SEANCE DU 29 NOVEMBRE 2001
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Organismes extraparlementaires
(p.
1
).
3.
Loi de finances pour 2002.
- Suite de la discussion d'un projet de loi (p.
2
).
Affaires étrangères (p. 3 )
MM. Jacques Chaumont, rapporteur spécial de la commission des finances pour les affaires étrangères ; Michel Charasse, rapporteur spécial de la commission des finances pour l'aide au développement ; André Dulait, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères pour les affaires étrangères ; Mmes Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères pour les relations culturelles extérieures et la francophonie ; Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères pour l'aide au développement ; Danièle Pourtaud, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour les relations culturelles, scientifiques et techniques ; MM. Jacques Legendre, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour la francophonie ; Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères ; Guy Penne, Hubert Durand-Chastel, Serge Mathieu, Jacques Pelletier, Robert Del Picchia, Jean-Pierre Cantegrit, Mmes Danielle Bidard-Reydet, Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Aymeri de Montesquiou, Christian Demuynck, Daniel Hoeffel, Mme Hélène Luc, M. Jean-Pierre Plancade.
Suspension et reprise de la séance (p. 4 )
PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON
4.
Rappel au règlement
(p.
5
).
MM. Auguste Cazalet, le président.
5.
Candidature à un organisme extraparlementaire
(p.
6
).
6.
Loi de finances pour 2002.
- Suite de la discussion d'un projet de loi (p.
7
).
Affaires étrangères (suite) (p. 8 )
MM. Louis Duvernois, André Dulait, Yves Dauge, Christian Cointat, Didier
Boulaud.
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.
Crédits du titre III (p. 9 )
MM. Alain Lambert, président de la commission des finances ; Pierre Laffitte,
Michel Charasse, Philippe Marini, rapporteur général de la commission des
finances.
Rejet des crédits par scrutin public.
Crédits des titres IV et V. - Rejet (p.
10
)
Crédits du titre VI (p.
11
)
Amendement n° II-10 de M. Michel Charasse. - MM. Michel Charasse, Jacques
Chaumont, rapporteur spécial de la commission des finances ; le ministre. -
Retrait.
M. Guy Penne.
Rejet des crédits.
M. le ministre.
7.
Nomination d'un membre d'un organisme extraparlementaire
(p.
12
).
8.
Financement de la sécurité sociale pour 2002.
- Rejet d'un projet de loi en nouvelle lecture (p.
13
).
Discussion générale : Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la
solidarité ; MM. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires
sociales ; Nicolas About, président de la commission des affaires sociales ;
Guy Fischer.
Mme le ministre.
Clôture de la discussion générale.
Question préalable (p. 14 )
Motion n° 1 de la commission. - MM. le rapporteur, Gilbert Chabroux, le président de la commission, Serge Franchis, Mme Nelly Olin, M. Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé. - Adoption, par scrutin public, de la motion entraînant le rejet du projet de loi.
Suspension et reprise de la séance (p. 15 )
PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON
9. Loi de finances pour 2002. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 16 ).
Recherche (p. 17 )
MM. René Trégouët, rapporteur spécial de la commission des finances ; Pierre
Laffitte, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour
la recherche scientifique et technique ; Henri Revol, rapporteur pour avis de
la commission des affaires économiques ; Michel Pelchat, Pierre Laffitte,
Lucien Lanier, Denis Badré, Ivan Renar, Serge Lagauche, Mme Marie-Christine
Blandin.
M. Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche.
Crédits des titres III à VI. - Rejet (p. 18 )
10.
Transmission d'une proposition de loi
(p.
19
).
11.
Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
(p.
20
).
12.
Ordre du jour
(p.
21
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES
M. le président.
J'informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien
vouloir procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein de deux
organismes extraparlementaires.
Conformément à l'article 9 du règlement, j'invite la commission des affaires
culturelles à présenter un candidat pour siéger au sein du conseil
d'administration de l'Institut national de l'audiovisuel.
J'invite également la commission des finances et la commission des affaires
sociales à présenter respectivement un candidat pour siéger en qualité de
membre titulaire et un candidat pour siéger en qualité de membre suppléant au
sein du Conseil supérieur des prestations sociales agricoles.
Les nominations au sein de ces organismes extraparlementaires auront lieu
ultérieurement, dans les conditions prévues par l'article 9 du règlement.
3
LOI DE FINANCES POUR 2002
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2002 (n° 86, 2001-2002), adopté par l'Assemblée nationale. [Rapport n° 87 (2001-2002).]
Affaires étrangères
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant les affaires
étrangères.
La parole est à M. Chaumont, rapporteur spécial.
M. Jacques Chaumont,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation, pour les affaires étrangères.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen de
ce budget s'inscrit dans un contexte, hélas ! particulier. S'il n'y avait pas
eu les événements du 11 septembre, nous aurions pu gloser sur les efforts
accomplis pour enrayer la dérive de ce budget, sur le point fondamental de
savoir si le « védrinisme » était soluble dans le « bercynisme », sur les «
efforts qui méritaient d'être encouragés », sur « l'espoir de l'évolution
qu'offre le budget ». Mais il y a eu les événements tragiques du 11
septembre...
L'avis que je vais formuler, au nom de la commission des finances, se fonde
uniquement sur l'analyse précise des moyens concrets qui nous sont proposés au
regard de la politique que le Gouvernement déclare vouloir conduire. Cette
politique, monsieur le ministre, telle qu'elle est aujourd'hui définie par les
plus hautes autorités de l'Etat, nous l'approuvons totalement, vous le savez.
Malheureusement, dans le budget que vous nous présentez, nous ne retrouvons pas
les moyens de cette politique, en particulier dans le domaine fondamental de
l'aide au développement.
Pourtant, le 16 novembre, le Président Jacques Chirac déclarait à la
télévision : « Si elles sont fortes, les démocraties doivent aussi se montrer
généreuses.(...) La France doit intensifier ses efforts pour réduire le fossé
qui se creuse entre les pays qui bénéficient des fruits du développement et une
part de l'humanité qui s'enfonce dans la pauvreté. »
Le 21 novembre devant l'Assemblée nationale, le Premier ministre, Lionel
Jospin, indiquait à son tour : « Il est souhaitable que la coalition contre le
terrorisme se prolonge dans une coalition pour un monde plus juste, donnant à
chacun sa place dans la communauté internationale. C'est à cela que travaille
le Gouvernement. »
Vous-même, monsieur le ministre, dès le 18 octobre, devant la commission des
affaires étrangères de l'Assemblée nationale, vous avez insisté sur le fait que
« notre politique étrangère est constamment fondée sur le constat qu'il y a
dans ce monde toute une série de situations absolument intolérables qui,
certes, n'ont pas créé l'extrémisme, mais dont les extrémistes et les
terroristes se nourrissent constamment ». Vous avez totalement raison et nous
vous approuvons, j'en suis sûr, unanimement.
Mais où sont les moyens de cette politique ? A la suite des attentats du 11
septembre, trois domaines privilégiés d'intervention ont été retenus par les
Nations unies pour lutter contre le terrorisme : l'assèchement des ressources
financières du terrorisme, dont la lutte contre le blanchiment de la drogue,
les opérations militaires et le financement du développement.
La France, qui présidait, le 11 septembre, le Conseil de sécurité, a joué un
rôle majeur dans l'élaboration de cette politique. Nous en sommes fiers. Or
dans le projet de budget pour 2002 concernant les affaires étrangères, on
observe d'abord une impasse totale sur le financement des opérations de
maintien de la paix.
Fin 2001, la France se retrouve débitrice de plus de un milliard de francs sur
les opérations en cours. Dans le collectif que nous allons examiner dans
quelques jours, il vous sera proposé, mes chers collègues, une ouverture de
crédits à ce titre de 950 millions de francs. En d'autres termes, cela signifie
que la dotation initiale présentée pour 2002, qui reconduit strictement celle
de 2001, correspond, d'entrée de jeu, à un déficit de 950 millions de francs.
Or, vous le savez fort bien, les principales opérations en cours au
Timor-Oriental, en Sierra Leone, dans l'ex-Zaïre, au Kosovo, en Ethiopie et en
Erythrée ne seront pas achevées d'ici à la fin de l'année.
De surcroît, la résolution 13-78 du 15 novembre, qui a été adoptée par le
Conseil de sécurité et à laquelle nous nous sommes associés, vient de décider
l'envoi d'une force de sécurisation en Afghanistan, ce qui entraînera des
dépenses nouvelles. S'agissant des opérations de maintien de la paix, la
France, en tant que membre permanent du Conseil de sécurité, contribue, je vous
le rappelle, aux frais engagés à hauteur de 8,30 %, à la suite d'un accord
récent conclu sur les contributions des membres des Nations unies. Comment
paierons-nous en 2002 et comment respecterons-nous nos engagements ?
On constate ensuite, mes chers collègues, une diminution de l'ordre de 6 % des
crédits de coopération militaire. De plus, ils supportent à eux seuls la
quasi-totalité des économies de moyens qui sont demandées au budget des
affaires étrangères. Or ces moyens, qui, depuis 1999, sont amputés de 100
millions de francs, nous manquent aujourd'hui dans le cadre de l'acquisition
locale de renseignement et de la vigilance nécessaire à une lutte efficace et «
sur le terrain » contre le terrorisme.
On constate également une diminution sensible des crédits qui sont consacrés à
l'aide au développement. Sur ce point fondamental - la lutte pour le
développement était l'un des fers de lance de la lutte contre le terrorisme -
notre collègue Michel Charasse exposera, avec son talent extraordinaire et
coutumier, ce dossier. Je voudrais toutefois, monsieur le ministre, attirer
votre attention sur l'état de nos contributions volontaires aux organismes des
Nations unies qui ont en charge le développement.
Nous sommes tombés en deçà du dixième rang des pays contributeurs, s'agissant
du programme des Nations unies pour le développement, le PNUD, le plus
important des programmes. La France occupait la onzième position en 2000. En
2001, elle est en treizième position, et je n'ai pas besoin de vous rappeler
que notre contribution est tombée de 311 millions de francs en 1993 à 105
millions de francs actuellement, c'est-à-dire qu'elle a diminué du tiers.
Monsieur le ministre, vous me direz que cette chute des contributions remonte
à une période allant de 1995 à 1997 et que, depuis, vous avez engagé des
réformes pour améliorer cette contribution. Mais, si elle a été augmentée de 60
millions de francs en 1999, elle l'est de moins de 3 millions de francs
actuellement, ce qui représente quand même vingt fois moins en trois ans. Cela
n'est pas convenable, je dois le dire, au moment où l'Assemblée générale des
Nations unies a engagé un vaste débat sur la réforme de la composition du
Conseil de sécurité et que notre statut de membre permanent de ce dernier nous
oblige à respecter un certain nombre de règles minimales dans ce domaine. Je
suis consterné d'avoir constaté, à New York, que la France n'a rien donné
lorsque le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés a mis en place
une opération particulière pour les réfugiés afghans, alors que vingt pays ont
répondu présent à l'appel pour plus de 52 millions de dollars !
Le Premier ministre vient d'envoyer une mission d'évaluation en Afghanistan
pour mieux définir les moyens d'action à mettre en place en faveur des
populations déplacées à l'intérieur de ce pays, mais aucun moyen nouveau n'est
prévu, en 2002, pour l'aide humanitaire. Certes, un DC 8 porteur de fret
humanitaire vient de parvenir à Termez, mais aucun moyen nouveau n'est prévu
non plus pour le transport de l'aide alimentaire. Nous avons déjà, sur ce
point, une dette de 28 millions d'euros !
Certes, vous avez créé un article spécifique - bravo ! - pour financer l'aide
aux sorties de crise, mais il n'est financé que par des transferts de crédits
et ne bénéficie d'aucun moyen nouveau.
En d'autres termes, mes chers collègues, le budget du ministère des affaires
étrangères pour 2002 semble aller exactement à l'inverse de la politique qui
est affichée. Les priorités qui ont été définies unanimement par l'ensemble des
démocraties développées et par le Gouvernement de la République sont
précisément - mais ce n'est pas votre faute - celles qui sont sacrifiées sur le
plan budgétaire.
Venons-en maintenant à l'analyse de votre budget tel que je l'aurais examiné
si les événements tragiques du mois de septembre n'avaient pas eu lieu.
Monsieur le ministre, vous avez réussi, par votre activité personnelle, à
enrayer une érosion à peu près constante sur la décennie et, pour la troisième
année consécutive, votre budget enregistre une évolution positive et une
stabilisation des effectifs. Il reste qu'il ne progresse que de 1,3 %, alors
que le taux d'inflation est de 1,5 %, que l'ensemble des budgets civils
progresse de 2,2 % et que vos effectifs budgétaires baissent de cinq emplois,
alors que les autres budgets en créent un peu plus de 15 000.
Vous avez toutefois défini un certain nombre de priorités. Elles concernent
l'audiovisuel extérieur, le réseau des établissements culturels, l'accueil des
étudiants étrangers, les conditions de vie des Français à l'étranger et un
important programme immobilier en Algérie. Sur ces sujets, je vous renvoie à
mon rapport écrit, car je ne voudrais pas dépasser mon temps de parole. Je
n'aborderai donc que trois problèmes qui me semblent importants.
Le premier a trait aux investissements immobiliers en Algérie, c'est-à-dire la
rénovation du lycée Ben-Aknoun, la construction de logements dans le parc
Peltzer, la rénovation du consulat général d'Oran et la construction du
consulat général d'Annaba, qui représentent le tiers de votre enveloppe globale
de crédits immobiliers, soit plus de 200 millions de francs. Or Bercy vous a
refusé les cinquante et un postes...
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Bercy ne refuse jamais rien, c'est
le Gouvernement qui refuse !
M. Jacques Chaumont,
rapporteur spécial.
Vous avez raison, monsieur Charasse, mais il est
extravagant de penser que vous pouvez ouvrir sans ces cinquante et un emplois,
en particulier les vingt postes d'agents de sécurité.
Ou bien cette décision est incohérente, ou bien il vous faudra couvrir cette
dépense budgétaire en cours d'exercice. Ce n'est pas admissible : on ne prévoit
pas de créer des implantations en Algérie si on ne donne pas les moyens
correspondants.
Le deuxième problème, c'est la détérioration de la situation financière du
réseau de l'enseignement français à l'étranger.
La majoration de la subvention pour 2002, qui représente moins de 22 millions
de francs, finance la moitié seulement des augmentations de salaire des
enseignants. Elle ne correspond qu'aux deux tiers de la demande faite en
matière de bourses, et nos collègues sénateurs des Français de l'étranger y
sont particulièrement sensibles. Elle ne permet pas de financer le plan
d'amélioration de la rémunération des enseignants résidents. Elle ne couvre
pas, bien entendu, les coûts de fonctionnement du lycée Ben-Aknoun. Et,
surtout, elle ne tient pas compte des travaux nécessaires à réaliser sur les
établissements conventionnés, dont un très grand nombre ne répondent pas aux
normes de sécurité.
Heureusement - et je vous en félicite, monsieur le ministre - on va construire
l'école française de Damas et on a trouvé un terrain pour le lycée français de
Bangkok. Je souhaite que, dans les années à venir, vous n'ayez pas d'aussi
mauvaises surprises dans ce domaine de la sécurité qu'à Varsovie.
Au total, l'« impasse » correspondant à ces besoins peut être évaluée à 140
millions de francs. Cette somme sera prélevée sur le fonds de réserve de
l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, l'AEFE, qui se situait
confortablement à 300 millions de francs en 2000. Cela signifie qu'en 2002 le
fonds de réserve de l'AEFE sera totalement asséché et que sa situation sera
alors délicate.
Enfin, le troisième problème concerne les recrutés locaux. Nore réseau
diplomatique fonctionne avec six mille recrutés locaux, ce qui représente quand
même 70 % du personnel à l'étranger. Le budget actuel ne permet pas d'améliorer
leur situation. Ils sont beaucoup moins bien payés que ceux du secteur privé ou
ceux de la Direction des relations économiques extérieures, la DREE, et les
efforts engagés ne permettent pas de procéder à une revalorisation de leurs
salaires.
Pour conclure, monsieur le ministre, je souhaite saluer les efforts que vous
avez personnellement engagés pour améliorer la gestion du Quai d'Orsay :
déconcentration des crédits, globalisation des moyens de fonctionnement,
rationalisation de la gestion des moyens immobiliers. Vous poursuivez cette
politique ; je vous en donne acte.
Je note cependant que nous avons le deuxième réseau diplomatique et consulaire
du monde. Je me pose des questions quant à son utilité et à celle de ces agents
de grande qualité si le budget prévu suffit tout juste à les payer, mais
absolument pas à leur donner les moyens de travailler.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai relu
avec beaucoup d'attention les explications de vote de nos collègues de
l'Assemblée nationale, notamment celle de M. Gateaud, rapporteur de la
commission des affaires étrangères, que je vous livre : « Ce budget créé une
frustration, car nous ne retrouvons pas le niveau financier correspondant aux
choix clairs qui sont faits et à la volonté politique qui est affichée et mise
en oeuvre. »
Nous faisons exactement la même analyse, mais nous aboutissons à une
conclusion inverse, car le Sénat n'a de goût ni pour la frustration ni pour le
masochisme.
Monsieur le ministre, c'est parce que nous approuvons totalement, je le
répète, la politique que vous menez que nous ne pouvons pas accepter le projet
de budget que vous êtes conduit à nous proposer. Vous avez vous-même souligné
son insuffisance et déploré les diktats de Bercy. La commission des finances
partage cet avis, d'autant que, dans la période incertaine et tragique que vit
le monde, la France doit avoir les moyens nécessaires pour tenir sa place dans
le monde, pour asseoir son influence et pour affirmer le rôle qu'elle entend
jouer
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
- M. Charasse, rapporteur spécial, applaudit également.)
M. le président.
La parole est à M. Charasse, rapporteur spécial.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation, pour l'aide au développement.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au fond
Jacques Chaumont, dans sa conclusion et en citant le rapporteur de la
commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale, a quasiment tout
dit sur les crédits qu'il a présentés. Je pourrais tout à fait reprendre à mon
compte la phrase qu'il a citée, d'autant plus qu'elle doit émaner d'un de mes
camarades socialistes de l'Assemblée nationale.
M. Jacques Chaumont,
rapporteur spécial.
Tout à fait !
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Cela s'applique, en effet, parfaitement à la partie
du budget qui concerne l'aide au développement, laquelle, vous le savez tous,
dépasse très largement le cadre du seul budget des affaires étrangères.
Monsieur le ministre, on ne va pas vous chicaner ! Le budget ne peut pas être
la traduction au franc près des politiques annoncées. Mais il doit malgré tout
correspondre grosso modo à ce que l'on annonce : si l'on dit que l'on va
acheter une voiture d'une valeur de 200 000 francs et que l'on n'inscrit que
100 000 francs au budget, il manque quelque chose ! Il faut que les crédits
soient en adéquation avec les annonces.
Je dois dire que, dans ce domaine, dès lors que le Parlement, dans son
ensemble, approuve très largement la politique étrangère de la France, qui
d'ailleurs ne dépend pas de nous puisque c'est l'un des rares domaines où la
Constitution prévoit que c'est l'exécutif qui définit et conduit cette
politique et que le Parlement ne peut que très peu intervenir dans sa
définition - mais il se trouve que nous l'approuvons - nous devrions aborder
cette discussion budgétaire avec un très bon esprit et regarder tout simplement
si les actes sont en accord avec les paroles. Malheureusement, dans le secteur
qui me concerne, nous en sommes bien loin !
Pourtant, la politique en faveur du tiers monde est une politique ancienne de
la France. Elle est conduite de façon constante depuis l'époque des
indépendances, c'est-à-dire depuis les années cinquante-huit et soixante ; elle
n'a rien de nouveau ! On n'a pas attendu le 11 septembre dernier pour la mettre
en oeuvre et la définir.
J'ai là toute une série de déclarations qui correspondent à la volonté du
général de Gaulle dans ses voeux de fin d'année de 1967, de Michel Debré, en
octobre 1968, devant l'Assemblée générale des Nations unies, du Président de la
République Georges Pompidou, le 10 juillet 1969 - qui déclarait en substance,
qu'il ne s'était pas laissé faire dans la campagne électorale par le discours
ambiant de l'époque sur « la Corrèze avant le Zambèze » -, de Maurice Schumann
en 1969 et, monsieur le ministre, cher Hubert Védrine, du présidentMitterrand,
que nous avons vous et moi servi ; je n'en ai pas honte, je ne le regrette pas,
et je sais que vous non plus.
Que de déclarations de François Mitterrand avons-nous encore présentes à
l'esprit ! A Lisbonne, en décembre 1981, il affirmait : « Quelle folie que
l'Occident perde tant de temps et prenne tant de peine, pour ne rien faire ou
faire si peu. » A Brasilia, en 1985, il disait : « Ce fossé entre le Nord et le
Sud,... c'est un danger mortel aussi grave que la propagation des armes
atomiques... Sans aucun doute, le siècle prochain » - c'est-à-dire l'actuel ! -
« va connaître des bouleversements et des déclinements dont l'humanité aura à
souffrir dans les siècles des siècles. »
En tout cas, cette volonté politique de la France, c'est ce que le monde
entier a en mémoire. C'est aussi pourquoi nous avons été si longtemps entendus
dans les enceintes internationales, et nous le sommes encore.
A l'occasion de l'Assemblée générale de l'ONU, un de nos diplomates a déclaré
à plusieurs de nos collègues membres de la délégation française - l'un d'entre
eux me l'a confié - : « Ne dites surtout pas à nos partenaires que notre aide
au développement a baissé ; ils ne s'en sont pas encore aperçus ! »
(Sourires.)
Les événements du 11 septembre dernier auront au moins, d'une certaine façon -
ils sont intervenus après les arbitrages budgétaires, certes - contribué à
rappeler l'ampleur de la fracture qui s'élargit chaque jour entre les pays
riches et les pays pauvres. Les quatre cinquièmes de la population du monde
vivent aujourd'hui dans les pays en développement et un cinquième vit dans une
situation d'extrême pauvreté, avec moins de un dollar par jour. Leur nombre va
croissant. Les 20 % des habitants de la planète les plus pauvres se partagent à
peine plus de 1 % du revenu mondial en 2000, contre 2,3 % en 1960.
Cette situation est explosive ! La mondialisation, aujourd'hui si médiatisée,
est un redoutable révélateur de la chance insolente des uns et des malheurs de
tant d'autres.
La mobilisation renforcée de la communauté internationale en faveur de l'aide
au développement est indispensable et urgente si l'on veut éviter la
marginalisation accrue d'une population qui, par son nombre, dominera bientôt
la planète.
Alors, monsieur le ministre, cher Hubert Védrine, lorsqu'on examine votre
budget et qu'on le compare avec les déclarations et les engagements, on
s'interroge sur l'aide publique au développement. Cette aide française diminue
régulièrement depuis plusieurs années : 3 milliards de francs de moins, soit 10
% en francs courants, en cinq ans, entre 1996 et 2001.
De fait, la France est tout bonnement en train de perdre le premier rang
qu'elle a longtemps tenu au sein du G 7 en termes d'effort d'aide rapporté au
PNB. Elle est en effet désormais talonnée par la Grande-Bretagne. Comme cette
dernière n'a pas une propension « à jouer les Poulidor », elle arrivera
sûrement à nous dépasser. En tout cas, en termes de montant absolu d'aide, elle
fait déjà mieux que nous. Et la France a reculé au huitième rang des pays de
l'OCDE.
En outre, et c'est plus grave, l'aide française ne bénéficie plus en priorité
aux pays les plus pauvres. Nous privilégions aussi dans le monde, comme on le
fait dans d'autres domaines, la classe moyenne. Je voudrais rappeler que,
lorsque le président François Mitterrand avait fixé comme objectif le fameux
0,7 % - on ne l'a jamais atteint, mais on s'en est beaucoup rapproché -, il
avait décidé d'affecter la moitié de cette aide aux plus pauvres. Mais, au
cours des dernières années, ce sont précisément ces pauvres-là qui ont fait les
frais de la redistribution d'une enveloppe qui, à l'évidence, n'est plus
prioritaire - si tant est qu'elle l'ait été un jour - puisque, de 1989 à 1999,
leur part dans l'aide publique est en forte baisse : elle est passée de près du
tiers à à peine plus du cinquième.
En réalité, la baisse globale de notre aide publique française résulte
uniquement de la chute de l'aide bilatérale, qui aura perdu 7 milliards de
francs entre 1996 et 2001, soit plus du quart du montant atteint en 1996.
Or, au sein même de l'aide bilatérale - la plus lisible pour les Etats
partenaires - c'est l'aide-projet - la plus lisible pour les populations
concernées - qui aura le plus diminué.
Il y a quand même un secteur qui est totalement préservé, celui des frais
administratifs : leur part dans le total de l'aide bilatérale est passée de
moins de 6 % en 1995 à près de 8 % en 2000.
J'ai le sentiment, monsieur le ministre, que la France se contente de
respecter ses obligations juridiques : les effectifs, le point d'indice, le
glissement vieillesse technicité, GVT, de la fonction publique et les traités
internationaux, que l'on a honorés au mieux. Pour les obligations morales, «
passez muscade »...
La chute de l'aide bilatérale s'est accompagnée d'une progression
considérable, en valeur absolue, de notre aide multilatérale. C'est l'Europe !
En vérité, moins notre aide bilatérale est importante, plus nous arrosons
l'Europe au travers de notre contribution au budget général de la communauté ou
au Fonds européen de développement. Au total, la contribution française à
l'aide communautaire est passée de moins de 9 milliards de francs en 1996 à
près de 12 milliards de francs en 2001, pour représenter désormais près du
quart de l'aide publique française, alors qu'elle en représentait moins de 13 %
en 1996. Un transfert s'est donc opéré. Mais, après tout, cela pourrait
paraître logique dans la mesure où l'Europe prend progressivement le relais,
même si l'aide bilatérale n'est pas de même nature que l'aide multilatérale. En
réalité, c'est une grave erreur politique, parce que la régression de l'aide
bilatérale au profit d'une aide multilatérale, nécessairement « apatride »,
sert la volonté politique de certains de nos partenaires : la position des
elit donnors
européens - le Britannique et, surtout, les Nordiques - est
à cet égard révélatrice. Ils ont toujours contesté la conception française de
la politique de coopération et d'aide au développement et ils ne cessent de le
faire. Nous sommes sans arrêt mis en accusation par tous ces « Mormons
nordiques », qui donnent des leçons de morale à des pays en développement : ils
estiment qu'ils devraient atteindre, dès aujourd'hui, comme d'un coup de
baguette magique, un niveau de développement démocratique que nous avons mis
deux cents ans à atteindre.
J'ajoute qu'alors que nous retirons nos coopérants l'Europe va mettre en place
quatre cents coopérants. Monsieur le ministre, il ne manquerait plus qu'il
s'agisse de Suédois ou de gens du nord de l'Europe pour que ces quatre cents
coopérants se transforment en propagandistes actifs contre la France et ses
interventions.
M. Jacques Pelletier.
Très bien !
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
La politique du Royaume-Uni mérite en tout cas d'être
méditée : on a supprimé le ministère de la coopération en France, que l'on a
fusionné avec le Quai d'Orsay ; le Royaume-Uni crée un ministère de la
coopération totalement indépendant du Foreign Office ; il majore de 5,5 %, en
termes réels, le budget du nouveau ministère ; il s'engage - et il le fera ! -
à porter son effort à 0,33 % du PNB, c'est-à-dire plus que la France
aujourd'hui ; il envoie à ses fonctionnaires présents à Bruxelles des
instructions extrêmement précises figurant dans une note intitulée : « Comment
influencer l'aide européenne ? » ; et il majore de 16 % les crédits de BBC
World Service, qui sont déjà le triple de ceux de RFI, Radio France
internationale. Donc, la Grande-Bretagne a compris.
La baisse globale de notre effort d'aide publique au développement est
démultipliée à cause du canal européen.
Ce n'est pas là simplement, croyez-moi, mes chers collègues, une simple
réaction cocardière, ou une animosité particulière à l'égard de l'Europe ; mais
il faut voir aussi ce que l'Europe fait de cet argent, et c'est cela qui me met
très en colère. Car l'option économique est aussi mauvaise : quelle erreur de
compter sur l'Europe !
Toutes les missions que j'ai faites à l'étranger depuis neuf ou dix ans que
j'exerce les fonctions de rapporteur spécial de la commission des finances sur
ce point m'ont permis de constater, pour l'Europe, inefficacité, mobilisation
très lente et gaspillage des fonds communautaires affectés à l'aide au
développement. En fait, monsieur le ministre, nous constituons ainsi une sorte
de caisse d'épargne pour l'Europe, et les sommes qui devraient aller aux
pauvres n'iront nulle part !
Voulez-vous que l'on prenne le FED, mes chers collègues ? C'est qu'il est
difficile d'obtenir les chiffres s'agissant du Fonds européen de développement
: personne ne le contrôle ; le Parlement européen s'en moque et nous, les
parlements nationaux, nous sommes « tricards » pour avoir des renseignements ;
mais j'ai réussi à les obtenir pour fin 2000. Ecoutez bien, mes chers collègues
: le solde de l'enveloppe non engagée du FED - avant le neuvième FED, qui n'est
pas encore en vigueur - s'élevait à 40 milliards de francs - dormants -, soit
deux fois l'aide bilatérale française ; le solde des engagements non décaissés
s'élevait à 57 milliards de francs - dormants - et la trésorerie courante du
FED, 1,7 milliard de francs - sans doute éveillés -, soit presque 2 milliards
de francs.
Vous allez en Afrique, dans les pays censés être aidés et nos interlocuteurs
pleurent parce que l'aide française régresse et ricanent lorsqu'on leur parle
de l'aide européenne.
J'étais en Afrique du Nord il y a moins d'un an : les programmes MEDA n'ont
pratiquement pas été engagés, ou à peine, sur l'Algérie, la Tunisie ou le
Maroc. « Et ne me parlez pas de ces "plaisantins" de Bruxelles », nous ont-ils
dit ou, s'ils ne l'ont pas dit, ils l'ont pensé !
Or, les données que je viens de vous fournir ne concernent que le FED,
c'est-à-dire la moitié de l'enveloppe communautaire ; il y a aussi le reste,
les aides dormantes relevant du budget communautaire.
Au regard de la bonne gestion des fonds publics, ces chiffres sont
inquiétants, mais ils sont aussi une insulte pour les contribuables car,
monsieur le ministre, vous êtes scrupuleux, ce qui ne m'étonne pas de vous, et
nous payons rubis sur l'ongle ce qui nous est demandé !
Mais je voudrais tout de même rappeler qu'après le huitième FED, au sommet
européen de Cannes, il y a de nombreuses années, et l'accession de Jacques
Chirac à la présidence de la République, la France a demandé un effort
supplémentaire à l'Europe. Or l'Europe nous a répondu à l'époque : tout à fait
d'accord, pourvu que vous, les Français, vous payiez. Et nous avons alors porté
le taux de notre contribution pour l'aide extérieure à 25 %, alors qu'elle est
normalement de 17 % ou 18 %. Ce sont donc nos contribuables qui font cet
effort, le budget français qui décaisse et l'Europe qui dort dessus, pendant
que, dans le monde, les affamés attendent que l'on veuille bien se pencher sur
leur sort !
Alors, monsieur le ministre, votre budget pour 2002 montre clairement que
notre action extérieure n'est sans doute plus une sorte de domaine protégé, et
je dois dire que, au sein du budget dont Jacques Chaumont vient de faire
l'analyse, la coopération et le développement sont de plus en plus
sacrifiés.
Je crois que nous allons payer très cher cette situation.
Les chiffres pour 2002 sont éloquents. Qu'allons-nous dire, dans les enceintes
internationales, à ceux qui auront eu la curiosité de consulter notre budget ?
Concours financiers et aide budgétaire ? Evolution nulle ! Transport de l'aide
alimentaire, ce dont M. Chaumont parlait il y a un instant ? Evolution nulle !
Aide humanitaire et aide d'urgence ? Evolution nulle ! Aide aux sorties de
crise ? Evolution nulle ! Contribution à des dépenses internationales hors
recherche ? Evolution nulle ! Coopération militaire ? Moins 6 % ! Coopération
technique et au développement ? Moins 20 % !
Telle est la carte de visite de la France !
Ces chiffres me paraissent vraiment traduire une série d'erreurs majeures.
Prenons la coopération militaire, par exemple. Tout le monde mélange tout. On
se figure que qui dit coopération militaire dit aide militaire de la France à
des régimes un peu douteux qu'il vaudrait mieux éviter. Ce n'est pas cela du
tout ! Il s'agit de la formation des armées de ces pays et c'est, depuis
quelques années, l'aide, en particulier, aux services de renseignement de ces
pays. Or, au moment où le monde est menacé par le terrorisme dans les
conditions que l'on connaît, au moment où il faut mettre partout l'accent sur
le renseignement, puisque c'est le seul moyen que nous avons de remonter les
réseaux terroristes, crac ! on rabote, en Afrique, les crédits de coopération
militaire. Alors, ça, je ne sais pas, cher Hubert Védrine, qui a bien pu
souffler cette idée, mais c'est quelqu'un de vraiment
« up to date »,
comme on dit en anglais, quelqu'un de tout à fait dans le coup ! Sans doute
un ambassadeur qui attend encore un poste...
(Sourires.)
Lorsque la direction générale de la coopération internationale et du
développement, la DGCID, doit effectuer, la pauvre, des arbitrages de
programmation au sein d'une enveloppe en réduction - elle qui doit, en outre,
arbitrer à la place des autorités politiques, on m'expliquera un jour pourquoi
! -, que fait-elle ? Elle donne aux priorités du Gouvernement, et les priorités
du moment, c'est pour le Proche-Orient, c'est pour le Moyen-Orient, c'est pour
l'Europe centrale et orientale, c'est pour les Balkans. Mais pour notre champ
traditionnel, l'Afrique, plus rien !
En plus, sans doute pour ne pas faire de peine à quelques intellectuels, on
préserve des moyens de coopération culturelle, artistique et audiovisuelle, au
détriment de la coopération économique et institutionnelle. Et lorsque, en fin
d'année, quand il faut geler ou amputer les crédits, à la fin de l'exercice,
pour payer notamment la dérive du dollar, on supprime les crédits restants sur
la coopération et le développement.
Monsieur le ministre, là non plus, il ne s'agit pas de renier la présence de
la culture française dans le monde - je vois mes collègues rapporteurs froncer
un peu les sourcils. Mais, tout de même ! Danton disait : « Après le pain,
l'éducation est le premier besoin des peuples. » J'insiste : « après le pain
». On doit donc d'abord penser aux affamés, parce que les nourritures
intellectuelles, si excellentes soient-elles, ne remplissent pas forcément la
gamelle !
Cette évolution, monsieur le ministre, confirme les craintes que j'avais déjà
exprimées les années précédentes au nom de la commission des finances.
Au terme de la réforme du dispositif français d'aide au développement,
l'ancien ministère de la coopération a été complètement digéré par le Quai
d'Orsay - c'était l'objectif de la manoeuvre -, la grande réforme de l'aide
publique française s'est arrêtée à son seul dispositif administratif - d'une
lourdeur effrayante - et n'a jamais débouché sur une réelle définition de la
nouvelle politique d'aide au développement annoncée par le Premier ministre.
Les querelles ont été nombreuses ; elles n'ont pas toujours été réglées ; il
s'agissait davantage de querelles de boutique que de querelles de doctrine. Et
la tutelle a progressivement confié à un opérateur, certes pivot, l'Agence
française de développement, je cite un document gouvernemental, le soin de «
jouer un rôle moteur dans l'élaboration de conceptions nouvelles et cohérentes
en matière de développement ».
J'entendais ce matin l'ancien ministre Claude Allègre, sur France Inter, dire
que c'est au ministre de gouverner. Dans ce domaine-là, c'est à une banque,
même si elle est sous tutelle !
(Sourires.)
Monsieur le ministre, cher ami, je vous mets en garde : cela ne pourra pas
durer comme cela éternellement ! En 1858, Abraham Lincoln disait déjà : « Vous
pouvez tromper tout le monde une fois, vous pouvez tromper quelques-uns tout le
temps, mais vous ne pouvez pas tromper tout le monde tout le temps. » Un jour,
cela finit par se voir. Je dois dire que je ne trouve pas, dans ce budget, un
certain nombre de mesures qui ont été annoncées à l'Assemblée nationale. Nous
sommes censés augmenter « substantiellement » notre contribution au Fonds
mondial pour l'environnement ? Rien du tout dans le budget !
M. le président.
Veuillez conclure, monsieur le rapporteur spécial.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Je termine, monsieur le président.
Le Premier ministre a dit : « Nous allons faire un effort d'un milliard de
francs sur trois ans pour le Fonds mondial santé-sida ». Rien du tout !
Tout cela n'est pas vraiment acceptable.
Je ne fais pas partie de ceux qui accusent Bercy, parce que Bercy est aux
ordres, et il exécute les ordres qu'on lui donne : lorsqu'on lui dit « ce
parterre de fleurs doit être arrosé », il l'arrose, même s'il n'est pas
d'accord, mais il laisse crever l'autre à côté, parce qu'il n'a pas de quoi
arroser tout le monde !
(Nouveaux sourires.)
Bref, la commission des finances, qui jusqu'à
présent avait toujours recommandé le vote de ce budget, parce que nous sommes
responsables et que nous ne voulons pas priver l'exécutif des moyens de sa
politique extérieure, cette année, a trouvé, ainsi que la commission des
affaires étrangères, d'ailleurs, que ce n'était pas supportable, que le
décalage entre le discours et les moyens était beaucoup trop fort. En
conséquence, elle a décidé de recommander au Sénat de le rejeter.
Personnellement, cela ne correspond pas au choix que j'avais proposé à la
commission des finances, mais, en rapporteur, sûrement bête, en tout cas,
discipliné, je ne peux que donner les conclusions de ma commission.
(Applaudissements sur les travées du PR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Dulait, rapporteur pour avis.
M. André Dulait,
rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense
et des forces armées, pour les affaires étrangères.
Monsieur le président,
monsieur le ministre, mes chers collègues, avec certainement moins de fougue et
certainement moins de temps que notre collègue Michel Charasse
(sourires),
je vais tenter de vous donner l'opinion de la commission des
affaires étrangères sur ce budget.
Sans m'attarder sur les chiffres, je souhaite mettre à mon tour l'accent sur
la faiblesse du niveau global de la dotation qui, en effet, si elle n'avait pas
tenu compte et intégré, dès le budget primitif, les fonds du FED, s'établirait
à 3,4 milliards d'euros, soit une augmentation de 1,3 %, ce qui est inférieur à
l'inflation.
Les crédits de fonctionnement ou de rémunération des personnels de droit local
ne seront pas protégés d'un effet change négatif, malheureusement probable,
puisque le budget est construit sur une sous-évaluation du dollar de 4 %. Il
faudra donc attendre le bilan de la gestion 2002 pour savoir, monsieur le
ministre, si vous avez, en définitive, bénéficié d'une augmentation de pouvoir
d'achat.
Par ailleurs, en 2002, les crédits du ministère des affaires étrangères ne
représenteront de nouveau que 1,37 % du budget de la nation, soit l'un des
niveaux les plus bas des vingt dernières années.
La faiblesse des crédits se traduit par des réductions de personnels, de
l'ordre de 10 % depuis dix ans, et même si les coupes claires sont terminées,
le ministère continue de perdre des emplois.
L'insuffisance des moyens financiers a également pour conséquence le maintien
de nos contributions volontaires aux organisations internationales à un niveau
insuffisant et conduit certains à penser que l'on pourrait réduire notre réseau
diplomatique et consulaire pour dégager de nouveaux moyens d'intervention.
Notre réseau est, il est vrai, l'un des plus importants du monde, avec cent
soixante-huit ambassades bilatérales et représentations permanentes auprès
d'organisations internationales et quatre-vingt-dix-neuf consulats généraux et
consulats. L'importance de ce réseau est justifiée par le rôle que joue la
France sur la scène internationale et par la place qu'elle occupe en tant que
membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies. Mais, je pose la
question à mon tour, aurons-nous longtemps les moyens de maintenir cette
position ?
Notre réseau évolue lentement. Quelques transformations de postes sont
recensées en 2001 et, en 2002, seule la réouverture du consulat à Oran est
programmée. Cette évolution est perçue comme beaucoup trop lente par le
ministère des finances qui, même s'il exécute les décisions que lui demandent
de prendre les ministres, exprime à son tour des positions personnelles. Il
estime ainsi que le ministère des affaires étrangères ne fait pas assez
rapidement les choix qui s'imposeraient entre ses différentes implantations.
Sont directement visés trente et un consulats et consulats généraux en Europe,
dont vingt-quatre dans l'Union européenne.
Pour ma part, je crois que, s'il est nécessaire que la réflexion en matière
consulaire européenne progresse et permette ainsi d'alléger notre dispositif
dans l'Union européenne et dans les pays tiers, la question de l'importance de
notre réseau ne doit pas être envisagée à travers une simple logique comptable.
Les consulats assurent d'importants services au profit des Français expatriés
en dehors de la délivrance des visas. Si la restructuration de nos
implantations apparaît logique dans certains pays comme la Belgique, où nous
avons encore trois consulats généraux, je crois indispensable que soit
pleinement prise en considération la diversité des services rendus.
Il est également souhaitable que, de manière pragmatique, la France développe
le partage d'implantations avec un ou plusieurs de ses partenaires de l'Union
européenne.
Je ne voudrais pas conclure ce chapitre des crédits sans développer un point
sur notre coopération militaire.
Notre coopération militaire connaît une nouvelle baisse de ses crédits, de 5,6
%, ce qui les porte à 103,6 millions d'euros. Depuis 1994, les crédits de
coopération militaire sont passés de 151,3 millions d'euros à 103,6 millions
d'euros, soit une baisse de près d'un tiers de la dotation en neuf ans.
Dans ces conditions, il est assez difficile de convaincre les pays
bénéficiaires de notre coopération qu'il ne s'agit pas d'un désintérêt et d'un
désengagement de la France, mais que c'est la conséquence d'une coopération
réussie. Les événements récents nous inciteraient plutôt à demander instamment
l'augmentation de ces crédits.
Je souhaite encore attirer votre attention sur le niveau beaucoup trop faible,
cette année encore, des contributions volontaires de la France aux
organisations internationales.
Cette situation est particulièrement préjudiciable à notre influence dans le
système des Nations unies. En 1992, la France versait 99,5 millions d'euros,
elle n'en versera que 48,8 en 2002. Toutes contributions confondues, la France
est dépassée par le Royaume-Uni, qui a triplé ses contributions volontaires
depuis trois ans, par l'Italie, et même par les Pays-Bas.
Ainsi, le ministère des affaires étrangères ne dispose pas d'un niveau de
ressources suffisant pour faire face de manière satisfaisante à l'ensemble de
ses missions. Le budget, en réalité, est en stagnation, et il reste soumis aux
aléas du dollar et de l'inflation.
Afin de faire face à l'insuffisance des crédits, le ministère multiplie les
initiatives pour optimiser sa ressource humaine et budgétaire et pour améliorer
sa gestion ; mais ce processus a des limites, et il est illusoire d'espérer
qu'il trouve dans son budget les ressources nécessaires pour accroître nos
contributions volontaires et notre aide au développement. L'année 2002 est à ce
titre symbolique, les efforts faits pour certains secteurs se traduisant par la
baisse des crédits de l'aide au développement.
Toutefois, au moment où la France est confrontée à une crise internationale
majeure, nos critiques ne doivent pas apparaître comme le signe d'un rejet ou
d'un manque de solidarité vis-à-vis de l'action menée par notre pays et par son
ministre des affaires étrangères. Tout au contraire, nous souhaitons marquer
notre refus d'un niveau de dotation ne permettant pas à notre pays de
développer la politique extérieure qui correspond à ses ambitions.
C'est pourquoi la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées vous propose, mes chers collègues, d'émettre un avis défavorable
sur l'adoption des crédits du ministère des affaires étrangères pour 2002.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR ainsi que des
Républicains et Indépendants du RDSE.)
M. Claude Estier.
Vous parlez de la majorité de la commission !
M. le président.
La parole est à Mme Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga,
rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense
et des forces armées, pour les relations culturelles extérideures et la
francophonie.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, dans les cinq minutes dont je dispose pour évoquer les crédits
affectés aux relations culturelles extérieures et à la francophonie, je m'en
tiendrai à deux sujets principaux : l'avenir de l'enseignement français à
l'étranger et les projets en matière d'actions radiophonique et audiovisuelle
extérieures.
S'agissant de l'avenir de l'enseignement français à l'étranger, dont l'élément
moteur est l'AEFE, l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, je ne
peux dissimuler des inquiétudes d'ailleurs partagées par toute la
représentation nationale, et non par les seuls sénateurs représentant les
Français établis hors de France.
Les écoles françaises à l'étranger sont l'un des éléments clés de l'influence
culturelle française. Pour les cadres d'entreprises, dont la mobilité
conditionne le dynamisme de l'économie française et qui tiennent à partir en
famille, conformément à notre tradition, ces écoles sont irremplaçables.
M. Jacques Chaumont,
rapporteur spécial.
Eh oui !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga,
rapporteur pour avis.
Quant aux enfants d'émigrés français, ils y
trouvent l'accès à la langue et à la culture de leur pays d'origine et,
surtout, l'éducation républicaine, à laquelle leurs parents sont attachés, qui
les confortera dans leur sentiment d'être français.
Or le réseau d'établissements relevant de l'AEFE est confronté à de nombreux
problèmes, tant humains que financiers. Les modalités de rémunération des
enseignants titulaires, dits « résidants », c'est-à-dire recrutés dans le pays
d'exercice, viennent d'être réformées. Nous verrons au fil des trois ou quatre
prochaines années si cette réforme est réellement favorable à nos
établissements.
La situation financière de l'AEFE est critique. Alors même que la réforme que
je viens d'évoquer est financée par des suppressions de postes d'expatriés, les
charges de l'Agence s'alourdissent dans la même mesure et au même rythme que
celles du ministère de l'éducation nationale, sans que l'évolution annuelle de
son budget lui permette de les assumer. Elle puise donc dans son fonds de
réserve. Si rien n'est fait, elle se trouvera en situation de cessation de
paiements en 2003.
Quelles mesures envisagez-vous, monsieur le ministre, pour faire face à ce
risque réel de faillite de l'établissement public ?
M. Jacques Chaumont,
rapporteur spécial.
Très bien !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga,
rapporteur pour avis.
J'évoquerai maintenant un domaine porteur de plus
de satisfaction et d'espoir, celui de notre action audiovisuelle extérieure.
Je tiens tout d'abord à souligner le succès rencontré à l'exportation par les
produits culturels français, qu'il s'agisse des disques, des films ou de
certains programmes de télévision. Les services du ministère, depuis 1998, ont
beaucoup contribué à cette évolution. Je vous renvoie à mon rapport écrit, mes
chers collègues, pour les éléments chiffrés de ce succès trop méconnu de nos
concitoyens.
J'évoquerai tout de même le film
Amélie,
dont le succès aux Etats-Unis,
ces jours-ci, confirme mon propos.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Film très contesté par les intellos ! Précisément
parce qu'il marche : c'est cela qui leur est insupportable !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga,
rapporteur pour avis.
Oui, mais les intellos, laissons-les !
Par ailleurs, je tiens à saluer les efforts d'adaptation consentis par RFI
depuis l'adoption en 1998, par le ministère des affaires étrangères, d'un plan
d'action en matière de communication. Ces évolutions positives vont se
poursuivre avec la diversification des contenus éditoriaux en fonction des
zones de diffusion, diversification facilitée par le recours à la numérisation
des instruments de production, et, pour la couverture radio du continent
africain, par le recours aux principales langues locales, comme le haoussa ou
le swahili ; ces deux éléments permettront aux classes défavorisées non
francophones de recevoir une information de qualité.
Cependant, RFI est soumise à de fortes tensions sociales et financières. Son
budget ne la met pas en mesure de faire face à toutes ses charges pour l'année
prochaine, en particulier au financement de son émetteur de Chypre, et la grève
d'hier doit nous inciter à la vigilance.
Enfin, je soulignerai la progression remarquable de la chaîne de télévision
TV5 - maintenant « TV5 monde » -, qui ouvre de nouvelles perspectives, et je
tiens à rendre hommage à Jean Stock,...
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
C'est d'ailleurs parce qu'il était bon qu'on l'a
renvoyé !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga,
rapporteur pour avis.
... dont l'action positive à la tête de la chaîne
sera poursuivie par son successeur, Serge Adda.
J'aimerais cependant être éclairée, monsieur le ministre, sur un projet qui a
été évoqué de programmes d'informations télévisées franco-arabes. Un tel projet
est-il réalisable dans le cadre de la dotation budgétaire de TV5 monde pour
2002 ?
Il me reste à indiquer que la majorité de la commission des affaires
étrangères - majorité à laquelle je n'appartiens pas - s'est prononcée en
faveur du rejet des crédits d'action culturelle extérieure de la France pour
2002.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à Mme Brisepierre, rapporteur pour avis.
Mme Paulette Brisepierre,
rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense
et des forces armées pour l'aide au développement.
Monsieur le président,
monsieur le ministre, mes chers collègues, la part dévolue à l'aide au
développement au sein du budget des affaires étrangères paraît de plus en plus
menacée. Nos préoccupations transcendent, vous le savez, monsieur le ministre,
tous les clivages politiques. Aussi, je ne peux que m'associer aux critiques
formulées par notre rapporteur spécial, M. Michel Charasse.
Un triple constat s'impose : notre coopération perd progressivement son
identité, les moyens qui lui sont consacrés diminuent, et les priorités qui lui
sont fixées n'apparaissant pas clairement.
En premier lieu, notre coopération technique tend à se dissoudre parmi les
autres moyens d'action du Quai d'Orsay. Cette évolution se traduit par les
changements de nomenclature budgétaire qui, année après année, rendent de plus
en plus difficile l'identification des moyens spécifiques du développement.
Ainsi, le projet de loi de finances pour 2002 fusionne les crédits de la
coopération technique et du développement avec ceux de la coopération
culturelle et scientifique, qui relèvent pourtant d'une tout autre logique.
Ces modifications permettent de procéder à des redéploiements invisibles de
crédits entre les postes de dépenses ainsi regroupés, et il apparaît de plus en
plus clairement que la sauvegarde de la coopération culturelle n'a pu être
obtenue qu'au prix d'une nouvelle diminution des moyens consacrés à l'aide
publique au développement. Notre commission estime inadmissible que cette
évolution se fasse à l'insu des parlementaires.
En deuxième lieu, le brouillage des données budgétaires ne parvient pas à
dissimuler la baisse des crédits strictement destinés au développement.
Notre premier sujet de préoccupation porte sur « l'aide projet », menacée à
travers ses deux instruments privilégiés : le fonds de solidarité prioritaire,
d'une part, et les dons mis en oeuvre par l'Agence française de développement,
d'autre part - dons pour lesquels les autorisations de programme se réduisent
de plus de 10 %.
S'agissant de l'assistance technique, deuxième sujet de préoccupation, vous
avez annoncé au mois d'avril, monsieur le ministre, une réforme importante de
cet outil majeur de la coopération française et la mise en place d'expertises
de courte durée. Mais, alors que les crédits affectés à l'assistance technique
stagnent à un niveau inférieur à nos besoins, comment assurerons-nous la montée
en puissance de cette nouvelle forme de coopération sans porter préjudice à
l'assistance de longue durée, qui représente la vraie valeur ajoutée de notre
coopération ? Ne nous trompons pas d'objectifs !
Alors que la Commission européenne vient de décider de s'inspirer du modèle
français en renforçant ses effectifs sur le terrain par la présence de quelque
400 spécialistes permanents supplémentaires chaque année pendant trois ans, il
serait pour le moins paradoxal que nous suivions une voie inverse !
Le troisième sujet de préoccupation réside dans l'évolution de l'assistance
technique militaire. Ne craignez-vous pas, monsieur le ministre, que la
réduction de plus de 5 % des crédits de coopération militaire annoncée pour
2002 n'affecte l'un des volets essentiels de notre action en faveur du
développement ? Nos militaires conduisent en effet un effort de formation
inappréciable dans le domaine de la sécurité intérieure - sécurité intérieure
qui conditionne le retour à l'Etat de droit et le développement de
l'économie.
En troisième lieu, les priorités de notre action n'apparaissent pas
clairement. Cela s'explique d'abord par le fait que l'instance chargée de
définir ces priorités ne remplit pas pleinement son rôle et que les réunions du
comité interministériel de la coopération internationale et du développement,
trop rares et irrégulières, ne lui permettent pas de jouer le rôle d'impulsion
et de moteur dont notre coopération a besoin.
Pourtant, la définition de vraies priorités est particulièrement importante au
moment où l'enveloppe budgétaire est de plus en plus contrainte.
Malheureusement, c'est le contraire qui se produit ! Ainsi, la mise en place de
la zone de solidarité prioritaire, à la suite de la réforme de la coopération
de 1998, a élargi à soixante et un pays le bénéfice théorique de l'aide
française, auparavant réservée à une trentaine d'Etats, et cela sans moyens
financiers supplémentaires !
C'est la principale incohérence de la réforme, et sa principale faiblesse. Il
en résulte un grave risque d'éparpillement et de dilution de nos interventions,
et donc un risque de perte d'influence. A vouloir être présents partout, on
risque de ne compter nulle part !
La définition de priorités doit également s'accompagner de la recherche de
synergies avec d'autres acteurs du développement, notamment avec le secteur
privé, trop négligé jusqu'ici.
Or, ne l'oublions pas, notre pays a réalisé en 2000 un excédent commercial de
9 milliards de francs avec l'Afrique, soit 15,7 % de son excédent total. Ces
quelques chiffres permettent de répondre à ceux qui doutent de l'intérêt pour
la France de continuer à travailler avec l'Afrique.
Nombre de responsables d'entreprises regrettent l'insuffisance des instances
de concertation avec le gouvernement français en matière de coopération. C'est
là une lacune qu'il faudra combler.
Enfin, il est indispensable d'encourager les Français à d'expatrier. Or nos
compatriotes ne bénéficient pas des soutiens nécessaires, et l'absence
d'indemnisation pour les ressortissants français victimes d'événements dans
lesquels ils n'ont aucune part de responsabilité constitue une lacune
inadmissible. Vous le savez, monsieur le ministre, et je sais que vous partagez
totalement cette opinion.
Enfin, nous n'avons pas le droit d'ignorer la situation de profonde détresse
dans laquelle se trouvent certains de nos compatriotes, qui ne reçoivent plus
aucune prestation des systèmes de sécurité sociale auxquels ils ont pourtant
régulièrement cotisé !
C'est pourquoi les contrats de désendettement que la France met en place avec
ceux de ses partenaires qui bénéficient de cette initiative pour les pays les
plus endettés constituent une occasion à ne pas manquer de régler enfin
équitablement cette question.
Il est indispensable qu'une part des ressources dégagées par les annulations
de dette soit affectée aux systèmes sociaux des pays concernés, avec en
contrepartie l'obligation pour eux d'honorer leurs engagements à l'égard tant
de leurs ressortissants que de nos compatriotes.
En conclusion, il nous faut souligner une fois encore la contradiction
flagrante entre les objectifs de notre coopération et ses moyens, en réduction
constante. A l'heure où les tensions internationales soulignent plus que jamais
la nécessité de réduire les fractures entre le Sud et le Nord, notre pays ne
pourra faire entendre sa voix que s'il décide un réel redressement de son
effort financier. Le projet de budget n'en montre malheureusement pas la
voie.
Les évolutions chaque année plus inquiétantes de la part dévolue à l'aide au
développement - et ce malgré nos appels réitérés et les engagements donnés
régulièrement aux parlementaires - ont pesé de manière décisive, mes chers
collègues, sur l'avis défavorable émis par la grande majorité de la commission
sur le budget du ministère des affaires étrangères.
(Applaudissements sur
les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et
du RDSE, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à Mme Pourtaud, rapporteur pour avis.
Mme Danièle Pourtaud,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour les
relations culturelles, scientifiques et techniques.
Monsieur le président,
monsieur le ministre, mes chers collègues, la présentation rapide des mesures
nouvelles intéressant les relations culturelles, scientifiques et techniques me
paraît être la meilleure façon d'évoquer les orientations du projet de budget
dans le domaine de compétence de la commission des affaires culturelles.
En 2002, l'AEFE, l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, dont les
crédits augmenteront de plus de 21 millions de francs, bénéficiera d'une mesure
nouvelle de 9 millions de francs pour les bourses scolaires des enfants
français.
Les centres culturels français bénéficieront d'une mesure nouvelle de 10
millions de francs pour financer la première étape d'une harmonisation des
statuts et de la revalorisation des grilles de salaires de leurs recrutés
locaux, ainsi que d'une mesure nouvelle de 10 millions de francs pour le
renforcement de leurs moyens matériels.
Un programme de bourses « major » sera créé, avec une dotation de 10 millions
de francs en faveur des étudiants étrangers titulaires des bourses d'excellence
de l'AEFE et lauréats des concours d'entrée aux grandes écoles ou titulaires
d'un diplôme du premier cycle des universités. Aucune aide n'était jusqu'à
présent destinée à ces étudiants.
Enfin, les subventions aux opérateurs de l'action audiovisuelle extérieure
augmenteront de 30,4 millions de francs.
Pour synthétiser ces éléments un peu divers, je dirai qu'il s'agit de mesures
très significatives permettant la poursuite de la modernisation de
l'audiovisuel extérieur, priorité des priorités, sans léser les autres
politiques intéressant la commission des affaires culturelles.
Chacun peut regretter - à l'instar des rapporteurs qui m'ont précédé, et
notamment de Michel Charasse - que tel ou tel autre secteur de compétence du
ministère des affaires étrangères soit moins favorisé ou puisse sembler un peu
délaissé, mais je suis pour ma part persuadée que la paix dans le monde passe
de plus en plus par la bataille des idées et par la diversité culturelle. Or,
les actions conduites par la direction générale de la coopération
internationale et du développement, la DGCID, constituent justement un des
principaux instruments de notre diplomatie d'influence. Le renforcement de nos
moyens dans ce domaine est donc prioritaire.
C'est pourquoi je salue ce projet de budget qui privilégie les médias,
porteurs de notre vision du monde, l'enseignement du français à l'étranger,
vecteur de la francophonie et de la francophilie, l'accueil des étudiants
étrangers en France, garant du contact avec les élites de demain, et le réseau
des établissements culturels, instrument d'une présence finement adaptée aux
conditions locales.
Cette politique peut être considérée comme une série de défis impossibles,
tant le champ d'intervention est immense ; elle fait souvent face à des
difficultés, mais, parce que les difficultés ne sont jamais ignorées, cette
politique connaît aussi de très beaux succès. Dans le court laps de temps qui
m'est accordé, il est impossible de faire le moindre tour d'horizon des
initiatives lancées pour renforcer l'efficacité de ces instruments si divers.
Je me bornerai donc, mes chers collègues, à évoquer le dossier de la télévision
extérieure, qui, dans l'ensemble des domaines et sur l'ensemble des continents,
porte à l'intérieur des foyers les images et les messages de la culture
française.
La télévision extérieure, c'est avant tout TV5, qui est devenue la troisième
chaîne internationale de télévision, après MTV et CNN, que, dans certaines
parties du monde, elle devance. TV5 qui peut atteindre actuellement plus de 130
millions de foyers et bénéficie d'excellents résultats d'audience dans de
nombreux pays.
Ces indicateurs montrent que les objectifs stratégiques que vous aviez
assignés à TV5, en 1998, pour la période 1999-2001 ont été globalement
atteints, monsieur le ministre.
Le point noir de la réforme entreprise en 1998 était TV5 Amérique, placée sous
la responsabilité d'un consortium de télévision québéco-canadien basé à
Montréal. La programmation destinée aux Etats-Unis et à l'Amérique latine était
un échec ; TV5 Amérique connaissait en outre de graves difficultés de gestion
et, n'avait réussi à gagner que quelque 6 000 abonnés aux Etats-Unis. Les
ministres responsables ont donc décidé, en octobre 2000, de lui appliquer les
mesures qui commençaient à faire leurs preuves à Paris. Ils ont concrétisé, le
22 juin dernier, cette démarche en décidant le rapatriement à Paris des signaux
nord et sud-américains sous la responsabilité de Satellimage-TV5, rebaptisée
TV5 monde.
Le 1er août dernier, deux programmes, déclinés mais démarqués de celui de TV5
Europe, ont alors été lancés depuis Paris, l'un vers les Etats-Unis, l'autre
vers l'Amérique latine, avec 11 % de programmes canadiens, contre 35 %
auparavant.
L'effort se poursuit : en 2002, une mesure nouvelle de 25,4 millions de francs
sera dévolue en totalité à la chaîne et un redéploiement complémentaire de 8
millions de francs permettra de poursuivre les améliorations de la
programmation.
Par ailleurs, des propositions d'axes stratégiques pour 2002-2004 ont été
présentées par le nouveau président lors de la conférence ministérielle qui
s'est réunie hier, et je tiens à vous donner quelques éléments d'informations
sur ce point.
Aux Etats-Unis, il a été proposé de diffuser TV5 sur un satellite
supplémentaire afin de « caler » la diffusion sur les horaires de la côte est
et non plus seulement sur les fuseaux californiens. Par ailleurs, TV5 va se
réserver la possibilité de prospecter elle-même les câblo-opérateurs américains
de façon à améliorer sa pénétration.
En Amérique latine, l'introduction de TV5 sur le bouquet mexicain de DirectTV
devrait permettre d'améliorer un taux de pénétration actuellement
insuffisant.
En Europe, la priorité sera d'introduire TV5 en Grande-Bretagne, pays dont
elle est aujourd'hui absente, en rejoignant l'offre de BskyB.
Pour l'ensemble des signaux, il a été proposé de renforcer en volume et en
nombre de langues le sous-titrage, ce qui est indispensable pour toucher le
public non francophone intéressé par nos images et par notre vision des choses.
Le sous-titrage de la moitié de la grille représenterait cependant un coût de
l'ordre de 20 millions de francs par an. Il me semble donc, monsieur le
ministre, que des moyens supplémentaires seront encore nécessaires pour
amplifier les succès actuels.
Je vous surprendrai peut-être, monsieur le ministre, mes chers collègues, en
vous informant, après cette évocation trop rapide du dynamisme des relations
culturelles, scientifiques et techniques, que la commission des affaires
culturelles a donné, contre la proposition de son rapporteur, un avis
défavorable à l'adoption des crédits correspondants.
(Applaudissements sur
les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Legendre, rapporteur pour avis.
M. Jacques Legendre,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la
francophonie.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, c'est un exercice assez singulier que celui auquel doit se livrer le
rapporteur pour avis des crédits de la francophonie.
Il faut non seulement examiner les crédits consacrés par le service des
affaires francophones au financement de la francophonie multilatérale, mais
aussi débattre de l'action conduite par les pouvoirs publics en faveur de notre
langue, et cela concerne bien d'autres services et bien d'autres ministères.
De plus, cette année, une difficulté supplémentaire apparaît dans
l'appréciation des crédits consacrés à la francophonie multilatérale. Il devait
en effet revenir au sommet de Beyrouth de définir un certain nombre de grandes
orientations pour les deux années à venir, en particulier dans le domaine
financier. Le sommet a dû être reporté en raison du contexte international.
C'est une conférence ministérielle, qui devrait se tenir dans quelques semaines
à Paris, qui arrêtera le montant des contributions que les Etats membres
s'engagent à verser au profit des instances de la francophonie multilatérale
pendant le biennum 2002-2003.
Lors de l'audition par la commission des affaires culturelles du Sénat, M. le
ministre délégué à la coopération et à la francophonie nous a déclaré que la
France annoncerait, à tout le moins, le maintien de sa contribution lors de
cette conférence budgétaire.
Monsieur le ministre, vous est-il possible aujourd'hui de nous en dire plus
?
En attendant, le projet de budget du ministère des affaires étrangères se
contente, à quelques aménagements techniques près, de reconduire en 2002 les
enveloppes financières décidées pour le présent biennum 2000-2001. Je les
rappellerai très brièvement.
Les crédits du service des affaires francophones s'élèvent à 37,4 millions
d'euros, soit 245,4 millions de francs. Cette contribution du ministère des
affaires étrangères, complétée des apports en provenance d'autres ministères, a
porté, en 2001, à 283,5 millions de francs la contribution de la France au
fonds multilatéral unique, assurant ainsi le financement de l'agence
internationale de la francophonie, celui de l'université Senghor et celui de
l'association internationale des maires francophones. La contribution globale
de la francophonie multilatérale s'est élevée à 760 millions de francs en 2001
et devrait atteindre un niveau comparable en 2002.
Quant à l'ensemble des crédits concourant au développement de la langue
française et à la francophonie, relevant de la DGCID ou d'autres ministères,
culture ou éducation par exemple, ils s'élèveront à près de 914 millions
d'euros, soit 6 milliards de francs en 2002, contre 893 millions d'euros en
2001.
Devons-nous nous satisfaire de cette stabilité dans l'effort budgétaire ? Non,
monsieur le ministre, car, année après année, il nous faut constater les
atteintes portées à l'usage de la langue française en France et l'érosion de
ses positions à l'étranger.
Chaque année, nous dénonçons des abandons, des reculs, des renoncements.
Chaque année, on tente de nous rassurer, on nous explique que l'essentiel n'est
pas en cause, que la bonne volonté du Gouvernement existe et qu'elle est
attestée par l'effort financier qu'il consent. Et chaque année, il nous faut
constater de nouveaux errements.
C'est ainsi que l'article 14 du projet de loi relatif aux mesures urgentes de
réformes à caractère économique et financier comporte une disposition
autorisant les émetteurs de titres de capital et de titres de créance à établir
leur note d'information au titre de l'appel public à l'épargne dans une langue
usuelle en matière financière, c'est-à-dire, en clair, en anglais !
La commission des finances du Sénat avait fait adopter par notre assemblée une
disposition n'autorisant de déroger à la règle de l'usage du français que pour
des produits financiers très techniques s'adressant à des investisseurs
professionnels. Malgré cette concession sur le fond - qui nous coûtait - le
Gouvernement a fait rétablir la disposition d'origine par l'Assemblée
nationale, ce qui a amené quatre-vingt un de nos collègues et moi-même à
déposer un recours devant le Conseil constitutionnel.
A quoi sert l'effort financier de la France en faveur de la francophonie...
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
A M. Boutros-Ghali !
M. Jacques Legendre,
rapporteur pour avis.
... si le Gouvernement lui-même propose au
Parlement, en violation de l'article 2 de la Constitution, de renoncer à
l'usage du français en matière financière ?
Autre exemple préoccupant d'un recul accepté : la signature par la France, le
29 juin 2001, de l'accord sur l'application de l'article 65 de la convention
sur la délivrance des brevets européens. Bien évidemment, a été mise une fois
de plus en avant la nécessité de limiter le coût des traductions. Il n'empêche
que nous avons accepté que des titres juridiques partiellement rédigés dans une
langue étrangère puissent créer en France des droits et obligations !
Le temps me manque pour développer d'autres sujets de préoccupation, mais il
me faut quand même une fois de plus dire mon inquiétude, mon angoisse même,
devant l'inexorable montée de l'usage unique de l'anglais dans les organismes
européens.
Créé le 1er janvier 2001, l'office de coopération Europe Aid est chargé de la
mise en oeuvre de l'ensemble des instruments d'aide extérieure de la Commission
financés à partir du budget communautaire et des fonds européens de
développement. Or le document qui décrit la procédure d'établissement du
contrat d'aide passé entre l'autorité européenne et le consultant précise que
le contrat, mais aussi tous les échanges écrits ne seront acceptés que s'ils
sont rédigés en anglais. Autrement dit : nul n'est censé ignorer l'anglais s'il
souhaite obtenir une aide financière de l'Union européenne !
Notre inquiétude et notre impatience sont partagées par des esprits lucides et
que nous ne sauriez récuser, monsieur le ministre. Ainsi, c'est Alain Decaux
qui, par deux fois, nous met en garde : le 17 octobre 2001, dans
Le Monde,
il renouvelle un appel qu'il avait déjà lancé dans
Le Figaro.
Il proclame « la survie du français, cause nationale » en
s'interrogeant publiquement : « Le français se trouvera-t-il un jour dans la
situation de ces langues indiennes d'Amérique dont Chateaubriand disait que
seuls les vieux perroquets de l'Orénoque en avaient gardé le souvenir ? »
(Sourires.)
En proposant cette année le rejet des crédits de la francophonie, la majorité
de la commission des affaires culturelles affirme sa volonté de ne pas céder à
l'engourdissement et à la bureaucratisation qui guettent, et exige avec force
que la francophonie retrouve l'imagination, l'élan, la détermination qui
assureront son avenir.
Monsieur le ministre, vous avez compris que les sénateurs ne sont pas prêts de
partager le triste destin des perroquets de l'Orénoque !
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, je ne reviendrai pas sur le détail du budget du ministère des
affaires étrangères dont nos rapporteurs ont fait une analyse très complète. Je
me limiterai, sur ce point, à quelques observations.
Vous avez, monsieur le ministre, avec MM. les ministres délégués, la charge de
conduire, sous l'autorité du Président de la République et du Premier ministre,
l'action internationale de la France. Chacun connaît vos efforts pour donner à
notre pays le rôle qui doit être le sien dans le monde.
Cette action internationale de la France, vous ne manquez d'ailleurs pas de
venir régulièrement nous la présenter devant notre commission ; nous sommes,
vous le savez, très sensible à votre disponibilité.
Mais, précisément, cette action diplomatique mérite beaucoup mieux que les
dotations qui vous sont accordées.
A l'administration centrale comme dans les postes diplomatiques et
consulaires, les effectifs, bien que stabilisés, restent insuffisants, de même
que certains moyens de fonctionnement. Ces lacunes compliquent toujours
davantage le travail quotidien de personnels dont nous savons le dévouement et
la compétence.
D'autres volets de notre action internationale, notamment l'aide bilatérale au
développement ou encore la coopération militaire, souffrent, à nos yeux,
d'arbitrages défavorables injustifiés. Cela est totalement incompréhensible et
contraire aux exigences de la situation du monde, en particulier de
l'Afrique.
Il suffirait pourtant d'un complément budgétaire raisonnable pour combler ces
insuffisances de moyens. Les demandes que vous formulez en ce sens, monsieur le
ministre, le plus souvent d'ailleurs avec l'appui explicite des parlementaires,
sont toujours repoussées : c'est, je crois, la principale raison qui fonde
notre décision d'émettre, cette année, un avis défavorable à l'adoption des
crédits de votre ministère pour 2002.
Il est d'usage, monsieur le ministre, à l'occasion de l'examen des moyens de
notre action diplomatique, d'aborder certains aspects de l'actualité
internationale dans laquelle elle s'exerce. Des événements survenus dans le
monde depuis plus de deux mois, quels enseignements, même partiels, peut-on
tirer ? Pour ma part, j'en relèverai trois.
Un premier enseignement nous vient de l'ONU qui, dès le lendemain des
attentats, a rapidement réagi pour consacrer le droit à la légitime défense
d'un pays agressé par une action terroriste de grande ampleur. Ce droit, qui
doit être exercé contre les auteurs de l'agression et contre les autorités du
territoire qui les abrite, vaudrait-il cependant également, en l'état, pour des
actions à caractère militaire que les Etats-Unis pourraient être tentés de
conduire dans d'autres pays suspectés, à tort ou à raison, d'abriter des
réseaux terroristes ? Cette question mérite d'être posée alors que, au sein de
l'administration comme de l'opinion américaines, il semble que l'Irak soit en
passe de devenir l'enjeu d'une prochaine phase de l'action engagée au lendemain
du 11 septembre, au moment même où la question des « sanctions intelligentes »
revient à l'ONU et où l'acceptation ou le très probable refus irakien d'un
retour des inspecteurs sera évidemment perçu comme l'instant de vérité
s'agissant de la détention, par ce pays, d'armes de destruction massive.
C'est aujourd'hui sous la responsabilité de l'ONU que la conférence
interafghane tente de mettre en place une administration provisoire pour le
pays. Il se trouve que M. Brahimi, qui la préside, fut l'auteur, l'an dernier,
d'un rapport important sur les opérations de maintien de la paix et sur les
conditions minimales posées à leur déploiement. A Bonn, cependant, l'Alliance
du Nord s'oppose au principe d'une telle force. Ce refus est-il compatible,
monsieur le ministre, avec l'objectif de reconstruction politique et économique
qui, pour la communauté internationale, doit être le corollaire de l'action
militaire américaine ? Si un compromis devait être trouvé, vous nous direz,
monsieur le ministre, quelles devraient être alors, à votre avis, les
caractéristiques du mandat de cette force internationale.
Le deuxième enseignement concerne l'OTAN. L'organisation de défense mutuelle
n'a pas eu à aller au-delà de la simple solidarité politique. La réaction du
plus influent de ses membres à ses offres opérationnelles s'est limitée à des
remerciements polis...
Au moment où la diplomatie russe a su, en revanche, rendre son concours
indispensable à la riposte américaine, croyez-vous, monsieur le ministre, que
cette évolution soit de nature à modifier l'enjeu de l'élargissement de
l'Alliance atlantique, qui doit être débattu l'an prochain, et éventuellement à
renforcer l'opportunité, pour cette organisation, d'envisager un nouveau
modus vivendi
avec Moscou ?
Le troisième et dernier enseignement concerne, hélas !, l'Union européenne. Sa
solidarité politique, sa détermination à agir contre le terrorisme sur les
plans juridique et financier n'ont pas fait défaut, mais, à Gand puis à
Londres, le mois dernier, elle a donné l'image d'une certaine confusion : les
contacts en formations restreintes, précédant les réunions formelles à quinze,
ont donné à certains de nos partenaires l'impression que l'Union comportait
plusieurs cercles. Fallait-il y voir le signe précurseur de cette idée de «
noyau dur », d'Etats pionniers, de coopération renforcée avant la lettre, qui
fit l'an dernier, lors de la préparation du traité de Nice, l'objet de nombreux
débats ? A la veille de la réunion de Laeken, cruciale pour l'avenir de
l'Union, pourrez-vous, monsieur le ministre, à l'expérience de la crise en
cours, nous faire part de votre analyse sur la politique étrangère et de
sécurité commune ?
Enfin, dans cette lente décantation du nouvel environnement mondial, qui
n'aura peut-être pas, à terme, que des effets négatifs, il subsiste bien des
motifs de grave préoccupation. J'en relèverai deux.
Le premier reste le conflit du Proche-Orient. Les Etats-Unis s'y avèrent
toujours plus indispensables et l'ONU, hélas ! encore indésirable. Les espoirs
de paix reposent en effet de nouveau sur la seule capacité des Etats-Unis à
exercer les pressions nécessaires sur les deux parties. La nouvelle
administration américaine n'a pu longtemps se dérober à cette évidence. En
reconnaissant à son tour la légitimité de l'existence d'un Etat palestinien aux
côtés de celui d'Israël, elle avait éclairci l'horizon de la mission de ses
deux représentants sur place, dont la tâche est rendue encore plus complexe par
les violences actuelles. Au demeurant, les Etats-Unis, pas plus que quiconque,
ne pourront contraindre à la paix des protagonistes qui n'en voudraient pas. Il
faut, à cet égard, constater que le blocage est aussi à l'intérieur de chaque
camp, pressé par ses factions les plus extrémistes. Il empêche tout changement
politique dont on pourrait espérer qu'il favorise l'apaisement et le
dialogue.
Dans ce contexte, il serait hasardeux d'attendre de l'Europe plus qu'elle ne
peut donner, à savoir être prête, grâce à ses atouts économiques et
commerciaux, grâce aussi à l'action résolue de certaines des diplomaties de ses
Etats membres, dont celle de la France, à épauler la première évolution
positive qui pourrait se dessiner.
Le second sujet de préoccupation tient aux turbulences de l'actuelle crise
afghane et à l'évolution du Pakistan, dont l'engagement courageux aux côtés de
la coalition, en échange d'une respectabilité externe retrouvée, ne lui a pas
apporté tous les avantages stratégiques qu'il pouvait espérer. Sa capacité
nucléaire rend sa fragilité intérieure périlleuse pour la région, surtout si
l'on pense à la gravité du conflit qui oppose, au Cachemire, le Pakistan à
l'Inde, pareillement dotée de l'arme atomique. Il s'agit là d'un abcès de crise
qu'il serait très risqué de laisser dégénérer davantage.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, on le voit
bien, c'est dans un monde dangereux que la France doit continuer de tracer,
seule ou avec ses partenaires de l'Union européenne, le chemin d'une diplomatie
active pour la paix et le développement. C'est aussi pour cette raison qu'elle
se doit de disposer de moyens d'action adaptés, qui ne sont malheureusement pas
au rendez-vous dans ce projet de budget.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et
Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 44 minutes ;
Groupe socialiste, 40 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 29 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 24 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 18 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 17 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe,
7 minutes.
Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des
présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix
minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Penne.
M. Guy Penne.
Monsieur le ministre, nous regrettons sincèrement que le ministère de
l'économie, des finances et de l'industrie ne traite pas mieux ce budget.
Toutefois, sous votre conduite, des réformes de fond ont été entreprises
certaines étaient à l'étude depuis vingt ans, et vous avez eu le courage de les
ressortir enfin des placards. La modernisation de votre administration se
déroule d'une façon satisfaisante. Notre politique étrangère, dans un monde
changeant et complexe, existe, et la France, grâce notamment à votre
infatigable activité, fait entendre sa voix.
Dans une situation politique internationale angoissante pour les peuples, le
rejet de votre projet de budget serait une marque imméritée de défiance à
l'égard du pouvoir exécutif, et, surtout, un mauvais coup porté au crédit
international de la France.
Pourquoi la majorité sénatoriale, qui a voté les crédits des affaires
étrangères depuis 1997, souhaite-t-elle aujourd'hui émettre un vote négatif ?
Une seule réponse à cette question : la majorité sénatoriale émet un vote
politicien, dans la perspective des élections qui auront lieu dans notre pays
en 2002 !
(Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes,
ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
Rappelons quelques déclarations faites, avec son intelligence et son talent
habituels, par notre collègue Jacques Chaumont, qui demeure malgré tout mon ami
(Rires)
, lors de la séance du 4 décembre 1996 sur le projet de budget
pour 1997 : « Ce budget baisse de 4 % par rapport aux crédits votés l'an
dernier. Représentant 0,93 % du budget global de l'Etat, il atteint son plus
bas niveau depuis 1985. »
M. Chaumont ajoutait, plus loin, que « pour ce qui est maintenant des crédits
pour la coopération et les interventions internationales, soit 6 milliards de
francs, ils ont fortement baissé ».
Pour conclure, il donnait « un avis favorable à l'adoption des crédits des
affaires étrangères pour 1997 » !
(Exclamations amusées sur les travées
socialistes.)
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
C'est la commission qui donnait un avis favorable
!
M. Guy Penne.
Autres temps, autres moeurs !
L'année 2002 constituera le quatrième exercice budgétaire unifié entre anciens
crédits de la coopération et crédits des affaires étrangères. A structures
constantes, c'est-à-dire hors transfert entre sections, la croissance des
dépenses ordinaires et des crédits de paiement, qui passent de 3,37 milliards
d'euros à 3,42 milliards d'euros, sera limitée en 2002 à 1,6 %, soit un taux
égal à celui de la croissance des prix à la consommation tel qu'il figure dans
le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de
finances.
Cela est à comparer avec l'augmentation de 0,93 % votée par la droite
sénatoriale en 1996 pour le budget de 1997, approuvé à cette époque, en dépit
de ce médiocre pourcentage, uniquement parce qu'il était présenté par MM. de
Charrette et Juppé.
Nous savons aussi que le budget du ministère des affaires étrangères ne
représente pas la totalité de l'effort national en matière d'action extérieure.
Celui-ci, en incluant les comptes spéciaux du Trésor et la contribution de la
France aux dépenses d'action extérieure de l'Union européenne, s'élèvera à 8,92
milliards d'euros, soit une hausse de 4,68 % par rapport au budget de 2001.
En ce qui concerne le projet de budget pour 2002, nous regrettons, monsieur le
ministre, que les demandes que vous avez formulées auprès de votre collègue
chargé des finances n'aient pas été entendues. Je prendrai un exemple à cet
égard : vous aviez demandé la création d'une vingtaine de postes consulaires
dans des pays sensibles ; cette requête, aux conséquennces financières modestes
et dont la justification est évidente, n'a pas été acceptée.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Par le Premier ministre ! C'est lui qui arbitre !
M. Guy Penne.
Il serait en outre vraiment souhaitable de porter une attention particulière
au personnel vacataire, souvent mal traité et recruté, dans de nombreux cas, en
raison du nombre insuffisant de titulaires.
Je ne peux, dans le temps qui m'est imparti, m'étendre sur les questions de
coopération et d'aide publique au développement. Cependant, dans le rapport de
la commission des affaires étrangères que j'ai rédigé avec deux autres
collègues et qui porte sur la réforme de la coopération à l'épreuve des
réalités, nous avons émis des critiques constructives.
Il faut parfaire la cohérence, qui reste problématique, de la DGCID, la
direction générale de la coopération internationale et du développement,
stopper l'érosion des moyens, sauvegarder l'instrument le plus original,
véritable spécificité française reconnue pour sa qualité dans le monde entier,
qui est l'assistance technique. Nous avons suggéré l'idée d'une agence qui
pourrait mieux fonctionner.
Vous poursuivez le redressement commencé en 1998 des crédits destinés aux
contributions volontaires. Après avoir chuté de plus de 60 % entre 1990 et
1998, ces crédits augmentent enfin, légèrement. Là encore, bien entendu, un
effort supplémentaire serait le bienvenu.
Nous ne pouvons pas nous contenter d'un montant d'aide publique au
développement qui reste inférieur à 0,4 % du PIB. Nous en sommes revenus au
niveau de l'époque de M. Giscard d'Estaing, alors que François Mitterrand, dès
1981, déclarait à Cancún que l'objectif était d'atteindre 0,7 % du PIB.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Et on l'a fait !
M. Guy Penne.
Cependant, nous demeurons les deuxièmes donneurs d'aide publique dans le
monde,...
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Avant, on était les premiers !
M. Guy Penne.
... mais la situation dans les pays du Sud est telle que nous ressentons le
besoin de faire plus et de faire mieux. Si l'on souhaite que notre aide soit
très utile, encore faut-il que les bénéficiaires soient en mesure socialement,
structurellement et intellectuellement d'en absorber les bienfaits pour la
faire fructifier.
Nous avons constaté qu'en matière d'allégement de la dette des pays pauvres
très endettés nous allons même au-delà des engagements et des recommandations
internationales. Nous nous en félicitons.
Si ces pays ne sortent pas du sous-développement - et beaucoup sont en
Afrique, continent qui intéresse peu les investisseurs - les peuples affamés,
sans espoir, se tourneront vers les cultures plus rentables, la
commercialisation et la transformation des drogues, ce qui engendrera
blanchiment d'argent, trafic d'armes et conflits multiples. Ne pas trouver les
moyens de soutenir les plus démunis sur les continents les plus pauvres, c'est
préparer un plus grand chaos.
Pour la France, l'Afrique commence de l'autre côté de la Méditerranée. Inutile
de rappeler que la forte population africaine immigrée en France est souvent
ici pour des raisons de survie, et, dans sa majorité, elle nous implore de
faire oeuvre de solidarité envers les populations restées dans leur pays
d'origine.
Etant donné notre rôle de leader dans la contribution - 25 % au Fonds européen
de développement - nous devons faire en sorte que soient mieux gérés les
crédits de la Commission européenne, qui me semblent insuffisamment
consommés.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Pas du tout consommés !
M. Guy Penne.
Les critiques présentées en ce domaine par M. Michel Charasse, je les partage
pleinement.
M. Jacques Chaumont,
rapporteur spécial.
Ah !
M. Guy Penne.
Comment ne pas voir que lutter contre les injustices du monde, lutter contre
la pauvreté, c'est aussi lutter contre le terrorisme, avec son cortège de
victimes innocentes ?
Nous pouvons mettre au crédit du Gouvernement et en particulier de l'action du
ministère des affaires étrangères la politique exemplaire de la France en
matière de lutte contre le sida.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Zéro franc !
M. Guy Penne.
La création du Fonds de solidarité thérapeutique internationale, les aides
financières importantes apportées par la France en témoignent. Nous pouvons
dire que, en la matière, notre pays est au premier rang de l'effort
international.
Au-delà des questions strictement budgétaires, je souhaite m'exprimer sur deux
aspects de l'actualité internationale : la situation après le 11 septembre et
le Proche-Orient.
Je commencerai par la situation après le 11 septembre.
Les récentes décisions du Gouvernement sont utiles à la nécessaire coopération
internationale pour combattre le terrorisme international et assurer plus de
sécurité dans le monde. Ce combat contre le terrorisme doit être empreint de
solidarité entre ses acteurs.
La lutte contre le terrorisme international doit être une coproduction et son
efficacité ne supporterait pas longtemps qu'une seule puissance, si légitime
que soit son action, puisse faire cavalier seul au détriment de la coopération
internationale en la matière. Les Etats-Unis avaient commencé « en solo » la
lutte contre Ben Laden, après les attentats de 1998, avec les résultats que
nous connaissons.
Le Premier ministre a affirmé récemment : « Il est souhaitable qu'à la
coalition contre le terrorisme succède une coalition pour un monde plus juste.
» Nous l'approuvons.
Nous souhaitons nous inscrire dans un monde multipolaire et l'Europe doit
pouvoir être un acteur et un organisateur de cette évolution des relations
internationales. C'est la grande ambition que la France propose à ses
partenaires de l'Union européenne.
J'en viens au Proche-Orient.
Nous approuvons la politique du Gouvernement en ce qui concerne la paix au
Proche-Orient, je devrais plutôt dire « le retour au processus de paix ».
Déjà Pierre Mendès France, en 1970, disait : « Ce que je demande est très
simple, je souhaite de toutes mes forces convaincre les Israéliens que les
Palestiniens ont le droit de réclamer pour eux ce qu'Israël a obtenu pour lui.
» Ensuite, avec François Mitterrand, en 1982, notre diplomatie n'a cessé de
demander la création d'un Etat palestinien et, en parallèle, un engagement
complet et garanti quant à la sécurité d'Israël. C'est aussi la position de
l'Union européenne et je pense que la France a beaucoup contribué à ce que
cette position soit prise. Nous avons apprécié que, très récemment, le
président George W. Bush se soit prononcé dans le même sens.
Individuellement, les nations européennes ont peu de prise. Seuls les
Américains semblent susceptibles de peser le plus et le président Clinton a
accompli un énorme travail entre Ehoud Barak et Yasser Arafat. Après un temps
de repliement, la diplomatie Bush semble se réveiller. Tant mieux, mais
l'Europe est souhaitée comme contre-poids, tant par les Israéliens que par les
Palestiniens. C'est nécessaire pour les espoirs de coopération régionale au
sein de la zone et c'est une voie sur laquelle nous devons entraîner nos
partenaires européens, en retrouvant, si possible, l'élan de la conférence de
Barcelone. Si les marges de manoeuvre sont étroites, la France, au nom des «
droits des hommes à vivre dans des frontières sûres et reconnues », doit
s'efforcer de faire passer son message de paix.
En conclusion, monsieur le ministre, le groupe socialiste votera le budget des
affaires étrangères, car nous souhaitons adresser aux Français ce message :
nous soutenons la politique étrangère de la France et nous, les socialistes,
logiques avec nous-mêmes, nous vous donnons les moyens budgétaires de conduire
votre politique.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles
du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Durand-Chastel.
M. Hubert Durand-Chastel.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la grave
insuffisance du projet de budget du ministère des affaires étrangères pour
2002, reconnue par son propre ministre, est une donnée récurrente du budget de
la nation, d'autant plus difficile à admettre en cette période de troubles où
la France devrait pouvoir valoriser sa position internationale.
Les enjeux du ministère sont, en effet, fondamentaux pour la paix dans le
monde et pour la France, qui est l'un des cinq membres permanents du Conseil de
sécurité des Nations unies. La conjoncture diplomatique et la croissante
globalisation de la planète lui donnent un rôle déterminant pour l'avenir du
pays. Or le projet de budget pour 2002, qui représente moins du dixième de
celui du ministère de la défense, est comparable à celui du secrétariat d'Etat
aux anciens combattants ! Il représente seulement 1,33 % du budget de l'Etat,
contre 1,68 % voilà une dizaine d'années. Cette réduction est encore aggravée
par la dépréciation de 20 % de l'euro, depuis sa création, par rapport au
dollar, puisqu'une partie des dépenses du ministère des affaires étrangères
correspond à des devises étrangères.
C'est avec retard que la France assure le règlement de ses contributions
internationales obligatoires, dont le montant a presque doublé ces dix
dernières années à la suite des impérieuses nécessités de la situation
mondiale. Quant à nos contributions internationales volontaires, elles n'ont
que peu progressé durant la même période, occasionnant, pour notre pays, la
perte d'administrateurs dans les organismes internationaux. La France n'occupe
que le treizième rang parmi les contributeurs internationaux volontaires !
Je n'ai pas le temps de parler de la coopération internationale, dont
l'importance est majeure et qui correspond parfaitement au caractère
d'universalité de notre nation. Là encore, notre action est très insuffisante,
comme l'ont très bien souligné MM. les rapporteurs spéciaux.
Le ministère des affaires étrangères joue également un rôle primordial pour le
commerce extérieur de notre pays qui se classe au quatrième rang mondial pour
le volume de ses échanges internationaux. Il a, en effet, la charge de toutes
les communautés françaises de l'étranger, ainsi que des nombreux services qui y
sont rattachés : coopération, enseignement, culture, etc.
Une prise de conscience de cette anomalie budgétaire est donc indispensable,
si la France veut conserver le prestige et l'influence qu'elle a toujours eus
dans le monde actuel.
Je m'exprimerai à présent sur deux points particuliers : l'enseignement
français à l'étranger et l'audiovisuel international.
Les établissements d'enseignement français à l'étranger constituent un des
plus vastes réseaux scolaires au monde, d'excellente qualité comme le montrent
les très bons résultats des élèves aux examens. Avec les Alliances françaises,
ces établissements représentent les deux grands pôles de la francophonie à
l'étranger. Ces établissements payants sont financés par les parents d'élèves
et par le gouvernement français. Des bourses scolaires sont octroyées aux
élèves français les moins favorisés.
Ces bourses, dont l'enveloppe a progressé de façon notable ces dernières
années, sans pour autant satisfaire complètement les besoins de nos
compatriotes à l'étranger, représentent aujourd'hui une lourde charge dans le
budget des affaires étrangères.
Pour résoudre ce problème, la direction générale de la coopération
internationale et du développement a entamé des discussions avec le ministère
de l'éducation nationale, lui demandant de prendre en charge les coûts de
scolarité des élèves de nationalité française.
Cette demande paraît d'autant plus justifiée que le ministère de l'éducation
nationale, qui bénéficie de crédits considérables, possède un large budget
d'intervention publique au titre IV, chapitre 43-71 - bourses et secours
d'études. Or, ces dernières années, ledit chapitre a été surdoté et une grande
partie des crédits n'a pas été dépensée. Cela veut dire que, d'un côté, il y a
des crédits de bourses sans besoin et, de l'autre, à l'Agence pour
l'enseignement français à l'étranger, il y a des besoins sans suffisamment de
crédits ! Ce transfert de charges, fortement préconisé par le Conseil supérieur
des Français de l'étranger, recueille-t-il votre approbation, monsieur le
ministre, et les pourparlers avec l'éducation nationale ont-ils progressé ?
Par ailleurs, le ministère des affaires étrangères finance un nombre important
de boursiers étrangers dans l'enseignement supérieur, 23 000, représentant une
dépense de 600 millions de francs par an. Trop d'étrangers délaissant nos
universités pour les universités des Etats-Unis, de Grande-Bretagne et
d'Allemagne, le Gouvernement a réalisé un sérieux effort en matière
d'information, de visas et de conditions d'accueil, avec la création
d'EduFrance. Cette politique a porté ses fruits, les effectifs d'étudiants
étrangers en France, estimés actuellement à 150 000, s'étant accrus.
Cependant, il paraît souhaitable, monsieur le ministre, qu'une coordination
plus étroite soit établie entre les deux ministères de tutelle. En particulier,
l'articulation des compétences des deux grands organismes d'accueil des
étudiants étrangers en France, le CNOUS - centre national des oeuvres
universitaires et scolaires - et l'Egide, doit être précisée afin d'éviter une
concurrence préjudiciable. La remise en état ainsi que la construction de
nouveaux logements étudiants est par ailleurs nécessaire. Il faudrait aussi
encourager le développement par les collectivités territoriales de coopérations
décentralisées non gouvernementales, qui sont très efficaces.
Je tiens à évoquer le bon démarrage du Centre d'information des volontaires
internationaux. Deux spécialités de volontaires restent en nombre insuffisant :
les informaticiens et les médecins. Ne pourrait-on pas, monsieur le ministre,
améliorer l'information à destination de ces deux catégories de diplômés ?
Enfin, je terminerai par l'action audiovisuelle extérieure. L'importance des
médias n'est plus à démontrer, surtout dans les pays en développement où la
presse quotidienne est très limitée. Les dotations prévues pour 2002 ne
représentent que 33 % des dotations de la Deutsche Welle en Allemagne ou 38 %
des dotations de la BBC World Service en Grande-Bretagne. Les crédits consacrés
à notre audiovisuel ne sont pas du tout à la hauteur de notre action
audiovisuelle dans l'Hexagone, et même dans l'outre-mer, avec lequel une
collaboration serait souhaitable. Malgré les progrès récents de TV 5 sur l'Asie
et, surtout, sur l'Amérique, les programmes dépendant maintenant de TV 5 Monde
à Paris, à l'exception du Canada, la faiblesse française reste considérable et
indigne dans ce secteur si porteur.
Pour toutes les raisons invoquées, le ministère des affaires étrangères
devrait être considéré comme prioritaire. En outre, la modernisation tout à
fait louable engagée au sein du département, dans des conditions souvent
difficiles, aurait mérité l'attribution de moyens supplémentaires pour
valoriser son excellent personnel et toute son organisation, et pour mieux
contribuer encore au rayonnement de notre pays. En raison de sa grave
insuffisance, et pour cette seule raison, monsieur le ministre, je ne voterai
pas ce projet de budget pour 2002.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Mathieu.
M. Serge Mathieu.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la
discussion du projet de budget des affaires étrangères pour 2002 s'inscrit dans
un contexte international bouleversé par les attentats du 11 septembre dernier
et par l'intervention militaire qui se déroule en Afghanistan.
Comme vous le faisiez remarquer dans une interview récente, monsieur le
ministre, la communauté internationale, ou plutôt les pays occidentaux,
vivaient depuis une dizaine d'années dans une certaine euphorie qui conduisait
à penser que « tous les problèmes du monde étaient surmontés, que nous étions
d'accord sur les principes, que tout le monde avait les mêmes références, et
que nous allions progresser d'un pas allègre vers la communauté internationale,
vers l'économie de marché généralisée, vers la démocratie libérale ».
Pourtant, un certain nombre de signes annonciateurs d'une profonde
incompréhension, à Seattle, avec l'échec de la précédente conférence de l'OMC,
l'Organisation mondiale du commerce, avec la conférence de Durban, nous ont
montré que nos conceptions - une sorte d'unilatéralisme des pays occidentaux -
étaient contestées par les pays du Sud, par le reste du monde.
De ce point de vue, les attentats du 11 novembre dernier ont constitué un
point de rupture, une prise de conscience du fossé qui nous sépare encore et de
l'urgente nécessité qu'il y a à le combler.
La politique étrangère française, qui a toujours promu le multilatéralisme,
émis des réserves sur les dangers de l'hyperpuissance et mis l'accent sur les
notions de solidarité Nord-Sud, doit ici être saluée. Il nous reste bien
évidemment encore du chemin à faire, notamment en matière d'aide au
développement, mais je crois que nous sommes sur la bonne voie pour peu que
l'effort ne soit pas relâché.
S'agissant de l'Afghanistan, nous avons évidemment un devoir de solidarité
envers le peuple américain, et nous participons à la coalition internationale
qui a pour objectif de lutter contre le terrorisme. Sur cette question, trois
remarques me viennent à l'esprit.
Après l'effondrement bienvenu du régime des talibans, la dimension humanitaire
de notre intervention est une urgence absolue. Elle est même l'une des
conditions de la solution politique afghane et du retour d'une certaine
démocratie, tant il est vrai que, comme le disait Rabindranâth Tagore, « ventre
creux n'a pas d'oreille ». Nous restons extrêmement préoccupés par les lenteurs
de l'acheminement de l'aide humanitaire et par la sécurité des ONG, les
organisations non gouvernementales, qui, sur place, se dévouent pour le peuple
afghan. L'un de nos objectifs presque militaire et, en tout cas, politique
devrait être la sécurisation de cette aide que l'on ne peut laisser à
l'évidence aux mains des factions afghanes.
Ma deuxième remarque a trait à la solution politique en cours de préparation.
Pour penser un Afghanistan en paix, le plan politique français offre une base
fondamentale de proposition. Je crois que notre pays peut jouer pleinement son
rôle pour rassembler les chefsafghans, les différentes ethnies autour d'un
objectif commun : la situation puis la reconstruction de ce pays. On ne peut
être que préoccupé par les tensions récemment révélées entre les Occidentaux et
certains chefs de guerre sur la présence de forces sous l'égide de l'ONU dans
ce pays.
Ma troisième remarque tient précisément au rôle de l'ONU. Après les
résolutions 1377 et 1378, le danger d'une trop forte américanisation de
l'intervention contre le terrorisme est apparu comme évident. Je crois que tout
le monde en est conscient, et les Etats-Unis eux-mêmes soutiennent aujourd'hui
une solution qui passe par l'ONU. Le droit de légitime défense qui a été
unanimement reconnu en application de l'article 51 de la Charte ne doit pas
masquer les difficultés qui existent, et notamment le fait que faire la guerre
au terrorisme est une notion difficile à cerner en termes de droit
international.
Cette remarque me permet d'évoquer devant vous le sort d'un pays auquel je
suis particulièrement attaché : il s'agit de l'Irak.
L'un des enseignements du drame de New York et de Washington est que, si nous
voulons lutter efficacement contre le terrorisme, nous devons nous attacher à
résoudre les conflits qui le justifient, à mettre fin aux souffrances et aux
injustices qui peuvent pousser des individus au désespoir et aux extrémismes
quels qu'ils soient. Le roi Abdallah de Jordanie l'a vu immédiatement quand il
a déclaré que la résolution du conflit israélo-palestinien était l'une des
conditions du succès à terme de la lutte contre le terrorisme. Il aurait pu en
dire autant, selon moi, de la situation en Irak.
Je suis persuadé que nous avons l'opportunité politique de mettre fin à
l'embargo et aux sanctions qui affectent l'Irak ; il faut non plus rechercher
une quelconque « intelligence » dans des sanctions devenues absurdes, mais
essayer intelligemment de sortir de cette trop longue crise.
Vous savez que nous luttons de toutes nos forces pour une levée de l'embargo,
lequel - nous l'avons dit et répété - est moralement inacceptable et
économiquement absurde. Le nombre des victimes de ce génocide rampant ne cesse
d'augmenter. Les chiffres officiels des agences de l'ONU vont de 1 à 1,5
million de morts supplémentaires en onze ans. C'est toute une génération qui
est sacrifiée. Tout cela est inacceptable et révoltant, comme nous avons pu le
constater une nouvelle fois en visitant des hôpitaux pédiatriques lors de notre
séjour en juin dernier en Irak. Je prépare d'ailleurs un rapport sur cette
mission auquel sera annexé celui des médecins qui nous accompagnaient.
Nous avons dénoncé l'absurdité de sanctions globales à la durée illimitée qui
ne perdurent, au mépris des règles et de la lettre de la Charte de l'ONU, que
pour des raisons politiques propres à certains Etats. Un rapport d'information
récent sur le régime des sanctions ne soulignait-il pas qu'elles étaient
devenues, au fil des années, l'un des meilleurs instruments du
leadership
des Etats-Unis ? C'est bien cette volonté unilatérale qui a
conduit à refuser de revoir les sanctions après que l'Irak a évacué le Koweit.
C'est bien cette volonté qui a mené à la rupture de 1998 alors que l'occasion
d'une levée de l'embargo était réelle. L'Irak collaborait avec l'ONU et
respectait ses obligations. Que n'a-t-on alors choisi la voie « intelligente »
de la levée des sanctions ! Ce sont ces deux occasions manquées qui ont conduit
à la reprise des bombardements en 1998, dénoncés par la France, et à la
situation de blocage actuelle. Essayons aujourd'hui de ne pas répéter ces
erreurs.
Dans le rapport que je citais, il était indiqué ceci : « les exigences
récurrentes du Conseil de sécurité reflètent la mauvaise foi de certains de ses
membres, l'Irak a été conduit à mener une politique systématique de
contournement de l'embargo, les sanctions ont pris une connotation répressive,
punitive, qui n'a plus guère de légitimité eu égard aux objectifs du Conseil de
sécurité, et ce, quelle que soit l'appréciation que l'on porte sur le régime de
Bagdad ». Nous partageons évidemment cette analyse.
Révoltant en termes humanitaires, inacceptable en termes politiques, l'embargo
est également une absurdité économique puisqu'il est systématiquement contourné
par le gouvernement irakien, par la multiplication des accords de
libre-échange, par l'utilisation de l'article 50 de la Charte des Nations
unies, mais aussi, hélas ! par la contrebande.
Il me faut souligner que cette dénonciation des effets de l'embargo est
également celle de notre diplomatie qui ne cesse d'oeuvrer à « promouvoir une
solution durable et globale qui permette de garantir la stabilité et la
sécurité régionales ainsi que de réinsérer l'Irak et sa population dans la
communauté internationale ».
J'ose espérer que, s'agissant tant du conflit israélo-palestinien que de
l'Irak, la crise douloureuse que nous traversons nous conduira à trouver des
solutions originales et généreuses sans lesquelles les fondements du terrorisme
ne pourront être sapés.
Pour conclure, je voudrais dire quelques mots sur l'Albanie qui me semble
également être l'un des Etats clés de la solution des conflits de notre
monde.
Je fais naturellement allusion ici à la modération et à l'ouverture de la
politique régionale de l'Albanie sans laquelle il n'existe pas de solution
pérenne dans les Balkans. Les gouvernements successifs de ce pays ont montré, à
travers la crise du Kosovo ou celle de Macédoine, qu'ils avaient choisi la voie
de la solidarité inter-albanaise - elle s'est notamment manifestée lors de la
guerre du Kosovo par l'accueil de centaines de milliers de réfugiés - tout en
se gardant de céder aux mirages d'une grande Albanie dont la revendication
aurait mis à feu et à sang toute la région.
Les résultats des récentes élections en Albanie ont permis la reconduction du
gouvernement de M. Meta et me semblent être un gage de stabilité et de
poursuite des réformes entreprises depuis quelques années avec l'aide de la
communauté internationale, et singulièrement de l'Union européenne.
Certes, tous les problèmes ne sont pas réglés, en particulier le boycott du
Parlement par l'opposition menée par le parti démocratique de M. Berisha.
Pour autant, les difficultés auxquelles ce pays fait face sont encore
immenses. Le chemin de l'intégration européenne, à terme, me paraît la
meilleure voie pour aider l'Albanie. Le gouvernement du Premier ministre M.
Meta a fait de la négociation d'un accord d'association une priorité de son
action. La France doit, à mon avis, soutenir ce projet et le favoriser de toute
son influence.
Du point de vue économique, comment ne pas être frappé par l'omniprésence
italienne, qui s'est d'ailleurs concrétisée par la visite officielle de M. Meta
en Italie, voilà quelques mois, et les conversations qu'il a eues avec le
Président du Conseil italien à cette occasion ? Nous devons impérativement
encourager et donc garantir les investissements de nos entreprises dans ce
pays. Il y a tant à faire dans des domaines où notre pays et nos entreprises
excellent. Qu'il me suffise ici de citer les domaines des travaux publics, des
infrastructures, du traitement des eaux et des télécommunications.
Pour sa part, le Sénat développe une coopération avec l'assemblée albanaise
soit directement, soit par l'intermédiaire de l'Union interparlementaire.
Voilà, mes chers collègues, les quelques mots que je voulais prononcer à
l'occasion du vote du budget des affaires étrangères. Derrière ces crédits, il
y a des pays amis de la France et des hommes qui attendent de nous aide,
assistance et amitié.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Pelletier.
M. Jacques Pelletier.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous
examinons aujourd'hui le budget consacré à la coopération, budget ô combien
important au regard du contexte actuel.
Pourquoi rapprocher la part qui est consacrée chaque année par la France à
l'aide internationale des attentats terroristes du 11 septembre ? Parce que les
origines de ce terrorisme se situent justement, me semble-t-il, dans une
certaine indifférence des pays riches face à l'exclusion croissante des pays
pauvres.
L'intégrisme est souvent une réponse à la misère sociale. Nous l'avons
constaté voilà quelques années en Algérie où les jeunes chômeurs et les exclus
de l'époque ont été embrigadés par le Front islamique du salut dans une lutte
armée horrible ; nous le constatons dans certains pays du Moyen-Orient, qui
sont plongés dans une guerre infinie, depuis des décennies, sans que l'opinion
internationale s'en émeuve à l'excès et sans que les pays riches consacrent une
aide significative à leur reconstruction et à l'émergence d'Etats de droit.
Il faut cesser de se voiler la face : une situation dans laquelle les pays les
plus pauvres ne disposent que de 1 % de la richesse mondiale ne peut être
qu'explosive.
La croissance des inégalités est un facteur de risque pour le monde, et nous
le savons tous très bien.
Nous ne pouvons plus dire, aujourd'hui, qu'une famine, une guerre, un régime
totalitaire sont des phénomènes locaux sans implication pour le reste de la
planète. L'interdépendance du monde est un fait, et il nous appartient de le
prendre en considération.
C'est, à mon sens, par une réelle volonté politique qui tendrait vers une
réduction des inégalités que nous parviendront à promouvoir les valeurs
communes de l'humanité. C'est là tout l'enjeu de l'aide au développement, et
cela nous concerne au premier chef par le vote de ce budget, aujourd'hui.
Ce budget est vraiment un budget minimum, comme l'ont souligné nos excellents
rapporteurs, dont je salue ici le grand travail. En effet, s'il est certes en
légère augmentation - il faut le reconnaître -, il est encore loin du seuil
nécessaire pour faire face aux enjeux internationaux.
Je déplore dans ce budget la diminution de plus de 12 % des autorisations de
programme dévolues à l'Agence française du développement. Cette diminution
réduit d'autant plus la place de notre pays à l'étranger, ce qui est contraire
tant à nos intérêts qu'à notre vocation, particulièrement en Afrique. Les
crédits destinés à l'aide humanitaire sont stables, ce qui me paraît
dommageable : la situation internationale - et pas seulement celle qui règne en
Afghanistan - nécessiterait des engagements plus forts de la France.
Je dénonce aussi la réduction des moyens de la coopération technique. Cette
réduction va encore appauvrir le potentiel humain que nous envoyons dans les
pays en développement, comme cela est du reste dénoncé dans les excellents
rapports de nos collègues, et tout spécialement dans ceux de Paulette
Brisepierre et de Michel Charasse.
Tout cela explique qu'à l'extérieur on ait un peu le sentiment que la France
s'oriente vers un repli sur soi et manifeste une espèce d'indifférence
vis-à-vis des pays en difficulté. Cette attitude française constitue, selon
moi, une erreur très grave qui ne saurait se résoudre qu'en abondant
considérablement ce budget.
Il était légitime d'espérer que les récents événements serviraient de leçon
aux gouvernants des pays riches, en les incitant à moins d'égoïsme et à
davantage de solidarité.
Je constate avec beaucoup de regret que les chiffres de l'aide publique de la
France sont en contradiction avec notre volonté affichée de nous poser en
champion de l'aide au développement.
Monsieur le ministre, je connais votre position, et je sais pertinemment que
vous souhaiteriez, comme chacun de nous dans cet hémicycle, nous présenter un
budget un peu plus lourd. Il est vrai qu'il y a une vingtaine d'années - cela a
été rappelé tout à l'heure - les pays du nord s'étaient engagés à consacrer, à
terme, 0,7 % de leur PIB au développement des pays du sud. Voeu pieu puisque,
aujourd'hui, seuls cinq pays ont tenu ces engagements : le Danemark, le
Luxembourg, la Norvège, les Pays-Bas et la Suède. Quant à l'Autriche et à
l'Irlande, elles devraient y parvenir prochainement.
La France fait partie des pays qui ont beaucoup diminué leur aide publique au
développement : elle atteignait 0,32 % de son PIB en 2000 et l'on espère
arriver à 0,34 % en 2002, mais je me permets de rappeler que, voilà dix ans -
si ma mémoire est bonne -, nous étions à 0,63 %. Ainsi, en dix ans, l'aide
publique au développement a été divisée par deux. C'est inadmissible !
Parallèlement, nos contributions aux agences de développement de l'ONU se
réduisent. Par exemple, la contribution au Programme des Nations unies pour le
développement, le PNUD - et on sait que cet organisme fait un bon travail -,
est trois fois plus faible en 2000 qu'elle ne l'était en 1993.
Phénomène inquiétant également : la part des investissements français en
Afrique n'a cessé de diminuer. L'avenir de l'Afrique passe pourtant par sa
réinsertion dans l'économie mondiale. Elle en est aujourd'hui complètement
écartée. Il faut l'aider, ce qui implique une coopération industrielle
importante et une aide à la formation de ses cadres économiques et
commerciaux.
Bien plus important encore, la situation sanitaire de certains pays s'est
considérablement dégradée : de grandes épidémies sont réapparues, l'espérance
de vie se réduit, le taux de mortalité infantile est toujours très élevé.
Les politiques de base sont bien souvent, hélas !, remises en question puisque
d'autres impératifs macro-économiques s'imposent aux pays, au détriment de
l'enseignement, de l'urbanisme, de la lutte contre la criminalité et la
corruption, de la lutte contre le sida, qui touche, en Afrique sub-saharienne,
28 millions de personnes.
Mes chers collègues, en Afrique sub-saharienne, 28 millions de personnes sont
séropositives !
Sans vouloir me montrer trop naïf, je pense que l'aide au développement
pourrait être un instrument efficace de réduction des inégalités, ce qui, à
terme, favoriserait le développement du Sud.
Autre preuve de désengagement de notre pays en Afrique - Mme Pourtaud en a
parlé tout à l'heure -, le problème des échanges universitaires : la France
permet beaucoup moins aux Africains de venir étudier dans nos universités. Les
visas leur sont distribués au compte-goutte par nos consulats. Monsieur le
ministre, qui donne les ordres aux consulats, si ce n'est le ministère des
affaires étrangères ? Dès lors, les Africains privilégient aujourd'hui les
Etats-Unis, le Canada, l'Allemagne, la Belgique. C'est autant de perte
d'influence de la France en Afrique.
Enfin, monsieur le ministre, monsieur le président, mes chers collègues,
j'estime que les événements du 11 septembre dernier auront au moins, d'une
certaine façon, contribué à rappeler l'ampleur de la fracture qui s'élargit
chaque jour entre pays riches et pays pauvres. Les quatre cinquièmes de la
population du monde vivent aujourd'hui dans les pays en voie de développement
et un cinquième vit dans une situation d'extrême pauvreté, soit 1,3 milliard de
personnes.
Cette situation est évidemment porteuse de risques majeurs.
Une mobilisation renforcée de la communauté internationale en faveur de l'aide
au développement est évidemment indispensable et urgente si l'on veut éviter
que la mondialisation ne se traduise par la marginalisation accrue d'une
population qui tend à dominer la planète par son nombre, avec les risques
importants qui en découlent.
Monsieur le ministre, je souhaite avec beaucoup de force que la France prenne
la tête de cette croisade. C'est dans sa vocation ; c'est dans sa tradition.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, du RPR, de l'Union centriste, des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur quelques travées
socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Del Picchia.
M. Robert Del Picchia.
Monsieur le ministre, la commission des finances, vous le savez, a rejeté
votre projet de budget pour 2002 ; la commission des affaires étrangères, de la
défense et des forces armées a émis un avis défavorable. Malgré quelques
hésitations qui s'expliquent peut-être par le fait que ce sera, je pense, la
première fois au cours de la Ve République que le budget des affaires
étrangères reçoit un vote de rejet, je rejoindrai le point de vue de ces deux
commissions en ne votant pas le budget des affaires étrangères pour 2002.
Tout a été dit ou presque par mes collègues, par les rapporteurs bien sûr,
mais aussi par le président de la commission, Xavier de Villepin. J'ajouterai
toutefois à leurs propos une petite remarque sur l'inquiétude que peut susciter
la région des Grands Lacs. Après l'Afghanistan et le Proche-Orient, je crois
que c'est une région qui risque de devenir explosive dans un avenir proche.
Vous avez vous-même manifesté une préoccupation à cet égard puisque vous vous
êtes rendu dans cette région au mois d'août.
Toutefois, en tant que sénateur représentant les Français établis hors de
France, j'interviendrai plus particulièrement dans ce débat sur quelques points
qui préoccupent, à juste titre, nos ressortissants à l'étranger.
J'aborderai, en premier lieu, la modification de la carte diplomatique et
consulaire, qui, on le sait, malgré les efforts, se traduit inexorablement par
un déficit des structures d'accueil.
Par ailleurs, les restrictions budgétaires rendent les conditions de séjour de
nos compatriotes difficiles, voire dangereuses, comme c'est le cas au consultat
général de France à Abidjan, où les dysfonctionnements dénoncés maintes fois
compromettent la sécurité tant des personnels du poste que des visiteurs.
S'agissant des visas, sujet délicat et douloureux, à qui le ministère doit
d'être cité de temps en temps dans la presse, il existe toujours, dans certains
postes sensibles, des pressions, voire des risques de corruption.
Pour limiter sensiblement les risques, il faudrait - vous en conviendrez -
faire tourner plus souvent le personnel dans les postes, mais pour cela aussi,
l'argent manque.
M. Alain Gournac.
Eh oui !
M. Robert Del Picchia.
En ce qui concerne la réforme de l'agence pour l'enseignement du français à
l'étranger, l'AEFE, je ne vais pas rappeler les ratés et le retard de la mise
en oeuvre de la réforme du statut des personnels enseignants, qui ont provoqué
de nombreuses grèves dans les lycées français à travers le monde. Mais je me
dois de rappeler à nos collègues de métropole qu'à l'étranger l'école publique
française est privée, payante et chère, et que seul un enfant français sur
trois peut fréquenter une école française. Certains n'y vont pas en raison du
choix des parents, certes, mais d'autres, très nombreux, parce que leurs
parents ne peuvent pas faire face aux frais d'écolage des établissements du
réseau AEFE, pour eux exorbitants.
On attend toujours le résultat des négociations entre le ministère des
affaires étrangères et celui de l'éducation nationale sur la possibilité de
partage de la charge financière de l'AEFE.
En attendant ce que l'on ne voit point venir, nous proposons une mesure qui
serait dérisoire pour le budget de l'éducation, lequel - faut-il le rappeler ?
- est de 403 milliards de francs, dix-sept fois supérieur au vôtre, monsieur le
ministre.
Il s'agissait, non pas de faire financer par l'éducation nationale le
fonctionnement du réseau des écoles françaises à l'étranger, car ces écoles
s'adressent aussi aux nationaux des pays d'accueil et à ceux que l'on appelle
les étrangers tiers, leur financement relève donc du domaine des affaires
étrangères,...
M. Alain Gournac.
Eh oui !
M. Robert Del Picchia.
... mais de prendre en charge les enfants boursiers qui ne peuvent pas payer
la scolarité et qui seraient aidés s'ils étaient en France.
Il s'agirait donc d'alléger le budget des affaires étrangères en faisant
financer les bourses scolaires des enfants français nécessiteux par le
ministère de l'éducation nationale.
Cela représenterait un pourcentage ridicule du budget de votre collègue Jack
Lang, puisqu'il serait inférieur à 0,1 %, très précisément de 0,06 %.
Que l'on ne me dise pas qu'il n'y a pas de ligne budgétaire au ministère de
l'éducation nationale pour ce faire ! Il y a, en tout cas, des reliquats qui
dépassent largement ce pourcentage.
Certes, les bourses scolaires ont augmenté, monsieur le ministre, et l'on vous
en remercie, mais on ne peut triompher car elles correspondent à peine aux
augmentations des frais de scolarité. Nous en sommes donc au même point.
Le réseau des Alliances françaises voit aussi diminuer légèrement ses
subventions d'investissement destinées au financement de ses opérations de
rénovation alors que l'on sait que des travaux s'imposent dans bien des cas. Je
ne citerai que l'exemple du siège de l'Alliance française de Tamatave, à
Madagascar, bâtiment centenaire, splendeur du passé, qui se trouve dans un état
de délabrement avancé alors qu'il a été mis gratuitement à la disposition de la
France par une famille du pays en échange de son entretien.
En matière d'audiovisuel extérieur, tout a été dit, ou presque, sur RFI, TV5,
CFI, instruments essentiels de diffusion de la présence et de la culture
française.
En dehors des félicitations que je veux adresser à ses dirigeants, je
rappellerai que le Japon n'est plus couvert par TV5 depuis un an et que l'on
attend toujours une solution qui ne peut venir que d'une coopération avec des
entreprises françaises et - pourquoi pas ? - par le biais d'un partage
d'antenne avec d'autres chaînes.
Les crédits affectés à la sécurité des Français expatriés stagnent à 5,1
millions de francs.
Je voudrais attirer plus particulièrement l'attention sur la situation des
Français du Zimbabwe, peu nombreux, certes, mais victimes depuis près de deux
ans de tracasseries administratives, de menaces, d'intimidations, voire d'actes
de violence contre eux-mêmes. La nouvelle législation oblige tout citoyen du
Zimbabwe détenteur d'une double nationalité à renoncer à l'une d'elle d'ici au
31 décembre. Nos ressortissants craignent que le renoncement à la nationalité
zimbabwéenne ne les expose à l'expropriation. Quant à renoncer à leur
nationalité française sous la pression et la menace, par acte signé devant
l'ambassadeur, outre le choc psychologique que ce serait pour eux, cela leur
ferait perdre tout espoir d'être protégés par l'ambassade.
Abordons un autre domaine.
Depuis des années, les autorités françaises sont alertées sur les difficultés
que rencontrent nos compatriotes à propos des retraites non payées à
l'étranger. Nous sommes intervenus à plusieurs reprises sur ce sujet, monsieur
le ministre, mais la situation n'a pas évolué.
Evoquons le cas des Français qui ont travaillé à Djibouti et cotisé à la
caisse des prestations sociales, devenue en 1997 l'organisme de protection
sociale, OPS, de la République de Djibouti. Alors que la France a une
politique de coopération financière et technique avec Djibouti et l'OPS en
particulier, cet organisme ne remplit pas ses engagements envers nos
ressortissants. La solution qui pourrait s'appliquer, ainsi qu'aux autres pays
concernés, paraît simple : faire pression, mais elle se fait attendre depuis
vingt ans.
Je terminerai par les crédit du Conseil supérieur des Français de l'étranger
le CSFE, qui stagnent à moins de 10 millions de francs.
Au nom des délégués au CSFE toutefois, je vous remercie, monsieur le ministre,
d'avoir voulu entreprendre la réforme de cette assemblée en créant la
commission de la réforme.
Malgré des réticences au sein même de votre ministère - les fonctionnaires
semblent avoir peur de perdre un peu de leur pouvoir au profit des élus au
suffrage universel - vous avez déjà accepté quelques principes de cette
réforme, dont nous avons, avec M. Penne, présenté le rapport intérimaire au
mois de septembre dernier. Il serait bon, monsieur le ministre, de mettre en
oeuvre ces mesures en publiant rapidement les textes nécessaires. Il est
essentiel et urgent de donner aux élus des Français de l'étranger un statut et
des pouvoirs en concordance avec leur mission et leur action réelle sur le
terrain et de pourvoir le conseil des moyens indispensables pour lui permettre
de bien fonctionner. Il y va de la crédibilité de la représentation des
Français à l'étranger et donc de la participation des électeurs. Notre
assemblée y est sensible puisque douze de ses membres sont issus des suffrages
de ces grands électeurs, élus eux-mêmes au suffrage universel, sur le
terrain.
Enfin, je souhaiterais obtenir, si possible, des explications sur ce qui
m'apparaît comme une « mesquinerie budgétaire ».
Pourquoi une subvention du ministère des affaires étrangères à une société
d'assistance à des Français dans le besoin extrême et en grande difficulté
est-elle diminuée de moitié lorsqu'une aide complémentaire est apportée à cette
même société d'assistance au titre de la réserve parlementaire du Sénat, au
motif qu'il s'agit toujours d'argent public ? Précisons que la subvention
demandée était seulement de 50 000 francs.
Monsieur le ministre, chacun sait que l'aide du Sénat n'est attribuée que sur
la base de devis d'engagement de dépense pour une réalisation concrète. Quant à
la subvention du ministère des affaires étrangères, elle est destinée à aider
au fonctionnement de ces sociétés d'assistance. Ce sont deux choses différentes
!
Cela signifie-t-il que le Sénat devrait réfléchir au bien-fondé de son aide
?
Mme Monique Cerisier-ben Guiga,
rapporteur pour avis.
Il faut contrôler l'utilisation des fonds !
M. Robert Del Picchia.
Mais on sait bien que les besoins sont importants et qu'il faut absolument
continuer à aider les Français nécessiteux. Dès lors, tous les financements
sont les bienvenus, qu'il s'agisse de la subvention du ministère des affaires
étrangères ou de l'aide complémentaire apportée par le Sénat.
Tous ces éléments m'amènent à conclure que ce projet de budget, dont on vous
impose les limites, monsieur le ministre, conduit non seulement à une politique
d'économies et de meilleure utilisation des crédits - ce à quoi il n'y aurait
rien à redire - mais aussi à une politique de restriction.
Il est clair que le budget des affaires étrangères n'est pas une priorité du
Gouvernement. Celui qui nous est soumis aujourd'hui ne répond ni aux attentes
légitimes de nos concitoyens ni aux exigences de la présence et de l'influence
françaises à travers le monde, au moment où, face à la mondialisation, notre
pays doit se donner les moyens de tenir sa place, ainsi que la dernière crise
vient brutalement de nous le rappeler.
C'est pourquoi, malgré toute la considération que je porte à votre action de
politique extérieure, monsieur le ministre, j'aurai le regret de voter contre
ce projet de budget.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Cantegrit.
M. Jean-Pierre Cantegrit.
Je souhaite vous entretenir, monsieur le ministre, de l'action sociale de
votre ministère.
Je me suis toujours attaché à ce que nos compatriotes résidant à l'étranger
ait un jour une couverture sociale comparable à celle de nos compatriotes de
métropole. Le fonds d'assistance de votre ministère créé en 1977 va donc être
l'objet de mon intervention.
Je constate que les crédits sociaux ne progressent pour 2002 que de 4 millions
de francs, alors que la progression était pour 2001 de 5,4 millions de francs.
L'évolution de ces crédits marque donc le pas.
Lors de la dernière réunion de la commission permanente pour la protection
sociale des Français de l'étranger, où je représente le Sénat, nous avons été
dans l'obligation de réduire le niveau des demandes émises par nos postes
diplomatiques. Vous conviendrez avec moi, monsieur le ministre, que cela n'est
pas satisfaisant. Le fonds d'action sociale de votre ministère doit augmenter
en francs constants et seule cette augmentation régulière permettra de faire
face aux demandes nouvelles que vos postes nous communiqueront.
Certes, nous avons pu - et j'ai oeuvré en ce sens - augmenter les allocations
destinées aux enfants handicapés, mais ceux qui souffrent d'un handicap lourd
sont encore défavorisés par rapport aux handicapés mineurs de métropole.
Au sein du chapitre 46-94, relatif à l'assistance aux Français de l'étranger,
deux lignes budgétaires méritent notre attention.
La première est consituée par la « contribution à la couverture santé des
personnes à faible revenu dans le cadre de la caisse des Français de l'étranger
». D'un montant de 1 million de francs, conformément à ce que prévoit l'article
8 du projet de loi de modernisation sociale, cette ligne apporte un début de
réponse à l'une de mes demandes récurrentes concernant la couverture maladie de
allocataires du fonds d'assistance : la prise en charge d'une partie de leur
cotisation maladie à la caisse des Français de l'étranger. Cet article 8,
amendé, a été voté conforme par l'Assemblée nationale et le Sénat. Nous
n'attendons plus maintenant que l'adoption définitive de la loi, sa
promulgation et la parution des décrets d'application, qui, je l'espère
interviendront dès le début de l'année 2002, afin que cette mesure, dont je ne
peux que me réjouir, soit rapidement mise en oeuvre.
Ce progrès ne doit pas nous cacher que seul un nombre limité de nos
compatriotes pourra bénéficier des nouvelles dispositions : 20 000 Français
expatriés, dit-on, dont la moitié seraient déjà adhérents de la caisse.
Il ne faudrait pas que, une fois ces mesures devenues définitives, la
publicité qui leur sera donnée fasse naître de faux espoirs parmi certains de
nos compatriotes, et nous pensons particulièrement à ceux qui disposent de très
faibles ressources à Madagascar, à Pondichéry ou en d'autres lieux.
Nous devons donc poursuivre nos réflexions concernant les allocataires du
fonds d'assistance de votre ministère, qui, rappelons-le, ne disposent ni des
minima sociaux ni de la couverture maladie universelle qui leur est
attachée.
Vous le voyez, monsieur le ministre, ma demande d'augmentation des crédits de
votre ministère est fondée : ne l'oublions pas, c'est vous qui êtes
l'interlocuteur de nos compatriotes les plus défavorisés, vous qui, pour eux,
représentez la France.
L'autre point que je souhaite évoquer a trait aux crédits de l'emploi et de la
formation professionnelle des Français de l'étranger. En deux ans, ces crédits
ont connu une augmentation importante puisque ceux que vous nous soumettez pour
2002 ont été multipliés par deux par rapport à l'année 2000.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga,
rapporteur pour avis.
C'est un transfert de crédits du ministère de
l'emploi et de la solidarité. Il n'y a pas un sou de plus !
M. Jean-Pierre Cantegrit.
Le représentant du Sénat à la commission permanente pour l'emploi et la
formation professionnelle que je suis ne peut que s'en réjouir, car il s'agit
d'un aspect de notre expatriation que nous devons développer afin de permettre
à nos compatriotes soit d'avoir les meilleures chances de trouver ou de
retrouver un emploi à l'étranger, soit de revenir en France dans de bonnes
conditions. Je ne peux donc que vous encourager à poursuivre dans cette
direction.
Je voudrais également évoquer les sociétés françaises de bienfaisance qui
reçoivent des subventions de votre ministère. Ces subventions leur permettent
d'apporter une aide matérielle aux Français expatriés les plus défavorisés :
achat de matériel pour handicapé, achat de vêtements, prise en charge de soins,
frais annexes de scolarité, etc.
Toutefois, de plus en plus souvent ces sociétés elles suppléent à l'incapacité
de nos postes à faire face à l'ensemble des demandes. Amenées à intervenir
fréquemment, elles sont amenées à apporter un complément indispensable aux
aides consulaires, ce qui nécessite un subventionnement plus important.
En ce qui me concerne, j'ai contribué à ce subventionnement des sociétés de
bienfaisance pour l'année 2001 en faisant adopter un certain nombre d'aides au
titre de la réserve parlementaire du Sénat, que vient d'évoquer M. Del Picchia.
Vous me permettrez, monsieur le ministre, d'aborder plus particulièrement ce
sujet.
L'Assemblée nationale comme le Sénat disposent traditionnellement d'une
réserve parlementaire. Vous le savez aussi bien que moi, cette réserve est une
infime partie du budget de la France, et elle permet au président de la
commission des finances et à son rapporteur général, sur demande des
parlementaires, d'apporter un coup de pouce à une cause qui leur semble juste
et qui a échappé aux budgets des grands ministères. Je serais tenté de comparer
cela à ce qui existe dans tous les organismes sociaux, avec les fonds
d'assistance qui aident nos compatriotes dont la requête paraît justifiée.
J'ai eu l'occasion, monsieur le ministre, avec l'aide d'Alain Lambert,
président de la commission des finances, et de Philippe Marini, rapporteur
général, d'apporter ainsi un soutien au fonds d'action sociale de votre
ministère qui avait été insuffisamment doté, à la suite, j'imagine,
d'arbitrages qui ne lui avaient pas été favorables.
J'ai souhaité, au titre du budget pour 2001, répondre à un certain nombre de
demandes de sociétés de bienfaisance, de sociétés d'entraide, d'associations
caritatives, pour nos compatriotes expatriés et répartir ainsi un budget d'un
million de francs.
Je dois vous avouer mon étonnement quant au contrôle
a priori
fait par
tel contrôleur financier de votre ministère ou par tel consul général de pays
destinataire de cette aide, qui entendaient émettre un avis sur le bien-fondé
de la dévolution de ces fonds.
Je vous le dis avec une certaine solennité, il s'agit d'un empiétement du
Gouvernement et du ministère que vous dirigez sur le pouvoir de décision du
Parlement quant à cette très modeste dotation.
Il y a là une atteinte au principe constitutionnel de la séparation des
pouvoirs que je ne peux accepter.
Que votre ministère m'informe que, au vu des renseignements qui lui ont été
communiqués, telle affectation pourrait éventuellement être soumise à
controverse, cela me paraîtrait tout à fait normal dans le cadre des relations
entre votre cabinet, la direction des Français de l'étranger et un sénateur
représentant les Français établis hors de France. Mais que tel consul à
Tananarive, par exemple, tel contrôleur d'Etat ou tel contrôleur financier de
votre ministère se permette, sans concertation préalable, de bloquer
l'affectation de la dotation parlementaire me paraît choquant et contraire, j'y
insiste, à la séparation des pouvoirs.
Il vous appartient, monsieur le ministre, de rappeler à vos services que la
dotation parlementaire échappe au budget de votre ministère, que ce dernier n'a
aucun contrôle sur le choix, le montant et l'affectation des fonds en question,
ce qui n'empêche pas, encore une fois, un échange d'informations qui sera
toujours le bienvenu dans les rapports étroits qui existent entre les sénateurs
des Français de l'étranger et votre ministère.
Pour conclure, monsieur le ministre, sachez que je demeurerai vigilant sur
l'évolution des crédits sociaux de votre ministère, car les 1 900 000 Français
qui vivent à l'étranger méritent toute notre attention, toute notre
considération, et nous avons vis-à-vis d'eux le même devoir de solidarité et de
soutien qu'à l'égard de l'ensemble des Français.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants et du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les
relations internationales ont, depuis les terribles événements de septembre
2001, connu certaines modifications qui peuvent préfigurer une nouvelle donne
mondiale.
Après le moment de stupeur et la condamnation quasi unanime de ces actes
barbares, on a pu craindre, pendant un temps, une immédiate et foudroyante
riposte militaire des Américains contre l'Afghanistan, dont le gouvernement
protégeait les commanditaires des attentats. Ce scénario gravissime a pu être
évité.
L'explication réside en grande partie dans l'immense activité diplomatique
déployée. Durant plusieurs jours, de nombreuses rencontres bilatérales et
multilatérales ont permis, d'une part, de mieux appréhender la complexité de la
situation et, d'autre part, de s'accorder sur le très large éventail des moyens
complémentaires des moyens militaires à mettre en place.
C'est en effet grâce à des interventions politiques, diplomatiques,
financières, policières, judiciaires, économiques et humanitaires coordonnées
que l'on pourra vraiment éradiquer le terrorisme.
Cela ne peut pas être le fait d'un seul pays, si puissant soit-il, et
nécessite une large coordination de tous les efforts ainsi qu'une coalition
aussi large que possible. De ce point de vue, nous apprécions le renforcement
du rôle de l'ONU. C'est l'une des conséquences positives des événements et nous
souhaitons que cette orientation soit confortée.
La diplomatie française, loin de certaines agitations médiatiques, a été
particulièrement active durant cette période. Chacun s'accorde à reconnaître
l'intensité et la qualité du travail effectué par le ministre des affaires
étrangères de notre pays.
Monsieur le ministre, votre connaissance des dossiers, les liens nombreux et
étroits que vous entretenez dans le monde s'appuient sur un réseau diplomatique
dense et compétent. Nous voulons le préserver et le renforcer. C'est un enjeu
décisif pour que la France continue de jouer un rôle international actif dans
la défense des droits de l'homme, la promotion des processus démocratiques, le
respect de la justice, le renforcement d'un droit international et aussi pour
un développement équilibré et durable permettant de lutter contre les
inégalités, facteurs de pauvreté et de misère. Pour être à la hauteur de tous
ces défis, le budget des affaires étrangères doit encore progresser. Des
efforts sont accomplis depuis quelques années, mais il serait nécessaire de les
accentuer encore.
Dans ce contexte, nous regrettons que les crédits affectés au ministère des
affaires étrangères ne représentent que 1,37 % du budget de l'Etat. Nous sommes
loin du seuil de 1,5 % du budget global qui permettrait à notre pays d'être à
la hauteur de ses ambitions internationales.
Les contributions volontaires, affectées essentiellement aux programmes et aux
fonds des Nations Unies, progressent pour la troisième année consécutive, alors
qu'elles avaient chuté de plus de 67 % entre 1990 et 1998. Néanmoins, dans ce
domaine déterminant pour la lutte contre les inégalités, une trop faible
augmentation - de 1,26 % - ne situe la France qu'au douzième rang mondial.
Notre contribution au programme des Nations Unies pour le développpement, par
exemple, ne représente plus que le tiers de ce qu'elle était en 1993. Si nous
voulons véritablement combattre la pauvreté, il nous faut soutenir ces
programmes de manière significative en leur donnant beaucoup plus de moyens.
L'aide publique au développement représente 0,34 % du PIB. Cette année encore,
nous sommes très loin de l'objectif de 0,7 % du PIB que la France a souscrit à
l'ONU. Là aussi, nous devons dégager davantage de crédits en veillant à ce que
cette aide soit mieux utilisée et profite réellement aux populations dans les
domaines de l'éducation, de la santé, du logement, de l'agroalimentaire et des
services publics.
Depuis longtemps, nous déplorons le profond déséquilibre Nord-Sud. L'an
dernier encore, lors de l'examen de ce budget, nous insistions sur son
aggravation et sur les risques de fracture qu'il représentait. Seattle a été
révélateur de ces profondes inégalités et la conférence de Durban en a confirmé
la profondeur.
Pour éradiquer le terrorisme, il faut nécessairement agir sur ses causes et le
terreau qui l'alimente. Lutter contre la pauvreté suppose la volonté d'établir
un nouvel ordre international qui puisse assurer une plus juste répartition des
richesses. Trop d'êtres humains souffrent de la faim, de la maladie et
subissent les violences et les guerres.
Mais certains efforts sont remarquables. En matière d'allégement de la dette
des pays pauvres très endettés, l'effort de la France est à souligner. De même,
dans la lutte contre le sida, notre pays est au premier rang de l'aide
internationale.
Saluons également l'effort budgétaire en direction des crédits de coopération
culturelle sur lesquels mon amie Hélène Luc interviendra tout à l'heure. Les
nouvelles mesures annoncées, d'un montant de 14,7 millions d'euros, seront
affectées à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, aux
établissements culturels et de recherche à l'étranger, aux bourses pour les
étudiants étrangers, à la diffusion de la pensée française et à l'audiovisuel
extérieur.
J'évoquerai brièvement les principaux points de conflits dans le monde.
Concernant l'Afghanistan, nous devons rester très vigilants et attentifs au
seul but que s'est fixé la coalition : l'éradication du terrorisme, de ses
réseaux et de ses moyens financiers sur tous les continents, y compris
européen. Sur ce point, l'annonce du Président George W. Bush au peuple
américain peut susciter certaines inquiétudes quant aux menaces qu'elle fait
peser sur d'autres pays. Il y a là un risque d'extension lourd de conséquences
qu'il nous faudrait éviter.
La conférence qui se tient à Bonn, sous l'égide des Nations unies, est un
moment important dans la recherche d'un dénouement. La seule solution est en
effet politique, avec la constitution d'un gouvernement afghan accepté par
toutes les composantes.
Nous souhaitons également un effort exceptionnel pour apporter l'aide aux
populations civiles victimes depuis trop longtemps de conditions de vie
déplorables. Nous espérons qu'une solution sera bientôt trouvée avec
l'Ouzbékistan afin que le ravitaillement puisse être acheminé le plus
rapidement possible là où les besoins se font le plus sentir.
Enfin, quels que soient les ressentiments légitimes contre les responsables
d'Al-Qaida, nous ne pouvons cautionner l'existence ou la création de tribunaux
militaires d'exception. Les faits reprochés sont suffisamment graves pour être
jugés par des tribunaux compétents.
Pour l'Afrique, nous savons que ce continent connaît une situation très
difficile où la malnutrition sévit régulièrement et massivement. La progression
du sida y est un véritable fléau, puisqu'il touche deux malades sur trois dans
le monde. Il y a là un problème de santé publique grave, tout comme est grave
la très faible scolarisation des enfants africains.
Compte tenu de notre histoire commune, notre pays devrait s'investir davantage
et insister sur le renforcement des actions de l'Union européenne.
Enfin, comment ne pas évoquer une nouvelle fois le drame du Moyen-Orient ? Il
existe un énorme paradoxe entre la clarté des solutions - application des
résolutions de l'ONU, reconnaissance d'un Etat palestinien avec comme capitale
Jérusalem-Est, tout comme est reconnu l'Etat d'Israël avec comme capitale
Jérusalem-Ouest - et la difficulté de les faire appliquer.
Chaque jour, la liste des morts s'allonge. Ne peut-on pas arrêter ce macabre
enchaînement ? Il est grand temps de prendre des mesures visant à faire
respecter les conventions de Genève et à protéger les populations civiles. Le 4
décembre prochain aura lieu à Genève une réunion portant sur ce sujet. Quelles
seront les propositions de notre pays ? Le rôle actif de celui-là est reconnu,
mais nous devons persévérer pour contribuer à mettre rapidement fin à ce
conflit.
Compte tenu de tous ces éléments et de l'importance de notre influence
internationale, le groupe communiste républicain et citoyen votera votre budget
en renouvelant toutefois son désir de le voir progresser.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen,
ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à Mme Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Monsieur le ministre, évidemment, je voterai le budget que vous présentez à
l'approbation du Sénat, non que ce budget apporte de grandes satisfactions aux
parlementaires qui sont attentifs au fonctionnement de votre ministère. Vos
services continuent à souffrir d'une pénurie d'agents et de crédits
préjudiciable à l'accomplissement de leur mission.
Toutefois, nous constatons que vous avez su donner un coup d'arrêt à la
dégradation des années 1993-1997. La saignée infligée à ce ministère par le
plan Juppé a pris fin. C'est positif, et cela doit être salué.
Cela dit, je reprendrai les quelques points qui nous préoccupent tous. Nous
nous inquiétons de la poursuite de la coopération française au développement.
Je ne reviendrai pas sur les excellents propos de MM. Jacques Pelletier et
Michel Charasse, il y a réellement une très grande inquiétude parmi nous.
La baisse générale de l'aide publique française au développement n'est pas
acceptable, elle n'est pas conforme à la tradition de notre pays. Notre aide
bilatérale au développement devrait être coordonnée à l'aide européenne, mais
ne pas lui être sacrifiée par un trop grand transfert budgétaire.
Par ailleurs, je m'élève contre la mise à l'écart, sous prétexte de limitation
du temps de séjour, des assistants techniques, qui nous manqueront cruellement
dans quelques années quand nous aurons redécouvert les mérites de l'aide-projet
bilatérale.
Je crois qu'il faut très vite mettre fin à une mode actuelle néfaste pour
revenir à la coopération bilatérale, à l'aide-projet au développement.
MM. Yves Dauge et Jacques Pelletier.
Très bien !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Enfin, monsieur le ministre, le Parlement est unanime pour défendre les
crédits d'APD. A cette fin, nous ne manquerons pas de nous saisir du nouveau
pouvoir que nous confère la loi organique du 1er août 2001. Malheureusement,
celle-ci n'entrera en application, réellement et complètement qu'en 2006.
En attendant, les crédits de l'aide publique au développement ne
pourraient-ils, par anticipation et à titre d'exemple, être présentés, dès le
projet de loi de finances 2003, comme « missions » et « programmes », tels
qu'ils sont définis par la réforme de l'ordonnance de 1959 ?
Je voudrais maintenant vous parler des consulats. Je suis lasse d'entendre
poser avec insistance la question : la France entretient-elle trop de services
consulaires au bénéfice des Français expatriés temporaires et émigrés ?
Dans cette interrogation, je regrette d'avoir à déceler une méconnaissance de
ce qui fait l'essence de la conception de la nation française et une véritable
incapacité à situer l'émigration dans la nation.
Oui, la France rend plus de services à ses expatriés et émigrés que son voisin
d'outre-Rhin.
Mais 250 ans après l'installation de ses ancêtres au bord de la Volga, un
Russe d'origine allemande dont la famille et lui-même ont perdu toute relation
avec l'Allemagne redevient allemand du jour au lendemain pour peu qu'il en
fasse la demande. Le droit du sang suffit à maintenir le lien entre l'émigré et
la patrie.
Il n'en est absolument pas de même pour les Français. Reste Français à
l'étranger celui qui en garde la possession d'état, c'est-à-dire celui qui est
immatriculé au consulat, qui y enregistre les événements d'état civil de sa
famille, qui participe à la vie de la communauté française, qui vote... Après
cinquante ans de perte de cette possession d'état, le Français cesse de l'être
en vertu de l'article 23-6 du code civil.
Si nous ne voulons plus de consulats, il faut donc changer le code civil !
Etre Français à l'étranger, et le rester lorsqu'on émigre - pas lorsqu'on
s'expatrie -, c'est vouloir faire partie de la nation au sens du « plébiscite
de tous les jours » de Renan. C'est le manifester par sa vie administrative,
civique, culturelle. Voilà pourquoi il est si important que la continuité du
service public soit assurée par les consulats.
M. Aymeri de Montesquiou.
Pas dans l'Union européenne ?
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Dans l'Union européenne, c'est un autre problème. Faire des économies
aujourd'hui en pensant à une harmonisation qui aura lieu dans trente ans est un
mauvais calcul !
Aujourd'hui, en pratique, après la saignée du plan Juppé, la majorité des
consulats ne peuvent malheureusement plus remplir correctement leurs
fonctions.
En Afrique, la moitié de l'effectif et les trois quarts de l'énergie et du
temps des consuls sont absorbés par les services des visas.
Ainsi, à Bamako, les immatriculés sont passés, au cours des cinq dernières
années, de 3 200 à près de 5 000, les visas délivrés de 7 200 à près de 20 000.
Tous les indices d'activité du consulat ont explosé et il y a moins de
personnel qu'au début des années quatre-vingt-dix.
M. Jacques Chaumont,
rapporteur spécial.
C'est vrai !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Dans les pays développés où s'installent la majorité des Français, ni le
nombre d'agents ni les équipements ne permettent de faire face à l'afflux du
public. Le consulat de France à New York a fait face à la catastrophe du 11
septembre grâce au dévouement de tous, agents et volontaires, que je tiens à
saluer ici. Mais avec quels moyens ? Un standard téléphonique désuet et
seulement quelques ordinateurs reliés à Internet.
M. Jacques Chaumont,
rapporteur spécial.
Ils ont bien travaillé, c'est vrai !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Quelles mesures envisagez-vous de prendre, monsieur le ministre, pour que
soient rendus aux consulats les moyens de fonctionner normalement ?
Quelles mesures pourriez-vous prendre pour éviter que trop de Français,
inscrits sur les listes électorales des centres de vote à l'étranger, ne soient
contraints à l'abstention lors de la prochaine élection présidentielle ? A
cette fin, des centres de vote pourraient-ils enfin être ouverts dans les
villes privées de consulats ?
Monsieur le ministre, je constate avec tristesse et déception que pas une
mesure nouvelle, pas une création de postes de travailleur social ne permettra
de mettre en oeuvre mes propositions de lutte contre l'exclusion sociale dans
les communautés françaises à l'étranger. Le stade expérimental, je le crains,
est destiné à durer.
Mais je me réjouis de voir inscrite au chapitre 46-94 la nouvelle ligne 16 «
Contribution à la couverture santé des personnes à faible revenu dans le cadre
de la Caisse des Français à l'étranger. » C'est une revendication ancienne de
la gauche française à l'étranger. C'est la gauche qui l'a satisfaite.
Monsieur le ministre, j'en remercie le Gouvernement mais il ne faut pas qu'au
retard législatif s'ajoutent des retards administratifs.
Enfin, monsieur le ministre, de premières mesures ont été prises pour
améliorer la situation pécuniaire des recrutés locaux et nous en prenons acte.
Mais le Parlement attend toujours le rapport prévu par la loi d'avril 2000, qui
aurait dû nous être remis en avril dernier. Quand l'aurons-nous ?
Nous souhaitons que ce rapport serve de base à une revalorisation statutaire
et financière de ces milliers d'agents sans le travail et le dévouement
desquels plus aucun service de l'Etat français ne fonctionnerait aujourd'hui à
l'étranger.
Enfin, je dirai que la vraie raison pour laquelle je voterai ce budget, en
dépit de toutes les réserves que je viens d'exprimer, c'est que vous menez,
monsieur le ministre, une action diplomatique qui sert brillamment les intérêts
de notre pays, qui lui fait honneur et que je souhaite ainsi vous apporter mon
soutien.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles
du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à structures
constantes, les crédits consacrés cette année au budget des affaires étrangères
pour des dépenses ordinaires sont légèrement inférieurs à ceux qui sont prévus
pour les anciens combattants. Ceux qui ont défendu notre pays et subi des
blessures conduisant jusqu'à l'invalidité, ceux qui se sont battus par amour de
la patrie méritent bien évidemment notre respect, notre considération et notre
reconnaissance. Quoi qu'il en soit, ces chiffres sont symboliques.
Monsieur le ministre, lors du colloque au Sénat intitulé « La Diplomatie
parlementaire », vous aviez récusé l'apposition de ces deux termes, considérant
qu'il ne pouvait exister de diplomatie qu'au niveau de l'Etat.
Nous en avons pris acte : les assemblées parlementaires, et les collectivités
locales, de tous niveaux d'ailleurs, travaillent à leur échelle au rayonnement
de la France, mais toujours dans le cadre des conventions interétatiques.
Toutefois, les crédits accordés à la coopération décentralisée sont tout à
fait insuffisants. Les quelque 914 000 euros ne sont pas à la hauteur des
espérances qu'ont fait naître les journées de la coopération décentralisée qui
viennent de se dérouler.
L'Etat conserve le monopole de la diplomatie, chacun peut l'entendre ainsi,
car la politique étrangère est, par excellence, un pouvoir régalien. Mais il
doit s'en donner les moyens budgétaires. Ce n'est pas le cas, je suis donc très
inquiet pour notre action extérieure. On a compris en effet que les affaires
étrangères n'entrent pas - hélas ! - dans les cinq priorités définies par le
Gouvernement pour le budget de cette année.
Face à la mondialisation et avec un budget national beaucoup trop insuffisant,
faut-il que la France confie sa politique étrangère à l'Europe ? C'est un choix
qui pourra peut-être se justifier dans le futur mais qui, aujourd'hui, serait
ressenti comme un renoncement.
Votre budget est tellement tendu qu'il ne peut réagir à l'actualité. Même en
situation exceptionnelle, comme aujourd'hui, il ne peut s'adapter au nouveau
contexte international issu des attentats du 11 septembre, il ne peut marquer
la moindre inflexion. Quel niveau de danger faudra-t-il atteindre pour que les
répercussions budgétaires soient visibles ?
Je citerai un exemple. La sécurité des Français de l'étanger devrait nous
préoccuper un peu plus après ces événements. Or non seulement ces crédits n'ont
pas progressé, mais ils ont diminué de moitié en trois ans.
La France doit prendre réellement les moyens de sa politique étrangère ou
d'autres acteurs vont progressivement nous supplanter, je pense en particulier
au Royaume-Uni et, surtout, à l'Allemagne fédérale, en raison de sa situation
géographique, de son influence culturelle en Europe centrale et de sa puissance
économique. Cette situation aurait des conséquences lourdes sur nos intérêts
majeurs.
Elargissons notre horizon et considérons les points sensibles du globe. Nos
positions en Afrique se sont affaiblies. Au Moyen-Orient, malgré des idées
françaises justes et connues et des financements communautaires importants, les
Etats-Unis sont les seuls à peser réellement, avec les risques que l'on connaît
pour le futur de la région. En Asie centrale, dans laquelle j'inclurai l'Iran,
notre présence est largement insuffisante pour une région qui apparaît à tous,
de toute évidence, comme stratégique.
Aucun poste nouveau n'a été créé. Ainsi, il n'y a toujours pas d'attaché
militaire au Kazakhstan, poste qui existait il y a quatre ans et qui a été
supprimé malgré la montée en puissance de ce pays. En Extrême-Orient, notre
poids politique n'est guère plus important que notre poids économique,
c'est-à-dire modeste.
Replongeons-nous dans l'actualité. En Afghanistan, tout concourait à donner à
la France la possibilité d'illuster son savoir-faire.
Historiquement, la France a une bonne connaissance de ce pays. Son implication
fut parmi les plus importantes. Je citerai, entre autres, les fouilles
archéologiques qu'elle y a entreprises depuis 1922 et, surtout, le lycée
français de Kaboul, qui a formé une grande partie de l'élite afghane, dont le
commandant Massoud.
Vous avez reçu cet homme exceptionnel. Je suis convaincu qu'entre les talibans
et lui, entre l'obscurantisme et la quête de la démocratie, vous n'aviez pas
l'ombre d'une hésitation. En quoi vos préférences personnelles évidentes et
justes se sont-elles traduites dans la politique française ?
Quelles décisions ont été prises ? Vous avez certes récusé le terme de «
neutralité active » pour qualifier notre politique, mais quel a été
l'engagement de la France en dehors de l'aide humanitaire ? Où sont les
décisions politiques fondées sur le respect des droits de l'homme ? Quelles
initiatives ont été prises ?
En Europe même, d'autres pays ont réagi plus vite. Ainsi, dès le mois de
juillet, la Grande-Bretagne, avec la conférence de Londres, réunissait
quatre-vingts délégués de la diaspora afghane venus de quinze pays.
L'Allemagne, quant à elle, accueille aujourd'hui à Bonn, et accueillera, le 5
décembre à Berlin, ceux qui conduiront l'Afghanistan demain.
J'ai lu que le soixante-dix-huitième sommet franco-allemand, qui s'est tenu à
Nantes, a notamment permis aux deux pays de se mettre d'accord sur la question
de l'Afghanistan. Mais quel en est le bénéfice politique et économique pour la
France ?
Aujourd'hui, c'est également le temps de la reconstruction. Il semblerait à
cet égard que les Etats-Unis veuillent se partager ce domaine avec le Japon. Où
est la France dans tout cela ? Nos entreprises seront-elles concernées ? Que
notre efficacité diplomatique rejoigne l'intérêt de nos entreprises nationales
! Peut-être l'agence de reconstruction Afghanistan Renouveau, dont la création
par la diaspora francophone a été annoncée hier à Paris, sera-t-elle un relais
efficace pour notre pays.
Monsieur le ministre, avouez qu'il y a de quoi être déçu et, je l'avoue, un
peu amer devant ce qui apparaît comme un gâchis. Et je n'aborderai pas ici la
question du blocage des troupes françaises en Ouzbékistan.
La France a encore une chance de faire entendre sa voix, politiquement et
économiquement.
Il faut cependant rappeler qu'avant de financer sa participation à la force
multinationale dont le Conseil de sécurité a décidé l'envoi, notre pays est
déjà débiteur de près de 1 milliard de francs sur les opérations en cours.
A votre arrivée au ministère, vous aviez annoncé une « politique de reconquête
». Il n'apparaît pas que vous ayez convaincu le Premier ministre ou Bercy de
donner au Quai d'Orsay les moyens budgétaires qu'il mérite et dont il a besoin.
Pour ce budget, toutes les demandes de postes vous ont été refusées. Pis : les
effectifs diminuent de cinq postes alors que, depuis dix ans, votre ministère a
déjà rendu près de 9 % de ses effectifs !
Fixer dix objectifs pour le ministère est une chose, s'en donner les moyens
peut seul les concrétiser.
Je regrette que la qualité de la diplomatie française, votre expérience
internationale et la notoriété dont vous jouissez auprès de vos homologues ne
puissent pas être mieux entendues, faute de moyens.
Parce que vous aviez fait naître de grands espoirs, la déception est d'autant
plus forte. Pour la première fois depuis trois ans, déçu par la faiblesse de ce
budget, surtout dans le contexte mondial actuel, je voterai contre.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, du RPR, de l'Union centriste, des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Demuynck.
M. Christian Demuynck.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lorsque nous
aurons à nous prononcer définitivement sur le projet de loi de finances pour
2002, le 11 décembre prochain, cela fera exactement trois mois que les
événements tragiques de New York et de Washington auront contribué à changer
notre vision du monde et des relations internationales.
Que pourrait-on dire de plus sur l'horreur terroriste et sur les réseaux
fanatiques qui, à travers le monde, piétinent les fondements d'une religion
pour en faire l'instrument de leur haine contre les valeurs de l'Occident ?
Pourtant, en tant que législateurs et en tant que citoyens d'un Etat promoteur
des principes essentiels de la démocratie et de la liberté, nous ne pouvons
faire abstraction de ces circonstances particulières à l'occasion de notre
discussion sur le projet de loi de finances du ministère des affaires
étrangères.
Il s'agit non seulement d'évaluer les besoins budgétaires d'une administration
insuffisamment dotée, mais également de contribuer à définir les objectifs et
les moyens de la France dans ses relations avec les différentes parties
géographiques et économiques du monde.
Depuis le début de cette discussion budgétaire, l'ensemble des intervenants, y
compris certains collègues de l'Assemblée nationale, ont insisté avec un
certain fatalisme sur l'enrayement de la baisse de l'aide française. Les
chiffres se sont stabilisés à un niveau inférieur à l'objectif de 0,7 % du PIB.
De même, on a noté l'accroissement des dotations pour les centres culturels à
l'étranger, alors que la forte diminution de 13 % du titre IV entraînera des
difficultés de trésorerie pour l'Agence française de développement.
Je voudrais donc poser deux questions. Devrions-nous nous résigner, avec le
sourire, à voir limiter notre capacité d'intervention et de projection
économiques, industrielles, culturelles et humaines, tandis que les derniers
événements politiques accréditent l'idée qu'un pays sans visibilité et sans
présence extérieure est un pays marginalisé ?
Les moyens budgétaires qui sont proposés à notre approbation sont-ils à la
hauteur des ambitions de notre pays sur la scène internationale ? Ne nous y
trompons pas. Au moment où nous traversons une période de fort ralentissement
économique et que les économies de certains de nos principaux partenaires
entrent en récession, doter la France d'une politique de coopération dynamique
auprès des 61 pays de la zone de solidarité prioritaire, mais également auprès
de nouvelles zones géographiques jusqu'alors délaissées, telles que les pays de
l'Europe centrale et orientale, c'est poser des jalons pour l'implantation et
le développement futur des entreprises françaises.
A cet égard, les 151 centres culturels implantés dans 91 pays et le réseau de
1 135 alliances françaises présentes dans 138 pays, les programmes de
recherches scientifiques au titre de la coopération internationale ou les
partenariats linguistiques et universitaires dans le cadre d'EduFrance, doivent
être perçus comme des instruments multiformes à moyen et à long terme, comme
une arme de première frappe au service de l'économie française, dans le
contexte hyper-compétitif de la mondialisation et pas seulement comme une forme
de compensation maladroite des excès de la période coloniale.
Plusieurs de nos partenaires ont intégré cette dimension de l'économie
libérale, même si leur histoire et leurs traditions nationales les y
prédisposaient moins que nous. L'Italie et les Pays-Bas sont aujourd'hui de
plus gros contributeurs au système de l'Organisation des Nations unies que la
France, qui versera 48,8 millions d'euros en 2002, alors qu'elle en versait
99,5 millions en 1992. Cette contribution situe la France au douzième rang
mondial, ce qui n'est pas à la hauteur du statut qu'elle prétend maintenir.
Comment maintenir nos objectifs politiques, économiques et culturels, alors
que les crédits dévolus à l'aide au développement, comme l'a montré le rapport
de notre collègue Mme Paulette Brisepierre, vont enregistrer une nouvelle
réduction de 2 % et que la coopération militaire va subir une réduction de 5,6
% ?
Nous nous devons de prendre la mesure des conséquences de ce type d'évolution
sur l'image de la France auprès de nos partenaires. Certains d'entre eux,
jusqu'alors relativement effacés de la scène internationale s'affirment comme
de nouveaux interlocuteurs clés entre les grandes puissances. A cet égard, la
tenue à Bonn du sommet inter-Afghans est un signe de l'émergence de notre
puissant voisin, comme un nouveau visage de l'Union européenne vers
l'extérieur.
Allons-nous, par manque de clairvoyance sur les enjeux réels d'une politique
de coopération ambitieuse, courir le risque de voir s'éroder l'image de la
France, y compris dans ses zones d'influence traditionnelle ? Allons-nous nous
priver des moyens nécessaires à la poursuite de nos actions au risque de
discréditer notre politique et d'affaiblir notre influence, notamment en
Afrique subsaharienne et en Asie du Sud-Est ? Où est la cohérence de cette
politique de coopération que le Gouvernement nous propose ?
Il est plus qu'évident désormais que la dispersion des crédits entre plusieurs
ministères constitue le premier obstacle à la visibilité de notre politique de
coopération, y compris aux yeux de nos concitoyens. La coopération ne relève
pas exclusivement de l'Etat, elle implique également les collectivités locales,
les associations, les entreprises et les organisations non gouvernementales,
ces dernières étant amenées à jouer un rôle de plus en plus important dans le
traitement de l'aide internationale.
Désormais, seule l'aide bilatérale relève du ministère de la coopération, en
partenariat avec les ministères des affaires étrangères, de l'économie et des
finances et de l'Agence française de développement. Les aides multilatérales
sont cogérées par une multitude d'institutions : des institutions locales,
comme la Banque régionale de développement, des institutions internationales,
comme la Banque mondiale ou l'Union européenne, des institutions civiles,
enfin, comme les entreprises et les syndicats.
Comment envisager une visibilité des actions entreprises par la France, sinon
en renforçant les moyens du ministère de la coopération et en définissant plus
clairement la nature de ses missions ?
Enfin, puisque c'est bien de transparence qu'il s'agit ici, je souhaite
attirer l'attention du Parlement sur les contradictions persistantes entre les
principes de la défense des droits de l'homme, que la France entend promouvoir
et défendre, et la réalité de certains faits inhérents à la politique de
coopération.
En effet, si notre contribution à l'allégement de la dette des quarante pays
les plus surendettés, notamment par le biais des contrats de développement et
de désendettement, connaît un succès relatif, si la lutte contre le sida
constitue un effort unanimement reconnu, en ce qui concerne l'aide bilatérale à
laquelle le ministère de la coopération est pleinement associé, on comprend
mal, en revanche, les motivations qui poussent le Gouvernement à soutenir des
régimes dont le caractère autoritaire est avéré.
A titre d'exemple, le Tchad conserve toujours sa place parmi les pays dits «
du champ ». Pourtant la réélection du président Idriss Déby a été marquée par
une fraude massive. Des situations comparables se rencontrent actuellement en
Guinée ou en République centrafricaine. J'ai personnellement été amené à
observer la gabegie des réglements de comptes politiques et des abus de biens
sociaux qui déchirent les dirigeants de Madagascar. Il ne paraît pas
envisageable que notre politique d'aide au développement à l'égard de cet Etat,
telle qu'elle est aujourd'hui définie, permette l'avènement d'un état de droit
démocratique.
Comment justifier de la poursuite de relations ténues avec les pays dont les
gouvernements ne respectent pas les droits de l'homme ?
Pour prétendre conserver son rang de puissance diplomatique, la France
n'échappera pas à une évaluation approfondie non seulement des destinataires de
ces aides au développement, mais également des effets concrets de ces
subventions sur les politiques menées. Pourtant, le projet de loi de finances
pour 2002, que le Gouvernement nous invite à entériner et dont certains députés
socialistes ont pu dire qu'il était très mauvais, mais que c'est le moins
mauvais depuis dix ans, n'offre pas toutes les perspectives d'évolution que le
Parlement était en droit d'attendre.
Plusieurs problèmes demeurent : l'érosion constante de l'assistance technique,
les interventions intempestives du ministère de l'économie et des finances dans
la définition des orientations de la politique de coopération - notamment à
l'égard des crédits du FED - la progression de 2,8 % des moyens de
fonctionnement - qui représentent aujourd'hui 41,2 % du budget - et, enfin, la
perte de vitesse de l'enseignement du français à l'étranger - qui est pourtant
la clé de voûte des relations futures avec nos différents partenaires et qui
représente l'indice de l'influence de notre culture hors de France.
Tous ces points illustrent les incohérences et l'opacité de la coopération
française, et risquent de peser très lourdement dans la définition d'une
politique étrangère globale de la France, non seulement politique et
diplomatique, mais également économique et culturelle. Le Gouvernement et le
ministère de la coopération, en coordination avec le Parlement, doivent
travailler à définir une nouvelle politique plus claire pour nos concitoyens et
nos partenaires.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon
intervention portera sur les relations franco-allemandes, d'une part, et sur le
Conseil de l'Europe, d'autre part.
Monsieur le ministre, je sais que les préoccupations prioritaires se situent
actuellement ailleurs. Sur ce plan, nous devons saluer vos efforts et vous
méritez nos encouragements.
Mme Hélène Luc.
Très bien !
M. Daniel Hoeffel.
Nous n'avons pas d'alternative à l'entente franco-allemande, sans laquelle il
n'y a pas de poursuite concevable de la construction européenne. A cet égard,
il y a des signes positifs.
Ainsi, lors du 78e sommet franco-allemand, le rappel de l'engagement
concernant la construction des avions européens de transport militaire et
l'affirmation d'honorer les commandes signées avant la fin de l'année sont des
signes de bonne volonté qui vont dans la bonne direction. Cela pourrait être de
bon augure pour la préparation de la Conférence intergouvernementale de 2004,
pour laquelle l'Allemagne et la France, et c'est votre volonté, doivent avoir
un projet commun susceptible d'entraîner les autres partenaires européens.
Mais la capacité de coopération entre nos deux pays dépend aussi et surtout
d'une collaboration plus intense au niveau de l'éducation et de la culture. Si
nous ne mettons pas en place une telle politique, nous allons être confrontés à
une indifférence partagée, avec des conséquences regrettables sur tous les
plans.
Cela nécessite d'abord une présence culturelle française forte en Allemagne.
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le Gouvernement français a mis en
place un réseau culturel français en Allemagne, afin de diffuser la langue et
la culture françaises.
Aujourd'hui, la réorganisation des instituts français en Allemagne laisse
craindre que l'environnement culturel ne soit progressivement laissé à
l'abandon et que les fondements du développement de l'enseignement de la langue
française ne soient affaiblis.
Je ne méconnais pas les contraintes budgétaires qui existent à ce propos,
mais, après la fermeture d'un réseau de consultats et compte tenu de la
fermeture des instituts français, faut-il que ces contraintes se concrétisent
au détriment de certaines relations prioritaires ?
Les instituts culturels de Karlsruhe et de Fribourg, qui étaient des vitrines
de l'intégration et surtout des acteurs de la coopération transfrontalière,
sont concernés par cette restructuration qui aboutit à un désengagement de
l'Etat au profit des collectivités territoriales.
Côté allemand, la récente décision du Land de Rhénanie-Palatinat de mettre un
terme à la diffusion des chaînes françaises TF1, France 2 et France 3 sur le
câble, et l'effacement de France 2 et de France 3 en Bade-Wurtemberg entraînent
une restriction sensible de la diffusion de la langue et de la culture auprès
du grand public.
M. Guy Penne.
C'est vrai !
M. Daniel Hoeffel.
De son côté, la situation et l'action de l'Office franco-allemand pour la
jeunesse, l'OFAJ, suscite également des questions : le budget de cet office,
qui soutient, planifié, évalue, incite, approfondit les relations entre les
jeunes générations, provient principalement de subventions gouvernementales
réparties sur une base paritaire. En 1999, la décision a été prise de majorer
ce budget à partir de deux millions de francs par an pendant trois ans. En
raison d'une divergence d'interprétation, cette majoration ne s'est élevée qu'à
hauteur de un million de francs, ce qui ne correspond pas aux besoins de cet
office. De plus, grâce à son site internet, l'OFAJ doit s'ouvrir au grand
public en permettant aux jeunes d'avoir un accès direct à titre individuel.
Encore faut-il aussi que l'OFAJ utilise les fonds conformément à sa
vocation.
C'est surtout la coopération dans le domaine linguistique qui devra constituer
une priorité. L'apprentissage de la langue du voisin est en effet une marque de
confiance en l'avenir de la coopération.
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères.
Très bien !
M. Daniel Hoeffel.
Elle démontre la volonté de coopérer avec les pays européens.
Les déclarations d'intention à cet égard sont nécessaires, mais encore faut-il
qu'elles soient suivies d'effets.
A ce propos, quelles seront les répercussions des décisions prises lors de la
rencontre du 14 mai 2001 à Mayence ? En 2000, en France, moins de 10 %
seulement des élèves choisissaient l'allemand comme première langue étrangère
et entre 15 % et 16 % d'entre eux la choisissaient comme deuxième langue.
L'érosion de l'apprentissage de l'allemand se poursuit donc de manière
inquiétante, accusant une régression de plus de 50 % en l'espace de vingt ans.
On compare des résultats similaires du côté allemand. Or la connaissance de la
langue du premier partenaire économique est une chance et un élément
fondamental. Elle ne peut qu'étayer le développement des relations économiques,
culturelles, éducatives et politiques.
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères.
C'est vrai !
M. Daniel Hoeffel.
Dans ce contexte, monsieur le ministre, j'appelle en particulier votre
attention, sur la situation du lycée franco-allemand de Buc.
La convention franco-allemande de 1972 concernant les lycées franco-allemands
était, à l'époque, l'aboutissement d'efforts communs découlant du traité de
l'Elysée. Force est de constater aujourd'hui que la situation des lycées
franco-allemands de Sarrebruck et de Fribourg est exemplaire, mais que celle du
lycée de Buc n'est pas comparable.
Alors que les enseignements qui y sont dispensés et l'équipe administrative
sont unanimement reconnus pour leurs qualités, l'Etat ne met pas à la
disposition de ce lycée les moyens nécessaires à l'équipement et au
fonctionnement. Or il n'appartient pas aux parents d'élèves, comme c'est
actuellement le cas, de se substituer à l'Etat pour soutenir ce lycée
prestigieux et unique.
C'est un symbole, parmi d'autres, qui témoigne de notre volonté ou de notre
absence de volonté de poursuivre une coopération éducative et culturelle
pourtant indispensable dans les relations franco-allemandes, pilier - faut-il
une fois de plus le rappeler ? - de la construction européenne.
Ma dernière remarque porte sur le Conseil de l'Europe, une institution trop
souvent méconnue, en particulier en France.
M. Jacques Legendre,
rapporteur pour avis.
C'est vrai !
M. Daniel Hoeffel.
Appréciée et respectée par nombre de nos partenaires, cette institution mérite
un soutien plus concret de la part de la France.
Faut-il rappeler son rôle ?
En premier lieu, c'est la seule institution purement européenne qui rassemble
tous les pays d'Europe occidentale, d'Europe centrale et d'Europe de l'Est.
C'est un point de rencontre irremplaçable entre Européens de l'Est et Européens
de l'Ouest.
En second lieu, c'est une école de la démocratie pour nos partenaires entrés
récemment en Europe, et c'est une école d'initiation et de préparation à
l'entrée future dans l'Union européenne.
Enfin, le Conseil de l'Europe, c'est aussi l'institution qui incarne, mieux
que toute autre, la défense des droits de l'homme, et la Cour européenne des
droits de l'homme, qui siège à Strasbourg, est, à cet égard, de plus en plus
sollicitée.
Monsieur le ministre, je lance un appel au Gouvernement pour que le Conseil de
l'Europe bénéficie, de la part de la France, de la considération, de l'appui et
du soutien qu'il mérite. Notre attitude positive à son égard est aussi, au-delà
de cette institution, une marque de considération pour tous les pays d'Europe
centrale et d'Europe de l'Est pour qui, souvent, sur ce plan, la France reste
un phare.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous
abordons aujourd'hui la discussion des crédits consacrés à la coopération dans
une situation internationale qui nous préoccupe tous. Comment ne pas penser aux
terribles événements du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis ?
L'urgence est à la prise d'initiatives pour sortir de cette crise majeure
ouverte par les attentats terroristes les plus monstrueux et les plus
dévastateurs de l'histoire. Il s'agit de mettre les commanditaires de ces
crimes hors d'état de nuire, comme il faut s'attaquer résolument aux terreaux
qui les nourrissent et éliminer les tensions dans le monde.
C'est pourquoi les membres de notre groupe participent à toutes les
mobilisations qui permettent d'éradiquer le terrorisme et de faire cesser les
bombardements afin d'éviter la mort de la population civile afghane.
Mais il est tout aussi impératif de satisfaire à l'exigence d'une réponse
politique à plus long terme. Notre seul avenir à tous, c'est bien de travailler
à l'élimination des frustrations et des humiliations.
Monsieur le ministre, notre action doit porter sur les injustices et les
inégalités qui caractérisent tant notre belle planète. Cet ennemi mondial prend
la forme de la pauvreté et de l'exclusion. Cela implique de mettre en cause les
règles libérales, de construire des partenariats véritables pour le
développement et de favoriser partout la croissance et l'efficacité sociale.
Dans le domaine de la santé, il est impossible d'accepter l'intolérable. Le
paludisme est la première cause de mortalité dans le monde, avec trois cents
millions de cas ; deux millions de personnes meurent chaque année du sida, et
ce chiffre ne prend pas en compte les personnes porteuses du virus VIH et qui
décèdent des suites d'une autre maladie souvent bénigne pour une personne qui
n'est pas infectée. Le rapport de l'ONU, déposé hier soir, dresse un bilan
désastreux de cette épidémie, qui s'étend non pas seulement à l'Afrique, mais
également à l'Asie.
Combien de personnes pourraient être sauvées si elles avaient à leur
disposition des moyens en matériels, en médecins et en personnels pour la
prévention, mais aussi les médicaments nécessaires.
A Doha, lors de la conférence de l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC,
une ouverture intéressante a été imposée à laquelle la France a participé. Les
pays pauvres pourront produire les médicaments sans passer par la protection
des brevets pour les diverses pandémies comme le sida ou la malaria.
A l'inverse, la conférence de l'OMC annonce une évolution négative, car elle
étend encore la déréglementation à de nouvelles activités humaines comme la
santé, l'environnement et l'éducation.
Les acquis sur la culture ont déjà commencé à être remis en cause puisque
dix-sept pays riches se sont prononcés pour considérer à nouveau la culture
comme une marchandise. Nous lançons un appel à tous pour éviter que cette
mesure ne soit adoptée dans deux ans.
En matière d'éducation et de culture, la France a également un rôle important
à jouer. Mme Cerisier-ben Guiga a exposé toute l'importance de RFI et de
l'exportation de la télévision. Lutter contre les inégalités et la pauvreté,
c'est aussi combattre l'ignorance. Combattre l'ignorance, c'est également
oeuvrer pour un monde où l'incompréhension et l'intolérance n'auraient plus
leur place. La résorption de l'analphabétisme doit être l'une des premières
mesures prises. Pour cela, l'accès libre aux écoles et sourtout la gratuité de
celles-ci sont des éléments essentiels.
Je veux également vous dire, monsieur le ministre, toute l'importance que nous
attachons aux échanges d'étudiants, souvent trop difficiles à réaliser - j'en
ai un exemple à Paris XII, dans le Val-de-Marne - aux concertations de toutes
sortes par le biais des universités, du CNRS, à l'effort important de
l'apprentissage du français à l'étranger, à la réouverture du lycée français
d'Alger.
Aussi, je fais une proposition aussi symbolique qu'efficace pour montrer notre
attachement à l'enseignement de notre langue à l'étranger et rendre hommage non
seulement à la lutte des femmes afghanes, aux enseignants qui continuent à
travailler dans les ruines du lycée français de Kaboul, mais aussi aux femmes
qui continuent d'enseigner en toute illégalité contre les talibans.
Je vous propose, monsieur le ministre, d'inscrire dans nos actions l'aide de
la France dans la reconstruction du lycée français de Kaboul comme un acte fort
qui prendra corps le moment venu - très vite, je l'espère - quand la guerre
sera terminée. Mais c'est aujourd'hui qu'il faut le décider. Je suis
personnellement prête à m'y investir de façon importante, certaine que de
nombreuses énergies de notre commission et d'ailleurs se mobiliseront, n'est-ce
pas, monsieur de Villepin ?
Je veux préciser que nous en avions parlé avec les femmes afghanes lorsque
nous les avons reçues au Sénat, avec le président Christian Poncelet.
Monsieur le ministre, c'est un véritable plan mondial contre la pauvreté et
pour le développement dans toutes ses dimensions qui est nécessaire.
Plus que jamais, il faut, disons-le clairement, aller vers une plus juste
répartition des richesses de notre planète. C'est dans cet esprit que les
sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ont examiné le budget de
la coopération pour 2002.
Je ne vous cacherai pas, monsieur le ministre, que le vote positif que nous
allons émettre est davantage motivé par une approbation de l'orientation
politique que l'actuel Gouvernement a engagée ces dernières années sous votre
autorité, et qui a eu des retombées positives très importantes, notamment lors
des événements d'Afghanistan, que par l'évolution des crédits.
Il est vrai, par exemple, que les principes de « non-ingérence » et de «
non-indifférence » ont permis de développer avec les pays africains des
relations plus équilibrées et plus respectueuses que par le passé. Vous avez
mis fin à une situation malsaine. Nous savons bien que des efforts de
rationalisation, de meilleur emploi des crédits, ont été entrepris.
Il faut aussi tenir compte des avancées que la France a consenties dans
l'annulation de la dette des pays les plus pauvres - vous avez annoncé plus de
10 milliards d'euros, monsieur le ministre - même s'il faut aller plus loin.
Mais, hélas ! force est de constater que l'aide publique au développement n'a
fait que se réduire au fil des ans, puisque, de 0,64 % du PIB en 1992, elle a
été ramenée à 0,33 % de ce même PIB en 2001. Bien que la France soit le pays du
G 7 qui fait le plus au niveau de l'aide au développement et qu'elle se situe
au sixième rang mondial en pourcentage de PIB, nous nous éloignons de
l'objectif fixé à l'ONU avec les autres pays industrialisés de consacrer 0,7 %
du PIB à l'aide au développement. Cet objectif a été réaffirmé au sommet
européen de Göteborg et il fait, depuis peu, partie des missions de
concertation de la Commission européenne.
Nous sommes conscients que notre pays peut faire beaucoup, mais il ne peut
pas, à lui seul, inverser totalement cette logique. A cet égard, il serait
temps que les Etats-Unis prennent la part qui devrait être la leur dans le
domaine de l'aide au développement.
Qui plus est, une forte implication de la France au sein des Nations unies sur
les questions d'aide au développement et de coopération serait souhaitable.
Il est regrettable de constater que nous n'occupons que la dix-huitième place
au sein du Programme des Nations unies pour le développement, le PNUD.
De même, une réflexion approfondie sur les politiques de coopération et de
développement au sein même de l'organisation et de son assemblée générale est
nécessaire.
Les crédits de la coopération pour 2002 auraient dû prendre un tournant
historique d'une grande ampleur. Nous voterons ces crédits, mais ils ne nous
suffisent pas. Nous vous demandons donc vivement, monsieur le ministre, qu'il
n'y ait pas de gels en cours d'année. Vous pouvez compter sur notre soutien à
cet égard.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen et sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Plancade.
M. Jean-Pierre Plancade.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le vote du
budget du ministère des affaires étrangères intervient dans un contexte
international troublé - notamment depuis les attentats du 11 septembre dernier
- marqué par la lutte contre le terrorisme et, bien entendu, par la situation
en Asie centrale, plus particulièrement en Afghanistan.
Mon intervention portera sur deux points.
J'évoquerai, tout d'abord, la question de l'aide humanitaire. Je rappelle que,
ces dernières années, les interventions françaises ont notamment concerné la
région des Balkans, la Guinée, l'Ethiopie, le Mozambique, mais aussi, déjà,
l'Afghanistan et l'Inde. Ces interventions se sont notamment appuyées sur le
fonds d'urgence humanitaire.
Dans le projet de loi de finances pour 2002, les crédits de ce fonds d'urgence
ne sont reconduits, en francs constants, qu'à hauteur de 9,3 millions
d'euros.
Certes, ces crédits peuvent être abondés en cours de gestion, ce qui s'est
déjà produit plusieurs fois ces dernières années, mais ne serait-il pas utile,
monsieur le ministre, de renforcer d'ores et déjà cette ligne budgétaire pour
crédibiliser les ambitions de la France dans ce secteur ?
Je profite de l'occasion pour rappeler que la participation financière de la
France au titre des contributions aux opérations de maintien de la paix de
l'ONU doit également être conforme à nos ambitions. Il en va de la crédibilité
de notre politique étrangère ; mon éminent collègue M. Dulait l'a déjà dit.
A ce sujet, pensez-vous, monsieur le ministre, que la reconduction des
contributions obligatoires à l'ONU pour un montant de 320 millions d'euros,
malgré son importance, soit suffisante pour faire face au coût des opérations
de maintien de la paix, dont le nombre n'est malheureusement pas amené à
diminuer, d'autant que la France est débitrice de 43 millions d'euros ?
Par ailleurs, on ne peut que s'inquiéter de la réduction constante des
contributions volontaires : la contribution volontaire à l'ONU s'élèvera à 48,8
millions d'euros en 2002, contre 99 millions d'euros en 1992.
Aujourd'hui, la France est ainsi reléguée derrière le Royaume-Uni, l'Italie et
même les Pays-Bas. Elle est donc évidemment exclue du groupe des principaux
donateurs aux organisations internationales.
Je note cependant avec satisfaction la création d'une délégation à l'action
humanitaire qui disposera du fonds d'urgence humanitaire. On ne peut que s'en
féliciter !
Je souhaiterais maintenant évoquer devant vous, monsieur le ministre, la
situation de l'Afghanistan.
Sur le plan humanitaire, la population afghane subit aujourd'hui une pénurie
alimentaire sans précédent, notamment dans les régions victimes de la
sécheresse, où, selon l'Office européen d'aide humanitaire de l'Union
européenne, 80 % des habitants ont besoin d'une aide d'urgence immédiate. Trois
millions d'Afghans vivent aujourd'hui quasiment sans nourriture et sans abri,
alors que l'hiver a déjà commencé.
S'agissant de la France, vous avez déjà engagé un plan d'action visant à
renforcer dans l'immédiat l'aide humanitaire d'urgence et vous avez débloqué à
cette intention 34,5 millions d'euros, tous ministères confondus. Cette aide,
bien que très importante, reste insuffisante.
Par ailleurs, nous sommes préoccupés par les difficultés que rencontre
l'acheminement de cette aide humanitaire et par la question de la sécurisation
du travail des Organisations non gouvernementales, les ONG, chargées de la
distribuer. Je connais cependant les efforts que vous déployez, vous-même et M.
Josselin, pour acheminer cette aide, qui est d'ailleurs toujours bloquée en
Ouzbékistan. Peut-être, monsieur le ministre, dans votre réponse, pourrez-vous
nous apporter quelques éléments de réponse à ce sujet.
Etant conscient que la France à elle toute seule n'y suffira pas, vous avez
raison de proposer ensuite d'établir un cadre de concertation entre l'Union
européenne, les Etats-Unis, les Etats voisins de l'Afghanistan, les agences
spécialisées de l'ONU et les ONG travaillant déjà sur place. Mais il faudrait
pouvoir identifier l'aide française.
Sur le plan politique, il est clair qu'il existe, encore aujourd'hui, un
décalage entre la situation militaire et la situation politique. Il est urgent
de trouver une issue politique à la chute des talibans, pour que ce pays se
remette en marche et que l'on puisse apporter d'abord toute l'aide humanitaire
nécessaire, puis l'aide à la reconstruction du pays.
Cette issue politique appartient, bien sûr, aux Afghans eux-mêmes. C'est vous
dire si nous fondons quelques espoirs sur la conférence de Bonn, dont nous nous
réjouissons, bien entendu, qu'elle se déroule sous l'égide de l'ONU et dans un
pays européen.
Comme cela a été indiqué lors du sommet franco-allemand du 23 novembre
dernier, « nous attendons de tous les dirigeants afghans qu'ils aient un
comportement responsable, conformément aux ambitions qu'ils ont affichées ».
Une fois que la résolution 1378 du Conseil de sécurité sera satisfaite, il
faudra impérativement aider ce pays à entrer sur la voie du développement
économique, en jetant les bases d'un développement rural qui aboutisse à la
suppression de la culture du pavot. De même, c'est évident, il faudra aider ce
pays à progresser dans la conquête des droits de l'homme et de la femme, en
favorisant - la question est primordiale - leur accès à la santé et à
l'éducation.
Compte tenu de l'histoire de ce pays, il paraît souhaitable que l'ONU aille
plus loin et puisse participer à la sécurité intérieure, par exemple sous la
forme d'une force multinationale sous mandat de l'ONU dont la composition
recevrait l'agrément des Afghans. Cela reste, bien entendu, suspendu à l'accord
politique des Afghans, cette force étant comprise, de notre point de vue, comme
un élément de consolidation de la paix.
Cependant, nous sommes préoccupés, avec M. de Villepin, par les déclarations
de l'ancien Président Rabbani, qui souhaite le retrait des forces étrangères
d'Afghanistan.
Peut-être pourrez-vous, là aussi, nous apporter des éléments de réponse, au
moment où le Pakistan semble faire, lui, un premier pas en avant, en
reconnaissant l'Alliance du Nord ?
Pour conclure, je souhaite vous interroger sur la riposte française face aux
crises.
L'expérience tirée de notre intervention dans les Balkans a permis de donner
le jour, en juillet dernier, à un nouveau dispositif de gestion des crises. Ce
dispositif, réunissant la cellule de crise du ministère des affaires
étrangères, le secrétariat général de la défense nationale, le SGDN, et
l'Agence française de développement, doit accroître notre capacité de
réaction.
La France a souvent pâti d'une mauvaise visibilité, voire d'une mauvaise
lisibilité de son action dans les crises internationales, sans que l'on trouve
le moyen de faire voir et de faire valoir l'intensité de son effort.
Il semble nécessaire, au sortir de la crise, parallèlement au redémarrage
économique et au rétablissement d'un Etat de droit, de promouvoir activement la
présence française, au niveau tant de l'assistance technique que de la
reconstruction proprement dite.
Je souhaiterais donc savoir, monsieur le ministre, s'il est possible de
dresser, à la lumière de la crise afghane, un premier bilan de ce nouveau
dispositif de gestion de crise.
(Applaudissements sur les travées
socialistes ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste.)
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à quinze heures quinze.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures cinq, est reprise à quinze heures
quinze, sous la présidence de M. Serge Vinçon.)
PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
4
RAPPEL AU RÈGLEMENT
M. Auguste Cazalet.
Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président.
La parole est à M. Cazalet.
M. Auguste Cazalet.
Mon rappel au règlement concerne le tragique événement qui s'est produit hier
soir près de Monein, dans le département des Pyrénées-Atlantiques.
Un gendarme a été atteint d'une dizaine de balles, dont l'une en pleine tête.
Son état est jugé extrêmement grave : il est aujourd'hui entre la vie et la
mort.
En l'espace de onze jours, c'est la deuxième fois que nos gendarmes sont la
cible de dangereux individus, et les premiers indices trouvés dans leurs
véhicules attestent que ces malfaiteurs savent très bien organiser leur
fuite.
Grand banditisme ou terrorisme ? Toujours est-il que le désarroi de nos
gendarmes - mais aussi de la population, notamment dans le Béarn - est à son
comble. Le fait qu'à Bayonne, voilà quelques jours - le 24 novembre précisément
- un individu faisant l'objet d'un mandat d'arrêt international ait pu, en
toute impunité, haranguer la foule au cours d'un rassemblement de patriotes
basques et repartir sans être inquiété est extrêmement grave.
Les gendarmes, comme beaucoup d'entre nous, s'interrogent sur les raisons pour
lesquelles cet individu n'a pas été interpellé. Je souhaiterais que le
Gouvernement s'en explique.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de
l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
Nous vous donnons acte de votre rappel au règlement, et nous nous associons à
l'émotion que vous venez de manifester devant ce tragique événement.
Nous exprimons notre sympathie à ce grand corps de la République.
5
CANDIDATURE À UN ORGANISME
EXTRAPARLEMENTAIRE
M. le président.
Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien
vouloir procéder à la désignation d'un sénateur appelé à siéger au sein du
Conseil national de l'aménagement et du développement du territoire.
La commission des lois a fait connaître qu'elle propose la candidature de M.
Bernard Saugey pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.
Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l'article 9
du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une
heure.
6
LOI DE FINANCES POUR 2002
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2002.
Affaires étrangères (suite)
M. le président.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant les affaires étrangères.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Duvernois.
M. Louis Duvernois.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans la
discussion budgétaire en cours me vient à l'esprit cette formule de Jean Jaurès
: « Partir du réel pour aller à l'idéal », que je n'hésite pas, pour une fois,
à faire mienne, tant elle traduit, dans les circonstances actuelles, l'esprit
de mon intervention à propos de deux secteurs d'activité prioritaires pour la
France, pour son rôle et pour son influence : l'enseignement français à
l'étranger et l'audiovisuel extérieur.
Critiques, nous le serons ; constructifs, nous le serons aussi, pour formuler
des propositions à la fois réalistes et enthousiastes, tournées vers
l'avenir.
Le dispositif français d'enseignement à l'étranger repose essentiellement, il
faut le rappeler sommairement, sur l'Agence pour l'enseignement français à
l'étranger, à laquelle la loi du 6 juillet 1990 a confié une triple mission :
assurer en faveur des élèves français résidant à l'étranger les missions de
service public relatives à l'éducation ; contribuer, par l'accueil d'élèves
étrangers, au rayonnement de la langue et de la culture françaises ; concourir
au renforcement des relations de coopération entre les systèmes éducatifs
français et étrangers.
La loi de 1990 confie à l'Agence une autre mission primordiale pour les
Français expatriés : aider les familles à supporter les frais liés à
l'enseignement français à l'étranger.
Comme vous pouvez le constater, la mission de l'Agence est grande et
généreuse. La réalité, elle, est tout autre, car l'engagement financier de
l'Etat ne correspond tout simplement pas à son ambition.
Le premier constat que je ferai concerne la croissance des dépenses ordinaires
et des crédits de paiement du ministère des affaires étrangères, qui exerce la
tutelle sur l'Agence. Ces crédits passeront de 3,37 milliards d'euros à 3,42
milliards d'euros, soit 22,44 milliards de francs, en augmentation limitée de
1,6 %. Cela confirme encore que le ministère des affaires étrangères, il n'est
pas inutile de le répéter, n'est pas un ministère prioritaire.
Mon second constat n'est pas le moindre : les crédits pour l'enseignement
français à l'étranger progresseront de 1,07 %, à peine plus que ceux du
ministère de tutelle. Ils atteindront 313,77 millions d'euros en 2002, contre
310,45 en 2001. L'Agence ne bénéficiera en 2002 d'aucune mesure nouvelle au
titre des crédits d'investissement. Pis encore, le fonds de réserve de
l'Agence, qui s'élevait à une somme confortable de plus de 300 millions de
francs en 2000, sera très vraisemblablement « asséché » à la fin de l'exercice
2002, notre collègue Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis, l'a
d'ailleurs souligné ce matin dans des termes semblables.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes : derrière leur froide logique se cache une
réalité bien vivante sur le terrain des opérations, à savoir la mise à
contribution financière des parents d'élèves français, en augmentation
régulière depuis plusieurs années. Cette contribution est maintenant plus
importante que l'apport financier de l'Etat à notre réseau scolaire
international.
Le succès de notre réseau est pourtant incontestable. Les résultats au
baccalauréat sont très largement supérieurs à la moyenne nationale. Les
demandes d'inscription sont soutenues. De 144 000 élèves scolarisés dans le
réseau de l'Agence à sa création, en 1990, on est passé maintenant à près de
160 000. On note une hausse de 8 000 élèves au cours des toutes dernières
années, la majorité d'entre eux étant français.
Soyons un tant soit peu perfide : si, en France métropolitaine, un recteur
accueillait 8 000 élèves supplémentaires sans se voir attribuer les moyens
correspondants, il y aurait assurément des manifestations publiques !
Concrètement, doit-on comprendre que c'est le manque de capacité à nuire, lié
à la dispersion des parents d'élèves sur tous les continents, qui explique
l'insuffisante attention portée par les décideurs politiques aux problèmes de
leurs compatriotes expatriés, Français à part entière et non entièrement à part
?
Pouvez-vous, monsieur le ministre, vous satisfaire d'une telle situation,
alors qu'il est d'actualité de glorifier la « bataille des idées », celle qui
doit nous conduire à promouvoir notre langue et la diversité culturelle afin de
renforcer notre présence et notre influence à l'étranger ? Pouvez-vous vous
satisfaire du budget de l'Agence, qui, à l'évidence, n'est pas à la hauteur de
la situation, surtout si l'on pense à l'augmentation de 4 % du budget du
ministère de l'éducation nationale ?
Que croyez-vous que pensent les parents d'élèves français de la floraison
actuelle de réclamations catégorielles formulées par les enseignants, les
infirmiers, les médecins, les cheminots, entre autres, qui obtiennent, à l'aide
de porte-voix et sous l'oeil des caméras de télévision, des réajustements
salariaux, des primes de ceci ou de cela, à coup de centaines et de centaines
de millions de francs, et en un temps record inversement proportionnel à leur
capacité de nuisance publique, à la veille, il est vrai d'élections nationales
capitales... ?
Que penseront ces familles expatriées et citoyennes lorsqu'elles apprendront
qu'elles devront, encore et toujours, contribuer substantiellement à couvrir
les charges de personnel enseignant, qui augmentent de 6,44 % pour les seuls
résidents détachés de l'éducation nationale ?
Force est de reconnaître, sans passion mais avec raison, que la dotation qui
doit être versée par le seul ministère des affaires étrangères pour l'année
2002 ne permet pas d'envisager l'avenir de l'Agence pour l'enseignement
français à l'étranger avec sérénité, compte tenu des problèmes financiers
qu'elle rencontre.
Que faire dans un contexte de croissance économique ralentie où la tentation
pour d'aucuns est toujours grande de résoudre les problèmes publics par un
accroissement des dépenses et du nombre de fonctionnaires ? Nous pourrions
rappeler l'engagement du Premier ministre, Lionel Jospin, qui, en 1995, voulait
rendre gratuit l'enseignement à l'étranger pour les enfants français.
Nous devons être responsables et pragmatiques dans l'énoncé de propositions
réformatrices et constructives.
Le Conseil supérieur des Français de l'étranger - que vous présidez, monsieur
le ministre - réclame avec insistance, toutes tendances politiques confondues,
un engagement accru du ministère de l'éducation nationale dans le financement
de l'enseignement français à l'étranger. Cette demande se heurte à
l'organisation administrative et à la conception ministérielle que se font les
uns et les autres de leurs fonctions et qui attribue cette compétence aux
affaires étrangères. On ne sait d'ailleurs plus trop pourquoi l'éducation
nationale a été écartée d'une cotutelle de l'Agence à la création de cette
dernière, en 1990 !
La lecture du rapport d'activité 2000-2001 du ministère de l'éducation
nationale est pourtant explicite : le réseau scolaire à l'étranger est unique
et doit être pleinement partie prenante du système éducatif français ; la
continuité du service public, y précise-t-on, ne peut se réaliser que par des
liens resserrés et permanents entre les établissements scolaires à l'étranger
et les structures du système éducatif en France.
Qu'en peu de mots ces choses sont clairement dites ! Et qu'on ne vienne pas
nous rabâcher que la compétence appartient exclusivement au ministère des
affaires étrangères, puisque, dans ce même rapport d'activité, l'éducation
nationale souligne que l'importance de son action extérieure est liée au
renforcement « des relations bilatérales traditionnelles avec une attention
croissante aux pays en développement » !
Pourquoi, monsieur le ministre, cette cotutelle des ministères des affaires
étrangères et de l'éducation nationale est-elle si difficile à mettre en oeuvre
? L'abondement des crédits consacrés à l'enseignement français à l'étranger, à
la promotion de la langue française, au développement de l'audiovisuel
extérieur - vecteur de promotion culturelle et économique -, concerne d'abord
et avant tout l'ensemble des pouvoirs publics, et non tel ou tel ministère
particulier.
Nous devons ainsi repenser notre organisation administrative et les structures
ministérielles dans lesquelles nous oeuvrons pour faire face aux situations
nouvelles de notre époque où, précisément, les acteurs du monde productif sont
obligés de répondre à de puissants stimuli et de lutter constamment pour leur
survie.
L'avenir, ici comme ailleurs, passe par une volonté politique de bonne
gouvernance à moyens plus ou moins constants, par le redéploiement des crédits
en fonction de priorités politiques concertées et bien définies à l'échelle
gouvernementale.
J'en viens à la seconde partie de mon intervention : l'audiovisuel
extérieur.
Le paysage audiovisuel français à l'étranger peut être envisagé de plusieurs
manières.
La première, c'est de reconnaître que le ministère des affaires étrangères a
réellement pris conscience de l'importance de ce secteur en 1998 avec
l'élaboration du plan d'action de communication et la nomination, à la tête de
TV5 et de CFI, d'un professionnel de haut niveau, venant du secteur privé, en
la personne de Jean Stock.
Le plan d'entreprise qu'il a mis en oeuvre et la restructuration engagée
dernièrement avec d'autres partenaires francophones au sein de TV5 ont abouti,
en août dernier, à la création de TV5 monde. La progression est indéniable.
Deux nouveaux signaux vers les Etats-Unis et l'Amérique latine s'ajoutent, au
sein d'une structure opérationnelle simplifiée et gérée désormais de Paris, aux
cinq signaux qui existaient déjà. Il était impératif de le faire et vous l'avez
fait.
La deuxième manière, c'est de comparer les moyens de l'audiovisuel extérieur -
vous avez dit, monsieur le ministre, qu'ils étaient l'une des principales
priorités de notre action extérieure - avec ceux qu'ont engagés nos partenaires
et concurrents dans l'Union européenne, la Grande-Bretagne et l'Allemagne.
Les moyens français représentent, répétons-le, 38 % des moyens engagés par le
Royaume-Uni et 33 % des moyens engagés par l'Allemagne, même s'il faut tenir
compte de notre participation dans ARTE.
On peut aussi comparer les 90 millions d'euros du budget de TV5 pour le monde
entier avec les 212 millions d'euros de RFO pour les seuls DOM-TOM.
Là encore, le ministère des affaires étrangères supporte pratiquement seul les
charges de développement de l'audiovisuel extérieur.
La troisième manière, c'est, en voyageant, de constater que nos concurrents
sur ce terrain, à savoir les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et l'Allemagne,
sont beaucoup plus présents que nous sur les écrans de télévision extérieurs, y
compris dans des pays francophones comme la Tunisie, où France 2 n'est plus
reçue. En Allemagne, notre premier partenaire, les chaînes du service public ne
sont plus relayées dans plusieurs Länder.
La quatrième et dernière manière, qui résume les trois autres, c'est
d'admettre que, comme l'a souligné récemment, et avec à propos, un grand
quotidien, les événements du 11 septembre aux Etats-Unis ont mis en évidence la
faiblesse de la France sur la scène médiatique, ce qui démontre la nécessité
d'une refonte structurelle de l'audiovisuel extérieur.
L'organisation administrative actuelle, monsieur le ministre, est caractérisée
par l'absence d'un réel fil directeur, l'existence, souvent, d'anciennes
baronnies et un manque de synergie globale. Elle freine l'élan mobilisateur
attendu pour réussir une répartition optimale de toutes les compétences et des
moyens financiers disponibles.
Là où la langue et la culture font défaut, que ce soit dans ou hors de nos
frontières, c'est toute la France qui est absente ! L'Etat, par sa difficulté à
imposer son autorité à ceux-là mêmes qui sont supposés le servir, se place dans
une situation réduite aux acquis, pépinière du conservatisme, facteur de repli
sur soi et source de déclin.
Telle est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, je ne voterai pas les
crédits affectés aux affaires étrangères.
(Applaudissements sur les travées
du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Guy Penne.
C'est du beau ! Vous commencez mal !
M. le président.
La parole est à M. Dulait.
M. André Dulait.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je
souhaiterais, à propos de ce budget, évoquer un point qui n'a pas été beaucoup
évoqué depuis ce matin : il s'agit des organisations non gouvernementales, les
ONG.
Dans un ouvrage paru cette année à la Documentation française sous la
direction de M. Michel Doucin, celui-ci relève que l'« on n'a jamais autant
parlé de société civile internationale, de pouvoir mondial des ONG » alors que
les bases juridiques de ces nouveaux acteurs de la diplomatie demeurent très
fragiles. Cinquante ans après la Charte des Nations unies, « on ne sait
toujours pas très bien de quoi il s'agit et aucun cadre juridique international
ne leur a été organisé ».
Malgré cette carence, les ONG sont devenues des acteurs incontournables de
l'action extérieure. Les Etats n'agissent plus sans les prendre en compte.
Elles ont gagné un énorme pouvoir de mobilisation de l'opinion. Passées de 200
en 1945 à 1 600 aujourd'hui, dotées d'un statut consultatif auprès du Conseil
économique et social de l'ONU, en vertu de l'article 71 de la Charte, leur
place s'est fortement développée avec les grandes conférences des Nations unies
; elles ont su organiser des coalitions sur de grands thèmes tels que la dette
des pays pauvres, la convention d'Ottawa sur les mines antipersonnel, ou encore
le traité sur la Cour pénale internationale.
Forces de proposition, simples sous-traitants, voire partenaires, quelle peut
être leur place ?
Pour la France, une vingtaine d'ONG collectent 80 % des ressources. Le budget
de cinq d'entre elles est de plus de 30 millions d'euros et celui des douze
suivantes oscille entre 7 millions et 30 millions d'euros.
Le budget des ONG françaises de solidarité internationale est évalué à 500
millions d'euros. D'origine privée à hauteur de 56 %, ces fonds, dont les plus
grandes organisations sont, bien entendu, les premières bénéficiaires,
proviennent de collectes de dons encouragées par des campagnes de publicité.
Si les hommes et les femmes qui se dévouent au quotidien ne sont, bien sûr,
pas mis en cause, il n'en demeure pas moins que la montée en puissance des ONG
soulèvent deux questions principales d'ordre différent.
La première concerne les organisations non accréditées à l'ONU que le
secrétaire général, M. Kofi Annan, a largement accueillies. Il semble, et il
est même certain depuis les événements du 11 septembre dernier, que, parmi ces
« invités », des groupes aux buts contestables, voire terroristes, aient trouvé
là une tribune internationale.
Monsieur le ministre, quelles dispositions peuvent être prises pour éviter
toute dérive ? Comment trier le bon grain de l'ivraie ?
La seconde question concerne le financement et le contrôle de l'emploi des
fonds publics, sachant que la France reste très réservée quant aux transferts
aux ONG de l'aide publique au développement. Seulement 0,6 % des fonds sont
ainsi transférés en France, soit dix fois moins que dans certains pays d'Europe
du Nord.
Il apparaît de plus en plus nécessaire, et nous l'avons signalé dans un
rapport sénatorial, de mieux évaluer les interventions et de s'interroger sur
l'impact des « microactions » de développement.
Monsieur le ministre, notre diplomatie n'a peut-être pas toujours pris la
juste mesure de l'influence des grandes ONG internationales, qui ont su
s'ériger en groupes de pression efficaces pouvant amener les décideurs, telle
la banque mondiale, à modifier les conditions qui rendaient certains projets
irréalisables.
A cet égard, la règle des « trois R » établie par un romancier spécialiste de
l'espionnage, à savoir « redondance, rivalité, rationalité », s'applique
peut-être aussi dans le monde des ONG.
Pour conclure, sachez, monsieur le ministre, que ces propos ne sont pas
inspirés par une quelconque défiance ; bien au contraire, ils reflètent le
point de vue d'un élu qui est depuis longtemps persuadé que ces nouveaux
acteurs de la scène internationale que sont les ONG contribuent à
l'humanisation de la société et participent au progrès et à l'avancée
démocratique dans le monde.
J'ai toutefois évoqué des raisons suffisantes pour affirmer que la démarche
des ONG doit faire l'objet de la vigilance des nations et de leurs parlements.
Il ne saurait en effet être question pour les Etats de se laisser diaboliser.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Dauge.
M. Yves Dauge.
Monsieur le ministre, en ouvrant mon intervention, je veux attirer votre
attention sur un sujet qui me tient particulièrement à coeur, celui de la
réforme de votre ministère, car j'estime que, dans votre domaine de compétence
comme dans les autres, il est assez difficile d'aborder les questions
budgétaires sans se poser simultanément la question de la réforme de l'Etat.
C'est, certes, un sujet commun, mais autant il est facile à un ministère de
demander toujours plus, autant il peut lui être difficile de se réformer pour
tendre vers une action plus efficace et plus lisible.
Vous avez, vous, engagé une réforme. Dès votre arrivée, vous et Charles
Josselin avez manifesté la volonté de réunir vos deux ministères. C'est une
bonne chose. Certains le regrettent, et on peut les comprendre car ils
craignent que la coopération ne disparaisse au profit de la diplomatie
traditionnelle. J'estime au contraire que l'institution doit se transformer -
le monde a changé - afin de ne pas se trouver progressivement décalée par
rapport à la réalité.
L'enjeu actuel, les orateurs qui m'ont précédé - et notamment M. Pelletier,
l'ont fort bien fait - c'est la pauvreté, ainsi que les maux qui lui sont
liés.
L'histoire de la coopération au cours des dernières décennies, marquée par le
militantisme, c'est en partie celle des relations de la France avec un
continent en pointe, celui de l'Afrique. En faisant entrer dans votre ministère
le monde de la coopération, vous faites, monsieur le ministre, une bonne
action.
Maintenant, il faut évaluer l'état d'avancement de la réforme : êtes-vous
satisfait, monsieur le ministre, de l'étape à laquelle nous sommes parvenus
?
A mon avis, nous sommes encore loin du but ! Ne perdons pas de vue
l'importance de l'enjeu des réformes institutionnelles engagées. Vous avez
fait, monsieur le ministre, un pari courageux. Maintenant, il faut faire
aboutir la réforme. Or, de par mes contacts avec votre ministère, je sais qu'y
coexistent deux mondes qui ne se reconnaissent pas toujours.
Je ferai quelques suggestions, à propos desquelles je souhaiterais connaître
votre sentiment.
Au-delà de la fusion des affaires étrangères et de la coopération, il me
semble que l'aide au développement manque de lisibilité. On ne sait pas très
bien quelles sont au fond nos priorités. La lecture attentive d'un certain
nombre de documents permet, certes, de les dégager, mais je souhaiterais que
les grands programmes nationaux d'action et d'aide au développement soient
clairement affichés. Point n'est besoin d'en distinguer vingt-cinq, il suffit
de s'en tenir au programme prioritaire de la réforme des institutions.
Comment aider le tiers monde si la France n'est pas capable de jouer un rôle
fondamental dans l'émergence d'institutions démocratiques ? La France peut
légitimement jouer ce rôle, compte tenu de son histoire.
S'agissant du sida, dont on parle constamment aujourd'hui et qui nous choque
tous, comment imaginer que la France joue un rôle majeur, à la hauteur de ses
ambitions, sans un grand programme sur la santé ?
Je pourrai également évoquer l'éducation, mais aussi la politique des villes.
Leur croissance exceptionnelle dans les pays en développement est source de
tous les maux mais, en même temps, une chance de progrès. La France a une
expérience, des choses à dire sur ce sujet exceptionnel. La coopération, et
c'est compréhensible, avait un caractère rural marqué, mais le monde a changé.
Or nous sommes souvent absents lorsqu'il s'agit du développement des villes.
Les enjeux sont pourtant grands.
Tels étaient les grands thèmes que je souhaitais aborder.
Dans chacun des domaines que j'ai évoqués, le partenariat est fondamental.
J'ai entendu ce matin notre collègue Michel Charasse mettre en cause l'Europe.
Je connais par coeur la question de la sous-consommation des crédits, mais je
peux affirmer - et personne ne pourra me contredire - que, si la France ne sait
pas consommer les crédits européens, ce n'est pas la faute de l'Europe mais
bien celle de la France ! C'est notre problème.
C'est autour de projets, et de partenariats, qu'il faut aller chercher les
fonds européens. Les projets européens ne tombent pas du ciel ! Nos projets
peuvent aussi bénéficier d'une forte aide européenne. De nombreux pays s'y
prennent beaucoup mieux que nous en la matière. Pourquoi ne les imiterions-nous
pas ?
Je ne dis pas qu'il ne faut pas faire du « bilatéral », bien au contraire,
mais d'être fort dans ce domaine n'empêche pas de l'être aussi pour monter des
projets financés par l'Europe. Certains l'ont d'ailleurs compris et l'agence
française de développement commence à le faire. Ne disons donc pas que l'Europe
ne sert à rien parce que ses crédits ne sont pas consommés. C'est aussi à nous,
Français, de démontrer que l'Europe peut jouer un rôle important. En Afrique,
la France pourrait servir de pionnière à l'Europe, et je souhaite qu'elle le
fasse. Pourquoi ne pas décider que c'est une priorité ?
En matière de partenariat, je voudrais évoquer les actions qui doivent être
menées à l'échelon interministériel.
A cet égard, je suis choqué de constater que le ministère de l'éducation
nationale ne participe pas au grand projet relatif à l'éducation, alors qu'il
dispose d'un budget de 400 milliards de francs ! Aucune raison ne justifie que
le ministère des affaires étrangères soit à ce point sollicité pour financer
des causes nationales qui excèdent largement les limites de son champ d'action
!
M. Daniel Goulet.
Parfaitement !
M. Yves Dauge.
De même, le grand ministère de l'équipement, des transports et du logement,
auquel j'ai eu l'honneur d'appartenir, pourrait faire davantage s'agissant des
villes. Quant au ministère de la culture et de la communication, il fait tout
son possible, et cela est bien.
Cependant, c'est vous le chef de file, monsieur le ministre, et l'action
interministérielle doit s'articuler autour de l'administration que vous dirigez
pour donner de meilleurs résultats. Chaque ministère doit apporter une
contribution beaucoup plus forte à une grande cause, que votre budget ne peut
seul financer.
Enfin, j'aborderai un sujet sur lequel nous ne sommes pas toujours d'accord,
monsieur le ministre, et qui suscite des réticences de votre part.
Je suis persuadé que l'administration centrale n'a pas vocation à remplir des
missions professionnelles ou techniques. Ce n'est pas son rôle, sans qu'il soit
question d'exprimer ici une quelconque défiance à son égard.
En effet, pourquoi l'Agence française de développement rencontre-t-elle un
succès qui ira en grandissant ? Pourquoi l'Association française d'action
artistique et l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger donnent-elles
satisfaction ? Pour ma part, je suis favorable aux agences, même s'il est
peut-être souhaitable que l'on n'en multiplie pas le nombre, et je souhaiterais
vivement que ce type de structure joue un plus grand rôle en matière de
développement.
Ce n'est pas, je le répète, faire preuve de défiance à l'égard du ministère,
c'est un souci d'efficacité qui m'anime : il faut être professionnel pour mener
des actions et monter des opérations. Une administration centrale peut-elle à
la fois gérer un grand ministère, définir les grandes orientations, concevoir
des politiques et mettre en oeuvre celles-ci ? Je ne le crois pas. Si l'on veut
être moderne, il faut aller jusqu'au bout d'une logique d'organisation. Certes,
ce ne sera pas facile, parce que les réformes que cela suppose seront
douloureuses, mais peut-être pourrons-nous progresser dans cette voie dans les
années qui viennent.
En ce qui concerne les centres culturels, je ne reviendrai pas sur le rapport
que j'ai rédigé sur ce thème, monsieur le ministre, mais je suis heureux de
voir l'administration centrale réagir de manière positive à un certain nombre
d'idées que nous avions formulées, notamment lors des débats que vous avez
organisés à la porte Maillot, et qui avaient recueilli une assez large
adhésion.
Nous avions en particulier souhaité que les centres culturels bénéficient
d'une plus large autonomie. Il ne s'agit nullement de remettre en cause la
mission de l'ambassadeur : le conseiller et l'ambassadeur doivent rester dans
leurs rôles respectifs, mais ne faisons pas du directeur de centre culturel un
simple exécutant, placé au service d'une hiérarchie et cantonné à de modestes
tâches de documentation. Non, le directeur de centre culturel est un acteur à
part entière, qui assume une mission importante et qui dirige une institution
dont l'oeuvre s'inscrit dans la durée.
L'action des centres culturels doit se placer dans une perspective
fondamentale de partenariat avec les milieux locaux, afin de faire rayonner la
France en profondeur et non pas au détour de quelques événements qui passeront,
promus par quelques ambassadeurs ou conseillers qui, eux aussi, passeront.
Entendre de tels propos ne fera pas plaisir à tout le monde, certes, mais nous
devons faire montre de courage.
En effet, c'est l'identité même de la France qui est ici en jeu, au travers de
la question des centres culturels. Qui sommes-nous et qu'avons-nous à dire aux
autres ? Ce thème devrait être au coeur du débat politique en France ! Il
s'agit non pas de maintenir un réseau pour faire plaisir à quelques-uns, mais
de mettre des moyens au service d'une grande cause nationale.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines
travées du RDSE et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Cointat.
M. Christian Cointat.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis
toujours, la France a une vocation internationale. Celle-ci doit être non
seulement préservée, mais aussi assurée et développée. Cela suppose que notre
pays se dote de moyens à la hauteur de ses légitimes ambitions, pour reprendre
une expression de M. Paul d'Ornano, à qui j'ai eu l'honneur de succéder et
auquel je tiens à rendre hommage à l'occasion de ma première intervention à la
tribune.
Les Français de l'étranger représentent un vecteur essentiel du rayonnement de
la France sur toute la surface de notre planète. Il faut donc les encourager à
tenter la grande aventure de l'international au service de notre pays : cela
demande effort et imagination, car, contrairement à d'autres nationaux, nos
compatriotes ne s'expatrient pas volontiers. Ils aiment vraisemblablement
sentir la proximité de la mairie et, sur eux, le regard de Marianne !
Au demeurant, notre structure institutionnelle et administrative est l'une des
plus évoluées, pour ne pas dire la plus évoluée du monde, avec un réseau
consulaire étendu, un ensemble étoffé d'établissements scolaires de qualité,
une assemblée élue au suffrage universel, à savoir le Conseil supérieur des
Français de l'étranger, et des sénateurs.
Encore faut-il que cet outil remarquable soit doté de ressources suffisantes
et utilisé au mieux dans l'intérêt général.
A cet égard, les membres du Conseil supérieur des Français de l'étranger
jouent un rôle considérable sur le terrain. Ils vivent au contact non seulement
de nos compatriotes expatriés, mais également de la population des pays
d'accueil, dont ils partagent souvent le quotidien.
De par leur position, leurs connaissances, la légitimité démocratique que leur
confère leur élection au suffrage universel, leur engagement au service de la
France, ils constituent, en complémentarité avec les postes diplomatiques, un
atout remarquable pour notre pays, malheureusement encore trop souvent
sous-exploité, monsieur le ministre, ce qui est dommage. Cette organisation
institutionnelle spécifique mérite que d'importants efforts soient consentis
pour en tirer le plus grand bénéfice. Les membres du Conseil supérieur des
Français de l'étranger sont en quelque sorte les conseillers généraux ou
régionaux de la communauté française établie hors de France. Ils délibèrent sur
toutes les questions relatives à l'expatriation comme à la présence française
dans le monde, conseillent en la matière le Gouvernement et les pouvoirs
publics, reçoivent les doléances de nos compatriotes expatriés en difficulté à
l'étranger, interviennent pour adapter et améliorer les dispositions
applicables.
A l'instar d'élus locaux, ils répondent aux demandes d'information et de
conseil des Français de l'étranger, qui souvent s'adressent à eux, ne sachant
quelles démarches administratives entreprendre pour garantir leurs droits ou
pour satisfaire à leurs diverses obligations.
A l'heure où il est question, en métropole, de renforcer la « démocratie
locale », où le Parlement est saisi d'un projet de loi et de plusieurs
propositions de loi, adoptées par notre assemblée, tendant à conférer aux élus
locaux un véritable statut et de véritables garanties, il serait anormal que
ces élus du suffrage universel que sont les cent cinquante membres du Conseil
supérieur des Français de l'étranger soient laissés pour compte.
Ces derniers représentent de vastes circonscriptions, qui sont parfois à
l'échelle de plusieurs Etats. Ils doivent disposer de moyens suffisants, dans
l'exercice de leur mandat, pour se déplacer dans leurs circonscriptions et
répondre à l'attente de nos compatriotes.
Or, leurs indemnités, qui sont bien loin de couvrir l'ensemble des frais
engagés, ont vu leur montant réévalué pour la dernière fois en 1999. Ce n'est
pas convenable : certes, ce mandat, il faut le souligner, est exercé à titre
bénévole, mais il convient toutefois de poser des limites à ce bénévolat si
l'on souhaite garantir l'efficacité de l'action des élus, ainsi que l'égalité
devant le suffrage universel.
Par ailleurs, les crédits consacrés au Conseil supérieur des Français de
l'étranger stagnent depuis plusieurs années. Etablis à 9,7 millions de francs
dans la loi de finances pour 2000, ils sont restés fixés au même montant dans
la loi de finances pour 2001 et ils demeurent encore inchangés dans le projet
de loi de finances pour 2002. Ce n'est pas normal, monsieur le ministre !
A l'heure où les bouleversements mondiaux que nous connaissons exigent que nos
compatriotes expatriés aient des interlocuteurs proches, est-il opportun de
laisser stagner les crédits d'une assemblée élue au suffrage universel direct,
alors que son rôle pourrait être utilement élargi pour le plus grand bénéfice
de notre pays ? Ces insuffisances existeraient-elles si les Français de
l'étranger, comme les Français de métropole ou de l'outre-mer, constituaient
formellement une collectivité assimilée, dans ses droits et devoirs, à une
collectivité territoriale ?
A cet égard, le moment me semble venu, monsieur le ministre, d'engager une
réflexion de fond sur ce sujet, avec l'objectif de mener à son terme logique
l'oeuvre entreprise depuis 1982, année qui a vu la première élection au
suffrage universel des membres du Conseil supérieur des Français de l'étranger,
à savoir la création d'une collectivité publique rassemblant les Français
établis hors de France.
Ce qui est en jeu, dans ce débat, ce sont les préoccupations quotidiennes très
concrètes de nos compatriotes installés à l'étranger, qui, plus que jamais en
ces heures troublées, ont besoin de la proximité et de l'assistance des
services français et de leurs élus.
Après les attentats du 11 septembre, notre politique d'aide et d'assistance
aux Français de l'étranger doit être dotée de moyens budgétaires et humains
appropriés. Une attention particulière doit être portée aux crédits destinés à
assurer la sécurité des Français à l'étranger, aux crédits de rapatriement et
au fonds de secours pour nos compatriotes.
Les crédits consacrés à la sécurité des Français de l'étranger avaient déjà
fortement diminué dans le budget pour 2000. Malgré les événements du 11
septembre, ils stagnent encore cette année : la situation devrait pourtant
conduire à prévoir une réserve supplémentaire.
Dans le contexte international que nous connaissons, nos compatriotes
s'inquiètent également d'éventuelles spoliations dans des Etats non
démocratiques, qui bafouent les droits de l'homme. Or, en dépit de demandes
réitérées - je parle sous le contrôle de notre doyenne, Mme Brisepierre, qui
s'est totalement impliquée dans ce dossier extrêmement sensible - la mise en
place d'un dispositif de solidarité nationale visant à ce que la France
continue à compter des ressortissants dans ces pays à risques, comme cela est
son intérêt, a régulièrement fait l'objet d'une fin de non-recevoir de la part
du Gouvernement. Ce n'est pas acceptable ! Certes, je n'ignore pas, monsieur le
ministre, que c'est le Gouvernement et non le ministère des affaires étrangères
qui nous oppose ce refus, mais vous en êtes solidaire !
J'espère que les crédits affectés à l'emploi et à la formation professionnelle
permettront de mettre en place, avec le concours des membres du Conseil
supérieur des Français de l'étranger et sur l'initiative des comités
consulaires, des actions-pilotes en direction des entreprises et des Français
de l'étranger qui souhaitent une meilleure formation ou une reconversion.
Je ne m'attarderai pas sur le sujet du budget des bourses scolaires, qui a
déjà été excellemment évoqué tout à l'heure. Si les crédits sont en progression
de 1,52 million d'euros, il reste que cet effort demeure insuffisant devant
l'accroissement important des droits d'écolage. Nous sommes bien loin de la
gratuité de l'enseignement pour nos compatriotes expatriés, qui continuent à
subir une discrimination par rapport aux Français de France.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de
budget est l'expression d'une volonté politique, celle du Gouvernement. Or elle
n'est pas suffisante pour qu'il puisse être fait face aux enjeux auxquels est
confrontée la France, non plus que pour soit donnée réponse aux attentes de nos
compatriotes expatriés, qui, par leur dynamisme, leur esprit d'entreprise, leur
courage, voire les risques qu'ils prennent, portent haut les couleurs de notre
pays.
Rappelons-nous, nous qui sommes présents dans cet hémicycle, cette phrase de
René Coty : « Vous êtes, Français de l'étranger, au premier rang des serviteurs
de la nation. » On semble l'avoir oubliée en élaborant ce projet de budget,
aussi, à mon grand regret, monsieur le ministre, et en dépit de l'estime que je
vous porte pour votre action, ne le voterai-je pas.
(Applaudissements sur
les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste,
ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Boulaud.
M. Didier Boulaud.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon
intervention portera essentiellement sur l'Europe.
Une politique étrangère européenne n'a de sens et ne peut être mise en oeuvre
que si elle prend appui sur un outil de défense intégré, lui aussi, à l'Union
européenne. Ce premier budget en euros pourrait avoir valeur de symbole en
matière de sécurité et de défense européenne. C'est la raison pour laquelle je
situerai volontairement mon propos aux frontières de la défense et des affaires
étrangères, d'autant plus que le contexte international se trouve modifié
depuis le 11 septembre dernier.
Une nouvelle fois, la nécessité d'une Europe cohérente et déterminée dans son
action extérieure a été démontrée. L'Union européenne ne doit pas se cantonner
à un rôle supplétif, mais doit s'affirmer comme un interlocuteur incontournable
dans les questions de sécurité planétaire. Le défi de la construction de
l'Europe de la défense doit être relevé et la consolidation de sa politique
étrangère ainsi assurée.
Les Européens partagent un nombre croissant d'intérêts et de principes
politiques qui constituent le fondement d'une politique extérieure et de
sécurité commune. Ils disposent d'une palette d'instruments politiques,
financiers, commerciaux et humanitaires qui fait l'originalité et la force de
l'action extérieure de l'Union. C'est cet ensemble que doit venir compléter la
politique européenne de sécurité et de défense.
L'Union européenne dispose aujourd'hui des structures nécessaires pour
conduire une opération militaire. Elles ont été mises en place au cours des
trois dernières années.
A cet égard, le sommet de Saint-Malo, en décembre 1998, n'a pas été une
illusion. L'impulsion initiale donnée par le couple franco-britannique a été
relayée par les travaux conduits sous la présidence allemande, puis par
l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam.
Le sommet de Cologne a permis, quant à lui, de définir une politique de
défense commune. Il y a été énoncé que l'Union devait pouvoir disposer d'une
capacité d'action autonome soutenue par des forces militaires crédibles, avoir
les moyens d'y recourir et être prête à le faire en cas de crise
internationale, sans préjudice des actions de l'OTAN.
A Helsinki, un an plus tard, deux rapports relatifs à la sécurité et à la
défense, présentés par la présidence finlandaise, ont été avalisés par le
Conseil. Sur cette base, les Quinze ont décidé la création de nouveaux organes
et de nouvelles structures politiques et militaires : un comité politique et de
sécurité, le COPS, où les décisions sont prises au nom des gouvernements, un
comité militaire, un état-major de veille, d'analyse de situation et de
planification stratégique et, enfin, un centre de situation.
Ces structures sont aujourd'hui en fonction et leurs procédures de travail
feront l'objet d'une ultime validation au cours des prochaines semaines.
L'Union européenne dispose désormais des capacités nécessaires pour conduire
une opération de gestion de crise. Placées auprès du Conseil de l'Union
européenne, ces structures permettent aux Quinze de définir l'orientation
politique et la direction stratégique nécessaires à la planification et à la
conduite d'opérations dirigées conjointement par les Etats membres.
Le Conseil européen de Feira, qui a eu lieu le 19 et le 20 juin 2000, a pris
d'importantes décisions pour le développement des capacités militaires, mais
aussi civiles, de gestion de crises par l'Union européenne. Depuis trois ans,
les Etats européens ont obtenu des résultats importants en matière de
coopération et de coordination des choix d'armement.
Enfin, le mois prochain à Laeken, l'Union européenne sera déclarée
opérationnelle, c'est-à-dire capable de suivre l'émergence d'une crise
politico-militaire, d'identifier les options d'actions en fonction d'une
situation donnée et de mobiliser les moyens militaires civils pour y répondre
et coordonner leur emploi.
Dans cette optique, la constitution et l'harmonisation des capacités
militaires de l'Union européenne se poursuivent.
De nombreuses avancées ont ainsi été réalisées, montrant que Saint-Malo, comme
je l'ai dit, n'a pas été un mirage.
L'état-major européen monte doucement en puissance et l'OCCARD, l'organisation
conjointe de coopération en matière d'armement, existe enfin.
L'année 2000 aura été l'année de la ratification du traité sur l'OCCAR.
Appelée à devenir une véritable agence européenne de l'armement, elle opère
aujourd'hui sa montée en puissance, s'apprête à accueillir de nouveaux membres
et à intégrer de nouveaux programmes.
A partir de ce constat, pourquoi ne pas prévoir une grande OCCAR de la
recherche et du développement qui coordonnerait les efforts dispersés, lesquels
ne représentent, au total, que le quart de l'effort américain ?
La signification du prochain programme intégré au cours de l'année 2001 est
particulièrement importante : il porte sur l'avion de transport militaire A 400
M et constituera le plus grand programme d'armement fédérateur pour l'industrie
européenne. Il est également emblématique de la volonté commune des Etats
européens en matière d'armement. Il dotera l'Union européenne d'une capacité
massive pour projeter nos forces.
La France, pour sa part, remplit parfaitement ses engagements : l'autorisation
de programme de 3 049 milliards d'euros, attribuée à la suite d'une décision
gouvernementale prise l'année dernière, sera complétée par la loi de finances
rectificative pour 2001. Même si nous attendons la décision allemande, les
progrès réalisés dans ce domaine ne peuvent être occultés.
Votre projet de budget, quant à lui, permet à la France d'être à la hauteur de
ses ambitions et de ses responsabilités européennes, tout comme le projet de
budget de la défense, par exemple, qui sera examiné dans quelques jours et qui,
bien que très serré, permet une bonne réalisation de la loi de programmation,
l'une des meilleures depuis longtemps, qui consolide et achève la
professionnalisation de notre système de défense facilitant ainsi la mise en
oeuvre de la politique européenne de défense. Cette professionnalisation,
annoncée le 22 février 1996 un peu au petit bonheur la chance a été
heureusement mise en oeuvre par le Gouvernement de M. Lionel Jospin, avec
l'application et le sérieux que chacun s'accorde aujourd'hui à lui reconnaître.
C'est tellement vrai que j'ai pu constater que, dans le contre-bilan établi par
la droite au sujet de la défense, la colonne destinée à mettre en pièces le
bilan du Gouvernement est restée désespérément vide.
La France contribue ainsi à hauteur de 20 % à la constitution des capacités
militaires de l'Union européenne, avec un accent particulier mis sur les
capacités stratégiques, telles que le renseignement, le commandement, la
communication et le contrôle. Des lacunes persistent cependant et elles sont
l'illustration d'autres priorités que se sont données nos partenaires européens
dans leurs choix d'équipement au cours des décennies passées.
En préparation de la conférence de capacité qui a eu lieu à Bruxelles le 19
novembre dernier, les six principales nations européennes ont donc préparé des
contributions additionnelles. La contribution française porte, en particulier,
sur la conduite des opérations et le renseignement, les forces multinationales,
les capacités offensives et la projection des forces.
En outre, en partenariat avec l'industrie, un programme de technologies
cohérent et ciblé est lancé, l'ETAP, programme européen d'acquisition de
technologie, destiné à poser les fondements des systèmes aériens de combat
européens du futur. Il vise à soutenir et à développer les capacités
européennes en matière de systèmes aériens de combat, pendant les deux
prochaines décennies.
Cette approche par capacité repose sur les moyens apportés par les différents
Etats. Or, l'une des difficultés actuelles apparaît sur le plan budgétaire et
sur le plan financier. En ce domaine, on peut nourrir quelques inquiétudes.
La réponse au terrorisme et aux crises internationales doit pouvoir mobiliser
au sein de l'Union tous les efforts en matière de politique étrangère et de
défense. Le prochain traité devra prendre en compte cette réalité. Face aux
nouvelles menaces et aux exigences géopolitiques du XXIe siècle, l'Union doit
renforcer ses politiques, en particulier dans les domaines de la justice et des
affaires intérieures.
Le moment est-il venu d'envisager que l'Union comble son vide institutionnel
actuel pour aboutir à une politique de défense commune relevant de la
compétence communautaire ?
Nous sommes partisans d'un monde multipolaire ; nous souhaitons une
mondialisation maîtrisée et au service des peuples ; nous voulons contribuer à
la paix dans le monde. Il nous faut donc une Union européenne efficace, forte
et démocratique, capable d'assumer pleinement son rôle planétaire. La PESC doit
être l'outil de cette affirmation européenne.
Notre Europe aura bientôt à assumer des responsabilités considérables dans les
Balkans. Les Européens jouent dès à présent un rôle central dans le sud-est du
continent. Prévenir les conflits, endiguer la violence, assurer et consolider
la paix : voilà les tâches que les Européens ont bien assumées dans cette
région si tourmentée ces dernières années.
Nous devons être prêts à prendre toute notre place dans la région. Les
Américains envisagent de partir ; cela doit nous donner l'occasion de tester
les véritables intentions de nos partenaires au sein de l'Union.
Enfin, j'évoquerai nos responsabilités en Méditerranée. Le sud de l'Europe
nous intéresse, monsieur le ministre. En effet, on pourrait penser, d'une
manière un peu simpliste, que l'élargissement de l'Union européenne pourrait se
faire au détriment de notre engagement, de l'engagement européen, avec les pays
de la rive sud de la Méditerranée.
Je pense, au contraire, que cet élargissement à venir sera le moment propice
pour lancer des initiatives fortes vers les pays riverains de la
Méditerranée.
Je pense aussi qu'il est de la responsabilité de notre pays de proposer un
programme d'actions destiné à développer et à consolider les liens, les
coopérations, les associations, de l'Union européenne avec les pays du Maghreb
au moment où nous élargissons notre Europe.
En votant votre budget, nous vous invitons, monsieur le ministre, à faire en
sorte que le sud de l'Europe ne soit pas le grand oublié des prochaines années.
C'est un devoir de solidarité et une exigence de sécurité.
(Applaudissements sur les travées socialistes. - M. André Boyer applaudit
également.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Hubert Védrine,
ministre des affaires étrangères.
Monsieur le président, mesdames,
messieurs les sénateurs, je vais vous présenter les grandes lignes du projet de
budget du ministère des affaires étrangères pour 2002, qui enregistre une
évolution positive, et répondre aux nombreuses remarques de MM. les rapporteurs
ainsi qu'aux questions qui m'ont été posées. Je le ferai sans M. Charles
Josselin, qui est retenu à Toronto pour une réunion concernant TV 5.
Avant d'entrer dans le détail du budget, rejoignant en cela le rapporteur
spécial M. Chaumont, qui soulignait que l'examen du budget des affaires
étrangères ne peut se faire indépendamment du contexte international, je
voudrais d'abord vous donner quelques indications pour rappeler comment la
diplomatie que je conduis, sous l'autorité du Président de la République et du
Premier ministre, fait face au redoutable défi créé ou révélé par la tragédie
du 11 septembre. J'irai à l'essentiel, puisque j'ai pu mesurer, une fois
encore, en vous écoutant attentivement, l'importance que vous accordez à ces
questions et la connaissance que vous en avez. J'ai noté toutes les questions,
notamment celles qui ont été posées par M. de Villepin sur l'Irak et les
différents aspects qui s'y rattachent. Je commencerai, bien sûr, par les
événements du 11 septembre et l'Irak.
Le défi urgent et principal, c'est évidemment la lutte contre le terrorisme.
Nous l'avons dit dès le début. Nous avons été solidaires instantanément et vous
savez que la France a joué un rôle très important pour l'adoption des
résolutions au Conseil de sécurité des Nations unies dès le lendemain du 11
septembre, puis pour les deux autres.
Lutter contre le terrorisme, nous l'avons dit aussi immédiatement, c'est le
punir - l'article 51 de la Charte des Nations unies a été invoqué tout de suite
pour définir le droit à la légitime défense -, c'est aussi l'éradiquer,
c'est-à-dire détruire les réseaux, les financements et traiter les causes
profondes. Pour ce faire, nous avons toute une gamme de moyens, d'enceintes, de
mécanismes, de conventions internationales. Je rappelle que, dès 1999, j'avais
présenté à l'ONU une convention internationale contre le financement du
terrorisme, texte qui faisait encore défaut.
Mais c'est aussi prévenir, en combattant les idéologies de haine, les
dévoiements religieux, fanatisés, dépasser les contradictions réapparues à
l'occasion de la conférence des Nations unies de Durban avant l'attentat du 11
septembre, qui montraient bien toute une série de fractures qui sont encore
présentes dans notre monde, tout en luttant contre le piège de la guerre des
civilisations dans lequel quelques manipulateurs fous voudraient nous
entraîner, à travers ces actes terroristes.
Il convenait d'établir une solidarité large dépassant les Etats-Unis et
l'Europe occidentale : c'était le concept même de coalition, mis en avant très
justement par le secrétaire d'Etat américain Colin Powell, dès le début.
Donc, sur cette affaire du 11 septembre, sur cette réaction immédiate, sur
l'engagement à long terme, il y a eu une solidarité, un engagement et une très
grande clarté des Européens vis-à-vis de leur partenaire américain. Cette lutte
contre le terrorisme se poursuivra bien sûr après que l'objectif de destruction
du réseau Al-Qaida et du système taliban qui l'abritait aura été atteint, et je
crois que cet objectif est maintenant accessible à assez court terme.
J'en viens à l'Afghanistan, parce qu'il ne faut pas que nous nous concentrions
uniquement sur la lutte contre le terrorisme en refaisant l'erreur commise en
1992, le monde entier avait alors abandonné les Afghans à leur sort, ce qui
avait enclenché les guerres civiles que l'on sait, que les Afghans ne veulent
pas connaître à nouveau.
En Afghanistan, l'effondrement du régime des talibans, que j'avais qualifié de
répugnant voilà plusieurs mois, bien avant le 11 septembre, se confirme.
L'aide humanitaire donnée sans conditions commence à être acheminée à partir
du Turkménistan et de l'Iran : 13 000 tonnes d'aide alimentaire arriveront le
12 décembre prochain. A la suite de la visite de M. Josselin, nous avons obtenu
l'accréditation des ONG françaises en Ouzbékistan. MSF, Acted, Solidarités,
pour n'en citer que quelques-unes, sont déjà de retour à Mazar-e-Charif. Voilà
quelque temps déjà, j'ai envoyé une mission pour évaluer la situation dans les
pays voisins à partir desquels on peut travailler, ainsi qu'une autre mission
pour évaluer la situation de l'hôpital de Kaboul. Grâce aux ONG françaises,
trois cliniques fonctionnent déjà à Kaboul.
Donc, sur le plan humanitaire, nous avons été rapides et généreux, soit
directement à titre bilatéral, soit dans le cadre européen, soit par le biais
des organismes spécialisés.
Sur le plan politique, je voudrais rappeler ici que, dès le 1er octobre, la
France a été le premier pays à dire qu'il n'y avait pas seulement une question
humanitaire d'urgence, une action militaire prévisible et que nous devions nous
préoccuper de l'après-guerre. L'action militaire n'avait pas encore commencé à
ce moment-là, mais nous avions anticipé son déclenchement, son résultat, sa
réussite et nous nous sommes tout de suite penchés sur la question politique,
puis sur la question de la reconstruction. C'est pour cela que, dans le plan
d'action pour l'Afghanistan du 1er octobre, j'avais souligné l'importance du
processus politique permettant aux Afghans, aux Pachtouns et aux autres groupes
de trouver un équilibre entre eux, de bâtir une autorité représentative de
transition, puis un Gouvernement pour commencer à reconstruire ce pays.
On retrouve les principes du plan français dans le travail remarquable de M.
Brahimi, le représentant spécial pour l'Afghanistan du secrétaire général des
Nations unies, et dans la troisième résolution votée par le Conseil de
sécurité. C'est autour de ces principes que tentent de se rapprocher les
Afghans, qui sont en train de négocier à la conférence de Petersberg.
La France a été généreuse sur le plan humanitaire. Mais je ne dis pas cela
pour que l'on se vante. C'est bien normal, et cela ne suffit pas. Nous avons
été, je crois, inventifs et rapides sur le plan politique. Nous avons été
disponibles sur le plan militaire, mais les Etats-Unis ont fait un choix qui
est le leur, que je respecte, et qui consiste à agir essentiellement par
l'armée américaine. On a pu parler d'une « guerre du Pentagone ». Mais ce sont
eux qui avaient été blessés, humiliés et touchés directement. On le sait, les
militaires américains trouvent plus commode d'agir ainsi que d'avoir à discuter
de la stratégie, de la tactique et des cibles, comme cela avait été le cas lors
de la guerre du Golfe, et plus encore dans l'affaire du Kosovo. Il n'y a pas à
se sentir vexé du choix fait par l'armée américaine et par les dirigeants des
Etats-Unis, qui découle d'une commodité dans la conduite des opérations. Il
n'en demeure pas moins que les propositions françaises ont été appréciées sur
plusieurs plans, notamment en matière de reconnaissance aérienne, en matière
navale, et plus encore en matière de renseignements. J'ajoute que c'est
exactement la même chose pour tous les autres pays ?
En ce qui concerne l'aide immédiate ou la reconstruction - beaucoup d'entre
vous en ont parlé, notamment MM. Plancade, Mathieu et de Montesquiou ainsi que
Mme Luc - je voudrais distinguer deux choses, et je l'ai dit voilà quelques
jours déjà. L'aide humanitaire doit être accordée sans conditions, de notre
part en tout cas, et si des pays voisins ou des autorités de fait locales
afghanes mettent des obstacles, ce que nous regrettons, c'est tout à fait
navrant compte tenu des besoins des populations. En tout cas, de notre part,
c'est un geste spontané, généreux, il n'y a pas de conditions à l'aide
humanitaire.
En revanche, en ce qui concerne la construction de l'Afghanistan - je ne dis
même pas « la reconstruction », car il y a tellement peu à reconstruire qu'il
vaut mieux parler de la construction d'un pays nouveau, sur tous les plans -,
nous ne sommes pas prêts à aider au retour à l'Afghanistan d'hier ou
d'avant-hier, c'est-à-dire à l'Afghanistan des guerres civiles, à l'Afghanistan
des femmes opprimées sous les talibans, à la régression. Ce pays a connu une
époque moderne, avec une constitution libérale, une époque où il n'y avait pas
de discrimination et où des femmes étaient ministres, parlementaires et
exercaient tous les métiers ; c'était certes surtout vrai en ville, mais
c'était un mouvement qui commençait.
Il a été affirmé clairement - et je l'ai fait dire à Washington voilà quelques
jours dans une conférence sur l'aide, comme on l'avait fait dire à New York et
comme on l'a fait redire par les Quinze - que notre aide - je ne veux pas le
dire d'une façon trop brutale ou trop cynique, car il faut aussi tenir compte
du chaos et de l'héritage de la guerre - veut s'inscrire dans un mouvement de
construction d'un pays nouveau.
Nous attendons des chefs afghans, qui sont aujourd'hui réunis sous l'égide de
M. Brahimi, qu'ils se mettent d'accord sur une administration provisoire. A
partir de là, nous aurons un interlocuteur pour travailler. Toutes les
suggestions ont été notées - je pense en particulier au lycée de Kaboul, qui
était d'ailleurs afghan plutôt que franco-afghan, mais on verra dans le détail
comment agir après - et, dès que nous aurons des responsables - dans tous les
sens du terme - afghans en face de nous, nous réenclencherons immédiatement ce
processus de coopération. Croyez-moi, nous ne serons pas absents sur ce plan,
pas plus que sur les autres ; de même, j'ai parlé longuement de la situation
des femmes en Afghanistan avec une délégation que j'ai reçue voilà quelques
jours.
Mais, comme je l'ai déjà dit très récemment devant l'assemblée générale des
Nations unies, la lutte nécessaire contre le terrorisme, à court terme et dans
la durée, ne nous dispense pas d'agir sur d'autres plans. Là est le point
central ! La France ne fait pas partie des pays qui ont découvert les maux du
monde le 11 septembre ; c'est vrai sur à peu près tous les conflits de la
planète. Nous n'avons donc pas à être gênés par des raisonnements du genre : «
Le fait de s'intéresser à tel ou tel sujet comme le conflit du Proche-Orient
n'est-il pas une façon de donner raison au terrorisme, et n'est-ce donc pas
moralement inacceptable ? » On ne peut pas dire cela de la politique étrangère
française, car voilà déjà fort longtemps que nous avons mis l'éclairage sur des
problèmes dramatiques comme celui du Proche-Orient. Rappelez-vous que la
demande par la France d'un Etat palestinien remonte au discours de François
Mitterrand à la Knesset en mars 1982.
(Marques d'approbation sur les travées socialistes.)
Il a fallu attendre
1999 pour que les autres pays européens rejoignent la France sur ce point ; et
il a fallu attendre le mois d'octobre 2001 pour que cela devienne un objectif
de la diplomatie américaine et du président Bush. Tant mieux, car cela nous
donne une base commune pour travailler.
Mais, en ce qui concerne le Proche-Orient, le Moyen-Orient, la situation de la
société irakienne, la Méditerranée, l'Afrique subsaharienne ou l'Afrique des
grands lacs - j'ai retenu ce qu'a dit M. Del Picchia à cet égard -, tous ces
sujets dont vous avez parlé sont des préoccupations constantes de la diplomatie
française. Nous ne cessons d'attirer l'attention de nos partenaires dans le
monde entier sur les situations intolérables qui subsistent et sur la nécessité
de s'en occuper pour des raisons tant humaines et morales que de sécurité. Nous
le faisons en permanence.
J'espère que le choc du 11 septembre, non seulement ne fera pas oublier ces
autres nécessités mais aboutira également à ce que nos partenaires, et
notamment les grands pays riches occidentaux qui ont évidemment plus de moyens,
fassent preuve d'une énergie accrue dans le traitement de ces questions.
J'ai cité des conflits particuliers, mais j'étends mon propos à la situation
du monde en général. Nous constatons bien - nous l'avons vu à Seattle, à Gênes
et à Durban - qu'il y a une contestation sur la façon même dont se déroule la
mondialisation. Nous dépassons la période un peu euphorique de ces dernières
années, pendant laquelle la mondialisation était considérée comme parée de
toutes les vertus, comme si le monde entier partageait de façon consensuelle
une vision unique sur notre conception de la démocratie occidentale, de
l'économie de marché, de nos principes moraux. Tout le monde était d'accord,
sauf quelques pays « voyous », comme disaient les Etats-Unis. Il y avait donc
un grand consensus.
Mais - nous le voyons bien - c'était une vision prématurée, et ce consensus
reste à bâtir. C'est cela le sens des propositions que ce gouvernement, en
particulier, a multipliées en ce qui concerne la réforme du Conseil de
sécurité, la réforme du Fonds monétaire international, la réforme de la Banque
mondiale, l'élargissement des critères à prendre en compte dans la négociation
de l'Organisation mondiale du commerce.
En effet, autant ceux qui contestent l'OMC comme instrument de régulation ont
évidemment tort, car un instrument de régulation vaut mieux qu'une guerre
commerciale, autant, c'est évident, on ne peut pas régler tous les problèmes du
monde sur une base commerciale étroite et être aveugle au reste.
Tel est le sens de notre engagement pour la Cour pénale, pour le protocole de
Kyoto, pour tant d'autres instruments multilatéraux qui, évidemment, ne sont
pas prisés par les pays qui mènent une politique unilatérale ; mais nous devons
oeuvrer dans ce sens, de même que nous devons travailler avec plus d'énergie
que jamais sur chacun des conflits que j'ai cités précédemment.
C'est la politique étrangère française. Vous n'avez d'ailleurs pas émis de
critiques à cet égard, bien que vous n'en ayez pas été avares sur d'autres
points particuliers - j'y reviendrai tout à l'heure -, conformément à
l'atmosphère du moment. En tout cas, s'agissant de la politique étrangère
française, j'ai entendu vos propos comme autant d'encouragements, de
suggestions très utiles et de discussions, et je vous en remercie.
S'agissant de l'Europe, il n'y a aucune raison que, dans cette affaire
afghane, et dans ses suites, les Européens se sentent délaissés et manifestent
un quelconque vague à l'âme.
L'Europe a bien réagi. Les Européens ont été instantanément solidaires. Ils
ont pris des dispositions efficaces et intelligentes pour assurer le maximum de
sécurité aux citoyens européens. Les Européens ont immédiatement accéléré les
procédures d'harmonisation et de coopération en matière de justice et
d'affaires intérieures - c'est ce que l'on appelle « JAI » dans le jargon
communautaire.
L'Europe a fait des propositions aux Etats-Unis. Pour des raisons techniques
que j'ai indiquées, les Etats-Unis, sur le plan militaire, n'ont pas
spécialement eu besoin de qui que ce soit - marginalement un ou deux pays -,
mais cela ne remet rien en cause. Le but de l'Europe n'était pas d'avoir
constitué ces dernières années un corps expéditionnaire pour aller dans
l'Hindoukouch. Par conséquent, ce n'est pas parce que les choses se déroulent
dans ce lieu et dans ce contexte que cela change quoi que ce soit aux ambitions
européennes, qui sont toujours aussi justifiées, et que cela modifie en quoi
que ce soit l'agenda européen, qui est toujours aussi chargé et aussi important
et que nous allons traiter avec autant d'ambition.
Nous avons devant nous - cela a encore été redit avec force lors des 78es
consultations franco-allemandes de Nantes, comme avec les Italiens, comme tout
à l'heure à Londres - deux grands processus que nous devons réussir.
Tout d'abord, nous devons réussir l'élargissement - la France ne se lasse pas
de le répéter - qui est entamé depuis longtemps et que demande toute l'Europe.
Il ne s'agit pas d'être pour ou contre. Le traité de Rome a ouvert l'Europe à
tous les pays démocratiques d'Europe. Mais l'élargissement, cela se négocie,
cela se réussit dans l'intérêt des pays membres comme dans l'intérêt des pays
candidats et dans l'intérêt de l'avenir de l'Union européenne.
Par ailleurs, il nous faut réussir le processus politique lancé en conclusion
du traité de Nice, qui doit aboutir en 2004. Ce processus, qui commence par une
convention l'an prochain, se poursuiva par une conférence intergouvernementale
l'année suivante ; il doit apporter une réponse à toute une série de questions,
telle la question clé de la répartition des compétences, en vue d'une
clarification et d'une meilleure « lisibilité » du mécanisme européen.
C'est dans cet esprit que, à Nantes, le Président de la République, le Premier
ministre et le Chancelier allemand ont rappelé que ce traité devant découler de
l'accord de 2004, que nous voulons réussir, devrait prendre la forme d'une
Constitution pour l'Europe qui serait compréhensible par tous les citoyens.
Dans le débat à propos de l'avenir de l'Europe, engagé dans toutes les régions
françaises et animé par Pierre Moscovici, nous avons constaté que les Français,
contrairement à ce que l'on dit, étaient très intéressés, très curieux et très
demandeurs à cet égard. Ils en viennent cependant - et ils ont raison - aux
conclusions institutionnelles, en partant des objectifs. Ils attendent de
l'Europe toute une série d'avancées précises et concrètes en rapport avec leur
vie quotidienne. C'est donc à ce titre qu'ils se posent la question du
fonctionnement des institutions. C'est à mon avis un bon message qu'ils nous
envoient ainsi.
Mesdames, messieurs les sénateurs, comme vous le savez bien, et comme le
montrent vos interventions, la France est animée par une diplomatie globale
complète et présente sur tous les fronts, une diplomatie de mouvement qui
s'efforce de gérer les urgences les plus graves comme les grands intérêts
permanents.
J'en viens maintenant à la suite de mon propos, à savoir la présentation des
grandes lignes du projet de budget du ministère des affaires étrangères pour
2002.
Ce projet de budget enregistre pour la troisième année consécutive - vous ne
pouvez pas ne pas le reconnaître - une évolution positive, avec une
augmentation de 1,3 % à structure constante par rapport à la loi de finances de
2001, et une stabilisation des effectifs qui confirme un renversement de
tendance durable après l'hémorragie des moyens de ce ministère enregistrée
entre 1994 et 1998. Je crois que tout le monde le sait ici !
Mme Danièle Pourtaud,
rapporteur pour avis.
Exactement !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga,
rapporteur pour avis.
Très bien !
M. Hubert Védrine,
ministre des affaires étrangères.
Le projet de budget pour 2002 s'établit
à 22,4 milliards de francs et, si l'on y ajoute la contribution française au
Fonds européen de développement, il atteint 23,8 milliards de francs. Bien
entendu, ce budget ne satisfait pas toutes les demandes que Charles Josselin et
moi-même avons présentées pour que la France renforce sa présence, son
influence, son appui au développement dont vous avez à juste titre constamment
souligné la nécessité, et encore moins l'addition de toutes vos demandes.
Mais l'augmentation du budget de loi de finances pour 2001 a reflété
essentiellement la forte progression des contributions obligatoires destinées
aux organisations internationales dont le niveau est d'ailleurs reconduit -
nous avons en effet remonté ce niveau ces trois dernières années - tandis que
le nouveau projet de budget représente une augmentaion de crédits de l'ordre de
285 millions de francs, à structure constante, qui permet de poursuivre la mise
en oeuvre des priorités que nous avons données à notre action, même si une
partie de ces moyens est absorbée par les effets négatifs des changes.
S'agissant des contributions volontaires dont la progression est jugée
insuffisante par MM. Chaumont et Dulait, je rappelle qu'elles ont fortement
augmenté en 1999, en 2000 et en 2001.
Je reviens un instant sur la remarque de M. Chaumont concernant l'insuffisance
des crédits des opérations de maintien de la paix. Ces contributions
obligatoires, comme vous le savez, sont par nature imprévisibles. Depuis 1999,
la tendance est à la hausse. Malgré la remise à niveau des crédits pour la loi
de finances de 2001, il est exact que des crédits complémentaires sont
nécessaires : 950 millions de francs sont prévus dans le collectif budgétaire.
La situation pour 2002 est difficilement prévisible.
Ainsi, on ne peut pas dire à ce stade quelle sera l'incidence exacte des
événements qui ont lieu en Afghanistan. Si nécessaire, la dotation sera ajustée
en conséquence. C'est pour cette raison que ce chapitre a un caractère
provisionnel.
J'en viens maintenant aux axes prioritaires, qui sont au nombre de quatre : la
coopération internationale, l'accueil et l'asile, les Français à l'étranger, la
modernisation.
Avant tout, la coopération internationale prise comme un ensemble voit ses
moyens augmenter de façon sensible. Ce n'est pas un hasard. En effet, l'une des
réponses à la montée des critiques sur la mondialisation réside dans notre
politique de coopération internationale sous toutes ses facettes.
Au niveau multilatéral d'abord, cela se traduit dans les orientations
défendues par la France dans les différentes instances internationales et dans
l'impulsion donnée aux mécanismes financiers de types nouveaux.
Sur le plan des mécanismes financiers nouveaux, avec l'annulation de la dette
des pays les plus pauvres, la France s'est engagée à un effort total, qui
représente plus de 10 milliards d'euros ! Pour le Fonds mondial santé-sida, le
Premier ministre a annoncé une contribution de 150 millions d'euros sur trois
ans. Les pays favorables à l'application de la convention de Kyoto, dont la
France, se sont engagés par ailleurs à une augmentation substantielle d'ici à
2005 de leurs contributions au Fonds mondial pour l'environnement.
S'agissant de la promotion du dialogue des cultures, de la diversité
culturelle et de la francophonie, sur le plan multilatéral, la France travaille
aux côtés de ses partenaires de la francophonie et a choisi avec eux l'UNESCO
comme le cadre privilégié de son action. Par ailleurs, comme vous le savez, la
France et l'Europe défendent aussi ces valeurs en refusant que le secteur
culturel fasse l'objet d'offres de libéralisation à l'OMC - c'est ce que l'on
appelle l'« exception culturelle », et que je qualifie plutôt, pour ma part, de
« diversité culturelle », expression qui me paraît plus attractive. C'est grâce
à notre action principalement que ce sujet n'a pas figuré à l'ordre du jour de
la conférence de Doha. Nous avons d'ailleurs été peu nombreux, en Europe,
lorsque nous avons élaboré le mandat de négociation du commissaire Lamy, pour
refuser que cela y soit. Et si nous avions dû nous prononcer à la majorité
qualifiée sur ce point, la question culturelle ferait partie des discussions de
l'OMC.
Sur le plan européen, la France contribue pour plus de 24 % au budget du FED.
Certains s'en réjouissent, d'autres le regrettent. En réponse à Michel
Charasse, qui critique la part et l'efficacité de l'aide européenne, je
rappelle que la réforme de l'aide communautaire engagée sous présidence
française par le Conseil de développement du 10 novembre 2000 et mise en oeuvre
activement par le commissaire européen M. Patten, qui est lui-même vraiment
convaincu de la nécessité absolue de réformer ce système, se met
progressivement en place : agence EuropeAid et début, en ce moment même, de la
déconcentration dans cinq délégations couvrant huit pays ACP. La France sera
très attentive à la mise en oeuvre de cette réforme qui doit nous permettre de
mieux faire jouer l'effet de levier de notre contribution aux dépenses du FED.
Cette contribution est dorénavant inscrite dans le budget du ministère des
affaires étrangères.
Pour 2002, 3358 millions d'euros sont ouverts en autorisations de programme et
218,5 millions d'euros le sont en crédits de paiement. Cet écart entre les
autorisations de programme et les crédits de paiement peut entraîner des
incertitudes sur le niveau des décaissements. C'est pourquoi nous avons demandé
et obtenu des engagements du ministère des finances pour que soient mis à notre
disposition, en temps utile, les abondements qui pourraient s'avérer
nécessaires.
La conviction de l'importance renouvelée de la coopération s'exprime également
sur le plan bilatéral ; je dis cela pour tous ceux qui s'inquiètent de la
répartition entre le bilatéral et le multilatéral. Globalement, les crédits de
la coopération internationale et du développement du ministère, avec 129,53
millions de francs de mesures nouvelles nettes, hors transferts, marquent une
progression qui, nous l'espérons ne sera pas remise en cause par des mesures de
régulation comme en 2001.
(MM. Chaumont et Charasse, rapporteurs spéciaux,
font un signe d'approbation.)
Vous vous associez certainement à ce
souhait.
Les crédits de la DGCID prévus pour 2002 s'élèvent ainsi à 9,447 milliards de
francs avant transferts, en augmentation de 1,8 % par rapport à 2001.
Au total, le besoin de politiques de coopération et d'aide au développement
efficaces et appuyées sur des outils adaptés est plus fort que jamais. Notre
politique le prend en compte.
MM. Chaumont et Charasse, Mme Brisepierre ainsi que MM. Pelletier et Demuynck
se sont inquiétés de l'évolution de l'aide publique française au
développement.
Après la baisse observée depuis 1994, dont vous connaissez les raisons, une
quasi-stabilisation est intervenue en 2000, et les dernières estimations pour
2001 indiquent que l'aide publique au développement française remontera
légèrement à 0,34 % du PIB contre 0,32 % en 2000.
Avec la progression de nos contributions au FED et les nouveaux mécanismes
financiers - PPTE, fonds santé-Sida, environnement - je souhaite que cette
tendance se confirme dans les années qui viennent. Cela me paraît, comme à
vous, indispensable même si, lors de mes voyages en Afrique, je constate que
les Africains ne demandent plus seulement de l'aide. Ils demandent autant
d'accès aux marchés. Il faut avoir une vision globale de la façon dont nous les
accompagnons dans leur développement.
La conversion des créances en dons dans le cadre de l'initiative PPTE se fera
selon le principe de l'additionnalité.
La France reste l'un des principaux fournisseurs d'APD. Elle était en 2000 le
cinquième pays donateur en volume, derrière les Etats-Unis, le Japon,
l'Allemagne et presque à égalité avec le Royaume-Uni. Elle reste, en
pourcentage du PIB - 0,32 % - le plus généreux des pays du G7 et se situe
largement au-dessus de la moyenne des pays membres du CAD de l'OCDE, soit 0,22
%.
S'agissant de notre aide aux pays les moins avancés, qui préoccupe M.
Charasse, je précise que, au-delà des chiffres sur l'importance de l'aide, les
choix qui sont faits - lutte contre la pauvreté, initiatives contre le sida -
confirme l'attention que la France porte aux pays les plus pauvres.
Enfin, la France s'attache à une approche plus qualitative de l'APD. Elle
plaide pour une régulation pertinente de la mondialisation qui prenne en compte
les problèmes spécifiques des pays en développement et encourage la réflexion
internationale sur le financement du développement, y compris par l'émergence
de nouvelles approches telles que l'hypothèse d'une taxation internationale
pour le financement des biens publics mondiaux.
Dans ce contexte, le projet de loi de finances pour 2002 exprime bien,
contrairement à ce qu'ont dit certains de vos rapporteurs, nos priorités pour
la coopération internationale.
Par ailleurs, les crédits d'aide au développement s'inscrivent dans des
priorités sectorielles et géographiques claires. Je ne suis donc pas d'accord -
et je le regrette - avec ce qu'ont écrit Mme Brisepierre, MM. Penne et Dulait,
qui regrettent l'absence de priorité.
S'agissant des crédits de coopération technique et d'aide au développement mis
en oeuvre directement par le département, pour 2002, les priorités sectorielles
sont doubles : il y a, d'une part, la lutte contre la pauvreté et les
inégalités, et pour le développement durable ; d'autre part, l'aide à
l'organisation de l'Etat, dont le rôle et la responsabilité sont essentiels à
nos yeux - soutien à l'Etat de droit et aux droits de l'homme, bonne
gouvernance, réformes institutionnelles.
Tout à l'heure, nous avons eu un débat sur la société civile. Je crois qu'on a
un peu dépassé le temps où celle-ci et les ONG étaient considérées comme la
panacée ; on en est arrivé à une position plus équilibrée : si l'action des ONG
est tout à fait remarquable dans certains cas, ce n'est pas une raison pour
affaiblir les gouvernements. Ce serait une erreur fatale. La plupart de ces
pays sont sous-administrés, sous-gérés, ils ont besoin à la fois
d'administrations renforcées, d'un Etat qui fonctionne bien et d'une société
civile qui se développe. C'était une grande erreur conceptuelle d'opposer les
deux, comme on l'a fait, ces cinq ou dix dernières années.
Toujours dans les priorités sectorielles, j'en viens à l'Agence française de
développement.
Une lettre de mission pour son nouveau directeur général vient d'être signée.
Elle fixe les priorités stratégiques de l'agence : promotion d'un développement
économique stable et efficace, qui soit respectueux de l'environnement et plus
soucieux de cohésion sociale. Cette précision rassurera certainement M.
Charasse, qui craignait que ce soit l'agence qui fasse elle-même sa stratégie
et plus largement celle de la coopération au développement de la France.
J'en viens aux priorités géographiques.
Le comité interministériel de la coopération internationale et du
développement a fait le choix en 2000 de maintenir le périmètre initial de la
zone de solidarité prioritaire, ZSP. Celui-ci tient compte de la situation
économique des pays, mais aussi des liens traditionnels de la France avec tel
ou tel Etat. Compte tenu de notre histoire, du poids de notre aide au
développement et de nos responsabilités mondiales, il n'est pas anormal que la
zone prioritaire de la France soit plus étendue que celle d'autres bailleurs de
fonds. Au demeurant, rien n'interdit une sélectivité interne à la ZSP, ce qui
est déjà le cas, certains pays recevant plus que d'autres. L'appartenance à la
ZSP, si elle confère vocation à bénéficier de certains instruments, n'y donne
pas un droit automatique. C'est l'intérêt intrinsèque du projet ou du programme
qui détermine l'aide.
Par ailleurs, la modernisation de nos instruments se poursuit.
Je veux m'arrêter un instant sur la réforme de l'assistance technique, qui a
fait l'objet de nombreuses remarques de vos rapporteurs, Mme Brisepierre et M.
Charasse, par exemple, qui donnent l'impression de regretter, plus que les
Africains eux-mêmes, les mécanismes des années 1970 ou 1980.
La coopération française disposait, en début d'année, de 2 200 assistants
techniques. S'ils sont numériquement en poste à 75 % dans les pays de la zone
de solidarité prioritaire, les assistants sont aussi affectés dans des pays
émergents, en transition et développés. Leur nombre a effectivement décru
depuis le début des années quatre-vingt, car nous avons renoncé à la
coopération dite de substitution initiée au début des années soixante et qui
était terriblement critiquée à l'époque, il faut se le rappeler. Leurs
fonctions ont connu une évolution en profondeur.
Comme le notent de nombreux rapporteurs, cette forme de coopération technique
constitue un avantage comparatif majeur pour notre action extérieure. Elle
figure donc parmi les priorités du budget de la DGCID, qui a maintenu en 2002
les moyens qu'elle y a consacrés en 2001. Elle a en outre prévu une dotation de
58 millions de francs pour financer le développement de l'expertise de courte
et moyenne durée et le redéploiement de certains postes vers de nouveaux pays
bénéficiaires du fonds de solidarité prioritaire.
Par ailleurs, le ministère a procédé, après une concertation avec les
assistants techniques, à l'harmonisation indispensable du régime de ces
personnels. A la fin de 2003, à l'issue d'une période de transition, l'ensemble
des assistants techniques sera régi par le décret du 28 mars 1967.
La promotion de la coopération non gouvernementale est aussi un élément clé de
notre dispositif rénové.
Ces moyens augmentent de 6 millions de francs, partagés entre la coopération
décentralisée et les associations de solidarité internationale.
La réforme de la coopération a modifié les domaines d'action du fonds de
solidarité prioritaire et de l'agence française de développement : l'AFD étend
son champ d'intervention aux domaines sociaux et éducatifs, tandis que le FSP
se concentre sur les projets de coopération institutionnelle. Cette répartition
nouvelle nécessite un rééquilibrage des dotations budgétaires ; ainsi,
s'agissant du fonds de solidarité prioritaire, les crédits de paiement sont
abondés de 35 millions de francs alors que les autorisations de programme sont
réduites de façon à mieux ajuster le rapport entre les deux.
L'adaptation du dispositif se traduit aussi par la création d'un article au
titre IV pour les opérations exceptionnelles liées aux sorties de crises. Ce
dispositif, qui réunit la cellule de crise du ministère et le secrétariat
général de la défense nationale, est accompagné d'une dotation budgétaire de 50
millions de francs. Il comble le vide qui existait jusqu'alors dans le
dispositif budgétaire en assurant une continuité depuis les situations
d'urgence financées par le fonds d'urgence humanitaire jusqu'à l'aide au
développement.
S'agissant de la coopération militaire et de défense, dont Mme Brisepierre,
MM. Boulaud, Charasse et Dulait ont regretté les baisses de crédit, je souligne
que, malgré les réductions, la coopération militaire s'adapte aux nouveaux
besoins tels que la prévention des crises et la formation régionale des élites,
grâce à un effort de rationalisation et de modernisation.
Le projet de loi de finances pour 2002 apporte aussi des moyens
supplémentaires au service de la « bataille des idées » et de la
francophonie.
La recherche d'une mondialisation plus équilibrée et plus équitable repose sur
la coopération au développement, mais aussi sur notre capacité à faire valoir
nos idées et nos valeurs dans les débats mondiaux et la promotion de la
diversité culturelle et linguistique.
La programmation des crédits de coopération et d'action culturelle pour 2002
reflète nos objectifs en ce domaine : rénover notre réseau culturel tout en
soutenant la pensée française dans la bataille des idées, former en France les
élites mondiales, en tout cas en plus grand nombre, renforcer l'audiovisuel
extérieur.
Comme le relève Mme Pourtaud, des mesures nouvelles sont ainsi prévues en
faveur de l'agence pour l'enseignement français à l'étranger, l'AEFE, des
établissements culturels - répondant ainsi aux suggestions du rapport Dauge -,
des bourses d'excellence Major visant à permettre aux meilleurs élèves des
lycées français à l'étranger de poursuivre leurs études en France, de la
diffusion des revues françaises et des opérateurs de l'action audiovisuelle
extérieure. Sur ce point, je suis d'ailleurs surpris du vote de la commission
des affaires culturelles, qui aurait dû se féliciter de telles augmentations de
crédits au lieu de se prononcer contre eux.
La priorité affichée pour 2002 c'est la relance de TV5 sur le continent
américain qui s'appuie sur le nouvel accord conclu en 2001 avec nos
partenaires. Cela a permis une rationalisation du dispositif et la création
d'une entité nouvelle baptisée TV5 Monde, basée à Paris, qui a désormais la
responsabilité de l'ensemble des signaux de la chaîne, mis à part celui qui est
destiné au Canada.
Puisque certains d'entre vous en ont parlé, je voudrais moi aussi, alors que
Jean Stock quitte ses fonctions, le féliciter pour le travail formidable qu'il
a accompli à la tête de TV 5. Je regrette qu'il parte mais, au moment où il est
arrivé, sur ma requête, il s'était engagé pour deux ans ; il est resté
davantage, je l'en remercie.
En réponse à Mme ben Guiga, je précise que l'idée de la création d'une chaîne
franco-arabe est actuellement étudiée avec la plus grande attention. Compte
tenu de ces efforts, il me paraît difficile de soutenir, comme l'a fait M.
Chaumont, que « l'audiovisuel public extérieur est un instrument délaissé ».
Qu'on ne fasse pas tout ce qu'il faudrait faire et ce que je souhaiterais que
l'on fasse, cela est vrai. Mais de là à dire que c'est un instrument délaissé,
il y a une marge !
Je partage tout à fait les préoccupations de M. Hoeffel sur la nécessité de
favoriser les réseaux culturels franco-allemands.
S'agissant de notre réseau en Allemagne, je précise que la réforme de la carte
ne signifie aucunement un désengagement ni en moyens ni en implantations. Nous
prévoyons, en effet, au moins une implantation dans chaque langue et des
ouvertures vers la partie Est de l'Allemagne. L'Allemagne bouge, et il serait
étonnant que notre réseau ne bouge pas ; je crois qu'il sera désormais beaucoup
plus adapté à l'objectif visé.
Je poursuis avec la programmation relative à la francophonie, qui traduit la
poursuite des axes du mouvement francophone.
Je confirme à M. Legendre que le report d'un an du sommet de Beyrouth n'aura
pas d'incidence sur le développement de la francophonie ni sur la programmation
de ses opérateurs, qui sera, comme pour chaque
biennum
, adoptée par la
conférence ministérielle budgétaire qui va se tenir prochainement. Cette
programmation devrait confirmer les orientations qu'a suivies le mouvement
francophone ces dernières années et qui sont au nombre de quatre :
l'approfondissement de l'Etat de droit et de la démocratie ; la diversité
culturelle et linguistique ; la modernisation des opérateurs et des procédures
; enfin, le renforcement de la concertation entre francophones à l'occasion des
grands rendez-vous de la vie internationale.
Pour répondre à tous ces besoins, la France annoncera à tout le moins le
maintien de sa contribution lors de la conférence budgétaire de Paris, soit
248,6 millions de francs. Il me paraît en outre utile, pour le prochain
biennum
, de renforcer nos concours aux programmes de l'Agence pour la
francophonie en faveur de l'Etat de droit et de la démocratie, pour répondre
aux attentes légitimes suscitées par le symposium et la démocratie de
Bamako.
Pour terminer avec le volet coopération et pour répondre aux observations
concernant la fusion du ministère de la coopération avec celui des affaires
étrangères, je voudrais rappeler que les arguments qui avaient conduit le
Premier ministre à décider cette réforme n'ont rien perdu de leur pertinence,
comme l'a tout à l'heure très justement rappelé Yves Dauge.
Rappelez-vous l'absence d'unité dans les démarches, la sclérose de nombreuses
pratiques de coopération dans les pays du champ, l'absence de complémentarité
des outils, l'absence de rationalisation du dispositif : nous avons pu nous
attaquer à toutes ces déficiences grâce à cette réforme.
Sur le plan administratif, j'indique que la réforme, désormais achevée, s'est
effectuée dans d'excellentes conditions : fusion des administrations, des
budgets, des corps. Elle est même donnée par le ministère de la fonction
publique comme un exemple de réforme réussie au sein de l'Etat.
L'essentiel est de faire vivre le dispositif actuel tant dans la dimension «
affaires étrangères », incluant la coopération, que dans la dimension
interministérielle, c'est-à-dire le pôle « affaires étrangères », le pôle «
Bercy » et l'interministériel, en développant l'articulation avec les autres
bailleurs de fonds - en particulier l'Union européenne et les organismes
multilatéraux - la communication et l'évaluation. Cela fait partie du travail
global que j'anime au sein du ministère.
Le deuxième axe, sur lequel je serai beaucoup plus bref, concerne
l'amélioration des procédures d'accueil et le traitement de la demande d'asile,
pour lesquel des moyens supplémentaires sont dégagés.
Vous évoquez souvent ce sujet à propos de l'office français de protection des
réfugiés et apatrides, l'OFPRA. Pour que l'office puisse répondre aux 39 000
demandes nouvelles qui ont été enregistrées en 2000 - 4 000 dossiers nouveaux
ont été déposés chaque mois depuis le début de 2001 - , une mesure nouvelle de
38 millions de francs destinée à assurer 94 recrutements, a été inscrite dans
cette loi de finances. L'office a pour objectif de traiter, dans un délai
inférieur à quatre mois, le flux des demandeurs d'asile et de résorber, avant
la fin de 2002, les 21 500 dossiers en attente.
Ce budget maintient globalement l'effort engagé pour améliorer la situation
des Français de l'étranger, en particulier en matière de protection sociale,
d'enseignement et de sécurité. Deux millions de Français environ en vivent en
permanence à l'étranger. Ils sont représentés par le Conseil supérieur des
Français de l'étranger, le CSFE, dont M. Cointat a rappelé les missions. Mme
Cerisier-ben Guiga, dans son rapport, a souligné la situation de précarité dans
laquelle se trouvaient certains d'entre eux.
Je précise, à l'attention de vos rapporteurs et de M. Cantegrit, que, suivant
les recommandations de ce rapport, les moyens consacrés à l'aide aux Français
de l'étranger en matière d'aide sociale et de formation professionnelle
augmentent de nouveau en 2002.
Contrairement à ce qu'a dit M. de Montesquiou, que je suis heureux de
rassurer, les crédits consacrés à la sécurité des Français à l'étranger ne
diminuent pas : ils sont maintenus.
L'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, l'AEFE, qui accueille 158
000 élèves français et étrangers dans 270 établissements répartis dans le
monde, voit également ses moyens augmenter, une part significative de ceux-ci
étant affectée aux bourses scolaires destinées aux élèves français. A la
dotation allouée à l'AEFE dans le projet de loi de finances pour 2002, il
convient d'ajouter près de 20 millions d'euros en autorisations de programme
pour les investissements des établissements en gestion directe.
S'agissant des moyens de l'AEFE, je tiens, là encore, à rassurer - mon
discours se veut décidément rassurant !
(Sourires)
- Mmes Brisepierre et
Cerisier-ben Guiga, ainsi que MM. Chaumont, Penne, Duvernois et Dauge : j'ai
proposé la co-tutelle au ministère de l'éducation nationale. Vous pensez bien
que cette idée m'a traversé l'esprit ! Ce n'est pas encore fait mais le
problème est clairement posé.
Le niveau de la subvention pour 2002 et le fonds de réserve permettent
d'assurer le financement de la réforme sur les rémunérations des résidents
ainsi que la poursuite de la politique d'augmentation des bourses.
Les crédits consacrés à la sécurité des Français à l'étranger ont connu une
progression constante. Ils seront renforcés pour améliorer et compléter le
dispositif existant : cellule de veille, plans de sécurité, cellule de crise,
site « conseil aux voyageurs », qui ont démontré leur efficacité à la suite des
événements tragiques du 11 septembre.
Afin de ne pas ajouter des retards dans la mise en oeuvre de la réforme
concernant la caisse des Français de l'étranger, des instructions seront
adressées aux postes et des formations sur les modalités d'application mises en
place.
Enfin, ce budget permet de poursuivre la modernisation du ministère par la
valorisation et une mobilisation plus grande des ressources humaines ainsi que
par la mise en oeuvre de la déconcentration.
Pour la troisième année consécutive, avec 9 466 emplois inscrits au projet de
loi de finances pour 2002, les effectifs sont stables et permettent, grâce à
des mesures de redéploiement interne et à une politique dynamique de
recrutement, de respecter les priorités que constituent l'encadrement dans les
services des visas, les fonctions de gestion, tant à l'administration centrale
que dans les postes à l'étranger, et le renforcement des directions
politiques.
Ainsi, je précise, à l'attention de Mme ben Guiga et de MM. Dulait et del
Picchia, que vingt-trois emplois de titulaires et vingt-huit recrutés locaux
ont pu être dégagés en 2000 et 2001 pour renforcer les services des visas. J'en
profite pour dire à M. Pelletier que le nombre de visas délivrés aux étudiants
étrangers a plus que doublé depuis cinq ans et a été multiplié par trois pour
les Africains.
L'ouverture de concours portant sur plus de 200 emplois de catégorie C
permettra de poursuivre le renforcement des postes consulaires, notamment en
Algérie.
Le renforcement de la politique de formation figure aussi parmi nos priorités
: une enveloppe unique de crédits, hors rémunérations, a été inscrite au titre
III pour un montant de 4 millions d'euros, afin de couvrir les besoins de
formation de l'ensemble des personnels, y compris le personnel recruté
localement. En outre, comme je m'y étais engagé l'an dernier, un institut
diplomatique a été créé pour compléter et couronner le dispositif global de
formation, lui-même sensiblement renforcé, et répondre à une exigence
croissante de professionnalisme.
S'agissant de la situation des agents de recrutement local à l'étranger, je
vous rappelle que, dès 1998, j'ai engagé une étude qui a débouché sur des
propositions très concrètes. Le plan d'action pour la valorisation du
recrutement local, d'une part, et l'amélioration de la gestion et de la
situation de ces personnels, d'autre part, ont été très rapidement mis en
place.
Dans son rapport, M. Chaumont s'inquiète de l'insuffisance des moyens affectés
à ces personnels. Je lui précise que la dotation budgétaire pour la
rémunération des 5 850 recrutés locaux du réseau diplomatique et consulaire a
été très substantiellement augmentée pour mettre en oeuvre ce plan d'action et
compenser l'effet-change : aux 40 millions de francs supplémentaires accordés
en base budgétaire en 1999, le ministère a ajouté par redéploiement 63 millions
de francs en gestion 2000 et 2001.
En 2002, la dotation budgétaire sera à nouveau abondée de 20 millions de
francs afin de prendre en compte la hausse du dollar et de poursuivre les
améliorations considérables réalisées en faveur des rémunérations, de la
protection sociale et de la situation juridique de ces agents. Au total, 573
millions de francs sont destinés à rémunérer ces agents, qui représentent plus
de 70 % du personnel d'exécution du réseau diplomatique et consulaire.
Enfin, nouvelle étape dans la déconcentration, le regroupement des moyens de
fonctionnement et de rémunération des recrutés locaux au sein d'un chapitre
unique permettra une gestion plus simple et plus efficace, grâce à des reports
de crédits, et facilitera une déconcentration de la gestion. La réforme
comptable, d'ores et déjà appliquée à 99 postes répartis dans quarante-trois
pays, sera ainsi étendue à 50 nouveaux postes.
En conclusion, je voudrais souligner, mesdames, messieurs les sénateurs, qu'à
bien des égards, ce projet de loi de finances constitue un aboutissement de la
logique de réforme et de fusion des moyens de la coopération internationale que
nous avons mise en oeuvre. Je pense notamment à l'adaptation du dispositif
d'assistance technique, au dispositif nouveau de sortie de crise, à la fusion
du chapitre de coopération culturelle et scientifique et du chapitre de
coopération technique et au développement en un grand chapitre 42.15 global et
cohérent, qui facilitera la gestion.
Il est impératif que nous nous attachions, dans le cadre des travaux
préparatoires, à la mise en oeuvre de la nouvelle loi organique relative aux
lois de finances, à adopter des cadres et des méthodes qui permettront une plus
grande lisibilité du budget, en particulier la traçabilité - pour parler comme
dans l'élevage - des dépenses relevant de l'APD.
Au total, si ce budget n'est pas de nature à déclencher l'enthousiasme des
parlementaires avertis que vous êtes, viscéralement attachés, comme je le suis
moi-même, à l'influence et à la présence de la France dans le monde, il ne
mérite pas pour autant l'excès de critiques que j'ai pu entendre aujourd'hui ou
lire dans les rapports.
M. Guy Penne.
Bravo !
M. Hubert Védrine,
ministre des affaires étrangères.
Ce budget est en effet objectivement
meilleur, Guy Penne l'a souligné à juste titre, que celui qui était présenté
l'année passée et qui avait été voté à l'unanimité par le Sénat.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Nous vous avions donné une chance !
M. Hubert Védrine,
ministre des affaires étrangères.
Le budget des affaires étrangères a
d'ailleurs toujours été voté par le Sénat,...
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Absolument !
M. Hubert Védrine,
ministre des affaires étrangères.
... qu'il soit bon, parfois, ou qu'il
soit mauvais, le plus souvent.
(Murmures amusés.)
Et voilà que, cette année, comme par hasard, alors qu'il est relativement
meilleur que ceux qui l'ont précédé, notamment entre 1993 et 1997, vous le
jugez inacceptable. En novembre 2001, votre patience cède brusquement...
Vous me dites que c'est pour provoquer une réaction, pour que la France se
dote enfin des moyens d'influence dont elle a besoin aujourd'hui. Qui ne serait
d'accord ? Mais je m'interroge : n'est-ce pas plutôt un effet du calendrier ?
(Sourires et exclamations.)
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Ce n'est pas le genre de la
maison !
M. Didier Boulaud.
Oh ! Ils n'oseraient pas !
(Nouveaux sourires.)
M. Hubert Védrine,
ministre des affaires étrangères.
J'ai en effet du mal à le croire...
M. Alain Vasselle.
Vous êtes un bon diplomate !
(Nouveaux sourires.)
M. Hubert Védrine,
ministre des affaires étrangères.
Je ne sais pas si vous pensez à la
France ou au printemps prochain...
MM. Jacques Chaumont,
rapporteur spécial,
Nicolas About et Louis Moinard.
Au printemps de la France !
(Nouveaux
sourires.)
M. Hubert Védrine,
ministre des affaires étrangères.
En réalité, la progression des crédits
de coopération et d'action culturelle, la poursuite de la modernisation de nos
instruments et le développement de mécanismes financiers nouveaux nous
permettent de traduire concrètement les axes prioritaires de notre politique de
coopération, conjuguant aide au développement et solidarité, influence dans les
débats mondiaux, dans la bataille des idées, et défense de la diversité
culturelle. Cette politique traduit notre objectif fondamental.
Comme l'a dit M. le Premier ministre voilà quelques jours, nous devons
prolonger la coalition contre le terrorisme - qui est la priorité d'aujourd'hui
- par une coalition pour un monde plus équitable. C'est cet objectif que sert
la politique étrangère de la France.
(Applaudissements sur les travées
socialistes.)
Mme Hélène Luc.
Monsieur le ministre, qu'en est-il de la reconstruction du lycée de Kaboul
?
M. Hubert Védrine,
ministre des affaires étrangères.
Cela fait partie, madame la sénatrice,
des projets dont nous parlerons avec les nouvelles autorités afghanes.
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et
C concernant les affaires étrangères.
ÉTAT B
M. le président.
« Titre III : 38.643.690 euros. »
Sur le titre III, la parole est à M. le président de la commission des
finances.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Nous examinons cet après-midi un
budget sur lequel un jugement désapprobateur peut être porté. Mais cela ne
signifie pas, monsieur le ministre, qu'un tel jugement doit nécessairement être
porté sur la politique générale de votre ministère.
En fait, la commission des finances recommande un vote contre votre budget
parce que celui-ci n'est pas adapté à la politique étrangère que vous-même,
selon votre propre discours et celui que tiennent les hautes autorités du pays
- discours que nous approuvons - entendez mener.
Les moyens de votre politique ne vous sont pas donnés, monsieur le ministre,
et nous ne voulons pas accréditer l'idée selon laquelle les chiffres qui sont
inscrits à votre budget correspondent à vos voeux.
Nous saluons très sincèrement la manière dont vous concevez votre rôle et, en
votant contre ce budget, nous avons même l'impression de vous aider à faire en
sorte que les crédits soient enfin au niveau du discours que vous êtes appelé à
tenir au nom de la France. N'avez-vous pas admis tout à l'heure que les budgets
successifs du ministère des affaires étrangères étaient plutôt mauvais ?
Les compétences qui sont celles de la commission des finances sont limitées
puisqu'elles sont d'abord budgétaires ; elles l'amènent à examiner des chiffres
et à se fonder sur eux, et sur eux seulement, pour définir sa position. Nous ne
pouvons nous en remettre sans cesse à des déclarations d'intention. Faisant
plutôt confiance à votre personne, à écouter vos déclarations, nous pourrions
être tentés, c'est vrai, de voter votre budget, comme nous l'avons fait les
années précédentes, mais nous ne saurions nous contenter, année après année, de
discours. Pour ce qui est du concret, l'analyse qui a été faite par nos
rapporteurs spéciaux parle d'elle-même.
Avant de conclure, j'insisterai sur deux points.
Je soulignerai d'abord que ce budget des affaires étrangères s'inscrit au fond
dans la dérive générale de la politique budgétaire menée au cours de cette
législature, qui a consisté à privilégier les moyens de fonctionnement au
détriment des moyens d'investissement à plus long terme, en l'occurrence les
moyens d'intervention à l'extérieur.
Hélas ! Les chiffres sont sans équivoque. Le tiers du budget des affaires
étrangères est aujourd'hui consacré au fameux agrégat « personnel, moyens de
fonctionnement, équipement des services ». Plus généralement, si l'enveloppe
globale des crédits d'action extérieure de la France a régressé au cours de la
législature, celle de l'« animation des services » a progressé. Or vous n'êtes
pas le ministre de l'animation : vous êtes le ministre des affaires étrangères
de la France, qui est un grand pays, dont la place est importante pour
l'équilibre dans le monde.
Par ailleurs, pour essayer de lutter contre cette dérive, nous avons réformé
l'ordonnance organique. Cela prouve que le Sénat se détermine non en fonction
du calendrier électoral mais selon ce qui lui apparaît comme l'intérêt de la
France, ainsi que vous nous y avez appelés.
Cette réforme prévoit en effet que les budgets devront dorénavant non plus
être construits et présentés autour des seuls moyens des ministères, mais
traduire fidèlement les objectifs du Gouvernement, et donc la politique qu'il
entend mener. Il s'agira, en d'autres termes, de faire du budget un instrument
de la politique et non plus seulement son objet.
Le budget que vous nous présentez aujourd'hui, monsieur le ministre, n'est pas
conforme à cette nouvelle définition. C'est la raison pour laquelle la
commission des finances, en conscience, a décidé de le rejeter.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte.
J'interviens non pas pour rejoindre les critiques suffisamment formulées par
ailleurs, mais pour suggérer l'utilisation de nouvelles technologies en liaison
avec les industriels, les associations, les ONG et les fondations afin,
conformément à la tradition française d'aide aux pays en développement, de
tenter de réduire la fracture, immorale, dangereuse et tout particulièrement
inquiétante, entre les riches et les pauvres. Je pense notamment à la fracture
numérique.
Les chiffres sont dramatiques : dans les pays dits en voie de développement,
on compte trois accès Internet pour mille habitants, moins d'un téléphone pour
mille habitants en zone rurale. Ce fossé numérique les marginalisera-t-il
encore plus ?
Le pire n'est pas certain. Comme en témoignent beaucoup d'industriels,
d'associations villageoises, de cybercafés, dans ces pays, la demande est très
forte. Les services qui représentent la France à l'étranger - en particulier
les vôtres, monsieur le ministre - pourraient probablement, et même
certainement, avec l'appui des ONG, des industriels, des associations diverses,
mener un véritable combat contre cette fracture numérique.
De multiples bonnes volontés ont préparé le terrain. C'est ainsi que la
fondation Sophia Antipolis, soutenue par des industriels, des collectivités
locales, différents ministères, dont le vôtre, forme des cadres étrangers
depuis des années. Elle a passé des conventions avec la Tunisie, le Brésil et
bien d'autres pays d'Europe, d'Asie ou d'Afrique pour diffuser des services
adéquats, notamment par voie satellitaire.
Récemment, le directeur de développement d'Alcatel nous a cité cet exemple.
On a demandé, nous a-t-il rapporté, à une responsable d'association d'un
village au Burkina Faso si elle choisirait en priorité un puits d'eau douce
pour son village ou un accès Internet. Elle a répondu sans hésiter que sa
priorité c'était l'accès à Internet, parce qu'il lui permettrait de prendre
contact avec d'autres villages qui auraient pu résoudre ce problème d'eau
potable ou de solliciter des associations et des ONG qui aideraient à financer
le forage d'un puits.
D'autres expériences ont été réalisées, notamment au Bangladesh, avec ce qu'on
appelle des
Phones Ladies
, à qui on loue des téléphones portables. Grâce
à ce système, 5 000 emplois directs ont été créés. D'ici à quelques années, 50
000 villages indiens auront été connectés sans investissement considérable,
simplement grâce au chiffre d'affaires que ce système génère lui-même. Il y a
donc des quantités de possibilités.
Je pense qu'il faudrait, comme il y a vingt ans avec les volontaires pour la
formation à l'informatique, lancer une campagne active pour inciter les jeunes
à suivre des stages. Quantité de jeunes ingénieurs et médecins ne demanderont
pas mieux que d'y participer, afin de perpétuer la tradition humanitaire de
notre politique extérieure de la France.
(M. Pelletier applaudit.)
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au début du
siècle dernier, Emile Combes, président du Conseil, dont on a retenu le nom à
l'occasion du vote de la loi de séparation des Eglises et de l'Etat, mais qui
avait d'autres qualités, disait un jour en conseil des ministres, sur une
question de politique étrangère qui venait ainsi inopinément, à ses collègues
ministres : « Laissez cela, messieurs ! C'est une affaire qui relève de M. le
Président de la République et de M. le ministre des affaires étrangères. »
Cet état d'esprit sous la IIIe République, qui était tout de même une
République très parlementaire - sans doute plus que la nôtre aujourd'hui - a
sans doute fondé la tradition selon laquelle on vote toujours les budgets
régaliens de la défense et de la politique extérieure. En effet, ce débat - et
je n'ai d'ailleurs pas entendu beaucoup de critiques sur la politique
extérieure de la France - dépasse de beaucoup les clivages traditionnels. Et
l'on se dit qu'au fond, content ou pas content, on ne prive pas l'exécutif des
moyens qu'il demande, quoi que l'on en pense.
La politique étrangère, au Sénat comme à l'Assemblée nationale, fait, je
crois, quasiment l'unanimité, comme votre politique, monsieur le ministre,
votre personne, cette manière de faire qui est la vôtre, cet amour de la France
- parce que je vous connais un peu - que vous ont appris vos parents, courageux
dans la Résistance, et que vous a appris aussi, celui qui nous a fait, vous et
moi, ce que nous sommes, dont vous ne trahissez ni les leçons ni le message et
dont vous ne reniez rien.
Par conséquent, nos critiques, justifiées à mon avis, ne vous visent pas. Pour
ma part, je conserverai de votre passage au ministère - que j'espère le plus
long possible - un bon souvenir parce que je considère que vous êtes un bon,
même un remarquable ministre des affaires étrangères.
Les critiques de nos commissions, notamment celles de la commission des
finances, visent, en fait, à vous aider à obtenir mieux et, finalement,
monsieur le ministre, elles ne sont pas nouvelles. Voilà des années que nous
déplorons, même sous les gouvernements précédents, la manière dont les moyens
évoluent ou n'évoluent pas, voire évoluent mal.
Je dois dire cependant que proposer cette année au Sénat de supprimer le peu
qu'il vous reste me paraît une curieuse réaction.
(M. le rapporteur général
sourit.)
Notre critique, mes chers collègues, ne doit pas nous conduire,
même de bonne foi - et nous le sommes sans doute tous - à placer la France dans
l'impossibilité d'être présente dans le monde et de diffuser le message de la
République auquel nous tenons tous tant.
Par conséquent, la logique et la tradition républicaine, quoi que l'on en
pense, c'est de voter les crédits des affaires étrangères.
J'ajoute, pour avoir connu deux de ces périodes - et Hubert Védrine en vit la
troisième aujourd'hui - qu'en cohabitation, s'en prendre au Gouvernement, c'est
aussi s'en prendre au Président de la République et ce n'est pas convenable
parce que devant nos assemblées, il est irresponsable constitutionnellement.
J'ajoute que l'Assemblée nationale, de toute façon, rétablira les crédits si
nous devons les supprimer. Donc, c'est un coup d'épée dans l'eau.
Mes chers collègues, le monde est en crise et la France a un rôle à jouer dans
cette crise. Hubert Védrine nous a dit tout à l'heure d'une façon très
convaincante quel rôle moral, quel rôle d'influence, quel rôle d'impulsion,
elle joue en la matière. De même qu'on ne prive pas des moyens de se battre nos
soldats au front, on ne doit pas, à mon avis, priver nos soldats diplomates,
vous, monsieur le ministre, le Président de la République et le Premier
ministre, des moyens qu'ils demandent.
Malgré mes critiques sévères, dont je ne renie rien, j'avais proposé à la
commission des finances de recommander - quand même - de voter votre projet de
budget ; je parle des mesures nouvelles, étant entendu que la question des
services votés est déjà réglée. Elle ne m'a pas suivi. Ce matin, j'ai rapporté
loyalement en ce sens.
Mais notre passé commun, monsieur le ministre, nous a appris trop de choses
pour que je suive cette recommandation et, à titre personnel, mais bien sûr
avec mon groupe, je voterai les crédits que vous nous demandez.
(Mme ben
Guiga et M. Penne applaudissent.)
M. Philippe Marini,
rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes
chers collègues, la position recommandée par la commission, et qui a été
défendue avec brio et talent par le président et le rapporteur spécial, n'est
pas, à la vérité, une position spécifique au département des affaires
étrangères.
Elle veut surtout dire notre insatisfaction vis-à-vis du partage de l'effort
public, de la dépense publique entre ce qui est au coeur des responsabilités de
l'Etat et ce qui, à notre sens, est plus périphérique. C'est une contestation
de principe, de la part de la commission des finances, des conditions dans
lesquelles les arbitrages de moyens - et non d'objectifs - sont rendus.
Les priorités qui s'inscrivent - que le ministre le veuille ou non, c'est une
réalité - dans les chiffres du projet de budget pour 2002 ne sont pas conformes
à la vision que nous avons des choses et, en particulier, à la vision que nous
avons des fonctions régaliennes de l'Etat.
Il est d'ailleurs bon que nous commencions l'examen des fascicules
ministériels par le budget régalien par excellence, le vôtre. La position qui
est suggérée aujourd'hui, conforme à celle qui sera suggérée pour l'intérieur,
pour la justice, traduit notre insatisfaction.
Un seul exemple suffit à démontrer cela, monsieur le ministre : la totalité de
la somme qui va être consacrée, en 2002, à compenser le surcoût pour les
entreprises privées de la réforme - à notre sens désastreuse - des 35 heures
représente environ 120 milliards de francs, qui se situent un peu partout, à
cheval entre les prélèvements obligatoires affectés à la loi de finances et
ceux qui sont affectés à la loi de financement de la sécurité sociale. Par
rapport à cette somme, je n'aurai pas la cruauté de commenter le budget des
affaires étrangères...
C'est vis-à-vis d'une telle organisation des masses financières issues du
prélèvement obligatoire que se situe notre réaction et, bien entendu, il ne
faut pas déplacer, dévier ou interpréter ce débat.
Certes, l'effort de la France dans les circonstances internationales que nous
connaissons doit être soutenu, mais les choses sont parfois étranges dans les
commentaires, étranges aussi lorsqu'on réfléchit à certains épisodes du
passé.
De manière un peu ironique, je rappellerai qu'aujourd'hui il est dans la
République un haut personnage qui se présente comme le parangon du patriotisme.
Mais tout le monde semble avoir oublié qu'il a démissionné au moment où notre
pays entrait dans un conflit.
M. Guy Penne.
C'est hors débat !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Mes chers collègues, si l'on revient à ce débat, la
vision de la majorité sénatoriale en ce qui concerne ce budget est claire et
cohérente ; elle porte sur l'organisation des priorités et elle appelle le
rejet des crédits du ministère des affaires étrangères.
(Applaudissements
sur les travées du RPR.
-
M. le président de la commission des finances
applaudit également.)
M. le président.
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des
finances et de la commission des affaires étrangères.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Nombre de votants | 319 |
Nombre de suffrages exprimés | 315 |
Majorité absolue des suffrages | 158 |
Pour l'adoption | 112 |
Contre | 203 |
M. le président. « Titre IV : 4 036 258 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
ÉTAT C
M. le président.
« Titre V. - Autorisations de programme : 67 840 000 euros ;
« Crédits de paiement : 20 352 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 3 660 922 000 euros ;
« Crédits de paiement : 45 413 000 euros. »
L'amendement n° II-10, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :
« I. - Réduire les autorisations de programme du titre VI de 3 353 400 000
euros.
« II. - Réduire les crédits de paiement du titre VI de 218 460 euros. »
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il s'agit
surtout d'un amendement technique, qui trouve sa justification dans la
réalité.
Je propose, sur le titre VI, un abattement de crédits. Il est vrai que, si le
titre doit être repoussé, il sera « abattu » en totalité !... Mais, règle de
procédure oblige, cet amendement d'abattement vient avant le vote sur
l'ensemble du titre.
L'amendement n° II-10 vise donc à réduire les autorisations de programmes de 3
353 400 000 euros et les crédits de paiement de 218 460 euros. Il s'agit des
dotations inscrites au budget du ministère des affaires étrangères de 2002 pour
financer la quote-part de la France au 9e Fonds européen de développement.
Comme je l'ai expliqué ce matin dans mon rapport oral et comme cela figure en
long et en large dans mon rapport écrit, le FED ne consomme pas les crédits que
nous lui allouons puisque l'Europe ne fait rien. En tout cas, c'est mon point
de vue, largement partagé par les bénéficiaires.
Il suffit de voir les chiffres : 53 milliards d'engagements non décaissés, 40
milliards de crédits de report et 1,7 milliard de trésorerie ! Or, monsieur le
ministre, vous nous proposez d'ajouter encore de l'argent pour le FED. Il
s'agirait de financer la convention créant le 9e FED, qui n'est pas encore
ratifiée. Nous n'avons donc aucune obligation !
Si les budgets européens sont, pour nous, une obligation et si nous ne pouvons
généralement que nous contenter d'inscrire les sommes qu'on nous demande, en
l'occurrence, il n'y a pas d'obligation, puisque le traité n'est pas ratifié.
Je propose donc, jusqu'à nouvel ordre, c'est-à-dire jusqu'à la ratification, de
supprimer ces crédits.
M. Jean-Pierre Schosteck.
C'est le bon sens !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jacques Chaumont,
rapporteur spécial.
La commission n'a pas examiné cet amendement et je
souhaiterais connaître l'avis du Gouvernement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Hubert Védrine,
ministre des affaires étrangères.
La demande de suppression de
l'autorisation de programme inscrite dans le projet de loi de finances au titre
du 9e FED ne peut être acceptée par le Gouvernement. La France, qui a signé
l'accord de Cotonou en juin 2000 et l'accord interne subséquent entre les Etats
membres de l'Union européenne en septembre 2000, doit en effet ratifier
prochainement ces instruments dont le Fonds européen de développement est la
support financier.
La France est, vous le savez, le premier contributeur du FED, elle verse en
effet 24,3 % du total. L'autorisation de programme dont vous proposez la
suppression manifeste son engagement financier en faveur de cet instrument et
elle n'est pas susceptible de fractionnement. En outre, les premiers
engagements de dépenses relatifs au 9e FED interviendront dès 2002. Pour cette
raison également, la mise en place préalable de l'autorisation de programme de
3 353 400 000 euros est indispensable.
S'agissant des crédits de paiement, la dotation inscrite dans le projet de loi
de finances - 218 460 euros - doit permettre à la France d'honorer les appels à
contribution que lui adressera la Commission européenne.
Cette dotation a été calculée en tenant compte, d'une part, de la situation de
trésorerie prévisionnelle du FED au 31 décembre 2001 et des décaissements
prévus pour 2002, d'autre part, des reports disponibles sur le budget de
l'Etat.
Je puis vous garantir que plusieurs Etats membres, dont la France, ont demandé
et obtenu de la Commission, dans les enceintes compétentes de l'Union, qu'elle
réduise les reliquats de trésorerie de fin d'année et revoie à la baisse ses
prévisions de décaissements lorsqu'elles paraissaient excessives.
Par ailleurs, la dotation qu'il vous est demandé d'approuver correspond
véritablement à l'estimation la plus juste des besoins en 2002. Je ne vois
d'ailleurs pas pourquoi nous chercherions à sur-doter ce chapitre.
Sur le fond, les difficultés d'exécution du FED sont réelles et récurrentes
et, sans partager l'ensemble de nos appréciations, je partage votre
préoccupation. La réforme de l'action extérieure de l'Union, engagée il n'y a
pas si longtemps, doit y répondre rapidement.
Au bénéfice de ces observations, je vous saurais gré, monsieur le sénateur, de
retirer votre amendement.
M. le président.
Monsieur Charasse, votre amendement est-il maintenu ?
M. Michel Charasse.
Monsieur le président, je ne vais pas prolonger cette discussion, d'autant
plus que la réponse de M. le ministre comporte des éléments intéressants.
Dans cet amendement, j'ai isolé, dans les crédits du FED, ceux qui
correspondent au 9e FED, lequel, comme je l'ai déjà dit, n'est pas encore
ratifié. M. le ministre a d'ailleurs confirmé qu'il le sera bientôt, mais on ne
sait pas quand.
Je sais bien que l'ordonnance organique sous l'empire de laquelle nous vivons
et que M. le président Lambert connaît bien indique qu'aucune dépense ne peut
être engagée tant que les crédits n'ont pas été inscrits dans une loi de
finances. C'est le quatrième alinéa de l'article 1er de la loi organique
actuelle. Mais nous sommes totalement dans l'ignorance de la date à laquelle le
Gouvernement pourra, compte tenu de l'encombrement de l'ordre du jour et des
élections prochaines, demander au Parlement la ratification du 9e FED. Je pense
donc qu'il est inutile d'inscrire ces crédits.
A cela s'ajoute le fait, mes chers collègues, que le 6e FED est à peine fini,
que le 7e est à peine commencé et que le 8e en est loin.
Si nous inscrivons ces crédits, nous allons donc à nouveau verser des avances
à Bruxelles qui les mettra à la caisse d'épargne !
(Sourires.)
Pensez-vous qu'en ce moment dans la situation budgétaire actuelle, la France
puisse se payer le luxe d'alimenter la caisse d'épargne européenne ?
Mme Nelly Olin et M. Jean-Pierre Schosteck.
Il faut maintenir l'amendement !
M. Michel Charasse.
Non !
Je pensais que cet amendement était utile parce que ce n'est pas la peine
d'empiler des crédits et de les accorder à des gens qui n'en font rien pour le
moment.
Monsieur le ministre, cher ami, je pense qu'il faudra à nouveau faire quelque
chose, après les interventions qui ont déjà été éffectuées et que je connais,
mais qui n'ont malheureusement pas eu beaucoup d'effet parce que les bureaux de
Bruxelles sont assez durs à remuer et que nous sommes là dans un domaine où la
structure bureaucratique fait elle-même la politique de l'Europe.
Je vois d'ailleurs comment cela se passe sur le terrain, comment les délégués
de l'Union européenne traitent nos ambassadeurs, qui sont tenus dans
l'ignorance, c'est le secret absolu. On ne sait pas ce que fait l'Union
européenne quand elle fait quelque chose.
Vous me direz, mes chers collègues, que cela ne fait pas une grosse rétention
d'information puisque l'Europe ne fait rien ! Quoi qu'il en soit, si peu
qu'elle fasse, on n'est jamais au courant !
Monsieur le ministre, je crois que ce sujet mériterait d'être à nouveau évoqué
au Conseil européen parce qu'il y va de la crédibilité de l'autorité politique
européenne qu'est le Conseil européen.
Le sujet a déjà été abordé en 1995-1996 à la demande de la commission des
finances, je sollicite la mémoire de mes collègues de la commission à cet
égard. A l'époque, nous avions signalé au président Chirac ce phénomène qui
commençait à devenir inquiétant. Il avait alors un peu secoué le cocotier lors
du Conseil de Dublin. Cela avait provoqué un tout petit remous à la DG8 et,
finalement, les choses sont retombées. Si aujourd'hui, en plus, on s'amuse
depuis les Parlements nationaux à donner une leçon de bonne gestion à l'Europe,
où allons-nous ?
Mes chers collègues, je ne vais pas insister sur cet amendement pour une
raison très simple : dans trois minutes, vous allez supprimer tous les
crédits.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Qui peut le plus, peut le moins !
M. Michel Charasse.
Par conséquent, ce n'est pas la peine de voter pour en enlever un morceau,
alors que vous allez enlever le tout !
Je retiens de ce que nous a dit M. Hubert Védrine, ce qui ne m'étonne pas
parce que nous en avons parlé souvent, que la France a bien conscience de la
situation. Il faut absolument que nous arrivions à convaincre la majorité de
nos partenaires européens que cette situation n'est plus supportable.
Le ripage actuel entre l'aide bilatérale et l'aide multilatérale n'est pas bon
car nous donnons de plus en plus à l'Europe en considérant que les affaires de
coopération doivent passer de plus en plus par le cadre européen.
Il n'est pas normal que nous rabotions nos propres moyens pour alimenter la
caisse de l'Europe qui dort et qu'elle n'en fasse rien.
(Bravo ! sur les
travées du RPR).
Cela dit, je compte sur M. Hubert Védrine, je pense même pouvoir dire que nous
comptons tous sur lui.
Si nous gérions une commune, un conseil général, l'Etat, comme les
institutions européennes, qu'est-ce que la Cour des comptes ne nous
reprocherait pas, qu'est-ce que nos concitoyens penseraient ?
Je compte vraiment sur vous, monsieur le ministre, pour que la France alerte à
nouveau l'Union européenne. Ce n'est plus tolérable, en effet.
J'ajoute que je n'hésiterai pas à recommander à la commission des finances de
notre assemblée d'aller faire une démarche à Bruxelles et auprès du Parlement
européen pour dire : nous en avons assez d'être traités ainsi, nous et nos
contribuables, nous qui sommes les premiers contributeurs européens dans ce
domaine.
Cela dit, je retire l'amendement.
(Exclamations et applaudissements sur les
travées du RPR, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
L'amendement II.-10 est retiré.
Je vais mettre aux voix les crédits figurant au titre VI.
M. Guy Penne.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Penne.
M. Guy Penne.
Mes chers collègues, malgré toutes les déclarations qui soulignent l'embarras
de la majorité sénatoriale
(Protestations sur les travées du RPR et de
l'Union centriste)
, je souhaite vous exprimer à nouveau, monsieur le
ministre, le soutien du groupe socialiste.
Il est vrai que votre action politique et votre ministère méritent un budget
plus consistant.
(Exclamations sur les mêmes travées.)
Tout en votant votre budget pour 2002, j'exprime un voeu. Nos collègues l'ont
dit, vous êtes tellement bon...
M. Nicolas About.
On le gardera !
M. Guy Penne.
... que je souhaite, monsieur Védrine, que vous puissiez nous présenter,
l'année prochaine, un budget en nette augmentation.
(Rires et
applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. Hubert Védrine,
ministre des affaires étrangères.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Hubert Védrine,
ministre des affaires étrangères.
Je voudrais simplement dire que je n'ai
pas été convaincu par les arguments qui ont été avancés en faveur de ce vote
négatif.
Je regrette ce vote et je me demande pourquoi ces arguments ont été avancés si
tardivement après tout ce que j'ai entendu les années passées sur tous ces
budgets votés pour des raisons institutionnelles par le Sénat.
Votre attitude enlève une part d'efficacité aux arguments de tous ceux qui
sont intervenus pour obtenir plus de moyens en faveur des affaires
étrangères.
Finalement, c'est la démarche politique qui l'a emporté. Je le regrette.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur
celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant les affaires étrangères.
7
nomination d'un membre
d'un organisme extraparlementaire
M. le président.
Je rappelle que la commission des lois a proposé une candidature pour un
organisme extraparlementaire.
La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par
l'article 9 du règlement.
En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Bernard
Saugey membre du Conseil national de l'aménagement et du développement du
territoire.
8
financement de la sécurité sociale
Rejet d'un projet de loi en nouvelle lecture
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi
de financement de la sécurité sociale pour 2002 (n° 96, 2001-2002), adopté avec
modifications par l'Assemblée nationale, en nouvelle lecture. [Rapport n° 100
(2001-2002).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le ministre.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, votre assemblée est saisie, en nouvelle
lecture, du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002.
Au cours de la première lecture, j'ai eu l'occasion de dire combien ce texte
est important pour la protection sociale de nos concitoyens, et combien ce
Gouvernement a travaillé à son amélioration depuis 1997. De nombreuses mesures
concrètes, qui touchent les Français dans leur vie quotidienne, ont été
décidées à l'occasion de ce dernier projet de loi de financement de la sécurité
sociale de la législature.
Au total, sur les cinq législatures écoulées, je crois plus que jamais que
nous pouvons être fiers du travail accompli par la majorité qui soutient le
Gouvernement à l'Assemblée nationale et, ici même, par l'opposition
sénatoriale, qui ne manque jamais de marquer son attachement aux grandes
réformes accomplies depuis 1997. Ce travail et toutes ces mesures favorables à
la protection sociale de nos concitoyens n'ont été rendus possibles que parce
que nous avons rétabli les comptes de la sécurité sociale.
Je sais bien, à lire votre rapporteur, que je n'ai manifestement pas convaincu
la majorité de votre assemblée lors de notre précédent débat. Cela ne constitue
certainement pas en soi une surprise, mais je crois utile de redire quelques
mots à ce sujet.
Tout d'abord, je veux dire une nouvelle fois que votre présentation des
comptes n'est pas exacte, en particulier lorsque vous déduisez des résultats du
régime général les versements effectués au profit du Fonds de réserve pour les
retraites. Car enfin, les Français s'appauvrissent-ils lorsque les excédents de
la branche vieillesse, au lieu d'être gérés au sein de la trésorerie de
l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l'ACOSS, sont placés en
ressources du Fonds de réserve ? Chacun comprend que la seule chose qui change,
c'est que les excédents cumulés seront gérés sur une plus longue période, de
façon plus dynamique, et qu'ainsi les difficultés futures des régimes de
retraite seront mieux anticipées. Comment pouvez-vous donc qualifier de
prélèvement ce qui n'est, au contraire, que la recherche de la meilleure
efficacité dans la gestion des réserves du régime général ?
Ensuite, en ce qui concerne les résultats proprement dits du régime général,
nous pourrions débattre encore longuement des chiffres, selon que l'on choisit
telle ou telle période pour référence, ou que l'on retient tel ou tel mode de
présentation des comptes. Mais pour la clarté des débats et la bonne
information des Français, ne vaut-il pas mieux aller à l'essentiel ?
Oui ou non, le régime général est-il redevenu excédentaire en 1999 ? Oui,
c'est bien le cas, et d'ailleurs votre rapporteur ne le conteste pas.
Oui ou non, les prévisions pour 2001 et 2002 confirment-elles ce retour à
l'excédent ? Oui, elles le confirment, et j'en veux pour preuve que ces
excédents sont suffisamment importants pour que, dans le cours de l'examen de
ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement et le
Parlement aient pu décider des mesures nouvelles en faveur de l'hôpital public,
des cliniques privées, de la prévention bucco-dentaire, des autistes, etc.
Oui ou non, la sécurité sociale est-elle en meilleure santé financière que du
temps où la précédente majorité exerçait les responsabilités de sa gestion ?
C'est l'évidence : un équilibre global depuis 1998, un déficit cumulé de plus
de 200 milliards de francs entre 1994 et 1997, cela fait quand même une
différence !
Laissez-moi ajouter deux considérations supplémentaires.
Sur l'année 2000, tout d'abord, notre souci est celui de la transparence.
J'aurais pu laisser subsister, dans les comptes du régime général, les créances
nées de la compensation incomplète des allégements de charges par le Fonds de
financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, le
FOREC, en 2000, et reporter à plus tard leur règlement. Je n'ai pas souhaité le
faire, je le répète, par souci de transparence.
Il est avéré que le Gouvernement tire toutes les conséquences de sa décision,
et voilà que votre majorité proteste ! En tout cas, le prochain gouvernement
n'aura pas à assumer les conséquences de nos décisions, comme nous avons dû
assumer, sur les comptes du régime général, celles de l'annulation, par la
Commission de Bruxelles, du malheureux « plan textile » de MM. Borotra et
Juppé.
M. Jean-Pierre Godefroy.
Tout à fait !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Sur les hypothèses économiques
pour 2001 et 2002, ensuite, l'année 2002 comporte des incertitudes, j'en
conviens, bien que rien pour l'heure ne permette de démentir l'hypothèse de
croissance de 5 % de la masse salariale.
Ainsi que je vous l'avais indiqué, l'année 2001 devrait nous révéler de bonnes
surprises en matière de recettes de la sécurité sociale. En effet, après le
dépôt du projet de loi de financement de la sécurité sociale, l'ACOSS a eu
connaissance des encaissements à la fin du troisième trimestre, qui montrent un
acquis de croissance de la masse salariale déjà très élevé. Tout porte donc à
croire que la prévision de croissance de la masse salariale de 5,9 % - celle
qui est incluse dans ce projet de loi - sera dépassée pour l'ensemble de
l'année 2001.
Selon les travaux d'ajustement des comptes en droits constatés menés
actuellement par l'ACOSS, il apparaît que les comptes définitifs de l'année
2001 pourraient - je m'exprime encore au conditionnel puisque les travaux sont
en cours - être majorés de l'ordre de 18 milliards de francs. J'ai cru
nécessaire d'en informer le Parlement, ce qui m'attire néanmoins des critiques
sur l'idée que les agrégats de recettes du projet de loi devraient alors être
modifiés. Je ne partage évidemment pas cet avis, car les prévisions de recettes
du projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui reposent sur les
mêmes hypothèses que les prévisions de recettes de la loi de finances, ne
peuvent être qualifiées d'erronées sous le prétexte qu'elles ont été élaborées
à la fin du mois d'août. Quoi qu'il en soit, je considère que cette bonne
surprise pour 2001 nous met à l'abri d'un effet plus important que prévu du
ralentissement de la croissance en 2002, si ce dernier devait se produire.
Pour conclure sur les comptes, je voudrais souligner que nos divergences dans
ce débat ce ne sont pas seulement nos approches respectives des comptes
sociaux. Je crois, plus globalement, que ce sont bien des divergences
fondamentales qui nous opposent quant aux orientations que nous devons donner à
nos politiques sociales, quant aux droits sociaux dont doivent pouvoir
bénéficier nos concitoyens. C'est d'ailleurs en grande partie pour cette raison
qu'ils ont rejeté, en 1997, le Gouvernement que votre majorité sénatoriale
soutenait, pour faire une autre politique que celle que vous préconisiez.
Nos différences, ce sont celles qui séparent de façon évidente la gauche de la
droite. Des différences qui donnent à la gauche un bilan incomparable au vôtre
en matière de salaires et de pouvoir d'achat, de soutien à la croissance,
d'emploi et de lutte contre le chômage, de protection contre la maladie, de
moyens pour les hôpitaux, de prise en charge de la dépendance des personnes
âgées, de lutte contre l'exclusion, de soutien aux familles et à la petite
enfance...
Pourquoi, alors, ne pas parler de cela sous prétexte qu'il ne faut pas
regarder en arrière ? Je crois, au contraire, que le principe de la
responsabilité politique doit être au coeur de la représentation parlementaire.
Ce gouvernement a un bilan, certainement avec des aspects mitigés à côté de
réformes qui ont incontestablement contribué au progrès social dans notre pays.
Mais la majorité de votre assemblée a également un bilan, celui des années où
elle a soutenu sans rechigner les gouvernements Balladur et Juppé. Je comprends
qu'il soit difficile de l'assumer, mais c'est ainsi, notamment aux yeux de nos
concitoyens lorsqu'ils doivent désigner ceux qui vont les représenter et
assumer les responsabilités du pouvoir.
M. Alain Vasselle,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
On en reparlera !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Ayant parlé bilan, nous
pourrions également parler projet. Mais pendant la lecture précédente de notre
texte, j'ai vainement cherché la cohérence de la politique alternative que vous
proposiez ; j'ai déjà eu l'occasion de le dire pendant ma réponse à la
discussion générale. C'est bien cela qui me frappe : vous parlez des comptes
sociaux pour ne pas parler des assurés sociaux et des politiques sociales.
C'est bien pourtant tout l'intérêt de ce projet de loi !
Le Gouvernement s'est engagé dans une voie qui repose notamment sur une
refonte de notre système conventionnel en concertation avec les partenaires
sociaux et les professions de santé. Le dispositif que le Gouvernement a
proposé en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale a été adopté par celle-ci,
après un avis favorable à l'unanimité du conseil d'administration de la caisse
nationale de l'assurance maladie ! Il s'agit bien d'un changement de
méthode.
Vous pourrez m'objecter que cette unanimité est certainement due à l'absence
du Mouvement des entreprises de France, le MEDEF, de ce conseil
d'administration, et vous auriez raison. Mais, à vrai dire, je crois que le
MEDEF, en dévoilant voilà quelques jours ses propositions pour une réforme de
la sécurité sociale, révèle le sens profond de l'action qu'il mène depuis
plusieurs années : la fin du paritarisme et la privatisation de la sécurité
sociale.
M. Guy Fischer.
C'est scandaleux !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
C'est ainsi qu'il propose de
déléguer aux assureurs privés la gestion de l'offre de soins, sur la base d'un
versement forfaitaire qu'ils recevraient de l'Etat pour chaque assuré qu'ils
prendraient en charge. Il propose d'uniformiser les régimes de retraite et de
les transformer en régimes par points strictement contributifs. Il propose de
confier la gestion de l'assurance accidents du travail aux seuls employeurs.
Le projet du Gouvernement et de la majorité qui le soutient est évidemment
tout autre. Nous voulons renouveler le contrat qui lie l'Etat et les
partenaires sociaux pour une gestion solidaire de la sécurité sociale. Nous
voulons développer la qualité de notre système de soins mixte qui associe les
professionnels publics et libéraux, les caisses, les mutuelles et les
assurances complémentaires. Notre choix, c'est celui de la complémentarité pour
affirmer la solidarité face à la maladie.
Face aux propositions du MEDEF, je m'interroge sur les propositions de la
droite, et c'est toute la gauche qui doit prendre les Français à témoin des
risques majeurs pour notre cohésion sociale que comporterait la mise en oeuvre
des propositions du MEDEF.
En matière d'assurance maladie, ce serait la porte ouverte à la sélection des
risques. Qui peut croire, en effet, que des opérateurs privés ne tenteront pas
de n'attirer à eux que les personnes qui ont la chance d'être en bonne santé et
de ne pas être exposées à de lourdes dépenses de santé ? Comment les personnes
à faibles ressources ou qui souffrent d'affections graves seraient-elles
couvertes ? Le MEDEF ne le dit pas, mais la réponse est évidente : par un
régime public qui leur serait réservé.
Ce serait ni plus ni moins la sécurité sociale à deux vitesses, dont, j'en
suis certaine, les Français ne veulent en aucun cas.
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Ce n'est pas notre
proposition !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
En matière de retraites, ce
serait la fin du système original que nous connaissons depuis plus de cinquante
ans. Ce système, auquel les Français sont très attachés, permet de concilier la
diversité des couvertures vieillesse selon les professions, et, en même temps,
la solidarité entre ces professions. Cette solidarité est assurée par des
mécanismes de compensation démographique et, à l'intérieur d'une même
profession, par diverses dispositions non contributives qui permettent à chacun
d'obtenir une bonne retraite malgré une carrière professionnelle ayant connu
des aléas importants.
La généralisation des régimes par points annonce l'étape suivante du projet du
MEDEF : l'entrée en force des fonds de pension, dont les conséquences
anti-redistributives sont certaines.
En ce qui concerne, enfin, les accidents du travail, comment croire que les
salariés, victimes potentielles des accidents, seraient mieux protégés si le
risque venait à être géré exclusivement par les employeurs ?
Je crois vraiment que nos concitoyens attendent d'autres réponses des
responsables politiques, car il y a en effet beaucoup à faire pour adapter ce
grand service public qu'est la sécurité sociale à des besoins en constante
évolution : il nous faut améliorer la régulation du système de santé sans créer
des discriminations dans l'accès aux soins ; il nous faut introduire dans nos
régimes publics de retraite la souplesse qu'en attendent nos concitoyens, quant
aux conditions des départs en retraite ; enfin, il nous faut améliorer la
réparation des accidents du travail, et notamment aller vers la réparation
intégrale.
Ce sont les orientations que le Gouvernement met en oeuvre dans ce projet de
loi de financement de la sécurité sociale. Vous ne serez donc pas surpris qu'il
souhaite en rester au texte adopté en nouvelle lecture à l'Asssemblée
nationale.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur
celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Vasselle,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président,
madame la ministre, mes chers collègues, notre assemblée a été saisie, en
première lecture, de 71 articles. En effet, aux 34 articles initiaux du projet
de loi sont venus se greffer, les 24 et 25 octobre dernier, lors du débat à
l'Assemblée nationale, 37 articles additionnels, dont 19 articles sur
l'initiative du Gouvernement. Les 12 articles consacrés par le projet de loi à
l'assurance maladie et aux accidents du travail sont venus s'enrichir de 13
articles nouveaux insérés à la demande du Gouvernement.
C'est dire que le projet de loi initial déposé le 10 octobre dernier n'était,
de l'avis même du Gouvernement, qu'une première mouture préparée puis complétée
dans une certaine improvisation.
En première lecture, le Sénat a adopté une position conforme à celle de
l'Assemblée nationale sur 27 de ces 71 articles. Il en a modifié 16, sans en
remettre en cause, d'ailleurs, l'économie générale. En revanche, le Sénat a
amendé 18 articles de manière plus importante. Enfin, il a adopté 10 articles
additionnels, en contrepartie, en quelque sorte, de la suppression de 9
articles adoptés par l'Assemblée nationale.
A cette occasion, le Sénat a restitué à la sécurité sociale et au fonds de
solidarité vieillesse la totalité des recettes qui leur avaient été directement
ou indirectement « confisquées » au profit du FOREC. Il a également rejeté
solennellement l'Objectif national de dépenses d'assurance maladie, l'ONDAM,
estimant notamment que, bâti sur des hypothèses irréalistes, il ne serait pas
plus respecté que les précédents.
Réunie le 19 novembre dernier, la commission mixte paritaire n'a pu se mettre
d'accord sur les 54 articles qui restaient ainsi en discussion entre les deux
assemblées.
En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale est revenue, pour l'essentiel, à
son texte de première lecture.
Elle n'a ainsi adopté que 11 articles conformes. Parmi ceux-ci, on peut
relever les articles 19
quater
et 19
sexies
visant à améliorer la
situation des travailleurs victimes de l'amiante, l'article 20
ter
A,
qui ouvre aux salariés agricoles le bénéfice des mesures précédemment définies
pour les salariés du régime général, en cas d'accident de trajet survenu lors
d'un covoiturage et, enfin, l'article 23
ter,
qui ouvre aux militaires
le bénéfice du congé et de l'allocation de présence parentale.
J'observe que le Sénat et, notamment, la commission, se sont montrés
particulièrement ouverts sur la question des accidents du travail, ce qui n'est
d'ailleurs pas une surprise. Cela me permet de dire à cette tribune que, même
si je ne suis pas intervenu pour les raisons que l'on connaît dans la
discussion générale sur la branche « accidents du travail », le Sénat a
démontré sa volonté d'apporter une contribution constructive à ce volet, qui
est certainement l'un de ceux sur lesquels l'Assemblée nationale et le Sénat
ont adopté des positions communes pour la plus grande part.
S'agissant de l'article 3, qui définit le régime d'affiliation des présidents
et des dirigeants des sociétés par actions simplifiées, à l'issue d'une seconde
délibération demandée par le Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté cet
article dans une version qui est désormais similaire, sur le fond, au
dispositif adopté par le Sénat en première lecture. Les intéressés seront ainsi
affiliés dans tous les cas au régime général des salariés.
Nous avons eu une longue discussion sur le sujet, aussi bien en commission
qu'en séance publique, et nous ne pouvons que nous réjouir de constater les
convergences de vues entre nos deux assemblées, même s'il a fallu au
Gouvernement demander une deuxième lecture pour parvenir à un accord.
Par ailleurs, l'Assemblée nationale a supprimé 5 articles additionnels
introduits par le Sénat, parmi lesquels l'article 3
ter
A relatif au
contrat d'activité agricole saisonnière, l'article 24
bis
donnant au
conseil d'administration de la Caisse nationale des allocations familiales, la
CNAF, un pouvoir de proposition sur l'utilisation des excédents de la branche
famille, et l'article 25
ter
modulant le montant de l'allocation de
rentrée scolaire en fonction du niveau d'études atteint par l'enfant du
bénéficiaire.
D'ailleurs, le Gouvernement ne pouvait pas faire autrement. L'amendement «
vendanges » a été adopté, puisque le Sénat l'a voté conforme. Seul l'amendement
relatif au contrat d'activité agricole saisonnière a fait l'objet d'un rejet,
l'Assemblée nationale n'ayant pas souhaité suivre le Sénat dans ses
propositions, ce qui est particulièrement regrettable.
En outre, l'Assemblée nationale est revenue, mot pour mot, à son texte adopté
en première lecture sur 17 articles. Les principaux articles concernés sont
ceux sur lesquels le point de vue de nos deux assemblées est irréconciliable.
Il s'agit, pour l'essentiel, des articles relatifs à la dette et aux recettes
du FOREC, aux prélèvements sur les excédents de la branche famille et à la
poursuite de la prise en charge par la CNAF des majorations de pensions pour
enfants.
Ont également été rétablis par l'Assemblée nationale l'article 32,
c'est-à-dire l'ONDAM pour 2002, l'article 34 fixant les plafonds d'avances de
trésorerie de divers régimes sociaux, dont le régime général, l'article 14
élargissant les missions du fonds pour la modernisation des établissements de
santé aux dépenses d'investissement et de fonctionnement - nous souhaitions
revenir aux missions d'origine dudit fonds - et, enfin, l'article 4 intégrant
dans le cadre général des « 35 heures » le dispositif spécifique d'allégement
de cotisations en faveur de l'embauche d'un premier salarié.
Enfin, l'Assemblée nationale a adopté, en les modifiant parfois de manière
substantielle, 14 articles modifiés ou introduits par le Sénat en première
lecture. La principale modification, qui résulte d'un amendement déposé par le
Gouvernement, concerne l'article 10 A ; il s'agit du système de
conventionnement. La nouvelle rédaction de cet article n'a, en réalité, plus
rien à voir avec celle qui a été adoptée en première lecture.
La méthode suivie par le Gouvernement apparaît, à cet égard, infiniment
critiquable.
Initialement adopté en première lecture sous la forme d'un « amendement
esquisse » qui ne comprenait que deux modestes paragraphes, l'article 10 A
s'est transformé à l'Assemblée nationale en un volumineux dispositif de quinze
paragraphes, occupant six pages de la « petite loi » adoptée par l'Assemblée
nationale !
Si l'article 10 A adopté en première lecture n'était qu'une « coquille vide »,
l'amendement que le Gouvernement a fait adopter constitue une réforme
considérable du cadre conventionnel régissant les relations entre les caisses
d'assurance maladie et les professions de santé.
Je vous rappelle, mes chers collègues, que cette réforme surgit en nouvelle
lecture du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale de
l'actuelle législature.
La commission s'interroge d'ailleurs sur la position qui sera celle du Conseil
constitutionnel face à cette tactique législative consistant, pour contrer sa
jurisprudence, à introduire en première lecture une coquille vide que l'on
remplit démesurément en nouvelle lecture, après réunion de la commission mixte
paritaire.
De par son ampleur et ses implications, cette réforme avait vocation, à
l'évidence, à figurer dans le projet de loi initial, tel qu'il a été déposé à
l'Assemblée nationale le 10 octobre dernier.
J'ajoute que cet amendement, déposé le 20 novembre, soit la veille du débat en
séance publique à l'Assemblée nationale, n'a pu, de ce fait, être examiné au
fond par les députés et n'a pu faire l'objet de la nécessaire concertation avec
les professions concernées, ce qui est particulièrement regrettable.
Sur le fond, le dispositif paraît encore loin d'être achevé. D'ailleurs, même
si le conseil d'administration de la CNAMTS l'a approuvé à l'unanimité, il a
fait remarquer le caractère inachevé de la proposition.
Le dispositif présenté institue, tout d'abord, un accord-cadre pour tous les
professionnels libéraux qui exerçent en ville. Conclu entre le Centre national
des professions de santé le CNPS, et les caisses pour une durée de cinq ans,
cet accord-cadre est censé fixer « les dispositions communes à l'ensemble des
professions ». Son contenu n'est toutefois pas clairement défini.
Comme à l'heure actuelle, chaque profession devra néanmoins négocier sa propre
convention, qui constitue le deuxième niveau du dispositif. Ces conventions
seront conclues pour une durée de cinq ans, au lieu de quatre aujourd'hui, et
définiront les tarifs de chaque profession et les engagements collectifs et
individuels des professionnels sur l'évolution annuelle ou pluriannuelle de
leur activité. Chaque convention devra définir les mesures destinées à assurer
le respect de ces engagements et prévoir les modalités de suivi annuel ou
pluriannuel de l'évolution des dépenses de la profession concernée.
Les engagements ainsi prévus peuvent être collectifs, donc s'appliquer à tous,
mais également individuels et laissés au libre choix des professionnels. Ils
deviennent alors une option conventionnelle qui peut donner lieu à des
rémunérations complémentaires sous la forme de forfaits.
Le dispositif proposé comporte donc, il faut le reconnaître, des avancées
indéniables. Toutefois - et c'est le principal reproche que l'on puisse
formuler à son égard - il laisse subsister, pour les professions non
signataires d'une convention, le mécanisme des lettres-clés flottantes que le
Sénat avait supprimé en première lecture, je le rappelle, mes chers collègues,
car nous considérons la suppression de cette sanction collective comme un
préambule à la négociation.
Cela explique qu'à l'exception de MG-France l'ensemble des syndicats de
médecins se soient d'ores et déjà déclarés hostiles à cette réforme, certains
jugeant que le maintien du mécanisme des sanctions collectives allait les
forcer à négocier « avec un revolver sur la tempe ».
En outre, la réforme ne résout pas le problème récurrent des relations entre
l'Etat et l'assurance maladie, ce que le conseil d'administration de la CNAMTS
a d'ailleurs regretté. Dans un texte adopté à l'unanimité, ce conseil a ainsi
estimé que cette réforme constituait, certes, une « opportunité » mais restait
largement « inachevée » dans la mesure où elle s'inscrivait dans le cadre
inchangé des relations entre l'Etat et l'assurance maladie et ne modifiait en
rien le fait que l'ONDAM ne repose pas sur des priorités sanitaires clairement
affichées.
Enfin, pour en terminer avec la présentation du texte qui nous est transmis en
nouvelle lecture, je vous précise encore que l'Assemblée nationale a adopté
deux articles additionnels : un article 18
nonies
relatif aux modalités
de prise en charge des médicaments rétrocédés par des établissements
hospitaliers à des patients non hospitalisés et un article 18
decies
qui
concerne le financement du plan Biotox.
Vous vous souvenez, mes chers collègues, que, lors de la première lecture au
Sénat, le Gouvernement avait proposé de faire supporter à l'assurance maladie
l'essentiel de la charge financière liée au finacement du plan Biotox. Il avait
ainsi déposé un amendement prévoyant, à hauteur de 1,3 milliard de francs en
2001, le versement d'une contribution de la CNAMTS au budget de l'Etat pour le
financement de ce plan.
Votre commission avait, à cette occasion, dénoncé la confusion de l'action
publique conduisant ainsi la sécurité sociale à financer la lutte contre le
bioterrorisme. Elle avait regretté qu'un message clair ne soit pas délivré à
l'attention de nos concitoyens comme de la communauté internationale, affirmant
sans ambiguïté qu'une telle politique relevait de la responsabilité de
l'Etat.
De fait, la commission avait considéré que la lutte contre le bioterrorisme
constituait pour le Gouvernement l'occasion unique d'affirmer l'existence d'un
véritable budget de la santé publique correspondant aux missions régaliennes de
l'Etat et distinct de celui de l'assurance maladie.
Suivant en cela sa commission des affaires sociales, le Sénat n'avait accepté
cet amendement qu'en le modifiant pour prévoir que la contribution de la CNAMTS
ne serait qu'une « avance » faite à l'Etat dans l'attente de la mobilisation
des moyens budgétaires nécessaires.
Ce n'est pas au moment où la branche maladie tend à connaître une accentuation
de son déficit qu'il fallait mettre à sa charge une dépense qui correspond à
des missions régaliennes de l'Etat. Cette prise de position du Gouvernement est
donc en complète contradiction avec les déclarations que vient de faire Mme le
ministre.
Il est regrettable qu'en nouvelle lecture l'Assemblée nationale soit revenue,
sur l'initiative de sa commission compétente, au texte initial de l'amendement
du Gouvernement.
D'une manière générale, l'Assemblée nationale a donc entendu signifier qu'elle
avait dit son dernier mot, et ce dès sa première lecture du projet de loi de
financement de la sécurité sociale pour 2002. Nous finissons par ne plus nous
en étonner. D'ailleurs, l'initiative qui avait été prise avec les agences
régionales de l'hospitalisation, les ARH, vient confirmer l'état d'esprit dans
lequel se trouvent à la fois l'Assemblée nationale et le Gouvernement à l'égard
du Sénat.
A l'évidence, les positions de nos deux assemblées sont incompatibles sur un
grand nombre des dispositions essentielles de ce projet de loi.
Ce constat est particulièrement évident en ce qui concerne, d'une part, la
mise à contribution de la sécurité sociale pour assurer le financement du FOREC
et, d'autre part, la régulation des dépenses d'assurance maladie. Sur ces deux
points, le Gouvernement et sa majorité ont totalement et délibérément ignoré,
voire déformé, la position exprimée par le Sénat.
Notre débat de première lecture sur le FOREC est, à cet égard, révélateur. Il
est à l'évidence inexact de dire, comme le Gouvernement, que le Sénat refuse la
loi relative à la réduction du temps de travail. La loi du 19 janvier 2000,
dite loi des 35 heures, est désormais une loi de la République, et elle
s'impose à nous comme à tous.
Ce que nous contestons, en revanche, c'est le détournement d'une partie des
recettes de la sécurité sociale afin d'assurer le financement du FOREC. Nous
n'avons rien dit d'autre ! Ces ponctions sont, en effet, contraires aux
engagements du Gouvernement, qui avait affirmé que le financement des
allégements de cotisations sociales devait demeurer « neutre » pour la sécurité
sociale. Or il n'en n'est malheureusement rien, comme le Sénat l'a démontré en
première lecture. A cet égard, je vous renvoie, mes chers collègues, à mon
rapport écrit, où vous trouverez des tableaux et des chiffres qui émanent de la
Commission nationale des comptes sociaux et de la direction de la sécurité
sociale.
En conséquence, au terme de ces cinq dernières lois de financement, et à
l'issue d'une période où la conjoncture a été exceptionnellement favorable, la
situation financière de la sécurité sociale est loin d'être aussi favorable que
veut bien l'annoncer le Gouvernement.
Privée désormais de toutes ses réserves, la sécurité sociale se trouve
aujourd'hui bien démunie pour faire face à un avenir incertain.
Ainsi, sur la base des informations qui nous ont été communiquées par la
direction de la sécurité sociale, il apparaît qu'à l'issue de la nouvelle
lecture à l'Assemblée nationale le déficit cumulé du régime général pour les
années 1998-2002, serait de 9,2 milliards de francs.
A cet égard, madame la ministre, il est un peu facile de prendre toutes les
années antérieures, y compris 1997, pour dénoncer un déficit qui était lié à
une conjoncture à la fois nationale et internationale particulière, et, pour
que le Gouvernement puisse sauver la face et garder un affichage positif
vis-à-vis de l'opinion publique, ne retenir que les années 1999 à 2002.
D'ailleurs, vous avez montré tout à l'heure encore que vous ne reteniez, de
toute la période 1998-2001, que les deux années qui accusaient un excédent du
régime général, passant du même coup sous silence les années de déficit. Il
faut intégrer l'année 1998.
Bref, lorsque l'on fait le cumul et des excédents et des déficits de la
sécurité sociale au cours des cinq exercices précédents, le déficit global est
de 9,2 milliards de francs. Telle est la situation nette !
Vous n'avez pas le droit, madame la ministre, de ne pas dire la vérité aux
Français. Nous, nous estimons de notre devoir de la leur dire et de rappeler
également aux Français que la loi de financement pour 2002 va entraîner, pour
toute la période, un déficit global de la sécurité sociale de 35 milliards de
francs !
Bien évidemment, vous vous gardez bien de le dire, laissant au gouvernement
qui sera en place en 2002 et qui, lui, sera obligé de donner les chiffres, le
soin d'annoncer la mauvaise nouvelle aux Français. Peut-être, d'ailleurs,
inconsciemment, espérez-vous ne plus être aux responsabilités...
(Exclamations sur les travées socialistes.)
M. Gilbert Chabroux.
Trop, c'est trop !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Il faut la leur dire tout de suite.
Vous nous donnez rendez-vous au moment des élections, dans un discours très
politique. Mais, madame la ministre, ne vous inquiétez pas, nous serons avec
vous sur le terrain ; nous pourrons débattre avec les Français ; nous leur
annoncerons des chiffres qui n'émaneront pas de nous, mais de la commission
nationale des comptes sociaux, ceux de votre propre direction et de votre
propre administration, madame la ministre.
Vraiment, il est un peu facile de venir aujourd'hui nous donner des leçons et
nous entraîner sur un terrain politique. J'ai bien peur que vous ne vous
entraîniez vous-même sur un terrain glissant et je crains pour vous que le
résultat ne soit pas à la hauteur de vos espérances.
M. Gilbert Chabroux.
Attention à vous !
M. Roland Muzeau.
Grâce à vous, en 1997, c'était la faillite de la Sécu !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Vous verrez, nous en reparlerons, certaines échéances vont
nous en donner l'occasion !
(Exclamations sur les travées socialistes ainsi
que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Notre
devoir, c'est de dire la vérité aux Français, ce que, précisément, vous ne
voulez pas faire parce que vous avez trop peur de la sanction qui vous
attend.
M. Roland Muzeau.
La sanction, les Français vous l'ont infligée en 1997 !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Par ailleurs, la commission constate que le projet de loi de
financement de la sécurité sociale pour 2002, tel qu'il nous revient de
l'Assemblée nationale, ne contient rien qui puisse s'apparenter à la définition
et à la mise en oeuvre de véritables priorités de santé publique, rien qui
puisse résoudre le problème à venir des retraites, rien, enfin, qui puisse
favoriser une politique familiale ambitieuse.
Pour certains, nous nous sommes simplement amusés à donner notre sentiment sur
les comptes. Mais, mes chers collègues, nous sommes allés bien au-delà des
comptes, comme le souhaitait, d'ailleurs, M. Chabroux, en commission des
affaires sociales, et le rapport annexé à l'article 1er démontre, si besoin
était, la volonté du Sénat de ne pas se contenter de donner un avis sur les
comptes de la sécurité sociale. Cela étant, il ne faudrait tout de même pas
oublier que nous sommes saisis d'un projet de loi de financement de la sécurité
sociale : si nous ne pouvons pas parler des comptes à cette occasion, quand en
parlerons-nous ?
Donc, il faut, certes, parler du fond, mais également des comptes.
M. Gilbert Chabroux.
Vous ne parlez que des comptes !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Or, faute des moyens nécessaires pour mener une politique au
fond, puisque les comptes ne sont pas équilibrés, on peut, certes, philosopher
sur le sujet, mais ce n'est pas cela qui donnera aux Français la politique de
santé qu'ils souhaitent.
La commission vous proposera donc, dans un moment, mes chers collègues,
d'adopter une motion tendant à opposer la question préalable au projet de loi
de financement de la sécurité sociale pour 2002, tel qu'il nous a été transmis
en nouvelle lecture.
A notre avis, ce texte ne mérite malheureusement pas un autre traitement.
C'est la sanction que je vous appelle à voter pour que nous marquions très
nettement et très solennellement notre désaccord avec le Gouvernement sur la
question de la sécurité sociale.
(Applaudissements sur les travées du RPR et
des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président,
madame la ministre, mes chers collègues, analysant la nouvelle lecture du
projet de loi de financement à l'Assemblée nationale, notre excellent
rapporteur, Alain Vasselle, vient de souligner les profondes divergences
existant entre nos deux assemblées, mais également les débats constructifs que
nous avons pu avoir sur un certain nombre de questions ; je pense, en
particulier, aux accidents du travail.
Vous vous en souvenez, mes chers collègues, notre rapporteur, dans la
discussion générale, avait été emporté par un souci - au reste légitime, madame
la ministre - de vous répondre dans le détail parce que vous aviez, d'emblée,
trouvé le rapport de notre commission tantôt lacunaire, tantôt surabondant. Il
avait donc dû réserver pour la discussion des articles ses observations sur la
branche accidents du travail.
Malgré cela, vous aviez tenu, madame la ministre, à lui en faire immédiatement
le reproche, soulignant complaisamment le manque d'intérêt du rapporteur pour
cette question.
Aussi me suis-je livré à un rapide bilan des travaux du Sénat sur cette partie
du projet de loi.
En première lecture, le Sénat a adopté conformes six des dix articles du texte
transmis par l'Assemblée nationale. Quant à l'Assemblée nationale, en nouvelle
lecture, elle a adopté conformes, à son tour, trois articles introduits ou
modifiés par le Sénat. Cela veut donc dire que l'Assemblée nationale et le
Sénat se sont mis d'accord sur neuf des douze articles - neuf sur douze ! - que
comporte désormais le volet accidents du travail du projet de loi de
financement.
Vous aviez donc tort, madame la ministre, de faire un procès d'intention à
notre rapporteur et, à travers lui, à la majorité du Sénat.
Cette mise au point étant faite, j'en viens à la raison qui m'a conduit à
intervenir dans cette discussion générale, alors que je n'avais pas trop envie
de le faire.
Mais vous avez déclaré, madame la ministre, le 21 novembre dernier, que notre
majorité sénatoriale avait - je vous cite -, « volontairement et grossièrement
travesti la réalité ».La droite avait fait - je vous cite toujours - « une
présentation trompeuse des comptes sociaux ».
M. Gilbert Chabroux.
C'est vrai !
Mme Nelly Olin.
Non !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Lisez mon rapport !
M. Nicolas About,
président de la commission.
Ces propos n'ont pas été prononcés dans le
feu d'un échange où, parfois, les mots dépassent la pensée : ils figurent dans
votre intervention liminaire, madame la ministre, lors de la nouvelle lecture à
l'Assemblée nationale.
Aussi, je vous le dis, madame la ministre, avec un peu de solennité, ces
propos dépassent ce qui est admissible venant d'un ministre en exercice
s'adressant à une assemblée législative et, de fait, à l'une de ses commissions
permanentes.
Nous ne sommes pas - du moins, pas encore - sous les préaux des campagnes
électorales : nous débattons d'un projet de loi.
Les finances sociales sont un domaine fort complexe, particulièrement cette
année, où nous cumulons le passage à l'euro et l'introduction d'une nouvelle
présentation des comptes en droits constatés.
Cela ne facilite pas la communication et favorise les quiproquos.
Aussi, pour plus de prudence, notre commission n'a-t-elle travaillé qu'avec
des chiffres officiels et publics, c'est-à-dire ceux qui sont produits par
votre ministère, par la Cour des comptes ou encore par la commission des
comptes de la sécurité sociale, que vous présidez, madame la ministre.
Le « travestissement grossier » que vous évoquez n'est que l'énoncé factuel,
la mise bout à bout ou encore l'inscription noir sur blanc de ces chiffres.
Le tableau que nous avons publié en première lecture, et actualisé à l'issue
de la nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, n'est pas « trompeur » : il est
incontestable.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Tout à fait !
M. Nicolas About,
président de la commission.
J'ajouterai qu'il se cale, pour l'exercice
2002, sur les comptes « à la manière du Gouvernement », c'est-à-dire selon les
prévisions qu'il a lui-même retenues tant pour l'évolution de l'ONDAM que pour
les évaluations de recettes.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Très bien !
M. Nicolas About,
président de la commission.
Cela vous a d'ailleurs permis d'affirmer que
même M. Vasselle reconnaissait que la sécurité sociale serait en excédent pour
2002 !
Au passage, cela montre bien que, lorsque l'on essaie de circonscrire un débat
et d'engager un dialogue avec vous, madame la ministre, on en est rarement
récompensé !
(Sourires.)
Car, précisément, nous n'avons pas voulu confondre le constat accablant qui
ressort spontanément des chiffres officiels, avec l'inévitable polémique qui
naîtrait de l'évocation du caractère audacieux des paris pris par le
Gouvernement en matière d'évolution des dépenses d'assurance maladie ou de taux
de croissance de l'économie.
Au total, madame la ministre, notre commission - est-il besoin de le préciser
- maintient l'intégralité de ses chiffres, qui sont des chiffres officiels, des
chiffres publics, des chiffres incontestables.
Elle regrette votre difficulté à nouer le dialogue - vous voyez comme, au
Sénat, on use de termes mesurés !
(Nouveaux sourires.)
Elle déplore vivement, en revanche, les propos inadmissibles que vous avez
eus à l'Assemblée nationale, pour qualifier nos travaux.
Monsieur le président, mes chers collègues, je terminerai mon intervention en
félicitant notre rapporteur, M. Alain Vasselle, de l'excellent travail qu'il a
accompli.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Merci, mon cher collègue !
M. Nicolas About,
président de la commission.
Je veux, à travers lui et à travers vous qui
êtes présents ce soir, mes chers collègues, remercier l'ensemble de la
commission et tous ceux qui, au Sénat, s'intéressent aux affaires sociales.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du
RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après l'échec
de la commission mixte paritaire, échec prévisible tant les approches du Sénat
et de l'Assemblée nationale sur la protection sociale sont différentes, les
députés sont revenus sur les dispositions inopportunes introduites, sur
l'initiative de la commission des affaires sociales, par la Haute Assemblée en
première lecture, et ont rétabli, pour l'essentiel, le texte adopté
initialement.
Sur un point majeur, le cadre conventionnel régissant les relations entre les
caisses d'assurance maladie et les professions de santé, le projet de loi a été
complété.
Ce renouveau conventionnel est attendu par l'ensemble des professionnels de
santé hostiles aux mécanismes de sanctions collectives dont vous avez, en
d'autres temps, messieurs de la majorité sénatoriale, vanté les mérites pour
freiner l'évolution des dépenses de santé.
L'architecture à trois étages retenue est susceptible de rassembler.
Toutefois, madame la ministre, pour être efficace et pour responsabiliser les
acteurs, le mode de régulation retenu devra impérativement recevoir l'aval des
professionnels demandeurs d'une « maîtrise médicalisée et concertée des
dépenses ».
La négociation doit permettre les évolutions utiles pour l'assurance maladie.
Cette nécessité de renouer le dialogue est d'autant plus forte que,
aujourd'hui, le MEDEF avance à grands pas pour mettre à mal la protection
sociale française, faisant fi de ses principes fondateurs d'égalité, de
solidarité entre concitoyens, de solidarité entre les générations.
Les propositions du MEDEF, présentées par M. Denis Kessler le 20 novembre
dernier à Strasbourg, reposent notamment sur la fin du paritarisme et du
monopole de la sécurité sociale sur la couverture maladie obligatoire. Elles
nous amènent à redoubler de vigilance et renforcent notre détermination à voir
effectivement conduites les réformes de fond visant à asseoir et à développer
la protection des Français contre les aléas de la vie.
La privatisation de la sécurité sociale, présentée comme le prix à payer pour
optimiser les ressources et réduire les dépenses de santé, n'est pas une idée
neuve que défendrait seule l'organisation patronale.
Même si la droite semble embarrassée par cette offensive, comme le titraient
Les Echos
du 21 novembre, il n'en demeure pas moins qu'elle pense depuis
longtemps, elles aussi, à « organiser la concurrence en matière de sécurité
sociale », et je cite là M. Goulard.
Démocratie libérale n'est malheureusement pas la seule force politique de
droite désireuse de voir diminuer la part de la richesse nationale consacrée à
la santé. A de nombreuses reprises, nous vous avons entendus ici même, mes
chers collègues, plaider la cause des médecins et des infirmières de l'hôpital
de votre circonscription et des cliniques privées, tout en faisant grief au
Gouvernement, non sans démagogie, de dilapider les fruits de la croissance.
Comment, à recettes constantes, faire bénéficier chacun des progrès
scientifiques ? Comment développer la prévention ?
Lors des discussions relatives à la couverture maladie universelle, la CMU,
alors que nous prenions appui sur ce qui me paraît constituer l'une des plus
importantes avancées sociales de ces dernières décennies pour tenter
d'améliorer le niveau de la couverture des besoins de santé de tous les
Français et élargir le champ de la protection sociale, vous vous empressiez
d'ouvrir largement le domaine de la santé, marché comme un autre à vos yeux,
aux opérateurs de soins privés, tels que les organismes d'assurances et les
institutions de prévoyance.
A la quasi-unanimité, les syndicats ont condamné le projet alternatif du
MEDEF.
Tous rejettent la délégation aux assureurs privés de la gestion de l'offre de
soins. Alain Olive, de l'Union nationale des syndicats autonomes, l'UNSA,
résume fort justement la situation.
M. Nicolas About,
président de la commission.
Vous me regardez, mais je ne suis pas le
MEDEF !
M. Guy Fischer.
Si je vous regarde, c'est que je m'adresse à l'ensemble de notre assemblée, et
plus particulièrement à sa majorité !
M. Nicolas About,
président de la commission.
Pardonnez-moi de vous avoir interrompu.
M. Guy Fischer.
J'essaie de parler tout en regardant mon auditoire !
Alain Olive, donc, résume fort justement la situation : « La mise en
concurrence ne va pas résoudre le problème de gestion et de maîtrise de santé.
En revanche, elle va accumuler les inégalités. » C'est en effet la porte
ouverte à la sélection des personnes en raison de leurs ressources, de leur
handicap ou affection lourde.
Si vous vous rappelez quelle fut l'attitude des assureurs privés, AXA en
l'occurrence, prompts à se désengager de la couverture des personnes
handicapées lorsque cette dernière devenait trop lourde, vous comprendrez que
nous n'adhérions pas à la thèse soutenue pour, prétendument, moderniser
l'assurance maladie.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Ce n'est pas sur les propositions du MEDEF que nous votons ce
soir !
M. Guy Fischer.
Les solutions radicales préconisées pour les autres branches sont tout aussi
condamnables, car elles incitent au désengagement des entreprises du
financement et de la gestion des actions. C'est particulièrement vrai pour la
politique familiale, qui serait entièrement financée par la CSG.
Que dire de la fusion envisagée de tous les régimes de retraite obligatoire
des salariés en un régime par points strictement contributifs, et de l'idée,
une fois de plus caressée, d'augmenter la durée de cotisation requise pour
pouvoir prétendre à une retraite à taux plein, si ce n'est que ces
revendications se « heurtent à la pratique des entreprises et aux
revendications des salariés », comme l'a souligné Alain Deleu, de la CFTC ?
La majorité sénatoriale a déjà pris position sur cette question, jouant du
catastrophisme pour imposer la promotion des fonds de pension.
Que dire enfin du système envisagé pour les accidents du travail et les
maladies professionnelles, dont la gestion serait laissée aux seuls employeurs,
ou de la diminution des cotisations engagées, si ce n'est que ces choix
n'optimiseraient pas plus la protection des salariés que la prévention ?
Pour des raisons bien éloignées de celles du MEDEF ou de la droite
sénatoriale, qui refuse le projet de loi de financement de la sécurité sociale
sans pour autant proposer d'alternative claire, les parlementaires communistes
ont été et restent globalement assez critiques sur les réponses qu'apporte le
projet de loi à ces questions.
Certes, des avancées ont été obtenues en matière d'accidents du travail ou de
maladies professionnelles, puisque l'engagement a été pris d'une réparation
intégrale, et notre groupe, en particulier Marie-Claude Beaudeau, a apporté une
contribution décisive. Mais, hormis ce point positif, qu'il s'agisse de
l'assurance maladie, des retraites ou de la politique familiale, les
dispositions envisagées ne nous semblent être à la hauteur ni des réalités ni
des enjeux.
En ce qui concerne la retraite, tout d'abord, nous avons pris acte de
l'adoption par l'Assemblée nationale, lors de l'examen du budget de l'emploi,
de l'allocation équivalent retraite garantissant aux chômeurs et aux inactifs
un revenu minimum de 5 750 francs par mois jusqu'à l'âge de la retraite. Pour
autant, madame la ministre, nous continuons de soutenir l'idée d'un
développement de la retraite à taux plein avant l'âge de soixante ans, dès lors
que quarante annuités de cotisations sont acquises.
Tel était d'ailleurs le sens de la proposition de loi du groupe communiste,
présentée mardi à l'Assemblée nationale et qui n'a pu être discutée.
Nous regrettons vivement votre attitude, madame la ministre.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Ah !
M. Guy Fischer.
Nous contestons l'invocation d'arguments comptables lorsqu'il s'agit de
mesures de justice sociale. Les députés du groupe communiste et apparentés
étaient ouverts à une progressivité du dispositif ; l'alternative n'était pas
tout ou rien, et ils auraient pu, par leurs propositions, contribuer à faire
avancer le dossier. C'est dans ce sens que nos collègues députés, je le répète,
ont vivement regretté votre attitude, madame la ministre.
Aussi avons-nous déposé sur le bureau du Sénat une proposition de loi ayant un
objet similaire. Je suis convaincu que cette question reste et restera
d'actualité et que nous aurons l'occasion de la faire progresser ensemble, si
vous voulez bien nous écouter.
En ce qui concerne, ensuite, les personnels hospitaliers, qui continuent de
s'inquiéter des conditions dans lesquelles la réduction du temps de travail
sera mise en oeuvre, nous avons dit clairement qu'il fallait entendre la
lassitude actuelle des agents hospitaliers et des médecins qui, déjà, souffrent
de leurs horaires, des repos et des congés décalés, de la surcharge de travail
liée aux pénuries chroniques de personnels. Il convient en conséquence de
répondre correctement à leur demande de recrutements en nombre suffisant, pour
que la réduction du temps de travail soit effective et synonyme de progrès
social.
Nous avons sollicité de votre part, madame la ministre, un certain nombre de
réponses sur l'association effective au comité de suivi des syndicats non
signataires de la convention, faute de vous voir accepter la réouverture des
négociations nationales demandée de nouveau cette semaine par les syndicats
majoritaires CGT, FO, CFTC et SUD.
Pour ce qui est de l'affichage des moyens nouveaux concédés, des
clarifications nous paraissent toujours indispensables.
Enfin, au sujet des cliniques privées et du ciblage des 1,7 milliard de francs
nouveaux dégagés, la droite sénatoriale, en première lecture, nous avait
beaucoup reproché notre scepticisme, notre archaïsme. C'était malheureusement
de la clairvoyance de notre part, puisque la fédération de l'hospitalisation
privée a annoncé, il y a deux jours, son refus de revaloriser les salaires
avant février 2002 et a fait part des difficultés pour répartir l'enveloppe
débloquée, faute de bilan social fiable de la branche. C'est un comble !
Les infirmiers et les personnels soignants, mis en avant par les patrons des
cliniques lorsqu'ils ont voulu exercer leur chantage, sont aujourd'hui plus
inquiets que jamais, car les dotations débloquées pour 2001 et 2002 ne
répondent pas à leurs revendications. Il est vrai que ce matin, madame la
ministre, lors de votre audition par la commission, vous nous avez un peu
rassurés sur ce point.
Notre volonté est justement de poursuivre le débat sur les points précis que
nous venons de discuter. Par conséquent, vous comprendrez, mes chers collègues,
que nous ne puissions voter la question préalable présentée par la commission
des affaires sociales : son adoption aurait pour effet de couper court à toute
discussion de ce projet de loi, qui est important parce qu'il conditionne les
choix de société de demain.
(Applaudissements sur les travées du groupe
communiste républicain et citoyen.)
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je répondrai brièvement à M.
Fischer, avant de vous quitter en raison de mes obligations ; mais M. Kouchner
me relaiera au banc du Gouvernement.
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué à la santé.
Je ne saurai jamais la remplacer !
(Sourires.)
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je voudrais revenir sur la
question des retraites et des quarante annuités.
La discussion, avez-vous dit, n'a pu avoir lieu. La discussion a eu lieu :
c'est le vote qui n'a pas eu lieu. L'Assemblée nationale a discuté toute une
matinée sur cet important sujet, qui, de plus, avait déjà été abordé en
première lecture, au moment de l'examen du projet de loi de financement de la
sécurité sociale.
M. Fischer a souligné que le groupe communiste était ouvert à des solutions
progressives. Or le Gouvernement a déposé, lors de la première lecture du
projet de loi de financement de la sécurité sociale à l'Assemblée nationale, un
amendement dont l'adoption a représenté une première étape, à savoir la
création d'une allocation « équivalent retraite », attribuée dans un premier
temps aux inactifs - un jour, il faudra aller plus loin ! -, c'est-à-dire aux
personnes qui, pour quelque raison que ce soit, sont demandeurs d'emploi. Dès
lors que, bien qu'âgées de moins de soixante ans, elles auront cotisé quarante
annuités, cette allocation leur permettra de bénéficier d'un équivalent
retraite d'un montant minimal de 5 000 francs et maximal de 5 750 francs,
compte non tenu - et c'est extrêmement important - des ressources du
conjoint.
Cette mesure montre dans quelle direction nous souhaitons aller, et j'espère
que nous irons de concert, comme vous l'avez souhaité tout à l'heure.
Il nous semble tout à fait légitime que des personnes qui ont commencé à
travailler tôt et qui ont acquitté quarante annuités de cotisations puissent
partir à la retraite avant d'avoir atteint l'âge de soixante ans. Ce sont
souvent des personnes qui ont accompli un travail pénible - travail à la
chaîne, travail de nuit - et qui, arrivées à la cinquantaine, sont
fatiguées.
Néanmoins, il nous paraît préférable d'étudier cette question en même temps
que l'ensemble de la réforme des retraites : en effet, il faudra aussi
permettre aux personnes qui ont commencé à travailler plus tard de travailler
plus longtemps, lorsqu'elles le souhaitent.
De plus, le coût immédiat de la mesure telle qu'elle a été proposée par le
groupe communiste à l'Assemblée nationale est extrêmement important. Je tiens
les chiffrages à votre disposition : ce coût s'élève, en net, à 57 milliards de
francs.
Enfin, une telle mesure ne résoudrait pas la question de la retraite
complémentaire. Je rappelle que les retraites complémentaires - qui sont
décidées par les partenaires sociaux, contrairement à la retraite de base -
sont considérablement réduites lorsque l'âge du départ à la retraite s'abaisse
: à cinquante-cinq ans, il n'y a pas de retraite complémentaire. Je ne pense
donc pas que l'on puisse s'engager dans cette voie.
Encore une fois, la question est absolument légitime, et nous avons posé un
premier jalon. Nous devons régler cette question lorsque nous procéderons à la
réforme générale des retraites - cela se fera nécessairement très vite après
les prochaines élections législatives -, et nous devrons la régler en liaison
avec celle des retraites complémentaires.
C'est pour cette raison que le Gouvernement n'a pas souhaité poursuivre plus
avant l'examen de la proposition de loi, même s'il a la volonté - et je l'ai
dit devant l'Assemblée nationale -, dans le cadre de cette réforme globale des
retraites, de traiter les situations humaines qui nous touchent et que nous
connaissons tous.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Question préalable
M. le président.
Je suis saisi par M. Vasselle, au nom de la commission, d'une motion n° 1,
tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat,
« Considérant que le présent projet de loi de financement de la sécurité
sociale pour 2002 a été élaboré dans la plus grande improvisation, comme
l'atteste le dépôt par le Gouvernement d'un nombre élevé d'amendements
modifiant, en cours de navette parlementaire, la physionomie même du texte
initial ;
« Considérant qu'il confirme et amplifie les montages financiers et les
errements déjà dénoncés, les années précédentes, par la Haute Assemblée et n'a,
au total, pour objectif principal que d'accroître la contribution de la
sécurité sociale au financement d'une dispendieuse politique de l'emploi dont
l'Etat n'entend pas ou ne peut assumer la charge sur son propre budget ;
« Considérant que ces ponctions réalisées par l'intermédiaire du Fonds de
financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale
(FOREC) dépouillent la sécurité sociale des recettes fiscales et des réserves
financières qui lui sont indispensables pour faire face à un avenir désormais
incertain ;
« Considérant que ces ponctions sont contraires aux engagements mêmes pris
par le Gouvermenent, selon lesquels le financement des allégements de
cotisations sociales patronales devait demeurer « neutre » pour la sécurité
sociale ;
« Considérant qu'elles se traduisent, en outre, dans le projet de loi de
financement de la sécurité sociale pour 2002, par le recours à des procédés
dont la régularité même soulève de graves questions de principes ;
« Considérant, à cet égard, que l'imputation sur les comptes d'un exercice
clos, en l'occurrence l'exercice 2000, de l'annulation de la dette du FOREC à
l'égard de la sécurité sociale est contraire à tous les principes communément
admis de la comptabilité publique et privée ;
« Considérant qu'une telle imputation n'obéit qu'à des considérations «
d'affichage » politique, et ne saurait en aucun cas être justifiée, comme cela
a été affirmé par le Gouvernement, par le souci de "tenir compte de l'analyse
de la Cour des comptes" ; que le premier président de cette haute juridiction a
tenu à confirmer solennellement au président de votre commission que les
"dispositions contenues dans l'article 5 du projet de loi ne peuvent être
considérées comme reflétant la position de la Cour" ;
« Considérant que l'annulation de la dette du FOREC prive le régime général de
quinze milliards de francs de recettes au titre de l'exercice 2000, et le rend
ainsi lourdement déficitaire ; qu'elle modifie, ce faisant, profondément les
conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale déterminé
par la loi de financement pour 2000 et par la loi de financement pour 2001
agissant en tant que loi de fiancement rectificative ;
« Considérant, par ailleurs, que la nécessité toujours plus impérieuse, pour
le Gouvernement, de trouver les marges de manoeuvre nécessaires au financement
de sa politique le conduit à effectuer des prélèvements rétroactifs sur les
excédents 2000 de la branche famille ;
« Considérant que ces prélèvements ont notamment pour but de pallier la perte
de recettes, résultant, pour le fonds de réserve pour les retraites, des
diverses manipulations financières opérées, au cours des deux dernières années,
au profit du FOREC ;
« Considérant que ces prélèvements effectués, sans concertation, sur les
excédents de la branche famille privent celle-ci des moyens de mettre en oeuvre
une ambitieuse politique familiale qui fait aujourd'hui manifestement défaut à
notre pays ;
« Considérant que se mettent ainsi en place des circuits de dépenses, de
prélèvements et de recettes, parallèles aux objectifs de dépenses et aux
prévisions de recettes qu'il est demandé au Parlement d'approuver pour 2002 ou
de rectifier pour 2001 ;
« Considérant que, de ce fait, il convient de s'interroger sur la sincérité
des comptes soumis à l'examen du Parlement ;
« Considérant que, hors ces montages financiers, le projet de loi de
financement de la sécurité sociale pour 2002 ne contient rien qui puisse
s'apparenter à la définition et à la mise en oeuvre de véritables priorités de
santé publique, ni rien qui puisse résoudre le problème à venir des retraites
;
« Considérant qu'en première lecture le Sénat a profondément modifié le projet
de loi tel que présenté par le Gouvernement et adopté par l'Assemblée nationale
;
« Considérant qu'il a tout d'abord souhaité restituer à la sécurité sociale et
au fonds de solidarité vieillesse la totalité des recettes qui leur avaient
été, directement ou indirectement, « confisquées » au profit du FOREC ;
« Considérant qu'il a ainsi restitué, pour la seule année 2002, 30 milliards
de francs de recettes supplémentaires au régime général de sécurité sociale et
18 milliards de francs au fonds de solidarité vieillesse ;
« Considérant que, ce faisant, le Sénat a notamment rétabli les excédents de
la branche famille et du fonds de solidarité vieillesse et restauré ainsi les
moyens, tant de mener une politique familiale ambitieuse que de contribuer à la
garantie des retraites ; qu'il a fait apparaître symétriquement l'ampleur de la
charge dont le budget de l'Etat s'est exonéré ;
« Considérant que, par ailleurs, le Sénat a su se montrer constructif en
examinant les dispositions du projet de loi relevant véritablement du champ des
lois de financement de la sécurité sociale ;
« Considérant qu'en première lecture il a ainsi adopté vingt-sept articles
conformes et qu'il en a amendé trente, notamment en faveur des travailleurs
victimes de l'amiante ;
« Considérant qu'il a également tenu à enrichir et à compléter le projet de
loi ;
« Considérant qu'il a ainsi souhaité favoriser la reprise d'un dialogue
confiant entre les professionnels de santé et la sécurité sociale, en
supprimant le dispositif des lettres-clés flottantes, système pernicieux,
absurde et injuste et donc, au total, inefficace ;
« Considérant qu'il a défini, dans la cadre du rapport annexé à l'article 1er,
les objectifs d'une véritable politique nationale dans le domaine sanitaire et
social ;
« Considérant qu'il a aménagé, dans un sens plus favorable, les règles de la
compensation entre régimes spéciaux d'assurance vieillesse ;
« Considérant qu'il a, en outre, prévu d'associer le conseil d'administration
de la Caisse nationale d'assurance maladie à la définition des conditions
d'utilisation de ses excédents ;
« Considérant, en revanche, que le Sénat a décidé de rejeter solennellement
l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) ;
« Considérant que cette décision est d'une exceptionnelle gravité car cet
objectif constitue un élément central des lois de financement de la sécurité
sociale, dont les auteurs ont voulu, en 1996, qu'il exprime les priorités de
notre système de soins, telles que définies par le Parlement ;
« Considérant cependant que, dépourvu de tout contenu de santé publique,
l'ONDAM n'est aujourd'hui qu'un arbitrage comptable, inévitablement contesté,
entre les contraintes financières de l'assurance maladie et le souci des
pouvoirs publics d'apaiser les tensions que connaît notre système de soins ;
« Considérant que le Sénat s'est, dès lors, refusé à engager sont autorité en
approuvant un objectif pour 2002 dont le Gouvernement s'empresse, d'ores et
déjà, de s'affanchir ;
« Considérant que le Sénat a pris cette décision en toute connaissance de
cause tant la dérive observée depuis quatre ans lui a semblé traduire le
dévoiement de l'ONDAM et devoir être sanctionnée clairement ;
« Considérant que le dévoiement de l'ONDAM constitue, au même titre que le
financement du FOREC, un point de désaccord fondamental entre le Sénat et,
sinon l'Assemblée nationale, du moins la majorité qui soutient le Gouvernement
;
« Considérant que l'Assemblée nationale, en nouvelle lecture, ne s'est pas
contentée d'acter ce désaccord essentiel ;
« Considérant qu'elle a rétabli l'ensemble des circuits financiers étrangers
aux enjeux de la protection sociale et qui constituent autant de détournements
et de manipulations des recettes de la sécurité sociale pour financer les 35
heures ;
« Considérant que ce rétablissement traduit une divergence fondamentale, et
irréductible, d'approche des deux assemblées sur cette question essentielle
;
« Considérant, de surcroît, que l'Assemblée nationale a non seulement rétabli
l'intégralité des dispositions contestées par la Haute Assemblée mais qu'elle a
écarté certaines des améliorations et corrections de bon sens apportées par le
Sénat, de même qu'elle a supprimé cinq articles additionnels dont il avait
souhaité enrichir le projet de loi ;
« Considérant que l'Assemblée nationale a ainsi entendu signifier qu'elle
avait dit son dernier mot dès sa première lecture ;
« Considérant, en outre, que le Gouvernement a fait adopter par voie
d'amendement, en nouvelle lecture, une réforme considérable, à la fois par sa
portée et son volume, du cadre conventionnel régissant les relations entre les
caisses d'assurance maladie et les professions de santé ;
« Considérant que cet amendement a été déposé le 20 novembre, soit la veille
du débat en séance publique à l'Assemblée nationale sur la nouvelle lecture du
dernier projet de loi de financement de la législature qui s'achève ; qu'il n'a
pu de ce fait être examiné de manière approfondie par les députés et n'a pu
faire l'objet de la nécessaire concertation avec les professions concernées
;
« Considérant que cette réforme, par son ampleur et ses implications, avait, à
l'évidence, vocation à figurer dans le projet de loi initial, tel qu'il a été
déposé à l'Assemblée nationale le 10 octobre, et non à être adoptée en nouvelle
lecture, après réunion de la commission mixte paritaire ;
« Considérant, de ce fait, que l'on peut s'interroger sur la
constitutionnalité des conditions d'adoption de cette réforme par l'Assemblée
nationale ;
« Considérant, de surcroît, que cette réforme laisse subsister, pour les
professions non signataires d'une convention, le mécanisme des lettres-clés
flottantes que le Sénat avait supprimé en première lecture ;
« Considérant que le Gouvernement a ainsi confirmé qu'il entendait ignorer,
par principe, la contribution du Sénat sur ce projet de loi.
« Décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de
loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, adopté par l'Assemblée
nationale en nouvelle lecture. »
Je rappelle que, en application du dernier alinéa de l'article 44 du
règlement, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de
l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes également, le président
ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
La parole est à M. le rapporteur, auteur de la motion.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Je ne veux pas prolonger le débat et j'estime avoir, dans le
cadre de la discussion générale, défendu la motion tendant à opposer la
question préalable. Je relève seulement l'embarras et du Gouvernement et du
groupe communiste républicain et citoyen. Si Mme Guigou et M. Fischer ont
essentiellement centré leurs interventions sur le MEDEF, c'est en effet parce
qu'ils manquaient d'arguments pour contrer les propositions faites par le Sénat
en première lecture !
(M. Guy Fischer proteste.)
Nous considérons pour notre part que le MEDEF est un des partenaires sociaux
et qu'à ce titre il apporte sa contribution au débat social, mais ce n'est pas
parce qu'une proposition émane de lui qu'il faut considérer qu'elle emporte
nécessairement l'assentiment de la majorité sénatoriale ou de l'opposition à
l'Assemblée nationale.
M. Guy Fischer.
On ne vous a pas souvent entendu réagir !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Je comprends donc votre embarras, et, à mon avis, il
constitue une raison supplémentaire d'adopter la motion !
M. Gilbert Chabroux.
C'est vous qui êtes embarrassés !
Mme Nelly Olin.
Il ne faut pas vous énerver, monsieur Chabroux !
M. le président.
La parole est à M. Chabroux, contre la motion.
M. Gilbert Chabroux.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le
rapporteur, notre collègue Alain Vasselle, dans son rapport, a cité l'adage
selon lequel « il n'est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre ».
Cet adage me paraît bien s'appliquer à la situation dans laquelle nous nous
trouvons à l'occasion de cette nouvelle lecture du projet de loi de financement
de la sécurité sociale pour 2002, mais reste à savoir qui est sourd.
M. Vasselle et les membres de la majorité sénatoriale ne sont-ils pas sourds
et aveugles lorsqu'ils nient les résultats obtenus, l'équilibre retrouvé, en
restant muets sur la situation de 1997...
M. Nicolas About,
président de la commission.
Sourds, aveugles et muets, ça fait beaucoup
!
M. Gilbert Chabroux.
... et les 265 milliards de francs de déficit cumulé ?
Mme Nelly Olin.
C'est le Gouvernement qui est aveugle !
M. Gilbert Chabroux.
Ne font-ils pas preuve d'aveuglement en ne voyant dans le FOREC que les 35
heures alors que les allégements de charges au titre de la ristourne « Juppé »
sont beaucoup plus importants et qu'ils n'ont pas de contrepartie en termes de
création d'emplois ? D'abord, sont-ils pour ou contre ces allégements de
charges patronales ? Nous ne les avons pas entendu répondre à cette
question.
Mme Nelly Olin.
Vous êtes sourds !
M. Gilbert Chabroux
M. Vasselle et la droite sénatoriale ne sont-ils pas, par ailleurs, frappés
d'amnésie...
Mme Nelly Olin.
C'est vous qui êtes frappés d'amnésie !
M. Gilbert Chabroux.
... lorsqu'ils veulent supprimer l'ONDAM au mépris de la loi organique du 22
juillet 1996, dite la loi « Juppé », qu'ils ont votée et qui fait l'obligation
au Parlement de fixer un objectif national de dépenses d'assurance maladie ? Et
vous voudriez nous donner des leçons de constitutionnalité !
Maintenant, après avoir déversé des flots de paroles en première lecture - je
pense surtout à M. Vasselle - et cherché à tout détruire pour ne laisser qu'un
champ de ruines, vous vous estimez incompris, peut-être même outragés, et vous
désertez le combat, alors qu'il y a tant à dire sur l'avenir de la sécurité
sociale. Nous souhaiterions par exemple vivement vous entendre sur les
positions exprimées par le MEDEF à Strasbourg, voilà quelques jours. Il ne
suffit pas de dire : le MEDEF, ce n'est pas nous !
Mme Nelly Olin.
Nous, nous sommes parlementaires !
M. Gilbert Chabroux.
Nous souhaiterions aussi que s'engage un vrai débat sur l'article 10 A, qui a
été considérablement enrichi par le Gouvernement lors de la deuxième lecture du
projet de loi de financement de la sécurité sociale à l'Assemblée nationale.
M. Nicolas About,
président de la commission.
Me permettez-vous de vous interrompre, mon
cher collègue ?
M. Gilbert Chabroux.
Je vous en prie.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission, avec l'autorisation de
l'orateur.
M. Nicolas About,
président de la commission.
Je vous remercie, monsieur Chabroux.
Ne nous parlez pas du MEDEF ! On ne peut pas à la fois se battre pour
instaurer le dialogue entre les partenaires sociaux et, lorsque l'un d'entre
eux fait une proposition, immédiatement accabler toute une partie de la classe
politique comme si elle était à l'origine de cette proposition !
Mme Nelly Olin.
Tout à fait !
M. Nicolas About,
président de la commission.
Il appartient aux partenaires sociaux de
débattre entre eux de leurs propositions. Mais, si le politique « s'amuse » à
immédiatement jeter à terre, à déformer, à transformer, à bafouer tout ce que
dit l'un des partenaires, comment voulez-vous que s'élabore un véritable
dialogue social ? C'est le mépris du dialogue social que nous entretenons ce
soir au Sénat !
Mme Nelly Olin.
Très bien !
M. Nicolas About,
président de la commission.
Laissons au contraire le MEDEF discuter avec
ses autres partenaires ! Quand ils parviendront - ou ne parviendront pas - à un
accord, nous en prendrons acte. A ce moment-là seulement,...
M. Guy Fischer.
Ce sera trop tard !
M. Nicolas About,
président de la commission.
... nous aurons à jouer notre rôle, celui de
politiques responsables, et nous discuterons sans traiter le MEDEF comme si
c'était je ne sais quelle maladie !
Mme Nelly Olin.
Très bien !
M. Guy Fischer.
Le MEDEF se veut acteur pour 2002 !
M. Nicolas About,
président de la commission.
En France, monsieur Fischer, il y a beaucoup
d'acteurs, et le MEDEF n'est qu'un de ceux-là. Le parti communiste et la CGT
aussi sont des acteurs, de surcroît actifs.
(Très bien ! et applaudissements
sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président.
Monsieur Chabroux, veuillez poursuivre.
M. Gilbert Chabroux.
Je comprends un peu votre embarras...
Mme Nelly Olin.
Ah non ! Il recommence !
M. Jean-Pierre Schosteck.
Il n'y a pas d'embarras !
M. Gilbert Chabroux.
... et je note que vous êtes accablés par les positions du MEDEF.
M. Nicolas About,
président de la commission.
Pas du tout !
M. Gilbert Chabroux.
Ah ! Pas du tout ?
M. Jean-Pierre Schosteck.
Vous êtes obsédé !
M. Gilbert Chabroux.
Je vous ai sentis accablés. Ce serait bien de le dire, de l'exprimer
clairement : c'est tout ce que nous vous demandons !
M. Nicolas About,
président de la commission.
Me permettez-vous de vous interrompre à
nouveau, mon cher collègue ?
M. Gilbert Chabroux.
Je vous en prie.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances, avec
l'autorisation de l'orateur.
M. Nicolas About,
président de la commission.
Monsieur Chabroux, je suis ravi que le MEDEF
donne sa position parce qu'il est un des partenaires sociaux et que c'est sur
cette vie entre les partenaires sociaux que se développe la démocratie. Je
n'accablerai donc pas le MEDEF. Par ailleurs, monsieur Chabroux, je ne me sens
pas « accablé » par les propositions du MEDEF !
M. Gilbert Chabroux.
Vous avez employé le terme !
M. Nicolas About,
président de la commission.
Je suis accablé par les comportements que
certains adoptent ici !
Mme Nelly Olin.
Oui ! Cela dépasse l'entendement !
M. Nicolas About.
Vous tuez le dialogue social avant même qu'il ne se soit instauré ! Cessez de
parler du MEDEF, d'autant que vous avez d'autres choses à dénoncer et que M. le
ministre est là pour entendre vos reproches !
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur Chabroux.
M. Gilbert Chabroux.
Ce sont des éléments de débat que j'apporte et j'aurais souhaité qu'un débat
s'engage. Mais, en recourant à une motion de procédure, vous fuyez le débat
!
M. Nicolas About,
président de la commission.
Mais non !
M. Gilbert Chabroux.
Mais si ! Cela ne vous empêche pas pour autant de fustiger l'improvisation et
l'absence de concertation. Nous n'en croyons pas nos oreilles ! Faut-il
rappeler, à titre d'exemple de démocratie sociale, les conditions dans
lesquelles a été élaboré le plan Juppé ? Faut-il rappeler qu'il a mis dans la
rue des centaines de milliers de Français ?
M. Jean-Pierre Schosteck.
Parce qu'il n'y a personne dans la rue en ce moment ?
(Rires sur les
travées du RPR.)
M. Gilbert Chabroux.
Pas des centaines de milliers de Français ! Pas autant qu'avec Juppé !
Nous sommes très loin du compte !
M. Nicolas About,
président de la commission.
Vous allez peut-être l'atteindre !
M. Gilbert Chabroux.
Il faut mesurer les dégâts du plan « Juppé » : nous essayons encore de les
réparer !
Vous nous accusez de porter un coup fatal à la cohésion sociale...
Mme Nelly Olin.
On se demande qui est aveugle !
M. Gilbert Chabroux.
... en dépouillant la sécurité sociale de recettes fiscales et de réserves
financières qui lui sont indispensables pour faire face à un avenir désormais
incertain - je vous cite -, mais quelle proposition faites-vous ? Je suis bien
obligé de reparler du MEDEF, car il fait des propositions.
Mme Nelly Olin.
Heureusement qu'il est là !
M. Gilbert Chabroux.
La seule alternative aujourd'hui, c'est celle qui est proposée par le MEDEF,
c'est-à-dire la fin du paritarisme et la privatisation d'une bonne partie de la
sécurité sociale. Cela mérite qu'on en parle ! Cela signifie, pour le risque
maladie, le recours à des assureurs privés, les entreprises choisissant avec
les salariés, sur appel d'offres, l'opérateur qu'elles jugeront le plus
efficace.
Bien sûr, le financement serait assuré uniquement par la CSG, car « il n'y a
pas de raison que les salariés et les entrepeneurs continuent à financer un
système qui profite à tous les Français ». Je répète que je ne fais que citer
le MEDEF, en espérant que vous réagirez à ses provocations et que nous aurons
un débat sur ce sujet. C'est tout ce que je souhaite.
Il en est de même en ce qui concerne la retraite avec la transformation de
tous les régimes de retraite en régimes par points strictement contributifs et
la mise en place des fonds de pension que vous appelez de vos voeux, et, cela,
je l'ai entendu à plusieurs reprises à propos de la loi Thomas et de son
abrogation !
Quant à la politique de la famille, le MEDEF s'en dégage totalement. C'est à
l'Etat, exclusivement, de la financer par l'impôt. Qu'en pensez-vous ?
Voulez-vous, comme le MEDEF, le développement de la concurrence, la
confrontation du secteur public et du secteur privé, la multiplication des
inégalités et la fin de la cohésion sociale, une sécurité sociale à deux
vitesses, comme l'a dit Mme la ministre, une politique sociale étriquée, figée
sur les privilèges des privilégiés ?
Il faut le dire. Il faut que les Français le sachent : il y a peut-être un
programme caché de la droite, celui du MEDEF !
M. Nicolas About,
président de la commission.
On va vous en parler !
M. Gilbert Chabroux.
Les Français, opposés à ce programme, attendent d'autres réponses.
Il faut améliorer la régulation du système de santé sans créer de
discrimination dans l'accès aux soins.
Il faut développer une politique familiale plus juste et plus solidaire. Il
faut introduire la souplesse qu'attendent les Français dans les conditions de
départ à la retraite. Il faut améliorer la réparation des accidents du travail,
en tendant à une réparation intégrale.
Cette politique ne peut s'appuyer que sur une sécurité sociale retrouvée,
bénéficiant d'un financement stable, durable et cohérent.
Il s'agit de pérenniser une politique sociale qui, depuis 1997, a fait ses
preuves, c'est-à-dire une politique de réduction des inégalités, qu'il s'agisse
de l'emploi ou de la santé et de la protection sociale, grâce aux
emplois-jeunes, à la loi contre les exclusions, aux 35 heures, à la CMU, à
l'allocation personnalisée d'autonomie, ainsi qu'aux lois de modernisation
sociale et de rénovation de l'action sociale et médico-sociale, qui seront
définitivement adoptées avant la fin de cette année.
M. Jean-Pierre Schosteck.
Ah ?
M. Gilbert Chabroux.
Nous l'espérons ! Elles seront de toute façon bientôt adoptées.
Cette nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale
aurait dû aussi nous donner l'occasion de discuter de la nouvelle architecture
conventionnelle - j'y reviens - destinée à améliorer et à réguler les soins de
ville. L'article 10 A a le mérite d'exister, et il ouvre des perspectives qui
mériteraient que nous engagions un débat au Sénat, comme cela a été le cas à
l'Assemblée nationale.
Nous aurions souhaité que le débat sur le projet de loi de financement de la
sécurité sociale aille à son terme et qu'il ait lieu dans la clarté, chacun
affirmant ses choix et ses convictions.
Pour le groupe socialiste, les choix ont été affichés, ils sont connus de
tous. Nous avons sans cesse chercher à atteindre l'objectif d'une solidarité
accrue entre les générations, entre les malades et les bien-portants, entre
ceux qui sont bien protégés et ceux qui l'étaient moins, et en faveur de toutes
les familles sans distinction, quel que soit leur statut juridique ou
social.
Je le répète, nos choix sont clairs, et les Français sont en droit d'attendre
de l'opposition qu'elle se prononce aussi clairement.
Nous ne pouvons donc que nous opposer à la motion tendant à opposer la
question préalable.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que
sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
Mme Nelly Olin.
Toujours le monopole du coeur !
M. Nicolas About,
président de la commission.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About,
président de la commission.
Je voudrais faire quelques remarques à la
suite de l'intervention de M. Chabroux.
M. Chabroux n'a d'autre argument aujourd'hui que le MEDEF...
M. Gilbert Chabroux.
Cela fait partie du débat !
Mme Nelly Olin.
Heureusement qu'il est là !
M. Nicolas About,
président de la commission.
Je retiendrai, monsieur Chabroux, que, pour
vous, tout le débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale
s'est résumé aux choix du MEDEF, mais, puisque vous souhaitez parler du MEDEF,
allons-y !
Pourquoi, aujourd'hui, discutons-nous, discutez-vous, du MEDEF ? Parce que le
Gouvernement, par son action, a détruit le travail des partenaires sociaux, de
ceux qui géraient les caisses. Pourquoi le MEDEF a-t-il quitté les conseils
d'administration des caisses ? Parce que l'Etat « a piqué du fric dans la
caisse » pour financer les 35 heures, vous le savez très bien !
(Protestations sur les travées socialistes.)
M. Gilbert Chabroux.
Enfin, voilà une position claire !
Mme Nelly Olin.
C'est la vérité !
M. Nicolas About,
président de la commission.
Bien sûr, c'est clair !
Monsieur Chabroux, vous n'avez pas dû assister au même débat que nous.
M. Jean-Pierre Masseret.
Classique...
M. Nicolas About,
président de la commission.
En effet, vous nous avez demandé à la tribune
quelles étaient les propositions du Sénat.
M. Gilbert Chabroux.
Les vôtres !
M. Nicolas About,
président de la commission.
Ce que nous proposons, c'est que l'Etat
remette dans la caisse ce qu'il y a pris !
Je sais que Mme la ministre s'est plainte que M. le rapporteur ait parlé trop
longuement lors de la première lecture.
Mme Nelly Olin.
Elle n'a pas écouté !
M. Nicolas About,
président de la commission.
Pourtant, son intervention n'a certainement
pas été assez longue, car sinon vous auriez compris que nous souhaitions que
les 30 milliards de francs en question soient reversés à l'assurance maladie.
Or qu'avons-nous constaté depuis quelque temps ? L'Etat n'a de cesse de lui
faire supporter des charges supplémentaires !
Par conséquent, nous proposons aujourd'hui de reverser l'argent dans les
caisses, pour permettre aux partenaires sociaux de se remettre tous ensemble à
l'ouvrage. Nous souhaitons en effet rétablir les conditions d'un dialogue
indispensable au fonctionnement de la sécurité sociale.
M. Gilbert Chabroux.
Grâce au MEDEF ?
Mme Nelly Olin.
Mais c'est fou ! Heureusement qu'il y a le MEDEF !
M. Gilbert Chabroux.
Vous vous référez au MEDEF !
M. Nicolas About,
président de la commission.
Pas du tout, je viens d'évoquer un
fonctionnement normal de l'ensemble des branches de la protection sociale, en
particulier de l'assurance maladie. Je souhaite donc que l'on puisse restaurer
le partenariat entre tous les acteurs du champ social.
Par ailleurs, vous avez affirmé, monsieur Chabroux, que voter contre l'ONDAM
était anticonstitutionnel. Ah bon !
M. Gilbert Chabroux.
Oui, vous votez contre l'ONDAM ! Vous le supprimez !
M. Nicolas About,
président de la commission.
Monsieur Chabroux, vous savez parfaitement
que l'ONDAM n'a été respecté que la première année, et encore n'est-ce pas
grâce à vous, bien au contraire. On ne peut donc, comme vous le faites, évoquer
sans cesse M. Juppé avec une certaine condescendance : ce sont ses successeurs
qui n'ont pas su estimer les véritables besoins et prévoir les dépenses en
matière de santé.
En outre, s'agissant de la négociation de la convention, vous savez fort bien
comment Mme la ministre conçoit la discussion avec le Parlement ! C'est après
la réunion de la commission mixte paritaire, à l'occasion de la deuxième
lecture à l'Assemblée nationale, que le Gouvernement a présenté un amendement
sur ce point ! Ne s'agit-il pas là d'un profond mépris du Parlement...
Mme Nelly Olin.
Bien sûr !
M. Nicolas About,
président de la commission.
... et d'un refus de débattre, alors que l'on
sait très bien que la commission mixte paritaire a échoué ?
Cela étant, il ne faut effectivement pas, comme vous le disiez tout à l'heure,
monsieur Chabroux, être sourd, muet ou aveugle. Or vous avez malheureusement
démontré, par vos propos à la tribune, à la face de tous les Français, que vous
ne voyez pas que ce sont vos amis qui ont « piqué » dans la caisse de
l'assurance maladie !
M. Jean-Pierre Godefroy.
Non, ce sont les vôtres !
M. Nicolas About,
président de la commission.
Vous ne voyez pas que ce sont eux qui
refusent la discussion conventionnelle !
M. Gilbert Chabroux.
Et les 265 milliards de francs de déficit !
M. Nicolas About,
président de la commission.
Vous ne voyez pas que ce sont eux qui ont
ruiné la relation entre les partenaires sociaux !
Pour toutes ces raisons, nous demandons au Sénat d'adopter la motion tendant à
opposer la question préalable.
(Très bien ! et applaudissements sur les
travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union
centriste.)
M. le président.
Je rappelle que, en application du dernier alinéa de l'article 44 du
règlement, la parole peut être accordée pour explication de vote à un
représentant de chaque groupe politique, pour une durée n'excédant pas cinq
minutes.
La parole est à M. Franchis.
M. Serge Franchis.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne
reprendrai pas l'ensemble des arguments excellemment développés par M. le
rapporteur et par M. le président de la commission des affaires sociales, mais
deux motifs justifient à eux seuls que nous rejetions le projet de loi de
financement de la sécurité sociale dans sa rédaction actuelle.
En premier lieu, l'avenir des retraites n'est pas assuré par ce gouvernement,
or l'échéance se rapproche : dès 2005, l'équilibre financier de l'ensemble des
régimes de retraite risque d'être remis en cause.
Comme nous l'avons vu au cours de la première lecture et, hier encore, lors de
l'examen de l'article 17 du projet de loi de finances pour 2002, l'alimentation
du fonds de réserve des retraites reste précaire et la source de financement
représentée par la vente des licences UMTS est en grande partie tarie. Quelle
que soit la future majorité gouvernementale, elle devra imaginer des solutions
autrement plus rigoureuses au problème du financement des retraites.
En second lieu, s'agissant de l'avenir démographique de notre pays et, par
conséquent, de notre système de protection sociale, ce projet de loi de
financement de la sécurité sociale ne prévoit aucune mesure substantielle en
faveur des familles. Or le pouvoir d'achat de celles-ci baisse depuis plusieurs
années, et il est temps que les excédents dégagés au titre des allocations
familiales puissent être mobilisés en fonction des priorités des familles,
c'est-à-dire en faveur de l'amélioration du niveau des prestations, de la
création de places de crèche et de l'incitation à la garde des enfants à
domicile.
J'ajouterai que la politique de la santé manque de moyens, et je conclurai mon
intervention en citant Lamennais : « Si l'on peut en finir du passé avec
l'oubli, on n'en finit pas de l'avenir avec l'imprévoyance. »
Pour l'ensemble des raisons exposées, le groupe de l'Union centriste votera la
motion tendant à opposer la question préalable présentée par la commission des
affaires sociales du Sénat.
(M. le président de la commission des affaires
sociales applaudit.)
M. le président.
La parole est à Mme Olin.
Mme Nelly Olin.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues,
permettez-moi tout d'abord de déplorer le climat dans lequel s'est déroulé ce
débat : il y a eu mépris, agression verbale et agressivité. Je dois dire que
c'est la première fois en six ans que cela se produit, et ce n'est pas vraiment
digne d'un ministre.
M. Gilbert Chabroux.
C'est parce qu'il y a un nouveau rapporteur !
Mme Nelly Olin.
Non, monsieur Chabroux, ce n'est pas tout à fait cela. Je crois qu'il s'agit
là d'un manque de respect pour le Parlement et je tenais à le souligner.
Quoi qu'il en soit, le climat favorable créé par une croissance forte
permettant de minimiser la dérive des dépenses de notre système de protection
sociale cède la place aujourd'hui à une profonde inquiétude. Le ralentissement
de la croissance est déjà une réalité et aura des répercussions sur l'emploi et
les comptes sociaux, ce que nous ne pouvons que déplorer.
Faut-il pour autant se voiler la face et nier la réalité en ne tenant pas
compte de ces faits dans l'élaboration des comptes de la sécurité sociale ?
Nous ne le croyons pas, nous pensons au contraire qu'il faut préparer l'avenir
et engager les réformes nécessaires à la préservation de nos régimes de
sécurité sociale, auxquels nous sommes tous très attachés.
Or le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, tel que
l'Assemblée nationale l'a adopté en nouvelle lecture en supprimant la plupart
des dispositions adoptées par le Sénat, est bien loin de prévoir les réformes
indispensables.
Tout au contraire, les décisions prises s'agissant des circuits de financement
et les choix faits par le Gouvernement sont d'une exceptionnelle gravité, car
ils compromettent l'avenir de nos régimes.
Ainsi, il est grave de fragiliser l'équilibre financier de la branche dont la
situation est la plus préoccupante à court terme, à savoir la branche maladie.
Année après année, de réajustement des dépenses prévisionnelles en rebasage des
dépenses réelles, l'ONDAM a perdu toute signification et ne représente plus
aujourd'hui qu'une vague indication de dépenses à usage coercitif. Ce texte
prive donc la branche maladie de recettes significatives, alors même que ses
dépenses sont manifestement sous-évaluées. En dépit des milliards de francs
dépensés depuis cinq ans, notre pays n'a pas su se doter d'un véritable outil
de régulation des dépenses de santé équitable en responsabilisant tous les
acteurs du secteur.
Il est grave d'instaurer des sanctions financières systématiques pour les
laboratoires, sanctions qui se révèlent n'avoir aucune répercussion sur les
dépenses de médicaments, qui n'ont cessé d'augmenter. Nous ne pourrons pas
faire l'économie d'une véritable politique du médicament, fondée sur le service
médical rendu mais aussi sur un référentiel de prescriptions à réactualiser
dans l'optique d'une dynamisation des références médicales opposables.
Il est grave que le produit des taxes sur les consommations d'alcool et de
tabac, responsables de nombreuses pathologies et coûteuses pour la branche de
l'assurance maladie, soit désormais intégralement affecté au FOREC au lieu de
servir à financer une véritable politique de prévention permettant de lutter
contre les ravages causés par ces fléaux.
Il est grave que le Gouvernement ait décidé de ne pas compenser le déficit du
FOREC au titre de l'année 2000 pour un montant de près de 16 milliards de
francs, contrairement aux engagements passés et sous de faux prétextes de
transparence. La charge liée au passage aux 35 heures sera donc bel et bien
supportée par les régimes de sécurités sociale et non par l'Etat en 2000.
Il est grave que le Gouvernement ait rompu le dialogue avec les partenaires
sociaux, qui sont tous également sévères envers la politique qui est menée. Ils
ne semblent d'ailleurs guère convaincus par la conversion subite du
Gouvernement à la nécessité de renouer le dialogue social. Il est en outre
déplorable que la Caisse nationale d'assurance maladie en soit réduite à un
rôle subalterne, qui traduit bien le peu d'attention que le Gouvernement porte
aux partenaires sociaux.
Il est grave que seul le gouvernement français estime nécessaire d'attendre
pour réformer et adapter notre système de retraites, alors que quasiment tous
les pays européens ont engagé des politiques visant à tenir compte des réalités
démographiques. Même les hypothèses retenues par les études les plus favorables
ne tiennent plus, et personne ne peut croire un instant qu'une croissance
soutenue suffira à elle seule pour régler en douceur la question des
retraites.
Il est grave d'accaparer les excédents de la branche famille et de faire
supporter à celle-ci des charges indues, au mépris le plus absolu du
paritarisme et en violation du principe d'autonomie des branches. Ces choix
empêchent la mise en oeuvre d'une politique familiale plus volontariste et plus
audacieuse qui faciliterait l'accueil des enfants dans les familles et
permettrait de mieux faire face aux conséquences du vieillissement.
En fuyant ses responsabilités, le Gouvernement compromet l'avenir d'un système
de protection sociale que nous souhaitons sauvegarder.
Pour toutes ces raisons, le groupe du RPR du Sénat votera la motion présentée
par notre excellent rapporteur, M. Alain Vasselle, au nom de la commission des
affaires sociales !
(Applaudissements sur les travées du RPR, et de l'Union
centriste.)
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué à la santé.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, en l'état actuel de notre débat, je ne crois pas qu'il soit
nécessaire de revenir sur le fond.
En effet, vous connaissez maintenant les arguments opposés par le Gouvernement
aux appréciations portées par la majorité de votre assemblée sur ce projet de
loi de financement de la sécurité sociale. Les divergences sont profondes, et
manifestements insurmontables pour le moment.
Ainsi, la majorité sénatoriale nous reproche de produire des excédents en
présentant des comptes inexacts. Je lui laisse la responsabilité de cette
affirmation, cependant je m'étonne que M. le président de la commission ait pu
employer l'expression : « piquer dans la caisse ».
M. Nicolas About,
président de la commission.
C'est certainement une expression abusive.
M. Gilbert Chabroux.
Tout à fait abusive !
M. Guy Fischer.
Dont acte !
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Je vous remercie, monsieur le président de la
commission.
Je répondrai une nouvelle fois que ces excédents sont réels et que le souci du
Gouvernement est d'en faire un usage qui permettre d'améliorer la protection
sociale de nos concitoyens.
Cela étant, madame Olin, je reconnais que le problème des retraites, qui a été
abordé, de différentes façons d'ailleurs, chez nos voisins, n'a pas été encore
convenablement réglé dans notre pays. Mme la ministre l'a relevé, et nous nous
efforcerons, ou vous vous efforcerez, de le faire.
(Sourires.)
En revanche, vous ne pouvez pas prétendre que nous ayons mis à mal
l'assurance maladie au travers de l'ONDAM. Cette accusation n'est pas
recevable, parce que les faits sont têtus. Elle l'est d'autant moins que nombre
d'études et de reportages sont réalisés par nos voisins européens sur
l'exception française en matière de prise en charge des soins. L'attitude de la
majorité sénatoriale sur cette question me paraît donc quelque peu
étonnante.
Certes, il est difficile de s'en tenir à une politique stricte s'agissant du
médicament, mais cela est vrai pour les gouvernements de droite comme pour les
gouvernements de gauche. En effet, des molécules nouvelles apparaissent, très
efficaces mais très coûteuses, et nous devons donc à la fois accepter et
financer les conséquences du progrès : je vous accorde que tout n'est pas réglé
à cet égard.
Ma position sur ce sujet est connue. Alors que, voilà quelques années, nous
étions fortement limités par la technique pour traiter certaines maladies que
l'on aborde différemment aujourd'hui, ce sont maintenant les finances qui nous
entravent. C'est vrai pour nous aujourd'hui et ce sera vrai pour vous
demain.
Il est presque miraculeux que le système tienne, grâce au efforts de tous.
L'excès des revendications, notamment en ce moment, devrait nous inciter à
réfléchir, les uns et les autres, sur l'excellence de ce système et sur
l'exception qu'il constitue. A force de considérer que, en France, il est
naturel de se faire soigner dans les meilleures conditions - et ce n'est pas
parfait partout, il existe des inégalités et il faut améliorer la situation -
on ne se rend pas compte que, jusqu'à présent, le système a tenu.
L'ONDAM a été respecté, a dit M. le président About. Certes, il l'a été, mais
une fois, l'année de sa création. Aussitôt après, il a dérapé, pour vous comme
pour nous. Ne soyez pas surpris, ce sera toujours ainsi. Ce que je voudrais
vous faire comprendre - vous avez compris depuis très longtemps d'ailleurs -
c'est que, en réalité, si nous continuons dans l'excellence approchée - ne
soyons pas trop arrogants - cela coûtera toujours un peu plus cher et nous
devons donc trouver un système d'ajustement. Or, ni vous ni nous ne l'avons
encore trouvé, mais nous nous en approchons.
S'agissant des dérapages, il faut rappeler que les soins représentent au total
1 000 milliards de francs par an dans notre pays. Il y a, en effet, des
glissements de temps en temps de l'ordre de 10 milliards ou de 20 milliards de
francs. Nous devons donc trouver un dispositif qui accepte cela ; nous ne nous
en sommes pas encore approchés.
Oui, l'ONDAM n'a pas été respecté cette année. Il a eu, en effet, mais sans
intention de dissimuler, des déplacements de sommes parce que les comptes
étaient excédentaires. Nous l'avons fait honnêtement et très politiquement.
Vous avez bien sûr le droit, vous l'avez manifesté, de ne pas accepter ce que
nous avons fait.
Je conclurai en disant simplement que, si la majorité sénatorial était suivie,
c'est-à-dire si cette motion était adoptée, des millions de Français seraient
privés d'un certain nombre d'avancées majeures qui figurent dans ce projet de
loi.
Madame Olin, vous avez fait allusion aux sanctions. Ce n'est pas nous qui les
avons inventées. Avant, elles étaient appliquées d'une autre manière, mais le
système était le même
(Mme Olin est dubitative)
. Je suis contre les
sanctions. Je l'ai toujours été. J'étais contre les sanctions sous le
gouvernement précédent. Je ne suis pas en faveur de ces sanctions-là et c'est
pourquoi nous sommes en train de les lever.
Dans cette proposition en trois temps ou en trois étages, qui comporte des
avancées en termes de forfait pour la santé publique, figure la levée des
sanctions. Voilà le dispositif que nous avons élaboré. Il n'est pas parfait,
mais nous le défendrons devant les Français dans un avenir proche.
Si votre motion était adoptée, que deviendraient la protection contre les
risques liés à la vieillesse et cette nouvelle manière de personnaliser et de
prendre en charge la perte d'autonomie ? Or, par ces mesures, nous aidons
vraiment les familles.
Il s'agit du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale de la
législature. Aussi, je regrette que vous votiez cette motion tendant à opposer
la question préalable. En effet, j'aurais préféré que, ensemble, nous allions
de l'avant. Mais, après tout, les Français jugeront !
(Applaudissements sur
les travées socialistes.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 1, repoussée par le Gouvernement.
Je rappelle que son adoption entraînerait le rejet du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Nombre de votants | 319 |
Nombre de suffrages exprimés | 314 |
Majorité absolue des suffrages | 158 |
Pour l'adoption | 203 |
Contre | 111 |
En conséquence, le projet de loi est rejeté.
L'ordre du jour de cet après-midi étant épuisé, nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures dix, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Adrien Gouteyron.)
PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
9
LOI DE FINANCES POUR 2002
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2002 (n° 86, 2001-2002), adopté par l'Assemblée nationale. [Rapport n° 87 (2001-2002).]
Recherche
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant la
recherche.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. René Trégouët,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, nous sommes tous réunis ici parce que nous
aimons la recherche et que nous croyons qu'elle est essentielle à l'avenir de
la France.
Rien ne serait plus stérile que de nous lancer à la figure des bilans et
d'engager une bataille de chiffres.
Concernant les crédits du budget civil de recherche et de développement, le
BCRD, et du ministère de la recherche pour 2002, je considère cependant qu'ils
sont affectés d'un grave degré d'incertitude - mais cela ne dépend pas de vous,
monsieur le ministre - au même titre que le projet de budget de l'Etat dans son
ensemble, dont la commission des finances a dénoncé « la grande illusion ».
Les prévisions de croissance du Gouvernement sont irréalistes, et il est
impossible, pour des raisons que M. le rapporteur général a exposées ici, de
laisser le déficit public s'aggraver.
Dès lors, qui peut nous garantir que les crédits prévus ne feront pas l'objet
ultérieurement d'annulations ? Je rappellerai seulement, maintenant, que leur
total inscrit dans le projet de loi de finances pour 2002 s'élève à 8,7
milliards d'euros pour le BCRD, dont 6,2 milliards de francs pour le ministère
de la recherche.
Les taux de progression affichés sont inférieurs, respectivement, à la
croissance du produit intérieur brut que le Gouvernement voudrait obtenir, en
ce qui concerne le BCRD, et à la hausse des prix, en ce qui concerne le budget
de la recherche. A l'encontre de ce que nous pouvons lire ou entendre çà et là,
vous n'avez donc pas été particulièrement gâté, monsieur le ministre. Je vous
renvoie pour d'autres précisions, si vous le voulez bien, à mon rapport
écrit.
Ainsi devons nous, les uns et les autres - et c'est ainsi que j'ai voulu
commencer mon intervention - faire preuve d'humilité.
Depuis 1993, la part de notre effort financier de recherche dans l'utilisation
du produit de notre activité économique est en régression. Celle des
administrations l'est plus particulièrement, et la recherche de nos entreprises
reste globalement insuffisante.
Le secteur public occupe toujours une part importante dans notre système, et
le budget de l'Etat dans son financement.
Nos performances - il faut le reconnaître - ne sont pas extraordinaires en
comparaison de celles des principaux pays de l'Organisation de coopération et
de dévelopement économiques, l'OCDE, qu'il s'agisse d'effort financier global
et de résultats qualitatifs ou quantitatifs, tels que les dépôts de brevet ou
le nombre de citations dans les revues scientifiques notamment.
Notre potentiel n'est certes pas en cause, ni l'excellence de nos
chercheurs.
Mais il y a un problème de structures et de mentalités. Les structures sont
complexes, morcelées et difficiles à coordonner, qu'il s'agisse de recherche
fondamentale ou appliquée, de valorisation ou simplement de transferts de
connaissance.
Les mentalités sont influencées par le statut de chercheur à vie et
l'insuffisance à tous points de vue de mobilité de notre recherche, et elles
sont parfois trop éloignées des préoccupations de la société et des
entreprises.
Il n'est pas question pour autant de prétendre finaliser, autoritairement ou à
outrance, la recherche fondamentale. Celle des universités américaines se
valorise bien mieux, grâce à des interfaces efficaces, que les activités des
agences fédérales, pourtant plus orientées vers les applications.
Dans les sciences de la vie, qui prennent de plus en plus d'importance, les
frontières entre science, technologie, recherche académique et finalisée
s'estompent. Cela n'est pas nouveau.
Pasteur, qui était un universitaire, a effectué ses dévouvertes essentielles
en réponse à des demandes très concrètes : problème de fermentation de la bière
produite par les brasseries lilloises, effets dévastateurs de la maladie des
vers sur l'industrie de la soie, ou du charbon et du choléra sur les élevages
de poulets.
Mais regardons ensemble, si vous le voulez bien, l'avenir de la recherche en
France.
Nous ne pouvons pas faire table rase du passé et devons tenir compte de nos
spécificités.
Nos deux principales singularités sont l'existence du Centre national de la
recherche scientifique, le CNRS, et le statut de chercheur à vie.
Le CNRS est une institution unique en son genre, créée pour rémédier aux
faiblesses de la recherche des universités, elles-mêmes concurrencées par les
grandes écoles.
Le statut des chercheurs est proche, pour la plupart d'entre eux, de celui de
la fonction publique, hérité de la loi « Chevènement » de 1982.
Nos faiblesses sont liées à nos singularités : malgré d'immenses progrès, les
universités occupent, dans notre recherche, une place moins éminente que dans
les pays anglo-saxons ; l'existence du CNRS complique le système et en rend la
« gouvernance » et la réforme difficiles ; le statut de 1982 a échoué dans ses
intentions de favoriser la mobilité des chercheurs, les cloisonnements
demeurant, en particulier avec le secteur privé ; cette insuffisance de
contacts entre le secteur public et le secteur privé explique sans doute, pour
une large part, la valorisation décevante des résultats de notre recherche.
Nous avons cependant accompli des progrès en matière de créations
d'entreprises innovantes, notamment grâce à la loi de juillet 1999.
Cependant, je le rappelle, nous attendons toujours la publication du décret
sur les services d'activités industrielles et commerciales des établissements
d'enseignement supérieur.
Par ailleurs, le développement, encore insuffisant, du capital-risque en
France est menacé par le retournement de la conjoncture économique.
Réformer notre recherche est une tâche particulièrement difficile. Le choc
démographique des départs massifs à la retraite de chercheurs durant la
prochaine décennie représente cependant une occasion unique pour provoquer
cette modification en profondeur de la recherche.
Il faut cependant, pour cela, repenser le statut du chercheur dans notre pays,
avec le souci d'obtenir durablement la mobilité qui fait défaut à notre
recherche non seulement entre disciplines, au sein du secteur public, mais
aussi entre le secteur public et les entreprises.
Je rappellerai, à ce sujet, que les université américaines mettent au service
de leur recherche d'abord la créativité de leurs étudiants, puis l'énergie et
les connaissances de leurs jeunes diplômés. Les meilleurs d'entre eux sont
recrutés sur contrat à durée déterminée dans le cadre de programmes précis. Ils
bénéficient de rémunérations de 60 % supérieures à celles qui sont offertes en
France à nos propres « post-docs », soit l'équivalent de quelque 16 000 francs
par mois au lieu de 10 000 francs en France. Ils trouvent ensuite plus
facilement des débouchés dans le secteur privé.
C'est ainsi qu'est assurée la mobilité de la recherche universitaire
américaine et que cette dernière attire des jeunes docteurs venus du monde
entier.
Or les ressources humaines sont fondamentales. A partir d'un assouplissement
de leur utilisation, il est possible d'envisager en France une rationalisation
de la répartition des tâches entre les différentes composantes de la recherche
et de réformer progressivement ses structures.
L'organisation de la recherche française a besoin de plus de souplesse et de
cohérence.
La souplesse suppose d'accorder plus d'autonomie aux différents intervenants
concernés, notamment les universités, et de recourir davantage aux contrats.
Le contrat doit être non seulement un moyen de se fixer des objectifs communs
mais aussi un mode de gestion de l'emploi scientifique. Lui seul peut permettre
de lever durablement les réticences au recrutement de « post-docs » et
d'assurer entre disciplines et établissements une mobilité à laquelle les
personnels fonctionnaires devraient, par ailleurs, être contraints.
La cohérence implique une simplification et une rationalisation des
structures, une meilleure coordination des actions et un renforcement de
l'évaluation. Cette dernière devrait permettre une stimulation et une émulation
susceptibles de renforcer l'excellence de notre recherche.
Ainsi serait-il possible de garantir l'efficacité de l'augmentation des
dépenses souhaitables.
Monsieur le ministre, nos principaux partenaires et concurrents ont accru de
façon significative, ces dernières années, leur effort de recherche, tout en
procédant, pour beaucoup d'entre eux, à d'importantes réformes de leurs
systèmes.
La commission des finances estime que l'action du Gouvernement, de ces deux
points de vue, n'a pas été à la hauteur des enjeux.
Monsieur le ministre, c'est au vu d'un bilan pluriannuel qui engage tout le
Gouvernement, et non à partir de la seule appréciation de ce projet de budget
et de votre action personnelle, qu'elle demande au Sénat de rejeter les crédits
de votre ministère.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Laffitte, rapporteur pour avis.
M. Pierre Laffitte,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la
recherche scientifique et technique.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, dans le contexte actuel de mondialisation
accrue, notre économie ne restera compétitive que si elle sait se positionner
sur la création de produits à forte valeur ajoutée intellectuelle.
Ce constat est désormais largement partagé dans les milieux économiques. La
recherche et son complément, l'appui à l'innovation, constituent donc une
priorité absolue pour favoriser l'emploi futur et pour conjurer la menace,
toujours présente, du déclin. Il est nécessaire que l'appui à l'économie en
même temps qu'à la science, à la culture, à la recherche et à l'innovation
relève du domaine régalien de l'Etat.
Comme M. le rapporteur spécial vient de le dire, le budget civil de la
recherche et du développement s'élèvera à 8,7 milliards d'euros pour 2002, mais
n'augmentera qu'à peu près au même taux que l'ensemble du budget de l'Etat.
Je regrette que la recherche et l'innovation ne se manifestent pas comme une
priorité nationale, et que le projet de budget ne reflète pas le grand dessein
affiché en mars 2000 par le Conseil européen de Lisbonne, grand dessein qui est
toujours aussi indispensable et devrait dépasser tous les clivages politiques
habituels.
Je ne vous présenterai pas de façon détaillée les crédits du ministère, vous
renvoyant à cet égard à mon rapport écrit ainsi qu'aux excellentes analyses de
mes collègues de la commission des finances et de la commission des affaires
économiques.
Je m'attacherai beaucoup plus à la structure des dépenses et à la politique
menée.
Les crédits consacrés aux interventions directes du ministère permettent un
progrès léger de la proportion des crédits sur lesquels vous avez une action
directe, monsieur le ministre ; je m'en réjouis, bien qu'ils ne représentent
que 10 % des crédits du ministère. Cela permet une augmentation des crédits du
Fonds national de la science, qui sont portés à 114 millions d'euros, ce dont
je me félicite.
L'effort effectué l'an dernier au profit du Fonds de la recherche
technologique marque une pause que je regrette, mais les crédits de ce fonds
s'élèvent tout de même à 104 millions d'euros.
Les crédits consacrés aux organismes de recherche, qui représentent 90 % de
l'enveloppe globale du ministère, sont en hausse de 0,8 %, ce qui correspond en
fait à une baisse d'environ 1 % en pouvoir d'achat.
Je constate néanmoins que l'effort que vous aviez annoncé l'an dernier en
faveur de l'emploi scientifique se poursuit dans le projet de budget pour 2002,
avec la création de 500 emplois. Nous nous félicitons de ce que ces créations
d'emplois et les hausses ponctuelles de crédits qui les accompagnent
s'effectuent au profit des organismes les plus efficaces et les mieux orientés
sur les priorités sectorielles définies par le ministère, ceux qui ont, en
outre, le plus fort taux de mobilité. Nous nous félicitons aussi de
l'augmentation du taux des allocations, augmentation indispensable.
J'en profite pour aborder à nouveau le problème crucial de la mobilité des
chercheurs, que j'ai évoqué chaque année depuis maintenant plus de seize ans
que j'interviens sur le budget de la recherche.
Chez nous, on a toujours le sentiment que le métier de chercheur doit être
exclusif de tout autre tout le long de la vie, et cela n'est bon pour personne
dans la mesure où, si les chercheurs avaient la volonté, la possibilité
pratique, et, d'une certaine façon, la dynamique culturelle correspondante, de
se diriger soit dans l'industrie, soit dans l'enseignement, soit encore dans
les organismes de culture scientifique ou de culture populaire, cette mobilité
produirait indiscutablement une bien meilleure pyramide des âges, une bien
meilleure créativité et une bien meilleure recherche.
Les priorités que vous avez affichées ne me paraissent pas contestables :
sciences du vivant, technologies de l'information et de la communication,
recherche en matière d'environnement. Je relève d'ailleurs qu'elles
correspondent, bien souvent, à des orientations que la commission prône depuis
longtemps, et je m'en félicite.
Je me félicite aussi de l'appui donné à l'innovation et au transfert de
technologie, que nous avions encouragé en participant activement à
l'élaboration et à l'adoption de la loi du 12 juillet 1999. Je déplore, certes,
vivement les retards qui affectent encore certains de ses décrets d'application
et font obstacle, en particulier, à la création des services d'activités
industrielles et commerciales, SAIC, pourtant si nécessaires au bon
fonctionnement des incubateurs. En effet, un incubateur nécessite un
professionnalisme certain en matière de transfert, de gestion de la propriété
industrielle, de recherche de fonds complémentaires, et de partenariat
industriel. Il s'agit d'un métier industriel complexe, qui doit être exercé
avec des industriels. Il faut donc du personnel recruté sous la forme prévue
pour le faire.
Je constate, monsieur le ministre, que vous avez pu renforcer le dispositif de
transfert technologique avec l'appel à projet « incubation et capital amorçage
des entreprises technologiques » ou encore la constitution de fonds publics
pour le capital risque. Il y a donc là des progrès indiscutables.
Cette politique n'est pas étrangère au renforcement de l'effort de recherche
des entreprises, qui dépasse, depuis 1995, l'effort de recherche public. Il
faut donc la renforcer et l'adapter.
Je parlerai ultérieurement du rôle joué par l'Agence nationale de valorisation
et de la recherche, l'ANVAR, qui devrait aussi pouvoir jouer un rôle de «
capital amorçage ». Pour l'instant, je relèverai une timide percée d'une
fiscalité favorable, avec la création des bons de souscription de parts
d'entreprises.
En conclusion, monsieur le ministre, j'estime que le projet de budget que vous
nous présentez n'est, malgré ses insuffisances manifestes, pas dépourvu de
qualités quant au choix de ses priorités.
Pour ces raisons, la commission des affaires culturelles a décidé de s'en
remettre à la sagesse du Sénat pour le vote des crédits de la recherche pour
2002.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du
RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Revol, rapporteur pour avis.
M. Henri Revol.
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'évolution
proposée pour le budget civil de recherche et développement, soit une hausse de
2,2 %, classe la recherche dans la moyenne des budgets civils de l'Etat et non
au rang d'une priorité gouvernementale, comme l'environnement ou la justice,
par exemple. En outre, les trois disciplines scientifiques prioritaires
bénéficient de l'essentiel de l'effort budgétaire, au risque de fragiliser les
secteurs d'excellence plus traditionnels, comme la physique, notamment.
Les orateurs précédents, mes excellents collègues MM. Trégouët et Laffitte,
ont fort bien analysé ce budgét. Aussi, je concentrerai mes propos sur les
principales préoccupations et observations de la commission des affaires
économiques.
D'abord, je voudrais vous faire part très solennellement, monsieur le
ministre, de notre inquiétude s'agissant des recherches sur l'aval de la
filière nucléaire.
Le Commissariat à l'énergie atomique est chargé d'imaginer des solutions «
flexibles et réversibles » d'ici à 2006 pour le stockage des déchets nucléaires
à vie longue et à haute activité. Or les recherches sur la transmutation des
déchets sont bloquées, depuis la fermeture du réacteur Superphénix, les
opérations de rénovation du réacteur Phénix ayant, quant à elles, pris plus de
deux ans de retard, à tel point qu'on peut se demander quelle est la part des
circonstances extérieures et celle de l'absence de volonté politique pour sa
remise en service.
De nombreux échantillons ont été élaborés par le CEA et attendent d'être
irradiés. La réunion du groupe permanent chargé, au sein de l'autorité de
sûreté, d'autoriser le redémarrage de Phénix est prévue pour juin 2002, date
qui, semble-t-il, ne saurait être qu'une pure coïncidence ! La commission a
déploré que les désaccords « pluriels » du Gouvernement amputent ainsi notre
potentiel en la matière, voire remettent en cause notre capacité à tenir
l'échéance de 2006.
S'agissant du centre national d'études spatiales, la dotation de l'Etat, qui
avait baissé l'an dernier, n'est que stabilisée, dans le projet de loi de
finances pour 2002, à 1 343 millions d'euros.
Or, dans la lignée de la décision récente des ministres européens à Edimbourg,
dont il faut d'ailleurs se réjouir, la mise en oeuvre, dans les cinq années à
venir, du programme Ariane 5 Plus, nécessitera une montée en puissance de ses
besoins pour atteindre environ 1 400 millions d'euros annuels. Il serait donc
souhaitable que le Gouvernement s'engage, à cet horizon, à donner à cet
établissement une visibilité budgétaire particulièrement indispensable dans le
secteur spatial.
Véritable talon d'Achille de la recherche française, la valorisation
technologique de la recherche doit encore être améliorée ; je pense notamment
aux universités, qui sont moins avancées en matière de valorisation que les
établissements publics de recherche dont ont parlé mes collègues. A quand la
mise en place des services d'activités industrielles et commerciales prévus par
la loi de 1999, mais toujours inexistants à défaut de parution du décret
nécessaire à leur mise en place ? Ces structures seront notamment chargées des
dépôts de brevets par les chercheurs, dépôts qui, selon le rapport de notre
collègue Francis Grignon
Stratégie du brevet d'invention,
sont gravement
insuffisants.
Plus largement, les chiffres sur la mobilité des chercheurs montrent que la
loi Allègre a donné lieu à un frémissement du monde de la recherche plus qu'à
un vrai bouleversement des mentalités. Comment comptez-vous poursuivre et
amplifier le mouvement ?
Enfin, la commission des affaires économiques s'est inquiétée de l'excessive
concentration géographique de notre potentiel de recherche. L'effet
d'attraction réel des grands équipements y contribue, c'est certain. Mais,
au-delà, on peut s'interroger sur la volonté du Gouvernement de favoriser un
meilleur équilibre territorial permettant l'émergence de pôles territoriaux
spécialisés, au service du développement local. La modulation géographique du
crédit d'impôt recherche, par exemple, a été supprimée sans aucune évaluation,
alors qu'elle constituait un puissant outil d'essaimage territorial de notre
potentiel de recherche. Aucune nouvelle mesure incitative n'est venue
apparemment la remplacer.
Pour l'ensemble de ces raisons, la commission des affaires économiques s'est
déclarée défavorable à l'adoption des crédits de la recherche inscrits dans le
projet loi de finances pour 2002.
(Applaudissements sur les travées des
Républicains et Indépendants, du RPR, de l'Union centriste, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 21 minutes ;
Groupe socialiste, 18 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 12 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 10 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 5 minutes.
Je rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents,
aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
La parole est à M. Pelchat.
M. Michel Pelchat.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de
la recherche, c'est le budget de la science, et la science doit être pour nous,
aujourd'hui, une priorité vitale.
Vitale sur le plan médical : chaque jour, des découvertes nouvelles permettent
de soigner des maladies jusque-là incurables.
Vitale sur le plan économique : la matière grise est un facteur essentiel du
développement économique, nul ne peut l'ignorer.
Vitale sur le plan politique, puisque la maîtrise des nouvelles technologies
est une condition
sine qua non
de l'indépendance, de l'influence d'un
pays et de son rayonnement dans le monde.
Cette priorité vitale ne se retrouve malheureusement pas dans votre projet de
budget pour 2002, monsieur le ministre. En témoignent aussi bien l'évolution
des crédits que la politique de recrutement ou le traitement des priorités que
votre ministère a fixées.
Rgeardons tout d'abord les crédits.
Le budget global diminue l'année prochaine, si l'on tient compte de
l'inflation. Le budget civil de recherche et de développement technologique -
BCRD - augmente, lui, de plus de 2 %, mais sa part dans notre produit intérieur
brut n'a cessé de se réduire depuis 1991. Certes, vous n'avez pas innové en la
matière.
Cette situation est d'autant plus dommageable que les autres grands pays ont
redoublé d'efforts : entre 1995 et 1999, la dépense nationale de recherche et
de développement n'a augmenté que de 0,6 % chez nous contre 3 % pour l'ensemble
de l'Union européenne, 4,1 % pour le Japon et 5,5 % pour les Etats-Unis.
Nos concurrents font donc beaucoup mieux que nous. La position de notre pays
se détériore de façon inquiétante.
Si l'on considère maintenant le nombre de chercheurs et la politique de
recrutement, la situation n'est pas plus reluisante.
Les créations de postes que vous nous annoncez sont maigres et trompeuses, car
une bonne partie servira à résorber l'emploi précaire. Il s'agit, en effet,
pour l'essentiel, de redéploiements et de transformations d'emplois.
En outre, ces créations sont gagées par une diminution équivalente des moyens
budgétaires alloués aux établissements publics scientifiques et techniques,
moyens qui, souvent, sont très maigres.
N'oublions pas, par ailleurs, que la réduction du temps de travail, en créant
de nouveaux facteurs de rigidité, va diminuer de 10 % le potentiel de la
recherche française.
Vous nous avez présenté ces recrutements de l'année prochaine comme la
première étape d'un plan décennal, monsieur le ministre.
Une gestion pluriannuelle apparaît effectivement nécesaire, étant donné les
départs à la retraite massifs des années à venir.
Malheureusement, les incertitudes entourant le budget général sont telles que
nous doutons que les engagements puissent être tenus au niveau où il faudrait
qu'ils le soient.
C'est d'ailleurs moins un plan qu'il nous faudrait qu'une véritable loi de
programmation pluriannuelle pour l'emploi scientifique. Beaucoup la réclament,
à juste titre d'ailleurs !
La politique de recrutement se heurte à une désaffection marquée des jeunes à
l'égard de la recherche dans notre pays.
Entre 1994 et 1999, le nombre de thèses soutenues a diminué de 26 % en
mathématiques, de 20 % en chimie et de 16 % en physique. En 2000, le nombre de
thèses en cours a diminué de 3,1 %.
De plus, une partie de nos jeunes chercheurs s'en va. On compte aujourd'hui 4
000 postdoctorants à l'étranger. Nous exportons nos thésards aux Etats-Unis, où
les financements existent et où tous les docteurs peuvent trouver une place.
Quant aux étudiants étrangers, ils sont de moins en moins tentés de venir
poursuivre leurs études en France. Entre 1995 et 1999, le nombre des docteurs
étrangers a chuté de 9 %. En 1992, un docteur sur trois était un étranger ; en
1999, cette proportion n'était plus que de un sur cinq. Voilà l'état du
rayonnement de notre recherche !
Comment en est-on arrivé là ? Les raisons sont nombreuses. Les bourses
postdoctorales sont en nombre réduit, les incitations financières trop faibles,
les salaires des chercheurs insuffisants. Rien n'est fait non plus pour aider
les doctorants à mieux préparer leur insertion dans la recherche publique ou
dans le monde des entreprises.
Enfin, la rigidité des statuts entrave les recrutements et les transferts vers
l'industrie, voire l'enseignement supérieur.
Cette situation est regrettable car la qualité de la recherche repose sur le
dynamisme des plus jeunes, des doctorants et des jeunes en situation
postdoctorale. La réussite des Etats-Unis est liée à leur capacité
d'attraction. La France doit redevenir un pays attrayant pour les
chercheurs.
La revalorisation de 5,5 % de l'allocation de recherche est certes louable,
mais elle ne suffira pas, à elle seule, à enrayer la désaffection des jeunes
pour les filières scientifiques et la fuite de nos cerveaux à l'étranger. Il
serait d'ailleurs souhaitable que cette allocation soit indexée sur le point de
la fonction publique.
J'en viens au traitement budgétaire des priorités fixées par le ministère.
Vous nous annoncez, monsieur le ministre, une importante progression des
crédits pour les thématiques prioritaires. Qu'en est-il réellement ? Par
rapport à 2001, la part du budget civil de recherche et de développement
technologique consacrée à l'environnement et à l'énergie stagne, celle des
sciences de la vie n'augmente que de 0,1 %, celle des technologies de
l'information et de la communication de 0,3 % et celle de l'espace diminue de
0,5 %.
Les dotations pour la recherche en matière de santé ne progressent guère,
alors que, de tous les pays de l'OCDE, la France est celui qui investit le
moins dans ce domaine.
Dans les disciplines plus traditionnelles, les emplois vacants ne sont pas
remplacés, alors que la recherche fondamentale en mathématiques ou en physique
est essentielle.
Enfin, la recherche dans le domaine nucléaire est fragilisé. Celle qui
concerne la sécurité et les systèmes de deuxième et troisième génération a pris
du retard. Le CEA doit accroître les moyens qu'il consacre à la pile à
combustible. Fort bien ! Le contrat d'objectif qu'il vient de signer avec
l'Etat triple le budget consacré à la pile à combustible entre 2001 et 2004.
Parfait ! Je me demande toutefois s'il pourra être respecté, car le CEA, à
budget constant, supporte des charges fiscales croissantes et a aussi des
programmes prioritaires concernant les nano-technologies et les
biotechnologies. Comment pourra-t-il réaliser ces programmes sans réduire ceux
qui sont consacrés aux déchets et, d'une manière générale, au nucléaire ?
Cette question, monsieur le ministre, mérite autre chose que la réponse
ironique que vous avez faite à nos collègues de l'Assemblée nationale : « Le
CEA n'est pas Cosette », disiez-vous. Certes, mais il n'est pas non plus
Crésus, que je sache !
Nous souhaitons tous ici que la recherche soit une priorité, car la capacité
de créer, de diffuser et d'exploiter le savoir est devenue une clé et de la
culture et de la création de richesses.
Je ne doute pas de votre bonne volonté personnelle, monsieur le ministre. Je
tiens d'ailleurs au passage à vous féliciter pour le démarrage du projet «
SOLEIL ». Il faut vous donner acte de cette action positive pour notre pays.
M. Lucien Lanier.
Très bien !
M. Michel Pelchat.
Malheureusement, les crédits de la recherche pour 2002 ne permettront pas de
relancer l'effort national de recherche, qui est pourtant indispensable. Aussi
le groupe des Républicains et Indépendants votera-t-il contre votre budget.
M. le président.
La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte.
Monsieur le ministre, j'évoquerai simplement trois points.
A la demande de votre prédécesseur, les établissements d'enseignement
supérieur ne dépendant pas de l'éducation nationale ont été écartés, sans doute
par oubli, d'U3M et des contrats de plan Etat-région. Ce qui était déjà une
injustice est même apparu comme une sanction pour les grandes écoles, qui sont,
en matière de recherche, parmi les étabissements les plus efficaces et les
mieux reconnus sur le plan international.
Je vous demande donc d'utiliser les moyens qui sont à votre disposition pour
réparer cette anomalie.
Mon deuxième point concerne un problème qui préoccupe de plus en plus les
Français, compte tenu de la fragilité des sociétés contemporaines. Il s'agit de
la gestion prévisionnelle des risques. Nous avons les plans ORSEC, qui sont
tout à fait adaptés pour gérer les conséquences immédiates des catastrophes.
Mais il n'existe pas aujourd'hui de système fiable, fondé sur des méthodes
scientifiquement éprouvées, pour prévoir, avec toute l'ingénierie nécessaire,
et si possible diminuer les effets des catastrophes naturelles ou d'origine
anthropique.
Cela nécessite une approche multidisciplinaire. Au-delà des aspects purement
techniques, il y a aussi des paramètres liés aux sciences humaines : géographie
humaine, science politique, psychologie, sociologie, etc. Je vois là un champ
d'action très important pour le ministère de la recherche. Pourraient ainsi
être organisées, sous son égide, des réflexions interdisciplinaires, associant
des universités, des organismes de recherche, des organismes de prévention et
des entreprises, notamment des compagnies d'assurance. Des opérations de
sensibilisation devraient être lancées, par exemple en utilisant les
possibilités qu'offrent nos diverses technopoles, tout cela en liaison avec les
collectivités locales et les services déconcentrés de l'Etat.
Le troisième point de mon intervention est à mes yeux le plus important, car
il a trait à la démocratisation de la culture scientifique et technique.
Cette culture est, en France, insuffisante. La développer est doublement
nécessaire : à la fois pour inciter les jeunes à se tourner vers les carrières
de recherche et surtout pour mieux faire comprendre à l'ensemble de la
population que la recherche est indispensable, qu'elle n'est pas une activité
si mystérieuse, qu'elle est beaucoup plus accessible qu'on ne le croit
généralement.
On peut comprendre rétrospectivement les canuts lyonnais lorsqu'ils brisaient
les machines qui allaient les priver de leur travail. En revanche, on comprend
mal les saccages de champs d'expérimentation visant à améliorer les productions
agricoles en France.
Tout ce qui est contre la science a des relents d'obscurantisme moyenâgeux.
L'obscurantisme moyenâgeux n'est concevable que pour ceux qui veulent
retourner au Moyen Age, pour ceux qui ne veulent plus d'électricité, plus de
transports. La marche à pied et la bougie s'accompagnaient, rappelons-le, de
luttes difficiles pour la survie, contre la famine et les pandémies, peste et
choléra. Je pense que la majorité immense des Français n'en veut pas, pas plus
qu'elle ne veut des extrémismes ou du terrorisme.
Il est donc impératif de susciter une véritable mobilisation nationale pour la
science. Vous avez, à juste titre, monsieur le ministre, maintenu la Semaine
pour la science. Mais une semaine ne suffit pas ! C'est toute l'année que cette
mobilisation doit être orchestrée, et beaucoup de gens sont prêts à y
participer.
Les chercheurs sont toujours enchantés quand on vient leur demander
d'expliquer leur métier. Et il y a un grand nombre de volontaires parmi les
retraités, sans parler d'innombrables structures intermédiaires.
Actuellement, les moyens sont concentrés sur des grands organismes, qui ne
dépendent d'ailleurs pas tous du ministère de la recherche. Certains dépendent
du ministère de l'éducation nationale : le Muséum national d'histoire naturelle
- une institution qui existe depuis 1626 ! -, le Conservatoire national des
arts et métiers, le Palais de la découverte ou encore la Cité des sciences et
de l'industrie de La Villette.
En tout cas, il s'agit d'institutions à la fois très lourdes et très
parisiennes, qui ne sont pas du tout susceptibles d'aller partout à la
rencontre des jeunes, dans toutes les écoles, dans tous les villages. Ce qu'il
faudrait pour cela, ce sont des sortes de bibliobus de la science et de la
technique. Il y a quelque chose à inventer !
Les lieux de concentration scientifique que sont les technopoles peuvent
servir d'appui à des expérimentations en la matière.
Je vois là une cause d'intérêt national, et la commission des affaires
culturelles envisage de créer une mission d'information sur cette question.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Lanier.
M. Lucien Lanier.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, qu'il me
soit permis, comme l'an dernier, d'exprimer tout d'abord notre satisfaction
d'avoir un ministre de la recherche.
Nous avons toujours souhaité, en effet, qu'un ministre responsable autant que
compétent puisse rassembler tant d'éléments si diversifiés pour définir une
vraie politique de la recherche, une politique qui tienne compte des exigences,
parfois trop oubliées, de la recherche fondamentale, autant que des besoins
toujours croissants qu'a notre société de ses applications, lesquelles
dépendent de technologies en développement constant et de plus en plus
accéléré.
L'universitaire que vous êtes, monsieur le ministre, a souvent abordé une
telle réflexion, je le sais, et je ne vous crois pas éloigné de sa
conception.
Et pourtant, le budget que vous nous présentez révèle les limites de vos
possibilités.
La fine et très objective analyse de notre rapporteur spécial, notre excellent
collègue René Trégoüet, le démontre à l'évidence. Avec mesure et loin des
critiques à la cantonade, il reconnaît les aspects positifs de votre effort,
afin d'ordonner votre budget.
Je mentionnerai, à titre d'exemple, parmi les priorités retenues, l'incitation
à la recherche universitaire par le soutien de base des laboratoires.
Je soulignerai également l'effort qui n'est pas sans courage et que traduisent
les crédits destinés au nouvel institut de radioprotection et de sûreté
nucléaire. Tendent-ils à prouver que l'on revient à une plus saine conception
du maintien de la présence indispensable de l'énergie nucléaire pour notre
pays, à une réflexion politique sur ce problème rompant avec une attitude par
trop négative à son égard ?
Mais s'agit-il bien d'une évolution durable, qui permettrait, dans une
certaine mesure, d'effacer les déplorables et trop nombreux à-coups dont cette
politique a fait l'objet ? Nous souhaiterions de votre part une réponse claire
et courageuse, qui tienne compte de l'intérêt général plus que des sentiments
particuliers.
J'évoquerai encore l'augmentation des crédits de paiement destinés aux
programmes de l'aéronautique civile et au gros porteur A 380.
S'agissant des crédits pour la culture et de la contribution à la recherche
communautaire en biologie moléculaire, l'effort est également louable, mais il
est consenti de manière encore trop parcimonieuse
Ces points positifs nous font d'autant plus regretter la stagnation des
crédits afférents à la défense et à la recherche spatiale à finalité civile et
militaire, déjà très éprouvés l'an dernier par une très forte baisse.
Vous nous répondrez, monsieur le ministre, que l'établissement des priorités
exige des choix. Reconnaissez cependant que la présentation globale de votre
budget interdit tout triomphalisme au Gouvernement. C'est d'ailleurs ce
qu'indique fort pertinemment René Trégouët en déplorant, à juste titre,
l'érosion en euros constants du budget de notre ministère.
En effet, l'augmentation de 0,9 % par rapport à l'année précédente correspond
en réalité à une diminution de 0,7 % si l'on tient compte d'une hausse des prix
à la consommation dont il est prévu qu'elle s'établira à 1,6 %.
Force est de constater que la progression de certains moyens procède pour une
large part de redéploiements dont la recherche fondamentale fait passablement
les frais.
Force est aussi de constater que l'augmentation du budget de la recherche en
loi de finances initiale a été constamment inférieure à la croissance de
l'économie, à laquelle elle contribue pourtant, et avec combien d'efficacité !
Cet écart entre les moyens de la recherche et le produit intérieur brut ira,
certes, se réduisant, du fait du ralentissement prévisible de l'économie. Mais
avouons que, en l'occurrence, cette réduction ne sera qu'un effet déplorable et
pervers.
La part de la richesse nationale consacrée à l'effort de recherche recule,
alors qu'elle devrait être l'un de ses moteurs. Sans compter qu'une telle
situation affecte profondément notre compétitivité sur le plan international,
plus précisément sur le plan européen.
Or, vous le savez bien, monsieur le ministre, toute rupture de rythme dans le
droit-fil de la recherche constitue un handicap de régression, et sa
persistance une épreuve grave, très difficile à surmonter et, à la longue,
fatale.
Or la recherche française a subi, au cours des dernières années, plus de
ruptures de rythme qu'il n'était supportable et ce, à son grand détriment.
Votre budget n'est pas de taille à réparer le dégât, nous le déplorons.
M. Roger-Gérard Schwartzenberg,
ministre de la recherche.
Moi aussi !
M. Lucien Lanier.
Nous le déplorons car la continuité d'une politique réaliste de la recherche
est incompatible avec les à-coups préférentiels qui la dominent et la
fragilisent.
Au demeurant, ce n'est pas le montant de tel ou tel crédit qui importe, c'est
davantage l'efficacité de leur utilisation. La guerre des chiffres est
subjective, car chacun peut faire valoir les bons chiffres et occulter les
moins bons.
Ce qu'il faut avoir le courage de dire, c'est que, chaque année, la « façon »
du budget recherche subit de nouvelles et nombreuses contraintes, plus urgentes
les unes que les autres. Arbitrages interministériels, rigidité des structures,
droits acquis, dispersion des exécutants, notamment, créent l'inertie et sont
nuisibles à la continuité, à l'enchaînement de la recherche, bref à la vertu
d'une saine politique de la recherche scientifique et technique.
Sans aucune agressivité à votre égard, monsieur le ministre, vous le savez,
force est de constater les contraintes qui pèsent sur les limites de vos
possibilités. Vous ne pouvez pas définir une continuité de la politique de
recherche parce que vous ne pouvez pas la tenir.
Dès lors, vous ne me contredirez pas si je me permets de dire que la recherche
demeure à l'arrière-plan des priorités nationales et qu'elle en subit les
conséquences, particulièrement à l'égard de la concurrence internationale et,
plus prosaïquement, au regard de notre place dans l'Union européenne.
Qu'est devenue « l'ardente obligation » définie par le général de Gaulle et
appliquée à l'époque avec continuité ? Hélas ! au fil du temps, notre recherche
se révèle comme un grand navire, qui court sur son aire, moteur au ralenti.
La création de votre ministère suscitait et suscite toujours de grands
espoirs, à condition qu'il ne soit pas un ministère parmi tant d'autres et à
condition que les moyens vous soient donnés de pourvoir à l'impulsion
aujourd'hui si nécessaire.
Depuis deux ans, peut-être avez-vous pensé, et cela assez justement, que la
définition d'une vraie politique de la recherche était impossible sans une
profonde modification des structures de la recherche.
Ces dernières ont subi l'érosion du temps, facteur d'inertie, d'immobilisme,
d'éparpillement et de durcissement.
Il en appert que ce qui était autrefois le « modèle français » dont nous nous
targuions est devenu « la singularité française » à laquelle il est urgent de
porter remède.
Monsieur le ministre, vous-même avez exprimé le voeu à plusieurs reprises de
voir les hommes politiques s'intéresser à la recherche. Et vous avez raison !
La loi organique d'orientation date de 1982, un timide toilettage date, si je
ne me trompe, de 1984. Pourquoi ne pas préparer - mais peut-être le faites-vous
- un débat devant le Parlement aboutissant à une grande loi d'évolution,
d'adaptation, bref, d'orientation de notre recherche scientifique, et tenant
compte de la mondialisation ainsi que, surtout, de l'évolution européenne.
Je n'aurai certes pas l'outrecuidance d'en tracer les grands traits
aujourd'hui, mais elle pourrait tenir compte de nos actuelles difficultés liées
au vieillissement de notre organisation.
Le statut des chercheurs, par exemple, constitue une exception française dont
nous pouvions être fiers. Conçu à l'époque comme une consécration du rôle
social éminent des intéressés, ce statut leur offrait non seulement une
garantie de carrière proche de la fonction publique, mais aussi une souplesse
complémentaire tenant compte de la diversité des métiers de chercheurs et de
leur nécessaire mobilité.
Le temps semble avoir quelque peu dévoyé ces excellentes dispositions. La
mobilité des chercheurs s'est quelque peu figée, tant entre secteurs public et
privé, qu'entre les différentes disciplines, qu'entre recherche et disciplines
associées, qu'entre l'enseignement supérieur et les organismes de recherche. Le
cloisonnement a fait son oeuvre ! C'était l'un des trois points évoqués tout à
l'heure par M. Revol.
Dans les universités, l'excellente idée du binôme enseignement-recherche s'est
peu à peu confondue au point que nombreux sont les enseignants chercheurs qui
n'effectuent, en réalité, aucun travail de recherche. Ainsi, en dix ans, le
budget de l'enseignement supérieur a-t-il plus que doublé, mais il est
impossible de savoir quel bénéfice proportionnel en a tiré la recherche.
Ces deux exemples semblent indiquer les quelques maux dont souffre notre
recherche scientifique. Il s'agit d'abord du manque de mobilité, qui freine la
reconversion des chercheurs vers d'autres tâches, car, sauf exceptions, il est
difficile de rester chercheur tout au long d'une carrière de quarante ans. Il
s'agit ensuite du manque d'orientation, du manque de valorisation des travaux
de recherche et, enfin, du manque d'évaluation du rendement de ces travaux.
Sauf erreur de notre part, nous croyons que la loi d'orientation se retourne
peu à peu contre ces nobles intentions premières.
En effet, pour remédier au morcellement, comme au cloisonnement, entre les
différents acteurs de la recherche, on a vu se multiplier de nouvelles
structures de coordination qui, loin d'apporter un remède, ont empilé, voire «
sédimenté » les structures, aggravant leur complexité et le foisonnement des
organismes.
Plusieurs rapports, entre autres, de la Cour des comptes, du Plan, de la
Commission européenne, de l'Observatoire des sciences et techniques, ont tiré
la sonnette d'alarme. En effet, alarme il y a, il faut le savoir, si nous ne
voulons pas que notre recherche gâche ses chances d'avenir, si nous voulons
attirer les jeunes étudiants, qui sont actuellement de moins en moins motivés,
si nous voulons empêcher la fuite des cerveaux. qui semble reprendre et
s'aggraver.
La tâche est énorme parce que aucune réforme de grande portée n'a marqué la
législature présente. Il y a eu quelques tentatives - je salue au passage la
loi de juillet 1999 -, mais la plupart se sont apparentées au Rocher de Sisyphe
!
Faire comprendre l'évolution indispensable est difficile, tant se sont
calcifiés les résistances au changement et le corporatisme des droits acquis,
tant les circonstances actuelles, propices au désir de satisfaire tout le
monde, se prêtent mal aux réformes courageuses.
Raison de plus pour se mettre à la tâche le plus vite possible, et c'est vous,
monsieur le ministre, qui êtes maître d'ouvrage, au nom du Gouvernement.
M. Roger-Gérard Schwartzenberg,
ministre de la recherche.
Plus exactement, maître d'oeuvre.
M. Lucien Lanier.
Nous ne demandons qu'à vous aider à valoriser le merveilleux potentiel de nos
chercheurs, de leurs organismes, de leurs laboratoires.
Monsieur le ministre, si votre effort d'ouverture est réel, reconnaissons-le,
il est néanmoins timide. Vous faites ce que vous pouvez avec ce que vous avez,
mais nous restons sur notre faim quant à la préparation d'une saine politique
de la recherche, cohérente, courageuse, durable, dont la logique attirerait les
moyens.
Nous en sommes encore loin, et c'est la raison pour laquelle le groupe du RPR
du Sénat rejoindra les conclusions de l'excellent rapporteur de notre
commission des finances
(Applaudissements sur les travées du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Badré.
M. Denis Badré.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, hier matin,
nous examinions l'article 26 du projet de loi de finances, lequel chiffre le
montant du prélèvement sur recettes qui est opéré sur notre budget pour nourrir
le budget européen. Le rapporteur spécial du budget des affaires européennes
que je suis s'est alors étendu assez longuement sur le volet recherche de ce
budget européen. Il en a fait une critique assez forte en s'appuyant sur les
réflexions qui lui ont été rapportées par de nombreux interlocuteurs.
Pour beaucoup, ce budget exacerbe les concurrences entre laboratoires
européens alors que nous attendrions plutôt de lui qu'il favorise toutes les
synergies possibles. Nous ne sommes plus au xixe siècle.
Le monde a changé, le monde est ouvert. L'information circule instantanément,
les capitaux circulent librement et les résultats de la recherche aussi.
A partir du moment où les résultats circulent librement, les chercheurs sont
contraints à l'excellence et les médiocres sont condamnés. Par ailleurs, plus
aucun Etat n'a besoin de favoriser la veille scientifique en entretenant des
chercheurs qui essaient de se tenir au courant mais qui ne font pas avancer la
science.
Seuls les chercheurs qui font avancer la science pourront survivre, et ils le
feront ensemble. Ils ne le feront pas de manière isolée car les meilleurs ont
besoin d'échanger. C'est d'ailleurs quelque peu paradoxal : alors que l'on
pourrait s'attendre à ce qu'ils puissent communiquer par voie électronique, ils
ont besoin d'échanges physiques. C'est sympathique aussi car cela signifie que
l'humanité reste ce qu'elle est et que, lorsqu'on touche à ce qu'elle a de plus
profond, à ce qui prépare l'avenir, les échanges entre les hommes restent
essentiels.
Pour communiquer, alors que seuls les meilleurs seront appelés à ces échanges,
ils ne se rencontreront plus qu'en un endroit dans le monde, et cet endroit,
malheureusement, dans beaucoup de disciplines, ce sera plutôt Boston que Sophia
Antipolis qui, pourtant, est très bien, Pierre Laffitte le sait mieux que
quiconque.
J'ai le regret d'avoir constaté, en tant que président de la mission sur
l'expatriation des compétences, des capitaux et des entreprises, que si,
effectivement, les Français sont très souvent les meilleurs dans un certain
nombre de disciplines - les mathématiques pures, les sciences du vivant ainsi
que l'économie - c'est plutôt à Boston qu'à Paris ou dans d'autres villes
françaises qu'ils travaillent.
Cette situation est réversible et tout reste possible, mais je me dois
aujourd'hui de tirer solennellement la sonnette d'alarme.
Le rapport que nous avons déposé a bien montré que l'aspect scientifique des
choses était au coeur de ce qui peut assurer la compétitivité de la France.
Bien sûr, il y a des aspects culturels, sociaux, économiques, financiers et
fiscaux - depuis huit jours, nous ne parlons que de cela dans cet hémicycle -
mais je me réservais d'insister aujourd'hui sur l'aspect scientifique des
choses.
Une solution pour que la France tienne son rang, demeure compétitive, reste
l'une des premières nations dans cette concurrence mondiale tout à fait
ouverte, une bonne solution implique vraiment qu'une régulation mondiale
intervienne pour que les plus avancés ne le soient pas toujours davantage et
que les plus en retard ne le soient pas toujours davantage.
Il faudra une harmonisation européenne. Il faudra, en France, une réforme de
l'Etat pour que l'image de la France dans le monde, et auprès des scientifiques
du monde entier soit améliorée.
Il faudra réduire les prélèvements obligatoires divers et variés qui pèsent
sur les entreprises et sur les Français, mais il faudra également que notre
appareil scientifique puisse exprimer complètement son potentiel, qui est
considérable.
L'enjeu est donc celui de la compétitivité de la France. Je reprends ce thème
comme un refrain depuis huit jours.
Je souhaite qu'on ne dise pas simplement qu'il fait bon vivre en France mais
qu'on dise plutôt qu'il fait bon chercher en France. Or, pour le moment, il
fait bon vivre en France, mais il fait plutôt meilleur chercher aux Etats-Unis.
Aux Etats-Unis en effet, on donne plus de liberté, plus de responsabilités plus
vite, et, bien sûr, plus de moyens aux chercheurs.
Je vous rappellerai les objectifs que le rapport de la mission que j'ai eu
l'honneur de présider avait définis.
Il nous faut d'abord garder nos scientifiques, ce qui ne veut pas dire qu'il
ne faut pas qu'ils voyagent régulièrement, qu'ils parcourent le monde et
rencontrent leurs partenaires là où ils sont.
Il faut aussi savoir faire revenir ceux qui sont partis. A partir du moment où
un scientifique parcourt le monde, il peut en effet être attiré par les
conditions qui lui sont offertes dans telle ou telle partie du monde.
A cet égard, nous avons récemment parlé des post-doctorants qui, sont partis
aux Etats-Unis et qui, lorsqu'ils terminent leur travail, se posent la question
de savoir s'ils rentrent en France. Dans notre pays, on leur offre des
perspectives souvent un peu étriquées et pas très enthousiasmantes, alors
qu'aux Etats-Unis, on leur propose tout et même le reste. Les Etats-Unis mènent
d'ailleurs actuellement une fantastique offensive pour attirer vers eux les
meilleurs du monde dans toutes les disciplines.
Il faut également que nous ayons le souci d'arrêter au passage les meilleurs
scientifiques étrangers qui vont vers les Etats-Unis, je pense notamment aux
Indiens. Les Indiens sont les premiers immigrants actuellement aux Etats-Unis,
essayons de les faire venir en France, essayons de leur montrer qu'ils pourront
aussi, et peut-être mieux, faire du bon travail en France.
Il faut enfin valoriser le travail que font les scientifiques français en
France et valoriser le travail que font les Français à l'étranger. On ne dit
pas assez que, dans un certain nombre de laboratoires d'excellence aux
Etats-Unis, ce sont des Français qui sont aux commandes. C'est le cas du chef
du département de l'économie du Massachusetts Institute of Technology, le MIT,
à Boston. Imaginons un instant qu'un étranger soit responsable de l'un de nos
grands laboratoires de recherche en France.
Nous n'y sommes pas encore complètement prêts ! A partir du moment où cela
existe aux Etats-Unis, sachons valoriser ces situations et travailler en réseau
pour créer de nouveau des synergies.
Pour atteindre ces objectifs, nous devons accroître l'autonomie de nos
universités afin de les rendre attractives. Lorsque la mission sénatoriale
s'est rendue aux Etats-Unis, les responsables de l'université de Chicago nous
ont expliqué qu'ils veillaient à ne jamais recruter, dans une université
donnée, les anciens élèves de cette université. Selon eux, s'ils les
recrutaient, cela signifierait que ces anciens élèves ne sont pas très bons et
qu'ils ne pourraient pas s'exporter ailleurs. Les responsables préfèrent, au
contraire, montrer qu'on les force à aller ailleurs dans une démarche de
conquête et, inversement, ils attirent chez eux les meilleurs des autres
universités. C'est ainsi que l'on crée une émulation. Dans ce domaine, nous
avons quelques progrès à faire !
Nous devons assouplir la gestion de notre appareil public de recherche, cela a
été dit. Tout le monde comprend ce que cela signifie, je ne développerai donc
pas.
Il faut savoir récompenser l'excellence. Là encore, nous avons pas mal de
progrès à faire.
Nous devons diversifier les financements de la recherche, notamment par le
développement de fondations. Pourquoi cela ne se ferait-il pas en France ou au
moins au niveau européen ? C'est dans ce sens qu'il faut aller.
Nous devons tout spécialement soutenir ce qui se fait dans les domaines dans
lesquels nous sommes les meilleurs, car il est essentiel d'occuper une position
phare et de pouvoir jouer le rôle de moteur. Je pense, à cet égard, aux
difficultés que traverse actuellement la recherche médicale française, qui
compte encore parmi les meilleures au monde, mais pour combien de temps ? Je
sens que, dans ce domaine, nous flageolons un peu et c'est bien triste.
Nous devons, bien sûr, développer aussi l'investissement des entreprises
innovantes ; je citerai à nouveau l'exemple de Sophia-Antipolis. Tout ce qui
vise à rapprocher les entreprises et la recherche est utile. C'est si vrai
qu'aux Etats-Unis on considère que le chercheur qui a réussi dans son domaine
est le plus apte à valoriser les résultats de sa recherche, donc le mieux placé
pour créer une entreprise, et qu'il n'est vraiment un bon chercheur que s'il a
réussi aussi dans l'entreprise.
Nous devons inciter les chercheurs à valoriser eux-mêmes leurs travaux, et
surtout accepter de raisonner autrement. Nous nous cantonnons en effet un peu
trop dans des raisonnements classiques. Nous ne nous interrogeons pas assez sur
la valeur des modèles américain, indien ou allemand. Faisons des comparaisons !
En France, nous avons toujours tendance à considérer que nous sommes les
meilleurs. Ce n'est pas toujours vrai, même si c'est souvent le cas et si nous
prenons plaisir à pousser, de temps en temps, quelques cocoricos.
Enfin - j'en terminerai par là -, nous devons donner le pouvoir à
l'imagination qui est, vous le savez mieux que personne, le véritable moteur de
la recherche. Elle doit être aussi le moteur d'une société française qui
prépare son avenir. Si nous ne faisons pas preuve de toute l'imagination
voulue, je crains que nous n'en restions à la case départ.
Notre politique de recherche doit également être le moteur de la compétitivité
de notre pays et, d'une manière générale, de l'économie et de l'emploi.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, sachons miser sur l'imagination. De
ce point de vue, beaucoup reste à faire, mais nous sommes là pour le faire
ensemble !
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et
des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans un
monde unipolaire, la recherche doit être une grande ambition pour notre pays,
compte tenu de la montée en puissance de nouveaux pays émergeants. Avec une
progression de 2,2 % des crédits et de 2,9 % des autorisations de programme, ce
budget s'inscrit dans la continuité du précédent, qui avait marqué la fin de
plusieurs années de baisse, ce qui est positif.
Je voudrais cependant soulever certains points de réflexion et souligner
quelques faiblesses.
Ainsi, le ratio du budget par rapport au PIB, lui, n'augmente pas. On peut y
voir un manque de détermination à vouloir donner sa véritable place à la
recherche.
Par ailleurs, la part publique dans la dépense intérieure de recherche et de
développement est en baisse constante par rapport à celle du privé, en nette
augmentation depuis plusieurs années. S'agirait-il d'un certain désengagement
de l'Etat, notamment sur la recherche fondamentale, au profit du privé, plus
préoccupé de recherche appliquée ? Je me refuse à le croire, mais, de ce point
de vue, ce budget n'est pas suffisamment volontariste.
Ce sont 463 emplois qui sont créés dans les établissements publics à caractère
scientifique et technique. Il s'agit, certes, d'une progression, mais elle est
toujours insuffisante pour répondre à la fois au nombre de départs à la
retraite attendus et à l'augmentation indispensable de l'emploi dans la
recherche si nous voulons rattraper notre retard sur le groupe de tête des pays
les mieux dotés, comme les Etats-Unis, le Japon, la Suède, la Finlande, et
d'autres encore.
Cela ne pourra bien sûr se faire qu'au travers non seulement d'une
valorisation affirmée des filières scientifiques et techniques, dans
l'enseignement à la fois professionnel et supérieur, mais aussi d'une
revalorisation régulière des allocations et des salaires qui permette de
renforcer réellement l'attractivité des carrières de la recherche à l'heure où
la seule garantie de l'emploi, dans une société de mobilité croissante dans le
parcours professionnel, n'est plus en soi un critère suffisant. La progression
du monitorat et l'augmentation des conventions industrielles de formation par
la recherche sont donc des sources de satisfaction. Les allocations recherche
progressent tout comme le nombre d'allocataires, mais c'est encore vraiment
insuffisant par rapport aux besoins. Le même constat peut être fait sur la
faiblesse des dotations aux établissements.
Un effort particulier mériterait aussi d'être porté sur l'éducation et la
culture scientifiques, actuellement réparties sur quatre ministères différents.
Dès l'amont, les centres de culture scientifique, technique et industrielle
devraient voir leur rôle renforcé pour éveiller le goût des plus jeunes et un
intérêt plus vif et durable du public. Les actions en faveur de la culture et
de l'information scientifiques méritent plus de soutien et de moyens. Le succès
de la Fête de la science, même si elle fut perturbée cette année, est là pour
démontrer que la demande est forte.
Le budget présenté insiste sur trois thèmes prioritaires : sciences du vivant,
environnement - énergie - développement durable, et sciences et technologies de
l'information et de la communication, qui connaissent les plus fortes
croissances. Je suis satisfait qu'un effort particulier soit porté sur ces
enjeux majeurs, dont l'importance ira certainement croissant dans un futur très
proche. Un risque, cependant, c'est qu'à tous les niveaux - Europe, Etat,
régions - on affiche les mêmes priorités et qu'il y ait à terme des
déséquilibres lourds de conséquences, je pense en particulier à la chimie et à
la physique.
En revanche, il est à déplorer que, malgré l'installation de six génopoles en
province, dont une à Lille, et malgré le souci de rééquilibrage des crédits du
budget civil dans les contrats de plan Etat-régions, la répartition des
activités, des équipements et des emplois de la recherche sur le territoire
national reste très inégale. La région d'Ile-de-France est toujours
surdimensionnée et les potentiels des autres régions, insuffisamment pris en
compte.
Je n'hésiterai donc pas à parler d'un nécessaire « aménagement scientifique du
territoire », impliquant par exemple la décentralisation de certaines activités
d'organismes tels que le CNRS et, surtout, l'augmentation du nombre de
chercheurs dans tous les grands organismes de recherche.
Le problème de l'adéquation entre la logique de déploiement des emplois des
organismes et celle du développement équilibré de la recherche reste posé.
C'est une question déterminante : nous n'insisterons jamais assez sur le rôle
stratégique éminent que la recherche joue dans la dynamisation économique,
sociale et culturelle des régions.
Vous me permettrez de plaider pour le Nord - Pas-de-Calais, pour dire que, si
les actions nouvelles de recherche, ce que l'on appelle « l'après SOLEIL », se
mettent en place peu à peu, je crains toutefois que nous ne soyons en dessous
du rythme souhaitable en ce qui concerne les emplois, surtout les allocations
de recherche, puisqu'il n'y a pas eu, pratiquement, de fléchage spécifique.
Globalement, se pose le problème des allocations de la recherche et de la
faiblesse de la dotation des établissements de la région.
Un dernier mot, enfin, pour regretter le manque de moyens pour la mise aux
normes de sécurité des laboratoires, en particulier universitaires, à la fois
pour les risques en termes environnementaux et pour les conditions de travail
et de sécurité des personnels.
Ce budget confirme donc l'inversement de tendance entamé l'année dernière par
rapport aux régressions passées, ce qui est un motif de satisfaction. Pourtant,
des efforts bien plus significatifs restent encore nécessaires pour faire de la
recherche un grand enjeu national. La place de la France dans le monde, le
dynamisme de son éducation, la vitalité et la force de son économie le
réclament. C'est ce que nous attendons pour les années à venir. Considérant ce
budget comme un encouragement à aller dans ce sens, monsieur le ministre, nous
le voterons donc.
M. le président.
La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget
civil de recherche et développement technologique, qui a connu une progression
constante depuis 1997, s'élève, pour l'année 2002, à 8 725 millions d'euros. En
progression de 2,2 % par rapport au budget voté pour 2001, il augmente, pour la
deuxième année consécutive, plus fortement que les dépenses de l'Etat et que
l'estimation de la croissance des prix à la consommation en 2002.
Cet effort budgétaire significatif porte quatre priorités : une politique de
l'emploi scientifique visant à rajeunir la recherche, le renforcement des
moyens de fonctionnement et d'investissement de la recherche publique, les
champs disciplinaires prioritaires que sont les sciences du vivant, les
sciences de l'environnement et de l'énergie, les sciences et technologies de
l'information et de la communication, le soutien à l'innovation et la recherche
industrielle.
Concernant l'emploi, vous avez annoncé, monsieur le ministre, le 25 octobre
dernier, un plan pluriannuel de créations d'emplois scientifiques sur dix ans,
afin d'anticiper les nombreux départs à la retraite entre 2004 et 2010. Ce plan
s'articule, dans une vision prospective d'ensemble, avec celui de
l'enseignement supérieur sur la période 2001-2003, mis en place par le
ministère de l'éducation nationale. D'ores et déjà, les créations de postes
prévues sont substantiellement plus élevées que les années précédentes : 500
emplois en 2002 contre 265 en 2001, 18 en 2000 et 140 en 1999.
Je me félicite, par ailleurs, de la revalorisation de l'allocation de
recherche à hauteur de 5,5 %, pour laquelle j'avais plaidé lors de la
discussion budgétaire de l'an passé.
Je considère que c'est un bon début, d'autant que cette revalorisation
s'inscrit dans un ensemble de mesures d'incitation en direction des jeunes
scientifiques telles que la généralisation de l'allocation de monitorat,
l'augmentation des conventions industrielles de formation pour la recherche,
l'action concertée incitative « jeunes chercheurs » pour encourager le
démarrage d'équipes de jeunes chercheurs.
Les moyens de la recherche publique se développent grâce à la poursuite de
l'augmentation des crédits de fonctionnement et d'investissement des
laboratoires publics : les établissements publics à caractère scientifique et
technique, les EPST, sont destinataires de l'ensemble des créations d'emplois
pour 2002 et bénéficient d'une hausse de 6,8 % de leurs autorisations de
programme permettant de relancer des opérations lourdes prioritaires. Le
soutien de base aux équipes de recherche des EPCST continue de progresser de
6,1 % et 70 % des crédits du Fonds national de la sicence sont accordés à des
équipes relevant d'organismes publics.
En matière de très grands équipements est prévu, dans le budget du CNRS, le
financement de la phase 1 du synchrotron de troisième génération « SOLEIL ».
L'institut français de recherche pour l'exploitation de la mer, l'IFREMER,
bénéficie d'une autorisation de programme de 6,61 millions d'euros pour son
nouveau bateau scientifique.
Enfin, la priorité affirmée en 2001 à l'égard de la recherche universitaire,
qui avait vu ses autorisations de programme progresser de 8,8 %, est
intensifiée avec un taux d'évolution des autorisations de programme de 19,3
%.
Parmi les champs disciplinaires prioritaires, les sciences du vivant reçoivent
un quart des moyens du BCRD. L'Institut national de la recherche agronomique,
l'INRA et l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, l'INSERM
bénéficieront respectivement de 100 et de 80 créations d'emplois, et leurs
moyens de fonctionnement et d'investissement progressent de manière
significative.
Il faut aussi noter les mesures en faveur des biotechnologies présentées par
M. le ministre de l'économie et des finances, lors de sa visite du Génopole
d'Evry, le 22 novembre dernier : un fonds de soutien aux entreprises de
biotechnologies, doté de 40 millions d'euros, qui garantira de 50 % à 70 % du
montant des prêts des entreprises innovantes en sciences de la vie et un fonds
de co-investissement, doté de 60 millions d'euros pour les jeunes entreprises
en quête de relais de financement.
Le deuxième poste de dépense du BCRD revient désormais aux recherches sur
l'environnement, l'énergie et le développement durable, dont 16 % des crédits
leur sont consacrés. En outre, la dotation du ministère de l'environnement au
BCRD augmente de 17 %.
Les moyens attribués aux sciences et technologies de l'information et de la
communication progressent, quant à eux, de 7,1 % et seront attribués
prioritairement à l'Institut national de recherche en informatique et en
automatique, l'INRIA, au développement du nouveau département des sciences de
l'information et de la communication du CNRS, au renforcement de l'équipement
de l'Institut du développement et des ressources en informatique scientifique,
l'IDRIS et au réseau national de télécommunication par la technologie,
l'enseignement et la recherche, de troisième génération, RENATER.
L'innovation et la recherche industrielle constituent, depuis le début de
cette législature, un axe fort de la politique de recherche du Gouvernement. La
loi du 12 juillet 1999 donne déjà de bons résultats, ce que n'a pas manqué de
souligner notre rapporteur de la commission des affaires culturelles, qui salue
en outre d'autres initiatives gouvernementales, telles que le concours national
d'aide à la création d'entreprises, l'appel à projet « Incubation et
capital-amorçage des entreprises technologiques » ou le fonds public pour le
capital risque.
Cependant, je ne pense pas que l'on puisse examiner le budget de la recherche
sans aborder la dimension européenne, et spécialement l'Europe spatiale et le
sixième programme-cadre de recherche et de développement, le PCRD, qui vient
d'être adopté.
Monsieur le ministre, lors du Conseil ministériel de l'Agence spatiale
européenne, chargé de passer en revue les différents programmes scientifiques
pour la période 2002-2006, vous avez obtenu des arbitrages positifs sur les
programmes qui sont, pour nous, prioritaires : Ariane, Galileo, le futur GPS
européen et le projet de surveillance par satellite
Global Monitoring
Environement and Security, GMES.
Ont été aussi abordées les négociations en cours avec la Russie visant à ce
que la fusée Soyouz décolle de la base guyanaise de Kourou à partir de 2003.
Comme s'en est fait écho la presse, dans un contexte où la concurrence,
essentiellement américaine, est de plus en plus forte et où le marché des
satellites de télécommunications tend à ralentir, ce projet fait ressortir des
difficultés sur le plan financier et des désaccords tant entre les différentes
composantes de l'Europe spatiale - Arianespace, EADS et la SNECMA - qu'avec la
Russie.
Or l'Europe spatiale, afin de poursuivre efficacement l'ensemble de ses
programmes, tels le programme scientifique, les développements technologiques
pour les satellites de télécommunications, ou encore le programme d'observation
de la terre, ne peut ignorer les avantages commmerciaux que lui offrirait
l'utilisation de deux fusées de capacités différentes à Kourou. D'autant que
cette coopération avec la Russie ouvrirait peut-être la voie à une
participation de l'industrie aéronautique civile russe dans le programme
Airbus, comme l'espère, en tout cas, EADS, ce qui renforcerait ses capacités de
recherche technologique et ouvrirait, à moyen terme, une perspective
d'accroissement de la puissance de l'Europe face aux industriels américains.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser l'état d'avancement des
négociations avec la Russie ?
Concernant le sixième PCRD, j'aborderai un point particulier, celui des
sciences humaines et sociales.
Peu nombreux, et c'est symptomatique, sont les rapporteurs ou les intervenants
sur ce budget qui abordent ce sujet. Bien sûr, ce ne sont pas les sciences
humaines qui dopent la croissance, mais dans une ère du « tout technologique »,
ce sont bien elles qui donnent du sens à notre société, et c'est également à
travers elles que se renforcera l'identité culturelle européenne.
Les sciences humaines et sociales sont au coeur des problématiques de notre
temps.
M. Pierre Laffitte.
Absolument !
M. Serge Lagauche.
Les questions éthiques soulevées par le clonage humain, dont nous aurons à
débattre prochainement, lors de la révision des lois « bioéthique » viennent
naturellement tout de suite à l'esprit.
Je pense également à l'exigence de connaissance et de compréhension de notre
mode contemporain, exacerbée par les attentats du 11 septembre et leurs suites.
Comment analyser ces événements sans le travail de réflexion et de mise en
perspective d'islamologues ou de spécialistes en géopolitique, par exemple ?
Nous avons besoin des sciences humaines et sociales pour faire reculer les
stéréotypes et les clichés à l'oeuvre, notamment, et trop fréquemment, dans les
médias, et ainsi, j'espère, faire reculer l'intolérance, trop souvent, liée à
la méconnaissance.
Monsieur le ministre, dans le cadre de la présidence française, vous aviez
organisé un colloque sur les « sciences de l'homme et de la société dans
l'Europe de la recherche », colloque au cours duquel vous avez plaidé pour
l'introduction des sciences de l'homme et de la société comme disciplines de
plein exercice dans le sixième PCRD. Qu'en est-il à ce jour ?
Pour conclure, je voudrais revenir sur l'avis rendu par la commission des
affaires culturelles.
Si je ne suis nullement étonné du rejet de ce budget par la commission des
finances, je n'en dirai pas de même de la décision de la commission des
affaires culturelles, qui s'en remet à la sagesse du Sénat.
Cet avis est motivé par deux seules critiques. La première concerne
l'insuffisante démocratisation de la culture sceintifique et technique. Or vous
venez justement de lancer, monsieur le ministre, les Assises de la culture
scientifique et technique La seconde critique, encore plus injustifiée, porte
sur la faible progression des crédits.
Prenons donc le temps de la comparaison pour placer la majorité sénatoriale
face à ses contradictions.
L'évolution du BCRD entre 1993 et 1997 a été de 3,4 %, alors que, sur la
période 1997-2002, elle a été de 9,4 %. Il en va de même pour l'emploi
scientifique : 928 emplois ont été supprimés entre 1993 et 1997 - quand vous
étiez, chers collègues de la majorité sénatoriale, aux responsabilités - contre
700 emplois créés sur la seule période 1997-2000, ou encore, concernant les
moyens des laboratoires, ils ont baissé de 12 % entre 1993 et 1997, contre une
hausse de 28 % depuis 1997. Etes-vous donc bien placés pour taxer cet effort
budgétaire d'insuffisant ? Assurément, ce n'est pas manquer d'objectivité ou de
réalisme que de vous répondre non.
Contrairement à vous, donc, le groupe socialiste apportera, en toute
objectivité et réalisme, son entier soutien au budget de la recherche pour
2002.
M. le président.
La parole est à Mme Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon propos
sera consacré au développement durable, cette conception humaniste du progrès
qui essaie de produire plus de bien-être avec moins de matière. C'est dire
combien cette performance a besoin d'une recherche foisonnante et active, tant
scientifique que sociale. En effet, l'écologie a un ennemi :
l'obscurantisme.
Tout d'abord, je plaiderai, comme nombre de mes collègues, pour la culture
scientifique.
Près de 10 millions d'euros sont mobilisables au budget. Nous en attendons une
réelle démocratisation du savoir et nous en espérons une juste répartition sur
l'Hexagone, au-delà des murs de la Cité des sciences et de l'industrie de La
Villette.
Monsieur le ministre, vous répondiez en ces termes à Mme Pourtaud, devant la
commission des affaires culturelles du Sénat : « Il n'est nullement envisagé de
remettre en cause le rôle de Paris comme grande métropole scientifique ni de
dépouiller l'Ile-de-France de ses équipements. »
M. Michel Pelchat.
Je l'espère !
Mme Marie-Christine Blandin.
Qui pourrait donc en avoir l'intention ? Mais où sont les compensations
promises aux Nordistes, spoliés du projet SOLEIL ? Et les provinciaux, sont-ils
condamnés à n'apprendre que le jour de la fête de la science ?
Le développement durable est un juste équilibre entre économie, social et
environnement avec, pour centre de gravité, la démocratie.
Regardons le budget de la recherche à l'aune de ces axes.
Nous nous félicitons de son accroissement. Ses priorités sont favorables à nos
préoccupations. L'effort sur les ressources humaines est lisible.
Il sera à poursuivre, car la pyramide des âges montre une majorité de
chercheurs ayant plus de cinquante ans. Il sera à répartir, et nous attendons
un plan de rattrapage des déséquilibres constatés pour ce qui est du nombre de
chercheurs en province.
Il sera à accompagner de mesures destinées à faciliter le vécu quotidien des
laboratoires, qui viseront, notamment, l'allégement des procédures pour
commander des produits ou équipements ; la consultation en amont et la prise en
compte des dynamiques locales avant de « parachuter » des pôles d'excellence ou
des incorporations dans des réseaux ; la survie des recherches « hors priorité
» ou « hors mode » ; la facilitation du dialogue transversal et l'aide aux
demandes de financement européen.
Le budget met pertinemment l'accent sur les sciences du vivant et
l'environnement. Ce faisant, il répond aux aspirations quotidiennes des
habitants.
Cependant, en regardant le détail, on s'aperçoit de la « vampirisation » de
nombreuses lignes par le nucléaire, qui se taille la part du lion, en énergie,
avec le CEA, et en environnement, avec l'IRSN, l'Institut de radioprotection et
de sûreté nucléaire.
La mixité des financements privés-publics, parfois inutile - je pense au
trésor du centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le
développement, le CIRAD - interroge sur l'origine des choix stratégiques :
profit des semenciers ou bien-être des paysans et des consommateurs ?
Et ce n'est pas le passage d'Axel Kahn de la présidence du comité consultatif
national d'éthique à la direction d'Aventis qui nous rassure sur la séparation
des genres...
Si la mixité des équipes est fertile, en aucun cas l'intérêt général ne doit
passer au second plan.
Que reste-t-il, en effet, aux énergies renouvelables, à la sécurité
alimentaire, à la prévention du risque - inondations, tempêtes, sels de métaux
lourds - à la biodiversité, tous ces domaines très peu investis par le privé
?
Faut-il faire le deuil définitif du programme Biovigilance ? Pourquoi ne pas
prévoir, dans chaque programme, 10 % sur la recherche des impacts ?
Enfin, le budget fait de l'espace une priorité. Cela permettra des
observations dynamiques fiables sur le climat, la couverture végétale, la
calotte glaciaire, et fournira des outils de prévention, pour le suivi des
pétroliers, par exemple. Est-ce que le Gouvernement a l'intention de veiller à
la mise à disposition du public de ces données ? Pour prendre un exemple, les
habitants du bassin minier paient, comme les autres, le CNES, par leurs impôts.
Il n'est donc pas normal que le coût d'une mesure réalisée par satellite des
affaissements des sous-sols et des sols soit hors de leur portée financière.
Le ministère des transports consacre, quant à lui, 342 millions d'euros à la
recherche. C'est indispensable. Les Français attendent, en effet, moins de
bruit, moins de pollution, moins de danger. Les regards sont tournés vers les
tunnels, les camions, les engorgements de circulation. Cependant, avec l'appui
des choix du ministère, une somme de 267 millions d'euros, soit 78 % du budget
consacré à la recherche par le ministère des transports, est consacrée à l'A
380 !
La disproportion est manifeste ! Avec tant d'argent, on aurait pu lancer le
ferroutage, les voitures propres, la régulation du fret, ou concevoir des
avions moins polluants, moins bruyants et nourrir autrement le débat sur le
néfaste troisième aéroport.
Ne pourrait-on au moins imaginer que, dans ce budget, une petite étude
sérieuse sur l'utilisation de dirigeables entre Bordeaux et Toulouse nous évite
la saignée routière destinée au transport des pièces de l'Airbus ?
Le développement durable, c'est aussi demain et ailleurs.
Alors que le risque a fait irruption de façon meurtrière dans notre confort de
nantis, l'heure est plus que jamais au principe de précaution ; chacun doit se
responsabiliser : chercheur, industriel, décideur.
Hier, on traitait d'obscurantistes ceux qui remettaient en cause les farines
animales ou l'amiante. Aujourd'hui, Tchernobyl, l'ESB, le mésothéliome de la
plèvre, le saturnisme des enfants renvoient l'obscurantisme dans le camp de
ceux qui n'ont que des certitudes.
Loin d'enrayer la recherche, le doute la pousse en avant et évite l'hypothèque
sur les générations futures. Quant aux alertes irrationnelles, elles n'ont pas
prise sur une société bien nourrie de culture scientifique indépendante.
Enfin, permettez-moi d'évoquer l'ailleurs : le reste de la planète qui peine
et qui souffre.
Seattle et Porto Alegre ont révélé une grande motivation pour trouver d'autres
équilibres. Cependant, ni Davos ni Doha ne mettent en perspective de pistes
fécondes.
A Rio, nous avons pris des engagements. Le développement mérite d'être mieux
appuyé par des recherches appropriées, comme celles de l'Institut de recherche
pour le développement, l'IRD.
Ainsi, au lieu de caricaturer le débat entre « pour et contre les OGM » il
serait plus sain d'énoncer le but fixé - éradiquons la faim - puis de regarder
les outils opérants.
A ce titre, la répartition équitable des terres, nous disent les chercheurs,
augmenterait de 18 % les ressources alimentaires du Pakistan et de 79 % celles
du Brésil. De même, l'amélioration de l'irrigation accroîtrait de 50 %
l'autosuffisance des pays en voie de développement.
Les pistes et les expertises pour un développement autonome, respectueux des
hommes et de la planète ne valent-elles pas autant que celle du génome ou des
sciences et techniques de l'information et de la communication ? La cotation en
Bourse du développement humain, certes, n'existe pas, mais le coût social et
environnemental du « mal-développement » pèse de plus en plus lourd dans la
balance de nos échanges, comme sur notre responsabilité.
Monsieur le ministre, c'est un budget en accroissement, porteur de bonnes
pistes, qui prend en compte des demandes de postes, dont vous proposez
l'inscription ; nous le soutiendrons. Cependant, le temps du rééquilibrage sur
l'ensemble du territoire, comme celui d'une recherche plus à l'écoute des
vraies aspirations des Français est venu : nous y serons attentifs.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Roger-Gérard Schwartzenberg,
ministre de la recherche.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, j'ai beaucoup de plaisir à me trouver avec vous ce soir, parce que
je suis avec des femmes et des hommes qui attachent de l'importance à la
recherche, ce qui n'est pas si fréquent, convenons-en.
J'ai bien noté quelques divergences, ici et là.
M. Jacques Valade,
président de la commission des affaires culturelles.
Mineures !
(Sourires.)
M. Roger-Gérard Schwartzenberg,
ministre de la recherche.
Je n'en minorerai pas l'importance, mais je
tiens tout de même à noter l'intérêt commun que nous portons à la recherche, ce
qui, en soi, constitue déjà un point qui nous rassemble.
(Nouveaux
sourires.)
Je répondrai d'abord aux rapporteurs, que je remercie de la grande qualité de
leurs travaux - sans toutefois me féliciter totalement du vote qu'ils
recommandent, mais c'est là un autre problème. Je tiens à remercier également
les orateurs des groupes, qui sont intervenus avec beaucoup de pertinence.
A la suite de M. Trégouët, plusieurs orateurs ont porté sur l'augmentation du
BCRD une appréciation qui ne correspond pas exactement à la vision que j'en ai.
L'augmentation de 2,2 % que connaîtra cette année le BCRD, si le projet de
budget du ministère de la recherche dans son ensemble est voté par le
Parlement, comme l'augmentation de 2,1 % qui était inscrite au budget de 2001,
adopté l'an dernier et en cours d'exécution - il est temps, d'ailleurs, compte
tenu de la période de l'année dans laquelle nous sommes ! - est supérieure non
seulement à l'inflation, dont la prévision s'établit à 1,5 % pour 2002, mais
aussi à l'augmentation moyenne du budget de l'Etat, qui est de 2 %.
M. René Trégouët,
rapporteur spécial.
Oui !
M. Roger-Gérard Schwartzenberg,
ministre de la recherche.
La différence n'est pas fulgurante, mais le
BCRD reste au-dessus de la barre.
Je ne citerai pas les budgets dont l'augmentation reste inférieure à la
moyenne, ce serait contraire à la confraternité gouvernementale, mais vous les
connaissez, et le budget de la recherche n'en fait pas partie : s'il n'est pas
encore un budget prioritaire, il a vocation à le devenir.
Un effort particulier en faveur du budget de la recherche s'est déjà
concrétisé dans le budget de 2001 et se confirme dans le projet de budget pour
2002. Je ne doute pas qu'il en ira de même avec le budget pour 2003, qui vous
sera nécessairement soumis : j'ignore qui aura la chance de le présenter, mais
je ne doute pas que celui qui le soutiendra - peut-être moi, sans doute un
autre - aura à coeur de faire encore mieux et plus, de façon que le budget de
la recherche soit définitivement et réellement prioritaire.
Je remarque que les budgets considérés comme prioritaires sont en réalité ceux
dont l'importance est évidente : je veux parler des budgets de la sécurité, de
la justice, de l'éducation et de l'environnement. Le budget de la recherche ne
figure pas encore sur la liste, mais il commence à s'en rapprocher de manière
significative.
M. Trégouët a commencé par dire - et comment ne pas être d'accord avec lui ? -
qu'il ne fallait pas se livrer à une bataille de chiffres. Certes ! Mais je
voudrais citer, comme je l'ai fait dans d'autres enceintes, la phrase que l'on
prête généralement à Disraeli : « Quand je me regarde, je me désole ; quand je
me compare, je me console. »
S'il fallait comparer les crédits des budgets votés depuis 1997, c'est-à-dire
celui de 1998 et les suivants, à ceux des budgets qui ont été adoptés de 1993 à
1997, je ne suis pas certain que la comparaison serait en défaveur de la
première série ! Je suis même persuadé du contraire. Mais je ne m'attarderai
pas sur ces chiffres, que vous connaissez comme moi, sinon mieux.
M. Trégouët a souligné deux points qui sont, en effet, dignes d'interrogation,
en tout cas de réflexion : le CNRS et les statuts des personnels.
En ce qui concerne le CNRS, il y a une tradition française. Aucune tradition
n'a nécessairement vocation à être maintenue ; en affirmant le contraire, je me
montrerais conservateur, voire traditionaliste. Mais cette tradition a été
portée par plusieurs hommes d'Etat français. Je veux parler de Jean Zay et de
Jean Perrin, qui ont oeuvré à la création du CNRS, en 1939, après une première
ébauche en 1938, parce qu'ils considéraient alors que la recherche
universitaire n'était pas assez productive. Citons également le général de
Gaulle, tant à la Libération qu'à son retour au pouvoir, à la fin des années
cinquante, ainsi que Pierre Mendès France. Tous estimaient que l'université, en
tout cas à l'époque, ne fournissait pas un effort de recherche qui fût
suffisant, non plus que le secteur privé.
C'est ainsi que l'effort s'est poursuivi en faveur de la recherche publique,
effort qui continue de nous placer à la tête du palmarès actuel pour la dépense
publique de recherche. Quant à la dépense privée, si elle est en progression,
elle n'atteint pas le même niveau qu'aux Etats-Unis ou au Japon.
Pour répondre plus précisément à M. Trégouët, le CNRS n'est pas une
organisation qui vivrait dans un splendide isolement, coupée par exemple de
l'université ; ainsi, le CNRS anime plusieurs unités mixtes auxquelles
collaborent également des universitaires.
Le CNRS lui-même, comme les autres EPST, est envisagé dans le plan décennal
pour la recherche, que certains d'entre vous ont bien voulu évoquer, dans la
perspective d'une complémentarité avec le plan de mon collègue de l'éducation
nationale pour l'enseignement supérieur, afin d'éviter les doublons et, au
contraire, de coordonner et d'harmoniser l'effort.
Certains s'interrogent sur l'opportunité de revoir le statut des personnels de
recherche. Mais imaginer, comme le font certains pays, des contrats à durée
déterminée serait en contradiction avec notre souhait de voir des « post-docs »
revenir de l'étranger, voire quitter les universités françaises : sortant déjà
de contrats d'environ trois ans, statut précaire par excellence, ces jeunes ne
seraient peut-être pas attirés vers la recherche, dans la situation de
compétition que nous connaissons actuellement, par un contrat à durée
déterminée qui les confirmerait dans la précarité.
C'est le souci que l'on peut avoir, dans le contexte actuel, sans pour autant
porter de jugement définitif sur la réflexion de M. Trégouët.
Quant aux procédures d'évaluation, je suis tout à fait d'accord avec M.
Trégouët : il faut encore les dynamiser et les renforcer. Une évaluation très
active - et très publique ! - des activités des organismes de recherche
pourrait en effet permettre d'équilibrer ce statut.
En ce qui concerne les services d'activités industrielles et commerciales, les
SAIC, je dois l'avouer :
mea maxima culpa -
ou plutôt
nostra maxima
culpa,
puisque, n'étant pas l'auteur de la loi qui les a instaurés, je n'ai
pas vocation à m'en attribuer les mérites non plus que les éventuelles
difficultés d'application.
Cette loi du 12 juillet 1999 est une loi excellente. L'un de vous regrettait
tout à l'heure qu'aucune réforme d'envergure n'ait été réalisée... Si, par
Claude Allègre ! Je ne parlerai que de lui, car évoquer d'autres réformes
reviendrait à m'abandonner à l'autosatisfaction, activité tout à fait proscrite
par la Haute Assemblée.
Cependant, vous savez que nous travaillons depuis deux ans au décret
d'application relatif aux SAIC. Nous avons abouti sur beaucoup de sujets,
notamment sur les modalités d'application de la TVA, sur la définition du champ
de ces services et sur le mode de calcul de l'impôt sur les sociétés, mais il
reste le problème de la taxe professionnelle. Représentants éminents des
collectivités locales, vous connaissez la complexité et la sensibilité de tels
sujets !
Les décrets sur les modes d'organisation et sur le régime budgétaire et
comptable, qui sont donc prêts, ont été validés par la conférence des
présidents d'université et par le ministère des finances. En effet, nous avons
tenu à associer à cette réflexion l'ensemble des acteurs de la réforme -
présidents d'université, agents comptables, secrétaires généraux d'université,
services fiscaux... - et à procéder à une étude d'impact rigoureuse, grâce à un
cabinet d'audit.
Dès le début de 2002, six universités mettront en place des SAIC, à titre
expérimental, sous l'égide d'un comité de pilotage composé de représentants des
universités, des ministères de l'éducation nationale et de la recherche, et des
services du ministère des finances.
Mon ministère n'est donc pas resté inactif. Au contraire, il a mené un long
travail d'étude et de préparation qui, je le reconnais, a été relativement long
- encore que, la loi ayant été promulguée le 12 juillet, quinze mois seulement
se soient écoulés !
MM. René Trégouët,
rapporteur spécial,
et Jacques Valade,
président de la commission des affaires culturelles.
C'était le 12 juillet 1999 !
M. Roger-Gérard Schwartzenberg,
ministre de la recherche.
J'ai donc fait une erreur de calcul, et la
réalité est pire que je ne la décrivais, de manière trop idyllique ! Le délai
écoulé est plus long que je ne le disais, et notre culpabilité n'en serait que
plus grande si elle n'était née du désir d'engager une concertation véritable
avec tous les acteurs du système et du souci d'aboutir à un texte qui soit
réellement efficace.
M. René Trégouët,
rapporteur spécial.
Beau rétablissement !
M. Roger-Gérard Schwartzenberg,
ministre de la recherche.
Nous avons rencontré de nombreuses difficultés
jusqu'à présent, car le régime appliqué par les universités aux activités de ce
type se situait parfois aux frontières des textes - frontières internes, bien
sûr.
J'en viens aux questions soulevées par Pierre Laffitte, à qui je veux rendre
hommage pour la parfaite connaissance qu'il a de ces sujets. Je relève qu'il
parlait de domaines « régaliens », étant lui aussi attentif à l'idée que la
recherche publique en France, par la tradition qui est la sienne, correspond au
fond à la recherche d'un intérêt supérieur de l'Etat ; car la recherche est non
seulement la maîtrise des savoirs fondamentaux, elle est aussi le moteur
principal de la compétitivité, de la croissance et de l'emploi. Si elle n'est
pas suffisamment assurée en dehors des organismes de recherche, il faut bien
que l'Etat joue son rôle !
Le fonds national de la science sera porté cette année à 1 milliard de francs,
si le Parlement en est d'accord, et le fonds de la recherche et de la
technologie, le FRT, a déjà été porté, l'an passé, à 1 milliard de francs. Il
reste à ce niveau, qui est tout à fait important. Je signale d'ailleurs - et
Pierre Laffitte le sait bien, puisqu'il en est partisan - que les crédits du
FRT profitent beaucoup plus que par le passé aux PME-PMI innovantes, ce qui me
paraît beaucoup plus sain que lorsque les grands groupes industriels, qui ont
peut-être moins besoin de l'aide de l'Etat, en étaient les principaux
bénéficiaires.
La mobilité, sur laquelle plusieurs orateurs ont insisté, est une nécessité
vitale pour la recherche et pour les chercheurs. C'est pourquoi nous veillons à
la développer. Ainsi, dans le plan décennal, dont certains ont bien voulu
parler, nous avons doublé le nombre de postes d'accueil réservés aux
enseignants chercheurs, aux universitaires, dans les organismes de recherche.
De son côté, l'éducation nationale a fait un effort particulier pour que les
postes d'accueil réservés aux chercheurs dans les universités voient aussi leur
nombre augmenter.
Par ailleurs, M. Lanier l'a évoqué, la loi de 1999 dont nous parlions à
l'instant favorise la mobilité des chercheurs vers le secteur extérieur en leur
permettant soit de créer leur propre entreprise et de valoriser ainsi eux-mêmes
les résultats de leur recherche, soit d'exercer des tâches de conseil dans les
entreprises, soit de participer à des conseils d'administration. De nombreuses
autres possibilités sont également offertes pour que les chercheurs, sans
rompre définitivement avec leur statut de chercheur public, puissent exercer
pendant plusieurs années des activités en dehors des organismes de recherche et
y revenir ensuite. Ces allers et retours entre la recherche publique et le
secteur privé me paraissent tout à fait importants.
Je remercie également Pierre Laffitte de ses propos sur l'innovation et le
transfert de technologies, sujet auquel nous sommes très attachés.
Trente et un incubateurs publics existent d'ores et déjà, sans compter les
incubateurs privés, qui font beaucoup pour accueillir, conseiller, « cocooner
», dirai-je, les jeunes entreprises, les jeunes pousses technologiques
porteuses de projets de création d'entreprises innovantes. Par ailleurs, les
fonds d'amorçage fonctionnent bien - trois fonds nationaux, plusieurs fonds
régionaux - et rendent l'Etat un peu
business angel,
à son tour,
vis-à-vis des
start-up
de
high-tech,
comme dirait la presse
financière française.
Que M. Revol, qui connaît lui aussi parfaitement ces problèmes et exerce les
responsabilités que l'on sait à la tête de l'Office parlementaire d'évaluation
des politiques publiques, ne se fasse nul souci, non plus que M. Ivan Renar ou
d'autres orateurs, pour les disciplines qui ne sont pas dans les champs
disciplinaires prioritaires retenus soit par le projet de budget pour 2002,
soit par le plan décennal.
En effet, ce dernier est bâti en étroite complémentarité avec l'action de
l'éducation nationale, et nous faisons en sorte que, au terme de ce plan
décennal, aucune discipline, quelle qu'elle soit, si l'on prend le système
global d'enseignement supérieur et de recherche, ne voie ses effectifs
diminuer. Nombre de disciplines « non prioritaires » verront même les leurs
augmenter.
En ce qui concerne la filière nucléaire, je suis tout à fait soucieux, comme
vous-mêmes, que l'obligation faite par la loi Bataille aux organismes de
recherche et aux ministères concernés de présenter les trois options
concevables je ne les classerai pas par ordre hiérarchique, mais je les citerai
comme elles viennent - l'entreposage en surface ou en subsurface, le stockage
en couches géologiques profondes et la séparation - transmutation - puisse être
respectée et que ces trois orientations soient effectivement présentées à la
représentation nationale en 2006.
Je peux d'ores et déjà vous assurer que tel sera bien le cas, les travaux du
CEA, d'une part, et de l'ANDRA, d'autre part, avançant très sûrement. Le CEA
réalise des travaux de grande qualité, avec un budget qui reste tout à fait
important, je le préciserai tout à l'heure.
En ce qui concerne le CNES, dont M. Serge Lagauche a parlé également à propos
des activités spatiales, je dirai que le budget de cet organisme, vous l'avez
d'ailleurs dit, monsieur Revol, est stabilisé - c'est la première fois depuis
quatre ans - alors qu'il avait connu les années précédentes certaines
diminutions. Il est stabilisé notamment parce que le CNES - Mme Marie-Christine
Blandin le disait tout à l'heure à propos des technologies spatiales - peut non
seulement avoir les activités qu'on lui connaît traditionnellement, notamment
les lanceurs Ariane, mais aussi représenter les technologies spatiales qui
peuvent être directement utiles à la vie quotidienne, en particulier une
meilleure prévision, et donc prévention, des risques naturels et des risques
industriels, pour une meilleure gestion des ressources naturelles comme l'eau,
pour l'examen de la déforestation ou de la désertification. Autant d'activités
très utiles, qui sont prévues dans le programme GMES,
Global Monitoring for
Environement and Security.
S'agissant du Conseil des ministres de l'espace, réuni à Edimbourg les 14 et
15 novembre, les décisions qui ont été prises par l'Agence spatiale européenne
- ESA, pour reprendre le sigle anglais - sont des résultats très positifs pour
l'Europe spatiale et, au sein de celle-ci, pour la France, qui est vraiment le
leader de l'Europe spatiale.
En ce qui concerne les programmes Ariane, auxquels vous êtes tous attachés, on
dénombre trois programmes essentiels.
Le premier, c'est le programme Ariane 5 Plus étape 3, qui consiste à porter
l'emport d'Ariane à dix tonnes dès la mi-2002 puis à douze tonnes en 2006, pour
tenir compte de la nécessité de maintenir le concept de lancement double qui
permet de lancer deux satellites à la fois et de tenir compte du fait que les
satellites de communication sont de plus en plus volumineux et représenteront
bientôt six tonnes chacun. Ce programme Ariane 5 Plus étape 3 est tout à fait
nécessaire pour maintenir notre avance technologique par rapport aux lanceurs
américains qui sont des concurrents de plus en plus redoutables, mais par
rapport auxquels nous avons environ deux ans d'avance technologique, qu'il faut
maintenir, « bétonner », si je puis dire.
Le deuxième programme, c'est le programme d'accompagnement de recherche et de
technologie ARTA. J'évoque dès à présent le programme consacré à des tâches qui
sont également importantes puisqu'elles englobent le renouvellement du
financement du centre spatial guyanais.
Le troisième programme, c'est le programme INFRA, qui vise, à la demande
d'Arianespace d'ailleurs, à réduire les disparités de concurrence - M. Revol le
sait, puisqu'il a beaucoup travaillé sur ce point - avec les lanceurs
américains qui utilisent presque gratuitement les bases de l'armée américaine,
alors qu'Arianespace doit financer à peu près 50 % du coût de fonctionnement du
centre spatial guyanais.
Pour ces trois programmes - Ariane 5 plus, ARTA, INFRA - nous avons obtenu de
l'Allemagne, après de nombreuses discussions, qu'elle y consacre un milliard de
francs de plus que ce qui était prévu voilà encore un mois.
Si l'on ajoute à ces trois programmes qui sont relatifs à Ariane le programme,
dont j'ai parlé par anticipation, de renouvellement du financement du centre
spatial guyanais de 2002 à 2006, le centre de Kourou, on aboutit à un total de
2,1 milliards d'euros. Il s'agit d'une somme considérable, dont se réjouit le
président d'Arianespace, il me l'a dit, et dont se réjouit également le CNES,
bien entendu, parce que cela permet de garantir durablement l'avenir d'Ariane,
et à coup sûr pour ces quatres années. Toujours en ce qui concerne Edimbourg,
vous le savez, on a beaucoup parlé jusqu'à présent du système Galileo sans
passer à la décision, donc à l'action. Le véritable lancement de la phase de
développement de Galileo, c'est un milliard d'euros, supporté pour moitié entre
l'Agence spatiale européenne et l'Union européenne, représentée par le Conseil
« transports ». Jusqu'à présent, personne n'avait véritablement décidé de
consacrer des crédits significatifs au lancement de la phase de développement
de Galileo. Cela a été fait à Edimbourg, où les Etats ont décidé d'y consacrer
547 millions d'euros. Le Conseil « transports » de l'Union européenne se
réunira en décembre. Je ne doute pas, pour en avoir parlé avec mon collègue
Jean-Claude Gayssot, que, au vu de la décision prise par l'Agence spatiale
européenne, le Conseil « transports » vote à son tour les crédits nécessaires,
soit environ 450 millions d'euros, pour que la phase de développement de
Galileo soit lancée.
Je me réjouis que cette décision ait été prise. En effet, voilà quelques
semaines ou quelques mois encore, l'opportunité de lancer un système de
positionnement par satellite indépendant du GPS américain ne faisait pas
l'unanimité. Certains pays comme la France, l'Italie, l'Espagne et la Belgique
étaient convaincus de la nécessité de se doter d'un tel système. D'autres pays,
comme la Grande-Bretagne, n'en étaient pas persuadés et c'est un euphémisme.
Une troisième catégorie de pays, notamment l'Allemage, étaient plutôt réticents
et réservés. L'Allemagne a bien voulu changer d'avis, la Grande-Bretagne aussi,
sous réserve que le Conseil des ministres européens des transports vote, lui
aussi, des crédits, ce qui sera très certainement fait. Par conséquent, nous
aurons un système de positionnement par satellite, qui nous permettra d'avoir
une information d'accès autonome, sans dépendre d'autrui, pour des matières qui
concernent la sécurité sous tous ses aspects, notamment la sécurité militaire.
Pour cette dernière, nous ne pouvons pas nous en remettre totalement à autrui,
même s'il s'agit d'alliés. Nous avons besoin, en tant qu'Européens et notamment
comme Français, d'avoir un système indépendant.
Pour répondre à MM. Lagauche et Revol, je précise que d'autres décisions ont
été prises à Edimbourg, qui intéressent particulièrement la France. C'est le
cas des crédits consacrés aux premières initiatives concrètes de mise en oeuvre
du système GMES que j'évoquais à l'instant et qui s'élèvent à 83 millions
d'euros pour une meilleure surveillance, et donc une meilleure protection, de
l'environnement. C'est également le cas des programmes ARTES, qui sont des
programmes de soutien à la recherche sur les satellites de télécommunication,
qui représentent 1 million d'euros. Comme nos industriels français Astrium et
AlcatelSpace sont particulièrement performants dans ce secteur, c'est important
pour notre industrie.
M. Revol a également parlé de la nécessaire déconcentration géographique de
notre potentiel de recherche. Il est vrai que celui-ci était souvent assez
concentré sur certaines régions et pas seulement sur l'Ile-de-France. Nous
souhaitons, comme Mme Blandin à qui je répondrai tout à l'heure, procéder à une
meilleure répartition du potentiel de recherche et d'enseignement supérieur sur
l'ensemble du territoire.
L'enseignement supérieur est d'ailleurs mieux diffusé sur l'ensemble du
territoire que ne l'est le système de recherche, puisque des structures
universitaires existent dans un très grand nombre de départements. Mais nous
avons, comme vous le savez, un schéma de service collectif de l'enseignement
supérieur et de la recherche qui trace les grandes lignes de l'organisation de
l'enseignement supérieur et de la recherche à moyen et à long terme et qui
permettra de mieux répartir ceux-ci sur l'ensemble du territoire.
Je comprends très bien les régions qui souhaitent avoir un potentiel de
recherche encore accru par rapport à l'Ile-de-France, même si, au cours des
années précédentes, nombre de déconcentrations ont été réalisées de
l'Ile-de-France vers d'autres régions. Je ne remets pas en cause la décision
elle-même. Mais si l'on veut conserver des pôles scientifiques capables de
rivaliser aussi avec l'extérieur, notamment avec les pôles britanniques et
allemands, nous ne pouvons continuer de trop déshabiller l'Ile-de-France, sans
quoi cette région qui est le premier pôle scientifique national risquerait de
ne plus pouvoir lutter à armes égales avec les autres places scientifiques,
pour prendre une image dont vous voudrez bien m'excuser.
M. Pelchat a évoqué différents points. Je lui répondrai, comme à d'autres
orateurs, sur la part de dépenses de recherche par rapport au PNB, car ce point
est souvent et légitimement soulevé. Parmi les grands pays de l'OCDE, la France
occupe la quatrième place - elle est quasiment troisième
ex aequo
- pour
la dépense intérieure de recherche et développement. Les chiffres qui sont à
notre disposition datent de 1999. Le pourcentage de la dépense totale de
recherche et développement par rapport au PIB était, en 1999, de 3,04 % au
Japon, de 2,64 % aux Etats-Unis, de 2,44 % en Allemagne et de 2,19 % en France.
Viennent très sensiblement derrière le Royaume-Uni, le Canada, l'Italie,
etc.
S'agissant de la France, il ne faudrait pas avoir l'image d'un pays qui serait
très mal placé par rapport à d'autres grandes nations scientifiques. En effet,
nous restons bien placés, mais encore insuffisamment. Comme vous, je souhaite
améliorer cette position. D'ailleurs, elle s'améliore faiblement et
progressivement. Il ne serait pas exact de dire que la part des dépenses de
recherche dans le PIB s'est dégradée continûment, puisqu'on observe une très
légère remontée. Je reconnais qu'elle est faible : nous sommes passés de 2,17 %
en 1998 à 2,19 % en 1999. Le pourcentage va continuer à monter.
S'agissant de la dépense publique de recherche, en pourcentage, nous sommes en
tête compte tenu de la tradition que j'ai citée, loin devant les Etats-Unis et
le Japon. Si, au total, les Etats-Unis et le Japon sont devant nous en
pourcentage, c'est parce que, dans ces pays, la recherche des entreprises
privées mobilise beaucoup plus de crédits qu'en France. Traditionnellement,
jusqu'à une période récente, et personne n'y pouvait rien de manière décisive,
les entreprises françaises s'en remettaient à la recherche publique plutôt qu'à
leur propre effort de recherche pour avancer dans ce secteur. Cette situation
est en train de changer. Voilà environ un mois, une enquête du
Monde
montrait que les grands groupes industriels privés présents en France ont accru
leurs dépenses de recherche de 11 % en 2000.
Quand je disais que nous n'y pouvions pas grand-chose, c'est un peu inexact
parce que les réseaux de recherche et d'innovation technologique - sept ont été
créées par M. Claude Allègre et sept ou huit depuis - qui associent recherche
publique et recherche privée ont pour intérêt, notamment, de tirer vers le haut
la recherche privée, y compris en matière de dépenses, et de faire en sorte que
la recherche privée consacre davantage de crédits à ces activités qu'elle ne le
faisait par le passé.
Sur le plan décennal et sur les engagements qui seront tenus ou qui ne le
seront pas, il ne tient qu'à nous de les tenir. C'est une oeuvre collective.
S'il s'agit de dire que ce Gouvernement, après avoir éventuellement été
reconduit à la suite du grand « steeple-chase » électoral du printemps, ne
tiendrait pas ses engagements, je peux accepter ce raisonnement de la part de
l'opposition actuelle, même si je ne le partage pas, bien sûr. En effet, je ne
vois pas pourquoi nous ne tiendrions pas des engagements que nous avons déjà
réalisés à moitié si le projet de budget pour 2002 est voté, puisque les 1 000
emplois sont créés en quatre ans dans les budgets 2001, 2002, 2003 et 2004.
Nous aurons fait déjà la moitié du chemin. Pourquoi ne ferions-nous pas le
reste ?
En revanche, si le risque évoqué porte sur une majorité qui serait différente,
je ne peux vous offrir de garantie.
M. Michel Pelchat.
Ce n'était pas mon propos !
M. Roger-Gérard Schwartzenberg,
ministre de la recherche.
Je n'en ai pas la capacité ; je ne veux pas
surestimer ma capacité prévisionnelle. Mais pourquoi, sachant l'intérêt que
tous les partis politiques, tous les groupes parlementaires portent à la
recherche, des engagements qui paraissent censés, utiles, ne seraient-ils pas
tenus tant par les uns que par les autres ? J'ai confiance dans l'intérêt que
tous portent à la recherche dans ce pays. La communication sur le plan décennal
de gestion prévisionnelle et pluriannuelle de l'emploi scientifique a été faite
en conseil des ministres. Certes, ce dernier est majoritairement composé de
membres de la majorité...
M. Jacques Valade,
président de la commission des affaires culturelles.
Très largement !
(Sourires.)
M. Roger-Gérard Schwartzenberg,
ministre de la recherche.
... mais il siège sous l'autorité d'une
personnalité qui n'appartient pas et ne souhaite pas appartenir à la majorité
actuelle, comme c'est bien normal. Par conséquent, cette communication a été
faite dans un cadre qui ne se limite pas exclusivement à la majorité.
S'agissant de la moindre attractivité de la France pour les étudiants
étrangers, signalée par M. Pelchat, je ne contesterai pas les chiffres, en tout
cas pour la période qui n'est pas très récente. Je mettrai davantage en doute
l'interprétation que l'on peut en donner ; en effet, si les étudiants étrangers
sont venus moins nombreux en France dans les années quatre-vingt-dix, c'est
moins pour des raisons d'attractivité de la recherche française que pour des
raisons de type administratif liées à certaines dispositions tendant à
restreindre quelque peu - c'est le moins que l'on puisse dire - l'accès de
personnes de nationalité étrangère, fussent-elles étudiantes, au territoire
national. La situation est maintenant différente, et je crois donc qu'il ne se
posera plus, en tout cas, de la même manière.
Je tiens à dire, que, comme M. Pelchat et d'autres orateurs, nous avons le
souci de faire en sorte que les jeunes « post-docs » français qui sont à
l'étranger n'y restent pas. Mais il n'y a pas 3 000 à 4 000 « post-docs » à
l'étranger. Il y a, au total, 3 000 à 4 000 « post-docs », dont certains sont à
l'étranger et dont beaucoup sont en France. Mais il y a encore trop de «
post-docs » français qui restent à l'étranger au-delà de trois ans : selon le
Centre d'études et de recherches sur les qualifications, le CEREQ, au-delà de
trois ans, 7 % des « post-docs » français ne rentrent pas en France. C'est
encore beaucoup trop bien sûr, mais il ne faut pas surestimer l'importance du
phénomène.
Nous souhaitons donc lutter contre cette situation par différentes mesures,
dont principalement le plan décennal de gestion prévisionnelle et pluriannuelle
de l'emploi scientifique ; ce plan a d'ailleurs commencé à s'appliquer au
budget de 2001, et il a ainsi pu permettre au Centre national de la recherche
scientifique, à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, et
à beaucoup d'organismes de recherche de lancer des campagnes de recrutement non
seulement sur le territoire national, mais aussi auprès des chercheurs français
se trouvant à l'étranger. Et, au lieu d'une mouvement de
brain drain
auquel nous assistions jusqu'à une période récente, nous constatons réellement
l'amorce - je ne dis pas que c'est un raz-de-marée ! - d'un mouvement de
back drain
, de retour de « post-docs » français dans notre pays, ces
jeunes chercheurs sachant pouvoir y trouver des emplois et s'y insérer.
J'ai en partie répondu à M. Revol sur le CEA ; je voudrais néanmoins ajouter
qu'il faut considérer le grand organisme qu'est le CEA sur une période assez
longue ; entre 1998 et 2001, la subvention du CEA a connu une augmentation
forte - 700 millions de francs - et c'est donc par rapport à cette augmentation
que doit s'apprécier la stabilisation de 2002. Le CEA dispose de moyens
importants. J'ai beaucoup d'estime pour la qualité scientifique des recherches
effectuées au sein du CEA, qu'elles concernent l'énergie ou d'autres domaines,
tels les problèmes de santé. J'ai récemment pu inaugurer au CEA, à Saclay, un
laboratoire de recherche sur les tissus infectés par des prions, qui est de
très grande qualité. Vous connaissez l'efficacité du département Sciences de la
vie du CEA, qui est l'un des départements pionniers et peut-être même « le »
département pionnier sur les recherches relatives aux infections à prions.
S'agissant de la gestion prévisionnelle des risques, je partage tout à fait le
sentiment de M. Laffitte : il est effectivement nécessaire - nous avons, hélas
! l'expérience récente de ce qui s'est passé à Toulouse - de mener une
réflexion plus approfondie sur les risques industriels éventuels. Et, en effet,
pourquoi ne pas articuler cette réflexion autour d'instruments comme les
technopoles, selon la suggestion que faisait très sagement le sénateur Pierre
Laffitte ?
MM. Laffitte et Ivan Renar, ainsi que d'autres orateurs, ont insisté sur la
démocratisation de la culture scientifique et technique. Je rappellerai que le
ministère de la recherche exerce la cotutelle sur la Cité des sciences et de
l'industrie de La Villette et sur le Muséum. Si le Sénat crée une mission sur
ce sujet, je n'y verrai pour ma part que des avantages.
M. Jacques Valade,
président de la commission des affaires culturelles.
Très bien !
M. Roger-Gérard Schwartzenberg,
ministre de la recherche.
Nous avons en effet tout à fait intérêt à
travailler les uns et les autres sur ce sujet. Je suis très ouvert aux
suggestions du Parlement : elles sont souvent excellentes - en particulier
celles du Sénat... mais je n'exclus pas pour autant celles de l'Assemblée
nationale !
(Sourires.)
La démocratisation de la culture scientifique et technique constitue vraiment
une action que nous portons ensemble : si la fête de la science, qui dure une
semaine, constitue le point le plus visible de cette action - elle bénéficie en
effet de l'appui des médias -, les organismes de recherche, tels le CNRS,
l'INSERM, le CEA, et beaucoup d'autres organisent tout au long de l'année des
rencontres avec le public, notamment avec des jeunes, voire mettent en place
des cafés des sciences.
A propos du sujet difficile des OGM, il nous faut, à mon avis, adopter de part
et d'autre une attitude complètement équilibrée. C'est un problème extrêmement
délicat sur lequel il n'y a pas de réponse certaine. Et c'est bien pour cela
qu'il y a un débat et la nécessité d'un débat citoyen : certains insistent sur
les risques éventuels des OGM pour la santé et surtout pour l'environnement ;
d'autres mettent davantage l'accent sur les perspectives ouvertes par ces OGM
dans le domaine agricole - possibilité d'obtenir des cultures plus résistantes
à la sécheresse, ce qui peut intéresser certains pays du tiers-monde - ou en
matière d'application thérapeutique. Ainsi, par exemple, l'insuline est
fabriquée depuis quinze ans à partir d'une bactérie modifiée, alors qu'elle
provenait auparavant de pancréas de porcs ou de bovins ; les
insulino-dépendants bénéficient donc maintenant d'un traitement parfaitement
sûr, ce qui, compte tenu de l'ESB, ne serait pas le cas avec l'ancien mode de
fabrication.
Il est donc nécessaire de procéder à un examen extrêmement attentif des
risques potentiels, des avantages possibles, et de prendre, après un large
débat parlementaire et un large débat citoyen, la décision la plus appropriée.
Il n'y a pas de raison de prendre une décision avec des
a priori
positifs ou négatifs, de quelque côté que ce soit. La recherche publique, parce
qu'elle est indépendante, se comporte à l'égard des OGM non pas comme un avocat
des OGM ou un procureur contre les OGM, mais comme un juge d'instruction, qui,
comme tous les juges d'instruction de France, instruit à charge et à
décharge.
M. Michel Pelchat.
Ah bon ?
(Sourires.)
M. Roger-Gérard Schwartzenberg,
ministre de la recherche.
C'est du moins la mission qui leur est dévolue
!
M. Michel Pelchat.
Ah ! C'est leur mission ?
M. Jacques Valade,
président de la commission des affaires culturelles.
La référence est
dangereuse !
M. Roger-Gérard Schwartzenberg,
ministre de la recherche.
C'est donc comme cela qu'elle est très
certainement exercée !
En ce qui concerne la culture scientifique et technique, j'ai répondu trop
brièvement à M. Laffitte ; Mme Blandin a cité la réponse que j'avais faite à
Mme Pourtaud lors de mon audition devant la commission. Mais c'était la fin de
ma réponse ; j'avais dit qu'un aménagement scientifique du territoire était
nécessaire et qu'il fallait opérer une meilleure diffusion par rapport à
l'Ile-de-France. Mme Pourtaud étant élue de l'Ile-de-France, elle a logiquement
plaidé la cause de cette région, ce qui peut se comprendre. Et je vois ici au
moins deux sénateurs élus, au sein de l'Ile-de-France, d'un département
particulièrement sympathique : le Val-de-Marne
(Sourires.)
On peut très bien comprendre qu'il ne faille pas trop « délester »
l'Ile-de-France. Il faut non pas continuer de « délester » l'Ile-de-France,
mais implanter des activités nouvelles dans d'autres régions qui le méritent
bien. C'est le sens de la réponse que j'ai faite à Mme Pourtaud.
M. Lanier a parlé du nucléaire. Sur ce sujet, je suis tenté de faire la même
réponse que sur les OGM, même si je ne suis pas sûr qu'elle vous satisfera
totalement : le nucléaire pose de véritables problèmes et, là aussi,
s'opposent, sur les plateaux de la balance, les avantages et les
inconvénients.
Les avantages sont bien connus : l'absence d'émissions de gaz à effet de
serre, ce qui est un problème...
M. Michel Pelchat.
Considérable !
M. Roger-Gérard Schwartzenberg,
ministre de la recherche.
... très préoccupant ; l'indépendance
énergétique de la France et de l'Europe, par rapport à d'autres énergies,
spécialement le pétrole, qui nous rendent beaucoup plus dépendants...
M. Michel Pelchat.
Fragiles !
M. Roger-Gérard Schwartzenberg,
ministre de la recherche.
... de l'extérieur et des aléas extérieurs.
M. Pierre Laffitte,
rapporteur pour avis.
C'est vrai !
M. Roger-Gérard Schwartzenberg,
ministre de la recherche.
De l'autre côté, il importe aussi - il ne faut
pas se le dissimuler - de disposer de précisions accrues sur la sûreté des
installations, sur l'absence de risques et le devenir des déchets radioactifs.
Cet aspect doit être aussi considéré. C'est pourquoi j'évoquais les trois axes
de la loi « Bataille ». Il est indispensable d'avancer sur ce dossier. On ne
peut pas dire - c'est le propre d'ailleurs des responsables politiques que vous
êtes et que j'essaie d'être à vos côtés - que tout est noir ou que tout est
blanc. Mais, comme on est bien obligé de prendre une décision, il faut la
prendre au vu d'une information très pluraliste, diversifiée, qui envisage
l'ensemble des problèmes.
M. Lanier, tout en ayant prononcé les propos aimables auxquels je suis
sensible, a dit que la recherche était « un grand navire qui court sur son
aire, moteur au ralenti ». Je le remercie de ne pas parler de « frêle esquif »
de « steamer balançant ta mâture », comme l'a fait Mallarmé, ou de
Titanic.
C'est un effort louable de sa part.
(Sourires.)
Je crois que le moteur du navire dont vous parlez n'avance pas au ralenti.
Bien au contraire, il marque réellement une accélération par rapport aux années
antérieures, et je ne fixerai pas de bornes particulières dans les années
antérieures pour ne pas rendre le débat plus vif, sachant d'ailleurs qu'il a
été d'excellente qualité, en tout cas en ce qui vous concerne.
Je veux répondre à M. Badré, que j'ai écouté avec beaucoup d'attention et dont
j'ai lu avec grand intérêt le rapport de la mission qu'il a présidée sur
l'expatriation des compétences, des capitaux et des entreprises. Je sais
l'intérêt très vif qu'il porte à ce sujet.
S'agissant de l'élaboration du sixième programme cadre de recherche et de
développement, ou PCRD, qui a été adopté par le Parlement européen et qui doit
être examiné par le Conseil européen des ministres de la recherche le 11
décembre prochain, je partage tout à fait son avis : il faut que le PCRD
fonctionne mieux. La France, pour sa part, s'efforce de convaincre ses
collègues européens de recourir à ce qu'on appelle les nouveaux instruments, à
savoir les critères d'excellence, qui doivent être davantage pris en compte, et
la concentration des moyens.
Jusqu'à présent, le PCRD a tendu à saupoudrer quelque peu à travers l'ensemble
de l'Europe l'effort d'abord de la Communauté européenne puis de l'Union
européenne en faveur de projets d'inégal intérêt.
On ne peut pas continuer ainsi. M. Badré a tout à fait raison : il faut que
l'argent public, collecté d'ailleurs auprès des contribuables des différents
Etats européens, serve à fortifier la recherche en Europe là où elle est
réellement excellente et de grande qualité. Il serait vain de disperser
l'argent public européen sur de petits projets de moindre intérêt. Nous devons
nous doter non seulement de centres d'excellence, mais aussi - à défaut, ce
serait restrictif - de réseaux d'excellence alliant les uns et les autres afin
que l'effort public de recherche européenne obéisse à une certaine
concentration sur des projets réellement très prometteurs, et que nous soyons
et restions à ce niveau de compétitivité que M. Badré évoque.
Quant à la compétitivité de la France, je suis d'accord avec lui pour que nous
essayions ensemble de l'accroître. Qu'il fasse bon vivre en France, c'est
indéniable ! Qu'il fasse bon y chercher ? Vous souhaiteriez, monsieur le
sénateur, que la tendance s'accentue. Je crois qu'il fait tout de même bon
chercher, en France, notamment parce que nous avons fait, à travers le temps,
un effort particulier en faveur des très grands équipements. A cet égard, je
tiens à remercier les orateurs qui ont bien voulu parler du synchrotron SOLEIL.
Il est très important, pour des chercheurs, de savoir qu'ils peuvent disposer
de grands équipements scientifiques analogues ou identiques à ceux qu'ils
trouveraient aux Etats-Unis, par exemple. Il y a aussi le plan décennal de
gestion prévisionnelle et pluriannuelle de l'emploi scientifique, la première
nécessité pour attirer des jeunes vers la recherche étant de donner à ceux qui
ont à choisir de s'engager ou non dans des études scientifiques longues une
information sûre quant aux débouchés qu'ils pourront ou non trouver.
On ne s'engage pas dans des études scientifiques conduisant jusqu'à la thèse
si l'on ne sait pas à l'avance s'il y a ou non des débouchés dans ce secteur.
S'il n'y en a pas, mieux vaut alors s'arrêter au niveau de la maîtrise ou du
DEA et ne pas rédiger de thèse.
En ce qui concerne la présence des chercheurs étrangers en France, je rappelle
que 15 % des chercheurs recrutés par le CNRS sont de nationalité étrangère,
provenant le plus souvent de pays européens. Aucun effort n'est fait en ce sens
: ce résultat obéit à la loi naturel de la recherche de la compétence et de
l'excellence.
Il est tout à fait possible d'envisager de développer les fondations. Un
projet de loi visant à l'institution d'une fondation pour les études
comparatives, patronné à la fois par M. le président du Sénat et par M. le
président de l'Assemblée nationale, a déjà été voté par cette dernière. Il
devrait être examiné prochainement par le Sénat.
M. Ivan Renar a qualifié ce budget d'« encouragement à aller de l'avant »; je
tiens à l'en remercier.
En ce qui concerne les emplois, je voudrais tout de même attirer son attention
sur le plan décennal, qui représente un effort très important. C'est beaucoup
plus qu'un simple lissage. La communauté scientifique, elle, demanderait un
simple lissage, c'est-à-dire que l'on crée des emplois pour anticiper les
départs à la retraite des années 2005 à 2010. On rendrait ensuite entre 2005 et
2010 les emplois qui auraient été créés.
Le plan décennal va bien au-delà puisqu'il crée 1 000 emplois nets de 2001 à
2004, en dehors de tout redéploiement ou départ à la retraite. Sur ces 1 000
emplois créés, 200 seulement seront rendus en fin de période. Ainsi, 800
emplois seront conservés à titre définitif par le système public de la
recherche, qui se trouvera augmenté d'autant à l'issue de l'exercice et même
avant puisque tous les emplois seront injectés dans le système d'ici à 2004 et
que la moitié d'entre eux le sera cette année, si ce projet de budget est
voté.
C'est le plus gros effort qui a été fait en ce domaine dans notre pays depuis
plusieurs décennies. La loi et le plan qui avaient été adoptés sur l'initiative
de Jean-Pierre Chevènement quand il était ministre de la recherche ne visaient
que la titularisation et ne créaient donc pas massivement ou, en tout cas, de
manière importante, des emplois nouveaux. Il s'agissait de titulariser des
personnels qui, auparavant, ne l'étaient pas. Le projet de budget prévoit un
système différent qui est une véritable création d'emplois nets en
supplément.
M. Ivan Renar, dont je connais depuis longtemps l'intérêt pour ces matières, a
fait part de ses préoccupations à propos de la culture scientifique Je connais
notamment les préoccupations qu'il peut avoir pour l'Ile-de-France et le Nord -
Pas-de-Calais. Il les a souvent exprimées, de même que Marie-Christine
Blandin.
Je tiens à vous dire, madame, monsieur le sénateur, qu'un effort particulier
est réalisé en faveur de la région Nord - Pas-de-Calais, dans la mesure où est
prévu pour cette région un plan de renforcement de la recherche doté de 350
millions de francs sur six ans, somme qui viendra s'ajouter aux 710 millions de
francs du contrat de plan Etat-région. L'Etat consentira lui-même un effort de
près de 200 millions de francs, destinés notamment à la création de 78 postes
de chercheurs et d'ingénieurs.
Au terme de ce plan, les effectifs de chercheurs dans le Nord - Pas-de-Calais
auront augmenté de 20 %. Nous sommes donc tout à fait désireux d'augmenter le
potentiel de recherche dans le Nord - Pas-de-Calais, qui le mérite bien par la
qualité même de ses chercheurs et de ses activités, mais nous souhaitons aussi
mieux répartir sur l'ensemble de la France le potentiel de recherche.
C'est également dans cet objectif que nous avons décidé la création d'une
huitième génopole, la génopole ouest-Bretagne, Pays-de-Loire, qui offrira un
éventail assez large et qui sera dotée d'une spécificité en génomique
marine.
M. Serge Lagauche, que je remercie vivement pour l'appréciation qu'il a portée
sur ce budget, a insisté, comme il l'avait fait l'an passé, je lui en donne
acte, sur la nécessité d'augmenter l'allocation de recherche. J'ai été sensible
au message qu'il a exprimé.
Cette revalorisation commence à se concrétiser dans ce projet de budget
puisque, ainsi qu'il a bien voulu le rappeler, l'allocation augmente de 5,5 %.
Certains diront sans doute que ce n'est pas encore assez, j'en conviens, mais
c'est une première étape. Sachons tout de même que cette seule mesure de
revalorisation se traduira par une ouverture de crédit de 95 millions de
francs.
Nous avions auparavant surtout augmenté le nombre des allocataires de
recherche, qui s'élève au total à 11 900. Nous commençons maintenant à
augmenter le montant de l'allocation de recherche, qui passera donc à 7 800
francs le 1er janvier prochain.
Cette revaloriation peut paraître limitée, mais la plupart des allocataires de
recherche, en tout cas 67 % des nouveaux allocataires, sont en même temps
moniteurs de l'enseignement supérieur. Autrement dit, pour un service allégé de
64 heures par an, ils perçoivent une rémunération de 2 200 francs. Tout ceux -
ils sont très nombreux aujourd'hui - qui sont à la fois allocataires de
recherche et moniteurs bénéficieront donc d'un revenu total de 10 000 francs
par mois, ce qui est plus confortable que ce qu'ils touchaient auparavant.
M. Lagauche a insisté sur la place des sciences humaines et sociales. Je
partage tout à fait son opinion. Jusqu'à présent, dans le PCRD, les sciences
humaines et sociales étaient plutôt considérées comme des disciplines
d'appoint, voire comme des disciplines ancillaires, placées au service d'autres
disciplines. Comme ce sont des disciplines très importantes pour la vie de
notre société sous différents aspects, j'ai souhaité que ces sciences soient
retenues comme des disciplines à part entière dans le sixième PCRD, ce qui va
être fait. Ainsi, une des sept priorités du PCRD, « gouvernance et citoyenneté
», fait appel de manière essentielle aux sciences humaines et sociales, les
sciences qui donnent du sens à notre société.
J'ai d'ailleurs inauguré hier soir, dans le cadre bilatéral, le CIRA, le
Centre interdisciplinaire d'études sur les recherches liées à l'Allemagne. Nous
avons voulu ainsi accroître, en France, l'effort de recherche sur l'Allemagne,
de même que les Allemands ont augmenté, en Allemagne, l'effort de recherche qui
est fait sur la France.
Mme Blandin s'est dite soucieuse de notre conception humaniste du progrès. Je
la comprends tout à fait. C'est le grand problème que nous avons à résoudre
ensemble.
Le progrès des sciences et des technologies est perçu de manière parfois
ambivalente. On mesure très bien les incidences que peuvent avoir les progrès
de la recherche médicale, sur l'allongement de la durée de la vie, par exemple.
Une fille qui naît aujourd'hui sur deux sera centenaire. On mesure également
les avantages des progrès de la recherche médicale en matière de thérapie
cellulaire ou de thérapie génique. D'ailleurs, la seule thérapie génique
réussie au monde pour l'instant est celle qui a été mise en oeuvre par le
professeur Fischer à l'hôpital Necker, à Paris.
Mais parallèlement, certains éprouvent des craintes quant aux risques
d'applications dévoyées qui pourraient être faites de telle ou telle
techniques. Je pense évidemment au clonage reproductif. A ce propos, vous le
savez, la France et l'Allemagne, agissant ensemble, ont déposé un projet de
résolution auprès de l'ONU de manière à préparer une convention internationale
proscrivant, dans l'ensemble des pays du monde, le clonage reproductif. Il est
donc nécessaire non pas d'encadrer la science, car les scientifiques sont des
hommes et des femmes de conscience, mais de faire en sorte, notamment sur le
plan international, que soient édictées des règles éthiques, communément
approuvées et suffisamment fortes pour que le développement des sciences et des
techniques serve au progrès humain sans donner lieu à des applications que l'on
pourrait déplorer, notamment si elles conduisaient à une manipulation de la
substance vivante, voire à une marchandisation du vivant. Bien sûr, madame, il
est nécessaire de garantir un développement humaniste de la science !
Mme Blandin a également beaucoup parlé de la culture scientifique. Je peux lui
dire, comme à M. Renar, que nous sommes tout à fait déterminés à appliquer le
plan que j'ai annoncé le 9 février 2001, à Lille, en faveur de l'augmentation
du potentiel de recherche dans la région Nord-Pas-de-Calais.
Je comprends tout à fait le souci de Mme Blandin de voir financer et se
développer des recherches qui ne portent pas seulement sur des sujets très
techniques, dont les citoyens ne mesurent pas immédiatement toujours l'intérêt,
mais qui portent aussi sur des sujets touchant à la vie quotidienne, notamment
à l'environnement ou à la sécurité alimentaire.
Pour l'environnement, notamment pour ce qui concerne le secteur
énergies-développement durable, ce projet de loi de finances fait un effort
considérable dans la mesure où ce secteur devient le deuxième poste du BCRD
tandis que les crédits de recherche du ministère de l'environnement augmentent
de 17 %.
Quant à la sécurité alimentaire, il est évidemment nécessaire de la renforcer.
C'est ce que nous faisons, notamment en accentuant de manière significative
notre effort de recherche sur les maladies à prion. Les crédits consacrés à
cette recherche ont en effet été multipliés par trois, grâce à la décision du
Premier ministre, passant ainsi de 70 millions de francs en 2000 à 210 millions
de francs en 2001. En réalité, ils atteignent un total de 250 millions de
francs grâce à un redéploiement de crédits opéré au sein de notre budget afin
de développer encore plus les recherches sur les infections à prion.
Ces recherches avancent bien, car elles sont soutenues par un groupement
d'intérêt scientifique qui fédère tous les partenaires : INSERM, CNRS, CEA, les
différents ministères concernés, les universités, l'Institut Pasteur, bien
d'autres encore.
Il est très important de réunir tous ceux dont le travail sur un même sujet
donne lieu à des réalisations importantes. Je parlais du laboratoire de Saclay,
mais il convient également de citer les animaleries protégées qui sont en cours
d'aménagement et qui vont permettre d'avancer encore plus rapidement sur les
infections à prion et notamment, sur le nouveau variant de la maladie de
Creutzfeldt-Jakob.
S'agissant d'environnement, j'apporterai une précision supplémentaire à
Marie-Christine Blandin : les crédits de l'environnement - et je ne fais pas là
de distinction selon que ces crédits sont gérés directement par le ministère de
la recherche ou par le ministère de l'environnement - augmenteront de 3,3 %.
Ils auront ainsi augmenté de 24 % depuis 1997.
L'INRA verra ses crédits croître de 10 % et bénéficiera de 100 emplois
supplémentaires, ce qui est important, notamment pour les recherches liées à la
sécurité alimentaire. L'AFSSA l'a créée voilà déjà plusieurs années, reçoit
également des crédits importants. L'IRSN voit ses crédits progresser de 18 %.
L'INERIS bénéficiera également, comme il est légitime, de crédits
significatifs.
Mme Blandin a bien voulu parler de l'Institut de la recherche pour le
développement. Vingt emplois sont créés au projet de budget 2002, ce qui est,
je crois, sans précédent pour cet institut, dont les crédits vont augmenter de
5 %.
Nous avons tous la volonté de faire en sorte que la recherche ne soit pas
repliée sur l'Europe, sur le monde occidental, sur le Nord : il faut qu'elle
profite aussi au pays du Sud, au tiers-monde. La France a d'ailleurs toujours
joué un rôle particulier dans la diffusion des résultats de la recherche vers
les pays du Sud et aussi dans la stimulation des activités de recherche menées
dans les pays du Sud eux-mêmes.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les réponses que je souhaitais
apporter à vos questions, avec le souci d'être aussi précise que possible.
Je veux, en terminant, vous dire que j'ai été très sensible aux appréciations
plutôt positives qui ont été portées sur l'action conduite dans mon secteur. Je
note cependant qu'elles n'emportent pas automatiquement un jugement de même
nature sur le budget que je vous soumets ou du moins sur le budget d'ensemble
dans lequel s'insère le budget de la recherche. Mais rêvons un instant, si vous
le permettez. Si, par exemple, le budget de la sécurité faisait l'objet d'une
augmentation significative - c'est d'ailleurs le cas -, le rejetteriez-vous
pour autant sous prétexte qu'il fait partie d'un budget d'ensemble que vous
n'approuvez pas ? Je n'en suis pas totalement persuadé.
Certes, ce budget est une partie d'un tout. Mais pourquoi n'adopteriez-vous
pas la position consistant à vous satisfaire d'une partie sans être satisfaits
de la totalité. Après tout, une telle démarche ne serait ni complètement
illégitime ni complètement irrationnelle. J'aurais donc tendance à plaider en
sa faveur. Si je ne vous convaincs pas, j'en serai déçu !
Au-delà de la boutade, je crois que la recherche est un sujet qui échappe
largement aux clivages traditionnels. C'est plutôt un sujet de consensus, et je
suis heureux de le dire en présence de M. Jacques Valade, qui a été en charge
de ce secteur dans un gouvernement précédent. Il sait comme moi, comme le
savaient aussi les hommes de la IIIe République que je citais tout à l'heure,
le général de Gaulle, Pierre Mendès France et beaucoup d'autres, que la
recherche est une véritable ambition collective, emblémathique de l'intérêt
général, au sens national mais aussi au sens européen.
C'est d'ailleurs un signal fort qui serait adressé à nos partenaires européens
et à l'ensemble de la communauté scientifique internationale si le Parlement
français tout entier, Assemblée nationale et Sénat, se rassemblait autour d'un
nouvel horizon pour la recherche.
En outre, cela inciterait sans doute les concepteurs du budget pour 2003 à
prévoir une progression plus forte encore.
Tels sont les éléments de réflexion que je voulais livrer à la sagesse de
votre asssemblée, sagesse à laquelle je m'en remets. Si la Haute Assemblée
pouvait faire une exception au théorème qu'elle a envisagé d'appliquer, ce ne
serait pas une mauvaise chose pour la recherche. Pour ma part, évidemment, je
m'en réjouirais.
(Applaudissements.)
M. Michel Pelchat.
Belle philosophie !
(Sourires.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et
C et concernant la recherche.
ÉTAT B
M. le président. « Titre III : 48 784 132 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président.
« Titre IV : 7 863 286 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
ÉTAT C
M. le président.
« Titre V. - Autorisations de programme : 1 220 000 euros ;
« Crédits de paiement : 610 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 2 264 898 000 euros ;
« Crédits de paiement : 1 853 216 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant la recherche.
10
TRANSMISSION D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de M. Bernard Fournier une proposition de loi tendant à interdire
l'indemnisation d'un « préjudice de naissance ».
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 103, distribuée et renvoyée
à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage
universel, du règlement et d'administration générale sous réserve de la
constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues
par le règlement.
11
TEXTES SOUMIS AU SÉNAT
EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4
DE LA CONSTITUTION
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Proposition de règlement du Conseil arrêtant des mesures autonomes concernant
l'importation de poissons et de produits de la pêche originaires de la
République de Chypre.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E-1872 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil concernant la conservation, la
caractérisation, la collecte et l'utilisation des ressources génétiques en
agriculture et modifiant le règlement (CE) n° 1258/1999.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E-1873 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil relative à la signature, au nom de la
Communauté européenne, d'un accord sous forme de protocole d'accord entre la
Communauté européenne et la République islamique du Pakistan concernant des
arrangements dans le domaine de l'accès au marché des produits textiles et
d'habillement, et autorisant son application provisoire.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E-1874 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Initiative de la République fédérale d'Allemagne, du Royaume de Belgique et
de la République française en vue de l'adoption de l'acte du Conseil
établissant le protocole modifiant la convention sur l'emploi de l'informatique
dans le domaine des douanes en ce qui concerne la création d'un fichier
d'identification des dossiers d'enquêtes douanières.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E-1875 et distribué.
12
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée à aujourd'hui, vendredi 30 novembre 2001, à neuf heures trente, à quinze
heures et le soir :
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2002, adopté par
l'Assemblée nationale (n°s 86 et 87, 2001-2002) (M. Philippe Marini, rapporteur
général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation).
Deuxième partie. - Moyens des services et dispositions spéciales :
Economie, finances et industrie :
Services financiers (et articles 66 et 67) (et consommation) ;
M. Bernard Angels, rapporteur spécial (rapport n° 87, annexe n° 11) ;
Mme Odette Terrade, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques et du Plan (consommation et concurrence, avis n° 89, tome IX).
Industrie (et Poste) (et article 67
quater
) :
M. Jean Clouet, rapporteur spécial (rapport n° 87, annexe n° 12) ;
M. Francis Grignon, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques et du Plan (industrie, avis n° 89, tome V) ;
M. Jean Besson, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques
et du Plan (énergie, avis n° 89, tome VI) ;
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques et du Plan (technologies de l'information et Poste, avis n° 89,
tome XXI).
Petites et moyennes entreprises, commerce et artisanat (et articles 67
bis
et 67
ter
) :
M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial (rapport n° 87, annexe n° 13) ;
M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques et du Plan (avis n° 89, tome VIII).
Commerce extérieur :
M. Marc Massion, rapporteur spécial (rapport n° 87, annexe n° 25) ;
M. Michel Bécot, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques et du Plan (avis n° 89, tome X).
Charges communes (et article 64
ter
) :
Comptes spéciaux du Trésor (et articles 35 à 41, 41
bis
et 42) :
M. Yves Fréville, rapporteur spécial (charges communes, rapport n° 87, annexe
n° 7) ;
M. Paul Loridant, rapporteur spécial (comptes spéciaux du Trésor, rapport n°
87, annexe n° 44).
Services du Premier ministre :
I. - Services généraux (et article 77) (à l'exclusion des crédits relatifs à
la fonction publique, à l'audiovisuel et à la presse) :
M. François Marc, rapporteur spécial (rapport n° 87, annexe n° 34).
II. - Secrétariat général de la défense nationale :
M. Michel Moreigne, rapporteur spécial (rapport n° 87, annexe n° 35).
III. - Conseil économique et social :
M. Claude Lise, rapporteur spécial (rapport n° 87, annexe n° 36).
IV. - Plan :
M. Claude Haut, rapporteur spécial (rapport n° 87, annexe n° 37).
M. Jean-Paul Alduy, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques et du Plan (avis n° 89, tome XII) ;
Budget annexe des Monnaies et médailles :
M. Bertrand Auban, rapporteur spécial (rapport n° 87, annexe n° 40).
Budget annexe des Journaux officiels :
M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial (rapport n° 87, annexe n° 38).
Délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant
l'examen des crédits de chaque ministère
Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant
l'examen des crédits de chaque ministère est fixé à la veille du jour prévu
pour la discussion, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements aux crédits
budgétaires pour le projet de loi de finances pour 2002
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits budgétaires
et articles rattachés du projet de loi de finances pour 2002 est fixé à la
veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième partie
non joints à l'examen des crédits du projet de loi de finances pour 2002
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième
partie, non joints à l'examen des crédits du projet de loi de finances pour
2002, est fixé au vendredi 7 décembre 2001, à seize heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le vendredi 30 novembre 2001, à zéro heure cinq.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD
ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE
CONSEIL NATIONAL DE L'AMÉNAGEMENT
ET DU DÉVELOPPEMENT DU TERRITOIRE
Lors de sa séance du 29 novembre 2001, le Sénat a désigné M. Bernard Saugey
pour siéger au sein du Conseil national de l'aménagement et du développement du
territoire, en remplacement de M. René Garrec, démissionnaire.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON
ANNEXES AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du jeudi 29 novembre 2001
SCRUTIN (n° 21)
sur le titre III de l'état B du projet de loi de finances pour 2002, adopté par
l'Assemblée nationale (budget des affaires étrangères).
Nombre de votants : | 318 |
Nombre de suffrages exprimés : | 314 |
Pour : | 112 |
Contre : | 202 |
Le Sénat n'a pas adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :
Pour :
23.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (19) :
Pour :
6. _ MM. Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Gérard
Delfau, Rodolphe Désiré, et François Fortassin.
Contre :
9.
Abstentions :
4. _ MM. Jean-Pierre Fourcade, Jean François-Poncet,
Pierre Laffitte, et Jacques Pelletier.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (95) :
Contre :
93.
N'ont pas pris part au vote :
2. _ MM. Christian Poncelet, président du
Sénat, et Serge Vinçon, qui présidait la séance.
GROUPE SOCIALISTE (83) :
Pour :
83.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (53) :
Contre :
53.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (41) :
Contre :
41.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (6) :
Contre :
6.
Ont voté pour
Michèle André
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Marie-France Beaufils
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marie-Christine Blandin
Nicole Borvo
Didier Boulaud
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Claire-Lise Campion
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Yvon Collin
Gérard Collomb
Yves Coquelle
Raymond Courrière
Roland Courteau
Yves Dauge
Annie David
Marcel Debarge
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Michelle Demessine
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Evelyne Didier
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Guy Fischer
François Fortassin
Thierry Foucaud
Jean-Claude Frécon
Charles Gautier
Jean-Pierre Godefroy
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Odette Herviaux
Alain Journet
André Labarrère
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
André Lejeune
Louis Le Pensec
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Jean-Yves Mano
François Marc
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Josiane Mathon
Pierre Mauroy
Louis Mermaz
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Roland Muzeau
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Daniel Raoul
Paul Raoult
Daniel Reiner
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Michèle San Vicente
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Jean-Pierre Sueur
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Jean-Marc Todeschini
Pierre-Yvon Tremel
André Vantomme
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber
Ont voté contre
Nicolas About
Philippe Adnot
Jean-Paul Alduy
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
Gérard Bailly
José Balarello
Gilbert Barbier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Daniel Bernardet
Roger Besse
Laurent Béteille
Joël Billard
Claude Biwer
Jean Bizet
Jacques Blanc
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
Didier Borotra
Joël Bourdin
Jean Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Christian Cointat
Gérard Cornu
Jean-Patrick Courtois
Xavier Darcos
Philippe Darniche
Robert Del Picchia
Jean-Paul Delevoye
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Dériot
Sylvie Desmarescaux
Yves Detraigne
Eric Doligé
Jacques Dominati
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Louis Duvernois
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Jean-Claude Etienne
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
Françoise Férat
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Christian Gaudin
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Gisèle Gautier
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Jacqueline Gourault
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Charles Guené
Michel Guerry
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Françoise Henneron
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Daniel Hoeffel
Jean-François Humbert
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Bernard Joly
Alain Joyandet
Jean-Marc Juilhard
Roger Karoutchi
Joseph Kerguéris
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
André Lardeux
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
René-Georges Laurin
Jean-René Lecerf
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Jean-François Le Grand
Serge Lepeltier
Philippe Leroy
Marcel Lesbros
Valérie Létard
Gérard Longuet
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Max Marest
Philippe Marini
Pierre Martin
Jean Louis Masson
Serge Mathieu
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Monique Papon
Anne-Marie Payet
Michel Pelchat
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Josselin de Rohan
Janine Rozier
Bernard Saugey
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Bruno Sido
Daniel Soulage
Louis Souvet
Michel Thiollière
Henri Torre
René Trégouët
André Trillard
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Jean-Marie Vanlerenberghe
Alain Vasselle
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Jean-Paul Virapoullé
François Zocchetto
Abstentions
MM. Jean-Pierre Fourcade, Jean François-Poncet, Pierre Laffitte, et Jacques
Pelletier.
N'ont pas pris part au vote
MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Serge Vinçon, qui présidait la
séance.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : | 319 |
Nombre des suffrages exprimés : | 315 |
Majorité absolue des suffrages exprimés : | 158 |
Pour : | 112 |
Contre : | 203 |
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.
SCRUTIN (n° 22)
sur la motion n° 1, présentée par M. Alain Vasselle au nom de la commission des
affaires sociales, tendant à opposer la question préalable au projet de loi de
financement de la sécurité sociale pour 2002, adopté avec modifications par
l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.
Nombre de votants : | 318 |
Nombre de suffrages exprimés : | 313 |
Pour : | 202 |
Contre : | 111 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :
Contre :
23.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (19) :
Pour :
9.
Contre :
5. _ MM. Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Gérard
Delfau, et François Fortassin.
Abstentions :
5. _ MM. Rodolphe Désiré, Pierre Laffitte, Aymeri de
Montesquiou, Georges Mouly, et Jacques Pelletier.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (95) :
Pour :
93.
N'ont pas pris part au vote :
2. _ MM. Christian Poncelet, président du
Sénat, et Serge Vinçon, qui présidait la séance.
GROUPE SOCIALISTE (83) :
Contre :
83.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (53) :
Pour :
53.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (41) :
Pour :
41.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (6) :
Pour :
6.
Ont voté pour
Nicolas About
Philippe Adnot
Jean-Paul Alduy
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
Gérard Bailly
José Balarello
Gilbert Barbier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Daniel Bernardet
Roger Besse
Laurent Béteille
Joël Billard
Claude Biwer
Jean Bizet
Jacques Blanc
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
Didier Borotra
Joël Bourdin
Jean Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Christian Cointat
Gérard Cornu
Jean-Patrick Courtois
Xavier Darcos
Philippe Darniche
Robert Del Picchia
Jean-Paul Delevoye
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Dériot
Sylvie Desmarescaux
Yves Detraigne
Eric Doligé
Jacques Dominati
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Louis Duvernois
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Jean-Claude Etienne
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
Françoise Férat
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Christian Gaudin
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Gisèle Gautier
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Jacqueline Gourault
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Charles Guené
Michel Guerry
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Françoise Henneron
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Daniel Hoeffel
Jean-François Humbert
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Bernard Joly
Alain Joyandet
Jean-Marc Juilhard
Roger Karoutchi
Joseph Kerguéris
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
André Lardeux
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
René-Georges Laurin
Jean-René Lecerf
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Jean-François Le Grand
Serge Lepeltier
Philippe Leroy
Marcel Lesbros
Valérie Létard
Gérard Longuet
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Max Marest
Philippe Marini
Pierre Martin
Jean Louis Masson
Serge Mathieu
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Monique Papon
Anne-Marie Payet
Michel Pelchat
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Josselin de Rohan
Janine Rozier
Bernard Saugey
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Bruno Sido
Daniel Soulage
Louis Souvet
Michel Thiollière
Henri Torre
René Trégouët
André Trillard
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Jean-Marie Vanlerenberghe
Alain Vasselle
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Jean-Paul Virapoullé
François Zocchetto
Ont voté contre
Michèle André
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Marie-France Beaufils
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marie-Christine Blandin
Nicole Borvo
Didier Boulaud
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Claire-Lise Campion
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Yvon Collin
Gérard Collomb
Yves Coquelle
Raymond Courrière
Roland Courteau
Yves Dauge
Annie David
Marcel Debarge
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Michelle Demessine
Dinah Derycke
Evelyne Didier
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Guy Fischer
François Fortassin
Thierry Foucaud
Jean-Claude Frécon
Charles Gautier
Jean-Pierre Godefroy
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Odette Herviaux
Alain Journet
André Labarrère
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
André Lejeune
Louis Le Pensec
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Jean-Yves Mano
François Marc
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Josiane Mathon
Pierre Mauroy
Louis Mermaz
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Roland Muzeau
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Daniel Raoul
Paul Raoult
Daniel Reiner
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Michèle San Vicente
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Jean-Pierre Sueur
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Jean-Marc Todeschini
Pierre-Yvon Tremel
André Vantomme
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber
Abstentions
MM. Rodolphe Désiré, Pierre Laffitte, Aymeri de Montesquiou, Georges Mouly, et
Jacques Pelletier.
N'ont pas pris part au vote
MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Serge Vinçon, qui présidait la
séance.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : | 319 |
Nombre des suffrages exprimés : | 314 |
Majorité absolue des suffrages exprimés : | 158 |
Pour : | 203 |
Contre : | 111 |
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.