SEANCE DU 14 NOVEMBRE 2001
M. le président.
« Art. 11. - I. - Le troisième alinéa de l'article L. 245-2 du code de la
sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Pour chaque part de l'assiette correspondant à l'une des quatre tranches
définies ci-après, le taux applicable est fixé comme suit :
Part de l'assiette correspondant aux rapports « R » - entre les charges de prospection et d'information et le chiffre d'affaires hors taxes - suivants |
Taux de la contribution
(en pourcentage) |
---|---|
R <à 10 % | 9,5 |
R égal ou > à 10 % et <à 12 % | 17 |
R égal ou > à 12 % et <à 14 % | 25 |
R égal ou > à 14 % | 31 |
« I
bis.
- Dans la deuxième phrase du premier alinéa de l'article L.
245-2 du même code, le taux : "30 %" est remplacé par le taux : "40 %". »
« I
ter.
- A. - Le premier alinéa de l'article L. 245-2 du même code
est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il est également procédé sur cette assiette à un abattement de 3 % du
montant des rémunérations versées au titre de l'emploi des salariés mentionnés
à l'article L. 5122-11 du code de la santé publique.
« B. - La perte de recettes est compensée par l'augmentation, à due
concurrence, du taux de la contribution à la charge des entreprises assurant
l'exploitation d'une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques visée à l'article
L. 245-6-1 du code de la sécurité sociale. »
« II. - Les dispositions du présent article entreront en vigueur pour la
détermination de la contribution due le 1er décembre 2002. »
L'amendement n° 9, présenté par M. Vasselle, au nom de la commission des
affaires sociales, est ainsi libellé :
« Supprimer le I de l'article 11. »
La parole est à M. Vasselle, rapporteur.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Cet amendement vise à s'opposer à l'augmentation de la taxe
sur la publicité pharmaceutique, qui constitue simplement un prélèvement
supplémentaire sur l'industrie du médicament et n'apporte aucune solution aux
problèmes de la régulation des dépenses de médicaments.
La régulation financière, par les prélèvements et les reversements, n'a aucune
efficacité. Il paraît préférable à la commission de mettre en place des actions
plus structurelles, visant à promouvoir efficacement le développement du
générique et le bon usage du médicament ; tel était l'objet de l'amendement que
nous avons adopté précédemment.
Je tiens, en outre, à préciser que l'augmentation de la taxe sur la publicité
pharmaceutique serait susceptible de fragiliser la presse médicale et
scientifique, dont le financement repose pour partie sur la publicité.
Telles sont les raisons pour lesquelles, mes chers collègues, la commission
souhaite supprimer le paragraphe I de l'article 11.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Vous êtes opposé, monsieur le rapporteur, à
l'augmentation du taux de la taxe sur la publicité pharmaceutique. Il me paraît
au contraire légitime que l'industrie pharmaceutique, dans un contexte de forte
croissance de ses résultats, soit mise à contribution dans le cadre de la
politique globale de maîtrise de la progression des dépenses de médicaments que
nous avons décidée.
J'ajoute que l'on aurait tort de croire que le Gouvernement a pour seul
objectif l'augmentation par une taxation supplémentaire des ressources de
l'assurance maladie. Je suis donc défavorable à cet amendement.
Je voudrais maintenant dire un mot à propos de la presse médicale, dont je ne
peux me faire le défenseur pour des raisons qui me sont personnelles.
Je comprends bien le propos tenu par M. le rapporteur. Il me paraît d'ailleurs
très négatif que la visite médicale soit la formation la plus écoutée de la
profession médicale.
C'est une erreur - c'est du moins mon point de vue personnel - de ne pas faire
la différence entre la visite médicale et la presse médicale : la presse
médicale, c'est quand même autre chose pour l'acquisition des connaissances
!
Pour avoir été médecin et visiteur médical, je connais la manière
extraordinairement ciblée et scientifique avec laquelle le visiteur médical
capte l'attention du médecin qui n'a guère de temps pour le recevoir ; et
l'augmentation de la consommation médicamenteuse sur un territoire donné est
liée non à des raisons de santé publique, mais à l'efficacité des visiteurs
médicaux. Cela me paraît extrêmement condamnable.
M. Paul Blanc.
Vous étiez un bon visiteur !
(Sourires.)
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Oui ! Et je l'étais d'autant plus qu'un visiteur
médical est payé au rendement !
(Nouveaux sourires.)
La progression des
ventes de certains médicaments dans les pharmacies signifie que le visiteur
médical a bien fait son travail et permet à ce dernier de gagner mieux sa vie !
Je n'ai rien contre le talent d'un certain nombre de visiteurs médicaux. Le
mien était très faible...
(Protestations amusées sur les travées du
RPR.)
En tout cas, je parle en connaissance de cause, l'augmentation de la
consommation médicamenteuse n'a rien à voir avec la santé publique !
J'ai d'ailleurs été très étonné, au moment de la triste affaire de la
Cérivastatine, qui a été retirée du marché comme vous le savez, dans des
conditions un peu abruptes, d'entendre les médecins protester en prétextant
qu'on ne leur avait rien dit. Que n'avaient-ils protesté quand on leur en avait
trop dit, pour faire prescrire trop, et qu'ils ne s'étaient pas même reportés à
l'autorisation de mise sur le marché !
Je signale, pour terminer, que le taux de visites médicales en France est l'un
des plus élevés au monde !
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 9.
M. Bernard Cazeau.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Cazeau.
M. Bernard Cazeau.
Si, contrairement à M. le ministre, je n'ai pas été visiteur médical, j'ai
quand même été médecin. Cela m'a valu d'être longtemps fréquenté par les
visiteurs médicaux.
Monsieur le rapporteur, certes, la publicité fait vivre un certain nombre de
publications ; pourquoi pas d'ailleurs, puisque cela se fait dans bien d'autres
domaines ! Mais lorsque l'on voit le luxe des publications médicales - je ne
parle pas de la presse - qui sont imprimées sur du papier de très grande
qualité
(M. Leclerc proteste)
, sans parler des photos qui y figurent,
alors que, très souvent, le tout va directement à la poubelle, quand on voit le
gaspillage fait en ce domaine, on est en droit de se poser des questions. Je
pense donc que les laboratoires de l'industrie pharmaceutique, qui se plaignent
parfois d'être taxés sur leurs recherches, feraient mieux d'investir une bonne
partie de l'argent de ces publications dans la recherche !
Monsieur le rapporteur, il faut, dans cette affaire, savoir raison garder. La
progressivité prévue par le paragraphe I de l'article 11, qui n'est pas
extraordinaire et qui, je crois, a même été légèrement diminuée à l'Assemblée
nationale, nous permet de penser que la mesure proposée est bonne et qu'elle ne
mettra en danger ni les laboratoires ni d'ailleurs les médicaments dont ils
font la promotion.
M. Dominique Leclerc.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Leclerc.
M. Dominique Leclerc.
Monsieur le ministre, vous avez évoqué trois éléments différents dans votre
propos.
S'agissant tout d'abord de la visite médicale, la relation directe entre le
démarchage d'un prescripteur et la vente d'un produit est bien connue.
M. Paul Blanc.
C'est fait pour ça !
M. Dominique Leclerc.
En revanche, il me paraît discutable de considérer le démarchage comme la
source première d'informations et de connaissances.
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Sur les médicaments !
M. Dominique Leclerc.
Par ailleurs, monsieur le ministre, vous avez dit que les résultats de
l'industrie pharmaceutique sont tels qu'une taxation supplémentaire est
envisageable. Permettez-moi de ne pas partager tout à fait votre avis.
J'en viens enfin à la presse médicale, à propos de laquelle un amalgame est
opéré. La France a besoin d'une presse médicale performante. En effet,
aujourd'hui, le système universitaire contraint les professeurs à une quadruple
mission : enseigner, soigner et rechercher, mais aussi publier. Or, les revues
françaises d'un niveau international sont rares
(M. le ministre délégué
acquiesce)
et sont toutes dans des situations financières délicates. Je ne
voudrais donc pas qu'elles soient encore plus déstabilisées.
Le rôle de la presse médicale française à l'étranger est considérable pour la
promotion de la francophonie et le rayonnement de la médecine française.
J'indiquais en commission que, dans l'ancienne Indochine, la presse médicale
française est très importante comme vecteur du français, comme vecteur de la
connaissance, mais aussi comme vecteur de relations commerciales avec la
production industrielle française.
Alors, de grâce, soyons vigilants, et veillons à ne pas taxer toujours plus,
sous des prétextes sans lien direct avec l'objet, l'industrie ou la presse
médicales françaises, dont je voudrais me faire l'avocat en soulignant leurs
aspects nobles.
M. Alain Joyandet.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. Alain Joyandet.
Mon collègue Dominique Leclerc a largement exprimé mon point de vue.
S'agissant de la communication, j'avoue avoir été un peu choqué par le propos
de M. Cazeau.
A une époque où tout le monde s'interroge sur la manière de faire passer des
messages, on ne va tout de même pas critiquer des revues ou les taxer sous
prétexte qu'elles sont en quadrichromie ! Que M. le ministre et le Gouvernement
aient besoin de trouver des recettes supplémentaires me paraît tout à fait
légitime, et on pourrait donc discuter de la façon d'y parvenir. Mais le fait
que des documents soient imprimés en quadrichromie et qu'ils aillent, pour la
plupart d'entre eux, directement à la poubelle ne justifie pas qu'on les taxe
davantage !
(M. Cazeau brandit une publication médicale.)
Un parti politique vient de diffuser un bilan dans les foyers français,
utilisant très largement à cette occasion, je crois, la quadrichromie. Doit-on
prévoir une taxe sur les bilans des partis politiques édités en quadrichromie
sous prétexte que, au moins à 90 %, ils vont directement à la poubelle ?
M. Bernard Cazeau.
C'est un débat sur la sécurité sociale !
M. Claude Estier.
Le budget de la sécurité sociale n'a pas été mis à contribution !
M. Alain Joyandet.
Quand, dans cette maison moderne qu'est le Sénat, qui est pionnière en matière
de technologies de l'information et de la communication, j'entends dire qu'il
faut taxer les revues en quadrichromie, j'ai envie de vous inviter à regarder
ce qui se passe dans votre parti politique et à en revenir à des revues éditées
en noir et blanc, comme c'était le cas au début du siècle !
(Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Vasselle, rapporteur.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Je voudrais réagir au propos de M. le ministre, qui regrette
que les médecins aient les visiteurs médicaux comme source principale
d'information et considère qu'une action un peu différente pourrait être
engagée.
Nous pourrions être prêts à vous suivre, monsieur le ministre. D'ailleurs,
dans le projet de loi de financement pour 2001, le Gouvernement avait proposé
la création d'un fonds de promotion de l'information médicale et
médico-économique en vue de permettre aux médecins d'avoir une connaissance des
médicaments peut-être plus objective que celle qu'ils obtiennent, selon vous,
par l'intermédiaire des visiteurs médicaux. En effet, ces derniers ont, bien
entendu, intérêt à promouvoir certains produits, dans un but économique et pour
réaliser du chiffre d'affaires et des résultats. Mais n'allons pas jusqu'à dire
qu'ils ne délivrent pas aux médecins les données scientifiques permettant à ces
derniers d'avoir une connaissance objective du dispositif, même si
l'information peut être un peu biaisée.
Nous serions donc prêts à vous suivre et à faire ce pari avec vous, monsieur
le ministre. Mais, depuis un an, le décret qui devait conduire à la création de
ce fonds n'a toujours pas été publié ! C'est d'ailleurs vrai pour celui-ci
comme pour de nombreux autres. On parlera sans doute tout à l'heure des
hôpitaux : le FMES qui devait être créé par voie de décret n'a toujours pas vu
le jour.
Je note donc, en toute objectivité, une certaine inertie dans l'activité du
Gouvernement : ce dernier annonce des mesures que nous pourrions éventuellement
approuver, mais les moyens ne suivent pas.
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Monsieur le rapporteur, j'ai signé ce décret, qui va
donc être publié prochainement.
Ce fonds de promotion de l'information médicale et médico-économique
recueillera 10 % seulement de la taxe qui fait l'objet de l'article 11.
Evidemment, ce n'est pas assez ; mais ce dispositif prétend non pas remplacer
l'information médicale, mais mettre cette dernière à sa juste place et,
éventuellement, la corriger.
Je ne voudrais pas que l'on se méprenne : comme je vous l'ai dit, j'ai été
visiteur médical, et je ne voudrais pas jeter l'opprobre sur cette profession.
Je ne suis pas de ceux qui rejettent les nouvelles molécules, la recherche et
l'innovation en matière de médicaments, au contraire. Mais les visites
médicales ne me paraissent pas la bonne méthode en raison d'un dumping
permanent et d'un acharnement prescriptif qui ne sont pas de nature à améliorer
la santé publique, au contraire.
Et je vous fais remarquer, avec beaucoup de respect à l'égard de cette
profession, que le taux des visites médicales est beaucoup plus élevé en France
que dans d'autres pays.
Pour le reste, je partage votre sentiment sur la presse médicale, à laquelle,
tout comme vous, je souhaite conférer un plus grand prestige à travers le
monde. C'est pourquoi j'ai opéré une distinction entre la visite médicale et
cet acharnement prescriptif qui porte également ses fruits dans certains cas.
Il ne faut pas exagérer ! Si le médecin est très occupé, ce qui est souvent le
cas, et qu'il n'a pas les moyens de se former différemment, ce contact lui
permet de s'informer ; mais je déplore que ce soit le seul.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 9, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
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