SEANCE DU 22 OCTOBRE 2002
M. le président.
La parole est à Mme Hélène Luc, auteur de la question n° 37, adressée à M. le
ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.
Mme Hélène Luc.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le travail
de proximité assuré par les surveillants et les aides-éducateurs au service des
enfants et des équipes éducatives est reconnu par tous comme indispensable au
bon fonctionnement de nos établissements scolaires.
La forte mobilisation des surveillants et aides-éducateurs du 24 septembre,
puis l'action de jeudi dernier, 17 octobre, qui a regroupé tous les personnels
de l'éducation nationale, traduisent l'inquiétude forte de ces personnels de
voir fragiliser des situations souvent difficiles et précaires. Aujourd'hui,
ces postes sont remis en cause par l'annonce de l'abandon du plan
emplois-jeunes qui concerne 20 000 aides-éducateurs, et la suppression de 5 600
postes de surveillants.
Pour justifier sa décision, M. Ferry invoque la nécessaire adaptation de ces
emplois aux réalités et aux évolutions de l'éducation nationale.
Il est certain qu'il faut adapter et faire évoluer le système suivant les
besoins mais, monsieur le ministre, il faut surtout engager une réflexion sur
la pérennisation du statut des aides-éducateurs et sur la création d'un corps
avec des missions définies.
Les raisons avancées et les nouvelles mesures envisagées pour remplacer le
système actuel sont tout à fait insatisfaisantes et inadaptées.
Grâce à ces emplois, nombreux sont ceux qui ont trouvé l'espoir. Ils se sont
découvert une vocation pour l'enseignement, ont par la suite passé le concours
d'entrée à l'IUFM, le CAPES ou l'agrégation, ou encore ont postulé pour entrer
à EDF, aux impôts ou à La Poste. Etant membre du conseil d'administration d'un
IUFM, je connais de nombreux exemples de ce genre.
Les apports des aides-éducateurs sont considérables : présence constante dans
les établissements, encadrement et écoute des élèves, soutien scolaire, aide et
accompagnement, etc. Quelles qu'en soient les modalités, les fonctions qu'ils
exercent sont désormais incontournables.
Quant aux surveillants, dont l'origine sociale est souvent modeste, ils ont à
coeur de réussir leurs études tout en travaillant, et la tâche n'est pas
aisée.
Ne faudrait-il pas d'ailleurs, dans ce contexte, repenser à une aide
supplémentaire qui serait apportée aux étudiants, comme je l'ai suggéré l'an
dernier lors du vote du budget ? Ne pourrait-on pas réintroduire un système du
genre des Instituts de préparation aux enseignements de second degré, les IPES
? Ce serait une mesure utile et juste.
En effet, les surveillants effectuent un travail essentiel en matière de
sécurité et de prévention de la violence en contrôlant les entrées et les
sorties des établissements. Le fait qu'ils soient souvent à peine plus âgés que
les élèves leur permet d'établir avec ceux-ci un lien privilégié de confiance
et de respect mutuel.
J'ose à peine imaginer, compte tenu de l'importance reconnue de la présence de
ces aides-éducateurs, ce qui se passerait s'ils venaient à disparaître, comme
vous le prévoyez en en remplaçant seulement 11 000 sur les 25 600 qui sont en
fin de contrat !
Selon une information qui vient de me parvenir, il semble qu'un avenant à leur
contrat doive être signé avant les vacances de la Toussaint, c'est-à-dire avant
le 31 octobre, pour qu'ils puissent exercer leurs fonctions jusqu'en 2003.
Voilà qui serait très grave. J'aimerais donc, monsieur le ministre délégué, que
vous me disiez si cette information est exacte.
Les 14 millions d'euros prévus au budget permettront le recrutement de 3000
assistants d'éducation, au plus. Dans ces conditions, qui assumera le coût
initial, et selon quelles modalités ?
Avant de supprimer des postes, monsieur le ministre, engagez le plus tôt
possible - avant même le 4 novembre - une réelle concertation avec tous les
intéressés, afin d'identifier et d'évaluer les besoins, et aussi pour leur
permettre de faire mieux profiter de leurs qualités les établissements qui les
emploient, à la fois en les formant et en leur proposant un statut de droit
public, comme Guy Fischer et moi-même l'avions demandé dès le début de la
discussion du projet de loi sur les emplois-jeunes, et non pas de droit
privé.
M. le Président de la République a déclaré vouloir faire de l'éducation
nationale une priorité, mais cela ne s'accompagne d'aucune hausse significative
du budget.
De plus, en transférant ces personnels aux collectivités locales, comme vous
en avez exprimé l'intention, vous remettriez en cause le caractère national du
service public de l'éducation nationale, que vous déclarez pourtant vouloir
préserver, puisque le nombre de surveillants et d'aides-éducateurs dépendrait
alors de la volonté et des moyens, fort variables d'un cas à l'autre, des
régions, des départements et des communes.
(Applaudissements sur les travées
du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées
socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Xavier Darcos,
ministre délégué à l'enseignement scolaire.
Madame la sénatrice, je vous
indique d'abord que les avenants aux contrats des aides-éducateurs que nous
faisons signer actuellement ont pour objet de permettre auxdits
aides-éducateurs de rester dans leurs fonctions jusqu'en juin 2003 et donc de
finir l'année scolaire. En effet, nos précédesseurs avaient simplement oublié
que l'année civile et l'année scolaire ne correspondaient pas ! Si nous
n'avions rien fait, ces postes auraient effectivement disparu au 31 décembre
2002. Madame la sénatrice, je crois donc pouvoir considérer que vous vous
félicitez que nous ayons pris cette initiative...
Il n'en demeure pas moins qu'une analyse critique de l'implantation des postes
d'aides-éducateurs et des fonctions remplies par ceux-ci doit être sérieusement
conduite. Il faut savoir que le dispositif précédent a été dicté moins par une
véritable analyse des besoins des établissements que par la volonté de créer
des dizaines de milliers d'emplois financés sur fonds publics. Les fonctions
assurées par les aides-éducateurs ont été très diverses, certaines
intéressantes, d'autres un peu moins. C'est l'analyse de ces fonctions qui
guidera l'implantation des emplois d'aides-éducateurs qui seront recrutés à la
rentrée 2003.
Par ailleurs, il est clair que le statut des MI-SE, les maîtres d'internat et
surveillants d'externats, qui date, je le rappelle, des années trente, ne
répond plus du tout aux besoins de surveillance qui se manifestent aujourd'hui
dans les établissements scolaires.
Il est donc cohérent de mettre en place un nouveau dispositif plus efficace,
pour succéder à la fois à celui des aides-éducateurs et à celui des MI-SE, et
pour faire en sorte que continuent d'être assurées les fonctions de
surveillance et d'encadrement de proximité, dont vous avez souligné à juste
titre l'importance, madame la sénatrice.
Concernant les MI-SE, la multiplication des implantations de collèges et de
lycées qui a suivi l'« explosion scolaire » du dernier demi-siècle - dans les
années soixante-dix, on créait, en France, un collège par jour ! - et
l'alourdissement des études universitaires rendent aujourd'hui très difficiles
l'exercice simultané d'un emploi de surveillant à plein temps et la poursuite
d'études universitaires.
Les emplois du temps des surveillants sont davantage conçus, d'ailleurs, en
fonction des contraintes de leurs études que des besoins des établissements.
Dans les établissements éloignés des centres universitaires, il n'y a plus de
candidats pour les postes de surveillants. En outre, les surveillants sont
souvent absents des établissements scolaires lors des sessions d'examens
universitaires, c'est-à-dire au moment où les établissements eux-mêmes
organisent les examens du second degré.
Le projet de loi de finances pour 2003 prévoit donc les moyens d'amorcer la
mise en place d'un nouveau dispositif, celui des « assistants d'éducation ».
Dès la rentrée prochaine, ces assistants d'éducation assureront mieux encore
qu'auparavant les fonctions de surveillance et d'accompagnement de nos
politiques.
Mme Hélène Luc.
Assureraient !
M. Xavier Darcos,
ministre délégué.
Je dis bien : « assureront ».
Mme Hélène Luc.
Ce n'est pas décidé !
M. Xavier Darcos,
ministre délégué.
Nous allons le décider, madame.
Il faut en effet concevoir un nouveau statut, permettant de mieux répondre aux
besoins réels d'encadrement des élèves par des personnes adultes, en milieu
scolaire comme en milieu périscolaire, ce statut ayant en outre une vocation
d'aide sociale pour les étudiants qui seront recrutés.
C'est dans cette voie que le ministère de l'éducation nationale va s'engager -
voilà pourquoi j'utilisais le futur, madame la sénatrice -, en concertation
avec les représentants des personnels, ainsi que vous le souhaitez, et avec les
collectivités locales.
Une table ronde, qui s'ouvrira sur ce sujet, non pas aux calendes grecques
mais dès le mois de novembre prochain, permettra de réfléchir aux besoins des
établissements, aux missions prioritaires des assistants d'éducation et au
cadre juridique, qui devra être précisé. Rien n'est exclu, pas même ce que vous
avez évoqué en parlant des IPES, c'est-à-dire un système de pré-recrutement. De
fait, nous avons aussi besoin de recréer, à cette occasion, des viviers pour
les concours nationaux des professeurs du second degré.
Sans doute faut-il tempêter contre l'encadrement immédiat de nos élèves mais,
je le dis devant le Sénat, il faut plus encore s'inquiéter de notre capacité à
former des viviers pour les concours de recrutement qui interviendront dans les
dix ans qui viennent. Là, les pétitions de principe ne suffiront plus : il
faudra créer des vocations et, surtout, former les universitaires dont nous
aurons besoin.
M. le président.
La parole est à Mme Hélène Luc.
Mme Hélène Luc.
Monsieur le ministre, je transmettrai votre réponse aux personnels intéressés,
qui l'attendent avec impatience. Pour ma part, je la trouve tout à fait
insuffisante.
Je m'attendais quand même à ce que vous employiez un peu plus le conditionnel.
En effet, vous avez annoncé des décisions avant que la concertation n'ait lieu.
Pour un Gouvernement qui prétend faire de la concertation la base de son
action, c'est un très grave manquement !
Le ratio entre les départs et les recrutements se traduira, qu'on le veuille
ou non, par la perte de 14 600 postes, alors que ces postes sont absolument
indispensables.
L'appel massif à des personnes de bonne volonté, par exemple, relève en fait
des économies de bouts de chandelle, même si des expériences peuvent se
développer. Cela aboutirait à priver des jeunes de perspectives de formation et
d'emploi au moment de l'ouverture d'une troisième voie de concours fondée sur
l'expérience.
J'aimerais également élargir la réflexion aux aides-éducateurs présents dans
les associations pour la jeunesse, les associations sportives, les associations
à vocation sociale ou encore les associations de femmes, dont ils constituent
des piliers indispensables. Eux aussi méritent qu'on s'intéresse à leur statut
et à leur avenir.
Enfin, monsieur le ministre, tous les enfants de France ont droit à une
égalité de traitement, égalité qui ne pourra être assurée si la présence de
personnels de l'éducation nationale en vient à dépendre du bon vouloir et des
moyens financiers des collectivités locales. Nous aurons l'occasion d'en
discuter très largement lorsque, à partir de mardi prochain, nous traiterons de
la décentralisation. Cela étant, M. le ministre de l'éducation nationale a déjà
opéré des transferts financiers, avant même que la loi ne soit votée.
Sachez-le, monsieur le ministre, le groupe communiste républicain et citoyen
est bien décidé à défendre, aux côtés des jeunes, les fondements de la
République une et indivisible, avec les services publics dont nous sommes
fiers.
(Mme Marie-Claude Beaudeau applaudit).
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