SEANCE DU 31 JANVIER 2002
M. le président.
L'amendement n° 244, présenté par M. Fauchon, au nom de la commission des
lois, est ainsi libellé :
« Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 720-1 du code de procédure pénale, il est inséré un article
720-1-1 ainsi rédigé :
«
Art. 720-1-1.
- La suspension peut également être ordonnée, quelle
que soit la nature de la peine ou la durée de la peine restant à subir, et pour
une durée qui n'a pas à être déterminée, pour les condamnés dont il est établi
par deux expertises médicales distinctes concordantes, qu'ils sont atteints
soit d'une maladie mettant en jeu le pronostic vital, soit d'une maladie qui
est durablement incompatible avec le maintien en détention.
« Cette suspension est ordonnée, après avis du ministère public, par décision
motivée du juge de l'application des peines pour les peines d'une durée
inférieure ou égale à dix ans d'emprisonnement ou pour lesquelles la durée de
la détention restant à subir est inférieure ou égale à trois ans et de la
chambre régionale de la libération conditionnelle dans les autres cas.
« Le juge de l'application des peines peut à tout moment ordonner une
expertise médicale à l'égard d'un condamné ayant bénéficié d'une mesure de
suspension de peine en application du présent article, et ordonner qu'il soit
mis fin à la suspension si les conditions de celle-ci ne sont plus remplies.
« Les dispositions de l'article 720-2 ne sont pas applicables lorsqu'il est
fait application des dispositions du présent article. »
Le sous-amendement n° 391, présenté par M. Dreyfus-Schmidt, Mme Campion et les
membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
« I. - Après les mots : "dont il est établi" rédiger comme suit la fin du
premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 244 pour l'article 720-1-1
du code de procédure pénale : "qu'ils sont atteints d'une pathologie engageant
le pronostic vital ou que leur état de santé est durablement incompatible avec
le maintien en détention, hors les cas d'hospitalisation des personnes détenues
en établissement de santé pour troubles mentaux".
« II. - Après le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 244 pour
l'article 720-1-1 du code de procédure pénale, insérer un alinéa ainsi rédigé
:
« La suspension ne peut être ordonnée que si deux expertises médicales
distinctes établissent de manière concordante que le condamné se trouve dans
l'une des situations énoncées à l'alinéa précédent. »
« III. - Remplacer le deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 244
pour l'article 720-1-1 du code de procédure pénale par deux alinéas ainsi
rédigés :
« Lorsque la peine privative de liberté prononcée est d'une durée inférieure
ou égale à dix ans, ou que, quelle que soit la peine initialement prononcée, la
durée de détention restant à subir est inférieure ou égale à trois ans, cette
suspension est ordonnée par le juge de l'application des peines selon les
modalités prévues par l'article 722.
« Dans les autres cas, elle est prononcée par la juridiction régionale de la
libération conditionnelle selon les modalités prévues par l'article 722-1. »
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n°
244.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur pour avis.
Cet amendement reprend un texte déjà adopté par le
Sénat afin de mettre fin à la situation si cruelle d'un certain nombre de
détenus en fin de vie ou dont l'état de santé appelle des soins qu'ils ne
peuvent recevoir en prison. Cette situation est, en effet, humainement très
pénible, ainsi qu'ont pu le constater, dans leur excellent rapport, les membres
de la commission d'enquête que nous avions conduite l'année dernière dans les
prisons.
Très bel exemple du travail parlementaire dans chacune des deux assemblées,
cette commission d'enquête, à laquelle notre collègue M. Hyest a consacré
beaucoup de temps et d'énergie, avait proposé, au mois de juillet 2000, qu'une
mesure de suspension puisse être prononcée à l'égard des détenus dont le
pronostic vital est en jeu.
Le Sénat a adopté cette disposition dans le cadre d'une proposition de loi,
qui émanait d'ailleurs de MM. Hyest et Cabanel. Malheureusement, le
Gouvernement, qui a évidemment fort à faire, surtout ces temps-ci, n'a pas
inscrit ce texte à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. En revanche, il a
prévu de faire figurer cette mesure dans son projet de loi pénitentiaire.
Mais ce texte ne sera pas discuté avant la fin de la législature et les
échéances électorales sont incertaines. Nous pensons donc qu'il est urgent
d'adopter cette disposition, d'autant qu'il ne s'agit pas vraiment d'un «
cavalier » législatif.
Le présent projet de loi paraît être un support opportun pour prendre cette
mesure d'humanité que nous avons assortie de sécurités, telles que la double
expertise concordante et la décision du juge de l'application des peines. Nous
espérons ainsi éviter toute espèce de dérive.
Afin de ne laisser subsister aucune équivoque, je précise qu'il ne s'agit pas
du problème très spécifique des détenus très âgés, qui est d'une tout autre
nature. Il faut être clair sur ce point.
M. le président.
La parole est à Mme Campion, pour défendre le sous-amendement n° 391.
Mme Claire-Lise Campion.
Notre collègue M. Fauchon vient de rappeler le rapport du Sénat intitulé
Une Humiliation pour la République.
Ce sous-amendement a pour objet de permettre, avec toutes les garanties
nécessaires, que soit ordonnée une suspension de peine pour les détenus en fin
de vie ou pour ceux dont l'état de santé le requiert. Il s'agit, par cette
mesure, d'offrir à chacun une fin de vie digne ou des soins appropriés auxquels
doit pouvoir prétendre tout être humain quoi qu'il ait fait.
Ainsi, selon la durée de sa peine, le détenu pourra solliciter une suspension
de peine du juge de l'application des peines ou de la juridiction régionale de
la libération conditionnelle, qui ne pourraient ordonner la suspension qu'au vu
de deux expertises concordantes, la décision prise en premier ressort étant
susceptible de recours.
En outre, des mesures particulières sont prévues pour les détenus présentant
des troubles mentaux, car s'il est vrai qu'il n'ont pas leur place en prison,
nous ne pouvons pas pour autant les livrer à eux-mêmes alors qu'ils sont
susceptibles d'être dangereux.
Enfin, à tout moment, le juge de l'application des peines peut décider de
réincarcérer une personne dont l'état de santé ne justifierait plus la mesure
prise en sa faveur.
En conséquence, je vous demande d'adopter ce sous-amendement qui, d'un point
de vue procédural, est plus précis, car il fait notamment apparaître sans
équivoque que la suspension est soumise à deux expertises médicales et que la
juridiction saisie peut refuser cette suspension.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 244 et le sous-amendement
n° 391 ?
M. Francis Giraud,
rapporteur.
La commission est favorable à l'amendement et au
sous-amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 244 et le sous-amendement
n° 391 ?
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Je voudrais tout simplement dire, afin d'éviter un long
discours, que j'y suis favorable.
En cas de maladie grave ou même de nécessité médicale, comme M. le rapporteur
pour avis l'a indiqué, il est tout à fait normal de présenter ces
dispositions.
M. le président.
Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 391.
M. Guy Fischer.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Ces dispositions figurent dans l'avant-projet de loi pénitentiaire, mais ce
texte ne sera pas discuté avant la fin de la session. Je rappelle, par
ailleurs, que lors de l'examen de la proposition de loi de notre ancien
collègue M. Guy Cabanel relative aux conditions de détention, nous avions déjà
voté ce dispositif. Nous voterons donc, bien entendu, le sous-amendement n° 391
et l'amendement n° 244.
M. le président.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 391, accepté par la commission et par
le Gouvernement.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° 244, accepté par la commission et
par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 5.
Chapitre II
Droits des usagers