SEANCE DU 10 OCTOBRE 2002
CONVENTIONS RELATIVES À L'EXTRADITION
ENTRE LES ÉTATS MEMBRES DE L'UNION EUROPÉENNE
Adoption de deux projets de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion :
- du projet de loi (n° 84, 2001-2002) autorisant la ratification de la
convention établie sur la base de l'article K.3 du traité sur l'Union
européenne, relative à l'extradition entre les Etats membres de l'Union
européenne (ensemble une annexe comportant six déclarations). [Rapport n° 5
(2002-2003).] ;
- et du projet de loi (n° 85 rect., 2001-2002) autorisant la ratification de
la convention établie sur la base de l'article K.3 du traité sur l'Union
européenne, relative à la procédure simplifiée d'extradition entre les Etats
membres de l'Union européenne. [Rapport n° 5 (2002-2003).].
La conférence des présidents a décidé que ces deux projets de loi feraient
l'objet d'une discussion générale commune.
Dans la discussion générale commune, la parole est à M. le secrétaire
d'Etat.
M. Renaud Muselier,
secrétaire d'Etat aux affaires étrangères.
Monsieur le président,
monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les projets de loi
d'autorisation de ratification des conventions du 10 mars 1995, relatives à la
procédure simplifiée d'extradition, et de la convention du 27 septembre 1996
relative à l'extradition sont l'illustration de la volonté des Etats de l'Union
européenne de favoriser entre eux une coopération judiciaire encore plus
étroite, efficace et rapide.
Ce souhait s'est initialement exprimé à l'occasion d'une déclaration des
ministres de la justice, lors de la réunion informelle de Limelette en
septembre 1993. Au mois de novembre de la même année, le Conseil «
Justice-affaires intérieures » chargeait les instances compétentes de l'Union
européenne d'examiner l'opportunité de conclure entre eux une convention
d'extradition afin d'améliorer le dispositif existant. Ces travaux donnèrent
naissance à la convention de 1995 relative à la situation des personnes ayant
consenti à l'extradition.
Par la suite, la volonté générale des Etats membres de l'Union européenne
d'adapter l'ensemble du domaine de l'extradition aux nécessités de la
coopération judiciaire aboutissait à l'établissement et à la signature de la
deuxième convention, le 27 septembre 1996.
La convention du 10 mars 1995 résulte du constat que les procédures à
l'occasion desquelles les personnes concernées consentent à leur extradition -
ce qui représente 30 % des cas - peuvent être notablement simplifiées et
accélérées.
Cette simplification de la procédure extraditionnelle réside, pour
l'essentiel, dans la dispense de présentation formelle d'une demande
d'extradition et l'absence de recours à une procédure « lourde » permettant
ainsi de réduire au minimum le temps nécessaire à l'extradition et toute
période de détention aux fins d'extradition.
La convention prévoit les modalités de recueil du consentement de la personne
arrêtée et précise que cet accord à l'extradition doit être recueilli par
l'autorité judiciaire, être exprimé volontairement et de manière éclairée, et,
enfin, être consigné dans un procès-verbal. A cet égard, si le caractère
irrévocable du consentement est affirmé, il est permis de déroger à ce principe
par une déclaration lors du dépôt des instruments de ratification.
La France entend déclarer que, dans le cas où une personne susceptible d'être
extradée exercerait une voie de recours à l'encontre de la décision de la
chambre de l'instruction constatant son consentement à l'extradition, ce
recours vaudrait révocation du consentement antérieurement exprimé.
Dans cette hypothèse, en cas de révocation du consentement, c'est la procédure
de droit commun de l'extradition qui devra s'appliquer.
Le texte prévoit également la renonciation au principe de spécialité qui veut
que l'on ne puisse être poursuivi, jugé ou mis en détention pour un fait autre
que celui qui a motivé l'extradition. A ce propos, la France entend déclarer
qu'une telle renonciation ne pourra être réalisée que par une manifestation
expresse de volonté.
Enfin, pour donner une effectivité certaine à l'objectif de célérité, les
Etats membres de l'Union ont encadré dans de brefs délais certaines étapes de
la procédure, à savoir la notification du consentement, la notification de la
décision d'extradition et la remise de la personne. Ainsi, entre l'arrestation
provisoire et la remise de l'intéressé par l'Etat requis à l'Etat requérant, ne
devrait en principe s'écouler qu'un délai de cinquante jours.
La convention du 27 septembre 1996 constitue le complément de la convention de
1995 tout en ayant une portée plus large, puisqu'elle modifie les conditions de
fond de l'extradition.
Elle part en effet du constat que les similitudes considérables existant entre
les politiques pénales des Etats membres, la confiance mutuelle dans le bon
fonctionnement des systèmes judiciaires nationaux et la nécessité
d'homogénéiser les législations internes justifient la révision des aspects
fondamentaux de l'extradition entre les Etats de l'Union.
En conséquence, la convention de 1996 complète tant la convention européenne
d'extradition du 13 décembre 1957, la convention européenne pour la répression
du terrorisme du 27 janvier 1977, dont certaines dispositions deviennent
caduques, et la convention d'application de l'accord de Schengen du 19 juin
1990.
Ainsi, la présente convention facilite-t-elle l'extradition en élargissant les
possibilités d'y recourir, en simplifiant les procédures et en réduisant les
obstacles résultant des motifs de refus et des disparités de législations.
Sur le plan procédural, la voie diplomatique prévue par la convention de 1957
est remplacée par une autorité centrale chargée de transmettre et de recevoir
les demandes d'extradition et les documents requis. Dans le cas de la France,
il s'agit du ministère de la justice.
Les principales modifications de fond apportées par la convention du 27
septembre 1996 sont les suivantes : le seuil de l'emprisonnement exigé pour
extrader passe d'un an à six mois d'emprisonnement ; une exception au principe
traditionnel de la double incrimination est prévue afin de lutter efficacement
contre les formes les plus graves de la délinquance que constituent la
criminalité organisée et le terrorisme.
Autre innovation notable : une extradition ne peut être refusée au motif que
la demande est fondée sur une infraction de nature politique, une infraction
connexe à une infraction politique ou une infraction inspirée par des motifs
politiques.
Toutefois, les Etats peuvent limiter l'application de ce principe nouveau aux
seules infractions terroristes et aux faits qualifiés de conspiration ou
d'association de malfaiteurs. A cet égard, la France entend se prévaloir d'une
telle réserve.
Enfin, l'une des dispositions les plus novatrices du texte consiste à ne
pouvoir refuser l'extradition au motif que la personne demandée est un
ressortissant de l'Etat requis. La France entend cependant déclarer qu'elle
n'abandonnera le principe classique de la non-extradition des nationaux qu'à
certaines conditions. Ainsi, les ressortissants français ne pourront être
extradés vers un Etat membre, aux fins de poursuites pénales ou en vue
d'exécuter une condamnation à une peine privative de liberté prononcée par une
juridiction de cet Etat, que si la peine est exécutée sur le territoire
français.
Telles sont les principales dispositions de la convention qui démontrent que
les Etats membres ont pris conscience du caractère de plus en plus
transfrontalier de la criminalité et de l'impérieuse nécessité qu'il y a à
réduire les obstacles résultant des disparités de législation.
L'adoption de ces instruments doit être accompagnée d'une modification de
notre droit interne. Dans ce but, un projet de loi portant réforme de la loi du
10 mars 1927 relative à l'extradition des étrangers a été déposé le 29 mai 2002
devant la Haute Assemblée.
Enfin, il importe de souligner que cette évolution du droit de l'extradition,
qui est au coeur de la création de l'espace judiciaire de l'Union, connaîtra
son point d'aboutissement avec la mise en oeuvre prochaine du mandat d'arrêt
européen issue de la décision-cadre du 13 juin 2002.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames,
messieurs les sénateurs, les principales dispositions des conventions du 10
mars 1995 et du 27 septembre 1996 qui font l'objet des projets de loi
aujourd'hui proposés à votre approbation.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Serge Vinçon,
rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Monsieur le président, mes chers collègues, le dispositif
technique de la convention ayant été précisément et clairement exposé par M. le
secrétaire d'Etat à l'instant, je n'y reviendrai que pour attirer l'attention
du Sénat sur les éléments qui me semblent les plus importants. Je me permettrai
ensuite, monsieur le secrétaire d'Etat, de me faire l'écho des débats de notre
commission et de vous poser deux questions.
De ces deux conventions de 1995 et 1996 visant à simplifier les procédures
d'extradition entre les Etats membres de l'Union européenne, je retiens trois
éléments.
D'abord, la convention de 1995 permettra une réduction très nette du délai
nécessaire à l'extradition - de six à deux mois environ - lorsque la personne
demandée et l'Etat requis sont d'accord. Or, comme cette situation correspond à
près d'un tiers des dossiers au sein de l'Union européenne, l'impact pratique
sera important.
Ensuite, grâce à la convention de 1996, les Etats membres ne pourront plus
refuser une extradition demandée pour des actes de terrorisme ou d'association
de malfaiteurs terroristes au motif qu'il s'agirait d'une infraction
politique.
Enfin, la convention de 1996 ouvre la porte à l'extradition des nationaux,
dérogeant à un principe classique du droit public. Elle constitue donc un
premier pas vers la mise en oeuvre du mandat d'arrêt européen.
Monsieur le secrétaire d'Etat, l'examen, devant notre commission, de ces deux
conventions a soulevé deux questions sur lesquelles je serais heureux que vous
puissiez nous apporter des précisions.
Tout d'abord, il nous a semblé inacceptable que le Royaume-Uni n'ait toujours
pas décidé l'extradition de M. Rachid Ramda, le financier présumé des attentats
du GIA en 1995 et 1996. Au sein de l'Union européenne, il est inadmissible
qu'un Etat membre puisse prétendre défendre les droits fondamentaux d'un
individu en prétextant le mauvais fonctionnement de la justice française tout
en le maintenant en prison sans jugement depuis plus de sept ans. Sur ce
dossier difficile, peut-on espérer, monsieur le secrétaire d'Etat, une issue
prochaine qui viendrait soulager les victimes ?
Par ailleurs, la commission s'est interrogée sur le champ et les modalités
d'application de ces conventions.
En effet, d'une part, elles impliquent une adaptation du droit français pour
être appliquées. Un projet de loi a été déposé au Sénat en ce sens -
pouvez-vous nous indiquer dans quels délais il pourrait être examiné ? -
permettant ainsi l'entrée en vigueur des conventions.
D'autre part, après la mise en oeuvre du mandat d'arrêt européen au 1er
janvier 2004, les conventions ne devraient plus s'appliquer que pour les faits
antérieurs au 1er novembre 1993 en vertu de la déclaration faite par la France
relative à l'article 32 de la décision-cadre du Conseil relative au mandat
d'arrêt européen. Cependant, les dernières décisions prises par le Gouvernement
en matière d'extradition vis-à-vis de l'Italie ne vont-elles pas conduire la
France à retirer ou à ne pas invoquer la déclaration relative à l'article 32
?
En conclusion, mes chers collègues, je crois qu'il est nécessaire que nous
approuvions ces deux conventions qui constituent un progrès vers une plus
grande coopération judiciaire en Europe.
Je crois qu'il s'agit d'une nécessité de sécurité publique et que cela
correspond au souhait et à l'image que se font nos concitoyens de l'Europe
d'aujourd'hui et de demain.
On parle souvent de « rapprocher l'Europe des citoyens » ; il me semble que
ces conventions y contribuent : les frontières en Europe ne doivent pas pouvoir
protéger d'un procès, d'une condamnation.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à Mme Hélène Luc.
Mme Hélène Luc.
Mes chers collègues, les deux conventions soumises aujourd'hui à ratification
résultent, comme l'ont souligné M. le rapporteur et M. le secrétaire d'Etat, du
besoin impérieux d'une coopération judiciaire plus efficace entre les pays de
l'Union européenne.
Les récents événements qui ont bouleversé l'équilibre international, au
premier rang desquels figure la menace terroriste, nous ont fait prendre
conscience de la nécessité de se doter de moyens plus efficaces de lutte et de
protection. Nous oeuvrons tous pour que ces moyens soient mis en place dans les
meilleures conditions.
Cette convention contient donc des mesures positives. Mais, à côté de ces
mesures indispensables, il faut que les droits des personnes faisant l'objet
d'une demande d'extradition soient au mieux préservés.
Pour illustrer mon propos, je ne prendrai ici qu'un seul exemple qui a trait à
la procédure simplifiée d'extradition, plus particulièrement au volet consacré
au consentement de la personne.
Avec l'entrée en vigueur de la convention, le consentement de la personne sera
recueilli par la chambre d'instruction et consigné dans un procès-verbal en ce
qui concerne la France. Il n'est nullement stipulé que cette personne pourra
être ou, pour être plus précise, sera obligatoirement assistée d'un avocat et,
dans l'éventualité d'un ressortissant étranger ne parlant pas le français, d'un
interprète.
Or, monsieur le secrétaire d'Etat, nous nous devons de tout faire afin que les
droits de la personne soient respectés et pour permettre que ce consentement
soit recueilli dans les meilleures conditions. C'est pourquoi l'absence d'un
avocat ou d'un interprète pourrait être fort préjudiciable et pourrait faire
subsister un doute quant à l'obtention du consentement.
Ainsi, j'espère, monsieur le secrétaire d'Etat, que la France s'efforcera
d'éviter tout écueil en la matière.
D'une manière plus générale, et par le fait d'une coïncidence malheureuse,
j'aimerais rappeler ma vive préoccupation après la décision du gouvernement
français de reconsidérer l'engagement pris par notre pays de ne pas extrader
des ressortissants italiens.
Paolo Persichetti a ainsi été livré aux autorités italiennes en août dernier,
alors qu'il avait refait sa vie en France, pays dans lequel il pensait, à tort,
trouver une deuxième chance.
Son cas n'est pas isolé, ils sont plusieurs à attendre dans l'angoisse du
lendemain. D'autres ressortissants italiens sont, aujourd'hui, en France,
passibles d'une mesure d'extradition.
La grande majorité d'entre eux s'est d'ailleurs parfaitement intégrée à la
société française. Pourtant, monsieur le secrétaire d'Etat, cela ne semble pas
suffire ; leur passé, avec lequel ils ont rompu, revient sur le devant de la
scène pour mieux leur rappeler qu'il n'y a pas de rédemption possible. Je ne
veux pas que ce soit cette image qui soit véhiculée, car ce n'est pas l'image
de la France que je connais. La France doit être un pays juste ; c'est
pourquoi, au nom du groupe communiste républicain et citoyen, j'invite le
Gouvernement à appliquer avec la plus grande circonspection les règles en
matière d'extradition, et encore plus maintenant avec la ratification de ces
deux conventions.
A trop vouloir en faire, nous risquons - et il ne le faut pas ! - de tomber
dans une logique ultrasécuritaire trop éloignée des réalités, une logique selon
laquelle l'abus prendrait le dessus sur le raisonnable.
Le groupe communiste républicain et citoyen a finalement décidé de s'abstenir
sur ce texte, non pas que nous minimisions les problèmes inhérents à la lutte
contre le terrorisme, bien au contraire - vous le savez -, non pas que nous ne
soyons pas conscients de la nécessité d'une coopération judiciaire entre les
pays européens, mais parce que, dans ces textes, nombre de points nous semblent
sensibles par rapport au respect des libertés individuelles. En raison du temps
qui m'est imparti, je n'ai pas pu ici les énumérer tous. Ils touchent notamment
l'échelle des peines entre les deux pays, le problème des nationaux ou encore
celui des mineurs, sans compter la possibilité du refus d'extradition.
Nous ne voulons pas, et nous ne devons pas oublier, monsieur le secrétaire
d'Etat, que l'Europe doit aussi, et surtout, être porteuse de liberté, et que
la France doit en être le digne porte-parole !
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Renaud Muselier,
secrétaire d'Etat.
Avant de répondre précisément aux questions que vous
avez bien voulu me poser, monsieur le rapporteur, et aux interrogations de Mme
Luc, il me semble nécessaire de souligner que l'efficacité des procédures de
remise des personnes recherchées par les autorités judiciaires pénales est la
vraie mesure de la coopération entre Etats.
La ratification de ces conventions permet à la France de rejoindre ses
partenaires dans la mise en oeuvre de mécanismes plus souples que ceux de la
Convention européenne d'extradition adoptée par le Conseil de l'Europe le 13
décembre 1957.
En outre, cette nouvelle donne n'emportera pas de conséquences sur les
dossiers d'extradition concernant les personnes recherchées par l'Italie - qui
restera le dernier pays à n'avoir pas ratifié ces nouveaux instruments - ni sur
le dossier concernant M. Ramda.
En effet, et pour répondre à votre première interrogation, le Gouvernement
français regrette que la demande d'extradition formée il y a bientôt sept ans
auprès des autorités britanniques n'ait toujours pas abouti.
La longueur exceptionnelle de cette procédure a rendu impossible la
comparution simultanée devant la cour d'assises de Paris de l'ensemble des
personnes dont l'enquête sur les attentats de l'été 1995 avait établi qu'elles
avaient pu y jouer un rôle déterminant.
Naturellement, des efforts soutenus sont et seront poursuivis par les
autorités françaises pour aboutir à un résultat positif dans ce dossier,
c'est-à-dire la remise de M. Ramda à la France afin qu'il puisse comparaître
devant la justice de notre pays.
Le ministère de la justice travaille actuellement à réunir des éléments de
réponse qu'il adressera au
Home Office
britannique à la suite de
l'annulation de la décision d'extradition que le ministre de l'intérieur avait
prise au mois d'octobre 2001.
A Londres, mon collègue de la justice en a parlé à M. Plunkett lors de leur
dernier entretien au mois de juillet.
S'agissant de votre seconde interrogation, et contrairement au cas de la
Grande-Bretagne que je viens d'évoquer, où la loi britannique sur l'extradition
n'en est qu'au stade de l'étude, le gouvernement français a déposé devant votre
assemblée un projet de loi de réforme de la loi de 1927 relative à
l'extradition des étrangers qui prend en compte l'adaptation nécessaire de
notre législation et dont l'examen devrait, je l'espère, intervenir dans les
meilleurs délais.
Enfin, et s'agissant de votre dernière question, qui relève davantage de la
procédure, non encore en vigueur, du mandat d'arrêt européen que de la
ratification des conventions de 1995 et 1996, la France a effectivement
déclaré, conformément à l'article 32 de la décision-cadre relative au mandat
d'arrêt européen et à la procédure de remise entre Etats membres, que, en tant
qu'Etat d'exécution, elle continuera de traiter selon le système d'extradition
applicable avant le 1er janvier 2004 les demandes relatives à des faits commis
avant le 1er novembre 1993.
A cet égard, et en ce qui concerne les demandes d'extradition formées par le
gouvernement italien visant d'anciens membres de l'extrême gauche, il est
apparu avec clarté que notre pays ne devait pas servir de sanctuaire aux
auteurs de crimes de sang particulièrement violents. Il est en conséquence
procédé à une étude au cas par cas des demandes formées sur l'initiative des
autorités judiciaires italiennes.
Je tiens à souligner, madame Luc, que nous sommes tous très sensibles à la
liberté individuelle, au respect des droits de l'homme, fidèles en cela à la
tradition de notre pays. Nous ferons donc ce qui est nécessaire pour qu'un
individu ne soit pas systématiquement rattrapé par son passé et pour que la
lutte contre le terrorisme soit efficace dans notre pays comme partout
ailleurs.
M. Robert Del Picchia.
Très bien !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale commune ?...
La discussion générale commune est close.
PROJET DE LOI N° 84
M. le président.
Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi n° 84.
«
Article unique.
- Est autorisée la ratification de la convention
établie sur la base de l'article K. 3 du traité sur l'Union européenne,
relative à l'extradition entre les Etats membres de l'Union européenne
(ensemble une annexe comportant six déclarations), faite à Dublin le 27
septembre 1996, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Avant de mettre aux voix l'article unique du projet de loi, je donne la parole
à M. Claude Estier pour explication de vote.
M. Claude Estier.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la
situation qui prévaut en Europe et dans le monde depuis le 11 septembre a
démontré qu'il est urgent de renforcer la coopération policière et judiciaire
au sein de l'Union européenne.
Jusqu'à présent, en effet, chaque Etat membre pouvait considérer son système
judiciaire comme étant le meilleur, et exprimait sa méfiance à l'égard des
traditions juridiques de ses partenaires européens.
Depuis le Conseil européen de Tampere, et plus encore, depuis le 11 septembre,
s'agissant de la lutte contre le terrorisme, l'intérêt européen commun impose
de surmonter, de dépasser cette défiance, et a rappelé à l'Union européenne ses
responsabilités : « offrir aux citoyens un niveau élevé de protection dans un
espace de liberté, de sécurité et de justice. »
La première mesure adoptée dans la lutte contre le terrorisme par le Conseil
de l'Union « Justice et affaires intérieures » du 20 septembre 2001 a consisté,
justement, à mobiliser par anticipation les mécanismes prévus dans les deux
conventions d'extradition, dont la ratification nous est aujourd'hui
soumise.
Conscients que désormais la seule procédure d'extradition simplifiée n'était
plus adaptée à un espace européen sans frontières confronté à de tels risques
d'actes terroristes, les Etats membres de l'Union ont définitivement adopté, le
13 juin 2002, l'instauration d'un mandat d'arrêt européen, qui rend
l'extradition automatique et obligatoire pour un grand nombre de délits et de
crimes terroristes.
Concrètement, les deux conventions sur l'extradition seront remplacées par une
simple reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires et par un simple
transfert des personnes ayant commis un délit, ce qui aura pour effet de créer
un espace unique européen d'extradition.
L'actualité a clairement dicté les priorités et a démontré, une fois encore,
la nécessité d'une intégration européenne plus poussée. Cette dernière est, à
notre sens, toujours la clé de notre pensée et de notre action européenne.
Les exigences de la lutte contre le terrorisme ont enfin permis que la volonté
politique prime sur la différence des cultures juridiques. Nous espérons que
les Etats membres poursuivront en ce sens pour ce qui concerne l'ensemble de la
coopération judiciaire européenne en matière pénale.
Nous veillerons néanmoins à ce que le rapprochement indispensable des
législations et les garanties en matière de droits fondamentaux ne s'exercent
pas au prix d'un nivellement par le bas.
Je prends acte - parce que c'était aussi un sujet d'inquiétude pour nous - de
la réponse que vient de faire M. le secrétaire d'Etat au sujet de la situation
des personnes qui sont réclamées par l'Italie, mais qui sont aujourd'hui
parfaitement intégrées dans notre pays.
En attendant l'entrée en vigueur de la décision-cadre portant sur un mandat
d'arrêt européen le 1er janvier 2004, il reste nécessaire de combler le vide
juridique qui demeure en matière de procédure d'extradition entre l'ensemble
des Etats membres de l'Union. Ce nouveau pas est bien indispensable à la
création d'un véritable espace de justice et de sécurité en Europe.
C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste approuve la ratification de
ces deux conventions d'extradition.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
PROJET DE LOI N° 85 RECTIFIÉ
M. le président.
Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi n° 85
rectifié.
«
Article unique
. - Est autorisée la ratification de la convention
établie sur la base de l'article K. 3 du traité sur l'Union européenne,
relative à la procédure simplifiée d'extradition entre les Etats membres de
l'Union européenne, faite à Bruxelles le 10 mars 1995, et dont le texte est
annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
3