SEANCE DU 27 NOVEMBRE 2001
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Organisme extraparlementaire
(p.
1
).
3.
Candidatures à des organismes extraparlementaires
(p.
2
).
4.
Loi de finances pour 2002.
- Suite de la discussion d'un projet de loi (p.
3
).
Articles additionnels après l'article 11
bis
(suite)Amendement n° I-201
de M. Thierry Foucaud. - MM. Thierry Foucaud, Philippe Marini, rapporteur
général de la commission des finances ; Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat
au budget. - Rejet.
Amendement n° I-220 de M. Thierry Foucaud. - MM. Thierry Foucaud, le rapporteur
général, Mme le secrétaire d'Etat. - Rejet.
Amendement n° I-132 rectifié de M. Denis Badré. - MM. Denis Badré, le
rapporteur général, Mme la secrétaire d'Etat. - Retrait.
Amendements n°s I-99 de M. Gérard Miquel, I-247 et I-248 de M. Thierry Foucaud.
- M. Bernard Angels, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. le rapporteur, Mme le
secrétaire d'Etat, MM. Denis Badré, Paul Loridant. - Adoption de l'amendement
n° I-99 insérant un article additionnel, les amendements n°s I-247 et I-248
devenant sans objet.
Amendement n° I-69 de M. Denis Badré. - MM. Denis Badré, le rapporteur général,
Mme le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Amendement n° I-166 rectifié de M. Jean-Paul Delevoye. - MM. Michel Doublet, le
rapporteur général, Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement
insérant un article additionnel.
Amendement n° I-224 rectifié de M. Thierry Foucaud. - MM. Paul Loridant, le
rapporteur général, Mme le secrétaire d'Etat. - Rejet.
Amendements n°s I-187 rectifié de M. Philippe Adnot et I-235 de M. Joseph
Ostermann. - MM. Philippe Adnot, Michel Doublet, le rapporteur général, Mme le
secrétaire d'Etat. - Retrait de l'amendement n° I-187 rectifié ; adoption de
l'amendement n° I-235 insérant un article additionnel.
Amendement n° I-127 rectifié de M. Jean-Paul Amoudry. - MM. Marcel Deneux, le
rapporteur général, Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement
insérant un article additionnel.
Amendement n° I-128 rectifié de M. Jean-Paul Amoudry. - MM. Marcel Deneux, le
rapporteur général, Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement
insérant un article additionnel.
Amendements n°s I-236 rectifié et I-237 rectifié de M. Philippe Adnot. - MM.
Philippe Adnot, le rapporteur général, Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption des
amendements insérant deux articles additionnels.
Article additionnel avant l'article 11 ter (p. 4 )
Amendement n° I-168 de Mme Janine Rozier. - MM. Jacques Oudin, le rapporteur
général, Mme le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Reprise de l'amendement n° I-168 rectifié par M. Yves Fréville. - M. Yves
Fréville. - Retrait.
Article 11
ter.
- Adoption (p.
5
)
Article additionnel après l'article 11
ter
(p.
6
)
Amendement n° I-167 de Mme Janine Rozier. - MM. Jacques Oudin, le rapporteur général, Mme le secrétaire d'Etat, MM. Paul Girod, Alain Joyandet, Jean-Pierre Masseret, Paul Loridant, Michel Doublet. - Retrait.
Article 11 quater (p. 7 )
M. le rapporteur général.
Adoption de l'article.
Article 11 sexies (p. 8 )
Amendements n°s I-146 de M. Roland du Luart, I-27 de la commission et I-223 de
M. Thierry Foucaud. - MM. Roland du Luart, le rapporteur général, Thierry
Foucaud, Mme le secrétaire d'Etat, M. Gérard Miquel. - Retrait de l'amendement
n° I-146 ; adoption de l'amendement n° I-27, l'amendement n° I-223 devenant
sans objet.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels après l'article 11 sexies (p. 9 )
Amendement n° I-100 rectifié de M. Jean-Pierre Masseret. - MM. Jean-Pierre
Masseret, le rapporteur général, Mme le secrétaire d'Etat, MM. Yves Fréville,
Jean Bizet. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° I-200 de M. Thierry Foucaud. - MM. Thierry Foucaud, le rapporteur
général, Mme le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Amendements identiques n°s I-28 de la commission, I-72 de M. Denis Badré et
I-145 de M. Roland du Luart ; amendements n°s I-58 rectifié de M. Denis Badré
et I-176 de M. Joseph Ostermann. - MM. le rapporteur général, Yves Fréville,
Roland du Luart, Mme le secrétaire d'Etat. - Retrait des amendements n°s I-145,
I-58 rectifié et I-176 ; adoption des amendements n°s I-28 et I-72 insérant un
article additionnel.
Article 12 (p. 10 )
Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Yves Coquelle.
Amendements n°s I-209 de M. Alain Joyandet et I-29 de la commission. - MM.
Alain Joyandet, le rapporteur général, Mme le secrétaire d'Etat, M. le
président de la commission. - Retrait de l'amendement n° I-209 ; adoption de
l'amendement n° I-29.
Adoption de l'article modifié.
5.
Nomination de membres d'organismes extraparlementaires
(p.
11
).
Suspension et reprise de la séance (p. 12 )
PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON
6. Loi de finances pour 2002. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 13 ).
Article 13 (p. 14 )
Amendements identiques n°s I-30 de la commission, I-62 de M. Yves Fréville et I-241 de M. Alain Joyandet. - MM. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances ; Yves Fréville, Alain Joyandet, Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget ; MM. Gérard Miquel, Bernard Murat, Alain Lambert, président de la commission des finances ; Alain Vasselle. - Retrait des amendements n°s I-241 et I-62 ; adoption de l'amendement n° I-30 supprimant l'article.
Article 14. - Adoption (p.
15
)
Article 15 (p.
16
)
M. Jacques Oudin.
Amendements n°s I-31 de la commission et I-116 de M. Jacques Oudin. - MM. le
rapporteur général, Jacques Oudin, Mme le secrétaire d'Etat, MM. Josselin de
Rohan, Joël Bourdin. - Adoption de l'amendement n° I-31 supprimant l'article,
l'amendement n° I-116 devenant sans objet.
DÉBAT SUR LES RECETTES
DES COLLECTIVITÉS LOCALES
(p.
17
)
MM. Alain Lambert, président de la commission des finances ; Philippe Marini,
rapporteur général de la commission des finances ; Eric Doligé, Michel Mercier,
Thierry Foucaud, Michel Sergent, Joël Bourdin, Jean-Pierre Fourcade, Bernard
Murat, Pierre Jarlier, Mme Marie-France Beaufils, MM. François Marc, Paul
Girod, Jean-René Lecerf.
PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON
M. Jean-Pierre Sueur.
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget ; M. Michel Mercier.
Article additionnel après l'article 8 (p. 18 )
Amendement n° I-133 rectifié de M. Jacques Blanc. - MM. Pierre Jarlier, le rapporteur général, Mme le secrétaire d'Etat, M. Paul Blanc. - Retrait.
Article 11 (p. 19 )
M. Thierry Foucaud.
Amendements n°s I-24 de la commission, I-164 de M. Bernard Murat, I-194
rectifié, I-245 rectifié, I-193 rectifié et I-192 de M. Thierry Foucaud. - MM.
le rapporteur général, Bernard Murat, Thierry Foucaud, Mme le secrétaire
d'Etat. - Adoption de l'amendement n° I-24, les autres amendements devenant
sans objet.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels après l'article 11 quater (p. 20 )
Amendements n°s I-87 et I-88 de M. Bernard Joly. - MM. Bernard Joly, le rapporteur général, Mme le secrétaire d'Etat. - Retrait des deux amendements.
Article 11 quinquies (p. 21 )
Amendements n°s I-89 de M. Bernard Joly, I-163 de M. Joseph Ostermann, I-25.
rectifié et I-26 de la commission ; amendements identiques n°s I-51 de M. Yves
Fréville et I-153 de M. Roland du Luart. - MM. Bernard Joly, Daniel
Eckenspieller, le rapporteur général, Yves Fréville, Roland du Luart, Mme le
secrétaire d'Etat. - Retrait des amendements n°s I-51, I-153 et I-163 ;
adoption des amendements n°s I-25 rectifié et I-26, l'amendement n° I-89 étant
devenu sans objet.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels après l'article 11 sexies (p. 22 )
Amendement n° I-66 de M. Michel Mercier. - MM. Michel Mercier, le rapporteur général, Mme le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Suspension et reprise de la séance (p. 23 )
PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON
7.
Décision du Conseil constitutionnel
(p.
24
).
8.
Loi de finances pour 2002.
- Suite de la discussion d'un projet de loi (p.
25
).
DÉBAT SUR LES RECETTES DES COLLECTIVITÉS LOCALES (suite) (p.
26
)
Articles additionnels après l'article 11
sexies
(suite) (p.
27
)
Amendements n°s I-114 rectifié de M. Jacques Oudin et I-198 de M. Thierry
Foucaud. - MM. Jacques Oudin, Thierry Foucaud, Philippe Marini, rapporteur
général de la commission des finances ; Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat
au budget. - Retrait de l'amendement n° I-114 rectifié ; rejet de l'amendement
n° I-198.
Amendement n° I-225 rectifié de M. Thierry Foucaud. - MM. Gérard Le Cam, le
rapporteur général, Mme le secrétaire d'Etat. - Rejet.
Amendement n° I-79 de M. Michel Mercier. - MM. Michel Mercier, le rapporteur
général, Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement insérant un
article additionnel.
Amendement n° I-65 de M. Michel Mercier. - MM. Michel Mercier, le rapporteur
général, Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement insérant un
article additionnel.
Amendement n° I-78 rectifié de M. Michel Mercier et sous-amendement n° I-258 de
M. Gérard Miquel. - MM. Michel Mercier, Gérard Miquel, le rapporteur général,
Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption du sous-amendement et de l'amendement
modifié insérant un article additionnel.
Amendement n° I-199 rectifié de M. Thierry Foucaud. - Mme Marie-France
Beaufils, M. le rapporteur général, Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption de
l'amendement insérant un article additionnel.
Article 21 (p. 28 )
M. le rapporteur général.
Amendements identiques n°s I-38 de la commission et I-115 de M. Bernard Murat.
- MM. le rapporteur général, Jacques Oudin, Mme le secrétaire d'Etat, MM.
Michel Charasse, Thierry Foucaud, Gérard Miquel, Dominique Braye, Michel
Mercier, Patrick Lassourd. - Adoption des deux amendements.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 21 (p. 29 )
Amendement n° I-188 de M. Thierry Foucaud. - MM. Thierry Foucaud, le rapporteur général, Mme le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Article 21 bis (p. 30 )
Amendement n° I-39 de la commission. - Adoption.
Amendement n° I-40 de la commission. - M. le rapporteur général, Mme le
secrétaire d'Etat. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 21 ter (p. 31 )
Amendement n° I-41 de la commission. - M. le rapporteur général, Mme le
secrétaire d'Etat. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 22 (p. 32 )
M. Louis Souvet.
Amendement n° I-42 de la commission. - M. le rapporteur général, Mme le
secrétaire d'Etat. - Adoption.
Amendement n° I-43 de la commission. - Adoption.
Amendements n°s I-44 de la commission et I-196 rectifié de M. Thierry Foucaud.
- M. le rapporteur général, Mmes Marie-France Beaufils, le secrétaire d'Etat. -
Adoption de l'amendement n° I-44, l'amendement n° I-196 rectifié devenant sans
objet.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels après l'article 22 (p. 33 )
Amendement n° I-112 rectifié de M. Dominique Braye. - MM. Dominique Braye, le
rapporteur général, Mme le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Amendement n° I-134 rectifié de M. Jacques Blanc et sous-amendement n° I-259 de
M. Yves Fréville. - MM. Pierre Jarlier, Michel Mercier, le rapporteur général,
Mme le secrétaire d'Etat, M. Paul Blanc. - Adoption du sous-amendement et de
l'amendement modifié insérant un article additionnel.
Renvoi de la suite de la discussion.
9.
Dépôt d'un rapport
(p.
34
).
10.
Ordre du jour
(p.
35
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures cinquante.)
1
PROCE`S-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE
M. le président.
J'informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien
vouloir procéder à la désignation d'un sénateur appelé à siéger au sein du
Conseil national de l'aménagement et du développement du territoire.
Conformément à l'article 9 du règlement, j'invite la commission des lois à
présenter une candidature.
La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu
ultérieurement, dans les conditions prévues par l'article 9 du règlement.
3
CANDIDATURES A` DES ORGANISMES
EXTRAPARLEMENTAIRES
M. le président.
Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien
vouloir procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein de
plusieurs organismes extraparlementaires.
La commission des finances a fait connaître qu'elle propose les candidatures
de :
- M. Auguste Cazalet pour la commission centrale de classement des débits de
tabac ;
- M. Philippe Marini pour le Conseil national des assurances ;
- M. Jacques Oudin pour le conseil d'administration de l'établissement public
Autoroutes de France ;
- et M. Alain Joyandet pour le comité de surveillance de la Caisse
d'amortissement de la dette sociale.
Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à
l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai
d'une heure.
4
LOI DE FINANCES POUR 2002
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances
pour 2002 (n° 86, 2001-2002), adopté par l'Assemblée nationale. [Rapport n° 87
(2001-1002).]
Dans la discussion des articles de la première partie, nous poursuivons
l'examen des amendements tendant à insérer un article additionnel après
l'article 11
bis.
Articles additionnels après l'article 11 bis (suite)
M. le président.
L'amendement n° I-201, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 11
bis
, insérer un article additionnel ainsi rédigé
:
« I. - Après l'article 278
septies
du code général des impôts, il est
inséré un article ainsi rédigé :
«
Art...
La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de 5,5 % en
ce qui concerne les opérations d'achat d'importation, d'acquisition
intracommunautaire, de vente, de livraison, de commission, de courtage, ou de
façon portant sur les casques motocyclistes homologués et sur les sièges auto
homologués pour enfants ».
« II. - Les pertes de recettes découlant de l'application du I ci-dessus sont
compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux
droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud.
Cet amendement avait déjà été déposé et défendu l'an dernier par notre groupe,
lors du même débat sur les baisses ciblées de taxe sur la valeur ajoutée.
Il vise concrètement à appliquer à certains équipements de sécurité le taux
réduit de la taxe sur la valeur ajoutée.
On observera que ces équipements présentent la particularité d'être
obligatoires, en vertu des dispositions du code de la route. Cette obligation
ne devrait pas, pensons-nous, s'accompagner d'un surcoût pour les
consommateurs.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, madame la
secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il semble que cette proposition ne soit
pas conforme à l'annexe H de la directive communautaire dont il est souvent
question dans ce débat. Dès lors, et je parle évidemment sous le contrôle de
l'expert, notre collègue Denis Badré - nous avons ici toutes les références
nécessaires -, il n'est pas possible à la commission d'émettre un avis
favorable, faute de cette compatibilité.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat au budget.
Même avis défavorable, monsieur le
président.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-201, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
L'amendement n° I-220, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 11
bis
, insérer un article additionnel ainsi rédigé
:
« I. - Après le a
quinquies
de l'article 279 du code général des
impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ... les prestations de services funéraires ; ».
« II. - Le taux de l'impôt sur les sociétés est relevé à due concurrence. »
La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud.
Cet amendement porte sur la question de la TVA sur les prestations de services
funéraires.
On notera que cette possibilité d'application du taux réduit de la taxe sur la
valeur ajoutée est ouverte par les recommandations de la Commission européenne,
ainsi qu'il est précisé dans la fameuse annexe H de la directive TVA, que vient
de rappeler M. le rapporteur général.
Pour autant, la question revêt aujourd'hui une acuité particulière, notamment
avec l'évolution des conditions de prestation des services concernés.
En effet, entre la mise en oeuvre de la juste réduction du temps de travail et
l'évolution des conditions d'emploi des salariés de ce secteur, des problèmes
nouveaux se posent, illustrés, dans la dernière période, par le développement
de mouvements revendicatifs de la profession.
La réduction du taux de TVA appliqué aux services funéraires pourrait donc
offrir des marges pour la résolution des problèmes posés et faciliter une
réduction du coût facturé aux familles.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
L'amendement dont il s'agit a été voté par le Sénat
il y a deux ans. Le Gouvernement l'avait fait alors rejeter par l'Assemblée
nationale.
Il faut rappeler que le droit communautaire permet de soumettre au taux réduit
de TVA les prestations de services funéraires.
Il s'agit d'une mesure sociale, car les dépenses importantes occasionnées sont
subies par des familles qui se trouvent souvent dans des situations de grande
détresse morale.
Madame le secrétaire d'Etat, la commission des finances souhaiterait connaître
l'avis du Gouvernement sur ce sujet.
Mais, à ce stade, compte tenu du gage qui a été prévu par le groupe communiste
républicain et citoyen, compte tenu du coût de la mesure et compte tenu de
l'esprit de discipline et de responsabilité que nous voulons respecter dans
cette discussion budgétaire, nous ne sommes pas en mesure d'émettre un avis
favorable sur cet amendement.
Toutefois, nous souhaiterions savoir si le Gouvernement, dans ses contacts
avec l'Union européenne, a prévu de faire évoluer la situation de ce
secteur.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Cet amendement me permet de revenir sur la question
qui nous avait occupés l'année dernière, la fiscalité applicable au secteur
funéraire.
Une étude, réalisée par nos soins, fait apparaître que les prestations et
livraisons de biens réalisées par les entreprises de pompes funèbres sont très
nombreuses et diverses. Ainsi, la loi n'énumère pas moins de huit catégories
différentes d'opérations qui relèvent du service extérieur, c'est-à-dire de la
mission de service public assumée par ces prestataires de services, opérations
distinctes des prestations liées, elles, à l'inhumation.
En la matière, une demi-mesure ne contenterait personne et serait source de
complexité. A l'inverse, une mesure globale aurait un coût de plus de 100
millions d'euros.
Donc, pour répondre à votre question, monsieur le rapporteur général, une
mesure de ce type n'est pas envisageable, du moins, je m'empresse de le
préciser, dans l'immédiat.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-220, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
L'amendement n° I-132 rectifié, présenté par M. Badré, est ainsi libellé :
« Après l'article 11
bis,
insérer un article additionnel ainsi rédigé
:
« I. - Après le a
quinquies
de l'article 279 du code général des
impôts, il est inséré un
a sexies
ainsi rédigé :
« a
sexies.
Les prestations juridiques et judiciaires dispensées par
les avocats aux particuliers. »
« II. - La perte de recettes pour l'Etat est compensée, à due concurrence, par
la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 403, 575 et
575 A du code général des impôts. »
« III. - Ces dispositions s'appliquent à compter du 1er juillet 2002. »
La parole est à M. Badré.
M. Denis Badré.
Nous poursuivons notre petit marché s'agissant du passage au taux réduit de
TVA !
(Sourires.)
Nous en arrivons maintenant aux prestations des
avocats, autre grand classique.
Je ne reviendrai pas sur le fond, ni sur l'intérêt social d'une telle mesure,
ni sur le fait qu'elle est très demandée. Je rappellerai simplement que Mme
Guigou, alors garde des sceaux, auditionnée par la commission des finances,
avait dit tout le bien qu'elle pensait de cette mesure.
Certes, cette mesure n'est pas euro-compatible.
(Mme le secrétaire d'Etat
opine.)
Je le reconnais bien volontiers, madame le secrétaire d'Etat, et je
suis le premier à le dire. C'est d'ailleurs pourquoi, vous l'aurez noté, mon
amendement prévoit que la mesure prendra effet au 1er juillet 2002, ce qui
donne au Gouvernement les six mois nécessaires pour obtenir soit une
dérogation, soit la modification générale du système.
Madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, si nous revenons à la charge
avec cette mesure, c'est que, comme j'ai pu le vérifier, elle répond à une
demande de l'ensemble des Etats membres de l'Union. Si une expression politique
forte s'exprime en faveur de la même mesure au sein de l'ensemble des
parlements des Quinze, le Conseil européen pourra la prendre en compte, s'il
vérifie qu'effectivement elle correspond à un vrai besoin.
C'est donc, pour exprimer, au titre de notre pays, la France, cette volonté
politique que j'ai déposé cet amendement, espérant que le dossier pourra
continuer à cheminer et qu'il pourra être appuyé, au plan politique, à
Bruxelles, par l'ensemble de nos partenaires.
M. Roland du Luart.
On l'espère !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission aurait souhaité, dans un premier temps,
obtenir du Gouvernement sinon le chiffrage de la mesure, ce qui apparemment
semble très difficile, tout au moins une estimation, ce qui permettrait
d'éclairer le débat.
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
D'après notre estimation, il s'agirait de 2,5
milliards de francs en année pleine, soit 380 millions d'euros.
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
En euros, c'est déjà beaucoup moins impressionnant !
(Sourires.)
Comme chacun le sait, puisque ce débat revient chaque année, la directive ne
mentionne pas les frais et honoraires de justice dans la liste des secteurs
susceptibles de bénéficier du taux réduit.
Cependant, l'expression par notre pays, dans la négociation européenne, d'une
volonté politique serait de nature à faire évoluer les choses. La question qui
se pose à ce stade est de savoir, madame le secrétaire d'Etat, si vous avez
cette volonté politique. Depuis des années, le Sénat formule régulièrement sa
préoccupation dans ce domaine.
Les frais de justice grèvent souvent les moyens financiers de personnes qui
n'ont pas choisi d'être dans un prétoire et dont les moyens peuvent être
modestes, ou relativement modestes, et l'accès au droit est un vrai problème de
notre société. Tout cela devrait militer en faveur de la mesure préconisée par
cet amendement.
La commission serait heureuse, madame le secrétaire d'Etat, que vous puissiez
faire le point des démarches qui, nous l'espérons, ont été entreprises auprès
de l'Union européenne et de nos partenaires pour faire avancer ce dossier. Elle
souhaiterait donc vous entendre sur ce point, avant de formuler éventuellement
une recommandation à l'auteur de l'amendement.
M. le président.
Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Hier soir, vous avez commencé à débattre de cette
question avec M. le ministre de l'économie et des finances, qui vous a sans
doute rappelé que nous avons rendez-vous avec la Commission européenne d'ici à
la fin de l'année 2002, notamment pour dresser un premier bilan de
l'expérimentation actuellement en cours sur les services à forte intensité de
main-d'oeuvre.
Le rendez-vous n'aura pas lieu avant cette date, monsieur Badré. C'est la
raison pour laquelle je crains que celle du 1er juillet 2002, que vous avez
inscrite dans votre amendement, ne soit un peu prématurée par rapport à la «
fenêtre » pendant laquelle ces questions pourraient être de nouveau
abordées.
M. le rapporteur général a demandé que je fasse le point sur les démarches
entreprises auprès de la Commission.
La bonne méthode, en effet, me semble être que le Gouvernement associe le
Parlement aux démarches qui seront entreprises d'ici à la fin de l'année 2002,
au moment où sera actée cette question de la pérennisation ou de la poursuite,
de l'expérimentation selon des modalités qui restent à définir.
Sur le point particulier que soulève l'amendement de M. Badré, c'est-à-dire
sur les prestations d'avocat, j'avoue - mais cela n'engage que la secrétaire
d'Etat au budget ! - que cette question ne devrait pas nécessairement figurer
en tête de la liste longue et fournie des demandes d'application du taux réduit
de la TVA.
M. le président.
Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Les choses ne semblent pas tout à fait mûres.
Hier soir, le ministre a fait état des conversations avec la Commission
européenne et n'excluait pas de promouvoir, dans la stratégie de négociation,
un taux intermédiaire pour certaines prestations. Peut-être est-il concevable
de s'engager dans cette voie pour une activité comme celle qui fait l'objet de
l'amendement que nous examinons.
A ce stade, l'amendement ne semble pas pouvoir être voté en première partie du
projet de loi de finances. Sans doute pourrait-on poursuivre la discussion, en
particulier sur le chiffrage de la mesure, qui est certainement délicat et a dû
faire l'objet, au fil des années, de différentes évaluations.
La commission ne peut que recommander à Denis Badré de retirer maintenant
l'amendement n° I-132 rectifié, pour éventuellement nous le soumettre de
nouveau lors de l'examen de la deuxième partie. Ainsi, le Sénat pourrait
adresser au Gouvernement un voeu, qui prendrai la forme d'un amendement à la
deuxième partie.
M. le président.
Monsieur Badré, l'amendement n° I-132 rectifié est-il maintenu ?
M. Denis Badré.
Madame la secrétaire d'Etat, vous m'avez indiqué à l'instant que le délai de
six mois inscrit dans mon amendement était trop court. J'en suis parfaitement
conscient ; mais je n'allais pas, dans un amendement au projet de loi de
finances pour 2002, proposer que la mesure prenne effet au 1er juillet 2003 !
Cela n'aurait pas été très raisonnable.
Si j'ai prévu cette date, c'est - un peu formellement, je le reconnais - pour
ne pas aller contre le rapport que j'ai moi-même signé et qui appelle à ne pas
présenter de mesures irrecevables. A partir du moment où l'on se fixe la date
du 1er juillet 2002, les choses, d'impossibles, deviennent seulement
difficiles.
Vous venez de confirmer que la Commission se donne un an de plus pour tirer
les enseignements de l'expérimentation sur les services à haute intensité de
main-d'oeuvre. Comme vous, je crois, je pense que ce délai est une bonne chose,
car nous pourrons le mettre à profit pour affiner nos demandes et nos
préconisations sur les quelques sujets prioritaires qu'elle a déjà abordés.
Dans cet esprit, nous avons eu hier soir - un peu tard, il est vrai - un long
débat sur la restauration, dont la conclusion fut que nous proposerions de
nouveau, en discutant la deuxième partie de ce projet de loi de finances, une
mesure certes partielle et ponctuelle, mais qui marquerait la volonté de
progresser sur ce dossier, dans lequel les difficultés sont nombreuses et les
injustices parfois criantes.
De la même manière, les prestations des avocats sont un réel problème. L'accès
à la justice étant un droit fondamental, on pourrait à la limite demander qu'il
ne soit pas taxé du tout et que les prestations fournies par les avocats ne
donnent pas au Gouvernement une occasion de profiter de la misère ou de la
difficulté des gens pour remplir ses caisses.
Le problème se pose à la France, mais également, je le rappelais à l'instant,
à l'ensemble de nos partenaires. Si une volonté politique claire des Quinze se
dégage sur ce dossier d'ici à dix-huit mois, le Conseil européen, je le répète,
devra prendre en compte cette demande et faire progresser le dossier, non pas
simplement à la lumière des résultats de l'expérimentation sur les services à
haute intensité de main-d'oeuvre, mais par l'utilisation directe de l'article
28 permettant de mettre en oeuvre des dérogations à la sixième directive.
Nous disposons de tous les moyens nécessaires, mais nous ne pouvons pas agir à
l'échelon franco-français : il nous faut nous placer à l'échelon communautaire.
Et Bruxelles, c'est nous ! Si les Quinze s'expriment d'une seule voix, j'ai bon
espoir que nous progresserons sur ce dossier tout à fait important et
sensible.
Cela étant, je retire mon amendement afin que, le cas échéant, nous puissions
le réexaminer en deuxième partie.
M. le président.
L'amendement n° I-132 rectifié est retiré.
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° I-99, présenté par MM. Miquel, Angels, Auban, Charasse,
Demerliat, Haut, Lise, Marc, Massion, Moreigne, Sergent, Godefroy et les
membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
« Après l'article 11
bis,
insérer un article additionnel ainsi rédigé
:
« I. - Dans le
b decies
de l'article 279 du code général des impôts,
les mots : "les abonnements relatifs aux livraisons d'électricité et de gaz
combustible" sont remplacés par les mots : "les abonnements relatifs aux
livraisons d'électricité, de gaz combustible et d'énergie calorifique".
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant du I ci-dessus sont
compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux
droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° I-247, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 11
bis,
insérer un article additionnel ainsi rédigé
:
« I. - L'article 279 du code général des impôts est complété par un alinéa
ainsi rédigé :
« ... les abonnements relatifs aux livraisons d'énergie calorique distribuées
par réseaux publics, alimentés par la géothermie et la cogénération. »
« II. - Le prélèvement libératoire prévu à l'article 200 A du code général des
impôts est relevé à due concurrence. »
L'amendement n° I-248, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 11
bis,
insérer un article additionnel ainsi rédigé
:
« I. - Dans le texte du
b decies
de l'article 279 du code général des
impôts, après le mot : "abonnements", sont insérés les mots : "et la
consommation".
« II. - Le taux prévu à l'article 219 du même code est relevé à due
concurrence. »
La parole est à M. Angels, pour présenter l'amendement n° I-99.
M. Bernard Angels.
Aux termes de la loi de finances pour 1999, il a été décidé d'appliquer le
taux réduit de TVA aux abonnements aux réseaux d'électricité et de gaz, mais
non aux abonnements aux réseaux de chaleur, c'est-à-dire aux réseaux de
distribution publique d'énergie calorifique.
C'est socialement regrettable, car les utilisateurs des réseaux de chaleur
habitent surtout dans les zones de grand habitat collectif. Celles-ci sont
équipées d'un réseau de chauffage organisé autour d'une chaufferie centrale,
généralement polyvalente, et l'eau chaude est distribuée jusqu'aux immeubles
par un réseau de canalisations. Ainsi, aujourd'hui, 375 réseaux de chauffage
desservent environ un million de logements ; le syndicat que je préside, et qui
alimente la ville de Sarcelles, est l'un d'eux.
La situation actuelle est regrettable également du point de vue de la
protection de l'environnement, car les réseaux de chaleur alimentés par le
bois, la géothermie, les déchets ou la cogénération sont des vecteurs d'énergie
qui n'émettent pas ou émettent peu de polluants chimiques et de gaz à effet de
serre.
Or la directive européenne 92/77 ne prévoit la possibilité d'adopter le taux
réduit de la TVA que pour l'électricité et le gaz.
Cette limitation n'ayant pas de justification, la France a demandé une
modification de la directive, afin d'étendre cette possibilité à la chaleur.
Le processus d'harmonisation du dispositif pouvant durer plusieurs années -
alors même que la France est le seul pays de l'Union européenne à appliquer des
taux différents aux réseaux de distribution d'énergie - l'amendement que nous
présentons vise à anticiper la modification attendue, d'autant plus que la
Commission européenne semble bien souhaiter aujourd'hui qu'un taux unique
s'applique à un même objet, en l'occurrence à la production d'énergie.
M. Michel Charasse.
Ce n'est pas la Commission européenne qui fait la politique fiscale !
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau, pour défendre les amendements n°s I-247 et
I-248.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Depuis plusieurs années, nous déposons régulièrement un amendement visant à
abaisser le taux de la TVA sur les abonnements aux réseaux de chaleur, et nous
démontrons que la géothermie est victime d'une discrimination par rapport aux
réseaux alimentés par l'électricité ou le gaz.
Je partage, bien entendu, les arguments que vient d'avancer notre collègue
Bernard Angels, qui connaît bien la question, et, la nuit dernière, le Sénat a
montré qu'il partageait notre souci d'appliquer à l'ensemble des réseaux de
chaleur, quels qu'ils soient, un taux de TVA allégé.
Toutefois, je voudrais de nouveau insister sur la géothermie, et ce pour deux
raisons : d'abord, de nombreux sites de géothermie sont menacés, car ils sont
en très grande difficulté ; ensuite, comme le rappelait M. Angels, la
géothermie est la seule énergie propre qui ne produise pas de dioxyde de
carbone, lequel contribue pour 70 % à 80 % à l'effet de serre. Or, notre pays,
qui a décidé de réduire de 10 % sa production de gaz carbonique d'ici à 2010,
est bien loin de pouvoir tenir son engagement.
La réduction du taux de la TVA à 5,5 % présenterait donc bien des avantages et
permettrait de maintenir une trentaine des soixante-dix sites géothermiques que
nous comptions il y a encore peu. Ce serait, en outre, une mesure efficace
contre la pollution. Ce serait également une mesure de justice fiscale,
d'autant que les sites géothermiques se tournent vers la cogénération et
entrent en concurrence directe avec EDF. Cela ne profite pas aux clients d'EDF
!
Il y a deux ans, M. Pierret, qui était alors au banc du Gouvernement, s'était
engagé à faire bouger les choses, d'autant que le ministre de l'économie et des
finances avait à l'époque demandé par courrier à la Commission européenne
d'intégrer la fourniture d'énergie calorifique dans la liste communautaire des
opérations soumises au taux réduit de la TVA. M. Pierret avait alors conclu que
l'affaire était en suspens et que le Gouvernement ferait pression pour aller
dans ce sens.
M. Fabius a précisé, cette nuit, que certaines décisions pourraient être
prises par la Commission européenne. Bien entendu, nous resterons très
vigilants, et nous gardons la volonté de participer à la recherche des
solutions.
Nous déposons donc de nouveau notre amendement, qui va dans ce sens, car nous
pensons qu'il y a urgence : en effet, la situation des principaux sites
géothermiques s'est encore dégradée.
Par ailleurs - le Gouvernement connaît sans doute cet aspect, mais je veux le
rappeler - notre sol renferme un énorme stock de chaleur naturelle. Notre
civilisation offre d'ailleurs de nombreux vestiges et traces d'utilisation de
ces sources d'eau chaude, qui datent parfois de dix mille ans. Je lisais
dernièrement que c'est dans le Cantal que les hommes ont, en France, mis au
point le premier réseau d'eau chaude géothermique. C'était en 1330, à
Chaudes-Aigues. Pour l'anecdote, je souligne que le seigneur des lieux
percevait un impôt sur chaque maison chauffée à l'eau chaude... Nous faisons
encore mieux que lui avec notre taux de TVA à 19,6 % !
(Sourires.)
Quant
à l'amendement n° I-248, il vise à imposer la consommation d'électricité et de
gaz au taux réduit de la TVA.
Tout comme la baisse du taux normal de la TVA sur les abonnements, il s'agit
d'une mesure propre à soutenir la consommation populaire, qui constitue à nos
yeux une priorité pour permettre une croissance saine, durable et créatrice
d'emplois.
Cette mesure nous paraît d'autant plus justifiéequ'électricité et gaz sont
incontestablement des produits de première nécessité. La facture, notamment de
chauffage, et en particulier de chauffage électrique - le tout électrique a été
installé dans pratiquement toutes les cités pavillonnaires qui se sont
construites depuis une dizaine d'années - pèse particulièrement lourd dans le
budget des abonnés aux revenus les plus modestes. Ainsi, l'association Agir
contre le chômage estime qu'un RMiste vivant dans un studio chauffé à
l'électricité consacre 10 % de ses dépenses à son budget électricité et gaz.
Dans le même ordre d'idées, une enquête du magazine
Capital
de
septembre dernier sur la pauvreté en France a révélé que 12 % des Français
renonçaient à chauffer leur logement et que 5 % d'entre eux n'arrivaient pas à
régler leurs factures EDF et GDF. Je précise que 90 % de ces derniers sont
équipés d'un chauffage électrique.
Le Gouvernement avait, d'une certaine façon, reconnu la légitimité et
l'efficacité économique de notre proposition en abaissant le taux de la TVA sur
les abonnements dans la loi de finances pour 1999. Il avait cependant objecté à
l'encontre d'une extension de la baisse du taux de la TVA aux consommations que
le coût pour le budget de l'Etat serait trop élevé. Celui-ci peut être estimé
aujourd'hui à 17 milliards de francs, ce qui n'est certes pas négligeable. Mais
cette somme doit, là encore, être mise en parallèle avec les 40 milliards de
francs d'allégements d'impôts consentis dans le projet de budget pour 2002,
allégements dont l'efficacité, notamment sur la consommation populaire, est
beaucoup moins assurée.
J'ajoute que le monopole de distribution d'EDF et de GDF pour l'énergie
domestique est une garantie du plein effet de la mesure.
Je veux également faire observer que la très forte augmentation du prix du gaz
en 2000 et au premier semestre 2001 - augmentation qui, mais ce n'est pas mon
propos, n'était en rien inévitable - a apporté un supplément de recettes de TVA
de 1,2 milliard de francs. Ne serait-il pas juste, madame la secrétaire d'Etat,
de restituer cette somme aux usagers ?
La politique tarifaire de EDF et de GDF comme leur stratégie très contestable
eu égard à leurs missions de service public appelleraient d'autres réflexions
dans le cadre de l'examen de ce projet de loi de finances, notamment en ce qui
concerne les prélèvements de l'Etat inscrits dans les recettes non fiscales.
Pour l'heure, je me contente de vous demander d'adopter les deux amendements de
notre groupe.
S'il fallait encore les justifier, j'ajouterais qu'un abonné à EDF m'a, en se
fondant sur son expérience personnelle, récemment fait remarquer que le taux
normal de la TVA s'appliquait non pas seulement à la consommation d'électricité
et de gaz, mais aussi aux frais de relance, qui sont loin d'être négligeables.
Drôle de définition de la valeur ajoutée ! Drôle de façon d'infliger la TVA aux
personnes en difficulté !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s I-99, I-247 et I-248
?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il convient de rappeler qu'au cours de la séance
d'hier nous avons adopté un amendement n° I-98, devenu l'article 11
ter
A, qui correspond à une approche très voisine du problème, puisqu'il est rédigé
ainsi : « Le taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée s'applique à la part
de la prestation d'exploitation de chauffage représentative du combustible
bois, quand le combustible est l'un des trois mentionnés aux alinéas
a),
b)
et
c)
ci-dessus.
« Le taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée s'applique au terme de la
facture d'un réseau de distribution d'énergie calorique représentatif du
combustible bois, quand le combustible est l'un des trois mentionnés aux
alinéas
a), b)
et
c)
ci-dessus. »
Même si les amendements dont nous sommes maintenant saisis concernent les
abonnements aux réseaux de chaleur utilisant différentes formes d'énergie, tout
cela est voisin et le Sénat a déjà exprimé hier sa position en ce domaine.
En dehors du fait que les gages des amendements n°s I-247 et I-248 ne sont pas
acceptables, en dehors aussi du fait que le coût de certains au moins de ces
amendements est apparemment très élevé - pour l'amendement n° I-248, l'enjeu
serait ainsi supérieur à 10 milliards de francs - les impératifs communautaires
ne sont pas toujours simples à interpréter en ce domaine, et c'est pourquoi,
avant de formaliser son avis, la commission souhaiterait entendre le
Gouvernement.
M. le président.
Quel est donc l'avis du Gouvernement sur ces trois amendements ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
En ce qui concerne l'amendement n° I-99, qui tend à
réduire le taux de la TVA sur les abonnements aux réseaux de chaleur, le débat
a en effet déjà eu lieu hier soir. Chacun convient qu'il s'agit d'une anomalie.
Cependant, en l'état - et M. Angels le sait - l'adoption d'un tel amendement ne
changerait rien au problème. Je souhaite que la question soit reprise
ultérieurement, et je demande donc le retrait de l'amendement.
L'amendement n° I-247 découle de la même inspiration, et Mme Beaudeau a
défendu l'énergie géothermique avec beaucoup de talent. Comme à M. Angels, je
dois pourtant lui répondre que l'application du taux réduit de la TVA ne peut
pas être envisagée en l'état actuel du droit communautaire.
L'amendement n° I-248 est d'une autre nature : il s'agit d'appliquer non plus
aux abonnements mais aux consommations de gaz et d'électricité le taux réduit
de TVA.
M. le rapporteur général a indiqué que cette mesure aurait un coût élevé que
nous évaluons, pour notre part, à environ 12 milliards de francs, somme tout à
fait considérable que nous ne pouvons pas affecter à ce poste compte tenu des
équilibres définis dans le projet de loi de finances.
M. le président.
Quel est maintenant l'avis de la commission sur les amendements n°s I-99,
I-247 et I-248 ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission souhaite le retrait de ces trois
amendements. A défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-99.
M. Denis Badré.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Badré.
M. Denis Badré.
Sur le plan des principes tout d'abord, à Bruxelles, la Commission propose et
le Conseil dispose, et il dispose d'autant mieux que les parlements nationaux
se sont exprimés fortement. Les membres du Conseil ont alors en effet le
sentiment d'être mandatés par les parlements nationaux.
Nous sommes dans le cadre de cet exercice : nous essayons de définir les
contours du mandat que nous donnons à nos ministres.
Avec une grande modération et une grande sagesse, nous tentons ainsi, madame
le secrétaire d'Etat, de vous proposer les quelques sujets sur lesquels des
progrès devraient et pourraient, selon nous, être accomplis assez rapidement.
Le sujet qui nous occupe aujourd'hui en est un.
En la matière, le Conseil ne peut pas disposer puisque la Commission ne peut
pas proposer. En effet, en 1991, lorsque la Commission s'est exprimée de
manière synthétique pour la dernière fois sur des réseaux de chaleur, les
techniques n'avaient pas atteint leur niveau actuel et la pression qui
s'exprimait en faveur de la protection de l'environnement n'était pas ce
qu'elle est aujourd'hui.
La situation a beaucoup évolué depuis dix ans. Nous traitons typiquement là
d'un sujet sur lequel les parlements nationaux doivent s'exprimer fortement
pour que la Commission les entende et fasse une nouvelle proposition au Conseil
permettant à celui-ci de délibérer dans le sens souhaité. Tout cela est normal,
et c'est ce que nous attendons du Gouvernement.
Sur le plan technique maintenant, la directive de 1991 comprend une annexe H
dressant la liste des domaines dans lesquels la possibilité d'appliquer le taux
réduit de la TVA était laissée à la discrétion de chaque Etat.
La Commission a indiqué qu'elle n'envisagerait de modifier l'annexe H que
lorsqu'elle aura pu tirer les enseignements de l'expérimentation sur les
services à haute intensité de main-d'oeuvre.
Il reste cependant toujours la possibilité d'utiliser l'article 28, qui
prévoit des dérogations à titre temporaire dans l'attente de la modification de
l'annexe H. C'est cet article 28 qui a été utilisé pour lancer
l'expérimentation sur les services à haute intensité de main-d'oeuvre. Il
pourrait également être utilisé pour élargir le taux réduit à un domaine qui
n'était pas à l'ordre du jour en 1991.
La méthode existe, la volonté s'exprime, reste au Gouvernement à exercer sa
responsabilité.
M. Paul Loridant.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant.
Je regrette que l'amendement n° I-248 soit en discussion commune avec les
amendements n°s I-99 et I-247, parce qu'il n'a pas la même nature.
Je m'exprimerai essentiellement sur les amendements n°s I-99 et I-247,
c'est-à-dire sur les amendements du groupe socialiste et du groupe communiste
républicain et citoyen qui ont pour objet d'appliquer le taux réduit de TVA aux
abonnements relatifs aux livraisons d'énergie calorique faites par les réseaux
publics alimentés par la géothermie et la cogénération, bref les réseaux de
chaleur.
J'ai bien écouté les arguments de Mme la secrétaire d'Etat, ainsi que les
observations de M. le rapporteur général. Je ne suis absolument pas satisfait
des réponses de l'un et de l'autre. On peut en effet envisager le problème de
plusieurs façons.
Certes, on peut considérer que la liste de l'annexe H interdit tout
changement.
Mais, je sais, pour avoir étudié ce problème de près, que la Commission a dit
et écrit que l'absence des réseaux de chaleur dans cette liste résultait d'un
simple oubli. Si ce n'est qu'un simple oubli, on peut le réparer !
Par ailleurs, il y a quelque incohérence entre la directive de Bruxelles et la
réalité du terrain.
Les réseaux de chaleur récents, notamment les réseaux alimentés par la
cogénération, permettent d'économiser le fuel - et, partant, de limiter les
livraisons de fuel - et sont moins polluants. C'est donc un dossier gagnant !
On protège l'environnement et on réduit les tarifs : cela va dans le bon sens
!
A l'inverse, dans certaines communes, en particulier dans les communes où il y
a de grands ensembles - c'est-à-dire, pour parler simplement, dans les communes
populaires - l'électricité domine, et on applique aux abonnements le taux
réduit alors même qu'il n'y a pas d'économie d'énergie. C'est incompréhensible,
madame la secrétaire d'Etat, et même stupide ! Sur le terrain, cela n'a pas de
sens et on ne comprend pas les fonctionnaires de Bruxelles, pas plus que ceux
de Bercy.
Je regrette donc profondément votre refus d'accepter nos amendements. Votre
position est contre-productive. Elle va à l'encontre de l'intérêt des couches
populaires logées dans les grands ensembles de banlieue. Qu'on reconnaisse donc
que les fonctionnaires de Bruxelles sont incohérents et qu'ils sont incapables
de réparer un oubli !
M. Bernard Angels.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Angels.
M. Bernard Angels.
Je ne reprendrai pas l'excellente argumentation de mon collègue Denis Badré,
non plus que les propos pertinents de M. Loridant sur la nécessité de
progresser dans l'étude de ce dossier.
Cela étant, madame la secrétaire d'Etat, au risque de vous décevoir, j'indique
que je ne retirerai pas l'amendement n° I-99.
En effet, cela fait maintenant trois ans que j'interviens dans cet hémicycle
sur cette question des réseaux de chaleur. Des promesses ont été faites alors
que vous ne siégiez pas au banc du Gouvernement, et une table ronde, présidée
par M. Badré, devait être organisée pour essayer de clarifier tous ces
problèmes de TVA. Or ces promesses n'ont pas été tenues.
Autant je peux comprendre qu'il soit difficile de traiter certains sujets,
autant, s'agissant d'une telle injustice, il doit être possible de progresser,
M. Badré ayant raison de souligner que l'on peut faire jouer l'article 28 en
cette matière. Nous avons donc les moyens, si la volonté politique existe, de
rectifier une situation inique.
Pour ces raisons, et aussi parce que je suis le défenseur de personnes qui
subissent actuellement une injustice, je maintiens mon amendement, de façon à
adresser un signal très fort, non seulement au Gouvernement, mais également à
la Commission européenne.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Pour éclairer complètement la décision de la Haute
Assemblée, il serait sans doute utile que Mme le secrétaire d'Etat veuille bien
nous rappeler le coût de cette mesure.
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Nous n'avons pas établi d'estimation du coût de la
disposition prévue par l'amendement n° I-99, mais il est sans doute faible.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Compte tenu de tous les arguments que nous avons
entendus et de la réponse que vient de faire Mme le secrétaire d'Etat, et
contrairement à ce que je préconisais tout à l'heure dans le souci de ne pas
trop dégrader le solde budgétaire, j'estime que le signal souhaité par les
auteurs de l'amendement pourrait être donné dès maintenant.
A la vérité, sur ces sujets, la question est de savoir s'il faut persister à
raffiner sans fin les dispositions relatives à la fiscalité locale et à
complexifier sans fin les dégrèvements de taxe d'habitation, par exemple, ou
s'il ne vaudrait pas mieux essayer d'apporter, par le biais d'un dispositif
comme celui que nous examinons, une contrepartie à des collectivités qui se
sont dotées d'équipements et de réseaux onéreux, financés par les usagers et
sur fonds publics, et destinés, au moins en partie, à préserver l'environnement
et à permettre un développement durable.
Telles sont les considérations que je souhaitais énoncer à la suite de tout ce
qui a été dit par nos collègues.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-99, repoussé par le Gouvernement.
M. Joël Bourdin.
Le groupe des Républicains et Indépendants vote contre.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi de finances, après l'article 11
bis
, et les amendements n°s I-247
et I-248 n'ont plus d'objet.
L'amendement n° I-69, présenté par MM. Badré, Faure, Arnaud et Hérisson, est
ainsi libellé :
« Après l'article 11
bis,
insérer un article additionnel rédigé comme
suit :
« I. - L'article 279 du code général des impôts est complété par un alinéa
ainsi rédigé :
«
J.
Le droit d'utilisation d'installations sportives. »
« II. - La perte pour les recettes de l'Etat est compensée à due concurrence
par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et
575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Badré.
M. Denis Badré.
Ici, tout est simple : l'annexe H de la directive fait explicitement
référence, à la ligne 13, au « droit d'utilisation d'installations sportives »,
et le texte de cet amendement comporte l'expression : « droit d'utilisation des
installations sportives », ce qui revient au même.
Sur cette question, nous pouvons agir sur le plan franco-français, la décision
relevant de l'échelon national. Des amendements similaires avaient déjà été
adoptés les années précédentes, et il est inutile que je reprenne
l'argumentaire bien connu en faveur du sport et de la jeunesse. Je ne
prolongerai donc pas inutilement le débat sur ce problème très simple sur le
fond et dans la forme, alors que nous venons d'avoir un véritable échange sur
des sujets difficiles.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Comme l'a rappelé M. Badré, le Sénat a déjà adopté,
dans le passé, des amendements de cette nature. Au demeurant, en réponse à une
question posée ici même en janvier 1999, le ministre de la jeunesse et des
sports, Mme Buffet, avait affirmé souhaiter que cette mesure figure dans le
projet de loi de finances pour 2000 et avait annoncé son intention de faire
prochainement une proposition en ce sens au ministre de l'économie, des
finances et de l'industrie.
La commission des finances doit rappeler que le coût de cette mesure
atteindrait 500 millions de francs. Il convient, en outre, de préciser qu'il
s'agit ici des installations sportives données en gestion à des associations,
donc à des organismes privés.
Le Sénat a déjà marqué son intérêt pour l'abaissement proposé du taux de la
TVA, qui serait conforme à l'annexe H de la directive, mais la commission des
finances m'a chargé de demander le retrait de cet amendement, afin qu'il puisse
être de nouveau présenté lors de l'examen de la deuxième partie du projet de
loi de finances.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Cet amendement, auquel le Gouvernement a déjà eu
l'occasion de s'opposer, même s'il ne conteste pas le fait qu'il soit
eurocompatible, est lui aussi un classique !
Vous avez évoqué, monsieur Badré, un certain nombre de priorités, il va donc
nous falloir faire le tri. A cet égard, nous devons travailler avec la
Commission européenne, et j'en profite pour indiquer que, si cette dernière ne
propose rien, le Conseil de l'Union européenne ne pourra pas statuer.
M. Denis Badré.
Je l'ai dit tout à l'heure !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Que cela soit bien clair entre nous ! Il faudra
procéder à un certain nombre de choix. Par conséquent, compte tenu notamment du
coût de la disposition proposée, je suis défavorable à l'amendement.
M. le président.
Monsieur Badré, l'amendement n° I-69 est-il maintenu ?
M. Denis Badré.
J'ai été sollicité ; or j'écoute toujours les sollicitations !
(Sourires.)
Cependant, avant d'indiquer quel destin je réserve à l'amendement, je voudrais
réagir aux propos de Mme le secrétaire d'Etat.
J'ai dit nettement tout à l'heure que le Conseil de l'Union européenne
disposait après que la Commission européenne avait proposé : nous sommes
entièrement d'accord sur ce point, il n'y a là aucune ambiguïté. Mais il n'est
pas défendu de parler à la Commission ! Ce n'est tout de même pas elle qui fait
la loi en Europe ! Je souhaite donc que le Gouvernement se rapproche de la
Commission européenne, afin que celle-ci propose et que le Conseil de l'Union
européenne puisse disposer.
Par ailleurs, si cet amendement est un grand classique, c'est parce que vous
voulez qu'il en soit ainsi, madame le secrétaire d'Etat ! Si, la première fois
que nous l'avons présenté, le Gouvernement et l'Assemblée nationale nous
avaient suivis et si la disposition avait été mise en oeuvre, nous n'aurions
plus à y revenir. Ce serait une affaire réglée !
Je souhaite simplement que les deux chambres du Parlement s'expriment avec
force sur la question de l'utilisation des installations sportives, comme elles
devraient pouvoir maintenant le faire sur celle des réseaux de chaleur, afin
que le Gouvernement se sente mandaté pour agir.
Enfin, madame le secrétaire d'Etat, je voudrais que vous preniez l'initiative
d'engager avec le Sénat une concertation étroite et approfondie, comme vous
l'avez récemment proposé, et comme nous l'avions déjà demandé voilà quelques
années. Nous nous tenons, bien sûr, à votre disposition pour que cette
collaboration ait lieu dans les conditions qui vous paraîtront les plus
adéquates.
Cela étant précisé, je retire l'amendement.
M. le président.
L'amendement n° I-69 est retiré.
L'amendement n° I-166 rectifié, présenté par MM. Delevoye et Doublet, est
ainsi libellé :
« Après l'article 11
bis
, insérer un article additionnel ainsi rédigé
:
« I. - L'article 279 du code général des impôts est complété
in fine
par un alinéa ainsi rédigé :
« ... Les remboursements ou rémunérations versées par les communes ou leurs
groupements aux prestataires au titre des dépenses occasionnées par la prise en
charge du nettoiement des voies livrées à la circulation publique, et notamment
des caniveaux. »
« II. - La perte de recettes est compensée à due concurrence par la création
de taxes additionnelles sur les droits prévus aux articles 575 et 575 A du code
général des impôts. »
La parole est à M. Doublet.
M. Michel Doublet.
Le taux de TVA applicable à ce jour aux remboursements et rémunérations versés
par les communes ou leurs groupements aux exploitants des services de
distribution d'eau et d'assainissement est de 5,5 %. Or celui qui est
applicable aux services de nettoyage des voies publiques est actuellement de
19,6 %.
Les articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités
territoriales confèrent au maire des pouvoirs de police, notamment la
responsabilité de veiller au respect de la salubrité publique sur le territoire
de sa commune.
A ce titre, le maire doit donc faire procéder au nettoiement des voies
publiques. Ce nettoyage permet de faciliter l'écoulement des eaux pluviales
vers les eaux usées, lesquelles sont ensuite traitées dans le cadre de
l'assainissement, qui est l'une des composantes de la salubrité publique.
De plus, la directive européenne du 19 octobre 1992 précisant que cette
activité peut bénéficier du taux réduit de TVA, la disposition présentée est
conforme à la législation européenne.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Sur le principe, la commission est favorable à la
proposition de MM. Delevoye et Doublet.
Il est clair que la répercussion du coût des prestations visées pourrait avoir
une incidence favorable sur le niveau de la fiscalité locale.
Cela étant, avant de formuler un avis, la commission des finances souhaiterait
entendre le Gouvernement et connaître le coût estimé de la mesure, sachant que
l'amendement est compatible avec le droit communautaire.
M. le président.
Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Je suis au regret de ne pas pouvoir donner
satisfaction à M. le rapporteur général, n'étant pas en mesure d'évaluer le
coût de cette disposition.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Donc cela ne coûte rien !
(Sourires.)
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Sur le fond, je suis défavorable à cet amendement.
M. le président.
Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La réponse de Mme le secrétaire d'Etat me conduit à
formuler un avis de sagesse favorable, si je puis utiliser cette expression
nuancée !
M. Roland du Luart.
La nuance est importante !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
En effet, nous n'aurions pas accepté une dégradation
trop importante du solde budgétaire, mais vous ne nous donnez aucun chiffre,
madame le secrétaire d'Etat. Certes, la rapidité avec laquelle nous travaillons
pour étudier les amendements peut atténuer la critique que l'on serait tenté
d'adresser à vos services, mais sachez qu'il s'agit d'une mesure significative
sur le plan local, susceptible d'avoir d'heureuses répercussions sur le niveau
des prélèvements obligatoires locaux. Puisque vous ne nous donnez pas de
chiffres, les arguments des auteurs de l'amendement nous semblent d'autant plus
dignes d'intérêt.
En outre, il est quelque peu critiquable que, sur le fond, s'agissant d'une
mesure conforme au droit communautaire, vous ne motiviez pas votre avis
défavorable de principe. Cela aussi m'incline à laisser le Sénat voter
l'amendement.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-166 rectifié, repoussé par le Gouvernement
et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi de finances, après l'article 11
bis.
L'amendement n° I-224 rectifié, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M.
Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi
libellé :
« Après l'article 11
bis,
insérer un article additionnel ainsi rédigé
:
« I. - Le 1 de l'article 279-0
bis
est complété
in fine
par les
mots : ", ainsi que des locaux appartenant à des établissements publics de
santé".
« II. - La première phrase du 3 du même article est complétée par les mots :
", ainsi qu'au directeur de l'établissement public de santé".
« III. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I
ci-dessus sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe
additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts. »
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant.
Les membres de notre groupe, à l'instar d'un certain nombre de nos collègues,
sont particulièrement préoccupés par la situation, que nous jugeons alarmante,
de l'hôpital public.
Cet amendement a pour objet de réduire le taux de la TVA grevant les
investissements des établissements publics de santé. Appliquer le taux réduit
permettrait d'alléger les coûts de réalisation des équipements publics et des
investissements qui sont indispensables pour de nombreux hôpitaux.
Cette mesure permettrait la réalisation d'opérations de rénovation des
établissements hospitaliers, ces opérations entrant parfaitement dans le cadre
de la modernisation de notre système de santé. Nous ne pouvons, là encore, que
souligner que cette mesure aurait pour effet, entre autres coincidences, de
favoriser une utilisation plus efficace des ressources de l'hôpital public, en
l'occurrence du produit de la dotation qui lui est versée par les pouvoirs
publics et par la sécurité sociale.
Tel est donc le sens de cet amendement, qui a pour objet d'améliorer et
d'accélérer les travaux de modernisation des hôpitaux publics. J'invite le
Sénat à le soutenir.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Très bien !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il convient de rappeler que le taux réduit de TVA
s'applique non seulement aux travaux réalisés dans les logements privés, mais
également, compte tenu des précisions apportées par circulaires ou par
instructions et que le Sénat, en particulier, a appelées de ses voeux, aux
maisons de retraite, aux établissements de convalescence, ainsi qu'aux
installations d'hébergement dans d'autres structures, notamment aux
monastères.
Faut-il aller plus loin et appliquer le taux réduit de TVA à tous les travaux
réalisés dans les établissements de santé ? Outre que le gage n'est pas
acceptable, ce dispositif va un peu trop loin et, dans ce domaine, il est
préférable d'avoir une vision claire des contraintes de gestion des
établissements hospitaliers, sans doute en commençant par ne pas leur infliger
des charges nouvelles complètement déraisonnables comme celles qui découlent de
la mise en oeuvre des 35 heures. Il faut voir l'essentiel, et non pas se
disperser dans toutes sortes de considérations.
Bref, la commission souhaite le retrait, sinon le rejet, de cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Comme M. le rapporteur général vient de l'indiquer,
la France fait déjà une application large de la directive du 22 octobre 1999
qui permet l'application du taux réduit de TVA aux services à forte intensité
de main-d'oeuvre. Il a cité l'application de ce taux réduit aux établissements
d'hébergement de longue durée, les maisons de retraite, les établissements
psychiatriques, les unités de moyen et de long séjour, y compris lorsqu'elles
sont situées dans un hôpital. Par conséquent, aller au-delà serait excéder le
cadre fixé par cette directive.
C'est la raison pour laquelle je suis défavorable à cet amendement.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-224 rectifié, repoussé par la commission et
par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° I-187 rectifié, présenté par MM. Adnot, Durand-Chastel et
Darniche et Mme Desmarescaux, est ainsi libellé :
« Après l'article 11
bis,
insérer un article additionnel ainsi rédigé
:
« I. - Dans le premier alinéa du IV de l'article 271 du code général des
impôts, après les mots : "peut faire l'objet d'un remboursement" sont insérés
les mots : "sans contrôle préalable".
« II. - La perte de recettes résultant du I est compensée à due concurrence
par la création d'une taxe additionnelle aux droits sur les tabacs fixés à
l'article 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° I-235, présenté par MM. Ostermann, Oudin, Besse, Demuynck,
Cazalet et Calméjane, Mme Michaux-Chevry, MM. Gournac, Hamel, Gruillot,
Lassourd, César, Doublet, Goulet, Ginésy, Leclerc, Rispat, Braye et Doligé, est
ainsi libellé :
« Après l'article 11
bis,
insérer un article additionnel ainsi rédigé
:
« Les assujettis facturant la TVA au taux réduit au titre de l'article 279-0
bis
du code général des impôts peuvent demander mensuellement le
remboursement du crédit de taxe déductible lorsque le montant de celui-ci est
au moins égal à 763 EUR.
« Les assujettis facturant la TVA au taux réduit au titre de l'article 279-0
bis
du code général des impôts peuvent opter à tout moment pour le régime
normal d'imposition et demander immédiatement le remboursement du crédit de
taxe déductible lorsque le montant de celui-ci est au moins égal à 763 EUR.
»
La parole est à M. Adnot, pour présenter l'amendement n° I-187 rectifié.
M. Philippe Adnot.
Madame la secrétaire d'Etat, il s'agit en quelque sorte d'un amendement
d'appel.
Vous le savez, les entreprises qui sont en croissance ou qui connaissent un
développement d'activité extrêmement important ont des problèmes de trésorerie.
A cet égard, vous avez lancé une expérience. Je souhaiterais connaître le
résultat de celle-ci et le moment où vous allez éventuellement l'étendre.
L'amendement que je propose a pour objet d'accélérer le remboursement de la
TVA.
M. le président.
La parole est à M. Doublet, pour présenter l'amendement n° I-235.
M. Michel Doublet.
Depuis que la TVA au taux de 5,5 % sur les travaux d'amélioration, de
transformation, d'aménagement et d'entretien des locaux à usage d'habitation
achevés depuis plus de deux ans a été instaurée, les entrepreneurs paient la
TVA au taux de 19,6 % sur leurs achats de matériels et de fournitures et
facturent la TVA au taux de 5,5 %. Pour certains corps de métiers, le montant
de la TVA déductible est désormais beaucoup plus important que celui de la TVA
récoltée.
Certaines entreprises peuvent demander le remboursement de ce crédit de TVA
trimestriellement, d'autres tous les ans. Ces dernières subissent donc un
préjudice important de trésorerie.
Le présent amendement vise, par conséquent, à permettre aux entrepreneurs du
bâtiment de demander mensuellement le remboursement du crédit de TVA dont ils
disposent lorsque celui-ci atteint au moins 763 euros. Il ne s'agirait
d'ailleurs que d'une mesure tout à fait normale d'accompagnement du dispositif
d'instauration de la TVA au taux réduit pour certains travaux dans le
logement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s I-187 rectifié et
I-235 ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission est intéressée par ces suggestions. Il
s'agit là de trésorerie ; donc, en principe, il ne devrait pas y avoir de coût
budgétaire direct.
Nous sommes dans une période où il faut tenir aux entreprises un langage de
confiance, les inciter à avoir une conception positive de leurs activités. Dans
les phases de ralentissement de la croissance, des mesures portant sur les
conditions de remboursement de la TVA sont opportunes. Bref, la commission
souscrit volontiers aux intentions des auteurs de ces amendements.
Toutefois, pour des raisons purement techniques, la commission préfère
l'amendement n° I-235. Elle suggère donc à M. Adnot de bien vouloir s'y
rallier, sachant que, sur le fond, ce sont les mêmes préoccupations qui sont
prises en compte. Bref, la commission est favorable à l'amendement n° I-235.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Vous le savez, le Gouvernement est lui-même très
attentif aux questions de trésorerie des entreprises, puisqu'il proposera, dans
un projet de loi de finances rectificative, de rembourser de manière anticipée
la créance de TVA qui est née en 1993 au moment où a été supprimé le décalage
d'un mois qui existait au titre de la TVA. Ainsi, 8 milliards de francs
reviendront, au début de 2002, dans les caisses de 15 000 entreprises. C'est
une mesure importante.
J'ai bien entendu l'appel de M. Adnot. L'expérimentation qui est en cours est
intéressante. Elle permet d'accompagner un certain nombre d'entreprises en
création dans des secteurs à forte intensité technologique et d'accélérer le
traitement des remboursements de TVA non imputable. L'année prochaine, nous
avons en effet l'intention d'étendre progressivement cette expérimentation, de
la même manière que nous essayons, pour l'ensemble des entreprises, d'améliorer
globalement les délais de traitement de ces demandes de remboursement.
Donc, le Gouvernement est favorable à l'esprit des amendements qui sont
défendus. En revanche, il n'est pas favorable à la modalité qu'ils prévoient
puisque d'autres réponses sont en quelque sorte apportées au problème qui est
soulevé. Je souhaite donc le retrait de ces deux amendements.
M. le président.
Monsieur Adnot, l'amendement n° I-187 rectifié est-il maintenu ?
M. Philippe Adnot.
Je suis satisfait de la réponse de Mme la secrétaire d'Etat. Ce problème va
être traité. Je suis également satisfait de la proposition du rapporteur
général. Aussi, je retire mon amendement au profit de celui qui a été présenté
par M. Doublet.
M. le président.
L'amendement n° I-187 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° I-235, accepté par la commission et repoussé
par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé et inséré dans le projet
de loi de finances, après l'article 11
bis
.
L'amendement n° I-127 rectifié, présenté par MM. Amoudry, Arnaud, Barraux,
Belot, Bernardet, Biwer, Jean Boyer, Branger, Deneux, Dériot, Detraigne, Dulait
et Faure, Mme Férat, MM. Franchis, Fréville, Christian Gaudin, Grignon,
Hérisson, Hyest, Jarlier, Kerguéris, Moinard, Nogrix, Richert et Thiollière,
est ainsi libellé :
« Après l'article 11
bis
, insérer un article additionnel ainsi rédigé
:
« I. - Le I de l'article 298
bis
du code général des impôts est
complété par un alinéa ainsi rédigé :
« ... ° Les assujettis placés sous le régime d'acomptes peuvent demander un
remboursement trimestriel du crédit constitué par la taxe déductible ayant
grevé l'acquisition de biens constituant des immobilisations lorsque leur
montant est au moins égal à 5 000 F. Les remboursements sont effectués dans les
conditions prévues par l'article 242
septies
J à l'annexe II. »
« II. - Les pertes de recettes résultant du I sont compensées, à due
concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux
articles 575 et 575 A du code généal des impôts. »
La parole est à M. Deneux.
M. Marcel Deneux.
Les exploitants agricoles qui procèdent au dépôt d'une déclaration de
régularisation annuelle de TVA dans le cadre du régime simplifié agricole de
TVA ne peuvent prétendre au remboursement de crédit de taxe déductible qu'après
l'expiration de l'exercice annuel de TVA.
Or les entreprises commerciales et artisanales qui relèvent du régime
simplifié d'imposition dans le cadre du régime général de TVA peuvent demander
le remboursement trimestriel du crédit de taxe déductible ayant grevé
l'acquisition de biens constituant des immobilisations lorsque leur montant est
au moins égal à 5 000 francs.
Dans ces conditions, les exploitants agricoles devraient pouvoir bénéficier du
même dispositif sans devoir opter pour le régime de déclarations trimestrielles
plus contraignant sur le plan administratif et en principe irrévocable.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission souhaiterait entendre le
Gouvernement.
M. le président.
Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le sénateur, je le reconnais, cette mesure
présente un grand intérêt et ne manque pas de bon sens. Cependant, elle a
également un lourd inconvénient puisque son coût serait de plus de 800 millions
d'euros,...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Oh !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
... c'est-à-dire plus de 5 milliards de francs.
M. Roland du Luart.
Comment peut-on justifier 5 milliards de francs à ce titre ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Pour cette raison, vous le comprendrez, je souhaite le
retrait de cet amendement.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je pense qu'il faut procéder à des études
complémentaires sur ce sujet. Je suis en effet un peu surpris par l'estimation
qui vient d'être donnée.
M. Roland du Luart.
Moi aussi !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cela mériterait peut-être quelques éléments
d'information supplémentaires, car
a priori
selon notre analyse, cette
disposition ne devrait jouer que sur la trésorerie, certes pour des montants
très significatifs. Cependant, comment peut-on arriver à un effet budgétaire
aussi lourd ?
M. le président.
Monsieur Deneux, l'amendement n° I-127 rectifié est-il maintenu ?
M. Marcel Deneux.
Je formule la même demande que M. le rapporteur général. Je suis fort étonné
de la somme annoncée puisque cela ne joue que sur de la trésorerie. Le
chiffrage de trésorerie, quand il s'agit d'un manque de recettes pour l'Etat,
est toujours un exercice un peu périlleux.
Dans ces conditions, je maintiens l'amendement.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-127 rectifié, repoussé par le
Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi de finances, après l'article 11
bis.
L'amendement n° I-128 rectifié, présenté par MM. Amoudry, Arnaud, Barraux,
Belot, Bernardet, Biwer, Jean Boyer, Branger, Deneux, Dériot, Detraigne, Dulait
et Faure, Mme Férat, MM. Franchis et Fréville, Mme Gisèle Gautier, MM. Grignon,
Hérisson, Hyest, Jarlier, Kerguéris, Moinard, Nogrix, Richert et Thiollière,
est ainsi libellé :
« Après l'article 11
bis
, insérer un article additionnel ainsi rédigé
:
« I. - Le 4° du I de l'article 298
bis
du code général des impôts est
complété
in fine
par les dispositions suivantes : "à l'exception du
paragraphe III. Un décret précisera les modalités d'application". »
« II. - Les pertes de recettes résultant du I sont compensées, à due
concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux
articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Deneux.
M. Marcel Deneux.
Cet amendement est un peu de même nature que le précédent, puisque, hormis les
problèmes de trésorerie, il simplifierait les formalités administratives. Je
m'explique.
A ce jour, les exploitants agricoles redevables de la TVA dans le cadre du
régime simplifié agricole font application d'un exercice de TVA qui doit
impérativement correspondre à l'année civile même si leur exercice comptable
est différent pour la détermination de leur résultat fiscal. Par ailleurs, les
entreprises qui relèvent du régime général de TVA au titre du régime simplifié
d'imposition peuvent, elles, librement décider d'opter pour le dépôt de leur
déclaration annuelle de TVA dans les trois mois qui suivent la clôture de leur
exercice lorsque celui-ci, bien sûr, est différent de l'année civile. Cette
possibilité de faire correspondre l'exercice de TVA avec l'exercice comptable a
pour conséquence d'alléger les obligations administratives et comptables des
entreprises concernées.
Dans ces conditions, il conviendrait de transposer la mesure applicable par
les entreprises commerciales et artisanales aux entreprises du secteur
agricole.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission souhaite entendre le Gouvernement.
M. le président.
Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Les exploitants agricoles qui sont placés de plein
droit ou sur option sous le régime simplifié de la TVA doivent, en application
de l'article 298
bis
du code général des impôts, souscrire, avant le 5
mai de chaque année, une déclaration indiquant les éléments de liquidation de
la TVA afférents à l'année civile précédente.
Votre amendement a donc pour objet de permettre à ces exploitants agricoles de
déposer une déclaration de TVA correspondant à leur exercice comptable, et non
à l'année civile.
Cette proposition ne va pas dans le sens de la simplification, tant pour les
exploitants agricoles que pour l'administration. Les exploitants ne
bénéficieraient pas, en effet, de la mesure, en particulier ceux qui sont
assujettis au régime du bénéfice forfaitaire agricole ainsi que ceux qui ont
opté pour le dépôt de déclaration trimestriel de TVA.
Le régime simplifié agricole repose sur le principe de l'année civile, qui
constitue un élément essentiel de sa simplicité.
Dans ces conditions, votre proposition rendrait le suivi des obligations
déclaratives plus difficile, tant pour les redevables, qui devront procéder à
des calculs supplémentaires pour apprécier leur situation au regard de la TVA,
que pour l'administration.
Je précise, par ailleurs, que la demande de remboursement devrait, en tout
état de cause, être déposée en même temps que la déclaration annuelle de TVA,
que celle-ci soit établie par rapport à l'année civile ou par rapport à
l'exercice comptable.
Enfin, la mesure telle qu'elle est proposée ne permettrait pas d'atteindre
l'objectif annoncé. Au surplus, elle aurait un coût - bien inférieur à celui de
l'amendement précédent - évalué à 53 millions d'euros.
Pour toutes ces raisons, je souhaite le retrait de cet amendement.
M. le président.
Quel est, dans ces conditions, l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Sur cet amendement n° I-128 rectifié, l'analyse de la
commission ne rejoint pas celle du Gouvernement : pour nous, il s'agit d'une
mesure de simplification qui vise à permettre aux exploitants agricoles de
faire correspondre l'exercice de TVA avec l'exercice comptable. Cela paraît
relever du bon sens, et nous ne comprenons vraiment pas pourquoi tout cela
aurait un coût aussi important.
La commission est donc favorable à cet amendement.
Je voudrais cependant revenir d'un mot sur l'amendement précédent, parce que
nous sommes là confrontés, en quelque sorte, à une question de principe et de
méthode.
Mme le secrétaire d'Etat nous dit que le dispositif proposé par M. Deneux
aurait un coût très substantiel, en termes de trésorerie, la première année.
Pourquoi pas ? Mais, dans peu de temps, nous allons examiner le collectif
budgétaire. Or le plan de consolidation de la croissance comporte une mesure de
TVA de portée générale, la suppression du décalage d'un mois dans certains
règlements au bénéfice des entreprises. Mais, là, le Gouvernement nous dit que
cela ne coûtera rien sur le plan budgétaire, qu'il s'agit d'une pure opération
de trésorerie. Si ce raisonnement est vrai dans un sens, il doit l'être dans
l'autre !
Nous avons, madame le secrétaire d'Etat - pardonnez-moi de vous le dire, et je
ne le fais pas de façon désagréable, croyez-le bien ! -, un vrai problème de
compréhension, car nous ne savons pas ce qui relève de la trésorerie et ce qui
doit être consigné dans le budget, ce qui joue sur le solde, sur le déficit,
sur l'emprunt et sur l'impôt. Avec la méthode employée, il y a un risque
d'arbitraire, et en tout cas un défaut de lisibilité des solutions qui nous
sont proposées en ce domaine. J'en parle sous le contrôle de personnes plus
compétentes que moi : le professeur Fréville a sûrement en la matière des idées
dont il pourrait nous faire part, comme d'autres de nos collègues, d'ailleurs
!
Madame le secrétaire d'Etat, après nos discussions sur le projet de loi
organique concernant les lois de finances, si nous voulons établir des
documents plus compréhensibles et plus transparents à l'égard de la
représentation nationale et du public, il faudra faire progresser la
méthodologie !
Enfin, nous sommes toujours confrontés à ce sujet si délicat du chiffrage des
amendements parlementaires. Nous serions quelque peu un théâtre d'ombres si
nous n'étions pas en mesure de comprendre, de vérifier, de contrôler les
estimations qui nous sont données sur le coût des mesures d'initiative
parlementaire !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-128 rectifié, accepté par la commission et
repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi de finances, après l'article 11
bis.
Je suis saisi de deux amendements présentés par MM. Adnot, Durand-Chastel et
Darniche et Mme Desmarescaux.
L'amendement n° I-236 rectifié est ainsi libellé :
« Après l'article 11
bis,
insérer un article additionnel rédigé comme
suit :
« I. - L'article 789 A du code général des impôts est ainsi modifié :
«
a)
Dans le premier alinéa, sont supprimés les mots : "par décès".
«
b)
Dans le deuxième alinéa
a,
après les mots : "au jour du
décès", sont insérés les mots : "ou de la donation", et après les mots : "par
le défunt", sont insérés les mots : "ou le donataire".
«
c)
Dans le dernier alinéa du
b,
sont supprimés les mots : "par
décès".
«
d)
Dans le premier alinéa du
c,
après les mots : "dans la
déclaration de succession", sont insérés les mots : "ou dans l'acte
d'acceptation de la donation", et les mots : "huit ans" sont remplacés par les
mots : "deux ans".
«
e)
Dans le premier alinéa du
e,
les mots : "la déclaration de
succession doit être appuyée" sont remplacés par les mots : "la déclaration de
succession ou l'acte d'acceptation de la donation doivent être appuyés", et
après les mots : "jusqu'au jour du décès", sont ajoutés les mots : "ou de la
donation".
«
f)
Dans le deuxième alinéa du
e,
après les mots : "à compter
du décès", sont insérés les mots : "ou de la donation".
« II. - La perte de recettes résultant du I ci-dessus est compensée par une
majoration à due concurrence du tarif des droits sur les tabacs fixé à
l'article 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° I-237 rectifié est ainsi libellé :
« Après l'article 11
bis
, insérer un article additionnel rédigé comme
suit :
« I. - L'article 789 B du code général des impôts est ainsi modifié :
«
a)
Dans le premier alinéa, sont supprimés les mots : "par décès".
«
b)
Dans le deuxième alinéa
a,
après les mots : "par le
défunt", sont insérés les mots : "ou le donataire".
«
c)
Dans le premier alinéa du
b,
après les mots : "dans la
déclaration de succession", sont insérés les mots : "ou dans l'acte
d'acceptation de la donation", les mots : "huit ans" sont remplacés par les
mots "deux ans", et après les mots : "de la date du décès", sont ajoutés les
mots : "ou de la donation".
«
d)
Dans le dernier alinéa
c,
sont supprimés les mots : "par
décès", et le mot : "individuelle" est remplacé par les mots : "sous quelque
forme que ce soit".
« II. - La perte de recettes résultant du I ci-dessus est compensée par une
majoration à due concurrence du tarif des droits sur les tabacs fixé à
l'article 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Adnot.
M. Philippe Adnot.
Ces deux amendements visent à faciliter la reprise des entreprises de manière
à éviter une rupture d'activité.
Aujourd'hui, une transmission à la suite d'un décès entraîne un certain nombre
d'exonérations dont ne bénéficie pas une transmission avant décès.
Cette proposition consiste à faciliter cette dernière transmission.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Ce sont là de bonnes mesures auxquelles la commission
est favorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Défavorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-236 rectifié, accepté par la commission et
repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi de finances, après l'article 11
bis.
Je mets aux voix l'amendement n° I-237 rectifié, accepté par la commission et
repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi de finances, après l'article 11
bis.
Article additionnel avant l'article 11 ter
M. le président.
L'amendement n° I-168, présenté par Mme Rozier, MM. Oudin, Besse, Demuynck,
Cazalet et Calmejane, Mme Michaux-Chevry, MM. Hamel, César, Doublet, Goulet,
Murat, Fournier, Leclerc, Braye, Legendre et Doligé, est ainsi libellé :
« Avant l'article 11
ter,
insérer un article additionnel ainsi rédigé
:
« A la fin du I et du II de l'article 757 B du code général des impôts, la
somme : "200 000 F" est remplacée par la somme : "30 490 EUR". »
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin.
La loi n° 2000-517 du 15 juin 2000 porte habilitation du Gouvernement à
adapter par ordonnance la valeur en euros de certains montants exprimés en
francs dans les textes législatifs.
Cette habilitation a pris fin le 2 octobre 2000 et le Gouvernement a déposé,
le 17 janvier 2001, un projet de loi portant ratification de l'ordonnance n°
2000-916 du 19 septembre 2000 portant habilitation du Gouvernement à procéder
par ordonnance à cette conversion.
L'article 757 B prévoit que les sommes versées en vertu d'un contrat
d'assurance en cas de décès donnent ouverture aux droits de mutation à
concurrence de la fraction des primes versées qui excède 200 000 francs.
Lors de la conversion en euros, ce seuil a été fixé à 30 000 euros, soit 196
787 francs. Il n'y a pas de petit profit ! Les personnes concernées sont donc
défavorisées à hauteur de 3 213 francs.
Cet amendement tend à procéder à une juste conversion.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La conversion retenue par le ministère de l'économie
et des finances était manifestement en contradiction avec l'engagement de M.
Fabius selon lequel le passage à l'euro ne devait ni léser les contribuables ni
profiter à l'administration fiscale.
Le Gouvernement semble avoir pris conscience
in extremis
qu'un arrondi
aussi défavorable, affectant de surcroît l'assurance décès, sujet ô combien
sensible ! risquait de créer une certaine impopularité. C'est pourquoi il
proposera, avec l'article 27 du projet de loi de finances rectificative pour
2001, de rattraper son erreur en portant cet arrondi à 30 500 euros, soit dix
euros de plus, mon cher collègue, que ce que vous proposez.
Pour le bon déroulement de nos débats, il serait donc préférable que vous
retiriez cet amendement et que nous reprenions cette discussion lors de
l'examen du projet de loi de finances rectificative pour 2001.
Toutefois, après avoir sollicité le retrait de l'amendement, permettez-moi de
profiter, madame le secrétaire d'Etat, de ce que nous parlons d'euros pour
effectuer une brève mise au point sur la question de la « petite cagnotte » à
laquelle M. le ministre des finances a fait allusion hier soir.
Rappelons que l'Etat, en application de ses principes comptables et
budgétaires, va réaliser, du fait du changement monétaire, une recette
d'aubaine de 5 milliards de francs. C'est un bénéfice exceptionnel d'origine
technique dont la commission ne conteste pas le mode de calcul, même si elle
relève qu'il tombe opportunément...
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
C'est sûr : c'est l'année de l'euro !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... en une année où le budget n'est pas très facile à
boucler.
Vous avez de la chance, c'est tout ce que nous disons. Vous prélevez au
passage - comme le seigneur de Chaudes-Aigues, dont il était question tout à
l'heure et qui vivait il y a bien longtemps - 5 milliards de francs, nous le
constatons simplement ; ce n'est pas un jugement défavorable : vous appliquez
les principes comptables de l'Etat, les Français changent de monnaie, l'Etat
prélève 5 milliards de francs...
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
C'est très raccourci et caricatural !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est une vision un peu raccourcie, mais c'est une
vision vraie, madame le secrétaire d'Etat !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Vos propos sont caricaturaux !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je ne vois pas pourquoi mes propos vous choquent,
puisque c'est la vérité comptable ! L'Etat est le seul agent économique qui,
parallèlement aux inévitables coûts liés au changement de monnaie, va
bénéficier de cette aubaine.
Comment se répartissent ces 5 milliards de francs ? Un bénéfice de 3,5
milliards de francs sera constaté sur le compte d'émission des monnaies
métalliques, qui est placé dans une situation historique inédite : par
précaution, aura lieu une émission massive d'euros au crédit ; corrélativement,
le retour des francs sera plus faible au débit, car il y a toujours une
évaporation de la monnaie en circulation, notamment des monnaies de faible
valeur qui, additionnées, représentent tout de même des sommes importantes.
Ainsi, un certain nombre de pièces en francs ne seront pas retournées, et c'est
ce phénomène statistique que traduit le profit comptable de 3,5 milliards de
francs dont je viens de parler.
Par ailleurs, un excédent de 1,5 milliard de francs sera réalisé pour les
billets sur la ligne 805 du compte d'émission des monnaies, pour la même
raison. Au demeurant, le rapporteur spécial des comptes spéciaux du Trésor,
notre collègue Paul Loridant, a analysé tout cela de manière très précise en
commission.
Madame le secrétaire d'Etat, en l'absence d'une comptabilité analytique qui
permettrait d'établir le coût complet de l'euro pour l'Etat, j'imagine que vous
allez me répondre, comme M. le ministre des finances hier soir, que vous
engrangez un profit, mais après avoir engagé nombre de dépenses plus
importantes... Toutefois, en l'absence de cette comptabilité analytique,
comment pouvons-nous connaître le coût total du passage à l'euro pour l'Etat ?
Il faut donc prendre en compte cette recette et la mettre en parallèle avec les
efforts que les banques, les commerçants et les artisans auront à faire pour
leur propre passage à l'euro.
Madame le secrétaire d'Etat, je ne fais là qu'un constat comptable, je ne
porte pas un jugement de valeur. J'observe simplement que l'Etat bénéfice du
passage à l'euro pour un montant de 5 milliards de francs, qui sont
particulièrement bienvenus cette année.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le rapporteur général, ce que je critique
dans vos propos, c'est le fait que, d'un côté, vous reconnaissiez que cette
situation est due à notre système comptable et que, de l'autre, vous nous
expliquez que l'Etat ferait des profits sur le dos des contribuables. Les deux
termes de ce propos sont en contradiction !
En effet, c'est le système comptable qui est en cause et, comme l'a sans doute
dit M. Fabius hier soir, nous n'avons pas attendu l'année 2002 pour engager
certaines dépenses afin que le passage à l'euro se fasse dans les conditions
les plus harmonieuses possibles pour nos concitoyens. Nous avons ainsi engagé,
dès 1998, des dépenses liées à l'achat de métal, puis à la frappe des monnaies,
qui se sont étalées sur quatre exercices budgétaires.
Donc, pendant quatre exercices budgétaires, l'Etat a constaté des dépenses. Il
se trouve que, du fait de notre système comptable, nous régularisons cette
opération en passant une écriture en 2002, c'est-à-dire l'année du passage à
l'euro : il n'y a là rien de très mystérieux.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Si c'est un mauvais système, il faut le changer !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Je ne voudrais pas laisser passer l'idée que l'Etat
accumulerait des « cagnottes » sur le dos des Français.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est de l'argent qui est dans le budget, c'est tout
!
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Comme vous, je souhaiterais qu'il soit possible - et
nous avons pris des dispositions pour qu'à l'avenir il en soit ainsi - de
réaliser une évaluation du coût complet de ces opérations. A l'avenir, il sera
donc possible d'évaluer le coût complet du passage à l'euro pour l'Etat.
Avant que nous ne passions sous le régime de la nouvelle loi organique,
j'aimerais que vous acceptiez de considérer le gain global que représente pour
l'économie française dans toutes ses composantes, qu'il s'agisse des banques,
des commerçants ou des personnes physiques, le passage à l'euro dès le 1er
janvier 2002. N'ayons pas une vision tronquée de ces questions ! Si, d'un côté,
il peut y avoir des coûts, il y a globalement un gain. C'est d'ailleurs la
raison pour laquelle nous passons à l'euro.
(Applaudissements sur les
travées socialistes.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-168.
M. Jacques Oudin.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin.
Mme la secrétaire d'Etat vient de faire un aveu que je me permets de reprendre
au vol. Elle a dit : « A l'avenir, il sera possible de chiffrer le passage à
l'euro. » Est-ce à dire, madame, que vous n'êtes pas en mesure de nous donner
ce chiffre maintenant ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est prodigieux !
M. Jacques Oudin.
C'est tout de même étonnant, en effet !
On a bien chiffré le bogue informatique de l'an 2000 ! Et cela fait des années
que l'on prépare ce passage : ne me dites pas que l'Etat n'est pas en mesure
d'avancer un chiffre !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est extraordinaire !
M. Jacques Oudin.
Par ailleurs, on a recommandé à tous les agents économiques de ne pas faire de
petits profits, de petits arrondis sur le dos des consommateurs, et là, on
prend l'Etat « la main dans le sac » ! Comme l'a souligné M. le rapporteur
général, le ministre s'en est aperçu
in extremis !
M. Claude Haut.
C'est de la politique politicienne !
M. Jacques Oudin.
Ce n'est pas une mince affaire ! Les contribuables ont été lésés de 3 213
francs par opération, ce n'est pas rien !
Ayant vu que l'affaire avait été dévoilée, l'Etat en rajoute un peu : dans
notre amendement, nous avions prévu 3 213 francs, et l'Etat propose, en
définitive, 3 505 francs.
Cela étant, madame le secrétaire d'Etat, pouvez-vous nous donner l'assurance
que d'autres chiffres qui sont de la responsabilité de l'Etat n'ont pas été
arrondis pour faire des petits profits ? Pouvez-vous dire au Sénat que c'est
une erreur exceptionnelle et qu'il n'y en aura pas d'autre ? Nous risquons de
les voir arriver peu à peu dans les mois qui viennent.
M. Bernard Murat.
C'est clair !
M. Jacques Oudin.
Comment a-t-on déterminé ces 35 000 euros ? On nous dit que le sujet sera
traité dans la loi de finances rectificative. S'agira-t-il d'une circulaire ?
D'un décret ? On risque de ne rien voir du tout.
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Ce sera la loi.
M. Jacques Oudin.
Quelle assurance avons-nous qu'il s'agira vraiment de 35 000 euros ? Je ne
sais pas si l'on peut me répondre immédiatement. De toute façon, les promesses
que l'on fait devant une assemblée ne sont pas toujours suivies d'effet.
Enfin, madame la secrétaire d'Etat, l'Etat va avoir dans ses caisses 5
milliards de « bénéfices de conversion » - on peut les appeler ainsi, n'est-ce
pas monsieur Loridant ? Mais qui va supporter en partie les charges et les
coûts de cette conversion ? Les commerçants ! En effet, ce sont eux qui vont
assurer le rôle de banquiers changeurs à l'occasion de la conversion de
l'euro.
On leur a dit : vous ferez cela gratuitement, bénévolement, vous n'aurez pas
un sou ! Est-ce que cette petite cagnotte de 5 milliards de francs ne
permettrait pas d'indemniser les commerçants pour les charges qu'ils auront à
supporter à la place de l'Etat ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est déjà pris en compte dans le solde.
M. Jacques Oudin.
Ce ne serait que justice.
Après ces observations, je retire mon amendement, avec toutefois quelques
inquiétudes sur l'avenir.
M. le président.
L'amendement n° I-168 est retiré.
M. Yves Fréville.
Je le reprends, monsieur le président.
M. le président.
Il s'agit donc de l'amendement n° I-168 rectifié, présenté par M. Fréville.
Vous avez la parole, mon cher collègue.
M. Yves Fréville.
Je suis plongé dans un abîme de perplexité face à ce problème de la conversion
de la monnaie métallique.
Il existe une dette importante pour émission de monnaie métallique -...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Oui.
M. Yves Fréville.
... nous en reparlerons peut-être lors de l'examen du budget des charges
communes. Aussi, je n'arrive pas à comprendre pourquoi le bénéfice tiré de
cette conversion, au lieu de venir en recette du budget général, ne va pas là
où il devrait aller, c'est-à-dire en réduction de cette dette. Cette dernière
résulte essentiellement de l'accumulation des résultats de la ligne n° 30
située au débit du compte n° 17 du compte général de l'administration des
finances, le CGAF, intitulé « charges liées à la diminution de la circulation
de pièces ayant cours légal ». Personnellement, j'aurais estimé - mais je n'ai
pas approfondi la question - que ces 5 milliards de francs auraient mieux fait
d'aller en réduction de la dette. Mais je peux tout à fait me tromper, ne
disposant pas de toute l'information nécessaire.
M. Roland du Luart.
Il faudra que le Gouvernement nous explique.
M. Yves Fréville.
Dans ces conditions, je retire l'amendement.
M. le président.
L'amendement n° I-168 rectifié est retiré.
Article 11 ter
M. le président.
« Art. 11
ter. -
L'article 764
bis
du code général des impôts
est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ces dispositions s'appliquent dans les mêmes conditions lorsque les enfants
majeurs du défunt ou de son conjoint sont incapables de travailler dans des
conditions normales de rentabilité, en raison d'une infirmité physique ou
mentale, congénitale ou acquise au sens du II de l'article 779. » -
(Adopté.)
Article additionnel après l'article 11 ter
M. le président.
L'amendement n° I-167, présenté par Mme Rozier, MM. Oudin, Besse, Demuynck,
Cazalet et Calmejane, Mme Michaux-Chevry, MM. Hamel, César, Doublet, Goulet,
Murat, Fournier, Leclerc, Braye et Doligé, est ainsi libellé :
« Après l'article 11
ter
, insérer un article additionnel ainsi rédigé
:
« A la fin du premier alinéa du I de l'article 990-I du code général des
impôts, la somme : "1 000 000 F" est remplacée par la somme : "152 449 EUR".
»
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin.
La loi n° 2000-517 du 5 juin 2000 porte habilitation du Gouvernement à adapter
par ordonnance la valeur en euros de certains montants exprimés en francs dans
les textes législatifs. Cette habilitation a pris fin le 2 octobre 2000 et le
Gouvernement a déposé, le 17 janvier 2001, un projet de loi portant
ratification de l'ordonnance n° 2000-916 du 19 septembre 2000 portant
habilitation du Gouvernement à procéder par ordonnance à cette conversion.
L'article 990-I du code général des impôts institue un prélèvement sur les
sommes versées par les organismes d'assurance et assimilés à raison des
contrats d'assurance en cas de décès. Cet article prévoit un abattement d'un
montant de 1 000 000 francs, qui a été converti au niveau de 150 000 euros,
c'est-à-dire 983 935 francs. Les personnes concernées par cet abattement sont
donc pénalisées à hauteur de 16 065 francs. Tout à l'heure, c'était 3 200
francs ; là, nous en sommes à 16 065 francs.
Vous admettrez, mes chers collègues, que la requête que j'ai formulée auprès
de Mme la secrétaire d'Etat de dresser la liste de toutes les conversions qui
aboutissent à léser le contribuable paraît tout à fait pertinente.
On a dit tout à l'heure qu'on avait pris le Gouvernement « la main dans le sac
».
(M. Masseret proteste.)
Cela fait donc la deuxième fois.
M. le président.
Cela fait « rebondir » M. Masseret !
(Sourires.)
M. Jean-Pierre Masseret.
Je m'exprimerai tout à l'heure !
M. Jacques Oudin.
Oui, je serai content que M. Masseret nous donne une explication. Je n'attends
que cela, d'ailleurs ! C'est pour cela que je répète que le Gouvernement a été
pris la main dans le sac.
Cet amendement tend donc à procéder à une juste conversion, qui donne le
chiffre de 152 449 euros.
Peut-être la commission des finances va-t-elle nous annoncer que le
Gouvernement, pris de remords, a décidé d'arrondir le chiffre à 155 000 euros,
pourquoi pas ?
En tout cas, je souhaiterais avoir une réponse sur ce point.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Très opportunément, cet amendement nous permet de
débattre quelques instants de plus sur le thème de l'euro.
Sur l'amendement lui-même, la commission formulera la même réponse que pour le
précédent et enjoindra ses auteurs, après une discussion intéressante, de
retirer l'amendement pour que nous rediscutions de la conversion des seuils en
euros dans le projet de loi de finances rectificative.
Au-delà, madame le secrétaire d'Etat, c'est à vous que je veux m'adresser.
Permettez-moi de vous dire de la manière la plus modérée, la plus respectueuse,
que j'ai été vraiment surpris de votre réaction, lorsque, voilà quelques
instants, a été évoquée la différence comptable de 5 milliards de francs.
Je ne vais pas employer le mot de « cagnotte », l'un de ces mots qui plaît
tant aux journalistes,...
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Mais dont vous vous repaissez !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Madame, il faut bien que nos discussions soient un
peu imagées. Elles ne peuvent pas être toujours complètement technocratiques,
incompréhensibles, pour tout un chacun à l'extérieur !
Bref, cette différence comptable vient opportunément se transformer en recette
budgétaire en concourant au solde de la loi de finances. C'est ce que nous
observons ! La commission ne formule pas une critique ; elle fait une simple
constatation.
Mais que cette constatation vous « pique au vif » est pour nous plein
d'enseignements. Les comptes sont les comptes ! Les principes comptables sont
les principes comptables : entre les crédits et les débits, ont doit
s'astreindre à une permanence de la méthode !
En fait, l'Etat reste constant : il y a une très vieille tradition dans ce
domaine. Au Moyen Age, on rognait les monnaies. Autrefois, le souverain
changeait la monnaie parce que cela rapportait de l'argent au Trésor royal.
Nous sommes donc, en l'occurrence, les héritiers d'un passé lointain : le
Trésor de la République engrange 5 milliards de francs avec le passage du franc
à l'euro !
Madame le secrétaire d'Etat, voilà quelques instants, l'un de nos collègues,
Marcel Deneux, nous proposait un amendement qui jouait sur la trésorerie des
entreprises agricoles et sur celle de l'Etat. « Coût budgétaire prohibitif »,
avez-vous répondu ! Cela méritait discussion.
Par ailleurs, dans la loi de finances rectificative, le Gouvernement compte
modifier les conditions de règlement de la TVA par les entreprises, qui
pourront bénéficier d'un mois supplémentaire, et vous dites que cette
disposition n'engendrera aucun coût budgétaire pour l'Etat, qu'il s'agira
simplement de trésorerie.
Bref, nous avons un peu de peine à comprendre à quoi nous conduisent les
règles comptables de l'Etat. En fait, ces règles remontent à la nuit des temps
et elles sont appliquées par tous les Etats successifs, par tous les
gouvernements successifs, et ce toujours dans le même intérêt. Les plateaux de
la balance sont toujours déséquilibrés dans le même sens, toujours dans celui
de l'opportunité régalienne.
Cette manière de faire nous vient peut-être d'un autre temps. Mais, dans un
monde où l'on peut facilement effectuer des comparaisons sur le plan
international, dans un monde de transparence, dans lequel la pérennité des
méthodes prend une importance considérable, il faudrait sans doute remettre en
cause ces vieilles habitudes.
Nous ne disons pas autre chose. En tout cas, la réaction que vous avez
exprimée, madame le secrétaire d'Etat, nous semble révélatrice de comportements
qui ne sont plus de notre époque.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Nous n'aurons pas perdu notre matinée
(Ah ! sur diverses travées),
car j'ai enfin la réponse à une question que
je me posais depuis très longtemps : pourquoi, grands dieux, la France
souhaite-t-elle passer à l'euro ? J'ai compris : c'est pour permettre à l'Etat,
à défaut du Trésor royal, de s'enrichir. La réponse est claire. Elle avait
échappé aux Français, mais, heureusement, monsieur le rapporteur général, vous
nous l'avez livrée.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Très drôle !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Au demeurant, je suis très étonnée que M. le
rapporteur général, qui connaît très bien les questions bancaires et les
questions relatives à l'entreprise et à la comptabilité, puisse opérer une
telle confusion entre des opérations de bilan et des opérations du compte de
résultat.
Quand il s'agit de rembourser de manière anticipée une créance de TVA détenue
par les entreprises depuis 1993, que se passe-t-il ? Il s'agit d'une créance
qui, du point de vue de l'entreprise, est inscrite à son bilan. Pour l'Etat, il
s'agit d'une dette qui est inscrite au « bilan » de l'Etat. C'est donc un
remboursement qui est traité en opérations de bilan et qui n'interfère en rien
sur les flux de l'année. C'est la raison pour laquelle c'est neutre du point de
vue du déficit de l'Etat.
En revanche, s'agissant de l'amendement qui vous a beaucoup ému tout à l'heure
quant à son chiffrage, il s'agissait d'un remboursement trimestriel de TVA. Si
cette mesure était mise en oeuvre, cela consisterait, la première année, à
rembourser tous les trimestres au lieu de rembourser tous les ans. Cela
signifie que la première année on rembourse davantage que si l'on n'avait pas
changé de système. Il y a donc une modification des flux de recettes. Par
conséquent, il faut en tenir compte dans l'équilibre. C'est aussi simple que
cela et je ne vois pas pourquoi, monsieur Marini, vous faites un tel procès
d'intention au Gouvernement sur ces opérations. Il s'agit simplement d'une
différence de traitement entre des opérations de bilan et des opérations de
compte de résultat.
Pour en terminer sur les opérations de conversion, je répondrai à M. Oudin,
qui ne fait pas beaucoup crédit au Gouvernement, que nous aurons, au mois de
décembre, une discussion sur l'article 27 du projet de loi de finances
rectificative qui lui permettra de constater qu'un certain nombre de
rectifications positives sont faites dans les méthodes de conversion par
rapport à la méthode générale qui était fixée dans le cadre d'une ordonnance
antérieure.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-167.
M. Paul Girod.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod.
A longueur de journée, j'entends à la radio ou je lis dans les journaux des
mises en garde adressées aux boulangers, aux gérants de supermarché, bref, aux
commerçants, où on leur dit en substance : « Attention, ne profitez pas du
passage à l'euro pour escroquer vos clients en manipulant vos arrondis ! »
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
« Escroquer », le mot est un peu fort : « Profiter un
peu » !
M. Paul Girod.
Le mot « escroquer » n'est pas prononcé, mais il apparaît en filigrane.
Permettez-moi de faire un petit calcul : 5 milliards de francs divisés par 65
millions de Français, cela fait 769 francs par Français. Avant que, avec les
arrondis, dans les supermarchés, on ait volé 769 francs à chaque Français, de
l'eau aura passé sous les ponts !
Par conséquent, cette dualité entre le comportement du Trésor public et les
conseils donnés aux entrepreneurs du commerce me semble très mal venue.
M. Alain Joyandet.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Joyandet.
M. Alain Joyandet.
Madame le secrétaire d'Etat, pardonnez-moi, mais je ne comprends pas
l'explication technique et comptable que vous venez de donner.
Votre explication sur les fameux 800 millions de francs m'a convaincu
puisqu'ils figuraient au compte de bilan des entreprises et au bilan de la
nation ; nous sommes bien dans une opération de bilan, qui n'a pas d'incidence
sur le compte de résultat de l'entreprise, ni sur les équilibres budgétaires de
la nation.
Mais, avec le second exemple que vous donnez, nous sommes exactement dans le
même cas de figure, madame le secrétaire d'Etat ! Je ne vois pas comment une
opération qui figure au bilan d'une entreprise et qui ne représente qu'une
opération de trésorerie pourrait avoir une incidence sur le compte de résultat
de l'Etat puisque, dans le cadre que vous évoquez, il s'agit d'anticiper sur
des remboursements de TVA. La TVA payée en avance par les entreprises ne figure
en aucun cas au compte de résultat de l'entreprise, mais figure au bilan de
celle-ci.
Si vous opérez un décalage en termes de remboursement sur un trimestre,
l'entreprise va récupérer l'équivalent d'un trimestre de TVA, mais cela
n'améliorera en rien son résultat. Par conséquent, je ne vois pas en quoi cela
pourrait changer le solde du compte de résultat de la nation.
Il n'y a donc pas de différence majeure entre les 800 millions de francs et le
trimestre de TVA. Il ne peut guère y avoir qu'une différence de trésorerie, la
première année, dans les comptes de l'Etat, mais cela ne peut pas jouer sur les
écarts puisque, de toute façon, la somme n'était qu'une avance de trésorerie
consentie par l'entreprise et ne pouvait pas être considérée comme une recette
pérenne, en tout cas en termes de résultat.
Décidément, les deux opérations me semblent tout à fait identiques.
M. Jean-Pierre Masseret.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Masseret.
M. Jean-Pierre Masseret.
Je ne veux pas entrer dans des débats chiffrés, mais je ferai tout de même
remarquer à mon excellent collègue Paul Girod que, quand on divise 5 milliards
de francs par 65 millions d'habitants, cela ne fait pas 770 francs, mais 77
francs par habitant. Autrement dit, il s'est trompé de près de 700 francs par
habitant. Heureusement qu'il n'est pas rapporteur général et encore moins
ministre du budget ! Qu'il veuille bien me pardonner cette taquinerie !
Je souhaite surtout réagir aux mots qui ont été utilisés tout à l'heure à
propos de ces 5 milliards de francs : « main dans le sac » ou « escroquerie »,
terme que Paul Girod a employé à l'instant.
De quoi s'agit-il, en fait ? Moi, je ne comprends rien à vos affaires de
chiffres...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Voyons ! Un ancien membre de la commission des
finances !
(Sourires.)
M. Jean-Pierre Masseret.
C'est pour cela que je n'en fais plus partie, monsieur le rapporteur général :
on ne m'y a pas reconduit, vous le savez bien !
(Nouveaux sourires.)
Ce que j'ai compris, c'est que des hommes et des femmes de ce pays détenteurs
de francs n'allaient pas demander leur change en euros et que, de ce fait,
l'Etat allait se trouver disposer de ces 5 milliards de francs. Il n'y a donc
aucune opération frauduleuse et l'on ne peut parler de « main dans le sac » ou
d'« escroquerie ». C'est un simple constat que l'on fait.
D'ailleurs, je ne sais pas comment vous arrivez à 5 milliards de francs :
j'aimerais bien savoir comment on peut calculer deux mois à l'avance, par
anticipation ce que vont faire les Françaises et les Français par rapport à
l'euro !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est le chiffre de la Banque de France !
M. Michel Sergent.
C'est Mme Soleil !
M. Roland du Luart.
Demandez à M. Loridant : c'est lui qui a trouvé le chiffre !
M. Jean-Pierre Masseret.
Moi, je prétends que vous ne pouvez pas le savoir, pas plus qu'on ne peut
répondre à la question que posait Jacques Oudin tout à l'heure : combien coûte
réellement le passage du franc à l'euro ? On fera le calcul après, et Mme la
secrétaire d'Etat a eu raison de dire que, à un moment donné, on pourra faire
les comptes. Tant que nous ne sommes pas au terme de l'opération, c'est
impossible.
Cela étant, si jamais on bénéficie de trois, quatre, voire cinq milliards de
francs de plus, si cela peut permettre d'améliorer les services publics,
l'éducation nationale, l'aménagement de l'espace rural,...
M. le président.
La dotation des communautés urbaines !
(Sourires.)
M. Jean-Pierre Masseret.
... ce sera une bonne chose pour la France.
(Applaudissements sur les
travées socialistes.)
M. Paul Girod.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod.
Je veux simplement dire que, même pour arriver à 77 francs par Français - car
je m'étais effectivement trompé dans la division - il faut tout de même
beaucoup d'arrondis.
M. Paul Loridant.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant.
Je vois que les esprits s'échauffent !
Sachez simplement, mes chers collègues, que le rapport sur les comptes
spéciaux du Trésor, dont je suis l'auteur avec l'aide efficace des services de
la commission des finances, sera publié jeudi. Je vous renvoie donc à ce
document, qui décrit une mécanique bien connue, liée au pouvoir régalien de
l'Etat de battre monnaie.
Il y a effectivement une estimation de recettes de l'ordre de 5 milliards de
francs pour le budget de 2002, et il y aura d'ailleurs d'autres recettes à
l'avenir. Mais il faut savoir que, au cours des années antérieures, l'Etat a
engagé des dépenses, sur le compte « monnaie métallique », pour frapper ces
pièces. Il convient donc de dresser un bilan global.
Je me permets par ailleurs de souligner une difficulté, madame le secrétaire
d'Etat : l'Etat n'est pas en mesure de produire des comptes analytiques
retraçant l'ensemble du coût que représente pour lui le passage à l'euro. C'est
pourquoi nous constatons simplement dans le rapport sur les comptes spéciaux du
Trésor que, au titre de l'année 2002, il y aura 5 milliards de francs de
recettes supplémentaires. Mais il y a un certain nombre de coûts que je ne peux
pas prendre en compte, car ils ne relèvent pas directement des comptes spéciaux
du Trésor.
Quoi qu'il en soit, il n'y a ni manipulation ni fraude : c'est une conséquence
classique du pouvoir de battre monnaie.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Ce qui est dommage, c'est que c'est probablement la
dernière fois !
M. le président.
Monsieur Doublet, l'amendement n° I-167 est-il maintenu ?
M. Michel Doublet.
Je suis prêt à le retirer si, comme le Gouvernement s'y est engagé, il est
effectivement procédé d'ici à la fin de l'année à la rectification que nous
avons demandée concernant la différence de 16 065 francs.
(Mme le secrétaire
d'Etat fait un signe d'assentiment.)
Alors, je retire l'amendement.
M. le président.
L'amendement n° I-167 est retiré.
Article 11 quater
M. le président.
« Art. 11
quater
. - Après l'article 1043 du code général des impôts, il
est inséré un article 1043-0 A ainsi rédigé :
«
Art. 1043-0 A
. - Les transferts de biens, droits et obligations entre
établissements de santé visés à l'article L. 6112-2 du code de la santé
publique sont exonérés du paiement des salaires aux conservateurs des
hypothèques pour l'accomplissement des formalités visées aux 1° et 2° de
l'article 878. »
Sur l'article, la parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
L'Assemblée nationale a adopté un article
additionnel, devenu l'article 11
quater
, qui exonère du paiement des
salaires aux conservateurs des hypothèques les établissements de santé
participant au secteur public hospitalier pour leurs opérations internes de
restructuration.
Notre commission a approuvé cette disposition, mais il me paraît opportun de
m'attarder quelques instants sur le système des conservations des hypothèques.
Nous voici encore dans l'histoire financière ! La publicité foncière est l'«
état civil » des propriétés immobilières. Elle a pour mission de rendre
publics, dans un cadre légal, les droits et propriétés portant sur les
parcelles rurales, les appartements, les maisons individuelles, mais également
les droits tels que les servitudes et les hypothèques.
La publicité foncière est organisée par la conservation des hypothèques, qui
dépend de votre administration, madame le secrétaire d'Etat.
C'est une loi du 21 ventôse An VII qui a créé les « salaires » des
conservateurs des hypothèques. Ces « salaires » correspondent aux sommes
versées par les usagers de la publicité foncière aux conservateurs des
hypothèques selon les tarifs fixés par le code général des impôts.
A l'origine, l'ensemble de ces sommes constituait la rémunération des
conservateurs des hypothèques, d'où l'appellation de « salaire ». Désormais,
près de 90 % de ces sommes sont en réalité versées au budget de l'Etat. En
effet, l'article 884 du code général des impôts prévoit que l'Etat effectue un
prélèvement sur le salaire brut des conservateurs des hypothèques afin de
couvrir les frais de fonctionnement du service de la publicité foncière. Or les
taux de prélèvement retenus varient entre 65 % et 90 % des salaires.
En vérité, ces salaires sont, pour l'essentiel, des redevances prélevées par
l'Etat et qui alimentent son budget.
Malgré ce prélèvement, ces postes restent très lucratifs pour leurs
bénéficiaires, comme en témoignent les chiffres suivants : en 2000, les
recettes liées aux formalités accomplies et aux renseignements délivrés en
matière de publicité foncière, appelées « salaires bruts » et perçues par les
conservateurs des hypothèques, se sont élevées à 326,85 millions d'euros. La
part représentative de la rémunération principale des conservateurs, dite «
salaires demi-nets », se monte, elle, à 37,35 millions d'euros.
Jusqu'à présent, les conservateurs des hypothèques devaient également, sur les
sommes leur restant acquises, régler divers frais de fonctionnement de leur
service, dont les dépenses de reliure des documents dont ils assument la
conservation.
Toutefois, le plan de modernisation du service de la publicité foncière
entrepris par la direction générale des impôts a réformé le dispositif.
Désormais, l'intégralité de la rémunération des conservateurs des hypothèques
est fiscalisée à partir du 1er janvier 2002, en contrepartie de la prise en
charge directe par l'administration des frais de fonctionnement des services
placés sous la direction des conservateurs des hypothèques, frais qui sont mis
aujourd'hui à leur charge.
De même, ledit plan de modernisation vise à accroître la productivité des
services de la conservation des hypothèques. Jusqu'à présent, les conservateurs
des hypothèques prélevaient leur rémunération avant même de réaliser le service
demandé par l'usager. En conséquence, ils n'étaient guère incités à accomplir
très rapidement leurs missions. Désormais, à compter du 1er janvier 2002, ils
ne pourront être rémunérés qu'après inscription au fichier immobilier ou renvoi
des renseignements à l'usager.
Il apparaît donc que, sous la pression des critiques formulées par la Cour des
comptes, le régime des services de la conservation des hypothèques fait l'objet
de certaines réformes visant à en moderniser le fonctionnement et à assurer la
qualité des prestations servies.
Il n'en reste pas moins que, tout en saluant les avancées qui ont été
réalisées - vous le voyez, madame le secrétaire d'Etat, la commission ne fait
pas que des remarques négatives - nous estimons que ce dispositif reste vétuste
et représente un coût considérable pour tous les acteurs économiques.
J'aimerais donc connaître votre opinion sur ce sujet et savoir s'il est
envisagé d'aller plus loin dans la réforme, notamment en ce qui concerne la
diminution des coûts répercutés sur les collectivités territoriales ainsi que
sur toutes les catégories d'agents qui interviennent sur les marchés
immobiliers.
M. le président.
Je mets aux voix l'article 11
quater
.
(L'article 11
quater
est adopté.)
Article 11 quinquies
M. le président.
L'article 11
quinquies
sera examiné cet après-midi, lors du débat sur
les recettes des collectivités locales.
Article 11 sexies
M. le président.
« Art. 11
sexies
. - Les entreprises qui ont été soumises à la taxe
exceptionnelle mentionnée au II de l'article 11 de la loi de finances pour 2001
(n° 2000-1352 du 30 décembre 2000) doivent acquitter, au titre du premier
exercice clos à compter du 20 septembre 2001, une taxe complémentaire égale à
8,33 % de l'assiette de la taxe exceptionnelle.
« La taxe complémentaire est acquittée dans les quatre mois de la clôture de
l'exercice. Elle est liquidée, déclarée, recouvrée et contrôlée comme la taxe
exceptionnelle et sous les mêmes garanties et sanctions. Elle est imputable,
par le redevable de cet impôt, sur l'impôt sur les sociétés dû au titre de
l'exercice suivant celui au cours duquel la provision sur laquelle elle est
assise est réintégrée ou, lorsque la reprise de cette provision est intervenue
au cours d'un exercice clos avant le 20 septembre 2001, sur l'impôt sur les
sociétés dû au titre de l'exercice suivant celui au titre de laquelle elle est
due. Elle n'est pas admise en charge déductible pour la détermination du
résultat imposable. »
M. le président.
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° I-146, présenté par MM. du Luart, Bourdin, Clouet, Lachenaud,
Trucy et les membres du groupe des Républicains et Indépendants, est ainsi
libellé :
« Supprimer l'article 11
sexies
. »
L'amendement n° I-27, présenté par M. Marini, au nom de la commission des
finances, est ainsi libellé :
« I. - Compléter le premier alinéa de l'article 11
sexies,
par les mots
: ", déduction faite, le cas échéant, du montant de la provision pour hausse
des prix correspondant qui était déjà rapporté au résultat des entreprises
concernées lors du premier exercice clos à compter du 20 septembre 2000".
« II. - Après la troisième phrase du second alinéa de l'article 11
sexies
, insérer une phrase ainsi rédigée : "La fraction de la taxe
complémentaire qui n'a pu être imputée dans les conditions prévues par le
présent alinéa est remboursée l'année suivant celle de la clôture de l'exercice
au titre duquel elle n'a pu être imputée."
« III. - Rédiger ainsi le début de la dernière phrase du second alinéa de
l'article 11
sexies
: "La taxe complémentaire n'est pas admise..."
« IV. - Pour compenser la perte de recettes résultant pour l'Etat des
dispositions des I, II et III ci-dessus, compléter l'article 11
sexies
par un paragraphe ainsi rédigé :
«
II.
- Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de la réduction de
l'assiette de la taxe complémentaire et du caractère éventuellement
remboursable de la taxe complémentaire sont compensées à due concurrence par la
création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A
du code général des impôts. »
« V. - En conséquence, faire précéder le début de l'article 11
sexies
de la mention : "I. -". »
L'amendement n° I-223, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« I. - Compléter l'article 11
sexies
par deux paragraphes additionnels
ainsi rédigés :
« ... - A compter du premier exercice clos au 20 septembre 2002, la taxe
complémentaire est, pour le dixième de son produit, affectée au financement
d'opérations d'investissement des collectivités locales et de mise aux normes
de sécurité et de formation des salariés dans les entreprises soumises à
autorisation au titre de la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976, relative aux
installations classées pour la protection de l'environnement.
« ... - Le taux prévu à l'article 219 du code général des impôts est relevé à
due concurrence des pertes de recettes résultant pour l'Etat des dispositions
du paragraphe précédent. »
« II. - En conséquence, faire précéder le texte de l'article 11
sexies
de la mention : "I. -". »
La parole est à M. du Luart, pour défendre l'amendement n° I-146.
M. Roland du Luart.
L'article 11
sexies
institue une taxe complémentaire à la taxe
exceptionnelle de 25 % assise sur les provisions pour hausse de prix
constituées par les entreprises pétrolières, taxe qui a été créée par la loi de
finances initiale pour 2001.
Cette taxe supplémentaire est critiquable sur le plan juridique, car elle a
pour assiette un enrichissement supposé qui n'est, en réalité, qu'un décalage
de trésorerie.
Elle l'est également parce qu'elle ne vise que certaines entreprises au sein
d'un même secteur. La franchise de 100 millions de francs limite en effet son
champ d'application à quelques grandes sociétés françaises du raffinage et de
la distribution. Elle crée ainsi une inégalité de traitement à l'échelon
national, dans un contexte déjà marqué par une forte concurrence
internationale.
Comme le souligne très bien M. le rapporteur général dans son rapport,
l'instauration de la taxe complémentaire ne semble, en réalité, viser qu'un
seul groupe pétrolier français en particulier, sous prétexte que ce groupe a
récemment connu des résultats financiers favorables.
Voilà donc un nouvel exemple de la manière dont le Gouvernement ponctionne les
trésoreries d'organismes ou d'entreprises qui lui sont plus ou moins liés. Au
lieu de mieux gérer son argent, il en prend aux autres !
Il met ainsi à contribution la sécurité sociale pour financer les 35 heures.
De la même façon, il boucle le projet de budget pour 2002 en augmentant les
prélèvements sur EDF, GDF, la Caisse des dépôts, ou encore la CADES, la Caisse
d'amortissement de la dette sociale.
Notre amendement de suppression est donc avant tout un amendement de principe.
Il tend à rejeter une nouvelle mesure de circonstance et à dénoncer l'ensemble
des arrangements comptables auxquels se livre le Gouvernement pour dissimuler
la réalité de nos finances publiques.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l'amendement n°
I-27.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Nous avons déjà voté, l'année dernière, une
disposition identique.
L'amendement n° I-27 a deux objets : premièrement, rendre cette taxe
complémentaire remboursable, et non pas seulement imputable - c'est une
question d'équité ; deuxièmement, en conformité avec la ligne que nous avons
l'habitude de suivre, supprimer les aspects les plus rétroactifs de ce
prélèvement.
M. le président.
La parole est à M. Foucaud, pour présenter l'amendement n° I-223.
M. Thierry Foucaud.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la
catastrophe survenue le 21 septembre dernier dans l'usine AZF de Toulouse a
largement prouvé que la question des risques industriels majeurs était loin
d'être résolue dans notre pays et qu'il convenait, par conséquent, de tenter de
trouver des solutions adaptées aux problèmes posés.
Nous savons que des mesures d'urgence ont été prises, et nous aurons
l'occasion, dans le cadre de la discussion tant de la deuxième partie que du
collectif budgétaire, de revenir sur les conséquences matérielles et
financières de cet événement dramatique.
La discussion budgétaire est également l'occasion de rechercher des pistes de
solution adaptées à la situation créée. Dans cette affaire, en effet, il
importe de ne pas perdre de vue trois paramètres essentiels.
Le premier, c'est le développement de l'activité économique, qui, dans un
secteur comme la chimie, pose évidemment des problèmes de sécurité qu'il faut
s'efforcer de résoudre dans les meilleures conditions.
Le deuxième, c'est la sécurité même des salariés, qui, aux dernières
nouvelles, sont les plus directement exposés aux risques industriels et dont
l'emploi et la formation doivent être préservés. Il s'agit de concourir à gérer
le risque et de tendre vers la mise en place d'une procédure de sécurisation
absolue, le « risque zéro ».
Le troisième, c'est la sécurité même de l'environnement immédiat de ces
établissements industriels classés à risques, qui imposent non seulement des
efforts particuliers d'aménagement urbain aux collectivités locales, mais aussi
des contraintes en terme de schémas de cohérence territoriale.
L'ensemble de ces facteurs nous conduit donc aujourd'hui à proposer qu'à
l'avenir une partie du produit de la taxe complémentaire acquittée par les
compagnies pétrolières en vertu de l'article 11
sexies
soit affectée au
financement de la gestion des risques industriels sur la base des trois
paramètres que je viens d'énoncer.
A ceux qui pourraient se demander si nous ne faisons que trouver un commode «
bouc émissaire », je me contenterai de rappeler qu'un grand nombre des
établissements classés Seveso sont exploités par des entreprises liées
précisément à ces compagnies pétrolières, à l'image d'AZF, filiale du groupe
TotalFinaElf.
Comme nous aurons l'occasion de le souligner, cet amendement ne constitue
qu'un élément parmi d'autres des propositions de financement que nous pouvons
formuler pour mobiliser les moyens en matière de prévention des risques
industriels.
Que l'on nous comprenne bien, la catastrophe de Toulouse a suscité un grand
émoi dans la population de notre pays et dans la ville rose. Nombreux sont ceux
qui, deux mois après, vivent encore dans la précarité et dans l'attente
anxieuse d'une solution.
Cette catastrophe a aussi largement révélé que nous étions en ce domaine très
loin de répondre aux légitimes attentes de la population. Dans l'ensemble des
sites Seveso de France, la même inquiétude existe et des solutions doivent donc
être trouvées.
Tel est l'objet de cet amendement que je vous invite, mes chers collègues, à
adopter.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s I-146 et I-223 ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
L'amendement n° I-146 constitue une excellente
initiative, qui rejoint celle de la commission. Notre amendement n° I-27 étant
techniquement un peu plus détaillé, nous avons, c'est naturel, une préférence
pour cette rédaction. Dans la mesure où le fond est le même, je suggère à nos
collègues de s'y rallier.
J'en viens à l'amendement n° I-223. On ne peut certes que souscrire à
l'intention de renforcer la sécurité des installations classées. Toutefois,
nous ne saurions approuver une nouvelle « tuyauterie budgétaire », quelque peu
bricolée avec une affectation de ressources non pérenne. La taxe
complémentaire, qui n'est en effet pas une ressource pérenne, ne peut pas être
affectée à des dépenses qui, elles, le sont. Vous le savez, la commission des
finances n'est pas, par doctrine, favorable à de nouvelles affectations de
recettes.
Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s I-146, I-27 et I-223
?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement est défavorable, comme l'an dernier, à
l'amendement qui vise à supprimer une taxation complémentaire sur les
compagnies pétrolières. Cette taxation est destinée à atténuer les avantages
d'un mécanisme bien connu, celui de la provision pour hausse de prix. Quand
j'aurai rappelé que, grâce à ce mécanisme, une même hausse peut être déduite
deux fois, on mesurera à la fois le caractère exorbitant de cet avantage et le
caractère fondé de l'article 11
sexies.
Même si l'amendement n° I-27 ne s'inscrit pas tout à fait dans la même
logique, puisqu'il s'agit non pas de supprimer purement et simplement, mais de
réduire l'assiette, le Gouvernement y est défavorable.
Quant à l'amendement n° I-223, dont je comprends bien l'inspiration, il n'est
malheureusement pas recevable, puisqu'il tend à affecter une recette à une
dépense particulière.
M. le président.
Monsieur du Luart, maintenez-vous l'amendement n° I-146 ?
M. Roland du Luart.
Madame la secrétaire d'Etat, vous ne serez évidemment pas surprise que je ne
sois pas d'accord avec votre analyse. Vous oubliez en effet que nous sommes
dans une situation de concurrence internationale et que pénaliser une grande
entreprise nationale ne rend pas service à notre pays. Vous en porterez un jour
la lourde responsabilité !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est un sujet politiquement incorrect !
M. Roland du Luart.
Cela étant dit, je suis tout à fait sensible aux arguments de M. le rapporteur
général.
Au nom du groupe des Républicains et Indépendants, je me rallie donc à
l'amendement n° I-27, techniquement plus ciblé, et je retire l'amendement n°
I-146.
M. le président.
L'amendement n° I-146 est retiré.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-27.
M. Gérard Miquel.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Miquel.
M. Gérard Miquel.
La loi de finances pour 2001 avait institué une taxe exceptionnelle pour
limiter le bénéfice que les compagnies pétrolières avaient retiré en 2000 du
mécanisme de la provision pour hausse de prix.
Nos collègues de l'Assemblée nationale ont institué dans la loi de finances
pour 2002, que nous sommes en train de discuter, une taxe complémentaire. Il
s'agit de tenir compte des profits tout à fait considérables qui ont été
réalisés par ces compagnies pétrolières, dont la santé n'a, fort heureusement,
pas été affectée par la baisse du pétrole brut. Nous devons, par conséquent,
considérer cette taxe complémentaire comme une contribution au financement des
mesures de soutien à la croissance.
Nous voterons donc contre l'amendement visant à diminuer le produit du
dispositif et, partant, l'efficacité d'un élément de la politique de croissance
de la gauche.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-27, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'amendement n° I-223 n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 11
sexies,
modifié.
(L'article 11
sexies
est adopté.)
Articles additionnels après l'article 11 sexies
M. le président.
L'amendement n° I-100, présenté par MM. Masseret et Todeschini, Mme Printz et
les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
« Après l'article 11
sexies,
insérer un article additionnel ainsi
rédigé :
« I. - Après le 2° du I de l'article 403 du code général des impôts, il est
inséré un 3° ainsi rédigé :
« 3° Dans le cadre de la politique d'aménagement de l'espace rural, et pour
soutenir et valoriser les vergers familiaux, la production d'alcool de fruits,
par des particuliers propriétaires de ces vergers, est exonérée de toute taxe,
dans la limite de cinq litres d'alcool pur. »
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant du I ci-dessus sont
compensées à due concurrence par une hausse des droits sur les importations
d'alcool en provenance des pays non membres de l'Union européenne, tels que
prévus aux articles 302 C et 302 D du code général des impôts. »
La parole est à M. Masseret.
M. Jean-Pierre Masseret.
Par cet amendement, nous proposons une mesure d'appui à l'entretien de
l'espace rural.
Lorsque nous nous déplaçons dans les communes, les élus appellent notre
attention sur la situation des vergers familiaux, qui sont de plus en plus
fréquemment à l'abandon.
Comment pouvons-nous remédier à cette situation ? On ne trouve guère de
solutions. La seule, finalement, est celle qui consisterait à permettre la
transformation de quelques kilos de fruits en eau-de-vie. Quelle belle
expression, n'est-ce pas, monsieur Ostermann ?
(Sourires.)
Il ne s'agit pas de rétablir le privilège des bouilleurs de cru.
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Mais si !
M. Jean-Pierre Masseret.
Non, il ne s'agit pas de cela !
M. le président.
C'est dommage !
M. Jean-Pierre Masseret.
Voilà dix-huit ans que je dépose des amendements de ce type. Tous ont été
rejetés parce qu'ils s'apparentaient trop au rétablissement du privilège
supprimé en 1954 par le gouvernement de Pierre Mendès France.
Je propose simplement que les propriétaires de vergers familiaux soient
exonérés de toute taxe pour la production d'alcool de fruits à hauteur de cinq
litres d'alcool pur, ce qui correspond à peu près à dix bouteilles de mirabelle
ou de framboise.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est excellent !
M. Jean Bizet.
Cela peut être du calvados !
M. Alain Joyandet.
Cinq litres d'alcool pur, c'est votre consommation annuelle ?
M. Jean-Pierre Masseret.
Non, c'est ma consommation hebdomadaire, mon cher collègue, vous le savez bien
!
(Sourires.)
J'imagine les reproches qui vont m'être adressés sur le thème de l'incitation
à l'alcoolisme.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Mais non !
M. Jean-Pierre Masseret.
Cet argument n'est pas sérieux, mes chers collègues !
Par ailleurs, le gage porte sur une augmentation des taxes sur les alcools
importés venant des Etats non-membres de l'Union européenne. Il y aurait donc
un transfert. On voit bien que j'ai mis beaucoup d'eau dans mon vin par rapport
au passé.
(Nouveaux sourires.)
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Et du café dans votre mirabelle ?
M. Jean-Pierre Masseret.
L'entretien des vergers familiaux dans nos espaces ruraux est un sujet assez
sérieux pour que je puisse être entendu par l'ensemble de mes collègues.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Avec cet amendement extrêmement sympathique, nous
voyons les branches des pommiers, les branches des pruniers qui se dépouillent,
qui se dressent, suppliantes, vers le ciel chargé de la Moselle !
(Sourires.)
Les bouilleurs de cru ont un privilège de franchise de droits de dix litres à
titre familial. Cependant, comme leur nombre, hélas ! diminue avec le temps et
que ce « privilège » est personnel, non transmissible, la production familiale
doit passer désormais par des bouilleurs de cru professionnels et être soumise,
hélas ! madame le secrétaire d'Etat, aux droits de consommation.
L'amendement de notre collègue M. Masseret est un soutien à la petite
production individuelle d'alcool faite à partir des vergers familiaux, qui sont
non seulement un élément de la vie traditionnelle de nos terroirs mais aussi un
élément important de l'équilibre de nos paysages et de l'esthétique de nos
villages.
M. Roland du Luart.
Quel poète !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
A travers l'évocation par cet amendement de la
convivialité de la « petite prune » à laquelle personne ne peut être
insensible, c'est une certaine conception de « la France de toujours » qui est
défendue.
Toutefois, il conviendrait que notre collègue veuille bien opérer une
rectification : cet amendement est en effet rattaché techniquement à l'article
403 du code général des impôts, alors qu'il devrait l'être à l'article 406
énumérant les exonérations.
M. Jean-Pierre Masseret.
J'accepte bien volontiers de procéder à cette rectification, monsieur le
rapporteur général.
M. le président.
Je suis donc saisi d'un amendement n° I-100 rectifié, présenté par MM.
Masseret et Todeschini, Mme Printz et les membres du groupe socialiste et
apparentés, et qui est ainsi libellé :
« Après l'article 11
sexies,
insérer un article additionnel ainsi
rédigé :
« I. - Après le 2° du I de l'article 406 du code général des impôts, il est
inséré un 3° ainsi rédigé :
« 3° Dans le cadre de la politique d'aménagement de l'espace rural, et pour
soutenir et valoriser les vergers familiaux, la production d'alcool de fruits,
par des particuliers propriétaires de ces vergers, est exonérée de toute taxe,
dans la limite de cinq litres d'alcool pur. »
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant du I ci-dessus sont
compensées à due concurrence par une hausse des droits sur les importations
d'alcool en provenance des pays non membres de l'Union européenne, tels que
prévus aux articles 302 C et 302 D du code général des impôts. »
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Dans ces conditions, j'espère que le Gouvernement
soutiendra l'intérêt spontané que la commission témoigne à l'égard de cette
initiative et que, comme elle, il pourra émettre un avis favorable sur cet
amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° I-100 rectifié ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le rapporteur général, monsieur le sénateur,
vous avez décrit avec tant de poésie nos vergers familiaux, l'esthétique de nos
campagnes et de nos villages...
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
C'était effectivement émouvant !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
... que je ne me risquerai pas à rivaliser avec vous
sur ce terrain.
Veuillez me pardonner, monsieur Masseret, mais je m'en tiendrai à un avis
d'une extrême sobriété
(sourires) :
cet amendement me paraît inopportun.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Comment croire une chose pareille ?
M. le président.
Monsieur Masseret, l'amendement n° 100 rectifié est-il maintenu ?
(Quel
dilemme !sur les travées du RPR.)
M. Jean-Pierre Masseret.
Non, ce n'est pas un dilemme ! Pour la première fois de ma vie, je ne vais pas
répondre favorablement au Gouvernement que je soutiens et mêler ma voix à celle
de M. Marini. C'est dire ce que nous réalisons ce matin !
(Sourires.)
Madame la secrétaire d'Etat, j'acquiesce tout à fait à vos propos. Cela étant,
j'aimerais tout de même que cet amendement, très modeste au demeurant, fasse
l'objet d'une navette jusqu'à l'Assemblée nationale, afin que nos collègues
députés, qui ont aussi des intérêts ruraux à défendre, puissent se
prononcer.
Si, au bout du compte, cet amendement ne va pas jusqu'à son terme, c'est que
la souveraineté nationale en aura ainsi décidé.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-100 rectifié.
M. Yves Fréville.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville.
Madame le secrétaire d'Etat, je pense tout comme vous que cet amendement est
inopportun. Dans la conjoncture actuelle, où les problèmes de l'alcoolisme sont
ce qu'ils sont, la situation des bouilleurs de cru en Alsace-Lorraine
constituant, à mes yeux, un cas particulier, je pense qu'il vaut mieux ne pas
voter cet amendement.
M. Jean Bizet.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Bizet.
M. Jean Bizet.
Monsieur le président, permettez-moi de mêler ma voix à celle de M. Masseret
et de soutenir son amendement. Au-delà des quelques litres de liquide
proprement dit, je veux tout simplement souligner l'importance du biotope et de
l'entretien des paysages.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Bien sûr !
M. Jean Bizet.
Plus nous nous dirigeons vers une mondialisation des échanges, plus nous
devons manifester une réactivité territoriale forte.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-100 rectifié, accepté par la commission et
repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi de finances, après l'article 11
sexies
.
L'amendement n° I-200, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau et M. Loridant,
est ainsi libellé :
« Après l'article 11
sexies
, insérer un article additionnel ainsi
rédigé :
« I. - Le 1° de l'article 1467 du code général des impôts est complété par
deux alinéas ainsi rédigés :
« ... L'ensemble des titres de placement et de participation, les titres de
créances négociables, les prêts à court, moyen et long termes. Ces éléments
sont pris en compte pour la moitié de leur montant figurant à l'actif du bilan
des entreprises assujetties. Pour les établissements de crédits et les sociétés
d'assurance, le montant net de ces actifs est pris en compte après réfaction du
montant des actifs représentatifs de la couverture des risques, contrepartie et
obligations comptables de ces établissements.
« La valeur nette des actifs, déterminée selon les dispositions du précédent
alinéa, est prise en compte après réfaction de la valeur locative des
immobilisations visées au
a
. »
« II. - L'article 1636 du même code est ainsi rédigé :
«
Art. 1636
. - Le taux grevant les actifs définis au
c
de
l'article 1467 est fixé à 0,5 %. Il évolue chaque année, pour chaque entreprise
assujettie, à proportion d'un coefficient issu du rapport entre la valeur
relative aux actifs définis au
c
de l'article 1467 au regard de la
valeur ajoutée globale créée par l'entreprise. »
« III. - 1. - Le II de l'article 1648 A
bis
du même code est complété
par un alinéa ainsi rédigé :
« ... La moitié du produit résultant de l'imposition des actifs définis au
c
de l'article 1467, suivant les règles fixées par l'article 1636. »
« 2. - Le I de l'article 1648
bis
du même code est complété par un
alinéa ainsi rédigé :
« ... La moitié du produit résultant de l'imposition des actifs définis au
c
de l'article 1467, suivant les règles fixées par l'article 1636. »
« IV. - 1. - Dans le deuxième alinéa du 1 du I
ter
de l'article 1647 B
sexies
du même code, après les mots : "la base", sont insérés les mots :
"à l'exception de celle définie par le
c
de l'article 1467". »
« 2. - Le premier alinéa du 4° du 1 de l'article 39 du code général des impôts
est complété
in fine
par les mots : "et de l'imposition résultant de la
prise en compte des actifs financiers définis au
c
de l'article 1467,
selon les règles fixées par l'article 1636". »
La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud.
L'examen de notre amendement relatif à la réforme de la taxe professionnelle
prend cette année un relief particulier.
Nous proposons, vous le savez, d'inclure les actifs financiers dans la base de
la taxe professionnelle, sous la forme d'un prélèvement effectué au niveau de
l'Etat et d'une redistribution selon les critères de la part péréquée de la
dotation globale de fonctionnement.
Cela fait partie, bien entendu, des pistes de réforme que le Gouvernement nous
a présentées dans sa note d'orientation du 12 juillet dernier. Nous nous en
félicitons, et nous espérons d'ailleurs un large débat autour de cette idée.
Si nous demandons la prise en compte des actifs financiers dans la base de la
taxe professionnelle, c'est pour répondre à de multiples attentes qui n'ont
cessé de s'exprimer, notamment ces derniers temps.
Il s'agit de redonner aux collectivités locales les moyens d'une autonomie de
gestion, plus particulièrement aux plus pauvres. Inclure des actifs financiers
dans la base de la taxe professionnelle permettrait, en effet, d'augmenter très
sensiblement leur dotation globale de fonctionnement.
De plus, notre proposition vise à lutter contre l'inégale répartition de
l'effort entre les contribuables et entre les catégories de contribuables. Il
s'agit donc d'assurer une contribution équitable entre les différents
assujettis à la taxe professionnelle.
La taxe professionnelle unique, d'une part, la suppression de la part
salariale, d'autre part, doivent nécessairement s'accompagner d'une
redéfinition de cet impôt.
Nombreux sont les collectivités locales et les contribuables qui se sont
manifestés pour dénoncer l'incomplétude de cette réforme.
Concernant les collectivités, c'est la perte de ressources fiscales qui
alimente les mécontentements.
S'agissant des contribuables, il y a inégalité entre ceux qui investissent et
ceux qui spéculent. La taxe professionnelle est en effet d'autant plus faible
que la part des actifs financiers au regard des immobilisations corporelles est
grande, comme nous l'enseigne une étude de la direction générale des impôts sur
laquelle nous reviendrons. A ce sujet, nous avons franchi cette année un cap
important avec l'adoption de la taxe sur les flux financiers, dite « taxe Tobin
».
Nous souhaitons aussi lutter contre le sous-investissement des entreprises
françaises, qui peut encore s'aggraver à la suite du chantage de M. Seillière,
qui se félicitait, en octobre 2001, qu'on appelle les « entrepreneurs » au
patriotisme économique, et qui lance aujourd'hui des menaces de grève des
investissements.
Pourtant, un autre des représentants du MEDEF, le mouvement des entreprises de
France, M. Kessler, affirmait voilà peu : « Je rêverais d'un taux
d'autofinancement dégradé, ce qui prouverait que nous serions en train de
produire un formidable effort d'investissement, ce qui irait tout à fait dans
le sens du développement de l'économie productive et des entreprises
françaises. »
Si l'on analyse les causes de ce sous-investissement, il est évident que
c'est, avant tout, la recherche de la rentabilité immédiate, la spéculation
financière à laquelle se livrent plus particulièrement les grands groupes qu'il
faut incriminer, et c'est cette situation qu'il nous faut dépasser.
« L'économie est devenue principalement une économie de services et la
richesse essentielle est aujourd'hui financière. Or elle se trouve
sous-fiscalisée », nous disait M. Delevoye en 1996.
Les conclusions de l'étude menée par la direction générale des impôts, dans le
cadre du groupe de travail sur les actifs financiers, vont dans le même sens :
les entreprises détenant plus 500 millions de francs d'actifs financiers ont vu
leur part d'actifs corporels, d'investissements productifs, croître beaucoup
moins fortement que les autres.
De plus, et c'est particulièrement inique, ces mêmes entreprises ont vu leur
profit moyen augmenter de 30,7 %, ce qui est largement plus que le profit moyen
de celles qui investissent pour la croissance, pour l'emploi.
Les actifs financiers pèsent, rappelons-le, plus de 26 000 milliards de francs
! Avec la taxation de ces actifs financiers, nous souhaitons mettre en place
une fiscalité incitative, qui pénaliserait les investissements à caractère
spéculatif et favoriserait, bien sûr, l'investissement productif.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission constate que nos collègues du groupe
communiste républicain et citoyen veulent « tobiniser » la taxe
professionnelle, en faisant entrer dans son assiette les actifs financiers de
l'entreprise, actifs qui sont à l'origine de toutes les turpitudes, de tous les
maux de l'économie et qu'il faut évidemment bannir de son horizon tout en
s'efforçant de récupérer de l'argent grâce à eux.
(Protestations sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
Naturellement, à amendement rituel, réponse rituelle !
(Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
Chaque année, vous faites des propositions de cette nature et nous aurons le
plaisir d'y revenir à l'occasion de la discussion de la deuxième partie de ce
projet de loi avec la version « Assemblée nationale » de la fameuse taxe
Tobin.
Vous aviez également prévu de présenter un amendement en ce sens hier soir.
C'eût été un débat intéressant et substantiel, en présence du ministre de
l'économie et des finances lui-même. Malheureusement, vous avez retiré cet
amendement. Il eût pourtant été intéressant d'entendre les uns et les autres
sur un thème planétaire de cette importance.
Il s'agit donc d'un amendement qui est tout à fait contraire à l'esprit de la
taxe professionnelle et auquel la commission ne saurait en aucun cas
souscrire.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Cet amendement conduirait à un élargissement de
l'assiette de la taxe professionnelle aux actifs financiers, qui seraient
imposés au taux de 0,5 %, sous réserve d'indexations ultérieures, et dont le
produit serait reversé à la fois au fonds national de péréquation et au fonds
national de péréquation de la taxe professionnelle.
Comme vous le savez, monsieur Foucaud, ainsi que le Gouvernement s'y était
engagé au printemps 2000, un groupe de travail procède actuellement à une étude
approfondie sur les perspectives et les conséquences de la mise en place d'une
telle proposition.
Ces premiers travaux, auxquels vous avez, je crois, vous-même participé, ont
recensé les difficultés qu'il y a à appréhender la matière taxable, notamment
en ce qui concerne les actifs financiers, parce que ceux-ci sont difficilement
localisables. Par ailleurs, des simulations doivent être entreprises, qui ne
sont pas simples à conduire, et l'expertise doit donc être poursuivie.
Dans ces conditions, monsieur Foucaud, je vous propose de laisser ce groupe de
travail poursuivre ses travaux, sans anticiper à ce stade sur les conclusions
qu'il pourrait être amené à présenter.
Je souhaite donc que vous acceptiez de retirer cet amendement.
M. le président.
Monsieur Foucaud, l'amendement est-il maintenu ?
M. Thierry Foucaud.
L'année dernière, j'avais retiré un amendement identique, puisque Mme la
secrétaire d'Etat s'était engagée à mettre en place un groupe de travail. Il
est vrai que ce groupe de travail a discuté et que les choses ne progressent
pas très rapidement. Mais ce qui est valable pour certains l'est aussi parfois
pour nous !
Je comprends les difficultés qui ont été exposées par Mme la secrétaire
d'Etat, notamment pour un certain nombre de calculs. Dans la mesure où ce
groupe de travail poursuit actuellement ses travaux, j'accepte de retirer mon
amendement, tout en appelant l'attention de Mme la secrétaire d'Etat et celle
de M. le rapporteur général sur les difficultés financières des collectivités
locales et les problèmes qui se posent à elles.
Il faut enclencher la vitesse supérieure et aboutir sur cette question des
actifs financiers pour donner plus de moyens à nos collectivités, notamment aux
plus pauvres d'entre elles.
M. le président.
L'amendement n° I-200 est retiré.
Je suis saisi de cinq amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° I-28 est présenté par M. Marini au nom de la commission des
finances.
L'amendement n° I-72 est présenté par MM. Badré, Baudot, Fréville et les
membres du groupe de l'Union centriste.
L'amendement n° I-145 est présenté par MM. du Luart, Bourdin, Clouet,
Lachenaud, Trucy et les membres du groupe des Républicains et Indépendants.
Ces amendements sont ainsi libellés :
« Après l'article 11
sexies,
insérer un article additionnel ainsi
rédigé :
« I. - Le premier alinéa du 2° de l'article 1467 du code général des impôts
est ainsi rédigé :
« Dans le cas des titulaires de bénéfices non commerciaux, des agents
d'affaires et intermédiaires employant moins de cinq salariés, le onzième des
recettes en 2002, le douzième en 2003, le treizième en 2004 et le quatorzième à
partir de 2005, ainsi que la valeur locative des seules immobilisations
passibles des taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties et dont
le contribuable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle
pendant la période de référence définie au
a
du 1°. »
« II. - Le prélèvement sur les recettes de l'Etat institué au I du D de
l'article 44 de la loi de finances pour 1999 (n° 98-1266 du 30 décembre 1998)
est majoré, à due concurrence, de la perte de recettes résultant de
l'application du I.
« III. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de la compensation de la
baisse de la taxe professionnelle pour les assujettis au régime des titulaires
de bénéfices non commerciaux employant moins de cinq salariés est compensée, à
due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux
articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° I-58 rectifié, présenté par MM. Badré, Baudot, Fréville et les
membres du groupe de l'Union centriste est ainsi libellé :
« Après l'article 11
sexies,
insérer un article additionnel ainsi
rédigé :
« I. - Le premier alinéa du 2° de l'article 1467 du code général des impôts
est ainsi rédigé :
« Dans le cas des titulaires de bénéfices non commerciaux des agents
d'affaires et intermédiaires employant moins de cinq salariés, le treizième des
recettes en 2002, le quatorzième en 2003, et le quinzième en 2004, ainsi que la
valeur locative des seules immobilisations passibles des taxes foncières sur
les propriétés bâties et non bâties et dont le contribuable a disposé pour les
besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence définie
au
a
du 1°. »
« II. - Le prélèvement sur les recettes de l'Etat institué au I du D de
l'article 44 de la loi de finances pour 1999 (n° 98-1266 du 30 décembre 1998)
est majoré à due concurrence de la perte de recettes résultant de l'application
du I.
« III. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de la compensation de la
baisse de la taxe professionnelle pour les assujettis au régime des titulaires
des bénéfices non commerciaux employant moins de cinq salariés est compensée à
due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux
articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° I-176, présenté par MM. Ostermann, Joyandet, Oudin, Besse, Del
Picchia et Demunynck, Mme Olin, MM. Cazalet et Calmejane, Mme Michaux-Chevry,
MM. Darcos, Gournac, Hamel, Lardeux, de Richemont, Gruillot, Lassourd, César,
Doublet, Goulet, Murat, Fournier, Ginésy, Leclerc, Rispat, Braye, de Broissia,
Legendre, Doligé, Vasselle, Eckenspieller et Vial, Mmes Brisepierre et Rozier,
est ainsi libellé :
« Après l'article 11
sexies,
insérer un article additionnel ainsi
rédigé :
« I. - Le premier alinéa du 2° de l'article 1467 du code général des impôts
est ainsi rédigé :
« Dans le cas des titulaires de bénéfices non commerciaux, des agents
d'affaires et intermédiaires de commerce, employant moins de cinq salariés, le
douzième des recettes en 2002, le treizième en 2003 et le quatorzième à partir
de 2004, ainsi que la valeur locative des seules immobilisations passibles des
taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties et dont le contribuable
a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période
de référence définie au
a
du 1°. »
« II. - Le prélèvement sur les recettes de l'Etat institué au I du D de
l'article 44 de la loi de finances pour 1999 (n° 98-1266 du 30 décembre 1998)
est majoré à due concurrence de la perte de recettes résultant pour les
collectivités locales de l'application du I.
« III. - La perte de recettes résultant pour l'Etat du II ci-dessus est
compensée à due concurrence par la création de taxes additionnelles aux droits
visés aux articles 403, 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est M. le rapporteur général, pour présenter l'amendement n°
I-28.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Madame le secrétaire d'Etat, le Gouvernement que vous
représentez se réfère souvent à la réforme ; de la taxe professionnelle.
Malheureusement, il y a des oubliés de cette réforme ; je veux parler des
titulaires de bénéfices non commerciaux employant mois de cinq salariés. Nous
avons déjà eu l'occasion de le dire à différentes reprises, il s'agit là d'une
injustice et d'une distorsion de concurrence.
Nous avons été attentifs à cette situation ainsi qu'aux expressions
successives de vos collègues du Gouvernement en charge des PME et des
professions libérales.
A l'occasion de la séance de questions d'actualité au Gouvernement du 7 juin
2000 à l'Assemblée nationale, Mme Marylise Lebranchu, alors secrétaire d'Etat
aux PME, avait indiqué : « Nous avons proposé à l'Union nationale des
associations de professions libérales, l'UNAPL, à la Confédération nationale
des professions libérales, la CNPL, et à l'ensemble des professionnels qui ont
accepté de travailler avec nous de soumettre au ministère de l'économie et des
finances, dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances, l'idée
d'un système de décote pour les personnels embauchés... A partir du moment où
l'on raisonne sur les bénéfices industriels et commerciaux, les BIC, ou sur les
bénéfices non commerciaux, les BNC, il conviendrait d'instituer, pour
l'imposition des professions libérales, une franchise en fonction du nombre de
personnes embauchées avec un chiffre d'affaires équivalent. » C'est sans doute
un peu compliqué, mais, dans l'ensemble, cela allait dans le même sens que nos
préoccupations.
Plus récemment, le 14 août 2001, le successeur de Mme Lebranchu, M. François
Patriat, s'est adressé à l'un de nos collègues du Sénat en ces termes : « Sans,
à ce stade, préjuger la position qui sera finalement adoptée, nous étudions
actuellement avec Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget, dans le
cadre de la préparation du projet de loi de finances pour 2002, différentes
hypothèses qui pourraient permettre une suppression graduelle de ce régime
spécifique s'appliquant aux entreprises libérales. »
Madame le secrétaire d'Etat, avec cet amendement n° I-28, nous voulons vous
aider ainsi que vos collègues en charge des PME et des professions
libérales.
Rien, malheureusement, n'a été fait jusqu'ici, rien n'est proposé, d'où
l'initiative de la commission des finances, qui suggère un système simple
d'allégement progressif de la taxe professionnelle pour les titulaires de
bénéfices non commerciaux employant moins de cinq salariés.
M. le président.
La parole est à M. Fréville, pour défendre l'amendement n° I-72.
M. Yves Fréville.
Cet amendement a le même objet que celui qui vient d'être présenté, au nom de
la commission des finances, par M. le rapporteur général. Nous connaissons tous
le problème, il n'est donc pas besoin d'épiloguer très longtemps.
Le fait que la part assise sur les salaires de la taxe professionnelle soit en
voie de disparition, alors que demeurent, dans les bases de la taxe
professionnelle, 10 % des recettes des professions libérales qui tiennent lieu
de bases au lieu des salaires, crée une distorsion évidente qu'il convient de
gommer, même si, personnellement, je regrette que la part salaires de la taxe
professionnelle soit supprimée.
Cela étant, ce maintien de la base recettes crée une seconde distorsion,
naturellement, au sein d'une profession : suivant qu'un cabinet d'avocat a plus
ou moins de cinq salariés, il est ou non détaxé.
Dans ces conditions, je considère que le dispositif de la commission des
finances, qui est identique au nôtre, est satisfaisant, et permet
progressivement de réduire l'imposition des professions libérales sur ce qui,
en fait, représente la part salaires de leur activité.
M. le président.
La parole est à M. du Luart, pour présenter l'amendement n° I-145.
M. Roland du Luart.
Notre amendement du groupe des Républicains et Indépendants est exactement le
même que ceux de la commission des finances et de MM. Fréville et Badré. Notre
objectif est d'atteindre une certaine équité fiscale et de ramener
progressivement la fraction des recettes prise en compte dans les bases de taxe
professionnelle des titulaires de BNC, des agents d'affaires et des
intermédiaires de commerce employant moins de cinq salariés de 10 % à 7 % en
quatre ans. Cet amendement revient à réduire de 25 % en moyenne la cotisation
de taxe professionnelle acquittée par ces contribuables.
Cet amendement se justifiant par son texte même, je me propose, pour gagner du
temps, de le retirer au bénéfice de celui de la commission, afin de bien
montrer que nous appuyons la logique de cette dernière.
M. le président.
L'amendement n° I-145 est retiré.
La parole est à M. Fréville, pour présenter l'amendement n° I-58 rectifié.
M. Yves Fréville.
Comme M. du Luart, je retire cet amendement, qui a le même objet.
M. le président.
L'amendement n° I-58 rectifié est retiré.
La parole est à M. Ostermann, pour présenter l'amendement n° I-176.
M. Joseph Ostermann.
Cet amendement ayant également le même objet, je le retire au profit de celui
de la commission.
M. le président.
L'amendement n° I-176 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s I-28 et I-72 ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Cela ne surprendra pas M. le rapporteur général, le
Gouvernement n'est pas favorable à ces amendements, d'autant que nous avons
déjà examiné un amendement de ce type l'an dernier.
Je rappelle que le Gouvernement a réduit de près de 30 % la taxe
professionnelle des entreprises, qui était calculée en partie sur les salaires.
Il s'agissait, par cette réforme, d'encourager le retour au plein emploi.
La taxe professionnelle due par les professions libérales, je le reconnais
volontiers, n'a pas été réduite du fait de cette réforme. En effet, cette taxe
n'étant pas assise sur la base salaire, elle ne pouvait pas, par conséquent,
produire ce type d'effet.
J'insiste néanmoins sur le fait que les modalités de détermination de
l'assiette de la taxe pour ces professions, qui ont été définies en 1980, n'ont
été ni modifiées ni donc aggravées. Ces modalités particulières d'imposition,
qui concernent les titulaires de BNC, les agents d'affaires et les
intermédiaires de commerce qui emploient moins de cinq salariés, résultent de
la volonté du législateur de mieux prendre en compte les capacités
contributives de ces professions pour lesquelles l'assiette traditionnelle de
la taxe professionnelle est inadaptée. A ce titre, la fraction de recettes
imposables qui est actuellement retenue est censée être représentative de
l'ensemble des biens d'équipement et des biens mobiliers dont disposent les
titulaires de bénéfices non commerciaux, les agents d'affaires, les
intermédiaires de commerce qui emploient, comme je le disais, moins de cinq
salariés. Il n'y a donc pas lieu de modifier cet équilibre.
Par ailleurs, nombre de ces redevables n'emploient aucun salarié. Or la
réforme de la taxe professionnelle, qui est actuellement en cours, s'inscrit,
je l'ai rappelé voilà un instant, dans un contexte de lutte en faveur de
l'emploi. C'est la raison pour laquelle elle se concentre aujourd'hui sur les
redevables dont la base d'imposition comprend des salaires, et tout
particulièrement sur ceux qui ont plus de cinq salariés.
Je voudrais dissiper un malentendu : c'est l'activité qui détermine les
conditions d'imposition et non la forme sous laquelle elle se poursuit. Le
Conseil d'Etat a en effet récemment confirmé que la forme sociale sous laquelle
les professionnels libéraux qui emploient moins de cinq salariés exerçaient
leur activité n'est pas de nature à modifier leurs règles d'imposition.
Cela étant, si tel était votre souhait, d'autres pistes pourraient être
explorées pour réformer l'imposition à la taxe professionnelle des titulaires
de BNC et assimilés, par exemple la piste qui consiste à imposer, comme pour la
généralité des redevables, sur les équipements et les biens mobiliers.
Je préviens tout de suite que cette réforme conduirait à faire disparaître la
quasi-totalité de l'assiette de taxe professionnelle de cette catégorie de
redevables. En effet, nous avons expertisé ce scénario sur une direction des
services fiscaux, celle des Hauts-de-Seine nord, qui a recensé 420 redevables
imposés sur une fraction des recettes, dont la valeur locative des locaux est
inférieure à 10 000 francs et les recettes supérieures à 1 million de francs.
Aujourd'hui, leurs cotisations s'élèvent en moyenne à un peu plus de 28 000
francs. Sur la base du taux moyen départemental relevé l'année dernière,
c'est-à-dire en 2000, leurs cotisations, calculées sur la valeur locative
foncière des locaux et sur celle des matériels d'équipement, serait en moyenne,
par redevable, de moins de 3 000 francs, soit une réduction de près de 90 % par
rapport à la situation actuelle, sous réserve, bien entendu, de l'application
de la cotisation minimale.
Monsieur le rapporteur général, je ne pense pas que tel soit votre objectif
pour cette catégorie de redevables. Par conséquent, je souhaite le retrait de
cet amendement.
M. le président.
Monsieur le rapporteur général, l'amendement n° I-28 est-il maintenu ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Madame le secrétaire d'Etat, vos objections très
vives ne s'appliquent pas en totalité au dispositif préconisé par la
commission.
Par ailleurs, si les choses étaient aussi évidentes, pourquoi votre collègue
secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises aurait-il, au mois d'août
dernier, écrit à un parlementaire une lettre dont je vais citer un autre
extrait et qui a été transmise par celui-ci à des fédérations professionnelles
et est donc devenue un document public ?
« Je suis conscient des critiques et de l'incompréhension des professions
libérales à l'égard de cette réforme. Elles l'estiment injuste et inéquitable.
Ainsi, les cabinets libéraux les plus importants, employant plus de cinq
salariés ou exerçant au travers de structures juridiques différentes,
bénéficient de la réduction des bases de la taxe professionnelle, alors même
que les plus modestes, mais qui constituent le plus grand nombre, sont exclus
de ce mouvement de baisse des charges sociales qui demeure une priorité du
Gouvernement ». Cette lettre est signée de M. Patriat. Ce n'est pas moi qui
l'ai inventée !
Vous nous dites que tout est satisfaisant mais, malheureusement, ce n'est pas
ressenti ainsi. C'est pourquoi il convient de trouver une formule, ce à quoi la
commission, en toute modestie, s'est efforcée, pour aller dans le sens de
l'équité.
Selon vous, les mesures de réduction de taxe professionnelle sont favorables à
l'emploi et n'ont donc vocation à s'appliquer qu'à partir d'un certain seuil de
salariés. Mais, madame le secrétaire d'Etat, l'équité et l'efficacité
voudraient que l'on encourage aussi, et de manière proportionnelle, les
entreprises plus petites, qui peuvent se développer et créer de l'emploi, ce
qu'elles feront d'autant mieux qu'elles auront confiance et qu'elles seront
confortées dans leurs activités par un dispositif tel que celui que nous
préconisons.
Madame le secrétaire d'Etat, permettez-moi d'exprimer ma relative surprise. Si
je m'attendais à votre réponse, puisque vous la réitérez d'année en année, je
peux dire très sincèrement qu'il ne sera pas possible de faire comprendre
durablement aux personnes concernées que cette solution est réaliste et
équitable. Il faudra trouver des méthodes et surmonter la contradiction qui
apparaît encore entre la position de la commission et celle du Gouvernement.
Dans l'immédiat, la commission appelle au vote de l'amendement qu'elle a
déposé.
M. le président.
Je mets aux voix les amendements identiques n°s I-28 et I-72, repoussés par
le Gouvernement.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi de finances, après l'article 11
sexies
.
C. - Mesures diverses
Article 12
M. le président.
« Art. 12. - I. - La contribution des organismes habilités à recueillir la
participation des employeurs à l'effort de construction, instituée par
l'article 56 de la loi de finances pour 1999 (n° 98-1266 du 30 décembre 1998),
est établie, pour 2002, dans les conditions prévues au I de cet article, selon
les modalités suivantes :
« 1° La fraction mentionnée au I dudit article est fixée à 11 % ;
« 2° Les associés collecteurs de l'Union d'économie sociale du logement,
mentionnée à l'article L. 313-17 du code de la construction et de l'habitation,
sont libérés des versements leur incombant pour 2002 au titre du présent
article dès que le versement de cette union à l'Etat, tel qu'il résulte de
l'engagement de substitution prévu par l'article 9 de la loi n° 96-1237 du 30
décembre 1996 relative à l'Union d'économie sociale du logement, atteint
274,408 millions d'euros. Lorsque l'application de ce plafond conduit à une
contribution des associés collecteurs de l'Union d'économie sociale du logement
correspondant à une fraction inférieure à 11 %, cette fraction est appliquée
pour le calcul de la contribution des organismes non associés de cette union.
Sa valeur est établie et publiée au
Journal officiel
au plus tard le 31
juillet 2002.
« II. - Les associés collecteurs de l'Union d'économie sociale du logement
sont autorisés à verser 427 millions d'euros au budget de l'Etat à partir des
fonds issus de la participation des employeurs à l'effort de construction avant
le 31 décembre 2002. L'union se substitue à ses associés collecteurs pour le
versement de cette contribution.
« Les associés collecteurs sont autorisés, dans le cadre de l'article L. 313-1
du code de la construction et de l'habitation, à apporter, par voie de
subvention à partir des fonds issus de la participation des employeurs à
l'effort de construction, des aides directes au renouvellement urbain et le
financement du coût actuariel de bonifications de prêts octroyés en dessous du
coût de la ressource sur les fonds d'épargne centralisés par l'établissement
visé à l'article L. 518-2 du code monétaire et financier. L'Union d'économie
sociale du logement se substitue si nécessaire à ses associés collecteurs pour
le versement de ces subventions.
« Les modalités et la répartition entre les associés collecteurs de ces
versements seront prévues dans une convention entre l'Etat et l'Union
d'économie sociale du logement relevant du 2° de l'article L. 313-19 du code de
la construction et de l'habitation. »
Sur l'article, la parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Pour entrer immédiatement dans le vif du sujet, je veux faire part de
l'opposition des membres du groupe communiste républicain et citoyen au
détournement des fonds de la participation des employeurs à l'effort de
construction - qualifiée improprement de « 1 % logement » et, en fait, fixée
maintenant à 0,45 % -, que ce soit vers le budget de l'Etat ou vers le
financement de la politique dite de « renouvellement urbain ».
L'argent du 1 % logement a des destinations bien précises. Ses missions
d'origine sont le soutien à la construction sociale et à la réhabilitation par
des financements aux organismes constructeurs et les prêts aux salariés pour
l'acquisition, l'agrandissement ou l'amélioration de la résidence principale.
Un neuvième des fonds collectés est également consacré aux foyers de
travailleurs migrants.
Pour aucune de ces missions, il n'y a d'argent en trop, même si certainement
l'utilisation de l'argent du 0,45 % logement par les organismes collecteurs
mériterait une étude approfondie.
J'ajoute que je me suis toujours opposée, avec les membres de mon groupe, à la
diminution du 1 % et prononcée pour le retour de son taux de 0,45 % à 1 %
réellement.
Les fonds pour la construction manquent cruellement dans ce pays. Les
employeurs doivent assumer leurs responsabilités dans ce domaine, et ce plus
que jamais.
Le premier alinéa du paragraphe II de l'article 12, tel qu'il a été adopté à
l'Assemblée nationale, prévoit un versement de 2,8 milliards de francs pour
2002 de l'Union d'économie sociale du logement vers le budget de l'Etat. Avec
ces 2,8 milliards de francs supplémentaires de transferts nouveaux, l'ensemble
des prélèvements passerait de 11 % à 30 % de la collecte du 1 % logement.
Il est inadmissible que l'argent du 1 % logement soit ainsi détourné de ses
missions, l'Etat ayant, depuis plusieurs années, multiplié les mises à
contribution de ce 1 % pour appuyer les objectifs prioritaires de sa politique
en matière de logement.
Le deuxième alinéa du II de l'article 12 adopté à l'Assemblée nationale fait
écho à la nouvelle convention du 11 octobre dernier signée entre l'Etat et les
organismes collecteurs du 1 %.
Elle me semble aussi inacceptable et inquiétante que le transfert vers le
budget de l'Etat pour 2002. Elle envisage, en effet, une intervention massive
du 1 % logement en matière de renouvellement urbain et dispose qu'une somme de
3 milliards de francs sera affectée chaque année à cette politique et, en
premier lieu, participera au financement du programme de démolitions de 30 000
logements sociaux annoncé, avec beaucoup de publicité, par le ministère du
logement et le ministère de la ville.
La mobilisation des fonds, déjà très insuffisants, du 1 % logement vers des
programmes de démolition me paraît, en effet, parfaitement déplacée, sinon
indécente, par rapport à la vocation du 1 % logement. Ce n'est pas au 1 %
logement de financer la politique de renouvellement urbain.
Si l'on ajoute, pour 2002, ces 3 milliards de francs d'attribution au «
renouvellement urbain », autorisée par le II de l'article 12, aux 2,8 milliards
de francs de prélèvement vers le budget de l'Etat, ce serait, en fait, plus de
50 % des sommes collectées du 1 % logement qui seraient détournées de leur
vocation première.
Je m'interroge d'ailleurs beaucoup sur la priorité accordée, dans le cadre de
la politique de « renouvellement urbain », aux démolitions de logements
sociaux, au nom de laquelle on justifie ces transferts.
Comme nombre d'élus, en effet, notamment des banlieues concernées, je conteste
l'opportunité des programmes de démolition et la publicité que les pouvoirs
publics leur font.
Je ne doute pas que certains immeubles vétustes et désertés doivent être
démolis, mais je m'inquiète que cette situation ponctuelle serve de prétexte à
la démolition, financée par des fonds publics, d'immeubles considérés, à cause
de leur population particulièrement défavorisée, comme non rentables par des
organismes d'HLM tendant vers une gestion privée.
Je m'inquiète aussi de l'imprécision des programmes de reconstruction.
Quant à l'objectif affiché de favoriser la mixité sociale, plusieurs élus
m'ont fait part de constats allant dans un sens opposé : les quartiers où des
immeubles ont été démolis sont stigmatisés, se vident encore davantage de leur
population la plus solvable, les logements étant occupés par les expulsés des
tours détruites, ce qui renforce la tendance à la constitution de ghettos.
Bien entendu, ces questions feront certainement l'objet de débats en deuxième
partie de loi de finances, mais elles sont aussi un peu la toile de fond de la
discussion sur cet article 12.
M. le président.
La parole est à M. Coquelle.
M. Yves Coquelle.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
l'article 12 du présent projet de loi de finances est l'occasion de parler de
nouveau des questions du logement dans notre pays.
C'est ainsi qu'au-delà du financement de certaines opérations d'accession à la
propriété figurant dans le paragraphe I du présent article, telles que
résultant de la convention de 1998, nous nous trouvons face à un paragraphe II
qui mobilise 427 millions d'euros au titre de la politique de renouvellement
urbain.
Les sommes prévues dans le projet de loi de finances contribueront au
financement des opérations de démoliton et à la reconstruction de logements
locatifs sociaux, y compris au travers des coûts afférents à ces opérations et
à la politique de renouvellement urbain, notamment par la mise en distribution
d'une enveloppe de prêts bonifiés à hauteur de 3,25 %.
Les besoins sont cependant importants et les moyens ainsi mobilisés ne seront
pas de trop.
J'en veux pour preuve le cas spécifique de l'important patrimoine locatif
social constitué par les logements des Charbonnages de France dans la région du
Nord - Pas-de-Calais. En vertu des dispositions des articles 191 et 192 de la
loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, ce patrimoine est en
instance d'être transféré à un établissement public foncier régional, constitué
autour des collectivités locales de la région.
Ce sont quelque 70 000 logements, répartis sur plusieurs bassins de vie et
cent soixante et onze communes qui sont ainsi concernés.
Aujourd'hui, se pose d'ailleurs une question cruciale. Outre le fait que
d'importants travaux de rénovation et de réhabilitation de ce patrimoine
doivent être envisagés, quand bien même les occupants y ont d'ores et déjà
effectué maintes améliorations, le problème de la dévolution de ce patrimoine
n'est pas encore parfaitement résolu. La négociation, si l'on peut dire, est
d'ores et déjà ouverte entre Charbonnages de France et l'établissement public
régional sur le coût de cette dévolution.
Pour notre part, nous estimons que la solution la plus socialement acceptable
serait celle de la dévolution gratuite, comme cela se fit, par exemple, lors de
la cession d'une partie du patrimoine de l'OPAC de Paris à certains offices
d'HLM de la banlieue.
Pour l'essentiel, ces logements, contruits par le travail des mineurs, ont été
largement amortis, compte tenu de leur date de construction.
Compte tenu de ces éléments et des faibles revenus dont disposent en général
les populations qui habitent ces logements - il faut savoir que, dans ce
secteur de la région, 60 à 70 % de la population n'est pas assujettie à l'impôt
sur le revenu - nous considérons que l'occasion est donnée à l'Etat de
transférer ce patrimoine pour un franc symbolique à la structure de gestion,
qui a encore bien du pain sur la planche pour rénover et entretenir ce
patrimoine, qui, je le répète, a été bâti voilà quatre-vingts ans à la sueur du
front des mineurs.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Très bien !
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° I-209, présenté par MM. Joyandet, Oudin, Besse, Demuynck,
Cazalet et Calmejane, Mme Michaux-Chevry, MM. Dufaut, Gournac, Lardeux,
Gruillot, Lassourd, César, Doublet, Goulet, Murat, Ostermann, Fournier, Ginésy,
Leclerc, Rispat, Braye, Doligé et Karoutchi, est ainsi libellé :
« Supprimer l'article 12. »
L'amendement n° I-29, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« Supprimer le II de l'article 12. »
La parole est à M. Joyandet, pour présenter l'amendement n° I-209.
M. Alain Joyandet.
Je serai très bref, car, lors de la discussion générale, nous avions dénoncé
les différentes ponctions qui sont opérées sur un certain nombre d'organismes.
Nous serons donc amenés à défendre d'autres amendements de suppression de ces
ponctions.
Le présent amendement vise à supprimer l'article 12, pour des raisons sur
lesquelles je ne reviendrai pas, mais qui ont été largement évoquées, notamment
par Mme Beaudeau et par nous-mêmes, lors de la discussion générale.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l'amendement n° I-29
et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° I-209.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission ne peut qu'être extrêmement favorable à
l'amendement présenté par M. Joyandet, dont l'objet est similaire à celui
qu'elle a elle-même déposé.
Il convient de rappeler qu'une convention conclue le 11 octobre dernier entre
les collecteurs du 1 % logement et l'Etat fixe leur participation à la
politique en faveur des démolitions-reconstructions à 3 milliards de francs par
an.
Or, il nous est proposé, madame le secrétaire d'Etat, un versement au budget
général qui vient opportunément garnir la rubrique des recettes non fiscales et
qui ne donnera pas un sou de plus aux opérations de démolition-reconstruction.
Ce nouveau prélèvement nous semble donc complètement contraire à la lettre et à
l'esprit de la convention du 3 août 1998 entre l'Etat et les partenaires
sociaux.
Par cette convention, l'Etat s'engageait solennellement à n'effectuer aucun
nouveau prélèvement sur le 1 % logement avant le 31 décembre 2003. Deux ans
avant, nécessité fait loi !
Par ailleurs, il est proposé d'autoriser les organismes collecteurs du 1 %
logement à apporter des aides directes au renouvellement urbain, sans plus de
précision, et de financer des prêts bonifiés pris en charge jusqu'ici par les
fonds d'épargne.
On peut se demander, madame le secrétaire d'Etat, si de telles précisions ont
vraiment toute leur place dans la loi de finances et, surtout, on peut
s'interroger sur ce qui a vocation à être traité ici et ce qui doit figurer
dans la convention d'application.
La commission, tout en étant familière de ce sujet du 1 % logement, a estimé
que les méthodes employées ne sont pas transparentes, que tout cela n'est pas
une façon normale de procéder.
On invoque un objectif : le financement de la politique du logement. En
réalité, il s'agit, au travers du 1 % logement, de prélever plus pour abonder
le total des recettes non fiscales et pour permettre à celles-ci d'augmenter
globalement de 5,8 milliards d'euros ; c'est un mouvement parmi d'autres.
Bien entendu, les partenaires sociaux, mis devant une volonté caractérisée de
l'Etat, aménagent de manière aussi satisfaisante que possible pour eux cette
situation.
Je ne nie pas que la mise en oeuvre de la mesure puisse se traduire par des
dispositifs opérationnels que les partenaires sociaux trouveront opportuns et
satisfaisants.
Mais, en ce qui concerne le Sénat, madame le secrétaire d'Etat, nous devons
absolument relever, premièrement, le manquement à la parole de l'Etat et,
deuxièmement, l'aménagement d'opportunités au travers de formules complexes,
qui n'est qu'une façon parmi d'autres d'améliorer provisoirement les recettes
de l'Etat à un moment où, sans doute, la situation économique n'est pas celle
que vous escomptiez.
C'est une variable d'ajustement que vous vous êtes procurée, et la commission
ne peut évidemment souscrire à la méthode qui a été utilisée.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les deux amendements ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Je reconnais bien là M. le rapporteur général, qui
fait le procès au Gouvernement de vouloir encore se constituer une cagnotte,
même si c'est un terme qu'il n'a pas utilisé cette fois-ci.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Une recette de poche !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
C'est une grosse recette ! Ou une grosse poche !
M. Philippe Marini
rapporteur général.
C'est effectivement une grosse poche !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Je dirai simplement que la discussion entre les
partenaires sociaux, qui a été menée sur leur initiative, a été productive
puisqu'elle a conduit à la conclusion de la convention du 11 octobre dernier.
Cette dernière a pour principe de se substituer, en quelque sorte, à la
convention du 3 août 1998. Elle ne la remet pas en cause, elle en prolonge les
effets et en améliore les principes.
Par conséquent, je souhaite rassurer Mme Beaudeau, qui a fait part de ses
craintes quant à un désengagement supplémentaire éventuel qui pourrait résulter
de cette nouvelle convention : les investissements du 1 % logement dans les HLM
sont maintenus et le 1 % logement participe et continuera de participer
pleinement à la relance de la construction sociale.
J'ai bien noté ses interrogations quant à la politique de démolition que cette
nouvelle convention permettra d'amplifier et de développer. A l'évidence, la
politique de démolition n'est pas une fin en soi. Mme Beaudeau sera sans doute
d'accord avec moi pour considérer que, dans un certain nombre de projets de
restructuration urbaine lourds, la démolition constitue une forme de
contribution à l'amélioration du cadre de vie dans les quartiers.
Par conséquent, cette convention du 11 octobre est un bon instrument pour la
mise en oeuvre de la politique de rénovation de l'habitat urbain.
J'ai bien noté aussi, notamment dans le propos de M. Coquelle, qu'il restait
encore du travail à faire. Il est prévu qu'une société foncière voie le jour ;
elle participera, avec des moyens importants, à la politique de mixité sociale
que le Gouvernement a engagée.
Quant au logement minier, que M. Coquelle évoque également, c'est une question
importante sur laquelle le Gouvernement souhaite tenir les engagements qu'il a
pris.
Le premier d'entre eux vise à la création d'un établissement public régional
qui sera chargé de porter les intérêts régionaux pour la reprise du parc
immobilier de Charbonnages de France. Cet engagement est tenu dans le cadre de
la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU.
Nous nous étions également engagés à préparer un décret précisant les
modalités de financement de cet établissement public, l'EPINORPA. Le travail
est en cours et doit aboutir maintenant dans des délais très brefs, à l'issue
d'une concertation avec les élus qui est en train de s'achever et qui est menée
par M. Castagnou.
Reste la question des modalités financières de cette reprise ; elles sont
actuellement en discussion avec le président du conseil général. C'est avec ce
dernier que les principes fondamentaux de ce transfert ont été définis, lors
d'un entretien qui a eu lieu avec Christian Pierret et Laurent Fabius.
Je souhaite, pour ma part, que le travail s'engage désormais avec Charbonnages
de France et les futurs acquéreurs du parc immobilier ainsi que les élus et le
Gouvernement, pour que tout cela aboutisse rapidement, et dans la sérénité. En
tout cas, c'est notre état d'esprit, et je crois qu'il est partagé.
Je me tourne maintenant vers M. Joyandet, dont l'amendement n° I-209 tend, en
fait, à supprimer deux dispositions.
Il s'agit, d'abord, de supprimer une contribution qui est prévue au I de cet
article et qui représente 1,8 milliard de francs. Cette contribution a été
établie conformément aux dispositions de la convention du 3 août 1998,
convention dont je rappelle qu'elle a reçu l'accord des partenaires sociaux,
accord confirmé dans le cadre de la convention signée le 11 octobre.
Par conséquent, je ne peux pas être favorable à une telle suppression.
Il s'agit, ensuite, de supprimer le II de l'article 12, c'est-à-dire le
versement de 2,8 milliards de francs en provenance de l'Union de l'économie
sociale du logement, l'UESL, au profit du budget de l'Etat.
Là encore, cette mesure a fait l'objet d'un accord d'ensemble avec les
partenaires sociaux de l'UESL et s'inscrit totalement dans le cadre de la
réorientation d'une partie des emplois du 1 % logement vers le renouvellement
urbain.
Pour mémoire, je rappelle que les crédits du budget du logement consacrés aux
démolitions ont triplé en 2002. Par cette convention du 11 octobre 2001, il est
prévu que 3 milliards de francs soient consacrés chaque année à ces actions.
Cette somme permettra notamment de subventionner la démolition de 30 000
logements sociaux et de faciliter le traitement des copropriétés dégradées.
Par conséquent, je suis défavorable à cet amendement, qui aurait pour
conséquence d'anéantir le fruit d'une négociation fructueuse entre les
partenaires sociaux, l'UESL et le Gouvernement.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances du contrôle bugétaire et des comptes
économiques de la nation.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Madame la secrétaire d'Etat, je
le dis avec un brin de malice, à vous écouter on avait l'impression que les
partenaires sociaux s'étaient précipités dans votre bureau pour vous proposer
ce versement. Or, de ce que nous en savons, des témoignages que nous avons pu
recueillir, nous n'avons pas du tout le sentiment que les choses se soient
passées ainsi.
Cela étant dit, parce que j'ai l'honneur de siéger, au nom du Sénat, au sein
de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, qui
a été mise à contribution au titre des fonds d'épargne, je me dois, madame la
secrétaire d'Etat, de vous demander quelques explications.
J'ai compris, mais peut-être me suis-je trompé, que le prélèvement serait de
4,8 milliards de francs et que le versement qui serait effectué à la Caisse des
dépôts et consignations au titre des fonds d'épargne s'effectuerait en deux
tranches. Je voulais que vous me le confirmiez.
J'aimerais également connaître le montant de la première tranche versée en
2002 et, éventuellement, le montant du complément versé ultérieurement ainsi
que la période à laquelle ce versement serait effectué.
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, une première
tranche de 2,8 milliards de francs est prévue dans ce projet de loi de
finances. Pour la seconde tranche, des discussions ultérieures auront lieu
quant à son quantum et à la date de versement.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Représentant le Sénat au sein de
la commission de surveillance, je regrette de constater que les informations
qui viennent de m'être données par le Gouvernement ne sont pas celles que j'ai
recueillies au sein de cette instance !
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-209.
M. Alain Joyandet.
Je le retire au profit de l'amendement de la commission.
M. le président.
L'amendement n° I-209 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° I-29, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 12, modifié.
(L'article 12 est adopté.)
5
NOMINATION DE MEMBRES
D'ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES
M. le président.
Je rappelle que la commission des finances a proposé des candidatures pour des
organismes extraparlementaires.
La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par
l'article 9 du règlement.
En conséquence, ces candidatures sont ratifiées, et je proclame :
- M. Auguste Cazalet membre de la commission centrale de classement des débits
de tabac ;
- M. Philippe Marini membre du Conseil national des assurances ;
- M. Jacques Oudin membre du conseil d'administration de l'établissement
public Autoroutes de France ;
- et M. Alain Joyandet membre du comité de surveillance de la Caisse
d'amortissement de la dette sociale.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quinze heures
cinq, sous la présidence de M. Serge Vinçon.)
PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
6
LOI DE FINANCES POUR 2002
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances
pour 2002, adopté par l'Assemblée nationale.
Dans la discussion des articles de la première partie, nous en sommes parvenus
à l'article 13.
Article 13
M. le président.
« Art. 13. - Il est institué pour 2002, au profit du budget de l'Etat, un
prélèvement exceptionnel sur les fonds déposés auprès de la Caisse des dépôts
et consignations par l'Organisation autonome nationale de l'industrie et du
commerce et constitués par le produit de la taxe mentionnée au 2° de l'article
3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de
certaines catégories de commerçants et artisans âgés.
« Le montant de ce prélèvement est fixé à 105 millions d'euros. »
Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° I-30 est présenté par M. Marini, au nom de la commission des
finances.
L'amendement n° I-62 est présenté par M. Fréville et les membres du groupe de
l'Union centriste.
L'amendement n° I-241 est présenté par MM. Joyandet, Oudin, Besse, Demuynck,
Cazalet et Calmejane, Mme Michaux-Chevry, MM. Gournac, Hamel, Lardeux, César,
Doublet, Goulet, Murat, Ostermann, Fournier, Ginésy, Leclerc, Braye et
Doligé.
Ces amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer l'article 13. »
La parole est à M. le rapporteur général, pour défendre l'amendement n°
I-30.
M. Philippe Marini,
rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
La commission préconise la
suppression de l'article 13, qui institue au profit du budget de l'Etat un
prélèvement exceptionnel sur les produits de la taxe d'aide au commerce et à
l'artisanat, la TACA.
Ladite taxe, créée en 1972, est assise sur la superficie des grandes surfaces
construites depuis le 1er janvier 1960. Recouvrée et gérée pour le compte de
l'Etat par l'ORGANIC, l'Organisation autonome nationale d'assurance vieillesse
de l'industrie et du commerce, elle connaît des excédents structurels.
Mes chers collègues, il convient, à ce stade, de dénoncer solennellement le
prélèvement intempestif du Gouvernement sur les excédents de la taxe d'aide au
commerce et à l'artisanat ; il convient de remettre en cause cette tentation
d'améliorer coûte que coûte le solde budgétaire de 2002 au détriment des
secteurs du commerce et de l'artisanat.
Le moment est malvenu, madame le secrétaire d'Etat, de ce prélèvement. Vous
avez bien senti ce matin, au cours de la discussion, la sensibilité actuelle
des sujets relatifs au commerce. Au moment du passage du franc à l'euro, au
moment où l'on demande aux professions commerciales beaucoup de temps, beaucoup
d'argent, afin de surmonter les difficultés inhérentes à un exercice de cette
nature, est-ce un bon signal que d'opérer ce prélèvement qui remet en cause la
logique d'affectation de la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat à des
actions en faveur de ces secteurs ? L'Etat se sert des excédents comme de
recettes de poche et les fait entrer - comme la quote-part du 1 % logement,
dont le cas a été évoqué ce matin - dans l'augmentation de 5,8 milliards
d'euros par rapport à l'an passé des recettes non fiscales.
Or la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat aurait dû voir ses excédents
affectés, selon les dispositions législatives en vigueur jusqu'ici, à des
mesures qui se rapportent davantage à son objet, telle l'extension des actions
du fonds d'intervention pour la sauvegarde de l'artisanat et du commerce, le
FISAC.
Ce prélèvement est particulièrement malvenu, car son montant - 105 millions
d'euros - est, je le souligne, madame le secrétaire d'Etat, largement supérieur
au budget affecté au secrétariat d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au
commerce, à l'artisanat et à la consommation.
C'est une comparaison utile et un symbole que l'on peut conserver en tête : 61
millions d'euros sont dégagés pour l'ensemble des actions de ce département
ministériel - d'ailleurs en baisse, à structure constante, de 3,1 % - alors que
105 millions d'euros sont prélevés au profit du budget général sur le produit
de la taxe prétendument d'aide au commerce et à l'artisanat.
Le Gouvernement s'apprête, paraît-il, à déposer devant le Parlement un projet
de loi d'orientation pour les petites entreprises et les entreprises
artisanales. C'est là une de ces dispositions que l'on annonce à la hâte, en
fin de législature, sachant que le texte ne pourra pas être examiné en temps
utile.
M. Alain Gournac.
C'est fait exprès !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il vaudrait mieux faire l'économie d'une nouvelle loi
et réaliser des actions concrètes à l'aide d'une taxe qui a été conçue pour
cela !
Ainsi, la contradiction apparaît tout à fait clairement : d'un côté, des
paroles ; de l'autre, des réalités qui, hélas, ne sont guère positives pour ce
secteur de l'économie.
M. Alain Gournac.
Eh oui !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission des finances estime qu'il convient de
sanctuariser la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat en créant un compte
d'affectation spéciale dédié à sa gestion.
A la vérité, madame le secrétaire d'Etat, si la taxe a un rendement trop
élevé, il existe une solution très simple pour y remédier : il suffit d'en
réduire le taux !
En tout cas, une taxe qui a été créée en 1972 pour un objectif économique
déterminé ne doit pas être utilisée à d'autres fins. Elle n'est pas une sorte
de cagnotte dans laquelle on pourrait puiser pour améliorer le solde - qui est
déjà en assez mauvais état - de la loi de finances !
Le prélèvement auquel tend l'article 13 traduit donc la mauvaise gestion des
finances publiques, qui consiste à financer des dépenses courantes par des
recettes de poche à caractère exceptionnel : c'est la démonstration même que la
commission des finances s'efforce de faire au cours de l'examen de cette loi de
finances. Nous trouvons un déficit creusé de 2 milliards d'euros, 6 milliards
de recettes fiscales supplémentaires, près de 6 milliards de recettes non
fiscales - c'est-à-dire des recettes de poche non reconductibles -
supplémentaires.
Madame le secrétaire d'Etat, nous ne pouvons pas souscrire à de telles
méthodes !
Au moment de voter l'amendement n° I-30, nous rappelons au Sénat que, en dix
ans, 3 milliards de francs ont déjà été prélevés sur les excédents de la taxe
d'aide au commerce et à l'artisanat. Il faut cesser d'utiliser ce genre de
méthodes, qui brouillent la perception que les acteurs économiques peuvent
avoir de la politique budgétaire du Gouvernement et de la politique d'aide au
commerce et à l'artisanat, si nécessaire par les temps qui courent !
M. Alain Gournac.
Très bien ! C'est clair !
M. le président.
La parole est à M. Fréville, pour défendre l'amendement n° I-62.
M. Yves Fréville.
M. le rapporteur général a excellemment motivé cet amendement de suppression,
ce qui me permettra d'être bref.
Effectivement, en prélevant 105 millions d'euros sur la TACA, le Gouvernement
renoue avec des pratiques détestables qui avaient débuté en 1991 et s'étaient
poursuivies jusqu'en 1996.
Puisque cette taxe produit des excédents, puisque l'indemnité de départ versée
aux artisans et aux commerçants, d'une part, les subventions au régime
vieillesse des artisans et des commerçants, d'autre part, n'épuisent pas la
totalité des ressources, il faut, comme y invite M. le rapporteur général, soit
réduire le taux, soit - ce qui paraîtrait beaucoup plus souhaitable dans la
situation actuelle - aider le commerce, notamment en développant le FISAC en
zone urbaine.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Tout à fait !
M. Yves Fréville.
Je suis frappé de constater que, si le manque de commerces se fait toujours
sentir dans les zones rurales, il est aussi sensible dans certains quartiers de
nos villes.
M. Alain Gournac.
Absolument !
M. Yves Fréville.
C'est exactement le même phénomène. Combien y a-t-il en ville de personnes
âgées qui, ne pouvant plus se rendre à l'hypermarché distant de quelques
kilomètres, ne trouvent plus sur place les commerces dont elles ont besoin ?
La suppression de l'article 13 permettrait de reconvertir très simplement un
prélèvement dont l'affectation est toute trouvée !
M. Alain Gournac.
Aidez le commerce !
M. le président.
La parole est à M. Joyandet, pour présenter l'amendement n° I-241.
M. Alain Joyandet.
Je retire immédiatement cet amendement pour me rallier à celui de la
commission, qui est strictement identique.
M. Alain Gournac.
Très bien !
M. le président.
L'amendement n° I-241 est retiré.
Monsieur Fréville, l'amendement n° I-62 est-il maintenu ?
M. Yves Fréville.
Je le retire également, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° I-62 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° I-30 ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat au budget.
Je remercie M. le rapporteur général d'avoir
bien voulu rappeler que le prélèvement prévu à l'article 13 n'a rien
d'exceptionnel : des prélèvements de ce type ont en effet déjà été opérés - M.
Fréville l'a également dit - en décembre 1993, pour 200 millions de francs ; en
1995, pour 680 millions de francs ; en 1996, pour 300 millions de francs. Je
doute qu'ils aient alors été dénoncés au motif qu'ils brouillaient la
lisibilité de la politique budgétaire des gouvernements en place !
M. Yves Fréville.
Vous oubliez 1991 !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Le Conseil constitutionnel a eu, d'ailleurs,
l'occasion de se prononcer sur la constitutionnalité de ces prélèvements dans
la loi de finances rectificative pour 1995.
Le prélèvement proposé à l'article 13 est justifié par l'existence de réserves
importantes qui se sont accumulées sur le compte de la taxe d'aide au commerce
et à l'artisanat du fait que, depuis plus de dix ans, la progression des
ressources, de l'ordre de 10 % par an, est plus rapide que celle des dépenses,
qui est légèrement inférieure à 9 % par an.
Ce prélèvement n'affectera pas les équilibres financiers de l'ORGANIC,
précision extrêmement importante, compte tenu de notre souci partagé d'assurer
à cet établissement les moyens de financer ses dépenses ; il affectera
seulement le fonds de réserves de la TACA, qui est placé auprès de la Caisse
des dépôts et consignations.
Il ne remet, par ailleurs, aucunement en cause la politique active de soutien
aux artisans et commerçants qui est conduite par le Gouvernement, qu'il
s'agisse du régime de départs et de retraite, qui n'est évidemment pas affecté,
ou de la capacité d'engagement du FISAC, qui passera de 65 millions d'euros, en
2001, à 67 millions d'euros, soit une progression de plus de 3 %.
Ces points sont d'ailleurs fort bien analysés dans le rapport de votre
commission des finances, à laquelle, pour toutes ces raisons, je saurais gré de
bien vouloir retirer son amendement.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-30.
M. Gérard Miquel.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Miquel.
M. Gérard Miquel.
Au nom du groupe socialiste, je souhaite exprimer notre opposition à cet
amendement, qui vise à supprimer un prélèvement de 105 millions d'euros, soit
plus de 688 millions de francs, somme qui correspond à un prélèvement similaire
effectué en 1995 par un gouvernement que vous souteniez, monsieur le rapporteur
général,...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je vais vous répondre, monsieur Miquel.
M. Gérard Miquel.
... et il ne me semble pas que vous teniez alors les mêmes propos !
La TACA est essentiellement affectée au financement de l'indemnité de départ
versée aux commerçants et artisans âgés de moins de cinquante-sept ans. Son
produit est, de manière récurrente, supérieur à la dépense. Il est donc proposé
d'affecter l'excédent au budget de l'Etat, ce qui en aucun cas ne pénalise les
commerçants, non plus que les artisans.
Cette procédure est classique : 200 millions de francs ont ainsi été prélevés
en 1993, 680 millions de francs l'ont été en 1995 et 300 millions de francs en
1996. Je trouve donc la leçon que semblent vouloir donner au Gouvernement les
auteurs des amendements plutôt malvenue.
Le prélèvement permet, en outre, d'apporter une recette non négligeable à
l'Etat, qui, dès lors, peut financer ses priorités, par exemple la police ou la
justice,...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
N'oubliez pas les 35 heures !
M. Gérard Miquel.
... auxquelles j'avais cru comprendre que notre rapporteur général n'était pas
opposé. Or, lorsque l'on affiche des priorités, il est logique, monsieur le
rapporteur général, de les financer.
M. Bernard Murat.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Murat.
M. Bernard Murat.
Depuis 1995, un élément tout à fait nouveau est tout de même intervenu. Si nos
collègues ne s'en sont pas aperçu, c'est parce qu'ils ne sont ni commerçants ni
artisans ! Je veux, bien sûr, parler du passage aux 35 heures, dont le coût
rebat complètement les cartes.
Notre Haute Assemblée ferait donc bien de revoir sa position dans l'intérêt
des PME et des PMI, lesquelles n'attendent pas grand-chose de la loi
d'orientation qui leur a été promise, car elles savent très bien que celle-ci
ne pourra pas être votée avant les échéances qui nous attendent.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je répondrai brièvement à notre collègue Gérard
Miquel et à Mme le secrétaire d'Etat.
Madame le secrétaire d'Etat, vous citez des précédents, mais comparaison
serait-elle devenue raison ? L'ambition du Gouvernement serait-elle de répéter
ce que toutes les administrations qui l'ont précédé ont, avec une constance
toute administrative, déjà fait ? J'avais pourtant cru comprendre que, lors de
votre arrivée aux affaires, vous aviez l'intention de faire évoluer la
situation.
Il faudrait accorder le langage et les raisonnements. Si ce que faisait
l'ancienne administration était mal, il ne fallait pas l'imiter. Point n'était
besoin de la remplacer pour demeurer dans les mêmes ornières !
La commission des finances, pour sa part, ne s'arrête pas à ces
considérations. Lorsque des vérités doivent être dites, nous les disons,
qu'elles soient agréables ou non. Ainsi, lorsqu'une taxe est créée dans un but
défini et que son produit est détourné de celui-ci, nous disons que telle n'est
pas sa vocation et nous en soulignons le caractère anormal. Une taxe prélevée
dans un but donné ne doit pas servir de régulateur du solde budgétaire de
l'Etat.
Ces propos, nous les avons tenus de manière assez constante dans le temps, et
je serais prêt, madame le secrétaire d'Etat, à vous citer un certain nombre de
sujets sur lesquels la commission des finances, au lieu, comme vous semblez le
croire, d'avoir été complaisante à l'égard de nos amis lorsqu'ils étaient aux
affaires, s'est efforcée, lorsqu'elle l'a estimé opportun, de traduire dans ses
positions l'analyse qu'elle avait de la réalité, comme nous le faisons
aujourd'hui.
Il se trouve simplement qu'aujourd'hui, après une période de croissance
pourtant assez profitable au budget de l'Etat, nous constatons les résultats de
votre imprévoyance et de la politique que vous avez menée, résultats qui vous
obligent à trouver des artifices afin d'équilibrer un budget qui ne peut pas,
dans l'état actuel des choses, jouer le rôle que la conjoncture exigerait.
C'est la réalité, madame le secrétaire d'Etat, et pardonnez-moi d'avoir eu à
la rappeler !
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste
et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Je ne cherche pas à prolonger nos débats, d'autant que
nous ne sommes pas rendus au but,...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
On a tout le temps !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
... mais je ne peux laisser passer ce que vient de
dire M. le rapporteur général sans le relever.
Chaque fois que l'on rappelle un passé qui dérange, on laisse entendre que les
décisions prises alors l'auraient été non pas par le gouvernement en place mais
par l'administration, notion vague qui permet de diluer toutes les
responsabilités.
Eh bien, non, ce sont les gouvernements qui dirigent les administrations !
C'est un fait, et moi je le revendique.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je parlais de l'administration au sens politique,
bien sûr !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Ainsi, le prélèvement sur les recettes de la TACA est
bien un acte de ce gouvernement, et un acte qui est pleinement assumé pour ce
qu'il est. La TACA n'a pas pour objet d'écraser les boulangers ou les
charcutiers ; elle est assise, vous le savez, monsieur le rapporteur général,
sur les surfaces commerciales supérieures à 400 mètres carrés - appelons donc
un chat un chat - et elle participe de la politique qui est conduite depuis
quatre ans et demi afin d'accompagner la croissance.
Je n'ai pas à rougir de ce prélèvement. Je l'ai dit, cela s'est toujours fait,
mais, moi, je ne me réfugie pas derrière l'administration pour ne pas avoir à
donner de justification. Les justifications, je les donne. Je sais pourquoi ce
prélèvement est opéré et je l'assume !
(Très bien ! et applaudissements sur
les travées socialistes.)
M. Josselin de Rohan.
Une chose de plus à ajouter à vos erreurs !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Ne nous énervons pas, madame la
secrétaire d'Etat ! C'est le Parlement de la France qui décide, et non pas le
Gouvernement !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Mais absolument !
M. Gérard Braun.
Très bien !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Est-il besoin de rappeler que,
dans notre République, le peuple souverain s'incarne dans la représentation
nationale et non pas dans le Gouvernement ?
Madame la secrétaire d'Etat, vous venez devant le Parlement faire autoriser
votre budget.
Lorsque Philippe Marini parlait tout à l'heure des administrations,...
M. Henri Torre.
Il parlait du Gouvernement !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
... il visait l'administration
de la France, et non pas le personnel de l'administration de l'Etat !
Quand Philippe Marini dit que la majorité sénatoriale n'a pas été entendue par
des gouvernements que, par ailleurs, elle soutenait, c'est tout simplement
parce que nous nous déterminons conformément à notre conscience, sans nous en
tenir à une lecture parfois trop aveugle de la Constitution de la Ve
République, qui a beaucoup de qualités par ailleurs, mais qui a renforcé le
fait majoritaire.
M. Bernard Murat.
Très bien !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Chers collègues socialites, nous
avons tous à apprendre l'humilité. Tout à l'heure, à propos des prélèvements
opérés sur le 1 % logement, avec une sollicitude qui était presque émouvante,
vous avez tu un désaccord profond que vous n'hésitiez pas à exprimer sous les
gouvernements précédents.
Le rapporteur général, trop bon, comme toujours, ne vous l'a pas fait
remarquer, mais je suis obligé de le faire en cet instant.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
J'aurais dû le faire, c'est vrai !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Madame la secrétaire d'Etat, il
ne faut pas nous fâcher sur de tels sujets. Chacun assume sa responsabilité et,
au Sénat, nous l'assumons plus qu'ailleurs. Parce que nous avons su reprocher à
d'autres gouvernements leurs propositions lorsqu'elles étaient mauvaises, il
est légitime et il est de notre devoir que nous fassions de même avec vous.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Alain Vasselle.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle.
Je suis gêné de prendre la parole après M. le président de la commission des
finances et M. le rapporteur général, car ce sont des personnes plus
autorisées, plus éminentes et plus compétentes que moi sur ces sujets.
M. Michel Moreigne.
Quelle modestie !
M. Alain Vasselle.
Mais, en qualité de rapporteur des équilibres financiers du projet de loi de
financement de la sécurité sociale, je me réjouis de constater qu'il y a sur
l'ORGANIC une complète identité de vue entre la commission des finances et la
commission des affaires sociales.
Madame le secrétaire d'Etat, nous sommes maintenant habitués au fait que ce
gouvernement ne cesse de prélever de l'argent là où il ne devrait pas pour
boucher ailleurs les trous que creuse sa politique, politique dont il savait
pertinemment qu'il n'aurait pas les moyens de l'assumer. Nous l'avons vu avec
les 35 heures.
L'année dernière, nous avions dénoncé le fait que l'Etat, pour honorer la
dette qu'il avait contractée à l'égard de l'ORGANIC, ait prélevé des crédits
sur le fonds de solidarité vieillesse - destiné à alimenter, par le produit de
ses excédents, le fonds de réserve pour les retraites - pour amortir une dette
qu'il n'était pas capable d'assumer. Que fait-il cette année ? Il récidive,
cette fois en prélevant les recettes d'un fonds destiné à aider les artisans et
les commerçants âgés.
Vous avouerez, madame le secrétaire d'Etat, que c'est inadmissible, et qu'il
est de notre devoir d'appeler l'attention de l'opinion publique et de ceux qui
nous écoutent sur ce comportement inacceptable du Gouvernement !
C'est la raison pour laquelle l'amendement n° I-30 mérite, comme bien d'autres
amendements soutenus par la commission des finances, d'être adopté par le
Sénat.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-30, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 13 est supprimé.
II. - ressources affectées
Article 14
M. le président.
« Art. 14. - Sous réserve des dispositions de la présente loi, les
affectations résultant de budgets annexes et comptes spéciaux ouverts à la date
du dépôt de la présente loi sont confirmées pour l'année 2002. »
- (Adopté.)
Article 15
M. le président.
« Art. 15. - Pour 2002, le montant du prélèvement de solidarité pour l'eau,
institué par le II de l'article 58 de la loi de finances pour 2000 (n° 99-1172
du 30 décembre 1999), est ainsi fixé :
Agence de l'eau Adour-Garonne | 7 510 millions d'euros |
Agence de l'eau Artois-Picardie | 6 253 millions d'euros |
Agence de l'eau Loire-Bretagne | 13 012 millions d'euros |
Agence de l'eau Rhin-Meuse | 6 906 millions d'euros |
Agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse | 18 809 millions d'euros |
Agence de l'eau Seine-Normandie | 29 144 millions d'euros |
Sur l'article, la parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Le Gouvernement a déposé un projet de loi sur l'eau qui sera discuté le 8 janvier prochain à l'Assemblée nationale.
L'eau représente, vous le savez, mes chers collègues, un véritable enjeu de société : elle vient d'ailleurs en tête des préoccupations environnementales des Français. Dans moins d'un an, nous aurons l'occasion de débattre dans cet hémicycle du projet de loi sur l'eau. Aujourd'hui, je voudrais évoquer d'abord un constat, puis un paradoxe, enfin un impératif.
Le constat, c'est que le développement de notre politique de l'eau se heurte à un déficit chronique d'investissements. La politique menée au cours des dernières années se solde ainsi par un bilan environnemental médiocre et par des retards considérables dans la mise en place des outils, des financements et des équipements nécessaires.
Je ne citerai que trois chiffres pour illustrer cette situation inacceptable.
Premièrement, seules 54 % des agglomérations françaises situées en zones sensibles se trouvent aujourd'hui en conformité, en matière d'assainissement, avec la directive « Eaux résiduaires urbaines », l'échéance prévue étant 1998.
Deuxièmement, selon le rapport de l'Institut français de l'environnement, l'IFEN, publié en juillet 2001, 94 % des cours d'eau et 75 % des eaux souterraines sont affectés par la présence de pesticides. D'ailleurs, le rapport du Commissariat général du Plan paru en septembre 2001 indique que « le dispositif mis en place n'est pas à la hauteur du problème ».
Troisièmement, 440 plans de prévention des risques ont vu le jour en 2000, alors qu'ils auraient dû être au nombre de 650 pour couvrir les 5 000 communes concernées.
Ces carences ont entraîné, en 2001, cinq contentieux entre la France et les instances européennes, à savoir deux condamnations de notre pays par la Cour de justice des Communautés européennes les 8 et 15 mars derniers pour teneur excessive en nitrates des eaux bretonnes et pour non-conformité des eaux de baignade, une saisine de la Cour de justice des Communautés européennes, le 24 juillet 2001, pour non-respect de la directive « Eaux résiduaires urbaines », et deux avis motivés adressés à la France le 24 juillet 2001 - c'était d'ailleurs la deuxième lettre d'avertissement - pour manquement à la directive relative à l'eau potable et pour non-communication des données concernant la qualité des eaux de baignade, tous les autres Etats membres ayant fourni ces informations.
Voilà pour le constat !
J'en viens maintenant au paradoxe, qui est incompréhensible.
En regard des besoins considérables et des retards à combler, on assiste à une baisse et à une sous-consommation des crédits consacrés à la politique de l'eau.
Aujourd'hui - c'est le coeur même de l'article 15 dont nous allons débattre - le budget spécifique de l'eau est en nette diminution, à hauteur de 3,6 %. Hors crédits du fonds national de solidarité pour l'eau, le FNSE, le recul atteint 23 %. Une hausse de 7 % du prélèvement opéré sur le budget des agences de l'eau au profit du fonds national de solidarité pour l'eau, qui regroupe désormais 71 % des crédits affectés à l'eau, est supposée compenser cette grave diminution, mais cette politique de vases communicants est parfaitement stérile. De surcroît, en 2000, seulement 28,5 % des crédits du FNSE ont été consommés, et les dépenses de fonctionnement représentent plus de 90 % de l'ensemble.
S'agissant, enfin, de l'impératif, celui-ci est d'optimiser l'utilisation des crédits affectés à la politique de l'eau. Pour cela, il me semble que deux directions peuvent être suivies.
En premier lieu, nous avons l'obligation de procéder à des évaluations : combien la politique de l'eau nous coûte-t-elle et combien devrait-elle nous coûter ?
A cet égard, la loi organique du 1er août 2001 impose de mesurer les moyens affectés aux politiques. Je vous invite, madame la secrétaire d'Etat, à procéder à cet exercice s'agissant de la politique de l'eau.
Par ailleurs, la directive-cadre européenne sur l'eau, adoptée en septembre 2000 et que la France a ratifiée, place le recours aux évaluations économiques au coeur des orientations européennes.
Devant un enjeu aussi considérable que l'eau et à la veille d'un débat parlementaire, il est impératif de remettre en rapport les objectifs visés et les moyens engagés. Malheureusement, il n'en a pas été ainsi jusqu'à présent.
En second lieu, il convient d'améliorer l'efficacité des fonds tout en développant les solidarités.
S'agissant tout d'abord de la solidarité entre bassins et entre agences de l'eau, je comprends que certains de mes collègues, constatant la gestion catastrophique du fonds national de solidarité pour l'eau, réclament la suppression de ce dernier. Tel est d'ailleurs l'objet de l'amendement n° I-31 de la commission des finances.
Cependant, disposer d'un fonds de péréquation me semble nécessaire pour financer les actions transversales interbassins. Pour autant, nous devons à l'évidence en améliorer la gestion.
A cette fin, il convient, à mon sens, de confier le pilotage de celle-ci aux représentants des comités de bassin. Cela serait d'autant plus légitime que le FNSE est alimenté par un prélèvement sur les budgets des agences de l'eau.
En outre, la gestion du FNSE pourrait être améliorée en adaptant le montant des crédits de ce dernier aux besoins réels. En effet, la dotation actuelle ne repose sur aucune évaluation, et l'on aboutit à une sous-consommation des crédits, que nous pourrons démontrer.
Par ailleurs, la solidarité entre monde rural et monde urbain est plus que jamais nécessaire dans le domaine de l'eau, car les écarts constatés en matière tant d'équipements que de qualité de l'eau fournie sont patents. C'est pourquoi je propose une augmentation de la redevance prélevée au titre du fonds national pour le développement des adductions d'eau, le FNDAE, qui permettra d'aider les communes rurales à se doter d'une alimentation en eau potable et d'un système d'assainissement performants et de qualité.
Tel sera l'objet des amendements n°s I-116, I-117 et I-172. (M. Doublet applaudit.) .
M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I-31, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
« Supprimer l'article 15. »
L'amendement n° I-116, présenté par M. Oudin, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit l'article 15 :
« Pour 2002, le montant du prélèvement de solidarité pour l'eau, institué par le II de l'article 58 de la loi de finances pour 2000 (loi n° 99-1172 du 30 décembre 1999), est ainsi fixé :
Agence de l'eau Adour-Garonne | 1 995 |
Agence de l'eau Artois-Picardie | 1 661 |
Agence de l'eau Loire-Bretagne | 3 457 |
Agence de l'eau Rhin-Meuse | 1 835 |
Agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse | 4 997 |
Agence de l'eau Seine-Normandie | 7 743 |
La parole est à M. le rapporteur général, pour défendre l'amendement n° I-31.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Chacun d'entre nous a pu entendre l'argumentaire tout à fait excellent développé par M. Oudin, auquel la commission souscrit, bien sûr, en tout point.
Pour aller pleinement dans le sens de notre collègue, la solution la plus simple, à ce stade, consiste à supprimer l'article ! C'est ce que la commission des finances propose au Sénat.
Ainsi, nous préconisons la suppression du prélèvement de quelque 82 millions d'euros sur les agences de l'eau, qui est destiné à financer la direction de l'eau au ministère de l'environnement par l'intermédiaire du Fonds national de solidarité pour l'eau.
En premier lieu, le critère de répartition des dépenses entre le budget de la direction de l'eau et le FNSE est-il clair ? Je rappelle à cet égard que le FNSE lui-même a été constitué pour financer des actions d'intérêt commun pour les six agences de l'eau. Sur le fond des choses, est-on en mesure de tracer une ligne de partage claire et cohérente entre ce qui est pris en charge par le FNSE et ce qui relève de la compétence de la direction de l'eau ? Le Sénat ne l'a pas pensé jusqu'à présent, et la Cour des comptes nous a confortés dans nos doutes par son récent rapport sur l'exécution de la loi de finances pour 2000.
En second lieu, mes chers collègues, nous constatons que le taux de consommation des crédits du FNSE a été de 27 % pour l'année 2000 et qu'il n'atteignait, à la fin du mois de septembre 2001, que 11 %. Par conséquent, est-il vraiment utile et opportun de conforter un dispositif qui ne permet pas d'employer les crédits prévisionnels ?
Pour l'ensemble de ces raisons, la commission préconise la suppression pure et simple de l'article 15, tout en comprenant que son élaboration a été liée à des considérations symboliques qui nous dépassent certes quelque peu, mais qui ne sont certainement pas sans rapport avec l'existence, au sein de la majorité qui soutient le Gouvernement, de ce petit « aiguillon vert » qui crée parfois quelques soucis à ce dernier ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Oudin, pour défendre l'amendement n° I-116.
M. Jacques Oudin. Madame le secrétaire d'Etat, je dois vous avouer que, lorsque j'ai défendu cet amendement devant la commission des finances, j'ai été mis en minorité. En effet, la majorité de celle-ci souhaitait plutôt supprimer l'article 15. Pour ma part, je propose de le maintenir, mais en inscrivant des crédits correspondant à ce que j'estime être la réalité des besoins.
Quel a été mon raisonnement ? J'ai constaté, comme l'a indiqué excellemment M. le rapporteur général, que le FNSE n'avait utilisé, en 2000, que 21,7 millions d'euros sur les 76,2 millions d'euros qui lui avaient été attribués, soit un taux de consommation de 28,5 %. Dans ces conditions, plutôt que de reconduire cette somme de 76 millions d'euros, majorée de 7 % comme cela est prévu par le projet de loi de finances pour 2002, j'ai proposé, dans l'attente d'une clarification, d'inscrire un montant de 21,69 millions d'euros correspondant au total des crédits dépensés en 2000, la répartition de ce montant étant précisée par l'amendement.
A mes yeux, je le répète, le FNSE est un outil nécessaire. Il faut permettre une certaine solidarité entre les agences de l'eau et des actions communes. En effet, toutes ne disposent pas des mêmes moyens financiers et, si certaines sont à l'aise, d'autres le sont beaucoup moins ! Etant moi-même membre d'un comité de bassin dont relève une agence de l'eau souffrant de difficultés de financement, je pense qu'il faut maintenir ce fonds, même si manifestement sa gestion n'est pas à la hauteur de nos espérances.
Comme cela a été souligné tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, il est donc nécessaire de parvenir à une gestion qui soit plus claire, mieux adaptée aux besoins, peut-être plus rapide et plus efficace. On doit également pouvoir procéder à une évaluation précise des actions que l'on souhaite mener et du montant des crédits nécessaires pour cela, afin d'éviter tout gaspillage.
Adopter l'amendement de repli que je présente n'empêchera pas d'apporter ultérieurement des corrections si le besoin s'en fait sentir. Quoi qu'il en soit, entre un excès de crédits inutilisés et une suppression pure et simple du FNSE, il représente une voie moyenne à laquelle je souhaite que le Sénat puisse se rallier.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° I-116 ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission est sensible aux propos de M. Oudin, mais est-il possible d'ajuster les positions respectives de l'Assemblée nationale et du Sénat ? C'est en fonction de la réponse du Gouvernement à cette question que nous pourrons nous déterminer. Si une marge de négociation se dessine, peut-être devrons-nous nous montrer plus accommodants, mais si Mme le secrétaire d'Etat s'oppose résolument, comme j'ai tout lieu de le craindre, aux deux amendements, il sera à mon sens préférable que le Sénat, pour bien se faire comprendre, adopte la position la plus claire et la plus radicale.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s I-31 et I-116 ?
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. M. Oudin a engagé sur la politique de l'eau un débat important, qui a évidemment sa place dans la discussion du projet de loi de finances, notamment de la deuxième partie de celui-ci, mais qui s'insérera mieux encore dans le prochain examen du projet de loi sur l'eau.
Je voudrais rappeler que, aujourd'hui encore, la politique de l'eau en France est d'abord le fait des agences de l'eau, certains d'entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, siégeant d'ailleurs au sein de leurs conseils d'administration.
Par conséquent, un certain nombre de critiques que j'ai entendues me semblent avant tout viser ces agences, dont les dépenses, dans le domaine de l'eau, sont quinze fois supérieures à celles de l'Etat.
En ce qui concerne plus précisément des contentieux communautaires liés aux pollutions de l'eau par les nitrates et au défaut de transmission à Bruxelles de données sur les eaux de baignade, il s'agit essentiellement de questions d'ordre réglementaire n'ayant guère de lien direct avec le sujet qui nous occupe, à savoir le FNSE.
Cela étant si l'on réduit fortement les crédits de ce fonds, comme le prévoit l'amendement n° I-116, il ne sera pas possible de financer la nouvelle action relative à la couverture des sols en 2002, qui vise à réduire la pollution d'origine agricole de l'eau.
De même, en ce qui concerne la directive « Eaux résiduaires urbaines » de 1991, il revient précisément aux agences de l'eau de mettre celle-ci en oeuvre. Cela constituait l'objet des sixième et septième programmes des agences, lesquelles, pour les financer, ont fortement accru les redevances perçues sur les ménages. Le volume des aides des agences de l'eau a donc doublé entre 1992 et 1996.
Je note que le bilan du septième programme fait apparaître un taux de réalisation supérieur à 95 % en matière d'investissements. Je ne doute pas que ces derniers auront des effets certains sur la qualité du milieu naturel.
J'en viens maintenant aux plans de prévention des risques.
Là encore, il n'y a pas insuffisance de moyens du côté de l'Etat. En effet, ce dernier a doublé les crédits consacrés depuis 1997 à ces plans ainsi qu'à la formation préventive des citoyens.
Par conséquent, je n'approuve pas l'appréciation que vous portez sur le budget de l'eau pour 2002. Il est en diminution, avez-vous dit. C'est inexact, ce budget est en hausse. Si l'on raisonne en engagements et en dépenses ordinaires, il progresse de 7 %. Si l'on raisonne hors FNSE, ce que vous avez fait, monsieur le sénateur, cette augmentation, selon le même concept, dépenses ordinaires et autorisations de programme, est également de 7 %.
Il est vrai que le montant des crédits de paiement en 2002 a été réduit pour tenir compte du décalage qui existe entre engagements et paiement. Cela correspond à un ajustement que je qualifierai de bonne gestion, et qui ne remet, bien sûr, nullement en cause les moyens de la politique de l'eau, bien au contraire, puisque ces moyens d'engagements en quelque sorte ont été accrus.
Des outils nouveaux, tels que le fonds national de solidarité pour l'eau, visent à optimiser, à mieux répartir les crédits affectés à la politique de l'eau. L'augmentation du FNSE qui est prévue pour 2002 vise à renforcer la prévention des contentieux communautaires relatifs aux nitrates. Elle vise aussi à améliorer les moyens d'évaluer cette politique publique très importante et à soutenir l'effort supplémentaire consenti pour améliorer la qualité des eaux littorales.
Le développement de cette politique répond aux préoccupations que vous venez d'exprimer, monsieur le sénateur. Vous savez que les représentants des bassins sont directement associés à la programmation de ces crédits.
Je rappelle également que le taux d'engagement des crédits du FNSE s'est élevé à 89 % l'année de sa création, ce fonds ayant été instauré à la fin de l'année 2000. Pour des politiques nouvelles qui sont financées par un dispositif nouveau, il est assez normal, vous en conviendrez, qu'un décalage existe, au départ tout au moins, entre engagements et paiement, et que cela engendre des reports de crédits de paiement.
Cela étant, le souci que vous exprimez, pour aujourd'hui comme pour demain, me paraît pleinement fondé et, encore une fois, s'il me paraît normal qu'un décalage existe entre engagements et paiement au démarrage, je crois qu'une accélération devra en effet être mise en oeuvre ; M. Yves Cochet et moi-même, nous nous y engageons.
En toute hypothèse, si à la fin de l'exercice 2001, la situation ne devait pas faire apparaître d'amélioration significative, une mission conjointe des inspections des finances et de l'environnement serait diligentée dès le début de 2002 pour comprendre et analyser les causes d'un tel décalage, et, surtout, pour proposer toutes les solutions utiles.
Par conséquent, vous l'aurez compris, je ne puis être favorable à l'amendement I-31 de la commission, qui prive de tout moyen supplémentaire le FNSE et, même si j'ai bien compris la nuance qu'introduisait M. Oudin à travers son amendement n° I-116, je crois véritablement que ces crédits sont nécessaires afin de poursuivre les actions entreprises par ce fonds.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-31.
M. Josselin de Rohan. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. de Rohan.
M. Josselin de Rohan. J'avoue avoir du mal à comprendre la cohérence de la politique que le Gouvernement mène dans le domaine de l'eau.
Je préside la collectivité territoriale d'une région qui connaît nombre de problèmes en matière de reconquête de la qualité de l'eau. Depuis de très nombreuses années, nous consacrons de très importants crédits, qu'il s'agisse de crédits de l'Etat ou de crédits de la région, pour la reconquête de la qualité de l'eau. Les résultats que nous obtenons sont fort critiqués. En effet, en l'absence de résultats visibles ou rapides dans un certain nombre de domaines - il convient de reconnaître qu'il faudra du temps pour obtenir des résultats satisfaisants - nous sommes l'objet de vives critiques. Celles-ci émanent de nos concitoyens, qui admettent mal que nous vendions de l'eau dont la teneur en nitrates ou en phosphates est très élevée. Elles proviennent également de la Commission de Bruxelles, qui considère que la France ne fait pas les efforts nécessaires.
Nous avons mis sur pied en Bretagne - je pense qu'il en est de même dans d'autres régions - une politique des bassins versants. Dans les bassins versants, nous essayons d'associer à l'oeuvre de reconquête de la qualité de l'eau les collectivités locales, les exploitants agricoles, tous les acteurs de cette reconquête. Cependant, pour que nous arrivions au résultat que nous recherchons, il faut aussi le concours des agences de bassin.
Comment parvenir à persuader des agriculteurs qui doivent consentir des efforts importants pour traiter les déjections animales ou pour entreprendre des actions de résorption si nous ne pouvons leur assurer des subventions, au moment même où nombre d'entre eux subissent des pertes de revenu du fait de la fluctuation des cours à la production, notamment pour l'aviculture et le porc ? Il est important que les exploitants agricoles, qui détiennent certainement la clé de l'avenir de la politique de l'eau, puissent bénéficier des concours nécessaires.
Lors de l'élaboration du contrat de plan, nous avons demandé au préfet de région d'allonger la liste des bassins pouvant être éligibles aux actions conjointes de l'Etat et de la région, précisément pour améliorer le traitement de l'eau et associer le plus grand nombre possible d'acteurs. Or il nous a été répondu que l'un des freins à cette extension tenait au fait que l'agence de bassin ne pourrait pas suivre les efforts que nous voulions consentir puisque, à la suite de la péréquation opérée avec le FNSE, elle n'avait plus les moyens dont elle disposait antérieurement. Cela signifie que, dans le domaine de l'eau, nous assistons à la politique du sapeur Camember : on creuse un deuxième trou pour y mettre la terre du premier, et ainsi de suite.
Comment pourrons-nous gagner du temps et améliorer la qualité de l'eau si les agences de bassin, qui avaient pour mission de seconder nos efforts concernant le traitement de l'eau, ne sont plus en mesure de le faire ?
Certes, il faut aider les agences qui n'ont pas les ressources suffisantes. Cependant, on ne résoudra pas le problème en prélevant des ressources sur les agences qui ont beaucoup à faire pour les donner à d'autres. Il faut trouver un autre système de péréquation. En effet, celui qui a été mis en place est absurde. D'ailleurs, les crédits inscrits ne sont pas consommés.
N'en déplaise à mon ami M. Oudin, la solution la plus logique est celle que propose M. le rapporteur général. En effet, quand un système est mauvais, il faut y mettre fin et trouver une forme plus efficace d'action. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. Henri de Raincourt. Très bien !
M. Joël Bourdin. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Bourdin.
M. Joël Bourdin. Notre collègue M. Oudin a raison de dire qu'un fonds de péréquation entre les agences est très utile.
Cela étant, j'observe que, comme le président du groupe du RPR vient de le rappeler à l'instant, la situation financière du fonds national de solidarité pour l'eau est actuellement caractérisée par une surabondance de crédits. En effet, le taux de consommation des crédits qui lui ont été alloués n'est pas satisfaisant. Il ne me semble donc pas nécessaire, à l'occasion du présent projet de loi de finances, de le doter de moyens qui viendront accroître ceux qu'il a thésaurisés.
Les agences ont besoin de leurs moyens financiers. Nous avons, nous les présidents de syndicat d'eau et les maires, des relations de proximité avec les agences de l'eau. Si, en l'occurrence, peuvent se poser des problèmes difficiles à régler avec les agences de l'eau, d'une manière générale, nous avons satisfaction. Dans le cadre de cette proximité, il est souhaitable de laisser les moyens à la disposition des agences.
C'est pourquoi, bien que je sois d'accord sur le principe, je ne peux suivre mon collègue M. Oudin, et je me rallie, bien sûr, à l'amendemement de la commission.
M. Jacques Oudin. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Je vous l'ai dit, pendant le débat en commission, j'ai été quasiment le seul à défendre cette position. Cependant, je persiste.
Je conçois qu'il y ait beaucoup de critiques à formuler sur le fonds national de l'eau. Je m'étonne d'ailleurs que Mme le secrétaire d'Etat n'ait fait droit à aucune des remarques que j'avais formulées sur les insuffisances de la politique de l'eau. La France a été condamnée pour la première fois voilà plusieurs années et cinq fois cette année. Cela prouve tout de même que quelque chose ne fonctionne pas dans notre pays !
Cette année, le taux des subventions des agences aux collectivités a généralement diminué, alors même que le fonds de trésorerie des agences est tel que le président de la commission des finances de l'Assemblée nationale s'en était ému.
Le commissariat général au plan, qui a fait un audit de la politique, a dit que manifestement des améliorations doivent intervenir.
J'ai sous les yeux, madame le secrétaire d'Etat, le rapport de la Cour des comptes. Je ne citerai pas tous les chiffres. Il y est précisé : « les engagements se montent à 171 millions mais correspondent à 65 millions de la délégation ; il reste encore 36,9 millions à engager au niveau central, les dépenses en capital s'élèvent à 13 millions, ce qui correspond à un taux de consommation de 4,5 %. Ce taux est un peu plus élevé - 19,4 % - sur le chapitre 06 Investissements que sur le chapitre 07 Subventions - 3,5 %. » Manifestement cela ne fonctionne pas très bien.
Par cohérence, je m'abstiendrai lors du vote sur l'amendement présenté par M. le rapporteur général. Cet amendement sera vraisemblablement adopté et, en conséquence, mon amendement n'aura plus d'objet.
Madame le secrétaire d'Etat, si l'on ne regarde pas la réalité, on ne peut pas trouver de bonnes solutions aux problèmes qui se posent. Vous avez parlé d'une mission d'inspection. Je me permets de vous inviter à examiner comment les choses fonctionnent. Nous sommes nombreux à désirer qu'une politique de l'eau efficace et financièrement bien équilibrée puisse se développer. Pour l'instant, ce n'est pas tout à fait le cas.
Je souhaite que les débats de l'an prochain à l'occasion de l'examen du projet de loi sur l'eau permette d'aboutir à un résultat plus satisfaisant.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je reconnais bien entendu à M. Jacques Oudin la technicité et toute la force de conviction qui sont les siennes sur ces sujets.
Si Mme le secrétaire d'Etat avait laissé entendre que sa position pouvait évoluer en vue d'établir une base de négociations, le vote de l'amendement qu'il a présenté aurait été concevable. Malheureusement, nous avons observé que le Gouvernement est totalement fermé. Aussi, le dispositif de la commission s'impose.
Avant que le vote intervienne, je voudrais, mes chers collègues, pour que vous sachiez exactement de quoi il s'agit et afin d'essayer de vous montrer que la logique d'affectation ne saute pas aux yeux, vous donner quelques exemples des dépenses financées par le FNSE.
Ainsi, 50 millions de francs sont versés au Conseil supérieur de la pêche pour la mise en place de ses moyens techniques. Très bien ! Il s'agit d'une dépense de caractère général. Toutefois, une autre partie de cette dépense est directement prise en charge par le ministère de l'environnement, au sein des crédits de son administration centrale. Pourquoi une part d'un côté, une part de l'autre ? Il n'y a pas de logique dans cette manière de procéder. Le soutien au Conseil supérieur de la pêche est bien une responsabilité de l'Etat, qui appelle un engagement budgétaire de ce dernier.
Dans ce fonds figurent des dépenses de caractère régional, par exemple la reconquête de la qualité des canaux pollués du Nord - Pas-de-Calais, pour 12 millions de francs. Mais, par ailleurs, l'agence de l'eau Artois-Picardie cotise au FNSE pour 50 millions à 60 millions de francs. On paie d'un côté pour récupérer de l'autre.
M. Josselin de Rohan. Eh oui !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Quelle est la logique ? Là encore, elle ne saute pas aux yeux.
On relève, par exemple, 20 millions de francs d'incitation aux économies d'eau dans l'habitat collectif social. Il s'agit de financer des compteurs d'eau dans les HLM, ce qui est une excellente chose. Cependant, dès lors qu'il existe une politique de la ville, mieux vaudrait sans doute que ces dépenses soient prises en charge par les crédits de la politique de la ville, puisque elles vont êtes faites dans des zones d'habitat social particulièrement dignes d'une action préférentielle.
Je ne vais pas allonger cette liste, mais, rubrique après rubrique, nous observons que le FNSE n'a pas de politique cohérente d'emploi des crédits qui lui sont attribués. Par ailleurs, les taux de consommation sont très insuffisants.
Madame le secrétaire d'Etat, ce dispositif est manifestement improvisé. Le FNSE est utilisé de manière aléatoire, c'est une sorte de patchwork d'actions sans logique. Mieux vaut repenser tout cela et voter, à ce stade, la suppression de l'article. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-31, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 15 est supprimé et l'amendement n° I-116 n'a plus d'objet.
Mes chers collègues, nous allons interrompre le cours normal de l'examen des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2002 pour aborder, comme il en a été décidé en conférence des présidents, le débat sur les recettes des collectivités locales.
DÉBAT SUR LES RECETTES
DES COLLECTIVITÉS LOCALES
M. le président.
Nous allons maintenant examiner les dispositions du projet de la loi de
finances pour 2002 relatives aux recettes des collectivités locales.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Monsieur le président, madame la secrétaire
d'Etat, mes chers collègues, le présent débat, né l'an passé, a trouvé
immédiatement sa légitimité et il s'insère de manière très opportune dans notre
discussion.
Le Sénat est dans sa vocation constitutionnelle pour débattre et mettre en
lumière l'évolution des recettes et des concours financiers de l'Etat aux
collectivités locales.
Qu'il me soit permis d'ouvrir mon propos par un souhait : celui que, dans un
proche avenir, nous n'ayons plus à débattre des recettes des collectivités
locales telles que nous les connaissons aujourd'hui.
Quel que soit le gouvernement qui sera aux affaires l'année prochaine, il
n'échappera pas à la nécessité de procéder à une réforme en profondeur des
finances locales, de la fiscalité locale mais aussi des concours financiers de
l'Etat aux collectivités locales.
Les concours financiers représentent une masse financière considérable à
redéployer pour la rendre plus péréquatrice. Ils se caractérisent aussi par
leur extrême complexité, qui ne permet plus, en ce qui les concerne, un
exercice éclairé de notre démocratie parlementaire. Combien d'articles de lois
de finances sont examinés sans qu'un réel débat de fond soit tenu en séance
publique avec la clarté nécessaire, tant le caractère obscur des différents
mécanismes décourage toute tentative d'explicitation claire et lisible des
enjeux !
Un véritable chantier de réforme doit être, enfin, ouvert. Le Gouvernement a
annoncé sa volonté d'agir ; nous en prenons acte.
J'ajoute simplement que la réforme des finances locales ne pourra pas
sérieusement être menée avec succès si le Parlement n'y est pas associé tout au
long de son processus, donc dès son début. Voilà qui nécessite, madame la
secrétaire d'Etat, une attitude très attentive et constructive de l'exécutif,
qui, seul, dispose des moyens d'élaborer les simulations nécessaires.
Je ne vous cache pas que, malheureusement, l'exécutif nous semble vouloir
aujourd'hui conserver le monopole de l'initiative en ce domaine. Je citerai
deux exemples pour éclairer ce propos.
Le premier concerne les rapports destinés au Parlement. Chaque année, le
Gouvernement doit remettre, avant le 1er octobre, un rapport sur la réforme de
la taxe professionnelle. Or l'Assemblée nationale a examiné la première partie
du présent budget sans disposer de ce document, et nous ne l'avons toujours
pas.
M. Josselin de Rohan.
Comme d'habitude !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Aux termes de la loi de finances
pour 2001, le Gouvernement devait remettre deux rapports avant l'été 2001.
Cette obligation n'a pas été remplie !
Second exemple, le Gouvernement avait demandé aux commissions des assemblées
leur sentiment sur sa note d'orientation relative à la réforme des finances
locales et il a souhaité entendre leurs propositions. Nous l'avons pris au mot,
et la commission des finances a demandé au ministère de l'intérieur de réaliser
des simulations de la répartition de la dotation globale de fonctionnement des
structures intercommunales, afin de tester différentes hypothèses. Aucune suite
à cette demande n'a été donnée à ce jour. Franchement, madame la secrétaire
d'Etat, il faut, pour l'avenir, qu'il en aille autrement !
S'agissant de l'évolution des recettes des collectivités locales, je souhaite
faire d'abord une remarque de méthode.
A plusieurs reprises, depuis le mois de septembre, vous avez fait valoir,
madame la secrétaire d'Etat, que, depuis quatre ans, la dotation globale de
fonctionnement, la DGF, avait augmenté plus vite que les dépenses de l'Etat, ce
qui, selon vous, serait le signe de l'attention toute particulière que le
Gouvernement porte aux ressources des collectivités locales.
Chacun est libre de raisonner comme il l'entend ! Pour ma part, je veux
rappeler que la DGF ne s'analyse pas comme une dépense de l'Etat, mais comme
une recette des collectivités locales.
C'est sur le fondement de cette analyse que la loi organique du 1er août 2001
a inscrit, sur mon initiative, la technique des prélèvements sur recettes de
l'Etat dans notre nouvelle « Constitution financière ». Cette inscription
donne, pour la première fois sous la Ve République, une consécration organique
à une partie substantielle des dotations de l'Etat. Elle consacre aussi
l'initiative parlementaire dans ce domaine.
J'ai précisé, à cet égard - et cette interprétation a prévalu - que les «
prélèvements sur recettes » sont des recettes que l'Etat perçoit pour le compte
de tiers, en l'occurrence pour le compte des collectivités locales.
Ces prélèvements sur recettes s'expliquent du fait de l'impossibilité
technique d'organiser le prélèvement de ces recettes directement par les
collectivités. Le prélèvement direct serait pourtant préférable du point de vue
du respect du principe de l'autonomie financière ! Dès lors, ce n'est pas,
madame la secrétaire d'Etat, par rapport aux dépenses de l'Etat qu'il faut
examiner l'évolution de la DGE, mais à l'aune de l'évolution des dépenses des
collectivités locales, et en particulier des nouvelles dépenses obligatoires
qui sont mises à leur charge par l'Etat lui-même, c'est-à-dire par le
Gouvernement.
Sans entrer dans le détail - le rapporteur général, M. Philippe Marini, et M.
Michel Mercier le feront excellemment - je veux illustrer la situation quelque
peu invraisemblable dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui en m'appuyant
sur un exemple tiré du tout récent rapport particulier que la Cour des comptes
a consacré aux communautés urbaines.
La Cour reproche aux communautés urbaines, établissements publics soumis au
principe de spécialité, de financer des actions qui ne relèvent pas de leurs
compétences. Mais elle souligne aussi que, paradoxalement, les communautés
sortent de leurs compétences à la demande de l'Etat, qui les pousse notamment à
intervenir dans les domaines de son ressort, l'enseignement supérieur
notamment.
Les collectivités locales acceptent d'accomplir des efforts parfois coûteux
pour aider l'Etat à mettre en oeuvre certaines politiques d'intérêt national,
mais il n'est pas sain pour la démocratie que l'autorité qui décide de la
dépense ne soit pas celle qui en assume la charge financière.
Je n'ai pas le souvenir d'avoir entendu le Gouvernement faire part de son
sentiment sur la pertinence d'un principe simple, que tous nos compatriotes
connaissent, selon lequel « qui paie commande ». Si notre débat de cet
après-midi éclairait cet aspect, il nous permettrait de franchir un pas de
géant dans les relations financières entre l'Etat et les collectivités
territoriales. Ainsi, les élus locaux auraient une idée enfin plus précise des
principes qui guident le Gouvernement dans sa politique en faveur des
collectivités locales.
Voilà, madame la secrétaire d'Etat, les aspects que j'ai voulu mettre en
exergue à l'ouverture de ce débat, en souhaitant que vous répondiez aux
différents orateurs, sans oublier de nous dire, car cela a de l'importance pour
nous, si vous partagez notre analyse au sujet du principe « qui paie commande
».
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, madame la
secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ce débat sur les recettes des
collectivités territoriales permettra à nombre d'entre nous de s'exprimer.
La commission des finances, comme vient de l'indiquer M. Lambert, a poursuivi
l'examen des rubriques correspondantes du budget de l'Etat avec le sentiment
que beaucoup reste à réaliser si l'on veut que les collectivités territoriales
disposent des moyens nécessaires et que leurs compétences respectives soient
clarifiées.
Je commencerai par quelques considérations relatives aux relations entre le
budget de l'Etat et les budgets des collectivités territoriales.
Notre rôle, surtout pendant l'examen du projet de loi de finances, consiste à
approuver l'évolution des différents concours de l'Etat aux collectivités
territoriales. Or ce dispositif, nous le savons, est extrêmement, voire
exagérément complexe. Il est constitué aujourd'hui par tout un écheveau de
dotations, de transferts et de compensations dont la lecture est loin d'être
simple.
Si nos concitoyens étaient plus directement associés à nos délibérations, ils
constateraient combien est complexe la gestion de nos collectivités
territoriales.
Vu du côté du budget de l'Etat, la contribution totale de la nation aux
collectivités territoriales semble avoir évolué très vite depuis 1998 : 14
milliards d'euros supplémentaires leur ont été versés par l'Etat, soit à peu
près le montant de l'augmentation, depuis la même date, des budgets que le
Gouvernement qualifie de prioritaires.
Il faut cependant aussitôt, mes chers collègues, dépasser cette observation,
car ces 14 milliards d'euros supplémentaires se répartissent en deux rubriques
très dissymétriques : d'un côté, on trouve 2 milliards d'euros pour l'évolution
des dotations aux collectivités territoriales ; de l'autre, 12 milliards
d'euros sont consacrés à l'évolution des compensations de l'Etat pour
allégements et suppressions d'impôts.
Bien entendu, Mme le secrétaire d'Etat nous dira certainement tout à l'heure
que l'effort est considérable, mais cet effort reflète la politique qui a été
conduite : année après année, l'Etat a fait des cadeaux aux contribuables en
prélevant des impôts sur les budgets auxquels ils étaient affectés.
Pour remplacer ces recettes au sein des budgets des collectivités
territoriales, l'Etat verse des compensations, et nous voyons donc s'opérer un
double phénomène : du côté de l'Etat, une rigidité budgétaire croissante ; du
côté des collectivités territoriales, une perte considérable de l'autonomie de
décision que seule pouvait leur conférer la maîtrise des taux des impôts votés
par leurs assemblées. Ainsi, 85 % de la progression des sommes allouées par
l'Etat aux collectivités territoriales depuis 1998 résultent de la compensation
de pertes de recettes fiscales.
Lorsque le projet de loi de finances pour 1998, voilà donc déjà quatre ans, a
été présenté au comité des finances locales, dont je salue le président, notre
éminent collègue Jean-Pierre Fourcade, le secrétaire d'Etat au budget du moment
avait indiqué que l'Etat était devenu « le premier contributeur à la fiscalité
locale » et qu'il conviendrait de « remédier » à cette situation, selon lui «
insatisfaisante ».
Depuis lors, force est de constater que, au lieu d'y « remédier », on a
aggravé, et beaucoup aggravé, cet état de choses.
En supprimant des pans entiers de la fiscalité locale plutôt que de la
réformer, le Gouvernement a accéléré une évolution dont les inconvénients sont
manifestes.
Je veux parler tout d'abord de la remise en cause de l'autonomie fiscale des
collectivités territoriales, qui est à l'origine de la proposition de loi
constitutionnelle votée par notre assemblée, sur l'initiative de son président,
Christian Poncelet, et qui, ultime signal adressé aux collectivités
territoriales et à l'opinion publique, affirme le principe selon lequel tout
impôt supprimé doit être remplacé par le transfert à due concurrence, aux
collectivités territoriales concernées, d'une autre ressource fiscale dont ces
collectivités puissent conserver la maîtrise.
J'évoquerai ensuite la réduction des marges de manoeuvre financières du
Gouvernement, car les dépenses de transfert deviennent incompressibles. Elles
évoluent nécessairement selon un taux défini à l'avance, toujours considéré
comme insuffisant par ceux qui reçoivent mais toujours lourd à supporter pour
celui qui donne, c'est-à-dire l'Etat.
M. René-Pierre Signé.
Cela existait déjà sous Juppé !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Si notre collègue, qui est un spécialiste des
apostrophes intempestives, souhaite m'interrompre,...
M. Patrick Lassourd.
C'est un braillard, c'est un aboyeur !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... il serait sans doute préférable qu'il aille au
bout de sa pensée.
M. Patrick Lassourd.
Il n'en a pas !
(Rire.)
M. Josselin de Rohan.
Il ne sait qu'aboyer !
M. Paul Blanc.
Il n'a pas de pensée, il n'a pas d'avis !
M. Gérard Braun.
C'est un trublion !
M. le président.
Monsieur le rapporteur général, vous seul avez la parole.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Merci, monsieur le président.
M. René-Pierre Signé.
Ce n'est pas nous qui avons inventé les transferts de charges.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cher collègue, puisque nous sommes dans le cadre du
débat général, chacun a la possibilité de s'inscrire pour exprimer son
propos.
M. Josselin de Rohan.
Il faut en être capable !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Ainsi, il résulte de ce que je disais précédemment
une rigidité accrue du budget de l'Etat et une limitation de sa capacité à
ajuster ses dépenses à l'évolution de ses recettes.
En période de récession ou de ralentissement - hélas ! nous y sommes - l'Etat
se trouve prisonnier des dispositifs qu'il a lui-même créés.
La situation dans laquelle nous nous trouvons n'a que des inconvénients. Elle
n'arrange ni les collectivités territoriales, ni l'Etat, ni les contribuables,
puisque, du fait des compensations, il y a un transfert de charges du
contribuable local vers le contribuable national, qui sont une seule et même
personne.
Nous sommes donc entrés dans un véritable engrenage, et cela parce que le
Gouvernement, au cours de toutes les années qui se sont écoulées, s'est
soigneusement abstenu de concevoir, de préconiser,
a fortiori
de mettre
en oeuvre une réforme de la fiscalité locale.
Là encore, le président Christian Poncelet a exprimé l'essentiel en rappelant
la semaine dernière, au congrès de l'Association des maires de France, que la
législature qui s'achève constituait un incontestable rendez-vous manqué pour
la décentralisation. Il notait que le système de financement des collectivités
territoriales par l'Etat était à bout de souffle et que « l'occasion historique
offerte par la période de croissance que nous venons de connaître n'a, à aucun
moment, été mise à profit pour le remettre à plat de manière ambitieuse. Autant
de bombes à retardement qui hypothèquent l'avenir ».
Force est de constater, mes chers collègues, que le président du Sénat exprime
la réalité de ce que nous vivons et que ses propos sont frappés au coin du bon
sens.
Il est bien certain qu'au cours de ces dernières années l'Etat, tantôt
réduisant les bases de la taxe professionnelle, tantôt cherchant à faire bonne
figure grâce au dossier de la vignette, tantôt cherchant à faire plaisir avec
la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation, n'a cessé
d'amputer les ressources des collectivités territoriales, ressources qui ont
été remplacées par les différentes compensations dont je parle depuis le début
de mon propos.
M. Didier Boulaud.
Cela vaut bien les cadeaux de Balladur au patronat !
M. Josselin de Rohan.
Décidément dans la Nièvre, cela ne va pas !
M. Didier Boulaud.
Cela va très bien, merci !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La Nièvre a eu ses heures de gloire, mais
aujourd'hui, effectivement...
M. Josselin de Rohan.
Le talent n'est pas hériditaire !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est vrai !
M. René-Pierre Signé.
C'est acquis, on n'y reviendra plus !
M. Josselin de Rohan.
Que ce soit à Nevers ou à Château-Chinon, c'est pareil !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il vous reste le musée du septennat !
M. Didier Boulaud.
Il y en a un autre à Sarran !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Les propositions de réforme interviennent ainsi à
l'aube des échéances électorales ; on annonce maintenant des réformes alors
que, pendant cinq ans, la gestion de ce secteur n'a comporté aucune vision
globale de l'évolution de la fiscalité et des compétences des collectivités
territoriales. Celles-ci bénéficiaient d'impôts qui étaient certainement
imparfaits, dont le produit était parfois faible, mais qui étaient clairement
identifiés par le contribuable local. Leur suppression partielle n'a été qu'une
opération de communication pour le Gouvernement.
Bref, nos collectivités territoriales ne pourront vivre longtemps sous ce
régime. Il sera nécessaire de trouver des règles du jeu pour mieux définir les
compétences et les ressources des uns et des autres. Il sera nécessaire de
moderniser la fiscalité locale sans que celle-ci échappe aux assemblées élues.
Il y aura donc un sérieux défi à relever, mais cela, mes chers collègues,
permettez-moi de le dire, est une autre histoire !
(Applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi
que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 25 minutes ;
Groupe socialiste, 23 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 18 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 16 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 14 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 13 minutes.
Je rappelle qu'en application des décisions de la conférence des présidents
aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le temps programmé pour le Gouvernement est prévu au maximum
pour trente-cinq minutes.
La parole est à M. Doligé.
M. Eric Doligé.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, dans
le cadre de la discussion budgétaire, et comme s'en est réjoui le président de
la commission, M. Lambert, il nous a été réservé une séance afin d'évoquer
l'avenir de nos collectivités territoriales et leurs recettes.
J'aborderai peu les chiffres. Je me concentrerai sur la situation et les
perspectives de nos échelons territoriaux en général, notamment les
départements, cibles privilégiées des transferts de charges de l'Etat pour
l'exercice 2002.
Dois-je rappeler que, tout comme le budget de l'Etat, celui des collectivités
est fait de recettes et de dépenses, et que le propre d'un budget est d'être
équilibré.
Malheureusement, les collectivités servant aujourd'hui de variable
d'ajustement à la générosité de l'Etat, elles perdent progressivement leur
autonomie fiscale. Pour 2002, le montant global des concours financiers de
l'Etat aux collectivités locales s'élève à 54,639 milliards d'euros, soit une
progression de 6,8 %. Nul n'est besoin de vous préciser que celle-ci est loin
de compenser les charges nouvelles décidées unilatéralement par l'Etat.
Ainsi, pour ce qui est des départements, la perte d'autonomie fiscale depuis
1998, date correspondant à votre arrivée aux affaires, madame la secrétaire
d'Etat, s'élève à 16 %.
En effet, entre la réforme des droits de mutation, qui représente une perte
d'autonomie fiscale de l'ordre de 4,7 %, la réforme de la taxe professionnelle,
une perte de 5 %, la suppression partielle de la vignette, une perte de 6,3 %,
la part des recettes fiscales dans le total des recettes de fonctionnement est
passée de 70 % à 54 % en 2001.
L'année 2002 devrait, hélas ! confirmer cette fâcheuse tendance.
Pour le seul département du Loiret, dont je préside le conseil général, le
projet de budget pour 2002 montre une baisse de l'autofinancement disponible de
2,7 % par rapport au budget primitif de 2001. Même avec une dette faible, les
remboursements d'emprunts consomment proportionnellement plus d'épargne,
limitant à due concurrence nos investissements pourtant indispensables pour
répondre aux besoins de nos populations et de leurs territoires.
A ce rythme, dans quelques années, la totalité des budgets de nos
collectivités sera entre les mains de l'Etat, ce qui va totalement à l'encontre
des lois de décentralisation.
Puis-je me permettre de rappeler que le principe de l'autonomie fiscale doit
être compris comme le corollaire nécessaire de la responsabilité des élus
locaux dans la gestion de la dépense publique ?
Ces débats étant relativement techniques et réservés à des initiés,
principalement des élus, vous annoncez aux Français que, chaque année, vous
faites croître vos dotations. Cela est vrai, mais vous omettez d'ajouter que
vous reprenez discrètement de la main gauche deux fois plus que ce que vous
avez donné, avec beaucoup de médiatisation, de la main droite.
Permettez-moi de mettre en scène une fiction. Elle relate une réunion
ministérielle qui, à l'évidence, n'a pas existé et dont l'objet pourrait être
la mise en place et le financement de nouvelles politiques.
Le Premier ministre, dans un élan de générosité électoraliste, annonce qu'il
souhaite instituer une allocation pour personnes âgées, qu'il décide d'appeler
APA.
Le choix des urnes étant proche, les ministres réjouis applaudissent. Le
ministre des finances se risque à une question : « Quel serait le coût de cette
heureuse initiative ? » Il se heurte à des regards embarrassés, personne
n'ayant réfléchi à ce point de détail.
La secrétaire d'Etat au budget se risque à annoncer 15 milliards de francs,...
à mettre peut-être à la charge de la ministre de l'emploi et de la solidarité,
précise-t-elle.
Réaction immédiate de celle-ci : « C'est impossible, car je n'ai même pas le
début d'un euro pour financer la création des 40 000 emplois des hôpitaux. »
Le Premier ministre, qui n'est jamais à court d'idées, annonce : « C'est du
social ! Mettez cette charge sur le dos des conseils généraux, car,
contrairement à l'Etat, ils n'en sont pas encore à financer leurs frais de
fonctionnement par l'emprunt. »
Bien qu'étant resté totalement dans la fiction, j'ai peur d'avoir approché une
certaine réalité.
La nouvelle APA, l'allocation personnalisée d'autonomie, devrait plutôt être
appelée l'ADPA, le D signifiant « départementale ». Quand on finance les deux
tiers du dispositif, à défaut de décider, on pourrait au minimum avoir droit à
cette reconnaissance.
L'ADPA traduite au niveau d'un département va représenter en moyenne
l'équivalent de 6 % d'imposition supplémentaire.
Ce dialogue ministériel très fictif sur l'APA pourrait facilement être
appliqué au financement du SDIS, le service départemental d'incendie et de
secours. Il serait probablement tout aussi surréaliste.
L'annonce nous est faite depuis quelques mois, au travers d'un débat orchestré
à l'Assemblée nationale, de la mise à la charge totale des départements du
financement des SDIS en 2006. Pouvez-vous nous donner des éléments de
clarification quant à cette éventualité ?
Les interprétations sont multiples : elles vont de l'obligation de prendre en
charge 50 % au minimum des frais des SDIS, avec prise en compte de l'ensemble
des charges nouvelles, au financement total.
Dans la meilleure hypothèse, le surcoût financier représente l'équivalent de 2
% d'impôts à demander aux contribuables dès cette année, avant même la mise en
place du dispositif voté par l'Assemblée nationale.
Ayant été membre de la commission Fleury, je peux vous expliquer comment
l'Etat organise un simulacre de concertation.
Sur les vingt membres de la commission : un représentait les maires, un les
départements, trois les SDIS, cinq les fonctionnaires, dix les
sapeurs-pompiers, soient cinq élus payeurs et quinze membres de groupes de
pression très organisés. Comme vous pouvez vous en douter, le résultat était
écrit d'avance : « faire payer encore plus les payeurs et décider pour eux
».
J'avais proposé que les compagnies d'assurance, les sociétés d'autoroutes, les
caisses de sécurité sociale prennent leur part, ainsi que l'Etat, qui, en la
matière, a depuis longtemps totalement abandonné sa responsabilité vis-à-vis
des citoyens et des biens.
Une autre proposition pourrait être de fiscaliser le financement des SDIS afin
que chacun connaisse le coût de la protection.
Madame la secrétaire d'Etat, avez-vous fait une simulation des charges
nouvelles induites par ces réformes ? Avez-vous envisagé des participations
financières de la part des partenaires de la sécurité ? Avez-vous obtenu que
l'Etat s'engage financièrement et significativement afin de remplir ses
obligations ?
Par ailleurs, le Premier ministre a annoncé, lors d'un discours-programme à
Saint-Brieuc, un prochain débat sur la sécurité civile. Il a même évoqué sept
zones de sécurité correspondant aux sept zones de défense. Il se dit très
clairement que le poids de ces nouvelles structures serait supporté en majeure
partie par ceux qui financeraient les SDIS, c'est-à-dire par les départements.
Une nouvelle charge est ainsi esquissée et instillée dans l'esprit des pouvoirs
publics.
Quand l'Etat cessera-t-il de décider sans les intéressés ? Quand
acceptera-t-il enfin une vraie concertation préalable ?
Permettez-moi d'aborder un autre sujet aux implications financières
particulièrement lourdes : l'ARTT, aménagement et réduction du temps de
travail, ou plutôt la RTT, le « A » de « aménagement » ayant été largement
oublié.
Tous les départements, après avoir établi leurs premières simulations,
constatent un besoin de financement supplémentaire de 2 % à 3 %.
Le cumul de l'ADPA, des SDIS et de la RTT donne 10 % à 12 % de besoin de
fiscalité complémentaire dès 2002. Or, à aucun moment, les collectivités n'ont
pu participer à la décision.
Avant de conclure, j'évoquerai l'incroyable dispositif de l'article 11 relatif
à l'arrêt du Conseil d'Etat dit « commune de Pantin ». Je rappelle pour mémoire
que la commune de Pantin a obtenu du Conseil d'Etat que l'Etat prenne en compte
les rôles supplémentaires pour le calcul des bases servant à la compensation de
la taxe professionnelle.
A la suite de cet arrêt, nombreuses ont été les collectivités à vouloir
intenter un recours contentieux. Il semble que, dans un premier temps, afin
d'éviter une certaine hémorragie financière, les services fiscaux
départementaux, peut-être sur injonction de leur administration centrale, aient
tout fait pour ne pas communiquer les rôles supplémentaires qui auraient pu
servir aux collectivités lésées pour agir en justice.
Cette méthode un peu cavalière n'étant visiblement pas suffisante, le
Gouvernement a jugé bon d'introduire cet article 11 dans le projet de loi de
finances pour 2002.
Madame la secrétaire d'Etat, si l'Etat continue à épuiser de la sorte les
finances des collectivités locales, leur enlevant toute autonomie, il prend le
risque de voir ces dernières ne plus pouvoir accompagner les politiques qu'il
mène en matière d'aménagement du territoire. Je n'ai pas besoin de vous
rappeler que les départements et les régions, voire les communes, sont très
fortement sollicités pour les routes nationales ou encore pour les universités.
Or, si les finances des collectivités sont prises en otage par l'Etat, il est
clair qu'il ne pourra plus compter sur elles pour les aider.
Aussi, madame la secrétaire d'Etat, comme tous mes collègues, je serai très
attentif aux réponses que vous voudrez bien nous apporter.
(Applaudissements
sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Mercier.
M. Michel Mercier.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
visiblement, si l'on en juge par les déclarations successives de différents
membres du Gouvernement sur ce sujet depuis le mois de septembre, l'année 2002
devrait être un cru exceptionnel pour les collectivités locales en termes de
concours financiers de l'Etat. Il y a du vrai dans ce sentiment : la DGF
connaît son taux de progression le plus élevé depuis longtemps...
M. René-Pierre Signé.
Ah !
M. Michel Mercier.
Monsieur Signé, attendez le moment des oh ! et des hou ! qui ne va pas tarder
à arriver.
(Sourires.)
M. René-Pierre Signé.
Le contraire me surprendrait !
M. Michel Mercier.
M. le rapporteur général vous l'a dit, il faut aller au bout de sa pensée :
permettez que je m'applique cette maxime !
(Nouveaux sourires.)
Il est donc vrai que la DGF connaît son taux de progression le plus élevé et
qu'il en est de même pour un certain nombre d'autres dotations. Jusqu'à la
dotation de compensation de la taxe professionnelle, qui régresse d'année, en
année mais qui diminuera en 2002 un peu moins que d'habitude du fait de la
prise en compte par le Gouvernement de l'arrêt « Ville de Pantin ».
Que demander de mieux que des ressources qui augmentent dans un contexte où la
situation financière des collectivités locales est présentée comme bonne par
beaucoup, notamment par notre collègue Joël Bourdin, parce que les
gestionnaires locaux sont de bons gestionnaires ?
On pourrait se dire que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Mais il s'agit là d'une présentation un peu trop idyllique des choses.
Arrêtons-nous quelques instants sur l'augmentation de la DGF en 2002 ; le
sujet le mérite. L'augmentation est de 4,07 %, et même de 4,67 % si tout est
pris en compte dans le calcul. Cependant, mes chers collègues, une telle
progression repose sur un certain nombre d'hypothèses économiques que,
vous-même, madame la secrétaire d'Etat, avez jugées un peu trop optimistes
puisque vous avez vous-même déclaré récemment, à l'Assemblée nationale, que
l'on pouvait escompter, pour 2002, un taux de croissance de quelque 2 %, soit
un taux inférieur à celui qui a été retenu pour le calcul de la DGF. Si l'on
tient votre estimation pour exacte, la progression de la DGF ne devra plus être
que de 3,9 %, et il appartiendra donc au gouvernement en place en 2004, quel
qu'il soit, de reprendre aux collectivités locales ce que le gouvernement en
2001 leur aura donné pour 2002.
Mais je crois surtout que le taux d'évolution des concours financiers de
l'Etat aux collectivités locales a perdu beaucoup de sa signification ces
dernières années. Il faut en effet analyser ces concours financiers au regard
des dépenses obligatoires nouvelles que l'Etat met à la charge des
collectivités locales.
Aujourd'hui, dans leurs relations avec l'Etat, les collectivités locales ont
moins un problème de recettes qu'un problème de dépenses, car les charges
nouvelles que le Gouvernement leur impose augmentent considérablement.
L'exemple des rémunérations des agents de la fonction publique est, à cet
égard, très parlant. Les augmentations des fonctionnaires sont décidées par le
Gouvernement sans que les collectivités locales soient d'une manière quelconque
associées aux décisions en question.
En année pleine, le coût pour les collectivités locales des différentes
mesures de revalorisation des traitements intervenues depuis 1998 représente
2,27 milliards d'euros. Au cours de la même période, la DGF aura progressé de
2,32 milliards d'euros. C'est dire que la progression de la DGF est entièrement
absorbée par la progression des salaires des agents des collectivités
territoriales.
Il ne s'agit pas, pour nous, de dire que les traitements des fonctionnaires ne
doivent pas être augmentés. Nous considérons simplement que cela doit faire
l'objet d'une discussion et que les élus ont naturellement leur mot à dire.
Evidemment, on ne peut parler d'accroissement des concours de l'Etat aux
collectivités locales si les charges nouvelles imposées à ces dernières
conduisent à un gain nul pour elles.
Au-delà des décisions prises en matière de salaires des agents des
collectivités locales, les dépenses obligatoires nouvelles imposées aux
collectivités locales par l'Etat représentent un poids financier très lourd.
Comment ne pas évoquer, en cet instant, l'APA, l'allocation personnalisée
d'autonomie ? Personne ne conteste le bien-fondé de cette allocation nouvelle.
Ce que l'on peut et que l'on doit contester, c'est son mode de financement.
L'APA se traduira, dès 2002, par une charge de 11,5 milliards de francs pour
les départements, dont 5,5 milliards de francs de dépenses nouvelles. L'APA va
ainsi représenter 13,5 % du produit des impôts directs locaux perçus par les
départements.
D'un côté, le Gouvernement décide une allocation et, de l'autre côté, les
départements doivent payer. Aux uns le bénéfice politique de la nouvelle
allocation, aux autres l'impopularité résultant des augmentations d'impôt.
Il y a là une habitude que semble prendre le Gouvernement, et c'est une
habitude particulièrement condamnable.
Madame la secrétaire d'Etat, j'ai pris connaissance ce matin d'un document qui
m'a laissé quelque peu pantois. Il s'agit d'une circulaire émanant de Mme la
ministre de l'emploi et de la solidarité et de Mme la secrétaire d'Etat aux
personnes âgées, adressée à Mmes et MM. les directeurs d'agences régionales de
l'hospitalisation, à Mmes et MM. les directeurs régionaux des affaires
sanitaires et médicosociales, et à Mmes et MM. les directeurs départementaux
des affaires sanitaires et médico-sociales.
Je vous en donne lecture : « Le 27 septembre 2001, le Gouvernement a signé
avec quatre organisations syndicales représentatives un protocole sur la
réduction du temps de travail dans la fonction publique hospitalière...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Encore les 35 heures !
M. Michel Mercier.
... qui définit le cadrage national applicable aux établissements à compter du
1er janvier 2002. »
Je rappelle que cet accord a conduit à la création de 45 000 emplois dans la
fonction publique hospitalière.
Je poursuis ma lecture : « Nous vous invitons à engager la concertation avec
le comité de suivi régional, composé des syndicats signataires, prévu par le
protocole, sur la base des éléments suivants. La DRASS réunira ce comité de
suivi, en y associant le directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation,
afin de définir en concertation avec lui les modalités générales de répartition
qui guideront vos allocations de moyens au bénéfice des établissements et
services publics sanitaires et médico-sociaux. »
Jusque-là, il n'y a rien à dire.
Mais le tableau qui suit montre que, sur les 45 000 emplois dont la création
est prévue, 8 170 doivent être financés par les conseils généraux et par les
résidents.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Utile précision !
M. Michel Mercier.
Un deuxième tableau présente la liste des emplois à créer, année après année,
par région et par département.
Nous apprenons ainsi que, au cours de la période 2002-2004, pour un certain
type d'établissements, 717 emplois doivent être créés et que, pour d'autres
catégories d'établissements, 3 130 emplois sont à la charge des
départements.
Une telle méthode n'est pas acceptable. Il n'y a pas eu la moindre
concertation ni la moindre information. Quand on interroge la direction
générale des collectivités locales du ministère de l'intérieur, tout le monde
déclare ne pas savoir de quoi il s'agit.
Voici cependant, ce que le 9 novembre 2001, le directeur régional des affaires
sanitaires et sociales de Haute-Normandie écrivait au président du conseil
général de la Seine-Maritime : « Le protocole sur la réduction du temps de
travail dans la fonction publique hospitalière, signé par le Gouvernement et
les organisations syndicales le 27 septembre 2001, prévoit la création de 45
000 emplois, dont 8 000 sur le secteur social et médico-social.
« La répartition régionale de ces emplois, faite au prorata des
équivalents-temps plein prévoit, pour la Haute-Normandie, la création de 371
emplois par les différents financeurs. »
Suivait une invitation à venir assister à une réunion pour prendre
connaissance des modalités d'organisation de la mise en place de ce
protocole.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La décentralisation n'existe plus !
M. Michel Mercier.
Je me suis permis de citer ce document parce qu'il montre bien quelle est la
philosophie du Gouvernement dans ses relations avec les collectivités locales.
Cette philosophie est toute simple : « Je décide seul des dépenses que je
considère comme nécessaires dans le domaine social et je les fais payer par les
collectivités locales. »
Cela est tout à fait inadmissible. Aucun président de conseil général n'a été
consulté ni même informé. Les présidents de conseils généraux commencent
simplement à recevoir des lettres leur indiquant les créations auxquelles ils
devront procéder et selon quel calendrier.
Il est temps que ce gouvernement nous dise si sa philosophie est bien celle de
la décentralisation ou si, au contraire, il considère que les collectivités
locales ne sont là que pour exécuter la politique qu'il décide sans les
consulter et pour en assumer la charge financière.
Compte tenu de la façon dont ces dépenses nouvelles sont décidées et compte
tenu des rapports financiers que les collectivités locales entretiennent avec
l'Etat, on ne peut pas dire que le budget de 2002 pour les collectivités
locales soit un bon budget.
(Applaudissements sur les travées de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
depuis 1997, de nombreuses réformes s'appliquent aux collectivités locales, qui
participent ainsi à un mouvement plus vaste de modernisation de l'Etat.
Ces réformes sont indispensables. Les lois relatives à la solidarité et au
renouvellement urbains, à la parité, au non-cumul des mandats, le nouveau code
des marchés publics, le projet de loi relatif à la démocratie de proximité,
actuellement en cours d'examen, et les diverses politiques contractuelles
devraient conférer à nos collectivités une plus grande souplesse dans leur
action, faire avancer la solidarité, la justice sociale et la démocratie.
Pour certaines d'entre elles, l'effet se mesure déjà. En témoigne, par
exemple, l'entrée massive des femmes dans les centres de décision politique.
Pour d'autres, il faut encore vaincre les résistances et les réticences. Je
pense aux 20 % de logements sociaux institués par la loi relative à la
solidarité et au renouvellement urbains.
Cette modernisation de nos institutions ne peut évidemment pas ignorer les
finances locales. Mais une réforme en profondeur s'impose ; elle est amorcée.
Le Gouvernement a en effet engagé une vaste concertation dans le cadre de la
commission Mauroy et à la suite de la note d'orientation émanant du ministère
de l'économie et des finances, présentée au comité des finances locales le 12
juillet 2001.
Pleinement engagés dans ce processus, nous présentons nos propositions dans le
cadre de cette concertation. Cette réforme est, pour nous, une priorité ; elle
est urgente, car la situation financière des collectivités locales est loin
d'être satisfaisante.
Les incertitudes sont nombreuses. L'autonomie de gestion est réduite. Pour un
grand nombre de collectivités, les marges de manoeuvre sont ni plus ni moins
inexistantes.
Ce sont d'abord les populations qui en subissent les conséquences. Les
services, pourtant indispensables, qui leur sont dus ne peuvent être
complètement rendus.
De surcroît, une augmentation des impôts pesant sur les ménages est à craindre
; nous l'avons d'ailleurs déjà constaté par endroits. La note de conjoncture
établie par Dexia en juillet 2001 en fait état : « Comme en 2000, la fiscalité
des communes enregistre l'impact de la montée en puissance du mécanisme de la
TPU, qui se traduit par une baisse importante du produit de la TP et par un
accroissement notable au cas par cas de la pression fiscale "communale" pesant
sur les ménages. »
La croissance est également affectée. Il est indéniable que les collectivités
locales jouent un rôle moteur dans l'économie. N'oublions pas qu'elles
réalisent 76 % des investissements publics, ce qui se traduit en emplois, en
infrastructures. Comme nous le disons fréquemment, l'argent des collectivités
ne dort pas.
Si on en est arrivé là, c'est, à notre avis, notamment du fait de la non-prise
en compte des charges pesant sur les collectivités locales dans la
détermination de leurs ressources.
Je ne reviendrai pas ici - vous connaissez notre position - sur les mesures
qui avaient été mises en oeuvre avant 1997 et dont l'effet a été franchement
négatif. Nous ne cessons de le dire, il faut déterminer les ressources en
fonction des charges. Or les charges nouvelles pèsent lourdement sur les
budgets locaux.
Les frais de personnel sont encore à la hausse cette année, du fait de la mise
en place des 35 heures sans moyens ! Nous n'avons, bien entendu, rien à redire
sur les 35 heures, mais beaucoup sur les moyens.
M. Bernard Murat.
Ah !
M. Thierry Foucaud.
Il faut également mentionner la nouvelle bonification indiciaire, les
emplois-jeunes à former, mais aussi à pérenniser, emplois qui sont, par
ailleurs, à l'origine de nouveaux services nécessitant la mise en place
d'équipements.
N'oublions pas non plus les mises aux normes, les sujets des déchets, de
l'assainissement, de l'alimentation en eau potable, la mise en oeuvre des
politiques contractuelles. Je dois dire que la liste est longue !
Certes, vous m'objecterez que, depuis 1997, le Gouvernement a consenti un
effort important, en matière de dotations comme dans le cadre de politiques
contractuelles.
S'agissant de l'évolution des dotations, nul ne peut nier que le contrat de
croissance et de solidarité est nettement plus généreux que le pacte de
stabilité du gouvernement Juppé. Il prend en compte la croissance à hauteur de
33 % dans le calcul du taux d'évolution de l'enveloppe normée. Certes, la
dotation globale de fonctionnement progresse. Mais c'est le principe même de
l'enveloppe normée qu'il faut abandonner dans le cadre de la réforme des
finances locales.
Il faut cesser d'utiliser la DCTP, la dotation de compensation de la taxe
professionnelle, comme variable d'ajustement. Au titre des mesures urgentes,
nous présenterons donc des amendements visant à atténuer la baisse de la DCTP
pour l'année 2002.
La réforme des finances locales doit aussi conduire à revaloriser très
largement le montant des dotations.
Que penser, par exemple, de la dotation « élu local », qui est d'un montant
dérisoire, comparé aux besoins de formation des élus et aux indemnités ?
Que penser aussi du fait que, malgré les abondements exceptionnels dont ont
bénéficié la DSU et la DSR, les communes les plus pauvres le restent ?
En ce qui concerne les politiques contractuelles, l'effort de l'Etat s'est
également accentué. Néanmoins, la part de financement restant à la charge des
collectivités, les dépenses annexes et l'absence de financement au-delà du
contrat les conduisent parfois à ne pas s'engager dans ce type de politique.
Il y a beaucoup à dire également sur la politique de la ville. Nombreuses sont
les villes de banlieue qui demandent des moyens supplémentaires pour faire face
à l'insécurité.
A côté d'un renforcement des dotations, c'est aussi à la fiscalité locale
qu'il faut recourir. Elle a fait l'objet de réformes qui, parce qu'elles visent
à moderniser un système d'un indéniable archaïsme, vont dans le bons sens.
Il conviendrait maintenant de poursuivre cette modernisation par la mise en
place d'impôts modernes d'un rendement suffisant pour redonner aux
collectivités des marges de manoeuvre et garantissant un équilibre entre la
contribution des ménages, bien trop importante dans notre fiscalité, et celle
des entreprises.
Voilà pourquoi nous proposons la prise en compte des actifs financiers dans la
base de la taxe professionnelle.
Cela permettrait de tripler le montant de la DGF et de régler ainsi un certain
nombre de problèmes. Ce serait une mesure de justice fiscale vis-à-vis des
ménages, mais également des entreprises qui réalisent des investissements
productifs.
Pour que la modernisation de notre fiscalité favorise la croissance, l'emploi
et instaure une plus grande justice fiscale, c'est à la « financiarisation » de
l'économie qu'il faut s'attaquer. C'est tout autre chose que la majorité
sénatoriale nous propose.
(Applaudissements sur les travées du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Sergent.
M. Michel Sergent.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, après
le brillant exposé de mon collègue Gérard Miquel sur le cadrage général du
budget 2002, qui a permis de rétablir un certain nombre de vérités malmenées
dans cette assemblée, je m'attacherai plus particulièrement, puisque le moment
s'y prête, à évoquer le sujet des collectivités locales.
Depuis 1997, ce gouvernement a manifesté un profond attachement au principe de
la libre administration de nos collectivités territoriales, énoncé par le texte
fondateur de nos institutions.
(Rires sur les travées du RPR.)
M. Bernard Murat.
Ce n'est pas vrai !
M. Michel Sergent.
Je ne reviendrai pas sur la multitude de réformes adoptées, sinon pour citer
celles qui sont, à mes yeux, emblématiques de cette volonté de faire vivre ce
beau principe. Je veux parler de la réforme de l'intercommunalité et de
l'instauration du contrat de croissance et de solidarité. Et cette mesure n'a
pas attendu cinq ans pour être mise en place !
Grâce à ce contrat, nos collectivités locales ont bénéficié depuis 1999 de 6,7
milliards de francs supplémentaires par rapport à ce qu'elles auraient perçu
sous l'égide du contrat de stabilité de M. Juppé, ne l'oublions jamais !
Je ne verserai pas dans l'autosatisfaction facile, car des questions restent
posées. Toutefois, l'essentiel est d'en avoir conscience. Or ce gouvernement
est particulièrement sensible aux difficultés qui affectent nos régions, nos
départements et nos communes.
Preuve en est, d'abord, le rapport sur l'avenir de la décentralisation remis
par Pierre Mauroy. Preuve en est, ensuite, la présentation que vous avez faite,
madame la secrétaire d'Etat, devant le comité des finances locales, d'une note
d'orientation sur la réforme des ressources des collectivités locales. Preuve
en est, enfin, la discussion devant le Parlement du projet de loi relatif à la
démocratie de proximité.
Cette volonté réformatrice s'inscrira évidemment, comme cela a été le cas
jusqu'à présent, dans le cadre d'une large concertation. Nos élus locaux
peuvent être rassurés et envisager avec confiance et sérénité les évolutions
qui, demain, changeront leur vie et celle de leurs administrés, car elles
répondront à une demande accrue de démocratie et de solidarité.
Il y a bien longtemps, mes chers collègues, que notre vie locale n'avait pas
suscité autant d'attention et de bienveillance de la part d'un gouvernement !
En conséquence, fortes de cette volonté réformatrice et de l'intérêt porté à
leurs ressources, nos collectivités locales affichent depuis 1997 une solide
santé financière.
En 2000, elles ont une nouvelle fois dégagé une capacité de financement
importante - près de 25 milliards de francs. Ce bon résultat est d'autant plus
méritoire qu'il n'est ni la conséquence d'une envolée des taux de la fiscalité
- qui ont modestement progressé de 0,6 % - ni le résultat d'un effondrement de
l'investissement, lequel a vivement progressé, de 13,2 %. Je rappellerai, chers
collègues, l'importance de ce dernier chiffre, puisque les trois quarts de
l'investissement public sont réalisés par nos collectivités locales.
Grâce à la consolidation de nos finances locales, certains défis, comme le
financement des 35 heures dans la fonction publique territoriale, ont pu être
relevés et gagnés.
Aujourd'hui, le financement de l'allocation personnalisée d'autonomie
interpelle légitimement les exécutifs départementaux. Le coût financier de
cette politique généreuse de la « main tendue » vers nos concitoyens les plus
âgés sera lourd. Mais, s'il le fallait, le Gouvernement ne reculerait pas
devant ses responsabilités et interviendrait !
Si nos finances locales sont saines, si elles permettent à nos collectivités
locales d'investir, d'offrir à nos concitoyens un service public de proximité
souple et de qualité, de favoriser des avancées sociales pour leurs agents,
c'est parce que le Gouvernement s'est engagé à leur consacrer les financements
dont elles ont légitimement besoin. Il n'y a pas de miracle, chers collègues !
Quand la volonté, le savoir-faire et l'écoute sont présents, les résultats sont
au rendez-vous !
La loi de finances pour 2002 ne déroge pas à cet engagement. En conséquence,
l'enveloppe normée du contrat de croissance et de solidarité est indexée, en
2002, d'une part, sur la progression de l'inflation, d'autre part, sur 33 % du
PIB.
Ce taux de 33 % est un choix raisonnable dans les circonstances actuelles. Je
suis surpris de constater que ceux qui, hier, soutenaient, ou du moins
admettaient l'indexation prévue par le contrat de stabilité de M. Juppé sur la
seule inflation, demandent aujourd'hui, avec une belle assurance, l'indexation
sur 50 % du PIB.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cela fait trois ans, cher collègue ! Ce n'est pas une
découverte !
M. Michel Sergent.
Monsieur le rapporteur général, vous avez demandé tout à l'heure que l'on ne
vous interrompe pas. Voulez-vous avoir la gentillesse d'en faire autant ?
Magnifique virage à 180 degrés, mais quelque peu inquiétant par l'opportunisme
des convictions qu'il démontre !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Virage sur trois ans !
M. Michel Sergent.
Campagne électorale aidant, les convictions se mueront en promesses, tout
aussi opportunistes, évidemment. Et au cas, peu probable il est vrai, de
victoire, les reniements suivront, comme d'habitude !
En 2002, l'intérêt de l'Etat pour les collectivités locales est une réalité
concrète, qui s'apprécie à 56 milliards d'euros, soit 368 milliards de francs.
Ainsi, la dotation globale de fonctionnement progressera de plus de 4 % en 2002
et, en son sein, les dotations de solidarité rurale et de solidarité urbaine de
5 % chacune.
Mais, au-delà de l'importance des recettes transférées, ce projet de budget
privilégie une fois de plus l'efficacité et la solidarité.
Efficacité, tout d'abord, avec le renouvellement des abondements de la
dotation d'aménagement finançant les incitations au regroupement intercommunal
; efficacité encore, avec l'intégration du financement des communautés
d'agglomération dans l'enveloppe intercommunale ; efficacité, enfin, avec la
réforme du financement de la garantie des communautés urbaines.
En outre, le Gouvernement règle dans le présent projet de loi de finances le
problème de la compensation des pertes de recettes de taxe professionnelle sur
les rôles supplémentaires. De 2002 à 2005, les collectivités locales recevront
à ce titre 1,2 milliard de francs pour l'arriéré et percevront chaque année une
majoration de la dotation de compensation pour la taxe professionnelle pour les
pertes survenues après 2002. Par ailleurs, comme je le disais à l'instant, la
solidarité n'est pas oubliée dans ce budget. Solidarité, en effet, avec
l'abondement des dotations de solidarité urbaine et rurale ; solidarité encore,
avec l'abondement du fonds national de péréquation ; solidarité, enfin, avec la
neutralisation de la baisse de la dotation de compensation de la taxe
professionnelle pour les collectivités les plus défavorisées.
Plus anecdotique, mais symbolique de l'attention portée au détail, un
amendement de M. Didier Migaud prévoit la prolongation du dispositif qui rend
éligibles à un remboursement immédiat au fonds de compensation pour la TVA les
investissements résultant des tempêtes de 1999.
Pour l'avenir, maintenant que l'essentiel, c'est-à-dire des financements
convenables, est assuré, je pense que la réflexion devra porter sur la
solidarité entre les territoires riches et les territoires pauvres. Nous devons
aller plus loin dans la péréquation du produit des impôts locaux et dans la
péréquation des dotations de l'Etat. Les systèmes mis en oeuvre aujourd'hui
sont encore insuffisants, comparés à l'ampleur des inégalités qu'ils sont
censés modérer.
A titre d'exemple, je rappellerai que 10 % des communes se partagent 90 % des
bases de taxes professionnelle en 2000. Derrière ces inégalités de potentiel
fiscal entre territoires, concept abstrait au premier abord, il y a la réalité
concrète de citoyens qui subissent la dégradation de leur qualité de vie faute
de services publics suffisamment dotés. Il y a aussi la réalité d'une pression
fiscale censée compenser la faiblesse des bases d'imposition de nombreuses
collectivités à faibles ressources.
Il faudra savoir convaincre et trouver les bons mécanismes pour que nos
collectivités locales bénéficient d'un financement plus équitable qui
garantira, de surcroît, leur capacité et leur autonomie financières.
Leur autonomie financière a effectivement reculé ces dernières années sous
l'effet des allégements de la fiscalité locale. Je souligne d'ailleurs qu'aucun
contribuable ne s'en est plaint. Mais il faut savoir, mes chers collègues, que
cette autonomie reste, chez nous, beaucoup plus forte que dans la plupart des
pays étrangers, où elle se résume à une autonomie de la dépense. Le sujet n'est
pas simple. Preuve en est que les ardents défenseurs de l'autonomie fiscale des
collectivités locales demandent, envisageant d'autres buts certes, la
suppression totale de la vignette automobile. En outre, les dotations de l'Etat
ont l'avantage, par rapport à la fiscalité locale, de rendre plus aisées les
prévisions de ressources. Le débat doit avoir lieu, et j'ai confiance, car je
sais qu'il ne sera pas éludé.
Depuis 1997, le Gouvernement a fait le choix de consentir en faveur de nos
collectivités locales un effort financier considérable et sans cesse mieux
réparti. Avec cette loi de finances, mes chers collègues, 2002 sera une
nouvelle fois celle du choix des collectivités locales !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Quel godillot !
M. Michel Sergent.
Aussi, madame la secrétaire d'Etat, ce projet de budget pour 2002 nous semble
présenter suffisamment d'atouts pour que notre pays surmonte le ralentissement
actuel de l'économie mondiale. Il s'inscrit, en outre, dans le respect des
priorités et des objectifs que nous nous sommes fixés pour nos collectivités
locales.
C'est pourquoi vous pourrez continuer à compter sur le total soutien du groupe
socialiste tout au long de cette discussion.
(Applaudissements sur les
travées socialistes.)
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Quel soutien inconditionnel !
M. le président.
La parole est à M. Bourdin.
M. Joël Bourdin.
« Il ne faut pas toujours juger sur ce qu'on voit », écrivait Molière dans
Tartuffe
. Et ce qui est vrai des gens l'est aussi pour nos institutions,
et précisément pour nos collectivités locales.
En effet, lorsque l'on examine la situation de nos collectivités locales au
premier abord, on pourrait juger que leurs équilibres financiers sont
satisfaisants. Or un brin d'analyse nous prouve assez vite que les évolutions
de leurs éléments structurels dissimulent des tendances récessives et annoncent
des difficultés dans un avenir proche.
Tout d'abord, je tiens à souligner que la situation de nos collectivités
locales en 2001 paraît, à l'examen de certains ratios et de leurs évolutions,
de nature à rassurer ceux qui sont attachés à certains équilibres.
En effet, globalement, l'épargne brute des collectivités locales n'a cessé de
grimper à un taux annuel significatif depuis 1993. De l'ordre de 100 milliards
de francs en 1993, elle a atteint 160 milliards de francs en 2001, ce qui
semblerait traduire un retour à une certaine aisance financière que semblent
corroborer deux indications complémentaires.
D'une part, la capacité de financement des administrations publiques, négative
jusqu'en 1995, est devenue positive depuis, en affichant un excédent de 24
milliards de francs en 2000.
D'autre part, le solde moyen des comptes de dépôt au Trésor qui, de 1999 à
2000, a encore augmenté de 10 %, s'établit à 115 milliards de francs.
Même si une analyse plus fine fait apparaître que ce sont les communes,
notamment celles de 10 000 à 20 000 habitants, qui voient leurs ratios évoluer
le moins vite, il est incontestable que la marge d'autofinancement des
collectivités locales s'est accrue au cours des six dernières années.
D'où provient ce résultat ? A qui le doit-on ? Les gouvernements ont tendance
à s'attribuer les bienfaits dont bénéficient leurs partenaires, mais est-ce
l'action gouvernementale qui est responsable ? Non, elle ne l'est pas pour
l'essentiel.
Dans le domaine financier, le Gouvernement, depuis 1997, n'a fait qu'appliquer
des textes qui s'imposent à tous et accompagner une bienveillante croissance
dont l'impulsion venait d'outre-Atlantique. L'essentiel de l'évolution
constatée est dû aux collectivités locales, à leurs équipes, qui n'ont eu de
cesse, par leur propre gestion, de contrecarrer des mouvements de fond, comme
la croissance élevée du poste « charges de personnel ».
Ce qui est remarquable, en effet, c'est que les collectivités locales ont
amélioré leur aisance en une période où des textes nationaux entraînaient une
augmentation très significative de leurs frais de personnel.
Sur une base 100 en 1992, les charges de personnel des collectivités locales
atteignaient en effet l'indice 150 en 2001, ce qui représente un taux
d'évolution annuelle de 5 % environ, alors que leurs recettes évoluent d'un
taux moindre.
Quatre facteurs ont joué au cours de ces dernières années.
En premier lieu, la baisse des taux d'intérêt s'est traduite par une réduction
du poste « frais financiers », accentuée par les renégociations actives de
dette. De 45 milliards de francs en 1993, les charges d'intérêt ont chuté à 27
milliards de francs en 2001.
En deuxième lieu, la maîtrise des autres charges de gestion par les maires et
les présidents de conseils généraux et régionaux a été accrue.
En troisième lieu, une baisse du recours à l'emprunt, de 40 milliards de
francs en quatre ans, a été enregistrée de sorte que, depuis deux ou trois ans,
les remboursements de dettes sont plus importants que l'accroissement de
l'endettement annuel. En quatrième lieu, on a noté corrélativement une baisse
des investissements. Même si une légère reprise a eu lieu en 2000, année
préélectorale propice, en francs constants, les investissements de 2001 restent
d'un montant inférieur à ceux qui étaient enregistrés en 1992.
Voilà les raisons essentielles qui expliquent la situation de la trésorerie et
celle de l'épargne de nos collectivités locales. Pour l'essentiel, elles sont
la conséquence de la gestion de leurs responsables, de leur comportement à
l'égard de l'endettement, ainsi que d'une rétention des projets
d'investissement.
Les effets de la baisse des taux d'intérêt vont bientôt se dissiper. Quant au
freinage des investissements communaux, on ne doit pas s'en réjouir. Tout au
contraire, on doit restaurer la confiance afin de permettre à nos collectivités
locales de faire face aux nombreux besoins qu'expriment les Français.
Les collectivités locales, notamment les communes et leurs groupements,
peuvent-elles répondre à ces incitations ?
Matériellement, elles disposent d'une épargne restaurée qui leur permettrait
de relancer leur cycle d'investissement. Je doute qu'elles le fassent pour
plusieurs raisons qui tiennent au processus d'investissement lui-même, mais
aussi aux menaces qui pèsent à court terme sur leur capacité
d'autofinancement.
Il faudrait lancer une étude sur les raisons des nouveaux comportements
d'investissement des collectivités locales. En son absence, je me permets de
hasarder quelques hypothèses visant à expliquer la réticence nouvelle des élus
locaux face à l'acte d'investissement, en tenant compte des débats sérieux qui
ont eu lieu sous la présidence de M. Jean-Pierre Fourcade, au comité des
finances locales et à l'observatoire des finances locales.
Ce qui me paraît clair et qui joue depuis quelques années, c'est le
ralentissement du processus d'investissement. Les tracasseries qu'entraînent
les nouvelles procédures de marché, les normes multiples qu'il faut respecter,
les précautions qu'il faut prendre ont accru considérablement, depuis quelques
années, le temps de maturation des investissements. La où, en amont du premier
coup de pioche, il fallait naguère six mois de travail administratif, il en
faut maintenant le double, voire le triple, et certains projets sont abandonnés
faute de pouvoir être entrepris dans les deux ans qui suivent l'attribution
d'une subvention. Il faut impérativement changer cela.
Il fut un temps où les collectivités locales investissaient peu parce qu'elles
n'avaient pas d'argent ; nous avons maintenant, d'une certaine manière,
l'argent mais nous sommes empêchés de l'utiliser pour investir. Ce n'est pas
enthousiasmant, c'est même décourageant. A cela s'ajoute la lenteur de la mise
en route des contrats de plan et de leurs corollaires, les contrats
territoriaux.
Madame le secrétaire d'Etat, nous sommes bientôt en 2002 et la plupart des
contrats de plan n'ont pas encore été mis en application pour la période
2000-2006. Par ailleurs, beaucoup de contrats territoriaux ne pourront être
signés qu'au milieu de l'année 2002. Est-ce vraiment sérieux ? Le Gouvernement
tient-il vraiment à nous prouver que même les infimes planifications ne sont
pas applicables, rendant ainsi hommage
a contrario
aux procédures
libérales ?
Là, manifestement, le Gouvernement manque à ses devoirs et se prive d'un outil
permettant de soutenir les investissements publics, dont l'essentiel, je vous
le rappelle, relève des collectivités locales.
Mais ce qui pèse le plus sur la propension à investir des collectivités
locales, c'est la situation de leurs sections de fonctionnement, dont on peut
malheureusement craindre la dégradation dans les prochaines années, qu'il
s'agisse des communes ou des conseils généraux.
Ce relatif pessimisme se fonde, tout d'abord, sur l'évolution incertaine des
recettes des collectivités locales.
En effet, si le Gouvernement, pour des raisons électorales qui sont
transparentes et appuyées, annonce dès maintenant qu'il donnera en 2002 un coup
de pouce à la DGF des communes et de leurs groupements, nous savons tous ici
que c'est une opération à crédit, remboursable l'année suivante. Certains l'ont
dit ici : une DGF généreuse en 2002, c'est la quasi-certitude d'une mauvaise
DGF en 2003, avec une régulation négative. Ce n'est franchement pas comme cela
qu'il convient de traiter les élus locaux. Ils ne retiendront de l'opération de
2002 que le fait que 2003 sera une année difficile ! Ce n'est pas encourageant
pour l'investissement.
A la vérité, pour la DGF, se pose le problème de l'indicateur d'inflation sur
lequel elle est indexée et qui n'a rien à voir avec l'indice des prix à la
consommation. Un indicateur composite des charges supportées par les
collectivités locales ferait apparaître un taux plus élevé que celui qui
apparaît lorsqu'on utilise l'indice des prix à la consommation.
Il n'est pas rassurant non plus de considérer l'évolution des charges, le
fonctionnement des collectivités locales.
Il ne faut plus compter sur la marge de compression des charges d'intérêt,
alors que les menaces se font pesantes sur l'évolution des charges de
personnel.
Il y a, tout d'abord, l'effet RTT, qui ne va pas manquer d'alourdir la masse
salariale des collectivités locales. Même si des marges de productivité sont
susceptibles d'être dynamisées ici ou là, il n'en reste pas moins que l'année
2002 sera de toute évidence caractérisée par un taux d'évolution des charges
sociales de plus de 5 %, ce qui devrait mordre sérieusement sur l'épargne de
l'année 2002.
Il y a aussi les intégrations des emplois-jeunes, qui ne manqueront pas
bientôt de peser lourd dans la gestion communale, et je ne parle pas de
l'intégration des nombreux emplois-jeunes des associations, alors même que la
plupart d'entre elles ne peuvent pas offrir de situations pérennes.
Madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, quand on observe l'évolution
financière des collectivités locales au cours de ces dernières années, on peut
dire qu'elles ont reconstitué leur trésorerie et leur capacité d'épargne au
prix d'un endettement et d'un désinvestissement et que les contraintes
actuellement perceptibles ne nous annoncent pas une reprise des
investissements, alors qu'elles risquent fort de provoquer une diminution de
leurs conditions de fonctionnement et un amoindrissement de leur épargne
brute.
Dans ces conditions, on ne peut que regretter que l'Etat n'ait pris sa part,
comme c'est le cas dans le secteur privé, de l'accroissement des charges de
personnel, induit par l'application de la loi sur la réduction du temps de
travail, tout comme on doit regretter également le traitement scandaleux qui
est imposé à la dotation de compensation de la taxe professionnelle, grignotée,
amenuisée, voire carrément amputée, au nom du pacte de croissance et de
solidarité.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées des
Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, après tant de beaux
discours et d'observations justes, je bornerai mon propos, dans les quelques
minutes dont je dispose, aux inquiétudes que ressentent les élus locaux, afin
que le Gouvernement en prenne conscience et, surtout, qu'il en soit tenu compte
ultérieurement, à l'occasion des réformes qui seront entreprises, et ce quel
que soit le gouvernement.
Madame le secrétaire d'Etat, nous avons échangé beaucoup d'arguments,
d'éléments, de chiffres à l'occasion des nombreux débats auxquels nous avons
participé tous les deux ; je n'y reviendrai donc pas.
Alors que l'année 2002 se présente bien, comme vient de le dire Joël Bourdin,
pourquoi tant d'inquiétudes pour l'avenir ? Nous avons trois soucis majeurs :
l'avenir de la dotation globale de fonctionnement, la survie de la taxe
professionnelle et, ce qui est plus inquiétant que tout, les risques liés à la
globalisation des concours de l'Etat aux collectivités locales.
Beaucoup a été dit sur l'avenir de la dotation globale de fonctionnement.
Certes, cette dotation augmente bien en 2002, grâce au « rebasage » de 2000,
comme l'on dit en termes techniques, et aux hypothèses qui ont été adoptées.
Pourtant, comme l'a expliqué Joël Bourdin, il est clair que le fait de retenir
une hypothèse trop forte de croissance de la production intérieure brute pour
2001 - 2,3 %, alors que chacun sait que nous aurons du mal à atteindre 2 % -
fait que nous aurons une régularisation négative et que les années 2003 et 2004
seront plus pénibles.
Ce qui est encore plus préoccupant, c'est que le comité des finances locales a
de plus en plus de mal à répartir la DGF en raison de deux phénomènes.
D'abord, le coût de l'intercommunalité ne cesse de progresser et bloque, par
conséquent, le développement de la DSU et de la DSR. Les mécanismes de
péréquation sont faussés à l'intérieur de la DGF. Ensuite, à l'intérieur de
l'enveloppe « normée », pour reprendre votre expression, la variable
d'ajustement étant la dotation de compensation de la taxe professionnelle, un
certain nombre de collectivités constatent une diminution de la DCTP plus forte
que l'augmentation de la DGF, depuis trois ou quatre ans. Le solde d'un certain
nombre de communes de plus de dix mille habitants est négatif.
Une réforme de la DGF s'impose donc, mais, pour ce faire, il faudra avoir du
courage, en raison des nombreux droits acquis et de la grande inégalité de la
dotation forfaitaire. Comment fera-t-on pour la compenser ?
Après plusieurs années, la solution que j'ai proposée, en vain au départ,
commence à faire quelques émules et à avoir quelques partisans. Elle consiste à
créer trois parts au sein de la DGF : l'une pour les départements, la deuxième
pour les communes et la troisième pour l'intercommunalité.
Le Gouvernement est entré dans cette voie puisqu'il consacre, depuis deux ans,
des dotations complémentaires au financement de l'intercommunalité,
reconnaissant par là que les seuls crédits de la DGF ne suffisent plus.
J'ai des inquiétudes pour l'avenir de la DGF, car, si elle pourra être
distribuée en 2002, l'année 2003 sera une période de crise. Il faudra donc
prendre des mesures appropriées à la fin de 2002, afin d'éviter de très graves
difficultés d'application en 2003.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Les difficultés seront pour les autres !
M. Jean-Pierre Fourcade.
Ma deuxième inquiétude, qui est plus grave, concerne la survie de la taxe
professionnelle.
Madame la secrétaire d'Etat, on ne mesure pas assez l'erreur fondamentale
commise par M. Strauss-Kahn, qui a réformé la taxe professionnelle au moment
précis où M. Chevènement, alors ministre de l'intérieur, fondait le
développement de l'intercommunalité sur la taxe professionnelle unique. Dans
l'histoire financière de notre pays, on ne trouve nulle trace depuis cinquante
ans - quand je dis cinquante ans, je suis optimiste ! - d'une telle dichotomie,
d'une telle opposition entre deux membres d'un même gouvernement. Il eût fallu
qu'un Premier ministre tranchât. Il n'y en eut pas.
M. Roland du Luart.
Ce n'est pas son genre !
M. Jean-Pierre Fourcade.
Le fait de fonder l'intercommunalité sur la taxe professionnelle unique et
d'expliquer en même temps qu'il faut réduire l'assiette en supprimant la base
salaires fait courir un risque majeur à l'ensemble des collectivités dans la
mesure où les entrepreneurs vont évidemment réclamer également la suppression
de la base investissements !
Dans les années à venir, de très graves difficultés risquent d'entraver le
financement des investissements du fait de la taxe professionnelle unique, car
cette opération est extêmement dangereuse.
De plus, la suppression de la base salaires de l'assiette de la taxe
professionnelle crée, dans notre système fiscal, un nouveau « principal fictif
» - comme c'était autrefois le cas pour les vieux impôts locaux - puisque le
mécanisme de compensation a été bloqué sur la base de 1997 ?
Pendant dix ans, ces compensations continueront à être versées jusqu'à ce
qu'un esprit malin de la direction du budget du ministère de l'économie, des
finances et de l'industrie s'aperçoive que la compensation de taxe
professionnelle numéro deux constituerait une parfaite variable d'ajustement
pour le financement des collectivités territoriales ! C'est ce que nous vivons
avec la première taxe et c'est ce que vous vivrez avec la seconde.
Il nous faut, par conséquent, réfléchir sur l'évolution de notre fiscalité
locale, afin de trouver ensemble de nouvelles bases d'imposition taxant les
entreprises, sans trop en gêner le développement. C'est la raison pour laquelle
le comité des finances locales a proposé non seulement de refaire un « impôt
ménages » au niveau de base, celui des communes, mais aussi de trouver des
bases nouvelles en matière de télécommunication, d'énergie, de flux financiers,
de produits pétroliers, pour fonder le financement des collectivités sur autre
chose que sur des valeurs industrielles ou des biens fonciers, qui, chacun le
reconnaît aujourd'hui, ne correspondent plus à la structure de notre appareil
de production et au développement de l'ensemble de nos échanges.
Ma troisième et dernière inquiétude porte sur le très court terme, madame le
secrétaire d'Etat. Comme l'ont reconnu les orateurs précédents, y compris celui
du groupe socialiste, à force de supprimer des impôts locaux et de réduire
ainsi les marges d'autonomie fiscale des collectivités, nous avons augmenté les
charges de compensation. Je suis très inquiet de constater que, dans les masses
budgétaires de l'Etat, l'ordre des dépenses est le suivant : après la fonction
publique - qui est répartie sur tous les chapitres - viennent l'éducation
nationale puis les concours financiers de l'Etat aux collectivités locales,
lesquels passent avant le remboursement de la dette et le budget militaire !
Dans quelques années - deux, trois, quatre ou cinq ans -, le Gouvernement,
quel qu'il soit, risque donc d'avoir une tendance irrépressible à freiner la
croissance de ses concours financiers aux collectivités locales, qui seront
alors, surtout si l'on continue à embaucher des fonctionnaires, à augmenter la
dette, etc., le seul élément de variation auquel il pourra recourir. La
politique suivie depuis cinq ans en matière de rapports financiers entre l'Etat
et les collectivités locales nous fait donc courir un risque essentiel.
Madame le secrétaire d'Etat, l'avenir de la DGF n'étant pas assuré, la survie
de la taxe professionnelle, étant, du point de vue conceptuel, difficile et la
globalisation des concours de l'Etat risquant de mettre gravement en difficulté
nos collectivités, le Sénat a décidé de restaurer l'autonomie des collectivités
locales - position que le président de notre Haute Assemblée a parfaitement
illustrée dans l'ensemble de ses déclarations - car nous ne sommes pas dans un
Etat fédéral.
J'ai entendu de brillants orateurs affirmer que, dans d'autres pays, les élus
locaux ne pouvaient que gérer les dépenses. Je le dis d'une manière très claire
au nom, je crois, de l'ensemble de ceux qui ont des responsabilités d'élus :
jamais nous n'accepterons d'être des préposés à la dépense. Nous voulons être
responsables à part entière du développement de nos collectivités, en nous
occupant à la fois des recettes et des dépenses. Le travail du politique ne
consiste pas seulement, en effet, à dépenser de l'argent. Il consiste aussi à
répartir les efforts entre les entreprises, les ménages, et à définir ce qui
est tarifs publics et impôts. C'est ce qui fait la noblesse de notre métier et
c'est bien la raison pour laquelle nous sommes des partisans convaincus de
l'autonomie fiscale de nos collectivités !
(Très bien ! et applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur
celle de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Murat.
M. Bernard Murat.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
opaque, injuste et inefficace, la fiscalité locale a, depuis longtemps, besoin
d'une réforme complète. Réclamé par les élus, annoncé par le Gouvernement, ce
chantier n'est pourtant par près de s'ouvrir. La période préélectorale gèle
toute velléité de s'attacher à cette tâche.
Pourtant, permettez moi, madame le secrétaire d'Etat, après notre collègue
Jean-Pierre Fourcade, de me faire l'écho des inquiétudes grandissantes des élus
sur la situation financière des collectivités territoriales, inquiétudes qui
ont été exprimées avec force lors du dernier congrès des maires, et ce toutes
tendances confondues, du moins dans les couloirs.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
A la tribune, c'est autre chose !
M. Bernard Murat.
Ils ont dépoloré l'attitude du Gouvernement, qui fait payer aux collectivités
le coût de sa politique, annihilant de fait tous leurs efforts pour maîtriser
leur fiscalité.
Cette politique déloyale a d'ailleurs des conséquences même chez vos amis,
puisque le maire de Lyon a dû ranger ses promesses électorales et augmenter de
5 % la pression fiscale pour faire face à votre politique.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est après l'élection !
M. Bernard Murat.
Madame le secrétaire d'Etat, nous dénonçons, entre autres, deux orientations
de la politique de votre gouvernement qui affaiblissent les collectivités
locales : la baisse des recettes fiscales et le transfert des compétences.
Sur le premier point, la politique d'allégement d'impôts pour les ménages
suivie par le Gouvernement depuis trois ans se traduit par la suppression de
recettes fiscales pour les communes, les départements et les régions. Il s'agit
de la suppression totale ou partielle de certains impôts - tels la taxe
professionnelle, la taxe d'habitation, la vignette, et les droits de mutation
des régions - ou de la suppression de la possibilité pour les collectivités de
voter les taux de certains impôts tels que les droits de mutation des
départements.
Cette politique accentue la prise en charge par l'Etat d'une part croissante
de la fiscalité locale, car ces recettes supprimées sont remplacées par des
dotations d'Etat et ne consistent, en réalité, qu'à un transfert de charge du
contribuable local vers le contribuable national qui, pour une grande part, est
le même, mais l'habillage est différent.
Depuis 1999, la part des recettes fiscales dans les recettes de fonctionnement
des collectivités locales est passée de 60 % à 49 %. Les régions sont les plus
pénalisées, puisque leurs recettes fiscales ne représentent plus que 37 % de
leur budget. En 2003, au terme de la réforme de la taxe professionnelle, si
aucune modification n'est intervenue, le contribuable local ne participera plus
qu'à concurrence de 41 % aux recettes de fonctionnement des collectivités
locales, soit moins que le contribuable national.
Nous pouvons l'affirmer haut et fort, l'Etat tente de se substituer aux élus
locaux, ce qui pose un véritable problème de démocratie, car nos concitoyens
sont mal informés de la mutation perverse et contraire à la politique de
proximité qu'ils souhaitent.
Votre politique de substitution des impôts locaux par des subventions aboutit
à rompre l'équilibre général des finances publiques, comme nous l'a démontré
avec clarté notre excellent rapporteur général, sans pour autant engendrer une
hausse des ressources des collectivités locales. Comme il n'existe aucun droit
à compensation pour les collectivités, le montant de la dotation de
compensation de la taxe professionnelle ne cesse, par exemple, de baisser. Vous
mettez donc nos collectivités dans une situation de dépendance de plus en plus
dangereuse. Mais n'est-ce pas le but inavoué du Gouvernement socialiste, qui
s'est toujours méfié de la démocratie locale ?
(M. Demerliat
s'exclame.)
Cela constitue un recul des équilibres issus des lois de décentralisation, y
compris celles de Gaston Defferre, qui reposent sur le partage du financement
local entre les impôts dont les collectivités votent les taux et les dotations
versées par l'Etat.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Voilà !
M. Bernard Murat.
Alors qu'au fil des années la tutelle juridique des collectivités locales a
été supprimé, il n'est pas cohérent de les soumettre désormais à une tutelle
financière qui finira, bien entendu, pour tout le monde, par une tutelle
politique. Il y aura les maires bien-pensants,...
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Voilà !
M. Bernard Murat.
... qui seront mieux servis, et les autres, qui feront antichambre. C'est
d'ailleurs déjà le cas aujourd'hui dans certains départements.
(Murmures sur
les travées socialistes.)
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est effectivement ce que l'on observe déjà !
M. Bernard Murat.
La deuxième orientation que nous dénonçons, c'est le transfert des
compétences.
Depuis la décentralisation, le Gouvernement transfère des charges aux
collectivités locales en ne les dotant pas des moyens financiers
correspondants. Au travers des contrats de plan Etat-région, celles-ci
cofinancent des investissements qui relèvent théoriquement de l'Etat :
politique de la ville, environnement, sécurité, etc. Elles se voient également
confier de nouvelles compétences sans transfert des moyens.
La récente réforme de l'allocation personnalisée d'autonomie pour les
personnes âgées, qui n'est en rien critiquable, coûtera 6 milliards de francs
supplémentaires en 2002 aux départements, qui ne savent pas comment boucler
leur budget et devront augmenter les impôts de 12 % en moyenne. Or, hormis la
contribution de la CSG et des caisses de retraite, l'Etat ne prévoit, pour sa
part, aucune participation au financement. Je le dis très clairement : c'est
tout simplement scandaleux !
Je prendrai un autre exemple que je qualifierai, sans mauvais jeu de mots, de
« sujet brûlant ».
M. Paul Blanc.
Les pompiers !
(Sourires.)
M. Bernard Murat.
Le financement des services départementaux d'incendie et de secours, les SDIS.
Assurés pour une part très importante par les départements et les communes, ces
derniers supportent, de plus, le coût des récentes réformes qui ont
considérablement réévalué les exigences de moyens, en particulier en termes de
professionnalisation des équipes. En 2002, le budget du SDIS, dans certains
départements, progressera de 40 %...
M. Michel Mercier.
Eh oui !
M. Bernard Murat.
... sous le triple effet d'un nouveau régime d'indemnisation des astreintes,
d'un effort de remise à niveau des équipements et de la mise en place, très
complexe aujourd'hui, des 35 heures.
Le pire est à venir, madame le secrétaire d'Etat, pour les collectivités
locales, avec la réduction du temps de travail. Là encore, l'Etat n'apportera
malheureusement aucune réponse. Nous préférons toutefois une aide financière à
une bonne réponse.
L'incidence des 35 heures se chiffrera pour les collectivités locales en
millions de francs, récurrents, non financés aujourd'hui, à débourser. Alors,
tous les maires s'interrogent : devons-nous transférer des services publics au
privé ? Devons-nous créer des emplois et, pour ce faire, augmenter des impôts
locaux ? Ou bien devons-nous diminuer les services au public ?
Cette loi qui impose les 35 heures aux collectivités sans que l'Etat apporte
la moindre aide est encore un très mauvais coup porté à leurs finances.
L'application de cette loi au 1er janvier 2002 oblige à reconsidérer le niveau
d'investissement des collectivités. Celui-ci devra être fonction d'une capacité
d'autofinancement considérablement réduite et d'une possibilité de recours à
l'emprunt qui s'affaiblit, ce qui fait exploser les coûts de fonctionnement.
Voilà de vraies questions, concrètes, précises, que se posent tous les élus
locaux et auxquelles, je le sais, madame le secrétaire d'Etat, vous
n'apporterez aucune réponse !
Nos collectivités locales rapprochent quotidiennement l'action publique du
citoyen, en constituant le socle d'une démocratie de proximité. Nous le savons
bien, communes, départements et régions sont les véritables acteurs de la vie
des Français. Education, action sociale, sécurité, environnement, culture,
sport sont autant de domaines d'intervention dans lesquels nos collectivités
locales effectuent un travail de proximité reconnu et apprécié. Or, bien que le
Gouvernement exige des collectivités d'assurer de plus en plus de compétences,
il ne leur transfère pas les moyens nécessaires.
Si les collectivités ne peuvent plus gérer leur budget et dégager des moyens
financiers adéquats, elles ne pourront plus conduire leur politique
d'investissement, ce qui mettra en danger toute l'économie de notre pays, donc
l'emploi, en particulier dans le bâtiment et les travaux publics.
A l'examen du projet de budget que vous nous présentez cette année, madame le
secrétaire d'Etat, j'ai un sentiment de déjà vu : d'un côté, les élus locaux
responsables, qui se dévouent pour le bien public et agissent pour le
développement durable de leur territoire, et, de l'autre côté, un gouvernement
et son administration qui se désintéressent complètement de l'avenir de nos
collectivités et des problèmes des élus qui en ont la charge.
En fait, l'esprit de décentralisation est en péril. Alors que les élus
réclament davantage de liberté et davantage de responsabilités - elles ne leur
font pas peur ! - pour exercer leur mandat, qu'ils tiennent exclusivement, eux,
du peuple, madame le secrétaire d'Etat, votre gouvernement, au travers de ce
projet de loi de finances pour 2002, accentue encore un peu plus la «
réétatisation » des collectivités locales.
Ce mouvement de recentralisation amorcé depuis 1997 transforme
progressivement, par des décisions contraignantes, les éléments décentralisés
d'hier en éléments déconcentrés du pouvoir central.
Je me permettrai donc, au nom d'une très grande majorité des élus de France,
madame le secrétaire d'Etat, de vous poser une simple question : quel est
l'objectif inavoué de votre gouvernement ? Souhaite-t-il supprimer les maires,
les élus locaux, les collectivités ? Souhaite-t-il les transformer en
super-sous-préfets avec un statut adéquat ? Dans ce cas, ce serait, bien sûr,
la fin de la démocratie locale ; il suffit simplement de le dire aux
Français.
Madame le secrétaire d'Etat, les élus locaux sont encore une catégorie de
Français responsables qui demandent non pas moins d'Etat mais « mieux » d'Etat,
plus de liberté et surtout la possibilité d'exercer leur mandat le plus
efficacement possible, car, eux, ils ont des comptes à rendre à leur population
tous les jours.
Malheureusement, votre projet de loi s'inscrit dans la droite ligne de
l'idéologie qui vous anime : replacer les collectivités locales et leurs élus
entre les mains de l'Etat.
Vous comprendrez que nous combattions résolument cette vision archaïque de la
démocratie locale et votre projet de loi qui l'accompagne.
(Très bien ! et
applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de
l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Jarlier.
M. Pierre Jarlier.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ce
débat relatif aux ressources des collectivités locales est particulièrement
d'actualité. En effet, les élus, d'une façon générale, sont inquiets de
l'évolution des ressources de leurs collectivités, notamment face à
l'affaiblissement de leur autonomie financière. Plus particulièrement, les élus
ruraux s'inquiètent face aux difficultés grandissantes auxquelles ils doivent
faire face, notamment en zones de montagne.
Ces inquiétudes ont d'ailleurs été au coeur des débats récents du congrès des
maires et du congrès national des élus de la montagne et, voilà quelques
instants, au centre des propos du président du comité des finances locales
Jean-Pierre Fourcade, ainsi que de ceux de Bernard Murat.
Cette inquiétude ne peut être levée avec le simple affichage d'une évolution
prévisionnelle d'un peu plus de 4 % de la DGF dans ce projet de loi de finances
pour 2002, même si ce chiffre constitue bien un signe positif, à condition
toutefois qu'il ne se limite pas à un simple crédit au regard des prévisions de
croissance pour 2002.
Quelles sont les raisons de ces inquiétudes ? Les collectivités locales et
leurs élus, qui assument de plus en plus de responsabilités, sont confrontés à
une triple difficulté budgétaire : un amoindrissement progressif des ressources
fiscales directes ; des transferts de charges compensés trop partiellement ; de
nouvelles dépenses obligatoires, cette fois sans compensation. Ces trois
phénomènes simultanés réduisent en effet fortement le potentiel des initiatives
locales et affaiblissent tout aussi fortement leurs efforts de développement
local.
On le voit bien : pouvoir de décision et responsabilité n'avancent pas au même
rythme.
En premier lieu - il faut bien le dire parce que c'est la réalité - la gestion
des ressources financières échappe de plus en plus aux acteurs locaux.
En 2003, à ce rythme, et au terme de la réforme de la taxe professionnelle, la
fiscalité locale ne participera plus que pour 41 % aux recettes des
collectivités locales. Le risque est clair : c'est une forme insidieuse de mise
sous tutelle des collectivités locales par le budget de l'Etat à coups de
dotations et de compensations.
Cette évolution est contraire à une large volonté de la population et des élus
de voir avancer progressivement une gestion décentralisée de notre
territoire.
A ce premier point s'ajoute l'inadaptation de notre fiscalité locale aux
réalités économiques et sociales du terrain. J'en veux pour preuve les bases
locatives cadastrales, identiques depuis 1970, alors que nos populations
urbaines, périurbaines ou rurales ont beaucoup évolué et que le lien entre
l'urbanisme, l'économie et le social est très différent de ce qu'il était il y
a trente ans.
En deuxième lieu, les transferts de charges s'intensifient au détriment des
collectivités locales.
D'abord, il faut le rappeler, les transferts officiels de compétences n'ont
pas été compensés totalement par l'Etat. Mais les nouveaux transferts de
charges issus de plusieurs réformes, qu'il s'agisse des services d'incendie et
de secours ou de l'allocation personnalisée d'autonomie, réduisent aussi les
marges de manoeuvre et imposent souvent des augmentations de la pression
fiscale, sans compter la participation financière des conseils généraux à
certains programmes de politique nationale dans le cadre des contrats de plan.
C'est souvent le cas pour les programmes de routes nationales.
Enfin, en troisième lieu, il y a les transferts de fait, et cette fois sans
aucune compensation et à la charge du contribuable.
Un exemple flagrant nous est fourni par le dispositif des 35 heures - il y a
été fait référence tout à l'heure - en faveur des personnels des collectivités,
qui représente de nouvelles charges auxquelles devront faire face les
collectivités locales dès janvier prochain, aux seuls frais du
contribuable...
M. Alain Gournac.
Eh oui !
M. Pierre Jarlier.
... ou même au détriment du service public de proximité.
MM. Paul Blanc et Bernard Fournier.
Eh oui !
M. Pierre Jarlier.
L'Etat, quant à lui, s'en tire à bon compte et donne le mauvais exemple à cet
égard, puisque, s'agissant de ses propres services, par exemple en matière de
déneigement, les directions départementales de l'équipement, se dégagent tout
simplement des prestations qu'elles apportaient jusque-là aux communes.
M. Bernard Fournier.
Hélas !
M. Paul Blanc.
Et elles ne dégagent pas les routes.
(Sourires.)
M. Pierre Jarlier.
Mieux encore, elles demandent aux conseils généraux d'embaucher à leur place
pour maintenir le service.
Madame le secrétaire d'Etat, les collectivités locales ont montré leur
capacité de gestion autonome en retrouvant la voie de l'autofinancement, de la
maîtrise des dépenses et d'une politique d'investissements soutenue, porteuse
de développement local.
Mais, aujourd'hui, leur mode de financement est devenu obsolète, parfaitement
illisible par le contribuable et ne répond plus au rôle majeur et aux nouvelles
responsabilités de nos communes ou de leurs établissements publics au regard
d'un aménagement plus juste et plus équilibré de notre territoire.
C'est pourquoi, au-delà des divers rapports qui circulent, une véritable
réforme des concours financiers de l'Etat aux collectivités s'impose, et de
nombreux élus souhaiteraient en connaître le calendrier, madame le secrétaire
d'Etat, car le temps presse.
J'en viens maintenant à la situation précise des communes rurales, notamment
en zone de montagne. Elles doivent faire face aujourd'hui à une autre
difficulté, celle du paradoxe entre leurs ressources qui diminuent en raison
des baisses démographiques, parfois très importantes, et leurs indispensables
efforts d'équipement et de remise aux normes toujours plus contraignants. Mais
elles ne bénéficient pas toujours des mêmes avantages que celles qui sont
situées en secteur plus peuplé. Je citerai un exemple précis illustrant ce
propos.
Certes, l'intercommunalité constitue une réponse adaptée à cette situation et
elle est porteuse d'avenir. D'ailleurs le nombre de communautés de communes à
taxe professionnelle unique a doublé en 2001. Malheureusement, 30 % d'entre
elles ne bénéficient pas du régime de la dotation globale de fonctionnement
bonifiée, tout simplement parce qu'elles ne peuvent justifier d'un nombre
d'habitants supérieur à 3 500.
M. Alain Gournac.
Eh oui !
M. Pierre Jarlier.
Bien sûr, il ne faut pas encourager les intercommunalités d'opportunité qui ne
répondraient à aucune cohérence territoriale. Mais
a contrario,
dans les
zones de montagne et dans les zones rurales, des intercommunalités se créent
autour des bassins de vie des chefs-lieux de cantons ou de certains
bourgs-centres. La géographie de ces nouveaux espaces de solidarité est
cohérente et repose souvent sur des traditions d'échanges marquées par des
contraintes de relief ou d'infrastructures de communication.
Certaines communautés de communes, créées autour d'un bassin de vie identifié
et cohérent, par exemple un canton d'une douzaine de communes, peuvent couvrir
un territoire de plus de trois cents kilomètres carrés, ce qui représente plus
de trente kilomètres d'un bout à l'autre, mais sans pouvoir justifier de 3 500
habitants.
Faut-il les condamner pour autant, au risque de voir leurs communes s'isoler
et disparaître à court terme ? Certainement pas, d'autant qu'elles ont été
fortement encouragées par les préfets. Cependant, leur extension forcée,
limitée à des opportunités de population, est irréaliste, ne serait-ce que pour
des questions de géographie ou de culture.
Les réalités territoriales doivent être prises en compte, car une
intercommunalité à deux vitesses n'est pas acceptable. C'est un devoir
collectif de solidarité envers ces secteurs en grande difficulté économique,
particulièrement en raison de la crise sans précédent que connaît le monde
agricole.
C'est la raison pour laquelle le groupe « Montagne » du Sénat vous proposera
un amendement tendant à permettre à ces établissements publics de coopération
intercommunale à taxe professionnelle unique, s'ils sont situés en zone de
revitalisation rurale, et en cohérence avec leurs chefs-lieux de canton ou
leurs bourgs-centres, de bénéficier de la DGF bonifiée, justifiant ainsi d'un
traitement plus juste entre l'intercommunalité rurale et l'intercommunalité
urbaine.
(Très bien ! sur les travées du RPR.)
Les collectivités locales font la preuve chaque jour de leur capacité à
innover, à investir, à organiser les solidarités locales comme à surmonter les
handicaps liés à leur contexte parfois difficile.
M. Alain Gournac.
Eh oui !
M. Pierre Jarlier.
Mais, pour qu'elles réussissent, leur mode de financement doit être réformé,
simplifié et clarifié, en tenant compte de la formidable diversité de nos
territoires, qui constitue une richesse incontestable de notre pays à la
condition qu'il y ait une meilleure péréquation de la richesse nationale. Ce
sera là le meilleur gage d'une action déterminée de l'Etat contre la fracture
territoriale et d'une vraie volonté du Gouvernement de favoriser un aménagement
plus équilibré de notre territoire.
(Applaudissements sur les travées de
l'Union centriste et du RPR.)
M. le président.
La parole est à Mme Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
conseillère générale de 1982 à 2001, maire depuis 1983, je dois dire que la
situation financière des collectivités territoriales est un sujet qui
m'intéresse.
Je ne reviendrai pas sur les appréciations portées par Thierry Foucaud, que je
partage. Je n'évoquerai, dans cette courte intervention, que la question de
l'intercommunalité.
Nous entrons dans la préparation des troisièmes budgets des nouvelles
structures. Il n'est pas ici question de faire un état des lieux, mais il
s'agit pour moi de préciser les modifications qu'il nous semble souhaitable
d'apporter.
Au bout de deux années de mise en oeuvre de cette loi, on peut formuler
quelques remarques.
Tout d'abord, il nous semble indispensable de mettre en place un financement
de l'intercommunalité qui ne porte pas préjudice aux finances des communes.
C'est loin d'être le cas aujourd'hui.
En effet, au niveau des dotations de l'Etat, nous finançons l'intercommunalité
au détriment des communes éligibles à la dotation de solidarité urbaine et à la
dotation de solidarité rurale, dans le cadre de la dotation « aménagement ».
Surtout, ce sont toutes les communes qui perdent des ressources, du fait des
ponctions effectuées sur la dotation de compensation de la taxe
professionnelle, la DCTP : dans ce budget pour 2002, 126,075 millions d'euros
seront ainsi prélevés pour financer les communautés d'agglomération.
A l'échelon des structures intercommunales elles-mêmes, le même phénomène se
produit, sous l'effet du coefficient d'intégration fiscale, le CIF. Ses
incidences sont d'ores et déjà inacceptables.
Nous l'avions pressenti lors de la discussion de la loi Chevènement. Nous
constatons aujourd'hui que de nombreux élus partagent notre position, à
l'instar de M. Louis Besson, ancien secrétaire d'Etat au logement, maire de
Chambéry, qui s'exprime ainsi : « A la réflexion et à l'usage, il me semble que
cette affaire de CIF n'est pas très digne d'une relation saine entre l'Etat et
les collectivités locales, puisque, en définitive, l'Etat cherche à contenir
l'enveloppe globale de ses dotations, mais organise pour leur répartition une
compétition qui peut tourner à l'attrape-nigaud. »
Le CIF peut avoir pour autre effet pervers le transfert de compétences vers
les communautés, sans apporter de meilleure réponse aux besoins des populations
des communes.
Puisqu'il a été institué, selon ses auteurs, pour inciter à la création de
structures intercommunales plus intégrées et que cet objectif est largement
réalisé, il peut maintenant être abandonné. Ainsi, on pourra revenir à la
déclaration du préambule de la loi, qui prévoyait que l'intercommunalité se
réalise sur la base de projets.
L'intercommunalité doit permettre de réaliser des investissements d'intérêt
communautaire. Elle n'est pas destinée à répondre aux besoins d'équipement de
proximité, qui restent à la charge des communes.
L'intercommunalité ne doit pas être un simple outil destiné à produire des
économies d'échelle ; elle doit être conçue pour répondre au mieux aux besoins
des habitants.
Il conviendrait également de repenser la taxe professionnelle unique, plus
particulièrement les conditions d'attribution des sommes reversées aux
communes.
En effet, ces sommes, reversées aux communes par les communautés ayant opté
pour la TPU, sont fonction de la base du produit perçu en 1999 par chaque
commune. Ce qui veut dire que les progressions importantes des bases de taxe
professionnelle résultant du dynamisme de la vie économique des années 1998,
1999 et 2000 alimentent les caisses des communautés d'agglomération et des
communautés de communes.
Outre les finances des communes, c'est aussi la fiscalité des ménages qui
connaît une évolution peu favorable, lorsque l'établissement public de
coopération intercommunale est doté d'une fiscalité additionnelle.
Cela ressort d'une étude récente parue dans les
Notes bleues de Bercy.
On s'aperçoit ainsi que le montant de la taxe d'habitation perçue par les
communes et les établissements publics de coopération intercommunale passe de
40 048 millions de francs, en 1999, à 47 555 millions de francs en 2000, soit
une augmentation de 3,27 %, et que le produit de la taxe sur le foncier bâti
passe de 57 454 millions de francs à 59 107 millions de francs, soit une
augmentation de 2,87 %.
Dans le cadre des discussions actuelles sur les orientations budgétaires, des
propositions d'augmentation des taux d'imposition commencent à fleurir.
Cela montre qu'il aurait été sage et efficace, pour le pouvoir d'achat des
familles, de suivre le groupe communiste républicain et citoyen, qui proposait,
lors des débats sur la loi Chevènement, de ne pas autoriser les EPCI à lever
une fiscalité additionnelle.
Cela montre aussi que l'intercommunalité n'est pas la panacée pour assurer une
meilleure réponse aux besoins des populations. Il existe des EPCI pauvres,
contraints de mettre en place une fiscalité sur les ménages ; or la capacité
contributive des populations est bien souvent à son maximum.
Il n'est, bien sûr, pas question ici de nier l'intérêt de la coopération entre
les communes : j'y suis attachée et j'y ai largement contribué dans mon
agglomération.
Mais je ne peux me résoudre au fait que les communes qui ont fait le choix de
prendre toute leur place dans l'intercommunalité n'aient d'autre possibilité
que d'augmenter les impôts ou les coûts des services ou de restreindre leurs
investissements pour continuer à satisfaire efficacement les besoins quotidiens
des populations.
Cela démontre qu'il nous faut de nouvelles ressources, notamment fiscales. Une
légère taxation de 0,3 % des actifs financiers, comme nous le proposons,
permettrait une solidarité utile pour les collectivités et leurs habitants, qui
en ont bien besoin.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen ainsi que sur certaines travées socialistes.)
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est la « tobinisation » de la taxe professionnelle
!
M. le président.
La parole est à M. Marc.
M. François Marc.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
depuis quelques mois, l'action du Gouvernement en matière de financement des
collectivités est soumise à un flot de critiques de la part de l'opposition
nationale. Ces critiques se retrouvent, pour la plupart, dans les avis émis sur
ce sujet par la majorité sénatoriale, particulièrement à l'occasion de l'examen
du projet de loi de finances pour 2002 ; les propos que nous venons d'entendre
en sont l'illustration parfaite.
Sans doute cette montée des critiques peut-elle être imputée à une sorte d'«
effet calendrier » - je veux parler ici du calendrier électoral. Pour autant,
on ne peut manquer de s'interroger sur le bien-fondé d'une argumentation qui
manque, à bien des égards, de pertinence.
Trois critiques nous sont particulièrement données à entendre.
Premièrement, l'accroissement significatif des dotations aux collectivités ne
serait qu'un trompe-l'oeil, compte tenu des incidences à venir des transferts
de charges.
Deuxièmement, la pratique de la péréquation horizontale est jugée contestable,
car, et je cite le rapport de la commission des finances, « peu compatible avec
l'attachement du Sénat au principe d'autonomie fiscale des collectivités
locales ».
Enfin, troisièmement, la baisse de la part fiscale dans les ressources des
collectivités locales mettrait gravement en péril leur indépendance et leur
liberté d'action.
M. Michel Mercier.
Eh oui !
M. François Marc.
Dans sa soudaine fougue réformatrice, la majorité sénatoriale annonce pour
juin prochain - hasard du calendrier, là encore - le dépôt de propositions de
loi, en particulier sur le thème de l'autonomie fiscale.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur Marc
?
M. François Marc.
Je vous en prie.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Vous nous parlez de calendrier et d'une soudaine
fougue dont nous serions saisis. Or vous n'êtes pas sans savoir que nous avons
d'ores et déjà voté, dans le sens des positions que nous défendons ce soir, en
particulier une proposition de loi constitutionnelle dont le premier auteur
était Christian Poncelet.
Vous n'êtes pas sans savoir non plus - je voulais le dire également à M.
Sergent, tout à l'heure - que, sur le pacte de croissance et de solidarité,
l'indexation à 50 % de la croissance, disposition que nous préconisons, a été
votée par le Sénat depuis, si je ne m'abuse, trois ans.
M. Michel Sergent.
Pourquoi ne pas l'avoir fait avant ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il n'y a donc vraiment pas d'effet calendaire.
M. Alain Gournac.
C'est le calendrier à l'envers !
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur Marc.
M. François Marc.
Monsieur le rapporteur général, j'observe néanmoins qu'il y a une continuité
entre le texte que vous venez de citer et les propos qui ont été tenus ici-même
aujourd'hui. Surtout, quand je parle de « fougue réformatrice », je fais
allusion aux déclarations tonitruantes du président du Sénat devant
l'Association des maires de France, par lesquelles il annonce un ensemble de
propositions de loi, ce qui dénote une accélération de cette volonté
réformatrice qui n'apparaissait pas jusque-là.
M. Alain Gournac.
Nous travaillons, mon cher collègue !
M. François Marc.
Pourquoi une telle précipitation ?
Le principe de l'autonomie fiscale mérite-t-il d'être le point central de
notre réflexion sur l'avenir de la décentralisation et de la fiscalité locale
?
Le positionnement de la majorité du Sénat, sa crispation sur la question de
l'autonomie fiscale des collectivités ont-ils un sens ? Surtout, cela répond-il
réellement aux besoins incontestables de réforme du système financier local
?
On me permettra de ne pas en être convaincu et de préciser ici les arguments
qui justifient ma position.
Revenons rapidement sur le postulat qui voudrait que le degré de libre
administration locale, et donc la dynamique de décentralisation, soit
prioritairement conditionné par la part des ressources fiscales dans le budget
de la collectivité.
Si l'on peut effectivement faire état d'une diminution de ce pourcentage
depuis plusieurs années en France - nous avons entendu les chiffres tout à
l'heure - il n'est pas sans intérêt de comparer la situation des pays européens
en la matière. La comparaison se révèle édifiante, et ce au regard des deux
critères objectifs qui permettent, à mes yeux, de rendre compte de la véritable
autonomie financière des collectivités locales, à savoir, d'une part, le
pourcentage du budget local financé par l'impôt, d'autre part, la capacité
réelle à définir l'assiette de l'impôt.
S'agissant de la part du budget local financée par l'impôt, on distingue
schématiquement quatre groupes de pays en Europe : premièrement, les pays
scandinaves, où les impôts représentent plus de 50 % des ressources des
collectivités, mais où l'impôt local est assis sur le revenu, ce qui constitue
déjà un gage de plus grande justice entre les contribuables ; deuxièmement, la
France, où les impôts représentent environ 45 % des ressources ; troisièmement,
l'Allemagne et la Grande-Bretagne, où les impôts représentent environ 30 % des
ressources. Vient, enfin, une quatrième catégorie comprenant des pays où les
impôts représentent environ 10 % des ressources ; c'est le cas, notamment, de
l'Italie et de l'Espagne.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
A l'exception des autonomies régionales en Espagne
!
M. François Marc.
Les impôts comptent tout de même pour 10 % du total !
On observe donc qu'en Allemagne les ressources fiscales comptent à peine pour
30 % du budget des collectivités, contre 45 % en France. Peut-on affirmer pour
autant que les
Länder
allemands disposent d'une moindre autonomie que
les collectivités locales françaises ? Il serait certainement ridicule de
l'affirmer !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
L'Allemagne est un Etat fédéral !
M. François Marc.
Le second paramètre important fait intervenir l'évaluation de la réelle
autonomie locale sur les recettes fiscales en termes de pouvoir de définition
de l'assiette de l'impôt et, plus particulièrement, des taux par les
collectivités locales.
A cet égard, l'examen comparatif des finances des gouvernements locaux
européens nous conduit nécessairement à tirer la conclusion suivante : la libre
administration des collectivités décentralisées réside non pas dans leur mode
de financement, singulièrement pas dans leur capacité à lever l'impôt, mais
plutôt dans leur latitude à décider librement et efficacement de leurs
dépenses, sur le long terme.
M. Michel Mercier.
Est-ce qu'on peut vraiment le faire, aujourd'hui ?
M. François Marc.
S'il est effectivement nécessaire de garantir aux collectivités un niveau de
ressources fiscales suffisant, comme le souligne le rapport Mauroy, le coeur de
la réforme des finances locales ne se situe pas sur ce seul terrain.
L'autonomie fiscale ne saurait être une fin en soi : elle ne vaut que si elle
est au service de la démocratie, de l'efficacité économique et sociale, et si
elle permet de renforcer la solidarité entre les territoires.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il y a une réelle différence entre nous, c'est vrai
!
M. François Marc.
Or, aujourd'hui, la fiscalité locale ne répond plus suffisament à ces
impératifs. C'est donc bien d'une réforme en profondeur que les finances
locales ont besoin, et non d'un simple toilettage, encore moins de pétitions de
principe.
On ne peut en effet nier les dysfonctionnements actuels du système financier
local dans notre pays, qui se manifestent à deux niveaux : d'une part, le
système financier local est générateur d'inégalités - entre contribuables, mais
aussi entre collectivités ; d'autre part, il est générateur d'incertitudes et,
de ce fait, ne favorise pas la gestion des collectivités à long terme.
La solution à ces dysfonctionnements doit être globale et s'appuyer sur une
refonte non seulement de la fiscalité locale, mais, plus généralement, du
système financier local. A cette fin, la force péréquatrice des dotations de
l'Etat doit être réaffirmée et affinée.
M. Gérard Miquel.
Bravo !
M. François Marc.
Avec tous les membres de mon groupe, je relève d'ailleurs que le comité des
finances locales, dont je salue ici le président, a adopté à l'unanimité une
position tout à fait encourageante et beaucoup moins frileuse que celle de la
majorité sénatoriale sur la péréquation horizontale, qu'il invite à
développer.
Dans le prolongement du rapport Mauroy, la récente note d'orientation sur la
réforme des finances locales nous propose des pistes de réflexion qui
envisagent à juste titre la question des finances locales à la fois en termes
d'objectifs, sous l'angle de la collectivité et du contribuable, et en termes
de moyens, sous l'angle de la fiscalité et des dotations de l'Etat.
De son côté, le comité des finances locales est revenu le 30 octobre dernier
sur la réforme des finances locales, parvenant à l'« accord unanime » dont je
faisais état.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il faut toujours se méfier de l'unanimité !
M. François Marc.
C'est donc bien sur ces principes cumulés que la réforme de la fiscalité
locale doit se construire, et c'est sur la base de ces réflexions que notre
groupe politique s'inscrira dans les débats de fond qui, sans nul doute,
nourriront les grands choix politiques des prochaines années.
A l'occasion du congrès de l'Association des maires de France, le Premier
ministre, Lionel Jospin, a insisté sur la nécessité qui s'impose aujourd'hui au
Gouvernement de préserver l'autonomie locale et, pour ce faire, d'assurer par
ses dotations un niveau suffisant de ressources à nos collectivités - car c'est
bien là l'essentiel ! - pour leur permettre de remplir leur difficile mission
de proximité.
M. Alain Gournac.
C'est amusant ! Les temps sont durs pour le Premier ministre
M. François Marc.
Une fois encore, cette année, le Gouvernement nous démontre ainsi l'intérêt
qu'il porte aux collectivités locales. Après avoir mis en oeuvre la grande
réforme de l'intercommunalité, il est aujourd'hui à même de dégager les fonds
nécessaires pour assurer un fonctionnement efficace et pérenne des
collectivités locales et de leurs groupements.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
N'en jurez pas trop !
M. François Marc.
L'ensemble des concours aux collectivités locales représente 56,15 milliards
d'euros en 2002, soit une progression de 8,4 % par rapport à 2001.
Cette évolution doit notamment permettre de prolonger les engagements prévus
dans le contrat de croissance et de solidarité : ainsi, la DGF augmente de plus
de 4 % en 2002. Elle permettra également d'assurer le financement d'une
politique d'intercommunalité dynamique et, surtout, de poursuivre une politique
de péréquation volontariste ; les dotations de solidarité urbaine et de
solidarité rurale auront ainsi respectivement progressé, depuis 1997, de plus
de 80 % et de plus de 60 %. Enfin, elle permettra d'assurer rigoureusement la
compenation des réformes fiscales.
Pour toutes ces raisons, monsieur le président, mes chers collègues, nous ne
pouvons suivre les préconisations de la majorité sénatoriale concernant les
recettes des collectivités locales. Nous apporterons notre total soutien à
l'action déterminée du Gouvernement en faveur des collectivités locales.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Alain Gournac.
Continuez comme cela, vous allez voir ! Vous êtes sur la bonne voie !
M. le président.
La parole est à M. Girod.
M. Paul Girod.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, comme
il est beau le panorama de l'indépendance, de l'aisance des collectivités
territoriales qui vient de nous être décrit ! Je crains toutefois que telle ne
soit pas tout à fait la réalité que nous rencontrons,...
M. Alain Gournac.
Moi non plus !
M. Paul Girod.
... nous, les élus locaux, sur le terrain.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Eh oui ! la base, ceux qui ont les souliers pleins de
boue !
M. Paul Girod.
Le Sénat, qui représente les élus locaux, est le lieu où peuvent s'exprimer
quelques nuances par rapport à ce que je viens d'entendre.
C'est d'ailleurs ce que je ferai, mais très brièvement, d'abord parce que le
temps de parole qui m'est imparti est court, ensuite parce que M. Fourcade,
avec l'autorité que lui confèrent ses fonctions de président du comité des
finances locales, a tout à l'heure remarquablement exposé la réalité du
panorama devant lequel nous nous trouvons.
Cette réalité, madame le secrétaire d'Etat, n'est pas tout à fait conforme à
ce que nous venons d'entendre.
Il est vrai, que vous l'acceptiez ou non, que l'indépendance des collectivités
territoriales se réduit d'année en année.
M. Henri de Raincourt.
C'est vrai !
M. Paul Girod.
Elle se réduit sur le plan financier comme sur le plan des contraintes et des
réglementations ; elle se réduit par une espèce d'effet de ciseaux - vous
feriez bien de l'observer avec un peu plus de sérieux, madame le secrétaire
d'Etat, que ne semble le faire le Gouvernement -, effet de ciseaux que signale
cette phrase, prononcée chaque fois qu'une nouvelle politique est annoncée : «
Et les collectivités territoriales seront amenées à y apporter leur
contribution. »
(M. Gournac s'esclaffe.)
Je prétends pour ma part que,
s'il fallait procéder tout de suite à une réforme constitutionnelle, ce serait
à celle qui supprimerait cette phrase préenregistrée des machines à traitement
de texte du Gouvernement.
(Très bien ! et applaudissements sur certaines
travées du RDSE, et sur celles de l'Union centriste, du RPR et des Républicains
et Indépendants.)
M. Alain Gournac.
C'est lui qui décide pour nous !
M. Paul Girod.
Oui, cela arrive tous les jours, même lors de l'élaboration des dotations, qui
ont pourtant été le point de départ de la décentralisation.
Avant 1981 a été instituée la dotation globale de fonctionnement, grâce à
laquelle l'Etat redistribuait aux collectivités territoriales, par une
péréquation, une de leurs anciennes ressources, leur permettant ainsi de
fonctionner en toute liberté.
A l'intérieur des dotations de l'Etat sont apparus des mécanismes toujours
plus nombreux qui conduisent les collectivités à ne bénéficier des crédits qu'à
la condition d'accepter les évolutions structurelles ou techniques que le
Gouvernement cherche à leur imposer.
Madame le secrétaire d'Etat, il ne suffit pas de dire que la dotation globale
de fonctionnement de l'ensemble des organismes de péréquation intercommunale
progresse pour rendre compte de la réalité des difficultés devant lesquelles se
trouvent les communautés de communes de première génération : elles se voient
de plus en plus souvent privées de dotation globale de fonctionnement, qui
désormais profite davantage aux systèmes de coopération intercommunale à taxe
professionnelle unique.
Si l'indépendance des collectivités territoriales consiste à regarder l'Etat
distribuer la manne selon leur comportement, selon qu'elles obéissent ou non
aux stratégies gouvernementales, alors, vous avez raison, madame le secrétaire
d'Etat. Mais ce n'est pas notre conception de l'autonomie locale.
C'est l'une des nombreuses raisons qui me poussent à suivre les excellentes
recommandations de la commission des finances.
J'ajouterai une dernière remarque. Comparaison n'est pas raison et, à propos
des contributions et de l'autonomie fiscale en Allemagne et en France, il faut
garder à l'esprit que ce qui a été dit ici est juste dans l'état actuel des
choses. Car, si l'on évoque les anciens
Länder,
ceux de la partie
occidentale de l'Allemagne, la comparaison ne se fait pas dans les mêmes termes
: ramener le poids des ressources fiscales à 30 %, c'est tenir compte de
l'énorme effort de péréquation qui est fait, à l'intérieur de l'Allemagne, en
faveur des régions de l'ancienne Allemagne de l'Est, ruinées par qui vous savez
pendant près de quarante ans. Il faut être beaucoup plus prudent dans la
manipulation des statistiques et des observations !
Si je dois être honnête, je dirai qu'aucun d'entre nous, aucun responsable
local n'a le sentiment que son indépendance et, partant, son degré de
responsabilité vis-à-vis de ses électeurs ont augmenté depuis cinq ans.
(Très bien ! et applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que
sur celles de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Lecerf.
M. Jean-René Lecerf.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en
préliminaire à mes propos dans ce débat sur les recettes des collectivités
locales, je souhaiterais reconnaître que le traitement financier qui leur est
fait s'avère, quantitativement et dans l'ensemble, convenable.
La prorogation en 2002 du contrat de croissance et de solidarité permet aux
collectivités locales de percevoir, au moins pour partie, les fruits de la
croissance, même si l'on peut regretter que le coefficient d'indexation, après
avoir évolué de 20 % en 1999 à 25 % en 2000, soit, comme en 2001, resté bloqué
à 33 %, sans atteindre la moitié de la croissance du produit intérieur brut,
comme l'immense majorité des élus locaux l'appelaient de leurs voeux.
Il faut aussi raison garder et ne pas évoquer la progression de près de 8 %
par an depuis 1997 des concours de l'Etat aux collectivités locales,
progression qui, chacun en a clairement conscience, intègre bien abusivement
les compensations accordées au titre des différentes réformes de
recentralisation des finances locales.
Méfions-nous également d'un risque de surestimation du taux de croissance à
venir, qui pourrait annoncer des lendemains qui déchantent avec, par exemple,
une régularisation négative de la DGF en 2003 au titre de la répartition en
2002.
Mais ce n'est pas là que résident les principales préoccupations dont je
souhaite vous faire part.
On enseignait naguère aux jeunes étudiants en droit que l'on reconnaissait les
collectivités locales à trois caractéristiques essentielles : une compétence
générale - « le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de
la commune » ; un organe délibérant élu au suffrage universel direct ; le
pouvoir de lever l'impôt.
Or, c'est bien cette autonomie financière des communes, légitimée par le vote
des citoyens contribuables, qui se trouve mise à mal aujourd'hui, au point que
le président de notre assemblée et un certain nombre de nos collègues ont
déposé l'année dernière une proposition de loi constitutionnelle garantissant
le principe d'un financement majoritaire de nos collectivités par la
fiscalité.
La liste des réformes de recentralisation des finances locales est trop bien
connue pour que l'on s'y attarde : suppression de la part salaires de la taxe
professionnelle, de la part régionale de la taxe d'habitation, de la vignette
automobile, du contingent communal d'aide sociale, etc. La prise en charge de
la fiscalité locale par l'Etat prend aujourd'hui une importance telle pour la
fiscalité, tant directe qu'indirecte, que nos communes apparaissent de plus en
plus, selon la formule bien connue, comme « des enfants qui seraient à la fois
majeurs et capables, mais qui n'auraient pour vivre que l'argent de poche donné
par leurs parents ».
Ne nous y trompons pas, c'est la substance même de la mission de l'élu local
qui se trouve ainsi altérée. Perdant toute possibilité d'agir sur l'évolution
des recettes de leur collectivité, bon nombre d'entre eux s'interrogent sur la
pertinence d'un rôle futur d'inaugurateur de chrysanthèmes ou de maire
d'opérette. Encore faut-il s'estimer heureux lorsque la compensation est
intégrale, lorsqu'elle ne se fige pas au taux de l'année de référence de
l'impôt concerné ou qu'elle n'ignore pas superbement, comme c'est le cas pour
la part salaires de la taxe professionnelle, les implantations d'entreprises
postérieures à la réforme.
Quant au budget de l'Etat, il n'y trouve pas davantage son compte, dans la
mesure où l'extrême rigidité induite par ces transferts supprime les rares
marges de manoeuvre et d'initiative qui lui restaient encore.
Un deuxième sujet de forte préoccupation réside dans l'aggravation des charges
qui pèsent sur nos communes. Ce thème n'est pas nouveau : chacun sait l'ardent
besoin de politique de proximité de nos concitoyens et les initiatives que les
maires ont dû prendre dans le domaine de la sécurité, du cadre de vie, du
développement économique, de la lutte contre le chômage.
Je n'évoquerai pas, faute de temps, l'extrême lourdeur de la contribution des
communes et des départements aux services départementaux d'incendie et de
secours. Il s'agit pourtant, incontestablement, d'un service de sécurité
publique qui, à ce titre, pourrait être placé sous l'autorité du préfet et
financé par l'Etat, comme le suggère d'ailleurs le rapport Mauroy.
De même, le transfert des charges lié à la mise en place de l'aménagement et
la réduction du temps de travail, l'ARTT, entraînera une aggravation importante
des dépenses de fonctionnement des communes.
Ce transfert de charges présente un caractère bien particulier. Sans
compensation d'aucune sorte cette fois, à la différence de ce qui est fait pour
le secteur privé, nous serons contraints, dès le 1er janvier 2002, ou bien de
baisser de manière significative la qualité du service rendu à nos administrés,
ou bien de recruter, parfois en grand nombre, de nouveaux collaborateurs qui
viendront encore abonder les effectifs de la fonction publique territoriale,
déjà fort importants au regard de la situation des pays qui nous entourent.
Cette évolution placera les maires devant une douloureuse alternative : soit
ils feront le choix d'augmenter la pression fiscale, au détriment des
contribuables locaux, soit ils seront contraints de diminuer les
investissements, l'une et l'autre solution étant lourdes de conséquences sur la
qualité de la gestion des collectivités locales et sur le bien-être des
populations.
Je terminerai en évoquant une piste de réformes qui, si elles manquent
totalement d'originalité, n'en sont pas moins absolument nécessaires, et en
rappelant les lignes de conduite qu'il me paraîtrait dangereux d'oublier dans
les rapports financiers entre les communes et les intercommunalités.
Les bases des valeurs locatives sont devenues, depuis longtemps déjà, aussi
obsolètes qu'inacceptables. Elles engendrent aujourd'hui une profonde injustice
et perturbent totalement les mécanismes de péréquation financière mis en place,
tant par l'Etat que par les régions et les départements, à l'égard des
communes.
Que signifient désormais des notions comme celles de potentiel fiscal ou
d'effort fiscal, dont les conséquences financières sont considérables, qui sont
liées à des bases locatives estimées voilà plus de trente ans et totalement
déconnectées de la réalité d'aujourd'hui ?
Pis encore, les mécanismes de réévaluation des bases, en affectant les unes et
les autres du même coefficient, ne font qu'accentuer, année après année,
l'aberration du système. Plus personne aujourd'hui n'est surpris que des
habitations de même valeur vénale relèvent de valeurs locatives qui oscillent
de un à trois, si ce n'est davantage. Si, sur l'initiative des communes,
l'ajustement peut se faire par les taux - mais que veut dire alors l'effort
fiscal ? - les contributions communautaires, départementales et régionales
relèvent désormais, pour l'essentiel, d'un heureux ou d'un malheureux héritage.
Voilà une dizaine d'années, comme beaucoup d'entre vous et avec l'aide des
services fiscaux, j'ai passé d'innombrables heures à travailler sur la révision
des évaluations cadastrales. Un travail à la fois considérable et fort sérieux
avait été accompli. Gouvernement après gouvernement, on sait ce qu'il en
advint.
Je crois que c'est le président Queuille qui avait coutume de dire qu'il
n'était pas de problème insoluble qu'une absence de solution ne finisse par
régler.
M. Gérard Longuet.
On le lui prête, en tout cas !
M. Jean-René Lecerf.
Je constate que ce n'est pas le cas en cette affaire dans laquelle nous
compromettons la véritable autonomie de nos collectivités et la justice fiscale
la plus élémentaire.
Enfin, si chacun constate le développement remarquable et nécessaire de
l'intercommunalité, avec la loi du 6 février 1992 et, surtout, avec celle du 12
juillet 1999, il ne faudrait pas que celui-ci s'opère au détriment des communes
et des solidarités de vie. Prenons garde à ce que les moyens financiers des
intercommunalités, notamment par le biais de la DGF, ne laissent pas exsangues
les communes, qui devront toujours faire face aux responsabilités essentielles
de proximité. Ne croyons pas que des motifs d'intérêt financier à court terme
ou de solidarité politique puissent se substituer à l'incontournable réalité
humaine des bassins de vie.
Faisons en sorte qu'intercommunalités et communes affirment leur
complémentarité, sans nous résigner à l'absorption délibérée ou honteuse de
l'échelon communal, auquel nos populations et nous-mêmes sommes
fondamentalement attachés.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
(M. Adrien Gouteyron remplace M. Serge Vinçon au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON
vice-président
M. le président.
La parole est à M. Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur.
Le projet de budget que vous nous présentez, madame la secrétaire d'Etat,
comporte de très bons chiffres : deuxième poste du budget de l'Etat, il
progresse de plus de 7,5 %, l'enveloppe normée augmentant de 2,25 %, la DGF de
4,07 % et l'ensemble des subventions de fonctionnement aux collectivités
territoriales de 7,4 %.
En écoutant certains des orateurs qui m'ont précédé, je me disais que, si vous
aviez proposé une augmentation de la DGF de 0 %, de 1 %, de 2 % ou de 3 %, on
aurait pu dire que ce n'était pas assez. On l'aurait certainement dit. Mais,
là, force est de reconnaître que, ni depuis le début de la législature, ni au
cours des sept dernières années, nous n'avons connu une progression de la DGF
aussi importante que celle que nous constatons aujourd'hui.
M. Dominique Braye.
Et les charges ?
M. Jean-Pierre Sueur.
Il faut le dire parce que c'est la simple vérité et qu'il est toujours
important de reconnaître la vérité.
M. Eric Doligé.
Là, c'est trop !
M. Jean-Pierre Sueur.
Cette situation tout à fait favorable nous permet de vous interroger sur
quelques propositions de réformes évoquées, en particulier, par le comité des
finances locales.
Je veux aborder deux points, le premier concernant la DSU.
La DSU progresse de 5 %, taux qui ne se traduit pas par une progression
identique pour toutes les communes qui la perçoivent : pour certaines, la
dotation diminue, pour d'autres, elle augmente. Si je le précise, madame la
secrétaire d'Etat, c'est parce que je veux attirer votre attention sur le fait
que le système de ce que l'on appelle les dotations d'aménagement, c'est-à-dire
les crédits de l'intercommunalité, la DSU et la DSR, risque de devenir assez
vite pervers, le niveau de la DSU résultant en quelque sorte de l'augmentation
des crédits affectés à l'intercommunalité. Or je crois qu'il importe de
déconnecter ces deux éléments : les crédits affectés à l'intercommunalité
augmentent parce que c'est nécessaire, mais leur augmentation ne devrait pas
avoir de répercussion sur la DSU, compte tenu de l'ardente nécessité de
l'action en faveur du renouvellement urbain dans nos villes, qui, vous le
savez, a un coût très élevé.
Le second point sur lequel je veux insister concerne une autre orientation de
réforme qui me paraît tout à fait nécessaire. Dans ce projet de budget, les
dotations de l'Etat représentent 374 milliards de francs. Il est en effet
légitime, comme plusieurs orateurs l'ont fait, de s'interroger sur le
bien-fondé de l'inscription dans le budget de l'Etat d'une telle somme, payée
par le contribuable national pour être redistribuée aux diverses collectivités
locales.
Pour ma part, je crois que cette somme importante n'a, en fait, de
justification que parce qu'elle peut permettre la péréquation. Or, lorsque nous
examinons l'ensemble du dispositif des dotations de l'Etat aux collectivités
locales, nous constatons que la part réelle de la péréquation, c'est-à-dire la
part qui est véritablement répartie, représente au plus 6 % ou 7 % - si c'est
davantage, ce n'est pas de beaucoup - des 374 milliards de francs. Il suffit
d'ailleurs de prendre l'exemple de la DGF. On peut dire que la DSU participe de
la péréquation. On peut dire que la DSR participe, en partie, de la
péréquation. Puis il y a cette immense dotation forfaitaire dont le calcul
reste, depuis 1993, guidé par les mêmes principes totalement fixistes.
Or les dotations de l'Etat d'une certaine importance n'ont de sens que s'il y
a davantage de péréquation. Mais, pour qu'il y ait à l'intérieur de l'« objet »
appelé DGF davantage de péréquation, il faut revoir non seulement
l'architecture de la sous-dotation dite d'« aménagement », mais aussi
l'architecture d'ensemble de la dotation forfaitaire.
Ce sont les deux points sur lesquels je voulais vous interroger, madame la
secrétaire d'Etat, tout en insistant sur le fait que, en dépit des critiques
formulées tout à l'heure, il s'agit d'un excellent projet de budget.
Certains orateurs ont contesté la suppression de la part salariale de la taxe
professionnelle. C'est pourtant une excellente mesure dont chacun se félicite,
en particulier dans les milieux économiques.
Quant aux critiques formulées à propos de l'APA, je considère qu'il est tout
de même normal qu'une aide qui ne profitait qu'à 130 000 personnes et qui
s'adressera demain à 800 000 personnes, voire à 850 000, voie son coût
augmenter !
M. Michel Mercier.
Ceux qui décident doivent payer !
M. Jean-Pierre Sueur.
Monsieur Mercier, souvenons-nous, d'une part, que l'APA coûte moins cher aux
départements que l'APCT et la PSD...
M. Michel Mercier.
Non !
M. Jean-Pierre Sueur.
... que, d'autre part, le Gouvernement a mis en place un dispositif qui fait
appel à la fois à la CSG, au budget de l'Etat, à celui de la sécurité sociale
et à la solidarité dont se réclament à très juste titre les départements.
Madame la secrétaire d'Etat, je vous remercie donc de nous présenter un projet
de budget très positif qui nous permet d'envisager avec davantage d'optimisme
la mise en place des réformes à venir.
(Applaudissements sur les travées
socialistes.)
M. Eric Doligé.
Et les prochaines élections !
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, je dois dire que j'éprouve une profonde satisfaction à participer à
ce débat, qui n'est pas encore une habitude mais qui est déjà, on peut le dire,
une institution.
Permettez-moi aussi de me réjouir tout à la fois de votre présence en nombre
dans l'hémicycle cet après-midi et de la grande qualité des interventions que
j'ai pu entendre.
Le Sénat, chambre des collectivités territoriales, aura sans doute à coeur
d'être la chambre du dialogue et de la vérité.
Vous savez que les finances locales sont, pour les législateurs que vous êtes,
comme pour les élus locaux, nombreux parmi vous, et pour l'exécutif, le nerf
indispensable de la démocratie locale, mais qu'elles sont aussi au carrefour -
et c'est parfois délicat - de l'efficacité, de la justice et de la
solidarité.
C'est par ailleurs un domaine dans lequel aucune proposition ni de ma part ni
de la vôtre, ne saurait être responsable sans que ses conséquences soient,
jusqu'au bout, prises en compte.
C'est enfin un domaine où nous avons, à l'égard des Français et des
différentes catégories de collectivités, un devoir de réforme, afin de
l'orienter vers l'avenir.
Le système actuel est l'addition de deux cents ans d'histoire, d'un siècle et
demi de développement économique mais aussi d'exode rural, de cent ans de
traditions républicaines locales, de vingt ans de décentralisation, et aussi e
dialogue interrégional sur le plan européen.
Cet héritage, c'est une force et c'est aussi un élément d'identité de la
France, mais nous devons nous assurer de sa compatibilité avec le xxie
siècle.
Avant d'apporter des éléments de réponse aux différents intervenants, je veux
vous faire part de quelques réflexions sur les mesures adoptées depuis le début
de la législature et sur celles qui sont proposées dans le présent projet de
loi de finances.
La question des ressources des collectivités locales constitue évidemment un
enjeu majeur, tant pour l'exercice quotidien de la démocratie que pour nos
finances publiques.
D'un mot, je veux d'abord évoquer les conditions qui me paraissent devoir être
remplies pour que le débat entre nous soit davantage qu'une addition de points
de vue.
Tout d'abord, il faut admettre qu'entre le Gouvernement et les élus locaux, le
même sujet, celui des finances locales, est nécessairement considéré sous des
angles différents.
La vision des élus locaux sur les finances locales, qu'il s'agisse de
fiscalité ou de dotations de l'Etat, est intrinsèquement liée à la préparation
et à l'exécution des budgets locaux, départementaux ou régionaux, c'est-à-dire
aux moyens dont ils disposent pour répondre aux attentes de leurs
administrés.
Pour ma part, je suis conduite à examiner toutes ces questions sous un angle
plus général, en intégrant les finances locales au sein de l'ensemble que
constituent les finances publiques. Il faut avoir la franchise de reconnaître
que, si nous n'y prêtons pas attention, cette différence d'optique peut nous
conduire, les uns et les autres, à de nombreux malentendus. Pour remédier à ces
possibles effets d'optique, il faut que soient réunies les conditions
permettant d'améliorer la lisibilité des relations entre les collectivités
locales, les contribuables et l'Etat.
Vous conviendrez avec moi que nos finances locales sont d'une rare complexité.
Le président de la commission des finances, M. Lambert, l'a déploré en
introduction en déclarant que cette complexité était « nuisible à l'exercice
éclairé de la démocratie parlementaire ».
Il ne faut pas cacher non plus que cette complexité est aussi le fruit de
l'accumulation de mesures ou de réformes qui, en partie au moins, ne sont pas
totalement étrangères à l'exercice de la démocratie parlementaire, mais je ne
m'en plains pas !
C'est donc un sujet de spécialistes, et toute réflexion sur l'évolution des
finances locales qui s'arrêterait aux seuls principes et objectifs généraux
risquerait de créer, certains l'ont dit, insatisfaction et frustration si, dans
le même temps, nous n'examinions pas de manière attentive les conditions de
mise en oeuvre.
C'est pour cette raison que le Gouvernement a engagé, en concertation avec les
associations d'élus et le comité des finances locales, un travail approfondi de
réflexion sur les voies et moyens d'une réforme des finances locales. J'y
reviendrai dans un instant.
Mais, auparavant, je veux faire un court détour et présenter le bilan de
l'action conduite depuis 1997, dans une version différente de celle que
certains ont pu exposer ; je donnerai ensuite un coup de projecteur, rapide, je
vous rassure, sur le projet de loi de finances pour 2002.
Ces cinq dernières années ont été marquées par la volonté du Gouvernement de
donner aux collectivités locales des moyens croissants pour mener leurs
actions, comme l'ont souligné avec beaucoup d'objectivité Michel Sergent et les
autres orateurs du groupe socialiste.
A cet égard, je ne multiplierai pas les chiffres, mais je rappellerai que la
DGF a progressé de 16 % en cinq ans, tandis que les dépenses de l'Etat ont
augmenté de 8 %, soit moitié moins, sur la même période. Si cette présentation
ne convient pas au président Lambert, comme il m'a semblé le comprendre, je
suis tout à fait disposée à dire, si cela lui agrée davantage, que les recettes
des collectivités locales provenant de l'Etat ont crû deux fois plus vite que
les dépenses de celui-ci...
M. Michel Mercier.
Et les dépenses ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
J'y vois pour ma part trois raisons : le dynamisme de
la croissance économique ces cinq dernières années, les moyens importants mis
en place pour faire progresser l'intercommunalité et, enfin, la volonté
constante du Gouvernement de promouvoir une péréquation plus efficace.
Considérons aussi que l'association des collectivités locales aux fruits de la
croissance, telle qu'elle a été pratiquée depuis 1999 dans l'optique du contrat
de croissance et de solidarité, a permis de conforter la situation de ces
collectivités dans un cadre partenarial qui, je peux l'affirmer, a été
rénové.
En effet, si l'on établit une comparaison avec la situation qui aurait résulté
de la prolongation du pacte établi en 1996, la différence s'élève, pour 2002, à
1 milliard d'euros, et si l'on cumule les écarts constatés depuis 1999, année
du début de la mise en oeuvre du contrat de croissance et de solidarité, le
total atteint près de 3 milliards d'euros.
A ce propos, j'indique par parenthèse qu'il ne faudrait pas croire que la
majorité sénatoriale s'était réjouie de la mise en place du pacte de stabilité.
Elle l'avait voté, certes, mais tout en manifestant au gouvernement de l'époque
les insatisfactions que suscitait ce pacte unilatéral. Les débats de la fin de
l'année 1995 en attestent.
En revanche, ce que j'ai trouvé paradoxal, au point d'en avoir été presque
choquée, c'est d'entendre aujourd'hui des propos plus durs, s'agissant des
recettes des collectivités locales, que ceux qui avaient été prononcés alors :
le président de la commission des finances, M. Alain Lambert, s'en souvient
sûrement, puisqu'il rapportait le projet de budget pour 1996. Une telle
attitude n'est pas très objective. Néanmoins j'ai entendu bon nombre de
responsables politiques, y compris des membres de l'opposition nationale, y
compris cet après-midi même, reconnaître que 2002 était, somme toute, un bon
cru pour les collectivités locales. Je veux croire que ce sont eux, et je ne
citerai personne, qui ont raison.
(Très bien ! et applaudissements sur les
travées socialistes.)
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Vous en dites trop ou pas assez !
M. Dominique Braye.
Vous prenez vos rêves pour des réalités !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Je ne voudrais pas non plus que, parce qu'ils ont
salué l'évolution pour 2002 des concours apportés par l'Etat aux collectivités
locales et qu'ils souhaitent tempérer en quelque sorte cet hommage, certains se
complaisent dans une forme de pessimisme, que j'ai également perçue, pessimisme
qui s'exprime dans l'inquiétude qu'ils nourrissent à l'égard des
régularisations futures de la DGF.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
A partir d'un taux de croissance illusoire !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
J'ajouterai simplement, en ce qui concerne la
régularisation éventuelle de la DGF en 2003, que nous avons retenu une
hypothèse de croissance de 2,3 % pour 2001 et que, pour l'heure, tous les
indicateurs - il s'agit de constats et non de prévisions - montrent que la
croissance française a d'ores et déjà atteint 2,1 % en 2001.
M. Gérard Braun.
Vous rêvez !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
A l'heure actuelle, on ne relève donc pas d'écart
majeur. Or ce chiffre a été arrêté à la fin du troisième trimestre.
Quant aux prix, l'hypothèse retenue pour le taux d'inflation est de 1,5 % : si
une régularisation devait intervenir, elle serait faible, voire nulle, alors
que les régularisations avaient été très importantes, dans un sens comme dans
l'autre, entre 1997 et 2001.
Je crois donc que le pessimisme qui s'est manifesté est de mauvais aloi et que
la régularisation de la DGF constitue un angle d'attaque peu pertinent.
Au total, depuis 1997, les concours de l'Etat aux collectivités locales ont
donc augmenté. Si l'on ne tient pas compte des réformes fiscales, car cela
pourrait troubler les comparaisons, on constate que ces concours ont augmenté
de 2,5 % par an, ce qui est nettement supérieur à l'évolution moyenne des
dépenses de l'Etat. A ce propos, que les choses soient claires : je ne déplore
pas cette évolution, je souhaite simplement que chacun puisse mesurer les
progrès enregistrés.
Si le montant des concours de l'Etat aux collectivités locales dépasse
désormais 368 milliards de francs, les ressources fiscales sont également
importantes. Elles ont connu des réformes majeures, et je ne crois pas,
contrairement au président Poncelet, que cette législature ait été un
rendez-vous manqué.
(Tout à fait ! sur les travées socialistes.)
D'ailleurs, ces réformes sont appréciées par nos concitoyens et sont
bénéfiques pour notre économie.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cela consiste à faire des cadeaux !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Certains y ont vu un mouvement de recentralisation
sans précédent ; mais, en matière de décentralisation, il y a ceux qui en
parlent et ceux qui la mettent en oeuvre.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
On sait ce que c'est que gérer !
M. Dominique Braye.
Il y a ceux qui décentralisent et il y a ceux qui recentralisent tous les
jours !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
MM. Murat et Lecerf nous ont beaucoup critiqués sur ce
point.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Nous sommes sur le terrain, nous constatons !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Je me contenterai de répéter ce que M. le Premier
ministre a dit mieux que moi, à savoir que, en matière de décentralisation, il
y a ceux qui en parlent et ceux qui la font,...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il y a ceux qui subissent la centralisation !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
... ou encore je paraphraserai Laurent Fabius, selon
lequel il y a les « faiseux » et les « diseux » !
(Très bien ! et
applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est bien répété, mais la réalité, on la vit tous
les jours !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Les réformes que j'évoquais à l'instant sont donc
parfois l'objet de mauvais procès. Certes, l'Etat n'est pas toujours au-dessus
de toute critique s'agissant de ses relations avec les collectivités locales,
je suis prête à le reconnaître, mais, puisque certains d'entre vous, mesdames,
messieurs les sénateurs, ont parlé de l'allocation personnalisée d'autonomie,
je tiens à souligner que c'est à tort que l'on nous reproche un manque de
concertation sur ce sujet.
En effet, au mois de mai 2000, M. Jean-Pierre Sueur a remis un rapport sur les
grandes orientations de cette réforme, qui a été rendu public et qui a
constitué le support de la réflexion ultérieure. Un certain nombre de réunions
de concertation se sont tenues ensuite à l'Assemblée des départements de
France, puis des correspondances ont été échangées avec M. Puech, président de
l'assemblée des présidents de conseils généraux.
Je ne m'y attarderai pas davantage, mais j'estime qu'il faut faire la part des
choses entre les procès justifiés et les mauvais procès.
M. Michel Mercier.
Me permettez-vous de vous interrompre, madame le secrétaire d'Etat ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Je vous en prie, monsieur le sénateur.
M. le président.
La parole est à M. Mercier, avec l'autorisation de Mme le secrétaire
d'Etat.
M. Michel Mercier.
Je vous remercie, madame le secrétaire d'Etat, d'avoir accepté que je vous
interrompe.
La fable de la concertation avec l'Assemblée des départements de France à
propos de l'APA est un peu trop souvent récitée lorsque l'on est à court
d'arguments. Pour ma part, je voudrais exposer ce que nous avons véritablement
vécu.
Vous avez indiqué, à juste titre, que M. Sueur avait rédigé un rapport à la
demande de Mme Aubry, que nous avons effectivement rencontrée.
Cependant, nous avons cessé tout contact avec le Gouvernement à la suite de la
conclusion, au mois de juillet 2000, d'un accord entre l'Assemblée des
départements de France et Mme Aubry qui portait sur l'élargissement du nombre
des allocataires, l'allocation étant accordée sous condition de ressources, le
plafond de celles-ci étant fixé, comme l'avait souhaité Mme Aubry, à 13 000
francs par mois avec recours sur succession.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Oui !
M. Michel Mercier.
Le Gouvernement a ensuite présenté un autre projet devant la représentation
nationale. Nous lui en reconnaissons tout à fait le droit, mais il n'y a pas eu
de concertation ni d'accord avec l'ADF sur ce texte. L'accord donné par
l'Assemblée des départements de France concernait uniquement le précédent
projet, et il est donc faux de prétendre autre chose.
(Applaudissements sur
les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
Veuillez poursuivre, madame le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Je ne voudrais pas prolonger cet échange, mais il me
semble que des projets de décret ont été préparés pour assurer la mise en
oeuvre de l'APA et qu'ils ont été transmis. Sauf erreur de ma part, un certain
nombre d'observations formulées par l'ADF ont même été prises en compte.
M. Michel Mercier.
Pour les décrets, mais pas pour le projet !
M. Dominique Braye.
Ne transformez pas les choses !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Pour en revenir maintenant aux réformes des finances
communales engagées par le Gouvernement, celles-ci s'articulent autour de trois
axes politiques.
En premier lieu, nous visons un objectif de justice sociale avec la réforme
des dégrèvements de taxe d'habitation. Cette mesure permet d'accroître le
pouvoir d'achat des ménages les plus modestes, et ce sans opérer de
discrimination en fonction de la nature de leurs revenus.
En deuxième lieu, sur le plan économique, la priorité a été donnée à la
création d'emplois avec la suppression progressive de la part salariale de la
taxe professionnelle.
En troisième lieu, nous avons souhaité promouvoir la solidarité territoriale
avec l'incitation à recourir à la taxe professionnelle unique et à développer
l'intercommunalité.
Le projet de loi de finances pour 2002 prolonge et consolide la politique mise
en oeuvre depuis 1998. Je pense ici, en particulier, au développement de
l'intercommunalité ou à l'association des collectivités locales aux fruits de
la croissance. Cette association a été confirmée dans le cadre d'un contrat qui
a été reconduit en 2002 sur les mêmes bases qu'en 2001 : c'était un engagement
que le Premier ministre avait pris lors d'un débat organisé le 17 janvier
dernier à l'Assemblée nationale.
L'enveloppe normée des concours de l'Etat progressera ainsi de 3,5 % en 2002
par rapport au budget voté pour 2001, c'est-à-dire presque deux fois plus vite
que les dépenses de l'Etat. Ce dispositif fera l'objet de l'article 21, que
nous examinerons tout à l'heure.
L'article 22 prévoit quant à lui la consolidation, au sein de la DGF, du
financement des communautés d'agglomération. Les concours externes en
provenance de l'Etat ou de la DCTP, qui contribuaient jusqu'en 2001 au
financement de ces communautés, seront ainsi consolidés.
Avec cette mesure, le financement des communautés d'agglomération s'inscrira
donc dans la durée. Il doit être relevé que la DCTP, dont l'évolution et le
rôle futur dans l'optique d'un dispositif normé préoccupaient M. Foucaud, ne
sera plus prélevée en gestion, à partir de 2002, au profit de cette
affectation.
L'article 23 du projet de loi de finances prévoit un aménagement du
financement de la garantie des communautés urbaines. Il ne remet pas en cause
le montant des garanties, mais il comporte des modalités de financement plus
conformes au droit commun, ce qui répond à un voeu du comité des finances
locales.
Avec ces mesures, et quand bien même la progression de la DGF serait de plus
de 4 % par rapport au budget voté pour 2001, la dotation de solidarité urbaine
et la dotation de solidarité rurale accordée au titre des bourgs-centres
auraient pu connaître une évolution que le Sénat n'aurait pas jugée
satisfaisante. Cela s'explique en particulier, comme l'a souligné tout à
l'heure M. Sueur, par le poids important de la progression de la part
forfaitaire de la DGF ainsi que par l'accroissement des besoins de financement
de l'intercommunalité.
Dans ce système, la DSU et la DSR, qui jouent un rôle très important dans
notre système de péréquation et dont le niveau est déterminé, en dernier
ressort, en tant que solde de la DGF, ne progresseraient pas si un abondement
exceptionnel n'était pas prévu en 2002.
Par conséquent - tel est l'objet des articles 24 et 25 - le Gouvernement
propose d'inscrire deux abondements exceptionnels qui permettront à chacune de
ces dotations de progresser de 5 % en 2002.
Je rappellerai que, depuis 1997, la DSU a progressé de près de 80 % et la DSR
des bourgs-centres de près de 70 %. Cela, monsieur Bourdin, n'est pas la
conséquence automatique de l'application des textes, qui, en effet, s'imposent
à tous. Ce n'est pas non plus le simple accompagnement de la croissance, à
laquelle, selon vous, ce Gouvernement, n'est pour rien. C'est le résultat de la
volonté politique de ce Gouvernement de financer ses priorités, au premier rang
desquelles figure la péréquation.
Je ne peux pas non plus vous laisser dire, monsieur Bourdin, que, au fond,
l'évolution des charges de personnel est absolument inacceptable, parce que si
l'on dit cela, il faut aller au bout de son propos, il faut dire si l'on est
pour ou contre l'évolution du point de la fonction publique.
M. Eric Doligé.
Cela n'a rien à voir !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Après tout, un gouvernement appartenant à une autre
majorité avait, en effet, gelé la valeur de ce point. Il faut dire aussi si
l'on est pour ou contre la réduction des emplois des collectivités locales -
c'est un choix, mais il faut être cohérent.
M. Michel Sergent.
Tout à fait !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Il faut aussi dire si l'on est pour ou contre la prise
en charge directe par l'Etat des dépenses de personnel des collectivités
locales, parce que si tel est le cas il faut arrêter de nous parler de libre
administration des collectivités locales.
(Applaudissements sur les travées
socialistes.)
M. Michel Sergent.
Très bien !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Je ne serais pas complète, si je n'évoquais la
proposition du Gouvernement d'offrir un règlement définitif à un contentieux
ancien que l'on appelle « le contentieux Pantin », qui est lié aux
compensations d'abattement de taxe professionnelle sur les rôles
supplémentaires. C'est, je crois, une disposition importante de ce projet de
loi de finances.
Je rappelle, sans esprit de polémique, que ce sujet, bien connu des élus et de
tous les ministres qui m'ont précédée depuis près de quinze ans, trouve son
origine dans la loi de finances pour 1987 et dans l'application qui en a été
faite depuis. Il est apparu sous un jour nouveau depuis quelques mois, parce
que le Conseil d'Etat, au terme d'une procédure longue, a prononcé le droit au
mois d'octobre 2000, mais cet arrêt est aussi récent que le problème était
ancien. Je reviendrai, dans le cours du débat, sur la méthode qui a guidé le
Gouvernement sur ce sujet, l'équilibre et la transparence en étant les maîtres
mots. Au total, 292 millions d'euros seront mobilisés pour régler ce
contentieux, en plus d'un retour à une situation plus claire pour l'avenir.
Vous pouvez donc le constater, le projet de loi de finances pour 2002
s'inscrit pleinement dans les perspectives tracées depuis 1997 par ce
Gouvernement : une politique dynamique associant les collectivités locales aux
fruits de la croissance, un accent fort mis sur les priorités que sont la
péréquation et l'intercommunalité. Cette ambition a évidemment un coût et les
moyens mis en place par l'Etat ont permis de contribuer largement à son
financement.
Alors que cette législature s'achève, je crois utile de dresser le constat qui
nous permettra, je l'espère, d'inventer les finances locales de demain. Je l'ai
dit, ce Gouvernement a mis en oeuvre des réformes importantes pour les
collectivités locales. Il en a assuré le financement. Il est également juste
d'indiquer que les collectivités locales, grâce non seulement à cet effort de
l'Etat mais aussi à la qualité de leur gestion, ont pu tout à la fois quasiment
stabiliser le taux de la fiscalité locale, se désendetter, continuer à investir
en dégageant des excédents très significatifs en termes de finances publiques.
Il faut le saluer. Tout cela contribue globalement à l'amélioration de la
situation des finances publiques dans notre pays. A cet égard, il vaut mieux
porter un regard serein et objectif, plutôt que de dire, comme M. Bourdin, que
lorsque cela va bien, c'est grâce aux collectivités locales et que quand cela
va mal la faute en incombe uniquement à l'Etat.
M. Eric Doligé.
C'est pourtant vrai !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Toutefois, de fortes disparités de richesse demeurent
entre collectivités et ce qui vaut pour l'ensemble ne vaut pas nécessairement
pour chacun. Nous devons approfondir les moyens d'une plus grande solidarité
entre les territoires et les collectivités au profit d'une meilleure efficacité
de nos finances publiques et d'une plus grande équité pour nos concitoyens.
Enfin, nous devons aussi avoir le souci de l'efficacité dans la conception
même de la réforme. Cette efficacité suppose que les idées que nous partageons,
peut-être, soient lisibles, que les objectifs que nous nous fixerons soient
réalistes et que les mesures que nous étudierons soient applicables. Tout cela
vaut tant pour les contribuables locaux, s'il s'agit de fiscalité, que pour les
finances publiques, s'il s'agit de dotations.
Efficacité et solidarité doivent donc être les maîtres mots de la
modernisation de nos finances locales.
Vous avez beaucoup parlé d'« autonomie fiscale », alors que je ne l'ai pas
encore fait, ce qui ne signifie nullement que j'y sois hostile. Ce serait
d'ailleurs faire un mauvais procès à mon endroit mais aussi à l'encontre de
Bercy. Je voudrais toutefois être certaine que nous mettons derrière ces mots,
les uns et les autres, les mêmes choses.
Si l'autonomie fiscale consiste, pour les élus locaux, à renforcer le contrat
qui les lie avec leurs électeurs, à mettre en regard des projets de
développement et d'amélioration du service public local et l'effort fiscal qui
permet de les financer,...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Faites-nous confiance !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
... comme M. François Marc l'a souhaité tout à
l'heure, j'y suis favorable.
De même, si l'autonomie fiscale consiste, pour les collectivités, à bénéficier
de ressources fiscales modernisées avec de véritables marges de manoeuvre, j'y
suis également favorable.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Alors, tout va bien !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
A l'inverse, si l'autonomie fiscale conduit à un
accroissement des prélèvements obligatoires qui pèseront sur notre économie et
nos concitoyens, je dois vous dire que ce n'est pas la politique mise en oeuvre
par le Gouvernement.
M. Eric Doligé.
C'est facile !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Enfin, si l'autonomie fiscale a pour corollaire
immédiat le renforcement des inégalités entre communes, j'y suis opposée car je
crois, comme vous, aux valeurs de justice et de solidarité.
(Très bien ! et
applaudissements sur les travées socialistes.)
Quelles sont maintenant les pistes qui me semblent devoir être explorées dans
le rapport que le Gouvernement remettra sur les finances locales ?
Il faut aborder la question de la réforme de la fiscalité locale avec humilité
sans doute, volonté certainement et courage sûrement.
M. Michel Charasse.
Oh oui !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
En France, cette fiscalité est, de par son poids,
importante par rapport à d'autres pays voisins et, beaucoup d'entre vous l'ont
dit, elle n'est pas satisfaisante. Alors que les impôts directs locaux
représentent plus, en termes de produit, que l'impôt sur le revenu lui-même,
qu'ils sont, après la CSG, les plus universellement acquittés, qu'ils sont,
plus que tous les autres, affectés, dans le bon sens du terme, chaque année par
des retouches législatives fort nombreuses, ils sont complexes, quelquefois
injustes, parfois inéquitables, et très difficiles à gérer.
Certaines tentatives qui étaient destinées à leur redonner un peu d'allant ont
échoué, notamment la taxe départementale sur le revenu ou bien encore la
révision des bases.
La note d'orientation qui a été diffusée au mois de juillet et sur laquelle se
fonde notre réflexion soumet au débat deux orientations principales.
La première consisterait à changer radicalement l'architecture de notre
système fiscal soit en spécialisant les impôts par niveau de collectivité, soit
en créant un nouvel impôt avec une assiette nouvelle, soit encore en partageant
le produit d'un grand impôt national qui pourrait s'y prêter. Ces pistes seront
sérieusement étudiées et, si M. le président du comité des finances locales
était encore parmi nous, j'aurais eu plaisir à le rassurer en lui disant que
les observations qu'il a pu faire, notamment sur les nouveaux impôts, seront
prises en compte dans ce prochain rapport.
Une autre orientation consisterait à procéder en adaptant la structure
actuelle des impôts locaux, soit en modernisant les bases existantes, voire en
permettant leur révision locale, soit encore en introduisant de manière
ponctuelle des éléments d'assiette nouveaux qui pourraient rendre la fiscalité
locale plus équitable, sans pour autant remettre en question son dynamisme.
Je mentionne également la piste de l'élargissement des facultés qui sont
offertes aux collectivités de décider, sous leur responsabilité, d'abattements
et de dégrèvements, ainsi que celle, parce qu'elle existe aussi, de
l'assouplissement du lien entre les taux lorsque cet assouplissement conduit à
rapprocher un taux local de la moyenne nationale. Ces deux directions
témoignent de l'importance que le Gouvernement attache, dans cette réflexion, à
l'initiative des décideurs locaux.
S'agissant des dotations, je crois à la nécessité de conserver un dispositif «
normé » d'évolution des dotations de l'Etat aux collectivités locales, car ce
dispositif assure aux élus une prévisibilité de l'évolution de leurs dotations
qui me paraît très souhaitable.
La réaffirmation de ce principe ne préjuge pas, bien sûr, les interrogations
sur l'évolution, au sein de ce dispositif, des indexations propres à chacune
des dotations qui devront tenir compte des contraintes qui s'imposent aussi
bien aux collectivités locales qu'à l'Etat.
Au-delà de cette prévisibilité accrue, M. Daniel Vaillant et moi-même avons
l'ambition de simplifier les concours financiers de l'Etat.
A mon sens, cette simplification doit pouvoir s'appliquer aux dotations de
fonctionnement, en intégrant à la DGF actuelle plusieurs des dotations
existantes, comme la DCTP, voire le fonds national de péréquation et même la
dotation générale de décentralisation, mais également à l'investissement.
Cette simplification des dotations, qui se traduirait par une importance
accrue donnée à une nouvelle DGF, doit nous inciter, comme M. Jean-Pierre Sueur
nous y a invités, à examiner l'architecture de cette dotation, car celle-ci
doit contribuer à une meilleure redistribution des richesses entre
collectivités, redistribution qui, pour l'instant, apparaît insuffisante
puisque des contributions exceptionnelles de l'Etat sont nécessaires.
Plusieurs pistes sont donc envisageables : ou bien modifier la répartition des
masses de crédits à l'intérieur de la DGF, en changeant les règles d'évolution
de la part forfaitaire ou en plaçant en tête la dotation d'aménagement, alors
qu'elle est aujourd'hui conçue comme un solde ; ou bien la DGF pourrait être
calculée sur le territoire intercommunal et nous traiterions comme un ensemble
la DGF du groupement de communes et celle de ses communes membres.
Bien sûr, des solutions intermédiaires sont possibles, mais il me semble que
seules ces réformes pourront permettre à la fois d'accroître la péréquation et
d'assurer dans de bonnes conditions le soutien nécessaire au développement de
l'intercommunalité.
Plus généralement, il faudra certainement aller au-delà de la réforme de la
DGF et aborder aussi la question des critères de ressources et de charges
permettant d'optimiser l'efficacité des dotations de péréquation, comme l'a
souligné Mme Beaufils.
Il faudra, enfin, améliorer les outils actuels de péréquation fiscale que sont
les fonds de solidarité et de redistribution entre collectivités riches et
collectivités pauvres.
Pour ne pas dépasser le temps de parole qui m'est imparti, je tiens, en
conclusion, à vous assurer de l'esprit d'ouverture du Gouvernement sur ces
chantiers d'avenir. Dans notre réflexion et dans les débats qui vont se
poursuivre, je l'ai déjà dit, rien ne doit être imposé, rien ne doit être
exclu, rien ne doit être tabou.
Je terminerai en répondant à M. Lambert, qui m'a demandé ce que je pensais du
principe selon lequel « qui paie commande » : c'est un principe de bons sens,
qu'il faut confronter à la diversité des situations. Quand l'Etat et les
collectivités locales investissent ensemble pour l'avenir de nos concitoyens,
il faut apprendre à mieux savoir décider et appliquer, et donc à commander
ensemble. C'est un sujet qui appelle de la part de l'Etat et de la part de tous
les ministères - y compris de Bercy - plus de déconcentration et plus d'écoute.
Il faut donc aller dans cette direction. Au-delà, je dirai tout simplement que
c'est le contribuable qui paie et que c'est l'électeur qui commande.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
Nous passons à l'examen des articles 11, 11
quinquies,
21 à 25
ter
et des amendements tendant à insérer des articles additionnels relatifs aux
recettes des collectivités locales.
Article additionnel après l'article 8
M. le président.
L'amendement n° I-133 rectifié, présenté par MM. Jacques Blanc, Amoudry,
Jarlier, Besse, Rinchet, Paul Blanc, Fournier, Ferrand, Gruillot, Alduy, Faure,
Saugey, Mathieu, Vial, Ginésy et Jean Boyer, Mmes Henneron et Payet, MM. Trucy
et Hérisson, est ainsi libellé :
« Après l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le troisième alinéa de l'article 1465 A du code général des impôts est
complété par une phrase ainsi rédigée :
« Sont également classés en zone de revitalisation rurale les cantons qui, du
fait de la présence d'un bourg-centre, ne répondent pas aux critères définis au
précédent paragraphe mais appartiennent à un arrondissement satisfaisant à ces
critères. »
« II. - La perte de recettes résultant du I est compensée par une majoration à
due concurrence des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts. »
La parole est à M. Jarlier.
M. Pierre Jarlier.
Cet amendement vise à réintégrer dans les zones de revitalisation rurale, les
ZRR, les bourgs-centre, qui sont de véritables pôles de fixation des
entreprises, des populations et des services sur ces territoires à faible
densité de population.
Cela devrait permettre d'améliorer le rendement des mesures fiscales
d'exonération et de dégrèvement applicables aux entreprises sur ces zones et
cela correspond à une des préoccupations d'amélioration du fonctionnement
d'ensemble du dispositif tel que préconisé dans le rapport Duron -
Perrin-Gaillard sur les zonages.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission souligne, comme les auteurs de
l'amendement, l'importance des bourgs-centre comme pôles de fixation des
activités économiques.
Ellle s'interroge cependant sur la portée du droit actuel en la matière.
Peut-être permet-il déjà d'atteindre l'objectif des auteurs de l'amendement ?
En effet, l'article 1465 A du code général des impôts semble prévoir que,
lorsqu'un arrondissement répond aux critères démographiques auxquels le présent
amendement fait référence, les cantons qui s'y trouvent sont classés en zones
de revitalisation rurale.
Peut-être Mme la secrétaire d'Etat pourra-t-elle nous éclairer sur ces
considérations.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Comme vient de l'indiquer M. le rapporteur général,
les critères de délimitation des zones de revitalisation rurale sont déjà
susceptibles d'être appréhendés, pour les bourgs-centre que vous évoquez, à
travers l'article 1465 A du code général des impôts.
Si l'objet de l'amendement est de classer dans les zones de revitalisation
rurale tous les bourgs-centre indépendamment des caractéristiques
démographiques des cantons ou des arrondissements dont ils relèvent, il aurait
alors pour effet d'accroître considérablement le coût de cette exonération
compensée.
La politique de zonage n'a de sens et d'efficacité qu'à la condition de
reposer sur des critères précis et de cibler des populations clairement
définies. Il me semble de plus, que votre proposition nécessiterait une
information préalable des autorités communautaires.
Il ne me paraît pas nécessaire de modifier les critères qui caractérisent les
zones de revitalisation rurale, qu'il s'agisse du pourcentage de la population
agricole ou des tendances démographiques.
Sous le bénéfice de ces remarques, il serait donc souhaitable que vous
retiriez votre amendement, monsieur Jarlier.
M. le président.
Monsieur Jarlier, l'amendement est-il maintenu ?
M. Pierre Jarlier.
Cet amendement vise à faire bénéficier les bourgs-centre des mesures de
classement en zone de revitalisation rurale dès lors qu'ils sont situés dans un
arrondissement qui lui-même est éligible à ce dispositif.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Alors l'amendement est satisfait !
M. Pierre Jarlier.
Cet amendement n'ayant pas une portée extrêmement large, nous le maintenons
cependant.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je veux dire à notre collègue Pierre Jarlier que le
droit existant et la réponse de Mme la secrétaire d'Etat me semblent lui donner
satisfaction.
L'article 1465 A du code général des impôts dispose notamment que : « Les
zones de revitalisation rurale comprennent les communes appartenant aux
territoires ruraux de développement prioritaire et situées soit dans les
arrondissements dont la densité démographique est inférieure ou égale à
trente-trois habitants au kilomètre carré, soit dans les cantons dont la
densité démographique est inférieure ou égale à trente et un habitants au
kilomètre carré, dès lors que ces arrondissements ou cantons satisfont
également à l'un des trois critères suivants :
a)
le déclin de la
population totale ;
b)
le déclin de la population active ;
c)
un
taux de population active agricole supérieur au double de la moyenne nationale.
»
Ainsi, dès lors qu'un territoire satisfait à cette définition, le bourg-centre
se situant à l'intérieur de ce territoire est éligible au dispositif, tout
comme le reste du territoire.
Votre préoccupation, monsieur Jarlier, est parfaitement justifiée, mais elle
est satisfaite par les explications qui vous ont été données à l'instant. Dans
ces conditions, je pense que vous pouvez retirer votre amendement !
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-133 rectifié.
M. Paul Blanc.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Paul Blanc.
M. Paul Blanc.
J'ai bien saisi les propos de M. le rapporteur général, et j'y souscris.
Toutefois, il faut tenir compte de l'expérience vécue, et force est de
reconnaître que les bourgs-centre sont souvent victimes d'une mauvaise
interprétation de la part de l'administration, notamment de l'administration
fiscale ou de l'URSSAF, puisque les entreprises installées en ZRR bénéficient
d'exonérations de charges sociales.
Nous souhaitons donc, en présentant cet amendement, donner des arguments
précis aux communes susceptibles de bénéficier des avantages liés aux zones de
revitalisation rurale.
Cela étant, si Mme le secrétaire d'Etat et M. le rapporteur général nous
donnent toutes assurances à ce sujet et à condition que celles-ci soient
suivies d'effets positifs, nous pourrions accepter de retirer cet
amendement.
M. Pierre Jarlier.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Jarlier.
M. Pierre Jarlier.
Compte tenu des explications qui viennent d'être données à la fois par Mme le
secrétaire d'Etat et par M. le rapporteur général, nous retirons en effet cet
amendement, notre demande étant, en réalité, satisfaite.
M. le président.
L'amendement n° I-133 rectifié est retiré.
Article 11
M. le président.
« Art. 11. - I. - A. - Au troisième alinéa du IV de l'article 6 de la loi de
finances pour 1987 (n° 86-1317 du 30 décembre 1986), après les mots : "de la
base imposable", sont insérés les mots : "figurant dans les rôles généraux
établis au titre de 1987".
« B. - La dotation prévue au troisième alinéa du IV du même article 6 est
majorée d'un montant global de 177,9 millions d'euros versés à hauteur de 45 %
en 2002, 25 % en 2003, 20 % en 2004 et 10 % en 2005.
« II. - A. - A compter de 2002, la dotation prévue au IV
bis
du même
article 6 est calculée à partir des pertes de recettes constatées dans les
rôles généraux de l'année courante et dans les rôles supplémentaires
d'imposition émis au cours de l'année précédente. Le bénéficiaire de cette
dotation est la collectivité ou l'établissement public de coopération
intercommunale, doté d'une fiscalité propre, qui bénéficie du produit du rôle
général de taxe professionnelle au titre de l'année courante.
« B. - En outre, cette dotation est majorée d'une somme revenant aux
collectivités locales et établissements publics de coopération intercommunale
dotés d'une fiscalité propre au bénéfice desquels des rôles supplémentaires de
taxe professionnelle ont été établis au cours des années 1998 à 2000. Le
montant dû à chaque collectivité locale ou établissement public de coopération
intercommunale désigné ci avant est égal à la différence, pour chacune des
années 1998 à 2000, entre :
« - d'une part, le montant de la dotation prévue au IV
bis
du même
article 6 afférente à la réduction pour embauche ou investissement appliquée
dans les rôles généraux d'imposition, majoré de 8 % du montant des rôles
supplémentaires mis en recouvrement au cours de l'année considérée ;
« - et, d'autre part, le montant de la dotation déjà accordée, conformément au
IV
bis
du même article.
« Ce solde est diminué, le cas échéant, et pour chaque année, de la réfaction
prévue aux troisième alinéa et suivants du IV
bis
du même article 6 dans
sa rédaction en vigueur au 1er janvier 2001, calculée à partir des recettes
fiscales définies au dernier alinéa du IV
bis
et afférentes à l'année
précédant la mise en recouvrement des impositions supplémentaires.
« Le montant global des dotations ainsi calculé est versé à chaque
collectivité bénéficiaire à hauteur de 20 % en 2002, 40 % en 2003 et 40 % en
2004.
« III. - Au dernier alinéa du IV
bis
du même article 6, après les mots
: "des rôles généraux", sont insérés les mots : "et des rôles
supplémentaires".
« IV. - Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée,
les dotations versées en application du troisième alinéa du IV et du IV
bis
du même article 6 sont réputées régulières en tant que leur légalité serait
contestée sur le fondement de l'absence de prise en compte des pertes de
recettes comprises dans les rôles supplémentaires. »
Sur l'article, la parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud.
L'article 11 vise à répondre aux nombreuses questions qui n'ont pas manqué de
se poser depuis le célèbre arrêt Ville de Pantin rendu par le Conseil
d'Etat.
La non-prise en compte des rôles supplémentaires pour le calcul des
compensations dues aux collectivités au titre de l'abattement général de 16 %
et de la REI - la réduction de taxe professionnelle pour embauche et
investissement ayant été jugée illégale par le Conseil d'Etat, il nous est
proposé, dans cet article, une mesure de rattrapage ainsi que les modalités de
la compensation pour l'avenir.
La proposition contenue dans cet article offre un avantage pratique
indéniable, celui d'un traitement global au bénéfice de toutes les
collectivités, sur la base d'un remboursement forfaitaire.
Le traitement au cas par cas aurait pourtant été plus juste, eu égard aux
écarts très importants qui existent d'une commune à l'autre, mais, on en
convient, il aurait été plus lourd à mettre en place.
Peut-être faudrait-il, pourtant, un traitement différencié en faveur des
collectivités qui ont entamé une procédure et qui, on peut le supposer, ont
subi des pertes relativement importantes. C'est d'ailleurs ce qui motivait le
recours de la commune de Pantin.
Cette solution permettrait de respecter certains principes fondamentaux, tels
que le droit à un procès équitable ou la séparation des pouvoirs.
Il est à craindre que les collectivités ne s'adressent, à l'avenir, à une
autre juridiction.
Pour l'avenir, seule la REI résiduelle depuis la réforme de 1999 fera l'objet
d'une compensation au titre des rôles supplémentaires.
L'abattement de 16 % donnerait lieu à une compensation d'un montant nettement
plus généreux. Mais son montant est difficile, voire impossible à évaluer, nous
dit-on. La question aurait pourtant mérité que l'on s'y attarde.
Concernant les pertes subies dans le passé, c'est sur la base d'un forfait que
les collectivités seront remboursées.
Pour l'abattement de 16 %, le montant forfaitaire s'établit à un peu plus de
177,9 millions d'euros. La compensation au titre de la réduction pour embauche
et investissement aurait, quant à elle, un coût estimé à 750 millions de
francs. Il est en effet proposé un remboursement à hauteur de 8 % du montant
des rôles supplémentaires des années 1998 à 2000.
Ces évaluations sont cependant bien inférieures à celles qui ont été réalisées
ici ou là pour estimer la perte subie par les collectivités : celle de
l'association des maires de France, par exemple, fait état de montants plus de
cinq fois supérieurs !
La situation que nous connaissons est avant tout le résultat d'une
compensation attribuée au titre des seules années 1998 à 2001.
L'article 11 prévoit, à cet égard, l'application de la prescription
quadriennale. Cette solution ne nous satisfait pas. Elle s'ajoute à la liste
fort longue des décisions qui lèsent les collectivités dans leurs droits
financiers : la non-prise en compte des rôles supplémentaires lors de la mise
en place de la REI et de l'abattement de 16 %, la réforme de 1994 sur la
compensation de ce même abattement, la mise en oeuvre du pacte de stabilité en
1996, qui a entraîné, chaque année, une baisse de la dotation de compensation
de la taxe professionnelle, la DCTP, allouée aux communes.
Une telle situation nuit aux relations entre l'Etat et les collectivités
locales. L'arrêt Ville de Pantin nous offre l'occasion d'établir plus de
confiance dans ces relations, qui reposent sur le dialogue et la concertation
avec toutes les associations d'élus. Il nous enseigne, notamment, que
l'information des collectivités, concernant les bases de leurs impôts et le
coût des exonérations et abattements, doit être renforcée. Il nous invite,
surtout, à repenser les compensations et à garantir qu'elles soient justes dans
le cas précis de la REI et de l'abattement général de 16 % au titre des rôles
supplémentaires.
M. le président.
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° I-24, présenté par M. Marini au nom de la commission des
finances, est ainsi libellé :
« I. - Après les mots : "montant global de", rédiger comme suit la fin du B du
I de l'article 11 : "320 millions d'euros, versés à hauteur de 25 % en 2002,
2003, 2004 et 2005".
« II. - Pour compenser les pertes de recettes pour l'Etat résultant des
dispositions du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi
rédigé :
« V. - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant de la majoration de la
compensation de la non-prise en compte des rôles supplémentaires pour la
compensation de l'abattement de 16 % des bases de la taxe professionnelle sont
compensées par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux
articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° I-164, présenté par MM Murat, Delevoye, Oudin, Besse,
Demuynck, Cazalet et Calmejane, Mme Michaux-Chevry, MM. Gournac, Hamel,
Lardeux, César, Doublet, Goulet, Ginésy, Leclerc, Vasselle, de Broissia et
Doligé, est ainsi libellé :
« I. - Rédiger ainsi le B du I de l'article 11 :
« B. - La dotation prévue au troisième alinéa du IV de l'article 6
susmentionné est majorée d'un montant global de 320 millions d'euros versés à
hauteur de 25 % en 2002, 2003, 2004 et 2005. »
« II. - Afin de compenser les pertes de recettes résultant du I ci-dessus,
insérer après le I de cet article un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant de la fixation en quatre
parts égales de la majoration de la dotation de compensation de taxe
professionnelle versée aux collectivités locales sont compensées par la
création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575, 575 A et
575 B du code général des impôts. »
L'amendement n° I-194 rectifié, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M.
Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi
libellé :
« I. - Dans le B du I de l'article 11, remplacer la somme : "177,9 millions
d'euros" par la somme : "355,8 millions d'euros".
« II. - Pour compenser les pertes de recettes pour l'Etat résultant des
dispositions du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi
rédigé :
« ... - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant du doublement de la
majoration de la compensation de la non-prise en compte des rôles
supplémentaires pour la compensation de l'abattement de 16 % des bases de la
taxe professionnelle sont compensées par la création d'une taxe additionnelle
aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l'amendement n°
I-24.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il s'agit d'un sujet assez complexe, chacun le sait
ici. Avant de l'aborder, je crois qu'il nous faut rendre hommage, mes chers
collègues, à l'ancien maire de Pantin, puisque c'est à lui, si je ne m'abuse,
que nous devons d'évoquer ce sujet.
(Sourires.)
L'article 11 vise à régler les contentieux relatifs à la non-prise en compte
des rôles supplémentaires dans le calcul des dotations de la taxe
professionnelle allouées en contrepartie de l'abattement de 16 % et de la
réduction pour embauche et investissement. Il tend également à organiser pour
l'avenir les nouvelles règles de compensation.
En vérité, le dispositif proposé a pour vocation de valider par la loi les
compensations intervenues par le passé, qui n'ont pas pris en compte les rôles
supplémentaires de taxe professionnelle, et ainsi mettre fin à près de 300
contentieux en cours - il aurait pu y en avoir beaucoup d'autres - opposant
l'Etat et les collectivités locales.
C'est l'aspect peu sympathique de cet article que cette validation législative
portant sur un sujet dont les tribunaux administratifs et le Conseil d'Etat ont
eu à connaître et qu'ils ont eu tendance à régler de manière plus généreuse
pour les collectivités territoriales que le Gouvernement n'envisage de le
faire.
En second lieu, ce dispositif accompagne ladite validation d'une compensation
à caractère forfaitaire de l'absence de prise en compte des rôles
supplémentaires par le passé.
En quelque sorte, l'Etat accepte de reconnaître son erreur et de verser une
soulte pour solde de tout compte.
En troisième lieu, l'article 11 définit pour l'avenir les règles relatives à
la prise en compte des rôles supplémentaires pour le calcul de la DCTP à
compter de 2002.
Tels sont les principes sur lesquels il repose, car l'application chiffrée est
beaucoup plus complexe. J'ai tâché d'en restituer la logique dans le rapport
écrit, auquel je vous renvoie, mes chers collègues.
La commission des finances, vous le savez, mes chers collègues, n'aime pas les
validations législatives, car elles constituent toujours, en définitive, des
atteintes à la séparation des pouvoirs il s'agit souvent de dispositions par
lesquelles l'Etat se fait justice à lui-même dans des conditions évidemment
plus généreuses que celles auxquelles les tribunaux sont prêts à souscrire.
Cela étant, en ce qui concerne le sujet qui nous occupe, les créances des
collectivités territoriales étant affectées par le principe général de la
déchéance quadriennale, les montants en jeu se trouvent singulièrement
réduits.
Finalement, pour tenir compte de l'ensemble des données de cette affaire, la
commission estime qu'il y a lieu d'améliorer le dispositif qui nous est
proposé.
Pour la compensation de l'abattement de 16 % de la taxe professionnelle, vos
calculs, madame le secrétaire d'Etat, aboutissent à presque 180 millions
d'euros, alors que nous souhaiterions que l'on aboutisse à une compensation
globale de l'ordre de 320 millions d'euros.
Dès lors que le montant de la compensation serait évalué de façon un peu plus
équitable, à notre sens, nous estimons qu'en contrepartie il conviendrait que
son versement soit étalé, de façon à ne pas peser sur le budget de l'Etat en
2002.
Mes chers collègues, je vais m'arrêter là. Je vous ai dit l'essentiel et nous
allons certainement continuer à approfondir le sujet au cours de la discussion
de ces amendements en discussion commune.
M. le président.
La parole est à M. Murat, pour défendre l'amendement n° I-164.
M. Bernard Murat.
Mon amendement étant pratiquement identique à celui de la commission, je n'ai
rien à ajouter aux propos de M. le rapporteur général.
M. le président.
La parole est à M. Foucaud, pour défendre l'amendement n° I-194 rectifié.
M. Thierry Foucaud.
Avec votre permission, monsieur le président, je souhaite défendre en même
temps les amendements n°s I-245 rectifié, I-193 rectifié et I-192.
M. le président.
J'appelle donc également en discussion les amendements n°s I-245 rectifié,
I-193 rectifié et I-192, présentés par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° I-245 rectifié est ainsi libellé :
« Dans la seconde phrase du premier alinéa du B du II de l'article 11,
remplacer le millésime : "1998" par le millésime : "1995".
« II. - Pour compenser les pertes de recettes pour l'Etat résultant des
dispositions du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi
rédigé :
« ... - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant de la prise en compte des
rôles supplémentaires de taxe professionnelle émis au cours des années 1995 à
2000 pour le calcul de la majoration de la compensation de l'abattement de 16 %
des bases de la taxe professionnelle sont compensées par un relèvement à due
concurrence du taux de l'impôt sur les sociétés. »
L'amendement n° I-193 rectifié est ainsi libellé :
« I. - Dans le deuxième alinéa du B du II de l'article 11, remplacer le taux :
"8 %" par le taux : "16 %".
« II. - Pour compenser les pertes de recettes pour l'Etat résultant des
dispositions du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi
rédigé :
« ... - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant du relèvement de 8 % à 16
% du taux de la majoration des rôles supplémentaires pris en compte pour le
calcul de la compensation de la réduction pour embauche et investissements sont
compensées par un relèvement à due concurrence du taux de l'impôt sur les
sociétés. »
L'amendement n° I-192 est ainsi libellé :
« I. - Après les mots : "à hauteur de", rédiger comme suit la fin du dernier
alinéa du B du II : "40 % en 2002, 40 % en 2003 et 20 % en 2004".
« II. - Pour compenser les pertes de recettes pour l'Etat résultant des
dispositions du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi
rédigé :
« ... - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant du doublement du montant
versé aux collectivités locales en 2002 au titre de la compensation de la
non-prise en compte des rôles supplémentaires pour la compensation de
l'abattement de 16 % des bases de la taxe professionnelle sont compensées par
un relèvement à due concurrence du taux de l'impôt sur les sociétés. »
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Thierry Foucaud.
Comme nous l'avons déjà dit, les conditions de renégociation de la DCTP au
titre des rôles supplémentaires ne nous satisfont pas. Nous sommes disposés à
accepter le remboursement sur la base d'un forfait, mais encore faut-il que les
montants soient à la hauteur.
Nous demandons leur doublement, soit plus de 2 milliards de francs au lieu de
1,167 milliard de francs comme cela a été proposé, au titre de la compensation
de l'abattement de 16 %, et une majoration de 16 % des rôles supplémentaires au
titre de la REI.
Nous demandons, par ailleurs, que le rattrapage concerne les années 1995 à
2001.
Enfin, nous proposons l'étalement du remboursement sur trois ans au lieu de
quatre ans, 40 % de la somme étant versée les deux premières années, le reste
en 2004.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur ces différents amendements ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
L'amendement n° I-164 sera satisfait par l'adoption
de celui de la commission.
Quant à l'amendement n° I-194 rectifié, il est tout à fait estimable, mais il
met en jeu un dispositif un peu différent, que la commission n'a pas
complètement expertisé. Aussi, elle engage nos collègues à voter son
amendement, qui lui semble préférable.
Pour gagner du temps, monsieur le président, je souhaite interroger Mme le
secrétaire d'Etat sur le dispositif qui va se mettre en place.
Ce dispositif va engendrer des attributions compensatoires supplémentaires au
bénéfice d'un grand nombre de communes. Quelle sera la procédure suivie pour
permettre à ces communes de faire valoir leurs droits ?
Si nous adoptons cet article, nous allons créer des droits au profit de toute
une série de communes, vous allez certainement nous rappeler combien d'entre
elles sont concernées, madame le secrétaire d'Etat. Il serait utile, dès lors,
de savoir quelles démarches concrètes ces communes devront entreprendre pour
bénéficier de ces droits. Les communes qui estiment avoir été lésées dans la
prise en compte de leurs dotations passées auront-elles une démarche à faire ?
Devront-elles se manifester auprès de l'administration ? Si oui, auprès de
quelle administration ? Dans quel délai ?
Bref, nous aimerions savoir, nous les pauvres usagers qui, les pieds dans la
glèbe, ne nous retrouvons pas nécessairement dans toutes ces subtilités,
comment les choses vont se passer concrètement pour l'homme de base.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur ces amendements ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Je reconnais que ce dispositif n'est pas très simple à
exposer, mais le rapport de la commission des finances le fait très fidèlement.
Je ne vais donc pas moi-même y consacrer trop de temps. Je dirai simplement à
M. le rapporteur général, qui le sait fort bien puisque cela figure dans le
rapport, que nous n'avons pas choisi clairement la voie de la validation sèche.
Nous savons, en effet, que le Parlement n'aime pas cette procédure ; c'était,
en outre, une solution extraordinairement périlleuse. D'ailleurs, aucun de mes
prédécesseurs n'a pris le risque.
La voie que nous avons choisie pour régler ce contentieux ancien est
équilibrée et transparente. Nous avons beaucoup travaillé avec les associations
d'élus et le comité des finances locales. En fait, il s'agissait - tout en
respectant le droit des collectivités locales - de reconnaître qu'en effet une
erreur avait été commise, puis de poser de nouvelles bases permettant de
fonctionner de manière claire et incontestable.
L'équilibre que nous avons recherché repose sur quatre piliers, car il fallait
traiter à la fois la compensation de la réduction pour embauche et
investissement, celle de l'abattement de 16 %, l'apurement du passé et
l'organisation de l'avenir. Il y avait donc, en réalité, quatre problèmes à
résoudre. Je vais les présenter brièvement puis je répondrai à la question
précise posée par M. le rapporteur général.
Pour l'avenir, qu'avons-nous prévu ?
S'agissant de la réduction pour embauche et investissement, nous proposons
qu'année après année l'administration verse la compensation correspondant au
rôle supplémentaire émis l'année précédente. C'est une proposition juste, pour
l'application de laquelle nous avons pris les moyens nécessaires sur les plans
technique et administratif, de mettre en oeuvre. Le texte de l'article 11
prévoit donc que, l'avenir étant aujourd'hui, les rôles supplémentaires émis en
2001 feront l'objet d'une compensation qui sera versée dès 2002.
La question de l'abattement de 16 % ne pouvait pas être traitée de la même
manière, car les bases de la compensation ne sont pas établies année après
année, comme pour la REI ; il s'agit des bases retenues au titre des rôles émis
en 1987. Nous ne pouvions donc déterminer ni le montant total exact, ni
a
fortiori
la répartition de ce montant entre les collectivités. Il a fallu
trouver un mode de compensation que je qualifierai de forfaitaire, mais qui
devait toutefois refléter le plus possible la réalité.
Restait la question du passé.
La compensation de l'abattement de 16 %, qui doit représenter une somme
légèrement supérieure à 1 100 millions de francs pour quatre ans, s'effectuera
par le canal de la DCTP au profit de chacune des collectivités année après
année.
Pour la REI, nous avons calculé un taux moyen qui correspondait au rapport
entre la compensation due et le montant des rôles supplémentaires auxquels elle
se rapporte. Au terme d'un travail précis, nous avons fixé ce taux à 8 %. Il
s'agit de l'estimation moyenne la plus honnête dont nous puissions disposer.
Pour les rôles supplémentaires des années 1997 et 1998, nous proposons que ce
taux soit appliqué, pour chaque collectivité, au rôle supplémentaire dont elle
a bénéficié de manière effective.
D'après les estimations qui ont été faites, cette méthode conduit à une
compensation étalée de près de 750 millions de francs supplémentaires, ce qui
fait, au total, une enveloppe de 292 millions d'euros pour traiter et du passé
et de l'avenir.
M. le rapporteur général se demande comment nous allons nous y prendre. C'est
très simple : il n'y a rien à faire. La dotation de compensation de taxe
professionnelle, la troisième part de DCTP, sera abondée, sans que les
collectivités concernées aient besoin de formuler d'une quelconque demande.
C'est l'administration qui procédera à cet abondement chaque fois que cela sera
justifié. Je ne crois pas qu'il s'agisse, pour les collectivités locales, d'un
processus compliqué. L'énoncé du dispositif est complexe mais, en pratique, les
collectivités locales ne rencontreront aucune difficulté.
J'en viens à l'amendement n° I-24, qui consiste à modifier le dispositif de
compensation au titre de l'abattement général de 16 %.
Comme je l'ai dit, le système proposé dans l'article 11 est forfaitaire,
transparent et équilibré. Je vous ai expliqué pourquoi il est forfaitaire. Il
est transparent, puisque tous les éléments de calcul ont été transmis aux
différentes associations d'élus et repris dans le rapport de la commission des
finances.
L'amendement n° I-24 conduit à majorer la compensation sur la DCTP de 142
millions d'euros pour les années 2003 à 2005. Il modifie ainsi l'équilibre du
dispositif présenté par le Gouvernement, visant à compenser 292 millions
d'euros auxquels s'ajoute la compensation de la REI, qui interviendra dès 2001,
soit 30 millions d'euros. Vous comprendrez que je ne puisse être favorable à
l'amendement n° I-24, pas plus qu'à l'amendement n° I-164, dont l'inspiration
est très proche.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-24, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, les amendements n°s I-164 et I-194 rectifié n'ont plus d'objet
et il en va de même, me semble-t-il, des amendements n°s I-245 rectifié, I-193
rectifié et I-192, monsieur Foucaud.
M. Thierry Foucaud.
Tout à fait, monsieur le président.
M. le président.
Je mets aux voix l'article 11, modifié.
(L'article 11 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 11 quater
M. le président.
L'amendement n° I-87, présenté par MM. Joly, Othily, de Montesquiou, Mouly et
Soulage, est ainsi libellé :
« Après l'article 11
quater
, insérer un article additionnel rédigé
comme suit :
« I. - Les articles 1599 C à 1599 J du code général des impôts sont
supprimés.
« II. - Les pertes de recettes pour les départements résultant de la
suppression de la vignette automobile sont compensées à due concurrence par un
reversement au profit de chaque département du produit des droits de mutation à
titre gratuit visés au VI de la section II du chapitre I du titre IV du livre
1er du code général des impôts perçu en son sein.
« III. - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant de la compensation au
profit des départements de la suppression de la vignette automobile sont
compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux
droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly.
Cet amendement est la suite logique de la suppression adoptée, l'année
dernière, de la vignette automobile pour les personnes physiques. Pour 2002, il
vise à étendre cette suppression à toutes les catégories de véhicules afin de
ne pas pénaliser les entreprises de notre pays. Il s'agit donc d'une mesure de
simplification et d'équité fiscale.
Pour compenser les pertes de recettes subies par les départements ainsi que
l'atteinte à l'autonomie fiscale de ces collectivités, cet amendement prévoit
de reverser à chaque département le produit des droits de mutation à titre
gratuit perçu en son sein.
Les pertes de recettes pour l'Etat résultant de la suppression de la taxe
différentielle sur les véhicules à moteur seraient compensées, à due
concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux
articles 575 et 575 A du code général des impôts.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cet amendement vise à supprimer la vignette
automobile pour tous les véhicules sur le territoire métropolitain et prévoit
de reverser à chaque département le produit des droits de mutation à titre
gratuit afin de compenser l'atteinte à leur autonomie fiscale.
La commission partage la préoccupation des auteurs de cet amendement. Mais
elle a déposé l'amendement n° I-25 rectifié, qui a un objet identique,
puisqu'il vise à supprimer complètement la vignette automobile.
Nous avons estimé difficile de réitérer deux années de suite l'exercice qui
consistait à remplacer la vignette par d'autres ressources transférées par
l'Etat. Certes, sur le plan des principes, c'est ce qu'il faudrait faire. Mais
comme nous ne sommes pas le Gouvernement, nous n'avons pas à notre disposition
les moyens d'évaluation qui nous permettraient de bien calibrer cette mesure.
Nous nous contentons d'outils artisanaux, si je puis dire.
Tout en étant d'accord en tout point avec les auteurs de l'amendement n° I-87,
la commission préférerait qu'ils se rallient à mon amendement n° I-25
rectifié.
Parmi les questions techniques qui peuvent se poser, j'en évoquerai une.
Monsieur Joly, votre amendement prévoit que « les pertes de recettes pour les
départements ... sont compensées à due concurrence par un reversement au profit
de chaque département du produit des droits de mutation à titre gratuit...
».
Cette disposition, je tiens à le souligner, est un peu contradictoire avec
l'objet de l'amendement. En effet, si le reversement est effectué à due
concurrence, il s'agit d'une dotation budgétaire qui ne préserve pas, en tant
que telle, l'autonomie fiscale des départements.
L'autonomie ne serait réellement préservée que si l'on remplaçait une recette
par une autre recette qui évoluerait ensuite selon la dynamique de ses propres
bases.
Voilà ce que je voulais vous préciser pour vous inciter à retirer votre
amendement au profit de l'amendement n° I-25 rectifié de la commission.
M. le président.
Maintenez-vous l'amendement, monsieur Joly ?
M. Bernard Joly.
J'aimerais bien entendre, d'abord, l'avis du Gouvernement, en espérant une
divine surprise.
(Sourires.)
M. Hilaire Flandre.
Il croit au Père Noël !
M. le président.
Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Hélas monsieur Joly, le Gouvernement se rallie à la
suggestion de M. le rapporteur général.
M. le président.
Monsieur Joly, dans ces conditions, maintenez-vous l'amendement ?
M. Bernard Joly.
Non, monsieur le président, je le retire.
M. le président.
L'amendement n° I-87 est retiré.
L'amendement n° I-88, présenté par MM. Joly, Othily, de Montesquiou et
Soulage, est ainsi libellé :
« Après l'article 11
quater,
insérer un article additionnel rédigé
comme suit :
« I. - A compter du 1er janvier 2002, les articles 1599
nonies
à 1599
duodecies
du code général des impôts sont abrogés.
« II. - En compensation des pertes de recettes résultant du I, le produit de
la taxe visée au
b
du 6° du I-de l'article 297 du code général des
impôts est reversé, à hauteur de 25 %, à la collectivité territoriale de
Corse.
« III. - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant du II sont compensées à
due concurrence par une diminution de la dotation globale de fonctionnement
attribuée à la collectivité territoriale de Corse. »
La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly.
Cet amendement faisant suite au précédent, je le retire également.
M. le président.
L'amendement n° I-88 est retiré.
Article 11 quinquies
M. le président.
« Art. 11
quinquies. -
I. - Dans le
a bis
et le
c
de
l'article 1599 F du code général des impôts, les mots : "deux tonnes" sont
remplacés par les mots : "trois tonnes et demie". »
« II. - Le même article est complété par un
d
ainsi rédigé :
«
d)
Les personnes morales qui ne sont pas visées au
c,
à
raison, par période d'imposition, de trois de leurs voitures particulières,
véhicules carrossés en caravanes ou spécialement aménagés pour le transport des
personnes handicapées ou autres véhicules d'un poids total autorisé en charge
n'excédant pas trois tonnes et demie, dont elles sont propriétaires ou
locataires en vertu d'un contrat de crédit-bail ou d'un contrat de location de
deux ans ou plus. »
« III. - Les dispositions du I et du II s'appliquent à compter de la période
d'imposition s'ouvrant le 1er décembre 2001.
« IV. - Les pertes de recettes résultant pour les collectivités de
l'application des I et II sont compensées chaque année soit par une majoration
des attributions de dotation générale de décentralisation, soit par une
diminution des ajustements prévus au deuxième alinéa de l'article L. 1614-4 du
code général des collectivités territoriales.
« Cette compensation est calculée en 2002 sur la base du montant de recettes
de taxe différentielle sur les véhicules à moteur encaissées pour le compte de
chaque collectivité bénéficiaire au titre de la période d'imposition du 1er
décembre 2000 au 30 novembre 2001, affectées d'un coefficient, fixé par arrêté,
prenant en compte l'évolution des tarifs votés par les assemblées délibérantes
en application des articles 1599 G et 1599
decies
du code général des
impôts et du parc automobile au titre de la période d'imposition du 1er
décembre 2001 au 30 novembre 2002, minoré du montant de recettes de taxe
différentielle sur les véhicules à moteur encaissées pour le compte de chaque
collectivité bénéficiaire au titre de la période d'imposition du 1er décembre
2001 au 30 novembre 2002. Le montant de la compensation ainsi définie,
revalorisé en fonction de l'évolution de la dotation globale de fonctionnement
au titre de 2002, évolue chaque année comme la dotation globale de
fonctionnement à partir de 2003.
« V. - Pour l'année 2002, par dérogation au troisième alinéa de l'article 25
de la loi de finances pour 1984 (n° 83-1179 du 29 décembre 1983), le montant
mensuel de l'avance versée est déterminé sur la base d'un douzième de la
prévision d'encaissement total de recettes au cours de cette même année telle
qu'elle figure dans la présente loi de finances, répartie entre départements
proportionnellement au produit qu'ils ont perçu au titre de la période
d'imposition du 1er décembre 2000 au 30 novembre 2001. Les montants servant de
base au calcul des avances versées en 2002 sont fixés par département par
arrêté conjoint des ministres chargés de l'intérieur et du budget.
« VI. - Pour l'année 2001, par dérogation au cinquième alinéa de l'article 25
de la loi de finances pour 1984 précitée, le montant total des avances versées
est égal aux recettes de taxe différentielle sur les véhicules à moteur
encaissées en 2001 pour le compte de chaque département au titre de la période
d'imposition du 1er décembre 2000 au 30 novembre 2001, majoré des recettes de
taxe différentielle sur les véhicules à moteur encaissées en 2000 pour le
compte de chaque département au titre de la période d'imposition du 1er
décembre 2000 au 30 novembre 2001 affectées d'un coefficient, fixé par arrêté,
prenant en compte l'évolution des tarifs votés par les conseils généraux en
application de l'article 1599 G du code général des impôts au titre de la
période d'imposition du 1er décembre 2001 au 30 novembre 2002 et l'évolution du
parc automobile du 1er janvier au 31 décembre 2001.
« Le montant ainsi calculé est réduit, le cas échéant, des prélèvements
effectués en application de l'article L. 1614-4 du code général des
collectivités territoriales.
« VII. - Pour l'année 2001, les pertes de recettes résultant pour la
collectivité territoriale de Corse de l'application du I sont compensées par
une majoration des attributions de dotation générale de décentralisation. Cette
compensation est calculée en 2001 sur la base du montant de recettes de taxe
différentielle sur les véhicules à moteur encaissées en 2000 pour le compte de
la collectivité au titre de la période d'imposition du 1er décembre 2000 au 30
novembre 2001, affecté d'un coefficient, fixé par arrêté, prenant en compte
l'évolution des tarifs votés par l'Assemblée de Corse en application de
l'article 1599
decies
du code général des impôts au titre de la période
d'imposition du 1er décembre 2001 au 30 novembre 2002 et l'évolution du parc
automobile du 1er septembre au 31 décembre 2001, minoré du montant de recettes
de taxe différentielle sur les véhicules à moteur encaissées en 2001 pour le
compte de la collectivité au titre de la période d'imposition du 1er décembre
2001 au 30 novembre 2002. »
Je suis saisi de six amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° I-89, présenté par MM. Joly, Othily, de Montesquiou, Mouly et
Soulage est ainsi libellé :
« Supprimer l'article 11
quinquies.
»
L'amendement n° I-163, présenté par MM. Ostermann, Joyandet, Oudin, Besse, Del
Picchia, Demuynck et Giraud, Mmes Olin, Michaux-Chevry, Brisepierre et Rozier,
MM. Cazalet, Calmejane, Paul Blanc, Dufaut, Gaillard, Gournac, de Richemont,
Marest, Gruillot, Lassourd, César, Doublet, Goulet, Murat, Fournier, Ginésy,
Leclerc, Rispat, Vasselle, Braye, Dubrule, de Broissia, Le Grand, Legendre,
Doligé, Schosteck, Gélard, Eckenspieller et Natali, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi l'article 11
quinquies
:
« I. - A compter de la période d'imposition s'ouvrant le 1er décembre 2001,
les articles 1599 C à 1599 J du code général des impôts sont supprimés.
« II. - Les pertes de recettes pour les collectivités locales sont compensées,
à due concurrence, par le relèvement de la dotation globlale de
fonctionnement.
« III. - Les pertes de recettes pour le budget de l'Etat sont compensées, à
due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux articles 575 et
575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° I-25 rectifié, présenté par M. Marini, au nom de la commission
des finances, est ainsi libellé :
« A - Rédiger ainsi le I et le II de l'article 11
quinquies
:
« I. - A compter de la période d'imposition s'ouvrant le 1er décembre 2001,
les articles 1599 C à 1599 J ainsi que les articles 1599
nonies
à 1599
duodecies
du code général des impôts sont abrogés.
« II. - Le septième alinéa (5°) de l'article L. 3332-1 et le deuxième alinéa
(1°) de l'article L. 4425-1 du code général des collectivités territoriales
sont supprimés.
« B. - Pour compenser les pertes de recettes résultant des dispositions du I,
compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« VIII. - 1°) Les pertes de recettes résultant, pour les collectivités
territoriales concernées, de l'extension du champ de l'exonération de la
vignette, sont compensées à due concurrence par une majoration de la dotation
globale de fonctionnement.
« 2°) Les pertes de recettes pour l'Etat résultant de la suppression de la
taxe différentielle sur les véhicules à moteur sont compensées à due
concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus par les
articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° I-51 est présenté par M. Fréville et les membres du groupe de
l'Union centriste.
L'amendement n° I-153 est présenté par MM. du Luart, Revet, Bourdin, Clouet,
Lachenaud, Trucy et les membres du groupe des Républicains et indépendants.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« A. - Rédiger ainsi le I et le II de l'article 11
quinquies
:
« I. - Les articles 1599 C à 1599 J ainsi que les articles 1599
nonies
à 1599
duodecies
du code général des impôts sont abrogés.
« II. - Le septième alinéa (5°) de l'article L. 3332-1 et le deuxième alinéa
(1°) de l'article L. 4425-1 du code général des collectivités territoriales
sont supprimés.
« B. - Pour compenser la perte de recettes résultant du A ci-dessus, compléter
cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... 1°) Les pertes de recettes résultant pour les collectivités locales
concernées de l'extension du champ de l'exonération de la vignette sont
compensées à due concurrence par une majoration de la dotation globale de
fonctionnement.
« 2°) Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées par la création d'une
taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général
des impôts. »
L'amendement n° I-26, présenté par M. Marini, au nom de la commission des
finances, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le V de l'article 11
quinquies
:
« V. - L'article 25 de la loi de finances pour 1984 (n° 83-1179 du 29 décembre
1983) est abrogé. »
La parole est à M. Joly, pour défendre l'amendement n° I-89.
M. Bernard Joly
Je le retire, car c'est un amendement de coordination avec les amendements
précédents.
M. le président.
L'amendement n° I-89 est retiré.
La parole est à M. Eckenspieller, pour défendre l'amendement n° I-163.
M. Daniel Eckenspieller.
Cet amendement vise, lui aussi, à supprimer la vignette automobile pour
l'ensemble des contribuables qui y sont assujettis.
Le Gouvernement ayant fait le choix de réduire les impôts revenant aux
collectivités territoriales, il convient, me semble-t-il, de conduire cette
logique à son terme.
Si la vignette doit être supprimée, qu'elle le soit en totalité, sauf à
vouloir perpétuer un dispositif discriminatoire distinguant, d'une part, les
particuliers et certains professionnels et, d'autre part, certaines catégories
professionnelles entre elles.
En tout état de cause, l'iniquité, la complexité et le coût d'un tel
dispositif ne peuvent que le condamner à brève échéance. Aussi convient-il de
l'abroger dès à présent.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l'amendement n° I-25
rectifié.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Dans le prolongement de l'amendement que nous avons
présenté l'année dernière, il s'agit de supprimer totalement la vignette en
abrogeant les articles correspondants dans le code général des impôts et dans
le code général des collectivités territoriales.
Madame le secrétaire d'Etat, il est bien évident que le maintien d'une
vignette résiduelle n'a plus aucune justification. Il est dommage que, faute
d'avoir dans l'immédiat l'argent nécessaire pour tout supprimer, vous laissiez
subsister un impôt « croupion » dont le coût de gestion reste élevé puisqu'il
faut continuer à en contrôler le recouvrement. Cette situation crée des
injustices, des lourdeurs dans la gestion de l'Etat, un gaspillage de l'argent
public.
Madame le secrétaire d'Etat, les discussions que vous avez eues à l'Assemblée
nationale avec mon homologue, M. Didier Migaud, montrent que, sur le fond, vous
n'êtes pas opposée à cette suppression complète, qui s'impose et qui
interviendra un jour ou l'autre. Les arbitrages budgétaires l'ont empêché.
Tout ce qui demeure possible, c'est, dans certains départements, comme l'Oise
ou la Seine-Maritime, de voter le taux zéro. J'ai constaté avec plaisir qu'une
circulaire récente de la direction générale des impôts salue ces décisions en
précisant que, pour ces départements, il ne sera plus édité de vignettes au
sens physique du terme. Cela répond à une question que nous nous étions posée ;
il nous reste à espérer que l'Etat prendra rapidement le relais.
Je reviens brièvement sur l'amendement n° I-87. Cette année, il ne s'agit pour
nous que de supprimer la vignette résiduelle. L'amendement présenté l'année
dernière par la commission, qui remplaçait un impôt par d'autres impôts,
portait sur l'ensemble de la vignette et représentait environ 14 milliards de
francs.
Nous pouvions pratiquer cet exercice en trouvant des recettes évolutives pour
un volume comparable. Aujourd'hui, pour le seul montant résiduel, l'exercice
paraît sans intérêt et trop difficile sur le plan technique. Bien que ce soit
contraire au principe d'autonomie fiscale auquel, madame le secrétaire d'Etat,
nous tenons particulièrement, nous proposons, par souci de simplification,
l'amendement n° I-25 rectifié.
M. le président.
La parole est à M. Fréville, pour défendre l'amendement n° I-51.
M. Yves Fréville.
Cet amendement vise, lui aussi, à supprimer un impôt « croupion », qui crée
des difficultés de type administratif et de gestion. Je saisis cette occasion
pour soulever un problème.
Il est bien évident, madame le secrétaire d'Etat, qu'un jour cette « vignette
croupion » sera supprimée. Mais je voudrais éviter que la future compensation
avantage les seuls départements qui n'auraient pas supprimé la vignette
auparavant. C'est ce qui m'inquiète. Il conviendra de traiter de la même façon
tous les départements en prenant la même date de référence.
Sous cette réserve, je retire l'amendement n° I-51 au profit de l'amendement
n° I-25 rectifié.
M. le président.
L'amendement n° I-51 est retiré.
La parole est à M. du Luart, pour défendre l'amendement n° I-153.
M. Roland du Luart.
Cet amendement s'inscrit dans la même logique de suppression totale de la
vignette automobile. Il est identique à celui que vient de présenter M.
Fréville.
Notre groupe avait proposé cet amendement lors de précédentes discussions
budgétaires. En effet, en étendant les dispositions d'exonération, l'article 11
quinquies
du projet de loi de finances fait un pas dans la bonne voie,
celle qui a été choisie par l'Assemblée nationale. Dans un souci d'équité et,
surtout, de cohérence fiscale, il faut aller jusqu'au bout de cette logique et
supprimer totalement la vignette dès 2002.
Pour gagner du temps, je retire l'amendement et je me rallie à l'amendement n°
I-25 rectifié de la commission.
M. le président.
L'amendement n° I-153 est retiré.
La parole est à M. le rapporteur général, pour défendre l'amendement n° I-26
et donner l'avis de la commission sur l'amendement n° I-163.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
L'amendement n° I-26 est un amendement de
conséquence.
Quant à l'amendement n° I-163, il sera satisfait par l'adoption de
l'amendement n° I-25 rectifié de la commission. Je suggère donc à notre
collègue de bien vouloir le retirer.
M. le président.
Monsieur Eckenspieller, l'amendement n° I-163 est-il maintenu ?
M. Daniel Eckenspieller.
Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° I-163 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s I-25 rectifié et I-26
?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur
l'amendement n° I-25 rectifié.
Par ailleurs, l'amendement n° I-26 étant, en effet, un amendement de
conséquence, le Gouvernement s'en remettra à la sagesse du Sénat.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-25 rectifié.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je voudrais souligner l'absurdité de la situation. On
laisse subsister un « morceau » d'impôt, en sachant que cela n'a aucun sens,
que le recouvrement et le contrôle vont coûter très cher, tout simplement parce
que c'est comme cela.
Il suffit de lire les débats de l'Assemblée nationale et les écrits du
rapporteur général, M. Didier Migaud, qui estime que, plus ce sera absurde,
plus cela coûtera cher, plus on aura de chances de voir supprimer le reste de
la vignette l'année prochaine !
Dans l'intervalle, madame le secrétaire d'Etat, des gens seront pris dans la «
fenêtre de tir », et paieront cet impôt. C'est regrettable !
M. Roland du Luart.
Sauf si l'Assemblée nationale accepte de nous suivre !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-25 rectifié, repoussé par le
Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-26, pour lequel le Gouvernement s'en remet
à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 11
quinquies
, modifié.
(L'article 11
quinquies
est adopté.)
Articles additionnels après l'article 11 sexies (suite)
M. le président.
L'amendement n° I-66, présenté par M. Mercier, est ainsi libellé :
« Après l'article 11
sexies
, insérer un article additionnel ainsi
rédigé :
« Après l'article 1636 B
sexies
A du code général des impôts, il est
inséré un article additionnel ainsi rédigé :
«
Art... -
Pour les départements dans lesquels le taux de la taxe
professionnelle est inférieur au taux moyen national constaté dans l'ensemble
des collectivités de même nature, et qui choisissent de faire varier librement
entre eux les taux des quatre taxes en application des dispositions du
b
du 1 du I de l'article 1636 B
sexies
, le taux de la taxe professionnelle
ne peut, par rapport à l'année précédente, être augmenté dans une proportion
supérieure à une fois et demie celle du taux de la taxe d'habitation.
« L'application des dispositions du présent article ne peut avoir pour effet
de porter le taux de la taxe professionnelle au-dessus du taux moyen national.
»
La parole est à M. Mercier.
M. Michel Mercier.
Par cet amendement relativement technique, je le reconnais, je propose au
Sénat de remédier à l'un des effets pervers de la suppression de la part
salaires de l'assiette de la taxe professionnelle.
Il s'agit ici non pas de discuter afin de savoir s'il était opportun ou non de
supprimer la part salaires de la taxe professionnelle, mais simplement de
corriger une des conséquences de cette suppression.
Je remarque d'ailleurs que nous commençons à supprimer les conséquences
négatives de la suppression de cette part salariale, notamment en ce qui
concerne le potentiel fiscal ou les ressources des fonds départementaux de
péréquation de la taxe professionnelle.
Aujourd'hui, les règles de lien entre les taux des impôts locaux sont
inchangées, alors même que leur part respective dans l'ensemble des impôts est
très largement modifiée du fait de la diminution de l'assiette de la taxe
professionnelle.
Cette année, les départements seront confrontés à des dépenses nouvelles
importantes et plusieurs d'entre eux, sinon la totalité, seront dans
l'obligation d'augmenter le produit fiscal, notamment pour faire face aux
dépenses de l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA.
Si nous maintenons les règles actuelles, l'essentiel de l'augmentation du
produit fiscal sera supporté par les ménages ; ce sont les ménages qui
financeront l'APA dans les départements. A mon avis, personne ne le souhaite.
J'ai donc déposé un amendement qui organise un certain assouplissement de la
liaison des taux dans chaque département, avec des limites pour ne pas
transférer complètement le poids de l'impôt des ménages sur la taxe
professionnelle et parvenir à un système relativement équilibré.
En effet, si l'on suit ma proposition, le taux de la taxe professionnelle ne
pourrait être augmenté, par rapport à l'année dernière, dans une proportion
supérieure à une fois et demie celle du taux de la taxe d'habitation et il ne
pourrait en aucun cas dépasser le taux moyen national.
Or je vous ai bien entendu indiquer, madame le secrétaire d'Etat, que, lorsque
ce taux restait en dessous du taux moyen national, on faisait jouer la
solidarité nationale. C'est précisément cette solidarité de tous les
contribuables locaux que je vous propose de faire jouer pour financer l'APA,
puisque telle est la règle qui a été retenue.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Tout à fait favorable !
Ce dispositif vise à corriger un effet secondaire indésirable de la
suppression de la part salaires de la taxe professionnelle. L'assouplissement
proposé dans cet amendement est à la fois limité aux départements pour les
raisons budgétaires rappelées par M. Michel Mercier et encadré, ce qui supprime
tout risque éventuel de « matraquage » des entreprises, si je puis dire.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Cet amendement vise à assouplir les modalités de
fixation du taux de taxe professionnelle des départements, en aménageant la
règle de lien dans le sens de la hausse.
Les départements dont le taux de taxe professionnelle est inférieur au taux
moyen national pourraient donc, selon cet amendement, augmenter leur taux de
taxe professionnelle dans la limite d'une fois et demie l'augmentation du taux
de la taxe d'habitation.
Je comprends bien la volonté qui est la vôtre de ne pas augmenter la pression
fiscale sur les ménages. Néanmoins, je ne peux, dans l'immédiat, accepter votre
proposition sans un complément de simulation dont je ne dispose pas au moment
où je vous parle.
A ce stade, je rappelle qu'il existe un dispositif dérogatoire qui autorise
les départements à instituer, en franchise des règles de lien entre les taux,
une majoration spéciale du taux de taxe professionnelle lorsque celui-ci est
inférieur au taux moyen national et que le taux moyen pondéré des ménages est,
pour ce qui le concerne, supérieur au taux moyen national pondéré de cette
taxe.
Ce dispositif répond, pour une part importante, à la préoccupation que vous
venez d'exprimer.
Il faut aussi penser à conserver un équilibre des augmentations de charges
fiscales entre, d'un côté, les ménages et, de l'autre, les entreprises. Les
règles actuelles constituent, de ce point de vue, une protection pour les
entreprises qui, vous le savez mieux que personne, sont très sensibles aux
hausses de taux de la taxe professionnelle dès lors que le plafonnement de la
cotisation en fonction de la valeur ajoutée ne prend pas en compte les
augmentations de pression fiscale qui sont décidées par les collectivités
locales.
Pour l'ensemble de ces motifs, je souhaite, monsieur le sénateur, que vous
retiriez cet amendement afin que nous puissions étudier les conséquences
concrètes du dispositif que vous proposez.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je me hasarde à émettre une suggestion
constructive.
Madame le secrétaire d'Etat, vous nous dites que le dispositif est intéressant
mais qu'il nécessite une simulation et que vous n'en disposez pas encore.
J'ai cru comprendre, peut-être me suis-je trompé, qu'il y a là l'amorce d'une
petite ouverture. Vous ne nous avez pas répondu qu'il n'en était pas question,
que cela n'était pas du tout une bonne idée que ce n'était pas opportun.
Madame le secrétaire d'Etat, vos services et éventuellement ceux de la
direction générale des collectivités locales, la DGCL, pourraient se faire leur
opinion d'ici à la discussion de la loi de finances rectificative pour 2001, ce
qui leur laisse à peu près un mois.
Accepteriez-vous d'examiner favorablement, sous réserve de ces quelques
vérifications, le dispositif préconisé par notre collègue Michel Mercier,
d'autant qu'il ne peut pas conduire à porter le taux de la taxe professionnelle
au-dessus de la moyenne nationale et qu'il maintient donc un encadrement.
Vous voyez bien qu'il s'agit simplement d'un dispositif d'assouplissement,
d'aménagement de la fiscalité locale destiné à permettre aux départements,
s'ils l'estiment utile, de disposer d'un moyen supplémentaire pour faire face à
leurs nouvelles charges, en particulier l'APA.
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Je souscris tout à fait à la méthode qui vient d'être
proposée. Je pense que nous aurons l'occasion de reparler de ce sujet, en
effet, lors de l'examen du collectif budgétaire de fin d'année.
Je suis donc tout à fait disposée à ce que ce travail soit fait, à condition
qu'il le soit de manière objective et dans le respect des principes que
j'énonçais tout à l'heure dans un cadre plus global de réforme.
M. le président.
Monsieur Mercier, l'amendement est-il maintenu ?
M. Michel Mercier.
Je suis toujours partisan du dialogue dès lors que l'objectif est de trouver
une solution et pas de parler pour occuper le temps.
Madame le secrétaire d'Etat, j'ai peut-être plus que vous confiance dans les
services à la fois du ministère de l'intérieur et de votre secrétariat d'Etat.
Je sais qu'ils sont parfaitement capables - ils l'ont déjà démontré - de nous
donner la réponse après le dîner, à l'issue de la suspension de séance, compte
tenu du faible nombre de départements concernés.
(Mme le secrétaire d'Etat
marque son étonnement.)
Mais on peut leur donner quelques jours de plus, je n'y suis pas hostile !
Pour bien fixer les idées de tous et rester dans un esprit de recherche de
solution, j'ajouterai que, dans le département qui m'a élu, le Rhône, même si
l'on est opposé à un texte, une fois qu'il est voté, on l'applique.
Comme dans tous les départements, nous avons mis les dossiers d'APA en
distribution. Depuis le 15 novembre, les 7 500 dossiers imprimés ont été
retirés. Nous devons donc en faire imprimer de nouveaux. A cela s'ajoute la
circulaire de votre collègue ministre de l'emploi que j'ai trouvée ce matin,
sur laquelle vous ne m'avez pas répondu - ce que je comprends bien aujourd'hui,
mais j'espère que vous pourrez le faire un jour - et qui entraînera de
nouvelles dépenses.
L'accroissement de ces dépenses va conduire l'assemblée départementale du
Rhône à augmenter de 10 % le produit fiscal. Pour avoir 10 % de produit fiscal
en plus, compte tenu du système dans lequel nous nous trouvons aujourd'hui, il
faut augmenter les taux de 15 %.
Une augmentation des taux de 15 % se traduit par un accroissement de 20 % du
produit de la taxe d'habitation et de 3 % à 4 % de la taxe professionnelle.
C'est une donnée brute que nous avons relevée sur place et que je vous invite à
faire entrer dans tous les ordinateurs des deux ministères.
Si vous me dites : « Non, pas ce soir », je suis prêt à retirer cet
amendement. Mais si vous me dites, non, dans trois semaines, cela voudra dire
que l'on va faire payer par les ménages l'essentiel de l'APA et qu'il n'y aura
aucune solidarité.
Avec cet amendement, nous proposons simplement un petit élargissement.
L'amendement laisse le taux en deçà du taux moyen national ; il ne s'agit donc
pas de tout transférer sur les entreprises. S'il en était autrement, nous
serions à contre-rôle dans cette affaire.
Monsieur le président, j'accepte donc de retirer mon amendement, tout en me
réservant le droit de le déposer de nouveau, au plus tard dans la loi de
finances rectificative pour qu'il puisse s'appliquer dès le 1er janvier
2002.
M. le président.
L'amendement n° I-66 est retiré.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt-deux heures dix,
sous la présidence de M. Serge Vinçon.)
PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
7
DÉCISION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
M. le président.
M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel,
par lettre en date de ce jour, le texte de la décision rendue par le Conseil
constitutionnel sur la loi portant amélioration de la couverture des
non-salariés agricoles contre les accidents du travail et les maladies
professionnelles.
Acte est donné de cette communication.
Cette décision du Conseil constitutionnel sera publiée au
Journal officiel,
édition des lois et décrets.
8
LOI DE FINANCES POUR 2002
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2002, adopté par l'Assemblée nationale.
DÉBAT SUR LES RECETTES
DES COLLECTIVITÉS LOCALES
(suite)
M. le président.
Dans le débat sur les recettes des collectivités locales, nous poursuivons
l'examen des amendements tendant à insérer des articles additionnels après
l'article 11
sexies.
Articles additionnels après l'article 11 sexies (suite)
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° I-114 rectifié, présenté par MM. Oudin, Besse, Demuynck,
Cazalet et Calmejane, Mme Michaux-Chevry, MM. Dufaut, Gournac, Lardeux,
Gruillot, Lassourd, César, Doublet, Goulet, Murat, François, Ostermann,
Fournier, Ginésy, Leclerc, Rispat, Vasselle, Trillard, Braye et Doligé, est
ainsi libellé.
« Après l'article 11
sexies,
insérer un article additionnel ainsi
rédigé :
« I. - Le II de l'article 1641 du code général des impôts est complété
in
fine
par une phrase ainsi rédigée : "A compter de l'année 2002, ce taux est
réduit à 4,2 % pour la taxe d'habitation, 2,1 % pour les taxes foncières et 1 %
pour la taxe professionnelle."
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat est compensée, à due
concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux
articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° I-198, déposé par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et les
membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 11
sexies,
insérer un article additionnel ainsi
rédigé :
« I. - Dans la seconde phrase du II de l'article 1641 du code général des
impôts, le taux : "4,4 % ", est remplacé par le taux : "4 % ".
« II. - Le taux de l'impôt sur les sociétés est relevé à due concurrence. »
La parole est à M. Oudin, pour présenter l'amendement n° I-114 rectifié.
M. Jacques Oudin.
Pour financer la révision des bases locatives, l'Etat opère un prélèvement sur
le produit des impôts locaux. Notre amendement prévoit de supprimer ce
prélèvement. En effet, les frais engagés par l'Etat à cette fin doivent
maintenant être amortis, étant donné le temps écoulé depuis les premières
études !
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Plus qu'amortis !
M. Jacques Oudin.
Ça, c'est vrai !
Si d'autres études ou d'autres travaux doivent être menés, le financement
pourra être opéré par le budget de l'Etat sans qu'il y ait lieu de ponctionner
à nouveau les collectivités locales et les contribuables.
M. le président.
La parole est à M. Foucaud, pour présenter l'amendement n° I-198.
M. Thierry Foucaud.
Cet amendement vise à supprimer le prélèvement de 0,4 % opéré pour financer la
mise en oeuvre de la révision des valeurs locatives. Ce prélèvement est devenu
sans objet, le coût de la révision des valeurs locatives étant en effet
largement couvert. Ce serait donc une première étape avant de procéder à la
révision proprement dite.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission est partagée entre plusieurs sentiments
: d'une part, bien sûr, le sentiment d'adhésion à la proposition qui est faite
par Jacques Oudin, mais, d'autre part, le sentiment de nos responsabilités à
l'égard du solde de la première partie de la loi de finances.
Sur le fond des choses, madame le secrétaire d'Etat, vous vous souvenez qu'un
rapport de l'inspection générale des finances, signé de Jean-Luc Lépine,
indiquait, en 1998, que le coût de gestion des impôts en France était, sur la
base de l'année 1997, de 4,17 % pour la taxe d'habitation, de 2,03 % pour la
taxe foncière et de 1 % pour la taxe professionnelle.
L'amendement présenté par Jacques Oudin prévoit que les frais perçus par
l'Etat correspondent au coût réellement supporté par lui, ce qui ne peut pas
être contesté : c'est la vérité économique !
Par ailleurs, il convient de rappeler que l'Etat perçoit toujours un
prélèvement de 0,4 % pour financer la révision des bases locatives, ce qui,
chacun le sait, a manifestement perdu toute justification depuis plusieurs
années.
L'an dernier, si je ne me trompe, nous avions voté un amendement semblable à
cet amendement n° I-114 rectifié.
S'agissant de l'effet financier de telles mesures, il est de mon devoir de
dire qu'elles représentent un certain nombre de milliards de francs. Comme vous
le savez, mes chers collègues, la commission a souhaité que, pour l'examen de
la première partie de la loi de finances, nous modérions nos amendements pour
éviter de faire apparaître une photo que Mme le secrétaire d'Etat utiliserait
certainement lors de la reddition des comptes de la première partie pour nous
culpabiliser, en nous expliquant que le prix de la cigarette est passé à un
chiffre prohibitif. Face à cette contradiction, je formulerai les positions
suivantes.
En ce qui concerne l'amendement n° I-198 du groupe communiste républicain et
citoyen, outre le fait que nous ne pouvons pas accepter le gage tel qu'il se
présente, cet amendement ne traitant que les 0,4 % de révision des bases
locatives, il ne nous semble pas aller assez loin pour une position de
principe.
S'agissant d'une position de principe, il faut soutenir la thèse de Jacques
Oudin et de ses collègues. Mais le voeu que nous émettrions aurait davantage sa
place dans la deuxième partie de la loi de finances. En effet, il ne faut pas
se faire d'illusion, sauf à attendre que Mme le secrétaire d'Etat nous donne
l'assurance que ces charges indues seront résorbées au cours des prochaines
années, ce qui est peu probable.
Je souhaite donc le retrait de cet amendement ce soir afin de le faire
figurer, en deuxième partie, au nombre des positions de principe que le Sénat
souhaitera réaffirmer solennellement, tout en sachant que les conditions de
l'équilibre budgétaire de 2002 rendraient difficile, compte tenu des choix qui
ont été faits, le financement d'une charge aussi importante.
Bref, la commission est défavorable à l'amendement n° I-198 et demande le
retrait de l'amendement n° I-114 rectifié et son report en deuxième partie.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les deux amendements ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
L'amendement n° I-114 rectifié vise purement et
simplement à supprimer un prélèvement perçu par l'Etat au titre des frais
d'assiette et de recouvrement en matière de taxe d'habitation.
Au risque de me répéter, je rappelle qu'à l'occasion de notre débat sur le
projet de loi de finances rectificative pour 2000 j'avais notamment expliqué
les raisons pour lesquelles je n'étais pas favorable à cette mesure. En effet,
les frais de gestion de la taxe d'habitation demeurent et, compte tenu du poids
de ces impôts, la part qui reste à la charge de l'Etat au titre des admissions
en non-valeur a considérablement augmenté, bien plus rapidement que les
recettes qui sont perçues par l'Etat en contrepartie.
S'agissant de la taxe d'habitation, chacun ici pourra en convenir, c'est un
impôt qui se caractérise en effet par des coûts de gestion élevés, monsieur
Oudin.
Par ailleurs, vous le savez, dans le collectif de printemps de l'année 2000,
le Gouvernement a proposé une réforme importante en matière de taxe
d'habitation qui a consisté à regrouper sous un seul et unique dispositif les
dégrèvements existants et à supprimer la part régionale de taxe d'habitation,
ce qui a représenté un allégement très substantiel pour les contribuables,
beaucoup plus substantiel qu'une suppression des frais de gestion, qui ne
représenterait que quelques dizaines de francs par contribuable. Pour cette
raison, je ne suis pas favorable à l'amendement n° I-114 rectifié.
Je ne suis pas plus favorable à l'amendement n° I-198, et j'aimerais profiter
de l'occasion qui m'est donnée pour rappeler à M. le rapporteur général, qui ne
l'a, d'ailleurs, certainement pas oublié, que la majoration de 0,4 point n'est
plus destinée à compenser le coût de la révision des bases. M. le rapporteur
général sait mieux que personne, en effet, que c'est une loi de finances pour
1996 qui a pérennisé ce prélèvement, de sorte que, aujourd'hui, ce prélèvement,
avec un taux de 4,4 %, est sans affectation.
M. Michel Mercier.
Il ne faut pas persévérer dans l'erreur !
M. Philippe Marini,
rapporteur.
C'est une charge sans contrepartie !
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-114 rectifié.
M. Jacques Oudin.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin.
M. le rapporteur général nous conseille d'être sans illusions. Voilà son appel
entendu : que ce soit sur la réforme de l'Etat ou sur la réforme des impôts
locaux, nous sommes, en effet, sans illusions...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Sans illusions, oui !
M. Jacques Oudin.
... et même, pour tout dire, un peu désespérés.
Année après année, ce sont les mêmes amendements, les mêmes arguments, les
mêmes réponses, et chaque année on s'en retourne en promettant de reprendre le
même débat l'année suivante. Avouez que, au bout d'un certain nombre d'années,
cela devient un peu lassant !
(Sourires.)
Cela étant, Mme le secrétaire d'Etat a eu une explication tout à fait
intéressante, qui éclaire d'un jour particulier certains agissements de la
puissance publique, de l'Etat. On commence par mettre en place un impôt pour
une raison particulière. Ici, il s'agit de réviser les bases ; comme cela va
coûter, il est nécessaire de prévoir un dispositif, et on décide le 0,4 %. Au
bout de quelques années, ce 0,4 % n'a plus de justification. Mais, loin de le
supprimer, on le pérennise. Eh bien ! je trouve, moi, ce genre de pratique
profondément détestable.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est une tromperie !
M. Jacques Oudin.
Et certains se demandent ensuite pourquoi nos prélèvements atteignent des
niveaux excessifs ! C'est qu'ils ont augmenté peu à peu pour atteindre les
niveaux que nous connaissons. Et je pourrais citer bien d'autres exemples.
Ainsi, madame le secrétaire d'Etat, je me suis battu pendant des années pour
supprimer la redevance audiovisuelle : elle ne sert plus à rien ! Autrefois, on
poursuivait les redevables parce que 20 % seulement des Français possédaient un
poste de télévision et 80 % n'en avaient pas. Aujourd'hui, tous les Français -
à 98 % - sont détenteurs d'un poste de télévision, et il suffit de majorer la
taxe d'habitation pour obtenir le même résultat. On en profitera pour supprimer
un service public qui ne sert à rien. Les 1 400 personnes qui travaillent à
Rennes, combien de milliards de francs coûtent-elles ? N'est-ce pas une somme
comprise entre 1,5 et 2 milliards de francs par an ?
Non, vraiment, nous sommes, en France, incapables de réformer l'Etat. C'est
donc sans illusions, monsieur le rapporteur général, que je retire cet
amendement. Mais même des illusions perdues valent bien que l'on se batte pour
elles !
M. le président.
L'amendement n° I-114 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° I-198, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
L'amendement n° I-225 rectifié, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M.
Loridant, et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi
libellé :
« Après l'article 11
sexies
, insérer un article additionnel ainsi
rédigé :
« L'article 1648 AB du code général des impôts est ainsi modifié :
« 1. Dans le premier alinéa, les mots : "ou ultimes" sont remplacés par les
mots : ", ultimes ou de matériels à risques spécifiés".
« 2. Dans l'avant-dernier alinéa, les mots : "industriels spéciaux" sont
supprimés. »
La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam.
Je me sens particulièrement bien placé pour évoquer le problème du stockage
des farines animales puisque la commune dont je suis l'élu compte un
établissement de stockage de 60 000 tonnes.
La question du stockage et de l'élimination des farines animales est
aujourd'hui d'autant plus importante qu'il faut régler définitivement les
problèmes nés du développement de l'encéphalopathie spongiforme bovine et de
l'incapacité technique actuelle d'éliminer ces farines au fur et à mesure de
leur production.
Compte tenu des capacités d'élimination effective des produits concernés se
pose, dans un premier temps, la question du stockage. Ainsi, un peu partout
dans le pays, des sites ont été choisis et désignés par arrêté préfectoral sans
que les collectivités puissent s'y opposer.
C'est pourquoi, par cet amendement, nous proposons que cette démarche, rendue
nécessaire par la situation actuelle, ne puisse apparaître, pour les
collectivités territoriales concernées, comme un facteur de pénalisation.
L'existence de ces centres de stockage semble, en effet, laisser peser le
risque d'une forme de désaffection pour les communes concernées compte tenu,
notamment, de l'emsemble des gênes occasionnées par la présence de ces centres,
notamment en termes d'image dans les zones artisanales ou industrielles
concernées. On pense, par exemple, aux nuisances olfactives et aux problèmes de
la rotation des véhicules de transport.
C'est pourquoi nous proposons de majorer la dotation globale forfaitaire de
six millions d'euros, somme proche du cinquième de celles qui seront mobilisées
pour l'ensemble du dispositif, et de répartir ensuite ces sommes entre les
communes abritant les centres de stockage.
Les collectivités concernées, souvent sollicitées par des entreprises privées
ou des coopératives pour un marché plutôt intéressant, d'ailleurs, puisqu'il
s'agit d'une base de 145 francs par tonne et par an, n'ont pas eu le loisir de
refuser ou d'accepter. Ce qui est certain, c'est qu'elles rendent service à
toutes les autres, qui évitent ainsi ce type de stockage peu envié et peu
enviable. Il me semble donc normal que ces collectivités-là soient
dédommagées.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission souhaite entendre le Gouvernement.
M. le président.
Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
L'amendement vise à offrir aux communes où sont
stockés des matériaux à risques spécifiés, en particulier des farines, une
compensation financière, par le biais d'une péréquation de la taxe
professionnelle à la charge des communes où sont implantées les entreprises qui
produisent ces matériaux.
Est proposée à cette fin une extension aux matériaux à risques spécifiés du
dispositif des fonds départementaux de solidarité pour l'environnement, prévu
par l'article 1648 AB du code général des impôts.
Ce dispositif avait pour objet d'instituer, au sein d'un département, une
solidarité entre les communes qui accueillent des entreprises produisant des
déchets industriels spéciaux et les communes où ces déchets sont stockés.
Je me dois de rappeler que ce dispositif n'a pas été mis en place, notamment
parce que le cadre départemental s'est avéré inadapté. Depuis, la TGAP
applicable aux déchets industriels spéciaux a permis de répondre au
problème.
S'agissant de la préoccupation que vous exprimez, monsieur Le Cam, qui
concerne les matériaux à risques spécifiés, vous comprendrez qu'elle ne peut
trouver de réponse dans une extension de ce dispositif, en particulier parce
que les producteurs de ces déchets sont des éleveurs et souvent des abattoirs
gérés par les collectivités locales, qui sont exonérées de taxe
professionnelle.
Toutefois, et je crois comprendre que c'est déjà une réponse à votre
préoccupation, je peux vous indiquer que de nouveaux cahiers des charges
viennent d'être adressés aux préfets, prévoyant la possibilité de stocker les
farines dans des conteneurs, ce qui permettra de diminuer considérablement les
gênes occasionnées par le dispositif de stockage qui, je le répète, a vocation
à être transitoire.
Les capacités d'élimination des farines comme des déchets crus, que nous avons
suscitées dans le cadre d'appels à propositions lancés par la mission
interministérielle pour l'élimination des farines animales, nous permettront, à
l'avenir, de réduire le stockage au strict minimum.
Compte tenu de ces observations, j'espère, monsieur le sénateur, que vous
retirerez votre amendement.
M. le président.
Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission pense que, compte tenu des arguments
développés par Mme le secrétaire d'Etat, cet amendement pourrait effectivement
être retiré.
M. Gérard Le Cam.
Il est maintenu !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-225 rectifié, repoussé par la commission et
par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
L'amendement n° I-79, présenté par M. Mercier, est ainsi libellé :
« Après l'article 11
sexies
, insérer un article additionnel ainsi
rédigé :
« I. - Après le troisième alinéa (2°) du I de l'article 1648 B
bis
du
code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 3° du produit résultant à compter de 2001 des dispositions des troisième et
quatrième alinéas du III de l'article 9 de la loi de finances pour 1993 (n°
92-1316 du 30 décembre 1992), du I de l'article 54 de la loi de finances pour
1994 (n° 93-1352 du 30 décembre 1993) et des troisième et onzième alinéas du IV
bis
de l'article 6 de la loi de finances pour 1987 (n° 86-1317 du 30
décembre 1987). »
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du I
ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe
additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts. »
La parole est à M. Mercier.
M. Michel Mercier.
Cet amendement, très technique, est relatif aux réfactions des compensations
d'exonérations d'impôts locaux. Mme le secrétaire d'Etat nous a expliqué que
les concours de l'Etat devaient avoir deux grandes vocations : la solidarité
entre l'Etat et les collectivités territoriales et, surtout, une péréquation
affirmée.
Cet amendement a précisément pour objet de proposer que soient affectées au
fonds national de péréquation de la taxe professionnelle, le FNPTP, les
réfactions des compensations d'exonérations d'impôts locaux qui, aujourd'hui,
sont perçues par l'Etat au profit du budget général. En affectant le montant de
ces réfactions au FNPTP, on renforcerait la vocation péréquatrice de ce
fonds.
Le principal argument que Mme le secrétaire d'Etat avait avancé l'année
dernière pour refuser cet amendement était que les dotations de l'Etat au FNPTP
et au FNP, le fonds national de péréquation, ne diminuaient pas en loi de
finances pour 2001. Or la situation change complètement puisque, dans le projet
de loi de finances pour 2002, ces fonds diminuent de 1,29 % et, surtout, le
produit de la taxe professionnelle de France Télécom diminue de 30 millions
d'euros.
Compte tenu de vos déclarations en fin d'après-midi, je suis sûr, madame le
secrétaire d'Etat, que vous aurez à coeur de faire en sorte que le FNPTP puisse
remplir son rôle.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est une importante question de principe qui est ici
soulevée.
L'amendement de M. Mercier vise à affecter le produit des réfactions des
compensations d'exonérations d'impôts locaux au fonds national de péréquation
de la taxe professionnelle plutôt qu'au budget de l'Etat.
Les réfactions sont contestables dans leur principe, puisqu'elles rompent le
contrat moral, en quelque sorte, que constitue l'engagement de l'Etat de
compenser les pertes de recettes supportées par les collectivités locales. Pour
donner un ordre de grandeur et fixer les idées, en 2000, le montant total de la
DGF a augmenté de 343 millions d'euros ; la même année, les économies pour
l'Etat résultant de l'existence de ces mécanismes de réfaction s'élevaient à
450 millions d'euros ! Ces deux sommes méritent d'être comparées.
Notre collègue propose que ces sommes servent à financer la péréquation par le
biais d'une affectation au fonds national de péréquation de la taxe
professionnelle, le FNPTP.
Madame le secrétaire d'Etat, nous avons écouté avec attention, tout à l'heure,
votre intervention dans le débat sur les recettes des collectivités
territoriales. Vous avez fait état de votre engagement en faveur de la
péréquation, terme qui revient souvent dans vos propos. Or, lorsque l'on
totalise l'effort financier de l'Etat en faveur de la péréquation en 2001, on
constate que les différents dispositifs représentent un peu plus de 25
milliards de francs, soit environ 15 % du total des dotations de l'Etat aux
collectivités territoriales.
Michel Mercier souhaite revenir à une certaine logique et affecter des sommes
complémentaires à la péréquation. Une telle démarche, manifestement, n'est pas
sans fondement. Cet amendement de principe nous semble donc intéressant. C'est
la raison pour laquelle, de manière un peu exceptionnelle, la commission des
finances a émis un avis favorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Certaines compensations d'allégements de fiscalité
locale aux collectivités locales font l'objet d'une réfaction qui varie en
fonction du niveau ou de la progression des recettes fiscales dont bénéficient
les collectivités concernées.
Vous proposez d'abonder le fonds national de péréquation d'un montant
équivalent à celui des mécanismes de réfaction qui ont été identifiés dans les
projets de loi de finances pour 1987, 1993 et 1994. Pour 2000, le montant
correspondant s'élève à 450 millions d'euros.
Ces réfactions, je le rappelle, visent avant tout à tenir compte de la
richesse des collectivités locales les plus prospères dans le calcul de
certaines compensations d'impôts locaux qui leur sont versées par l'Etat.
Je soulignerai également que le fonds national de péréquation de la taxe
professionnelle voit ses recettes diminuer ; cependant, monsieur le sénateur,
cette diminution est largement optique. Pourquoi ?
En 2002, le FNPTP se verra « soulagé » d'un certain nombre de charges qui
permettent de soutenir les moyens du fonds national de péréquation, le FNP. En
effet, l'Etat prendra à sa charge l'abondement de la DSR, la dotation de
solidarité rurale, ainsi que la totalité du coût des exonérations de taxe
professionnelle liées au pacte de relance pour la ville, qui étaient jusqu'à
présent financées par la fiscalité locale acquittée par France Télécom. Ce
transfert de charges devrait donc globalement compenser la baisse du produit de
cette dernière fiscalité.
Par ailleurs, la montée en puissance de la suppression de la part salaires de
la taxe professionnelle devrait aussi se traduire par une diminution du coût de
la garantie des pertes de base, qui sont à la charge du FNPTP.
Le Gouvernement a par ailleurs émis un avis favorable sur la proposition que
lui a faite la commission des finances de l'Assemblée nationale de reconduire
en 2002 l'abondement exceptionnel de 22,9 millions d'euros du fonds national de
péréquation afin de conforter les moyens d'action de celui-ci en faveur des
communes défavorisées.
Pour toutes ces raisons, monsieur le sénateur, vous comprendrez que je sois
amenée à émettre un avis défavorable sur votre amendement, ce qui ne remet pas
en cause mes propos sur la péréquation, que M. le rapporteur général a relevés
: le pourcentage de 15 % au sein de nos concours des dotations véritablement
péréquatrices qu'il a mentionné, et qui est exact, est un appel à faire mieux
!
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Nous vous invitions à faire mieux, et nous vous
donnions une idée en ce sens !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-79, accepté par la commission et repoussé
par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi de finances, après l'article 11
sexies
.
L'amendement n° I-65, présenté par M. Mercier, est ainsi libellé :
« Après l'article 11
sexies
, insérer un article additionnel ainsi
rédigé :
« I. - Le III de l'article 31 de la loi de finances pour 1989 (n° 88-1149 du
23 décembre 1988) est supprimé. »
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du I est
compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux
droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Mercier.
M. Michel Mercier.
Comme le précédent, cet amendement a notamment pour objet de permettre à Mme
la secrétaire d'Etat de voir son discours en faveur de la péréquation
immédiatement mis en oeuvre grâce à la suppression de dispositions anciennes et
à l'augmentation du montant de la dotation du FNPTP prévu par le
Gouvernement.
L'amendement a également pour objet de doter un peu plus fortement le fonds
national de péréquation, qui est le principal instrument de péréquation en
faveur du monde rural.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Le Sénat avait adopté cet amendement l'année
dernière. Pour différentes raisons de principe, la commission est favorable à
ce que cette position soit confirmée ce soir et à ce que soient soulignées les
incertitudes et les contradictions dans les propos du Gouvernement.
Si l'on voulait faire davantage pour la péréquation...
M. Patrick Lassourd.
Il y a de quoi !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... et lui apporter quelques ressources
supplémentaires sans mettre en cause les différents mécanismes qui y
contribuent, il faudrait déjà faire ce que propose Michel Mercier, rapporteur
spécial chargé des finances locales.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Comme le sait M. Mercier, la loi de finances pour 1989
a institué une cotisation nationale de péréquation dont le produit est reversé
à l'Etat. C'est précisément ce produit que vous souhaitez désormais laisser au
bénéfice du fonds de péréquation de la taxe professionnelle.
La majoration de la cotisation nationale de péréquation n'était pas une mesure
isolée au moment où elle a été instituée, en 1989, puisqu'elle venait en
compensation du surcoût induit pour l'Etat par le resserrement, la même année,
du plafonnement de la cotisation de taxe professionnelle des entreprises en
fonction de la valeur ajoutée, qui fait l'objet d'un dégrèvement à la charge de
l'Etat.
Le reversement à l'Etat du produit de cette majoration de la cotisation de
péréquation doit être mis en regard de la charge des dégrèvements de taxe
professionnelle supportée par l'Etat. En outre, j'ai indiqué de quelle manière
les recettes du FNPTP évoluaient en 2002.
Pour ces raisons, je ne suis pas favorable à cet amendement.
Au demeurant, monsieur le rapporteur général, il faut être précis quand on
cherche à me placer dans une situation de contradiction ! Nous avons eu un
débat sur la péréquation, et la conception que vous défendez est celle d'une
péréquation accrue en faveur des collectivités locales qui soit entièrement à
la charge de l'Etat.
Si nous voulons avoir un débat clair et transparent, nous devons aller au-delà
de cette conception, qui fait reposer la péréquation en faveur des
collectivités locales sur le seul contribuable national.
Par ailleurs, au sein des concours de l'Etat, la part péréquatrice est de 15 %
; je n'en tire aucune satisfaction particulière, parce que ces pourcentages ne
sont pas nécessairement très éclairants, mais je souhaite rappeler que cette
même part péréquatrice était à peine supérieure à 10 % en 1997.
Si je n'en tire aucun titre de gloire, c'est que, comme vous, je la trouve
assurément insuffisante. Toutefois, pour que le mouvement ainsi amorcé puisse
être amplifié, il faut que nous acceptions tous que le débat aille au-delà du
financement strictement national des questions de péréquation : la péréquation
est l'affaire de tous, y compris des collectivités locales elles-mêmes !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Puisque Mme le secrétaire d'Etat nous y invite, nous
allons tâcher d'aller au-delà des propos qui ont déjà été tenus.
De quoi parlons-nous ? Rappelons-nous l'histoire fiscale récente ! Nous
parlons d'une cotisation de péréquation. Qu'est-ce ? Une taxe additionnelle à
la taxe professionnelle, créée en 1980 pour alimenter la péréquation : ce sont
donc des ressources levées sur les contribuables locaux et destinées à
alimenter la péréquation entre les budgets locaux.
Que s'est-il passé ? En 1989, l'Etat a en quelque sorte confisqué à son profit
cette ressource locale payée par les contribuables locaux ; en 1999, lors de la
réforme de la taxe professionnelle, la cotisation a connu une majoration dont
le produit a été réservé au seul profit de l'Etat.
Madame le secrétaire d'Etat, si l'on veut que la fiscalité locale soit
lisible, si l'on veut que les relations financières entre l'Etat et les
collectivités locales soient compréhensibles, ne serait-il pas plus simple et
plus clair que les ressources issues des impôts locaux restent dans le circuit
des finances locales ? Quelle est la légitimité de la confiscation par l'Etat
d'une part de la taxe professionnelle ?
A l'origine, en 1980 - il y a plus de vingt ans -, dans l'esprit du
gouvernement de l'époque, ce dispositif, je le répète, était destiné à mettre
en place un début de répartition des ressources entre les collectivités ayant
des recettes de taxe professionnelle importantes et celles qui en avaient
moins.
Vous nous dites, madame le secrétaire d'Etat, que l'effort serait à la charge
de l'Etat. Oui, sans doute, puisque l'Etat s'est accaparé cette ressource !
Mais il n'aurait jamais dû le faire ! Comment peut-on défendre des dispositifs
d'une telle nature ? Lorsque nous abordons les questions de finances locales,
nous butons sans cesse sur des complexités excessives qui ne font que refléter
les contradictions multiples dans lesquelles nous sommes placés depuis déjà
très longtemps : il faut faire un effort pour simplifier tout ce dispositif.
Vous avez également fait allusion tout à l'heure, madame le secrétaire d'Etat,
aux réflexions en cours, et vous avez cité des principes qui vous sembleraient
de nature à guider les contributions intellectuelles à une future réforme des
finances locales. Si je ne me trompe, vous nous avez parlé de clarification et
de simplification.
Madame le secrétaire d'Etat, nous pouvons nous référer, jusqu'à un certain
point, aux mêmes principes que vous : péréquation et simplification ; nous
suggérons des moyens raisonnables d'y contribuer, et vous repoussez nos
propositions d'un revers de la main ! Pardonnez-moi, mais le Sénat ne peut
considérer comme constructif un dialogue mené sur de telles bases !
M. Patrick Lassourd.
Très bien !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-65, accepté par la commission et repoussé
par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi de finances, après l'article 11
sexies
.
L'amendement n° I-78 rectifié, présenté par MM. Mercier, Charasse, du Luart et
Oudin, est ainsi libellé :
« Après l'article 11
sexies,
insérer un article additionnel ainsi
rédigé :
« I. - Après le neuvième alinéa (7°) de l'article L. 3332-1 du code général
des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 8° Les droits de mutation par décès acquittés au titre des successions des
bénéficiaires de l'allocation personnalisée d'autonomie, à due concurrence des
sommes mentionnées à l'article L. 232-19 du code de l'action sociale et des
familles. »
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat est compensée à due
concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux
articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Le sous-amendement n° I-258, présenté par MM. Miquel, Massion, Moreigne,
Sergent, Demerliat, Lise, Haut, Marc, Angels et Auban, est ainsi libellé :
« Dans le texte proposé par le I de l'amendement n° I-78 rectifié pour
l'article L. 3332-1 du code général des collectivités territoriales, après le
mot : "acquittés", insérer les mots : "dans le département concerné ou non".
»
La parole est à M. Mercier, pour défendre l'amendement n° I-78 rectifié.
M. Michel Mercier.
Sur l'initiative du Parlement, la récente loi relative à l'allocation
personnalisée d'autonomie, l'APA, a supprimé la possibilité pour les
départements qui versent cette allocation de récupérer sur les successions des
bénéficiaires de l'allocation les sommes qui avaient été servies à ce titre.
L'amendement n° I-78 rectifié n'a pas pour objet de rétablir le recours sur
succession. Au contraire, il prend acte de cette position, qui est commune aux
deux chambres du Parlement et que le Gouvernement a reprise à son compte.
Néanmoins, nous entendons, en quelque sorte, moraliser cette question.
L'absence de recours sur succession en cas de versement de l'allocation
personnalisée d'autonomie a pour conséquence d'augmenter l'actif successoral
sur lequel porteront les droits perçus par l'Etat au décès du bénéficiaire de
l'APA.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Absolument !
M. Michel Mercier.
Il semble donc tout à fait logique que, dans ce cas, le département qui a
versé l'allocation se voie reverser par l'Etat les droits de succession que
celui-ci a perçus sur un actif successoral gonflé, notamment, par le versement
de l'APA.
Tel est l'objet de cet amendement, qui est signé par d'illustres sénateurs
dont je ne suis ici que le serviteur !
M. Patrick Lassourd.
Serviteur zélé !
M. Michel Mercier.
Madame le secrétaire d'Etat, comme le motif de cet amendement est très moral
et très solidaire, j'espère que j'aurai plus de chance auprès de vous que je
n'en ai eu depuis la reprise de la séance !
M. Gérard Braun.
L'espoir fait vivre !
M. le président.
La parole est à M. Miquel, pour défendre le sous-amendement n° I-258.
M. Gérard Miquel.
L'amendement n° I-78 rectifié a pour objet de faire bénéficier les
départements des droits de succession perçus sur les successions des personnes
qui ont été bénéficiaires de l'allocation personnalisée d'autonomie, dans la
limite, bien sûr, des sommes versées au titre de ladite allocation.
De la sorte, l'Etat ne percevra plus le surplus de recettes qu'il perçoit
depuis que l'APA a remplacé la prestation spécifique dépendance, dont le
régime, qui prévoyait le recours sur succession, avait pour effet de réduire
les droits de succession puisque l'actif des successions était diminué du
montant du recours.
Le sous-amendement n° I-258 apporte une simple précision au dispositif de
l'amendement n° I-78 rectifié : il prévoit expressément que le département
bénéficiaire sera bien celui qui aura versé l'allocation et non celui où les
droits de succession seront payés.
M. Auguste Cazalet.
C'est juste !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° I-78 rectifié et sur le
sous-amendement n° I-258 ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Le sous-amendement n° I-258 apportant une utile
précision, nous y sommes favorables, comme nous sommes favorables à
l'amendement n° I-78 rectifié, qui est excellent.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur cet amendement et ce sous-amendement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Je crains qu'il ne soit défavorable.
(Exclamations
sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. Michel Mercier.
Encore !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
En effet, le choix, fait par la représentation
nationale, de mettre fin à la récupération sur succession des bénéficiaires de
l'APA est désormais inscrit dans la loi : dont acte.
Comme l'avait souligné M. Sueur dans son rapport, la suppression du recours
sur succession représente une très faible perte de ressources pour les
départements.
Il est maintenant proposé de compenser le manque à gagner subi par les
départements du fait de la suppression de la récupération sur succession,
laquelle, je le répète, ne résulte pas d'une initiative du Gouvernement. Vous
comprendrez donc que je ne puisse être favorable à l'amendement n° I-78
rectifié, non plus, par cohérence, qu'au sous-amendement n° I-258.
M. le président.
Je mets aux voix le sous-amendement n° I-258, accepté par la commission et
repoussé par le Gouvernement.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° I-78 rectifié, accepté par la
commission et repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il a été adopté à l'unanimité !
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi de finances, après l'article 11
sexies.
L'amendement n° I-199, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 11
sexies,
insérer un article additionnel ainsi
rédigé :
« I. - A compter du 1er janvier 2002, le produit des impositions directes
locales acquittées par France Télécom est progressivement perçu au profit des
collectivités locales et des établissements publics de coopération
intercommunale, la part revenant à l'Etat étant réduite chaque année de 25 %. A
compter du 1er janvier 2006, France Télécom est assujettie au droit commun de
la fiscalité locale.
« II. - Les pertes de recettes sont compensées par un relèvement à due
concurrence de la cotisation minimale de taxe professionnelle prévue à
l'article 1647 E du code général des impôts et par un relèvement à due
concurrence de l'impôt sur les sociétés. »
La parole est à Mme Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils.
Cet amendement vise à assujettir France Télécom au droit commun en matière de
fiscalité locale.
C'est une demande que nous formulons régulièrement et qui, loin de perdre son
actualité, devient au contraire de plus en plus incontestablement légitime au
fil des ans.
Depuis le changement de statut de 1991, cet établissement adopte le
comportement d'une entreprise comme les autres, avec, par exemple, la création
de la filiale Orange.
France Télécom évolue dans un secteur fortement soumis à la concurrence. Les
autres entreprises de téléphonie ne manquent pas d'invoquer le lot de règles
concurrentielles devant la Cour de justice des Communautés européennes.
Rien ne justifie, de ce point de vue, le régime particulier de France Télécom
en matière d'impôts locaux.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission serait favorable à l'amendement si ses
auteurs acceptaient de substituer à un gage inacceptable un gage classique.
M. Michel Charasse.
Sur le tabac !
M. le président.
Le groupe communiste républicain et citoyen accepte-t-il de rectifier son
amendement dans le sens souhaité par M. le rapporteur général ?
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Tout à fait !
M. le président.
Je suis donc saisi d'un amendement n° I-199 rectifié, présenté par M. Foucaud,
Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et
citoyen, et qui est ainsi libellé.
« Après l'article 11
sexies,
insérer un article additionnel ainsi
rédigé :
« I. - A compter du 1er janvier 2002, le produit des impositions directes
locales acquittées par France Télécom est progressivement perçu au profit des
collectivités locales et des établissements publics de coopération
intercommunale, la part revenant à l'Etat étant réduite chaque année de 25 %. A
compter du 1er janvier 2006, France Télécom est assujettie au droit commun de
la fiscalité locale.
« II. - Les pertes de recettes sont compensées, à due concurrence, par la
création d'une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575
A du code général des impôts. »
Quel est l'avis du Gouvernement sur cet amendement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Conformément à l'article 90 de la loi de finances pour
2001, le Gouvernement doit remettre au Parlement un rapport sur l'état
d'avancement des négociations menées avec France Télécom pour la normalisation
de la fiscalité locale de cette entreprise et sur les réformes
envisageables.
Il s'agit de travaux complexes du fait de la diversité des solutions
possibles, des enjeux en cause, du nombre d'intervenants concernés. Je puis
cependant vous assurer que, contrairement à ce que j'ai pu entendre cet
après-midi, le Sénat disposera de ce rapport d'ici à l'examen du projet de loi
de finances rectificative pour 2001.
A partir des différentes pistes que ce rapport présentera, nous devrions
pouvoir opportunément débattre de la proposition que vous venez de faire,
madame Beaufils, car elle constitue l'un des scénarios étudiés.
Toutefois, sans préjuger les éléments qui figureront dans le rapport, je me
permets de souligner que la solution que vous préconisez aboutirait en 2006 à
une perte totale de recettes de l'ordre de 700 millions d'euros pour l'Etat et
de l'ordre de 320 millions d'euros pour le FNPTP. Vous conviendrez avec moi que
cette solution présente tout de même certains inconvénients, pour ne pas dire
des inconvénients certains !
Je ne veux pas préjuger, je le répète, les résultats du débat auquel donnera
lieu le rapport et, en attendant celui-ci, je souhaiterais que les auteurs de
l'amendement n° I-199 rectifié acceptent de le retirer.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, depuis plusieurs années, à partir d'initiatives largement
partagées au sein de cet hémicycle, nous avons l'habitude d'examiner, lors des
débats de la loi de finances, les modalités d'imposition de France Télécom.
Je rappelle que, l'année dernière, l'Assemblée nationale et le Sénat ont
obtenu l'insertion dans la loi de finances initiale pour 2001 d'un article 90
qui prévoyait la remise au Parlement du fameux rapport dont vous venez de
parler et qui devait nous être remis avant le 1er juin 2001.
Or ce rapport ne nous a pas encore été communiqué. Selon la rumeur, il serait
disponible, mais on ne s'empresserait de nous le remettre. Peut-être est-il
quelque peu gênant !
La question de la fiscalité de France Télécom est pourtant de plus en plus
pressante, car, depuis la filialisation d'Orange, les ressources du FNPTP se
sont déjà réduites.
En outre, la Commission européenne a demandé à la France, dans un courrier en
date du 28 juin 2001, de normaliser les conditions d'imposition de France
Télécom.
Une simple question, madame la secrétaire d'Etat : la Commission européenne
est-elle en passe d'obtenir ce que le Gouvernement promet plus ou moins tous
les ans au Parlement, sans que cette promesse soit suivie d'effets ?
En tout état de cause, France Télécom souhaite passer au droit commun. Les
dispositions actuelles sont, pour cette entreprise, un handicap dans la
compétition, nous ne cessons de le répéter depuis des années.
Par ailleurs, l'équité voudrait que les collectivités territoriales -
directement pour celles qui disposent sur leur sol d'implantations de France
Télécom, indirectement pour les autres par les mécanismes de la péréquation -
bénéficient de la présence et du développement de cette entreprise, redevable
comme les autres de la taxe professionnelle.
Pour l'ensemble de ces raisons, et compte tenu de notre attachement à la cause
qui est ici défendue - et qui, certaines années, l'a d'ailleurs été par
l'ensemble des sénateurs indépendamment de leur appartenance politique - la
commission ne peut pas partager votre position, madame le secrétaire d'Etat,
sachant que, sur le plan budgétaire, l'étalement de la mesure jusqu'en 2006
devrait rendre supportable les coûts - certes significatifs - qu'elle fera
peser sur le budget de l'Etat.
Parmi les questions relatives aux finances locales dont nous avons à débattre,
c'en est une, madame le secrétaire d'Etat, à laquelle nous attachons beaucoup
d'importance. Elle est symbolique de la bonne volonté, ou de l'absence de
volonté, de l'Etat en matière de clarification de ses relations financières
avec les collectivités territoriales. Pour notre part, nous voudrions que
l'Etat n'applique pas sur ces sujets deux poids et deux mesures.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-199 rectifié, accepté par la commission et
repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi de finances, après l'article 11
sexies.
Article 21
M. le président.
« Art. 21. - I. - L'article 57 de la loi de finances pour 1999 (n° 98-1266 du
30 décembre 1998) est ainsi modifié :
« 1° Au I, les mots : "Pour chacune des années 1999, 2000 et 2001" sont
remplacés par les mots : "Pour chacune des années 1999, 2000, 2001 et 2002" et
les mots : "et 33 % en 2001" sont remplacés par les mots : "et 33 % en 2001 et
2002" ;
« 2° Au II, les mots : "projets de loi de finances pour 2000 et 2001" sont
remplacés par les mots : "projets de loi de finances pour 2000, 2001 et
2002".
« II. - Au onzième alinéa du IV de l'article 6 de la loi de finances pour 1987
(n° 86-1317 du 30 décembre 1986), les mots : "Pour chacune des années 1999,
2000 et 2001" sont remplacés par les mots : "Pour chacune des années 1999,
2000, 2001 et 2002". »
Sur l'article, la parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Madame le secrétaire d'Etat, avant d'entamer l'examen
des amendements à cet article, je souhaite exprimer une interrogation.
Nous nous apprêtons à débattre du contrat de croissance et de solidarité, de
sa prolongation et de son indexation, mais la discussion ne porte pas sur son
utilité et sur ce que nous recherchons à travers ce contrat.
Nous vivons encore, il faut le rappeler, sur les principes dégagés au moment
de la création du pacte de stabilité, en 1996. A cette époque, l'enveloppe
normée était conçue comme ayant une double vocation : d'une part, faire
participer les collectivités locales à l'effort de maîtrise des finances
publiques en fixant un plafond à l'évolution des concours que l'Etat leur
apporte ; d'autre part, permettre aux collectivités locales de disposer d'une
meilleure prévisibilité de l'évolution de leurs ressources en fixant le taux
d'évolution de l'enveloppe pour une période triennale.
Aujourd'hui, madame le secrétaire d'Etat, force est de constater qu'aucun de
ces deux objectifs n'est atteint.
Pour le premier, on constate que les économies réalisées par l'Etat par le
biais de la réduction de la DCTP sont sans commune mesure avec l'accroissement
des dépenses de l'Etat résultant de la compensation des réductions ou
suppressions d'impôts locaux, qu'il s'agisse de la taxe professionnelle, de la
part régionale de la taxe d'habitation, des droits de mutation et de la
vignette.
J'ai eu l'occasion, lors de mon intervention dans la discussion générale de
cette partie de la loi de finances, de mettre l'accent sur l'envol de ces
compensations et du coût qu'elles représentent pour l'Etat. J'ajoute que
l'existence du contrat de croissance est sans conséquence sur l'évolution de
douze des treize dotations qui composent l'enveloppe puisqu'elles continuent
d'évoluer selon leur propre mode d'indexation.
Pour ce qui est du second objectif, force est de constater, là encore, que la
prévisibilité pour les élus locaux est nulle, car, compte tenu des abondements
annuels dont font l'objet les différentes dotations, il faut attendre la
discussion des lois de finances pour savoir si ces abondements seront
reconduits. Par ailleurs, en décidant de prolonger d'un an le contrat de
croissance, vous rompez avec le principe des enveloppes triennales.
La question que je pose, croyez-le bien, madame le secrétaire d'Etat, ne
reflète aucune intention polémique. Bien entendu, les abondements dont font
l'objet les dotations sont les bienvenus, car ils permettent de renforcer les
mécanismes de solidarité ; bien entendu, le système, même s'il était appliqué
dans toute sa pureté initiale, ne serait pas parfait, car il est évident que
l'on ne peut pas savoir, trois ans à l'avance, ce que sera l'évolution du
produit intérieur brut au titre d'une année donnée.
Ma question porte donc plutôt sur la doctrine et constitue une invitation à la
réflexion pour l'avenir : madame le secrétaire d'Etat, à quoi sert, dans votre
esprit, le contrat de croissance et de solidarité ? Veuillez nous éclairer sur
ce point.
M. Jacques Oudin.
Excellente question !
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° I-38 est présenté par M. Marini, au nom de la commission des
finances.
L'amendement n° I-115 est présenté par MM. Murat, Delevoye, Oudin, Besse,
Demuynck, Cazalet et Calmejane, Mme Michaux-Chevry, MM. Gournac, Hamel,
Lardeux, Lassourd, César, Doublet, Goulet, Ginésy, Leclerc, Vasselle, Braye, de
Broissia, Doligé et Karoutchi.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« I. - A la fin du 1° du I de l'article 21, remplacer les mots : "et 33 % en
2001 et 2002", par les mots : ", 33 % en 2001 et 50 % en 2002".
« II. - Afin de compenser les pertes de recettes résultant du I ci-dessus,
insérer après le I de l'article 21 un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant de la fixation à 50 % de
la croissance du produit intérieur brut de l'indexation du contrat de
croissance et de solidarité sont compensées par la création d'une taxe
additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l'amendement n°
I-38.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Pour la quatrième année consécutive, le Sénat demande
une prise en compte à hauteur de 50 % du taux de croissance du PIB dans le
dispositif d'indexation du contrat de croissance et de solidarité.
Tout à l'heure, certains collègues, dont je tairai les noms, ont feint de
croire que les positions de la majorité sénatoriale seraient motivées par des
considérations liées au calendrier...
(Exclamations amusées sur les travées
socialistes.)
J'ai entendu au moins deux orateurs de l'opposition sénatoriale s'exprimer en
ce sens.
M. Michel Charasse.
Il n'y a qu'en cas de dissolution qu'on ne conteste pas le calendrier !
(Rires.)
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Or, mes chers collègues, notre attitude témoigne non
pas de notre entêtement, mais tout simplement de notre conviction. Pour la
quatrième année consécutive, j'ai donc l'honneur de présenter le même
amendement !
Retenir, pour l'indexation de l'enveloppe normée, un taux inférieur à celui de
la DGF, qui représente les deux tiers du total de cette enveloppe, c'est
reconnaître que le contrat de croissance et de solidarité a pour seul effet
d'aboutir à la disparition de la DCTP. En revanche, aligner le taux de
croissance de l'enveloppe sur celui de la DGF permettrait à cette dernière de
jouer pleinement son rôle, à savoir contenir un dérapage de l'évolution des
concours financiers de l'Etat dans le cadre d'une politique de maîtrise des
dépenses publiques à laquelle nous sommes attachés, sans systématiquement
ponctionner la variable d'ajustement.
En 2002, la prise en compte à hauteur de 50 % du taux de croissance du PIB
pour l'indexation se justifie d'autant plus qu'elle s'inscrit dans la logique
du contrat de croissance et de solidarité, qui a consisté, jusqu'à présent, à
prendre en compte une part toujours plus grande du taux de croissance du PIB :
20 % en 1999, 25 % en 2000 et 33 % en 2001.
Madame le secrétaire d'Etat, sachant que, en 2002, la croissance ne sera pas,
hélas ! du même ordre de grandeur que les années précédentes, la prise en
compte de 50 % du taux de croissance du PIB ne représenterait pas, à la vérité,
un immense sacrifice, mais, sur le plan des principes, il s'agirait d'un réel
progrès.
Je préciserai enfin que cet amendement a pour objet, je tiens à le rappeler,
non pas d'accroître les ressources des collectivités locales, mais d'éviter une
baisse automatique du montant de la DCTP.
M. le président.
La parole est à M. Oudin, pour défendre l'amendement n° I-115.
M. Jacques Oudin.
L'indexation du contrat de croissance et de solidarité sur l'évolution des
prix et sur la croissance à hauteur de 33 % de celle-ci ne permet pas d'assurer
aux collectivités locales une progression de leurs dotations qui soit en
rapport avec le rôle qu'elles jouent dans l'économie nationale. Cet amendement
prévoit donc de porter de 33 % à 50 % la part de la croissance du PIB prise en
compte dans le dispositif d'indexation.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s I-38 et
I-115 ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Je crois utile, pour la bonne information de la Haute
Assemblée et puisque M. le rapporteur général en appelle souvent aux principes
ainsi qu'au réalisme, de préciser les conséquences, du point de vue budgétaire,
de l'adoption par le Sénat de différents amendements.
Ainsi, les deux amendements relatifs au FNPTP déposés par M. Mercier
représentent un coût de 680 millions d'euros, auxquels s'ajoutent 140 millions
d'euros au titre de l'amendement de M. le rapporteur général visant le
contentieux impliquant la ville de Pantin et 250 millions d'euros pour un
amendement concernant France Télécom. De plus, si la Haute Assemblée les
votait, les autres amendements de la commission entraîneraient une dépense de
630 millions d'euros, soit un total de 1 700 millions d'euros, ou 11 milliards
de francs !
M. Michel Charasse.
Voilà, c'est concret !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Par conséquent, monsieur le rapporteur général, j'en
appelle moi aussi à un certain réalisme.
M. Dominique Braye.
Ce n'est rien par rapport aux 35 heures !
M. Jacques Oudin.
Oui, 120 milliards de francs !
M. Patrick Lassourd.
Les 35 heures et le reste !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Avant d'en venir aux amendements n°s I-38 et I-115, je
voudrais compléter le rappel utile de M. le rapporteur général sur les
principes qui avaient guidé les concepteurs du pacte « Juppé », c'est-à-dire,
d'une part, le respect des équilibres budgétaires - mais l'on voit que cette
question est plutôt passée au second plan - et, d'autre part, la prévisibilité,
sur laquelle nous nous sommes exprimés les uns et les autres cet après-midi.
Il est un troisième objectif que le Gouvernement a cherché à atteindre, ce qui
n'était pas nécessairement le cas du gouvernement précédent, à savoir
l'association des collectivités locales aux fruits de la croissance.
(Murmures sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de
l'Union centriste.)
M. Gérard Braun.
Cessez de toujours comparer avec le précédent gouvernement ! Ce n'est pas
sérieux !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, je souhaite que nous
puissions poursuivre dans cette voie, voire approfondir la démarche, sans
préjuger d'une future réforme de l'enveloppe normée, s'agissant de la DGF et
des concours de l'Etat aux collectivités locales.
Sur ce point, M. le rapporteur général va vite, puisqu'il s'agirait de faire
passer immédiatement de 33 % à 50 % la part du taux de croissance prise en
compte pour l'indexation, alors que ce pourcentage était nul au cours de la
période 1997-1999.
Je ne voudrais pas alourdir encore le montant des dépenses que j'ai indiqué
voilà quelques instants,...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je vais vous répondre.
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
... et, au nom du principe de réalisme, je
souhaiterais donc que les deux amendements soient retirés.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Vous ne comprendriez pas, madame le secrétaire
d'Etat, que je ne vous réponde point. Votre apostrophe était certainement faite
pour m'en donner l'occasion, ce dont je vous remercie vivement.
Tout d'abord, madame le secrétaire d'Etat, contesteriez-vous à l'une des deux
chambres du Parlement le droit d'indiquer, notamment lorsqu'il s'agit du Sénat
et des finances locales, les priorités qui lui semblent être les bonnes ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Certainement pas !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Contesteriez-vous à cette assemblée le droit de
critiquer la politique menée par le Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Non !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La situation dans laquelle nous nous trouvons résulte
des responsabilités qui ont été prises au cours des dernières années. La
politique qui a été menée a reposé - M. Lambert et un certain nombre
d'intervenants, dont je me suis efforcé d'être, ont tâché de le montrer - sur
un remplacement d'éléments de fiscalité locale par des dotations budgétaires
versées par l'Etat.
Or, madame le secrétaire d'Etat, la politique que vous assumez a conduit, à
l'occasion du passage de l'année 2001 à l'année 2002, à faire croître les
dotations budgétaires de l'Etat de 20,4 milliards de francs, soit 3,1 milliards
d'euros. Toutes ces réformes décidées par le Gouvernement et qui ont consisté à
faire des cadeaux aux contribuables locaux aux dépends de la fiscalité locale
et à remplacer, imparfaitement d'ailleurs, ces ressources fiscales par des
dotations de l'Etat se traduisent pour celui-ci par un surcroît de dépenses
atteignant plus de 20 milliards de francs !
M. Dominique Braye.
Exactement !
M. Gérard Braun.
Absolument !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est bien cela qui a été voulu par l'actuel
gouvernement - permettez-moi de le dénoncer une nouvelle fois, mes chers
collègues - en ce qui concerne tant la réduction de l'autonomie fiscale,
c'est-à-dire de la capacité de décision des collectivités locales, que la
croissance déraisonnable, non réaliste, des charges de l'Etat.
En outre, quand on examine les budgets locaux, il faut être honnête et
considérer à la fois les ressources et les dépenses. Cela a été dit et redit,
et c'est la vérité des choses ! Or les charges transférées aux collectivités
locales représentent des sommes extrêmement importantes : le coût de
l'allocation personnalisée d'autonomie atteint 5,5 milliards de francs,...
M. Michel Mercier.
Eh oui !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... le financement des services départementaux
d'incendie et de secours, les SDIS, s'élève à 4 milliards de francs...
M. Michel Mercier.
Eh oui !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... et la transcription des décisions prises par
l'Etat quant à la rémunération des agents de la fonction publique territoriale
représente un transfert de charges de 15 milliards de francs depuis 1998.
En regard, madame le secrétaire d'Etat, le montant de la DGF inscrite dans ce
projet de loi de finances est en augmentation de 827 millions d'euros. La
moitié de cette somme est déjà absorbée, cela a été souligné, par le coût des
accords salariaux dans la fonction publique, qui pèse plus lourdement sur les
collectivités locales que sur l'Etat, ces dernières employant,
proportionnellement, davantage d'agents de catégorie C.
M. Michel Mercier.
Exactement !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est forts de notre expérience concrète de la
gestion des budgets des collectivités locales que nous évoquons ces sujets,
madame le secrétaire d'Etat. Ce n'est pas faire preuve d'hostilité à votre
égard que de vous dire que, chacun ayant son histoire propre, vous ne vivez pas
les problèmes de la même façon que nous !
Vous les étudiez sous un angle macroéconomique et macrobudgétaire, vous nous
parlez de généralités, mais, pardonnez-moi de vous le dire, celles et ceux qui
vous font face ont les pieds dans la boue ! Ils traitent les problèmes concrets
posés par la gestion des budgets locaux. Nombre d'entre nous le font, hélas !
depuis longtemps, voire depuis beaucoup trop longtemps !
(Sourires.)
Par conséquent, lorsque nous mettons en question les choix de l'Etat, c'est,
croyez-le, parce que c'est notre mission de le faire !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
C'est notre devoir !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cela semble susciter votre ironie, madame le
secrétaire d'Etat,
(Mme le secrétaire d'Etat fait un signe de dénégation. - « Mais non ! » sur
les travées socialistes)
et j'ai vraiment de la peine à le concevoir,
compte tenu de la qualité habituelle de nos relations. Il existe véritablement
un décalage entre les technostructures de l'Etat, dont vous êtes l'une des
brillantes expressions
(Rires),...
M. Michel Mercier.
Et la réalité !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... et les réalités que nous vivons.
Quand vous nous parlez de péréquation, nous nous efforçons de vous apporter
des idées concrètes permettant d'aller dans ce sens : nous l'avons démontré
tout à l'heure.
S'agissant de la taxe professionnelle acquittée par France Télécom,
franchement, ne croyez-vous pas que ce problème aurait dû être traité et réglé
voilà quatre ou cinq ans, que c'eût été vraiment à l'honneur de la République
et de son gouvernement ? Comment peut-on se laisser pousser dans les cordes par
la Commission européenne, tarder à remettre un rapport promis pour le mois de
juin dernier ? Comment traitez-vous le monde des élus locaux ? Franchement, ce
n'est pas convenable, madame le secrétaire d'Etat !
Alors, oui, c'est vrai, j'ai dû, monsieur le président de la commission des
finances, écorner le principe de rigueur
(Exclamations ironiques sur de
nombreuses travées)
et, fort des instructions de la commission, parlant en
son nom, j'ai accepté, en première partie de la loi de finances, des
amendements dont la note est lourde. J'en conviens !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Eh oui !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cela étant, madame le secrétaire d'Etat, la portée de
notre appel est d'autant plus solennelle que les exceptions dont il s'agit -
vous avez pu l'observer puisque vous êtes présente dans cet hémicycle depuis le
tout début de la discussion des articles - sont extrêmement rares.
L'année dernière, nous avions voté, en première partie, un certain nombre
d'amendements que nos collègues ont bien voulu, cette année, par discipline,
avoir la gentillesse de retirer pour les redéposer en deuxième partie. Nous
l'avons fait sur tout ce qui concerne la TVA, en particulier, alors que nous
avions des positions dont les fondements étaient tout à fait réels et que nous
avons l'intention de continuer à les défendre. Mais nous l'avons fait sur
beaucoup d'autres sujets aussi !
S'agissant des finances locales, le Sénat a une mission particulière et nous
voulons, quitte à écorner les principes auxquels nous sommes très attachés,
vous le montrer de façon tout à fait solennelle.
Au demeurant, madame le secrétaire d'Etat, il suffirait de compenser ces
efforts par des économies de dépenses qui seraient tout à fait accessibles !
(Marques d'approbation sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants. - Exclamations sur les travées socialistes et sur
les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Ah ! Voilà !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Et nous le ferons le moment venu, madame la
secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Je vous attends !
M. Louis Souvet.
Il faudra bien le faire un jour, c'est une question de courage !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est très simple,...
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Oui, c'est facile !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... il suffit de ne pas faire comme vous !
Tout à l'heure, notre collègue Jacques Oudin a évoqué un exemple qui me semble
très bien choisi. Là aussi, c'est une affaire de volonté, et cela fait des
années que nous en parlons, non seulement dans cette maison mais aussi au
Palais-Bourbon : je veux parler de la redevance audiovisuelle.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Ah !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cette redevance doit-elle continuer à exister
ad
vitam aeternam
, ainsi que le service administratif qui sert à la liquider
et à la contrôler ?
M. Jacques Oudin.
Elle ne sert à rien !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Même s'il ne s'agit pas de faire les choses dans
l'instant et immédiatement, oui ou non une vision responsable ne
consisterait-elle pas à reconnaître qu'il va falloir progressivement réformer
cette administration et faire disparaître la redevance ? Une attitude de ce
genre ne serait-elle pas conforme aux exigences de réforme de l'Etat et
porteuse d'économies tout à fait réelles à court et à moyen terme ?
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s I-38 et I-115.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole contre les amendements.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Je me sens un peu mal à l'aise dans ce débat, dont les aspects me paraissent
contradictoires. Le Gouvernement est pourtant dans son rôle, et le Sénat aussi.
Néanmoins, nous devrions pouvoir nous entendre sur quelque chose de commun qui
ressemblerait, me semble-t-il, au minimum de ce que nous pouvons considérer
comme représentant l'intérêt national.
Monsieur le rapporteur général, je vous ai écouté avec beaucoup d'attention et
je n'étais pas loin de partager - sinon dans le détail, du moins globalement -
les considérations que vous avez développées sur la dépense publique.
Cela étant, mes chers collègues, faut-il tous les ans - et notre collègue
Michel Mercier le disait très bien cet après-midi - que nous cherchions à
augmenter les ressources des collectivités locales sans jamais nous poser la
question de leurs dépenses ?
M. Michel Mercier.
En effet !
M. Michel Charasse.
Du point de vue des recettes, les années 2001 et 2002 ont été excellentes
grâce à la croissance, personne ne peut dire le contraire : cela n'a d'ailleurs
pas constitué le débat majeur cette année, ni même, comme cela avait été le cas
les années précédentes, au congrès des maires de France, dont nous sortons à
peine.
Tout le monde sait que nous devons aussi respecter un certain nombre de
contraintes, et M. le rapporteur général avait vraisemblablement cela en tête
lorsqu'il parlait de discipline tout à l'heure. Et, parmi ces contraintes, il y
a la discipline budgétaire, l'Europe, etc., je ne developpe pas.
Dans ces conditions, faut-il que nous soyons toujours à la recherche de
ressources nouvelles sans arriver un jour à nous poser, avec le Gouvernement
mais aussi entre nous, la question des dépenses ? M. Mercier le disait très
bien cet après-midi : ce qui nous intéresse, madame la secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, ce ne sont pas les recettes, c'est de savoir si nous
arriverons à obtenir un jour l'adéquation normale entre nos recettes et nos
dépenses, étant entendu que s'il y a, dans nos dépenses, un certain nombre de
dépenses qui nous sont imposées par l'Etat - puisqu'on a renoué depuis de
nombreuses années avec les transferts de charges que nous avions essayé
d'éradiquer au moment de la mise en place de la décentralisation - il y a aussi
des choses que nous nous ingénions nous-mêmes à ajouter, et je pense en
particulier à ces horribles contrats de plan que, personnellement, je n'ai
jamais approuvés et qui nous conduisent les uns et les autres à « faire la
manche », l'Etat de son côté et les collectivités locales du leur, pour
toujours « charger la barque ».
J'ajoute, monsieur le rapporteur général, que le pacte dont nous parlons n'est
pas une invention du gouvernement actuel : c'est une invention de M. Juppé. Je
dois dire, d'ailleurs, que nous étions alors tous d'accord puisque M. Juppé
avait, à l'époque, proposé un pacte de stabilité...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Tout à fait !
M. Michel Charasse.
... afin que, pendant trois ans, on sache à peu près à quoi s'en tenir. Et la
croissance dont il avait assorti son pacte était beaucoup moins favorable que
celle qui a présidé aux pactes que j'appellerai Sautter ou Strauss-Kahn, par
facilité, puisqu'elle était égale à zéro !
La DCTP, madame la secrétaire d'Etat, représente un vrai problème, mais vous
n'avez fait que reconduire dans le pacte Jospin une invention du pacte Juppé
que je considérais comme diabolique. Nous l'avions d'ailleurs unanimement
dénoncée à l'époque au comité des finances locales.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Tout à fait !
M. Michel Charasse.
Alors, je crois que nous devrions avoir, dans cette assemblée qui est tout de
même une assemblée de bonne foi et qui est peuplée de gens d'expérience, un
minimum d'honnêteté intellectuelle pour tout mettre à plat.
Je note d'ailleurs, madame le secrétaire d'Etat, chère Florence, que, dans ce
qui constitue les orientations du Gouvernement sur la réforme des finances
locales, dont le comité des finances locales a été saisi voilà peu de temps, il
manque le volet « dépenses » !
Moi, je veux bien que le Gouvernement nous rappelle constamment - et je suis
prêt à le suivre, d'autant que je ne suis pas d'un naturel dépensier - qu'il
faut faire attention à la dépense, mais aurons-nous un jour un vrai débat sur
la dépense des collectivités locales ?
N'est-ce pas accepter d'entrer dans la mécanique inéluctable de la dépense
qui, au final, à force de s'accumuler et de s'empiler, est mortelle, aussi bien
pour l'Etat que pour les collectivités locales, que de se contenter, tous les
ans, de réclamer des rallonges de recettes pour les collectivités locales ?
Personnellement, je pense, mes chers collègues, que, les amendements qui nous
sont présentés, quand on les replace dans leur contexte général, incitent à la
dépense. Etant donné que cette maison passe son temps - sans doute à juste
titre dans un certain nombre de domaines - à trouver que la dépense publique
devrait être globalement un peu mieux maîtrisée, je ne suivrai donc pas la
démarche qui consiste à dire : « Laissons tranquillement filer les dépenses
locales et, tous les ans, donnons-nous la facilité d'ajuster les recettes !
»
Telle est, monsieur le président, la raison pour laquelle je ne voterai pas
ces amendements, non pas que je ne souhaite pas comme vous tous accroître les
recettes des collectivités locales, mais je préférerais que la commission des
finances s'emploie un jour, avec l'excellent rapporteur spécial qu'est notre
collègue M. Mercier et avec M. le rapporteur général, qui est très qualifié, à
dresser un bilan. En effet, permettez-moi de vous le dire, mes chers collègues,
depuis la décentralisation, on ne l'a pratiquement plus jamais fait. On
raisonne en grandes masses et en masse globale et, dans cet ensemble, il y en a
pour tout le monde : il y a ce que l'Etat nous « colle » et ce que nous nous «
collons », nous aussi, volontairement.
J'ai pris l'exemple des contrats de plan, mais je pourrais en citer d'autres !
(M. Braye proteste.)
Quoi qu'il en soit, ma position est très simple : je suis contre
l'accroissement des dépenses des collectivités locales, en raison d'un certain
nombre de raisons qui dépendent de nous mais aussi de beaucoup d'autres
phénomènes que nous ne maîtrisons pas. C'est parce que je ne veux pas apporter
ma pierre à ce mouvement, que je considère comme mortel, que je ne voterai pas
ces amendements.
M. Thierry Foucaud.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud.
Quand on parle des recettes et des dépenses des collectivités locales,
certaines choses me gênent un peu.
Les collectivités seraient dépensières et elles demanderaient des recettes
supplémentaires, nous dit-on. Or, si les collectivités locales, qu'elles soient
de gauche ou de droite, demandent des recettes supplémentaires, c'est pour
satisfaire les besoins des populations ! Les élus que nous sommes tous
souhaitent, en effet, répondre à ces besoins, et certains problèmes sociétaux
entraînent aujourd'hui des difficultés nouvelles !
Ainsi, cela fait quelques années déjà que nous réclamons des moyens
supplémentaires pour nos collectivités. La question de l'insécurité a notamment
fait l'objet, à maintes reprises, de débats au sein de cette assemblée, car les
collectivités locales doivent prendre en charge les dépenses liées aux polices
municipales, qu'il s'agisse des personnels ou des matériels.
Il en est de même pour les 35 heures : nous sommes totalement favorables au
principe, mais plus réservés sur son application. Si l'on sait que, dans une
commune de 11 000 ou de 12 000 habitants, la mise en place de la mesure
coûterait environ 3 millions de francs, on peut se poser la question de son
financement !
M. Louis Souvet.
Il ne fallait pas la voter !
M. Thierry Foucaud.
Devrons-nous réduire nos investissements à hauteur de 3 millions de francs,
alors qu'ils sont destinés à satisfaire les besoins des populations, ou
augmenter en conséquence l'impôt sur les ménages, toujours à hauteur de 3
millions de francs, alors que nous sommes tous d'accord pour dire que les
ménages payent déjà trop de charges ?
Et je n'oublie pas les retards à rattraper : aujourd'hui, on parle beaucoup
des risques industriels, des situations de type Seveso, dans de nombreux sites
en France. Or l'activité sociale et économique est bloquée, avec les
conséquences que cela entraîne, dans ces zones à risque, car les DRIRE
interdisent - ce que nous comprenons - le développement de ces zones, qui ont
déjà été sinistrées ces dernières années avec les plans de licenciement qui se
sont succédé, faisant ainsi perdre énormément de taxe professionnelle et de
recettes à nos collectivités.
Je pourrais donner beaucoup d'autres exemples, mais je m'arrêterai là.
Avec l'amendement n° I-38, la commission des finances nous propose une prise
en compte de 50 % du PIB dans l'évolution de l'enveloppe normée.
Vous n'êtes pas sans savoir que, depuis longtemps, nous formulons une demande
similaire : nous l'avons même fait bien avant la mise en place du contrat de
croissance et de solidarité.
Nous avions notamment déposé des amendements en ce sens lorsque les dotations
évoluaient dans le cadre du pacte de stabilité du gouvernement Juppé.
Il était d'autant plus nécessaire, pour nous, à l'époque, de défendre cette
proposition que les indices d'évolution que vous aviez retenus étaient on ne
peut plus défavorables pour les finances des collectivités locales.
Vous persistiez pourtant dans la logique d'une norme de dépenses qui s'impose
aux collectivités, et vous n'avez jamais, à cette époque, entendu notre
demande. Aujourd'hui, d'une certaine manière, vous nous donnez raison.
Vous considérez que les dotations n'évoluent pas selon un indice suffisant, et
qu'il faut effectivement que les collectivités bénéficient plus largement des
fruits de la croissance.
Mais votre proposition n'est pas complète, dans la mesure où il faut aussi, si
l'objectif est de défendre les finances des collectivités, sortir de la norme
des dépenses et ne plus faire jouer à la DCTP le rôle de variable d'ajustement.
Si tel n'est pas le cas, on reste dans une logique qui, pour habiller Pierre,
déshabille Paul.
Dans le cadre de la concertation actuellement en oeuvre, dont l'objectif est
de réformer en profondeur le système financier local, nous défendons l'idée
qu'il faut sortir de l'enveloppe normée et fixer une indexation qui prenne
largement en compte l'évolution du PIB.
Il nous semble surtout que le Gouvernement ne peut s'engager dans un nouveau
contrat de croissance s'échelonnant sur trois ans, dans la mesure où cette
concertation est en oeuvre. Vous le comprenez fort bien, mais ne voulez pas
l'entendre.
Vous ne voulez pas vous engager dans cette concertation ni, surtout - c'est le
point de vue des sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen -
dévoiler votre projet pour les collectivités locales.
Voilà pourquoi nous ne voterons pas l'amendement de la commission.
M. Gérard Miquel.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Miquel.
M. Gérard Miquel.
Par cet amendement, M. le rapporteur général nous propose d'indexer le contrat
de croissance et de solidarité sur l'inflation et de faire passer de 33 % à 50
% pour 2002 le taux d'indexation sur le PIB.
Personne, dans cet hémicycle, n'ignore que le pacte de stabilité de M. Juppé
était indexé sur la seule inflation, mais il est utile de le rappeler pour
nourrir le débat et éviter qu'il ne soit biaisé. En effet, avec ce petit retour
en arrière, chacun est mieux à même d'apprécier l'effort qu'effectue le
Gouvernement en faveur des collectivités locales et, dès lors, de s'interroger
sur la légitimité de cet amendement.
M. le rapporteur général nous propose son amendement depuis déjà quelques
années,...
M. Alain Lambert.
président de la commission des finances.
Avec une grande constance !
M. Gérard Miquel.
... avec une détermination sans faille. Mais ce qu'il appelle de ses voeux, le
Gouvernement actuel l'a concrètement réalisé, à hauteur de 66 % - 33 % de 50 %
-
(Sourires)
, alors que M. Juppé en était resté à 0 %. Les voeux pieux
n'ont jamais fait une politique, mes chers collègues ! Seuls les faits et les
chiffres comptent.
De plus, cet amendement n'est pas des plus opportuns pour l'intérêt général -
peut-être l'est-il plus en vue d'une campagne future ! En effet, mes chers
collègues de la majorité, à l'heure où le solde du budget de l'Etat est malmené
par le ralentissement de la croissance,...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Par la mauvaise gestion de ces dernières années !
M. Gérard Miquel.
... il est regrettable que M. le rapporteur général manifeste un sens des
responsabilités aussi limité.
Cet amendement met bien à mal l'image de sage économe des deniers publics
qu'il tente de se donner et entame sa crédibilité en la matière.
Le groupe socialiste est favorable à une maîtrise des dépenses publiques aussi
bien pour l'Etat que pour les collectivités locales,...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il vaut mieux entendre cela que d'être sourd !
M. Gérard Miquel.
... car les dépenses de l'Etat ne sont pas moins utiles à la collectivité
nationale que les dépenses des collectivités locales, et vice versa.
M. Michel Charasse.
Il y a de mauvaises dépenses partout !
M. Gérard Miquel.
Michel Charasse nous a en effet expliqué qu'il y avait des mauvaises dépenses
partout mais il est un domaine où je ne le suivrai pas, même si je le suis sur
un grand nombre de ses analyses. C'est celui des contrats de plan.
Les contrats de plan ont en effet permis, depuis leur mise en oeuvre, la
réalisation d'investissements restructurants indispensables dans toutes nos
régions, dans tous nos départements. Je crois qu'aujourd'hui la preuve est
faite de leur intérêt.
M. Michel Mercier.
Parlons des transferts de charges.
M. Gérard Miquel.
Bref, mes chers collègues, si cet amendement devait être appliqué, soit l'Etat
ne serait plus capable d'assurer ses missions, y compris ses missions
régaliennes de justice et de police, soit le déficit flamberait, aujourd'hui ;
alors que les collectivités locales bénéficient, toujours, d'un financement qui
nous paraît convenable.
En conséquence, le groupe socialiste votera contre cet amendement.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Quel godillot !
M. Dominique Braye.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Braye.
M. Dominique Braye.
J'ai décidé de prendre la parole alors que je ne souhaitais pas le faire,
n'étant pas spécialiste du budget, mais mon éminent collègue Michel Charasse
m'y a poussé et Gérard Miquel m'a conforté dans cette intention.
On ne peut pas, malgré toute l'habileté, le talent et le charisme de notre
collègue M. Charasse, laisser penser à ceux qui suivraient nos débats d'un peu
loin qu'il y aurait effectivement de mauvaises dépenses parmi celles
qu'engagent les collectivités locales, et que tout le monde en serait également
responsable.
Je voudrais demander à M. le rapporteur général, qui est un bien plus grand
spécialiste que moi en la matière, ce qui, dans cette augmentation des dépenses
des collectivités locales correspond aux transferts de charges dont on a parlé
et ce qui correspond aux charges nouvelles supportées par les départements ; je
pense, notamment, à l'APA et aux SDIS, qui ont été prédécemment évoqués.
Ainsi, pourrait-on chiffrer ce qui relève des collectivités locales et ce qui
est de la responsabilité de l'Etat, car on ne peut pas laisser penser à nos
concitoyens, je le répète, qu'il y a égalité de responsabilité dans
l'augmentation de ces dépenses ?
Mon cher collègue Miquel, il y a bien longtemps que les Français savent que
les missions de police et de justice, missions éminemment régaliennes de
l'Etat, ne sont plus assurées dans notre pays.
Si l'on comparait les budgets de la police urbaine et de la justice aux sommes
qui sont consacrées aux 35 heures, par exemple, on trouverait matière à un vrai
débat politique, à un vrai débat sur les priorités fixées par le Gouvernement,
priorités dont il doit assurer le financement aujourd'hui.
Vous me faites penser à des personnes qui, après avoir joué la cigale et tout
dépensé, ne savent plus quoi faire ni où trouver l'argent pour nourrir leurs
enfants.
Pour en revenir aux dépenses des collectivités locales par rapport à celles de
l'Etat, j'aimerais que M. le rapporteur général rappelle ce qui, dans ces
dépenses, est consacré à l'investissement et à ce qui fait tourner l'économie
de notre pays et, à titre de comparaison, qu'il décrive la manière dont l'Etat
fait face à ses obligations en matière d'investissement, obligations qu'il ne
remplit plus et qu'il transfère aussi aux collectivités locales. Voilà le sujet
d'un vrai débat qui mériterait d'être conduit, mais il faudrait qu'il le soit
clairement !
En tout cas, mon cher Michel Charasse, il ne faut pas laisser penser à ceux
qui suivent nos débats et qui ne sont pas des spécialistes qu'il y a une
coresponsabilité Etat-collectivités locales depuis 1997.
(Applaudissement
sur les travées du RPR, des Républicains et indépendants et de l'Union
centriste.)
M. Michel Mercier.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Mercier.
M. Michel Mercier.
Je suis tout à fait d'accord avec M. Charasse lorsqu'il dit que, dans les
relations financières entre l'Etat et les collectivités locales, ce qui fait
problème aujourd'hui, c'est moins les recettes que les dépenses. C'est évident
quand on considère la situation de cette année.
Comme cela a été dit tout à l'heure, les recettes augmentent. Si elles ont
augmenté un peu plus il y a deux ans, cette année l'augmentation est tout à
fait correcte : plus 4,67 % pour la DGF.
Mais le problème n'est pas là. Il est simplement dans le fait que,
parallèlement à cette augmentation, les dépenses imposées aux collectivités
locales se sont accrues dans des proportions bien supérieures. A elle seule, la
charge que représente l'APA, supportée par les départements comme dépense
nouvelle, absorbera la croissance de la DGF. Si l'on ajoute l'augmentation des
traitements, le problème des sapeurs-pompiers, les emplois imposés par Mme
Guigou dans sa circulaire inconnue de tout le monde, sauf des DRASS, le tout ne
fait que renforcer le déséquilibre entre la croissance importante des recettes
et la croissance bien plus importante des dépenses. La question est donc de
savoir à quel moment on arrête le balancier et comment on rétablit
l'équilibre.
L'amendement de M. le rapporteur général vise simplement à essayer de rétablir
un peu cet équilibre entre dépenses imposées et recettes accordées. Je crois
que nous serons tous très heureux l'année où l'on ne parlera plus des recettes
des collectivités locales mais où l'on essaiera de discuter des dépenses que
l'Etat veut imposer aux collectivités locales.
Les dépenses que les collectivités s'imposent à elles-mêmes, c'est leur
affaire ; elles en sont responsables devant les électeurs.
De tout façon, un élément va nous permettre de mesurer le phénomène : dans
quelques semaines, les collectivités locales vont commencer à voter leur
budget. On va bien voir si elles sont obligées d'augmenter leurs impôts, car je
n'ai jamais vu de maires, de présidents de conseils généraux, de présidents de
conseils régionaux augmenter les impôts par plaisir : on augmente les impôts
quand on y est obligé. Quand on voit que, dans tout le pays, des maires, des
présidents de conseils généraux, des présidents de conseils régionaux, de
toutes tendances politiques, annoncent une augmentation des impôts locaux,
c'est que l'équilibre des relations financières entre l'Etat et les
collectivités est rompu. Pour essayer de le rétablir, je voterai donc
l'amendement de la commission.
(Applaudissements sur les travées de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Patrick Lassourd.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Lassourd.
M. Patrick Lassourd.
Depuis que la séance est reprise, je trouve que vraiment, les collectivités
locales, en particulier les communes de base, en prennent « plein la figure
».
On a eu un débat sur les frais de recouvrement d'assiette ; vous avez
manifesté votre opposition à nos propositions, madame le secrétaire d'Etat.
Nous avons eu un débat sur les réfactions d'exonérations de compensations et
sur le fonds national de péréquation de taxe professionnelle, sur des crédits
qui normalement doivent revenir aux collectivités. Nous avons également parlé
de la compensation que l'Etat verse aux collectivités locales sur les
abattements au titre de la part salaires dans la taxe professionnelle ; on sait
que son indexation ne sera pas favorable aux collectivités.
Décidément, on traite les communes avec beaucoup de mépris !
J'ai parlé tout à l'heure des charges qui nous sont transférées à propos de la
sécurité. Parlons maintenant des logements sociaux, compétence d'Etat.
Connaissez-vous, mes chers collègues, une seule commune qui soit capable de
réaliser des logements sociaux sans y consacrer des fonds comparables, parfois
même supérieurs à ceux que dégage l'Etat pour réaliser ces logements sociaux ?
Voilà des transferts dont on ne parle pas et qui sont à la charge des finances
communales.
En tant que maire d'une commune de 5 000 habitants, je souhaiterais installer
une bibliothèque. Connaissez-vous le dispositif de subventions qui s'applique
en la matière, dans une commune comme la mienne ? Il est ridicule ! On est
incapable de faire quoi que ce soit dans ces conditions !
M. Michel Charasse.
Les subventions sont pompées par Paris !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Voilà !
M. Patrick Lassourd.
Absolument !
En matière d'éducation, connaissez-vous le montant des dépenses qui relèvent
de la responsabilité de l'Etat et qui sont pourtant à la charge des communes
?
Et je ne parle pas des bâtiments qui abritent des administrations de l'Etat,
comme les gendarmeries et les perceptions, pour lesquels les communes en
général touchent des loyers tout à fait dérisoires.
Voilà, madame le secrétaire d'Etat, l'explication de l'augmentation des
dépenses des communes. Je suis bien d'accord avec notre collègue Mercier,
regardez bien la fiscalité des communes dans les prochains mois : elle va
augmenter partout en raison des transferts de charges de l'Etat et de la façon
dont l'Etat assume mal ses propres compétences.
(Applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
M. le président.
Je mets aux voix les amendements identiques n°s I-38 et I-115, repoussés par
le Gouvernement.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 21, modifié.
(L'article 21 est adopté.)
Article additionnel après l'article 21
M. le président.
L'amendement n° I-188, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 21, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article L. 2334-33 du code général des collectivités locales est
ainsi rédigé :
«
Art. L. 2334-33.
- La dotation globale d'équipement des communes est
répartie, après constitution d'une quote-part au profit des collectivités
territoriales et groupements mentionnés à l'article L. 2334-37, entre les
établissements publics de coopération intercommunale et les communes.
« II. - Les articles L. 2334-35 et L. 2334-35-1 du même code sont abrogés.
« III. - L'article L. 2334-34 du même code est ainsi rédigé :
«
Art. L. 2334-34.
- A compter de la publication de la présente loi, le
taux de concours de l'Etat au titre de la dotation globale d'équipement sera
porté progressivement au dixième du montant des dépenses réelles
d'investissement.
« IV. - En conséquence du III, le montant de ladite dotation inscrit en loi de
finances pour 2002 est porté à 2 milliards d'euros.
« V. - Le taux prévu à l'article 219 du code général des impôts est relevé à
due concurrence. »
La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud.
Cet amendement vise à relancer l'investissement des collectivités locales par
le biais d'un renforcement de la dotation globale d'équipement, la DGE.
Comme vous le savez, la part des investissements des collectivités locales
dans l'investissement public est très importante, puisqu'ils en constituent
plus des trois quarts. Cela a un effet d'entraînement et d'impulsion économique
indéniable. Ces dépenses se traduisent notamment en emplois.
Or ces investissements connaissent un ralentissement dangereux, comme le
prouve le montant du FCTVA, avec une progression de 0,6 % cette année, ce qui
témoigne de la stagnation de l'investissement.
La DGE est un moyen efficace pour remédier à cette situation, si elle est
renforcée et plus généreusement répartie. Voilà pourquoi nous proposons d'en
étendre le bénéfice à toutes les communes et les groupements, comme c'était le
cas avant la réforme de 1995. Depuis cette réforme du gouvernement Juppé, la
DGE ne profite qu'aux collectivités de faible dimension, alors que ce sont
celles qui investissent le moins.
Nous demandons également une montée en puissance progressive de cette
dotation. L'objectif est qu'elle permette rapidement de couvrir 10 % des
dépenses réelles d'investissement des collectivités. Il s'agit ni plus ni moins
du rappel d'une promesse non tenue, puisque nous reprenons le montant prévu
dans les lois de décentralisation.
Rappelons que cette dotation ne prend aujourd'hui en charge que 3,6 % de ces
mêmes dépenses, ce qui est nettement insuffisant. Ses bénéficiaires pourront en
témoigner.
Voilà pourquoi nous vous proposons, mes chers collègues, d'adopter cet
amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission est défavorable à cet amendement parce
que le gage n'est pas satisfaisant et que le coût du dispositif proposé est
vraiment important. Or, dans tout exercice, il faut savoir ne pas dépasser des
limites raisonnables.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
La disposition proposée me semble poser une difficulté
dans la mesure où la réforme de la DGE des communes visait à cibler les
concours de l'Etat plus particulièrement sur les communes rurales, qui n'ont
pas de grandes capacités financières, contrairement aux grandes communes, et
qui investissent de manière irrégulière sur des projets importants. C'est la
raison pour laquelle le taux de subvention qu'il est possible d'accorder dans
le cadre de la DGE est compris entre 20 % et 60 % du coût de l'opération.
Monsieur Foucaud, si, comme vous le proposez dans cet amendement, on substitue
à ce mécanisme ciblé d'aide un dispositif de soutien général et indifférencié,
on s'éloigne considérablement des objectifs qui ont justifié la création d'une
DGE, dont je souligne encore une fois la très grande importance pour les
communes rurales.
Par conséquent, au-delà des arguments budgétaires auxquels je ne peux, bien
entendu, que souscrire, monsieur le rapporteur général, il y a de vraies
raisons de fond pour que cet amendement soit retiré.
M. le président.
Monsieur Foucaud, l'amendement n° I-188 est-il maintenu ?
M. Thierry Foucaud.
Je vais retirer cet amendement tout en annonçant que nous reviendrons sur ce
sujet. Nous allons étudier les taux. Nous pensons qu'il faut poursuivre la
réflexion sur la DGE pour les collectivités qui investissent beaucoup, parce
que cela pourrait stimuler l'emploi, lequel est générateur de recettes.
M. le président.
L'amendement n° I-188 est retiré.
Article 21 bis
M. le président.
« Art. 21
bis
. - Dans la première phrase de l'article 129 de la loi de
finances pour 1999 (n° 98-1266 du 30 décembre 1998), la date : "2001" est
remplacée par la date : "2002". »
L'amendement n° I-39, présenté par M. Marini, au nom de la commission des
finances, est ainsi libellé :
« Compléter l'article 21
bis
par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans la deuxième phrase du même article, la mention : "40" est remplacée par
la mention : "57". »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cet amendement vise à rectifier une erreur
rédactionnelle.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Favorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-39, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
L'amendement n° I-40, présenté par M. Marini, au nom de la commission des
finances, est ainsi libellé :
« A. - Compléter l'article 21
bis
par deux paragraphes ainsi rédigés
:
« II. - Le montant de la dotation de l'Etat prévue au 2° du II de l'article
1648 A
bis
du code général des impôts est majoré en 2002 de 45,73
millions d'euros. Cette majoration n'est pas prise en compte dans le montant de
la dotation de l'Etat au fonds national de péréquation de la taxe
professionnelle pour l'application du I de l'article 57 de la loi de finances
pour 1999 (n° 98-1266 du 30 décembre 1998).
« III. - La perte de recettes résultant pour l'Etat en 2001 de la majoration
du prélèvement sur les recettes de l'Etat au profit du Fonds national de
péréquation de la taxe professionnelle est compensée à due concurrence par la
création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A
du code général des impôts. »
« B. - En conséquence, faire précéder le début de l'article 21
bis
de
la mention : "I". »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La reconduction en 2002 de la majoration de la
dotation de l'Etat au fonds national de péréquation est la conséquence logique
de la reconduction dans l'article 21
ter
du dispositif de compensation
des pertes de DCTP par le FNPTP.
Cependant, le dispositif proposé ne remédie pas au déséquilibre constaté
depuis 1999 entre, d'une part, le manque à gagner résultant pour le FNP de la
compensation par le FNPTP des pertes de DCTP et, d'autre part, le montant de la
compensation qui lui est versée à ce titre.
Ainsi, la majoration de 150 millions de francs versée en 1999, 2000 et 2001
doit être comparée à un manque à gagner, qui s'élevait en 1999 à 569 millions
de francs, en 2000 à 892 millions de francs et en 2001 à 1 255 millions de
francs.
La compensation des pertes de DCTP par le FNPTP s'est donc traduite par un
manque à gagner net pour le FNP de 419 millions de francs en 1999, 742 millions
de francs en 2000 et 1 105 millions de francs en 2001.
En 2002, le manque à gagner net devrait être à peu près équivalent à celui de
2001. L'an dernier, le Sénat, sur proposition de la commission des finances,
avait adopté un amendement majorant de 250 millions de francs les ressources du
FNPTP, de manière à majorer d'autant le solde que ce fonds reverse au FNP. Les
estimations fournies à l'époque par le Gouvernement laissaient supposer un
manque à gagner pour le FNP de 992 millions de francs.
En réalité, madame le secrétaire d'Etat, par rapport à vos estimations, ce
chiffre s'est élevé à 1 255 millions de francs. Il convient donc de tenir
compte de l'augmentation du manque à gagner subie par le fonds national de
péréquation. Je vous propose donc un amendement majorant de 300 millions de
francs le montant du prélèvement sur les recettes de l'Etat au profit du
FNPTP.
C'est une question d'équité. J'en ai développé les raisons dans le rapport
écrit et j'invite le Sénat à adopter cet amendement.
Je tiens à apporter une précision sur le solde. Vous êtes bien entendu encore
plus que nous consciente du fait qu'en termes de convergence européenne, de
déficits comparés des Etats de l'Union, selon les critères du traité de
Maastricht, les versements de l'Etat aux collectivités territoriales ne sont
pas pris en compte.
Les majorations entrent donc bien dans la règle de la méthode qui est suivie.
On considère qu'il s'agit de prendre en compte le solde global des
administrations publiques dont on évalue chacune des composantes, l'Etat, la
sécurité sociale, les collectivités territoriales.
Mais pour les impératifs de la convergence européenne, je le répète, ce qui
est pris en compte, ce qui conditionne la compétitivité du pays et sa
contribution à la bonne tenue de l'euro, c'est le solde global des
administrations publiques.
Je tenais à le rappeler, car il s'agit, en définitive, de transferts internes
au système public. Ils peuvent, certes, détériorer le solde de la loi de
finances en pesant sur les dépenses de l'Etat. Mais ramenés dans une optique
européenne, ces transferts disparaissent dans la consolidation de l'ensemble
des administrations publiques.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement ne peut que souscrire aux observations
de M. le rapporteur général sur la contribution des collectivités locales
elles-mêmes excédentaires au solde général, c'est-à-dire aux besoins de
financement des administrations publiques. Je n'exprime aucun désaccord sur ce
point.
Je constate simplement que nous sommes réunis pour débattre du budget de
l'Etat. Par conséquent, on ne peut pas totalement - dans cette discussion, en
tout cas -, passer sous silence les conséquences sur le budget de l'Etat des
éventuels transferts qui s'opèrent entre l'Etat et les collectivités
locales.
Sans vouloir prolonger un débat qui a déjà eu lieu voilà un peu plus d'une
heure, je souligne que l'adoption des deux amendements déposés par M. Mercier
représente une charge de 680 millions d'euros.
Voilà, monsieur le rapporteur général, que vous souhaitez, avec l'amendement
n° I-40, ajouter 80 milliards d'euros supplémentaires au fonds national de
péréquation de la taxe professionnelle ! Je n'en dirai pas plus !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-40, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 21
bis,
modifié.
(L'article 21
bis
est adopté.)
Article 21 ter
M. le président.
« Art. 21
ter
. - Le 2°
bis
du II de l'article 1648 B du code
général des impôts est ainsi modifié :
« 1° Dans le premier alinéa du 1 et du 2, les mots : "et en 2001" sont
remplacés par les mots : "en 2001 et en 2002" ;
« 2° Le premier alinéa du 3 est complété par les mots : "et en 2002". »
L'amendement n° I-41, présenté par M. Marini, au nom de la commission des
finances, est ainsi libellé :
« A. - Compléter l'article 21
ter
par trois paragraphes ainsi rédigés
:
« II. - Après le 3 du 2°
bis
du II de l'article 1648 B du code général
des impôts, il est inséré cinq alinéas ainsi rédigés :
« 4. En 2002 :
«
a)
Une compensation aux communes éligibles en 2001 à la dotation de
solidarité urbaine prévue à l'article L. 2334-15 du code général des
collectivités territoriales et aux communes bénéficiaires, en 2001, de la
première fraction de la dotation de solidarité rurale visée à l'article L.
2334-21 du même code, et qui connaissent en 2001 une baisse de la dotation
prévue au IV de l'article 6 de la loi de finances pour 1987 (n° 86-1317 du 30
décembre 1986). Les attributions qui reviennent aux communes bénéficiaires de
cette part sont égales à la baisse enregistrée par chaque commune, entre 2001
et 2002, de la dotation prévue au IV de l'article 6 de la loi de finances
précitée.
«
b)
Une compensation aux établissements publics de coopération
intercommunale à fiscalité propre dont un membre au moins est éligible, en
2001, soit à la dotation de solidarité urbaine, soit à la première fraction de
la dotation de solidarité rurale. Les attributions qui reviennent aux
groupements bénéficiaires de cette part sont égales à la baisse enregistrée par
chaque groupement, entre 2001 et 2002, de la dotation prévue au IV de l'article
6 de la loi de finances pour 1987 (n° 86-1317 du 30 décembre 1986), à hauteur
du pourcentage que représente la population des communes éligibles, soit à la
dotation de solidarité urbaine, soit à la première fraction de la dotation de
solidarité rurale, membres du groupement dans la population totale du
groupement.
«
c)
Une compensation aux communes bénéficiaires en 2001 de la seconde
fraction de la dotation de solidarité rurale visée à l'article L. 2334-22 du
code général des collectivités territoriales et dont le potentiel fiscal par
habitant, tel qu'il est défini à l'article L. 2334-4 du même code est inférieur
à 90 % du potentiel fiscal moyen par habitant des communes appartenant au même
groupe démographique, et qui connaissent en 2002 une baisse de la dotation
prévue au IV de l'article 6 de la loi de finances pour 1987 (n° 86-1317 du 30
décembre 1986). Les attributions qui reviennent aux communes bénéficiaires de
cette part sont égales à la baisse enregistrée par chaque commune entre 2001 et
2002 de la dotation prévue au IV de l'article 6 de la loi de finances
précitée.
« Lorsque la somme qui doit être attribuée au titre de la compensation pour
une commune ou un établissement public de coopération intercommunale est
inférieure à 500 francs, le versement de cette somme n'est pas effectué.
« III. - Le montant de la dotation de l'Etat prévue au 2° du II de l'article
1648 A
bis
du code général des impôts est majoré en 2002 de 19,82
millions d'euros. Cette majoration n'est pas prise en compte dans le montant de
la dotation de l'Etat au fonds national de péréquation de la taxe
professionnelle pour l'application du I de l'article 57 de la loi de finances
pour 1999 (n° 98-1266 du 30 décembre 1998).
« IV. - La perte de recettes résultant pour l'Etat en 2001 de la majoration du
prélèvement sur les recettes de l'Etat au profit du fonds national de
péréquation de la taxe professionnelle est compensée à due concurrence par la
création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A
du code général des impôts.
« B. - En conséquence, faire précéder le début de l'article 21
ter
de
la mention : I. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Nous restons sur un sujet de même nature.
Ces trois dernières années, le Gouvernement a été en mesure de financer par le
FNPTP la compensation des baisses de la dotation de compensation de la taxe
professionnelle enregistrées par des collectivités défavorisées en ponctionnant
des ressources destinées à d'autres collectivités défavorisées, celles du
FNP.
Je rappelle que l'amendement que nous venons de voter visait à abonde ce fonds
destiné, en particulier, à améliorer les finances des collectivités
défavorisées.
Ce financement par le FNPTP de la compensation des baisses de DCTP n'était pas
trop visible, car le montant global des crédits connaissait une évolution
favorable.
En 2002, le système aurait dû atteindre ses limites. La baisse de DCTP entre
2001 et 2002 étant plus importante qu'entre 2000 et 2001, il y avait tout lieu
de reconduire le dispositif de compensation.
Or, compte tenu de la baisse des ressources du FNP, liée à la diminution des
recettes provenant de la fiscalité locale de France Télécom - elle-même liée à
la création de la filiale Orange - il n'aurait pas été possible de ponctionner
à nouveau le FNP sans le placer dans une situation délicate.
Heureusement - à quelque chose malheur est bon - le Gouvernement est obligé en
2002 d'abonder la DCTP de 126 millions d'euros au minimum pour prendre en
compte les conséquences de l'arrêt Pantin.
Avec cet abondement, la baisse de la DCTP est ramenée à 2,4 %, ce qui a permis
aux députés de justifier la non-reconduction en 2002 de la compensation des
baisses de DCTP par la modicité de cette baisse.
Pourtant, cette baisse de 2,4 % se traduira tout de même pour les communes qui
étaient compensées les années précédentes par une perte de recettes de 19,82
millions d'euros, soit 130 millions de francs.
Leur perte réelle, c'est-à-dire calculée hors abondement lié aux conséquences
de l'arrêt Pantin, après tout, les conséquences de l'arrêt Pantin ne sont que
la récupération d'une partie de ce qui est dû par lesdites collectivités
s'établit à 53,36 millions d'euros, soit 350 millions de francs.
Il est concevable, madame le secrétaire d'Etat, de considérer que les
collectivités éligibles à une dotation de solidarité peuvent consentir en 2002
une modulation de leur DCTP limitée à 1,2 %, la moitié de 2,4 %, plutôt qu'aux
3,75 %, la moitié de 7,5 %, auxquels elles auraient pu légitimement prétendre,
de manière à alléger la charge supportée par les collectivités non éligibles à
une dotation de solidarité.
En revanche, il semble tout autant légitime que la baisse enregistrée par les
communes éligibles à la DSU et à la DSR, ainsi que par les établissements
publics de coopération intercommunale auxquels elles appartiennent, soit
compensée intégralement.
Afin de ne pas pénaliser le FNP, il vous est donc proposé un amendement qui,
d'une part, compense ces pertes de recettes et, d'autre part, majore de 19,82
millions d'euros les ressources du FNPTP.
Madame le secrétaire d'Etat, cette série d'amendements a pour objet de montrer
que la mécanique des finances locales et des différentes dotations est grippée
et que la réalité ne ressemble pas vraiment à la description idyllique que
vous-même et quelques-uns de vos amis avez faite ce soir.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
La mesure préconisée par l'amendement n° I-41 me
paraît moins justifiée que par le passé puisque la baisse de la dotation de
compensation de la taxe professionnelle sera contenue en 2002.
Cette baisse sera, en effet, atténuée, d'une part, par la suppression en 2002
du prélèvement sur la DCTP du fait du financement des communautés
d'agglomération, désormais intégrées en totalité à la DGF, et, d'autre part,
par l'abondement de 103 millions d'euros de la DCTP, qui intervient au titre de
la compensation forfaitaire de l'absence de prise en compte des rôles
supplémentaires dans le calcul de la compensation - c'est le contentieux Pantin
dont nous parlions tout à l'heure.
Compte tenu du maintien du mécanisme de modulation, la baisse de la DCTP pour
les communes défavorisées sera limitée en 2002 à 1,2 %, ce qui représente
environ 15 millions d'euros. Cette baisse sera globalement compensée par la
progression de 5 % de la DSU et de la DSR grâce aux majorations exceptionnelles
de ces deux dotations prévues dans ce budget à hauteur de 146,3 millions
d'euros.
Dans ce contexte favorable, l'Assemblée nationale a voté, avec l'accord du
Gouvernement, la reconduction des compensations versées par le FNPTP au titre
des baisses de la dotation de compensation de la taxe professionnelle pour les
années 1999 à 2001. Il ne paraît donc pas nécessaire de compenser les baisses
au titre de l'année 2002.
En conséquence, votre proposition d'abondement de la dotation de l'Etat au
FNPTP me semble également sans objet. J'ajoute que, dans le dispositif que vous
préconisez de financement des communautés d'agglomération, qui repose sur une
majoration de 427 millions d'euros du concours exceptionnel en faveur de
celles-ci, il n'y aurait aucune baisse de la DCTP par rapport à celle versée en
2001. Par conséquent, je ne vois pas au nom de quoi il conviendrait, comme vous
le proposez par cet amendement, d'abonder à ce titre le FNPTP.
Dans ces conditions, monsieur le rapporteur général, je souhaiterais que vous
puissiez retirer cet amendement.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-41, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 21
ter
, modifié.
(L'article 21
ter
est adopté.)
Article 22
M. le président.
« Art. 22. - I. - L'article L. 5211-28 du code général des collectivités
territoriales est ainsi modifié :
« 1° Au deuxième alinéa, après les mots : "Pour les communautés de communes,",
sont insérés les mots : "les communautés d'agglomération," ;
« 2° Les troisième, quatrième et cinquième alinéas sont supprimés.
« II. - En 2002, le montant de la dotation d'aménagement, tel qu'il résulte de
l'application des deuxième et troisième alinéas de l'article L. 2334-13 du code
général des collectivités territoriales, est majoré d'un montant total de
309,014 millions d'euros, dont 126,075 millions d'euros prélevés sur la
dotation instituée au premier alinéa du IV de l'article 6 de la loi de finances
pour 1987 (n° 86-1317 du 30 décembre 1986).
« Cette majoration n'est pas prise en compte en 2002 dans le montant de la
dotation globale de fonctionnement pour l'application du I et du II de
l'article 57 de la loi de finances pour 1999 (n° 98-1266 du 30 décembre 1998).
»
« III. - Le 1° de l'article L. 1613-1 du code général des collectivités
territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« A compter de 2003, pour le calcul du montant de la dotation globale de
fonctionnement, le montant de la dotation globale de fonctionnement de 2002
calculé dans les conditions prévues ci-dessus est majoré d'un montant total de
309,014 millions d'euros. »
« IV. - Le IV de l'article 6 de la loi de finances pour 1987 (n° 86-1317 du 30
décembre 1986) est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour le calcul en 2003 du montant de la dotation instituée au premier alinéa
du présent IV, le montant de cette même dotation au titre de 2002, tel qu'il
résulte de l'application des alinéas précédents, est minoré de 126,075 millions
d'euros. »
Sur l'article, la parole est M. Souvet.
M. Louis Souvet.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, monsieur le rapporteur
général, mes chers collègues, comme le rappelait fort à propos le président
Poncelet dans un entretien paru dans le numéro 49 d'
Intercommunalités
,
nous pouvons tous nous réjouir de l'incontestable succès de la relance de
l'intercommunalité, d'autant que le Sénat y a très largement contribué.
Mais tout dispositif est par nature perfectible, et cela est vrai aussi pour
l'intercommunalité. Un assouplissement de certaines règles dans le domaine
fiscal, plus particulièrement dans la perception de la taxe professionnelle,
pourrait être inséré dans la réforme portant modernisation des finances
locales.
Sur le principe de la mise en commun des moyens, personne ne peut contester
l'efficacité des communautés de communes, communautés d'agglomération et autres
communautés urbaines. J'estime cependant que certaines modalités de mise en
forme sont contestables.
Il en est ainsi du transfert total de la taxe professionnelle : la loi prive
les composantes des communautés d'agglomération d'une ressource non négligeable
; plus encore, elle prive de nombreux arguments le maire qui doit défendre un
projet d'implantation industrielle ou commerciale, par exemple.
Vous savez tous que toute implantation industrielle ou commerciale entraîne
des nuisances, à des niveaux plus ou moins élevés : du bruit, des odeurs, de la
circulation. Avec l'ancienne forme de perception de la taxe professionnelle, le
maire pouvait emporter l'adhésion de ses concitoyens et de son conseil
municipal en chiffrant précisément les gains escomptés pour la commune au vu
des résultats attendus de la taxe professionnelle. Ce même élu pouvait évoquer
les équipements collectifs que ce supplément de taxe professionnelle
permettrait de financer sans augmenter les impôts locaux. Aujourd'hui, ce n'est
plus le cas.
Les maires ne disposent plus que des impôts sur les ménages. Il est à
craindre, désormais, que les maires et leurs conseils municipaux ne cherchent
plus à attirer des sociétés nouvelles puisque l'incitation fiscale directe
n'existe plus. Les motivations ne seront plus du tout de même importance.
Le cas s'est produit dans notre communauté d'agglomération, qui a été, je le
rappelle, la première en France. C'est dire que nous avons une certaine
expérience en matière d'intercommunalité.
De plus, le fait que les dépenses communales nouvelles ne puissent être
de
facto
gagées que sur les prélèvements issus des ménages risque de paralyser
de nombreuses collectivités locales et d'avoir une répercussion négative sur
l'économie.
A ce stade du raisonnement, il convient de déplorer le blocage des ressources
en taxe professionnelle sur une seule année de référence, l'année 1999, qui est
reversée par les communautés d'agglomération aux collectivités de base.
L'érosion monétaire n'est pas, vous en conviendrez, mes chers collègues, une
vue de l'esprit, si bien que, chaque année, le maire perd une partie de ses
ressources. De là à déceler une recentralisation financière en totale
contradiction avec le discours gouvernemental, la marge est infime.
Il est tout à fait souhaitable et techniquement possible de combiner
l'efficacité de l'action collective avec l'esprit d'initiative des maires
membres des communautés d'agglomération, c'est-à-dire de permettre aux communes
de percevoir conjointement avec les communautés d'agglomération une part de la
taxe professionnelle.
L'article 1609
nonies
C du code général des impôts pourrait très bien
être modifié dans ce sens, un décret d'application fixant les parts communale
et intercommunale respectives. L'évolution des relations communes-structure
intercommunale ne pourra ainsi qu'être améliorée. A défaut, à terme, les règles
du jeu actuelles créeront plus d'inconvénients que d'avantages. Je pense bien
évidemment en premier lieu aux ménages.
En effet, si aucune modification n'est apportée, force est de constater
qu'
in fine
le développement des services rendus au niveau intercommunal
sera financé par une hausse des impôts communaux ou ne sera pas assuré.
N'est-ce pas le comble du paradoxe ?
Je plaide maintenant la cause des communautés d'agglomération. L'Etat alourdit
leurs dépenses en transférant sur leur budget les compétences qui sont les
siennes, comme cela a été dit à de nombreuses reprises aujourd'hui.
Il en va ainsi de l'obligation qui est faite aux autorités organisatrices de
transport de consentir, sans compensations, des cartes d'abonnement à tarifs
réduits non seulement aux titulaires du RMI et aux autres bénéficiaires de
l'aide sociale, mais aussi à leurs ayants droit, l'épouse et les enfants.
On peut se demander comment nos budgets pourront être équilibrés, à moins
d'augmenter les impôts, ce qui est impopulaire.
(M. Braun applaudit.)
M. le président.
L'amendement n° I-42, présenté par M. Marini, au nom de la commission des
finances, est ainsi libellé :
« I. - Rédiger ainsi le deuxième alinéa (10 alinéa du I de l'article 22 :
« 10 Dans le quatrième alinéa, la somme : "1 200 millions de francs" est
remplacée par la somme : "610 millions d'euros". »
« II. - Pour compenser la perte de recettes résultant des dispositions du I
ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes résultant pour l'Etat de la majoration du
prélèvement sur les recettes de l'Etat assurant le financement des communautés
d'agglomération est compensée à due concurrence par la création d'une taxe
additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Madame le secrétaire d'Etat, le dispositif prévu par
l'article 22 est, j'ai le regret de vous le dire, doublement contraire à la
volonté exprimée par le législateur dans la loi du 19 juillet 1999 relative au
renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale.
En premier lieu, il pérennise, en le gelant à son niveau de 2001, le
financement des communautés d'agglomération par la DCTP, alors que la loi de
1999 avait limité le recours à la dotation aux seules années 2000 et 2001.
L'expédient est donc reconduit.
En second lieu, il supprime le mode de financement hors DGF des communautés
d'agglomération qui avait été retenu de manière que l'augmentation du coût de
l'intercommunalité ne pèse pas sur la DSU et la DSR.
De plus, le dispositif proposé tend à faire financer l'augmentation du coût
des communautés d'agglomération entre 2001 et 2002 par une minoration des
ressources disponibles au titre de la DSU et de la DSR.
Pour financer une priorité, on impute sur une autre priorité. Ce n'est pas
réellement satisfaisant. Les crédits prévus pour financer les communautés
d'agglomération en 2002 sont équivalents à ceux de 2001. Or, vous n'êtes pas
sans savoir que 30 à 40 nouvelles communautés d'agglomération percevront une
DGF en 2002. Les sommes correspondantes seront prélevées sur la masse de la
dotation d'aménagement, donc sur les dotations de solidarité.
Des promesses ont été faites, elles ne pourront pas être honorées. Pour
remédier à ces inconvénients, et donc pour vous aider, nous défendons un
amendement qui prévoit, en premier lieu, de conserver le principe d'un
financement hors DGF des communautés d'agglomération pour ne pas peser sur la
DSU et la DSR.
Cet amendement vise, en second lieu, à fixer le plafond du prélèvement sur les
recettes de l'Etat destiné à financer les communautés d'agglomération à un
niveau suffisamment élevé pour éviter de devoir revoir le financement des
communautés d'agglomération tous les ans. Le montant fixé à 610 millions
d'euros est un plafond et non une obligation de dépenses.
J'ajouterai, enfin, madame le secrétaire d'Etat, que, si l'on veut inciter à
l'intégration intercommunale, il faut s'en donner les moyens. C'est sans doute
un problème de choix.
Je rejoins volontiers ceux qui, tout à l'heure, parlaient de contenir la
dépense. Il n'est pas possible de contenir la dépense si l'on ne fait pas un
tri parmi les priorités. Mais à force de vouloir donner satisfaction aux uns et
aux autres - la période y incite - on met en place un système qui n'est pas
tenable, qui n'est plus gérable et qui explosera.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Depuis leur création par une loi du 12 juillet 1999,
les communautés d'agglomération voient leur DGF bonifiée, financée, en partie,
à l'intérieur de la DGF, et, pour l'essentiel, grâce à deux financements
extérieurs : un concours particulier de l'Etat qui a été progressivement porté
à 182,9 millions d'euros et un prélèvement en gestion sur la DCTP qui s'est
élevé, en 2001, à 126 millions d'euros.
Pour mettre fin aux incertitudes pesant sur le financement de cette DGF
bonifiée, le Gouvernement a proposé de consolider ces deux financements
extérieurs dans la dotation d'aménagement de la DGF à compter de 2002. Au
passage, une simplification du mode de financement des communautés
d'agglomération est également opérée par l'alignement de celui-ci sur le mode
de financement des autres EPCI, ce qui évite tout prélèvement nouveau sur la
DCTP. C'était un souhait assez largement exprimé sur l'ensemble des travées de
cette assemblée.
Votre amendement, monsieur le rapporteur général, ainsi d'ailleurs que les
amendements suivants n°s I-43 et I-44, vise à revenir à l'ancien dispositif
tout en maintenant la suppression du prélèvement sur la DCTP, et donc en
majorant de manière considérable le concours particulier en faveur des
communautés d'agglomération qui est à la charge de l'Etat et qui passerait,
dans cette hypothèse, de 182,9 millions d'euros à 610 millions d'euros.
Par conséquent, ces amendements, qui rompent l'équilibre financier proposé
dans le projet de loi de finances en ce qui concerne le financement de
l'intercommunalité, ne peuvent pas avoir la faveur du Gouvernement. Ils
reviendraient, purement et simplement, à ce que l'Etat prenne entièrement à sa
charge le financement des communautés d'agglomération.
Enfin, je ne reviendrai pas sur les considérations financières concernant
l'équilibre des transferts entre l'Etat et les collectivités locales, m'étant
déjà longuement expliquée sur ce sujet. Pour ces différentes raisons, je
souhaiterais que vous retiriez les amendements n° I-42, I-43 et I-44, monsieur
le rapporteur général.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-42, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
L'amendement n° I-43, présenté par M. Marini, au nom de la commission des
finances, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le troisième alinéa (2°) du I de l'article 22 :
« 2° Le cinquième alinéa est supprimé. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il s'agit d'un amendement de conséquence résultant de
l'adoption de l'amendement précédent.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Défavorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-43, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° I-44, présenté par M. Marini, au nom de la commission des
finances, est ainsi libellé :
« Supprimer les II, III et IV de l'article 22. »
L'amendement n° I-196 rectifié, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M.
Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi
libellé :
« I. - Après les mots : "d'un montant total de", rédiger comme suit la fin du
premier alinéa du II de l'article 22 : "459,014 millions d'euros".
« II. - Afin de compenser les pertes de recettes résultant du I, insérer après
le I de cet article un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat du supplément adjoint à
la majoration de la dotation d'aménagement sont compensées à due concurrence
par un relèvement du taux du prélèvement libératoire prévu à l'article 200 A du
code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l'amendement n°
I-44.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est un amendement de conséquence.
M. le président.
La parole est à Mme Beaufils, pour présenter l'amendement n° I-196
rectifié.
Mme Marie-France Beaufils.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, cet
amendement de notre groupe porte sur la majoration de la dotation d'aménagement
découlant de la montée en charge de la dotation d'intercommunalité, notamment
celle qui est dévolue aux communautés d'agglomération.
Nous pourrions avoir l'impression que la loi sur l'intercommunalité a
rencontré plus de succès que prévu. En effet, la constitution de très
importants établissements publics de coopération intercommunale - les
communautés constituées autour de villes comme Toulouse ou Nice, par exemple -
a sensiblement accru le poids des structures concernées par la répartition de
la dotation.
Dans les faits, c'est un peu comme si le « gâteau » de la dotation
d'intercommunalité gonflait un peu moins vite que l'appétit des convives, qui
sont pourtant chaque jour plus nombreux autour de la table.
Le résultat de l'opération est connu : c'est la malheureuse dotation de
compensation de la taxe professionnelle, cette variable d'ajustement, qui sert
une fois de plus à combler les trous.
Cela nous conduit à considérer la situation sous une approche renouvelée.
Premier aspect : la dotation d'intercommunalité est manifestement devenue un
facteur de consommation important des crédits de la dotation d'aménagement.
Deuxième aspect : au-delà du cas spécifique de la dotation d'intercommunalité,
c'est l'ensemble de l'architecture des dotations budgétaires qui est en
question. Nous sommes quand même toujours aujourd'hui, contrat de croissance et
de solidarité ou pas, dans le cadre fixé par la réforme de la dotation globale
de fonctionnement du 31 décembre 1993. Cette réforme, mes chers collègues de la
majorité sénatoriale, hautement récessive à l'époque et qui continue de faire
peser ses effets, vous l'aviez défendue, portée et votée.
Troisième aspect : nous ne pouvons évidemment suivre ceux qui préconisent
aujourd'hui de mixer dotation forfaitaire des communes et dotation
d'intercommunalité, faisant en quelque sorte de la participation plus ou moins
volontaire des communes aux EPCI un facteur de variation des dotations
finalement versées.
Il importe, à notre sens, que l'intercommunalité demeure un facteur de
coopération et d'émergence de projets collectifs, et ne soit pas un élément de
correction arbitraire des concours de l'Etat aux collectivités locales.
C'est donc naturellement que cet amendement prévoit de porter l'abondement
exceptionnel de la dotation au niveau requis par la situation et de supprimer
toute référence à l'utilisation de la dotation de compensation de taxe
professionnelle comme élément de financement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° I-196 rectifié ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission estime que le dispositif présenté est
très proche de celui qui résulte des amendements n°s I-42, I-43 et I.-44. Elle
considère donc que cet amendement est d'ores et déjà satisfait.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les deux amendements ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Défavorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-44, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'amendement n° I-196 rectifié n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 22, modifié.
(L'article 22 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 22
M. le président.
L'amendement n° I-112 rectifié, présenté par MM. Braye, Murat, Valade,
Leclerc, Doublet et Lecerf, est ainsi libellé :
« Après l'article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le deuxième alinéa du II de l'article L. 5211-30 du code général des
collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les communautés d'agglomération visées au 1° du I de l'article 1609
nonies
C du code général des impôts, la majoration mentionnée au premier
alinéa du présent paragraphe est pondérée par le rapport entre le taux moyen
national et le taux appliqué dans les communes membres de ces communautés
d'agglomération en 1998. »
La parole est à M. Braye.
M. Dominique Braye.
Cet amendement a pour objet de faire bénéficier les communautés
d'agglomération du dispositif prévu par l'article 73 de la loi de finances de
2001 pour les seules communautés de communes à fiscalité additionnelle et à
taxe professionnelle de zone.
Il s'agit de corriger les effets secondaires pervers de la réforme de la taxe
professionnelle, qui a instauré, dans la loi de finances de 1999, la
suppression progressive de la part salaires sur le potentiel fiscal des
établissements publis de coopération intercommunale.
Deux dispositions législatives ont déjà été adoptées pour pallier ces effets
pervers.
Tout d'abord, dans l'article 1er de la loi n° 126 du 28 décembre 1999 sur le
recensement, il a été prévu de nouvelles modalités de calcul du potentiel
fiscal. Ces modalités intègrent depuis lors la compensation de la suppression
de la part salaires. Il s'agissait de gommer les variations de potentiel fiscal
liées au fait que la proportion des bases salaires dans les bases totales de
taxe professionnelle était évidemment variable selon les communes et les
EPCI.
Cette disposition a eu elle-même des effets pervers, puisque, à bases fiscales
identiques, les collectivités et groupements dont les taux étaient supérieurs
au taux moyen national ont vu leur potentiel fiscal augmenter, tandis que les
collectivités et groupements dont les taux étaient inférieurs au taux moyen
national ont vu leur potentiel fiscal baisser, ce qui les a avantagés.
Mes chers collègues, cela est particulièrement paradoxal puisque nous savons
bien que, pour avoir un produit assuré, les collectivités qui ont les bases les
plus faibles sont obligées d'appliquer des taux plus élevés pour avoir le même
produit que les collectivités qui ont des bases élevées.
Ainsi, au sein de la communauté d'agglomération de Mantes, dans les Yvelines,
que j'ai l'honneur de présider, la ville de Mantes-la-Jolie a vu son potentiel
fiscal augmenter du fait de la faiblesse de ses bases de taxe professionnelle,
dont les taux sont naturellement supérieurs à la moyenne nationale, pour
assurer un produit minimum, ce qui dégrade, étant donné qu'elle a un potentiel
fiscal supérieur, l'indice synthétique servant de base à l'ensemble des
dotations de l'Etat ayant pour vocation d'assurer une péréquation entre
communes riches et communes pauvres. Je veux citer la dotation de solidarité
urbaine, le fonds de solidarité de la région d'Ile-de-France ou le fonds
national de péréquation.
La deuxième disposition législative qui a tenté de remédier aux effets pervers
de la réforme de la taxe professionnelle est inscrite dans l'article 73 de la
loi de finances pour 2001, mais elle profite aux seules communautés de communes
à fiscalité additionnelle ou à taxe professionnelle de zone.
Cette mesure prévoit de prendre en compte non pas la compensation de la
suppression de la part salaires de la taxe professionnelle, mais plutôt le
montant des bases disparues.
En d'autres termes, il s'agit de considérer les bases compensables et non le
produit compensé au titre de la suppression progressive de la part salaires.
Mon amendement a donc pour objet d'étendre cette disposition aux communautés
d'agglomération, ce qui permettrait de gommer « l'effet taux » et, enfin,
comparer la richesse des groupements en fonction de leurs bases réelles.
Il est impératif que les concours de l'Etat soient fondés sur des bases
comparables, afin de remédier à des situations inéquitables qui, sinon,
perdureraient. Je rappelle à cet égard que la réforme de la taxe
professionnelle n'a pas encore fini de produire ses effets secondaires pervers,
puisque la suppression progressive de la part salaires s'étend jusqu'en
2003.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission partage les préoccupations qui ont été
exprimées. Elle a l'intuition que la solution esquissée est la bonne. Mais
cette intuition devrait être étayée par une simulation.
Madame le secrétaire d'Etat, je voudrais vous signaler que notre rapporteur
spécial Michel Mercier a demandé au Gouvernement, au mois de juillet de cette
année, dans le cadre des questionnaires budgétaires, de réaliser une simulation
de la répartition de la DGF des communautés d'agglomération en tenant compte de
ce mode de calcul du potentiel fiscal, de manière à pouvoir être en mesure
d'apprécier l'opportunité d'étendre à cette catégorie le mode de calcul du
potentiel fiscal des communautés de communes à fiscalité additionnelle. J'ai le
regret de vous dire que cette simulation a été refusée.
Madame le secrétaire d'Etat, vous affichez de temps en temps, notamment dans
votre discours de tout à l'heure, une intention de réformer les finances
locales dans la concertation. Mais il est pour le moins peu acceptable que le
Gouvernement n'accepte de débattre que du seul ordre du jour qu'il a lui-même
fixé et qu'il se refuse, apparemment, à entendre les idées qui lui sont
soumises et qui, pour être testées, auraient besoin d'une simulation
technique.
La commission vous demande instamment de bien vouloir réviser cette position,
au moins sur la méthode, et d'accepter que le travail de simulation soit
effectué, ce qui nous permettrait sans doute de mieux répondre à la
préoccupation qui a été exprimée par notre collègue Dominique Braye.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Comme chacun le sait ici, la loi du 28 décembre 1999 a
prévu d'intégrer la compensation liée à la suppression de la part salaires de
la taxe professionnelle dans le calcul du potentiel fiscal des établissements
publics de coopération intercommunale comme dans l'ensemble des collectivités
locales.
Le potentiel fiscal se calcule en multipliant les bases d'imposition par le
taux moyen national de chacune des quatre taxes directes locales. Or cette
compensation est déterminée, quant à elle, par application aux bases exonérées
du fait de la réforme de la taxe professionnelle du taux effectif de taxe
professionnelle qui était applicable en 1998, année qui précédait la mise en
oeuvre de la réforme.
La loi de finances de 2001 prévoit, pour ce qui concerne les communautés de
communes à fiscalité additionnelle, la compensation de la part salaires prise
en compte dans le calcul du potentiel fiscal. Elle prévoit également que cette
compensation est pondérée par le rapport entre le taux moyen national et le
taux réel de taxe professionnelle de la communauté de communes en 1998. Si je
comprends bien, l'amendement n° I-112 rectifié vise à étendre cette
disposition, qui est applicable aux communautés de communes à fiscalité
additionnelle, aux communautés d'agglomération. Je ne puis souscrire à cette
proposition.
Certes, cette mesure se justifie pour les communautés de communes à fiscalité
additionnelle dans la mesure où celles qui étaient fiscalement très intégrées
et qui, par conséquent, avaient un taux de taxe professionnelle très supérieur
au taux moyen national voyaient leur potentiel fiscal majoré et donc se
trouvaient pénalisées dans les attributions de dotation globale de
fonctionnement. Mais tel n'est pas du tout le cas des communautés
d'agglomération...
M. Gérard Delfau.
Au contraire !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
... puisqu'il n'existe pas de corrélation entre le
taux de taxe professionnelle et leur niveau d'intégration fiscale dans la
mesure où ce taux est lié, en grande partie, à l'importance de leur base et où,
en 1998, il n'existait, par principe, aucune communauté d'agglomération.
Dès lors, cet amendement reviendrait à réduire de manière artificielle le
potentiel fiscal des communautés d'agglomération qui perçoivent une
compensation au titre de la part salaires, qui est élevée et qui reflète,
effectivement, le degré de richesse des communes membres. Je ne vois pas de
raison d'avantager particulièrement ces communautés d'agglomération.
Par conséquent, je souhaite, monsieur Braye, que vous retiriez cet amendement,
ce qui, bien entendu, n'interdit pas de réfléchir aux évolutions qu'il
conviendrait d'apporter à la notion de potentiel fiscal que nous avons
également abordée cet après-midi.
Quant à la question précise de M. le rapporteur général sur les simulations
qui ont été demandées et qui n'ont pas été produites, je puis lui dire qu'elles
figureront dans le rapport sur les finances locales qui sera remis au
Parlement.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Mes chers collègues, la situation peut évoluer. Nous
avons besoin de simulations parce que l'amendement n° I-112 rectifié, s'il
était adopté, modifierait les répartitions entre les collectivités. Pour savoir
si notre intuition est juste et si cet amendement constitue une bonne solution,
il faut voir quels seraient les effets des mesures proposées, et seule la
simulation permet de le faire.
Aussi, j'invite amicalement M. Braye à retirer, pour le moment, son
amendement.
Madame le secrétaire d'Etat, vous nous avez indiqué que ce rapport serait
disponible très prochainement, peut-être à la fin de l'année. Si tout va bien,
ce sera probablement un cadeau avant Noël, qui nous permettra de reprendre la
question lors de la discussion de la loi de finances rectificative. Pour nous,
c'est un rendez-vous important, parce que c'est avant le 31 décembre. Pour des
raisons évidentes, nous apprécions toujours que ces décisions puissent être
prises avant le 31 décembre.
Dans l'immédiat, on ne peut pas traiter le problème à l'aveugle ou, en tout
cas, sans le résultat des simulations. Je demande donc à notre collègue, je le
répète, de retirer son amendement à ce stade de la discussion, mais nous y
reviendrons.
M. le président.
Monsieur Braye, l'amendement n° I-112 rectifié est-il maintenu ?
M. Dominique Braye.
Compte tenu de ce que vient de me dire M. le rapporteur général, je vais
retirer l'amendement.
Je voudrais simplement attirer l'attention de mes collègues et de Mme le
secrétaire d'Etat sur le fait qu'il ne s'agit pas de donner un « coup de pouce
» aux communautés d'agglomération ; je vise ici les communes composant la
communauté d'agglomération, ce qui est différent. Autrement dit, je parle de la
commune de Mantes-la-Jolie et non de la communauté d'agglomération, que je
préside. Mantes-la-Jolie compte 43 000 habitants et dispose à peu près de 40
millions à 50 millions de francs de recettes de moins que la moyenne des villes
de cette strate et qui donc, compte tenu de cette mécanique, voit diminuer les
dotations de l'Etat telles que la dotation de solidarité urbaine, le fonds de
solidarité de la région d'Ile-de-France ou le fonds national de péréquation.
Je parle de la commune et non pas de la communauté d'agglomération, et je
souhaite qu'il n'y ait pas de contresens sur ce point.
Je voulais que le problème soit bien posé. Cela étant, je fais entièrement
confiance à M. le rapporteur général ainsi qu'à Mme le secrétaire d'Etat, qui a
tant insisté sur l'importance qu'elle attache à une meilleure répartition entre
villes riches et villes pauvres. Il faudrait peut-être commencer par tenter de
gommer de tels effets pervers qui, manifestement, aggravent de façon
significative la situation financière de villes reconnues comme
particulièrement pauvres dans la région d'Ile-de-France et, au-delà, dans tout
le pays.
M. le président.
L'amendement n° I-112 rectifié est retiré.
L'amendement n° I-134 rectifié, présenté par MM. Jacques Blanc, Amoudry,
Jarlier, Besse, Rinchet, Paul Blanc, Fournier, Ferrand, Gruillot, Faure,
Saugey, Mathieu, Vial, Ginésy et Jean Boyer, Mmes Henneron et Payet, MM. Trucy
et Hérisson, est ainsi libellé :
« Après l'article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans le premier alinéa de l'article L. 5214-23-1 du code général des
collectivités territoriales, après les mots : "Les communautés de communes
faisant application des dispositions de l'article 1609
nonies
C du code
général des impôts, dont la population est comprise entre 3 500 habitants et 50
000 habitants au plus", sont ajoutés les mots : "ou lorsqu'elle est inférieure
à 3 500 habitants mais organisée en cohérence autour d'un chef-lieu de canton
ou d'un bourg-centre et situées en zone de revitalisation rurale". »
« II. - La perte de recettes qui découle du paragraphe I est compensée par une
majoration à due concurrence des droits visés aux articles 575 et 575 A du code
général des impôts. »
Le sous-amendement n° I-259, présenté par MM. Fréville, Murat et Mercier, est
ainsi libellé :
« A la fin du I de l'amendement n° I-134 rectifié, remplacer les mots : "mais
organisée en cohérence autour d'un chef-lieu de canton ou d'un bourg-centre et
situées en zone de revitalisation rurale" par les mots : ", et qu'elles sont
situées en zone de revitalisation rurale et comprennent au moins dix communes
dont un chef-lieu de canton". » La parole est à M. Jarlier, pour répondre
l'amendement n° I-134 rectifié.
M. Pierre Jarlier.
La loi du 12 juillet 1999 relative à la coopération intercommunale a suscité
de nouvelles solidarités territoriales. En 2001, le nombre de communautés de
communes à taxe professionnelle unique a doublé. Malheureusement, certaines
d'entre elles, situées en zone rurale, ne bénéficient pas du régime de la
dotation globale de fonctionnement bonifiée, tout simplement parce qu'elles ne
peuvent pas justifier d'un nombre d'habitants supérieur à 3 500.
Bien sûr, il ne s'agit pas d'encourager des intercommunalités d'opportunité
qui ne répondraient à aucune cohérence territoriale.
Mais la réalité est tout autre. Dans les zones de montagne et dans les zones
rurales, les intercommunalités se créent autour des bassins de vie, des
chefs-lieux de canton ou de certains bourgs-centre. La géographie de ces
nouveaux espaces de solidarité est cohérente et repose souvent sur des
traditions d'échange marquées par des contraintes de relief ou
d'infrastructures de communication.
Certaines communautés de communes créées autour d'un bassin de vie identifié,
par exemple un canton d'une dizaine ou d'une douzaine de communes, peuvent
couvrir un territoire de trois cents à quatre cents kilomètres carrés, soit
pratiquement, de bout en bout, une distance de 30 kilomètres, et ne peuvent
cependant pas justifier de ces 3 500 habitants. Il ne faut pas pour autant les
condamner, au risque de voir leurs communes s'isoler et disparaître à court
terme.
C'est la raison pour laquelle le groupe « Montagne » du Sénat propose un
amendement qui permet à ces établissements publics de coopération
intercommunale à TPU - s'ils sont situés en zone de revitalisation rurale - et
en cohérence avec leurs chefs-lieux de canton ou leurs bourgs-centre, de
bénéficier de la DGF bonifiée, justifiant ainsi un traitement plus juste entre
l'intercommunalité rurale et l'intercommunalité urbaine.
Il s'agit donc de conforter les pôles de résistance à la désertification que
sont les communautés de communes organisées autour des chefs-lieux de canton et
des bourgs-centre en zone de revitalisation rurale.
M. le président.
La parole est à M. Mercier, pour défendre le sous-amendement n° I-259.
M. Michel Mercier.
Ce sous-amendement a pour objet de corriger ce que pourrait avoir d'excessif
l'amendement n° I-134 rectifié et donc à limiter l'avantage accordé à ces zones
particulières, en faisant en sorte qu'il y ait un périmètre défini et un nombre
minimal de communes organisées autour d'un bourg-centre.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° I-134 rectifié et sur le
sous-amendement n° I-259 ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission souhaiterait entendre le
Gouvernement.
M. le président.
Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
La loi du 12 juillet 1999 a prévu une majoration de
DGF pour les communautés de communes rurales à taxe professionnelle unique qui,
bien qu'effectivement intégrées, ne peuvent pas se transformer en communautés
d'agglomération en raison de leur taille.
Cette mesure était destinée aux communautés qui remplissent un véritable rôle
dans le développement économique local et, pour cela, la loi a prévu par
ailleurs qu'elles devaient avoir atteint une taille critique minimale pour
bénéficier de cette bonification.
Un seuil a été fixé. Est-il bon ou mauvais ? En tout cas, il a été voté. Il
est fixé à 3 500 habitants. Je crois, pour ma part, qu'il correspond à un
minimum. Je ne sais pas, monsieur Mercier, s'il doit être exprimé en nombre
d'habitants ou en nombre de communes. Ce dont je suis certaine, en revanche,
c'est qu'en prévoyant une dérogation très substantielle à ce seuil
démographique minimal, votre amendement va à l'encontre de la loi du 12 juillet
1999. Je ne peux donc y souscrire.
Je souhaite, en conséquence, le retrait de l'amendement et du sous-amendement,
même si je comprends les motivations de leurs auteurs.
M. le président.
Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Ce sont des questions très techniques, mais très
intéressantes. La commission s'en remet à la sagesse du Sénat, tout en
soulignant que ce dispositif engendrera des effets de seuil et suscitera
peut-être des demandes comparables ici ou là.
M. le président.
Je mets aux voix le sous-amendement n° I-259, repoussé par le Gouvernement et
pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-134 rectifié.
M. Paul Blanc.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Paul Blanc.
M. Paul Blanc.
L'amendement présenté par notre collègue illustre la réalité du terrain.
En zone de montagne, de tout petits cantons se sont organisés en syndicats à
vocation multiple, ou SIVOM, puisque, à l'époque, on ne parlait pas encore
d'intercommunalité.
Ces communes ont donc pris l'habitude de travailler ensemble. Par ailleurs,
elles ne peuvent pas se rattacher à des communes plus importantes du fait,
notamment, comme le soulignait M. Jarlier, des contraintes géographiques.
Les exclure du bénéfice de la DGF bonifiée est une mauvaise action. On n'a pas
le droit d'abandonner ces communes, qui ont déjà fait un effort pour travailler
ensemble et qui, si on leur donne un petit coup de pouce supplémentaire,
pourront repartir du bon pied.
Je pourrais citer comme exemple le canton de Mouthoumet, dans l'Aude, ou mon
propre canton, celui d'Olette, dans les Pyrénées-Orientales : même avec un peu
plus ou un peu moins de mille habitants, les communes travaillent déjà ensemble
au sein de SIVOM et ne demandent qu'à continuer, avec le coup de pouce de la
DGF.
Je suis donc tout à fait favorable à cet amendement.
M. le président.
Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° I-134 rectifié, repoussé par le
Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi de finances, après l'article 22.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
9
DÉPÔT D'UN RAPPORT
M. le président.
J'ai reçu de M. Alain Vasselle un rapport fait au nom de la commission des
affaires sociales sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale
pour 2002, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture (n° 96,
2001-2002).
Le rapport sera imprimé sous le n° 100 et distribué.
10
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée à aujourd'hui, mercredi 28 novembre 2001, à neuf heures quarante-cinq, à
quinze heures et, éventuellement, le soir :
1. Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2002, adopté par
l'Assemblée nationale (n°s 86 et 87, 2001-2002). - M. Philippe Marini,
rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des
comptes économiques de la nation.
Première partie
(suite)
. - Conditions générales de l'équilibre
financier :
Article 26 (Evaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l'Etat au
titre de la participation de la France au budget des Communautés
européennes).
M. Denis Badré, rapporteur spécial (rapport n° 87, tome II, fascicule 2 :
affaires européennes et article 26).
Suite de l'examen des articles 23 à 25
ter
relatifs aux finances
locales et articles additionnels :
- après l'article 23 (amendement n° I-101) ;
- après l'article 24 (amendement n° I-189) ;
- après l'article 25 (amendements n°s I-90, I-102, I-135 rectifié et I-185)
;
- après l'article 25
bis
(amendement n° I-184) ;
- après l'article 25
ter
(amendements n°s I-94, I-103, I-156 rectifié,
I-157 rectifié et I-230).
2. Suite de l'examen des articles de la première partie : articles
additionnels après les articles 15 à 27 et état A (à l'exception des articles
23 à 26).
Aucun amendement aux articles de la première partie de ce projet de loi de
finances n'est plus recevable.
Eventuellement, seconde délibération.
Explications de vote.
Vote sur l'ensemble de la première partie.
En application de l'article 59, premier alinéa, du règlement, il sera procédé
à un scrutin public ordinaire.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant
l'examen des crédits de chaque ministère
Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant
l'examen des crédits de chaque ministère est fixé à la veille du jour prévu
pour la discussion, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements aux crédits budgétaires pour le
projet de loi de finances pour 2002
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits budgétaires
et articles rattachés du projet de loi de finances pour 2002 est fixé à la
veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements.
Nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour
2002 (n° 96, 2001-2002).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 28 novembre 2001, à
dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 28 novembre 2001, à zéro heure
quarante.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD
ERRATA
Au compte rendu intégral de la séance du 15 novembre 2001
FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2002
Page 5111, 1re colonne, 2e et 3e ligne :
Au lieu de :
« victimes d'affectations professionnelles... »,
Lire :
« victimes d'affections professionnelles... ».
Page 5158, 1re colonne, intitulé de la section 6 :
Au lieu de :
« Objectif national de défense d'assurance maladie »,
Lire :
« Objectif national de dépenses d'assurance maladie ».
Page 5175, 1re colonne, dans le troisième alinéa du texte de l'amendement n°
1, dernière ligne :
Au lieu de :
« financier de la sécurité sociale. »,
Lire :
« financier de la sécurité sociale [1]. »
Page 5176, 2e colonne, à la fin de l'amendement n° 1 :
Insérer :
« [1] Article LO 111-3 du code de la sécurité sociale. »
Page 5177, 2e colonne, dans le tableau de l'article 31 :
Au lieu de :
« Maladie-maternité - invalidité-décès 786,90
Total des dépenses 1 948,60 »
Lire :
« Maladie-maternité - invalidité-décès 786,20
Total des dépenses 1 947,90 ».
ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE
COMMISSION CENTRALE DE CLASSEMENT
DES DÉBITS DE TABAC
Lors de sa séance du 27 novembre 2001, le Sénat a reconduit M. Auguste Cazalet dans ses fonctions de membre de la Commission centrale de classement des débits de tabac.
CONSEIL NATIONAL DES ASSURANCES
Lors de sa séance du 27 novembre 2001, le Sénat a désigné M. Philippe Marini pour siéger au sein du Conseil national des assurances, en remplacement de M. Joseph Ostermann.
CONSEIL D'ADMINISTRATION
DE L'ÉTABLISSEMENT PUBLIC AUTOROUTES DE FRANCE
Lors de sa séance du 27 novembre 2001, le Sénat a désigné M. Jacques Oudin pour siéger au sein du conseil d'administration de l'établissement public autoroutes de France, en remplacement de M. Roland du Luart.
COMITÉ DE SURVEILLANCE
DE LA CAISSE D'AMORTISSEMENT DE LA DETTE SOCIALE
Lors de sa séance du 27 novembre 2001, le Sénat a désigné M. Alain Joyandet
pour siéger au sein du comité de surveillance de la Caisse d'amortissement de
la dette sociale, en remplacement de M. Jacques Oudin, démissionnaire.