SEANCE DU 17 JANVIER 2002
M. le président.
La parole est à M. Demuynck.
(Applaudissements sur les travées du
RPR.)
M. Christian Demuynck.
Je souhaitais m'adresser à M. le Premier ministre, et je regrette qu'il ne
soit pas présent. Je pense en effet qu'il aurait été le mieux à même de
répondre à ma question, considérant que M. le ministre de l'éducation nationale
n'a jamais été en mesure d'apporter une réponse claire ou une solution
cohérente aux problèmes de violence dans les établissements scolaires. Il ne
pourra malheureusement pas le faire aujourd'hui.
La question de l'explosion du nombre et de la gravité de ces violences est
devenue l'un des enjeux principaux de l'avenir de notre société. Jusqu'à
présent, ce problème capital n'a fait l'objet que d'incantations de la part du
ministre, de vagues déclarations d'intention ou de professions de foi, comme
s'il pouvait suffire de mentionner les difficultés pour qu'elles se résolvent
par magie ou par miracle !
M. René-Pierre Signé.
Qu'ont-ils fait, eux ?
M. Christian Demuynck.
On pourra s'étonner, à la veille d'une campagne électorale, que les chiffres
étonnament rassurants fournis par le ministère de l'éducation nationale
s'opposent à ceux de la section « ville et banlieue » de la direction générale
des renseignements généraux, qui dénonce l'augmentation de la violence durant
l'année 2001.
Face à cette dérive incontrôlée, quelle réponse ont proposée les ministères
concernés ? La rédaction d'un manifeste contre la violence destiné aux
collégiens d'Ile-de-France et d'un manuel lycéen contre la violence, que la
plupart n'ont d'ailleurs pas reçu.
(Rires sur les travées du RPR.)
M. Dominique Braye.
Les moyens, c'est ce qui nous sépare !
M. Christian Demuynck.
Peut-on réellement envisager cette initiative purement symbolique comme une
réponse adaptée et proportionnée aux très graves problèmes d'insécurité et
d'incivilité que connaît aujourd'hui l'école de la République ?
M. Gérard Larcher.
Très bien !
M. Christian Demuynck.
Dans le département de Seine-Saint-Denis, dont je suis élu, des mouvements de
grève se sont multipliés de la part d'élèves et de professeurs exaspérés par la
dégradation du climat scolaire, comme aux lycées Marcellin-Berthelot de Pantin,
Brassens de Villepinte, Paul-Le Rolland de Drancy et Victor-Hugo de
Noisy-le-Grand. Au total, près d'une dizaine d'établissements sont en grève
depuis le mois d'octobre 2001.
Nous payons aujourd'hui le prix de votre incapacité à prendre à temps des
mesures courageuses.
M. René-Pierre Signé.
Oh ! Soyez correct !
M. Christian Demuynck.
Le simple déplacement des délinquants d'un établissement à l'autre a montré
son inefficacité et ne fait que déplacer le problème sans y apporter de
réponse.
M. René-Pierre Signé.
Vous, vous n'avez rien fait ! Vous êtes des donneurs de leçons !
M. Christian Demuynck.
En réagissant mollement, vous avez laissé bafouer les valeurs d'égalité et de
liberté qui fondent notre démocratie.
Plusieurs sénateurs socialistes.
La question !
M. Christian Demuynck.
A quel type d'extrémités devrons-nous être réduits pour voir enfin adoptées de
grandes mesures pour l'école et pour la sécurité de nos enfants ?
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Luc Mélenchon,
ministre délégué à l'enseignement professionnel.
Monsieur le sénateur,
répondant à votre question, j'en laisserai de côté l'aspect personnellement
blessant, puisque vous me déclarez incapable, alors que j'en suis le copilote,
de rendre des comptes sur la politique de l'éducation nationale contre la
violence, et même l'aspect somme toute excessif de ce que vous nous
reprochez.
M. Bernard Fournier.
C'est une réalité !
M. Jean-Luc Mélenchon,
ministre délégué.
Je m'en tiendrai au sentiment général de tous les
responsables de ce pays, à l'expression de notre inquiétude, et, d'une certaine
façon, de l'angoisse de tous les adultes devant la violence scolaire, qui est
une des formes sans doute les plus choquantes du sentiment que quelque chose se
perd dans l'esprit de la nation.
M. Dominique Braye.
Que faites-vous pour y remédier ?
M. Jean-Luc Mélenchon,
ministre délégué.
Il faut avoir le courage de dire que la mise en oeuvre
des réponses - dans un instant je vous donnerai quelques indications qui feront
justice de vos allégations - est une tâche complexe et qu'elle s'inscrit dans
la durée.
Mme Nelly Olin et M. Alain Gournac.
Cinq ans !
M. Jean-Luc Mélenchon,
ministre délégué.
Vous le savez bien, les causes sont multiples.
(Exclamations sur les travées du RPR.)
Bien sûr, la vie change et les motifs qui font évoluer le comportement des
jeunes sont à relier à des causes multiples, vous le savez aussi bien que moi,
mesdames, messieurs les sénateurs.
La vérité, d'abord, nous intéresse, monsieur Demuynck, et si vous êtes un
responsable local, vous le savez comme moi, c'est la vérité qui compte et, pour
cela, il faut déjà résoudre une première difficulté : il faut que les adultes
la disent. Or, souvent, nos enseignants, par pudeur, par gêne, parce qu'ils le
ressentent comme un échec personnel, ne veulent pas en parler.
Mme Nelly Olin.
Ils ont peur !
M. Jean-Luc Mélenchon,
ministre délégué.
Parfois, ce sont les jeunes qui ne veulent pas le
faire.
Par ailleurs, d'autres mettent sur le même plan un graffiti sur un mur et un
acte de violence beaucoup plus grave.
Cette vérité, donc, nous a déjà conduit - et je demande à tous ceux qui ont le
sentiment de la responsabilité devant le pays de le comprendre - à mettre au
point un outil qui permette de savoir où nous en sommes vraiment, car cet
outil, nous ne l'avions pas !
(Nouvelles exclamations sur les travées du RPR.)
Mais je n'en reste pas là !
Tous ceux qui, ici, comme moi, ont le sentiment du concret et du technique
savent à quel point le savoir permet de faire preuve de sang-froid et de
discernement.
(Brouhaha sur les mêmes travées.)
Du discernement, il en faut, parce qu'il y a différentes formes de violence
!
(Vives exclamations sur les mêmes travées.)
Venons-en aux moyens, mesdames, messieurs les sénateurs. Nous sommes très
loin de ce que M. Demuynck a dit tout à l'heure.
(Brouhaha sur les mêmes travées.)
Dix-sept mille postes supplémentaires, vous ne pouvez pas dire que ce n'est
rien !
(Vives protestations sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. -
Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen.)
M. Dominique Braye.
Et tout cela pour rien !
M. Jean-Luc Mélenchon,
ministre délégué.
Il s'agit de 17 000 postes supplémentaires de
conseillers principaux d'éducation et de personnels d'infirmerie,
d'accompagnement social, de professeurs. Non ! On ne peut pas dire que les
moyens ont manqué !
(Mme Olin, MM. Braye et Gournac protestent
vivement.)
M. le président.
Je vous en prie, mes chers collègues !
M. Jean-Luc Mélenchon,
ministre délégué.
Dans les dix académies, les moyens ont été mis en
oeuvre par la nation, et l'éducation nationale les utilisera au mieux.
Ne désespérez pas l'éducation nationale, elle est en plein effort et elle
vaincra !
(Protestations continues sur les travées du RPR.)
M. Dominique Braye.
C'est vous qui la désespérez !
M. Jean-Luc Mélenchon,
ministre délégué.
L'éducation nationale vaincra la violence comme elle a
relevé tous les grands défis que la nation lui a demandé de relever :
l'analphabétisme et la scolarisation de masse notamment.
Nous vaincrons la violence en milieu scolaire, j'en suis sûr. Aidez-nous,
encouragez-nous !
(Vives protestations sur les mêmes travées.)
Ô comme je regrette de trouver aujourd'hui dans cette assemblée, que j'ai
connue plus précautionneuse dans ses appréciations, un tel emportement et si
peu de raison !
M. Eric Doligé.
Ça dépend des ministres, pas des sénateurs !
M. le président.
Monsieur le ministre, veuillez conclure !
M. Jean-Luc Mélenchon,
ministre délégué.
Chacun serait bien inspiré de suivre les indications de
M. Daniel Vaillant.
Nous sommes tous responsables !
(Non ! sur les travées du RPR.)
M. Dominique Braye.
Vous, vous fuyez la responsabilité !
M. Jean-Luc Mélenchon,
ministre délégué.
Il faut dire aux adultes...
M. le président.
Monsieur le ministre, je vais donner la parole à l'orateur suivant !
M. Jean-Luc Mélenchon,
ministre délégué.
... qu'ils doivent modifier leur comportement.
(Vifs
applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen.)
M. le président.
Mes chers collègues, nous ne sommes pas en séance de détente, mais en séance
télévisée de travail !
RÉOUVERTURE DU TUNNEL DU MONT-BLANC