SEANCE DU 23 NOVEMBRE 2001
M. le président.
« Art. 2
bis.
- L'article 6 de l'ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982
portant création des chèques-vacances est complété par un alinéa ainsi rédigé
:
« L'avantage résultant de l'attribution d'aides aux vacances sous cette forme
aux personnes répondant aux conditions de revenu prévues par le I de l'article
2 est exonéré de l'impôt sur le revenu dans la limite du plafond prévu par le
II du même article. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° I-217, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le texte proposé par l'article 2
bis
pour
compléter l'article 6 de l'ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982 portant
création des chèques-vacances :
« L'avantage résultant de l'attribution d'aides aux vacances sous cette forme,
est exonéré de l'impôt sur le revenu, dans la limite du plafond prévu par le II
de l'article 2. »
L'amendement n° I-174, présenté par MM. Murat, Ginésy, Dubrule, Doublet et
Leclerc, est ainsi libellé :
« A. - Dans le texte proposé par l'article 2
bis
pour compléter
l'article 6 de l'ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982 portant création des
chèques-vacances, supprimer les mots : "aux personnes répondant aux conditions
de revenu prévues par le I de l'article 2"
« En conséquence, dans ce même texte, remplacer les mots : "du même article"
par les mots : "de l'article 2"
« B. - Pour compenser la perte de recettes résultant du A ci-dessus, compléter
l'article 2
bis
par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant de la suppression de la
limitation du nombre de bénéficiaires des chèques-vacances sont compensées, à
due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux
articles 575, 575 A et 575 B du code général des impôts. »
La parole est à Mme Beaudeau, pour défendre l'amendement n° I-217.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
L'adoption de l'article 2
bis
à l'Assemblée nationale procède d'une
intention généreuse : accorder aux salariés bénéficiant de chèques-vacances par
l'intermédiaire d'un organismes social, notamment d'un comité d'entreprise, le
même avantage fiscal qu'à ceux qui bénéficient de la contribution de
l'employeur à l'acquisition de chèques-vacances, à savoir l'exonération de
l'impôt sur le revenu dans la limite d'un SMIC mensuel.
Toutefois, la rédaction actuelle de cet article risque de compliquer
fâcheusement l'activité des organismes sociaux et des comités d'entreprise, et
même d'avoir pour les salariés modestes un effet inverse à celui qui est
recherché.
En effet, la deuxième partie de l'article 2
bis
renvoie les
bénéficiaires de chèques-vacances attribués par des organismes sociaux aux
conditions de revenus prévues par le 1° de l'article 2 de l'ordonnance du 26
mars 1982 portant création des chèques-vacances, c'est-à-dire à un revenu
fiscal de référence.
Or, jusqu'à présent, le bénéfice des chèques-vacances accordés par les
organismes sociaux constitue une aide sociale dont les critères d'attribution
sont laissés à la seule appréciation desdits organismes. Un certain nombre de
bénéficiaires actuels risquent donc de se trouver pénalisés.
Par ailleurs, l'ensemble des salariés bénéficiaires seraient contraints de
justifier chaque année du montant des revenus de leur foyer fiscal. Cela
pourrait constituer un point de blocage pour certains salariés, mais, surtout,
les dispositions nécessaires à la mise en oeuvre de cette procédure - contrôle
des feuilles d'impôt et rejet d'une partie des ayants droit actuels -
pourraient se révéler dissuasives pour certains organismes sociaux.
La mise en place du chèque-vacances ou son maintien là où il existe pourraient
ainsi se trouver découragés, comme nous le déplorons dans les PME-PMI
concernées par des dispositions législatives similaires.
L'agence nationale des chèques-vacances estime à 30 % la baisse d'activité
potentielle qui pourrait la frapper.
Les dispositions de l'article 2
bis
, tel que l'Assemblée nationale l'a
adopté, pourraient ainsi conduire à une désaffection d'assez forte ampleur du
système des chèques-vacances parmi les organismes sociaux - et en particulier
pour les comités d'entreprise - au préjudice des salariés modestes et en
contradiction avec les louables intentions des auteurs de ce dispositif.
Aussi, je vous demande, mes chers collègues, d'adopter l'amendement que nous
vous présentons, car il lève l'assujettissement de cette prestation à un revenu
fiscal de référence tout en maintenant la disposition d'exonération d'impôt sur
le revenu.
L'article ainsi modifié irait alors dans le sens du développement souhaitable
des chèques-vacances, cet instrument qui contribue de manière importante à la
satisfaction du droit aux vacances pour tous.
M. le président.
L'amendement n° I-174 n'est pas soutenu.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° I-217 ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission souhaite entendre d'abord le
Gouvernement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Madame la sénatrice, si je vous comprends bien,
l'amendement que vous venez de défendre a pour objet de supprimer la condition
de ressources dont dépend l'exonération de la participation à l'achat de
chèques-vacances pour les salariés par des comités d'entreprise, notamment.
Cette disposition d'équité, adoptée par l'Assemblée nationale sur proposition
de sa commission des finances, vise à favoriser d'abord - et c'est normal - nos
concitoyens les moins favorisés. Tel est bien l'esprit du dispositif du
chèque-vacances et, de ce point de vue, la suppression de la condition de
ressources ne me paraît pas tout à fait bienvenue.
J'aimerais, de surcroît, appeler votre attention sur le fait que l'article 56
undecies,
que nous examinerons ultérieurement, relève de près de 12 %
les plafonds de ressources pour l'éligibilité aux chèques-vacances. Cette
disposition très importante va dans le sens des préoccupations qui sont les
vôtres en élargissant le nombre des personnes éligibles à ce dispositif très
favorable.
Par conséquent, dans la mesure où les dispositions adoptées par l'Assemblée
nationale me paraissent améliorer sensiblement ce dispositif au bénéfice de
très nombreux salariés, je souhaiterais, madame Beaudeau, que vous puissiez
retirer cet amendement.
M. le président.
Madame Beaudeau, l'amendement est-il maintenu ?
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Madame la secrétaire d'Etat, j'ai bien noté que l'article 56
undecies
relevait le plafond de 12 %. Malheureusement, je ne peux pas retirer mon
amendement. En effet, l'affaire est assez compliquée - je vous l'accorde - car
l'article 6 de l'ordonnance du 26 mars 1982 ne prévoit pas d'exonération
d'impôt, les chèques-vacances distribués à ce titre constituant une aide
sociale. Il serait dangereux de rendre possible, par le biais de cette
disposition, la fiscalisation des aides sociales !
Certains organismes, parmi lesquels les comités d'entreprise, font bénéficier
les salariés d'aides sociales sous la forme de chèques-vacances, mais ce ne
sont pas alors des chèques-vacances « normaux », c'est bien une aide sociale.
Cette aide peut d'ailleurs prendre d'autres formes, notamment des tarifs
réduits ou une participation aux frais de séjour.
La disposition que vous nous proposez, madame la secrétaire d'Etat,
introduirait donc un régime différent entre les chèques-vacances et les autres
formes d'aide aux vacances, voire d'aide sociale. J'ignore si cette
différenciation est volontaire ou non et je ne sais pas comment cette idée a
germé chez nos collègues de l'Assemblée nationale, mais j'estime qu'elle va à
l'encontre de l'objectif que s'est fixé le Gouvernement, qui souhaite diminuer
le nombre de ceux qui ne partent pas en vacances dans notre pays car ils
représentent encore aujourd'hui 30 à 40 % de la population.
Puis-je vous rappeler, madame la secrétaire d'Etat, que le Premier ministre a
réaffirmé devant le Conseil national du tourisme, le 17 octobre dernier, cette
volonté pour les années à venir ? Or je crains que l'article 2
bis,
tel
qu'il a été adopté à l'Assemblée nationale, n'aille à l'encontre de cet
objectif, risquant ainsi de contrecarrer les efforts qui ont déjà été faits par
le Gouvernement avec les chèques-vacances.
M. le président.
Quel est, dans ces conditions, l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission a bien noté que Mme Beaudeau et ses
collègues, rejoignant d'ailleurs en cela les auteurs de l'amendement n° I-174,
qui n'a pas été défendu tout à l'heure - et notamment MM. Paul Dubrule, Charles
Ginésy et Bernard Murat - proposent que la délivrance de chèques-vacances par
les comités d'entreprise ne soit pas soumise à des conditions de ressources.
Il en résulterait une certaine complexité, puisque les aides accordées par les
comités d'entreprise seraient mieux traitées que les chèques-vacances
distribués directement. Je ne sais pas si cette disparité de traitement est
pleinement justifiée et si le Sénat - nous le saurons dans quelques instants -
voudra l'instaurer. Quoi qu'il en soit, la commission a été pour le moins très
réservée sur cette initiative et elle a émis ce matin un avis défavorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-217, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
L'amendement n° I-83, MM. Joly, Othily, de Montesquiou, Mouly et Soulage, est
ainsi libellé :
« A. - Compléter l'article 2
bis
par deux paragraphes ainsi rédigés
:
« II. - Au I de l'article 2 de l'ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982
précitée, les sommes : "87 680 francs" et "19 990 francs" sont remplacées par
les sommes : "105 216 francs" et "23 988 francs".
« III. - Les pertes de recettes résultant du II sont compensées à due
concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux
articles 575 et 575 A du code général des impôts.
« B. - En conséquence, faire précéder cet article de la mention : "I". »
La parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou.
Le chèque-vacances constitue certainement un volet indispensable de la
politique sociale du tourisme.
L'amendement n° I-83 tend à réévaluer le plafond d'accès aux chèques-vacances
en réajustant le revenu fiscal de référence pour pallier certains effets
d'exclusion. Ainsi réajusté, ce revenu fiscal de référence se rapprocherait de
celui qui est défini pour la fiscalité locale et pour l'aide au logement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cette initiative de M. Bernard Joly - qui, par
ailleurs, est également président national de la fédératioin des offices de
tourisme et qui est donc très impliqué dans ce domaine - est tout à fait utile
et réaliste, à tel point que l'Assemblée nationale a adopté, en deuxième partie
de la loi de finances, un article 56
undecies
nouveau qui comporte les
mêmes dispositions.
L'initiative de M. Joly et de nos collègues sera donc satisfaite par le vote,
en deuxième partie, de cet article qui a déjà été adopté par l'Assemblée
nationale.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Comme vient de le rappeler M. le rapporteur général,
l'Assemblée nationale a, en première lecture, adopté à l'unanimité, sur
proposition du Gouvernement, que les seuils d'accès aux chèques-vacances soient
majorés de 12 %, conformément à un engagement que M. le Premier ministre avait
pris lors des assises du tourisme.
Vous proposez, monsieur le sénateur, d'aller encore un peu plus loin en
majorant ce seuil de 20 %.
Pour ma part, je crois que l'effort réalisé est très significatif et, pour
cette raison, je ne saurais me rallier à votre proposition.
M. le président.
Maintenez-vous votre amendement, monsieur de Montesquiou ?
M. Aymeri de Montesquiou.
J'aimerais, monsieur le président, que M. le rapporteur nous confirme s'il est
hostile à cet amendement, car je ne l'ai pas compris ainsi.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
J'avoue être un peu surpris par la réponse de Mme la
secrétaire d'Etat.
Certes, d'un côté, on a des euros et, de l'autre, des francs - et nous ne
sommes pas encore totalement habitués aux conversions - mais j'avais
l'impression que les chiffres contenus dans l'article 56
undecies
étaient du même ordre. Toutefois, il est exact que nos collègues MM. Joly et de
Montesquiou sont un peu plus généreux, puisque l'Assemblée nationale a prévu 87
680 francs alors que leur proposition s'élève à 105 216 francs.
Cela étant, monsieur de Montesquiou, puisque l'article 56
undecies
sera
examiné lors de la discussion de la deuxième partie de la loi de finances, je
vous suggère, pour des raisons de cohérence, de redéposer cet amendement à ce
moment-là. Nous trancherons alors la question !
M. le président.
Monsieur de Montesquiou, entendez-vous cet appel ?
M. Aymeri de Montesquiou.
Je me rallie à l'avis de M. le rapporteur général, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° I-83 est retiré.
Je mets aux voix l'article 2
bis
.
(L'article 2
bis
est adopté.)
Article additionnel après l'article 2 bis