SEANCE DU 20 FEVRIER 2002
M. le président.
L'amendement n° 4 rectifié, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
« Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Il est inséré, avant le dernier alinéa de l'article 76 du code civil,
un alinéa ainsi rédigé :
« ... ° Le nom des enfants à venir du couple. Ce nom est soit celui d'un des
deux époux, soit l'association de leurs deux noms accolés dans l'ordre choisi
par eux, dans la limite d'un patronyme pour chacun d'eux. »
« II. - Le deuxième alinéa de l'article 515-3 du même code est complété par
trois phrases ainsi rédigées : "Cette convention mentionne obligatoirement le
nom des enfants à venir du couple. Ce nom est soit le nom d'un des deux
cocontractants, soit l'association de leurs deux noms accolés dans l'ordre
choisi par eux, dans la limite d'un patronyme pour chacun d'eux...". »
La parole est à M. Masson.
M. Jean-Louis Masson.
Face au risque de divergence entre le père et la mère, on peut évidemment
pratiquer la politique du pire, qui reviendrait, en l'occurrence, à laisser les
conflits se multiplier pour, en fin de compte, mieux maintenir le système de
transmission actuel, au profit du nom du père. Mais on peut aussi éviter de
susciter les conflits.
La plupart des pays européens ont mis en place un choix des parents, du moins
lorsqu'il s'agit de couples stables. Il est clair, en effet, que des
divergences entre le père et la mère ne peuvent surgir qu'exceptionnellement
lorsque ceux-ci ne sont ni mariés ni liés par un PACS. Dans le cas de parents
qui ne vivent pas en couple, c'est en général celui qui reconnaît l'enfant le
premier qui transmet son nom. Dans les autres cas, pour éviter les problèmes,
la quasi-totalité des pays qui nous entourent prévoient qu'au moment du mariage
ou de la signature d'un contrat de type Pacs l'homme et la femme se mettent
d'accord et décident du nom qui sera porté par les enfants.
C'est ce que je propose dans cet amendement. Cela réglerait en fait les
questions d'ordre alphabétique, de priorité donnée au père, etc. Dans l'immense
majorité des cas, il n'y aurait plus aucune difficulté.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri de Richemont,
rapporteur.
La proposition de notre collègue vise en fait à introduire le
nom conjugal, c'est-à-dire le système allemand, qui permet de choisir, au
moment du mariage, le nom qui sera transmis aux enfants.
Je l'ai indiqué tout à l'heure, même en Allemagne, 95 % des couples
choisissent le nom du père.
(M. Masson fait un signe de dénégation.)
L'amendement de M. Masson est contraire non seulement au dispositif qui est
proposé par l'Assemblée nationale, mais également à celui qui est envisagé par
la commission. Celle-ci émet donc un avis défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Je tiens à saluer l'enthousiasme de M. Masson, qui mène
sur ce sujet un long combat. Je n'en suis que plus désolée de lui dire que la
solution qu'il préconise ne recueille pas l'avis favorable du Gouvernement.
En fait, monsieur le sénateur, vous proposez le choix au moment du mariage ou
de la signature du Pacs. Cela présente, me semble-t-il, l'inconvénient majeur
de figer le choix des futurs parents, alors même que le projet d'avoir un
enfant n'est peut-être pas encore bien présent dans leur esprit.
Il me paraît préférable de prévoir que ce choix s'effectue au moment où
l'arrivée d'un premier enfant est une réalité toute proche, le temps du désir
d'enfant et de la grossesse permettant aux futurs parents d'accorder leurs
volontés sur le nom, comme sur le prénom de l'enfant, d'ailleurs.
On peut également penser que, au moment du mariage ou du Pacs, parfois
longtemps avant que n'émerge le désir d'enfant, les éventuels futurs parents,
surtout s'ils sont jeunes, risquent d'être sensibles à quelques « douces »
pressions familiales et que la vie en commun leur permettra d'être plus
responsables de ce choix.
De surcroît, vous créez une différence de traitement difficilement justifiable
par rapport aux concubins, qui auraient, eux, le temps du choix jusqu'à la
naissance de leur premier enfant.
En bref, monsieur Masson, même si j'approuve beaucoup de vos arguments, je ne
peux accepter la proposition que vous formulez en cet instant.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 4 rectifié, repoussé par la commission et par
le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 1er