SEANCE DU 5 NOVEMBRE 2002
M. le président.
La parole est à M. Gérard Longuet, auteur de la question n° 58, adressée à Mme
la ministre déléguée à l'industrie.
M. Gérard Longuet.
Madame la ministre, je tiens tout d'abord à vous remercier de votre présence
pour répondre à cette question qui, au-delà de la Lorraine, préoccupe
l'ensemble des 7 000 salariés de Charbonnages de France.
L'actualité sociale de la rentrée a été marquée en Lorraine et sur le plan
national par un mouvement de grève qui a paralysé la Société nationale
d'exploitation thermique, la SNET, filiale de Charbonnages de France, et
principal producteur indépendant d'électricité thermique.
En réalité, cette grève exprime l'inquiétude qui s'empare des 7 000 salariés
de Charbonnages de France au moment où nous approchons de l'échéance ultime de
ce que l'on a appelé le « pacte charbonnier », accord d'octobre 1994, qui,
grâce au soutien de l'Etat, a permis à Charbonnages de France, en accord avec
les principales organisations syndicales, de gérer, dans l'ordre et dans un
climat de compréhension sociale, le repli inévitable des activités
charbonnières.
Ce climat a d'ailleurs contribué à créer un environnement favorable à la
reconversion industrielle d'un certain nombre de sites, en particulier dans
l'Est mosellan. Je pense par exemple que la réussite que représente
l'implantation de l'usine Smart n'aurait pas été possible dans un climat social
tendu, où l'inquiétude légitime des salariés se serait exprimée d'une façon qui
aurait dissuadé les investisseurs.
Cependant, une actualité immédiate explique l'inquiétude des salariés : 440
employés de la cokerie de Carling savent que cette activité s'arrêtera
vraisemblablement en 2004, faute d'avoir trouvé un repreneur.
A peu près à la même période, l'actionnaire minoritaire actif de la SNET, la
société espagnole Endesa, a mobilisé ses cadres et ses dirigeants pour
améliorer la productivité de cette société dans un contexte d'incompréhension
mutuelle et de tension. Dans ces conditions, le président de la SNET a fait
prudemment machine arrière et a reporté des mesures qui se seraient traduites
par la remise à la disposition de Charbonnages de France de 360 salariés qui
n'auraient pas pu trouver leur place dans les structures actuelles de
Charbonnages de France ou des Houillères du bassin de Lorraine.
Compte tenu du climat d'inquiétude qui se développe aujourd'hui, je
souhaiterais, madame la ministre, que vous puissiez, compte tenu du rôle
principal que joue l'Etat en tant qu'actionnaire, en tant que tuteur et,
reconnaissons-le, en tant que soutien financier de Charbonages de France, nous
apporter des réponses précises concernant le volet industriel, le volet social
ainsi que les perspectives de développement.
S'agissant d'abord du volet industriel, pouvez-vous nous confirmer le maintien
de l'activité des puits d'extraction en 2003 et en 2004 ? Pouvez-vous également
nous indiquer quelles sont aujourd'hui vos relations avec Endesa et quel sera
le comportement probable de cet actionnaire, qui s'efforce d'être un acteur
mais qui, manifestement, ne trouve pas aujourd'hui les conditions de son
développement en France ?
Sur le volet social, ma question est simple : sera-t-il mis fin à l'un des
éléments importants du pacte charbonier, le volontariat ? Les pouvoirs publics
envisagent-ils de revenir sur le principe 45-25, qui est bien connu des mineurs
et qui permet une cessation d'activité après l'âge de quarante-cinq ans dès
lors que l'on a effectivement travaillé vingt-cinq ans en sous-sol ?
L'hypothèse d'un principe 43-23 vous paraît-elle d'actualité ?
Enfin, madame le ministre, pouvez-vous nous confirmer le maintien, au moins
pendant la période couverte par le pacte charbonnier, des fonds dédiés à la
reconversion industrielle, à savoir le fonds industriel de la Lorraine, le
fonds d'industrialisation du bassin houillier et le fonds d'industrialisation
du bassin minier, qui n'est d'ailleurs pas spécifique à la Lorraine ?
Votre réponse, madame le ministre, sera de nature, je l'espère profondément, à
apaiser l'inquiétude des salariés, chez qui la mobilisation n'exclut pas le
sens des responsabilités, car ils savent parfaitement que le succès de la
reconversion industrielle passe par une telle attitude.
M. Nicolas About.
Très bien !
M. le président.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nicole Fontaine,
ministre déléguée à l'industrie.
Monsieur le sénateur, je saisis
l'occasion que me fournit votre question pour souligner le caractère
extrêmement positif du bilan que nous pouvons tirer du pacte charbonnier.
Vous connaissez mieux que quiconque le contenu et l'importance de ce pacte
puisque vous en avez été, en tant que ministre de l'industrie, le premier
artisan, en étroite concertation avec les organisations syndicales.
Le dispositif que vous aviez proposé était particulièrement équilibré. Il
comprenait à la fois la garantie de l'emploi pour les agents en activité, le
gel des nouvelles embauches, l'instauration de mesure d'âge, l'amélioration des
incitations à la reconversion.
L'ensemble de ce dispositif a permis la mise en oeuvre sans heurts de la
fermeture progressive de l'extraction charbonnière dans notre pays, tout en
offrant aux salariés des charbonnages une évolution de carrière honorable.
Ce climat social apaisé a permis de créer l'environnement favorable que vous
avez opportunément souligné, monsieur le sénateur.
La baisse des effectifs a pu être continue et régulière depuis la mise en
oeuvre du pacte. En 2004, environ 3 700 agents n'auront pas encore pu
bénéficier des mesures d'âge initialement prévues.
Je voudrais souligner qu'il était tout à fait légitime de mobiliser la
solidarité nationale pour gérer cette évolution, tant cette industrie a
contribué au rayonnement économique de notre pays et aussi, même si c'est de
façon indirecte, à la constitution de l'Europe puisque c'est autour du charbon
et de l'acier que la Communauté européenne a vu le jour.
En 1994, vous aviez prévu l'arrêt définitif de l'extraction charbonnière avant
2005. Il apparaît aujourd'hui, alors que cette échéance approche, que la
fermeture des exploitations devra être anticipée, notamment pour des raisons de
sécurité. Les modalités du pacte devront être adaptées pour faire face à cette
situation.
Dans cette perspective, j'ai demandé au président de Charbonnages de France de
me proposer des adaptations du pacte charbonnier. Ses propositions doivent
évidemment s'inscrire dans le cadre de référence de la gestion de la fin de
l'extraction charbonnière. Elles devront aussi, le moment venu, faire l'objet
de négociation avec les organisations syndicales.
Votre question portait plus précisément sur l'avenir de la SNET et de ses
agents. Vous avez évoqué, à juste titre, l'inquiétude que ceux-ci pouvaient
nourrir.
Le Gouvernement souhaite assurer la pérennité de la SNET au-delà de la fin de
l'extraction charbonnière. Cela ne sera possible que si l'entreprise sait
s'adapter à un environnement plus concurrentiel, étant entendu qu'il faut, dans
cette perspective, parier sur le dialogue social.
Dans un souci d'apaisement, la direction de l'entreprise a annoncé aujourd'hui
l'abandon de son plan initial d'évolution, ainsi que la prolongation de la
convention avec Charbonnages de France relative au détachement de ses agents à
la SNET. Le Gouvernement ne peut désormais qu'appeler de ses voeux la reprise
du dialogue sur ces bases nouvelles, afin que la SNET puisse mettre en oeuvre,
dans la sérénité, les évolutions indispensables qui lui permettront d'occuper
demain la place ambitieuse qui peut et doit lui revenir dans le paysage
électrique français.
M. le président.
La parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet.
Je vous remercie, madame le ministre, de votre réponse. Je me permettrai de
formuler trois remarques.
La première concerne la négociation menée sous l'autorité du président
Philippe de Ladoucette sur la gestion des derniers mois d'extraction. Les
principes de sécurité ont toujours guidé cette activité et nous sommes
attentifs à ce que la perspective de la fin de l'extraction ne les voie
aucunement négligés.
Ma deuxième remarque vise le volet social. Nous devrions réfléchir ensemble à
une formule moins rigide que celle qui est mise en oeuvre actuellement et dans
laquelle la fin de l'extraction interdit toute activité à des gens qui sont
encore dans la force de l'âge, même s'ils ont beaucoup donné d'eux-mêmes. Le
président de Charbonnages de France pourrait, je crois, prendre en compte une
telle préoccupation. Du reste, nous avons besoin, dans certains bassins, des
compétences et des savoir-faire de ces hommes, qui sont, je le répète, encore
assez jeunes et à qui on n'offre d'autre choix que d'être complètement
inactifs. Pourquoi donc ne leur donnerait-on pas la possibilité d'enrichir
l'activité industrielle de leur bassin, puisqu'ils sont encore en mesure de le
faire ?
Ma troisième remarque porte sur la SNET. Il nous faudra de nouveau évoquer
cette société dès lors que l'actionnaire extérieur Endesa aura exprimé sa
volonté soit de prendre la majorité, comme le pacte d'actionnaires le lui
permet, soit, au contraire, de renoncer à cette perspective. Tant que nous
n'aurons pas cette réponse de l'actionnaire extérieur principal, l'inquiétude
planera sur l'avenir de cette société, une inquiétude vivement ressentie par
les salariés. Mais je pense que, dans les mois qui viennent, l'obligation faite
à l'actionnaire principal extérieur de s'exprimer permettra de dissiper les
ambiguïtés et, le cas échéant, de rouvrir la constitution du capital de cette
société.
SITUATION DE LA BRASSERIE FRANÇAISE