SEANCE DU 22 NOVEMBRE 2001
M. le président.
La parole est à M. Plasait.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste.)
M. Bernard Plasait.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues,
ma question s'adresse à M. le Premier ministre pour évoquer ce qui est devenu,
au fil des jours, une crise grave dans la police.
(Ah ! sur les travées
socialistes.)
Certes, le ministre de l'intérieur tente de répondre à cette crise en
améliorant la condition matérielle de la police.
Mais si cela est indispensable, c'est loin d'être suffisant, parce qu'il
s'agit fondamentalement de tout autre chose : il s'agit de découragement, de
démotivation et même de sentiment d'humiliation.
Le métier de policier est un beau métier dur et exigeant au service du citoyen
et vraiment indispensable à une société qui veut vivre libre.
M. René-Pierre Signé.
Ça, c'est de la récupération !
M. Bernard Plasait.
Pour exercer ce métier, le policier, bien sûr, doit être respectable, mais il
doit aussi être respecté.
Or, aujourd'hui, le délinquant ne craint plus la police parce qu'il ne craint
plus la justice. Le scandaleux sentiment d'impunité est meurtrier.
M. René-Pierre Signé.
Oh !
M. Roland du Luart.
Très bien !
M. Bernard Plasait.
Le dernier jeu à la mode dans les zones de non-droit est d'attirer les
policiers dans des embuscades où ils seront tirés comme à la foire.
M. Jacques Mahéas.
Arrêtez !
M. René-Pierre Signé.
C'est de la démagogie pure !
M. Bernard Plasait.
Il est naturel de demander à ces policiers d'assumer les risques de leur
métier,...
M. René-Pierre Signé.
Démagogue !
M. Bernard Plasait.
... mais on ne peut leur demander de risquer leur vie pour rien,...
M. René-Pierre Signé.
Ah !
M. Bernard Plasait.
... surtout si on les traite d'assassins lorsqu'ils font leur métier !
Mme Nelly Olin.
Très bien !
M. Bernard Plasait.
Voilà pourquoi la police n'a plus le moral !
Napoléon disait qu'à la guerre le moral est au matériel ce que trois est à
un.
M. René-Pierre Signé.
Ce sont des arguments électoraux !
M. Bernard Plasait.
Les gilets pare-balles sont indispensables,...
(Exclamations sur les
travées socialistes.)
M. Bernard Piras.
Pourquoi n'en avez-vous pas donné, vous ?
M. Philippe Nogrix.
Cela fait cinq ans que vous êtes aux affaires !
M. Bernard Plasait.
... mais ils ne sont pas suffisants dans la guerre au terrorisme et face à
l'explosion de la criminalité.
(Exclamations sur les travées
socialistes.)
M. Bernard Piras.
La question !
M. Bernard Plasait.
Je souhaiterais donc que M. le Premier ministre m'éclaire sur la pensée du
Gouvernement concernant l'avenir de la loi sur la présomption d'innocence,
après les déclarations contradictoires des membres du Gouvernement et de la
majorité, et ce au-delà du travail demandé à M. Julien Dray.
Par ailleurs, est-il vrai que la délinquance a encore augmenté de 10 % en
octobre ?
(Exclamations sur les travées socialistes.)
M. Bernard Piras.
Non !
M. Bernard Plasait.
Enfin, quelles mesures compte-t-il prendre pour que la mise en oeuvre des lois
et réformes dont il a pris l'initiative ne continue pas à ligoter les juges et
les policiers dans des procédures lourdes et paralysantes ?
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le sénateur, vous
évoquez un problème extrêmement difficile. Vous semblez presque afficher la
certitude d'avoir la solution ; pas moi !
Dans notre société extrêmement violente, les policiers, les gendarmes et les
surveillants de prison ont aujourd'hui l'impression d'être parfois les seuls à
« prendre les coups », si je puis me permettre cette expression qui est la
leur, d'une crise sociale qui est ancienne, qui est liée à une profonde crise
économique et que nous n'avons pas encore réglée.
Nous n'avons jamais dit que la situation était idéale avec un million de
chômeurs de moins. Il y a encore des quartiers où le chômage est extrêmement
important, où les habitants éprouvent des sentiments d'humiliation et où la
sécurité de la police n'est effectivement pas assurée, car il s'agit de zones
de totale instabilité. C'est un constat que nous dressons avec vous. Les
chiffres sont impressionnants de violence et de délinquance, notamment des
jeunes.
Une fois ce constat dressé, il faut rechercher les solutions en donnant des
moyens aux policiers, mais M. Jean-Jack Queyranne vous a répondu tout à l'heure
sur ce point.
Dans votre question se glissait l'idée que, au fond, la situation actuelle est
peut-être liée aussi à la loi renforçant la protection de la présomption
d'innocence et les droits des victimes. Je vous rappellerai que nombreux ont
été ceux - et pas simplement à gauche - à avoir voté cette loi et à l'avoir
reconnue comme étant un grand texte. Ainsi, Patrick Devedjian disait, voilà
peu, en parlant de la détention provisoire, que l'on avait mis un arrêt à ce
qui était une véritable lettre de cachet.
Par conséquent, n'oublions pas nos débats ! Restons calmes et sereins !
Essayons de savoir ce qui peut effectivement poser problème, en l'occurrence
tout ce qui concerne les méthodes de la garde à vue, me semble-t-il.
Mme Hélène Luc.
Ah oui !
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Je ne pense pas qu'une sénatrice ou un sénateur
siégeant sur les travées de cet hémicycle remette en cause la présence de
l'avocat dès la première heure. Je n'ai jamais en tout cas entendu un
parlementaire le demander.
M. Nicolas About.
Ils ne viennent pas !
M. Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Personne ne remet en cause la présence de l'avocat dès
la première heure, disposition qui pose cependant problème aux policiers. Sans
doute pourrons-nous en discuter avec vous.
Personne ne remet en cause non plus l'information du procureur de la
République.
Il a donc été demandé à M. Julien Dray d'examiner, avec la police et la
gendarmerie - la même analyse est en effet faite par les gendarmes aujourd'hui
- les modalités permettant de réduire la procédure. Par exemple, si dix
personnes sont arrêtées, avec le temps mis à faire les dix déclarations, on
passe l'heure de garde à vue.
Il nous faut donc de manière pragmatique et avec réalisme répondre à cette
question,...
M. Alain Gournac.
Des moyens !
M. Jean Arthuis.
Il faut des moyens !
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
... veiller à ne pas condamner un texte qui a été
largement voté par le Sénat et l'Assemblée nationale, tirer parti des moyens
supplémentaires accordés à mon ministère : ainsi, le budget de ce dernier a
augmenté de 30 % au cours de cette mandature. Alors que les magistrats
réclamaient 1 000 magistrats supplémentaires, 1 200 leur sont accordés, ainsi
que des fonctionnaires !
Tout le monde n'étant pas encore en place, l'amélioration du service de
l'exécution des peines n'est pas terminée ; de plus, nous ne disposons pas
encore du nombre de travailleurs sociaux nécessaire. Bref, nous ne sommes pas
au bout de cette histoire. Nous la continuerons ensemble, je l'espère !
Attention cependant à ne pas exploiter une crise forte de la violence dans
notre société et le malaise de la police, de la gendarmerie et des surveillants
de prison, pour développer un discours qui ne serait pas le bon pour la
démocratie.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur
certaines travées du RDSE. - Exclamations sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
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