SEANCE DU 13 NOVEMBRE 2001
FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
POUR 2002
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président.
Nous reprenons la discussion du projet de loi de financement de la sécurité
sociale pour 2002, adopté par l'Assemblée nationale.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la discussion
du projet de loi de financement de la sécurité sociale devrait être l'occasion
pour le Parlement, qui a obtenu d'en être saisi après de nombreux combats dont
j'ai quelques souvenirs, de débattre des objectifs et des moyens de la
politique de protection sociale de notre pays. Depuis le début de l'application
de cette nouvelle procédure en 1997 et en dépit d'une connaissance accrue,
grâce aux travaux des commissions parlementaires et de la Cour des comptes, des
problèmes concernant chaque branche de la sécurité sociale, le fonctionnement
du régime général et des régimes annexes, le débat parlementaire n'est pas
satisfaisant et a débouché sur un certain nombre d'impasses.
M'exprimant au nom de la majorité du groupe du Rassemblement démocratique et
social européen, je limiterai mon propos aux quatre problèmes majeurs qui,
cette année comme les années précédentes, obscurcissent le débat et empêchent
d'avoir une vision claire et précise de notre politique de protection
sociale.
Le débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale aurait dû
être l'occasion, pour le Gouvernement, de préciser les axes de sa politique
pour les différentes branches et, pour le Parlement, de fixer des objectifs
précis en matière de recettes et de dépenses. Or quatre difficultés compliquent
le débat, difficultés auxquelles je consacrerai mon propos, après les
excellentes explications des trois rapporteurs de la commission des affaires
sociales et du rapporteur pour avis de la commission des finances.
Tout d'abord, l'historique des comptes depuis 1997 fait apparaître une
incapacité chronique à respecter les objectifs de dépenses en matière de santé.
En effet, l'ONDAM, ou objectif national de dépenses d'assurance maladie, fameux
concept qui comporte à la fois l'objectif de dépenses de santé et les frais de
fonctionnement de la caisse d'assurance maladie, n'a été respecté qu'en 1997,
première année d'application du nouveau système. Et, de 1998 à 2001, soit en
quatre ans, il a connu un dérapage de 54 milliards de francs, ce qui est assez
important, même si le montant paraît relativement faible par rapport aux sommes
en jeu. Ce déficit, qui a d'ailleurs tendance à s'accélérer compte tenu tant du
fait que le problème du fonctionnement des hôpitaux n'est pas saisi de manière
globale, que du caractère insuffisamment précis de la politique du médicament
et des divers problèmes auxquels est confrontée la médecine de ville, explique
un certain nombre de difficultés.
La dérive de l'ONDAM s'est produite malgré des excédents de recettes constants
depuis 1997.
M. Alain Vasselle,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
Tout à fait !
M. Jean-Pierre Fourcade.
Le Parlement, comme l'a très bien noté M. Vasselle, a voté chaque année des
prévisions de recettes comportant à la fois l'évolution des cotisations et le
produit des recettes fiscales, parafiscales ou de la CSG affecté aux
différentes caisses. Les quatre années dont les comptes sont connus - de 1997 à
2000 - font apparaître, selon les chiffres de M. Vasselle, un excédent de 41
milliards de francs, et les excédents de recettes par rapport à ce qui a été
voté par le Parlement sont inférieurs aux excédents de dépenses de la seule
caisse d'assurance maladie.
(M. Gournac acquiesce.)
Tel est le premier
problème qui gouverne l'ensemble de la matière.
Bien sûr, le remplacement des cotisations patronales par la CSG a permis
d'accélérer l'évolution des recettes. Toutefois, alors que nous sommes entrés
depuis quelques mois dans une période de ralentissement conjoncturel, nous
risquons, en l'absence de mesures gouvernementales visant à freiner l'ensemble
des dépenses de santé, d'assister à un accroissement du déficit. Pour l'année
2002, ce dernier, en dépit de l'augmentation relativement respectable de
l'ONDAM, pourrait d'ailleurs dépasser les 15 milliards de francs. Je reconnais,
madame la ministre, que l'action en ce domaine est délicate et qu'il est plus
facile d'annoncer des mesures que de les réaliser. Mais convenez avec moi que,
à l'heure actuelle, selon que l'on s'occupe de l'hôpital, de la médecine de
ville, de la politique du médicament ou du secteur médico-social, secteur qui
dérape lui aussi, on s'aperçoit que la technologie mise en place en 1997 ne
donne pas toute satisfaction.
La deuxième difficulté qui complique le débat tient à la tendance
irrépressible du Gouvernement à réaliser l'équilibre du régime général au
détriment de la branche accidents du travail et surtout de la branche famille.
Comme M. Lorrain l'a parfaitement rappelé, et ainsi que le note le rapport de
la Cour des comptes, notamment celui qui porte sur l'année 2000, les déficits
de la branche maladie et les quelques difficultés de financement de la branche
vieillesse sont compensés par les excédents de la branche accidents du travail
et de la branche famille. Par conséquent, depuis plusieurs années, les
dispositions de la loi Veil, notamment celles qui concernent les jeunes
adultes, particulièrement touchés par le chômage et la précarité - et ils vont
l'être encore davantage dans les prochains mois ! -, ne sont pas mises en
oeuvre complètement.
En outre, madame le ministre, je suis très choqué que, pour 2002, l'objectif
de dépenses de la branche famille soit égal, à epsilon près, à celui de 2001.
Un renouveau de la natalité a été enregistré dans notre pays, ce dont tout le
monde se félicite, et la France sort ainsi du lot des pays européens touchés
par une crise de la natalité. Voilà qui va créer des prestations et des
allocations nouvelles. Or, le fait de stabiliser les objectifs me paraît très
dangereux pour le fonctionnement de la caisse famille ; cela risque en effet
d'aggraver ses résultats, d'autant plus que le projet de loi qui nous est
proposé opère une modification rétroactive des comptes de l'exercice 2000, ce
qui - vous en conviendrez, mes chers collègues - ne fait pas partie des
mécanismes financiers convenables.
La troisième difficulté qui complique le débat est liée à la tergiversation
continue en matière de régimes de retraite. La réforme est toujours reportée :
on va de commission en rapport, de rapport en commission. Que le système de la
retraite par répartition doive rester la base de notre régime, personne ne le
conteste dans notre pays, et surtout pas moi !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Ah ! C'est très bien ! C'est
nouveau !
M. Jean-Pierre Fourcade.
Non, je l'ai toujours dit ! Relisez mes interventions, madame le ministre !
Mais à force de temporiser, et même si la revalorisation proposée de la
retraite de base cette année nous paraît satisfaisante, les déficits vont
s'accumuler à partir de 2005 ou de 2006. C'est donc une véritable bombe que
l'actuel gouvernement laissera à son successeur, quel qu'il soit.
Il y a bien le fonds de réserve pour les retraites. Ce fonds devrait atteindre
1 000 milliards en quelques années. Personne ne sait si c'est en 2010 ou en
2020. Je rappelle que l'objectif de dépenses de la caisse vieillesse pour 2002
est de 900 milliards de francs. En conséquence, prévoir d'équilibrer le
mécanisme dans dix ou quinze ans me paraît, au rythme des dépenses actuelles,
intéressant pour l'esprit mais problématique dans la réalisation.
Bien sûr, le Gouvernement a eu une mauvaise surprise avec les licences UMTS.
Je reconnais qu'il était astucieux d'affecter le produit de la vente de ces
licences au fonds de réserve pour les retraites. Mais il se trouve que
l'évolution technologique n'a pas permis de récolter tout ce qu'on en attendait
et qu'il faudra se contenter d'une recette inférieure.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je vous ai dit le contraire.
Pour le fonds rien n'est changé. Si vous aviez été là tout à l'heure, vous
l'auriez entendu.
M. Jean-Pierre Fourcade.
Vous n'avez pas dit le contraire : le produit des recettes UMTS a bien été
divisé par dix par rapport à ce qu'on escomptait.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Cela ne changera rien pour le
fonds de réserve.
M. Jean-Pierre Fourcade.
Peut-être, mais ce ne sera pas grâce aux licences UMTS.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Peu importe d'où viennent les
recettes !
M. Jean-Pierre Fourcade.
Non, madame, en matière financière, on ne peut pas dire cela.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Si, monsieur.
M. Jean-Pierre Fourcade.
Cela me paraît dangereux pour l'équilibre de la loi de financement de la
sécurité sociale. On ne peut pas accepter une telle assertion, quelle que soit
la provenance des fonds.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Ils proviendront du produit de
privatisations !
M. Jean-Pierre Fourcade.
Ce n'est pas raisonnable !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Cela peut vous déplaire, mais
les fonds sont là.
M. Jean-Pierre Fourcade.
Vous allez donc vendre quelques autoroutes, Très bien !
(Applaudissements
sur les travées du RPR.)
Sur la réforme des régimes de retraite, en commission, nous avons entendu avec
intérêt Mme Moreau nous expliquer quels étaient les problèmes posés, mais nous
en sommes restés là et aucune amorce de solution ne nous a été proposée.
Enfin, le quatrième problème, le plus grave, celui que je dénonce avec le plus
de force, et vous me reconnaitrez avoir quelques notions en matière financière,
madame la ministre,...
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je n'ai pas d'
a priori.
Ce n'est pas parce que l'on a été ministre des finances que l'on est
compétent !
M. Jean-Pierre Fourcade.
... c'est la frontière trop fluctuante entre le domaine d'application de la
loi de financement de la sécurité sociale et celui de la loi de finances. Et ce
côté « fluctuant » - vous voyez que j'emploie un terme aimable - entre les deux
domaines me paraît cette année particulièrement mouvant.
En proposant un exercice de vérité, la commission des affaires sociales et son
rapporteur ont fait apparaître que 35 milliards de francs se promènent d'un
texte à l'autre et que, selon les répartitions, les affectations, les
transferts que l'on décide, ou bien c'est le régime social qui est en déficit
ou bien c'est le budget.
Ainsi, en suivant ces 35 milliards de francs, on s'aperçoit qu'après une série
de transferts et de combinaisons financières c'est la loi de financement de la
sécurité sociale qui, en 2002, comme elle l'a fait en 2001 et en 2000,
financera une partie du coût des 35 heures.
Toutefois, ce n'est pas pour moi le problème le plus grave. On peut en effet
conceptuellement estimer que, les 35 heures améliorant l'emploi - on verra dans
quelques années ce qu'il en sera effectivement - il n'est pas anormal que
l'ensemble des régimes sociaux participent à son financement. Ce qui me paraît
le plus grave, cette année, dans cette fluctuation, c'est ce que vous avez
accepté pour la CADES, la caisse d'amortissement de la dette sociale.
Pourquoi a-t-on créé la CADES ? Pour financer les dettes en s'appuyant sur
l'assiette la plus large possible et en étalant le remboursement sur une
certaine période.
Dès que les premières difficultés sont apparues, voilà quelques années, on a
prolongé la période de cotisation pour que la CADES puisse rester en
équilibre.
Et cette année, pour participer à l'équilibre du budget de l'Etat, vous
acceptez que la CADES verse au budget de l'Etat une certaine partie de ses
recettes, lui ôtant ainsi la possibilité de remplir sa fonction de
remboursement de la dette sociale !
Croyez-moi, madame la ministre, vous êtes victime d'un arbitrage que je
déplore, parce que le remboursement de la dette sociale va être difficile à
assurer alors qu'il est bien regrettable que l'on n'ait pas mis à profit les
excédents de recettes constatés depuis 1997 pour améliorer ce remboursement au
lieu de le reporter sans arrêt.
Ainsi, utiliser la CADES comme supplétif du budget de l'Etat pour éviter que
le déficit ne soit trop fort est, à mon avis, le défaut le plus grave du projet
de la loi de financement que nous avons à examiner.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Très bien !
M. Jean-Pierre Fourcade.
Madame la ministre, le texte qui nous est présenté après son passage à
l'Assemblée nationale comporte, certes, quelques dispositions intéressantes -
je pense notamment au congé de paternité, à la revalorisation des retraites et
à la création du fonds de financement des maladies professionnelles pour les
accidents du travail ; voilà trois mesures qui pourraient recueillir
l'assentiment général - mais les défauts qu'il comporte sur les quatre points
que j'ai évoqués ne peuvent que témoigner de l'irrésolution et du manque de
rigueur qui ont présidé à son élaboration.
Pour cette raison, nous voterons les amendements que nous proposera la
commission des affaires sociales, tout en réclamant de nouveau un débat
d'orientation budgétaire couvrant à la fois le budget de l'Etat et celui de la
sécurité sociale. Depuis quelques années, l'imbrication des deux lois rend, en
effet, impossible une claire appréciation des comptes et des perspectives des
deux masses financières : il s'agit de 1 600 milliards de francs pour l'Etat et
de 2 000 milliards de francs pour la sécurité sociale. Nous devons, en effet,
avoir une vision globale de l'ensemble de ces éléments, car c'est finalement
nos concitoyens qui sont appelés à payer l'ensemble des cotisations et des
impôts qui les alimentent.
Bref, madame la ministre, pour toutes ces raisons et principalement à cause de
la modification du fonctionnement de la CADES, nous ne pourrons pas donner
notre accord sur ce projet de loi de financement, qui ne corrige aucun défaut
des précédents et qui, au contraire, en ajoute un certain nombre.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et
des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Murat.
M. Bernard Murat.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, pas plus que
le précédent, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002
ne comporte de mesure de nature à infléchir les dépenses de santé, à garantir
l'avenir des retraites ni même à assurer le financement des 35 heures.
Pas plus que le précédent, il ne renonce à un solide optimisme sur la
croissance économique, à l'espoir que les dépenses d'assurance maladie finiront
par décélérer et à la facilité de « faire les fonds de tiroir » pour présenter
des comptes du régime général en équilibre. Après nous, le déluge !
Les chiffres avancés par le Gouvernement n'ont jamais été si différents de la
réalité : cela provient de l'omission de l'exercice 1998, qui accusait un
déficit de 9,7 milliards de francs, de « l'oubli », pour l'exercice 2002, de
l'annulation de la créance sur le FOREC, soit moins 15,1 milliards de francs,
et de la non-prise en compte de l'impact des mesures du projet de loi de
financement de la sécurité sociale pour 2002 sur les résultats du régime
général tant de 2001 que de 2002.
Avec des chiffres irréalistes, manipulés, triturés, il n'y a plus de débat
possible. Permettez-moi, madame le ministre, de ne pas partager votre optimiste
ni l'autosatisfaction que manifeste le Gouvernement alors même que l'obscurité
des comptes de la sécurité sociale reste totale, comme l'a magistralement
démontré notre excellent rapporteur, Alain Vasselle.
Les mesures disparates et extraordinairement complexes de vos lois de
financement de la sécurité sociale font illusion, mais les différentes branches
sont proches du dépôt de bilan.
Je n'insisterai pas sur le caractère précaire de l'équilibre financier de la
branche vieillesse, qu'a démontré Dominique Leclerc, ni sur l'absence de
maîtrise des dépenses, qui conduit très logiquement la branche maladie du
régime général à enregistrer des déficits répétés. Je ne reviendrai pas sur
l'impasse du Gouvernement sur le dossier de la réforme des retraites, qui est
toujours renvoyée au lendemain, c'est-à-dire après les échéances de 2002, alors
que le devoir des responsables politiques consiste précisément à apporter des
réponses rapides aux grandes questions que se posent les Français. Je
soulignerai simplement deux points.
A l'égard de la branche famille, le projet de loi est particulièrement
choquant puisqu'il détourne ses excédents pour le financement des retraites et
des 35 heures.
Pour la troisième année consécutive, grâce à la croissance, la branche famille
est excédentaire et, pour la seule année 2001, le solde positif s'établira à
9,2 milliards de francs. Or, au lieu de consacrer les excédents de la branche
famille à des opérations d'investissements répondant aux besoins des familles,
tout particulièrement en matière d'accueil de la petite enfance, d'aide aux
enfants handicapés et alors que nos voisins allemands prévoient l'augmentation
des allocations familiales dès le premier enfant, le Gouvernement ponctionne la
branche famille pour financer les 35 heures.
En effet, en 2000, le FOREC a accusé un déficit de 13 milliards de francs
laissé à la charge de la sécurité sociale. Pour faire disparaître cet arriéré
et présenter un bilan électoraliste, vous n'avez pas trouvé d'autre solution,
madame le ministre, que d'annuler cette dette. C'est cette créance de l'Etat
effacée qui vient plomber les comptes du régime général en 2001 et qui grève la
caisse nationale des allocations familiales d'un manque à gagner de 2,8
milliards de francs.
Madame le ministre, quels que soient les artifices du Gouvernement, les
contribuables finiront toujours par payer, au bout du compte, cette politique
de gribouille.
Ce n'est pas tout. Si à cela on ajoute le transfert de charges du fonds de
solidarité vieillesse vers la CNAF, qui n'a fait l'objet d'aucune négociation
lors de la Conférence de la famille de juin dernier et qui génère un
prélèvement de 3 milliards de francs, mais aussi une nouvelle ponction sur la
branche famille de quelque 5 milliards de francs pour abonder le fonds de
réserve des retraites, on s'aperçoit qu'il s'agit d'une véritable démarche de
déviation de fonds discrétionnaire, sur laquelle il faudra bien dans quelques
mois vous expliquer.
Que dire également de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire ?
Fin août, le Gouvernement a annoncé que l'allocation de rentrée scolaire, ARS,
serait définitivement fixée à 1 600 francs et que la totalité du débours
correspondant - 9 milliards de francs - passerait à la charge de la branche
famille. Par ce tour de passe-passe budgétaire, celle-ci perdra environ 5
milliards de francs de ressources. En apparence, il n'y aurait rien de
véritablement choquant dans cette mesure si la partie financière de cette
décision ne faisait, en réalité, qu'ajouter une ponction supplémentaire aux
importants détournements de fonds dont la CNAF a déjà fait l'objet depuis trois
ans. Cette décision, qui s'inscrit, hélas, dans le droit-fil de ce qui fait
office de politique familiale en France, ne consiste qu'à détourner l'argent de
la branche famille pour financer les autres dépenses sociales.
Outre qu'il contrevient au principe de séparation des branches, le
Gouvernement dénature sciemment le rôle de la branche famille, qui est de
financer des mesures en direction des ménages avec enfants, comme l'a rappelé
tout récemment le chef de l'Etat. Comme le Gouvernement ne donne, d'autre part,
aucune souplesse aux collectivités territoriales pour dynamiser leur politique
familiale et lutter face au fort écart de fécondité qui existe entre les
régions, les familles sont doublement lésées. Dans ma ville de
Brive-la-Gaillarde, j'ai institué un dispositif d'aides pour ces familles qui
entrera en vigueur le 1er janvier 2002.
Je ne vous rappellerai pas, madame le ministre, que la première mesure du
Gouvernement en la matière a été de pénaliser 500 000 familles par la réduction
des aides : mise sous condition de ressources des allocations familiales, puis
plafonnement du quotient familial, diminution de l'AGED, l'allocation de garde
d'enfant à domicile.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Eh oui !
M. Bernard Murat.
La politique familiale du Gouvernement, madame le ministre, n'aide pas les
couples à avoir le nombre d'enfants qu'ils désirent.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Elle pénalise les familles nombreuses !
M. Bernard Murat.
Alors que la qualité de vie des familles de trois enfants ne cesse de se
dégrader, il ne faut pas perdre de vue que les familles nombreuses sont les
consommateurs d'aujourd'hui et leurs enfants, les cotisants de demain.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Très bien !
M. Bernard Murat.
Les familles attendent mieux. Les familles méritent mieux. Mieux que les deux
mesures inscrites dans votre projet de loi, relatives l'une à la mise en place
d'un congé de paternité, qui est effectivement une avancée, l'autre au nouveau
fonds d'investissement pour les crèches.
La première mesure, particulièrement emblématique du renforcement du rôle du
père, sera malheureusement source d'inégalités. Alors que certains verront leur
traitement intégralement maintenu, les salariés ne percevront que 80,2 % du
leur, dans la limite du plafond de la sécurité sociale : ce sera à l'entreprise
de contribuer, si elle le veut et si elle le peut, à la politique familiale.
Quant aux non-salariés, leur indemnité journalière sera fixée forfaitairement à
un soixantième du plafond.
Pour ce qui est du nouveau fonds d'investissement pour les crèches, il est
regrettable que la politique du Gouvernement ne prenne en compte que les modes
de garde collectifs. Outre que la multiplication des fonds de ce genre rend les
finances publiques opaques, son utilisation dépend des possibilités des
collectivités locales et des associations, qui devront prendre en charge les
coûts de fonctionnement des nouvelles crèches.
Une politique équilibrée en matière d'accueil des enfants doit promouvoir
aussi les modes de garde individuels, qui offrent plus de souplesse et sont
mieux adaptés au milieu rural, notamment. Seulement 9 % des enfants de moins de
trois ans sont accueillis en crèche. Pour répondre aux besoins des familles, il
demeure donc indispensable de renforcer l'aide à la garde individuelle des
enfants.
Les deux mesures qui nous sont proposées aujourd'hui ne sont pas suffisantes
pour considérer qu'est mise en place une vraie politique familiale, permettant
de concilier vie professionnelle et vie familiale. Les familles ont besoin d'un
véritable signe. Pourquoi ne pas le leur donner à l'occasion de ce débat au
Sénat, madame le ministre, en suivant les propositions de la commission ?
La prolongation des allocations familiales jusqu'à vingt-deux ans, le
versement des allocations familiales dès le premier enfant et une
ravalorisation des prestations familiales supérieure à l'inflation auraient
aussi pu être envisagés. Ne pas s'engager dans cette voie est d'autant plus
injuste pour les familles que des moyens existent et que le renouveau
démographique amorcé depuis 1995 appelle un accompagnement.
Madame le ministre, votre politique familiale est d'une tiédeur qui illustre
bien la différence philosophique entre les socialistes et nous, qui voyons en
la famille à la fois le creuset et l'un des piliers majeurs de notre
société.
En tant que président de la fédération hospitalière du Centre et président du
conseil d'administration du centre hospitalier de Brive, je souhaiterais
m'attarder quelques instants sur la situation préoccupante des établissements
de santé, qu'ils soient publics ou privés.
L'hôpital, nous le savons, est gravement menacé : insuffisance de personnel
soignant ou non-soignant, surcharge de travail, en un mot diminution du service
au public, augmentation des risques, en particulier, opératoires et
post-opératoires.
L'hôpital public doit passer aux 35 heures le 1er janvier 2002 sans que les
moyens nécessaires à cette mutation aient été dégagés. Le Gouvernement a choisi
de créer 45 000 emplois spécifiques en quatre ans, financés par l'assurance
maladie, et non par l'Etat, pour compenser la réduction du temps de travail.
Mais comment pourront s'effectuer ces recrutement massifs, alors même qu'un
grand nombre de postes sont aujourd'hui vacants et ne seront pas pourvus au 1er
janvier 2002 ? Comment les directeurs, les chefs de service, les surveillants
vont-ils gérer cette pénurie le 1er janvier 2002 ?
Je voudrais évoquer à cet égard, à titre d'exemple, ce qui se passe dans un
département comme la Corrèze, et plus précisément à Brive-la-Gaillarde, ville
dont je suis le maire et où le manque de moyens est avéré : même dans le cadre
des 39 heures, l'hôpital de Brive est en déficit de quatre-vingt-six postes.
Alors même que le Sénat ne s'est pas prononcé sur les dispositions en
question, le chiffre des dotations en emplois pour le Limousin est connu : il
s'agirait de 770 postes sur trois ans, dont 140 pour 2002. Sachant que le seul
CHU de Limoges a demandé 450 emplois pour le passage aux 35 heures, que
restera-t-il, madame le ministre, aux autres établissements pour remplir leur
devoir de service au public dans des conditions normales de travail pour les
personnels, qui sont astreints à des cadences infernales, d'où un taux
d'absentéisme endémique ?
J'ajoute, madame le ministre, que je vous ai écrit, en tant que président du
conseil d'administration, le 20 avril et le 31 août derniers, pour vous
entretenir de nos difficultés et vous demander un rendez-vous. N'ayant toujours
pas, à ce jour, reçu de réponse, je me permets de vous interpeller ce soir.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
J'accorderai un rendez-vous à
M. Nauche.
M. Bernard Murat.
A moins que le conseil d'administration de l'hôpital de Brive, que je
représente, doive considérer les annonces diverses et variées de votre
ministère, par voie de presse locale, au député socialiste de la
circonscription - M. Nauche, justement - comme une réponse à mes courriers.
Vous avouerez que c'est une étrange pratique de la démocratie républicaine.
Etant particulièrement attaché à la spécificité française du choix entre
public et privé, je voudrais maintenant revenir sur les cliniques privées, à un
moment où l'avenir de beaucoup d'entre elles paraît pour le moins incertain.
Pour mettre fin à la grève des cliniques privées, vous avez, madame le
ministre, débloqué 1,7 milliard de francs sur deux ans, portant l'enveloppe qui
leur était destinée à 3,1 milliards de francs. Elles avaient réclamé 6
milliards de francs pour assurer leur avenir et rémunérer, à travail et
horaires égaux, leurs infirmières au même niveau que celles du public.
Mon collègue Georges Mouly et moi-même avons rencontré des infirmières et
elles nous ont expliqué qu'en Limousin, où l'on compte onze établissements
privés, employant 1 301 salariés et 282 médecins, le salaire du personnel de ce
secteur était de 30 % inférieur à celui du secteur public...
M. Robert Bret.
A qui la faute ?
M. Bernard Murat.
... et que l'on assiste à une fuite du personnel vers le public, compte tenu
de salaires plus attractifs : cela a concerné environ 10 % des infirmières l'an
passé.
Si ce phénomène de vases communicants devait perdurer, ce serait une
catastrophe pour les patients, en particulier en chirurgie et en maternité.
Savez-vous, madame le ministre, que ces onze établissements sont, cette année,
tous déficitaires ? Les dispositions prises ne répondront donc certainement pas
aux besoins exprimés.
Surtout, se pose la question de la redistribution des crédits alloués.
En effet, au sein de l'hospitalisation privée, il existe des disparités
régionales importantes, et le Limousin est une région tout à fait sous-dotée.
Ces écarts considérables, appellent une prise en compte beaucoup plus radicale
et rapide de la règle du rééquilibrage des ressources entre les différentes
régions. La sous-dotation du Limousin, proche de 33 millions de francs,
représente simplement 0,47 % de la dotation des cliniques privées
d'Ile-de-France, région la plus surdotée.
Comptez-vous aller plus avant dans la correction des inégalités
interrégionales et intrarégionales, madame le ministre ?
Si j'ai volontairement pris des exemples locaux et concrets, c'est pour mettre
en regard de votre autosatisfaction les réalités du terrain et les difficultés
concrètes rencontrées par les Français qui souffrent comme par ceux qui les
soignent.
Je vous le dis solennellement ce soir, notre système de santé a besoin d'une
grande loi d'orientation. Aucune économie ne pourra être réalisée sur le volume
et la technicité des soins. Si nous ne prenons pas, tous ensemble, ce problème
à bras-le-corps, c'est tout le système qui explosera.
Madame le ministre, ne sous-estimez pas le malaise des professionnels de la
santé, médecins et dentistes, qui ont d'ailleurs été profondément blessés par
les propos de M. le secrétaire d'Etat à la santé, infirmiers, surveillants,
formateurs, en soins infirmiers, étudiants. Tous aspirent à plus d'attention,
de concertation, de reconnaissance.
Cette reconnaissance passe par la suppression préalable du dispositif des
lettres-clés flottantes, faute de laquelle vous ne pourrez restaurer un
dialogue de qualité.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Très bien !
M. Bernard Murat.
Toutes les professions de santé sont concernées. Toutes attendent cette
reconnaissance de l'Etat.
La profession des formateurs en soins infirmiers, pour ne prendre que cet
exemple, est « sur le pied de guerre », au moment où elle doit faire face au
surcroît de travail et de responsabilité occasionné par la multiplication des
places supplémentaires d'élèves aides-soignantes. Leur malaise est profond et
symptomatique de l'inquiétude quant à l'avenir du système de santé à la
française.
Aucune réforme efficace ne pourra être menée sans le dialogue et le respect
des personnels de santé, qui acceptent la responsabilisation individuelle,
l'évaluation, la formation continue, mais certainement pas les sanctions
collectives car celles-ci, en contingentant les soins, pénalisent le plein
exercice de leurs compétences, lesquelles sont au service exclusif de la santé
publique, facteur de bonheur et d'équilibre économique.
Je le redis avec force : la France a impérativement besoin d'une grande loi
d'orientation relative à la santé publique, qui rendrait plus lisible le budget
que vous nous présentez.
Madame le ministre, le premier secrétaire du parti socialiste a déclaré hier,
lors de la présentation du bilan de votre gouvernement : « Nous traversons une
période difficile, et ce qui est exigé des politiques, c'est d'être sérieux. Il
faut de la crédibilité et de la fermeté d'âme. » Non seulement votre projet de
loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 n'est pas crédible mais il
manque étrangement de fermeté d'âme, autant que de sincérité budgétaire.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants,
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme Bocandé.
Mme Annick Bocandé.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne
reviendrai pas sur les analyses chiffrées de ce projet de loi de financement de
la sécurité sociale pour 2002. Nos rapporteurs, MM. Vasselle, Lorrain, Leclerc
et Joyandet, ainsi que le président de la commission, M. About, l'ont fait avec
beaucoup de précision. Je tiens à les remercier de la qualité de leur travail.
Le groupe de l'Union centriste et moi-même souscrivons tout à fait à leurs
critiques et à leurs propositions.
Cependant, j'insisterai sur plusieurs éléments fondamentaux de notre politique
de protection sociale : système de santé publique, politique familiale et
retraites.
Des professionnels libéraux désabusés, des hôpitaux en déficit et des
cliniques privées récemment en grève : en cette fin d'année, notre système de
santé connaît une crise profonde, que nous annonçons malheureusement, au Sénat,
depuis plusieurs années.
L'échec de notre système de santé, c'est aussi l'échec de l'ONDAM. Le vote
d'un objectif « rebasé » en cours d'année n'a plus aucune signification. Il
suffit de constater le montant du dépassement depuis 1998 : plus de 54
milliards de francs !
Dans ces conditions, l'ensemble de la procédure d'examen du projet de loi de
financement devrait être revu et amélioré.
C'est le sens des demandes réitérées de notre commission des affaires sociales
- et encore aujourd'hui par M. About - en faveur de la mise en place de lois de
financement rectificatives.
L'organisation, au printemps, d'un débat d'orientation sur le modèle du débat
d'orientation budgétaire est une première amélioration, je vous l'accorde,
madame la ministre. Toutefois, il convient d'aller plus loin, afin de redonner
tout son sens au pouvoir de contrôle du Parlement sur une politique de
protection sociale de plus en plus complexe et évolutive.
Que faire face aux dépassements de l'ONDAM ?
La régulation par la contrainte a indiscutablement échoué. C'est vrai dans le
secteur pharmaceutique, mais aussi dans celui de la médecine de ville, et ce
malgré la délégation à la CNAMTS de la gestion de l'objectif de dépenses par la
loi de financement de cette année.
Les sanctions, qu'elles soient collectives - notamment avec le système des
lettres-clés flottantes - ou catégorielles, entraînent des effets pervers qui
devraient inciter le Gouvernement à changer de politique. Il n'en fait rien,
apparemment, puisque votre projet de loi prévoit en particulier d'accroître la
taxation de l'industrie pharmaceutique.
Ce faisant, le Gouvernement va à l'encontre du principe d'une cogestion du
système de soins avec les professionnels. Or, sans cette cogestion, il ne peut
et ne pourra y avoir de maîtrise durable des dépenses de santé.
Il me paraît donc nécessaire de mettre en place un système reposant sur quatre
principes : une véritable concertation, une contractualisation, une réelle
évaluation et, seulement en dernier recours, lorsque cela est indispensable, la
sanction. Il s'agit d'un système évidemment plus aisé à développer à l'échelle
régionale, d'autant que les outils de la régionalisation de la politique de
santé, sous réserve qu'ils ne soient pas trop technocratiques, existent depuis
1996 avec les agences régionales d'hospitalisation, les unions régionales des
caisses d'assurance maladie, les unions régionales des médecins libéraux et les
conférences régionales de santé.
Dans ce contexte, et à condition que soient donnés des moyens suffisants aux
observatoires régionaux, une juste évaluation des besoins de la population en
matière de santé pourrait être enfin réalisée.
En outre, afin de contenir l'explosion des dépenses de santé, nous devons
donner plus d'ampleur à la politique de prévention et d'éducation à la santé.
Pour cela, nous avons besoin, au sein de l'ONDAM, d'une enveloppe spécifique
affectée à cette mission.
Je dirai maintenant quelques mots de la situation fort préoccupante des
établissements de soins publics et privés. Les problèmes des hôpitaux ne sont
pas nouveaux : inadéquation des moyens par rapport à la demande et gros
problèmes de personnel.
En outre, le passage aux 35 heures à partir du 1er janvier 2002 n'est pris en
compte que partiellement par ce projet de loi de financement. On peut
regretter, à cet égard, madame la ministre, que les mises en garde, notamment
de notre assemblée, sur la difficulté à concilier financement des 35 heures et
évolution raisonnable des dépenses de santé, n'aient pas été entendues par
votre Gouvernement, ce qui vous conduit aujourd'hui à opérer des ponctions
hasardeuses et opaques pour tenter d'équilibrer des budgets.
Nonobstant la rallonge de 3,9 milliards de francs annoncée récemment par le
Gouvernement, la part de l'augmentation de l'ONDAM réservée aux hôpitaux
n'augmente dans le projet de loi de financement que de 4,8 % en 2002. Or, afin
de tenir compte du seul passage aux 35 heures, l'augmentation devrait être deux
fois supérieure d'après les responsables des établissements hospitaliers. On en
est encore loin et l'année prochaine risque d'être particulièrement douloureuse
pour ces établissements !
Sur ce dossier, le Gouvernement se garde de prendre des mesures structurelles.
Il se contente de décisions de circonstances. Or, une politique alternative est
possible : elle passe par la mise en place d'un véritable système
d'accréditation des hôpitaux et par une relance d'une régulation contractuelle
des dépenses hospitalières.
Concernant les cliniques, l'année dernière, la commission avait très justement
regretté le niveau très modeste du fonds de modernisation qui leur était
réservé : 150 millions de francs ! Malheureusement, nous faisons le même
constat cette année.
Chacun connaît la situation très précaire du secteur privé : 60 % des
cliniques sont déficitaires.
La conjugaison d'une enveloppe moins importante que celle de l'hôpital public
et du passage aux 35 heures les a fortement fragilisées. Les cliniques
souffrent par ailleurs de pénuries de personnel importantes du fait de la
faiblesse relative des salaires par rapport aux hôpitaux.
M. Roland Muzeau.
Il n'y a qu'à les augmenter !
Mme Annick Bocandé.
Nous prenons acte, évidemment, de la rallonge pour 2001 et 2002 de 1,7
milliard de francs, tout en doutant, là aussi, de l'efficacité de ce genre de
mesures, ponctuelles et sans lendemain.
Venons-en à la branche famille.
Comme le note très justement le rapport de la commission, sur la période
1998-1999, du fait de la sous-indexation des prestations par rapport à la
richesse nationale, les familles ont été privées de 31 milliards de francs de
pouvoir d'achat. Parallèlement, les excédents de la caisse famille sont
régulièrement ponctionnés. Le principe de la séparation des branches est remis
en cause de façon systématique, là comme ailleurs, et sans aucune concertation
vis-à-vis des responsables de la CNAF et des partenaires sociaux.
En 2000 et 2001, ce sont plus de 13 milliards de francs d'excédents qui ont
déjà été détournés de la branche famille au profit notamment du FOREC et du
financement des 35 heures. En 2002, ce sont près de 14 milliards de francs qui
vont être amputés à la branche famille.
Je déplore que le Gouvernement ne développe pas plutôt une réelle politique
familiale, qui est indispensable pour l'avenir de notre pays.
Il serait utile, par exemple, d'améliorer les dispositifs permettant une
meilleure conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle. Il
faudrait aussi adapter plus rapidement les prestations familiales aux
évolutions de notre société et prendre en compte le dernier enfant à charge des
familles nombreuses, comme je l'avais d'ailleurs proposé en déposant un
amendement qui avait été adopté par notre assemblée lors de la discussion du
projet de loi de financement pour 2001, et qui est représenté cette année.
Plus généralement, il serait nécessaire de simplifier le système d'aides, qui
compte actuellement vingt-trois prestations et quelque 15 000 références
familiales difficilement gérables et explicables aux bénéficiaires.
Dans cet esprit, comme le propose très justement notre commission, il serait
bon que la Caisse nationale d'allocations familiales puisse faire chaque année,
avant le 15 juillet, des propositions de réforme de prestations familiales en
rapport avec la capacité financière de la branche, ces propositions étant
transmises au Gouvernement et au Parlement.
M. Serge Franchis.
C'est une bonne idée !
Mme Annick Bocandé.
Enfin, concernant les retraites, je regrette que rien de réellement concret ne
soit proposé alors que les Français attendent une réforme en profondeur dans la
transparence et l'équité.
Par ailleurs, l'annonce récente par le Gouvernement d'une réduction sensible
du prix de vente des licences UMTS compromet durablement l'équilibre du fonds
de réserve.
On voit mal comment on pourra atteindre les 1 000 milliards de francs annoncés
pour 2020. Or nous savons tous que les problèmes vont commencer à se poser à
partir de 2005. L'heure des choix ne pourra donc pas être indéfiniment
reculée.
Au fond, le problème est non pas de savoir s'il faut plus ou moins dépenser,
mais comment dépenser pour renforcer la qualité des soins et garantir une
meilleure couverture sociale à nos concitoyens. A cet égard, il nous appartient
de fixer des priorités, priorités que vraisemblablement, madame la ministre,
nous ne partageons pas avec votre gouvernement.
Pour l'ensemble de ces raisons, vous ne serez pas surprise, madame la
ministre, que le groupe de l'Union centriste ait décidé de soutenir les
propositions de la commission des affaires sociales et de rejeter, comme la
plupart des partenaires sociaux, le texte tel que vous nous le présentez.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme chaque
année, d'ailleurs à la même époque, le Sénat est saisi du projet de loi de
financement de la sécurité sociale. Depuis cet après-midi, s'ouvre donc un
débat d'autant plus important que les masses financières en jeu sont énormes -
elles s'élèvent à plus de 2 000 milliards de francs pour 2002, soit plus que le
budget de l'Etat - et que des questions essentielles sont abordées.
La protection contre les risques maladie, vieillesse, accidents du travail
ainsi que la politique familiale touchent le quotidien de nos concitoyens et
contribuent, par conséquent, à cimenter la cohésion de notre société.
Paradoxalement, le législateur dispose, dans le domaine de la protection
sociale, de trop peu de marges de manoeuvre. Alors même que les choix faits
concernent les besoins fondamentaux des Français, notamment en matière de
santé, le débat pourtant nécessaire demeure, cette année encore, tronqué,
limité à la validation d'objectifs de recettes et de dépenses, d'enveloppes
prédéfinies.
Cette année, le débat s'ouvre dans un contexte particulier. Le départ du MEDEF
des caisses de sécurité sociale nous amène à nous interroger sur la
démocratisation de la gestion de ces dernières et sur le partage des
responsabilités des acteurs.
Le MEDEF pratique la politique de la terre brûlée.
Son entrée en politique n'en devient que plus explicite. La pétition des
cinquante-six grands patrons français contre la loi de modernisation sociale
avait ouvert la voie.
Cette année, le débat s'ouvre alors que la situation catastrophique des
hôpitaux marque tous les Français et, plus particulièrement, les personnels des
hôpitaux.
M. Bernard Murat.
Très bien !
M. Guy Fischer.
Nous demandons toujours l'organisation d'un grand débat au Parlement
permettant, en amont du projet de loi de financement de la sécurité sociale,
d'arrêter les orientations de la politique de santé publique.
Partir des besoins sociaux à satisfaire est la seule voie efficace pour rompre
réellement avec la démarche autoritaire et la logique de maîtrise exclusivement
comptable des dépenses engagées par le plan Juppé, cher à nos collègues de
droite.
(M. Godefroy s'exclame.)
MM. Alain Gournac et Bernard Murat.
Très bien !
M. Guy Fischer.
Dans ses propos introductifs devant la Commission nationale de la santé, M.
Kouchner a insisté sur la nécessaire démocratie sanitaire, « véritable moteur
d'une politique de santé où chacun serait acteur ».
Le projet de loi relatif aux droits des malades et à la qualité du système de
santé, adopté en première lecture par l'Assemblée nationale, apporte un début
de réponse. Désormais, chaque année, sur la base d'un rapport du Gouvernement,
députés et sénateurs devraient débattre, pas simplement de manière comptable,
des problèmes de santé.
Si nous souhaitons associer pleinement les Français et inverser la démarche en
partant des besoins, il est impératif que les parlementaires disposent du
pouvoir d'amender les exigences de santé qui doivent être définies en se
référant au travail de la conférence nationale de la santé, lieu d'échange
entre les professionnels de la santé et les usagers. Nous attendons une
évolution sur ce point, madame la ministre.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 étant le
dernier de la législature, un minibilan s'impose.
On ne peut pas dire que le Gouvernement ait réussi à changer d'approche en
matière de financement de la protection sociale. A ce propos, je regrette
vivement que les tentatives de rééquilibrage de son financement, qui pèse
fortement sur les revenus du travail, n'aient pas pu se concrétiser,
s'amplifier.
A nos propositions destinées à asseoir durablement les ressources de la
sécurité sociale, qu'il s'agisse de la réforme de fond des cotisations
patronales modulées selon la taille de l'entreprise et sa politique de
l'emploi, de la contribution des revenus financiers des entreprises, ou de
l'augmentation du rendement de la contribution sociale sur les bénéfices, ont
été préférées la fiscalisation croissante des recettes, notamment la
substitution de la CSG aux cotisations salariales, ainsi que l'accentuation de
la politique des exonérations de cotisations patronales, dont le bilan
coût-avantage est, selon nous, très loin d'être positif pour l'emploi, mais
également pour les comptes de la protection sociale.
Incontestablement, la commission des affaires sociales est obligée d'en
convenir, les comptes sociaux se sont nettement redressés. Selon le rapport de
la Cour des comptes de septembre 2001, le régime général devrait être
excédentaire de plus de 6 milliards de francs.
Ce constat recouvre certes des réalités différentes selon les branches,
l'assurance maladie reste déficitaire et la branche accidents du travail et
maladies professionnelles est excédentaire, alors que tout le monde s'accorde à
dénoncer la sous-déclaration des accidents du travail et l'absence de
reconnaissance des maladies professionnelles. Mais une chose est sûre : ce
retour à l'équilibre mérite d'être souligné tant le gouffre laissé par les
gouvernements de droite était grand.
M. Claude Domeizel.
Oh oui !
M. Guy Fischer.
Je vous rappelle tout de même, mes chers collègues, qu'entre 1993 et 1997 le
déficit cumulé de la sécurité sociale s'élevait à 265 milliards de francs !
M. Claude Domeizel.
Incroyable !
M. Ivan Renar.
Les chiffres sont cruels !
M. Guy Fischer.
Pour l'essentiel, cette situation est à mettre au crédit du dynamisme de la
situation de l'emploi salarié et du taux de croissance soutenu, ainsi que du
maintien de la pression pour maîtriser les dépenses.
A l'instar de vos collègues députés, vous dénoncez le « hold-up » sur l'argent
de la sécurité sociale.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Tout à fait ! Les partenaires sociaux aussi !
M. Guy Fischer.
Le FOREC est mis à l'index.
Considérant que ce projet de loi souffre des mêmes faiblesses que le projet de
budget de l'Etat pour 2002, à savoir qu'il repose sur des hypothèses de
croissance trop optimistes,...
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
C'est vrai !
M. Guy Fischer.
... sur une sous-évaluation des dépenses, notamment de l'assurance
maladie,...
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
C'est aussi vrai !
M. Guy Fischer.
... la commission des affaires sociales se livre à une « opération vérité des
comptes ».
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Très bien !
M. Guy Fischer.
Mais à vouloir trop convaincre, vous convainquez peu !
Vous avez mis l'accent sur le coût du financement des 35 heures. Mais nous
avons déjà eu l'occasion de dire combien les solutions retenues pour compenser
la RTT ne nous satisfaisaient pas.
Par conséquent, je n'entends pas ici défendre les règles impliquant la
sécurité sociale dans le financement politique de l'emploi. Toutefois, je dois
préciser, même si toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire, que vous
omettez de mettre en avant le fait que le FOREC, qui existe désormais
officiellement, n'assume pas uniquement le financement des aides incitatrices
au passage aux 35 heures, mais que ces dépenses sont aussi liées à des
allégements de charges, consentis notamment au titre de la ristourne dégressive
Juppé, portée par ce Gouvernement, il est vrai, à 1,8 fois le SMIC.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Vous ne m'avez pas écouté, monsieur Fischer, je l'ai dit tout
à l'heure.
M. Guy Fischer.
Vous l'avez dit du bout des lèvres.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Non, je l'ai dit clairement.
M. Guy Fischer.
Vous avez omis de dire certaines choses !
M. le président.
Mes chers collègues, si nous voulons que le débat reste ordonné, laissez
s'exprimer l'orateur.
Veuillez poursuivre, monsieur Fischer.
M. Guy Fischer.
Les exonérations décidées par les gouvernements prédécents - de droite -
représenteront, pour 2002, 66 % de l'ensemble des charges du FOREC.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Nous ne le contestons pas !
M. Guy Fischer.
Par ailleurs, vous comprendrez, messieurs de la majorité sénatoriale, que je
ne puisse pas cautionner vos arguments tendant à démontrer que ce Gouvernement
aurait en quelque sorte dilapidé les fruits de la croissance.
Au contraire, nous lui faisons le reproche de ne pas avoir suffisamment
satisfait les diverses attentes sociales et ce, faute d'avoir pu disposer des
marges de manoeuvres suffisantes générées par la réforme promise des
cotisations sociales. Je pense en particulier à l'augmentation du niveau moyen
des remboursements, à l'indexation des pensions de retraite et des allocations
familiales sur les salaires.
Pour en terminer avec les recettes, les trois amendements de fond que nous
défendrons et qui visent à asseoir durablement le financement de la protection
sociale se justifient d'autant plus à l'occasion du débat à l'Assemblée
nationale, des moyens supplémentaires ont été dégagés en faveur de l'hôpital
public et que,
a priori
, devant le Sénat, le Gouvernement devrait
concrétiser l'accord conclu avec les cliniques privées en augmentant la
dotation du fonds de modernisation des cliniques privées.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Avec quels moyens ?
M. Guy Fischer.
Lors de la discussion des articles, nous aurons l'occasion de revenir sur les
mesures décidées en faveur des cliniques privées. Mais je me permets, dès à
présent, de vous livrer, au sujet de l'aide gouvernementale, mon sentiment,
partagé par toutes les organisations syndicales que le groupe CRC a rencontré
aujourd'hui.
M. Alain Gournac.
Ah !
M. Guy Fischer.
En quarante-huit heures, les patrons de cliniques privées ont obtenu le
déblocage de 1,7 milliard de francs pour l'exercice 2001-2002.
M. Alain Gournac.
Tiens tiens !
M. Guy Fischer.
Avec les mesures qui ont déjà été prises et qui s'élèvent à 1,4 milliard de
francs, cela porte l'effort financier à hauteur de 3,1 milliards de francs.
Outre son montant, nous nous interrogeons sur le ciblage de cette aide. Vous
avez répondu sur ce point, mais mieux vaut dire les choses plutôt deux fois
qu'une !
Madame la ministre, comment accepter, en effet, que les grands groupes cotés
en Bourse - je pense en particulier à la Compagnie générale de santé -...
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Il est le seul à être coté.
M. Guy Fischer.
... bénéficient de cette manne financière par l'intermédiaire du fonds de
modernisation qui a servi à éliminer les plus petites structures...
M. Alain Gournac.
Ah ! le grand capital !
M. Guy Fischer.
... qui, confrontées à des difficultés, n'ont pu se restructurer ?
M. Ivan Renar.
C'est un scandale !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Et toutes les cliniques privées ?
M. Guy Fischer.
Nous sommes conscients des distorsions injustes en matière de rémunération des
personnels, notamment des infirmières. Madame la ministre, quelles garanties
peuvent être apportées pour que les infirmières, les personnels de base, voient
effectivement leur situation salariale s'améliorer et que la transparence de
l'utilisation des fonds soit réelle ?
La presse s'est fait écho des engagements pris par le secteur privé de
renégocier rapidement une convention collective rehaussant le niveau plancher
de la profession.
Toutefois, permettez-nous de douter - comme les syndicats et les salariés
d'ailleurs qui, dans ce conflit, sont restés en retrait - de la propension des
patrons de cliniques à réduire les inégalités de salaires et à revoir la
répartition des bénéfices avec les salariés !
Madame la ministre, nous attendons des réponses et un positionnement clair du
Gouvernement,...
M. Alain Gournac.
Ce n'est pas clair ?
M. Guy Fischer.
... afin d'éviter toute confusion consistant à mettre sur le même plan la
situation des cliniques privées et celle des hôpitaux publics.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
C'est un soutien très critique !
M. Guy Fischer.
A l'Assemblée nationale, le débat sur ce texte s'est ouvert sur fond de grogne
des hospitaliers, et le terme est faible ! La colère gronde toujours, madame la
ministre, les hôpitaux sont au bord de l'explosion ! On ne peut continuer ainsi
!
Dans le Val-de-Marne, par exemple, un plan d'urgence a été élaboré par les
personnels. Depuis deux ans, les professionnels de santé n'ont eu de cesse de
se mobiliser pour dénoncer les conséquences des restrictions budgétaires et des
restructurations en cours, cela tout simplement pour défendre le service public
hospitalier ! Les personnels sont fatigués, usés de travailler en
sous-effectifs.
Dans de telles conditions, l'annonce par le Gouvernement de la création, sur
trois ans, de 45 000 emplois pour accompagner la RTT a d'autant moins permis de
lever les inquiétudes que l'accord minoritaire signé met à mal les garanties
contenues dans l'ordonnance de 1982, qui organise le travail dans la fonction
publique hospitalière. Majoritairement, les personnels hospitaliers et les
praticiens que nous avons rencontrés considèrent que cet accord, qui aurait dû
être un facteur d'amélioration de leurs conditions de travail et de leur vie de
famille, et de renforcement du service public, sera en fait la source d'une
plus grande flexibilité, en raison de l'annualisation du temps de travail, de
la légalisation des horaires glissants et des astreintes.
Ils ne croient pas au compte épargne temps et craignent, en définitive, que
cet accord national, sous couvert de contraintes spécifiques liées à la
continuité du service public, ne rende impossible la planification de leur vie
en dehors de l'hôpital et n'accélère les restructurations.
Les femmes représentant plus de 75 % du personnel hospitalier, vous
comprendrez, madame la ministre, notre opposition à l'article 17 de ce projet
de loi, qui abroge l'ordonnance de 1982, et notre insistance à demander la
reprise des négociations.
Grâce, notamment, à la détermination des députés communistes, qui ont fait, à
juste titre, de la question de l'hôpital public un point fort de leurs
interventions, et sous la pression des personnels, vous avez consenti, madame
la ministre, non à supprimer, comme nous le souhaitions avec de nombreux
syndicats et la Fédération hospitalière de France, la taxe sur les salaires
sans diminuer les dotations aux établissements, mais à augmenter le niveau de
l'enveloppe financière allouée à l'hôpital.
En plus de ce qui était déjà inscrit dans le projet de loi de financement de
la sécurité sociale, soit 3,3 milliards de francs au sein de l'enveloppe «
hôpital » de l'ONDAM consacrée à la création de postes, le Gouvernement engage
3,9 milliards supplémentaires, qui se décomposent de la manière suivante : 1
milliard de franc de crédits sur la dotation globale 2001 ; 1 milliard de franc
au titre du fonds de modernisation des établissements de santé en 2002 ;
l'accélération de la consommation des 900 millions de francs disponibles au
titre de ce même fonds, mais pour 2001 ; enfin, 1 milliard au titre du fonds de
modernisation des hôpitaux, qui relève, quant à lui, du budget de l'Etat.
Nous n'entendons pas prêter le flan aux remarques - aux attaques, devrais-je
dire - de la commission des affaires sociales...
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Parlez des AP-CP !
M. Guy Fischer.
... tendant à minimiser les avancées obtenues à l'Asemblée nationale.
Toutefois, nous demeurons extrêmement vigilants pour que les aides répondent
aux objectifs fixés, qu'il s'agisse tant des personnels, des besoins en
formation que des investissements nécessaires à la réhabilitation et à la mise
en conformité des bâtiments.
C'est pourquoi, aujourd'hui, nous sommes encore plus demandeurs de garanties
quant aux modalités et au calendrier de la répartition de ces moyens. Nous
tenons absolument à ce que les parlementaires soient informés, consultés, comme
devront l'être d'ailleurs l'ensemble des parties concernées.
Madame la ministre, êtes-vous en mesure de nous faire part des outils dont
vous allez user pour que les directeurs des agences régionales de
l'hospitalisation appliquent rapidement ces mesures et qu'ils s'obligent - ce
qui est nouveau, car ces derniers sont peu habitués à la concertation - à
associer les élus, les représentants des établissements, les organisations
syndicales et les usagers ?
M. Bernard Murat.
Très bien !
M. Guy Fischer.
Pour acter de l'acuité du problème de la formation, particulièrement sensible
pour les infirmières, mais valable aussi pour l'ensemble des acteurs de la
chaîne santé, et bien que nous ayons pris note de vos intentions concernant les
objectifs 2001 et 2002 du fonds de modernisation, nous proposerons d'améliorer
les conditions d'études des personnels en préfinançant les années passées à
l'école.
Enfin, pour clore provisoirement ce chapitre, n'ayant pu prendre connaissance
de l'examen hier par l'Assemblée nationale des crédits de la santé de votre
ministère, je souhaite, madame la ministre, que vous puissiez m'assurer que le
milliard de francs en question a été inscrit au titre du FIMHO, les crédits de
ce fonds devant, selon les bleus budgétaires pour 2002, passer de 500 millions
de francs à 300 millions de francs, faute d'avoir été consommés.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
D'AP !
M. Guy Fischer.
D'autres aspects de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale
méritent d'être évoqués, qu'il s'agisse de l'examen bucco-dentaire gratuit,
dont pourront bénéficier les enfants âgés de six ans à douze ans, ou de
l'extension du bénéfice, durant un an, du tiers payant pour les personnes
sorties du dispositif de la CMU.
Nous sommes toujours demandeurs d'ajustement concernant le seuil de
ressources. Les titulaires de minima sociaux - l'allocation aux adultes
handicapés ou le minimum vieillesse - doivent, eux aussi, pouvoir prétendre à
l'accès aux soins, à la prise en charge du ticket modérateur et du forfait
hospitalier, notamment. Nous ferons de nombreuses propositions en ce sens.
Parmi les amendements présentés par le Gouvernement et adoptés par les
députés, il en est un qui semble retenir toute l'attention des professionnels
de santé et des syndicats ; il a trait au renouveau du cadre conventionnel
entre les médecins et l'assurance maladie, à la maîtrise contractuelle des
dépenses médicales.
Dans un communiqué commun datant d'hier, la CGT, FO, la CGC et la CFTC ont
appelé le Gouvernement à retirer cette disposition jugée « provocatrice,
inopportune », afin de laisser toute sa place à la concertation.
M. Alain Gournac.
C'est dur !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Très bien !
M. Guy Fischer.
Madame la ministre, pouvez-vous nous éclairer sur vos intentions ? Si vous
n'entendez pas donner satisfaction à la requête formulée, le Gouvernement
peut-il, dès à présent, achever la construction du nouveau dispositif ?
Pour faire face à la progression des dépenses du poste médicament de la
branche maladie, au grand désespoir des laboratoires pharmaceutiques, le projet
de loi de financement de la sécurité sociale traduit un certain nombre de
mesures contenues dans le plan médicament.
La disposition ajoutée à l'Assemblée nationale permettant l'information
annuelle du Parlement sur la base du rapport du Comité économique des produits
de santé contribuera à rendre plus transparente la fixation des prix des
médicaments.
Concernant la branche retraite, je n'irai pas plus loin, M. Roland Muzeau
devant intervenir sur ce sujet.
Nous présenterons aussi une série d'amendements relatifs aux accidents du
travail et aux maladies professionnelles qui permettront, notamment à Mme
Marie-Claude Beaudau, de revenir sur ces problèmes. Nous profiterons également
de la discussion des articles pour avancer un certain nombre de propositions de
nature à améliorer immédiatement la protection sociale. Nous serons donc très
attentifs durant les prochaines quarante-huit heures !
(Très bien ! et
applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen,
sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Chabroux.
M. Gilbert Chabroux.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les
rapporteurs, nos collègues Alain Vasselle, Dominique Leclerc, Jean-Louis
Lorrain, Alain Joyandet, et le président de la commission des affaires
sociales, Nicolas About, n'y sont pas allés de main morte ! Ils ont dressé un
véritable réquisitoire contre la politique du Gouvernement en matière de
protection sociale.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Cela vous étonne ?
M. Gilbert Chabroux.
Non, nous ne sommes pas surpris, monsieur Vasselle ; la droite a déjà employé
les termes de « manipulation » des comptes, de « détournement » et même de «
hold up » de l'argent de la sécurité sociale pour financer les 35 heures, ainsi
que de « mise à sac » ou de « pillage » des excédents de la branche famille.
Les rapporteurs sont très négatifs : il n'y a rien dans ce projet de loi de
financement de la sécurité sociale qui trouve grâce à leurs yeux. Ils en
contestent toutes les dispositions, et d'abord les chiffres. Mais à trop
vouloir démontrer, monsieur Vasselle, vous ne ne démontrez rien, vous faites de
la démagogie !
(Exclamations sur certaines travées du RPR et des
Républicains et des Indépendants.).
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Ah non ! De la pédagogie !
M. Gilbert Chabroux.
Vous ne proposez rien, vous contestez tout !
M. Claude Domeizel.
C'est vrai !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Nous faisons ressortir la vérité et la réalité des choses
!
M. Gilbert Chabroux.
S'il est, pourtant, des chiffres incontestables, ce sont ceux des déficits
vertigineux laissés par la droite en 1997.
M. Claude Domeizel.
C'est exact !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Vous n'avez que cette réplique à la bouche, mais vous n'avez
rien d'autre à nous proposer !
M. Gilbert Chabroux.
Je sais que cela ne vous fait pas plaisir qu'on le dise, mais vous avez laissé
un déficit cumulé de 265 milliards de francs. Voilà la vérité !
M. Claude Domeizel.
Oh oui !
M. Gilbert Chabroux.
Pour l'année 1997, ce sont 34 milliards de francs, dont 14,5 milliards de
francs pour la branche famille. Le constat qui s'imposait alors, et les
Français l'ont fait, était un constat de faillite. Vous avez déposé le bilan
!
(Exclamations sur certaines travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Claude Domeizel.
Vous avez été sanctionnés !
M. Gilbert Chabroux.
La droite a la mémoire courte ! Elle est bien mal placée pour dénoncer le
projet de loi de financement qui nous est présenté. Il a fallu réparer ses
erreurs. Elle devrait maintenant plutôt se réjouir que l'équilibre des comptes
ait été retrouvé...
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Non, il n'est pas retrouvé, c'est faux !
M. Gilbert Chabroux.
... et consolidé.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
C'est faux !
M. Gilbert Chabroux.
D'ailleurs, monsieur Vasselle, n'est-ce pas une façon de reconnaître que la
situation s'est inversée que de s'interroger, comme l'ont fait pesamment les
rapporteurs, sur l'affectation des excédents, particulièrement ceux de la
branche « famille » ? De telles questions ne pouvaient évidemment pas se poser
en 1997, parce qu'il n'y avait pas d'excédent à répartir : il n'y avait que des
déficits à combler !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Et aux dépens des familles, on a retrouvé l'équilibre !
M. Gilbert Chabroux.
J'y viens.
On peut donc maintenant s'interroger : sachant que l'argent de la sécurité
sociale est l'argent de tous, est-il normal ou anormal qu'il y ait des
transferts entre branches, si ces transferts sont fondés sur la
solidarité,...
M. Alain Gournac.
Des engagements ont été pris !
M. Gilbert Chabroux.
... particulièrement celle qui doit exister entre les générations ? A
condition, bien sûr, que les besoins les plus importants de la branche
excédentaire soient d'abord satisfaits.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Ce qui n'est pas le cas !
M. Gilbert Chabroux.
Dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, les
transferts d'une partie des excédents de la branche « famille » au fonds de
solidarité vieillesse et au fonds de réserve pour les retraites n'obèrent en
rien les mesures nouvelles en faveur des familles.
Faut-il rappeler que la politique familiale bénéficiera de mesures
particulièrement importantes, avec la création d'un congé de paternité - vous
l'acceptez du bout des lèvres -...
M. Alain Gournac.
Payé pour la moitié par les entreprises !
M. Gilbert Chabroux.
... avec une nouvelle dotation de 1,5 milliard de francs en faveur de la
création d'équipements pour la petite enfance - vous l'acceptez également du
bout des lèvres - ...
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Dotation financée par la sécurité sociale !
M. Gilbert Chabroux.
... avec l'augmentation de 6 milliards de francs sur quatre ans des crédits du
fonds national d'action sociale de la CNAF, avec la majoration importante de
l'allocation de présence parentale, qui sera portée au niveau du SMIC, avec la
réforme de l'allocation de rentrée scolaire pour les familles dépassant un peu
le seuil, sans oublier la revalorisation de 2,2 % de la base mensuelle des
allocations familiales. Excusez du peu !
La politique familiale qui a été menée et, bien sûr, la croissance économique
et la confiance retrouvée ont permis une hausse sensible de la natalité, de
l'ordre de 5 % en 2000, soit la plus forte hausse enregistrée depuis vingt
ans.
M. Alain Gournac.
C'est bientôt grâce à eux !
M. Gilbert Chabroux.
L'indice de fécondité, qui atteint 1,89, place la France au premier rang en
Europe, à égalité avec l'Irlande. La droite ne pouvait pas rêver mieux, elle
qui appelait de ses voeux une politique nataliste et qui n'avait pas pu obtenir
un tel résultat, y compris avec sa loi « famille » de 1994. Mais il est vrai
que cette loi avait été financée à crédit !
M. Bernard Murat.
C'est la croissance !
M. Gilbert Chabroux.
Ainsi, la réduction du quotient familial, qui a été ramené à un niveau plus
juste, et la diminution de l'AGED n'ont pas eu les effets désastreux qui
avaient été annoncés.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Si, mais vous ne les mesurez pas !
M. Gilbert Chabroux.
Contrairement à ce que dit M. Jean-Louis Lorrain, il n'y a rien de mystérieux
dans ce renouveau des naissances. Aussi, le rapporteur me paraît bien mal
inspiré lorsqu'il déclare qu'« il peut sembler paradoxal que, disposant de
toujours moins de moyens, les familles ne soient pas découragées ». Et M.
Lorrain d'évoquer un effet « tempête », ce qui ne me semble pas
particulièrement sérieux, compte tenu de la gravité des problèmes dont nous
débattons aujourd'hui.
M. Jean-Louis Lorrain,
rapporteur.
C'est faux, je n'ai pas parlé de cela ici !
M. Gilbert Chabroux.
Non, mais vous l'avez fait en commission.
M. Jean-Louis Lorrain,
rapporteur.
Vous confondez démographie et reproduction !
M. Gilbert Chabroux.
Monsieur le président, si M. Lorrain souhaite m'interrompre, il pourra
confirmer les propos qu'il a tenus !
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur Chabroux.
M. Gilbert Chabroux.
Les familles ne sont pas découragées, monsieur Lorrain.
Lors de son audition devant la commission des affaires sociales, la présidente
de la CNAF a constaté que notre politique familiale « permet aux femmes de
travailler, d'avoir des enfants, de s'arrêter de travailler avec l'allocation
parentale d'éducation, et de reprendre le travail, de faire garder leurs
enfants avec différentes aides », ajoutant que « le système n'est donc pas si
mauvais que cela ».
Elle a considéré aussi, d'une manière plus nuancée, à propos du financement du
fonds de réserve pour les retraites, que « l'on est dans le cadre d'une
solidarité intergénérationnelle » et, plus loin, que certains « admettent qu'il
y ait une forme de contribution ».
M. Alain Gournac.
C'est pour cela que la CNAF a voté pour !
M. Gilbert Chabroux.
Mais la politique familiale peut aller encore plus loin et franchir de
nouvelles étapes.
Il serait bon, par exemple, me semble-t-il, d'étudier la possibilité
d'attribuer des allocations familiales dès le premier enfant. Cependant, et
sans remettre en cause le principe d'universalité, il conviendrait de le faire
en fixant certaines clauses restrictives - quotient familial, conditions de
ressources - comme pour l'allocation de rentrée scolaire.
Je souhaiterais aussi, comme M. Lorrain, que soit mieux pris en compte le
problème des jeunes adultes déstructurés : le temps libre des jeunes est devenu
un enjeu important.
M. Joseph Ostermann.
Ah !
M. Gilbert Chabroux.
La famille est, nous le savons bien, le cheval de bataille du Président de la
République et de la droite.
M. Bernard Murat.
C'est vrai !
M. Gilbert Chabroux.
Il y a encore des améliorations à apporter, mais mesurons bien ce que la
gauche a accompli avec une véritable politique familiale et que la droite n'a
pas pu faire !
(Exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
Il est un autre cheval de bataille : le FOREC et les 35 heures ! Nous avons
entendu les rapporteurs parler, sans l'ombre d'une nuance, de « détournement de
fonds », de « manipulation » des comptes de la sécurité sociale. Or, il se
trouve que les comptes de la sécurité sociale n'ont jamais été aussi clairs. La
Cour des comptes, elle-même, a souligné l'effort de clarification qui a été
accompli. Ainsi, la réforme des droits constatés est entrée en vigueur dans
tous les organismes, et il faut apprécier tout particulièrement la
clarification du financement du FOREC pour les années 2001 et 2002, l'ensemble
des allégements de charges financés par le FOREC étant exactement équilibré par
des recettes fiscales.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Ce n'est pas vrai !
M. Gilbert Chabroux.
Est-il nécessaire de rappeler que, sur ces allégements de charges, ceux qui
sont imputables aux 35 heures ne représentent que 34,6 milliards de francs sur
102 milliards de francs, soit environ 35 % du montant total, le reste étant à
mettre au compte de la ristourne « Juppé-Balladur » et des mesures « de Robien
» ? N'oublions pas, de surcroît, qu'il s'agit, dans tous les cas, d'allégements
de charges patronales, et que cela fait beaucoup.
La question qu'il faut se poser, monsieur Vasselle, est celle de savoir si
vous êtes pour ou contre les allégements des charges patronales. Faut-il les
supprimer ou toujours les augmenter ?
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Très juste !
M. Joseph Ostermann.
Il faut les baisser !
M. Gilbert Chabroux.
Autre thème favori de la droite, les retraites.
Considérant l'année 2002 et le projet de loi de financement de la sécurité
sociale qui nous est présenté,...
M. Alain Gournac.
Cela vous concerne !
M. Gilbert Chabroux.
... nous constatons une nette amélioration. Chers collègues, nous devrions la
constater ensemble.
La branche vieillesse sera excédentaire d'un milliard d'euros alors qu'elle
était en déficit en 1997. M. Leclerc, rapporteur, s'est livré à des
démonstrations fumeuses pour prouver que, en 1997, le déficit n'était pas au
niveau indiqué. Moi, je relève qu'il a été constaté à ce niveau-là et que, pour
2002, en tout cas, nous aurons un excédent et que la situation de la branche «
vieillesse » sera saine.
Les retraites de base du régime général seront revalorisées de 2,2 % au 1er
janvier 2002, ce qui permettra une nouvelle progression de 0,3 % du pouvoir
d'achat. Entre 1997 et 2002, les retraités auront gagné 1,4 % de pouvoir
d'achat, et même 1,9 % pour ceux d'entre eux qui ne sont pas imposables.
Contrairement à ce qu'a dit M. Dominique Leclerc, rapporteur pour l'assurance
vieillesse, je ne vois pas en quoi cette revalorisation pourrait nuire
profondément à la lisibilité de l'action publique. Au contraire, il me semble
qu'il est juste, équitable que les retraités bénéficient aussi des fruits de la
croissance.
Il faut également apprécier qu'un dispositif soit mis en place pour garantir
aux chômeurs les plus démunis, âgés de moins de soixante ans et ayant cotisé
quarante ans, un revenu mensuel équivalant à une retraite comprise entre 5 000
francs et 5 750 francs, sans tenir compte des ressources du conjoint.
N'oublions pas que certains ont commencé à travailler dès l'âge de quatorze
ans dans des conditions difficiles. Je ne comprends pas que la droite veuille
supprimer ce dispositif.
Pour le plus long terme, il faut se réjouir de la montée en charge du fonds de
réserve pour les retraites, qui disposera déjà de 82,5 milliards de francs à la
fin de l'année 2002. La présidente du conseil d'orientation pour les retraites
a fait observer, lors de son audition par la commission des affaires sociales,
que l'objectif de 1 000 milliards de francs en 2020 n'avait rien d'irréaliste,
puisqu'il correspond à un effort moyen d'une trentaine de milliards de francs
par an.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Trente-cinq milliards de francs !
M. Gilbert Chabroux.
C'est bien ce que je dis, et ce que la présidente du COR annonce n'est pas
irréaliste. Certes, cela ne résoudra pas tous les problèmes qui se posent en
matière de retraites. On peut, en particulier, s'interroger sur le taux
d'emploi des plus de cinquante-cinq ans, qui est le plus bas de l'Union
européenne.
Reste que le fonds de réserve pour les retraites doit contribuer à préserver
le système de répartition contre le système de capitalisation voulu par la
droite. Comment peut-on encore parler de retraite par capitalisation et de
fonds de pension à l'anglo-saxonne lorsque l'on observe les fluctuations de la
Bourse ?
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Vous pouvez en parler !
M. Bernard Murat.
Et la fonction publique ?
M. Gilbert Chabroux.
Selon l'enquête exclusive réalisée, il y a quelques semaines, par le journal
Le Monde
,...
M. Alain Gournac.
N'importe quoi !
M. Gilbert Chabroux.
... enquête portant sur 1 730 000 personnes dans quarante entreprises, le
patrimoine moyen d'un salarié actionnaire a fondu de 40 % depuis le début de
l'année. La droite, qui n'a cessé de dénoncer l'imprévoyance du Gouvernement et
de prôner la mise en place de fonds de pension, devrait y réfléchir.
De même, elle devrait faire preuve de plus d'objectivité sur la branche «
maladie ».
Certes, des questions se posent, mais il ne faut pas tout rejeter en bloc : la
France, tout de même, a été classée premier pays au monde pour son système de
santé par l'Organisation mondiale de la santé. Il faut donc sortir d'une
appréciation purement comptable, monsieur Vasselle.
D'ailleurs, sur ce point, et uniquement sur ce point, je suis d'accord avec M.
About pour dire qu'il n'y a pas que les chiffres qui comptent, monsieur
Vasselle, vous n'avez parlé que de chiffres !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Je suis chargé des équilibres financiers !
M. Gilbert Chabroux.
Vous embrouillez tout le monde, alors que l'on devrait y voir parfaitement
clair. Vous ne voyez pas les déficits que vous avez créés ; mais vous en voyez
là où il n'y en a pas !
M. Alain Vasselle.
rapporteur.
Avez-vous maîtrisé le déficit de la branche maladie ? Non !
Alors, ne venez pas nous donner de leçons ! La branche maladie reste
structurellement déficitaire.
M. Robert Bret.
Quelle mauvaise foi !
M. Gilbert Chabroux.
Je vous demande de revoir vos démonstrations, qui n'ont vraiment rien de
probant.
Il y a eu, c'est vrai, les années précédentes et cette année encore, un
dépassement de l'ONDAM.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
C'est vrai !
M. Gilbert Chabroux.
Il a été nécessaire de le « rebaser » pour partir des dépenses réelles de
l'exercice précédent.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
C'est un aveu d'échec !
M. Gilbert Chabroux.
L'ONDAM « rebasé » sera de 3,9 % pour 2002. Vous dites qu'il faut le
supprimer, mais il faut bien un objectif pour que l'on essaie de s'en
rapprocher le plus possible. Et, s'il y a dépassement, cela ne signifie pas
pour autant qu'il y a dégradation.
Si l'on regarde la progression des dépenses d'assurance maladie sur une
moyenne période - quatre ou cinq ans -, on constate qu'elle n'a pas été plus
forte que celle de la richesse nationale ; et il faut bien tenir compte, comme
l'a souligné M. Joyandet, du vieillissement, des progrès de la médecine, du
coût des nouvelles molécules pour traiter certaines maladies.
L'activité des hôpitaux s'accroît de 2 % chaque année.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Alors, fixez des objectifs réalistes !
M. Gilbert Chabroux.
S'agissant des dépenses hospitalières, les protocoles signés par le ministère
de l'emploi et de la solidarité en mars 2000 et en mars 2001 avaient
nécessairement pour conséquence des dépassements de l'objectif. Qui voudrait
aujourd'hui remettre en cause ces protocoles ? Il faut répondre clairement !
Les problèmes concernent beaucoup plus les soins de ville : il faut
reconnaître que la « délégation de gestion » confiée à la Caisse nationale
d'assurance maladie pour les dépenses de ville n'a pas donné les résultats
escomptés. C'est un constat de la Cour des comptes !
Il faut sans aucun doute un autre mécanisme de régulation ; et à ce sujet,
madame la ministre, nous portons une attention toute particulière aux
propositions que vous avez présentées, notamment celle d'engagements
conventionnels dans un cadre pluriannuel pour redonner toute sa valeur au
contrat qui doit lier les professionnels de santé aux caisses d'assurance
maladie. Nous souhaitons vivement que les négociations engagées sur ce «
nouveau contrat » puissent déboucher prochainement sur un accord.
Il faut aussi s'interroger sur la part du médicament dans les dépenses de
santé et sur l'augmentation de 7,7 % des dépenses pharmaceutiques en 2001.
C'est tout à fait excessif ! L'essentiel du dépassement de l'ONDAM provient de
ces dépenses. Les ventes de produits génériques ne représentent que 3,1 % des
ventes de médicaments. Nous sommes très loin des autres pays ! Comment
comprendre et accepter que la situation soit aussi variable d'un département à
l'autre, l'écart pouvant aller de un à trois, et même d'une officine à l'autre,
avec un écart qui va de 3 % à 87 % ? Il est bon d'inciter les médecins à
prescrire en dénomination commune internationale, mais cela n'est pas suffisant
: il faut pouvoir changer les comportements en faisant davantage appel à la
citoyenneté.
En revanche, nous considérons que des dépenses supplémentaires sont
nécessaires pour mieux rembourser les soins dentaires. Nous pensons en
particulier aux soins les plus lourds, qui sont très mal pris en charge et
facturés très cher. Il faudrait une tarification de référence de ces actes,
telles les prothèses dentaires, alors qu'aujourd'hui règne une liberté des prix
quasi totale. La part des honoraires avec dépassement, qui atteint 50 % du
total de la dépense, est supportée à 31 % par les seuls ménages.
L'Assemblée nationale a voté des dispositions rendant les examens
bucco-dentaires obligatoires pour les enfants à l'âge de six ans et de douze
ans ; ces examens seront entièrement pris en charge par les caisses d'assurance
maladie. C'est une avancée, importante pour la prévention, qu'il faudrait
prolonger en améliorant le remboursement des soins.
Nous nous interrogeons aussi sur l'hôpital public, même si l'ONDAM est porté à
4,8 % - à 3,6 % hors RTT -, donc en augmentation sensible par rapport à l'an
dernier, où il était de 3,3 %, et par rapport aux années précédentes.
Rappelons-nous qu'en 1997 il était de 1,15 % ! Là aussi, c'est l'héritage ;
malheureusement, les efforts accomplis n'ont pas permis de résorber entièrement
les effets de la politique de restriction enclenchée par le plan Juppé.
M. Joseph Ostermann.
Oh !
M. Gilbert Chabroux.
C'est pourtant évident !
L'investissement a pris beaucoup de retard, et les crédits pour les dépenses à
caractère médical sont insuffisants. Enfin, il faut le dire, l'hôpital est
victime de son propre succès.
Les moyens supplémentaires que vous avez annoncés à l'Assemblée nationale,
madame la ministre, sont importants : 3 milliards de francs de crédits
supplémentaires et 900 millions de francs d'accélération de crédits déjà
existants. Ce qui est important, aussi, c'est qu'une partie de ces crédits
pourra être utilisée très rapidement et permettra de répondre aux besoins les
plus urgents.
Nous insistons sur les problèmes de personnel. La dotation de 1 milliard de
francs supplémentaires au fonds de modernisation des établissements de santé,
le FMES, permettra de financer des actions de formation et de promotion
professionnelles, ce qui facilitera la montée en charge des 45 000 créations
d'emplois liées aux 35 heures. Mais est-ce suffisant ? Quel sera le rythme des
recrutements ?
Nous sommes préoccupés par les insuffisances de fonctionnement dans de
nombreux services de soins, qui doivent pourtant fonctionner 24 heures sur 24
et 365 jours par an. Il y a, je le redis, un important retard à rattraper.
Le secteur de l'hospitalisation privée ne subit pas les mêmes contraintes ni
les mêmes charges que l'hôpital public. Cependant, nous ne pouvons pas être
insensibles aux problèmes de rémunérations qui se posent pour les personnels
non médicaux, et nous apprécions l'effort réalisé par l'Etat pour une remise à
niveau, sous réserve d'une plus grande transparence de la situation des
cliniques privées.
Enfin, je ne veux pas oublier, dans ce tour d'horizon du projet de loi de
financement de la sécurité sociale pour 2002, les diverses mesures permettant
d'améliorer le dispositif actuel de réparation des accidents du travail et des
maladies professionnelles, ni les dotations au fonds d'indemnisation des
victimes de l'amiante. Nous reviendrons au cours du débat sur cette question
très importante.
La politique à l'égard des personnes handicapées, particulièrement des
autistes, bénéficie aussi de moyens supplémentaires importants.
D'une manière générale, les avancées sont nombreuses et importantes dans tous
les secteurs.
Madame la ministre, le groupe socialiste soutient totalement le projet de loi
de financement de la sécurité sociale pour 2002, qui s'inscrit dans la
continuité de la politique engagée par le Gouvernement depuis 1997 pour
consolider notre protection sociale.
Ce texte fait de la santé l'une des priorités de l'action publique, tout en
contribuant à l'amélioration des conditions de travail des personnels de santé.
Ses dispositions prolongent, en affirmant de nouveaux droits, les mesures
adoptées avec les quatre lois précédentes et dessinent des perspectives
d'avenir.
La politique de croissance et les mesures structurelles engagées depuis quatre
ans ont permis de doter la sécurité sociale d'un financement stable et durable.
Même en prenant en compte l'année 1998, comme le demande M. Vasselle dans son
rapport, on atteint un quasi-équilibre du régime général. Vous avez même fait
remarquer, monsieur le rapporteur, que, à un epsilon près, le budget de la
sécurité sociale dépassait 2 000 milliards de francs. Vous multipliez par cinq
et vous faites une règle de trois !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Il y a un écart de 6,7 milliards de francs quand on prend en
compte les mesures de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002.
Ce n'est pas moi qui parle d'équilibre, c'est Mme le ministre !
M. Gilbert Chabroux.
C'est donc un équilibre retrouvé et consolidé.
Il faut saluer la bonne gestion du Gouvernement, grâce à laquelle il a pu
financer des avancées majeures en matière de protection sociale, comme la
consolidation du régime de retraite par répartition par la création du fonds de
réserve pour les retraites ; la modernisation de la politique familiale, avec
l'instauration du congé paternel ; la mise en place d'un revenu mensuel pour
les chômeurs les plus démunis âgés de moins de soixante ans et ayant cotisé
quarante ans.
Nous approuvons tout particulièrement les financements supplémentaires
accordés à l'hôpital public, qui permettent aux professionnels de santé de
travailler dans de meilleures conditions au service des patients.
Le groupe socialiste vous apportera donc son soutien total, madame la
ministre, tout au long du débat qui va s'engager.
Nous souhaitons vivement que ce texte soit examiné avec beaucoup de lucidité,
d'objectivité et de sincérité par l'ensemble des groupes qui constituent notre
Haute Assemblée.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac.
Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers
collègues, qu'a fait le Gouvernement des fruits de la période de croissance
économique que notre pays connaît, mais qui, hélas ! faiblit actuellement ?
Qu'a-t-il fait du talent des Français et de leurs entreprises ? Oui, qu'en
a-t-il fait pour qu'à l'issue d'une telle période la sécurité sociale se trouve
dépourvue de toute réserve pour affronter une conjoncture qui s'annonce pour le
moins délicate ?
A l'examen de la présentation des recettes et des dépenses du régime de la
sécurité sociale pour 2002, il apparaît que les prévisions de recettes sont
établies à partir d'hypothèses d'évolution de la croissance économique
surestimées. Quant aux dépenses prévisionnelles de l'assurance maladie, elles
sont bien souvent sous-estimées.
Peut-on, pour les recettes, se fonder sur un taux de croissance de 2,5 %,
alors que le rythme était de 0,8 % au quatrième trimestre de 2000 et de 0,3 %
au deuxième trimestre de 2001 ? Encore était-ce avant que le monde n'ait été
secoué par les terribles attentats du 11 septembre, qui sont venus bouleverser
toutes les données.
Peut-on s'appuyer sur une augmentation de la masse salariale de 5 %, alors que
la courbe du chômage est repartie à la hausse depuis le mois d'août dernier
?
Les chiffres présentés dans le projet de loi sont donc fortement sujets à
caution.
En ce qui concerne les dépenses, les revalorisations de 1,9 % des prestations
vieillesse et de 2,1 % des prestations famille ont été établies à partir de
l'évolution prévisionnelle des prix pour 2002, avec correction de l'écart
constaté au cours de l'année 2001.
Quant à l'objectif d'un taux de progression de 3,8 % pour l'assurance maladie,
il s'avère irréaliste. En effet, les dépenses ont augmenté de 5 % pendant les
huit premiers mois de l'année, et on voit difficilement comment les prévisions
seront respectées.
Par ailleurs, vous ajoutez le financement des 35 heures dans les hôpitaux, qui
représente 45 000 emplois sur trois ans, ainsi que l'enveloppe récemment
débloquée en urgence pour venir en aide aux cliniques privées.
L'équilibre annoncé des comptes de la sécurité sociale est donc fortement
compromis par l'effet « ciseau » qui ne manquera pas de se produire entre les
recettes et les dépenses.
Or, malgré la mauvaise santé financière de la sécurité sociale, la nécessité
de trouver des recettes supplémentaires pour le FOREC, qui finance les 35
heures, a conduit le Gouvernement à prélever de nouvelles ressources sur la
branche maladie et sur la branche famille.
Lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour
2001, la majorité sénatoriale avait dénoncé un système de tuyauterie
extrêmement compliqué permettant d'organiser une ponction massive sur la
sécurité sociale. Elle avait également dénoncé l'insidieuse transformation des
lois de financement de la sécurité sociale en « lois de financement des 35
heures ».
(M. Muzeau proteste.)
Le projet de loi de financement de la sécurité
sociale pour 2002 s'inscrit dans la même logique.
Il faut rappeler que le dispositif de financement des exonérations de
cotisations patronales de sécurité sociale a été irrémédiablement bouleversé et
compromis à compter de l'année 2000, c'est-à-dire à la date d'entrée en vigueur
effective des nouveaux « allégements des 35 heures ».
En effet, jusqu'en 2000, ces exonérations étaient compensées à la sécurité
sociale par le budget de l'Etat. Le système présentait l'avantage de la
transparence et plaçait l'Etat et la sécurité sociale face à leurs
responsabilités respectives.
Entraient dans ce dispositif la réduction dégressive sur les bas salaires,
dite « ristourne Juppé », l'allégement en faveur de l'incitation à la réduction
collective du temps de travail, dite « exonération Robien », l'aide incitative
de la loi dite « Aubry I », les exonérations des cotisations d'allocations
familiales pour les salariés des exploitants agricoles et de certaines
entreprises.
Le Gouvernement a donc trouvé une solution ingénieuse : il a mis la sécurité
sociale à contribution par l'intermédiaire du FOREC. Or la direction du budget
précise dans une note du 17 février 2001 : « Le dispositif permanent d'aide à
la réduction du temps de travail ne doit pas représenter un surcoût net pour
les finances publiques. »
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Bonne référence !
M. Alain Gournac.
Aussi, le Gouvernement est allé chercher l'argent ailleurs et a commencé en
2000 à ponctionner la sécurité sociale.
Il a même innové cette année en rouvrant les comptes de l'année 2000, pourtant
déjà clos, afin d'annuler une dette du FOREC au régime général, et ce dans un
souci de transparence.
Le coût direct cumulé des 35 heures pour la sécurité sociale s'élève ainsi,
pour les années 2000 à 2002, à 85 milliards de francs. Ce sont donc 85
milliards de francs qui n'iront pas à l'amélioration de l'offre et de la
qualité des soins, qui n'iront pas au relèvement des prestations familiales,
qui n'iront pas abonder les réserves indispensables pour les retraites.
Ainsi, le Gouvernement réussit le tour de force de faire supporter aux régimes
de base de la sécurité sociale le coût de sa politique pour l'emploi, dont les
effets positifs sur la réduction du chômage restent à prouver.
La branche de la sécurité sociale sans doute la plus malmenée depuis trois ans
est la branche famille. En déficit jusqu'en 1998, elle a été victime d'une
baisse des recettes due à une croissance économique ralentie, mais également à
une politique dynamique en faveur des enfants et des familles en général.
Depuis 1999, elle a renoué avec les excédents, mais ces excédents n'ont pas
été redistribués aux familles.
Comme l'ont exposé nos différents rapporteurs, la politique du Gouvernement
pour 2002 s'inscrit dans la continuité des années précédentes : une diminution
des prestations servies aux familles afin de pouvoir réorienter les excédents
vers d'autres priorités du Gouvernement.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Bien !
M. Alain Gournac.
La politique familiale n'est donc pas une priorité pour la majorité plurielle.
Les administrateurs de la CNAF en sont d'ailleurs persuadés, monsieur Chabroux,
puisqu'ils ont « voté » massivement contre le projet de loi de financement de
la sécurité sociale pour 2002. Les associations familiales - il faut aussi les
rencontrer - sont pour leur part ulcérées de ces décisions qui privent
durablement la branche famille de moyens financiers. Elles déplorent également
le transfert de nouvelles charges : la prise en charge définitive de la
majoration d'allocation de rentrée scolaire et la majoration de pension de 10 %
pour les parents ayant élevé trois enfants et plus.
M. Bernard Murat.
Eh oui !
M. Alain Gournac.
Les deux seules mesures positives de ce texte, en dehors de leur caractère
emblématique, ne sont guère coûteuses pour le Gouvernement.
Je veux parler, d'une part, du congé parental instauré en faveur des jeunes
pères, dans la limite du plafond de la sécurité sociale, à charge pour les
entreprises de compléter si elles le souhaitent les salaires au-delà de ce
plafond, et, d'autre part, de l'abondement du fonds d'investissement pour les
places en crèche à charge - il fallait y penser ! - pour les collectivités
locales de compléter les sommes nécessaires pour ces projets aux coûts de
fonctionnement notoirement très élevés. Tous les élus locaux le savent. Ce sont
de beaux cadeaux, mais ce sont les collectivités locales qui paient !
On déplore que, une fois encore, le Gouvernement ne veuille promouvoir que les
modes de garde collectifs. Le choix d'une garde individuelle, que font
certaines familles, est totalement ignoré par le Gouvernement.
Au moment où la branche famille renoue avec des excédents, il nous paraît
important de lui rétrocéder les fonds disponibles et de mettre en oeuvre une
politique familiale innovante.
Celle-ci pourrait emprunter les pistes suivantes : le rétablissement du
plafond du quotient familial ; le rétablissement du montant de l'allocation de
garde d'enfant à domicile, l'AGED, à son niveau initial ; l'étude de la
création d'une allocation de libre choix de garde permettant aux familles de
mieux concilier vie professionnelle et vie familiale ; la mise en place d'aides
en faveur des grands enfants qui font des études, car, je le dis à nouveau ici,
cela coûte très cher ; enfin, la reconnaissance de la place des grands-parents
dans la famille.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 poursuit
malheureusement dans la même voie que les lois précédentes : fragilisation
extrême des comptes sociaux dans un contexte désormais dégradé et immobilisme
malgré la nécessité de réformer notre système de protection sociale afin de
garantir son avenir.
Je ne peux donc qu'approuver les propositions de nos rapporteurs - et je tiens
à saluer ici leur excellent travail - tendant à restituer à la sécurité sociale
l'ensemble des recettes qui lui ont été, directement ou indirectement,
confisquées afin de lui donner les marges de manoeuvres indispensables à
l'amélioration de notre protection sociale.
Enfin, je dirai à notre collègue Guy Fischer que je partage ses interrogations
car il a exprimé de réelles préoccupations.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste. - M. le rapporteur applaudit également.)
M. Roland Muzeau.
Même sûr l'introduction des cliniques en Bourse ?
M. le président.
La parole est à M. Franchis.
M. Serge Franchis.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, beaucoup de
choses ont déjà été dites à ce stade de la discussion.
Je vous ai écoutée avec attention, madame la ministre : vous ne m'avez pas
convaincu, notamment à propos des moyens dont vous disposez.
S'agissant de l'ONDAM, je voterai évidemment l'amendement de suppression
présenté par la commission des affaires sociales, car la présentation comptable
adoptée par le Gouvernement est tronquée.
Ainsi, le taux de progression annoncé cette année est de près de 5 % alors
que, à elles seules, les dépenses de soins de ville augmentent de 6,3 % et que
la croissance du poste médicament est de 7,7 %. Comme le démontre M. Vasselle,
l'augmentation globale de l'ONDAM en 2001 sera bien supérieure aux chiffres
avancés. Que dire pour 2002, ne serait-ce qu'à cause de l'incidence du passage
aux 35 heures dans la fonction publique hospitalière...
Autre thème abordé : le financement du FOREC. Nous pensions que la loi de
financement de la sécurité sociale pour 2001 avait atteint des sommets en
matière d'obscurité avec la multiplication des artifices et des mesures
rétroactives avec affectation d'excédents des années passées. Le nouveau projet
de loi bat cependant tous les records en la matière, notamment en ce qui
concerne le fonds de solidarité vieillesse et l'assurance maladie.
Ces artifices enlèvent toute réalité aux excédents affichés par le
Gouvernement, et je crois qu'une réforme des règles présidant à l'élaboration
des lois de financement est désormais nécessaire. Nous devons revenir à
l'esprit de leurs concepteurs, soucieux de rendre plus lisible le système de
protection sociale pour les Français et pour la représentation nationale.
Permettez-moi d'aborder, comme nombre de mes collègues, une autre source
d'inquiétude : les grandes difficultés que connaissent à l'heure actuelle les
établissements de soins.
Alors que les dépenses de soins s'envolent, on assiste dans notre pays à
l'émergence de nouveaux besoins, et tout d'abord de nouveaux besoins en
équipements. Ainsi, pour l'imagerie médicale, la France se situe juste devant
la Turquie avec trois IRM par million d'habitants, contre quatorze en
Allemagne. Même chose pour les soins palliatifs puisqu'un tiers seulement des
besoins sont couverts.
Quant à la radiothérapie, une récente enquête de la Caisse nationale de
l'assurance maladie des travailleurs salariés, la CNAMTS, constate que moyens
matériels et humains font défaut. L'actuelle carte sanitaire de la
radiothérapie anticancéreuse a été fixée par un arrêté ministériel du 25
février 1986 sur la base d'un ratio des besoins plus ancien encore puisqu'il
remonte à 1973 ! Or les centres de radiothérapie devront prendre en charge,
d'ici à cinq ans, 200 000 traitements par an. Ils assurent en moyenne
aujourd'hui 500 traitements par machine et par an, alors que les
recommandations admises pour garantir la qualité du traitement et le confort
des malades sont de l'ordre de 300. Il est donc urgent, et vous l'avez reconnu,
madame la ministre, que l'indice des besoins soit révisé.
S'agissant des personnels hospitaliers publics, on peut légitimement
s'interroger sur l'opportunité de réduire le temps de travail alors que des
milliers de médecins et d'infirmières supplémentaires seraient nécessaires. Si
la situation perdure, ne risque-t-elle pas d'avoir des incidences sur la
qualité et la sécurité des soins ?
Autre exemple d'insuffisance de l'actuelle politique de santé publique : la
lutte contre le cancer. La mission d'information de la commission des affaires
sociales, conduite par Claude Huriet et Lucien Neuwirth, a rendu des
conclusions qui dénoncent, là encore, le manque de moyens humains et
financiers, ainsi que des inégalités dans l'accès aux soins et une insuffisance
de l'effort de recherche. Je rappelle pour mémoire qu'une étude fait état d'une
progression de 40 % du nombre de cas annuels de cancers entre 1975 et 1995,
avec 239 000 nouveaux cas par an, et qu'elle prévoit 300 000 nouveaux cas par
an entre 2005 et 2009.
C'est là tout le paradoxe de la situation de la santé : des dépenses
d'assurance maladie qui explosent mais des priorités qui restent
insatisfaites.
Toujours en matière d'assurance maladie, je me permets, madame la ministre, de
vous interroger sur un sujet qui inquiète fortement le monde mutualiste.
L'article 4 de l'ordonnance du 19 avril 2001 portant réforme du code de la
mutualité a fixé à un an le délai au cours duquel les organismes mutualistes
doivent se mettre en conformité avec les règles de ce code. Or les
restructurations internes entreprises à cet effet par les mutuelles, en
particulier pour respecter le principe de spécialité, leur imposent des
contraintes particulièrement lourdes, qui, de surcroît, sont de nature à entrer
en conflit avec les principes statutaires qui règlent leur fonctionnement
démocratique.
C'est pourquoi les mutuelles souhaitent obtenir le report du délai qui leur
est accordé pour se conformer aux dispositions du nouveau code. Madame la
ministre, je souhaiterais connaître la position du Gouvernement sur cette
question.
Enfin, je rappellerai quelle est la situation des régimes de retraite. Comme
l'indiquait récemment le Conseil d'orientation des retraites, les dépenses de
retraite pourraient représenter près de 16 % du produit intérieur brut en 2040,
soit 4 points de plus qu'aujourd'hui. Des déséquilibres financiers
considérables sont à prévoir dans l'ensemble des régimes de retraite. Si aucune
mesure n'est prise, le besoin de financement sera d'au moins 300 milliards de
francs par an !
Avec des perspectives aussi sombres, il semble peu crédible que le fonds de
réserve des retraites puisse couvrir les déficits futurs de la branche
vieillesse, d'autant que l'annonce d'une réduction très sensible du prix de
vente des licences UMTS compromet sa montée en charge. L'objectif des 1 000
milliards de francs en 2020 semble donc plus que jamais hypothétique.
Quant aux régimes spéciaux, un voile pudique a été posé par le Gouvernement
sur leurs difficultés. Les consultations annoncées par M. Jospin avec les
syndicats sont restées lettre morte.
En somme, et ce sera ma conclusion, le projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 2002 n'est pas à même d'apporter des solutions aux deux
grands défis des prochaines années : l'augmentation du coût des technologies
médicales et les problèmes démographiques.
Une politique alternative est donc indispensable. La majorité sénatoriale y
réfléchit, avec méthode et sans
a priori
. D'ores et déjà, les
rapporteurs des commissions des affaires sociales et des finances, que je
félicite pour leur excellent travail, font certaines propositions. Je voterai
en conséquence le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002
tel qu'il sera amendé par le Sénat.
(Applaudissements sur les travées de
l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais me
faire l'écho de la déception des retraités qui ont pris connaissance du modeste
contenu du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour ce qui
concerne la branche vieillesse.
Certes, sur l'une de leurs légitimes demandes, il y a eu une avancée depuis le
précédent budget : l'allocation personnalisée d'autonomie a enfin remplacé la
trop inégalitaire prestation spécifique dépendance. Je veux le répéter ici :
même si notre groupe attendait plus de l'instauration de l'allocation
personnalisée d'autonomie, il n'en a pas moins affirmé à cette même tribune
qu'elle constituait un progrès considérable par rapport au dispositif
antérieur, en ce qui concerne tant le nombre de bénéficiaires que le niveau des
aides.
Nous ne sommes pas des contradicteurs systématiques ; bien au contraire, nous
essayons toujours d'être constructifs, comme nous avons su le démontrer à de
nombreuses reprises.
Pourtant, madame la ministre, nous sommes perplexes lorsque nous entendons
réaffirmer la nécessité d'une réforme en profondeur de notre système de
retraites, alors que se perpétue l'habitude d'apporter quelques améliorations
ou « coups de pouce » qui ne sont pas en mesure de répondre à la demande de nos
anciens.
Le pouvoir d'achat des retraites n'est toujours pas réévalué de façon
satisfaisante. Après des années de disette - le mot n'est pas trop fort -
marquées par la politique de la droite
(exclamations sur certaines travées
de l'Union centriste)
, l'augmentation de 2,2 % des pensions faisant suite
cette année à l'augmentation de 2,2 % du minimum vieillesse intervenue l'an
dernier et la suppression de la CRDS pour les retraités non imposables ne
suffisent pas.
Les retraités ayant perdu plus de 10 % de pouvoir d'achat en une dizaine
d'années, comment ne pas entendre l'une de leurs revendications essentielles :
le retour à l'indexation des pensions sur les salaires, et non sur les prix
?
Lorsque l'on sait que les titulaires du minimum contributif perçoivent
aujourd'hui 43 % du SMIC - contre 63 % en 1983 -, comment refuser d'accorder un
relèvement important de ce minimum, ainsi qu'une augmentation significative des
plus faibles pensions ?
Par ailleurs, il nous semble contradictoire de prétendre améliorer les
conditions d'emploi des personnes de plus de cinquante-cinq ans tout en
maintenant le calcul de la retraite sur la base de vingt-cinq ans, au lieu des
dix meilleures années. C'est pourquoi nous confirmons aussi notre volonté de
revenir aux trente-sept annuités et demie pour tous.
De la même façon, nous sommes fermement convaincus de la validité de notre
amendement - maintes fois déposé - dont l'objet est de permettre aux salariés
de moins de soixante ans ayant cotisé cent soixante trimestres ou plus de
partir à la retraite à taux plein, quel que soit leur âge. Nous sommes donc
profondément déçus d'avoir vu cet amendement rejeté par le Gouvernement à
l'Assemblée nationale.
Enfin, mettre à profit l'excédent de la branche famille - domaine dans lequel
il reste tant à faire - pour abonder le fonds de réserve pour les retraites
nous pose problème, vous le savez. Cette démarche n'est-elle pas pernicieuse,
ainsi que l'est, plus généralement, le mode d'alimentation, décidément trop
fragile et trop arbitraire, de ce fonds ? Ce manque d'ambition pour ce fonds de
réserve ne finira-t-il pas par justifier, voire par imposer, l'instauration
d'une retraite à deux vitesses, avec l'introduction d'un système par
capitalisation ?
Je conclurai en réaffirmant, comme vous le faites, que la clé de la pérennité
de notre système de retraites par répartition est le développement de l'emploi.
Il convient donc de s'engager plus volontairement dans une politique de
réformes fiscales, de moralisation des placements spéculatifs ainsi que de
résorption de la précarité et des bas salaires.
Pour cela, nous ne pourrons faire l'économie de traiter parallèlement le grand
débat national sur l'avenir des retraites - promis par le Premier ministre en
1997 - en même temps que la consolidation réfléchie et planifiée d'une
politique de l'emploi pérenne.
A l'occasion de ce débat, madame la ministre, les sénateurs du groupe
communiste républicain et citoyen vont donc réaffirmer leur volonté de voir le
Gouvernement s'engager dès aujourd'hui dans la vaste réflexion qu'exigent la
situation de l'emploi et le taux de remplacement des salaires, à long terme,
dans notre pays.
Nous devons également nous positionner au regard des amendements de la
commission des affaires sociales dont les membres, dans une large majorité, se
soucient bien peu, contrairement aux apparences, des besoins forts en matière
de garanties pour l'avenir de notre système de retraite.
Mesdames, messieurs de la droite sénatoriale, obsédés par le désir de brader
le système par répartition...
M. Philippe Nogrix.
Mais non !
M. Roland Muzeau.
... au profit de la capitalisation, vous critiquez l'attentisme du
Gouvernement en ce domaine.
M. Robert Bret.
C'est vrai !
M. Roland Muzeau.
Déçus et dépités que ce dernier ait osé abroger la loi Thomas instituant les
fonds de pension, vous vous gardez bien d'évoquer le désastre boursier dont les
retraités sont victimes dans nombre de pays.
M. Philippe Nogrix.
Mais non !
M. Robert Bret.
C'est pourtant la vérité !
M. Roland Muzeau.
Madame la ministre, les salariés ne se font aucune illusion sur la capacité de
la droite à rénover le système des retraites ; ils ont tous présent à l'esprit
l'épisode du plan Juppé de 1995.
M. Robert Bret.
Hélas !
M. Roland Muzeau.
C'est donc bien au Gouvernement actuel que revient la responsabilité de
répondre aux attentes légitimes des Français.
M. Michel Mercier.
En effet !
M. Philippe Nogrix.
Cela fait cinq ans qu'ils attendent !
M. Roland Muzeau.
Tel est le sens des propositions formulées par le groupe communiste
républicain et citoyen.
(Applaudissements sur les travées du groupe
communiste républicain et citoyen, ainsi que sur plusieurs travées
socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Cazeau.
M. Bernard Cazeau.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la discussion
au Parlement, depuis 1997, du projet de loi de financement de la sécurité
sociale est, du fait de son importance - 1 950 milliards de francs à travers
ses branches -, un moment privilégié de la discussion de la politique de santé
et d'action sociale.
Ce sera le dernier de la législature. Mais, si j'en crois le projet de loi
relatif aux droits des malades, ce pourrait être aussi la dernière décision sur
l'objectif de dépense d'assurance maladie qui ne sera pas précédée d'un débat
sur les grandes orientations de cette politique. Je m'en félicite, comme, je
crois, tous les membres de notre assemblée, quelles que soient les travées sur
lesquelles ils siègent.
Comme vous l'avez dit, madame la ministre, ce projet de loi de financement de
la sécurité sociale s'inscrit dans la continuité des précédents et, dans bien
des domaines, il conforte, voire renforce, des mesures prises précédemment.
Nous noterons aussi qu'un certain nombre d'entre elles l'enrichissent.
De manière générale, je me félicite, moi aussi, des comptes sociaux consolidés
et durablement redressés, qui, grâce à une croissance bien accompagnée par une
politique forte de création d'emplois, dégage un excédent de 6,2 milliards de
francs entre 1998 et 2002 en droits constatés, et ce sans augmentation des
prélèvements ni réduction de la politique de santé à l'égard de nos
concitoyens. Calculé, selon le mode précédent, en encaissement et décaissement,
il dégage un excédent de 20 milliards de francs, que l'on peut rapprocher des
209 milliards de francs de déficit de la période 1994-1997.
Limitant mon propos au contenu de la branche assurance maladie, je me
féliciterai principalement de trois évolutions caractéristiques de ce budget :
la prévention, la politique du médicament et la modernisation des
établissements de santé. Je terminerai par quelques réflexions sur le cadre
conventionnel.
J'évoquerai, en premier lieu, la prévention. Regretter qu'elle ne soit pas
prioritaire est un vieux leitmotiv, et, cette fois encore, les critiques ne
sont pas rares à ce sujet.
Je soulignerai l'action menée vers les pathologies cancéreuses et notamment
celles qui touchent le plus fréquemment nos concitoyens. Je songe au cancer du
sein, avec une mammographie tous les deux ans à partir de cinquante ans. Je
songe également au cancer du colon, avec une expérimentation dès 2002 dans
vingt départements. Madame la ministre, à quand le dépistage du cancer de la
prostate, très fréquent chez l'homme et si souvent insidieux ?
J'y ajouterai l'accélération de la lutte contre les maladies infectieuses -
hépatite C et sida - les pratiques addictives et certaines maladies très
spécifiques, comme l'asthme et la mucoviscidose, sans oublier l'instauration de
la prévention dentaire pour 1,5 million d'enfants.
Tout cela constitue une approche globale et lie le traitement des pathologies
à une véritable prise en compte de la prévention tous azimuts.
J'aborde, en deuxième lieu, la politique du médicament. Nous savons que c'est
le secteur dans lequel le dérapage est le plus fort : 7,7 % en 2001, après un
peu plus de 11 % l'année précédente.
Nous savons aussi combien il est difficile, en France, de faire accepter le
générique par rapport à nos voisins européens, notamment allemands. Ainsi, il
représente 3 % des prescriptions en France, contre 35 % en Allemagne.
Aussi, le fait d'avoir la possibilité de prescrire en dénomination commune
internationale, et non plus uniquement en nom de marque, est une incitation
supplémentaire au développement des génériques, si, comme je l'espère, les
médecins français qui ne sont pas habitués à cette pratique veulent bien, les
prescrire. Il est certain que, dans le domaine de la prescription, la relation
médecin-malade est privilégiée et que c'est probablement par la négociation
dans le cadre plus général de la convention que l'on débloquera le système du
médicament générique.
Enfin, si la gestion du médicament par les prix a montré dans le passé une
certaine inefficacité et n'est pas toujours exempte de dangerosité, notamment
sur la recherche, un prélèvement sur la publicité souvent excessive et luxueuse
tel que le prévoit l'article 11 amendé me semble être une mesure judicieuse.
J'évoque, en troisième lieu, la modernisation des établissements de santé à
travers l'action menée à l'égard de l'hospitalisation publique et de
l'hospitalisation privée.
L'hôpital public, qui assure vingt-quatre heures sur vingt-quatre la plus
grande partie de l'activité médicale et une partie importante de l'activité
chirurgicale, tout en dispensant à travers l'université l'enseignement de la
plupart des professions de santé, voit ses conditions très améliorées par
d'importantes mesures que l'on peut décliner en deux rubriques. La première,
c'est la dotation 2002, qui augmente de 3,6 % hors RTT et de 4,8 % avec les 35
heures. La seconde, c'est la création de 45 000 emplois.
Vous nous avez également dit, madame la ministre, que les différents
protocoles de revalorisation de la profession hospitalière permettront de doter
l'hôpital public de 11,7 milliards de francs supplémentaires en 2001-2002, dont
3 milliards de francs de mesures nouvelles. Ce sera une véritable bouffée
d'oxygène, même si, pour certains, c'est encore insuffisant.
Les cliniques privées ne sont pas oubliées puisque leur dotation pour 2002
passe à 3,5 %. Rappelons qu'elle est trois fois supérieure à la dotation de
1997 et que les mesures nouvelles, après le dernier protocole signé ces jours
derniers, apporte 3,11 milliards de francs, dont 1,7 milliard de mesures
nouvelles, à ces établissements.
J'ai bien noté que la création d'un observatoire tripartite permettra une aide
différenciée et transparente et qu'une partie importante de ces sommes ira à la
masse salariale des personnels, notamment le personnel infirmier, à travers une
nouvelle convention collective.
Il nous reste à évoquer très rapidement la médecine de ville et les relations
avec les professions de santé.
Je voudrais tout d'abord saluer, madame la ministre, l'esprit de concertation
dont vous avez fait preuve en instituant, peu de temps après votre arrivée, un
« Grenelle de la santé » et en demandant à un comité des sages de réfléchir aux
mesures qui pourraient permettre un retour à la sérénité, qui, j'en conviens,
n'était pas la règle à votre arrivée.
Dans ce cadre, vous venez de faire treize propositions sur les soins de ville
réparties en deux grands volets. Le premier concerne la place des
professionnels de santé dans l'organisation des soins, le second la réforme du
cadre conventionnel.
Je ne m'attarderai pas sur le premier volet qui reprend un certain nombre de
propositions du comité des sages, notamment la création d'un observatoire de la
démographie médicale ou encore la création d'un haut conseil de la santé.
Certaines propositions sont reprises dans le présent projet de loi de
financement de la sécurité sociale, d'autres le seront dans le projet de loi
relatif aux droits des malades.
En revanche, je m'arrêterai un instant sur le cadre conventionnel, qui me
paraît être l'acte essentiel, résultat d'une négociation avec l'ensemble des
professionnels libéraux, et plus particulièrement les médecins.
L'architecture de la nouvelle convention me semble intéressante, en ce sens
qu'elle se décline au moins à trois niveaux : un socle conventionnel commun à
toutes les professions, auquel s'ajoutent, profession par profession, des
conventions collectives, prolongées elles-mêmes par des accords individuels.
Pour les deux premiers niveaux, cela pourrait être déjà une base d'acceptation
forte. Reste le troisième niveau de concertation individuelle qui, lui, pose
déjà problème pour un certain nombre de syndicats, notamment de médecins. Cela
étant dit, il faudra bien un jour prendre en compte, pour ces derniers, le
fossé qui, se creuse de plus en plus entre la pratique généraliste fondée sur
la relation médecin-malade et la pratique de spécialité assise sur le plateau
technique. Si l'on veut donner à chacune de ces pratiques la place qu'elle
espère dans notre système de santé, il faudra bien que les mentalités
évoluent.
La maîtrise médicalisée, souvent mise en avant, n'est pas le seul prolongement
de ce qui a existé. Elle doit être le fruit non pas de ceux qui s'accrochent
désespérément à des attitudes et à des pratiques du passé, mais d'une nouvelle
relation dans un cadre conventionnel commun où ceux qui voudront innover auront
la possibilité de contractualiser.
Madame la ministre, nous souhaitons que les propositions faites évoluent le
plus rapidement possible, ouvrant la possibilité de renoncer aux sanctions, qui
ne sont d'ailleurs pas appliquées depuis quelques mois, mais qui sont source
d'exacerbation de conflits.
Le soutien que nous apportons tant à votre action qu'à celle de l'ensemble du
Gouvernement ne pourra alors que s'amplifier à la mesure de l'énergie que vous
y mettez.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur
celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Domeizel.
M. Claude Domeizel.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues. Mon
intervention portera essentiellement sur la branche vieillesse de ce projet de
loi dont l'enjeu est important : ce texte représente en effet une masse
financière supérieure à celle du budget de l'Etat - 2 000 milliards de francs,
soit quelque 305 milliards d'euros - et, surtout, il conditionne de très près
la vie quotidienne de tous les Français.
S'agissant de la branche vieillesse, sur laquelle je vais essentiellement
intervenir, je suis heureux de constater que, en dépit du déficit important
dans lequel le Gouvernement actuel avait trouvé la branche vieillesse en 1997 -
54 milliards de francs -, cette dernière dégagera une capacité de financement
d'environ un milliard d'euros en 2002 ; c'est donc un grand soulagement pour
nous tous, que l'on approuve ou que l'on critique les mesures proposées, de
pouvoir enfin parler d'excédents.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Nous sommes dans le creux !
M. Claude Domeizel.
Je souhaiterais tout d'abord évoquer succinctement, en rapport avec la branche
maladie, l'article 18
septies
nouveau, résultant d'un amendement du
Gouvernement et tendant à favoriser l'installation des médecins et des
professionnels de santé dans les zones rurales et difficiles. Je tiens tout
particulièrement à en remercier le Gouvernement puisque j'en avais fait la
demande l'année dernière, à l'occasion du vote de la même loi ; mais je
reviendrai plus en détail sur ce sujet lors de la discussion des articles.
Parlons maintenant de la branche vieillesse.
Le Gouvernement propose, à l'article 26, une revalorisation des pensions de
2,2 % alors que l'inflation prévisionnelle s'élève à 1,5 % ; cela représente un
« coup de pouce » de 0,7 point, qui portera à 1,4 % le gain de pouvoir d'achat
des retraités depuis 1997. De plus, les retraités non imposables à l'impôt sur
le revenu, bénéficiant en 2001 de l'exonération de la contribution pour le
remboursement de la dette sociale, ou CRDS, verront leur pouvoir d'achat, sur
la même période, s'élever de 1,9 %. Les retraités imposables bénéficieront
quant à eux de la baisse des taux de l'impôt sur le revenu.
Je me réjouis de voir ainsi confortée la volonté d'associer les retraités aux
fruits de la croissance. Cependant, je me demande si une revalorisation du
minimum contributif n'aurait pas pu être envisagée cette année. Ce minimum
contributif, qui concerne un certain nombre de retraités, dont 85 % de femmes,
a subi une dégradation au fil des ans puisqu'il représentait 60 % du SMIC en
1983 contre 47 % aujourd'hui. Madame la ministre, un effort n'aurait-il pas pu
être consenti avec une revalorisation substantielle de ce droit ?
J'en viens maintenant au nouvel article 26 A qui concerne les demandeurs
d'emploi ayant épuisé leurs droits à l'allocation d'assurance. Ceux qui
justifieront, avant l'âge de soixante ans, d'au moins 160 trimestres validés se
verront reverser une allocation de solidarité spécifique majorée, soumise à des
conditions de ressources assouplies, et complétée par une allocation
supplémentaire d'attente, ou ASA, revalorisée. Le total de cette garantie, au
taux plein, se montera à 5 750 francs par mois. Il faut noter que le total des
ressources du bénéficiaire de l'ASA ne pourra être inférieur à 5 000 francs,
plancher qui ne tiendra pas compte des revenus du conjoint.
Voilà une mesure ciblée sur les plus démunis qui aidera les 100 000 RMIstes
répondant à ces critères à vivre dans des conditions décentes en attendant la
liquidation de leur retraite imminente.
Quant au départ à la retraite des salariés de moins de soixante ans ayant
cotisé quarante ans, le membre du Conseil d'orientation des retraites que je
suis comprend et approuve, madame la ministre, la sagesse dont vous avez fait
preuve, en renvoyant une telle mesure dans une réforme globale des retraites.
En effet, cette mesure, outre son coût, fait l'objet d'un débat de fond sur
lequel « planche » le Conseil d'orientation des retraites.
Comme l'a très bien expliqué, lors de son audition par la commission, Mme
Yannick Moreau, présidente du Conseil d'orientation des retraites, la question
de l'âge au travail est un préalable à toute réforme.
La France connaît l'un des plus faibles taux d'activité chez les personnes
âgées de plus de cinquante-cinq ans, soit 54 %. Il y a lieu impérativement de
promouvoir la prolongation de l'activité par des mesures de reclassement, par
exemple pour les emplois dits « pénibles », ou d'envisager de nouvelles
missions dans une seconde partie de la carrière. L'idée qu'un salarié de
cinquante-cinq ans est un salarié âgé qui n'aurait plus sa place sur le marché
du travail doit être combattue, ce qui ne signifie pas qu'il faille supprimer
les préretraites.
A ce propos, d'ailleurs, j'ai remarqué que le rapporteur de la branche
vieillesse, M. Leclerc, parle du Conseil d'orientation des retraites comme
d'une commission ; or il s'agit non pas d'une commission mais d'un conseil
permanent, qui s'inscrit dans un travail durable, sur une réforme qui ne sera
pas réglée une bonne fois pour toutes. Malheureusement, la réalité est plus
complexe et nécessitera une actualisation régulière des données sociales et
économiques, nécessaires à la prospective et au réajustement.
Je suis en tout cas persuadé que le COR s'attache à défendre les principes de
retraite par répartition affirmés par M. le Premier ministre, qui a déclaré à
juste raison que « la retraite par répartition est le patrimoine de ceux qui
n'ont rien » !
(Mme le ministre acquiesce.)
L'action gouvernementale, guidée par ces principes, s'articule autour de
plusieurs axes : concertation et progressivité, équité et solidarité entre les
régimes, respect de la diversité et de l'identité des régimes, anticipation et
précaution.
En tant que parlementaire faisant partie du Conseil d'orientation des
retraites, je peux garantir la qualité et la sérénité des débats, auxquelles,
certes, la présidente n'est pas étrangère.
Je regrette bien sûr que le MEDEF soit absent de ce lieu de débat. Faut-il
déduire de cette attitude de la chaise vide que le patronat se cantonne dans
l'immobilisme, à l'instar de la droite, largement représentée dans cette
assemblée ?
M. Michel Mercier.
Vous avez mis bien du temps pour en arriver là ! C'est un peu poussif !
M. Claude Domeizel.
Pour notre part, nous voulons être offensifs et ne pas nous limiter à des
solutions dangereuses pour les générations futures. Nous avons le devoir
d'explorer toutes les pistes autres que l'allongement de la durée de cotisation
ou l'instauration de formes de capitalisation soumises aux turbulences
boursières, néfaste pour le système de répartition. La loi Thomas, portée par
le gouvernement Juppé, a été abrogée, ce qui est une bonne chose. Les grandes
réformes ne se décrètent pas, comme le gouvernement Juppé en a fait l'amère
expérience en novembre 1995. Nous préférons le dialogue et le débat.
M. Bernard Murat.
Dans la rue !
M. Claude Domeizel.
Les semaines d'auditions, d'études et de débats permettront au Conseil
d'orientation des retraites de fournir son premier rapport au Gouvernement en
décembre prochain. Et qui dit premier rapport d'orientation sous-entend qu'il
sera suivi d'autres rapports, le Conseil d'orientation des retraites étant, je
le rappelle, inscrit dans la durée.
Je profite de cette intervention pour vous rappeler, madame la ministre, que
j'ai attiré votre attention sur les conséquences de l'arrivée à la retraite des
générations issues du
baby-boom.
En ma qualité de président d'un régime de retraite, j'ai pu constater que la
nature des prestations fournies évoluait, pour s'adapter à la demande tant des
préretraités que des retraités et pour satisfaire leurs exigences en matière de
besoins nouveaux.
Les retraités des années 2000, très différents de ceux des années 1950,
entretiennent avec leur caisse de retraite des relations multiples que les
nouveaux moyens de communication ont développées et amplifiées. La caisse des
dépôts et consignations, qui gère ce régime, a dû d'ores et déjà procéder à un
renforcement substantiel des services d'accueil, de renseignement et de
conseil, sur le plan tant quantitatif que qualitatif.
Toutes les caisses de retraite se trouvent confrontées à une augmentation de
la demande externe, laquelle se superpose, en interne, au renouvellement du
personnel, ainsi qu'à la nécessité de mettre en place une politique avisée de
gestion de ressources humaines adaptées à ces évolutions.
Ces quelques exemples montrent que la conduite d'une réflexion paraît
indispensable sous l'angle de la gestion et de la prise en compte des nouveaux
profils de nos très prochains retraités. Cette réflexion permettrait, en outre,
des échanges d'expériences entre les divers régimes et alimenterait le travail
du Gouvernement et du législateur en complément du Conseil d'orientation des
retraites ou de l'Observatoire de l'emploi public.
Permettez-moi d'évoquer maintenant quelques améliorations importantes qu'il me
semble nécessaire de souligner.
Il s'agit, en premier lieu, du nouvel article 26
bis
relatif à la prise
en compte par le régime général des périodes de service national, même si
l'intéressé n'a pas exercé une activité professionnelle avant son service
national. Voilà un avantage qui arrive à point nommé pour les nouvelles classes
d'âge de retraités, tout particulièrement concernées par cette mesure ; en
effet, à partir des années soixante, les hommes étaient souvent incorporés
avant leur premier emploi.
En second lieu, je veux évoquer l'article 26
ter
relatif à
l'assouplissement des conditions d'attribution de la majoration de la durée
d'assurance aux femmes ayant élevé plusieurs enfants. Cet article résulte -
faut-il le rappeler ? - d'un amendement voté à l'Assemblée nationale. En effet,
jusqu'à présent, et de façon très arbitraire, les femmes ayant perdu un enfant
avant le neuvième anniversaire de ce dernier ou ayant adopté un enfant de plus
de sept ans ne pouvaient bénéficier de la majoration de huit trimestres par
enfant. Grâce à cet article, cette injustice va enfin s'éteindre, et j'en suis
très satisfait.
Je ne voudrais pas oublier l'article 27, qui traite de l'achèvement de
l'intégration financière du régime des cultes au régime général de la sécurité
sociale, avec l'engagement du processus d'alignement de la situation des
assurés du régime des cultes sur celle des assurés du régime général,
s'agissant tant de l'assurance maladie que de l'assurance vieillesse.
J'en arrive maintenant, avec l'article 28, au fonds de réserve pour les
retraites, qui - je me permets de vous le rappeler - a été créé par le projet
de loi de financement de la sécurité sociale de 1999 afin d'assurer l'avenir
des retraites par répartition et de faire face aux déséquilibres de la période
2020-2040 en constituant une réserve financière s'élevant à 1 000 milliards de
francs en 2020. Ce fonds gérera les sommes qui lui sont affectées afin de
constituer des réserves destinées à contribuer à la pérennité des régimes
obligatoires d'assurance vieillesse des salariés, des professions artisanales,
industrielles et commerciales.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Tout cela figure dans le rapport Teulade !
M. Claude Domeizel.
Doté en 1999 de 2 milliards de francs, il disposait de plus de 20 milliards de
francs fin 2000 ; il disposera de près de 50 milliards de francs fin 2001 et de
85 milliards de francs en 2002. Cette somme est supérieure aux prévisions,
puisque, madame la ministre, vous n'aviez annoncé, l'an dernier, que 65
milliards de francs. Le fonds de réserve pour les retraites - c'était l'objet
d'un amendement que j'avais déposé -, érigé en établissement public
administratif et géré administrativement par la Caisse des dépôts et
consignations, trouvera son autonomie à compter du 1er janvier 2002. J'aimerais
d'ailleurs obtenir, madame la ministre, des détails sur cette mise en oeuvre,
notamment sur la parution du décret nécessaire.
Certes, le financement du fonds de réserve pour les retraites paraît complexe
à certains d'entre vous, même si l'ensemble non exhaustif des ressources
affectées à ce fonds sont définies par la loi. Pourtant, l'article 28 modifie
clairement l'alimentation du FRR en répartissant le prélèvement social de 2 %
assis sur les revenus financiers de la façon suivante : 20 % pour le FSV -
c'est inchangé -, 65 % pour le FRR au lieu de 50 % en 2001, et 15 % pour la
Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés, au lieu de
30 % en 2001.
Cette mesure permet d'abonder de 2 milliards de francs le fonds de réserve
pour les retraites.
Par ailleurs, en 2002, le fonds se verra également affecter, entre autres, le
produit de l'attribution des licences de téléphonie mobile. Nous ne pouvons
qu'en être satisfaits, même si les recettes s'annoncent inférieures à ce qui
était prévu.
J'insiste néanmoins sur le caractère pérenne que doivent revêtir les recettes
affectées à ce fonds ; elles ne doivent pas se limiter à des excédents
fluctuants en fonction de la situation économique.
M. Leclerc, rapporteur pour l'assurance vieillesse, après avoir douté, lors de
sa création, du bien-fondé du fonds de réserve pour les retraites, réclame à
cor et à cri des financements.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
On n'a pas remis le principe en cause !
M. Claude Domeizel.
Il va même jusqu'à regretter le « coup de pouce » aux retraites, qui serait un
manque à gagner pour le fonds. Les retraités apprécieront !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Ne nous faites pas dire ce que nous n'avons pas dit.
M. Claude Domeizel.
Je vous fais dire ce que vous avez dit !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Non, c'est faux !
M. Claude Domeizel.
Vous noterez que, si le Gouvernement sait, grâce au fonds de réserve pour les
retraites, préparer l'avenir, contrairement à ce que vous dites, il sait aussi
préserver le présent.
L'équilibre, certains savent le réaliser, d'autres non.
Paradoxalement, d'un côté vous réclamez des sommes pour le fonds de réserve,
de l'autre vous en supprimez ; je pense à votre amendement visant à supprimer
l'article 29, qui prévoit le transfert d'une part des excédents de la Caisse
nationale d'allocations familiales vers le fonds de réserve.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Vous n'avez pas été attentif à nos propos, monsieur
Domeizel.
M. Claude Domeizel.
Allons, mesdames, messieurs les sénateurs de droite, tout cela manque de
cohérence et de crédibilité !
Je ne pourrais conclure sans évoquer l'APA, l'allocation personnalisée
d'autonomie. Cette nouvelle allocation, créée par le gouvernement de Lionel
Jospin, permettra de mieux prendre en charge les actes de la vie quotidienne :
800 000 personnes âgées pourront prochainement en bénéficier alors que, jusqu'à
présent, les diverses aides attribuées aux aînés ne concernaient que 135 000
personnes.
M. Bernard Murat.
Ce sont les départements qui vont payer !
M. Claude Domeizel.
Désormais, la politique de solidarité s'étend au plus grand nombre et, à la
différence du système précédent, qui était beaucoup moins avantageux, l'aide
sera égale sur tout le territoire.
Favoriser l'aide à domicile où vivent 90 % des personnes âgées de plus de
soixante ans, c'est aussi encourager la création des emplois de service dans
les lieux d'habitation pour redynamiser le tissu social et favoriser l'emploi,
c'est créer de la croissance, donc dégager des excédents pour alimenter par
exemple le fonds de réserve.
Vous voyez, mes chers collègues, comme tout est lié !
J'ajouterai un mot sur la revalorisation des retraites agricoles. Un plan
pluriannuel, concernant plus de 800 000 personnes, a été lancé par le
gouvernement de Lionel Jospin dès 1997. Il permettra de porter en 2002 le
minimum de pension des retraités agricoles au niveau de retraite d'un salarié
ayant cotisé sur la base du SMIC. Cet effort sans précédent représente une
enveloppe de 28 milliards de francs en faveur des retraités agricoles les plus
démunis.
M. Bernard Murat.
C'est pour cela qu'ils manifestent !
M. Claude Domeizel.
Revalorisation des retraites, augmentation du pouvoir d'achat pour les
retraités, allocation d'attente pour les chômeurs de moins de soixante ans,
préparation de l'avenir avec le conseil d'orientation des retraites et le fonds
de réserve des retraites, prise en compte des personnes handicapées, étude sur
la politique relative aux conjoints survivants, APA..., je m'arrête !
M. Michel Mercier.
Il vaut mieux ! C'est un vrai catalogue !
M. Claude Domeizel.
Cela prouve que le Gouvernement a fait beaucoup pour les retraites.
Je m'étonne, et les Français s'étonneront aussi, de voir taxer le Gouvernement
d'immobilisme devant un projet de loi aussi large, couvrant les domaines
essentiels que je viens d'énumérer, devant un projet de loi aussi rassurant.
Je vous trouve particulièrement négatif, monsieur le rapporteur, quand vous
citez les trois conditions d'alimentation du fonds de réserve, les soupçonnant
d'être irréalisables. En tout cas, l'une des conditions, que vous n'avez pas
citée, est pour moi impérative : c'est que vous ne reveniez pas au pouvoir !
(Rires sur les travées socialistes. Exclamations amusées sur les travées de
l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Je suis confiant, pour l'ensemble des Français, quant au contenu de ce projet
de loi de financement de la sécurité sociale, qui s'inscrit tout naturellement
dans la logique du travail effectué jusqu'à présent, dans un objectif de
développement durable : les réformes nécessaires ne peuvent passer par une
seule mesure miracle ; c'est un ensemble de dispositions qui permettra de faire
face aux défis qui nous attendent, notamment celui des retraites.
Vous n'avez pas le droit de traiter le conseil d'orientation des retraites ou
le fonds de réserve des retraites de « piliers de la non-réforme des retraites
» car, vous, messieurs de la droite, qu'avez-vous fait pour les retraites ?
Vous souhaitez inciter chaque Français à garantir individuellement sa retraite
au risque d'amplifier les inégalités sociales devant la vieillesse : est-il
souhaitable d'inviter les Français à jouer une partie de leur retraite à la
roulette russe ?
(Exclamations sur les travées de l'Union centriste, du RPR
et des Républicains et Indépendants.)
M. Michel Mercier.
Ça c'est pour le PC !
(Sourires.)
M. Bernard Murat.
Monsieur le président, cela suffit !
M. Claude Domeizel.
Nous avons clairement affirmé notre refus de cette dérive individualiste,
libérale, mais surtout dangereuse, en abrogeant la loi Thomas sur les fonds de
pension initiée par le gouvernement Juppé, gouvernement que vous avez
soutenu.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
C'est ringard de parler de tout cela !
M. Claude Domeizel.
C'est bien de le rappeler. Cela vous gêne ?
M. le président.
Monsieur Domeizel, veuillez conclure.
M. Claude Domeizel.
L'immobilisme, messieurs de la droite, c'était avant 1997, alors que sans
aucune concertation vous avez mis en place un dispositif qui a précipité la
population dans les rues ! Vous avez d'ailleurs été sanctionnés.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Balladur a réformé et personne n'est descendu dans la rue
!
M. Claude Domeizel.
Alors qu'aujourd'hui nous parlons de répartition d'excédents
(Exclamations
sur les travées du RPR),...
M. Bernard Murat.
Oh !
M. Alain Joyandet,
rapporteur pour avis.
Excédents financés par l'emprunt !
M. Claude Domeizel.
... faut-il vous rappeler que vous avez laissé les caisses non seulement vides
mais avec un trou de 54 milliards de francs ?
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Vous vous servez de la sécurité sociale comme d'une vache à
lait !
M. Claude Domeizel.
Et c'est vous qui voulez nous donner des leçons !
M. Bernard Murat.
Ce sont les Français qui vous en donneront !
M. Claude Domeizel.
Mais nous ne parlons pas le même langage ! Nous, nous en appelons à un nouveau
contrat social.
M. le président.
Monsieur Domeizel, je vous prie de conclure !
M. Claude Domeizel.
J'en termine, monsieur le président, mais j'ai été interrompu.
La politique des retraites n'est pas seulement affaire de choix financiers,
même si ceux-ci ne sauraient être éludés.
M. Bernard Murat.
Monsieur le président, présidez !
M. Claude Domeizel.
La retraite, synonyme de pauvreté voilà trente ans, est aujourd'hui promesse
de nouvelles activités ou de nouveaux engagements. C'est une chance à saisir
et, je vous le garantis, nous saurons la saisir.
Aussi, m'associant aux propos tenus avant moi par mes collègues Gilbert
Chabroux et Bernard Cazeau, je répéterai que le groupe socialiste approuve le
projet de loi de financement de la sécurité sociale dont nous discutons
aujourd'hui.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?... La
discussion générale est close.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, au cours de ces longues heures de débat, la
majorité sénatoriale s'est évertuée à contester l'évidence : oui, les comptes
de la sécurité sociale sont revenus à l'équilibre.
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste.
Oui !
M. Alain Joyandet,
rapporteur pour avis.
Heureusement !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
De 1994 à 1997, nous avons
connu un déficit de 210 milliards de francs, au minimum ; pour la période
1998-2002, nous aurons enregistré un excédent de quelques milliards de francs,
certes modeste, mais, de toute manière, la différence sera supérieure à 200
milliards de francs.
Je comprends que, dans ces conditions, M. Vasselle ne veuille pas regarder en
arrière et qu'il ait intérêt à escamoter le bilan !
Mais les faits sont là et nous n'avons, nous, aucune raison de ne pas, de
temps en temps, vouloir rafraîchir la mémoire des Français. Il ne faudrait pas
croire que la majorité sénatoriale est comme le nouvau-né sorti de son oeuf et
qu'elle n'aurait jamais rien fait ! Vous avez un bilan, messieurs, et je
comprends que vous n'ayez pas envie qu'on le rappelle.
Une autre chose m'a frappée au cours de ces longues heures de discussion : la
majorité sénatoriale ne parle que de chiffres et n'évoque jamais les politiques
sociales, qui semblent être le cadet de ses soucis.
M. Gilbert Chabroux.
Absolument !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Si nous pouvons parler des
excédents de la sécurité sociale et de leur répartition, c'est bien parce
qu'ils existent. Et nous ne souhaitons pas qu'ils soient considérés comme une
cagnotte sur laquelle il faudrait rester agrippé comme Harpagon sur sa
cassette. Ces excédents doivent être utilisés pour mener des politiques
sociales de nature à accroître le bien-être des Français.
Notre politique économique a contribué à créer ces excédents. Je ne dis pas
que nous avons tout fait. A la fin de l'année 1998, la conjoncture est
redevenue porteuse, ce qui n'était pas le cas en 1997, sinon il n'y aurait pas
eu de dissolution.
M. Michel Mercier.
Faites que cela dure !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mais nous avons aidé le sort
et, grâce à nos politiques économiques, nous avons réussi à obtenir ces
excédents qui nous permettent de mener des politiques sociales.
Messieurs de la majorité sénatoriale, vous pouvez ne pas être d'accord sur le
contenu des politiques menées. C'est vrai, nous n'avons pas la même conception
que vous de la politique de la famille, de la politique de la qualité des
soins, des accidents du travail dont, à part M. Joyandet, personne n'a dit un
mot !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Nous n'avons pas eu le temps !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Vous n'en n'avez pas eu le
temps sur un discours d'une heure et quart ? C'est révélateur !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Nous en parlerons demain et j'espère que vous serez là pour
nous entendre !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Nous n'avons pas non plus la
même conception que vous de la politique à mener à l'égard des handicapés.
Bref, des désaccords politiques profonds nous opposent ; ces premiers éléments
le montrent assez bien.
M. Vasselle, au cours de son discours fleuve, qui a donc duré une heure et
quart,...
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Soixante-sept minutes exactement !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... n'a pas dit un mot sur la
politique sociale.
Mais, malgré ce long discours, il n'est pas parvenu à occulter le retour à
l'équilibre des comptes de la sécurité sociale.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Vous ne m'avez pas écouté !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Oui, je le répète, pendant la
période 1999-2002 s'est dégagé un excédent cumulé de 23 milliards de francs en
encaissement-décaissement. Ce n'est pas moi qui le dis ; je reprends simplement
les observations de la commission des comptes de la sécurité sociale.
Ce retour à l'équilibre, nous l'avons opéré sans diminuer les remboursements -
on a connu d'autres périodes ; je pense à M. Séguin...
M. Gilbert Chabroux.
Eh oui !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Ce retour à l'équilibre, nous
l'avons opéré en mettant en place la couverture maladie universelle.
Ce retour à l'équilibre, nous l'avons opéré en développant la politique
familiale et en associant les retraités aux fruits de la croissance.
Ce retour à l'équilibre, nous l'avons opéré en accumulant des réserves pour
l'avenir. Celles-ci constituent un patrimoine, une propriété collective des
Français, destinée à garantir l'avenir des retraites.
Je vous rappelle que le fonds de réserve pour les retraites sera doté de 85
milliards de francs à la fin de 2002. Vous, vous nous aviez légué des dettes
que la CADES doit encore honorer pendant treize ans !
Ce retour à l'équilibre, nous l'avons opéré en investissant pour l'accueil des
jeunes enfants : 3 milliards de francs, 40 000 places de crèche. Ces
investissements, dont nous sommes fiers, ne remettent en cause, je le souligne,
ni le redressement des comptes ni les excédents futurs de la branche
famille.
Vous êtes opposés aux 35 heures, nous l'avons compris. Pour ma part,
j'évoquerai d'abord les bénéfices procurés par la réduction du temps de
travail.
Il y a d'abord le temps libéré pour les salariés qui sont passés aux 35
heures. Il y a surtout les nombreuses créations d'emplois dues aux 35 heures :
370 000 sur 1 500 000.
Il est facile de dénigrer les 35 heures en ne mentionnant que ses « coûts » et
en oubliant ses avantages.
M. Alain Joyandet,
rapporteur pour avis.
Lesquels ?
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mais parlons du « coût » des 35
heures.
M. Bernard Murat.
100 milliards de francs !
Mme Elisabeth Guigou.
En vérité, il est paradoxal de parler de « coût », car les 35 heures, ce sont
d'abord des charges allégées pour les entreprises. (
Rires et exclamations
sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.
)
M. Bruno Sido.
C'est pas vrai ! On rêve !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
D'ailleurs, une partie de notre
majorité parlementaire conteste ces allégements de charges en disant qu'ils
sont beaucoup trop importants.
M. Michel Mercier.
Vous avez raison de rappeler qu'ils sont dans la majorité parce qu'ils
l'oublient facilement !
M. Guy Fischer.
Nous exprimons notre différence, c'est tout !
M. Robert Bret.
Et c'est vrai que ce sont des cadeaux !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Il est normal que la sécurité
sociale, qui a bénéficié du dynamisme économique induit par les 35 heures,
contribue à leur financement.
En outre, vous l'avez vous-même reconnu tout à l'heure, monsieur Vasselle, les
35 heures ne sont qu'une part - 35 % selon moi, 50 % selon vous - des dépenses
du FOREC.
Mais vous avez fait des progrès, monsieur Vasselle, et je vous en félicite. En
effet, jusqu'à ce soir, dans la majorité sénatoriale ou dans l'opposition à
l'Assemblée nationale, on entendait dire que le FOREC servait à financer les 35
heures ; quelqu'un, à l'instant, a parlé de 100 milliards de francs. Non !
C'est soit 36 milliards de francs, soit, comme le dit M. Vasselle, une
cinquantaine de milliards, si l'on tient compte des allégements de M. Juppé,
qui ne sont pas des allégements dus aux 35 heures mais qui resteront pérennes
de toute façon.
Par conséquent, je vous donne acte de cette honnêteté intellectuelle, qui
vient après beaucoup d'approximations mais qui finit par venir.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Nous n'avons jamais contesté ces chiffres !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Certes, les allégements de
charges sont contestés par nos amis communistes, mais permettez-moi de vous
poser cette question, messieurs de la majorité sénatoriale : qui parmi vous
voudrait supprimer ces allégements de charge ?
M. Gilbert Chabroux.
Personne !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Si vous ne voulez pas les
supprimer, alors, soyez cohérents et acceptez que l'on demande à la sécurité
sociale d'en financer une toute petite partie, grâce aux recettes fiscales dont
elle a bénéficié.
Plusieurs orateurs, dont MM. Vasselle et Joyandet, ont dénoncé l'irréalisme
des hypothèses économiques qui sous-tendent les prévisions pour 2002. M. About
s'est même risqué à parler d'imprudence ; je lui dirai qu'il devrait d'abord
lui-même faire preuve de prudence, car on n'a pas forcément raison en jouant
les Cassandre.
Bien sûr, des incertitudes existent, personne ne songe à le nier. De fait,
aujourd'hui, nous ne pouvons pas mesurer l'impact des événements tragiques du
11 septembre dernier sur notre environnement économique.
M. Bernard Murat.
Cela n'a rien à voir !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mais, à l'inverse, peut-on
citer un seul indicateur qui démente aujourd'hui les prévisions du Gouvernement
ou qui permette de dire qu'il faut les modifier ?
J'ai pris note des dernières données publiées par l'INSEE sur l'évolution de
la consommation des ménages : celle-ci a progressé de 0,2 % en septembre,
c'est-à-dire après les attentats. La demande extérieure reste dynamique et nous
savons que c'est la meilleure garantie du maintien de l'activité et de
l'emploi.
Les grands pays développés ont réagi rapidement et fortement au risque
économique né des tensions internationales. Pour sa part, le Gouvernement
français a, vous le savez, mis en oeuvre des mesures très importantes de
soutien de l'activité, en faveur des entreprises comme des ménages.
Les ménages modestes recevront, au début de l'année prochaine, un deuxième
versement de la prime pour l'emploi après le premier versement effectué le mois
dernier.
De plus, la dernière étape de la réforme des allocations logement entre en
vigueur, ce qui soutiendra la demande intérieure.
M. Alain Joyandet,
rapporteur pour avis.
Et apportera des bulletins de vote !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Cela étant, des aléas existent,
c'est incontestable. Il se peut qu'il y ait des aléas à la baisse en 2002 ; ce
n'est pas une certitude, mais c'est une hypothèse que nous ne pouvons pas
écarter. Cependant, d'autres pourraient jouer à la hausse. C'est pourquoi je
recommande la prudence dans les appréciations.
Je peux, en particulier, indiquer que, sur l'exercice 2000, les comptes de la
sécurité sociale seront meilleurs que prévu et que nous aurons, concernant le
rythme d'augmentation de la masse salariale en 2001, une bonne surprise par
rapport à nos prévisions.
Nous savons donc aujourd'hui - mais je ne veux pas vous citer les chiffres
avant qu'ils soient officiels, c'est-à-dire dans les prochaines semaines - que
les comptes des années 2000 et 2001 nous réservent de bonnes surprises par
rapport aux prévisions.
Autrement dit, s'il peut y avoir des aléas à la baisse, en 2002, ce que
personne en effet ne peut écarter - mais personne ne peut non plus dire
aujourd'hui avec certitude ce qui se produira -, il est également permis de
penser que, compte tenu des précautions que nous avons prises dans les
prévisions pour 2002 en retenant une hypothèse de progression de la masse
salariale de 5 % - et nous savons déjà qu'elle est inférieure de 1 à 1,5 point
à l'hypothèse de 2001 -, les bonnes surprises que nous apporteront les comptes
de 2000 et de 2001 seront susceptibles de compenser ces éventuels aléas à la
baisse de 2002.
Voilà ce qu'il en est de l'imprudence du Gouvernement...
Mais que dire de l'imprudence de ceux qui agitent, sans la moindre évidence
statistique, le spectre de la récession ? Est-ce bien le rôle des responsables
politiques que d'ajouter de l'inquiétude au trouble légitime des Français quand
on sait combien la psychologie est déterminante dans les comportements
économiques ?
M. Bernard Murat.
Il faut leur dire la vérité !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
J'ajoute que la France a mieux
tiré parti de la croissance que ses partenaires européens.
Monsieur Vasselle, non content de caricaturer le bilan du Gouvernement et
d'attiser les inquiétudes des Français, vous vous êtes essayé à réécrire
l'histoire économique de la France sous les gouvernements Balladur et Juppé !
Il est vrai que les évolutions conjoncturelles ont été assez divergentes au
cours des deux législatures : 1 % de croissance en moyenne durant la première,
2,9 % environ durant la seconde. Il n'en reste pas moins qu'en termes de
croissance et d'emplois, les résultats de la France ont été meilleurs que la
moyenne europénne. Faut-il rappeler que, sous les gouvernements que vous
souteniez, c'était l'inverse ?
Cela signifie que, dans un contexte certes peu favorable, la situation a été
aggravée par les politiques des gouvernements qui avaient votre faveur, alors
que, dans un contexte certes meilleur, non pas en 1997, mais à partir de 1998,
nous avons su faire mieux que la moyenne de nos partenaires européens.
Je ne veux pas vous assommer de chiffres à cette heure, mais je les tiens,
bien entendu, à votre disposition.
M. Bernard Murat.
Même pour les derniers chiffres de l'emploi ?
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Ainsi, depuis 1997, les comptes
ont été redressés, la croissance a fortement contribué à ce redressement, et
cela tient pour une large part - pas uniquement, bien sûr - à la politique
économique dynamique conduite par ce gouvernement.
J'en viens à la famille.
MM. Lorrain et du Luart ont dressé un bilan, que je trouve bien noir, de
l'action de ce Gouvernement en matière de politique familiale. Certes, la
majorité sénatoriale préfère regarder vers l'avenir plutôt que de rapprocher ce
bilan de celui du précédent gouvernement. Il est vrai que la comparaison serait
cruelle !
Je ne relèverai qu'un exemple, mais il est particulièrement significatif.
Vous nous reprochez de ne pas avoir revalorisé suffisamment les prestations
familiales. Dois-je vous rappeler qu'en 1995 vous avez suscité et perdu un
contentieux mémorable avec les associations familiales sur ce point...
M. Guy Fischer.
Eh oui ! Des promesses non tenues !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... et qu'en 1996 vous n'avez,
tout simplement, pas du tout réévalué les prestations familiales ?
M. Robert Bret.
Et ça veut donner des leçons !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
D'ailleurs, même pour vous, le
bilan de ce gouvernement n'est pas si noir que les propos, que vous avez voulus
« tranchés », pourraient le laisser penser. Il n'aura échappé à personne que M.
Lorrain, en particulier, a salué, certes de manière timide néanmoins explicite,
la plupart des mesures que le Gouvernement a prises en faveur des familles.
Il s'est d'abord félicité du prolongement du versement des allocations
familiales jusqu'à vingt ans. Il est vrai que c'était une promesse de la
précédente majorité ; mais elle n'avait pas été tenue.
Il a également évoqué la politique en faveur de la petite enfance, allant
jusqu'à parler du succès de la première tranche du fonds d'investissement pour
la petite enfance, qui remonte à l'année dernière.
Enfin, il a salué le contenu de la convention d'objectif et de gestion que
l'Etat a conclue avec la CNAF.
S'agissant du congé de paternité, monsieur Lorrain, je me réjouis de vous
entendre citer nos voisins nordiques en exemple, mais je ne partage pas votre
pessimisme quant à l'accueil que les pères de notre pays réserveront à cette
prestation. Je crois que la société française a évolué plus que vous ne le
pensez en ce qui concerne le rôle des pères dans la famille et que cette mesure
ne fait que consacrer cette évolution.
Comme vous avez manifestement quelque peine à vous opposer aux mesures prises
par ce gouvernement, comme vous ne pouvez nier la réalité du retour à
l'excédent de la branche famille - car le déficit dépassait tout de même 14
milliards de francs quand nous sommes arrivés aux responsabilités, et cela
après quatre années de déficit considérable -, vous avez préféré centrer
l'essentiel de vos critiques, par des considérations passablement complexes,
sur l'usage que le Gouvernement a fait des moyens supplémentaires dont il a
disposé.
Vous citez, à l'appui de votre démonstration, la fusion de l'allocation de
rentrée scolaire, sa majoration et la prise en charge par la CNAF des avantages
familiaux de retraite.
Ces deux questions ont déjà fait l'objet de longs débats dans cette enceinte à
l'occasion de l'examen des précédents projets de loi de financement et le
Gouvernement a pu souligner à quel point ces mesures profitaient aux
familles.
Cependant, puisque vous avez évoqué la majoration de l'allocation de rentrée
scolaire, que vous nous reprochez d'avoir pérennisée en en faisant une
prestation familiale, je rappellerai que, si elle est, pour la branche famille,
la charge que vous avez estimée, c'est uniquement parce que ce gouvernement a
décidé d'en relever le montant en le portant de 1 000 à 1 600 francs, quand le
gouvernement de M. Juppé l'avait diminué en le faisant passer de 1 500 à 1 000
francs. Cela, croyez-moi, les Français s'en souviennent !
Les amendements que vous avez adoptés font apparaître clairement l'absence de
proposition que recèle votre discours. Vous vous concentrez sur des questions
de financement et de transfert, en mélangeant d'ailleurs des dépenses de nature
très différente, sans jamais développer ce que serait pour vous une autre
politique de la famille.
J'évoquerai maintenant l'un des points que vous avez particulièrement mis en
exergue dans votre intervention, monsieur Lorrain : la politique que ce
Gouvernement mène en faveur des jeunes adultes.
La politique en faveur des jeunes adultes est une politique globale qui
recouvre divers aspects, la protection sociale, l'éducation à la formation, la
politique de l'emploi.
Comment pouvez-vous dire que ce Gouvernement n'a fait que repousser cette
question alors qu'il est celui qui a porté l'âge de perception des allocations
familiales à vingt ans, qui a créé 350 000 emplois-jeunes, qui a instauré, puis
renforcé, le programme TRACE pour les jeunes les plus fragiles ? Ce
gouvernement a sûrement moins à rougir de sa politique en direction des jeunes
que les inventeurs du CIP, le contrat d'insertion professionnelle, dont chacun
se rappelle le sort qui lui a été réservé.
MM. Gournac et Murat, après M. Lorrain, ont critiqué le fait que le
Gouvernement ne favorise, selon eux, que l'accueil en crèche. En fait,
contrairement au gouvernement précédent, ce Gouvernement privilégie tous les
modes de garde des enfants.
M. Michel Mercier.
Mais il n'en finance aucun !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Constatant l'insuffisance des
places de crèches dans notre pays - ce que personne ne conteste - nous en avons
financé 40 000.
Nous n'oublions pas, pour autant, les assistantes maternelles. Nous avons en
effet majoré l'aide à l'emploi d'une assistante maternelle pour les familles
modestes, comme cela avait été prévu lors de la conférence de la famille pour
2000.
Nous n'oublions pas non plus l'accueil individuel. Nous n'avons pas supprimé
l'AGED, l'allocation de garde d'enfant à domicile, ni l'avantage fiscal. Nous
en avons simplement limité les effets d'aubaine pour les ménages les plus aisés
qui en faisaient le mode de garde de loin le plus coûteux pour les finances
publiques.
Notre politique est celle de la diversification des modes de garde. La
convention d'objectifs que nous avons signée avec la CNAF, 6 milliards de
francs sur quatre ans, a justement pour objet de diversifier les modes de garde
autres que les crèches que nous finançons par ailleurs. Simplement, nous
n'avons pas, nous, pour objectif de n'aider que les familles les plus
favorisées.
Sur les accidents du travail, je ne peux évidemment que regretter la pauvreté,
voire l'inexistence du discours de la majorité sénatoriale sur cette importante
question.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Ne vous inquiétez pas : nous en parlerons demain !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Vasselle ne la jugeait sans
doute pas assez importante pour trouver le temps de la mentionner dans son
discours pourtant très long.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Ne soyez pas provocatrice !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
La vérité, là encore, n'est pas
très plaisante à entendre ! La vérité, monsieur Vasselle, c'est que, pendant
les quatre années où vos amis ont exercé le pouvoir, pas une seule fois le
Parlement n'a eu à se prononcer sur une modification du code de la sécurité
sociale pour améliorer l'indemnisation offerte aux victimes d'accidents du
travail.
Le Gouvernement actuel, au contraire, a enclenché la plus vaste réforme de la
législation des accidents du travail depuis 1946, d'abord avec les mesures sur
l'amiante, et maintenant avec la préparation d'une refonte globale du système -
pour aboutir à la réparation intégrale - que nous amorçons dès à présent par
des mesures d'amélioration immédiate dans ce projet de loi de financement de la
sécurité sociale.
Monsieur Guy Fischer, vous avez évoqué longuement cette question.
Naturellement, j'ai pris connaissance des amendements que votre groupe a
déposés pour améliorer la réparation offerte aux victimes d'accident du
travail. Je partage le souci que vous témoignez, à travers eux, de voir évoluer
la branche accident du travail vers la réparation intégrale, comme d'ailleurs
nous y invite le rapport du professeur Masse.
Une telle réforme nécessite une remise à plat globale du système
d'indemnisation des accidents du travail et une refonte des principes de la loi
de 1898. Nous sommes prêts à nous engager dans cette voie, mais nous ne pouvons
pas improviser.
Aujourd'hui, la sécurité sociale ne saurait pas indemniser le préjudice moral,
le préjudice esthétique et le préjudice professionnel. C'est la raison pour
laquelle j'ai demandé qu'un groupe de travail réunisse les partenaires sociaux
pour définir les conditions dans lesquelles la sécurité sociale et non pas les
assurances privées -...
M. Guy Fischer.
Tout à fait !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... c'est ça le danger ! -
pourrait prendre en charge une réparation intégrale des accidents du
travail.
Ce rapport sera remis avant la fin du mois de mars, mais des mesures
permettent déjà d'avancer dans cette voie.
La très belle loi de 1898, qui a vraiment été l'une des premières réalisations
sociales, ne correspond plus aujourd'hui aux attentes des victimes d'accidents
du travail et doit être profondément modifiée, en recherchant bien évidemment
un accord entre les partenaires sociaux.
S'agissant de l'assurance maladie, notre action a été caricaturée et le bilan
de la précédente majorité escamoté.
Permettez-moi de rappeler quelques chiffres : entre 1994 et 1997, le déficit
cumulé - je ne parle plus du déficit global - de l'assurance maladie a atteint
122 milliards de francs et il a été trois fois moins élevé au cours de la
période 1998-2001.
J'ajoute qu'en 1993, messieurs de la majorité sénatoriale, le Gouvernement que
vous souteniez avait réduit le niveau des remboursements de l'assurance maladie
en augmentant le ticket modérateur payé par les assurés sociaux.
Vous ne souhaitez pas qu'on parle de votre bilan, mais avez-vous des
propositions à formuler ?
M. Gilbert Chabroux.
Non, ils n'en ont pas !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Qui dois-je croire à cet égard
? M. Vasselle qui souligne que nous ne maîtriserions pas les dépenses de santé,
M. Joyandet qui considère que nous ne dépensons pas assez pour l'hôpital, les
cliniques et la médecine de ville, M. du Luart qui présente l'ONDAM comme une
enveloppe fermée ou M. About qui propose tout simplement de revenir à des
prévisions par régime, ce qui éviterait d'avoir à voter l'ONDAM ? Avouez que
tout cela manque un peu de cohérence !
M. Robert Bret.
Pour le moins !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. About propose un «
tourniquet » sur le vote des dépenses. J'attends avec impatience le résultat du
vote de ses amis sur cette intéressante proposition !
Les dépenses de santé ont augmenté depuis 1997, c'est vrai, mais, au cours de
la dernière décennie, la France ne s'est située qu'au quinzième rang en termes
d'augmentation de la part des dépenses de santé dans la richesse nationale et
les dépassements constatés par rapport aux objectifs fixés concernent
principalement le secteur des soins de ville et celui des médicaments. M.
Chabroux a été très précis sur ce point et je l'en remercie.
S'agissant du médicament, j'ai annoncé, le 16 juin, une série de mesures
portant sur les trois axes majeurs afin de renforcer les instruments de
régulation. Ces mesures ont d'ailleurs contribué à réduire le rythme des
dépenses.
Ce rythme était de 11 % en 2000 - il était beaucoup trop élevé - de 7 % en
2001 - il était encore trop élevé - mais nous commençons à obtenir quelques
résultats et l'impact de ces mesures se fera sentir en 2002.
Je ne reviendrai pas longuement sur les mesures complémentaires que j'ai
annoncées sur l'hôpital et sur les cliniques privées, nous aurons l'occasion
d'en parler lors de la discussion des articles.
Je rappellerai simplement qu'en 1997 l'objectif d'augmentation de l'enveloppe
était de 1,15 % pour l'hôpital et de 1,3 % pour les cliniques. A la fois pour
l'hôpital et pour les cliniques, nous avons triplé le taux d'augmentation de
ces enveloppes financières.
M. Michel Mercier.
Pourquoi ont-ils voté ?
(Sourires.)
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
On se le demande !
S'agissant des relations conventionnelles, messieurs de la majorité
sénatoriale, vous tentez de nous donner des leçons de concertation. Dois-je
rappeler que c'est la majorité que vous souteniez en 1995...
M. Michel Mercier.
C'est un cours d'histoire de droit social !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Ce n'est pas si vieux !
Dois-je rappeler, disais-je, que c'est la majorité que vous souteniez à
l'époque qui a habilité le Gouvernement à prendre, par ordonnances et sans
concertation, des mesures brutales vis-à-vis des professionnels ? Dois-je
rappeler aussi que le mécanisme de reversement de la part des médecins en cas
de dépassement de l'objectif non seulement sur les honoraires, mais encore sur
les prescriptions de médicaments et d'actes paramédicaux, était prévu par les
ordonnances Juppé ?
Dois-je indiquer que c'est le Gouvernement, en revanche, qui a mis fin à ce
système inefficace et inadapté ? Depuis la suppression de ce mécanisme, aucun
objectif limitatif sur les prescriptions n'est plus opposable aux médecins, et
ceux-ci ne sont plus redevables d'un reversement sur leurs honoraires.
Nous sommes actuellement dans une phase de concertation sur le renouveau
conventionnel. Nous dialoguons avec les caisses d'assurance maladie, avec les
partenaires sociaux et avec les professionnels. Des positions divergentes
s'expriment et nous ne parviendrons sans doute pas au consensus. Mais, au
moins, nos propositions auront été précédées d'une large discussion qui aura
permis de révéler les enjeux.
Le fait que l'amendement que j'ai déposé résulte de la démarche engagée dès le
25 janvier dernier montre bien que nous avons fait le choix de la concertation.
J'ai rencontré à plusieurs reprises l'ensemble des organisations
professionnelles des caisses d'assurance maladie et les partenaires sociaux et,
sur cette base, l'amendement d'orientation que j'ai déposé permettra d'engager
le renouveau conventionnel, en liaison étroite avec la CNAMTS.
Nous travaillons donc sur un système de régulation alternatif, qui nécessite
des engagements réciproques entre les professionnels et les caisses d'assurance
maladie. Il ne faut pas accepter la logique selon laquelle l'abandon de tout
système de régulation serait le préalable, comme le proposent certains d'entre
vous.
Nous cherchons un nouvel équilibre pour conforter les engagements réciproques
des partenaires conventionnels. C'est un lourd travail. Mais, si nous parvenons
à mettre au point un nouveau système médicalisé de contrôle, un nouvel
engagement réciproque, nous prenons l'engagement de supprimer les lettres clés
flottantes instituées par le gouvernement Juppé.
J'aurais souhaité, et je souhaite encore, que le travail parlementaire
permette d'avancer sur cette question difficile. Mais je suis très déçue que
votre unique proposition soit la suppression pure et simple du mécanisme actuel
de régulation, sans aucune alternative.
Que doit-on déduire de vos interventions ? Voulez-vous, en fait, revenir,
comme en 1996, aux sanctions du plan Juppé en supprimant l'article de loi qui
les a abrogées ?
Voulez-vous, sous le vocable faussement moderne de la « gestion du panier de
biens et de services », réduire, comme en 1993, les remboursements de
l'assurance maladie ? Voulez-vous plutôt, en instaurant la concurrence entre
les caisses, aller vers la privatisation de l'assurance maladie ?
M. Claude Domeizel.
Peut-être !
M. Michel Mercier.
Elles sont déjà privées avec le patrimoine !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Faites-vous du thème de la
régionalisation un moyen de ne pas aborder les questions difficiles ? Plus
simplement, avez-vous des propositions cohérentes ?
M. Bernard Murat.
On vous en a fait beaucoup !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
On n'est pas au Gouvernement ! Chacun son boulot !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
S'agissant des hôpitaux, vous
évoquez régulièrement l'équilibre comptable, mais vos références et vos
remarques ne portent jamais sur le fond des actions publiques.
L'équilibre des comptes est, pour nous, un moyen de mener une politique et non
un objectif en soi. C'est au contraire cette volonté unique de la maîtrise des
dépenses de santé qui vous a guidés dans les choix que vous avez faits, sur la
politique hospitalière en particulier, et nous en subissons, hélas ! encore
aujourd'hui, les conséquences.
Notre politique hospitalière clairement affichée depuis 1997 et que nous
menons volontairement et en toute lucidité est avant tout tournée vers
l'amélioration des soins à la population : promotion de la qualité de la
sécurité, réduction des inégalités d'accès aux soins.
M. Bernard Murat.
Et les 35 heures ?
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Justement !
On comprend que la majorité sénatoriale n'aime pas la réduction du temps du
travail à l'hôpital parce qu'elle n'aime pas les 35 heures en général...
M. Alain Joyandet,
rapporteur pour avis.
On n'aime pas les 35 heures obligatoires !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mais faut-il vraiment que les
agents de la fonction publique hospitalière soient les seuls à ne pas
bénéficier de la réduction et de l'aménagement du temps de travail ?
M. Bernard Murat.
Il faut s'en donner les moyens !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Faut-il ne pas entendre ces
infirmières dont le message est clair : nous voulons des jours ? Faut-il
négliger ces agents qui accueillent tout le monde n'importe quand et qui
assurent des horaires de nuit dans des conditions difficiles ?
M. Bernard Murat.
C'est nous qui le disons, pas vous !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Nous avons fait le choix
d'entendre ces personnels et de leur rendre du temps dans la forme qu'ils
voudront, soit en heures chaque jour, soit en demi-journées par semaine, soit
en jours cumulés sur l'année.
Au total, il s'agit de mieux concilier un travail hospitalier très prenant et
la vie personnelle de chacune et de chacun. Nous considérons que c'est la
meilleure voie pour attirer de nouveaux personnels à l'hôpital, pour le bien
des malades, comme pour celui des personnels.
Toute autre voie qui laisserait les hospitaliers au bord du chemin des 35
heures conduirait à la détérioration des services et au découragement des
personnels. Or la voie des 35 heures, nous voulons la parcourir avec les agents
du service public hospitalier.
M. Bernard Murat.
Baratin !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Ce sont les protocoles du 27
septembre 2001 conclus entre quatre organisations syndicales de la fonction
publique hospitalière et le Gouvernement, puis du 22 octobre signés par toutes
les intersyndicales des praticiens hospitaliers qui ont organisé la mise en
oeuvre pluriannuelle de l'aménagement et de la réduction du temps de
travail.
Ces négociations ont été l'occasion d'un travail approfondi sur l'organisation
du temps de travail, sur les temps de pause, sur la période des repas, sur les
astreintes à domicile. A chaque fois, nous avons cherché ensemble à fixer des
garanties pour les personnels, dans des conditions égales d'un établissement à
l'autre et avec toujours le même objectif final : la santé du patient, la
qualité des soins et l'accueil du public.
Les 45 000 emplois mis à disposition en trois ans au service de cette grande
ambition permettent, compte tenu des difficultés des métiers hospitaliers,
d'aborder en confiance la réduction du temps de travail. La nouvelle
organisation qui en découle sera, elle aussi, discutée dans les régions et dans
les établissements. Mon ministère a déjà organisé un soutien aux établissements
pour l'évaluation et la négociation de ses applications locales.
Il est facile de critiquer cette mesure et de souligner que sa mise en oeuvre
n'a fait l'objet d'aucune anticipation, lorsque l'on sait que, sous le
précédent gouvernement, des réductions du nombre de places dans les écoles de
formation initiale et des fermetures d'écoles ont été décidées ! Heureusement,
nous avons tourné le dos à cette politique malthusienne.
Dès 1998, le Gouvernement Jospin a inversé la tendance et, entre 1998 et 2000,
nous avons augmenté de 10 000 le nombre de places dans les écoles
d'infirmières, places qui sont passées de 16 400 à 26 400. Voilà ce que nous
avons fait, tournant le dos aux politiques que vous aviez menées !
Pour terminer sur ce problème de manque de professionnels formés sur le
marché, j'espère, monsieur Vasselle, que les remarques que vous avez formulées
sur le recrutement des professionnels étrangers ont été un abus de langage et
que vos propos ont dépassé votre pensée !
M. Bernard Murat.
Pourquoi ?
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je vous confirme que, comme la
plupart des pays européens, nous allons bientôt signer une convention avec
l'Etat espagnol, afin que des infirmières de cette nationalité puissent venir
travailler en France dans les différents secteurs de l'hospitalisation.
Pour ce qui est des recrutements en fin d'année 2003, ce sont 80 % des 45 000
emplois, tous métiers et professions confondus, qui seront pourvus, dont 40 % à
la fin de l'année 2002. Naturellement, ces emplois seront financés, vous le
savez, puisque nous avons chiffré ces financements dans le projet de loi de
financement de la sécurité sociale.
Le coût de la RTT est, certes, imputé sur l'assurance maladie, comme
d'ailleurs le financement de l'hôpital, évidemment,...
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Vous le reconnaissez enfin !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... mais nous revendiquons et
nous assumons ce choix car il s'agit, là encore, d'une bonne politique.
Nous ne demandons pas des efforts seulement à la sécurité sociale. L'Etat
participe, lui aussi, au financement de certaines actions ciblées, selon des
règles claires.
Je prendrai deux exemples : le FIMHO et l'accompagnement de la modernisation
sociale.
(M. le rapporteur sourit.)
Le FIMHO est un succès !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Je ne peux m'empêcher de sourire !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
En effet, depuis sa création en
1998, 277 projets sont financés pour un montant total de travaux de plus de 11
milliards de francs. Je pourrais prendre pour exemples, parmi les décisions de
ces dernières semaines, la dotation de 50 millions de francs qui a été accordée
au centre hospitalier de Cannes pour lancer l'opération de construction du
nouvel hôpital, ou encore, la dotation de 84 millions de francs au CHU de
Dijon, pour engager la reconstruction de son pôle mère-enfant.
Le FIMHO est un excellent moyen d'accompagner les constructions hospitalières.
C'est pourquoi l'Assemblée nationale a voté hier, dans le cadre de la loi de
finances pour 2002, la décision de porter la dotation à 198 millions d'euros,
soit 1,3 milliard de francs.
Il existe bien un décalage entre les autorisations de programme et les crédits
de paiement, mais ce décalage, vous le savez bien, est réaliste, car il
correspond à la durée de réalisation des travaux.
Quant à l'accompagnement de la modernisation sociale, entre 2000 et 2002,
l'Etat verse 2 milliards de francs aux hôpitaux pour améliorer le taux de
remplacement et, surtout, relancer la promotion professionnelle. Cette
enveloppe est inscrite dans la loi de finances rectificative pour 2001.
En ce qui concerne les hôpitaux et les cliniques, tout le monde est d'accord,
évidemment - je réponds à nouveau à M. Fischer -, pour considérer que l'hôpital
est une pièce maîtresse de notre système de santé. Cette confiance est méritée,
et c'est la raison pour laquelle le Gouvernement, protocole après protocole, a
toujours négocié avec les organisations syndicales pour l'amélioration des
conditions de travail, le développement de la promotion professionnelle, la
reconnaissance du dialogue social à l'hôpital, la revalorisation des carrières
et la réduction du temps de travail : 11,7 milliards de francs en plus pour
l'hôpital sur deux ans.
Cependant, je ne suis pas d'accord avec vous lorsque vous considérez que les
cliniques sont uniquement des établissements commerciaux. Ce sont effectivement
des établissements commerciaux, mais pas uniquement, car elles assurent des
services nécessaires et très appréciés par la population. Elles participent,
qu'on l'approuve ou non, au fonctionnement de notre système de santé.
A Toulouse, par exemple, la fermeture des cliniques a augmenté de 30 %
l'activité de l'hôpital. Heureusement, cette grève n'a pas duré trop
longtemps.
M. Michel Mercier.
Oui !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Une fois de plus, nos hôpitaux
publics ont su faire face et prendre le relais. Songez à tout ce qui a été fait
à la suite de l'accident de Toulouse ! C'est à l'occasion de telles grèves dans
les établissements privés que l'on réalise à quel point nous avons besoin de la
complémentarité entre les deux systèmes.
Doit-on alors accepter que les personnels de ces établissements privés, dont
les compétences sont reconnues, perçoivent des salaires jusqu'à 25 % inférieurs
à ceux de leurs collègues des hôpitaux publics ?
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
La faute à qui ?
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Nous avons décidé d'affecter
des moyens spécifiques et ciblés en faveur des salariés des cliniques pour
permettre la revalorisation nécessaire des salaires et des personnels non
médicaux ; l'amendement que j'ai déposé aujourd'hui traduit cette volonté.
Ces moyens supplémentaires seront attribués en fonction de critères précis -
liés notamment à la situation tarifaire des cliniques, à leur place dans
l'offre de soins - et, bien entendu, seront conditionnés à la revalorisation
salariale des personnels non médicaux.
M. Guy Fischer.
Nous y veillerons !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Vous y serez invités !
Cette aide exceptionnelle suppose que son attribution soit d'une transparence
totale. Les cliniques se sont engagées à assurer la transparence de leur
fonctionnement. Nous allons mettre en place dans les meilleurs délais -
j'espère avant la fin du mois - un observatoire tripartite, comprenant l'Etat
et les partenaires sociaux.
J'en viens aux retraites. M. Leclerc a évoqué le système Racine pour dire que
les comptes de 1997 de la branche vieillesse auraient peut-être été
excédentaires. En réalité, nous savons que ce système n'a modifié en rien
l'équilibre général des comptes de 1997. En tout cas, les développements de M.
Leclerc ne pourront pas faire oublier que la branche vieillesse était en
déficit sur la période 1993-1997 et que le pouvoir d'achat des retraités a
baissé de 2,3 % pendant le même temps à cause de l'indexation sur les prix et
de la hausse des cotisations sociales.
En revanche, sur la période 1997-2002, l'actuel Gouvernement a su rétablir les
excédents, faire profiter les retraités des fruits de la croissance grâce à des
coups de pouce qui ont fait progresser le pouvoir d'achat de 1,4 %, voire de
1,9 %, pour les non-imposables.
M. Leclerc nous reproche-t-il les hausses de pouvoir d'achat des retraités au
motif qu'elles amputeraient le fonds de réserve pour les retraites ? Je n'ose
le penser !
M. Claude Domeizel.
Il l'a dit !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je voudrais souligner - cela va
intéresser particulièrement M. Mercier - la réforme importante de l'allocation
personnalisée d'autonomie. C'est une politique qui nous singularise fortement
par rapport à la majorité précédente.
(Exclamations sur les travées de
l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Michel Mercier.
Pas du tout !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Avec la nouvelle allocation
personnalisée d'autonomie,...
M. Michel Mercier.
Vous faites payer les collectivités locales !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... le Gouvernement a souhaité
inscrire son action dans un cadre le plus large...
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
C'est hors sujet ! Cela ne concerne pas la loi de financement
de la sécurité sociale.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Si, si, un peu !
Ce sont 800 000 personnes âgées qui vont pouvoir bénéficier d'un plan d'aide
lorsque leur état le nécessitera et, au-delà des personnes âgées, toutes les
familles. Il est vrai que nous demandons un effort supplémentaire aux conseils
généraux, mais pas seulement à eux.
M. Bernard Murat.
Douze pour cent !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Cela coûtera aux conseils
généraux 2,5 milliards de francs de plus que pour la prestation spécifique
dépendance. Mais pensez que vous pourrez distribuer à six ou sept fois plus de
personnes une prestation ô combien plus gratifiante, ce qui permettra au
président de conseil général que vous êtes, monsieur Michel Mercier, d'écrire à
six ou sept fois plus de personnes que vous leur accordez l'allocation
personnalisée d'autonomie afin qu'elles puissent rester chez elles !
(Sourires.)
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Ce n'est pas dans la loi de financement de la sécurité
sociale. C'est hors sujet !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Avouez que l'équilibre est bien
respecté !
Monsieur Mercier, j'aurais bien aimé vous rencontrer lorsque j'étais à Lyon,
mais cela n'a pu se faire. C'est bien dommage !
M. Bernard Murat.
Il n'a pu y aller, car il était en commission des finances.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Il avait sûrement une bonne
raison.
M. Alain Joyandet,
rapporteur pour avis.
On vous attendait à la commission des finances le
même jour !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Comme je l'ai dit à Lyon
lorsque j'y étais, dans le département du Rhône, les comptes montrent que, si
la prestation spécifique dépendance vous aurait coûté moins cher que
l'allocation personnalisée d'autonomie, en revanche, l'allocation compensatrice
pour tierce personne, qui précédait la prestation spécifique dépendance,...
M. Michel Mercier.
Que nous avons payée !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... vous aurait coûté plus cher
si elle avait été maintenue car, même si elle était moins favorable que
l'allocation personnalisée d'autonomie, vous ne perceviez alors aucune aide de
la sécurité sociale. Vous ne paierez pas plus pour l'allocation personnalisée
d'autonomie. Vous paierez même moins que ce que vous payiez pour l'allocation
compensatrice pour tierce personne.
M. Michel Mercier.
Heureusement que vous n'êtes pas ministre des finances !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Au total, vous êtes gagnant
(Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
et, surtout, vos électeurs...
M. Bernard Murat.
Les contribuables !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... vous sauront gré...
M. Michel Mercier.
J'espère bien !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... de leur accorder cette
nouvelle allocation. N'oubliez pas que les organismes de sécurité sociale...
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Diversion !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... auraient bien aimé
distribuer entièrement cette nouvelle allocation !
M. Alain Joyandet,
rapporteur pour avis.
Financée par une hausse d'impôts locaux de 10 %
!
M. Michel Mercier.
Heureusement que vous n'êtes pas à Bercy !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
J'en viens au fonds de réserve
pour les retraites. Je note avec plaisir que M. Leclerc reconnaît le consensus
qui entoure sa création.
Après les critiques sur son existence, nous avons droit maintenant aux
critiques sur sa montée en charge, comme les 2 milliards de francs qui auraient
fait défaut en l'an 2000. Qu'en est-il en réalité ? M. Domeizel l'a rappelé
tout à l'heure. Je vous avais annoncé 65 milliards de francs pour la fin de
l'année 2002. Nous aurons 85 milliards de francs, c'est-à-dire 20 milliards de
francs de plus, si bien que nous avons toutes les garanties pour pouvoir
respecter l'objectif de 1 000 milliards de francs fin 2020.
Je n'ai jamais prétendu que ce fonds suffirait à régler le problème des
retraites, contrairement à ce que M. Fourcade a dit tout à l'heure !
J'attendais de sa part un peu plus de rigueur intellectuelle !
M. Alain Joyandet,
rapporteur pour avis.
Les absents ont toujours tort !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je lui avais fait remarquer
lorsqu'il était présent, vous l'avez d'ailleurs peut-être entendu.
S'agissant de l'allocation équivalent retraite, en attendant la réforme
d'ensemble des retraites, - M. Domeizel a eu raison, après M. Chabroux,
d'insister sur ce point - de nombreux parlementaires ont souhaité que nous
envisagions, dès à présent, la situation des personnes de moins de soixante ans
ayant cotisé plus de 160 trimestres.
Le Gouvernement a donc déposé un amendement d'abord au projet de loi de
financement de la sécurité sociale, puis au projet de loi de finances, dans
lequel il est maintenant à sa place, afin de créer une allocation équivalent
retraite. Celle-ci garantit entre 5 000 et 5 750 francs de ressources -
indépendamment de celles du conjoint, vous avez bien fait de le souligner - à
tout chômeur ou inactif de moins de soixante ans ayant cotisé au moins 160
trimestres.
Je rappelle à M. Domeizel que le minimum contributif a été créé en 1983 pour
revaloriser les longues carrières avec de faibles salaires. Il bénéficiera au
1er janvier 2002 de la même revalorisation que les pensions, soit 2,2 %. Mais
la plupart des bénéficiaires du minimum contributif ne perçoivent pas un
minimum entier à taux plein parce qu'ils n'ont pas cotisé 160 trimestres. Ils
touchent donc une pension qui, grâce à la retraite complémentaire, est encore
supérieure au minimum vieillesse. Si nous faisions un effort complémentaire,
celui-ci devrait porter, me semble-t-il, en priorité sur le minimum
vieillesse.
En ce qui concerne l'avenir des retraites, grâce à la politique économique que
nous avons menée et aux résultats que nous avons engrangés, nous avons au moins
desserré l'étau de l'urgence. La croissance et l'emploi que nous avons su
retrouver ont repoussé un peu dans le temps la date d'apparition des premiers
déficits, et ils nous ont donné le temps de réaliser un diagnostic réel et
complet dans des conditions de confiance et de sérénité. Souvenons-nous
comment, par autoritarisme, le gouvernement Juppé avait fait descendre les
Français dans la rue, en 1995, sur la question des retraites.
M. Gilbert Chabroux.
Eh oui !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
A l'autoritarisme nous avons
opposé la concertation, qui nous a permis d'avancer et de préparer la future et
nécessaire réforme des retraites à laquelle nous procéderons après les
élections de 2002.
M. Bernard Murat.
Maintenant, l'urgence, c'est la police !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Nous avons installé le conseil
d'orientation des retraites pour organiser la concertation dans la durée, et je
constate que tous, ici, ont reconnu la qualité de ses travaux, même si certains
font mine de ne pas comprendre ses acquis, alors que son équivalent existe dans
tous les pays qui mettent en oeuvre une réforme.
Concertation, respect de la diversité et de l'identité des régimes, équité et
solidarité, ces principes ont guidé notre action, car notre objectif est de
préserver le système par répartition. Tel est le choix du Gouvernement, gage de
la solidarité entre les générations.
Je me réjouis d'ailleurs de constater que, du côté de la majorité sénatoriale
ou de l'opposition, à l'Assemblée nationale, les discours de ceux qui prônent
la capitalisation comme solution aux difficultés de financement des retraites
ont sérieusement baissé en intensité. Bientôt, j'en suis sûre, nous recevrons
de tous un satisfecit pour avoir abrogé la loi Thomas !
(Sourires.)
M. Guy Fischer.
C'est sûr !
M. Michel Mercier.
Oh !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Pas de provocation, madame le ministre !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Souvenez-vous, c'était l'année
dernière. Cette loi Thomas menaçait la répartition en ce qu'elle exonérait des
cotisations vieillesse les flux concernés et instaurait un système inégalitaire
favorisant indûment les plus hauts revenus.
Nous devons donc remettre à plat notre système de retraite par répartition
pour le préserver, le pérénniser et garantir un niveau de retraite qu'il faudra
fixer par la négociation.
Je constate, là encore, que l'opposition se rallierait presque à notre
politique en se référant elle-même au taux de remplacement. Une fois ce niveau
négocié et financé, nous pourrons alors organiser plus de souplesse.
Certains voudront peut-être travailler plus longtemps pour acquérir plus de
droits ; d'autres, au contraire, souhaiteront partir plus tôt, parce qu'ils ont
déjà cotisé depuis qu'ils sont très jeunes ou parce qu'ils ont exercé un
travail particulièrement pénible.
M. Bernard Murat.
Vous voyez bien que les 35 heures ne sont pas la panacée !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Lorsque, dans le cadre du
conseil d'orientation des retraites, nous aurons achevé la préparation,
c'est-à-dire lorsque nous serons allés au bout de toute la réflexion sur l'âge,
sur le travail - c'est la condition du plein emploi - lorsque le conseil
d'orientation des retraites aura travaillé sur la question, très importante
aussi, mais qui n'a été encore qu'effleurée, des avantages familiaux au regard
des retraites, alors, en effet, nous pourrons, tout de suite après les
élections, ouvrir non pas la concertation - cela aura déjà été fait - mais la
négociation et faire en sorte que nous puissions, dans la négociation, aboutir
à la réforme nécessaire.
Mesdames, messieurs les sénateurs, certains ont tenté de jeter un écran de
fumée à la fois sur le bilan des anciens gouvernements et sur la mise en oeuvre
de nos priorités. Nous présentons, nous, un texte qui traduit, une fois de
plus, un projet ambitieux pour la sécurité sociale.
J'espère que notre débat va porter réellement sur les politiques conduites et
sur les propositions que nous avançons pour améliorer la protection sociale de
nos concitoyens, et croyez bien que, si la majorité sénatoriale fait des
propositions qui permettent d'améliorer encore ce système, je les accueillerai
très volontiers.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur
celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
Pour conclure, monsieur le président, et dans un souci de bonne organisation
du débat, le Gouvernement souhaite la réserve de l'article 1er, jusqu'à la fin
de la discussion des articles, ainsi que des articles 8 et 9, jusqu'après
l'article 29, et des articles 30 et 31, jusqu'après l'article 32
bis.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur cette demande de réserve ?
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Favorable.
M. le président.
La réserve est ordonnée.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
A cette heure assez tardive, je n'abuserai pas de la patience
et de l'attention de l'assemblée, mais je ne voudrais pas laisser nos collègues
sur l'impression que l'ensemble des affirmations qui viennent d'être assénées
par Mme le ministre à l'intention de la majorité sénatoriale resteront sans
réponse.
Je vous l'annonce dès à présent, j'ai relevé plus d'une dizaine de questions
qui nécessiteront, de la part de la commission des affaires sociales, des mises
au point et des précisions en réponse à ces propos. Nous allons réagir !
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. le président.
J'ai le sentiment, monsieur le rapporteur, que personne ici n'avait de doutes
à ce sujet...
(Sourires.)
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
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