SEANCE DU 22 NOVEMBRE 2001
M. le président.
La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche.
Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée à la famille, à l'enfance et
aux personnes handicapées.
Jeudi dernier, se sont tenus, à votre initiative, madame la ministre, les
premiers états généraux de la protection de l'enfance. Ils ont été l'occasion
d'aborder le douloureux sujet de la prostitution enfantine. Cette forme
d'esclavage moderne particulièrement scandaleuse, et que nous condamnons
vigoureusement, n'est pas l'apanage des pays dits de « tourisme sexuel ». Elle
existe en France, dans nos grandes villes. Estimés à 8 000 par l'UNICEF, les
jeunes qui se prostituent sont essentiellement des étrangers. On pense
notamment à ces jeunes filles originaires d'Europe de l'Est ou des pays
africains en guerre, victimes de trafics ignobles.
Lors de ces états généraux, M. le Premier ministre a annoncé le dépôt, par le
Gouvernement, d'un amendement à la proposition de loi relative à l'autorité
parentale, approuvée hier par notre assemblée.
M. Henri de Raincourt.
A l'unanimité !
M. Serge Lagauche.
Effectivement !
Il prévoit la création d'une nouvelle infraction spécifique à l'encontre des
clients de prostitués mineurs de plus de quinze ans. Cette mesure est
importante : désormais, ce délit sera passible d'emprisonnement et d'une très
forte amende.
Cette nécessaire réforme du code pénal doit s'accompagner à la fois d'une
lutte active contre les réseaux mafieux qui exploitent ces enfants et d'un
accueil spécifique pour protéger, reconstruire et réinsérer ces adolescents,
comme le suggère Mme Claire Brisset, défenseure des enfants.
Bien sûr, ce travail doit s'effectuer en partenariat avec les pays d'origine,
y compris lorsque les adolescents concernés n'y ont plus de famille. Je pense,
en particulier, à la Roumanie, qui est candidate à l'Union européenne et avec
laquelle nous avons des programmes de coopération. Il me paraît essentiel que
les enfants puissent retrouver un lieu d'accueil sécurisé dans leur pays
d'origine.
Dans la mesure du possible, ne doit-on pas exiger de ces pays d'origine,
candidats à l'Union européenne, comme la Roumanie, lors des négociations
d'adhésion et avec le concours financier de l'Union, qu'ils mettent en place
des structures de prévention et d'accueil ?
Aussi, madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer les initiatives que le
Gouvernement entend prendre en ce sens à l'échelon européen ?
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
Je vous remercie, monsieur Lagauche, d'avoir respecté le temps qui vous était
imparti.
La parole est à Mme le ministre, pour deux minutes trente.
Mme Ségolène Royal,
ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées.
La protection des mineurs isolés doit en effet faire l'objet d'une
détermination sans faille et, comme vous l'avez souligné, monsieur Lagauche, le
Premier ministre a annoncé, lors des états généraux que j'ai réunis à la
Sorbonne, sa volonté de mettre un coup d'arrêt à la prostitution des mineurs en
créant une infraction pénale et en comblant ainsi un vide juridique qui ne
permettait pas d'engager des poursuites contre les proxénètes et les
clients.
Cette nuit, le Sénat a adopté, à l'unanimité, et je l'en remercie, un
amendement présenté par Mme Lebranchu définissant cette infraction et prévoyant
des sanctions significatives destinées à mettre fin à ces réseaux odieux
d'exploitation sexuelle de mineurs.
Mais la lutte contre la prostitution des mineurs ne se limite pas à cette
sanction. Elle s'appuie aussi sur des actions de coopération avec les pays
d'origine. Nous mettons ainsi en place avec la Roumanie de telles actions dans
le domaine de la politique familiale pour permettre aux mineurs d'être élevés
en famille et par leurs parents.
Mme Danièle Pourtaud.
Très bien !
Mme Ségolène Royal,
ministre déléguée.
Nous étudions des sanctions à l'encontre des
compagnies aériennes qui embarquent sciemment à leur bord des mineurs isolés et
nous mobilisons la coopération policière et judiciaire internationale pour
renforcer l'efficacité de la lutte contre les trafiquants et les réseaux.
Le Sénat a également adopté, cette nuit, un amendement instituant un
administrateur
ad hoc
qui sera nommé pour chacun de ces mineurs isolés
afin de le protéger et de le représenter dans les différentes procédures. Un
centre, créé par la Croix-Rouge, sera prochainement ouvert pour assurer la
sécurité immédiate de ces mineurs.
La France aura ainsi la législation nécessaire pour pouvoir tirer vers le
haut, lors du prochain congrès de Yokohama contre l'exploitation sexuelle des
mineurs à des fins commerciales, l'ensemble des pays européens afin de lutter
non seulement contre la prostitution, mais aussi contre toutes les autres
formes d'exploitation sexuelle commerciales. Je pense à la pornographie mettant
en scène des mineurs et à la délinquance sur Internet. Ces dispositifs seront,
sur le plan législatif, eux aussi, prochainement opérationnels.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur plusieurs travées du
RDSE.)
SÉCURITÉ ET MALAISE DANS LA POLICE