SEANCE DU 10 JANVIER 2002
M. le président.
« Art. 7
bis
. - Chaque commune de plus de 50 000 habitants se dote,
après délibération du conseil municipal, d'un bureau des temps. Celui-ci
favorise l'harmonisation des horaires des services publics avec les besoins des
usagers en tenant compte des contraintes résultant de leur vie familiale et
professionnelle. A cette fin, il mène sous l'autorité du maire les
concertations nécessaires et peut consulter, le cas échéant, les conseils de
quartier.
« Les établissements publics de coopération intercommunale regroupant une
population de plus de 50 000 habitants peuvent également se doter d'un bureau
des temps après délibération de leur organe délibérant. »
L'amendement n° 15, présenté par M. Hoeffel, au nom de la commission des lois,
est ainsi libellé :
« Supprimer l'article 7
bis
. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Il s'agit de l'institution de bureaux des temps, innovation
incontestable - je rends hommage au Gouvernement de ne pas l'avoir prévue dans
le projet de loi initial - qui a été introduite, après mûre réflexion, par
l'Assemblée nationale.
Pourquoi la commission des lois propose-t-elle sa suppression tout en
encourageant le développement de telles expériences ?
Le bureau des temps, nous a-t-on dit, s'inspire de ce qui existe en Italie.
Or, au cours des auditions de spécialistes du droit des collectivités locales à
l'échelon européen auxquelles la commission a procédé, elle n'a pas reçu, comme
elle l'espérait, de réponses précises sur les modalités de fonctionnement des
bureaux des temps en Italie. La latitude peut sans doute expliquer, ici ou là,
la naissance d'un tel bureau des temps. Mais sa transposition ailleurs n'est
pas forcément opportune.
Il s'agit, de surcroît, d'un dispositif contraignant, prématuré et, à notre
sens, contraire au principe de la libre administration des collectivités
territoriales. Nous proposons donc, en l'état actuel de supprimer cet
article.
Mme Jacqueline Gourault.
Bravo !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Tout le monde, je crois, s'accorde à penser que
le principe du bureau des temps est bon. M. le rapporteur ne l'a d'ailleurs pas
nié. Je crois simplement que la rédaction de l'article est très perfectible. Je
m'en remets donc à la sagesse du Sénat.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 15.
M. Jean-Pierre Schosteck.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Schosteck.
M. Jean-Pierre Schosteck.
Je parlais tout à l'heure du caractère étrange de nos discussions. La
rédaction de cet article ne l'est pas moins.
Relisons le début de l'article : « Chaque commune de plus de 50 000 habitants
se dote - écoutez la perle ! - après délibération du conseil municipal... », ce
qui signifie que certaines décisions de la commune pourraient ne pas émaner du
conseil municipal !
Une telle rédaction ne peut vraiment provenir que de gens qui, manifestement,
ne connaissent rien à la vie municipale.
M. Jean Chérioux.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux.
Nous sommes en présence d'un gadget, d'un gadget parisien d'ailleurs, ce qui
explique l'attitude un peu gênée de M. le ministre. Il sait très bien que cette
disposition ne vaut pas grand-chose, mais, comme il appartient à la majorité
municipale qui a décidé de la nomination d'un adjoint chargé du bureau des
temps à la ville de Paris, il ne peut pas dire qu'il est contre.
Pour ma part, je trouve cela affligeant dans la mesure où il s'agit de
problèmes sérieux.
Ce qui compte avant tout est de conserver l'esprit républicain et citoyen.
Mais qu'est-ce qu'une République sinon un système qui repose sur le privilège
donné aux citoyens d'élire des représentants, qui ont seuls le droit d'engager
l'ensemble de la population. Et que fait-on ? On crée des gadgets ; on fait de
la démocratie de proximité ; on crée des comités de quartier, etc.
Je ne suis pas contre la concertation, bien au contraire, car elle est utile.
Mais, en l'occurrence, je le répète, de telles mesures ne sont pas nécessaires
: soit elles ne s'appliquent pas dans les petites communes, soit, dans les
grandes villes, en particulier celles qui sont soumises à la loi PLM, elles
risquent de créer la confusion.
On parle sans cesse de transparence, de clarté, mais, parallèlement, on
s'efforce d'embrouiller les choses. Soyons sérieux ! N'ayons pas un double
langage ! Peut-être y a-t-il derrière tout cela certaine volonté plus ou moins
politicienne ; je ne veux faire de procès à quiconque, mais, derrière tout
cela, n'y a-t-il pas quelque souci de manipulation, certains agissements que
l'on voudrait cacher ?
Pour moi, la République et la démocratie sont des concepts clairs : les
citoyens élisent leurs représentants et leur font confiance. Si ces
réprésentants ne répondent pas à leur attente, ils ne les réélisent pas. Un
point c'est tout !
Mme Nicole Borvo.
Vous en savez quelque chose !
M. Jean Chérioux.
C'est d'ailleurs peut-être à la suite de l'expérience des dernières élections
municipales que de telles idées sont nées dans l'esprit de la majorité qui nous
gouverne !
M. Jean-Yves Mano.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Mano.
M. Jean-Yves Mano.
Mes chers collègues, le bureau des temps est une innovation, certes, mais une
innovation qui résulte de l'évolution rapide de la société. A l'évidence, la
société évolue tellement vite qu'on a du mal à suivre.
Il s'agit donc d'une innovation intéressante qui permettrait aux citoyens de
faire connaître leur sentiment sur l'adaptation des services publics au nouveau
rythme de vie.
M. Louis Moinard.
Il faut donner du temps au temps !
Mme Jacqueline Gourault.
Il y a déjà les 35 heures !
M. Jean-Yves Mano.
Dès lors, je ne vois pas comment on peut être contre une initiative de ce
type. Des expériences extrêmement positives ont été menées dans certains pays
étrangers. Paris, Lille et d'autres villes de France vont dans ce sens ; c'est
une bonne chose, et j'encourage nos collègues à soutenir cette disposition.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 15, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 7
bis
est supprimé.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix heures cinquante-cinq, est reprise à onze
heures dix.)