressources pérennes des collectivités
territoriales comportent des dotations qui proviennent d'autres collectivités.
S'il ne s'agit pas là de contingents d'aide sociale, de contingents de services
et de secours...
M. Michel Charasse.
Quelle horreur !
M. Jean-Claude Peyronnet.
Effectivement !
... ou de toute autre sorte de contingent qui ont été supprimés, cela y
ressemble beaucoup.
En d'autres termes, ces deux éléments concourent vraiment à la mise en oeuvre
d'une tutelle. En outre, et c'est là une interprétation personnelle, au travers
des chefs de file qui pourraient exercer cette tutelle, ce sont les régions qui
sont visées.
M. Josselin de Rohan.
C'est abominable !
M. Jean-Claude Peyronnet.
Même si ce n'est pas expressément indiqué, je crois que c'est sous-jacent dans
le texte.
Je sais que la commission des lois a proposé des amendements qui visent, en
apparence, à atténuer les dégâts que pourrait entraîner l'adoption de ces
dispositions. Mais je crains - nous en reparlerons - que, pour corriger ces
risques, elle n'introduise en réalité plus de confusion et de contradiction
entre deux éléments : d'une part, la proclamation qu'aucune collectivité ne
peut exercer une tutelle sur une autre et, d'autre part, le maintien de la
possibilité de fixer, pour la collectivité qui reçoit la compétence, les
modalités de l'action. Même s'il s'agit d'organiser, on n'est pas là
expressément dans le contrat librement consenti entre les collectivités.
Je propose donc la suppression pure et simple de cet alinéa.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président.
L'amendement n° 145, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau,
Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc,
Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée, est
ainsi libellé :
« Remplacer l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour
l'article 72 de la Constitution par deux alinéas ainsi rédigés :
« Aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre
collectivité territoriale.
« Lorsque la réalisation d'un objectif commun nécessite le concours de
plusieurs collectivités territoriales, la loi détermine les conditions dans
lesquelles ces collectivités peuvent confier librement à l'une d'entre elles la
responsabilité de la mise en oeuvre des décisions nécessaires ainsi que les
modalités de leur participation à l'action commune. »
La parole est à M. Jean-Pierre-Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur.
L'avant-dernier alinéa du texte proposé par l'article 4 est explicitement
contraire au principe en vertu duquel une collectivité ne peut pas exercer de
tutelle sur une autre collectivité, comme vient de le dire M. Peyronnet. C'est
très grave ! C'est pourquoi nous proposons, par cet amendement n° 145,
d'inscrire dans la Constitution ce qui figurait dans les lois Defferre : «
Aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre
collectivité territoriale. »
En conséquence, il faut naturellement modifier la rédaction de l'alinéa
puisque, en l'état, elle est contraire à ce principe. Il vous est donc proposé,
mes chers collègues, d'écrire noir sur blanc dans la Constitution qu'une
collectivité peut « fixer » les modalités de l'action commune.
Je prendrai un seul exemple, celui des universités. Aujourd'hui, que se
passe-t-il ? On se retrouve autour d'une table - l'université, la commune,
l'agglomération, la région et l'Etat - et on se met d'accord librement. Demain,
si cette disposition est votée et que l'on décide que le chef de file est la
région, cette dernière pourra fixer la contribution financière du département,
de la commune et de l'agglomération.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Tout à fait !
M. Jean-Pierre Sueur.
Il s'agit d'une question essentielle qui mérite une réflexion approfondie.
C'est la raison pour laquelle nous vous proposons, mes chers collègues, la
rédaction suivante : « ... la loi détermine les conditions dans lesquelles ces
collectivités peuvent confier librement » - j'y insiste - « à l'une d'entre
elles la responsabilité de la mise en oeuvre des décisions nécessaires... »
Ne croyez-vous pas qu'il est préférable de prévoir dans la Constitution que la
loi fixe les conditions dans lesquelles les collectivités territoriales
concernées décident « librement » de confier à l'une d'entre elles le soin de
conduire telle ou telle action commune à plusieurs d'entre elles, plutôt que de
donner à une collectivité le pouvoir souverain de fixer les modalités de
l'action commune, et ce au mépris de la règle selon laquelle il n'y a pas de
tutelle d'une collectivité sur une autre ?
(Très bien ! et applaudissements
sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président.
L'amendement n° 95 rectifié, présenté par M. Charasse et les membres du groupe
socialiste, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le cinquième alinéa du texte proposé par cet article pour
l'article 72 de la Constitution :
« Lorsque l'exercice d'une compétence nécessite le concours de plusieurs
collectivités territoriales, la loi détermine les conditions dans lesquelles
ces collectivités peuvent confier librement à l'une d'entre elles la
responsabilité de la mise en oeuvre des décisions nécessaires ainsi que les
modalités de leur participation à l'action commune. »
La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse.
Cet amendement est très voisin du précédent, à cela près qu'il ne rappelle pas
qu'il ne peut pas y avoir de tutelle d'une collectivité sur une autre, puisque
cela figure déjà dans la loi Defferre. Mais il n'y a pas d'inconvénient à le
rappeler dans la Constitution. C'est d'ailleurs ce que nous proposera dans
quelques instants le rapporteur-président avec l'amendement n° 10 rectifié.
Comme l'a souligné M. Sueur, le texte qui nous est soumis par le Gouvernement
comporte deux inconvénients majeurs.
Tout d'abord, les collectivités seraient contraintes de suivre le chef de
file.
M. Jean-Pierre Sueur.
Absolument !
M. Michel Charasse.
Or c'est une atteinte grave au principe selon lequel aucune collectivité ne
peut exercer de tutelle sur une autre.
Ensuite, nous sommes quand même le législateur ! Or l'article 4 du projet de
loi prévoit que la loi peut confier à l'une d'entre elles le pouvoir de « fixer
» les modalités de leur action commune. Cela veut dire que, dans ce domaine de
l'action commune, le législateur déléguerait son droit de fixer les règles
concernant le régime des collectivités territoriales à une collectivité
désignée comme chef de file par la loi.
Je comprendrais que le constituant écrive que la loi peut fixer les règles
d'intervention et charger une collectivité d'être chef de file, ce qui ne fait
pas tomber mon argument sur la tutelle ; mais il est impossible de déléguer
notre droit de faire la loi à une collectivité territoriale. C'est la raison
pour laquelle je vous propose, dans cet amendement n° 95 rectifié, une nouvelle
rédaction du cinquième alinéa.
Certes, je ne rappelle pas, je le répète, qu'il ne peut y avoir de tutelle
d'une collectivité sur une autre, mais je fais apparaître, d'une part, comme
l'a dit M. Sueur, que les collectivités locales ne peuvent être associées à une
action commune que si elles l'acceptent et, d'autre part, que les modalités de
leur participation à l'action commune relèvent non pas d'une décision d'une
collectivité locale, mais de la loi.
D'ailleurs, la rédaction prévue dans le projet de loi, qui est vraiment très
préoccupante puisqu'elle dessaisit le Parlement, ne correspond certainement pas
à ce que voulait le Gouvernement, car je n'imagine pas qu'il ait voulu
dessaisir le législateur au profit des collectivités locales. Mais c'est ce à
quoi elle aboutit ! Alors, de grâce, mes chers collègues, ne transférons pas
le pouvoir législatif aux collectivités territoriales. Ce serait le monde à
l'envers !
M. le président.
L'amendement n° 10 rectifié, présenté par M. Garrec, au nom de la commission,
est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article
pour l'article 72 de la Constitution :
« Aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre.
Cependant, lorsque l'exercice d'une compétence nécessite le concours de
plusieurs collectivités territoriales, la loi peut autoriser l'une d'entre
elles à organiser les modalités de leur action commune. »
Cet amendement est assorti de cinq sous-amendements.
Les quatre premiers sont présentés par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et
Courteau, Mme Durieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche,
Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et
rattachée.
Le sous-amendement n° 220 est ainsi libellé :
« Supprimer la seconde phrase du texte proposé par l'amendement n° 10 rectifié
pour l'avant-dernier alinéa de l'article 72 de la Constitution. »
Le sous-amendement n° 221 est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit la seconde phrase du texte proposé par l'amendement n° 10
rectifié pour l'avant-dernier alinéa de l'article 72 de la Constitution :
« Lorsque la réalisation d'un objectif commun nécessite le concours de
plusieurs collectivités territoriales, la loi détermine les conditions dans
lesquelles ces collectivités peuvent confier librement à l'une d'entre elles la
responsabilité de la mise en oeuvre des décisions nécessaires ainsi que les
modalités de leur participation à l'action commune. »
Le sous-amendement n° 223 est ainsi libellé :
« Dans la seconde phrase du texte proposé par l'amendement n° 10 rectifié pour
l'avant-dernier alinéa de l'article 72 de la Constitution, remplacer les mots :
", la loi peut autoriser l'une d'entre elles à organiser les modalités de leur
action commune.", par les mots : ", la loi fixe les conditions dans lesquelles
celles-ci peuvent confier librement à l'une d'entre elles la responsabilité de
la mise en oeuvre des décisions nécessaires." »
Le sous-amendement n° 222 est ainsi libellé :
« Dans la seconde phrase du texte proposé par l'amendement n° 10 rectifié pour
l'avant-dernier alinéa de l'article 72 de la Constitution, remplacer les mots :
", la loi peut autoriser l'une d'entre elles à organiser les modalités de leur
action commune.", par les mots : ", la loi fixe les conditions dans lesquelles
celles-ci peuvent confier librement à l'une d'entre elles l'organisation des
modalités de leur action commune." »
Le sous-amendement n° 264, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :
« Dans la seconde phrase du texte proposé par l'amendement n° 10 rectifié pour
l'avant-dernier alinéa de l'article 72 de la Constitution, après les mots : "à
organiser", insérer les mots : "avec leur accord". »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 10
rectifié.
M. René Garrec,
rapporteur.
Cet amendement fera plaisir à notre collègue Michel Charasse
parce qu'il répond aux questions qu'il se posait. Il vise à inscrire dans la
Constitution le principe déjà reconnu par le Conseil constitutionnel de
l'interdiction de la tutelle d'une collectivité territoriale sur une autre. Il
reprend l'une des dispositions figurant à l'article 6 de la proposition de loi
constitutionnelle présentée par M. Christian Poncelet et plusieurs de nos
collègues.
L'inscription de ce principe ne fera pas obstacle à la possibilité de désigner
une collectivité chef de file pour l'exercice de compétences croisées. Elle
garantira en revanche que ce rôle se limitera à l'organisation, à l'animation
et à la coordination des actions communes.
Je prends un exemple. Aux termes de la loi relative à la démocratie de
proximité, ce sont les régions qui accordent les aides directes aux
entreprises. Elles peuvent le faire avec d'autres collectivités. C'est donc le
prototype de la question que nous nous posions tout à l'heure.
Notre collègue Jean-Pierre Sueur faisait par ailleurs l'exégèse du texte. Il
ne faut pas extrapoler puisqu'il reviendra à la loi de le faire. Le Parlement,
pour lequel vous craignez le pire, mon cher collègue, ne sera pas dessaisi.
M. Michel Charasse.
Dans le texte de votre amendement.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour présenter le sous-amendement n°
220.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Ce sous-amendement est sans surprise. Il vise à modifier l'amendement de la
commission afin de faire prévaloir notre position dans la suite du débat : il
s'agit de supprimer l'alinéa qui inscrit la notion de « chef de file ».
M. le président.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter le sous-amendement n°
221.
M. Jean-Pierre Sueur.
Il s'agit, par ce sous-amendement, de préciser que les collectivités
territoriales « peuvent confier librement à l'une d'entre elles la
responsabilité de la mise en oeuvre des décisions nécessaires ». Ainsi, nous
proposons de relier une partie de notre précédent amendement à celui de M.
Garrec.
Le fait de ne pas évoquer dans la Constitution le libre accord des
collectivités locales constituerait selon nous une très lourde erreur et
ouvrirait la porte à des systèmes complètement contraires à l'idée que nous
nous faisons de la libre administration des collectivités locales. Demain, une
collectivité pourra imposer à une autre tout ce qu'elle voudra, ce qui créera
d'immenses problèmes. C'est pourquoi nous insistons beaucoup sur cette
question.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour présenter les sous-amendements
n°s 223 et 222.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Dans la logique de ce que nous venons d'indiquer, le sous-amendement n° 223
énonce les conditions dans lesquelles les collectivités peuvent confier
librement à l'une d'entre elles la responsabilité de la mise en oeuvre des
décisions nécessaires.
Autrement dit, il s'agit de préciser le libre consentement des collectivités
territoriales pour la mise en oeuvre des décisions de l'une d'entre elles.
Le sous-amendement n° 222 fixe quant à lui les modalités de l'organisation de
leur action commune.
Par conséquent, ces sous-amendements s'enchaînent de façon logique.
M. le président.
La parole est à M. Michel Charasse, pour présenter le sous-amendement n°
264.
M. Michel Charasse.
Je reconnais, sous le bénéfice des observations que viennent de faire mes amis
avec les quatre sous-amendements, que la rédaction de M. Garrec est bien
meilleure que celle du projet de loi constitutionnelle.
Il reste un petit problème. Notre collègue René Garrec nous propose d'écrire :
« Aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre. »
Il s'agit de l'introduction du principe, sur lequel nous sommes tous d'accord.
C'est la loi Defferre érigée au niveau constitutionnel.
« Cependant - ce "cependant" n'est-il pas de trop ? -, lorsque l'exercice
d'une compétence nécessite le concours de plusieurs collectivités
territoriales, la loi peut autoriser l'une d'entre elles à organiser les
modalités de leur action commune », et non plus à fixer les règles.
De ce point de vue-là, il n'y a plus de dessaisissement législatif. Il y a
simplement un petit problème. On affirme le principe de la non-tutelle dans la
première phrase de l'amendement Garrec. En marquant « cependant », on signifie,
au fond, que, lorsqu'une action commune est menée, on passe outre le désaccord.
Une seule collectivité est la patronne et les autres paient.
Mes chers collègues, je me permets d'appeler votre attention sur ce problème
qui concerne l'application de la liberté locale. Voulons-nous la tutelle d'une
collectivité locale sur une autre, ou pas ? Je propose simplement d'ajouter
dans l'amendement Garrec - vous voyez, je suis moins ambitieux que mes amis -
après les mots : « la loi peut autoriser l'une d'entre elles à organiser » les
mots : « avec leur accord ». A partir de là, il n'y a plus de tutelle d'une
collectivité sur une autre.
Tels sont, monsieur le président, les objets du sous-amendement n° 264. Je
confirme que l'amendement de M. Garrec est bien meilleur que le texte auquel il
s'applique. Ce n'est pas de la provocation, monsieur le ministre, c'est une
simple constatation d'écriture.
(Sourires.)
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
C'est un très bon amendement.
M. le président.
L'amendement n° 187, présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et
Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M.
Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et
Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar et Mme Terrade, est ainsi
libellé :
« Rédiger comme suit l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article
pour l'article 72 de la Constitution :
« Aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre.
Lorsque l'exercice d'une compétence nécessite le concours de plusieurs
collectivités territoriales, la loi peut autoriser l'une d'entre elles à
organiser les modalités de leur action commune. »
La parole est à Mme Josiane Mathon.
Mme Josiane Mathon.
L'importance de certains projets et les financements croisés amènent - et
c'est une bonne chose - les collectivités de même échelon territorial ou
d'échelons différents à travailler ensemble.
Mais les différences de taille, de ressources, les rapports de force peuvent
conduire une collectivité à se placer dans un rapport de domination par rapport
aux autres, à exercer sur elles une véritable tutelle.
Cette inquiétude n'est pas sans fondement et il est opportun que la
Constitution affirme l'interdiction de telles situations hiérarchiques qui
n'ont pas lieu d'être. C'est pourquoi nous soutenons la proposition de
rédaction de la commission, assortie du sous-amendement de M. Charasse.
Nous l'avons dit, notamment à propos du rôle qui serait dévolu aux régions
dans le cadre du couplage Etat-Région : nous craignons que ces dernières ne
deviennent maîtres-d'oeuvre de décisions dont les départements et les communes
ne seraient plus que les exécutants.
M. Michel Charasse.
Et les payeurs !
M. le président.
L'amendement n° 146, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau,
Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc,
Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée, est
ainsi libellé :
« Au début de l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour
l'article 72 de la Constitution, insérer une phrase ainsi rédigée :
« Aucune collectivité ne peut exercer de tutelle sur une autre collectivité.
»
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Monsieur le président, il s'agit simplement de proclamer à notre tour
l'interdiction formelle de la tutelle d'une collectivité sur une autre. Nous
rejoignons en cela tous ceux qui sont intervenus précédemment, y compris M. le
rapporteur.
Nous souhaiterions vivement que la commission accepte le sous-amendement de M.
Charasse, nous permettant enfin de voter une partie de ce texte. Nous
montrerions ainsi combien nous avons bien travaillé au Sénat !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. René Garrec,
rapporteur.
Monsieur le président, les amendements n°s 144, 145 et 95
rectifié sont contraires à la position de la commission des lois et
incompatibles avec son amendement n° 10 rectifié. Ce dernier vise en effet à
trouver un équilibre entre le principe de l'interdiction de la tutelle d'une
collectivité sur une autre et la nécessité de désigner des collectivités
territoriales chefs de file pour l'exercice de compétences croisées.
La commission des lois émet donc un avis défavorable sur ces trois
amendements, ainsi que sur les sous-amendements n°s 220, 221, 223 et 222.
Quant au sous-amendement n° 264, il est intelligent, il est même séduisant,
mais il présente l'inconvénient de supprimer le chef de file.
M. Michel Charasse.
Pas du tout !
M. René Garrec,
rapporteur.
Si, l'intervention de la loi est nécessaire pour surmonter
les blocages !
M. Michel Charasse.
S'il n'y a pas de blocage, les autres se couchent !
M. Robert Bret.
On le leur impose ! C'est vraiment une tutelle !
M. Michel Charasse.
On ne peut pas affirmer qu'il n'y a pas de tutelle et dire après qu'il y en a
une !
M. René Garrec,
rapporteur.
J'ai cherché à améliorer le premier texte, mais nous pouvons
peut-être faire mieux.
En ce qui concerne les amendements n°s 187 et 146, ils sont satisfaits par
l'amendement n° 10 rectifié de la commission.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Je commencerai par préciser l'avis favorable du
Gouvernement sur l'amendement n° 10 rectifié, dans la mesure où il est
déterminant.
En effet, sur toutes les travées, les sénateurs n'ont eu de cesse de protester
contre les financements croisés. On nous a expliqué mille fois qu'il fallait
mettre fin à cet imbroglio qui rendait l'administration illisible.
Comme il s'avère que les financements croisés sont incontournables, la notion
de « chef de file » a été considérée comme indispensable pour assurer un
minimum de coordination.
Il est vrai que cette solution pose le problème de la tutelle, mais
l'amendement de M. Garrec présente l'avantage de rappeler le principe de
l'absence de tutelle et de prévoir l'exception du chef de file. Il s'agit d'un
cas forcément exceptionnel, car il ne peut y avoir de chef de file que défini
par la loi. Il n'existe pas de chef de file automatique. La loi seule peut
dire, au cas par cas, pour telle compétence, tel projet ou telle loi qui sera
chef de file.
Par conséquent, le principe est l'absence de tutelle, l'exception - permise au
seul bénéfice du législateur - étant la notion de « chef de file ».
J'ajouterai, monsieur Charasse, que les amendements de repli, dont le vôtre,
prévoient que l'accord des communes ou des autres collectivités locales sera
réglé par voie de convention. Or il n'est pas besoin de révision
constitutionnelle pour que, d'ores et déjà, les collectivités territoriales,
par cette voie, se mettent d'accord pour désigner l'une d'entre elles comme
chef de file.
Force est donc de considérer que le système conventionnel actuel ne fonctionne
pas. Il y a en effet peu de coordination dans les opérations de financements
croisés, et il faut bien, dans certains cas certainement très limités, pour
assurer un minimum de cohérence, que le législateur s'en mêle.
L'amendement n° 10 rectifié tend donc simplement à réserver au législateur la
possibilité de désigner un chef de file. C'est la raison pour laquelle le
Gouvernement y est très favorable.
Dès lors, le Gouvernement est défavorable tant aux amendements n°s 144, 145 et
95 rectifié, qui sont incompatibles avec l'amendement n° 10 rectifié, qu'aux
sous-amendements n°s 220, 221, 223, 222 et 264 qui, à l'évidence, tendent à
dénaturer le principe de chef de file.
(Protestations sur les travées du
groupe socialiste.)
Enfin, les amendements n°s 187 et 146 seront satisfaits si l'amendement n° 10
rectifié est adopté par le Sénat.
M. Claude Estier.
Vous êtes le ministre des libertés locales !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 144.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 145.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du
règlement.
(Le scrutin a lieu).
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes).
Nombre de votants | 319 |
Nombre de suffrages exprimés | 311 |
Majorité absolue des suffrages | 156 |
Pour l'adoption | 105 |
Contre | 206 |
M. le président. L'amendement n° 95 rectifié, présenté par M. Charasse et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le cinquième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72 de la Constitution :
« Lorsque l'exercice d'une compétence nécessite le concours de plusieurs collectivités territoriales, la loi détermine les conditions dans lesquelles ces collectivités peuvent confier librement à l'une d'entre elles la responsabilité de la mise en oeuvre des décisions nécessaires ainsi que les modalités de leur participation à l'action commune. »
La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse. Pour vous être agréable, monsieur le président, et pour gagner du temps, je retire cet amendement ; mais je m'exprimerai pour explication de vote sur le sous-amendement n° 264 !
M. le président. L'amendement n° 95 rectifié est retiré.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 220.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 221.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 223.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 222.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote, sur le sous-amendement n° 264.
M. Michel Charasse. Je rappelle au Sénat que, si l'on considère que l'amendement n° 10 rectifié, que le Gouvernement a d'ailleurs accepté, répond bien à la question posée et aboutit à une rédaction bien meilleure du texte qui nous est soumis, il reste tout de même un problème : on ne peut pas, me semble-t-il, dans le même alinéa, rappeler qu'il n'y a pas de tutelle d'une collectivité sur une autre et ajouter tout de suite après que, cependant, il peut y en avoir une quand la loi le décide.
M. Josselin de Rohan. C'est une exception !
M. Michel Charasse. J'ai écouté les explications données par notre président-rapporteur et par le Gouvernement. Pour ma part, je propose de préciser que, lorsqu'une action commune est engagée et que la loi désigne la collectivité chef de file - je ne demande donc pas la suppression du chef de file -, c'est avec l'accord des collectivités concernées.
On ne peut quand même pas, sauf à créer une tutelle, voter demain une loi attribuant telle compétence à la région ou au département et contraignant les communes, les groupements de communes ou la région concernés à payer.
Mes chers collègues, la question est importante - on ne peut pas rappeler la liberté dans la première phrase et la supprimer dans la deuxième -, mais elle se pose finalement d'une façon très simple. S'il s'agit de prévoir dans la loi que seul le département ou la région ou la commune, à l'exclusion de toute autre collectivité, peut réaliser telle ou telle opération, pas de problème : cela veut dire que, si les autres collectivités veulent participer, elles le font à titre conventionnel. Mais si la loi impose la participation des autres collectivités, alors cela ne peut pas marcher !
Or, tel qu'il est rédigé, l'amendement n° 10 rectifié permet d'obliger les collectivités à payer. Je maintiens donc que mon sous-amendement, qui vise à ajouter : « avec leur accord », est d'un grand intérêt.
Néanmoins, si M. Garrec voulait bien supprimer le mot « cependant » dans son amendement, on aboutirait au même résultat.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Non, ça ne suffit pas !
M. Michel Charasse. Certes, je préfère mon texte, mais si on nous assure que la deuxième phrase de l'amendement n° 10 rectifié ne doit pas s'entendre comme le rétablissement subreptice de la tutelle d'une collectivité sur une autre qu'interdit la phrase précédente, on peut trouver un arrangement, même s'il serait plus simple de confirmer qu'aucune collectivité ne peut exercer de contrainte sur une autre, ce qui est l'objet du sous-amendement n° 264.
M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour explication de vote.
M. Philippe Adnot. Une assemblée s'honore quand elle vote les textes qui lui paraissent bons, même lorsque ceux-ci viennent de l'opposition.
Personnellement, je considère que le sous-amendement de M. Charasse améliore le texte de M. Garrec, qui lui-même améliore le texte de l'article 4 : il précise les choses, ce qui est notre volonté à tous.
Quel est notre problème à l'heure actuelle ? Qu'attendons-nous de la décentralisation ? Nous voulons sortir des cofinancements obligatoires, qui, à chaque fois, créent des problèmes. Lorsqu'il s'agit de cofinancements librement consentis entre collectivités, la collectivité qui porte le projet et qui se montre la plus dynamique étant en général naturellement désignée chef de fil, tout se passe en revanche très bien.
Il ne faut pas que ce texte nous fasse régresser par rapport à la situation actuelle en permettant à une collectivité, qu'il s'agisse de la commune, par exemple dans le domaine social ou en matière de politique de la ville, du département, vis-à-vis des communes, ou de la région, vis-à-vis des départements, de contraindre les autres à participer à ses projets.
Il ne s'agit pas de cibler une collectivité, mais de faire en sorte que les cofinancements comme les chefs de file soient acceptés.
C'est pourquoi je voterai le sous-amendement n° 264. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Marie-Claude Beaudeau. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous avons été étonnés de la réponse extrêmement fermée que M. le garde des sceaux comme M. le rapporteur ont opposée au sous-amendement de M. Charasse, alors que notre groupe était prêt, comme l'a exposé M. Peyronnet, à adopter l'amendement n° 10 rectifié de la commission sous réserve que les termes « avec leur accord » y soient ajoutés.
Pour être tout à fait clair, je dirai que la rédaction de l'amendement n° 10 rectifié nous pose un problème, le mot « cependant » affaiblissant nécessairement l'affirmation selon laquelle il n'y a pas de tutelle d'une collectivité sur une autre. Néanmoins, nous avions accepté de voter cet amendement à condition, je le répète - et nous avons là une petite divergence avec M. Charasse - que soit précisé « avec l'accord ».
Mes chers collègues, vous êtes nombreux à considérer - M. Adnot vient de le dire avec éloquence - qu'il est toujours négatif qu'une collectivité veuille dicter la loi à une autre collectivité.
Si, premièrement, on affirme qu'il n'y a pas de tutelle, si, deuxièmement, on inscrit dans la Constitution le concept du chef de file, si, troisièmement, on précise que l'accord des autres collectivités est nécessaire pour le financement du projet, on pourra toutefois parvenir à un compromis et à un texte qui préservera, dans toutes les circonstances, les libertés des collectivités locales, auxquelles nous sommes tous attachés.
C'est pourquoi, monsieur le président, le groupe socialiste a demandé un scrutin public sur le sous-amendement n° 264. Si ce dernier est adopté, nous voterons l'amendement n° 10 rectifié.
M. le président. La parole est à M. Josselin de Rohan, pour explication de vote.
M. Josselin de Rohan. Je ne vois pas où est la difficulté : la loi désigne le chef de file, ce qui permet de répondre à l'objection relative à la nocivité des financements croisés et de remettre de l'ordre dans des secteurs où la coopération est nécessaire.
M. Michel Charasse. Pas de problème, en effet, sur ce point !
M. Josselin de Rohan. La loi peut autoriser l'une des collectivités à organiser les modalités de leur action commune. C'est donc bien la loi qui désigne le chef de file. Imaginez-vous qu'une action commune puisse être engagée sans l'accord des parties concernées ?
Mme Marie-Claude Beaudeau. Oui !
M. Josselin de Rohan. Mais non, ce n'est pas possible ! Si les collectivités locales s'y opposaient, les modalités de l'action commune ne pourraient être organisées. L'accord est implicite, c'est évident !
MM. Michel Charasse et Jean-Pierre Sueur. Ecrivons-le !
M. Josselin de Rohan. Les précisions que M. Charasse propose d'ajouter sont donc superfétatoires ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste ainsi que sur certaines travées du groupe communiste, républicain et citoyen.)
J'ai demandé que la région Bretagne soit chef de file et exerce la compétence dans le domaine de l'eau. Il va de soi que c'est la loi qui le déterminera. Cela nous permettrait également de gérer les crédits européens, les crédits nationaux, les crédits régionaux et les crédits départementaux, grâce auxquels nous pourrons faire face aux compétences nouvelles qui nous seront dévolues et atteindre les objectifs nouveaux que nous définirons. Pensez-vous un seul instant que, même si nous sommes désignés par la loi comme chef de file, nous pourrons établir les modalités de la coopération sans que les départements que nous solliciterons nous aient donné leur accord ?
M. Jean-Pierre Sueur. Alors, vous êtes pour le sous-amendement de M. Charasse ! C'est une magnifique illustration !
M. Robert Bret. Cela ira mieux en le disant !
M. Josselin de Rohan. Il va de soi - cela découle de la rédaction même de l'amendement de M. Garrec - que nous devrons parvenir à un accord avec tous les acteurs qui nous permettront d'exercer notre compétence de manière convenable. Par conséquent, je ne vois pas pourquoi on ajouterait une précision supplémentaire ; le texte est suffisamment explicite. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Michel Charasse. Si le Gouvernement nous confirme cette interprétation !
M. Jean-Pierre Sueur. Deux précautions valent mieux qu'une !
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Hyest. Ce débat relatif au chef de file est tout de même assez complexe. L'exemple qu'a donné M. de Rohan paraît clair. Forcément, puisqu'il s'agit d'eau ! On peut avoir de l'eau claire, au moins ! (Sourires.)
M. Michel Charasse. Il s'agit également de distribuer des subventions !
M. Jean-Jacques Hyest. Certes ! Néanmoins, monsieur le président, nombre de nos collègues sont assez embarrassés par cette question du chef de file : c'est le seul point qui pose vraiment problème.
La commission des lois s'en est d'ailleurs si bien aperçue que l'amendement n° 10 rectifié stipule qu'aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre.
M. Michel Charasse. Exact !
M. Jean-Jacques Hyest. Pourtant, cela figure déjà dans la loi ; c'est un principe constitutionnellement reconnu.
M. René Garrec, rapporteur. Ce n'est pas dans la loi ! C'est un principe constitutionnel !
M. Jean-Jacques Hyest. En effet, monsieur le rapporteur. C'est un principe reconnu sur le plan constitutionnel.
M. Michel Charasse. Cela devient un principe constitutionnel !
M. Jean-Jacques Hyest. Il était déjà reconnu.
Quoi qu'il en soit, si l'on doit expliciter ce point à cet endroit du texte, c'est parce que, précisément, un problème se pose. On peut toujours désigner un chef de file, mais il est évident que si celui-ci ne recueille pas l'accord des autres collectivités territoriales, aucune coopération ne sera possible.
M. Jean-Claude Peyronnet. Ecrivons-le !
M. Jean-Jacques Hyest. Cela relève davantage, à mon sens, du contrat que de l'obligation. En tout état de cause, monsieur le président, cette affaire me semble mériter que nous nous concertions. Par conséquent, je demande, au nom de mon groupe, une suspension de séance.
M. Jean-Pierre Sueur. C'est très bien ! Excellente idée !
M. Michel Charasse. Très bonne idée !
M. le président. Le Sénat va, bien sûr, accéder à votre demande, monsieur Hyest.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à dix-neuf heures quarante.)