SEANCE DU 27 NOVEMBRE 2001


M. le président. L'amendement n° I-66, présenté par M. Mercier, est ainsi libellé :
« Après l'article 11 sexies , insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 1636 B sexies A du code général des impôts, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art... - Pour les départements dans lesquels le taux de la taxe professionnelle est inférieur au taux moyen national constaté dans l'ensemble des collectivités de même nature, et qui choisissent de faire varier librement entre eux les taux des quatre taxes en application des dispositions du b du 1 du I de l'article 1636 B sexies , le taux de la taxe professionnelle ne peut, par rapport à l'année précédente, être augmenté dans une proportion supérieure à une fois et demie celle du taux de la taxe d'habitation.
« L'application des dispositions du présent article ne peut avoir pour effet de porter le taux de la taxe professionnelle au-dessus du taux moyen national. »
La parole est à M. Mercier.
M. Michel Mercier. Par cet amendement relativement technique, je le reconnais, je propose au Sénat de remédier à l'un des effets pervers de la suppression de la part salaires de l'assiette de la taxe professionnelle.
Il s'agit ici non pas de discuter afin de savoir s'il était opportun ou non de supprimer la part salaires de la taxe professionnelle, mais simplement de corriger une des conséquences de cette suppression.
Je remarque d'ailleurs que nous commençons à supprimer les conséquences négatives de la suppression de cette part salariale, notamment en ce qui concerne le potentiel fiscal ou les ressources des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle.
Aujourd'hui, les règles de lien entre les taux des impôts locaux sont inchangées, alors même que leur part respective dans l'ensemble des impôts est très largement modifiée du fait de la diminution de l'assiette de la taxe professionnelle.
Cette année, les départements seront confrontés à des dépenses nouvelles importantes et plusieurs d'entre eux, sinon la totalité, seront dans l'obligation d'augmenter le produit fiscal, notamment pour faire face aux dépenses de l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA.
Si nous maintenons les règles actuelles, l'essentiel de l'augmentation du produit fiscal sera supporté par les ménages ; ce sont les ménages qui financeront l'APA dans les départements. A mon avis, personne ne le souhaite. J'ai donc déposé un amendement qui organise un certain assouplissement de la liaison des taux dans chaque département, avec des limites pour ne pas transférer complètement le poids de l'impôt des ménages sur la taxe professionnelle et parvenir à un système relativement équilibré.
En effet, si l'on suit ma proposition, le taux de la taxe professionnelle ne pourrait être augmenté, par rapport à l'année dernière, dans une proportion supérieure à une fois et demie celle du taux de la taxe d'habitation et il ne pourrait en aucun cas dépasser le taux moyen national.
Or je vous ai bien entendu indiquer, madame le secrétaire d'Etat, que, lorsque ce taux restait en dessous du taux moyen national, on faisait jouer la solidarité nationale. C'est précisément cette solidarité de tous les contribuables locaux que je vous propose de faire jouer pour financer l'APA, puisque telle est la règle qui a été retenue.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout à fait favorable !
Ce dispositif vise à corriger un effet secondaire indésirable de la suppression de la part salaires de la taxe professionnelle. L'assouplissement proposé dans cet amendement est à la fois limité aux départements pour les raisons budgétaires rappelées par M. Michel Mercier et encadré, ce qui supprime tout risque éventuel de « matraquage » des entreprises, si je puis dire.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Cet amendement vise à assouplir les modalités de fixation du taux de taxe professionnelle des départements, en aménageant la règle de lien dans le sens de la hausse.
Les départements dont le taux de taxe professionnelle est inférieur au taux moyen national pourraient donc, selon cet amendement, augmenter leur taux de taxe professionnelle dans la limite d'une fois et demie l'augmentation du taux de la taxe d'habitation.
Je comprends bien la volonté qui est la vôtre de ne pas augmenter la pression fiscale sur les ménages. Néanmoins, je ne peux, dans l'immédiat, accepter votre proposition sans un complément de simulation dont je ne dispose pas au moment où je vous parle.
A ce stade, je rappelle qu'il existe un dispositif dérogatoire qui autorise les départements à instituer, en franchise des règles de lien entre les taux, une majoration spéciale du taux de taxe professionnelle lorsque celui-ci est inférieur au taux moyen national et que le taux moyen pondéré des ménages est, pour ce qui le concerne, supérieur au taux moyen national pondéré de cette taxe.
Ce dispositif répond, pour une part importante, à la préoccupation que vous venez d'exprimer.
Il faut aussi penser à conserver un équilibre des augmentations de charges fiscales entre, d'un côté, les ménages et, de l'autre, les entreprises. Les règles actuelles constituent, de ce point de vue, une protection pour les entreprises qui, vous le savez mieux que personne, sont très sensibles aux hausses de taux de la taxe professionnelle dès lors que le plafonnement de la cotisation en fonction de la valeur ajoutée ne prend pas en compte les augmentations de pression fiscale qui sont décidées par les collectivités locales.
Pour l'ensemble de ces motifs, je souhaite, monsieur le sénateur, que vous retiriez cet amendement afin que nous puissions étudier les conséquences concrètes du dispositif que vous proposez.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je me hasarde à émettre une suggestion constructive.
Madame le secrétaire d'Etat, vous nous dites que le dispositif est intéressant mais qu'il nécessite une simulation et que vous n'en disposez pas encore.
J'ai cru comprendre, peut-être me suis-je trompé, qu'il y a là l'amorce d'une petite ouverture. Vous ne nous avez pas répondu qu'il n'en était pas question, que cela n'était pas du tout une bonne idée que ce n'était pas opportun.
Madame le secrétaire d'Etat, vos services et éventuellement ceux de la direction générale des collectivités locales, la DGCL, pourraient se faire leur opinion d'ici à la discussion de la loi de finances rectificative pour 2001, ce qui leur laisse à peu près un mois.
Accepteriez-vous d'examiner favorablement, sous réserve de ces quelques vérifications, le dispositif préconisé par notre collègue Michel Mercier, d'autant qu'il ne peut pas conduire à porter le taux de la taxe professionnelle au-dessus de la moyenne nationale et qu'il maintient donc un encadrement.
Vous voyez bien qu'il s'agit simplement d'un dispositif d'assouplissement, d'aménagement de la fiscalité locale destiné à permettre aux départements, s'ils l'estiment utile, de disposer d'un moyen supplémentaire pour faire face à leurs nouvelles charges, en particulier l'APA.
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Je souscris tout à fait à la méthode qui vient d'être proposée. Je pense que nous aurons l'occasion de reparler de ce sujet, en effet, lors de l'examen du collectif budgétaire de fin d'année.
Je suis donc tout à fait disposée à ce que ce travail soit fait, à condition qu'il le soit de manière objective et dans le respect des principes que j'énonçais tout à l'heure dans un cadre plus global de réforme. M. le président. Monsieur Mercier, l'amendement est-il maintenu ?
M. Michel Mercier. Je suis toujours partisan du dialogue dès lors que l'objectif est de trouver une solution et pas de parler pour occuper le temps.
Madame le secrétaire d'Etat, j'ai peut-être plus que vous confiance dans les services à la fois du ministère de l'intérieur et de votre secrétariat d'Etat. Je sais qu'ils sont parfaitement capables - ils l'ont déjà démontré - de nous donner la réponse après le dîner, à l'issue de la suspension de séance, compte tenu du faible nombre de départements concernés. (Mme le secrétaire d'Etat marque son étonnement.) Mais on peut leur donner quelques jours de plus, je n'y suis pas hostile !
Pour bien fixer les idées de tous et rester dans un esprit de recherche de solution, j'ajouterai que, dans le département qui m'a élu, le Rhône, même si l'on est opposé à un texte, une fois qu'il est voté, on l'applique.
Comme dans tous les départements, nous avons mis les dossiers d'APA en distribution. Depuis le 15 novembre, les 7 500 dossiers imprimés ont été retirés. Nous devons donc en faire imprimer de nouveaux. A cela s'ajoute la circulaire de votre collègue ministre de l'emploi que j'ai trouvée ce matin, sur laquelle vous ne m'avez pas répondu - ce que je comprends bien aujourd'hui, mais j'espère que vous pourrez le faire un jour - et qui entraînera de nouvelles dépenses.
L'accroissement de ces dépenses va conduire l'assemblée départementale du Rhône à augmenter de 10 % le produit fiscal. Pour avoir 10 % de produit fiscal en plus, compte tenu du système dans lequel nous nous trouvons aujourd'hui, il faut augmenter les taux de 15 %.
Une augmentation des taux de 15 % se traduit par un accroissement de 20 % du produit de la taxe d'habitation et de 3 % à 4 % de la taxe professionnelle. C'est une donnée brute que nous avons relevée sur place et que je vous invite à faire entrer dans tous les ordinateurs des deux ministères.
Si vous me dites : « Non, pas ce soir », je suis prêt à retirer cet amendement. Mais si vous me dites, non, dans trois semaines, cela voudra dire que l'on va faire payer par les ménages l'essentiel de l'APA et qu'il n'y aura aucune solidarité.
Avec cet amendement, nous proposons simplement un petit élargissement. L'amendement laisse le taux en deçà du taux moyen national ; il ne s'agit donc pas de tout transférer sur les entreprises. S'il en était autrement, nous serions à contre-rôle dans cette affaire.
Monsieur le président, j'accepte donc de retirer mon amendement, tout en me réservant le droit de le déposer de nouveau, au plus tard dans la loi de finances rectificative pour qu'il puisse s'appliquer dès le 1er janvier 2002.
M. le président. L'amendement n° I-66 est retiré.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt-deux heures dix, sous la présidence de M. Serge Vinçon.)