SEANCE DU 2 OCTOBRE 2002
M. le président.
L'amendement n° 9, présenté par M. Fauchon, au nom de la commission, est ainsi
libellé :
« I. - Supprimer la première phrase du texte proposé par cet article pour
l'article 41-20 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958.
« II. - En conséquence, rédiger comme suit le début de la seconde phrase dudit
texte : « Les juges de proximité perçoivent »... ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
C'est un amendement de cohérence rédactionnelle.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben,
garde des sceaux.
Monsieur le rapporteur, il ne me semble pas que cet
amendement soit purement rédactionnel.
Le Gouvernement y est défavorable dans la mesure où il vise à supprimer la
disposition précisant que les juges de proximité exercent leurs fonctions à
temps partiel. La loi organique doit en effet, conformément à la jurisprudence
du Conseil constitutionnel, prévoir que les fonctions judiciaires des personnes
n'ayant pas consacré leur vie professionnelle à la carrière judiciaire sont
exercées pour une part limitée. Cela rejoint, monsieur le rapporteur, le débat
que nous avons eu tout à l'heure.
J'avais déjà fait part de mes réserves sur un amendement précédent et je crois
vraiment que, là, nous accumulons les risques constitutionnels.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur.
Monsieur le président, nous sommes favorables à cet amendement, qui est tout à
fait cohérent avec un amendement précédemment voté.
Cela étant, pour le voter en pleine connaissance de cause, je voudrais obtenir
de M. le ministre une précision car, sur cette question des indemnités, nous
avons, au cours des semaines passées, entendu des choses terriblement
contradictoires. Or il nous paraît très important - M. Badinter y a encore
insisté tout à l'heure - que cette question des indemnités soit pleinement
clarifiée.
Nous avions compris que les juges de proximité percevraient une somme bien
supérieure à celle que vous avez mentionnée, monsieur le garde des sceaux, en
répondant aux orateurs de la discussion générale. Vous nous avez en effet
annoncé qu'ils seraient rémunérés sur la base de 12 000 francs - car vous avez
parlé en francs - par mois pour un plein temps.
Sachant que ces juges de proximité travailleront deux demi-journées par mois
et que, nous avez-vous dit, ils percevront trois vacations pour chaque
demi-journée de travail, on peut déduire qu'ils percevront chaque mois six
vacations, représentant trois journées de travail.
Si l'on considère que 12 000 francs correspondent à un temps plein de 140
heures, pour trois jours de travail, on obtient exactement 1 800 francs,
c'est-à-dire six vacations de 300 francs.
Monsieur le ministre, confirmez-vous ces chiffres ?
M. le président.
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Dominique Perben,
garde des sceaux.
Je crois avoir été clair tout à l'heure mais je veux
bien donner quelques explications complémentaires, même si le débat me paraît
devoir porter plus sur la question de la constitutionnalité que sur la
rémunération, au franc près, que percevront les juges de proximité.
Quoi qu'il en soit, monsieur le sénateur, je vous le confirme, l'objectif que
je m'assigne est d'arriver à une rémunération correspondant à 12 000 francs par
mois pour un temps plein, étant entendu que, à mon avis, une demi-journée
d'audience correspond à un jour et demi de travail.
M. Jean-Pierre Sueur.
C'est très clair, et je vous remercie.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Ce n'est qu'avec prudence que je me lancerai sur le terrain
de l'indemnité de vacation, mais je crois de mon devoir de signaler que, dans
ce débat, on établit faussement un parallélisme entre l'indemnisation de
vacations et le traitement, deux notions qui sont tout à fait distinctes.
Par définition, celui qui perçoit un traitement se situe dans un processus de
carrière : il est sûr d'avoir de l'avancement, au moins à l'ancienneté, et donc
de voir son traitement évoluer. A l'inverse, une vacation est fixe. Pour
établir une comparaison avec un traitement, il faudrait prendre un point moyen
de la carrière. Pourquoi prendre le début de la carrière ?
Vous choisissez arbitrairement le point le plus bas, en oubliant que celui qui
est à ce point est sûr, dans la fonction publique - ce n'est pas vrai dans le
secteur privé - de gagner davantage après vingt ou trente ans d'activité. Or
cela fait une sérieuse différence !
Vous semblez oublier également que la rémunération normale des salariés,
fonctionnaires ou non, comporte nombre d'éléments qui n'apparaissent pas sur la
feuille de paye. En amont, s'agissant des magistrats, il y a la formation. Et
puis, surtout, il y a les congés payés, les cotisations de retraite, la
sécurité sociale, toutes choses qui, par définition, n'interviennent pas dans
le calcul d'une indemnité de vacation.
Ce parallèle, qui a, entre nous soit dit, un petit relent de démagogie et
d'effet facile, repose en réalité sur un abus que ne peuvent pas ignorer, me
semble-t-il, ceux qui le font.
Mais j'en reviens à l'amendement lui-même, qui nous a bien paru de nature
rédactionnelle, monsieur le garde des sceaux.
En effet, préciser que les juges de proximité exercent leurs fonctions à temps
partiel nous paraît créer une ambiguïté. On peut en effet se demander s'ils
n'entrent pas dans la catégorie du temps partiel telle qu'elle est prévue dans
le code du travail. Nous avons donc estimé qu'il valait mieux éviter cette
ambiguïté dès lors qu'il est indiqué qu'ils perçoivent une indemnité de
vacation : la vacation, par essence, relève du temps partiel. C'est pourquoi
notre rédaction nous semble plus satisfaisante.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Hyest.
Monsieur le rapporteur, il faut tenir compte des indications du Conseil d'Etat
et du Conseil constitutionnel, même si les formulations du projet de loi
organique ne sont peut-être pas excellentes.
En supprimant la première phrase, on fait disparaître des précisions
nécessaires.
Monsieur le rapporteur, je comprends parfaitement votre argumentation. Selon
vous, puisqu'il s'agit de vacations, ces juges n'exercent pas cette activité à
titre principal. En fait, ce n'est pas forcément vrai ! Dans un certain nombre
d'administrations, des vacataires font tellement de vacations qu'il s'agit
presque d'un temps plein.
Il faudrait donc peut-être modifier le terme « partiel » tout en gardant le
sens. Cela dit, monsieur le rapporteur, il serait prudent de ne pas se
précipiter en supprimant la première phrase de l'article 41-20 de
l'ordonnance.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
La commission m'a demandé de présenter cet amendement, je le
fais. Mais nous sommes en navette et ce dispositif pourra faire l'objet
d'améliorations.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 9.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix le texte proposé pour l'article 41-20 de l'ordonnance n°
58-1270 du 22 décembre 1958.
(Ce texte est adopté.)
M. le président.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
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