SEANCE DU 15 OCTOBRE 2002
M. le président.
Je suis saisi, par Mmes Beaufils et Terrade, M. Coquelle, Mme Didier, M. Le
Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, d'une motion n°
124, tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 3 du règlement, le Sénat décide qu'il
n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi relatif aux
marchés énergétiques (n° 406, 2001-2002). »
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du
Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou
son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour
quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie
au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une
durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils, auteur de la motion.
Mme Marie-France Beaufils.
Madame la ministre, vous nous avez présenté le projet de loi sur les marchés
énergétiques, qui fait suite à la directive du Parlement européen et au Conseil
du 22 juin 1998, concernant les règles communes pour le marché intérieur du gaz
naturel.
Nous constatons d'emblée votre tendance à l'extrapolation. Elle apparaît non
seulement dans le texte, qui va bien au-delà de la directive - et je le
démontrerai ultérieurement -, mais aussi dans son titre, dans lequel vous avez
voulu inclure l'ensemble des marchés énergétiques.
Le texte que vous nous présentez, madame la ministre, n'est pas neutre. Il
représente bien une première tentative pour amener la question de la
privatisation. Personne n'est dupe, et surtout pas les salariés, qui l'ont bien
exprimé le 3 octobre.
En fait, madame la ministre, votre projet de loi, dont l'objet devait être la
seule transposition d'une directive - directive détournée par les pays l'ayant
intégrée -, devient une offensive brutale contre les services publics. Il
constitue une première ouverture pour mettre en place ce qui, à l'échelle
européenne et mondiale, n'est pas un exemple à suivre : la privatisation des
services publics et des biens communs.
La déréglementation accrue, loin de vous dissuader, vous incite bien au
contraire à aller encore plus loin, même si vous ne le faites pas toujours
immédiatement. Les conséquences en seraient désastreuses à plusieurs égards.
Madame la ministre, vous le savez, l'ouverture du marché pour aller vers la
privatisation signifie la hausse des tarifs pour les particuliers, et leur
baisse pour les grandes entreprises.
L'argument que vous avancez généralement est que l'ouverture du capital et la
concurrence seraient de nature à faire baisser les tarifs, à rendre plus
efficaces les entreprises.
Qu'avons-nous constaté, par exemple, aux Etats-Unis ? Le mégawatt
d'électricité est passé de 30 dollars avant la crise à 300 dollars en avril
2000 et à 1 900 dollars en 2001, soit un prix multiplié par plus de 60. Pour un
ménage californien, la facture a été augmentée de 270 %.
En Suède, la privatisation des postes a entraîné, dans les cinq années
suivantes, une augmentation de plus de 60 % du tarif de base des lettres.
En France, nous avons l'exemple d'un service public confié au secteur privé,
l'eau, dont le prix a connu en dix ans une augmentation de plus de 60 % avec
des distorsions selon les territoires de 1 à 24, le mètre cube coûtant de 0,25
euro à plus de 6 euros.
La revue économique de l'OCDE reconnaît les incidences de la privatisation : «
La privatisation de producteurs appartenant de longue date au secteur public
pourrait aussi bien provoquer un renchérissement des prix à court terme ».
L'OCDE constate aussi que « les clients industriels bénéficient de façon
disproportionnée de la réforme », puisqu'ils monopolisent les baisses
tarifaires tandis que la « discrimination des prix persiste » au détriment des
ménages et des petites entreprises.
A qui profitent toutes ces augmentations ? Non, pas aux usagers, bien entendu
! Et leurs conséquences ne sont pas neutres.
Madame la ministre, l'ouverture du marché pour aller vers la privatisation,
c'est la hausse des profits.
Aux Etats-Unis, par exemple, l'augmentation des tarifs de l'électricité avait
pour seul objet un profit suffisant pour garantir les 15 % de rentabilité
qu'exigeaient les fonds de pension.
En Grande-Bretagne, pendant la période dorée de la privatisation, l'action de
Railtrack passe de 4 à 8 livres, le patron s'octroie un salaire de 0,4 million
d'euros et, en 1998, le montant cumulé des profits s'élève à 1,7 milliard
d'euros.
France Télécom voit, dans sa période euphorique, son action monter à 219 euros
en mars 2000.
Ces hausses vertigineuses des actions et ces gonflements rapides des profits
s'accompagnent le plus souvent de lendemains qui déchantent du fait des gâchis
économiques.
Madame la ministre, l'ouverture du marché pour aller vers la privatisation,
c'est un fiasco économique.
Railtrack, entreprise britannique de chemins de fer, dépose son bilan ; elle
est placée sous administration judiciaire en 2002. Pour redresser le secteur,
le gouvernement anglais opte pour une « renationalisation » : le contribuable
paiera, la dette devra être remboursée. Quel gâchis !
En France, les entreprises en voie de privatisation sont poussées à une
frénésie d'acquisitions, ce qui les conduit à s'endetter à outrance : c'est
l'exemple de France Télécom et de EDF. C'est alors que le signal d'alarme est
tiré et que les entreprises concernées se retrouvent dans des situations de
rupture. La logique de rentabilité incite les dirigeants à favoriser les
stratégies financières au détriment d'orientations économiques à long terme.
Les entreprises sont livrées pieds et poings liés aux caprices de la Bourse et
aux politiques d'achat débridé. La dette de France Télécom, qui s'élève à 75
milliards d'euros, est deux fois supérieure au déficit du budget de l'Etat.
Ce qui caractérise les privatisations, c'est le désinvestissement massif, et
les responsables politiques de 1946 l'avaient bien compris qui avaient confié
le marché énergétique au secteur public. Le service public a ainsi participé,
de façon essentielle, à l'aménagement du territoire en répondant aux besoins
des populations.
Madame la ministre, l'ouverture du marché pour aller vers la privatisation,
c'est la dégradation des services rendus.
La crise californienne - la Californie est la cinquième puissance économique
mondiale - a plongé dans l'obscurité la Silicon Valley et Hollywood ; les
coupures d'électricité ont fait vivre à la population des situations similaires
à celles des périodes de guerre.
Les Anglais, avec leurs chemins de fer privatisés, sans parler des retards
qu'ils ont subis et des tarifs qui ont flambé, ont vécu dans cette période les
accidents ferroviaires les plus graves de leur histoire. Le 5 octobre 1999, on
dénombrait trente et un morts et soixante-quinze blessés ; le 28 février 2001,
treize morts et soixante-quinze blessés. Avec les autres accidents, ce sont
plus de soixante personnes qui ont péri dans les trains britanniques : la
dégradation, cette fois-ci, s'est accompagnée de la mise en péril des
usagers.
Aujourd'hui, la France a une entreprise publique, EDF-GDF, qui fait la preuve
au quotidien du service qu'elle rend et qui sait, dans des situations extrêmes,
comme la tempête de l'hiver 1999-2000 et les inondations du Gard, se surpasser
pour venir en aide aux populations en détresse.
Madame la ministre, l'ouverture du marché pour aller vers la privatisation,
c'est la régression sociale pour les salariés.
La privatisation de Royal Mail va entraîner la disparition de 30 000 emplois
en Grande-Bretagne. En Belgique, dans le même secteur, ce sont 1 500 bureaux de
poste qui vont disparaître dans les campagnes. France Télécom prend le même
chemin.
La remise en cause annoncée des statuts, des salaires, des retraites : tel est
le lot qui accompagne les privatisations.
Aujourd'hui, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues,
nous sommes appelés à débattre de ce sujet, qui est au coeur des préoccupations
de nos concitoyens, et il vous est difficile de le sous-estimer, tant il
soulève de questions. Les services publics sont ancrés au plus profond de notre
peuple, et vous avez pu constater, le 3 octobre, l'ampleur du mouvement.
Vous auriez bien tort de vouloir réduire à une revendication portant
uniquement sur les statuts et les retraites la grande manifestation
parisienne.
Madame la ministre, au lendemain de cette manifestation, alors que vous
sembliez avoir reçu le message « cinq sur cinq », vous vous êtes dite prête, au
cours du Conseil des Quinze consacré à l'énergie, à débattre du principe d'une
libéralisation totale du marché du gaz et de l'électricité, y compris pour les
particuliers, et à discuter de la date de son entrée en vigueur.
Dans la foulée, vous invoquez « la pédagogie, la communication et le temps »
afin, somme toute, de faire passer la pilule de l'ouverture minoritaire du
capital : le galop d'essai pour le marché énergétique n'a d'autre objet que de
tester les réactions pour savoir jusqu'où vous pouvez aller.
Pour toutes ces raisons, nous sommes fermement opposés à vos intentions. Nous
savons, madame la ministre, que c'est une première étape vers d'autres
privatisations.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens à
attirer solennellement votre attention sur le fait que le projet de loi remet
en cause l'un des principes fondamentaux de notre Constitution : « Le peuple
français proclame solennellement son attachement aux droits de l'homme et aux
principes de la souveraineté nationale tels qu'ils sont définis par la
Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution
de 1946. »
Ce préambule rappelle un des fondements de notre société, que votre projet de
loi raye d'un trait de plume : « Tout bien, toute entreprise dont
l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou
d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité. »
Or, madame la ministre, vous entendez, par votre texte, céder aux intérêts
privés, partiellement ou totalement, un bien, une entreprise qui est depuis
1946 la propriété de notre collectivité.
A ce titre, je vous demande, mes chers collègues, de vous opposer au projet de
loi, parce qu'il porte atteinte aux principes de souveraineté nationale, aux
principes mêmes de notre Constitution.
La nouvelle étape que vous nous proposez vers la déréglementation, madame la
ministre, devrait nous amener à réfléchir sur ses conséquences. Si vous
considériez que l'énergie est une marchandise comme une autre, vous pourriez
avoir raison. Mais je crois que tel n'est pas le cas. M. Jacques Valade
lui-même déclarait, le 26 juin 2002, au Sénat, que l'énergie n'est pas un bien
comme les autres et que les choix énergétiques relèvent de la responsabilité de
l'Etat, et j'ai entendu des propos semblables au cours des réunions de notre
commission, la semaine dernière et aujourd'hui. Il y va, je crois, de notre
indépendance nationale.
Qu'advient-il lorsque le marché s'empare de tels secteurs avec pour objectif
la rentabilité financière ? Nous venons d'évoquer ce qui s'est passé en
Californie, avec Enron et son scandale financier, et certains n'ignorent pas
que le krach de 1929 aux Etats-Unis a son origine dans une spéculation
boursière très forte sur l'électricité.
La question de l'indépendance énergétique est bien au coeur du débat, et la
remise en cause du monopole d'importation du gaz serait lourde de conséquences.
Pouvez-vous, pouvons-nous imaginer un instant que des opérateurs privés
s'emparent de ce secteur ? Philippe Choquet, directeur stratégie
gaz-électricité du groupe TotalFinaElf, pense que des investissements lourds
seront nécessaires, en matière de logistique, en matière de transport, et que
le financement ne sera possible que si la visibilité sur la rentabilité future
est assurée.
Nous pensons, quant à nous, que le maintien de ce monopole est indispensable à
la garantie d'un approvisionnement permanent et régulier, qu'il est un gage de
notre indépendance énergétique. Celle-ci ne peut être assurée que si l'Etat
définit clairement un projet et une stratégie industrielle. Or nous avons
l'impression, aujourd'hui, que le projet de loi que vous présentez définit des
moyens avant même qu'une politique nationale de l'énergie à long terme ne soit
proposée.
Cette stratégie du « coup par coup » n'est pas digne d'un pays comme le nôtre
; nos entreprises publiques ne peuvent être bradées, et les salariés l'ont bien
compris. La transposition de cette directive dans d'autres pays, par exemple en
Allemagne, montre qu'elle n'a pas suscité une plus grande ouverture du marché :
1 % au lieu de 5 % en France. Notre collègue Yves Coquelle a cité tout à
l'heure d'autres cas allant dans le même sens.
C'est parce que le projet de loi remet en cause l'indépendance de nos choix
sans définir de stratégie énergétique à long terme que nous ne pouvons
l'accepter. L'énergie est un bien commun public, elle ne peut être livrée aux
aléas de la Bourse.
Le projet de loi que vous proposez fait l'impasse sur la question de la
sécurité. Le rapport de la commission d'enquête parlementaire du 29 janvier
2002 formulait des recommandations sur les installations à risques, dont font
partie tous les ouvrages mettant en oeuvre du gaz. Le gaz n'est vraiment pas
une marchandise comme les autres.
C'est parce que nous disposons, avec Gaz de France, d'un opérateur efficace et
moderne, que la distribution publique et industrielle est aujourd'hui dotée
d'un réseau de transport comportant un ensemble interconnecté de stockages, de
canalisations de grand transport et de stations de compression appelées «
système intégré national », alimentant des réseaux régionaux qui irriguent
ensuite l'ensemble du territoire.
Pour assurer la régularité et la permanence de l'approvisionnement, GDF tient
compte de trois aléas : les aléas climatiques, quelles que soient les
conditions, les aléas d'approvisionnement, tels que la défaillance technique ou
la politique d'un fournisseur et les aléas liés au développement des ventes. La
conjoncture économique, les besoins en énergie et la concurrence des autres
énergies peuvent en effet nécessiter des modifications d'ouvrage du réseau.
Si j'ai insisté longuement sur les aspects liés à la sécurité, c'est que le
stockage et le transport des produits gaziers doivent être intégrés dans une
politique à long terme.
En effet, les contrats de gaz instaurent des relations durables avec les pays
producteurs de gaz et sont souvent signés avant même que les sites n'entrent en
exploitation. Il faut en outre planifier des investissements pour la
construction des ouvrages et des installations. Il faut également prévoir le
dimensionnement des installations pour répondre à des situations extrêmes.
Enfin, il faut fixer une prévision de stockage sur six mois, afin d'éviter les
ruptures d'alimentation pour des raisons techniques ou politiques, en sachant
que nos sources d'approvisionnement sont la mer du Nord, la Russie, l'Algérie
et la Norvège.
Les ressources s'épuiseront naturellement ; il faut savoir que, en 2015, le
doublement de la croissance nous obligera à chercher des sources de plus en
plus lointaines.
Il serait tout de même hasardeux de confier de telles infrastructures à des
entreprises privées sans mettre en danger nos populations. Aujourd'hui,
l'entreprise publique GDF le gère très bien.
Votre projet de loi, madame la ministre, ouvre la voie à des risques
industriels très importants en libéralisant ce secteur et il ne permet pas une
programmation à long terme. Le seul principe de précaution devrait vous
conduire à ne pas présenter cette loi, le risque accidentogène étant trop
sérieux. L'expérimentation - le mot est redevenu à la mode - qui a été tentée
par les Anglais s'agissant des chemins de fer doit être prise en compte ; une
privatisation suivie d'une renationalisation ne serait pas sans nous faire
courir de gros risques.
En ouvrant le secteur du gaz aux appétits industriels privés, le projet de loi
remet en cause l'égalité de traitement des utilisateurs et des régions, par des
tarifs déterminés par zone et non plus de façon unique sur le territoire
national. S'il doit y avoir une baisse des prix, elle concernera les
industriels qui pourront faire pression pour négocier ; les petits utilisateurs
et les PME, qui constituent l'essentiel des 30 millions d'usagers, verront le
prix augmenter de façon inégalitaire, selon la région.
C'est parce que nous pensons que votre projet de loi remet en cause l'un des
fondements de notre société, à savoir l'égalité entre les citoyens, que nous le
refusons.
L'expérimentation conduite en France avec l'ouverture du marché des
télécommunications devrait nous faire réfléchir, afin de ne pas recommencer les
mêmes erreurs.
Les tarifs n'ont pas baissé ! Seuls les coûts des communications « longue
distance » entre l'Europe et les Etats-Unis ont enregistré une baisse, au
détriment de l'abonnement du simple usager, dont le prix a été multiplié par
trois depuis 1993.
La situation de l'entreprise, avec un endettement faramineux, est
catastrophique !
Voulez-vous, madame la ministre, entraîner le marché de l'énergie dans les
mêmes ornières ?
Nous pensons que le projet de loi qui vous est présenté n'est pas acceptable
parce qu'il porte en lui, de façon essentielle, les prémisses de la
privatisation.
C'est donc, madame la ministre, parce que votre projet de loi remet en cause
l'indépendance énergétique de la France, qu'il n'intègre pas de choix et de
stratégie industrielle dans une politique à long terme, qu'il traite à la
légère les éléments de sécurité et les risques industriels, qu'il remet en
cause l'égalité des citoyens devant l'énergie que nous nous y opposons
fermement.
Ce projet de loi s'appuie sur un dogme - le libéralisme - et non sur la
réalité des industries énergétiques de notre pays, modernes et efficaces.
Vous devez en outre avoir à l'esprit, madame la ministre, que notre
dénonciation des privatisations-déréglementations s'appuie sur des exemples
tangibles.
Vous qui revendiquez le pragmatisme - c'est en tout cas une formule que les
membres du Gouvernement utilisent fréquemment -, vous devez savoir qu'il n'y a
pas de bon remède sans un bon diagnostic, et le diagnostic est éloquent.
« Le marché est myope » est une formule revendiquée par les libéraux en
économie. Vous semblez l'avoir oublié, madame la ministre.
Pour toutes ces raisons, nous proposons le rejet de ce projet de loi.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski,
rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan.
La
commission a émis un avis défavorable sur la motion et souhaite au contraire
poursuivre la discussion du projet de loi, déclaré d'urgence. A ce sujet,
madame la ministre, vous avez entendu l'ensemble des orateurs.
Je ne souhaite pas répondre sur tous les points qui ont été évoqués par Mme
Beaufils.
Mme Hélène Luc.
Il vous faudrait beaucoup de temps et vous seriez peut-être embarrassé !
M. Ladislas Poniatowski,
rapporteur.
Je ferai simplement cinq remarques.
En premier lieu, les auteurs de la motion estiment que ce projet de loi risque
de remettre en cause le service public. La commission considère, au contraire,
qu'il y est fait état du service public et propose d'enrichir le dispositif ;
plusieurs membres de la commission l'ont rappelé et nous le montrerons avec les
amendements que nous avons déposés.
En deuxième lieu, les auteurs de la motion estiment que le gaz et
l'électricité ne sont pas des marchandises comme les autres. J'en suis tout à
fait d'accord et Mme la ministre l'a elle-même déclaré lors de son audition par
la commission.
Mme Hélène Luc.
Il faut en tirer les conclusions !
M. Ladislas Poniatowski,
rapporteur.
Justement, nous n'en tirons pas du tout les mêmes conclusions
que vous.
Mme Hélène Luc.
Eh non, pas du tout !
M. Ladislas Poniatowski,
rapporteur.
En troisième lieu, c'est de façon impropre que les auteurs de
la motion évoquent une privatisation. En aucun cas une privatisation n'est
envisagée dans ce texte. Mme la ministre a présenté clairement la position du
Gouvernement, position que partage la commission.
Mes chers collègues, nombre d'entre vous ont interrogé Mme la ministre sur
l'ouverture du capital de Gaz de France. Nous ne sommes à aucun moment allés
au-delà.
En quatrième lieu, les tarifs gaziers sont d'ores et déjà distincts sur
l'ensemble du territoire. Ils varient notamment en fonction de la distance qui
sépare le lieu de la distribution du réseau national de transport. Ce n'est
donc pas un élément nouveau,
En dernier lieu, vous pouvez être rassurés, car Mme la ministre envisage
d'organiser un grand débat sur la politique nationale de l'énergie. Ce débat
fut annoncé à quatre ou cinq reprises au moins par son prédécesseur, mais nous
l'avons attendu en vain pendant près de deux ans et demi.
Mme Hélène Luc.
C'est avant qu'il faut le faire !
M. Pierre Hérisson.
Comme pour La Poste ?
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Fontaine
ministre déléguée à l'industrie.
Le Gouvernement, cela ne vous surprendra
pas, n'est pas favorable au vote de cette motion. Je serai brève, car M. le
rapporteur a fort bien présenté la situation ; j'ai moi-même déjà eu l'occasion
de m'exprimer à deux reprises aujourd'hui et de développer les principaux
arguments qui répondent aux objections qui ont été formulées par les auteurs de
la motion.
S'agissant du service public, de la sécurité et de l'approvisionnement, notre
position est très claire.
Certes, M. le rapporteur l'a rappelé et je l'ai moi-même affirmé avec force,
le gaz et l'électricité ne sont pas des marchandises comme les autres. Le
Gouvernement en a d'ailleurs tiré les conséquences, puisqu'il prévoit une
obligation de continuité avec la garantie du maintien d'une fourniture de gaz
aux personnes en situation de précarité.
En fait, il s'agit essentiellement de transposer la directive européenne dans
la législation française. J'ajouterai toutefois une précision de caractère
technique qui n'a pas encore été évoquée dans le débat. Elle n'est pas
essentielle, je vous le concède, mais il est tout de même intéressant de savoir
que si la France est condamnée sous astreinte financière, comme cela risque
malheureusement de se produire à la fin de l'année, elle devra régler 750 000
euros par jour, avec un éventuel effet rétroactif au 10 août 2002.
Je n'ai pas le sentiment que nous puissions prendre cette responsabilité, sans
compter, bien sûr, l'image désastreuse que la France donnerait à ses
partenaires européens.
Pour ces raisons, monsieur le président, le Gouvernement n'est pas favorable à
l'adoption de la motion tendant à opposer la question préalable.
M. le président.
La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul.
Nous sommes sensibles à certains arguments, en particulier sur la notion de
service public, et nous avons dit tout à l'heure que nous aurions souhaité que
la directive européenne soit transposée
a minima.
En revanche, nous
sommes conscients que la transposition de la directive est une ardente
obligation.
Aussi, nous nous abstiendrons et nous laisserons la majorité assumer le reste
de la discussion.
M. le président.
Je mets aux voix la motion n° 124, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de
loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe communiste
républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du
règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Nombre de votants | 313 |
Nombre de suffrages exprimés | 224 |
Majorité absolue des suffrages | 113 |
Pour l'adoption | 23 |
Contre | 201 |
En conséquence, nous passons à la discussion des articles.
Intitulé du projet de loi (priorité)