SEANCE DU 17 JANVIER 2002
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° 570, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
« Avant l'article 43 H, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 151-4 du code de l'éducation est ainsi rédigé :
«
Art. L. 151-4
. - Les établissements d'enseignement général du second
degré privés peuvent obtenir des communes, des départements, des régions ou de
l'Etat des locaux et une subvention, sans que cette subvention puisse excéder
le dixième des dépenses annuelles de l'établissement. Le conseil académique de
l'éducation nationale donne son avis préalable sur l'opportunité de ces
subventions.
« Dans la limite maximale des dotations affectées aux établissements publics,
le plafond visé à l'alinéa ci-dessus est porté à la moitié des dépenses
annuelles de l'établissement lorsqu'il s'agit de subventions liées soit à des
travaux de mise aux normes ordonnées par la commission de sécurité, soit à
l'acquisition de matériel pédagogique ».
L'amendement n° 328 rectifié
bis
, présenté par MM. Lardeux, César,
Doligé, Dufaut, Esneu, Ginésy, Goulet, Gournac, Gouteyron, Lassourd, Leroy,
Ostermann et de Richemont, Mme Rozier, M. Gérard Larcher et les membres du
groupe du RPR et apparentés, est ainsi libellé :
« Après l'article 43 I, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après la première phrase de l'article L. 151-4 du code de l'éducation,
il est inséré une phrase ainsi rédigée : "Dans le cas où ces établissements
doivent faire des travaux ordonnés par une commission de sécurité, le taux de
subvention peut être porté à 50 % des dépenses annuelles de l'établissement
pour la réalisation exclusive de ces travaux.". »
« II. - L'accroissement de charges résultant pour les collectivités
territoriales du I est compensé à due concurrence par une augmentation de la
dotation globale de fonctionnement.
« III. - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant du II sont compensées à
due concurrence par la majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A
du code général des impôts. »
L'amendement n° 570 n'est pas soutenu.
La parole est à M. Lardeux, pour défendre l'amendement n° 328 rectifié
bis
.
M. André Lardeux.
Afin que M. le ministre ne soulève pas l'objection qu'il a présentée à
plusieurs reprises, je rectifie cet amendement en supprimant le gage, qui n'est
pas nécessaire puisqu'il s'agit d'une compétence et de dépenses facultatives
des collectivités concernées. Il est logique de ne pas demander une
compensation à l'Etat. Seul est donc maintenu le I de l'amendement.
M. le président.
Je suis donc saisi d'un amendement n° 328 rectifié
ter,
présenté par
MM. Lardeux, César, Doligé, Dufaut, Esneu, Ginésy, Goulet, Gournac, Gouteyron,
Lassourd, Leroy, Ostermann et de Richemont, Mme Rozier, M. Gérard Larcher et
les membres du RPR, et ainsi libellé :
« Après l'article 43 I, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Après la première phrase de l'article L. 151-4 du code de l'éducation, il
est inséré une phrase ainsi rédigée : "Dans le cas où ces établissements
doivent faire des travaux ordonnés par une commission de sécurité, le taux de
subvention peut être porté à 50 % des dépenses annuelles de l'établissement
pour la réalisation exclusive de ces travaux". »
Veuillez poursuivre, monsieur Lardeux.
M. André Lardeux.
Cet amendement - en l'occurrence, on ne pourra pas m'objecter qu'il ne s'agit
pas d'une compétence relevant des collectivités - concerne le code de
l'éducation et il a pour objet d'apporter une modification ponctuelle à la loi
Falloux. Il tente de répondre à un problème qui se pose dans de nombreux
départements, notamment dans le Maine-et-Loire, et auquel le conseil général a
été confronté.
Les commissions de sécurité exigent de mettre aux normes les collèges, ce que
nous faisons pour les collèges publics depuis déjà de nombreuses années. Les
mêmes exigences sont formulées à l'égard des collèges privés. Il n'est pas
question, bien sûr, de remettre en cause le bien-fondé des exigences de ces
commissions. Il est normal que, quel soit le type d'établissement, elles aient
les mêmes exigences pour l'accueil des jeunes dans des conditions de sécurité
satisfaisantes.
Cependant, face aux coûts très élevés des travaux à réaliser, les organismes
de gestion se sont naturellement tournés vers la collectivité responsable des
collèges pour demander à celle-ci de les aider. Après mûre réflexion et
considérant qu'en 1850 les règles de sécurité n'étaient pas encore édictées, le
conseil général de Maine-et-Loire, à l'unanimité, c'est-à-dire majorité et
groupe socialiste et apparentés confondus, a voté le principe d'une aide
limitée pour financer ces travaux de sécurité, ce que le préfet, invoquant la
loi Falloux, a bien évidemment contesté devant le tribunal administratif,
lequel a annulé la délibération correspondante. Le conseil général a, bien sûr,
fait appel de cette décision, qui est pendante devant la cour administrative
d'appel et se pourvoira au besoin devant les juridictions européennes.
Pourquoi une telle position ? Parce qu'il existe, à l'évidence, une
conjonction avec les obligations de la collectivité en matière de sécurité des
élèves accueillis dans les collèges. Tous les élèves accueillis dans les
collèges concourant au service public de l'éducation ont droit aux mêmes
conditions de sécurité. Il faut sortir, en ce domaine, du traditionnel débat
manichéen. En effet, le maintien de cet aspect de la loi Falloux n'est conforme
ni à l'équité ni à l'attente de notre société qui recourt aussi bien à
l'enseignement public qu'à l'enseignement privé. En effet, qu'est-ce qu'une
liberté, à laquelle on refuse les moyens de son exercice ? Je crois qu'il faut
suivre Clemenceau, qui déclarait ici même en 1903, dans un contexte certes
différent : « Ayons le courage de faire la liberté de l'enseignement ! »
En général trois reproches sont faits à cette attitude.
Le premier serait la volonté de rallumer les querelles scolaires. Il n'en est
rien, car la société a manifestement dépassé ce stade, et le vote unanime du
conseil général le confirme.
Le deuxième serait de favoriser un enseignement élitiste. Dans le département
de Maine-et-Loire, où près d'un élève sur deux fréquente un collège privé, le
taux d'élèves boursiers ou issus de milieux sociaux très modestes est souvent
supérieur à celui des établissements publics.
Le troisième reproche que l'on entend fréquemment serait que, par la
subvention, on contribuerait à l'accroissement d'un patrimoine privé. Dans la
solution proposée, il n'en est rien puisqu'il s'agit de financer des travaux de
sécurité sans extension des immeubles concernés. A cet égard, nous manquons,
les uns et les autres, de logique puisque nous subventionnons sans problème les
entreprises privées ou des établissements sociaux même tenus par des
congréganistes.
Parfois, on dit que les collèges ou les organismes de gestion n'ont qu'à faire
appel aux emprunts et aux garanties d'emprunt que les collectivités peuvent
octroyer. Si c'est juridiquement exact, cela ne fait, à mon sens, que déplacer
le problème, car, si la situation économique de l'organisme gestionnaire le
contraint à demander la mise en oeuvre de la garantie, celle-ci tombe
éventuellement sous le couperet de la loi Falloux : c'est le serpent qui se
mord la queue.
C'est pour éviter des débats sans fin et sortir par le haut d'une situation
qui n'a que trop duré que je propose cet amendement.
(Applaudissements sur
les travées du RPR.)
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
La commission des lois s'est évidemment préoccupée de cet
aspect de la question. Elle ne sous-estime pas les problèmes qui peuvent
exister à cet égard, en particulier dans le département que M. Lardeux vient de
citer à l'appui de sa demande.
Mais la commission estime qu'un problème de cette ampleur et qui pose de
telles questions de principe ne peut pas être résolu à travers l'adoption d'un
amendement dans le cadre d'un texte général comme celui dont nous discutons.
Elle estime qu'il n'est pas opportun de revenir, en cet instant, sur les
principes sur lesquels sont fondées les interventions des collectivités locales
dans les établissements publics, d'une part, dans les établissements privés,
d'autre part.
De plus, la commission rappelle qu'une dérogation permet déjà aux
établissements d'enseignement général du second degré d'obtenir des communes,
des départements, des régions et de l'Etat une subvention, même si cette
dernière ne peut représenter que le dixième des dépenses annuelles de
l'établissement. J'ai été moi-même, en tant qu'ancien président d'un conseil
général, confronté à l'impossiblité de dépasser ce plafond.
Cher collègue André Lardeux, nous savons qu'un problème existe, et qu'il devra
effectivement, un jour, être à nouveau examiné au fond.
Le Sénat, au cours des dernières années, a été confronté, en particulier voilà
sept ou huit ans, à un vaste débat sur cette question. Mais aujourd'hui, le
problème ne peut pas, à mon avis, être résolu par le biais d'un tel amendement.
C'est la raison pour laquelle la commission des lois émet un avis défavorable
sur ce texte.
Elle s'est préoccupée de cette question, monsieur Vasselle, et je rends compte
ici fidèlement du débat qui a eu lieu en son sein.
Le cas échéant, le débat pourrait conduire, dans l'argumentation qui pourrait
être évoquée, à des considérations qui ne sont pas seulement de principe. Ce
n'est pas moi qui les susciterai, mais mieux vaut en être conscient.
Voilà, monsieur Lardeux, ce que, en cet instant, je suis en mesure de vous
dire.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Je rappelle que, aux termes de l'article L.
151-3 du code de l'éducation nationale, les établissements privés sont fondés
et entretenus par des particuliers ou des associations. Par dérogation,
l'article L. 151-4 autorise les communes, les départements, les régions ou
l'Etat à verser des subventions aux établissements d'enseignement général privé
du second degré sans que ces subventions puissent excéder le dixième des
dépenses annuelles de l'établissement.
L'amendement n° 328 rectifié
ter
tend à majorer très sensiblement le
montant de ces subventions en les portant à 50 % des dépenses annuelles des
établissements pour la réalisation de travaux ordonnés par une commission de
sécurité. Il n'est pas souhaitable que les défaillances éventuelles des
particuliers ou des associations en charge des obligations d'entretien régulier
et permanent des locaux d'établissements privés soient financées
majoritairement par les collectivités locales. M. le rapporteur a évoqué le
passé sur cette question qui revient régulièrement, et je pense que certains
ministres de l'éducation nationale s'en souviennent encore. J'arrête donc là
mons propos.
J'indique, pour terminer, que, compte tenu des charges que provoquerait
l'adoption de cet amendement, je me réserve la possibilité, si l'amendement
était maintenu, d'évoquer une dimension budgétaire restrictive... mais je ne le
fais pas pour l'instant, ne sachant pas encore si M. Lardeux maintient ou non
son amendement.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 328 rectifié
ter
.
M. Jean Pépin.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Pépin.
M. Jean Pépin.
Le sujet est très difficile, et je comprends tout à fait les réserves de M. le
ministre et de M. le rapporteur. Mais, puisque cet amendement nous est proposé,
certains points de repère doivent être pris en considération, ne serait-ce que
pour des réflexions ultérieures.
La mission d'éducation est quadruple : la sécurité, l'instruction, l'éducation
et l'orientation. Voilà les quatre piliers de l'éducation.
Le premier pilier, même si l'on n'y pense pas de prime abord, est la sécurité
: les établissements accueillent des enfants ou des adolescents chaque matin,
et ils doivent les rendre à leur famille, le soir, en bonne santé.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Physique et morale !
(Sourires.)
M. Jean Pépin.
La question se pose - j'ai pris le soin de le vérifier auprès de notre
collègue M. Lardeux - pour des établissements privés conventionnés par l'Etat,
ce qui n'est pas banal ; cela signifie que la nécessité de l'existence de ces
établissements, par-delà les philosophies, est reconnue. Certains sont pour,
d'autres sont contre, d'autres encore sont hésitants, mais il y a une
reconnaissance par l'Etat.
En relation avec la loi Falloux, qui date de 1850 - 152 ans ! - une
autorisation est donnée aux collectivités territoriales de financer les
investissements de ces établissements conventionnés jusqu'à hauteur de 10 % de
leur budget de l'année antérieure.
Mes chers collègues, prenons un peu de recul par rapport à des époques
difficiles comme celle de 1984, qu'évoquait sans la citer M. le ministre de
l'intérieur.
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Un peu après !
M. Jean Pépin.
Le but est de poser le problème et de susciter la réflexion en y mettant des
points de repère. Or, quel est le contexte, aujourd'hui, en matière de sécurité
? Depuis l'accident de Furiani, tout le monde - et en tout premier lieu les
commissions de sécurité - ouvre le parapluie. En effet, s'il se produit un
sinistre, la mode, aujourd'hui, veut qu'il y ait un responsable. Les
commissions de sécurité prévoient donc un maximum de conditions techniques à
remplir. C'est ce que l'on appelle les « mises aux normes ».
Les mises aux normes actuelles ne sont d'ailleurs pas les mêmes que celles
d'il y a cinq ans. Dans trois ans, elles seront différentes encore.
M. Patrick Lassourd,
rapporteur pour avis.
Oui !
M. Alain Vasselle.
Tout à fait !
M. Jean Pépin.
C'est une Arlésienne perpétuelle qui fait que les mises aux normes seront
constamment un sujet d'actualité vulnérabilisant les directeurs des
établissements et les maires des communes.
Mes chers collègues, qu'il s'agisse d'enseignement public ou d'enseignement
privé, les maires seront également responsables, conjointement avec les chefs
d'établissement,...
M. Alain Vasselle.
Tout à fait !
M. Jean Pépin.
... si des besoins de sécurité exprimés n'ont pas reçu de réponse tangible
dans un laps de temps suffisamment court.
En cas de sinistre, ce n'est pas la commission de sécurité qui sera montrée du
doigt, mais bien plutôt le chef d'établissement et, le cas échéant, le
président de l'association de gestion du collège privé et le maire.
(M.
Mercier fait un signe d'assentiment.)
C'est grave. Il serait dommage qu'on
ne sache pas évoluer dans un contexte tel que celui-ci.
Pour ce soir, j'en resterai là, mais je veux dire qu'il ne faut pas agir dans
la précipitation, dans la hâte, car les problèmes posés sont graves, et ils
méritent une analyse du xxie siècle et non pas du xixe siècle !
(Très bien !
et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du
RPR.)
M. Jean Chérioux.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux.
Je partage absolument le point de vue de nos collègues, en particulier le
propos qui vient d'être tenu. J'insisterai sur le souci général, à l'heure
actuelle, du maximum de sécurité et sur le principe de précaution, qui est
évoqué à longueur de journée.
Je ne souhaite bien entendu pas remettre en cause la loi Falloux. Néanmoins,
je vous pose la question suivante, monsieur le ministre : les associations qui
gèrent ces établissements ne disposant pas de moyens infinis,...
Mme Nicole Borvo.
Ah !
M. Jean Chérioux.
...si elles sont dans l'incapacité de faire face à leur mission avec leurs
fonds, que feront-elles ? De deux choses l'une : ou bien elles prendront le
risque de voir les chefs d'établissement mis en examen parce qu'ils n'auront
pas fait face à leurs obligations administratives, ou bien elles seront
amenées, elles aussi, à ouvrir le parapluie. Dans ce cas, elles fermeront leurs
établissements ! Que deviendront les élèves ?
Dès lors, si les principes sont beaux et doivent être respectés, le
législateur a néanmoins le droit de prendre des mesures législatives corrigeant
dans une certaine mesure une loi qui n'est plus adaptée. Il s'agit non pas de
remettre en cause la loi Falloux, mais de bien considérer les choses de façon
claire et positive ! Bien entendu, l'Etat, lui-même, n'est pas responsable des
décisions du législateur, notamment sur le plan de la législation. Vous savez
très bien qu'il n'y a pas de responsabilité du fait de la loi.
En revanche, quelle serait notre responsabilité morale, aux uns et aux autres,
si demain, par malheur, il arrivait un accident et que nous ayons refusé le
texte qui nous est proposé aujourd'hui ?
M. Alain Vasselle.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle.
Je voudrais souligner la mesure avec laquelle M. Pépin a procédé à un rappel
historique et posé le problème de fond concernant les établissements scolaires
privés.
Aujourd'hui, en France, l'équilibre entre l'enseignement public et
l'enseignement privé satisfait l'ensemble de la collectivité nationale. Il ne
faudrait donc pas qu'une absence d'intervention aboutisse à rompre cet
équilibre. D'ailleurs, les Français sont nombreux à fréquenter les
établissements privés, et pas nécessairement les enfants des familles les plus
aisées.
En écho à l'intervention de M. Pépin, je voudrais apporter deux
témoignages.
Le premier témoignage porte sur la fréquentation des établissements du second
degré.
Je suis un élu local d'une zone rurale profonde dans laquelle un établissement
scolaire du second degré reçoit des enfants jusqu'à la classe de troisième. Je
puis vous dire, monsieur le ministre, que cet établissement est fréquenté, pour
près de 75 % de ses effectifs, par des enfants de familles de milieu très
modeste et que, dans son entourage immédiat, il n'y a aucun établissement
public susceptible d'accueillir un nombre d'enfants équivalent.
Voilà peu, à la suite du passage d'une commission de sécurité, cet
établissement a dû raser la totalité des locaux qui étaient réservés à
l'accueil des enfants d'âge préscolaire. Cet espace aujourd'hui complètement
abandonné, en plein coeur de la ville, devait être reconstruit. Le projet n'a
pu être mené à bien parce que, depuis maintenant sept ans, les moyens
financiers nécessaires à la reconstruction de l'école maternelle n'ont pu être
trouvés. Les enfants de maternelle sont donc scolarisés dans des classes
préfabriquées.
N'avons-nous pas le devoir moral de nous préoccuper de telles situations et de
tenter d'y apporter une réponse, comme vient de le faire M. Lardeux en
défendant son amendement ?
Je terminerai mon intervention par un second témoignage, en faisant écho aux
propos qu'a tenus M. Pépin sur la responsabilité des chefs d'établissement et
des maires. Vous savez, mes chers collègues, quaujourd'hui, de par la loi, si
un établissement scolaire privé possède des bâtiments qui menacent la sécurité
de ceux qui le fréquentent ou de ceux qui se trouvent à sa proximité, il n'y a
pas que la responsabilité du chef d'établissement qui peut être mise en jeu ;
celle du maire peut l'être également.
Ainsi, dans la commune dans laquelle se trouve l'établissement que je viens
d'évoquer, le maire a été mis en examen pour un fait qui s'est produit non pas
au sein de ses bâtiments, mais sur un terrain de sport privé dont les
vestiaires étaient assez vétustes.
Un élève s'est blessé à proximité de cet édifice et le maire a été mis en
examen. Il a été condamné à payer une amende de 5 000 francs, somme qui peut
certes paraître symbolique, mais il s'agissait, monsieur le ministre, mes chers
collègues, je vous le rappelle, de faits survenus sur une propriété privée et
concernant un élève du secteur privé !
La démonstration est faite que la responsabilité des maires peut être
effectivement engagée. Il serait donc sage, monsieur le ministre, si des
dispositions ne peuvent être votées dans le cadre du présent texte, qu'une
initiative soit prise pour prendre en considération ces situations qui ne sont
plus supportables et pour réexaminer des textes qui n'ont pas été révisés
depuis plus de cent cinquante ans.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Je me demande si je fais bien d'intervenir.
M. Jean Chérioux.
Ce n'est pas sûr !
M. Jean-Claude Peyronnet.
En effet, je me demande si, sur le plan politique, je ne ferais pas mieux de
laisser se développer le débat et intervenir un vote qui ferait dire demain à
la presse : le 18 janvier, à zéro heure vingt, quinze sénateurs ont supprimé
les dispositions de la loi Falloux...
M. Jean Chérioux.
Ce n'est pas ce que nous proposons ! Ne déformer pas tout !
M. Jean-Claude Peyronnet.
... dont une éventuelle suppression avait provoqué de grandes manifestations.
Mais, monsieur Pépin ce n'était pas en 1984, c'était en 1993 et le ministre en
poste était M. Bayrou, et non pas M. Savary.
Vous nous dites, messieurs, que les temps ont changé, que d'autres problèmes
ont surgi. Je reconnais qu'il est assez habile d'enfoncer le coin du problème
de la sécurité. On peut en effet admettre qu'il existe ; j'en suis conscient
moi-même, bien qu'il y ait peu d'établissements privés dans mon département,
car j'ai été saisi par un certain nombre d'entre eux.
Au demeurant, vous connaissez ma position : je ne suis pas favorable à la
suppression de ces dispositions, mais, de toute façon, traiter ce problème à
cette heure tardive, par le biais d'un amendement, compte tenu de ce qui s'est
passé voilà moins de dix ans, serait je crois extrêmement dangereux, et en tout
cas tout à fait inopportun.
Voilà pourquoi, mes chers collègues, je vous demande de ne pas voter cet
amendement.
M. André Lardeux.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Lardeux.
M. André Lardeux.
Je respecte tout à fait la position de mon collègue M. Peyronnet, mais je ne
peux le laisser invoquer le prétexte de l'heure tardive sans réagir. Ce n'est
pas nous, majorité sénatoriale, qui avons demandé à siéger cette nuit ! Nous
étions prêts à siéger mardi prochain, et on aurait pu alors reprendre ce débat
à seize heures sans problème.
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Mais on va le faire !
M. André Lardeux.
En la matière, les responsabilités ne sont donc pas de notre côté.
Cela dit, le problème de sécurité se pose. Les familles dont les enfants
fréquentent ces établissements - je rappelle que les enfants passent d'un type
d'enseignement à l'autre et qu'il n'est pas question d'opposer des catégories
aux autres - vivent cette situation comme une injustice.
Dès lors, j'aimerais poser deux questions à M. le ministre.
La première est la suivante : l'Etat envisage-t-il de prendre un jour des
initiatives pour éviter que prochainement le même débat n'ait lieu à nouveau ?
Je ne souhaite pas qu'il arrive des accidents, bien évidemment, mais si un jour
cela se produisait, nous serions alors, les uns et les autres, montrés du
doigt.
Ma seconde question est plus technique : la loi nous permet de garantir les
emprunts réalisés par les établissements privés, et nous le faisons ; mais si
l'on doit mettre en jeu cette garantie et que le montant que la collectivité
doit prendre en charge est supérieur au seuil de 10 % figurant dans la loi
Falloux, que se passera-t-il ?
Je voudrais bien obtenir une réponse à ces questions.
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Je n'ai pas voulu bloquer le débat, car j'ai
senti que certains d'entre vous en auraient été frustrés.
M. Jean Chérioux.
Merci, monsieur le ministre !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Je me suis donc contenté d'évoquer, sans
l'invoquer, un article que vous connaissez bien.
Par ailleurs, les sénateurs, et les parlementaires en général, ont toute
latitude pour réexaminer cette question, dans le cadre d'un dialogue qui est
toujours possible, avec les ministres compétents. Pour ma part, je n'ai pas
l'intention de me substituer à eux ce soir.
Le débat a eu lieu, et je pense que l'assemblée est éclairée. Je souhaite
maintenant, bien évidemment, le retrait de l'amendement. Si tel n'était pas le
cas, je devrais faire appel à un dispositif que vous connaissez bien.
M. le président.
Monsieur Lardeux, l'amendement n° 328 rectifié
ter
est-il maintenu ?
M. André Lardeux.
M. le ministre m'a fourni la solution : je lui laisse le privilège d'invoquer
l'article en question !
(Sourires.)
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Puisque cet amendement, s'il était adopté,
entraînerait une aggravation de la charge publique de l'Etat, j'invoque, bien
évidemment, l'article 40 de la Constitution, d'autant que M. Lardeux m'y
invite.
M. Jean Chérioux.
Vous l'aviez vous-même évoqué !
M. le président.
Monsieur Mercier, l'article 40 de la Constitution est-il applicable ?
M. Michel Mercier,
au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Comme chacun en a conscience, cet amendement a
pour conséquence d'augmenter les charges publiques - et non celles de l'Etat,
monsieur le ministre - et, l'article 40 de la Constitution s'applique donc.
M. le président.
L'article 40 étant applicable, l'amendement n° 328 rectifié
ter
n'est
pas recevable.
Article additionnel avant l'article 43 H
M. le président.
L'amendement n° 572, présenté par M. Masson est ainsi libellé :
« Avant l'article 43 H, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est créé dans chaque région une commission d'arbitrage et d'affectation
des charges de voirie. Présidée par le préfet de région, elle est composée à
part égale de représentants de la région, des départements et des communes
nommés par arrêté préfectoral. Cette commission peut être saisie par toute
commune qui estime avoir indûment la charge d'une route à statut communal ayant
en fait un intérêt départemental ou réciproquement. L'avis rendu par la
commission sur le caractère effectivement communal ou effectivement
départemental de la route concernée est notifié au département et la commune
concernés. Faute d'accord ultérieur dans un délai d'un an entre la commune et
le département, sur le statut juridique de la route, l'une ou l'autre de ces
collectivités peut saisir le tribunal administratif. Celui-ci prononce alors
l'intégration de la voirie en cause dans le domaine public de celle des deux
collectivités qui doit équitablement en assumer l'entretien. »
L'amendement n'est pas soutenu.
M. Jean Chérioux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux.
Monsieur le président, mes chers collègues, il est minuit vingt-cinq ; nous
avons, par conséquent, siégé près de dix heures et demie, au cours desquelles
nous avons examiné 149 amendements.
Il en reste 250. Par conséquent, même en siégeant jusqu'à six heures du matin,
nous n'en arriverions pas à bout.
Dans ces conditions, il ne serait pas raisonnable de poursuivre nos travaux.
Si nous avions pu en terminer dans une heure, voire une heure et demie, bien
évidemment nous ne nous serions pas opposés à ce que nous poursuivions, mais,
en la circonstance, cela ne s'impose pas.
Je vous rappelle, monsieur le ministre, que nous en sommes à la troisième
séance de nuit consécutive, alors que les conférences des présidents
précédentes n'en avaient prévu qu'une. Si nous sommes nous-même un peu
fatigués, en particulier nos rapporteurs, qui se sont donnés tant de mal -
peut-être l'êtes-vous aussi, monsieur le ministre ? Je pense également au
personnel qui nous entoure et nous aide ; lui aussi a peut-être droit au
repos.
Par conséquent, monsieur le président, je vous prie de faire statuer le Sénat
sur ma demande d'interruption de nos travaux.
M. Alain Vasselle.
Très bien !
M. le président.
Monsieur le président de la commission des lois, quel est l'avis de la
commission sur cette demande ?
M. René Garrec,
président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
J'ai
clairement exprimé ma position ce matin : j'ai dit qu'après trois soirées
successives il me paraissait légitime de ne pas travailler vendredi, et nous
sommes vendredi !
(Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest.
Depuis vingt-cinq minutes !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Je me suis clairement exprimé ce matin. Votre
assemblée a pris des décisions. Quant à moi, je suis disponible, même si, comme
je vous l'ai déjà dit, je ne souhaite pas non plus travailler trop tard dans la
nuit, devant prendre demain matin de bonne heure un avion pour l'étranger. Je
m'en remets donc à la sagesse du Sénat.
M. Jean Chérioux.
On a l'accord du maître !
M. le président.
Mes chers collègues, je pense que le Sénat est lui aussi d'accord pour
interrompre ses travaux.
(Assentiment.)
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
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