SEANCE DU 17 OCTOBRE 2002
M. le président.
La parole est à M. Jean-Louis Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain.
Ma question s'adresse à M. le ministre de la santé, de la famille et des
personnes handicapées.
Monsieur le ministre, vous connaissez particulièrement bien les difficultés
rencontrées par les cliniques privées en matière d'assurance au titre de la
responsabilité civile médicale. Le 31 décembre prochain, selon
Le Quotidien
du Médecin,
huit cents cliniques ainsi que des milliers de gynécologues,
obstétriciens, anesthésistes et chirurgiens ne seront plus assurés en
responsabilité civile professionnelle. On peut penser que le risque judiciaire
évoqué par les assurances est excessif. Quant au retrait de sociétés
américaines du marché français, la décision a été prise de façon arbitraire,
sans considération de la situation française, mais en raison des événements du
11 septembre 2001.
Les assurances se saisissent de la mise en place des 35 heures, des problèmes
de démographie médicale et des contraintes budgétaires pour dénoncer une
augmentation des risques et, par là même, leur engagement.
M. René-Pierre Signé.
Je ne vois pas en quoi les 35 heures sont responsables de la situation !
M. Jean-Louis Lorrain.
Allez faire un tour aux urgences, cher collègue !
Quant aux hôpitaux publics, un quart d'entre eux ne seront plus assurés dans
les mois à venir.
A l'occasion d'une table ronde, vous avez déclaré, monsieur le ministre, que
vous alliez soumettre au Parlement un projet de loi sur l'assurance du risque
médical. Vous avez d'ores et déjà annoncé deux mesures. Premièrement, la durée
de garantie devrait passer de trente ans à cinq ans ; deuxièmement, la
réparation des infections nosocomiales devrait être partagée entre l'office
national d'indemnisation des accidents médicaux et les assureurs.
Que souhaitez-vous proposer, pendant la période transitoire, avant la saisine
du Parlement ? Je vous remercie, monsieur le ministre, de préciser vos
intentions.
J'évoquerai la loi relative à l'indemnisation des préjudices liés à l'aléa
médical du 4 mars 2002. Lors de la discussion, on nous avait refusé, ici, une
définition claire des infections nosocomiales, je le rappelle. Ce texte, qui
peut paraître généreux, suscite des inquiétudes en raison des confusions et des
imperfections qu'il contient, notamment s'il s'agit de résoudre des drames
humains. Selon certains experts, ce texte peut même se transformer en machine
répressive.
Faut-il réviser la loi Kouchner ? Nous sommes certains que vous pourrez
amplifier les propositions en cours, monsieur le ministre, grâce à votre grande
connaissance de la question, comme nous sommes assurés que les acteurs de la
santé hospitalière, ainsi que les malades, continueront à vous faire la plus
grande confiance.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du
RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-François Mattei,
ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
Monsieur le sénateur, dans la situation difficile que vous avez évoquée, la
seule préoccupation du Gouvernement est la préservation des intérêts des
malades.
M. René-Pierre Signé.
L'intérêt des médecins !
M. Jean-François Mattei,
ministre.
Dans cette perspective, il faut que les médecins et les
établissements hospitaliers publics et privés soient assurés et, pour qu'ils
soient assurés, il faut des assureurs.
M. René-Pierre Signé.
Il faut demander à Bébéar !
M. Jean-François Mattei,
ministre.
Or, l'évolution jurisprudentielle des dernières années est
inquiétante : augmentation du nombre des plaintes ; augmentation du nombre des
condamnations ; augmentation de 240 % en huit ans du montant des indemnisations
!
M. Paul Raoult.
Et augmentation des bavures !
Mme Nicole Borvo.
C'est le modèle américain !
M. Jean-François Mattei,
ministre.
S'y ajoute une incertitude sur la durée couverte par le contrat
d'assurance et sur l'invocation de plus en plus fréquente de la responsabilité
sans faute, ce qui rend le marché de l'assurance fragile et incertain.
C'est dans cette situation qu'est intervenue la loi du 4 mars 2002. Quelle que
soit l'opinion que l'on porte sur cette loi, on constate que l'obligation
d'assurance a déséquilibré une situation déjà fragile. Même s'il ne nous
appartient pas de savoir pourquoi, on constate également que les compagnies
d'assurance étrangères Ace, Saint-Paul, la Lloyds, Swiss Life, et bien
d'autres, qui assuraient plus de la moitié de nos professionnels et de nos
établissements, sont parties.
M. René-Pierre Signé.
A cause des 35 heures, sans doute !
M. Jean-François Mattei,
ministre.
Il est donc extrêmement important pour nous de rétablir un
marché de l'assurance.
M. Didier Boulaud.
Encore les 35 heures !
M. Jean-François Mattei,
ministre.
Depuis le début de l'été, M. le ministre de l'économie, des
finances et de l'industrie et moi-même avons rencontré successivement tous les
partenaires, non seulement les associations de malades, mais aussi les
professionnels de santé, les établissements, les assureurs, les mutuelles, les
caisses. En outre, parce que nous sentions la solution proche, nous avons réuni
le 17 octobre, au ministère, une table ronde, et tous étaient représentés.
Les solutions qui ont été trouvées sont en cours de rédaction. Elles portent
sur la durée, sur le partage des risques, notamment pour les infections
nosocomiales.
Permettez-moi de dire quelques mots de ces infections nosocomiales : avec dix
mille infections chaque année, cela confine à l'accident sériel. Les assureurs
ne peuvent donc pas, à eux seuls, couvrir un tel risque. Il faudra, en
conséquence, envisager de partager le risque avec l'Office national
d'indemnisation des accidents médicaux et les assureurs. Le Parlement sera
d'ailleurs saisi d'un texte très prochainement.
Je vous le répète, mesdames, messieurs les sénateurs, notre souci, c'est que
l'intérêt des malades soit préservé et que les professionnels de santé ainsi
que les établissements puissent travailler en toute sérénité en étant
correctement assurés.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques
instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures dix sous
la présidence de M. Guy Fischer.)
PRÉSIDENCE DE M. GUY FISCHER
VICE-PRÉSIDENT