SEANCE DU 13 FEVRIER 2002
RÉGIME DE RETRAITE
COMPLÉMENTAIRE OBLIGATOIRE
POUR LES NON-SALARIÉS AGRICOLES
Adoption d'une proposition de loi déclarée d'urgence
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi (n° 126,
2001-2002), adoptée par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence,
tendant à la création d'un régime de retraite complémentaire obligatoire pour
les non-salariés agricoles. [Rapport n° 211 (2001-2002) ; avis n° 191
(2001-2002).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, le texte qui vous est présenté vise à
compléter un dispositif que nous avons commencé à mettre en place il y a
quelques années, dans le cadre d'un programme pluriannuel qui avait lui-même
pour objet de remédier à l'une des injustices les plus criantes et les plus
insupportables dans la société française : je veux parler des retraites
agricoles.
Ayant moi-même été, à l'Assemblée nationale, voilà quelque temps, rapporteur
du budget annexe des prestations sociales agricoles, j'ai, année après année,
dénoncé ce scandale que constituaient les plus basses retraites - c'est un
problème que tous les élus ruraux connaissent bien - et qui entachait notre
système de solidarité.
Il importait donc de remédier à cette situation. C'est ce que nous avons
entrepris de faire.
Le gouvernement précédent avait lui-même commencé à prendre des mesures, mais,
en 1997, le gouvernement de Lionel Jospin a entamé un plan pluriannuel de
revalorisation des retraites agricoles et, cette année, le budget de 2002
comporte la dernière tranche de ce programme de revalorisation des retraites
agricoles, pour un montant de 1,6 milliard de francs en année pleine - je parle
en francs, puisque nous avons adopté cette mesure avant la mise en place de
l'euro - ce qui va nous permettre de ramener toutes les retraites minimales,
celles des exploitants, de leurs conjoints, des aides familiaux, au niveau des
minima vieillesse.
Cet effort de solidarité nationale représente, toutes mesures cumulées, entre
26 et 27 milliards de francs, ce qui montre bien qu'en cinq ans le budget de
l'Etat a participé largement à cet effort de rattrapage.
En même temps, nous savons tous que cet effort de solidarité considérable
n'est pas suffisant et qu'il ne permettra pas aux non-salariés d'atteindre des
niveaux de retraite comparables, par exemple, à ceux dont bénéficient les
salariés en raison de l'absence de régimes de retraite complémentaire. Pour
parvenir à un montant équivalent, il fallait donc mettre en place un système de
régime de retraite obligatoire par répartition pour compléter le programme
pluriannuel de revalorisation des plus basses retraites.
Tel est l'objet de cette proposition de loi, qui a été adoptée en première
lecture par l'Assemblée nationale.
Je crois que, tous ensemble - il n'y a plus de clivage politique quand il
s'agit de la solidarité nationale à l'égard des retraités agricoles : nous
connaissons tous, dans nos départements, des exemples absolument criants et
scandaleux, car les intéressés ne touchent que de très faibles revenus - tous
ensemble, donc, nous pouvons nous entendre pour adopter ce dispositif de
revalorisation et de mise en place d'un régime de retraite complémentaire
obligatoire par répartition. Nous aurons alors contribué à la solution du
problème des retraites agricoles dans notre pays, ce qui représentait une
gageure voilà encore quelques années.
Tel est le sens de cette proposition de loi, sur laquelle je reviendrai à
l'occasion de la discussion des articles. Qu'il me soit simplement permis de
dire un mot, à la fin de cet exposé général, de la situation politique dans
laquelle nous nous trouvons à la veille de la fin de la session
parlementaire.
Les organisations professionnelles agricoles - en particulier la principale
d'entre elles, la FNSEA - et l'assemblée permanente des chambres d'agriculture
m'ont demandé - mais le message a dû vous être transmis à vous aussi - que ce
texte soit adopté avant la fin de la session parlementaire. Je ne ferai pas
cette injure aux organisations professionnelles de penser qu'elles craignent en
quoi que ce soit une alternance - ou qu'elles l'espèrent... - même si chacun
peut avoir des jugements sur le sujet.
(Murmures.)
Toutefois, ce texte
était attendu depuis très longtemps, et tous souhaitent très vivement que nous
puissions aboutir rapidement.
Je souhaite donc que ce texte, qui a fait l'objet d'un consensus à l'Assemblée
nationale, fasse également l'objet d'un consensus au Sénat. Je n'ose, certes,
rêver qu'il y sera adopté en termes identiques - cela signifierait que,
d'entrée de jeu, je briderais un débat qui sera sûrement très riche - mais je
tiens à mettre chacun en face de ses responsabilités. Les agriculteurs, leurs
organisations professionnelles et les retraités agricoles ainsi que leurs
associations, qui comptent de très nombreux adhérents, nous attendent et nous
regardent. Par conséquent, si nous voulons que ce texte soit adopté
définitivement avant l'interruption des travaux parlementaires, il faut que
nous soyons responsables et que nous ayons des attitudes cohérentes.
Quoi qu'il en soit, compte tenu des enjeux et des discussions que nous avons
pu avoir les uns et les autres dans la préparation de ce débat, je ne doute pas
que nous puissions aboutir à une bonne solution de compromis dès ce soir.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Marc Juilhard,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
Monsieur le ministre,
cette proposition de loi est capitale, vous l'avez rappelé. Vous souhaitez
éviter tout clivage, et c'est bien dans cet esprit que l'ensemble du Sénat a
travaillé. Néanmoins, vous me permettrez de commencer cette intervention par un
regret : il aura fallu atteindre l'extrême fin de cette législature pour que le
Gouvernement se décide enfin à inscrire cette proposition de loi, sur laquelle
il avait pourtant déclaré l'urgence, à l'ordre du jour de notre assemblée.
Avant d'examiner le texte de la proposition de loi adoptée le 11 décembre par
l'Assemblée nationale et celui de la pertinente proposition de loi de M. Gérard
César et plusieurs de ses collègues du groupe du Rassemblement pour la
République, je souhaiterais rappeler pourquoi un régime complémentaire
obligatoire par répartition est aujourd'hui indispensable et comment le
Gouvernement a malheureusement retardé une prise de décision inéluctable.
Voilà cinquante ans, les non-salariés agricoles se sont dotés d'un régime
d'assurance vieillesse. Ils ont fait le choix de cotiser peu, sur une assiette
insatisfaisante, le revenu cadastral.
Certes, il est toujours facile de refaire l'Histoire et de critiquer nos
anciens. Mais, lorsqu'ils ont pris cette décision, ils ne savaient pas que,
compte tenu de prix alimentaires toujours plus bas afin de « nourrir la France
» puis l'Europe, leurs revenus resteraient pour beaucoup d'entre eux modestes.
Ils ne savaient pas non plus que la vente de leur exploitation au moment de
leur retraite, censée dégager un pécule important, s'avérerait souvent
difficile, voire impossible.
Des cotisations peu élevées, s'appliquant à des revenus modestes : il n'est
pas besoin d'être expert pour comprendre pourquoi les retraites agricoles sont
aujourd'hui peu importantes.
Certes, un effort important de revalorisation a été mené depuis 1994. La loi
de modernisation agricole de 1995 a ainsi permis aux veuves de bénéficier du
cumul entre droits propres et droits dérivés, puis chaque loi de finances,
depuis 1997, a permis d'accorder des revalorisations aux anciens chefs
d'exploitation, aux veufs et aux veuves ainsi qu'aux aides familiaux.
La dernière étape de ce processus de revalorisation a été atteinte grâce à la
loi de finances pour 2002 : désormais, un retraité agricole bénéficie d'une
pension de retraite au moins égale au minimum vieillesse, ce qui représente 569
euros par mois, soit 3 735 francs, sous réserve, bien entendu, d'une carrière
complète en agriculture, soit 37,5 années de cotisations.
Il est désormais nécessaire, si nous voulons que les exploitants agricoles
d'aujourd'hui bénéficient de meilleures retraites que celles de leurs parents
ou de leurs grands-parents, de mettre en place un régime de retraite
complémentaire obligatoire.
Dès 1998, la mutualité sociale agricole avait souhaité la création d'un tel
régime. Lors de son congrès de Versailles de mars 1999, la FNSEA avait pris
position de manière tout à fait claire en sa faveur. Ce n'était pourtant pas
gagné d'avance.
Grâce à notre collègue Dominique Leclerc, le rapport sur les retraites
agricoles prévu à l'article 3 de la loi d'orientation agricole du 9 juillet
1999 devait inclure l'étude des « possibilités juridiques et financières de la
création d'un régime de retraite complémentaire obligatoire ».
Ce rapport, qui devait être déposé dans un délai de trois mois à compter de la
publication de la loi, soit avant le 10 octobre 1999, n'a été remis qu'en
janvier 2001 ! Ledit rapport, du reste, s'est contenté de deux pages et demie
sur le sujet, quelques paragraphes traitant prudemment des conditions de mise
en oeuvre et de gestion du nouveau régime. Sa dernière phrase valait cependant
engagement, puisqu'il y était indiqué que le Gouvernement proposerait au
Parlement « le texte nécessaire à la création d'un régime de retraite
complémentaire obligatoire ».
Ce texte, le monde agricole l'espérait lors de la discussion du projet de loi
de finances pour 2002, afin que le régime soit opérationnel dès le 1er janvier
de cette année. Mais le Gouvernement a alors semblé décidé à oublier sa
promesse.
Il a fallu toute l'obstination de quelques parlementaires - Germinal Peiro,
Alain Marleix et les collègues de son groupe à l'Assemblée nationale, Gérard
César au Sénat, et il convient de leur rendre hommage - pour que ce sujet
arrive aujourd'hui enfin en discussion, par l'intermédiaire des deux
propositions de loi qui sont soumises à notre examen.
Le texte des deux propositions de loi constitue cependant un cadre
nécessairement inachevé.
L'objet de ces deux propositions de loi est de mettre en place un régime de
retraite complémentaire obligatoire qui permette aux chefs d'exploitation, sous
réserve d'une carrière complète en cette qualité et d'une cotisation de 2,84 %,
de bénéficier au minimum de 1 175 euros, soit 7 708 francs annuels
supplémentaires. Le total atteint par le montant minimum de la pension de base
et le montant minimum de la pension de retraite complémentaire atteindrait
ainsi 8 008 euros, soit 52 527 francs.
L'augmentation représente près de 100 euros par mois : le total minimum de la
pension de base et de la pension complémentaire serait ainsi de 667 euros et 30
centimes, soit 4 377,20 francs, c'est-à-dire exactement 75 % du SMIC net, ce
qui était souhaité.
Les exploitants déjà retraités bénéficieront de ce montant minimum.
Naturellement, la cotisation n'étant pas plafonnée, la petite fraction de
non-salariés agricoles bénéficiant de revenus satisfaisants pourra acquérir,
dans les années à venir, des droits tout à fait intéressants.
Comme me l'ont précisé les représentants du monde agricole que j'ai pu
auditionner en tant que rapporteur, le cadre de ces propositions de loi reste
cependant inachevé. Un grand nombre de non-salariés agricoles reste ainsi au
bord du chemin. Il s'agit avant tout des agricultrices.
Le Gouvernement se targue d'avoir créé, dans la loi d'orientation agricole du
9 juillet 1999, le statut de conjoint collaborateur, mais il ne faut pas
oublier que le projet de loi Vasseur prévoyait un tel statut !
Ce même gouvernement restera celui qui aura exclu les conjoints collaborateurs
du nouveau mécanisme de retraite complémentaire.
(M. le ministre fait un
geste de dénégation.)
Un effet pervers est tout à fait possible : on peut ainsi imaginer que
certaines « co-exploitantes » se transformeront en « conjointes collaboratrices
» afin d'acquitter des charges sociales moins élevées.
Je crois qu'il était possible de faire preuve d'imagination et de donner la
possibilité aux conjoints collaborateurs de s'affilier à titre facultatif au
nouveau régime, moyennant une cotisation réduite à la charge du chef
d'exploitation : le choix aurait été ainsi au moins ouvert.
Les conjoints survivants - et nous savons que cette appellation désigne avant
tout des veuves - sont exclus du nouveau régime. L'Assemblée nationale a réussi
à « sauver » les futures veuves, c'est-à-dire celles qui perdront leur mari
après le 1er janvier 2003 et qui pourront ainsi bénéficier d'une pension de
réversion, mais une agricultrice qui perdra son mari le 31 décembre 2002 n'aura
aucun droit. Pardonnez-moi d'être un peu macabre, mais cela me paraît
nécessaire.
Le système est particulièrement inique, puisque pour que la pension de
réversion soit obtenue par le conjoint survivant, il faut que la pension
d'origine ait été liquidée. En d'autres termes, si un exploitant agricole
décède après trente-six années de cotisations juste avant d'avoir liquidé sa
pension, sa veuve ne touchera rien du régime de retraite complémentaire :
l'exploitant agricole aura ainsi consenti un effort de cotisation à perte.
De telles situations ne sont pas satisfaisantes.
Certes, l'argument du coût financier de l'extension du régime aux veuves est
mis en avant. Le Gouvernement évoque ainsi un montant, à terme, de 100 millions
d'euros, qui serait - dans sa logique - pris intégralement en charge par la
profession, ce qui signifie une majoration sensible des cotisations des actifs.
Nous devons prendre en compte cet élément.
Mais l'on aurait pu tout au moins « cibler » des droits sur des populations le
justifiant tout particulièrement, par exemple les « mono-pensionnées à carrière
courte ».
Pour bénéficier de la retraite complémentaire obligatoire, il faudra justifier
de trente-deux années et demie à trente-sept années et demie en tant que
non-salarié agricole, dont dix-sept années et demie de cotisations en tant que
chef d'exploitation. Un certain nombre d'agricultrices, prenant la tête de
l'exploitation à la suite du décès de leur époux - en attendant que leur fils
ou leurs fille soit en mesure de devenir exploitant - ne justifient pas de
dix-sept années et demie de cotisations. Ainsi, les mono-pensionnées à carrière
courte sont à l'écart des mesures de revalorisation et resteront oubliées du
nouveau régime de retraite complémentaire, du moins pour l'instant. Il nous
reviendra donc d'y remédier.
Le financement du nouveau régime est également critiquable. A l'Assemblée
nationale, le Gouvernement a complété la proposition de loi de M. Germinal
Peiro, en se bornant à inscrire le principe d'une « participation financière de
l'Etat dont les modalités sont fixées en loi de finances ». Cette
participation, qui est une « première » dans le cadre des régimes
complémentaires, s'explique en raison du choix de faire bénéficier du nouveau
régime les exploitants déjà retraités. S'il est exact que seule la loi de
finances peut en fixer le montant, il aurait été tout au moins souhaitable que
le Gouvernement précise les différents éléments financiers, ce qu'il n'a pas
fait.
Monsieur le ministre, lors de la discussion ici-même du BAPSA pour 2002, le 4
décembre dernier, je vous avais demandé de nous indiquer le montant de la
participation de l'Etat. Vous m'aviez répondu que vous préfériez en donner la
primeur à l'Assemblée nationale, lors de la discussion de la proposition de loi
de M. Peiro, le 11 décembre, ce qui était tout à fait compréhensible.
Mais, monsieur le ministre, le 11 décembre dernier, à l'Assemblée nationale,
vous n'avez pas souhaité évoquer le montant prévu de la participation pour 2003
! Alors, je le sais, vous dites que « c'est le Parlement qui décidera chaque
année ». Mais vous semblez oublier un détail de poids : l'article 40 de notre
Constitution. C'est bien le Gouvernement qui proposera le montant de la
participation dans le projet de loi de finances ! Le Parlement n'aura comme
seules possibilités que de diminuer ce montant ou de le supprimer !
Je crois qu'il aurait été préférable - qu'il serait préférable, monsieur le
ministre - que vous précisiez ce soir l'ensemble des données financières, à
titre indicatif. De telles informations seraient de nature à éclairer le vote
de la représentation nationale, même si, bien évidemment, seule la loi de
finances pour 2003 constituera la véritable réponse.
Nous n'avons pas eu d'études d'impact. Mais, d'après les chiffres communiqués
par les services de votre ministère, le produit total des cotisations
atteindrait annuellement de 260 millions à 270 millions d'euros, c'est-à-dire
entre 1,7 milliard et 1,8 milliard de francs. Compte tenu des charges
supportées par le régime - entre 410 millions et 457 millions d'euros - il est
possible d'en déduire que le montant de la participation financière de l'Etat
devrait être compris entre 150 millions et 183 millions d'euros, c'est-à-dire
entre 1 milliard et 1,2 milliard de francs.
Le texte de la proposition de loi précise que le taux de la cotisation et la
valeur de service du point de retraite sont déterminés « dans le respect de
l'équilibre entre les ressources et les charges du régime ». Mais une telle
disposition ne présente qu'un sens relatif, puisque l'équilibre repose sur une
inconnue : la participation financière de l'Etat. Celle-ci n'est fixée par
aucun paramètre. En fonction des besoins financiers du moment, l'Etat pourra
d'une année sur l'autre diminuer sa participation financière et faire
apparaître, de manière artificielle, un « déficit » du régime, qu'il
appartiendra aux exploitants agricoles de combler.
Il aurait été préférable de fixer la participation financière de l'Etat en
fonction d'un pourcentage des dépenses ou des recettes de cotisations du
régime.
Lorsque l'Assemblée nationale a souhaité instituer une pension de réversion
pour les futures veuves, le Gouvernement a imposé de rajouter une phrase
précisant que la participation financière de l'Etat ne couvre pas les dépenses
liées à cette réversion. Comme cette participation, une fois de plus, n'est
déterminée selon aucun critère objectif, cette précision apparaît tout à fait
inutile - nous en reparlerons lors de la discussion des articles.
La proposition de loi de notre excellent collègue Gérard César diffère sur
deux points fondamentaux du texte de la proposition de loi adoptée par
l'Assemblée nationale : d'abord, elle englobe l'ensemble des conjoints
survivants ; ensuite, elle prévoit de mettre en place la mensualisation des
pensions de retraite.
Le troisième point essentiel de cette proposition de loi est de construire
aujourd'hui la première étape du dispositif. La commission aurait naturellement
souhaité davantage. Mais, nous le savons tous, ce texte est imparfait et
inachevé.
La commission aurait beaucoup à dire sur la désinvolture du Gouvernement : ce
texte aurait dû être le sien. Elle ne peut pas non plus passer sous silence son
caractère électoraliste ; ce texte a fait et fera l'objet d'une récupération
politicienne.
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Mais non !
M. Jean-Marc Juilhard,
rapporteur.
Cependant, il est nécessaire de faire preuve de
responsabilité. Les efforts financiers liés à l'extension du régime aux
conjoints survivants et aux aides familiaux ne sont pas négligeables. La
mensualisation, qui n'apportera aucun pouvoir d'achat supplémentaire aux
retraités agricoles, représente un coût de trésorerie important. Elle n'en
reste pas moins un souhait fondamental de la profession et des retraités.
La commission des affaires sociales a considéré qu'il était important,
aujourd'hui, compte tenu de la conjoncture politique - celle de la fin d'une
législature - de construire ensemble la première étape du régime
complémentaire. La construction parfaite et complète de ce régime, afin qu'il
n'y ait ni exclus, ni laissés-pour-compte, prendra peut-être plusieurs années.
Mais il est nécessaire de commencer aujourd'hui.
Telles sont les raisons qui ont conduit la commission des affaires sociales à
proposer de rester dans le cadre financier de la proposition de loi et à
adopter une série d'amendements ayant pour objet de clarifier et de préciser le
texte.
Deux d'entre eux lui paraissent particulièrement importants : le premier tend
à fixer dans la loi l'objectif visé, à savoir le minimum des 75 % du SMIC pour
le total représenté par la pension de base et la pension complémentaire ; le
second donne au régime la possibilité d'évoluer, en confiant de manière
permanente au Conseil supérieur des prestations sociales agricoles le soin
d'évaluer sa montée en charge et d'étudier notamment les possibilités
d'extension aux conjoints et aux aides familiaux.
Une fois de plus, la commission des affaires sociales - sans renier aucune des
critiques développées dans son rapport - a décidé de faire preuve d'esprit de
responsabilité. Le texte que pourrait voter le Sénat ce soir serait susceptible
d'être adopté conforme par l'Assemblée nationale ou de faire l'objet d'un
accord en commission mixte paritaire, ce qui serait - je crois - un hommage
rendu à notre assemblée et le signe de sa participation à ce qui est
indubitablement une grande avancée sociale, attendue par la très grande
majorité des agriculteurs.
Telles sont les grandes orientations retenues par la commission des affaires
sociales.
(Applaudissement sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, de
l'Union centriste et du RDSE, ainsi que sur certaines travées
socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Gérard César,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la
création d'un régime de retraite complémentaire obligatoire par répartition
constitue depuis longtemps une attente forte et légitime des agriculteurs.
La faiblesse persistante du niveau des pensions agricoles ne permet pas aux
deux millions de retraités issus de l'agriculture de vivre décemment, d'autant
que le capital susceptible d'être retiré, au moment du départ en retraite, de
la cession des exploitations est aujourd'hui moins valorisable du fait du
faible dynamisme des installations.
En outre, l'évolution des modes de vie en milieu rural, le départ des jeunes
vers la ville et la décohabitation qui en découle laissent bien souvent les
agriculteurs âgés beaucoup plus isolés.
Certes, il existe un régime de retraite complémentaire facultatif, le
complément de retraite volontaire agricole, le COREVA. Force est de constater
que ce régime, outre qu'il est difficilement accessible aux agriculteurs les
plus modestes, n'a pas l'efficacité requise du fait de son caractère non
obligatoire. Ce régime - je tiens à le souligner - conserve néanmoins toute sa
légitimité comme futur troisième étage du système de retraites agricoles. Je
souhaiterais, à cet égard, monsieur le ministre, que vous confirmiez le
maintien de la déductibilité fiscale des cotisations versées.
Par ailleurs, le plan de revalorisation des retraites agricoles mis en avant
par l'actuel gouvernement, mais engagé sous la précédente majorité, ne garantit
qu'un niveau de pension égal au minimum vieillesse, soit environ 567 euros, ou
3 720 francs par mois, c'est-à-dire, tout au plus, la parité avec les régimes
de base des autres secteurs professionnels.
Seule la création d'un régime complémentaire obligatoire par répartition
pourra porter les pensions de retraite agricoles à 75 % du SMIC, c'est-à-dire à
808 euros, conformément au souhait de la profession.
Elle permettra, en outre, la reconnaissance du travail passé des exploitants
agricoles, qui, depuis 1945, ont relevé le défi de l'autosuffisance alimentaire
et ont hissé la France au rang de la deuxième puissance exportatrice de
produits agricoles et alimentaires.
La commission des affaires économiques est donc, sur le principe, très
favorable à la mise en place du nouveau régime. Votre rapporteur pour avis et
plusieurs de ses collègues avaient, à cet égard, présenté, à l'automne dernier,
une proposition de loi qui, bien qu'ayant les mêmes objectifs, s'avérait plus
ambitieuse s'agissant - je reviendrai tout à l'heure sur ces points - du champ
des bénéficiaires du futur régime et des modalités de versement des
pensions.
Sur le plan du fonctionnement, l'architecture qui nous est proposée est
globalement satisfaisante.
Mettant en oeuvre la solidarité entre les générations, le choix d'un régime
par répartition permettra la prise en charge des exploitants déjà retraités,
qui n'ont pas eu l'opportunité de cotiser.
Selon les estimations généralement citées, le montant minimal de la retraite
complémentaire devrait représenter environ 1 143 euros, soit 7 500 francs par
an, c'est-à-dire à peu près 630 francs par mois.
L'attribution de la gestion du nouveau régime à la mutualité sociale agricole
consacre une expérience incontestable au service de la protection sociale des
agriculteurs.
Enfin, l'inscription dans la loi du principe de la contribution publique au
financement de la retraite complémentaire obligatoire par répartition s'avérait
indispensable au regard de la situation démographique du régime agricole, au
risque, sinon, de faire peser sur les cotisants une charge financière
insupportable puisque le coût de ce régime devrait représenter entre 377,2
millions et 452,6 millions d'euros, soit entre 2,5 milliards et 3 milliards de
francs.
Toutefois, il convient de souligner les lacunes de cette proposition de
loi.
En ce qui concerne, tout d'abord, le champ des bénéficiaires, les conjoints
collaborateurs et les aides familiaux ne bénéficieront pas, dans un premier
temps, de la retraite complémentaire. Prenant acte de l'importante charge
financière qui en résulterait pour les cotisants, la commission des affaires
économiques reconnaît que leur intégration immédiate serait difficile. La
proposition de loi aurait toutefois pu prévoir, comme le suggère notre
excellent collègue M. Jean-Marc Juilhard, de leur ouvrir ce régime à titre
facultatif. La commission des affaires économiques souhaite, en tout cas à
terme, un élargissement du régime à ces catégories de personnes qui travaillent
quotidiennement sur les exploitations, et demande un engagement fort en ce
sens.
Par ailleurs, cette proposition de loi exclut du champ du nouveau régime les
470 000 personnes devenues veuves avant 2003, contrairement à ce que proposait
le texte présenté par votre rapporteur pour avis et plusieurs de ses collègues.
Seuls les conjoints survivants devenus veufs à compter du 1er janvier 2003
auront droit à une pension de réversion.
Estimant qu'il s'agit d'une discrimination inacceptable, je vous présenterai
un amendement étendant le bénéfice de la retraite complémentaire agricole
obligatoire à l'ensemble des conjoints survivants.
La deuxième grande lacune de ce texte, comme l'a souligné le rapporteur,
concerne la participation de l'Etat au financement du régime. En particulier,
le Gouvernement n'a pas souhaité préciser, dans l'amendement qu'il a fait
adopter à l'Assemblée nationale, le montant de la contribution publique,
renvoyant la définition de celle-ci aux lois de finances.
En outre, il a fait adopter une disposition précisant que cette contribution
publique ne peut servir au financement des dépenses relatives aux pensions de
réversion. Cette disposition est inacceptable : elle risque d'obérer la
viabilité financière du futur régime en faisant reposer la charge des pensions
versées aux veuves sur les seuls exploitants agricoles. La commission des
affaires économiques proposera, par conséquent, un amendement visant à
supprimer cette disposition.
Enfin, la proposition de loi qui nous est soumise n'est pas suffisamment
ambitieuse au regard des modalités de versement des pensions. La mise en place
de ce nouveau régime doit être l'occasion de moderniser celui-ci.
La formule du versement trimestriel, qui est aujourd'hui utilisée pour les
retraites de base, risque, en l'absence de disposition législative contraire,
d'être étendue aux retraites complémentaires. A la question récurrente de la
mensualisation des retraites agricoles, le Gouvernement a pris l'habitude de
répondre par le problème du coût de cette réforme.
Or il convient de souligner que ce coût ne serait, s'agissant des retraites de
base, qu'un coût purement comptable correspondant à la nécessité d'avancer, la
première année, l'équivalent de deux mensualités dès lors que les retraites
sont actuellement payées à trimestre échu.
Par ailleurs, ce coût serait même nul pour les retraites complémentaires
puisque, ce régime n'existant pas encore, aucun différentiel comptable n'est
susceptible d'apparaître.
Il serait dommage, vous en conviendrez, monsieur le ministre, d'imposer, pour
les retraites complémentaires, une formule de versement trimestriel sur
laquelle il faudrait, tôt ou tard, revenir avec un coût plus important pour les
finances publiques.
Aussi, la commission des affaires économiques proposera-t-elle deux
amendements, l'un visant à prévoir la mensualisation du paiement des retraites
complémentaires agricoles, l'autre tendant à imposer le versement mensuel des
pensions de base.
Cette réforme, prévue par la proposition de loi sénatoriale, permettra
l'instauration de la mensualisation des retraites agricoles et complétera
avantageusement le texte que nous examinons aujourd'hui.
En conclusion, malgré la dimension électoraliste évidente de cette réforme
(Protestations sur les travées socialistes)...
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Oh !
M. Claude Domeizel.
Alors, on ne ferait plus rien !
M. Gérard César,
rapporteur pour avis
... qu'a soulignée M. Juilhard, réforme qui aurait
pu être menée à bien beaucoup plus tôt et prise en compte dans la loi de
finances pour 2002, la commission des affaires économiques a donné un avis
favorable à cette proposition de loi,...
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Elle n'est donc pas si
électoraliste que cela !
M. Gérard César,
rapporteur pour avis.
... car il s'agit, avant tout, de ne pas décevoir
une attente forte des agriculteurs.
(Applaudissements sur les travées du
RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Soulage.
M. Daniel Soulage.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis
particulièrement heureux d'intervenir aujourd'hui dans la discussiongénérale
sur le problème des retraites agricoles. En tant qu'agriculteur et élu du
milieu rural, c'est l'une de mes principales préoccupations depuis de
nombreuses années. Lorsque j'étais député, j'ai participé activement aux
débats, notamment lors de l'examen de la loi demodernisation agricole, qui ont
abouti au début de la revalorisation des retraites agricoles. Ces débats
avaient déjà lieu dans la perspective de la mise en oeuvre d'un dispositif de
retraite permettant aux agriculteurs de recevoir une pension représentant 75 %
du SMIC. M'étant battu en faveur de ce dossier, je ne peux que me réjouir que
ce texte soit examiné, aujourd'hui, avant la fin de la législature.
Après les dernières mesures de revalorisation prises à l'occasion du budget,
il était temps de mettre en place un système de retraite complémentaire, la
retraite de base ne pouvant pas permettre d'atteindre 75 % du SMIC, soit un
niveau de vie décent pour les personnes concernées.
Le régime des retraites agricoles a déjà connu une forte dégradation due au
rapport démographique particulier cotisants - retraités. Toutefois, à la
différence d'autres catégories professionnelles, ce ratio est à peu près
stabilisé et devrait moins se dégrader au cours des prochaines années. Dans ce
contexte, on sait très bien que le montant minimal de la retraite agricole de
base ne pourra pas atteindre 75 % du SMIC net pour les chefs d'exploitation.
Le système des contrats de complément de retraite volontaire agricole, dits
COREVA, créé par la mutualité sociale agricole à la suite du décret du 26
novembre 1990, instituait un moyen de retraite complémentaire. Mais, outre que
ce système par capitalisation n'était pas obligatoire, il n'était pas non plus
accessible aux revenus les plus modestes, d'où ses limites. Aujourd'hui, le
régime agricole est un des derniers régimes de retraite d'indépendants à ne pas
disposer d'un régime de retraite complémentaire obligatoire.
Je tiens à remercier tous ceux qui ont oeuvré pour que ce texte de justice
sociale soit présenté au Sénat avant la fin de la législature : le
Gouvernement, bien sûr, les élus qui se sont mobilisés, sans oublier les
syndicats agricoles et, surtout, les associations de retraités.
Ainsi, à l'heure de la retraite, les acteurs du monde agricole, qui ont
contribué et contribuent pleinement à l'activité économique de la France,
seront enfin justement traités.
Permettez-moi de saluer ici l'excellent travail des commissions des affaires
sociales et des affaires économique. Je souhaite que les modifications qu'elles
vont proposer soient adoptées sans polémique et sans surenchère. Il n'est pas
question de différer ou de faire barrage à l'adoption de cette proposition de
loi. Elle comporte, certes, des lacunes et des imperfections, mais c'est une
bonne base de travail. Il reste maintenant à l'améliorer.
Parmi les points soulevés par nos commissions, je commencerai par l'extension
du dispositif aux conjoints et aides familiaux.
La loi d'orientation agricole de 1999 a permis la création d'un statut en
faveur des conjoints collaborateurs. Je comprends que leur ouvrir, comme aux
aides-familiaux, le bénéfice du dispositif qui nous est proposé entraînerait un
coût important. On ne peut toutefois pas laisser de côté ces conjoints et aides
familiaux qui travaillent sans relâche et contribuent à l'essor des
exploitations. Si l'on ne peut obtenir une telle extension à l'occasion de
l'examen de ce texte, il faudra impérativement y revenir lors d'un prochain
débat.
Le deuxième point évoqué par les commissions concerne l'extension du bénéfice
de la pension de réversion à l'ensemble des conjoints survivants.
Si ce texte fait bénéficier les retraités actuels ainsi que les actifs de
points gratuits pour les périodes antérieures aux régimes, pourquoi exclure
aujourd'hui les veufs et les veuves du bénéfice de la pension de réversion ? Ne
pas adopter une mesure leur permettant d'en bénéficier serait une injustice
pour ces retraités dont la situation financière est des plus modestes.
Le troisième point évoqué par les commissions concerne la participation de
l'Etat.
Monsieur le ministre, nous le savons, ce régime de retraite complémentaire ne
peut être mis en place sans recourir à la solidarité nationale. C'est pourquoi
nous aurions souhaité que, dans cette proposition de loi, soient précisées les
conditions de la contribution financière de l'Etat. Selon moi, celle-ci doit
s'appliquer à l'ensemble du dispositif. De plus, les pensions de réversion ne
doivent ni être exclues du champ de la solidarité nationale ni reposer sur les
seuls actifs.
Le dernier point évoqué par les commissions concerne la mensualisation du
versement des retraites.
On ne peut admettre que les agriculteurs soient les seuls à percevoir leur
retraite tous les trimestres, alors que toutes les autres catégories
professionnelles la reçoivent tous les mois. J'ai bien compris que cette mesure
entraîne un coût de trésorerie important l'année de sa mise en oeuvre, mais le
fait même de revaloriser ces retraites justifie la mensualisation. Je
soutiendrai donc les amendements en ce sens.
Conscient que ce texte représente une avancée significative pour les retraités
non salariés du monde agricole et qu'il est attendu par l'ensemble des
personnes concernées, je voterai ce texte en souhaitant vivement que les
améliorations proposées par le Sénat soient prises en compte dès aujourd'hui et
que nous puissions, au cours des prochaines années, proposer des amendements
permettant d'instaurer pour tous un régime de retraite qui mette fin à
l'injustice actuelle.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste
et du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Cazeau.
M. Bernard Cazeau.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la
proposition de loi de notre collègue député de la Dordogne, Germinal Peiro,
constitue un grand pas en avant pour le monde agricole. Chacun en est
d'ailleurs bien conscient, puisque le texte a déjà été adopté à l'unanimité par
l'Assemblée nationale.
Il faut tout d'abord rappeler, parce que c'est un gage de réussite, que la
proposition de loi a fait l'objet d'une longue concertation avec les
organisations professionnelles. Le travail accompli en amont, qui a permis
d'aboutir à un consensus, a donc été important et méticuleux.
Il convient de le souligner pour rendre hommage à l'auteur de la proposition
de loi et à tous ceux qui ont participé à ces fructueux échanges. C'est un très
bon exemple de travail parlementaire. En effet, on a vu l'un des nôtres réunir
toutes les parties intéressées pour faire avancer, par le dialogue, un dossier,
et ce, j'y insiste, dans l'intérêt de nos concitoyens.
Je ne saurais oublier, d'ailleurs, l'action forte des retraités, notamment de
l'un d'entre eux, M. Maurice Bouyou, ancien conseiller général de la Dordogne,
qui a su, au fil des années, mobiliser les retraités agricoles sur ce
dossier.
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Un homme remarquable !
M. Bernard Cazeau.
Vous avez tout à fait raison, monsieur le ministre !
Je crois important aussi de rappeler que l'adoption de ce texte permettra de
tenir l'un des engagements que le M. Premier ministre a pris lors de la
campagne pour les élections législatives de 1997 : porter à 75 % du SMIC net
les retraites des agriculteurs ayant accompli une carrière complète de chef
d'exploitation. Cet engagement sera ainsi tenu à l'égard de 465 000
agriculteurs dès le 1er janvier 2003.
Ce n'est d'ailleurs pas le premier progrès, en matière sociale, qui soit
accompli depuis 1997 en faveur des agriculteurs. Ainsi, dernièrement, nous
avons voté la transformation de l'assurance accidents du travail et maladies
professionnelles en une véritable branche de sécurité sociale avec une gestion
unifiée.
En matière de retraites, le plan quinquennal 1997-2002, en fonction jusqu'à la
fin de cette année, aura permis la revalorisation des plus faibles retraites.
Le statut de conjoint collaborateur a été mis en place avec une possibilité de
rachat de points. Ainsi, en 2002, le niveau du minimum vieillesse est atteint
pour les chefs d'exploitation et les veuves, avec 567 euros par mois, et le
niveau du second membre du foyer bénéficiaire du minimum vieillesse est atteint
pour les conjoints et aides familiaux, avec 450 euros par mois.
Depuis 1997, ce sont plus de 21 milliards de francs qui ont été consacrés à
cet effort en faveur des vieux agriculteurs et de leurs conjoints, et nous vous
en félicitons, monsieur le ministre.
Depuis cette date, les retraites des veuves ont progressé de 45 % - il faut
dire que l'on partait effectivement de très bas - et celles des conjoints de 80
%.
C'est donc une longue marche qui a été accomplie depuis la première retraite
des exploitants agricoles, créée en 1955. La progression, nous devons le
reconnaître, a été lente, compliquée par les caractéristiques spécifiques de la
profession et par une démographie défavorable à la mise en oeuvre d'un système
de retraite par répartition.
Néanmoins, nous parvenons aujourd'hui à poser le deuxième pilier du dispositif
de retraite des agriculteurs, alors qu'existent déjà pour tous la retraite de
base et un système de retraite complémentaire par capitalisation volontaire.
Celui-ci est toutefois peu accessible à la majorité du monde agricole.
Ce nouveau régime de retraite complémentaire obligatoire par répartition
s'adressera donc à tous les chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole, sans
discrimination, aux seules conditions d'âge et de durée d'activité, communes à
tout régime de retraite. Il couvrira également les préretraités ainsi que les
personnes affiliées volontaires à l'assurance vieillesse des non-salariés
agricoles.
Le régime entrera en vigueur au premier janvier 2003, c'est-à-dire à la fin du
plan quinquennal de revalorisation des retraites, auquel je faisais référence
tout à l'heure.
Pour la période antérieure, ainsi que pour les agriculteurs déjà en retraite,
des points gratuits seront attribués, là aussi à condition qu'ils aient exercé
la profession pendant le temps nécessaire, c'est-à-dire trente-sept années et
demie, dont dix-sept et demie en tant que chef d'exploitation.
Le régime sera géré par la Caisse centrale de mutualité sociale agricole avec,
évidemment, des comptes séparés des autres régimes, mais avec, surtout, la
garantie de l'expérience de cette institution. Ces modalités de gestion
permettront des économies d'échelle, une meilleure transparence et une plus
grande rentabilité des placements en raison de la masse financière en jeu.
J'en viens maintenant aux modalités de financement du régime. Le texte prévoit
qu'il s'agira des cotisations calculées sur la base de la totalité du revenu
professionnel ou de l'assiette forfaitaire. Ces cotisations seront déductibles
fiscalement et socialement.
Cela m'amène à faire deux remarques.
Le coût global prévu du nouveau régime s'élève à trois milliards de francs,
sur lesquels le Gouvernement s'étant engagé, si j'ai bien compris, à respecter
un financement reposant pour deux tiers sur les cotisations et pour un tiers
sur l'aide de l'Etat.
Il s'agit, bien entendu, d'une disposition exceptionnelle, un régime
complémentaire étant, par définition, alimenté par les cotisations des futurs
bénéficiaires. Cette mesure est toutefois nécessaire pour faire vivre le
nouveau régime.
Un point d'équilibre a donc été trouvé entre le montant prévisible des
cotisations et la nécessaire aide de l'Etat. Il en résulte que, pour rester
dans les limites d'un budget supportable, le système doit être précisément
calibré. Dans la situation actuelle, le nouveau régime complémentaire ne
profitera donc qu'aux chefs d'exploitation eux-mêmes.
Bien entendu, chacun aurait préféré mettre en place un mécanisme plus
généreux, englobant notamment les veuves, et avec une extension aux conjoints
collaborateurs, aux conjoints d'exploitant et aux aides familiaux, bref à tous
les actifs agricoles non salariés. Mais il en serait résulté un triplement du
coût total et, fatalement, une remise en cause de l'ensemble de l'édifice.
Qui serait en mesure de financer un régime ainsi élargi ? Eu égard aux autres
régimes complémentaires préexistants, il paraît difficile que l'Etat prenne en
charge la quasi-totalité de la retraite complémentaire des agriculteurs. Dans
le même temps, il nous semble quasiment impossible de demander aux agriculteurs
de financer par leurs cotisations les 9 milliards de francs qu'il faudrait
alors trouver.
Nous sommes donc devant l'impossibilité financière d'aller au-delà, pour le
moment, j'y insiste, d'une retraite complémentaire par répartition au bénéfice
des seuls chefs d'exploitation.
Cela ne signifie pas que le régime n'a pas vocation à s'élargir, mais il
reviendra aux organisations professionnelles, en fonction de la démographie et
du revenu agricole, de déterminer selon quelles modalités et dans quelle
direction.
A l'heure actuelle - et ce sera ma deuxième remarque - doit d'abord être posée
la question du montant de la cotisation qui sera demandée aux agriculteurs. En
effet, pour indispensable qu'il soit, le régime complémentaire de retraite par
répartition implique une assiette minimale de cotisation de 2028 SMIC horaire,
soit aujourd'hui 88 664 francs. Les deux tiers environ des exploitants
agricoles, qui sont des exploitants familiaux, n'atteignent pas ce revenu.
Nombre d'entre eux ont en effet des revenus inférieurs. Il sera donc
certainement nécessaire, dans l'élaboration des textes d'application, et en
concertation avec les organisations professionnelles, d'étudier comment
résoudre ce problème.
Il faut, là aussi, trouver un point d'équilibre, de conciliation entre des
exigences contradictoires permettant d'assurer à tous les chefs d'exploitation
ayant accompli une carrière complète une retraite globale de 75 % du SMIC au
moins, tout en fixant un montant supportable de cotisations.
Cela m'amène à vous demander, monsieur le ministre, si l'aide de l'Etat peut
prendre la forme d'une intervention permettant d'appliquer un taux progressif
de cotisations pour les agriculteurs les plus modestes.
Qu'en sera-t-il lorsque le niveau de revenu sera nettement inférieur à 2028
SMIC par an ? Le groupe socialiste ne peut rester indifférent à cette question.
Il s'agit non pas de demander une participation plus élevée de la collectivité
nationale, mais d'organiser cette participation de telle sorte que l'effort
contributif soit équitablement réparti entre les membres de la profession.
Ces questions, si elles doivent être posées pour préparer l'avenir, ne
sauraient masquer l'importance de la proposition de loi que nous examinons
aujourd'hui. Il s'agit véritablement du socle d'un nouveau régime de protection
sociale en direction d'une catégorie professionnelle longtemps défavorisée dans
ce domaine.
Progressivement, mais grâce aux efforts conjoints du Gouvernement et de sa
majorité, ainsi que des représentants professionnels, les agriculteurs
bénéficient d'une mise à niveau par rapport aux autres catégories d'actifs.
Cela se fait sans tapage ni proclamation démagogique ou préélectoraliste,
monsieur César
(Protestations sur les travées du RPR),...
M. Claude Domeizel.
Très bien !
M. Bernard Cazeau.
... mais de façon sérieuse, dans la clarté et la concertation.
(M. Paul
Blanc fait un geste dubitatif.)
Eh oui ! monsieur Blanc !
Permettez-moi, monsieur le ministre, d'exprimer, au nom du groupe socialiste,
notre satisfaction quant à cette méthode de travail fructueuse et notre soutien
pour votre action. Le groupe socialiste votera ce texte très important,
impatiemment attendu par l'ensemble du monde agricole.
(Très bien ! et
applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Pastor.
M. Jean-Marc Pastor.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi
d'orientation agricole du 9 juillet 1999 a consacré un acte politique important
dans son article 1er en inscrivant au même rang que les principes d'orientation
concernant la production, donc les actifs, un alinéa relatif à la
revalorisation progressive et à la garantie de retraites minimales pour les
agriculteurs qui ont cessé d'exercer une activité professionnelle. En même
temps que les contrats territoriaux d'exploitation, les CTE, ce sont aussi les
retraites qui ont mobilisé l'attention de votre prédécesseur, puis la vôtre,
monsieur le ministre.
L'effort de programmation qui s'est ensuivi s'élèvera à plus de 21 milliards
de francs à la fin de cette année et permettra d'atteindre le seuil du minimum
vieillesse au profit de celles et de ceux qui, jusqu'alors, devaient le plus
souvent se contenter de très faibles moyens de subsistance.
Songeons, en effet, que l'on est passé depuis 1997 d'une retraite d'un montant
minimum d'environ 2 790 francs mensuels à une retraite de l'ordre de 3 720
francs pour les chefs d'exploitation, ce qui revient à une augmentation de 29
%, les veuves voyant leur pension progresser de 45 %, et d'une retraite de
l'ordre de 1 600 francs mensuels à une retraite de 2 955 francs pour les
conjoints et les aides familiaux, soit une augmentation de 79 %.
Les chefs d'exploitation à carrière courte n'ont pas été complètement oubliés,
pas plus que les conjoints, qui se sont vu doter d'un statut et de la faculté
de racheter des points de retraite proportionnelle. Ce sont ainsi plus de 800
000 personnes qui ont bénéficié du dispositif et des adaptations qui y sont
liées. Même si parfois - on peut le comprendre - la majorité sénatoriale a
tendance à vouloir minorer cette action quinquennale, jamais un gouvernement
n'a produit un tel effort en faveur des retraités agricoles.
M. Claude Domeizel.
Jamais !
M. Jean-Marc Pastor.
Certes, la construction du régime agricole de couverture du risque vieillesse
n'est pas récente et il a été assis et modernisé depuis l'époque de sa création
en 1952. Mais rendons à ce gouvernement ce qui lui appartient : les retraites
ont été revalorisées de manière progressive par le passé, voire de façon
segmentée entre 1993 et 1997, et n'avaient pas fait l'objet d'une telle saisie
à bras-le-corps jusqu'à il y a cinq ans.
Il nous revient à présent d'enclencher la création d'une autre étape, un
régime de retraite complémentaire.
(M. Flandre s'exclame.)
En effet, le
système COREVA, ou complément de retraite volontaire agricole, n'avait institué
qu'un régime d'assurance par capitalisation en la matière. En outre, presque
toutes les professions en dehors de l'agriculture se sont déjà pourvues d'un
régime complémentaire obligatoire par répartition, qui autorise l'accueil des
retraités sans préjudice de leurs options de cotisation antérieures, ce qui est
énorme. La retraite par capitalisation vient en général après ; il s'agit du
troisième pilier du système général.
La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui sera applicable le 1er
janvier 2003, si elle aboutit au Parlement, ce dont je ne peux douter. Ce
processus interviendra donc à la sortie du plan de revalorisation, qui prendra
fin le 31 décembre 2002.
Parmi les objectifs des rédacteurs du texte, notamment notre collègue Germinal
Peiro, je crois utile de réaffirmer un certain nombre de points.
La loi française doit entériner la constitution d'un socle de droits à la
retraite complémentaire en faveur de nos agriculteurs qui, depuis des
générations, ont travaillé pour nourrir nos compatriotes et qui ont subi un
régime d'assurance vieillesse que je qualifierai de souffrant.
Par ailleurs, la loi doit y faire figurer le principe d'une retraite
obligatoire et par répartition, symbole d'une solidarité entre les générations
et de la mutualisation des forces et des faiblesses du monde agricole depuis le
siècle dernier. Cela mérite d'autant plus d'être affirmé en ce début du
troisième millénaire que le travail agricole est devenu solitaire, alors qu'il
était beaucoup plus collectif auparavant.
Il est un autre objectif que je tiens à citer : la recherche d'un équilibre
entre la volonté d'améliorer la situation des retraités et celle de faire en
sorte que les mesures soient supportables par les paysans aux revenus les plus
faibles.
Enfin, je ne passerai évidemment pas sous silence l'objectif d'atteindre 75 %
du SMIC pour les retraites des chefs d'exploitation qui ont accompli une
carrière complète. Il correspond à un engagement pris pendant la campagne des
élections législatives de 1997.
M. Claude Domeizel.
Et nous savons tenir nos engagements !
M. Jean-Marc Pastor.
Ces objectifs, sur lesquels la quasi-totalité des organismes professionnels et
des syndicats agricoles se sont retrouvés, ont permis d'avancer sur les grandes
lignes de la proposition de loi que nous examinons.
Je souligne la gratuité du dispositif pour les actuels retraités, qui
bénéficieront de points sans avoir à acquitter les cotisations qui y sont
normalement attachées s'ils remplissent des conditions de durée d'activité. Ils
pourront ainsi prétendre à une retraite complémentaire de l'ordre de 7 700
francs par an dès 2003. Autrement dit, la retraite agricole de base avec la
retraite complémentaire minimale passera d'environ 3 700 francs par mois à 4
200 francs pour une période complète.
Quant aux agricultrices et aux agriculteurs qui contribueront au régime, leurs
cotisations seront déductibles, fiscalement et socialement, et elles ou ils
bénéficieront de points gratuits pour celles et ceux qui sont en activité.
A titre tout à fait exceptionnel s'agissant d'un régime complémentaire, la
solidarité ne s'exercera pas qu'entre les générations d'agriculteurs : compte
tenu du ratio d'environ un actif pour deux retraités, le régime serait bien
évidemment très rapidement déficitaire et cette loi n'aurait aucun sens. La
solidarité jouera dès lors entre tous les agriculteurs confondus et la société,
ce qui est tout à fait exceptionnel, mes chers collègues, puisque aucun autre
régime complémentaire ne bénéficie d'un tel avantage de l'Etat.
En optant pour environ un milliard de francs sur les trois milliards de
francs, le Gouvernement envoie un signal fort de son attachement à la cause
agricole, que je tiens à rappeler.
M. Gérard César,
rapporteur pour avis.
C'est le tiers !
M. Jean-Marc Pastor.
La discussion des députés a permis des avancées, mais elle s'est heurtée au
principe de réalité : le régime doit être financé. Nous nous y heurterons
aussi, mes chers collègues, au fil de la discussion des articles.
Il n'empêche que ce régime est d'ores et déjà appelé à évoluer. Il s'agit,
pour les parlementaires, d'ancrer le socle de la retraite complémentaire et
d'en assurer la pérennité. Mais un élargissement de ce socle aux conjoints et
aux aides familiaux paraît inéluctable sur le court terme.
Quant aux veuves, leur situation traduit une large marge de travail, même si
le texte prévoit que les futures veuves dont le conjoint aura bénéficié de la
retraite complémentaire pourront obtenir une pension de réversion. Il est
urgent, d'ici à 2003, de compléter le socle de base de cette retraite
complémentaire en direction, notamment, des veuves à carrière courte qui
pourraient prendre la suite de leur époux.
Le groupe socialiste, très attaché à cette mesure sociale, proposera un
amendement en ce sens.
La mensualisation du paiement, qui a été évoquée à cette tribune par plusieurs
de mes collègues, figure au nombre des questions qui se poseront
inévitablement. Cela ne concerne pas que la retraite complémentaire, même si
nous vous proposerons aujourd'hui, monsieur le ministre, un amendement à cet
égard.
Permettez-moi, monsieur le ministre, de vous rendre attentif à un point
crucial du débat, qui a déjà fait l'objet de discussions et mérite, à mon sens,
que l'on y porte une attention particulière ; je veux parler, après Bernard
Cazeau, de la répartition de l'effort de cotisation.
Le décret qui sera pris en application de l'article L. 732-59 du code rural
devrait fixer à 88 685 francs l'assiette de cotisation.
Je me dois de vous alerter, monsieur le ministre, sur les difficultés
qu'engendrerait la fixation d'un plancher à ce niveau. En effet, pour bon
nombre de paysans, ce plancher serait nettement supérieur à leurs revenus. Je
vous demande, monsieur le ministre, de tenir compte de cet élément lors de
l'élaboration des décrets. A défaut, certains petits propriétaires qui se
situent en dessous de cette référence de base - et ce sont les plus nombreux -
seraient amenés à payer proportionnellement plus cher par rapport à leurs
revenus.
M. Hilaire Flandre.
Il n'ont qu'à passer au bénéfice réel !
M. Jean-Marc Pastor.
Je vous remercie par avance, monsieur le ministre, de veiller à ne pas
inscrire dans les textes un seuil qui ne correspondrait pas à la réalité et
pénaliserait les exploitants aux revenus les plus faibles.
Cela étant, globalement, monsieur le ministre, le groupe socialiste serait
favorable aujourd'hui à un vote conforme, ou quasi conforme, afin que cette
proposition de loi soit adoptée définitivement le plus tôt possible et profite,
dès 2003, à plus de 465 000 retraités agricoles.
Il y a urgence, mes chers collègues, et le Sénat s'honorerait en donnant cette
chance au monde agricole.
A nous aussi de profiter de la période comprise entre le vote de cette
proposition de loi et le 1er janvier 2003, et de mener un travail
complémentaire sans doute nécessaire - pourquoi ne pas constituer un groupe de
travail de parlementaires ? -, ne serait-ce que pour affiner une série de
questions aussi importantes que celles de la situation des non-pensionnés, des
veuves à carrières courtes, de l'assiette des cotisations et du mode de
cotisations. Et il s'agit de le faire avant que les décrets soient pris,
permettant ainsi de projeter le dispositif dans le temps en distinguant ce qui,
en plus du socle, serait immédiatement possible - avant, bien sûr, la
perception des premières cotisations, dès 2003 - de ce qu'il conviendra
d'étaler dans le temps en respectant, bien sûr, les orientations de ceux qui
vont être amenés à payer, c'est-à-dire les actifs.
L'équilibre souhaité et attendu, comme on a pu le comprendre tout à l'heure
aux propos de certains, est incontestablement au coeur même du débat. Toujours
plus, oui ! Mais pensons aussi à ceux qui auront à participer financièrement.
Il y a donc, je crois, un minimum de réflexions à engager.
Avec notre rapporteur, nous pensons que le Conseil supérieur des prestations
sociales agricoles, faute d'un groupe de parlementaires, devrait également
pouvoir travailler dans ce sens, afin d'affiner et d'améliorer ce texte
initial, ce socle initial qu'il est important de voter le plus rapidement
possible.
Nous vous félicitons du dépôt de cette proposition de loi, qui vient s'ajouter
à l'engagement pris sur les retraites de base pour qu'elles atteignent, en cinq
ans, le minimum vieillesse, complété par la retraite complémentaire permettant
d'atteindre les 75 % du SMIC.
Voilà donc un nouveau socle social solide, une garantie pour l'avenir, mais
vous sentez déjà, monsieur le ministre, quelle est notre conviction à aller
au-delà encore !
C'est un énorme effort que nous consentons, un pas énorme que nous faisons en
direction de femmes et d'hommes méritants, qui ont beaucoup donné à la société
et qui attendent aujourd'hui que l'on concrétise des engagements pris par
plusieurs hommes politiques.
Nous serons, sachez-le, vigilants pour que ce texte soit encore amélioré.
Mais, sachez aussi que nous sommes fiers d'être là, aujourd'hui, à vos côtés,
monsieur le ministre, pour soutenir et porter ce texte dans nos campagnes.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Hilaire Flandre.
Il n'y a jamais eu autant de collègues socialistes inscrits dans un tel débat
!
(Sourires.)
M. le président.
La parole est à M. Domeizel.
M. Claude Domeizel.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne vais
pas revenir sur les arguments qui nous motivent pour le vote de cette
proposition de loi tendant à la création d'un régime de retraite complémentaire
obligatoire pour les non-salariés agricoles : ils ont été développés par les
intervenants qui m'ont précédé.
Je rappellerai seulement que ce texte s'inscrit dans le droit-fil des
engagements pris par Lionel Jospin lors de la campagne électorale de 1997 :
porter à 75 % du SMIC les retraites des cotisants non salariés agricoles.
La revalorisation des plus faibles retraites prévue sur cinq ans représente
tout de même 28,5 milliards de francs !
M. Hilaire Flandre.
Ajustez vos chiffres ! M. Pastor vient d'avancer celui de 21 milliards de
francs.
M. Claude Domeizel.
Je me bornerai surtout, dans cette intervention, à placer cette question dans
le contexte plus général des retraites.
En tant que membre du conseil d'orientation des retraites, je tiens à
souligner que nous devons être prudents pour toute modification du grand
édifice que représentent les retraites dans notre pays : la moindre
modification de l'un des régimes est susceptible de perturber l'ensemble ; j'en
veux pour preuve l'exemple du calcul de la compensation, dans laquelle
intervient le montant des retraites agricoles, c'est-à-dire les plus basses.
La situation est-elle toujours admissible pour les anciens exploitants ? Des
mesures ont été prises, et je ne reviendrai pas, sur les chiffres. Aussi
soutenons-nous cette proposition de loi.
Permettez-moi cependant de rappeler que, pour payer les 2 000 000 de
retraites, les cotisations ne parviennent pas à équilibrer le régime. Sachez
que, sur 100 euros que reçoit un retraité agricole, 50 euros viennent de la
cotisation des actifs agricoles, 50 euros de la solidarité inter-régimes,
c'est-à-dire l'Etat, le régime général et la CNRACL.
On l'a déjà dit, ce texte est une première dans l'histoire de notre pays, et
ce à un double titre. Tout d'abord, nous allons créer une caisse complémentaire
pour les non-salariés, ce qui, jusqu'à ce jour, n'avait jamais été fait ;
ensuite, contrairement à l'esprit du système par répartition - chacun le
connaît : les actifs cotisent pour les retraités -, l'Etat s'est engagé à
participer financièrement dès la création.
Qui plus est, jamais, jusqu'à ce jour, ni la solidarité nationale ni la
solidarité entre régimes n'avaient joué en faveur des régimes
complémentaires.
Cette proposition de loi permet de satisfaire l'engagement pris par Lionel
Jospin, et nous la voterons.
Mais, avant de conclure, permettez-moi de m'exprimer sur les amendements
essentiels.
Sur l'article 1er, l'un de nos amendements, identique à celui de la commission
des affaires sociales, réaffirme l'engagement de Lionel Jospin pris en 1997 sur
les 75 % du SMIC.
Cela étant, toute réflexion faite, je suis convaincu qu'il n'est pas
souhaitable que la loi encadre trop dans le détail tant le montant de la
pension que le financement, notamment la participation de l'Etat. Il faudrait,
nous dit-on, que cette participation soit d'un tiers. Je pense, moi, qu'il
n'est pas bon de la graver dans le marbre et qu'il nous faut, au contraire,
laisser de la marge, les régimes de retraites exigeant le temps long.
Je prends un exemple, celui de la retraite des hospitaliers des collectivités
locales. Au moment de la création du régime, il était question d'inscrire dans
les textes que la répartition serait d'un tiers pour les salariés et de deux
tiers pour les employeurs. Heureusement que cela n'a été fait ni dans la loi ni
dans les décrets car, sinon, M. Barre, en 1980, n'aurait jamais pu faire varier
la cotisation des employeurs et, aujourd'hui, les salariés n'assureraient que
13 % du total.
S'agissant du paiement mensuel des allocations, je souscris au principe.
Personne ne comprend, en effet, pourquoi les exploitants agricoles sont les
seuls à connaître des versements trimestriels. Il ne faut cepndant pas perdre
de vue que le passage de quatre à douze versements est un exercice financier
plus difficile qu'il n'y paraît, car ce problème, avant tout de trésorerie, se
traduirait par des difficultés financières pour un an de l'ordre de 1,4
milliard d'euros. Notre rapporteur l'a d'ailleurs relevé lui-même.
Permettez-moi de souligner que le BAPSA ne détient aucune réserve et qu'il doit
même emprunter jusqu'à 2,210 millions d'euros pour faire face à des problèmes
ponctuels de trésorerie.
Je suis tellement persuadé que le versement mensualisé est indispensable que
j'avais projeté de déposer un amendement en ce sens : je proposais - pensant
satisfaire tout le monde - que les retraites puissent être versées
mensuellement à terme échu pour les allocataires, mais en étalant la mise en
oeuvre par tranches d'âges, sur trois ans ou sur cinq ans.
J'ai renoncé à le déposer, pour ne pas avoir la responsabilité de l'échec du
présent texte et parce que je pense qu'il faut aller vite.
Mes chers collègues, l'essentiel est avant tout de voter le plus rapidement
possible la création d'une retraite complémentaire obligatoire pour les
non-salariés agricoles.
Soyons raisonnables !
La première étape, le plan quinquennal, est arrivé aujourd'hui à son terme, au
prix de l'effort financier considérable reconnu par les attributaires. Mettons
en place ce nouvel étage, au prix d'un nouvel effort financier de la solidarité
nationale.
Je crois savoir que les agriculteurs souhaitent de notre part le vote d'un
texte conforme à celui de l'Assemblée nationale ce qui, dois-je le dire,
honorerait la Haute Assemblée.
Les autres mesures, tout aussi indispensables, viendront dans un troisième
temps.
Faisons preuve de sagesse, non pas pour nous faire plaisir, mais pour la
satisfaction des exploitants agricoles, car ils attendent de nous avant tout
des actes, et vite !
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur
celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Barraux.
M. Bernard Barraux.
Monsieur le ministre, le 4 décembre dernier, lors de l'examen, par le Sénat,
du budget annexe des prestations sociales agricoles, j'étais intervenu, au nom
du groupe de l'Union centriste, pour appeler votre attention sur l'impérieuse
nécessité de mettre en place une retraite complémentaire obligatoire pour les
agriculteurs, accompagnée d'une mensualisation des retraites agricoles.
Eh oui, aujourd'hui encore, les exploitants agricoles ne disposent pas de
retraite complémentaire, contrairement aux artisans ! C'est l'une des raisons
pour lesquelles leur retraite est très faible. C'est aussi l'une des raisons
pour lesquelles, avec mes collègues du groupe de l'Union centriste, nous avons
demandé au Gouvernement, à maintes reprises, de porter le montant minimal de la
pension pour une carrière complète de chef d'exploitation à 75 % du SMIC
net.
Les exploitants agricoles constituent aujourd'hui l'une des dernières
catégories professionnelles à ne pas bénéficier d'un régime de retraite
complémentaire obligatoire par répartition. Ce problème devait être résolu :
une vraie solidarité s'impose à l'égard des retraités de l'agriculture.
Le groupe de l'Union centriste ne peut donc que se féliciter aujourd'hui de
voir une proposition de loi traitant de ce sujet enfin inscrite à l'ordre du
jour de nos travaux. C'est que cette question préoccupe, très légitimement,
l'ensemble du monde agricole, et depuis bien des années.
Ce texte est donc une avancée sociale majeure pour l'ensemble des retraités
agricoles, qui bénéficient actuellement de pensions d'un niveau extrêmement
bas. Toutefois, étant très incomplet, il ne peut constituer qu'une première
étape.
Cette proposition de loi institue un régime obligatoire par répartition
accordant des droits gratuits aux actuels retraités et aux actifs pour les
périodes antérieures aux régimes. Il crée aussi un véritable « deuxième étage »
de retraite pour les actuels actifs, qui pourront ainsi acquérir, en plus de la
retraite de base, des droits personnels en matière de retraite
complémentaire.
Cependant, il est apparu que l'Etat souhaitait limiter sa participation au
financement et imposer des restrictions, puisqu'il ne veut pas s'impliquer dans
les prestations servies aux veuves des chefs d'exploitation. Les veuves doivent
pourtant avoir les mêmes droits que les chefs d'exploitation, et celles de ma
génération ont toutes travaillé sur l'exploitation autant que leur mari.
C'est la raison pour laquelle, avec mes collègues du groupe de l'Union
centriste, nous ne pourrons qu'apporter notre soutien à l'amendement de la
commission des affaires économiques qui tend à accorder le bénéfice de cette
pension de réversion à l'ensemble des conjoints survivants, y compris à ceux
qui sont déjà veufs ou veuves.
Comme notre rapporteur, M. Jean-Marc Juilhard, l'a très bien fait observer,
l'exclusion des veufs et des veuves actuels se justifie d'autant moins que le
régime de retraite complémentaire profitera aux retraités d'avant 2003 et
donnera rétroactivement des points de retraite gratuits aux exploitants
agricoles ayant travaillé avant cette date.
La profession ne peut accepter une charge supplémentaire déjà importante - de
l'ordre de 2,5 % des revenus professionnels - sans que l'Etat accompagne cet
effort dans les mêmes proportions. Elle réclame donc un contrôle des niveaux de
cotisations à travers l'intégration du régime de retraite complémentaire
obligatoire au BAPSA. Cette mesure permettrait, de surcroît, une vision globale
de la protection sociale des non-salariés agricoles.
La profession demande également que l'indexation de la valeur du point de
retraite complémentaire sur la valeur du point du régime de base soit prévue
par le texte, afin de maintenir le pouvoir d'achat des retraités, tant actuels
que futurs.
Enfin, pour garder une cohérence entre les différents régimes de retraites
agricoles - régime de base, régime complémentaire obligatoire et dispositions
actuelles relatives aux régimes complémentaires par capitalisation - la
profession demande que l'assiette des cotisations soit plafonnée à trois fois
le plafond de la sécurité sociale.
Elle estime, en effet, que ce nouveau « deuxième étage » du régime de retraite
agricole n'a pas vocation à se substituer à tous les systèmes complémentaires.
De plus, elle fait observer que le régime aurait une charge trop importante
s'il devait servir des droits sans limitation de cotisations, et que ce n'est
ni son rôle ni sa raison d'être. Au-delà d'un certain seuil, la profession
estime que la retraite complémentaire ne peut être que du ressort d'un régime
volontaire.
En fait, cette proposition de loi, qui était prometteuse par son intitulé,
est, dans son contenu, assez décevante, car très incomplète. Le régime proposé
est en effet institué au bénéfice des seuls chefs d'exploitation ou
d'entreprise agricoles, laissant ainsi de côté les conjoints et les aides
familiaux.
Par ailleurs, le texte proposé par le Gouvernement ne prévoit pas la
mensualisation des versements, alors que cette mesure est réclamée par les
agriculteurs retraités depuis des années, ce qui est très compréhensible.
Enfin, comme l'ont très bien fait observer nos deux rapporteurs, il faut
déplorer que ce texte ne soit qu'une loi pour l'instant virtuelle, puisqu'elle
ne doit entrer en vigueur que dans un an, le 1er janvier 2003, et surtout parce
que le Gouvernement n'a même pas précisé le montant envisagé de la
participation de l'Etat, ce qui ne pourra être fait que lors de l'examen du
projet de loi de finances pour 2003.
Dans le contexte actuel des élections nationales, le Parlement va interrompre
ses travaux le 22 février, c'est-à-dire à la fin de la semaine prochaine. Nous
n'avons donc que très peu de temps pour débattre de cette importante question
de la retraite des agriculteurs.
Mes collègues du groupe de l'Union centriste et moi-même avons bien compris
qu'il est nécessaire, dans l'intérêt des agriculteurs, de trouver rapidement,
avant même la fin de cette session parlementaire, un consensus entre le Sénat
et l'Assemblée nationale pour qu'un certain nombre de mesures soient
définitivement votées.
En conséquence, la commission des affaires sociales a pris la fort sage
décision de conserver le cadre financier de la proposition de loi adoptée par
l'Assemblée nationale, souhaitant qu'une première étape soit enfin acquise.
S'agissant de la mensualisation des pensions de base, nous avons pris acte de
l'engagement du Gouvernement de déposer un rapport pouvant permettre d'éclairer
le débat. Nous souhaitons que ce dépôt soit fait avant l'examen du prochain
BAPSA pour 2003, afin que le Sénat puisse en débattre dès cet automne.
La mensualisation des retraites agricoles, qui font actuellement l'objet d'un
versement trimestriel, pourrait être envisagée à partir d'un seuil minimum,
afin d'éviter des surcoûts de gestion.
Pour l'heure, nous voterons l'amendement de la commission des affaires
économiques qui tend à prévoir une mensualisation du paiement des pensions de
retraite complémentaire.
Nous souhaitons également que la seconde étape prévoie l'extension de la
couverture à toutes les catégories, y compris aux conjoints et aux aides
familiaux. Un réel effort de solidarité est donc nécessaire.
Vous pouvez comptez sur moi, monsieur le ministre, pour que cette question
figure au centre de nos débats dès cet automne, lors de l'examen du budget
annexe des prestations sociales agricoles pour 2003.
Mes collègues de l'Union centriste et moi-même apporterons notre soutien aux
amendements de la commission des affaires sociales et de la commission des
affaires économiques, qui améliorent, dans la mesure du possible, le texte
adopté par l'Assemblée nationale. Il ne nous est pas possible d'aller au-delà
aujourd'hui, notamment en matière de mensualisation du régime de base.
Nous souhaitons que ce texte puisse être adopté conforme par nos collègues
députés ou fasse l'objet d'un accord en commission mixte paritaire, afin que
ses dispositions, qui intéressent au premier chef tous nos amis agriculteurs,
soient adoptées avant le 22 février prochain. C'est ce qui s'appelle une
collaboration constructive du Sénat !
(Applaudissements sur les travées de
l'Union centriste, des Républicains et Indépendants, du RPR et sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Leclerc.
M. Dominique Leclerc.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous
examinons aujourd'hui deux propositions de loi ayant le même objet, même si
leur contenu diverge sur plusieurs points. Elles visent toutes deux à créer un
régime de retraite complémentaire obligatoire, répondant ainsi à une vive
préoccupation du monde agricole. Elles ont vocation à permettre que les
pensions atteignent au minimum 75 % du SMIC. Je défendrai d'ailleurs un
amendement posant expressément ce principe.
En effet, en dépit d'une contribution déterminante à la richesse nationale
depuis des décennies, les pensions de retraite versées aux agriculteurs sont -
on le sait - les plus basses des régimes d'assurance vieillesse.
Il n'est pas étonnant, en conséquence, que près du tiers des bénéficiaires de
l'allocation supplémentaire du fonds de solidarité vieillesse soient des
agriculteurs.
Il convient de rappeler que cet état de fait s'explique par le double choix
effectué en 1952 par le monde agricole, lors de la création du régime
d'assurance vieillesse : les agriculteurs avaient souhaité ne pas être intégrés
au régime général et avaient choisi des cotisations peu élevées, ne donnant
bien évidemment droit qu'à des prestations faibles.
Or, si les agriculteurs, comme l'ensemble des non-salariés, ont longtemps pu
bénéficier de la vente de leur exploitation, ce n'est plus le cas aujourd'hui.
Il semble donc opportun de mettre en place un dispositif équilibré de retraite
complémentaire, d'autant que les perspectives démographiques nous le
permettent. C'est là un point important.
Le rapport démographique du régime des exploitants agricoles est très
particulier. En effet, il ne devrait guère se dégrader au cours des vingt
prochaines années, passant de 0,4 à 0,37, contrairement aux rapports
démographiques du régime général et des régimes spéciaux. Il restera très
déséquilibré pendant de nombreuses années, mais les besoins de financement
diminueront en fonction du nombre de retraités, qui devrait être divisé par
deux d'ici à 2040.
Cette période de stabilisation démographique semble donc extrêmement favorable
à l'instauration d'un régime complémentaire obligatoire de retraite par
répartition.
Quant au volet financier, il est bien évidemment essentiel. Le régime mis en
place doit répondre à deux enjeux : un coût de mise en route élevé et une
participation de l'Etat pérenne.
Il n'est pas besoin de chercher plus loin pour connaître les raisons du retard
qui a été pris dans l'élaboration d'un tel régime complémentaire.
Pour autant, sa mise en place semble faire l'unanimité.
A l'occasion d'un colloque sur les retraites agricoles, organisé à l'Assemblée
nationale le 12 octobre 1998, Mme Gros, présidente de la Caisse centrale de la
mutualité sociale agricole, s'était prononcée pour le principe d'un régime de
retraite complémentaire obligatoire. En outre, comme M. le rapporteur l'a
rappelé, le congrès de la FNSEA avait approuvé, en mars 1999, le projet de
création d'un régime complémentaire obligatoire.
Le Parlement avait pris ses responsabilités à l'occasion de l'adoption de la
loi d'orientation agricole.
Comme le texte du projet de loi ne contenait initialement aucune disposition
relative à un échéancier de revalorisation des retraites agricoles, un article
prévoyant le dépôt d'un rapport sur les retraites agricoles avait été
finalement adopté.
Rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales à l'époque,
j'avais été à l'origine de l'introduction de deux précisions concernant l'étude
des possibilités juridiques et financières de la création d'un régime de
retraite complémentaire obligatoire pour les non-salariés agricoles et la
présentation des modalités de financement des différentes mesures qui étaient
proposées.
Le Gouvernement a toujours fait preuve d'une grande prudence sur la mise en
place d'un régime complémentaire obligatoire, même s'il en a approuvé très tôt
le principe. En effet, le 24 octobre 2000, vous vous êtes engagé d'une manière
plus précise devant les organisations professionnelles, monsieur le
ministre.
Toutefois, le rapport demandé par le Parlement, enfin publié en janvier 2001,
était, pourrait-on dire, d'une timidité maladive, ne prévoyant rien quant au
financement, ni au regard du calendrier.
Cela explique que nous soyons saisis aujourd'hui non pas d'un projet de loi du
Gouvernement mais de deux textes d'initiative parlementaire.
Je ne reviendrai pas sur le nouveau régime que ces textes visent à créer. Le
groupe du Rassemblement pour la République en approuve à la fois les objectifs
et le contenu.
Je souhaite m'attarder, en revanche, sur quelques problèmes auxquels les
textes n'apportent pas de réponse.
Tout d'abord, le cas particulier des conjoints survivants me préoccupe.
L'exclusion des personnes perdant leur conjoint chef d'exploitation avant le
1er janvier 2003 paraît injuste et inéquitable. Vous l'avez dit, monsieur le
rapporteur. Ainsi, à quelques jours près, deux veuves ne percevront pas la même
pension, alors que les droits acquis pourraient être similaires. Il est
nécessaire de rechercher une solution, surtout dans les cas où les conjoints
survivants n'ont aucun autre droit propre à la retraite. Un amendement déposé
par notre collègue Gérard César, au nom de la commission des affaires
économiques, permettra de soulever cette question lors de la discussion des
articles.
Un autre problème se pose pour les veuves monopensionnées qui reprennent
l'exploitation au décès de leur époux, en attendant de la transmettre à un
enfant en âge d'être lui-même chef d'exploitation. Alors que les époux auraient
pu prétendre, de leur vivant, à une retraite complémentaire, les veuves
cotisent elles-mêmes pendant quelques années sans acquérir aucun droit puisque
leur carrière à titre personnel est trop courte. Il paraît donc équitable
qu'elles puissent bénéficier, sous certaines conditions à définir, d'une
prestation du régime de retraite complémentaire à titre partiel.
J'ai donc déposé, avec plusieurs de mes collègues, un amendement allant dans
ce sens.
Permettez-moi d'aborder, à mon tour, le problème de la mensualisation du
versement des pensions.
Le régime agricole est désormais le seul régime vieillesse à servir des
pensions de retraite trimestrielles. Les régimes vieillesse des artisans et des
commerçants ont opté tout récemment pour la mensualisation.
La sociologie rurale montre une évolution qu'il convient de prendre en compte.
La revalorisation des retraites agricoles explique également que la
mensualisation devienne désormais une priorité.
La Caisse centrale de la mutualité sociale agricole a étudié le coût financier
de la mensualisation des retraites agricoles. En effet, la mensualisation
représente une charge de trésorerie importante l'année de sa mise en oeuvre,
puisque les pensions sont actuellement versées à trimestre échu. Ce coût a été
estimé à 8,8 milliards de francs. Il serait naturellement moins élevé si seules
les pensions supérieures à un seuil minimum faisaient l'objet d'un versement
mensuel.
Mais nous pouvons d'ores et déjà prévoir une telle disposition, comme le
propose M. Gérard César, et je ne peux que l'approuver. Il s'agirait ainsi
d'une première étape.
Enfin, le problème central reste celui du financement. En effet, la principale
difficulté posée par la création d'un régime complémentaire obligatoire - et
cela explique probablement le retard du Gouvernement à présenter des
propositions - tient au financement du dispositif.
Or la viabilité de ce régime dépend de notre capacité à poser aujourd'hui des
bases solides pour asseoir son équilibre financier.
Si les différents régimes complémentaires créés chez les salariés et chez les
non-salariés reposent sur le seul effort des futurs bénéficiaires, il paraît
difficile d'imposer aux agriculteurs, qui supportent déjà des charges
importantes, une contribution supplémentaire de grande ampleur. Tous les
intervenants l'ont dit, la participation de l'Etat s'impose.
Or la participation financière de l'Etat, qui est définie en loi de finances,
ne peut et ne doit pas dépendre de dotations aléatoires qui remettraient en
cause la pérennité du régime.
De plus, il est prévu que cette participation ne pourra aucunement couvrir les
dépenses afférentes aux pensions de réversion de retraite complémentaire
versées pour les conjoints survivants. Au-delà de la complexité comptable
qu'entraîne une telle précision, elle est choquante parce que la prise en
charge de cette dépense devrait relever de la solidarité, donc de l'Etat, et
non pas des seuls actifs. Nous soutiendrons bien évidemment la position prise
par nos deux commissions sur ce dossier.
Quant aux cotisations des agriculteurs, leur montant doit être limité, afin de
tenir compte des capacités contributives d'une catégorie professionnelle déjà
fortement éprouvée par des crises successives, ainsi que par des charges
sociales et fiscales particulièrement lourdes.
Enfin, la création de ce régime n'est pas exclusive d'un effort individuel des
agriculteurs, à travers le régime par capitalisation dont ils bénéficient déjà.
Il faut toutefois préciser que la très grande majorité des produits financiers
présents sur le marché ne semble pas correspondre à leurs besoins.
Pour conclure, j'indique que le groupe du Rassemblement pour la République
votera la présente proposition de loi amendée par la Haute Assemblée, afin
qu'elle permette un réel progrès social pour l'ensemble du monde agricole.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, votée à
l'unanimité par l'Assemblée nationale, la création d'un régime de retraite
complémentaire obligatoire en faveur des non-salariés agricoles est très
attendue des agriculteurs.
Chacun s'accorde à reconnaître que, en la matière, les chefs d'exploitation
agricole ont été exclus du progrès social dont ont pu graduellement bénéficier
l'ensemble des autres catégories socioprofessionnelles.
Faire accéder cette catégorie sociale à des conditions décentes de retraite
constitue donc une impérieuse nécessité, d'autant plus que, dans la majorité
des cas, la retraite intervient après une longue vie de dur labeur. Pour nombre
d'exploitants agricoles, en effet, les quarante années de travail effectif sont
largement dépassées !
Comment ne pas souligner aussi l'extraordinaire mutation qu'a connue notre
secteur agricole depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale ? En quelques
décennies, le travail des agriculteurs s'est fortement complexifié, exigeant
simultanément le recours aux technologies nouvelles, à des fins de
rationalisation du travail, et aux biotechnologies, facteurs d'accroissement de
la productivité agricole.
On ne peut, dès lors, que regretter que les performances techniques accrues
n'aient pas eu leur traduction en termes de revenus, comme juste reconnaissance
du relèvement des qualifications. La faiblesse actuelle des pensions de
retraite est évidemment révélatrice à cet égard !
Par leur travail, nos paysans auront permis à la France non seulement
d'accéder en quelques décennies à l'autosuffisance alimentaire, mais aussi de
devenir la deuxième puissance exportatrice de produits agroalimentaires.
Chacun a donc conscience des efforts, tant quantitatifs que qualitatifs,
qu'ils ont dû consentir depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, efforts
qui, comme le soulignait le 11 décembre dernier, lors du débat à l'Assemblée
nationale, mon collègue et ami Félix Leyzour, créent des droits et justifient
la reconnaissance de la nation.
Je ne reviendrai pas sur l'évolution des retraites au cours de cette
législature, bien qu'on mesure facilement le chemin qu'il reste encore à
parcourir : peut-on vivre dignement aujourd'hui avec des pensions aussi
modestes ? Le niveau actuel des retraites, qui représente tout juste un minimum
de subsistance, ne peut qu'engendrer privations et frustations de toutes sortes
devant les nouveaux besoins suscités par la vie moderne.
Les membres des générations présentes ne vivent plus comme les anciens qui,
bon gré mal gré, trouvaient place dans l'exploitation qu'ils avaient cédée à
leurs enfants et au sein de laquelle ils continuaient à participer à divers
travaux de la ferme. Outre le fait que, dans bien des cas, les exploitations ne
sont plus reprises par les enfants, les modes de vie agricoles ont fortement
évolué, se rapprochant de ceux des autres catégories socioprofessionnelles.
Il était urgent, dans un souci de justice sociale, de franchir une étape
supplémentaire.
Cette proposition de loi devrait donc permettre aux chefs d'exploitation
retraités de compléter à hauteur de 74 euros le montant de leur pension de
base, qui atteindra ainsi 75 % du SMIC net, soir 641 euros, c'est-à-dire 4 207
francs. C'est mieux qu'auparavant, mais c'est encore insuffisant !
Je ne peux que rappeler la position constante de notre groupe, qui n'a eu de
cesse de réclamer, quelle que soit la majorité en place, une revalorisation
permettant de porter le montant de la retraite des non-salariés agricoles à 75
% du SMIC brut à l'horizon de 2002. Dès l'examen du projet de loi de finances
pour 1999, nous avions souhaité que les pensions des autres catégories
atteignent le minimum de 3 000 francs.
Nous nous sommes donc toujours battus en faveur de la revalorisation des
pensions de base, toutes catégories d'actifs agricoles confondues. La mise en
place d'un système de retraite complémentaire représente certes une avancée,
mais il n'en demeure pas moins que l'augmentation du montant des pensions de
base doit demeurer au nombre des objectifs prioritaires.
Nous regrettons également que les conjoints d'exploitants, qui sont
principalement des femmes, soient exclus du bénéfice du nouveau régime. Ils
contribuent pourtant, à l'égal du chef d'exploitation, à assurer les revenus de
cette dernière. C'est donc là une véritable injustice qu'ils subissent, un
grave retard qui subsiste à l'heure de la parité entre hommes et femmes ! Dans
ce domaine-là aussi, nous attendions des avancées notables.
Il devient, en outre, urgent de remédier à une autre injustice sociale, qui
voit les agriculteurs exclus du bénéfice de la mensualisation. Les coûts qui
résulteraient de l'instauration de cette mesure seraient certes importants,
puisqu'ils sont estimés à environ 8,8 milliards de francs. Les obstacles à la
mensualisation sont multiples. A cet égard, la MSA devrait se séparer d'une
trésorerie importante, qu'elle sait bien gérer et valoriser.
Si la proposition de loi de notre collègue Gérard César est ambitieuse et
généreuse,...
M. Gérard César,
rapporteur pour avis.
Merci !
M. Gérard Le Cam.
... un mystère demeure cependant : pourquoi un tel texte n'a-t-il pas vu le
jour lorsque la droite était au gouvernement ?
(Rires sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées
socialistes.)
M. Gérard César,
rapporteur pour avis.
La gauche y est depuis si longtemps !
M. Gérard Le Cam.
Pour les nombreuses raisons que j'évoquais tout à l'heure, la solidarité
nationale à l'égard du monde agricole devrait être plus affirmée, d'autant que
le nombre des actifs a fortement diminué par rapport à celui des retraités, si
bien que l'on ne compte plus, aujourd'hui, que quatre actifs pour dix
retraités.
Limité à environ 182 millions d'euros, soit 1,2 milliard de francs, selon
l'hypothèse la plus haute avancée par M. le rapporteur, le montant de la
participation de l'Etat compromet d'ores et déjà, par son insuffisance,
l'extension du régime complémentaire aux conjoints collaborateurs et aides
familiaux, ainsi qu'à l'ensemble des actuels conjoints survivants par le biais
des pensions de réversion. Celle-ci entraînerait en effet un alourdissement des
cotisations, auquel seraient bien incapables de faire face les non-salariés
agricoles aux revenus les plus modestes. Or on sait que le nombre de ces
derniers s'est fortement accru ces dernières années !
Une récente enquête de l'Institut national de la recherche agronomique
souligne en effet que, au cours des dix dernières années, les inégalités de
revenus ont nettement progressé dans le secteur agricole.
Actuellement, 40 % des exploitations dégagent un revenu par actif familial à
temps complet inférieur au SMIC. Au nombre de celles-ci figurent les petites
exploitations qui se sont excessivement endettées en tentant d'accroître leur
productivité et celles, faiblement modernisées, qui n'ont pu s'inscrire dans le
modèle productiviste, ainsi que les exploitations concernées par des marchés
faiblement organisés ou sur lesquels les prix connaissent d'importantes
fluctuations : maraîchage, arboriculture, élevage porcin, aviculture,
viticulture ordinaire - je vise bien sûr ici les exploitations les plus
fragiles de cessecteurs.
Dans un tel contexte, les petites exploitations, pourtant essentielles en
termes d'aménagement du territoire, peinent à subsister et à dégager un revenu
convenable, les marges étant d'ailleurs souvent accaparées par la filière aval,
tout particulièrement par la grande distribution.
Si la solidarité nationale doit jouer, la solidarité doit aussi s'exercer à
l'intérieur de la profession agricole.
De ce point de vue, le financement du nouveau régime de retraite
complémentaire soulève de nombreuses interrogations. Il n'est, en tout cas, pas
tolérable que les plus faibles revenus soient soumis à une surcotisation et il
est nécessaire que le montant de l'aide de l'Etat soit dégressif à raison de
l'importance du revenu. Rappelons à cet égard que les exploitants aux revenus
les plus élevés peuvent se constituer une retraite complémentaire par
capitalisation, alors que l'on sait que la retraite des exploitants à faibles
revenus sera très modeste.
A titre d'exemple, un revenu annuel de 35 000 francs, soumis à la cotisation
forfaitaire, engendrerait une cotisation réelle de 7,2 %. Or le revenu de plus
d'un tiers des exploitants agricoles se situe en dessous de ce niveau. Un
revenu annuel de 20 000 francs entraînerait, quant à lui, une cotisation réelle
de 12,6 %, et un revenu annuel de 10 000 francs une cotisation réelle de 25 %.
A l'autre extrêmité de l'échelle des revenus, soit pour la tranche des revenus
supérieurs à 2 028 fois le SMIC horaire, la contribution réelle serait fixe et
limitée à 2,84 % !
Parallèlement, la contribution de l'Etat par individu progressera en fonction
de l'importance croissante des revenus. S'agissant de la tranche des revenus
élevés, la participation de l'Etat ne devrait plus intervenir, au titre de
l'allégement des cotisations, pour les revenus supérieurs au plafond de la
sécurité sociale.
Devons-nous encore ajouter que les revenus les plus élevés bénéficient de
déductions fiscales non négligeables, dont ne peuvent évidemment pas profiter
les revenus les plus modestes, au rang desquels figurent évidemment les revenus
non imposables ?
J'attends, monsieur le ministre, des éclaircissements de votre part sur ces
anomalies.
Le nouveau système ne profite pas à l'ensemble des non-salariés agricoles -
nous aurons l'occasion d'y revenir lors de la discussion des amendements que
nous avons déposés - et, de plus, son mécanisme, assis sur une cotisation
forfaitaire pour les revenus inférieurs à 2 028 fois le SMIC horaire et sur une
cotisation à taux fixe de 2,84 % pour les tranches de revenus supérieurs à ce
même seuil, est particulièrement inégalitaire !
Le taux de cotisation n'étant pas définitivement établi, je ne doute pas,
monsieur le ministre, que vous tiendrez compte de mes remarques, afin d'opérer
les ajustements nécessaires à une plus grande justice sociale.
Soumettre les revenus les plus faibles à une cotisation forfaitaire qui se
traduirait, dans les faits, par une surcotisation constituerait, vous en
conviendrez, monsieur le ministre, une grave aberration, que le groupe
communiste républicain et citoyen ne saurait cautionner.
Nous voterons, bien sûr, cette proposition de loi qui devrait permettre aux
chefs d'exploitation de bénéficier d'une retraite d'un montant un peu plus
digne. C'est un pas en avant, et nous ne sommes pas des partisans de la
politique du tout ou rien ! Nous veillerons cependant à ce que certaines
corrections puissent être apportées au mécanisme de base de ce nouveau régime
de retraite complémentaire par répartition.
Par ces propos, nous avons souhaité, monsieur le ministre, souligner les
efforts réels consentis par un gouvernement de gauche en faveur des retraites
agricoles au cours de cette législature.
Nous considérons cependant qu'il ne s'agit que d'une étape : les insuffisances
en matière de niveau de retraite, de parité et de proportionnalité contributive
sont assez éloquentes pour que nous puissions mesurer le chemin qui reste à
parcourir. Les solidarités de l'Etat, de la profession et de l'aval de la
filière agricole devront de nouveau être sollicitées pour que, demain, le monde
des agriculteurs ne soit plus un monde à part.
(Applaudissements sur les
travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées
socialistes.)
M. Paul Raoult.
Très bien !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Je serai bref, car si nous
pouvions achever l'examen de ce texte avant la suspension de la séance pour le
dîner, cela nous permettrait d'éviter de le reprendre à une heure avancée de la
nuit.
Je voudrais, en préambule, rendre hommage à deux personnalités issues du même
département, la Dordogne.
Mes pensées les plus chaleureuses iront d'abord à M. Bouyou, qui a été pendant
de longues années responsable de l'Association nationale des retraités
agricoles de France. Son état de santé lui a interdit d'assister aujourd'hui,
comme il l'aurait souhaité, à notre débat, qui touche de près à la lutte qu'il
a menée durant des décennies. Qu'il reçoive ici, dans l'épreuve qu'il traverse,
le témoignage de notre solidarité.
Je voudrais également rendre hommage à un parlementaire, M. Germinal Peiro.
Sans doute jugera-t-on curieux que je fasse l'éloge d'un député devant la Haute
Assemblée,...
M. Hilaire Flandre.
Il sera peut-être sénateur un jour !
(Sourires.)
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
C'est tout le mal que je lui
souhaite !
(Nouveaux sourires.)
... mais le rapport qu'il a rédigé se trouve à l'origine de tous nos travaux,
lesquels ont débouché sur le dépôt de cette proposition de loi.
Je répondrai maintenant rapidement à certains des propos qui ont été tenus au
cours de la discussion générale.
Je passerai, avec le sourire, sur les accusations d'électoralisme. En effet,
en tant qu'élu, je n'ai jamais compris ce terme de façon péjorative : si l'on
appelle « électoralisme » la démarche qui consiste à répondre aux attentes de
nos électeurs, va pour l'électoralisme !
M. Paul Raoult.
Très bien !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Après tout, des centaines de
milliers d'agriculteurs retraités nous demandent avec force de persister dans
la voie que nous avons empruntée, et si les écouter revient à faire de
l'électoralisme, alors je suis électoraliste !
Par ailleurs, je dirai, là encore avec le sourire, à M. César, avec qui mes
relations sont toujours courtoises, que, si cet électoralisme était aussi
partisan qu'il semble le penser, il ne s'apprêterait pas à voter, comme il l'a
annoncé, cette proposition de loi. Cet électoralisme-là, vous êtes disposé à le
partager ! Tant mieux, je m'en réjouis !
(Rires et applaudissements sur les
travées socialistes.)
Pour en revenir au fond du débat, les différents orateurs ont soulevé des
problèmes financiers et d'articulation du dispositif que je comptais aborder à
l'occasion de l'examen des amendements.
Si nous dotons les exploitants agricoles d'un régime de retraite
complémentaire obligatoire par répartition, ils bénéficieront d'une
amélioration de leurs droits à retraite en contrepartie d'un effort contributif
équivalent à celui des autres catégories socioprofessionnelles. Le montant
total de leurs retraites, pensions de base et pensions complémentaires
confondues, pourra alors atteindre au moins 75 % du SMIC net. Cela correspond
justement à ce que M. Bouyou et ses amis avaient demandé et à l'engagement que
nous avions pris : à cet instant, je veux affirmer clairement que nous
tiendrons cet engagement, par le biais de la proposition de loi dont nous
débattons ce soir.
Toutefois, cela pose des problèmes financiers. Comme cela s'est déjà pratiqué
à l'occasion de la création d'autres régimes de retraite complémentaire, nous
avons prévu de verser des points, sans contrepartie de cotisations, aux chefs
d'exploitation actuellement retraités, qu'il me paraissait tout à fait
inenvisageable - je pense que vous serez tous d'accord avec moi sur ce point -
d'exclure du bénéfice de cette avancée sociale.
Lors du débat à l'Assemblée nationale, le Gouvernement, soucieux de la
viabilité de ce nouveau régime dans un contexte de profonde dégradation
démographique du régime social agricole, avait introduit un amendement
prévoyant la contribution financière de l'Etat à son équilibre, dans des
conditions qui seront fixées par la loi de finances.
A cet égard, s'agissant de la répartition de l'effort à consentir, M. Domeizel
a eu raison d'indiquer que, si nous définissions d'une manière trop
contraignante les éléments du dispositif, les évolutions à venir risqueraient
de nous prendre en défaut. J'ajoute - et je m'adresse à des parlementaires
animés de la volonté de contrôler l'action du Gouvernement - que, à partir du
moment où nous prenons l'engagement que le montant de la contribution de l'Etat
à ce régime de retraite complémentaire obligatoire par répartition sera soumis
à un vote annuel lors de l'examen du projet de loi de finances, vous avez
l'assurance que les mesures arrêtées n'échapperont pas à votre contrôle et
seront adaptées à la situation, ce qui me paraît très important.
Le champ de ce régime doit être défini au regard des contraintes de
financement, qui s'imposeront aux exploitants agricoles redevables de
cotisations aussi bien qu'à l'Etat. Sur ce plan, je n'en appellerai pas à la
rigueur et à la nécessité d'éviter une éventuelle dégradation des finances
publiques, car je pense que ce point fait l'objet d'un consensus entre nous ;
mais je voudrais attirer l'attention du Sénat sur le fait que l'effort
contributif que pourront supporter les exploitants actifs a une limite. C'est
pourquoi je suis convaincu que, dans le cadre qui nous est fixé, il n'est pas
possible d'ouvrir le bénéfice au-delà des chefs d'exploitation. On peut en
rêver, et j'en rêve moi-même, mais imaginez l'effort contributif exceptionnel
que cela imposerait aux exploitants aujourd'hui en activité ! Il faut donc être
raisonnable.
Le texte adopté par l'Assemblée nationale prévoit également l'existence d'une
pension de réversion pour les veuves de chef d'exploitation pour lequel la
retraite aurait été liquidée après 2003. Cependant, le financement de cette
réversion demeure intégralement à la charge des cotisants du régime.
Enfin, j'en reviens au dernier point, c'est-à-dire le souci de parité et
d'amélioration des droits à retraite des conjoints.
Le Gouvernement ne peut qu'être sensible à cette revendication. Je veux tout
de même rappeler que c'est ce Gouvernement qui a proposé la création du nouveau
statut de conjoint exploitant, dans la loi d'orientation agricole de 1999, que
ce statut revalorise les droits à retraite de ces conjoints, que 80 % des
titulaires de l'ancien statut de conjoint participant aux travaux ont opté pour
le nouveau statut depuis 1999 et que, par ailleurs, comme je l'ai souligné, les
conjoints constituent une composante à part entière des populations visées par
le plan de revalorisation pluriannuel des retraites de base. Par conséquent, un
effort considérable a déjà été fait.
Toutefois, l'intégration de cette catégorie, à ce stade de création du régime,
n'est, là encore, pas financièrement concevable, sauf à envisager un doublement
du taux de cotisation, que refusent, je vous le dis clairement, les
organisations professionnelles agricoles, que vous avez sans doute vous aussi
consultées.
Dès le vote de la loi - qui prévoit l'application du nouveau régime au 1er
janvier 2003, soit dans moins d'un an - donc, je l'espère, dans les jours à
venir, nous élaborerons, en concertation étroite avec l'ensemble des acteurs
concernés, les décrets permettant de définir les paramètres de fonctionnement
du nouveau régime, le taux de cotisation et le montant des prestations. La
fixation de ces paramètres devra, bien sûr, logiquement tenir compte d'un taux
de rendement le plus proche possible des autres régimes de retraite
complémentaire. La définition de ces paramètres sera menée de front avec la
fixation du montant de la participation financière de l'Etat, dans le cadre de
la préparation de la loi de finances pour 2003, ainsi que je l'ai expliqué tout
à l'heure.
Telles sont les réponses que je souhaitais vous apporter à la fin de la
discussion générale, mesdames, messieurs les sénateurs, afin de mieux éclairer
la discussion des articles. Sur ces bases, nous devrions parvenir très
rapidement à un texte de compromis.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er