SEANCE DU 5 NOVEMBRE 2002
M. le président.
La parole est à Mme Danièle Pourtaud, auteur de la question n° 48, adressée à
M. le ministre de la culture et de la communication.
Mme Danièle Pourtaud.
Monsieur le ministre, ma question porte sur le site historique du 26-30, rue
de la Tombe-Issoire, dans le XIVe arrondissement, à Paris.
Comme vous le savez, monsieur le ministre, ce site regroupe plusieurs vestiges
importants qui témoignent de l'histoire de Paris sur au moins deux niveaux :
d'une part, le bâtiment du xixe siècle appelé « Ferme Montsouris » est le seul
témoin du passé agricole de Paris ; d'autre part, le sous-sol abrite les traces
de toutes les époques du passé parisien. On trouve par ailleurs un aqueduc
gallo-romain, massacré à quelques centaines de mètres de là, sur la ZAC
Alésia-Montsouris et, vingt mètres en contrebas, les fameuses carrières de
Port-Mahon, dont ont été extraites au xve siècle les pierres qui servirent à la
construction de Paris.
Le travail remarquable de la Société historique et archéologique du XIVe
arrondissement et, plus largement, de toutes les associations qui s'intéressent
au passé de notre capitale et oeuvrent pour sa conservation a également permis,
récemment, de mettre en évidence la probable présence sur le site du cardo
romain et d'une cave du xviie siècle. Depuis bientôt un an, trente-deux
associations réunies en collectif luttent pour que le site ne soit pas
transformé en appartements de standing et en parkings.
Je souhaite plus particulièrement attirer votre attention, monsieur le
ministre, sur les carrières de Port-Mahon qui, comme vous le savez, sont
inscrites depuis 1994 à l'inventaire complémentaire. Les projets immobiliers
impliquent que quelque soixante-dix poteaux de béton soient coulés dans ce sol
classé, le défigurant définitivement. A notre grande surprise, les services de
votre ministère ont levé les réserves qu'ils avaient émises sur le projet et
rendu ainsi possibles des dégradations irrémédiables.
Saisi par les associations et par l'adjointe au maire de Paris chargée du
patrimoine, vous avez répondu que vos services veilleraient à ce que les
travaux ne portent pas atteinte au site, sans remettre en cause les poteaux de
béton qui seraient habillés de calcaire ! Curieuse conception, à mon avis, de
la préservation du patrimoine...
Que pouvez-vous faire aujourd'hui, monsieur le ministre, pour sauver ces
traces uniques de notre passé ?
M. René-Pierre Signé.
Bravo !
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jacques Aillagon,
ministre de la culture et de la communication.
Madame la sénatrice, comme
vous le savez, c'est en 1992 qu'un projet immobilier, sis au 26-30, rue de la
Tombe-Issoire, avait suscité la demande de protection des bâtiments situés sur
cet emplacement au titre des monuments historiques ainsi que la protection de
la carrière de Port-Mahon située au sous-sol. La carrière et les parcelles
correspondantes en surface, à l'exclusion des bâtiments, ont fait l'objet d'un
classement par décret du 4 juin 1994, sur l'initiative de M. Jacques Toubon,
alors ministre de la culture.
Le permis de construire pour un nouveau projet immobilier, déposé voilà déjà
quelque temps, prévoit que le bâtiment sur rue, situé au 26, rue de la
Tombe-Issoire, ainsi que la ferme seront conservés et réhabilités, les autres
bâtiments étant démolis pour laisser place à des logements.
L'architecte des Bâtiments de France, autorité dont vous connaissez
l'indépendance, a donné un avis favorable sur ces travaux, sous réserve du
respect de certaines prescriptions.
De son côté, la direction régionale des affaires culturelles d'Ile-de-France,
qui devait se prononcer sur les travaux concernant les parcelles classées,
s'est montrée particulièrement vigilante pour que l'édification des nouveaux
immeubles soit compatible avec la bonne conservation de la carrière.
L'autorisation de travaux a été donnée par le préfet de région le 20 décembre
2001, alors que Mme Catherine Tasca était ministre de la culture et de la
communication, et comporte toutes les prescriptions nécessaires. Le permis de
construire est en cours d'instruction par les services de la Ville de Paris.
A titre personnel, je souhaite particulièrement, comme vous, que la carrière
classée ne subisse aucun dommage pendant les travaux et que les édifices dont
la conservation est prévue soient sauvegardés.
Je sais bien, madame la sénatrice, qu'une carrière est un élément
particulièrement fragile du patrimoine. Les carrières, comme les catacombes,
subissent régulièrement des détériorations du fait de l'évolution naturelle du
terrain et des affaissements. Il nous appartient donc, dans la mesure où il
s'agit d'un élément remarquable du patrimoine industriel et funéraire de Paris,
de tout faire pour préserver la dignité de ces lieux et la qualité de leur
conservation.
Au cours des prochaines semaines, lorsque la Ville de Paris aura arrêté sa
position sur le permis de construire, je veillerai personnellement à ce que ce
dossier soit traité avec subtilité, finesse et attention, je vous en donne
l'assurance.
M. le président.
La parole est à Mme Danièle Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud.
Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, mais je me permets
néanmoins d'insister sur l'avenir incertain de ce site.
La presse écrite nationale s'est saisie du dossier.
Le Figaro, 20 minutes,
Le Journal du dimanche, France-Soir, Le Nouvel Observateur
et
Le
Parisien
ont mis l'accent sur le caractère historique du site et sur les
problèmes liés à la méthode de confortation des carrières, à savoir les fameux
poteaux de béton.
Le collectif des associations a demandé une expertise dont la conclusion sera
bientôt connue. En effet, les puits de béton, d'une largeur de 60 à 120
centimètres, qui vont perforer la carrière peuvent avoir des répercussions
techniques inconnues. Vous l'avez vous-même souligné, ces sous-sols sont
fragiles et un effondrement risquerait, par « effet de domino », de remettre en
question la totalité du site.
Monsieur le ministre, je voudrais faire observer que les services du ministère
de la culture n'ont, quant à eux, sollicité aucune expertise. Par conséquent,
je vous demanderai, pour conclure cette question, de diligenter une expertise
sur les risques encourus non seulement par la carrière de Port-Mahon, mais
également par l'ensemble du quartier. En effet, si les sous-sols s'effondrent,
la carrière sera détruite, mais ce ne sera pas sans conséquences pour
l'ensemble du quartier.
AVENIR DE LA « PRIME À L'HERBE »