SEANCE DU 31 JANVIER 2002
M. le président.
L'amendement n° 331, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Après l'article 31, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« 1° Après la première phrase du premier alinéa de l'article L. 6121-3 du code
de la santé publique, il est inséré une phrase ainsi rédigée : "Il comporte
obligatoirement un volet consacré à la santé mentale".
« 2° Le troisième alinéa de l'article L. 6121-8 du même code est supprimé.
Dans le dernier alinéa du même article, les mots : "aux deuxième et troisième"
sont remplacés par les mots : "au deuxième".
« 3° Le troisième alinéa de l'article L. 3221-1 du même code est rédigé comme
suit : "Le nombre, la configuration des secteurs psychiatriques, la
planification des équipements comportant ou non des possibilités
d'hospitalisation nécessaires à la lutte contre les maladies mentales sont
déterminés conformément aux dispositions des chapitres Ier et II du titre II du
livre Ier de la partie VI".
« 4° L'article L. 3221-2 du code de la santé publique est abrogé. »
La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Cet amendement s'intègre dans le plan de santé mentale
dont j'ai parlé tout à l'heure.
L'existence de deux schémas régionaux de planification dans le secteur
sanitaire - les schémas régionaux d'organisation des soins et le schéma
régional de psychiatrie - ne favorise pas l'intégration de la psychiatrie dans
l'offre générale de soins.
Cette situation nuit à la cohérence de l'organisation de soins et à la prise
en compte des besoins de la population de façon globale. Il est donc proposé de
supprimer le schéma régional de psychiatrie et de procéder à l'élaboration d'un
schéma régional d'organisation sanitaire - SROS - unique, intégrant un volet
obligatoire sur les soins psychiatriques qui, puisque nous ouvrons l'hôpital
psychiatrique sur l'hôpital général, trouve parfaitement sa place.
En effet, l'un des reproches que certains psychiatres attachés aux structures
anciennes nous adressent, c'est que la place de la psychiatrie dans les
hôpitaux généraux ne soit pas très bien définie. Pour cette raison, il nous
paraît nécessaire de regrouper ces deux schémas d'organisation.
Cette organisation est indispensable dans l'offre générale de soins pour
améliorer l'articulation entre les soins somatiques et psychiatriques,
notamment pour ce qui concerne la réponse aux urgences. Vous le savez, nous
avons d'ailleurs intégré les services psychiatriques aux urgences.
En outre, l'existence de deux niveaux de planification est très peu opérant et
rend la procédure complexe ; peu de schémas départementaux ont été élaborés
compte tenu de la lourdeur de la double procédure, et les conseils
départementaux de santé mentale ont rarement été réunis.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Francis Giraud,
rapporteur.
La commission des affaires sociales considère que la
politique de la santé mentale a été quelque peu oubliée pendant cette
législature, même si le Gouvernement essaie désormais de rattraper le temps
perdu grâce à un plan d'action récemment adopté.
L'amendement n° 331 vise à supprimer le schéma régional de psychiatrie et à
procéder à l'élaboration d'un schéma régional d'organisation sanitaire
comprenant un volet obligatoire sur les soins psychiatriques. Il tend également
à supprimer le schéma départemental d'organisation sanitaire et le conseil
départemental de santé mentale, le niveau régional étant mieux adapté à la
planification. La commission des affaires sociales émet donc un avis favorable
à cet amendement.
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
La politique de secteur, vous vous en souvenez, a été,
voilà trente ans, un grand succès de la psychiatrie française. Sans être tombée
en désuétude, elle ne produit plus les effets escomptés. Beaucoup de
psychiatres ont quitté l'hôpital public pour s'installer en ville. Or notre
pays compte deux fois plus de psychiatres que les pays européens environnants.
Malgré tout, l'intégration de l'hôpital psychiatrique dans l'hôpital général
n'est pas facile.
Monsieur le rapporteur, vous dites que la politique de la santé mentale a été
négligée. Bien qu'ayant été absent de ce pays et de ce ministère pendant un
certain temps, je sais que, durant cette période, le schéma psychiatrique a
pris forme. Le rapport des docteurs Piel et Roelandt est, à cet égard, très
complet. Mais l'intégration des structures psychiatriques dans la communauté
hospitalière nécessite beaucoup d'argent.
Nous en revenons, monsieur Leclerc, au problème que vous évoquiez : quand on
ne sait pas où trouver l'argent parce qu'on ne dispose pas de la planification
nécessaire, en amont du projet de loi de financement de la sécurité sociale, on
est bien embarrassé. Le processus d'intégration est lent et certains secteurs
psychiatriques périphériques, bien que souvent éloignés du bassin de vie qu'ils
desservent, sont très réticents à s'installer à l'hôpital général.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 331.
M. André Vantomme.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Vantomme.
M. André Vantomme.
Je découvre la volonté du Gouvernement de supprimer le schéma régional de
psychiatrie et d'élaborer un schéma régional d'organisation sanitaire unique
intégrant un volet pychiatrique.
Cette proposition a le mérite de préserver la place de la psychiatrie.
Néanmoins, je me demande comment le monde de la psychiatrie ressentira la
suppression du schéma départemental.
Par ailleurs, les situations, au plan tant régional que départemental, sont
très diversifiées. Dans certains départements, l'institution psychiatrique se
concentre sur un établissement. Dans d'autres, elle est beaucoup plus
dispersée. Je crains que la disparition du schéma départemental ne pose des
problèmes dans certains départements. J'ajoute que les inquiétudes que ressent
le monde de la psychiatrie résultent du sort qui lui a été réservé lorsque,
dans le passé, celle-ci a été intégrée à l'hôpital général. Les préoccupations
des hôpitaux généraux ont souvent pris le pas sur celles de la psychiatrie. Je
suis donc très réservé sur cette proposition.
M. Jean-Louis Lorrain.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain.
Je ne suis pas loin de partager le point de vue de M. Vantomme. Si la
psychiatrie n'a pas été intégrée dans les schémas départementaux d'organisation
sanitaire, c'est qu'il était nécessaire d'articuler ces schémas autour de
l'obstétrique et de la chirurgie.
Il faut aussi tenir compte de certains particularismes. Si la sectorisation
doit être revue, force est de constater que les schémas départementaux de
première puis de deuxième génération ont bien fonctionné. On a de plus en plus
tendance à intégrer la psychiatrie à l'hôpital général, lequel n'a pas toujours
l'intention de l'accueillir dans les meilleures conditions. Mais ce qui
m'intéresse surtout, c'est le développement de la sectorisation en matière de
pédopsychiatrie et de gérontopsychiatrie, qui est souvent très utile et permet
d'avoir une organisation de terrain.
En donnant à cette sectorisation une dimension régionale, on va provoquer une
compétition entre les établissements psychiatriques. Même si, en ce domaine,
une restructuration est nécessaire dans des secteurs précis, tels que l'enfance
et les personnes âgées, le schéma départemental est très utile.
Si ce schéma ne devait pas être retenu dans l'avenir, j'aimerais qu'au moins
la psychiatrie ne devienne pas le parent pauvre de la sectorisation.
M. Serge Franchis.
Oui !
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Je comprends très bien vos inquiétudes, monsieur
Lorrain.
Il ne s'agit nullement de supprimer la spécialité psychiatrique. Certes, je
n'ignore pas que c'est là une crainte assez répandue : on a le sentiment qu'un
certain nombre de psychiatres et de chefs de service des hôpitaux périphériques
redoutent que leur discipline ne se dissolve dans l'hôpital général et ne soit
plus prise en considération.
Les docteurs Piel et Roelandt, qui ont accompli un travail considérable et
très intéressant, se trouvent sans doute quelque peu en pointe par rapport à la
réalité qui a été évoquée. J'en suis bien conscient, et c'est pourquoi je n'ai
pas accéléré le processus. J'ai simplement indiqué que nous souhaitions
appliquer le schéma des docteurs Piel et Roelandt et qu'il était nécessaire de
mener une action résolue, parce que la situation dans les grands hôpitaux
périphériques, vous le savez aussi bien que moi, n'est tout de même pas très
satisfaisante. Une évolution est donc indispensable, et les psychiatres de ces
hôpitaux le savent parfaitement.
Toutefois, il convient également d'assurer la prise en charge psychiatrique,
s'agissant notamment des deux spécialités que vous avez citées, monsieur
Lorrain. Par conséquent, si la tendance moderniste, avec dispositions
communautaires et prise en charge de la maladie mentale, laquelle ne relève pas
uniquement de la psychiatrie, au sein de structures qui n'existent pas encore,
représente la voie d'avenir, je ne me hâte pas.
En effet, si l'on ferme des hôpitaux, où les malades seront-ils accueillis ?
Les lits manquent en psychiatrie, j'en suis bien conscient. Nous sommes devant
un problème assez difficile, mais en même temps on peut se demander si nombre
des patients qui ont été placés ou qui ne l'ont pas été doivent être maintenus
dans ces structures. Ne seraient-ils pas davantage à leur place au sein de
structures communautaires ? La question est complexe.
M. André Vantomme.
Ces structures n'existent pas encore !
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
C'est vrai, et cela explique que nous ne nous hâtions
pas, car il faudra du temps pour les mettre en place. Nous procédons à de
larges consultations, mais il est difficile de traduire dans la réalité
quotidienne l'orientation générale de notre politique de santé mentale.
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Il est vrai, monsieur
le ministre, que nous avons donné un avis favorable à votre amendement, mais la
commission des affaires sociales n'en a pas suffisamment débattu ; ma
responsabilité est certainement engagée sur ce point.
Par conséquent, je me demande s'il ne conviendrait pas de se donner un peu de
temps et d'éviter de se précipiter en raisonnant à partir d'un cas qui,
manifestement, est très particulier et dont la généralisation pourrait
présenter des difficultés.
Pour l'heure, je propose au Gouvernement de retirer son amendement. Cela ne
signifie pas que nous y soyons opposés
a priori
. Approfondissons notre
réflexion tout en maintenant les schémas actuels et donnons-nous deux ans ou
trois ans pour décider si la réorganisation envisagée est vraiment partout
nécessaire. Ne précipitons pas les choses.
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Je souhaite que la réforme réussisse.
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Oui, mais j'ai un peu
peur.
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Cette accélération du processus répond à mon souci de
mieux faire, avec l'aide éclairée des spécialistes de la psychiatrie.
Cependant, si vous souhaitez que l'on remette à plus tard cette réorganisation
et que l'on temporise, je suis tout à fait d'accord.
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Donnons-nous un peu de
temps.
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Par conséquent, je retire l'amendement.
(M.
Vantomme applaudit.)
M. le président.
L'amendement n° 331 est retiré.
Mes chers collègues, nous sommes parvenus au terme de l'examen du titre Ier
relatif à la démocratie sanitaire.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
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