SEANCE DU 10 JANVIER 2002
M. le président.
Je suis saisi de six amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° 629, présenté par MM. Peyronnet, Lagauche et Bel, Mme Blandin,
MM. Debarge, Domeizel et Dreyfus-Schmidt, Mme Durrieu, M. Frécon, Mme Herviaux,
MM. Le Pensec, Marc, Masseret, Mauroy, Picheral, Raoul, Sueur, Teston et les
membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
« Après l'article 15
septvicies,
insérer un article additionnel ainsi
rédigé :
« I. - Les troisième et cinquième alinéas du II de l'article L. 2121-28 du
code général des collectivités territoriales sont remplacés par les
dispositions suivantes :
« Le maire peut, dans les conditions fixées par le conseil municipal sur
proposition des groupes constitués dans les conditions prévues à l'alinéa 2 du
présent article, affecter à chacun d'entre eux une dotation de crédits de
fonctionnement destinés à la couverture des dépenses dont la liste est fixée
par délibération du conseil municipal publiée dans la forme prévue par la loi.
Le conseil municipal ouvre au budget de la commune, sur un chapitre
spécialement créé à cet effet, les crédits nécessaires à ces dépenses sans
qu'ils puissent excéder 35 % du montant total des indemnités versées chaque
année aux membres du conseil municipal. »
« II. - Les troisième et quatrième alinéas de l'article L. 3131-24 du code
général des collectivités territoriales sont remplacés par les dispositions
suivantes :
« Le président peut, dans les conditions fixées par le conseil général et sur
proposition des groupes constitués dans les conditions prévues à l'alinéa 2 du
présent article, affecter à chacun d'entre eux une dotation de crédits de
fonctionnement destinés à la couverture des dépenses dont la liste est fixée
par délibération du conseil général publiée dans la forme prévue par la loi. Le
conseil général ouvre au budget du département, sur un chapitre spécialement
créé à cet effet, les crédits nécessaires à ces dépenses sans qu'ils puissent
excéder 35 % du montant total des indemnités versées chaque année aux membres
du conseil général. »
« III. - Les troisième et quatrième alinéas de l'article L. 4132-23 du code
général des collectivités territoriales sont remplacés par les dispositions
suivantes :
« Le président du conseil régional peut, dans les conditions fixées par le
conseil régional et sur proposition des groupes constitués dans les conditions
de l'alinéa 2 du présent article, affecter à chacun d'entre eux une dotation de
crédits de fonctionnement destinés à la couverture des dépenses dont la liste
est fixée par délibération du conseil régional publiée dans la forme prévue par
la loi. Le conseil régional ouvre au budget de la région, sur un chapitre
spécialement créé à cet effet, les crédits nécessaires à ces dépenses sans
qu'ils puissent excéder 35 % du montant total des indemnités versées chaque
année aux membres du conseil régional. »
L'amendement n° 383, présenté par M. Karoutchi, est ainsi libellé :
« Après l'article 11
quater,
insérer un article additionnel ainsi
rédigé :
« I. - Dans le troisième alinéa du II de l'article L. 2121-28 du code général
des collectivités territoriales, le pourcentage "25 %" est remplacé par le
pourcentage " 30 %".
« II. - L'accroissement de charges résultant pour les communes du I est
compensé à due concurrence par une augmentation de la dotation globale de
fonctionnement.
« III. - La perte de recettes pour l'Etat résultant du II ci-dessus est
compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits
visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. » Le
sous-amendement n° 704, présenté par M. Chérioux est ainsi libellé :
« Après le I du texte proposé par l'amendement n° 383, insérer un paragraphe
ainsi rédigé :
« ... - Après le troisième alinéa du II du même article, il est inséré un
alinéa ainsi rédigé :
« A Paris, Marseille et Lyon, le pourcentage visé à l'alinéa précédent peut
être porté à 35 %. »
L'amendement n° 250 rectifié, présenté par MM. Oudin et Karoutchi, est ainsi
libellé :
« Après l'article 11
quater
, insérer un article additionnel ainsi
rédigé :
« I. - Au quatrième alinéa de l'article L. 3121-24 du code général des
collectivités territoriales, le pourcentage : "25 %" est remplacé par le
pourcentage : "30 %."
« II. - Au quatrième alinéa de l'article L. 4132-23 du code général des
collectivités territoriales, le pourcentage : "25 %" est remplacé par le
pourcentage : "30 %".
« III. - L'accroissement de charges résultant pour les départements et les
régions des I et II est compensé à due concurrence par une augmentation de la
dotation globale de fonctionnement.
« IV. - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant du III sont compensées à
due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux
articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° 385, présenté par M. Karoutchi, est ainsi libellé :
« Après l'article 11
quater
, insérer un article additionnel ainsi
rédigé :
« I. - Dans le quatrième alinéa de l'article L. 3121-24 du code général des
collectivités territoriales, le pourcentage "25 %" est remplacé par le
pourcentage : "30 %".
« II. - L'accroissement de charges résultant pour les départements du I est
compensé à due concurrence par une augmentation de la dotation globale de
fonctionnement.
« III. - La perte de recettes pour l'Etat résultant du II ci-dessus est
compensée à due concurence par la création d'une taxe additionnelle aux droits
visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° 387, présenté par M. Karoutchi, est ainsi libellé :
« Après l'article 11
quater
, insérer un article additionnel ainsi
rédigé :
« I. - Dans le quatrième alinéa de l'article L. 4132-23 du code général des
collectivités territoriales, le pourcentage : "25 %" est remplacé par le
pourcentage : "30 %".
« II. - L'accroissement de charges résultant pour les régions du I est
compensé à due concurrence par une augmentation de la dotation globale de
fonctionnement.
« III. - La perte de recettes pour l'Etat résultant du II ci-dessus est
compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits
visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° 565 rectifié, présenté par MM. Oudin, Doligé, Vasselle,
Larcher et les membres du groupe du RPR et apparentés, est ainsi libellé :
« Après l'article 11
quater
, insérer un article additionnel ainsi
rédigé :
« I. - L'article L. 3121-24 du code général des collectivités territoriales
est ainsi modifié :
« 1° Au troisième alinéa, les mots : "un local administratif" sont remplacés
par les mots : "un ou plusieurs locaux administratifs situés au siège de
l'assemblée délibérante ou dans le département" ;
« 2° A la fin du dernier alinéa, les mots : "au sein de l'organe délibérant"
sont supprimés.
« II. - L'article L. 4132-23 du code général des collectivités territoriales
est ainsi modifié :
« 1° Au troisième alinéa, les mots : "un local administratif" sont remplacés
par les mots : "un ou plusieurs locaux administratifs situés au siège de
l'assemblée délibérante ou dans la région" ;
« 2° A la fin du dernier alinéa, les mots : "au sein de l'organe délibérant"
sont supprimés. »
La parole est à M. Peyronnet, pour défendre l'amendement n° 629.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Cet amendement a sensiblement le même objet que ceux qu'a défendus M.
Karoutchi, mais il porte à 35 % au lieu de 30 % le montant des sommes allouées
aux groupes politiques.
M. le président.
L'amendement n° 383, présenté par M. Karoutchi, a déjà été défendu.
La parole est à M. Chérioux, pour défendre le sous-amendement n° 704.
M. Jean Chérioux.
Ne croyez pas, monsieur le ministre, que ce sous-amendement soit un texte de
repli par rapport à celui de M. Peyronnet.
J'ai eu l'occasion, ce matin, de vous indiquer le problème qui s'est posé au
conseil de Paris en ce qui concerne les moyens mis à la disposition non pas
seulement des groupes mais aussi des conseillers de Paris eux-mêmes, car ici
l'on parle toujours de groupes. Or, dans le cas de l'assemblée parisienne,
c'est un peu différent puisqu'il y a aussi le problème des conseillers
eux-mêmes dont, d'ailleurs, les moyens doivent être mis à leur disposition par
les groupes.
En effet, je me permets de vous rappeler que Paris, qui compte 163 conseillers
est divisé en un certain nombre d'arrondissements, ce qui est également le cas
des villes de Marseille et de Lyon, et c'est la raison pour laquelle ce
sous-amendement s'applique aux trois villes couvertes par le régime PML.
A Paris, exemple que je connais le mieux, car j'ai tout de même été trente-six
ans conseiller municipal, c'est un vrai problème, notamment du fait de la
persistance d'une vieille tradition. En effet, avant qu'il y ait un maire, il y
avait à Paris une administration préfectorale ; face au « maire-préfet », il y
avait des représentants élus pour défendre les intérêts de leurs électeurs et
qui jouaient par conséquent un grand rôle. Ceux qui ont siégé au conseil de
Paris et connaissent bien l'administration parisienne savent très bien que le
conseiller de Paris a pu, pendant des années, être considéré comme une sorte de
« petit parlementaire », par exemple par le nombre de ses interventions ou pour
le volume de son courrier !
Vous me direz qu'il y a eu un changement, et, c'est vrai il y a maintenant un
maire. L'administration parisienne n'en reste pas moins énorme et mon
expérience m'a prouvé que le conseiller de Paris était toujours un
interlocuteur essentiel pour les Parisiens qui ont besoin d'être renseignés, ou
aidés, ou pour ceux qui veulent faire connaître leurs états d'âme quant à
l'action de ladite administration !
Indiscutablement, le conseiller de Paris - et, même si c'est dans d'autres
proportions, je pense qu'il en va de même à Lyon et à Marseille - doit donc
disposer de moyens pour travailler.
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, sous la précédente mandature, les
conseillers de Paris, notamment ceux de l'opposition, qui en avaient d'autant
plus besoin, disposaient de nombreux collaborateurs.
Or, compte tenu des moyens actuellement alloués, il n'est pratiquement plus
possible de rémunérer des collaborateurs. Il y a bien entendu des moyens au
niveau des groupes, mais il est impossible de fournir un secrétariat, non pas,
bien sûr, individuellement à chaque conseiller, mais à un groupe de
conseillers.
Ainsi, la dotation allouée au groupe RPR du conseil de Paris qui compte
actuellement trente-quatre conseillers, ne lui permet que de recourir à douze
personnes.
On est donc dans une situation tout à fait extravagante : les conseillers de
Paris - toutes tendances confondues - disposent de bureaux et de moyens
informatiques mais n'ont pas le personnel nécessaire.
Je pense que cette situation n'est pas tenable et qu'il faut absolument y
remédier. C'est pourquoi, j'approuve sur le fond l'amendement de M. Karoutchi.
S'agissant des villes couvertes par la loi PLM, plus particulièrement Paris, un
effort supplémentaire me paraît nécessaire. Il est en effet inadmissible de
priver les représentants élus de la capitale et des deux autres grandes villes
des moyens de travailler pour le bien de leurs concitoyens.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Je comprends tout à fait la proposition de M. Chérioux concernant Paris qui
vise à porter les moyens des groupes à 35 % du montant total des indemnités
versées annuellement. Par souci de cohérence, je tiens à appeler l'attention
sur le fait que les problèmes posés à Paris sont les mêmes que ceux qui sont
posés en province.
M. Jean Chérioux.
Ce ne sont pas les mêmes !
M. le président.
La parole est à M. Karoutchi, pour défendre les amendements n°s 250 rectifié,
385 et 387.
M. Roger Karoutchi.
En présentant tout à l'heure l'amendement n° 247 rectifié, j'ai exposé l'objet
des amendements n°s 385 et 387. L'amendement n° 250 rectifié se justifie par
son texte même.
M. le président.
La parole est à M. Vasselle, pour défendre l'amendement n° 565 rectifié.
M. Alain Vasselle.
L'article L. 3121-24 du code général des collectivités territoriales fixe les
conditions de fonctionnement des groupes d'élus dans les conseils généraux.
Cette disposition prévoit que le fonctionnement des groupes d'élus peut faire
l'objet de délibérations sans que puissent être modifiées, à cette occasion,
les décisions relatives au régime indemnitaire des élus.
Les groupes d'élus se constituent par la remise à l'exécutif d'une
déclaration, signée de leurs membres, accompagnée de la liste de ceux-ci et de
leur représentant.
L'article L. 3121-24 du code général des collectivités territoriales ouvre la
possibilité au conseil général d'accorder aux groupes d'élus des moyens
nécessaires à l'exercice de leurs missions.
Dans les conditions qu'elle définit, l'assemblée délibérante peut affecter aux
groupes d'élus pour leur usage propre ou pour un usage commun, un local
administratif, du matériel de bureau et prendre en charge leurs frais de
documentation, de courrier et de télécommunications.
En outre, l'exécutif peut, dans les conditions fixées par l'assemblée
délibérante et sur proposition des représentants de chaque groupe, affecter aux
groupes d'élus une ou plusieurs personnes.
L'assemblée délibérante ouvre au budget, sur un chapitre spécialement créé à
cet effet, les crédits nécessaires à ces dépenses, sans qu'ils puissent excéder
25 % du montant total des indemnités versées chaque année aux élus. L'exécutif
est l'ordonnateur de ces dépenses.
La loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de
la coopération intercommunale précise que le service confié aux collaborateurs
des groupes d'élus doit s'effectuer au sein de l'organe délibérant.
En apportant cette précision, le législateur a manifesté le souci de ne viser
que les seules activités en rapport avec le fonctionnement des assemblées.
Cette situation ne semble toutefois guère satisfaisante sur le plan pratique,
dans la mesure où le canton de l'élu peut ne pas être celui où siège
l'assemblée délibérante.
Dans un souci d'efficacité et de proximité, il apparaît nécessaire de
permettre aux groupes d'élus de disposer de locaux situés en dehors du canton
siège de l'assemblée délibérante. Ainsi, les collaborateurs d'élus pourront
accomplir leur service dans un lieu autre que celui qui accueille l'organe
délibérant, mais localisé dans le canton de l'élu.
Le présent amendement est sous-tendu par une volonté forte de faciliter
l'exercice de leur mandat aux conseillers généraux et vise à renforcer
l'efficacité de l'action publique sur le terrain.
La mesure proposée devrait permettre aux conseillers généraux d'assumer la
pleine responsabilité de leurs actions et de leur avenir.
Par extension, le paragraphe II de l'amendement développe le même principe
s'agissant des conseils régionaux.
Tel est l'objet de l'amendement n° 565 rectifié, qui ne représente qu'une
modeste avancée dans la direction dans laquelle il faudrait que nous nous
engagions. Comme j'ai déjà eu l'occasion de le souligner lors de la discussion
générale, il est du devoir du législateur de prendre des mesures permettant aux
élus des assemblées communales, s'agissant notamment des villes les plus
importantes, et surtout des assemblées départementales et régionales de pouvoir
travailler dans des conditions satisfaisantes.
A cet égard, je suis de ceux qui pensent que nous pourrions, toutes
proportions gardées bien entendu, mettre à la disposition des élus des
assemblées départementales et des assemblées régionales les mêmes moyens que
ceux qui sont affectés aux parlementaires. Il est quand même indigne de notre
époque qu'un conseiller général de base ou,
a fortiori,
un
vice-président de conseil général ne puisse disposer de collaborateurs, d'un
local, de moyens administratifs, techniques et logistiques lui permettant
d'assumer sa fonction. Un président de conseil général est mieux loti, bien
entendu, mais tel n'est pas le cas de tous les vice-présidents, qui se voient
allouer leurs moyens de travail par l'intermédiaire des groupes. Or les
dotations sont fixées au
prorata
du montant des indemnités et sont, à
mon avis, très nettement insuffisantes pour satisfaire l'ensemble des
besoins.
A cet instant, je voudrais rappeler l'expérience vécue par le conseil général
de l'Oise à une époque où la loi était moins précise qu'aujourd'hui. Celui-ci
avait décidé de faire bénéficier chaque conseiller général des services d'une
secrétaire à tiers temps, les vice-présidents disposant d'une secrétaire à
mi-temps. Or, à la suite d'observations de la chambre régionale des comptes,
nous avons dû revenir sur ces décisions, parce que la loi ne nous permettait
pas de les prendre.
Il faut mettre un terme à cette hypocrisie ! Nous devons donner réellement aux
élus départementaux et régionaux la possibilité de travailler dans des
conditions satisfaisantes et tirer les enseignements des lois de
décentralisation, en tenant compte du principe de libre administration des
collectivités territoriales. Nous devrions même aller plus loin, et laisser à
chaque assemblée délibérante le soin de déterminer quels moyens elle souhaite
mettre à la disposition de ses membres. C'est au peuple souverain qu'il revient
éventuellement de sanctionner l'assemblée départementale, régionale ou
municipale qui abuserait des moyens mis à sa disposition grâce aux deniers
publics et aux impôts. La véritable démocratie, c'est laisser le citoyen juge,
et non pas définir par voie réglementaire les conditions dans lesquelles les
assemblées doivent travailler.
Je crois, monsieur le ministre, que le Gouvernement et le législateur seraient
bien inspirés de prendre des mesures qui permettent d'aller dans cette
direction. J'ai pourtant noté que le texte ne comporte aucune avancée en ce
sens. Certes, MM. Oudin et Karoutchi font des propositions qui constituent un
début de réponse, mais, pour ma part, je les juge encore insuffisantes. J'ai
moi-même déposé un amendement portant sur cette question, qui viendra plus tard
en discussion, mais je tenais à poser le problème dès à présent. J'espère qu'il
sera répondu aux attentes de l'ensemble des élus.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Je voudrais, en guise d'introduction, rappeler quelle ligne
de conduite la commission des lois s'est imposée pour l'examen des moyens
supplémentaires à accorder aux groupes d'élus des assemblées délibérantes.
A cet égard, nous devons bien sûr veiller à ce que les groupes des assemblées
puissent disposer des moyens nécessaires à leur fonctionnement normal, mais
nous devons aussi nous assurer que l'accroissement de ces moyens soit bien
compris et admis par l'opinion publique et par les contribuables, en une
période où il faut éviter que le fossé entre les élus et la population ne se
creuse davantage.
Souhaitant donner aux assemblées les moyens de travailler dans de meilleures
conditions, la commission des lois a estimé qu'il n'était pas anormal de faire
passer de 25 % à 30 % du montant total des indemnités versées chaque année aux
élus l'enveloppe des crédits pouvant être attribués aux groupes d'élus. C'était
ce que suggérait notamment M. Karoutchi. M. Peyronnet proposait, quant à lui,
de porter ce taux à 35 %, mais, dans un geste qu'il faut saluer, il est revenu
tout à l'heure à 30 %, dans un premier temps du moins !
Sur ce, est intervenu notre collègue Jean Chérioux, qui a souligné que Paris
ne devait pas être oublié, que Paris jouit d'un statut spécial, que Paris
forme, avec Lyon et Marseille, le groupe « PML ». Je voudrais simplement lui
dire que la commission, au terme d'un débat approfondi, a retenu le taux de 30
% et n'a pas eu la possibilité, compte tenu de l'heure tardive du dépôt du
sous-amendement n° 704, d'examiner sa proposition de le porter à 35 %.
Dans ces conditions, trois solutions s'offrent à nous.
La première serait de considérer que, compte tenu de leur spécificité de
grandes villes de France, les trois villes visées par la loi « PML » doivent
bénéficier du taux de 35 %. Toutefois, j'aimerais connaître l'avis sur ce point
des maires de Marseille et de Lyon, qui ne ressortait pas des propos que
ceux-ci ont tenus lors de leur audition par la commission des lois à
l'occasion, précisément, de la préparation de l'examen de ce texte.
La deuxième solution serait de juger que Paris, même au sein du groupe « PML
», représente un cas particulier et doit seul bénéficier du taux de 35 %,
contre 30 % pour Marseille et Lyon. Ce serait, sur le plan psychologique, et
même au-delà de ce seul aspect, difficilement justifiable et défendable.
La troisième et dernière solution - en l'état actuel des choses, je ne suis
pas en mesure d'en proposer une autre, parce qu'elle résulte des délibérations
de la commission des lois, dont je me dois d'être le porte-parole fidèle -
serait de faire passer le taux de façon uniforme à 30 % dans un premier temps.
Par la suite, en fonction des éléments qui viendraient compléter notre
information, nous pourrions envisager des solutions adaptées à telle ou telle
spécificité. Je ne nie pas que le rôle de Paris soit différent de celui des
autres villes de France ; je ne nie pas que si un statut spécifique a été
élaboré pour Paris, Marseille et Lyon, c'est que la structuration de ces trois
villes, notamment en arrondissements, exprime une particularité. Cependant, si
l'on veut rester dans le cadre de la raison, on ne peut demander aujourd'hui au
rapporteur de la commission des lois de ne pas rester fidèle à la position
réfléchie qui est issue de nos débats et de soutenir une autre solution que
celle qu'il vient d'exposer.
Certes, je comprends les préoccupations de notre collègue Jean Chérioux et la
position qu'il défend avec flamme, comme d'habitude, mais il faut que, en
contrepartie, il prenne aujourd'hui en compte le point de vue exprimé par la
commission des lois. Pensons surtout à ceux qui, à l'extérieur de cet
hémicycle, doivent pouvoir comprendre nos débats : nous devons plus que jamais
être vigilants à cet égard.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
L'amendement n° 629 a l'avantage de la
simplicité et de la clarté. Les dispositions en vigueur du code général des
collectivités territoriales permettent aux groupes politiques constitués dans
les conseils municipaux des communes de plus de 100 000 habitants, dans les
conseils généraux et dans les conseils régionaux de bénéficier de moyens
matériels dont le coût n'est pas plafonné. La loi précise qu'il s'agit de la
mise à disposition de locaux et de matériels de bureau, ainsi que de la prise
en charge des frais de documentation, de courrier et de télécommunications.
L'amendement de M. Peyronnet vise à donner compétence à l'assemblée délibérante
pour déterminer quelles dépenses sont prises en charge par le budget de la
collectivité.
Par ailleurs, si l'amendement prévoit de plafonner l'ensemble des dépenses de
fonctionnement, sans opérer de distinction entre les dépenses en personnel
affecté auprès des groupes d'élus et les autres dépenses, son adoption
conduirait à relever le plafond de ces dépenses de personnel de 25 % à 35 % du
montant total des indemnités versées chaque année aux membres de l'assemblée
concernée, dès lors que les autres dépenses de fonctionnement demeurent
faibles.
Je comprends bien le sens des diverses propositions qui ont été formulées et
qui émanent d'ailleurs de toutes les travées. Des problèmes se posent dans une
démocratie vivante où la politique, au sens noble du terme, doit pouvoir être
pratiquée dans les assemblées, au travers des groupes politiques. A ce stade de
la discussion, j'estime que l'amendement de M. Peyronnet présente l'avantage
d'être simple et clair et de fixer - je me tourne, à cet instant, vers M.
Chérioux - un taux unique pour les différentes collectivités. J'y suis donc
favorable. Cela étant, si le Sénat souhaitait reprendre l'une des propositions
de la commission des lois tendant à réserver le même traitement à toutes les
collectivités, mais avec un taux inférieur, j'y serais également favorable.
Quoi qu'il en soit, il ne s'agit pas ici de dépenses superflues. Il y va au
contraire du bon fonctionnement de la démocratie, comme l'ont fortement exprimé
plusieurs présidents de conseil régional. M. Chérioux ne s'opposera donc sans
doute pas à ce que l'on institue, dans un souci de cohérence et comme le
souhaite M. Peyronnet, un taux unique de 35 %.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 565 rectifié ?
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
La position de la commission découle de mon introduction aux
propos que j'ai tenus tout à l'heure en ce qui concerne les moyens des groupes
politiques. Nous devons éviter, sur ce plan, de laisser planer un doute sur le
fait que les moyens financiers qui sont consacrés par les collectivités
territoriales seraient, en réalité, destinés à financer les partis politiques.
Nous devons être extrêmement attentifs sur ce point et veiller au respect de la
ligne de conduite qui a guidé la commission lors de ses travaux. M. Vasselle,
qui est un homme de terrain, comprendra, j'en suis sûr, que le rapporteur ne
puisse pas en cet instant exprimer un avis différent. Peut-être même, après un
plaidoyer convaincant - je n'en disconviens pas - voudra-t-il, pour faciliter
la tâche de la commission, accepter, son message ayant été lancé, de faire le
geste qu'elle peut attendre de sa part.
(Sourires sur les travées du
RPR.)
M. René Garrec,
président de la commission des lois.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. René Garrec,
président de la commission des lois.
Monsieur le président, je demande la
priorité pour l'amendement n° 383.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
J'aurais préféré que l'amendement n° 383 soit
retiré au profit de l'amendement n° 629. Comme je l'ai dit tout à l'heure, je
souhaite qu'il n'y ait pas de différence. Aussi, dès lors que vous vous
mettriez d'accord, si vous adoptiez l'amendement n° 383, sous réserve d'en
réexaminer éventuellement la rédaction, cela ne poserait pas de problème au
Gouvernement. Dans ces conditions, je ne m'oppose donc pas à cette demande de
priorité.
M. le président.
La priorité est ordonnée.
En conséquence, je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 704.
M. Jean Chérioux.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux.
Si j'avais pu m'exprimer sur l'amendement de M. Peyronnet, cela m'aurait
permis de parler deux fois
(Sourires.)
Puisque je ne le peux pas, je me
contenterai de parler sur mon sous-amendement.
J'ai été mal compris, notamment par notre excellent rapporteur. Il a tout à
fait raison et c'est pourquoi, si j'avais pu m'exprimer sur l'amendement n°
629, j'aurais dit à M. Peyronnet que, bien qu'il s'agisse de la solution de
facilité pour résoudre le problème de Paris, je ne peux pas le suivre.
Je ne veux pas toujours faire ressortir la fameuse spécificité parisienne.
Alors que la commission a procédé à l'audition des maires de Paris, Lyon et
Marseille, je suis surpris que ceux-ci n'aient pas posé le problème, qui est
grave tout au moins s'agissant de Paris. Il est vrai que ce n'est pas le
problème de la municipalité parisienne. Il s'agit, au-delà du fonctionnnement
même des groupes, du problème des possibilités de travail des conseillers de
Paris eux-mêmes.
Finalement, si notre assemblée voulait bien accepter le sous-amendement que
j'ai déposé, je voudrais qu'il soit bien entendu - cela résulte des travaux
parlementaires - que le montant différentiel accordé aux trois villes
concernées par la loi PML soit affecté non pas au fonctionnement des groupes -
il doit bien entendu transiter par les groupes - mais au secrétariat des
conseillers de Paris.
Depuis des lustres, les conseillers de Paris avaient des secrétariats.
Aujourd'hui, la situation est différente. Monsieur le rapporteur, les
conseillers de Paris sont pratiquement privés de secrétariat. Ils ne peuvent
pas travailler !
(Exclamations sur les travées socialistes et sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Marcel Debarge.
Allons !
M. Jean Chérioux.
Citez-moi le nombre de secrétaires affectées aux différents conseillers de
Paris. Les groupes disposent de l'essentiel des effectifs, car on ne leur en
attribue pas assez. C'est facile quand on est dans la majorité car on dispose
des moyens de l'administration ainsi que des moyens du maire et de ses
adjoints.
Monsieur le rapporteur, ne pas retenir mon sous-amendement, c'est prendre une
très grave responsabilité. Bien entendu, la municipalité parisienne appliquera
la loi mais, ce faisant, vous ne permettrez pas - je pèse mes mots - aux
conseillers de Paris de répondre à l'attente des Parisiens.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Je souhaite défendre, sinon mon amendement, en tout cas le montant uniforme.
En effet, telle est la question.
M. Jean Chérioux.
C'est l'erreur !
M. Marcel Debarge.
Pourquoi ?
M. Jean-Claude Peyronnet.
Monsieur Chérioux, je ne vous ai pas interrompu, quelles que soient votre
véhémence et les bêtises que vous dites...
M. Jean Chérioux.
Monsieur le président, que M. Peyronnet retire ce terme !
M. Jean-Claude Peyronnet.
Je le retire !
M. le président.
M. Peyronnet a retiré ce terme, monsieur Chérioux.
M. Jean-Claude Peyronnet.
C'est d'ailleurs sans importance !
Paris n'est pas hors de la France. Le fonctionnement de Paris n'est pas
fondamentalement différent du fonctionnement...
M. Jean Chérioux.
Si !
M. Jean-Claude Peyronnet.
Monsieur le président, si vous pouvez faire taire M. Chérioux, cela
m'arrangerait !
M. Chérioux, s'il passe le périphérique quelquefois, connaît la situation dans
les régions. Il sait sans doute que les régions ont connu quelques problèmes
pour composer leur exécutif et leur majorité. Certaines régions comptent un
nombre pléthorique de groupes car, quelles que soient les tendances politiques,
il a fallu donner satisfaction à tel ou tel. De toute façon, la proportionnelle
a entraîné une très grande diversité au sein des élus. Dans certaines régions,
on dénombre huit, neuf ou dix groupes, voire davantage. Chacun d'eux doit
disposer d'un minimum de moyens pour fonctionner. De ce point de vue, la
situation de Paris ne me semble pas fondamentalement différente de celle que
connaissent les régions Provence-Alpes-Côte d'Azur, Midi-Pyrénées ou Centre.
Les moyens sont nécessaires et ils doivent être augmentés. Qu'ils soient fixés
à 30 % ou à 35 %, je n'en fais pas une affaire. Mais, à mes yeux, il serait
scandaleux qu'un sort particulier soit réservé à Paris et aux autres villes
relevant de la loi PML.
M. Alain Vasselle.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle.
M. le rapporteur et M. Chérioux ont tous deux raison. M. le rapporteur a
raison dans sa volonté d'harmonisation ; M. Chérioux a raison dans son souci de
doter les conseillers municipaux de Paris des moyens nécessaires pour
fonctionner, notamment des moyens en secrétariat. Je suis surpris que cette
proposition ne rencontre pas un plus grand écho de la part des sénateurs dont
certains sont aussi président de conseil général ou ont l'expérience du
fonctionnement des assemblées départementales, régionales ou municipales. Il ne
faut pas être hypocrite. Il faut faire preuve d'un peu de courage politique. Si
nous ne nous installons pas tous autour d'une table, nous ne parviendrons pas à
trouver une solution consensuelle. Il n'est pas sérieux de nous opposer, en
nous jetant à la figure des arguments, à travers les moyens matériels et
financiers qui vont être mis à la disposition des groupes et des élus qui les
composent pour assumer leur mandat.
Je comprends le souci de M. Hoeffel. Nous ne pourrons réussir dans notre
démarche que si, ensemble, nous présentons à l'opinion publique les moyens
qu'il convient de mettre à la disposition des groupes et des élus pour que
cette démocratie fonctionne et si nous tirons enfin les enseignements des lois
de décentralisation.
Vous admettrez, les uns et les autres, notamment vous qui avez porté ces lois
de décentralisation...
M. Claude Estier.
Vous le reconnaissez tout de même !
M. Alain Vasselle.
Ce matin, M. Mauroy a dit que la majorité sénatoriale avait été très critique
à l'égard des lois de décentralisation. Monsieur Mauroy, permettez-moi un petit
aparté sur ce point. Vous qui avez été Premier ministre, vous savez bien que M.
Christian Bonnet, lorsqu'il était ministre de l'intérieur, travaillait avec les
fonctionnaires du ministère sur les lois de décentralisation.
M. Jean Chérioux.
Exactement !
M. Alain Vasselle.
Lorsque Gaston Defferre a été nommé ministre de l'intérieur, il a simplement
sorti des cartons ce que les gouvernements précédents avaient préparé.
(Applaudissements sur les travées du RPR et protestations sur les travées
socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Marcel Debarge.
Oh !
M. Robert Bret.
C'est pour cela que vous avez voté contre !
M. Alain Vasselle.
Aussi, ne venez pas nous raconter d'histoires ! C'est la réalité !
(Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
M. Charles Revet.
En fait, c'est nous qui sommes les responsables de la décentralisation !
M. Roger Karoutchi.
Vous nous avez plagiés !
M. Alain Vasselle.
Telle est en effet la réalité et je le sais d'autant mieux, monsieur Mauroy,
qu'un trésorier-payeur général en poste dans l'Oise m'a rapporté qu'il avait
travaillé sur les lois de décentralisation sous l'autorité de M. Christian
Bonnet.
M. Marcel Debarge.
On peut toujours le dire !
M. Alain Vasselle.
Il est donc un peu facile de vouloir en retirer la paternité. Certes, c'est
vous qui avez fait voter ces lois, mais elles avaient été préparées par des
gouvernements précédents, qui ne l'avaient pas médiatisé.
(Protestations sur
les travées socialistes.)
M. Marcel Debarge.
Pourquoi ne l'avez-vous pas fait ?
M. Charles Revet.
Parce que l'on ne peut pas tout faire en même temps !
M. le président.
M. Vasselle a seul la parole pour explication de vote sur le sous-amendement
n° 704. Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Alain Vasselle.
Merci, monsieur le président.
Les lois de décentralisation ont été votées. Les conditions de travail des
élus départementaux, régionaux et municipaux ont complètement changé.
D'ailleurs, M. Peyronnet développe ce point dans l'exposé des motifs de
l'amendement qu'il présente. Pour ma part, je pense que nous pouvons trouver un
accord, qui est un accord minimal consistant à pouvoir doter l'ensemble des
groupes d'une dotation de 35 %. Sur ce point, on peut également obtenir
l'accord du Gouvernement. En effet, si j'ai bien compris, M. le ministre est
prêt à nous suivre jusqu'à ce niveau.
Mais il faut aller au-delà et répondre à l'attente de M. Chérioux. Les besoins
des conseillers de Paris sont des besoins qui existent également dans les
conseils généraux et dans les conseils régionaux. Aujourd'hui, le problème est
le suivant : nous ne faisons pas dans la nuance. En effet, les moyens qui sont
mis à la disposition des élus pour l'exercice personnel de leur mandat ne le
sont qu'à travers les dotations des groupes.
M. Jean Chérioux.
Exactement !
M. Alain Vasselle.
Or, en ce qui concerne le Parlement, les députés et les sénateurs ont des
moyens qui sont sans comparaison. Il est vrai que les charges que nous devons
assumer et nos conditions de travail ne sont pas comparables à celles des élus
départementaux ou régionaux.
Mme Nicole Borvo.
Vous avez dit que ce n'était pas la même chose !
M. Alain Vasselle.
Je demande non pas que l'on fasse la copie conforme, mais qu'au moins des
mesures soient prises dans cette direction. En effet, ce serait faire preuve de
responsabilité et cela permettrait à notre démocratie de fonctionner dans des
conditions satisfaisantes. Je suis persuadé que nos concitoyens sont prêts à
l'approuver. Encore faut-il que nous le leur proposions ensemble. Ce n'est
qu'ainsi que nous réussirons. Encore faut-il que nous ayons le courage et la
volonté de le faire et que nous ne nous cachions pas derrière notre petit
doigt.
Notre démocratie a un coût, qui, pour le moment, ne passe qu'à travers les
groupes politiques, à moins que nous puissions trouver une autre solution. Pour
l'heure, on peut adopter cette dotation de 35 % et poursuivre la réflexion afin
que, demain, des moyens supplémentaires puissent être octroyés à chaque élu
pour exercer son mandat.
M. Roger Karoutchi.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Karoutchi.
M. Roger Karoutchi.
Il y a tout ce dont on peut rêver et ce qui est réalisable. Au conseil
régional d'Ile-de-France, je préside un groupe qui compte cinquante membres.
C'est le premier groupe dans l'assemblée délibérante la plus nombreuse de
France, à savoir 209 membres. Le rêve serait, et mon collègue M. Vasselle a
parfaitement raison, que chacun des conseillers régionaux dispose des moyens
d'un miniparlementaire.
A ce jour, mon groupe de cinquante membres dispose de trois secrétaires, de
sept ou huit collaborateurs et de six ou sept bureaux, ce qui signifie qu'aucun
conseiller régional n'a son bureau, et cela vaut également pour les membres des
autres groupes.
Je comprends très bien la réaction consistant à dire que la démocratie doit
s'exprimer et que, après les lois de décentralisation, il faut encore aller de
l'avant. Cela voudrait dire que, pour une instance comme la mienne,
c'est-à-dire le conseil régional d'Ile-de-France - et la situation serait
identique dans les autres conseils régionaux -, l'augmentation réelle des frais
de fonctionnement des élus individuels et groupes politiques serait
probablement, sans aller jusqu'aux moyens des parlementaires, d'au moins 100 %,
voire 150 % des indemnités des élus, sous peine de n'avoir pas de
collaborateur, pas de secrétariat et sûrement pas de bureau !
Je pense, monsieur le ministre, qu'il y a une nuance entre Paris, Marseille,
Lyon, d'une part, et les autres collectivités, d'autre part. Je considère donc
que mon collègue Jean Chérioux a raison, dans son sous-amendement n° 704, de
faire un sort particulier à Paris, Marseille et Lyon.
S'agissant de la règle des 30 %, très franchement, je ne demanderais pas
mieux, personnellement, que de présenter un amendement tendant à porter le
plafond des crédits à 50 %, voire à 60 % ! En effet, président du groupe le
plus nombreux de l'opposition, ce serait mon avantage immédiat et visible !
Mais je suis aussi de ceux qui s'opposent fermement, lors des débats au sein
de l'assemblée régionale, à l'accroissement constant des frais de
fonctionnement, et je souhaite que, dans mon instance, l'équilibre entre
investissements et frais de fonctionnement reste à l'avantage de
l'investissement.
Par conséquent, autant je comprends tout ce qui pousse à dépenser davantage, à
faire en sorte que les élus se voient attribuer plus de moyens, autant je
considère qu'il faut distinguer entre la progression possible et ce qui est
réalisable immédiatement.
Le mieux serait, en fait, que les dispositions puissent varier en fonction de
l'importance de la collectivité ; en effet, les problèmes, ainsi que le nombre
d'élus, ne sont pas les mêmes dans une région de 12 millions d'habitants et
dans une collectivité beaucoup plus réduite, ne serait-ce que si l'on
envisageait, comme le souhaite M. Vasselle, un bureau par élu : s'il fallait
209 bureaux rien que pour en octroyer un à tous les élus d'Ile-de-France, il
faudrait racheter des immeubles dans Paris !
Dans l'immédiat, ma proposition consiste donc à faire un geste en portant,
pour l'ensemble des collectivités françaises, le plafond des crédits mis à la
disposition des groupes d'élus à 30 % du montant total des indemnités versées
chaque année aux membres du conseil municipal, exception faite pour Paris,
Marseille et Lyon, qui posent un problème particulier entre les arrondissements
et l'ensemble de la collectivité et où - je rejoins M. Chérioux - le taux
serait de 35 %. Ce serait ainsi un premier geste, un premier pas vers une
grande loi de décentralisation
(Protestations sur les travées
socialistes)
qui redéfinira les compétences de chacune des collectivités et
qui, à partir de là, redonnera les moyens réels à chacun des groupes parce que
les responsabilités seront alors clairement définies.
Nous savons bien que ce texte vise à faire avancer la démocratie de proximité,
et non pas à réorganiser les collectivités locales. Par conséquent, à
l'occasion de la discussion de ce projet de loi, avançons vers un meilleur
fonctionnement des groupes, mais n'allons pas au-delà, sous peine de nous
retrouver avec des dispositions irréalisables ! Je pourrais en effet, mes chers
collègues, vous demander de porter le taux à 50 %, car les besoins - nous en
sommes tous conscient - existent. Mais ce ne serait pas réaliste !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Après les interventions de M. Vasselle et
d'autres sénateurs, je veux dire à quel point la discussion que nous avons
maintenant justifie le débat que nous avons déjà eu sur les droits de
l'opposition et ceux des minorités dans les assemblées élues, et que je
regrette que vous ayez tranché comme vous avez souhaité le faire.
M. Robert Bret.
Eh oui ! C'est contradictoire !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
J'ai entendu tout à l'heure que la politique
serait trop présente dans les assemblées et que l'on favoriserait vraiment
l'émergence d'oppositions dans les assemblées, notamment municipales.
M. Robert Bret.
C'est à géométrie variable !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Je constate que chacun a bien compris, à travers
ce débat, que tout le monde, dans une démocratie vivante, souhaite que
l'opposition soit normalement traitée dans les différentes assemblées.
M. Jean-Pierre Schosteck.
Ce ne sont pas les mêmes assemblées !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Je constate d'ailleurs que l'argumentation de
mon ancien collègue M. Chérioux va aussi dans le sens de cette vie démocratique
et de la défense des drois de l'opposition à Paris.
M. Jean-Pierre Schosteck.
Cela n'a rien à voir !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Il est vrai que les temps changent, et les
intentions également !
(Sourires sur les travées socialistes.)
M. Jean-Claude Peyronnet.
Ah !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Monsieur Vasselle, nous n'allons pas nous lancer
dans un débat historique. Nous aurons d'ailleurs bientôt l'occasion, sur
l'initiative du Gouvernement, et notamment du ministère de l'intérieur, de
débattre des lois de décentralisation de 1982 défendues par le gouvernement de
Pierre Mauroy, et notamment par son ministre de l'intérieur, Gaston Defferre,
puisque nous allons bientôt fêter leur vingtième anniversaire.
Monsieur Vasselle, vous avez essayé d'accréditer l'idée selon laquelle toutes
ces lois avaient été préparées par M. Bonnet et les gouvernements précédents.
Ce que vous dites est tellement vrai que tous vos amis ont voté contre !
M. Claude Estier.
Très bien !
M. Robert Bret.
C'est incohérent !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Cela montre à quel point il faut se méfier de ce
que l'on dit !
M. Alain Vasselle.
Je ne retire rien à ce que j'ai dit !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
S'agissant du débat qui nous anime, je pense
avoir été clair. Le Gouvernement estime qu'il y a un problème. Des élus de
Paris se sont exprimés à ce sujet ; nous n'avons pas entendu d'élus de Lyon ni
de Marseille. J'ai fait état de demandes émanant de présidents de conseils
généraux ou régionaux en vue de faire bénéficier les groupes politiques de plus
de moyens - l'amendement de M. Peyronnet va d'ailleurs dans ce sens. J'ai dit
que je souhaitais un traitement égal pour tous - 30 % ou 35 % - afin d'éviter
les interprétations qui poseraient difficulté. Ayant entendu l'intervention de
M. Chérioux, je pensais que l'amendement de M. Peyronnet permettait, mieux que
celui de M. Karoutchi, de régler les problèmes tels qu'il le souhaitait. A
partir du moment où M. Chérioux préfère l'amendement de M. Karoutchi, mais
souhaite un distinguo qui n'est manifestement pas désiré par ailleurs, le
Gouvernement vous invite, mesdames, messieurs les sénateurs, à opérer un choix
entre le taux de 35 % - c'est l'amendement de M. Peyronnet - et le taux de 30 %
- c'est l'amendement de M. Karoutchi -, mais à appliquer le même taux à tout le
monde. C'est, à mon avis, de nature à satisfaire la démocratie vivante dans les
assemblées, à travers la vie des groupes. Je m'en remets donc à la sagesse de
la Haute Assemblée s'agissant du choix entre ces deux taux.
M. Alain Vasselle.
Que l'on prenne 35 %, et le problème sera réglé !
M. le président.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 704, repoussé par la commission et par
le Gouvernement.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 383, accepté par la commission et pour lequel
le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je constate que cet amendement a été adopté à l'unanimité.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 11
quater,
et l'amendement n° 629 n'a plus
d'objet.
Je mets aux voix l'amendement n° 250 rectifié, accepté par la commission et
pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 11
quater
, et les amendements n°s 385 et 387
n'ont plus d'objet.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 565 rectifié ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Dans sa rédaction actuelle, le code général des
collectivités territoriales permet au conseil général et au conseil régional
d'affecter aux groupes d'élus pour leur usage propre ou pour un usage commun un
local administratif.
Il ressort de ce texte qu'un local peut être affecté en fonction des
possibilités matérielles soit à l'ensemble des groupes qui devront l'occuper en
commun, soit à chacun des groupes qui bénéficiera d'un local en propre.
L'amendement n'apporte rien de nouveau au droit en vigueur sur ce point. Par
ailleurs, la suppression de la mention précisant que le travail confié aux
collaborateurs des groupes élus s'accomplit « au sein de l'organe délibérant »
aboutirait à mettre à la charge du département ou de la région des personnels
qui pourraient se consacrer à toute autre chose qu'aux affaires départementales
ou régionales.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 565 rectifié.
M. Jean-Pierre Schosteck.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Schosteck.
M. Jean-Pierre Schosteck.
Je ne méconnais pas les arguments qui ont été avancés tant au sein de la
commission que par M. le ministre, mais je me permets néanmoins d'insister sur
un aspect pratique : car, dans un certain nombre d'assemblées ne se situant pas
dans la région parisienne, un conseiller ou un groupe peut avoir besoin, compte
tenu des distances souvent importantes, de collaborateurs travaillant à une
centaine de kilomètres, voire plus.
On nous dit certes que le problème est réglé et que nous n'avons pas à nous
inquiéter. Mais, précisément, nous nous inquiétons, car il se trouve de temps
en temps des gens un peu plus sourcilleux dans les organes de contrôle qui
viennent justement dire qu'on ne peut avoir un collaborateur à une centaine de
kilomètres, et qu'il y a par conséquent suspicion de détournement ou d'emploi
fictif.
Cet amendement permettrait donc de lever cette ambiguïté et de donner une
sécurité plus grande au travail des collaborateurs, notamment.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Je ne suivrai pas l'argumentation de M. Schosteck, même si je ne lui fais pas
du tout un procès d'intention : je ne pense pas, en effet, qu'il y ait de
mauvaise intention de sa part, même s'il y a quand même le risque d'une
interprétation qui soit très discutable et discutée non seulement par les
chambres régionales des comptes mais aussi par nos concitoyens.
Il est vrai que, si l'on répartit dans l'ensemble d'une région des locaux pour
des collaborateurs, il est très difficile de savoir si ceux-ci s'adonnent
vraiment à un travail de collaborateur ou à un travail politique. Or les partis
politiques ont leur financement réglementé, et je crois qu'il ne faut pas
ouvrir la voie à des dérives ou, en tout cas, à des interprétations qui
pourraient aller dans ce sens.
M. Alain Vasselle.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle.
Je ne serais pas intervenu si M. le ministre n'avait prononcé une dernière
phrase, qui vient d'ailleurs d'être relayée par M. Peyronnet, consistant
pratiquement à faire un procès d'intention aux élus quant aux locaux qui
seraient disséminés sur le territoire et qui seraient utilisés à d'autres fins
que le travail au profit des élus départementaux, régionaux ou municipaux.
Je suis d'autant plus étonné de cette affirmation, monsieur le ministre, que,
comme M. Peyronnet je crois, je suis président d'un centre de gestion de la
fonction publique territoriale ; or, le conseil général se voit tenu de mettre
à la disposition des délégués syndicaux, au sein des centres de gestion, des
moyens matériels, des locaux, etc. pour exercer leur mandat. Et la possibilité
est laissée au conseil général d'octroyer à ces délégués syndicaux des locaux
qui ne sont pas situés au siège du centre de gestion. J'ai moi-même reçu des
demandes en ce sens de la part des délégués de la CGT et de la CFDT de mon
département !
On comprend assez difficilement que les délégués syndicaux, qui n'ont pas reçu
l'onction du suffrage universel pour l'exercice de leurs fonctions - certes
tout à fait légitimes -, disposent de possibilités plus grandes que les élus
départementaux et régionaux.
Si la rédaction est ambiguë au point de laisser place à des observations de la
part de la chambre régionale des comptes, il nous appartient peut-être, non pas
au cours de la navette, puisque l'urgence est déclarée, mais en commission
mixte paritaire, de l'affiner encore pour éviter des effets pervers, mais,
d'ores et déjà, l'amendement n° 565 rectifié
bis
me semble aller dans le
sens qui est souhaité et attendu par les élus.
J'ai entendu dans mon propre département des élus communistes et des élus
socialistes demander à cor et à cri au président du conseil général qu'on leur
donne des moyens de fonctionnement au-delà de ceux dont ils disposent dans le
cadre des groupes. Nous leur avons dit de s'adresser à leurs responsables
politiques sur le plan national pour faire avancer les choses.
En tout cas, force est de constater qu'il y a un décalage complet entre ce que
nous entendons ici de la bouche des parlementaires de gauche et ce que
j'entends des conseillers généraux socialistes et communistes dans mon propre
département. Pour preuve, je vous renvoie, mes chers collègues, aux
procès-verbaux des débats de la dernière session du conseil général qui a été
consacrée au budget primitif ! Il est affligeant d'entendre sur place des
propos qui ne sont pas du tout relayés au Parlement. Il faudrait, messieurs,
que vous mettiez un peu d'harmonie dans les discours que vous tenez sur le plan
local et sur le plan national !
M. Paul Girod.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod.
Je crois qu'il faudrait faire preuve d'un peu de bons sens dans tout cela ! Il
faut se rappeler que les institutions départementales se sont établies, dans le
cadre de traités de partition, dans des locaux « calculés » en fonction des
responsabilités qui leur incombaient lors de la mise en place des lois de
décentralisation. La mise à disposition des groupes politiques de moyens et de
locaux est venue après.
Dans un certain nombre de cas, le siège même du conseil général s'avère être
d'une étroitesse telle que la mise en place de locaux de ce genre se heurte à
des difficultés techniques considérables.
Par conséquent, ne serait-ce qu'à ce titre-là il ne serait pas mauvais de
desserrer le carcan pour permettre au moins à la commune préfecture, siège du
conseil général, d'avoir des antennes extérieures.
J'en viens aux conseils régionaux. Là, je ne comprends plus l'argumentation.
On sait que le département a été conçu comme l'ère géographique dans laquelle
il était possible de faire sans difficulté l'aller-retour à cheval dans la
journée depuis tout lieu jusqu'à la ville siège de la préfecture. Mais, pour
les régions, il en va tout autrement ! Il arrive que plus de 150 kilomètres
séparent la préfecture d'une région des centres de vie courante des conseillers
régionaux.
M. Jacques Blanc.
Parfois plus !
M. Paul Girod.
Je pense donc que le second alinéa au moins devrait recueillir l'assentiment
du Sénat, voire le premier sous réserve peut-être d'une modification limitant
le dispositif à la ville siège du conseil général.
En tout cas, un excès de centralisation est toujours excessivement difficile à
vivre.
M. Jacques Blanc.
Très bien !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 565 rectifié, repoussé par la commission et
par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Division additionnelle après l'article 11 quater