SEANCE DU 13 NOVEMBRE 2001
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Saisine du Conseil constitutionnel
(p.
1
).
3.
Décisions du Conseil constitutionnel
(p.
2
).
4.
Modification de l'ordre du jour
(p.
3
).
5.
Questions orales
(p.
4
).
CONSÉQUENCES DE L'ABANDON
DU PROJET D'AUTOROUTE A 16 (p.
5
)
Question de Mme Marie-Claude Beaudeau. - M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; Mme Marie-Claude Beaudeau.
TRACÉ DE LA BRANCHE EST DU TGV RHIN-RHÔNE (p. 6 )
Question de M. Gilbert Barbier. - MM. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; Gilbert Barbier.
POLITIQUE DE LUTTE CONTRE L'AMBROISIE (p. 7 )
Question de M. Bernard Piras. - MM. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; Bernard Piras.
DIFFICULTÉS DES COMMUNES EN MATIÈRE
DE TRAVAUX D'ASSAINISSEMENT (p.
8
)
Question de M. Jean-Pierre Raffarin. - MM. Jacques Floch, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants ; Jean-Pierre Raffarin.
CONDITIONS D'INSTALLATION DES CIRQUES
DANS LES COMMUNES (p.
9
)
Question de M. Pierre Hérisson. - MM. Jacques Floch, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants ; Pierre Hérisson.
TVA APPLICABLE À LA RESTAURATION COLLECTIVE
ET AUX REPAS SERVIS AUX PERSONNES ÂGÉES (p.
10
)
Question de M. Jean-Claude Peyronnet. - MM. Jacques Floch, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants ; Jean-Claude Peyronnet.
LÉGISLATION RÉGISSANT L'ACCUEIL DES GENS DU VOYAGE
DANS LES PETITES COMMUNES (p.
11
)
Question de M. Hubert Haenel. - MM. Jacques Floch, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants ; Hubert Haenel.
REMBOURSEMENT DES FRAIS DE CURE THERMALE
AUX ANCIENS COMBATTANTS (p.
12
)
Question de M. Bernard Joly. - MM. Jacques Floch, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants ; Bernard Joly.
ÉLIGIBILITÉ AU FONDS DE COMPENSATION
DE LA TVA (p.
13
)
Question de M. Jean-Paul Amoudry. - MM. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à
l'industrie ; Jean-Paul Amoudry.
MANQUE DE PERSONNEL DANS LES SERVICES DE LA DIRECTION DÉPARTEMENTALE DE LA
CONCURRENCE, DE LA CONSOMMATION ET DE LA RÉPRESSION DES FRAUDES (DDCCRF) DE LA
DORDOGNE (p.
14
)
Question de M. Bernard Cazeau. - MM. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à
l'industrie ; Bernard Cazeau.
DEVENIR DE L'INDUSTRIE NUCLÉAIRE (p. 15 )
Question de M. Philippe Richert. - MM. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie ; Philippe Richert.
STATUT DES INSPECTEURS DES AFFAIRES SANITAIRES
ET SOCIALES (p.
16
)
Question de M. Thierry Foucaud. - MM. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie ; Thierry Foucaud.
INDEMNISATION DES SALARIÉS À DOMICILE
PAYÉS À LA PIÈCE, LORS DE LA CESSATION D'ACTIVITÉ
DE LEUR EMPLOYEUR (p.
17
)
Question de M. Louis Souvet. - MM. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire ; Louis Souvet.
POUVOIRS DU MAIRE DE LA COMMUNE DE RÉSIDENCE
EN MATIÈRE DE REGROUPEMENT FAMILIAL (p.
18
)
Question de M. Jean-Patrick Courtois. - MM. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à
l'économie solidaire ; Jean-Patrick Courtois.
MODE DE CALCUL DE LA TAXE ANNUELLE SUR LES DISPOSITIFS MÉDICAUX PERÇUE AU
PROFIT DE L'AGENCE FRANÇAISE DE SÉCURITÉ SANITAIRE DES PRODUITS DE SANTÉ (p.
19
)
Question de M. Serge Vinçon. - MM. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie
solidaire ; Serge Vinçon.
ÉVOLUTION DES SOINS PSYCHIATRIQUES (p. 20 )
Question de M. Serge Franchis. - MM. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire ; Serge Franchis.
EXONÉRATION DE COTISATIONS SOCIALES
POUR LES ENTREPRISES IMPLANTÉES
DANS LES ZONES FRANCHES URBAINES (p.
21
)
Question de M. Jean-Pierre Alduy. - MM. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à
l'économie solidaire ; Jean-Pierre Alduy, le président.
6.
Organismes extraparlementaires
(p.
22
).
Suspension et reprise de la séance (p. 23 )
7.
Hommage aux victimes des catastrophes d'Alger et de New York
(p.
24
).
8.
Financement de la sécurité sociale pour 2002.
- Discussion d'un projet de loi (p.
25
).
Discussion générale : Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la
solidarité ; MM. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires
sociales pour les équilibres généraux et l'assurance maladie ; Jean-Louis
Lorrain, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la famille ;
Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales pour
l'assurance vieillesse ; Alain Joyandet, rapporteur pour avis de la commission
des finances ; Nicolas About, président de la commission des affaires sociales
; Roland du Luart.
Suspension et reprise de la séance (p. 26 )
PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL
9.
Communication relative à une commission mixte paritaire
(p.
27
).
10.
Financement de la sécurité sociale pour 2002.
- Suite de la discussion
d'un projet de loi (p.
28
).
Discussion générale
(suite)
: MM. Jean-Pierre Fourcade, Bernard Murat,
Mme Annick Bocandé, MM. Guy Fischer, Gilbert Chabroux, Alain Gournac, Serge
Franchis, Roland Muzeau, Bernard Cazeau, Claude Domeizel.
Clôture de la discussion générale.
Mme le ministre, M. le rapporteur.
Renvoi de la suite de la discussion.
11.
Communication de l'adoption définitive de textes soumis au Sénat en application
de l'article 88-4 de la Constitution
(p.
29
).
12.
Dépôt d'une proposition de loi
(p.
30
).
13.
Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
(p.
31
).
14.
Renvoi pour avis
(p.
32
).
15.
Dépôts de rapports
(p.
33
).
16.
Ordre du jour
(p.
34
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
présidence de m. jean-claude gaudin
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
1
procès-verbal
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
saisine du Conseil constitutionnel
M. le président.
M. le président a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel une
lettre par laquelle il informe le Sénat que le Conseil constitutionnel a été
saisi, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, le 7
novembre 2001, par plus de soixante députés d'une demande d'examen de la
conformité à la Constitution de la loi portant amélioration de la couverture
des non-salariés agricoles contre les accidents du travail et les maladies
professionnelles.
Acte est donné de cette communication.
Le texte de la saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de
la distribution.
3
décisions du Conseil constitutionnel
M. le président.
En application de l'article 40 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958,
M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué à M. le président du
Sénat le texte de cinq décisions rendues le 8 novembre 2001 par lesquelles le
Conseil constitutionnel a rejeté les requêtes concernant les élections
sénatoriales du 23 septembre 2001, respectivement dans la Moselle, la Meuse, le
Jura, les Landes, le Lot-et-Garonne, l'Oise, le Puy-de-Dôme, les
Pyrénées-Orientales et l'ensemble des départements de la série B.
Acte est donné de cette communication.
Ces décisions du Conseil constitutionnel seront publiées au
Journal
officiel
à la suite du compte rendu de la présente séance.
4
modification de l'ordre du jour
M. le président. J'informe le Sénat que la question orale n° 1163 de M. Yves Dauge est retirée de l'ordre du jour de la séance d'aujourd'hui, à la demande de son auteur.
5
questions orales
M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
conséquences de l'abandon
du projet d'autoroute A 16
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau, auteur de la question n° 1086, adressée à M. le
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Monsieur le ministre, la région du nord-est et de l'est du Val-d'Oise a
toujours été un axe de pénétration de l'Ile-de-France pour tous les courants et
voies venant du nord de l'Europe. Les axes des pénétrations guerrières ont fait
place aux axes des circulations routières, ferrées et même aériennes.
Aujourd'hui, c'est cette région, s'étendant de Pontoise à Roissy, qui est la
plus fréquentée. Les embouteillages sont devenus permanents, de jour comme de
nuit. Pour aller de Paris à Charles-de-Gaulle en voiture, on met parfois plus
de temps que pour rejoindre par avion n'importe quelle ville de France.
A ce propos, certains ont même envisagé une voie souterraine entre
Charles-de-Gaulle et Paris qui doublerait l'autoroute A 1. Même s'il ne s'agit
pas, bien entendu, de l'objet précis de ma question, pouvez-vous me dire,
monsieur le ministre, ce qu'il en est ?
Dans la recherche de nouvelles solutions possibles, vous vous êtes fixé trois
objectifs en matière d'infrastructures routières, si l'on en croit les grands
travaux prévus au contrat de plan ou même hors du contrat de plan.
Le premier est une mise en sécurité plus performante, qui doit se révéler plus
efficace. La mise en sécurité de la route nationale 17, transformée en voie à
grande vitesse, puis en voie urbaine à l'entrée du Bourget, répond à cette
première orientation. Les crédits, cependant, semblent encore insuffisants pour
réaliser l'ensemble des travaux dans le Val-d'Oise, entre Goussainville et Le
Bourget. Il manquerait de 50 millions à 60 millions de francs.
La deuxième orientation porte sur la suppression des radiales convergeant vers
le centre de Paris. Vous avez annoncé - et vos services le confirment - que le
projet d'autoroute A 16, autoroute radiale à péage arrivant jusqu'à l'autoroute
A 1, après la traversée de zones d'habitation denses du Val-d'Oise et de la
Seine-Saint-Denis, puis du parc de la Courneuve, ne se ferait pas, ce dont nous
sommes satisfaits, vous le savez, même s'il demeure une ombre que nous vous
demandons de lever.
L'autoroute A 16 n'atteindra pas la Francilienne pour ensuite déboucher sur le
BIP, le boulevard intercommunal du Parisis. Cela est d'autant plus intéressant
que la liaison par la Francilienne entre Cergy et Roissy est achevée, ce qui
est cohérent avec le rejet d'une radiale. Pouvez-vous confirmer aujourd'hui,
monsieur le ministre, qu'aucun projet ne viendra contrarier cette décision ?
Si tel est bien le cas, nous vous demandons de nous faire connaître les
mesures envisagées pour lever les emprises foncières ; celles-ci concernent des
surfaces considérables, gelées et inutilisées depuis des dizaines d'années, qui
pourraient permettre l'aménagement par les communes, notamment, d'espaces verts
et d'équipements publics.
La référence au SDRIF, le schéma directeur de la région d'Ile-de-France, ne
tient pas. Avec les plans locaux d'urbanisme et le SCOT, le schéma de cohérence
territoriale, le SDRIF ne correspond plus aux réalités : il est devenu
irréaliste, inefficace et inadapté.
Enfin, la troisième orientation qui semble se dégager de votre politique
routière, notamment en Ile-de-France, est l'amélioration de la performance des
réseaux existants par le maillage destiné à améliorer le fonctionnement et la
liaison des points d'échange.
Assumer la qualité et le nombre des liaisons transversales est une bonne
politique. Elle est la conséquence logique du rejet du principe des seules
radiales. Car ni la route nationale 1 ni les routes départementales 10, 128 et
370 - et bien d'autres, totalement saturées chaque jour - ne sont capables de
supporter les véhicules d'une autoroute A 16 allant au-delà de L'Isle-Adam.
L'autoroute A 16 ne peut pas résoudre ces problèmes.
Je vous le demande pour la région qui nous intéresse : que comptez-vous faire
pour soulager la traversée de Moisselles et Maffliers, qui supporte le flot des
voitures sortant de l'autoroute A 16 par la RN 1 ?
L'aménagement d'une déviation s'impose, tout comme la réalisation de celle de
la RD 370 d'Ezanville à Gonesse, et ce le plus rapidement possible.
La création d'une liaison nouvelle se substituant à la RD 10, ancienne voie
rurale entre la Croix-Verte et le BIP, s'impose aussi pour répondre aux besoins
nouveaux de la circulation et des zones industrielles de Sarcelles et de
Villiers-le-Bel.
Monsieur le ministre, notre région valdoisienne, que vous connaissez, vous
offre la possibilité d'appliquer les orientations pour la circulation routière
que vous avez formulées de manière générale. Mais sans attendre, êtes-vous prêt
à régler définitivement la question de l'arrêt de l'autoroute A 16 à
L'Isle-Adam et d'une déviation de la route nationale 1 ? La décision de lever
toutes les emprises foncières en serait l'affirmation et la garantie.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Madame la
sénatrice, vos interrogations concernant la route nationale 17 s'ajoutant à la
question initiale, je vous répondrai plus précisément par écrit.
Vous avez évoqué la réflexion menée sur une nouvelle liaison autoroutière
directe entre Paris et Roissy. Je puis vous dire que ce n'est pas à l'ordre du
jour : ce qui peut être à l'ordre du jour, c'est une relation ferroviaire entre
Roissy et Paris - Gare-de-l'Est.
Je m'en tiendrai aujourd'hui à votre question portant sur l'autoroute A 16.
Comme vous le savez, les mesures d'accompagnement du développement de
l'aéroport de Roissy - Charles-de-Gaulle que j'ai décidées le 23 septembre 1997
concernent également l'autoroute A 16 dans les départements du Val-d'Oise, le
vôtre, et de la Seine-Saint-Denis.
C'est ainsi que j'ai demandé l'engagement des études en prévision de la
déclaration d'utilité publique du prolongement de l'autoroute depuis
L'Isle-Adam jusqu'à la Francilienne, tout en maintenant les emprises jusqu'au
boulevard intercommunal du Parisis. En revanche, je vous le confirme, j'ai
abandonné le prolongement jusqu'à l'A 86, qui est inutile.
L'intérêt du raccordement de l'A 16 à la Francilienne, qui permettra, à
l'horizon 2015, d'éviter Montsoult et Maffliers, est couramment reconnu. Les
études sont en cours.
S'agissant des emprises de l'A 16 jusqu'au BIP, l'investissement, important,
n'est pas encore justifié du point de vue socio-économique du fait de
l'existence d'itinéraires alternatifs de bonne qualité. Néanmoins, ces emprises
pourraient s'avérer nécessaires à une infrastructure de transport si
l'urbanisation se développait au nord du BIP. Afin de ne pas entraver dans le
futur la réalisation de cette infrastructure éventuelle, les réservations
foncières entre le BIP et la Francilienne seront maintenues, tout en
connaissant des adaptations pour tenir compte des dernières études menées dans
les secteurs les plus sensibles et les plus urbanisés.
Enfin, en ce qui concerne la section située au sud du BIP, les plans
d'occupation des sols et les plans locaux d'urbanisme, qui leur succèdent, ne
peuvent se soustraire à l'obligation juridique de compatibilité avec le schéma
directeur de la région d'Ile-de-France - vous dites qu'il est dépassé, mais il
est toujours en vigueur pour l'Ile-de-France ! -, qui indique un tracé de l'A
16 jusqu'à l'A 86, à La Courneuve. C'est ce tracé dont je viens de confirmer
l'abandon.
L'obligation concernant les emprises ne pourra être levée qu'après une
modification du SDRIF, laquelle, vous ne l'ignorez pas, ne peut être décidée
que par le conseil régional d'Ile-de-France, compétent en la matière. Je vous
encourage donc, madame la sénatrice, à interpeller le conseil régional.
Pour ce qui concerne le Gouvernement, je vous confirme que, comme je m'y étais
engagé, il est hors de question de poursuivre l'A 16 jusqu'à La Courneuve dans
le Val-d'Oise et en Seine-Saint-Denis.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Monsieur le ministre, je note donc que, en ce qui concerne la RN 17, le
principe est acquis de faire en sorte que cette route nationale importante
puisse recevoir toutes les voitures qui descendent du Nord vers Paris. Je vous
l'ai dit, ce sont les financements qui manquent. J'attends donc votre réponse
écrite.
Pour ce qui est du doublement de l'autoroute A 1 entre Paris et Roissy, je
relève que vous avez retenu le principe d'une ligne ferrée reliant la Gare de
l'Est à Roissy. Nous qui nous plaignons des flots de voitures traversant notre
région, nous ne pouvons que nous en réjouir.
En ce qui concerne la Francilienne, je suis très étonnée que vous ne vous
engagiez pas davantage sur la levée des emprises foncières.
Certes, des itinéraires alternatifs seront nécessaires entre la Croix-Verte et
l'arrivée du BIP. Mais, monsieur le ministre, vous faites référence au SDRIF.
Or, depuis que les décrets d'application de la loi solidarité et renouvellement
urbains ont été publiés, le SDRIF, me semble-t-il, n'est plus compatible avec
la législation en vigueur ! Il faut bien entendu le remettre en cause, et, je
le sais bien - cette réponse m'a souvent été faite ! -, cela relève de la
responsabilité du conseil régional.
Je ne peux pas croire que le Gouvernement restera insensible au retard pris
dans l'application de cette loi dans une région aussi importante que la région
d'Ile-de-France !
Vous le savez, monsieur le ministre, les communes sont engagées dans
l'élaboration de leur plan local d'urbanisme, et les groupements, dans ce que
l'on appelle les SCOT. Je m'étonne qu'un retard aussi grave puisse se
prolonger.
Je tiens tout de même à rappeler - vous l'avez d'ailleurs vous-même fait - que
vous aviez pris des engagements lors de l'extension de l'aéroport
Charles-de-Gaulle par la construction de deux pistes supplémentaires. Or, la
réalisation de l'autoroute A 16 reste une possibilité, car, vous le savez, les
volontés politiques peuvent changer. Il n'y a donc qu'un moyen : lever les
emprises foncières !
TRACÉ DE LA BRANCHE EST DU TGV RHIN-RHO^NE
M. le président.
La parole est à M. Barbier, auteur de la question n° 1172, adressée à M. le
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Gilbert Barbier.
Monsieur le ministre, ma question porte sur le tracé prévu pour la branche est
du TGV Rhin-Rhône.
Le tracé actuellement retenu par le comité de pilotage prévoit une ligne
nouvelle entre Mulhouse et Dijon, avec deux gares supplémentaires, l'une à
Meroux, l'autre à Auxon, cette dernière gare étant près de Besançon.
Si le tracé entre Mulhouse et Besançon-Viotte ne semble pas rencontrer
d'objections particulières tant il apparaît utile de doubler la ligne actuelle
de la vallée du Doubs, la création d'une ligne nouvelle entre Besançon et Dijon
est, elle, beaucoup plus contestable et contestée dans son tracé entre Besançon
et Dijon.
La contestation porte sur le fait que le Jura - et la gare de Dole en
particulier - se trouverait fortement pénalisé en matière de desserte TGV,
desserte cependant ô combien nécessaire pour un département qui est souvent
considéré comme strictement rural, mais qui est en fait riche d'un grand nombre
d'industries tournées vers l'exportation.
Certes, des assurances ont été données par le président de Réseau ferré de
France, RFF, et par le préfet en charge du dossier sur le maintien d'un nombre
de dessertes à leurs yeux satisfaisant. Compte tenu de la subjectivité de cette
notion de « satisfaction », nous demeurons cependant inquiets.
Depuis l'origine, le tracé est contesté, le souhait exprimé étant la
réalisation d'une nouvelle ligne au nord de Besançon, vers Mulhouse. Une telle
ligne est véritablement nécessaire, nous en convenons, mais, au sud de
Besançon, la nécessité de la desserte jurassienne doit d'autant plus être prise
en compte que le résultat de la consultation des électeurs bisontins réalisée
récemment confirme - à la très forte majorité de 70 % et avec un taux de
participation élevé de 44,5 % - que les habitants de la capitale régionale
souhaitent une gare unique, avec le maintien de la gare Viotte. Cela doit nous
faire réfléchir.
La déclaration d'utilité publique de la branche est devrait intervenir d'ici à
la fin de l'année ou au début de l'année 2002. Des actions devant la
juridiction compétente peuvent, bien sûr, être envisagées. Compte tenu
cependant des difficultés soulevées à propos de l'entrée dans Besançon et du
tracé entre cette agglomération et Dijon, ne serait-il pas plus sage, monsieur
le ministre, de geler la décision concernant cette portion ? Cela ne remettrait
pas en cause la réalisation des travaux sur la première tranche, entre
Petit-Croix et Besançon, sur laquelle un consensus existe, et permettrait à
nouveau d'étudier une solution qui prévoie, en outre, le raccordement avec la
branche sud et réponde aux attentes des Nord-Jurassiens et des Bisontins.
Peut-être pourrait-on envisager de façon sérieuse la possibilité d'aménager la
ligne existante entre Besançon, Dole et Dijon ?
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous faire part de votre opinion sur cette
proposition et nous indiquer où en sont les concertations sur la branche sud
?
A titre subsidiaire, monsieur le ministre, la question opposant en
Franche-Comté deux anciens ministres de la majorité plurielle, il serait
intéressant de savoir en faveur duquel vous allez trancher !
(M. le ministre sourit.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
sénateur, à votre question subsidiaire, je répondrai que la politique du
Gouvernement consiste à prendre les décisions dans le souci de servir l'intérêt
général, en concertation, bien évidemment, avec tous les acteurs intéressés.
Pour ce qui est de la question principale, il importe d'avoir une vision
globale. Lorsque la décision de lancer la construction du TGV Est-européen a,
enfin, été prise, je me suis engagé - engagement qui participait d'une démarche
d'aménagement du territoire en même temps qu'il répondait à la nécessité de
favoriser l'intermodalité - à ce que, sans attendre la fin de la réalisation de
cette ligne, non seulement les études, mais également les travaux soient
engagés sur la branche est. Dans le projet de budget pour 2002, vous
constaterez d'ailleurs que cette perspective est clairement annoncée.
La déclaration d'utilité publique du TGV Rhin-Rhône doit intervenir dans
quelques semaines et je vous rappelle que, en plein accord avec les régions
concernées, le Gouvernement a décidé de déclarer d'utilité publique la totalité
de la ligne nouvelle entre Dijon et Mulhouse.
Conformément à la politique de développement des infrastructures ferroviaires
fixée par le Gouvernement en 1998, il a cependant été décidé de réaliser la
branche est par étapes, en recherchant le meilleur phasage. Cela doit permettre
de faciliter le financement des opérations, en réalisant en priorité les
tronçons les plus pertinents.
Les études engagées sur la branche est ont permis de comparer deux hypothèses
possibles de première tranche de réalisation : la section Besançon-Mulhouse,
qui correspond au phasage que vous proposez, monsieur le sénateur, et la
section Dijon-Belfort.
Ces études ont montré que, par rapport au scénario d'une première étape
Besançon-Mulhouse - celui que vous privilégiez -, celui d'une première étape
Dijon-Belfort présente les meilleurs temps de parcours sur les différentes
directions, un gain de trafic supérieur et une meilleure rentabilité
socio-économique, pour un coût d'infrastructures équivalent, légèrement
inférieur à 9 milliards de francs.
Dans ces conditions, tous les partenaires du projet, notamment les trois
régions concernées, se sont unanimement prononcés en faveur d'une première
étape Dijon-Belfort, correspondant plus précisément à la section
Auxonne-Petit-Croix. Pour toutes les raisons invoquées - je vous le dis très
sincèrement - ce choix ne me paraît pas susceptible d'être remis en question
aujourd'hui.
En ce qui concerne la desserte ferroviaire de Dole et du Jura dolois, les
conclusions des études d'avant-projet sommaire de la branche est ont garanti à
la ville de Dole, plus généralement aux gares du Jura, une desserte de qualité,
au moins équivalente à la desserte actuelle. Nous sommes donc au-delà de la «
satisfaction » que vous évoquiez, monsieur le sénateur. Le président de la
SNCF, comme celui de RFF, a indiqué en septembre 1998 la volonté de
l'entreprise d'assurer ce niveau de qualité des relations entre Paris et Dole,
à la fois par l'arrêt de TGV en direction de la Suisse et par le prolongement
du TGV Paris-Dijon jusqu'à Dole.
Par ailleurs, à l'instar des autres lignes nouvelles de TGV, la réalisation du
TGV Rhin-Rhône s'accompagnera d'une réorganisation des dessertes ferroviaires
régionales et interrégionales sur les lignes existantes et de la recherche de
la meilleure complémentarité entre les services TGV, « grandes lignes » et TER.
Cette réorganisation sera menée en concertation avec les collectivités locales
concernées, en premier lieu, avec les conseils régionaux. Cela devrait être de
nature à lever vos inquiétudes, monsieur Barbier.
Les décisions concernant cette branche est n'hypothèquent en rien les choix
qui seront effectués pour la réalisation de la branche sud du TGV Rhin-Rhône,
qui a fait l'objet au printemps 2000 d'un débat public.
Vous savez que je tiens particulièrement à la branche sud pour que le TGV
Rhin-Rhône existe réellement. Cette liaison libèrera les potentialités de Sion
et permettra, notamment, de faire circuler des marchandises par le fer, ce qui,
vous le savez, est l'un des objectifs de la politique gouvernementale.
Le public, les élus et les représentants des acteurs économiques ont, je
crois, bien compris l'intérêt d'adapter cette branche au développement attendu
du transport ferroviaire de voyageurs et de fret.
Comme il est, bien entendu, nécessaire de s'assurer de la comptabilité de la
branche est avec la branche sud du TGV Rhin-Rhône, le projet de la branche est
réserve plusieurs possibilités de raccordements de la branche sud sur la ligne
classique Dijon-Dole-Mulhouse.
Le résultat, qui sera publié dans quelques semaines, des études
complémentaires menées par RFF à l'issue du débat public permettra de
déterminer les principales fonctionnalités nécessaires à la réalisation de
cette branche. A partir des conclusions de ces études, je mènerai, je puis vous
en assurer, la concertation nécessaire à l'établissement d'un cahier des
charges pour cette nouvelle infrastructure.
M. Gilbert Barbier.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Barbier.
M. Gilbert Barbier.
Monsieur le ministre, tous les élus savent que les engagements donnés par la
SNCF en matière de desserte ne satisfont que ceux qui peuvent les entendre
favorablement. Il n'en reste pas moins que le trafic s'est détériorié à la gare
de Dole, où plusieurs trains ne s'arrêtent pas.
S'agissant en particulier de la possibilité pour les TGV en direction de la
Suisse de s'arrêter en gare de Dole, la SNCF nous dit que sa politique
commerciale en matière de trains internationaux doit tendre à éviter les «
cabotages » à l'intérieur du territoire français ! Les trains doivent donc se
rendre directement en Suisse, et c'est d'ailleurs ce que souhaitent les
Lausannois et les Bernois. C'est un premier problème.
Le deuxième problème, monsieur le ministre, concerne le carrefour entre la
branche sud et la branche est. Plusieurs tracés sont envisagés concernant la
branche sud. Nous ignorons si c'est le tracé le plus à l'ouest qui sera retenu,
c'est-à-dire celui qui remonte directement vers Dijon et « occulte » le
département du Jura. L'articulation entre la branche sud et la branche est
mériterait une attention plus particulière et l'on ne devrait pas figer dès
aujourd'hui la branche est.
Un troisième problème se pose, monsieur le ministre. Vous avez certes raison,
il faut augmenter les capacités de fret. Mais quelle sera la situation à Dole ?
Les trains de marchandises traverseront, par la voie actuelle, la gare, avec
toutes les nuisances qui en résultent, et le trafic voyageurs passera à
distance par la vallée de l'Ognon en direction de Dijon. Nous souhaitons, au
contraire, que le trafic marchandises passe à l'extérieur de la ville et que
les trains de voyageurs s'arrêtent en gare de Dole.
POLITIQUE DE LUTTE CONTRE L'AMBROISIE
M. le président.
La parole est à M. Piras, auteur de la question n° 1164, adressée à M. le
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
M. Bernard Piras.
Je souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'aménagement du
territoire et de l'environnement sur la politique de lutte contre l'
ambrosia
artemisiifolia
, autrement dit l'ambroisie, et la mission confiée aux maires
dans cette action.
L'ambroisie, également appelée « fausse moutarde », est une plante annuelle de
la famille des composées. Cette plante, qui nous vient d'Amérique du Nord, peut
atteindre une hauteur de 30 centimères à 1,50 mètre. Elle colonise notamment
les sols dénudés, les terres rapportées, peu ou non végétalisées, et les sols
non ou mal entretenus, tels que les jachères, les chantiers et les bas-côtés
des routes.
L'ambroisie fleurit d'août à octobre et un pied peut alors produire 2,5
milliards de pollens en une journée ! La dissémination se fait par le vent,
l'eau, les animaux, mais également par l'homme.
Ce pollen peut provoquer de graves manifestations allergiques chez certaines
personnes : rhinites, conjonctivites, asthmes, eczéma, urticaire, vertiges et
malaises. La situation est si préoccupante que les comptes de pollens
d'ambroisie sont régulièrement communiqués au public notamment par
l'association française d'études des ambroisies. Le nombre de personnes
concernées est important et tend à augmenter, la vallée du Rhône étant
particulièrement touchée par ce fléau.
Devant cette situation, des arrêtés préfectoraux ont été pris, visant à
juguler la prolifération de l'ambroisie et à réduire l'exposition de la
population à son pollen ; les obligations prévues s'imposent aux propriétaires,
aux locataires, aux ayants droit et aux occupants, à quelque titre que ce soit,
de terrains.
Les techniques de prévention et d'élimination suivantes sont privilégiées : la
végétalisation, l'arrachage suivi de végétalisation, la fauche ou la tonte
répétée. Ces techniques doivent être employées avant la floraison, c'est-à-dire
avant la fin du mois de juillet.
Les maires sont, parmi d'autres autorités, chargés de faire appliquer ces
arrêtés. Cependant, compte tenu de leur proximité avec la population, ils se
retrouvent en première ligne face aux contestations justifiées de citoyens
subissant les effets de l'ambroisie et à la négligence ou à l'incivilité de
certains de leurs administrés. En dépit de leur bonne volonté et de leur
dévouement, les élus locaux se trouvent souvent désarmés devant l'ampleur et
les difficultés du problème. Même si, sur le plan légal, les articles L. 2212-1
et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales donnent le pouvoir
aux maires de faire procéder à l'élimination des plants d'ambroisie aux frais
des intéressés, leur mise en oeuvre s'avère difficile.
Ainsi, il apparaît qu'un tel plan de lutte est, d'une part, compte tenu de
l'évolution constatée, peu efficace, et conduit, d'autre part, à faire
supporter aux élus locaux la prise en charge de ce fléau, alors qu'ils ne
possèdent pas forcément les moyens matériels nécessaires et que, en raison de
leur position, ils se retrouvent dans une situation inconfortable, peu propice
à une application stricte des arrêtés préfectoraux.
Devant la gravité de ce phénomène, qui relève de la santé publique, ne
l'oublions pas, une prise en charge plus globale et mieux coordonnée, ainsi
qu'un plan de lutte draconien, sont nécessaires et donneraient sans doute des
résultats plus probants.
Je souhaiterais donc que M. le ministre de l'aménagement du territoire et de
l'environnement m'indique les mesures qu'il entend prendre, en accord avec les
autres ministres concernés, pour rassurer la population et, surtout, les
élus.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
sénateur, M. Cochet, qui ne pouvait être présent dans cet hémicycle ce matin,
m'a demandé de vous communiquer sa réponse, ce que je fais volontiers. La
situation est d'ailleurs originale, puisque c'est le ministre de l'équipement
qui va répondre à une question relative à la santé publique posée au ministre
de l'aménagement du territoire et de l'environnement !
(Sourires.)
M. Jean-Pierre Raffarin.
Vous êtes un gouvernement à vous tout seul !
(Nouveaux sourires.)
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Mais c'est la
réponse de M. Cochet que je vais vous lire !
L'ambroisie à feuilles d'armoise,
Ambrosia artemisiifolia
, est l'une
des cinq espèces d'ambroisies qui se rencontrent en France. De la même famille
que les marguerites, cette herbe fleurit en août et en septembre. Elle mesure
habituellement de vingt à soixante centimètres de haut, et atteint rarement un
mètre vingt. C'est une plante de terrains vagues ; en zone rurale, elle est
connue pour coloniser notamment les jachères non entretenues et les champs de
tournesol.
Comme vous l'avez souligné, monsieur le sénateur, elle pose un problème de
santé publique. Depuis plusieurs années, un programme d'actions contre les
risques sanitaires liés à la prolifération de l'ambroisie à feuilles d'armoise
a été mis en oeuvre par les pouvoirs publics, en raison du caractère allergène
de son pollen.
Le ministère de la santé a ainsi engagé, en liaison avec les associations
locales, de nombreuses études sur l'impact sanitaire de ce problème, en
particulier dans la région lyonnaise, principalement touchée. Le constat établi
a conduit à mettre en place, sous l'égide des autorités sanitaires locales, une
large campagne d'information à destination du public et des différents acteurs
concernés par la lutte contre l'ambroisie à feuilles d'armoise et à instaurer,
par arrêtés préfectoraux, des mesures de lutte.
L'application de ces mesures suppose un effort collectif et une action de
terrain vigilante, dans le cadre des pouvoirs de police conférés aux maires des
communes. La responsabilité de l'élimination de l'ambroisie et de la prévention
de la pousse de cette plante incombe, en effet, aux propriétaires, locataires
ou occupants, ainsi qu'aux exploitants éventuels des terrains concernés.
L'engagement des élus et de leurs administrés est nécessaire pour mener une
lutte efficace visant à faire disparaître cette plante de notre environnement
quotidien.
Afin d'apporter une aide concrète, le ministère de la santé a diffusé un guide
méthodologique précisant les moyens de lutte avant la période de pollinisation,
à destination des maires des communes de la région Rhône-Alpes, ainsi que des
services de l'Etat, des services techniques des collectivités, des aménageurs
et de la profession agricole. Une veille sanitaire comprenant notamment un
réseau national de surveillance aérobiologique a été mise en place et permettra
d'évaluer l'efficacité de ces mesures.
M. Cochet précise enfin que les services du ministère de l'aménagement du
territoire et de l'environnement se tiennent prêts à apporter leur concours aux
services du ministre de la santé, premier responsable de ce dossier.
M. Bernard Piras.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Piras.
M. Bernard Piras.
Monsieur le ministre, vous pourrez indiquer à votre collègue le ministre de
l'aménagement du territoire et de l'environnement que les réponses que vous
m'avez transmises figuraient dans ma question et ne me satisfont pas du tout
!
Ce que je voudrais savoir, c'est comment les différents ministères intéressés
pourraient agir de façon coordonnée afin d'aider les maires à être efficaces
sur le terrain et de dégager les moyens nécessaires. Je connais la réponse
technique, mais la difficulté tient à la mise en oeuvre des solutions.
L'Etat et les élus locaux mènent de façon satisfaisante les actions qui
relèvent de la prévention. En revanche, pour ce qui concerne la répression et
l'application de la législation, les choses sont plus difficiles. J'insiste sur
ce point, et je reposerai donc ma question sous d'autres formes.
DIFFICULTÉS DES COMMUNES
EN MATIÈRE DE TRAVAUX D'ASSAINISSEMENT
M. le président.
La parole est à M. Raffarin, auteur de la question n° 1171, adressée à M. le
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
j'adresserai tout d'abord un salut amical à M. de Bourgoing, que j'aperçois
dans les tribunes du public et qui a longtemps siégé dans cette assemblée.
Ma question adressée à M. le ministre de l'aménagement du territoire et de
l'environnement concerne les charges financières relatives aux travaux
d'assainissement qui pèsent aujourd'hui sur les collectivités territoriales.
J'ai eu l'occasion cet été, dans mon département de la Vienne, de rencontrer
l'ensemble des élus locaux, et il s'agit de la première de leurs
préoccupations.
En effet, la mise aux normes, notamment en ce qui concerne le traitement des
eaux usées, imposera à partir de 2005 des travaux très importants. Or ces
travaux sont aujourd'hui peu financés, malgré les efforts très importants des
conseils généraux et ceux des agences de l'eau, lesquels sont en recul parce
que ces dernières sont soumises à d'autres exigences financières. Quant aux
communes, elles n'ont pas les moyens de compléter le financement de ces
travaux.
Ma question sera donc la suivante : tous les contrats de plan Etat-région
comportant un volet territorial, qui prévoit que des crédits de l'Etat et de la
région sont affectés au développement local, ne serait-il pas possible
d'utiliser ces crédits pour soutenir les collectivités territoriales dans leurs
efforts d'assainissement ?
En effet, comment construire des logements et développer le tourisme si
l'assainissement n'est pas assuré ? Il s'agit là d'un préalable au
développement local dans bien des communes. Par conséquent, je souhaite que
l'on puisse mobiliser les crédits du volet territorial du contrat de plan pour
aider les communes et appuyer l'action des départements et des agences de
l'eau.
Cela permettrait à notre pays de se mettre aux normes européennes en matière
d'assainissement d'ici à la fin des années 2010, et ce point est très important
si l'on veut que notre territoire conserve tout son pouvoir d'attraction. A cet
égard, je connais les combats menés par M. Joly pour la promotion du tourisme ;
or l'assainissement est un préalable à l'accueil et, plus largement, à tout
développement local.
Quelle est, monsieur le secrétaire d'Etat, la position du Gouvernement sur ce
sujet ?
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants.
Monsieur
le sénateur, la question que vous avez soulevée est d'importance. A l'évidence,
de nombreuses communes rurales rencontrent les difficultés que vous avez
signalées.
Je rappellerai cependant que, si la construction de réseaux d'assainissement
et de stations d'épuration peut en effet s'avérer coûteuse pour les communes,
les dépenses liées à ce service public, industriel et commercial doivent être,
en règle générale, intégralement répercutées sur l'usager. Cela étant, il est
certain que l'on ne peut dépasser un certain seuil à cet égard, car le prix de
l'eau deviendrait alors prohibitif pour nombre de nos concitoyens.
En tout état de cause, des subventions publiques sont accordées aux
collectivités, en particulier par les agences de l'eau. Celles-ci apportent en
effet un concours financier très important à l'assainissement, qui représente
leur principal poste de dépenses. Certaines collectivités peuvent toutefois,
malgré ces aides importantes, être confrontées à un coût excessif de
l'assainissement. C'est en particulier souvent le cas pour les communes de
petite taille dans lesquelles l'habitat est dispersé.
Il convient donc de rappeler que la mise en place de réseaux d'assainissement
et de stations collectives de traitement ne constitue pas une obligation légale
pour l'ensemble des communes. La directive européenne du 21 mai 1991 relative
au traitement des eaux résiduaires urbaines et les textes français pris pour sa
transposition n'imposent en effet aucunement aux communes appartenant à des
agglomérations d'assainissement de moins de 2 000 équivalents-habitants de
collecter tout ou partie des eaux usées domestiques produites sur leur
territoire. Celles-ci peuvent parfaitement faire le choix de maintenir un
assainissement non collectif, à la charge des propriétaires des habitations.
A cet égard, la loi sur l'eau du 3 janvier 1992 a modifié le code de la santé
publique et le code général des collectivités territoriales pour faire de
l'assainissement non collectif un mode de traitement des eaux usées à part
entière. En effet, lorsque les conditions techniques requises sont mises en
oeuvre, l'assainissement non collectif garantit des performances comparables,
voire supérieures, à celles de l'assainissement collectif et permet de disposer
de solutions plus économiques pour l'habitat dispersé : il doit donc constituer
la solution de référence en milieu rural.
Par conséquent, il faut redonner toute sa place à l'assainissement non
collectif dans les réflexions conduites par les collectivités, de manière à
éviter toute extension excessive des réseaux de collecte, solution qui reste
trop fréquemment privilégiée. Le projet de loi sur l'eau prévoit de renforcer
les possibilités d'intervention des collectivités locales en appui à
l'assainissement non collectif.
Vous avez insisté, monsieur Raffarin, sur la nécessité, pour certaines
communes, de revoir leur réseaux d'assainissement. En effet, au cours des
années soixante-dix et quatre-vingt, elles ont parfois construit des réseaux
extrêmement importants, devenus aujourd'hui insuffisants ou n'étant déjà plus
conformes aux normes. C'est là où le bât blesse.
Pour les communes rurales qui devraient toutefois s'orienter vers
l'assainissement collectif, des aides complétant celles des agences de l'eau
existent : il s'agit des aides du fonds national de développement des
adductions d'eau du ministère de l'agriculture, distribuées par les conseils
généraux, auxquelles s'ajoutent les aides directement prises en charge par ces
derniers, qui sont importantes dans nos départements, ainsi que, selon les
priorités définies par les préfets et sous-préfets, les subventions accordées
au titre de la dotation globale d'équipement.
Il ne paraît pas opportun au ministre de l'aménagement du territoire et de
l'environnement de multiplier les intervenants dans le domaine de
l'assainissement et il ne considère donc pas prioritaire de réorienter des
crédits inscrits aux contrats de plan vers le financement des travaux
d'assainissement.
Quoi qu'il en soit, la renégociation des contrats de plan Etat-région me
semble s'imposer dans ce domaine particulier, qui devrait à mon avis faire
l'objet d'un volet spécifique, de nombreuses régions étant prêtes à aider les
communes qui voudraient améliorer leur réseau d'assainissement.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Monsieur le secrétaire d'Etat, votre réponse ne me satisfait pas.
En effet, il faut se garder d'exclure le financement des travaux
d'assainissement par le biais des contrats de plan Etat-région. A l'heure
actuelle, de nombreux projets de développement se trouvent bloqués parce que
les intervenants que vous avez évoqués ne dégagent pas les moyens
nécessaires.
Ainsi, bien des programmes de logements et des projets touristiques ne
pourront voir le jour dans les communes rurales que lorsqu'une solution
satisfaisante aura été apportée au problème de l'assainissement.
Cela me conduit à penser que les moyens financiers qui aujourd'hui ne sont pas
consommés dans l'attente d'une contractualisation tardant dans bien des régions
pourraient être utilisés en faveur de l'assainissement. J'estime donc qu'il n'y
a pas lieu d'engager une renégociation des contrats de plan Etat-région, dans
la mesure où ceux-ci prévoient, dans leurs volets territoriaux, que des
conventions d'application seront signées. Par conséquent, il suffit que l'Etat
et la région se mettent d'accord pour décider que l'assainissement relève du
développement local et territorial ; les crédits concernés pourront alors
servir au financement des travaux d'assainissement.
Je dirai, pour terminer, un mot du financement par les usagers. Voilà quelques
années, le coût de la vie était moins cher à la campagne qu'en ville. Or, je
suis frappé de constater que, à la suite de différentes évolutions financières,
la tendance s'est aujourd'hui totalement inversée : les habitants sont soumis à
une sorte d'impôt rural, avec la taxe intérieure sur les produits pétroliers et
un certain nombre de dispositions fiscales, et vivre à la campagne aujourd'hui
devient pénalisant financièrement. Il ne faut pas que cette situation s'aggrave
au travers de l'assainissement.
M. Hubert Haenel.
Tout à fait !
M. Jean-Pierre Raffarin.
On ne peut donc à mon avis pas faire appel aux usagers de la ruralité au-delà
de ce qui se fait déjà.
M. Hubert Haenel.
Très bien !
CONDITIONS D'INSTALLATION
DES CIRQUES DANS LES COMMUNES
M. le président.
La parole est à M. Hérisson, auteur de la question n° 1131, adressée à Mme le
ministre de la culture et de la communication.
M. Pierre Hérisson.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite vous faire part des difficultés
rencontrées notamment par plusieurs communes du département de la Haute-Savoie
l'été dernier, dans leurs relations avec les gens du cirque.
En effet, malgré l'impossibilité pour les communes d'accueillir ces cirques en
raison de spectacles programmés de longue date - et c'est plus particulièrement
le cas dans les communes touristiques -, ceux-ci sont entrés en force au mépris
de la convention signée avec l'Association des maires de France. Ils se sont
installés sans tenir compte de la sécurité, du bon ordre public et parfois de
la salubrité, alors que l'impossibilité de les accueillir leur avait été
notifiée plusieurs mois à l'avance et que d'autres dates leur avaient été
proposées.
Les gens du cirque invoquent la liberté du travail, mais celle-ci doit-elle
s'exercer au mépris des autres utilisateurs autorisés de l'espace public et
d'une réglementation qui concerne, entres autres, la sécurité du chapiteau et
les conditions de traitement des animaux ?
Aussi, monsieur le secrétaire d'Etat, je vous serais reconnaissant de bien
vouloir m'apporter toute précision sur les obligations et les droits de ces
cirques à l'égard des collectivités et m'indiquer les possibilités de recours
immédiats dont disposent les maires pour contraindre ces personnels à quitter
des communes dans lesquelles ils n'ont pas obtenu l'autorisation d'exercer leur
art.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants.
Monsieur
le sénateur, Mme Tasca, qui présente actuellement son budget devant la
commission des affaires sociales et culturelles de l'Assemblée nationale, vous
prie de bien vouloir excuser son absence.
L'installation des cirques dans les villes est soumis à un ensemble de
dispositions législatives et réglementaires qui relèvent du code général des
collectivités territoriales, lorsque le domaine où le cirque s'installe est
sous l'autorité d'une commune. Ces dispositions concernent notamment les permis
de stationnement et les pouvoirs de police dont dispose le maire en matière de
sécurité et de tranquillité des populations. Le maire peut, en effet, prendre
des dispositions afin d'expulser les cirques dont il aurait constaté une
implantation illégale. Mais nous connaissons les difficultés d'une
expulsion...
En tant qu'entreprises de spectacles, les cirques sont, en outre, soumis aux
réglementations en vigueur concernant notamment l'obligation de détenir une
licence d'entrepreneur de spectacles, la réglementation sur la sécurité des
spectacles de cirque et des chapiteaux ainsi que des dispositions particulières
relatives aux chapiteaux, tentes et structures.
Enfin, les cirques présentant des numéros avec des animaux non domestiques
doivent être en possession d'un certificat de capacité. Les conditions de
transport et d'utilisation des animaux sont aussi réglementées par des
conventions européennes, notamment la convention de Washington, applicable en
France depuis 1997.
Malgré cet ensemble de réglementations, l'installation « sauvage » de cirques
est une réalité qui continue de se produire, créant ainsi une réelle difficulté
pour les villes qui peinent à effectuer ou à faire effectuer par les services
compétents des contrôles de conformité ; et je ne parle pas de l'effet négatif
que ces abus induisent sur l'ensemble de la profession du cirque...
Conscient de ce problème, le ministère de la culture et de la communication a
pris l'initiative d'établir une charte pour améliorer les conditions d'accueil
des cirques en ville et inciter au respect de la réglementation en vigueur par
les entreprises de cirque.
La charte a été signée le 23 mai 2001 par les trois syndicats représentatifs
du cirque en France, l'association des maires de France, la fédération
nationale des communes pour la culture et le ministère de la culture et de la
communication.
Cette charte est désormais ouverte à l'adhésion des villes et des entreprises
de cirque auprès des directions régionales des affaires culturelles. La
direction régionale dont votre commune relève peut donc vous fournir, monsieur
le sénateur, cette charte, si vous ne l'avez déjà.
L'accueil de toutes les entreprises nomades qui circulent à travers la France
est problématique, surtout dans les petites communes ; en effet, les moyens
d'expulsion sont très difficiles et longs à mettre en oeuvre. Si un cirque
s'installe un soir sans autorisation dans une commune pour donner une
représentation le lendemain, le dépôt d'une plainte pour abus ne pourra, le
plus souvent être suivi d'un jugement d'expulsion du président du tribunal,
faute de temps. Le recours à la force publique est encore plus difficile à
obtenir. Nous sommes donc confrontés là à une difficulté majeure.
M. Pierre Hérisson.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de la réponse complète que
vous m'avez apportée.
Comme je l'avais fait moi-même précédemment, vous avez fait référence à la
convention signée récemment, dans laquelle, selon moi, un élément essentiel a
peut-être été oublié : il serait en effet logique, si l'on veut être un peu
réaliste, de définir ce qu'est réellement aujourd'hui un cirque. A mes yeux,
l'essentiel du problème se situe là.
Un certain nombre de maires et de nos concitoyens sont parfois étonnés de voir
des cirques voyager de commune en commune, s'installer, faire leur publicité et
n'attirer que peu de spectateurs. Ils comprennent mal la relation existant
entre les dépenses engagées pour l'activité globale de ces cirques - charges
d'exploitation d'une entreprise de spectacles, nourriture pour les animaux,
carburant pour les véhicules - et une recette inexistante, ou presque.
Il me paraît donc nécessaire de se donner la possibilité, à un moment donné,
de vérifier non seulement la solvabilité mais aussi l'honnêteté de ces
entreprises, qui donnent parfois l'impression de se livrer plus au blanchiment
d'argent qu'à des activités culturelles, cadre dont elles ne devraient pourtant
pas sortir.
TVA APPLICABLE À LA RESTAURATION COLLECTIVE
ET AUX REPAS SERVIS AUX PERSONNES A^GÉES
M. le président.
La parole est à M. Peyronnet, auteur de la question n° 1175, adressée à M le
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Monsieur le secrétaire d'Etat, par un arrêt de mars 2000 rendu sur saisine de
l'Union des métiers de l'hôtellerie, le Conseil d'Etat a jugé illégales les
deux décisions ministérielles anciennes - elles dataient de mars 1942 et de
mars 1943 - exonérant, à l'époque, de taxes sur le chiffre d'affaires - il
s'agit désormais de la TVA - les repas payés par les usagers des cantines
administratives, des cantines d'entreprises et des cantines scolaires et
universitaires.
En application de cette décision de justice, une instruction fiscale du 30
mars 2001 a soumis ces activités au taux plein de la TVA, des exceptions étant
néanmoins heureusement prévues : ainsi, les repas servis aux personnels sont
soumis au taux réduit de TVA dans les conditions fixées par le décret de mars
2001 ; de plus, en application du code général des impôts, les repas servis aux
scolaires dans les établissements d'enseignement de même que les repas servis
aux patients dans les établissements de santé sont exonérés de la TVA.
Malgré tout, cette espèce de compromis ne répond pas totalement au vide laissé
par l'abrogation des décisions ministérielles de 1942 et 1943, et risque de
conduire dans certaines hypothèses à des difficultés importantes. C'est le cas,
en particulier, pour les repars servis aux personnes âgées, que ce soit en
établissements ou à domicile. Il est clair que des précisions sont nécessaires
sur ce point.
Je souhaite donc, monsieur le secrétaire d'Etat, que les résidents des maisons
de retraite soient assimilés à des patients d'un établissement de santé, sans
distinction de la qualité des lits occupés, qu'ils soient médicalisés ou
non.
Par ailleurs, je souhaite que les repas servis à domicile aux personnes âgées
et préparés par des établissements hospitaliers, des restaurants scolaires ou
divers restaurants publics restent exonérés de TVA. Sinon, le risque est grand
que les personnes âgées en question refusent de recourir à de tels services
qui, pourtant, présentent des garanties indéniables de qualité et de sécurité
sur le plan de la livraison. Tel est le sens de ma question, monsieur le
secrétaire d'Etat.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants.
M. Laurent
Fabius, qui vous prie d'excuser son absence, m'a demandé de répondre à sa place
à votre importante question, monsieur le sénateur.
Le Conseil d'Etat a effectivement déclaré illégales deux anciennes décisions
ministérielles datant de Vichy qui fondaient l'exonération de TVA dont
bénéficiaient les cantines d'entreprises et d'administrations.
Les recettes provenant de la fourniture de repas aux salariés par les cantines
d'entreprises et d'administrations sont donc désormais soumises de plein droit
à la TVA.
Toutefois, ces recettes peuvent, en application de l'article 279
bis
du
code général des impôts, bénéficier du taux réduit de 5,5 % dans les conditions
prévues par l'article 85
bis
de l'annexe III à ce code.
En revanche, les repas servis aux patients dans les établissements de santé ne
sont pas soumis à la TVA dès lors qu'il s'agit d'opérations étroitement liées
aux opérations de soins.
Ces principes, qui ont été commentés dans une instruction administrative du 21
mars 2001 publiée au
Bulletin officiel
des impôts 3 A-5-01, n'emportent
aucune conséquence sur les règles de TVA applicables aux repas servis aux
résidents des maisons de retraite autorisées en application de la loi du 30
juin 1975.
Les maisons de retraite gérées par des collectivités publiques sont placées
hors du champ d'application de la TVA conformément à l'article 256 B du code
général des impôts.
De même, les établissements gérés par des organismes sans but lucratif peuvent
bénéficier, sous réserve de satisfaire aux conditions de non-commercialité, de
l'exonération des impôts commerciaux, et donc de TVA, prévue en faveur de ces
organismes.
Dans les deux cas, les repas servis aux résidents de ces maisons de retraite
ne sont donc pas soumis à la TVA.
Par ailleurs, la fourniture de repas aux personnes âgées hébergées dans les
établissements privés à but lucratif reste soumise à la TVA au taux réduit en
application de l'article 279
a
du code général des impôts.
Sur le second aspect de votre question, monsieur le sénateur, M. le ministre
de l'économie, des finances et de l'industrie vous précise que les associations
agréées en application de l'article L. 129-1 du code du travail et dont
l'activité consiste à fournir des repas à domicile à des personnes âgées,
handicapées ou dépendantes sont exonérées de TVA.
Ces opérations, lorsqu'elles sont réalisées par des organismes publics ou
privés non lucratifs tels que des établissements de santé ou des maisons de
retraite, sont susceptibles de ne pas être soumises à la TVA dans les
conditions de droit commun applicables à ces établissements et sous réserve
notamment de ne pas entraîner de distorsion dans les conditions de la
concurrence.
Dans le cas où ces conditions ne seraient pas satisfaites, ces livraisons de
repas seraient soumises à la TVA au taux du produit soit, en règle générale, au
taux réduit dès lors qu'il s'agit de produits alimentaires.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Je suis assez satisfait de cette réponse qui clarifie quelque peu les choses,
encore que la notion de distorsion de concurrence, que je comprends d'ailleurs
très bien, puisse entraîner des contentieux et de nouvelles contestations de
décisions prises dans ce domaine.
Il me paraît convenable que le Gouvernement ne pratique pas une politique
consistant, d'un côté, à majorer le fonds aidant les départements à financer
l'allocation personnalisée d'autonomie et, d'un autre côté, à reprendre par le
biais de la fiscalité une partie de l'argent qui leur est alloué.
Par conséquent, sous réserve d'une étude plus approfondie, monsieur le
secrétaire d'Etat, je suis assez satisfait, je le répète, de la réponse que
vous m'avez communiquée.
LÉGISLATION RÉGISSANT L'ACCUEIL
DES GENS DU VOYAGE DANS LES PETITES COMMUNES
M. le président.
La parole est à M. Haenel, auteur de la question n° 1132, adressée à M. le
ministre de l'intérieur.
M. Hubert Haenel.
La question que j'ai adressée à M. le ministre de l'intérieur portait sur
l'application de la récente législation régissant l'accueil des gens du
voyage.
En effet, si la loi du 5 juillet 2000 a précisé et renforcé les droits et
devoirs des maires, il n'en reste pas moins que de nombreuses communes
rencontrent encore des difficultés devant l'arrivée massive des gens du
voyage.
On va sans doute me répondre que tout est dans la loi, qu'il suffit de la
respecter. Mais encore faut-il que l'Etat mette tout en oeuvre pour la faire
respecter avec célérité.
Nous avons tous constaté, dans le Haut-Rhin comme un peu partout en France,
que les maires se trouvent souvent désarmés, soit parce qu'ils sont incapables
financièrement ou matériellement de mettre à disposition des populations
concernées les terrains et équipements qui leur sont nécessaires, soit parce
qu'ils sont incapables de faire respecter les arrêtés pris pour réglementer ou
interdire sur certains terrains le stationnement intempestif des caravanes de
nomades.
En outre - osons appeler un chat un chat - les autorités de l'Etat, notamment
certains préfets, ne veulent pas toujours ou ne peuvent pas - ils n'ont pas les
moyens en gendarmes ou en policiers - faire appliquer les textes.
Ce sont principalement les petites communes qui connaissent ce type de
difficultés, c'est-à-dire les communes de moins de 5 000 habitants, qui ne sont
pas directement visées par les dispositions de la loi du 5 juillet 2000.
Monsieur le secrétaire d'Etat, quelles mesures doivent être prises pour
apporter un soutien efficace aux maires de ces communes, afin de leur permettre
de remplir sereinement leurs obligations dans le respect des droits des uns et
des autres ? Ne perdons pas de vue que la négligence dans l'application des
dispositions législatives et réglementaires peut susciter l'exaspération et
conduire à des débordements. Qui sera alors moralement et juridiquement
responsable si l'occupation tourne mal ?
Par ailleurs, les maires seront enclins à saisir - ils commencent déjà à le
faire - de plus en plus souvent la juridiction administrative afin de faire
constater la carence de l'Etat, donc à le faire condamner, pour avoir refusé le
concours de la force publique afin de faire exécuter une décision judiciaire
d'expulsion immédiate.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants.
Monsieur
le sénateur, retenu chez le Premier ministre ce matin, M. le ministre de
l'intérieur vous prie d'excuser son absence.
Il tient à vous assurer que le Gouvernement n'est pas indifférent à la
question que vous posez ; le vieil élu local que je suis a rencontré maintes
fois ce genre de difficulté. Celle-ci n'est d'ailleurs pas uniquement liée à la
taille des communes : toutes les communes de France sont confrontées à de tels
problèmes.
Les dispositions de la loi du 5 juillet 2000 prévoyant le développement d'une
offre d'accueil répondant aux besoins des gens du voyage prendront tous leurs
effets dans un délai de deux à trois ans, D'ici là, des améliorations
progressives devraient intervenir dans des délais relativement courts.
Encore faut-il qu'on se donne les moyens, notamment les moyens judiciaires et
policiers, de satisfaire à la demande des maires.
Cette loi a fait l'objet de quatre décrets d'application, publiés en juin
dernier, qui rendent applicables toutes ses dispositions.
Aux termes de la loi, les aires d'accueil seront réalisées dans un délai de
deux ans à compter de l'approbation du schéma départemental, c'est-à-dire au
plus tard le 6 janvier 2004. La mise en oeuvre du dispositif d'accueil
départemental conduira ainsi à une réduction des difficultés rencontrées par
les communes, du moins le souhaitons-nous.
S'agissant des petites communes non assujetties aux obligations de la loi,
elles peuvent, ainsi que le précise la circulaire du 5 juillet 2001, souhaiter
disposer de capacités d'accueil suffisantes afin d'organiser sur leur
territoire le stationnement des gens du voyage. Cette possibilité permet au
maire d'interdire, par arrêté, en dehors de cette aire, le stationnement des
caravanes et de saisir le président du tribunal de grande instance aux fins de
faire ordonner l'évacuation forcée des résidences mobiles stationnées
irrégulièrement.
Au demeurant, vous connaissez très bien, monsieur le sénateur, les difficultés
dans lesquelles se trouvent les maires pour faire face à l'« envahissement »,
puisqu'il faut bien employer ce mot qu'occasionne l'arrivée intempestive de
caravanes, surtout si elles sont nombreuses.
Dans ce cas, le maire dépose une plainte, mais il faut trois jours au tribunal
pour prendre sa décision en référé et deux jours au préfet pour disposer de la
force publique nécessaire, si tant est qu'il souhaite pouvoir le faire.
Ainsi, pour qu'une action ait lieu, il faut compter cinq jours, délai au bout
duquel en général les intéressés sont partis, connaissant très bien les
difficultés qu'ils rencontreront s'ils restent au-delà.
La loi a amélioré le dispositif en permettant la création d'aires en dehors
desquelles le stationnement est interdit.
Un certain nombre de maires, entre autres les maires des petites communes, ont
opté délibérément pour cette solution, préférant prévoir une aire de
stationnement et éviter ainsi la dispersion de caravanes des gens du voyage sur
le territoire de leur commune.
M. le président.
Il fut plus facile au chanoine Kir, revêtu de sa soutane, d'empêcher les
Allemands d'entrer dans Dijon qu'il ne l'est aujourd'hui d'empêcher les nomades
d'entrer dans les communes !
(Sourires.)
M. Hubert Haenel.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Haenel.
M. Hubert Haenel.
Monsieur le secrétaire d'Etat, le Gouvernement et les autorités
administratives doivent être conscients que les élus locaux ont trop souvent le
sentiment d'être nargués par les gens du voyage, qui essaient de se faufiler
entre les mailles du filet législatif et réglementaire.
Il serait souhaitable que le Gouvernement rappelle à nouveau aux préfets
qu'ils doivent prêter aide et assistance aux maires, en amont et en aval de la
décision judiciaire d'expulsion.
REMBOURSEMENT DES FRAIS DE CURE THERMALE
AUX ANCIENS COMBATTANTS
M. le président.
La parole est à M. Joly, auteur de la question n° 1178, adressée à M. le
secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants.
M. Bernard Joly.
Monsieur le secrétaire d'Etat, les anciens combattants et victimes de guerre
sont mécontents des révisions relatives à la prise en charge de plus en plus
restreinte des frais d'hébergement dans les stations thermales dont bénéficient
les assurés sociaux et leurs ayants droit relevant de l'article 115 du code des
pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre.
Jusqu'à la fin de l'année 1993, les frais engagés, sous certaines conditions
pour les nuitées et les repas dès dix-huit jours de cure, étaient pris en
charge à 100 %. A compter de 1994 jusqu'au 27 juillet de cette année, la
couverture des frais de séjour de ces mêmes assurés dans les mêmes conditions
de soins était limitée à cinq fois le plafond de la participation forfaitaire
des caisses primaires d'assurance maladie aux frais de séjour des assurés
sociaux, soit 4 920 francs.
Depuis cet été, le forfait a été ramené, par arrêté, à trois fois le plafond
déterminé antérieurement. Ainsi, désormais, la prise en charge sera de 2 952
francs.
Or l'article 115 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes
de guerre est clair : « L'Etat doit gratuitement aux titulaires d'une pension
d'invalidité attribuée au titre du présent code les prestations médicales,
paramédicales, chirurgicales et pharmaceutiques nécessitées par les infirmités
qui donnent lieu à pension, en ce qui concerne exclusivement les accidents et
complications résultant de la blessure ou de la maladie qui ouvre droit à
pension. »
La cure thermale est une hospitalisation nécessitée par l'état du pensionné
suite à la blessure reçue ou à la maladie contractée et qui a ouvert droit à
pension. L'article D. 62
bis
dispose que « les pensionnés ont droit au
versement d'une indemnité forfaitaire d'hébergement » et non à une
participation.
La nation a contracté vis-à-vis de ceux qui l'ont défendue une dette qui,
partiellement, se rembourse à travers les soins indispensables au maintien de
leur état de santé. Comment peut-on imaginer que l'on puisse être aussi
parcimonieux avec des Français qui ont, sans compter, donné pour leur pays ?
On fait sans cesse appel au devoir de mémoire, à juste titre. Mais, au-delà
des témoignages indispensables pour informer les générations actuelles de leur
ancrage, de leur histoire, de leur identité, il me paraît tout aussi
indispensable d'accompagner dans la réparation de leur souffrance ceux qui ont
été les acteurs de ce passé proche et qui ont fait de nous ce que nous sommes
aujourd'hui.
Monsieur le secrétaire d'Etat, comment justifier les restrictions dont sont
l'objet nos anciens combattants et victimes de guerre dans la prise en charge
des traitements thermaux qui leur sont prescrits ?
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants.
J'ai
trouvé ce dossier important, qui touche au droit à réparation, en arrivant rue
de Bellechasse. Malheureusement, ce droit, tel qu'il a été établi par les lois
de 1919, juste après la Grande Guerre de 1914-1918, a évolué : de la loi, on
est passé au décret, à l'arrêté, à la lettre circulaire, à la lettre
d'explication ministérielle. Si, aujourd'hui, tous les textes concernant le
droit à réparation étaient soumis au Conseil d'Etat, je doute que ce dernier
émettrait systématiquement un avis favorable. C'est ainsi qu'a été annulée la
circulaire relative à la prise en charge des frais de cure thermale engagés par
les anciens combattants.
Quand les armées avaient des centres d'hébergement, ils étaient ouverts aux
anciens combattants ; l'hébergement était gratuit pour les titulaires d'une
pension militaire d'invalidité, PMI, comme les soins nécessaires au traitement
des maladies, les soins paramédicaux, pharmaceutiques, conformément à la
loi.
Au moment où les armées ont fermé leurs centres, il a été décidé, par simple
lettre circulaire, que les anciens combattants titulaires d'une PMI
bénéficieraient d'une indemnité équivalente à cinq fois le taux de base.
Un ancien combattant, qui n'a pas été satisfait de cette indemnité, a demandé
au juge de dire le droit. Celui-ci a cherché sur quel texte se fondait
l'administration pour accorder une indemnité fixée à cinq fois le taux de base.
Il n'a trouvé aucun texte législatif, ni aucun texte d'application. Nous en
sommes donc revenus au droit commun.
Une négociation s'est alors instaurée entre le ministère de l'économie et des
finances et celui de la défense. Elle a permis de faire en sorte qu'au budget
2001, ce qui sera reconduit en 2002, soit inscrite une indemnité équivalente à
trois fois l'indemnité de base, ce qui est insuffisant, c'est certain. Vous
pouvez constater en tout cas la fragilité des textes concernant le droit à
réparation.
J'ai donc demandé à mes services de rechercher tous les textes existant en
matière de droit à réparation pour déterminer ceux qui nécessiteraient une
modification législative de façon à assurer une plus grande sécurité
juridique.
Vous évoquiez, monsieur Joly, le devoir de mémoire que nous avons envers les
anciens combattants. Mais ce qui est tout aussi important pour eux, vous avez
eu raison de le citer, c'est le droit à réparation. Encore faut-il rappeler que
ce droit se fonde sur la loi du 31 mars 1919, qui n'a pas été modifiée à ce
jour.
Cette faiblesse juridique pose un véritable problème : il ne faudrait pas que
des anciens combattants par manque de moyens financiers soient empêchés de
suivre une cure.
A la suite d'une proposition formulée, la semaine dernière, par un député lors
du débat sur le budget de mon département ministériel, j'ai demandé à mes
services d'examiner si l'ONAC, l'Office national des anciens combattants et
victimes de guerre, ne pourrait pas verser un complément de prise en charge aux
curistes disposant de ressources modestes.
M. Bernard Joly.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de ce message d'espoir que
vous nous donnez. Il aurait été navrant, tant du point de vue moral, eu égard à
la reconnaissance que nous devons à ces personnes, qu'au regard de la logique
arithmétique, puisque leur nombre diminue - c'est malheureusement inéluctable -
d'année en année, qu'elles soient pénalisées.
ÉLIGIBILITÉ
AU FONDS DE COMPENSATION DE LA TVA
M. le président.
La parole est à M. Amoudry, auteur de la question n° 1157, adressée à M. le
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Jean-Paul Amoudry.
Je souhaite obtenir des éclaircissements sur les conditions d'application de
l'article 69 de la loi de finances pour 2001, qui permet aux communes situées
en zone de montagne de bénéficier du FCTVA, le Fonds de compensation pour la
taxe sur la valeur ajoutée, au titre des dépenses d'investissement que ces
collectivités effectuent sur leurs alpages et estives.
En montagne, en effet, la plupart des pâturages communaux comportent sur leurs
territoires un ou plusieurs bâtiments, utilisés le plus souvent par les
exploitants locataires pour abriter les troupeaux, vivre auprès d'eux et
transformer la production laitière.
Les travaux nécessaires à la bonne gestion et à la pérennité de ces unités
pastorales représentent, pour les collectivités locales propriétaires, une
charge très importante, en investissement comme en entretien, qu'il s'agisse
des accès, des réseaux ou des bâtiments présents sur ces sites, notamment en
vue de la mise en conformité avec les normes sanitaires françaises et
européennes.
Or le produit des loyers et fermages est bien loin de couvrir l'ensemble de
ces dépenses, de telle sorte que nos communes payent une lourde contribution à
l'entretien du patrimoine montagnard français et à son ouverture au public.
C'est, à mes yeux, la raison majeure pour laquelle le législateur a décidé
d'étendre, à partir de cette année, le bénéfice du FCTVA aux investissements
des communes sur leurs alpages et estives.
Pourtant, le préfet de la Haute-Savoie a récemment indiqué au maire de la
commune de Montriond que l'article 69 de la loi de finances pour 2001 ne
pouvait pas s'appliquer à des travaux d'aménagement d'un atelier de fabrication
fromagère. Le représentant de l'Etat justifie cette position en expliquant que
la fabrication fromagère est une activité « revêtant un caractère commercial »,
ce qui ferait obstacle à l'éligibilité au FCTVA.
Mais il ne peut y avoir maintien d'exploitations agricoles en alpage, donc
entretien durable et de qualité des espaces pastoraux d'altitude, sans présence
sur le site de locaux adaptés à la fabrication fromagère. C'est pourquoi le
bâtiment est indivisible du foncier, et l'activité de production fromagère, qui
n'assure pas le retour sur investissement, ne peut et ne doit en aucune façon
être assimilée à un acte de commercialisation.
La position prise par l'administration aboutit ici à vider de sa substance la
décision du législateur puisque, sans bâtiments adaptés aux besoins du
pastoralisme, il n'y a plus de véritable gestion de nos terres d'altitude.
Aussi je souhaite que soit rétabli tout le sens de cette mesure
législative.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat à l'industrie.
Monsieur le sénateur, comme vous le
savez, le FCTVA est destiné à consentir une aide directe à l'investissement
selon des critères généraux, dont l'un des principaux veut que la dépense entre
dans le champ de compétence de la collectivité et qu'elle soit ensuite intégrée
dans le patrimoine de la collectivité.
Toutefois, comme vous l'indiquez, l'article 69 de la loi de finances pour 2001
a rendu éligibles, au FCTVA, par dérogation, les communes et les établissements
publics de coopération intercommunale au titre des dépenses d'investissement
exposées sur leurs immobilisations affectées à l'usage d'alpage.
Laissez-moi vous préciser préalablement l'esprit de cette mesure particulière.
Elle vise à aider le financement d'infrastructures en haute montagne. Il
s'agit, dans ce cas particulier, des dépenses concernant des cabanes de berger,
des refuges de hautes montagne, etc.
Or l'éligibilité d'infrastructures d'intérêt public mises à disposition de
tiers non éligibles au FCTVA est normalement conditionnée par l'égalité d'accès
des usagers potentiels, égalité d'accès qui caractérise le fonctionnement du
service public. La dérogation introduite par l'article 69 de la loi de finance
2001 se justifie dans la mesure où il est difficile de vérifier dans les faits
que cette condition est remplie, les usagers potentiels de ces bergeries étant
très peu nombreux, alors que ces derniers participent pleinement à la
préservation des activités pastorales.
En revanche, votre suggestion de rendre par ailleurs éligibles au FCTVA les
investissements réalisés sur des locaux mis à disposition d'un exploitant
agricole permanent, locataire d'une chèvrerie pour laquelle il souhaiterait
voir engager des travaux d'extension estimés à 1 050 000 francs hors taxes,
contreviendrait à ces principes, qui ne peuvent être remis en cause, sauf à
dénaturer le FCTVA.
En effet, il s'agirait là du développement d'une activité commerciale
implantée dans des locaux appartenant à la commune et non d'une mise à
disposition dans le cadre du service public en haute montagne. Dans ces
conditions, ces investissements ne peuvent bénéficier du FCTVA.
Cela étant, les dépenses supportées par les communes et les établissements
publics de coopération intercommunale pour la rénovation d'un chalet d'alpage
peuvent ouvrir droit à récupération de la taxe sur la valeur ajoutée par la
voie fiscale si le loyer perçu en contrepartie de la mise à disposition du
bâtiment est lui-même soumis à la TVA.
Or, dans le cas d'un bâtiment à usage agricole, le loyer afférent à la partie
du bâtiment qui n'est pas affectée à l'habitation peut être soumis à la TVA sur
option formulée par la collectivité bailleresse, à condition que le bail ait
été enregistré et si le preneur est lui-même redevable de la TVA ; je vous
renvoie à l'article 260, paragraphe VI, du code général des impôts.
L'exploitant agricole locataire déduit, quant à lui, la taxe afférente au
loyer dans les conditions habituelles.
Telles sont, monsieur le sénateur, les précisions que je suis en mesure de
vous apporter, et je pense que la deuxième partie de ma réponse, notamment,
vous donnera satisfaction.
M. Jean-Paul Amoudry.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Amoudry.
M. Jean-Paul Amoudry.
Je vous remercie, monsieur le sécrétaire d'Etat, des pistes que vous avez, en
effet, bien voulu ouvrir à la fin de votre intervention.
Toutefois, je tiens à faire observer que l'on ne peut, en l'occurrence,
considérer qu'il s'agit d'une activité commerciale. Il suffit de se rendre sur
le terrain pour constater que l'activité de chèvrerie en haute montagne est
très loin, comme je le disais tout à l'heure, d'assurer le retour sur
investissement. Il s'agit beaucoup plus d'une activité relevant de ce que le
Gouvernement appelle le « développement durable », dans la mesure où un début
de rentabilité ne peut apparaître qu'à très long terme ; alors que cette
activité ne procure qu'un revenu extrêmement réduit, couvrant à peine les
besoins de la famille, elle a bien un caractère de gestion durable de
l'espace.
Autrement dit, nous nous trouvons là devant une activité qui se situe en
dehors des logiques économiques. Dès lors, elle ne peut être qualifiée de «
commerciale », et elle relève beaucoup plus de ce que l'on appelle le « service
public ».
Peut-être les conditions,
stricto sensu
, d'éligibilité au FCTVA ne
sont-elles pas remplies mais j'affirme à nouveau qu'il s'agit d'une activité de
service public et, à mon avis, en l'espèce, le loyer ne pourra pas donner lieu
à l'application de la TVA de droit commun.
Il s'ensuit que la collectivité sera pénalisée puisqu'elle ne pourra ni
bénéficier du FCTVA ni entrer dans le système de la TVA de droit commun.
Or, si nous n'y prenons pas garde, il y a là l'amorce d'un déclin.
La France est de plus en plus citadine et, de ce fait, les conseils municipaux
doient faire face à des besoins de « fond de vallées », c'est-à-dire des
besoins à caractère urbain : équipements scolaires, sociaux, de transports,
etc.
Si les conseils municipaux ne reçoivent pas un petit coup de main de l'Etat,
ils négligeront leurs terrains de montagne. La montagne sera alors abandonnée,
ce qui est à l'opposé de l'objectif de développement durable que nous tous,
aussi bien au Gouvernement qu'au Parlement, nous avons fait nôtre.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaiterais donc qu'une réflexion soit
menée plus avant pour trouver une solution réellement satisfaisante.
MANQUE DE PERSONNEL DANS LES SERVICES DE LA DIRECTION DÉPARTEMENTALE DE LA
CONCURRENCE, DE LA CONSOMMATION ET DE LA RÉPRESSION DES FRAUDES (DDCCRF) DE LA
DORDOGNE
M. le président.
La parole est à M. Cazeau, auteur de la question n° 1173, adressée à M. le
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Bernard Cazeau.
J'ai souhaité attirer l'attention de M. le ministre de l'économie sur les
difficultés que connaissent actuellement les personnels de la direction
générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes,
la DGCCRF, dans le cadre de l'évolution de leurs missions.
En effet, la DGCCRF connaît une actualité chargée, ses missions étant en prise
directe avec plusieurs événements marquants de la période : enquêtes relatives
à la sécurité alimentaire des consommateurs, protection du consommateur dans le
cadre du passage à l'euro, entre autres. Ses compétences, au fil des aléas de
notre vie économique, s'accroissent tant qualitativement que
quantitativement.
La direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la
répression des fraudes de la Dordogne en est un bon exemple. Elle est
aujourd'hui en proie à de sérieuses inquiétudes face à une croissance de son
activité, qu'aucune dotation en personnel n'est venue compenser. On assiste
même, au contraire, à une réduction tendancielle des effectifs : 25 agents en
1998, 23 en 2000, 21 en 2001 et 20 prévus pour 2002.
Je ne saurais trop insister sur les spécificités géographiques et économiques
du département de la Dordogne, qui rendent indispensable une action soutenue de
la direction départementale.
L'espace périgourdin est très étendu et la Dordogne est le troisième
département de France en superficie, ce qui alourdit d'autant les missions des
agents de la DDCCRF.
Le tissu urbain périgourdin est, par ailleurs, très émietté ; on compte en
Dordogne 557 communes, qui sont autant d'usagers des services d'aide aux
collectivités qu'offre la DDCCRF.
L'économie locale est, pour une bonne part, centrée sur le tourisme et
l'agroalimentaire, deux secteurs où la défense des consommateurs est
indispensable.
Enfin, la démographie périgourdine est marquée par un fort vieillissement de
la population, ce qui n'est pas sans conséquence, par exemple, sur
l'information relative à l'euro.
En Dordogne comme partout en France, la direction départementale participe
activement à la réalisation d'une économie régulée, normée et respectueuse de
son environnement juridique et social, telle que le Gouvernement, pour autant
que je sache, l'appelle de ses voeux. Il paraît, en conséquence, indispensable
que les moyens nécessaires à la concrétisation de ce dessein soient mis en
oeuvre.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat à l'industrie.
L'effectif de la direction
départementale de la Dordogne est de 21 agents pour un effectif implanté de 20
agents, l'agent supplémentaire se situant en catégorie C. Nous pouvons convenir
qu'un tel effectif permet à la DDCCRF de remplir avec efficacité les missions
qui lui sont dévolues.
Le tableau d'implantation des emplois de la direction générale, dans son
ensemble, fera l'objet d'une étude approfondie en 2002. La situation de la
direction départementale de la Dordogne, de même que celle des autres
directions, sera examinée à la lumière des résultats de cette étude.
D'une manière générale, l'effectif budgétaire de la direction générale vient
d'être renforcé pour tenir compte des missions nouvelles qui lui ont été
confiées.
Ainsi, aux douze autorisations de recrutement obtenues en 2001 se sont
ajoutées vingt-deux autorisations supplémentaires au titre de la sécurité
alimentaire, réparties en treize emplois d'inspecteur proposés au concours et
neuf emplois de contractuel. Ces vingt-deux emplois seront inscrits à
l'effectif budgétaire en 2002.
De plus, le plan de mobilisation des emplois vacants mis en oeuvre cette
année, et que vous avez personnellement soutenu, a permis d'augmenter le nombre
de postes offerts aux concours de contrôleur et d'inspecteur de la concurrence,
de la consommation et de la répression des fraudes.
Enfin, je suis en mesure de vous annoncer une bonne nouvelle : la direction
générale pourra affecter, en août et octobre 2002, des promotions d'inspecteurs
et de contrôleurs sensiblement plus nombreuses que celles des années
précédentes. J'espère - mais je crois le savoir - que la Dordogne participera à
ce mouvement avec bonheur.
M. Bernard Cazeau.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Cazeau.
M. Bernard Cazeau.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de ces précisions. Espérons
que l'étude que vous envisagez permettra véritablement de stabiliser, dans le
cadre de leurs nouvelles missions, les effectifs de ce cadre de fonctionnaires
!
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Ils ne seront pas seulement stabilisés, mais leur
nombre sera accru !
M. Bernard Cazeau.
En tout cas, je vous remercie de votre réponse.
DEVENIR DE L'INDUSTRIE NUCLÉAIRE
M. le président.
La parole est à M. Richert, auteur de la question n° 1176, adressée à M. le
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Philippe Richert.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ma question concerne les centrales nucléaires
et leur avenir.
Alors que nos voisins d'outre-Atlantique ont subi des attaques inimaginables -
qui aurait pu, en effet, imaginer de tels événements ? -, ne faut-il pas
considérer, sans catastrophisme, que les centrales nucléaires peuvent être des
cibles potentielles d'attaques terroristes sur notre territoire ?
Nous savons que les documents de sûreté nucléaire français sont sans équivoque
: une centrale ne pourrait pas résister à la chute d'un avion de ligne.
N'est-il pas temps, dans ces conditions, de repenser de manière globale la
politique énergétique de la France ?
Pour ce qui est du nucléaire, a-t-on prévu une défense aérienne, au moyen de
missiles, par exemple, pour tous les sites, à l'image de ce qui est fait
maintenant, semble-t-il, à La Hague ? Va-t-on renforcer la protection physique
des réacteurs grâce à des enceintes plus épaisses et plus résistantes ?
Au-delà du renforcement ponctuel de la surveillance - je dis « ponctuel »,
parce que nous savons bien que, dès que l'on commence à oublier les événements,
très souvent, on relâche la surveillance -, ne faut-il pas mettre aujourd'hui
en place une surveillance généralisée de l'ensemble de la chaîne nucléaire ?
Au moment de la construction, dans les années 1970-1980, des centrales
nucléaires, on s'était certes inquiété du risque de chute d'un avion, mais on
considérait que ce risque était quasiment nul. Or nous sommes aujourd'hui dans
une situation différente, parce que certains avions, nous l'avons vu, peuvent
être détournés de leur destination initiale.
En ce qui concerne le cas plus particulier de la centrale nucléaire de
Fessenheim, les six générateurs de vapeur des réacteurs arrivent en fin de vie.
Actuellement, une enquête publique est ouverte en vue de l'obtention d'une
autorisation de les entreposer sur le site. Leur remplacement - non prévu lors
de la conception de la centrale et d'un coût, il faut le rappeler, de près de 4
milliards de francs - paraît donc imminent et sans appel.
Je souhaiterais savoir si M. Fabius envisage une concertation avec l'ensemble
des parties concernées - élus, population, associations - sur la pérennisation
de cette installation sur le sol alsacien.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat à l'industrie.
Monsieur le sénateur, la France est l'un
des premiers pays au monde pour la sécurité de son approvisionnement
énergétique, pour son indépendance énergétique et industrielle, mais aussi pour
la non-émission de gaz à effet de serre par unité de PIB produite ou par
habitant.
Cette situation est évidemment très largement due à une production
d'électricité compétitive - c'est d'ailleurs la plus compétitive d'Europe - et
à notre appareil industriel de production électronucléaire.
Nous renforçons, par ailleurs, les énergies renouvelables et nous menons une
politique ambitieuse de maîtrise de l'énergie.
Ce programme nucléaire assure une production de qualité, garantie et sûre.
Mais la poursuite de l'exploitation nucléaire ne serait pas concevable sans la
prise en compte des aspects de sûreté - à tous les stades, de la conception à
la construction, au fonctionnement et à l'arrêt - des installations.
La France y contribue par un contrôle très rigoureux de ses propres
installations et par son action de sensibilisation au niveau international.
Il est vrai, monsieur le sénateur, que la chute d'un aéronef, telle qu'elle a
été prévue par les directives générales de sûreté concernant les installations
nucléaires, n'a été envisagée que pour de petits avions civils et que nous
n'avions pas prévu - et c'est vrai non seulement pour le nucléaire mais
également pour une multitude d'industries ou pour toutes les activités humaines
présentant un risque - les situations de guerre ou les actes de terrorisme,
qui, vous l'avez d'ailleurs dit vous-même, monsieur le sénateur, sont très
imprévisibles et étaient très improbables au moment où nous avons construit ces
centrales.
Ainsi, des événements comme ceux qui ont touché récemment les Etats-Unis ne
sont évidemment pas pris en compte. Toutefois, comme vous le savez, vous qui
êtes élu de la région de Colmar, nous avons pris un certain nombre de mesures
de précaution destinées à mettre en sûreté les installations industrielles les
plus sensibles, dont - mais pas exclusivement - les centrales nucléaires.
La mise en alerte d'un certain nombre d'avions de chasse susceptibles
d'intervenir dans un délai extrêmement bref - entre deux et trois minutes - a
été décidée. Au demeurant, pour qu'un avion commercial important puisse par
malheur se diriger sur une installation industrielle, quelle qu'elle soit, il
faut un certain temps : une grande distance, pouvant aller jusqu'à quatre cents
kilomètres, est nécessaire à un avion de ligne pour descendre du niveau de vol
où il évolue jusqu'au sol. De la sorte, les avions militaires ont, le cas
échéant, le temps d'intervenir.
A la suite des récents attentats, nous avons mené une réflexion en profondeur
afin de modifier notre approche - ainsi que vous le souhaitez dans votre
question - de la notion de risque majeur pour ce type d'installations. J'ai
veillé personnellement - et M. le Premier ministre est très attentif à cette
question - à ce que cette réflexion sur les spécifications de sûreté et de
sécurité vis-à-vis de cette occurrence nouvelle pour nos installations
nucléaires soit menée le plus rapidement possible.
Je veux aussi vous rassurer, monsieur le sénateur, concernant la centrale de
Feissenheim, qui est l'un de nos premiers sites et qui est essentielle à notre
production électrique.
Ce site a encore plusieurs années de production devant lui, et il serait
prématuré d'affirmer aujourd'hui que les conditions techniques de la poursuite,
sous le contrôle de l'autorité de sûreté, de son exploitation ne seront pas
réunies lorsque, dans quelques années, le problème se posera. L'exemple des
Etats-Unis est là pour le montrer : l'utilisation des centrales peut être
prolongée lorsque l'autorité de sûreté considère que c'est possible et sans
danger pour les populations.
Le moment venu - mais il est beaucoup trop tôt aujourd'hui pour le dire - nous
aurons donc à examiner cette situation, sous le contrôle de l'autorité de
sûreté. Vous en serez évidemment prévenu puisque, comme vous le savez, c'est le
nucléaire qui fait en France l'objet des concertations les plus fortes et les
plus permanentes avec les commissions locales d'information, qui réunissent des
élus locaux et des élus nationaux et qui constituent une passerelle permanente
entre ce type d'activité essentielle au développement du pays et la réalité de
l'environnement humain, social et culturel des centrales nucléaires.
M. Philippe Richert.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je ne peux qu'être d'accord avec vous sur une
grande partie de votre propos. Il ne s'agit pas, en effet, de polémiquer sur un
tel sujet.
La donne a cependant changé. J'avoue que, jusqu'à présent, je ne
m'interrogeais pas sur la potentialité d'un attentat comme celui que viennent
de subir les Etats-Unis. Mais, aujourd'hui, tout est possible ! Face à une
remise en cause aussi fondamentale, je crois qu'il faut vraiment se demander si
le moment n'est pas venu de s'interroger sur la pérennité de ces
installations.
C'est d'autant plus vrai que, prochainement, nous aurons à prendre des
décisions à Fessenheim, parce que les générateurs de vapeur arrivent en fin de
vie. Or nous ne pourrons pas les prolonger éternellement, d'autant que les
coûts induits sont importants.
Nous n'avons sans doute pas fait suffisament de progrès en matière d'économies
d'énergie, et le débat doit avoir lieu - mais pas en catimini - car le moment
est venu pour la France de réfléchir sur son approvisionnement en énergie et
sur les grands choix qui devront être faits.
Si je ne crois pas à l'avenir des éoliennes, en revanche, je pense que nous
devons faire des efforts plus importants dans beaucoup d'autres domaines, en
particulier en matière d'énergie solaire, où nous sommes en retard.
Je souhaite donc un vrai débat, dans le respect des réalités actuelles, car
nous devons penser aux générations futures.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Monsieur Richert, vous me donnez l'occasion de
confirmer les chiffres que contiennent les différents rapports de l'Assemblée
nationale et du Sénat : le prolongement d'un an - sous le contrôle de
l'autorité de sûreté - d'une tranche de 900 mégawatts rapporte 400 millions à
500 millions de francs nets par an et par tranche. La rentabilité de l'appareil
industriel et de l'appareil énergétique se trouve ainsi multipliée dans des
proportions étonnantes.
C'est le choix que viennent de faire les Etats-Unis d'Amérique, et c'est le
choix auquel nous serons confrontés dans quelques années lorsque nous aurons à
décider de la poursuite ou non de notre politique énergétique. Quoi qu'il en
soit, pour l'instant, cette politique énergétique est établie, et elle ne sera
pas modifiée.
statut des inspecteurs
des affaires sanitaires et sociales
M. le président.
La parole est à M. Foucaud, auteur de la question n° 1155, adressée à Mme le
secrétaire d'Etat au budget.
M. Thierry Foucaud.
Monsieur le secrétaire d'Etat, permettez-moi d'attirer votre attention sur le
rôle, la charge de travail et le statut des inspecteurs des affaires sanitaires
et sociales.
Ceux-ci font partie, avec les médecins et pharmaciens inspecteurs de santé
publique et les ingénieurs de génie sanitaire, des personnels de catégorie A
dans les directions départementales des affaires sanitaires et sociales, les
DDASS, et les directions régionales des affaires sanitaires et sociales, les
DRASS.
Ils participent à la mise en oeuvre des politiques nationales de santé et de
solidarité avec les partenaires locaux que sont les collectivités
territoriales, les organismes de protection sociale, les associations et
institutions sanitaires et médico-sociales et les autres administrations de
l'Etat.
Ils assurent l'encadrement des DDASS et des DRASS et exercent, selon leur
secteur d'intervention, des fonctions d'animation et de coordination,
d'inspection, de contrôle et d'évaluation, de programmation, de planification
et d'allocation de ressources, de conception, d'ingénierie et de conseil.
La palette de leurs missions, très étendue, s'est encore élargie par des
prérogatives nouvelles directement liées à l'adoption par la représentation
nationale, sur proposition du Gouvernement, de nouvelles mesures sociales au
caractère éminemment positif : couverture maladie universelle, loi contre les
exclusions, allocation personnalisée à l'autonomie.
Toutes ces missions méritent gratification. Or, si les acteurs de la politique
sociale et de santé de catégorie A, avec lesquels les inspecteurs des affaires
sanitaires et sociales travaillent en permanence, ont bénéficié dans la
dernière période de mesures de revalorisation de carrière, tel n'est pas leur
cas des intéressés.
Voilà pourquoi, par souci d'équité et au regard de leur charge de travail, je
voudrais connaître les mesures que le Gouvernement compte prendre pour que le
statut des inspecteurs des affaires sanitaires et sociales soit rapidement
revalorisé, ce qui leur garantirait un meilleur déroulement de carrière et un
niveau de rémunération plus élevé, bien légitime et naturel pour des cadres de
catégorie A.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat à l'industrie.
Monsieur le sénateur, les inspecteurs
des affaires sanitaires et sociales sont en effet aux avant-postes de la mise
en oeuvre des politiques nationales de santé et de solidarité : programmes
nationaux de santé publique, veille sanitaire, mise en oeuvre du plan national
de lutte contre l'exclusion ou de l'allocation personnalisée à l'autonomie,
etc.
Ils sont au front sur tous ces sujets essentiels pour l'évolution de notre
société.
Ces agents relèvent de la compétence de ma collègue de l'emploi et de la
solidarité, qui suit avec un très grand intérêt l'évolution de leurs missions
et de leurs carrières. Je veux néanmoins vous apporter les éléments suivants,
en réponse à votre préoccupation sur la reconnaissance de cette profession, qui
est essentielle.
Afin de tenir compte de l'accroissement de leur charge de travail, le
Gouvernement a d'ores et déjà accordé à ces personnels une amélioration
sensible de leur régime indemnitaire. Cette amélioration passe notamment par la
revalorisation de leur prime de technicité accordée dès 2001. Le Gouvernement
va poursuivre cette amélioration en 2002. A cet effet, des crédits sont
inscrits dans le projet de loi de finances pour 2002, qui est actuellement
soumis à votre examen, mesdames, messieurs les sénateurs.
Par ailleurs, sur le plan statutaire, un projet de réforme élaboré par le
ministère de l'emploi et de la solidarité est en cours de discussion avec les
services du ministère de l'économie et des finances et ceux de mon collègue de
la fonction publique. Mais, d'ores et déjà, monsieur le sénateur, une provision
de crédits de 1,2 million d'euros est prévue à cet effet dans le projet de
budget du ministère de l'emploi et de la solidarité pour 2002.
Ce projet vise à améliorer l'évolution de carrière des inspecteurs des
affaires sanitaires et sociales et à favoriser les perspectives de promotion de
ces agents, en résorbant les blocages actuels des personnels dans les derniers
échelons de certains grades. Il répondra ainsi concrètement à votre souhait
d'un meilleur déroulement des carrières.
M. Thierry Foucaud.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse, qui me
convient parfaitement, puisque le Gouvernement poursuit l'amélioration du
régime de ces inspecteurs, nous annonce qu'un projet de réforme est en cours de
discussion et que 1,2 million d'euros supplémentaire sera inscrit dans le
projet de loi de finances pour 2002 et consacré à la progression salariale, à
l'évolution de carrière et à la promotion de ces inspecteurs. Ces derniers, si
j'ai bien compris, se trouveront par conséquent à égalité avec les autres
inspecteurs de catégorie A.
INDEMNISATION DES SALARIÉS À DOMICILE PAYÉS À LA PIÈCE LORS DE LA CESSATION
D'ACTIVITÉ DE LEUR EMPLOYEUR
M. le président.
La parole est à M. Souvet, auteur de la question n° 1121, adressée à Mme le
ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Louis Souvet.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
comme vous le savez, la fabrication d'une montre de qualité nécessite de
nombreuses opérations manuelles. De plus, le produit en question est peu
volumineux. Ces deux paramètres ont conditionné l'apparition d'un travail à
domicile à la pièce, exécuté par des hommes et des femmes adroits sur le plan
professionnel qui, en période hivernale, meublent ainsi de longues journées,
alors qu'à l'extérieur le froid sévit et la neige s'amoncelle sur plusieurs
mètres de hauteur parfois.
Ce travail, que l'on a souvent qualifié de travail « sur la fenêtre », ne
rapporte pas des sommes extrêmement importantes, mais il permet d'équilibrer le
budget d'une famille. Ce travail très spécifique mérite un accompagnement
social particulier, notamment lors du calcul des indemnités ASSEDIC. Les
chiffres prouvent que ce n'est malheureusement pas le cas à l'heure
actuelle.
Les indemnités calculées sur la moyenne des salaires des douze derniers mois
sont souvent dérisoires puisque, logiquement, lorsqu'une entreprise connaît des
difficultés, elle commence par réduire le volume de travail à domicile, qui
sera par conséquent de moins en moins important. Le salaire sera minoré
d'autant, provoquant parfois de graves difficultés. La solution absurde serait,
comme l'a suggéré l'un des fonctionnaires à une salariée placée dans cette
délicate situation, « de se faire licencier quand il y a du travail » ! On
n'aurait pas pu trouver de meilleure répartie !
Il faut sortir de cette logique imposée par la réduction progressive du nombre
de pièces assemblées et prendre, si cela s'avère nécessaire, dans ce cas
précis, une période de référence plus importante, voire la moyenne des mois les
plus rémunérateurs.
Le secteur de l'horlogerie est emblématique en matière de travail à la pièce à
domicile, mais il n'est pas le seul secteur d'activité concerné. Par
conséquent, les réponses et les solutions qui seront apportées par les pouvoirs
publics pour remédier à un tel état de fait, excessivement pénalisant et
inéquitable pour les salariés en question, pourront bénéficier à l'ensemble de
ces salariés bien particuliers.
L'objectif n'est pas de remettre en cause cette organisation du travail, qui
permet de concilier vie professionnelle et vie familiale. Il est d'en atténuer
les aspects les plus négatifs pour les intéressés, notamment en cas de
cessation d'activité de l'entreprise. Rendre plus attractive cette forme de
travail, c'est aussi - c'est là un aspect non négligeable - participer à la
lutte contre le travail clandestin.
Monsieur le secrétaire d'Etat, même si, sur le plan national, ce problème
concerne un nombre relativement restreint de salariés, il suscite, dans les
familles qui ont recours à cette forme de travail, de cruelles déceptions. Les
témoignages de mes correspondants sont là pour nous le prouver. Je vous
demande, en conséquence, d'apporter des réponses concrètes à ces foyers, dont
l'équilibre financier peut rapidement être remis en cause.
Il faut souligner, pour conclure, que les revenus annuels générés par une
telle activité varient fortement d'un mois sur l'autre, d'une année sur
l'autre. Une pondération sur un terme relativement long doit permettre de
prendre en compte, pour le calcul des indemnités, un revenu moyen plus
important que celui qui est actuellement retenu.
Je vous remercie de l'attention que vous porterez à ce problème, qui dépasse
le secteur de l'assemblage horloger.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët,
secrétaire d'Etat à l'économie solidaire.
Monsieur le sénateur, les
règles d'indemnisation du chômage des salariés à domicile, fixées par l'annexe
V du règlement annexé à la convention relative à l'aide au retour à l'emploi et
à l'indemnisation du chômage du 1er janvier 2001, ne diffèrent pas
fondamentalement du droit commun applicable à l'ensemble des demandeurs
d'emploi indemnisés par le régime d'assurance chômage.
Cependant, la durée d'affiliation des travailleurs à domicile est décomptée en
heures et non en jours. Les bulletins de salaire mentionnent le plus souvent
les heures effectuées correspondant à la production du salarié à domicile.
En l'absence d'information sur l'horaire du travailleur à domicile, la
recherche de la condition d'affiliation est obtenue en divisant les salaires
afférents aux périodes des trente-six, vingt-quatre, dix-huit ou douze mois
précédant la cessation d'activité par le taux horaire du SMIC en vigueur le
dernier jour de la période.
Dans la pratique, les salariés à domicile effectuent souvent assez peu
d'heures, qui ne permettent pas, comme vous le soulignez, de dégager
d'importants revenus financiers. C'est, d'ailleurs un nombre d'heures
insuffisant qui, souvent, leur interdit l'accès à une indemnisation par le
régime d'assurance chômage.
Par ailleurs, les travailleurs à domicile peuvent prétendre au bénéfice des
allocations chômage sans avoir à apporter la preuve que leur cessation
d'activité résulte d'une rupture de leur contrat de travail. Dans ce cas, la
cessation d'activité résulte de l'absence de travail à effectuer pour le compte
de l'employeur. Cette cessation d'activité est simplement mentionnée dans
l'attestation de l'employeur destinée à l'ASSEDIC.
Quant au montant de leur allocation journalière, il est le même que pour les
autres salariés, soit 57,4 % du salaire journalier de référence. De surcroît,
et contrairement aux salariés dont l'indemnisation est fixée par les règles
générales, le coefficient réducteur temps partiel ne s'applique ni à
l'allocation minimale de 156,61 francs par jour ni à la partie fixe de
l'allocation d'aide au retour à l'emploi de 64,24 francs. Cette absence de
proratisation est favorable aux travailleurs à domicile qui, d'une manière
générale, travaillent à temps partiel.
Je souhaite enfin vous rappeler que la renégociation des règles
d'indemnisation du chômage relève d'abord des partenaires sociaux. Il leur
appartient donc, le cas échéant, de réviser les règles d'indemnisation du
chômage des travailleurs à domicile.
M. Louis Souvet.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Souvet.
M. Louis Souvet.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous venez de me dire que les règles
d'indemnisation pour ce secteur ne diffèrent pas fondamentalement des règles du
droit commun. C'est bien précisément ce que je souhaite voir modifié. Si mes
correspondants, c'est-à-dire les travailleurs à domicile, se contentaient des
règles de droit commun, je ne vous poserais pas cette question aujourd'hui,
vous l'imaginez bien !
Vous m'avez expliqué le mode de calcul de l'allocation journalière, que je
connaissais bien pour m'y être déjà intéressé. Le montant de cette dernière
est, certes, de 57,4 % du salaire journalier de référence, mais dans le cas
particulier que j'évoque, ce dernier n'a rien à voir avec un salaire journalier
normal, puisqu'il est en dents de scie. En effet, il peut être totalement
différent d'un mois à l'autre, notamment lorsqu'une entreprise en fin
d'activité ne donne plus de travail à ces salariés. Or, pour calculer les
indemnités, on prend en compte la moyenne des salaires des douze derniers mois
!
Vous me renvoyez aux partenaires sociaux. Bien entendu, mais j'ai quand même
le souvenir récent d'interventions du ministre de l'emploi et de la solidarité
- intervention qui l'honorent d'ailleurs dans certains domaines - qui ne se
prive pas d'expliquer aux partenaires sociaux qu'il y a peut-être des
modifications à apporter ! Je compte sur vous pour le faire et je vous en
remercie.
POUVOIRS DU MAIRE DE LA COMMUNE DE RÉSIDENCE
EN MATIÈRE DE REGROUPEMENT FAMILIAL
M. le président.
La parole est à M. Courtois, auteur de la question n° 1143, transmise à Mme le
ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Jean-Patrick Courtois.
J'appelle l'attention de Mme le ministe de l'emploi et de la solidarité sur
les pouvoirs réels détenus par le maire de la commune de résidence en matière
de regroupement familial des ressortissants étrangers.
En effet, les décrets du 7 novembre 1994 et du 6 juillet 1999 relatifs au
regroupement familial des étrangers précisent que tout ressortissant étranger
peut formuler une demande de regroupement familial dès lors qu'il séjourne en
France depuis douze mois.
Cette autorisation d'entrer sur le territoire est donnée par le préfet, à
condition notamment que le demandeur justifie d'un niveau de ressources et d'un
logement adapté pour accueillir sa famille. La décision du préfet est prise
après que l'Office des migrations internationales, l'OMI, a vérifié les
conditions de ressources et de logement et après que le maire de la commune de
résidence a rendu un avis motivé sur ces conditions.
Cependant, le dossier de demande de regroupement familial transmis par l'OMI
au maire de la commune de résidence indique déjà si les conditions relatives
aux ressources et au logement du demandeur sont remplies pour que celui-ci soit
accueilli sur notre territoire.
Comme la circulaire du 1er mars 2000 relative au regroupement familial des
étrangers interdit au maire de s'écarter de la notion de ressources et de
logement pour apprécier la demande de regroupement familial qui lui est
soumise, le maire, qui ne dispose de surcroît d'aucun pouvoir propre
d'investigation, est contraint de s'aligner sur l'avis émis par l'OMI. Ainsi,
l'avis motivé que le maire doit formuler en la matière paraît inutile et
constitue alors un véritable blanc-seing fait à l'OMI. A ce titre, on peut se
demander si, dans un souci de simplification administrative, l'avis du maire ne
pourrait être purement et simplement annulé.
En conséquence, je vous demande de bien vouloir m'indiquer si vous entendez
donner au maire de la commune de résidence la possibilité d'utiliser d'autres
critères d'appréciation que ceux dont il est en droit d'user actuellement et,
dans le cas d'une réponse négative, si vous envisagez de donner au maire des
moyens d'investigation efficaces, afin de lui permettre de fonder son avis
concernant l'opportunité d'un regroupement familial sur les éléments qu'il
estime pertinents.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët,
secrétaire d'Etat à l'économie solidaire.
Monsieur le sénateur, l'article
29 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, modifiée, relative aux
conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, prévoit qu'à l'issue
de l'instruction par l'Office des migrations internationales, l'OMI, d'une
demande de regroupement familial celui-ci communique le dossier au maire de la
commune où envisagent de s'établir le demandeur et sa famille, et recueille son
avis. Cet article précise que cet avis est réputé favorable à l'expiration d'un
délai de deux mois à compter de la communication du dossier.
Ainsi, le maire est consulté par l'office pour recueillir son avis sur les
conditions de ressources et de logement du demandeur de regroupement familial.
Cet avis doit être motivé ; il ne lie pas le préfet et peut, en effet,
compléter utilement les observations de l'OMI sur ces mêmes critères, compte
tenu notamment, d'une part, de la connaissance par le maire de la réalité des
activités économiques et, d'autre part, du parc immobilier de sa commune, en
particulier en matière de salubrité, voire d'occupation du logement.
Par exemple, le maire consulté peut porter à la connaissance de l'office des
informations dont il disposerait en amont sur la pérennité de l'entreprise qui
emploie le demandeur de regroupement familial.
De même, il peut signaler si le demandeur s'adresse de manière fréquente aux
services sociaux de sa commune en vue d'obtenir des aides, ce qui pourrait
confirmer le caractère insuffisant des ressources.
S'agissant de la connaissance du parc immobilier de sa commune, le maire peut
indiquer si le logement occupé se trouve dans une zone où des travaux
importants de rénovation urbaine sont prévus à brève échéance ou dans un
immeuble déclaré insalubre. De même, il peut préciser que la commune, étant
propriétaire de logements, s'engage à mettre à la disposition du demandeur un
logement répondant aux normes de confort et d'habitabilité, à l'arrivée de la
famille, lorsque l'enquête de l'OMI a fait apparaître que le logement du
demandeur est insuffisant.
Par ailleurs, il peut signaler utilement si le type de logement servant de
base au regroupement est prévu pour recevoir le nombre de membres bénéficiaires
dans de bonnes conditions.
Il appartient ensuite à la Direction départementale des affaires sanitaires et
sociales, après examen du dossier complet, c'est-à-dire constitué des résultats
de l'enquête de l'OMI et de l'avis motivé du maire, d'émettre un avis de
synthèse prenant en compte l'ensemble de ces considérations, complétées, le cas
échéant, par des aspects sociaux, afin de guider et d'éclairer la décision du
préfet.
Il résulte de ce dispositif que chaque intervenant joue un rôle important
selon la loi, conformément à son esprit d'ouverture, mais un rôle encadré. On
voit en particulier que le rôle du maire dans cette procédure est considérable
et que les informations qu'il communique se distinguent bien de celles de l'OMI
pour les compléter.
M. Jean-Patrick Courtois.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Courtois.
M. Jean-Patrick Courtois.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse, mais elle ne
règle rien. En effet, le dossier transmis par l'OMI indique clairement le
montant des ressources de l'étranger et la qualité du logement qu'il occupe.
Dès lors, par mesure de simplification, il pourrait être évité de demander
l'avis des maires, qui ne peuvent qu'émettre un avis conforme à celui de l'OMI.
Ils ne sont donc qu'une simple boîte aux lettres.
mode de calcul de la taxe annuelle
sur les dispositifs médicaux perçue au profit
de l'agence française de sécurité sanitaire
des produits de santé
M. le président.
La parole est à M. Vinçon, auteur de la question n° 1166, adressée à M. le
ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Serge Vinçon.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de bien vouloir me donner des
précisions en ce qui concerne l'ordonnance du 1er mars 2001 précisant la loi de
finances pour 2001 du 30 décembre 2000.
Cette ordonnance institue, en effet, au profit de l'Agence française de
sécurité sanitaire des produits de santé une taxe annuelle frappant les
dispositifs médicaux, tels qu'ils sont définis par l'article L. 5211-1 du code
de la santé publique. La définition de cet article, modifiant celle du décret
du 16 mars 1995, ne semble pas parfaitement claire.
C'est pourquoi je souhaiterais avoir confirmation que, pour être considéré
comme un dispositif au sens de l'ordonnance, il doit s'agir soit d'un
médicament possédant une autorisation de mise sur le marché, soit de produits
obligatoirement inscrits au tarif interministériel des prestations sanitaires,
puisqu'il est bien précisé dans l'article L. 5211 « qu'ils sont destinés à être
utilisés chez l'homme à des fins médicales ».
Par ailleurs, je vous remercie de bien vouloir m'indiquer s'il est nécessaire
qu'un décret soit publié pour préciser les modalités de cette taxe, afin,
notamment, de fixer son point de départ, le traitement pour les produits venant
des pays de l'Union européenne, et si son application intervient à partir du
premier franc lorsque le montant des ventes est supérieur à cinq millions de
francs.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët,
secrétaire d'Etat à l'économie solidaire.
Monsieur le sénateur, au
travers de votre question vous abordez, en fait, quatre sujets : le champ de la
taxe, les conditions de son entrée en vigueur, les modalités d'assujettissement
des dispositifs importés des pays de l'Union européenne et l'existence d'une
franchise d'imposition.
S'agissant du champ de la taxe, l'article 117 de la loi de finances pour 2001
a créé une taxe annuelle sur le chiffre d'affaires réalisé par les dispositifs
médicaux et les dispositifs médicaux de diagnostic
in vitro
. Le champ de
cette taxe n'inclut donc pas les médicaments. Par l'ordonnance du 1er mars
2001, qui a transposé la directive du Parlement européen et du Conseil du 27
octobre 1998 relative aux dispositifs médicaux de diagnostic
in vitro
,
la base légale de la taxe a été répartie entre deux articles du code de la
santé publique qui visent eux-mêmes les dispositifs médicaux tels que définis à
l'article L. 5211-1 et L. 5221-7 du même code.
De la conjugaison de l'ensemble de ces dispositions, dont je vous épargne une
lecture exhaustive, il ressort que le champ d'application de chacune de ces
deux taxes est plus large que celui des dispositifs inscrits sur la liste des
produits et prestations associés remboursables mentionnés à l'article L. 165-1
du code de la sécurité sociale.
J'en viens aux conditions d'entrée en vigueur. Un décret du 11 octobre 2001
fixe les modalités d'application des articles L. 5211-5-2 et L. 5221-7. Il
précise que le chiffre d'affaires pris en compte pour le calcul des deux taxes
est celui qui est réalisé en France métropolitaine et dans les départements
d'outre-mer par le fabricant au cours de l'année civile précédant la
déclaration. La date limite de dépôt de la déclaration et de versement des
taxes est fixée au 30 novembre 2001 pour l'exercice 2000 ; la loi prévoit la
date du 31 mars pour les années ultérieures.
Un arrêté du 15 octobre 2001 relatif aux modèles de déclaration de taxe
annuelle, un avis de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de
santé, l'AFSSAPS, aux fabricants et des notices explicatives apportent des
précisions sur les modalités de déclaration et de versement des taxes.
En ce qui concerne les dispositifs importés, les notices explicatives rédigées
par l'AFSSAPS et disponibles sur son site Internet mentionnent que tous les
dispositifs médicaux mis sur le marché français sont assujettis aux taxes,
quelle que soit la localisation du siège social du fabricant. Si le fabricant
est établi en France ou dans un autre pays de l'Union européenne, il acquittera
directement cette taxe. En revanche, si son siège social se situe en dehors de
l'Union européenne, ce sera le mandataire qu'il a obligatoirement désigné pour
le représenter qui devra acquitter la taxe.
Enfin, s'agissant de la franchise d'imposition, le seuil d'imposition est fixé
à 5 millions de francs pour chacune des deux taxes. Les fabricants ne doivent
donc s'en acquitter que si leur chiffre d'affaires dépasse ce seuil.
M. Serge Vinçon.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Vinçon.
M. Serge Vinçon.
Je souhaite simplement remercier M. le secrétaire d'Etat de ces précisions ô
combien techniques !
ÉVOLUTION DES SOINS PSYCHIATRIQUES
M. le président.
La parole est à M. Franchis, auteur de la question n° 1180, adressée à M. le
ministre délégué à la santé.
M. Serge Franchis.
Ma question s'adresse à M. le ministre délégué à la santé ; elle concerne
l'avenir des soins psychiatriques. En effet, une nouvelle approche des maladies
mentales a été préconisée par les auteurs d'un rapport de mission remis
récemment au ministre. Avec l'objectif de faire disparaître à terme l'exclusion
qui entoure les maladies mentales, les docteurs Piel et Roelandt recommandent
un redéploiement des hôpitaux psychiatriques.
Je souhaiterais savoir si une nouvelle politique d'implantation des unités de
soins psychiatriques s'inspirant de ces principes d'organisation est envisagée
par le ministre et à quelle échéance cette politique pourrait être mise en
oeuvre. C'est ma première question.
Par ailleurs, bien que le nombre de patients admis en hospitalisation à plein
temps tende à diminuer de façon significative, la file active en psychiatrie
générale croît sensiblement.
Sans omettre les pathologies mentales liées au vieillissement, je souligne
notamment la prévalence des troubles de la dépression et des troubles
obsessionnels.
Les indices de mortalité par suicide chez les jeunes sont préoccupants. En
Bourgogne, pour la période 1995-1997, entre vingt-quatre et trente-cinq ans, on
relève un décès masculin sur quatre et un décès féminin sur cinq. Le succès
reconnu à certaines molécules ne permet pas de conclure à des résultats
satisfaisants dans la lutte contre ces pathologies.
Quelles sont, en conséquence, les orientations retenues par le ministère de la
santé pour soutenir et accélérer les programmes de recherche tels que celui de
la dépression testé aux Etats-Unis et en Israël par stimulation magnétique
transcrânienne ? C'est ma seconde question et je vous remercie par avance,
monsieur le secrétaire d'Etat, de votre réponse.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët,
secrétaire d'Etat à l'économie solidaire.
Monsieur le sénateur, vous
attirez, à juste titre, l'attention de M. Kouchner, ministre délégué à la
santé, sur l'évolution des soins psychiatriques. En effet, l'importance des
troubles de la santé mentale, qui touchent sur la vie entière une personne sur
quatre, nécessite de rétablir la santé mentale comme priorité nationale de
santé publique. Cette préoccupation est largement partagée.
L'Organisation mondiale de la santé, l'OMS, dans son récent rapport
La
santé mentale
:
nouvelles conceptions, nouveaux espoirs,
a établi la
nécessité de se préoccuper activement de cette composante de la santé
étroitement interdépendante de la santé physique des individus. Les
préconisations visent notamment à traiter les troubles dès l'accès aux soins
primaires et à soigner le plus possible au sein de la communauté. L'objectif
est d'influer favorablement sur l'issue des troubles les plus durables, en
maintenant le plus possible la qualité de vie et l'insertion sociale des
personnes.
L'Union européenne se préoccupe également de santé mentale. Elle a tenu tout
récemment une conférence sur le stress et la dépression et elle adoptera très
prochainement en conseil des ministres une recommandation sur les politiques à
mettre en oeuvre pour diminuer la prévalence et la gravité de la dépression.
Ces travaux, ainsi que ceux qui sont menés en France en concertation avec les
professionnels et les usagers du dispositif de santé mentale, donnent un cadre
d'action précis qui permettra au ministre délégué à la santé de proposer demain
matin, en conseil des ministres, un ambitieux plan de rénovation de la
politique de santé mentale. Ce plan, qui sera rendu public à cette occasion,
est fondé sur l'analyse de l'état de santé de la population et les besoins de
santé mentale et traite, notamment, de la nécessaire réorganisation du
dispositif de soins afin de mieux répondre à l'attente des usagers. Il insiste,
en outre, sur l'importance d'une action partenariale entre les différents
professionnels de santé mentale et, sur le plan institutionnel, entre les élus
locaux et les responsables de l'Etat.
Enfin, pour répondre précisément à votre question, monsieur le sénateur, une
action particulière concernera le repérage précoce et le traitement de la
dépression.
M. Serge Franchis.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Franchis.
M. Serge Franchis.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de votre réponse. J'apprends
avec satisfaction qu'un programme sera présenté demain en conseil des ministres
et je souhaite que nous nous donnions les moyens de mettre en oeuvre une
politique dynamique et efficace dans la lutte contre ces fléaux.
EXONÉRATION DE COTISATIONS SOCIALES
POUR LES ENTREPRISES
IMPLANTÉES DANS LES ZONES FRANCHES URBAINES
M. le président.
La parole est à M. Alduy, auteur de la question n° 1177, adressée à M. le
ministre délégué à la ville.
M. Jean-Paul Alduy.
Tout d'abord, j'avoue avoir beaucoup de chance car je pose ma question lors
d'une séance présidée par Jean-Claude Gaudin et que cette question concerne des
lois qui lui sont particulièrement chères, celles qui traitent des zones
franches urbaines.
Il s'agit de l'application de la disposition essentielle de ces lois, à savoir
l'exonération des charges patronales pendant cinq ans au bénéfice des
entreprises qui s'installent dans une zone franche urbaine, à la condition de
recruter des chômeurs de ces quartiers, au moins pour un cinquième.
Ces lois sont de bonnes lois et elles ont bien fonctionné : sur Perpignan, on
a créé près de 1 000 emplois, dont 35 % dans le quartier à population d'origine
essentiellement gitane ou maghrébine.
Selon l'évaluation faite par les services de l'Etat, le coût de cette
disposition s'élève à 60 000 francs par an et par emploi, contre 100 000 francs
pour un emploi-jeune. Or les emplois dans les zones franches urbaines sont des
contrats à durée indéterminée dans le secteur marchand alors que les
emplois-jeunes sont des contrats à durée déterminée de cinq ans, qui seront
d'ailleurs financés,
in fine,
par les impôts locaux.
Ces lois ont bien fonctionné, je le répète, parce qu'elles s'attaquaient à
l'exclusion économique de ces quartiers, cause de leur exclusion sociale : ce
n'est pas l'exclusion sociale qui crée l'exclusion économique ; c'est
l'exclusion économique qui conduit à l'exclusion sociale.
Ce n'est pas simplement en développant les aides sociales, véritable tonneau
des Danaïdes, et en démolissant ici ou là une barre ou une tour, que l'on
réglera le problème. C'est d'abord en donnant un espoir à ces jeunes de trouver
un emploi, c'est-à-dire d'accéder à une insertion économique, que l'on y
parviendra. Je sais que le Gouvernement partage cette option ; elle figure
d'ailleurs dans l'exposé des motifs du dernier comité interministériel pour la
ville.
Or, il se trouve que l'URSSAF, l'Union de recouvrement des cotisations de
sécurité sociale et d'allocations familiales, interprétant l'annexe d'une
circulaire clandestine de 1997, se met à contredire la loi. Une entreprise
créée dans cette zone franche en juin 2001, pour être très concret, a bâti son
plan de développement sur trois, quatre ou cinq ans, et l'Etat a d'ailleurs
calculé le plafond des aides qu'on peut lui accorder en intégrant dans ce
calcul l'exonération pendant cinq ans de la totalité des emplois qu'elle a
envisagé de créer. Et voilà donc que les URSSAF annoncent que l'exonération
pendant cinq ans des charges patronales ne s'appliquera qu'aux emplois créés
avant le 31 décembre 2001. Il y a urgence !
La parole de l'Etat est bafouée, et ces entreprises vont se retourner contre
les collectivités locales pour mensonge ou contre l'Etat pour publicité
mensongère, car des centaines et des centaines de milliers d'exemplaires de
prospectus vantant les mérites de la zone franche ont été diffusés.
Monsieur le secrétaire d'Etat, doit-on faire sur cette question du juridisme
ou doit-on faire de la politique ?
Veut-on, oui ou non, combattre le chômage gravissime qui frappe ces quartiers
et qui est la cause première de la dégradation du cadre de vie, de la
délinquance, voire du développement d'un intégrisme religieux dont on sait
aujourd'hui vers quelles dérives il peut nous conduire ?
Veut-on réellement associer les entreprises à la politique d'intégration
sociale par l'activité ? Quel signal donner aux maires, aux entreprises et aux
chômeurs de ces quartiers ?
Veut-on l'application aveugle par l'URSSAF de l'annexe d'une circulaire
d'application clandestine et erronée ou le message volontaire de l'exposé des
motifs du dernier comité interministériel pour la ville ? Il y a urgence, car
le 31 décembre, c'est dans quelques semaines.
Veut-on, je le répète, contredire le pan essentiel de la politique de la
ville, à savoir l'insertion par l'économique ? Telle est la question, monsieur
le secrétaire d'Etat ! J'attends des réponses non pas juridiques, mais
politiques.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët,
secrétaire d'Etat à l'économie solidaire.
Avant de vous transmettre,
monsieur le sénateur, une réponse politique du ministre de la ville, je
formulerai un commentaire, car, à l'époque, j'ai suivi ce texte avec beaucoup
d'intérêt.
Il est vrai que l'on peut tirer un certain nombre d'enseignements fort utiles
à la fois sur ses effets positifs et, parfois, sur des effets d'aubaine dont
certains, comme d'habitude, ont essayé de profiter sans rien inventer de
nouveau.
Quoi qu'il en soit, chacun s'accorde à reconnaître une certaine dynamique. Je
suis moi-même l'élu d'une ville qui en a largement bénéficié.
La réponse politique est très simple : M. le ministre de la ville considère
effectivement que l'interprétation actuelle est trop restrictive et ne
correspond pas, politiquement, à ce qu'il souhaitait. Il me demande donc de
vous indiquer que des instructions seront données très rapidement aux services
concernés pour que l'interprétation soit celle que vous avez mentionnée.
M. Jean-Paul Alduy.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Alduy.
M. Jean-Paul Alduy.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie très sincèrement, car, pour
être franc avec vous, j'avais reçu hier matin une réponse du préfet des
Pyrénées-Orientales qui ne faisait évidemment que reprendre le juridisme de
certains services et qui m'avait beaucoup peiné. Votre réponse me met du baume
au coeur.
M. le président.
Je peux en dire autant, monsieur Alduy ! En effet, le hasard veut que la
presse marseillaise, ce matin, titre : « Zones franches : l'exception
marseillaise » et indique que 900 entreprises ont créé 5 300 emplois. Vous
venez de dire qu'à Perpignan c'était une réussite, et M. le secrétaire d'Etat
nous confirme qu'il en est de même dans sa commune.
Pourtant, des rapports de fonctionnaires continuent d'affirmer que le
dispositif des zones franches n'a pas eu d'effets positifs. Il faudra qu'un
jour on nous explique cette contradiction ou que l'on reconnaisse que certaines
informations ont été rédigées de manière tendancieuse.
Même si ce n'est pas l'usage, je voudrais dire, moi aussi, que je suis très heureux de la réponse de M. le secrétaire d'Etat.6
ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES
M. le président.
J'informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien
vouloir procéder à la désignation d'un sénateur appelé à siéger au sein du
comité de surveillance de la Caisse d'amortissement de la dette sociale et d'un
sénateur pour siéger au sein de la Commission centrale de classement des débits
de tabac.
Conformément à l'article 9 du règlement, j'invite la commission des finances à
présenter des candidatures.
La nomination au sein de ces organismes extraparlementaires aura lieu
ultérieurement, dans les conditions prévues par l'article 9 du règlement.
M. le président.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons
maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures
quinze.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures cinquante, est reprise à seize heures
vingt.)
M. le président.
La séance est reprise.
7
HOMMAGE AUX VICTIMES
DES CATASTROPHES D'ALGER
ET DE NEW YORK
M. le président.
Mes chers collègues, au nom du Sénat tout entier, je voudrais, comme l'a
souhaité le président Christian Poncelet, et en présence de Claude Estier,
président du groupe sénatorial d'amitié France-Algérie, exprimer notre profonde
sympathie au peuple algérien, durement touché par les inondations consécutives
aux pluies torrentielles qui se sont abattues sur le nord de l'Algérie.
Le dernier bilan officiel fait, hélas ! état de près de 600 morts,
essentiellement à Alger, d'autant de blessés, et de plus de 4 500 familles sans
abri dans l'ensemble des régions sinistrées.
D'ores et déjà, la France a, la première, tenu à marquer son soutien en
envoyant sur place, ce week-end, des équipes de la sécurité civile. Celles-ci
sont aujourd'hui à pied d'oeuvre et contribuent efficacement à soulager les
populations touchées. Je tiens ici à leur rendre l'hommage qui leur est dû.
L'Algérie, pays auquel tant de liens nous unissent, peut compter, une nouvelle
fois - le maire de Marseille peut en témoigner, puisqu'il a lui-même proposé le
soutien des marins-pompiers de sa ville -, sur l'esprit de solidarité du peuple
français dans son ensemble.
Vous comprendrez aussi que nous ayons une pensée pour les victimes de la
catastrophe aérienne de New York, qui se rendaient à Saint-Domingue. Ce drame
nous conduit une fois encore à exprimer notre profonde sympathie à l'égard du
peuple américain, en particulier des New-Yorkais, confronté à une nouvelle
tragédie deux mois seulement après les attentats du 11 septembre dernier.
8
FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
POUR 2002
Discussion d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 2002, adopté par l'Assemblée nationale (n° 53,
2001-2002). [Rapport n° 60 (2001-2002) et avis n° 61 (2001-2002).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le ministre.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le président,
messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, la sécurité
sociale, on le sait, est au coeur de la vie quotidienne de nos concitoyens
parce qu'elle commande largement la confiance, la justice et la solidarité dans
notre société. Elle est d'autant plus importante que nous sommes entrés depuis
quelques mois dans une période où les incertitudes économiques sont plus
fortes, et elles ont été encore accentuées par les tensions internationales
nées des terribles attentats du 11 septembre.
Dans un tel contexte, plus que jamais, les Français doivent pouvoir compter
sur la sécurité sociale pour garder confiance en l'avenir. Les mesures
contenues dans le présent projet de loi à l'issue de son examen en première
lecture par l'Assemblée nationale, conjuguées aux dispositions en discussion
dans le cadre du projet de loi de finances, visent précisément à maintenir la
confiance de nos concitoyens.
Je commencerai par les comptes de la sécurité sociale puisque, après tout, le
projet de loi de finances est d'abord destiné à voir où ces comptes en sont et
ce que nous faisons des ressources de la sécurité sociale.
Une fois n'est pas coutume, permettez-moi de commenter les comptes tels qu'ils
ont été présentés par M. Vasselle à la page 64 de son rapport.
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Quel honneur !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je formulerai quatre
observations.
Je soulignerai, premièrement, qu'il manque quelque chose dans ce rapport
puisque les déficits du passé, qui ont atteint plus de 200 milliards de francs
entre 1994 et 1997, n'y figurent pas.
(Applaudissements sur les travées
socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen. -
Protestations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de
l'Union centriste.)
M. Jean Chérioux.
C'est dépassé, ce sont des arguments misérables !
M. Alain Gournac.
C'est usé !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Deuxièmement, ce rapport
confirme le retour à l'excédent des comptes de la sécurité sociale à partir de
1999 et le maintien, en 2001 et en 2002, d'un excédent supérieur à cinq
milliards de francs. C'est écrit en toutes lettres dans le rapport de M.
Vasselle.
M. André Vantomme.
Très bien !
M. Claude Estier.
Cela les laisse cois !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Troisièmement, apparaît au
titre de l'année 2002 l'annulation de la créance du fonds de financement de la
réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, le FOREC, comme je
l'avais annoncé lors de la commission des comptes du 7 juin 2001, par souci de
vérité à l'égard du Parlement et de l'opinion.
Quatrièmement, enfin, il y a dans ce rapport ce qui ne devrait pas y
être,...
M. Alain Vasselle,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
Ah !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... à savoir les prélèvements
sur les excédents passés, lesquels n'affectent évidemment en rien les résultats
des exercices concernés. En effet, ces excédents ont été mobilisés pour
améliorer nos politiques sociales, d'une part, par un investissement en faveur
de la garde des jeunes enfants de deux fois 1,5 milliard de francs versé au
fonds d'investissement pour la petite enfance, le FIPE, et, d'autre part, pour
constituer une épargne collective afin de garantir l'avenir de nos
retraites.
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Il n'y a plus de
réserves !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Si nous avons pu mobiliser ces
fonds, c'est à l'évidence parce qu'il y avait des excédents...
M. Didier Boulaud.
Eh oui !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Il y avait aussi des déficits : l'assurance maladie est en
déficit !
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
C'est le raisonnement
de la commode : on tire un tiroir après l'autre !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... ce qui n'était pas le cas,
bien entendu, dans la période précédente.
(Applaudissements sur les travées
des socialistes.)
A la vérité, ces transferts au FIPE et au fonds de réserve des retraites que
M. Vasselle voudrait comptabiliser dans le prétendu déficit de la sécurité
sociale devraient être ajoutés aux excédents constatés...
M. Didier Boulaud.
Eh oui !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... puisque, précisément, les
fonds existaient et que nous avons pu les utiliser pour financer des politiques
qui vont dans le sens du bien-être collectif.
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Non ! Pour creuser le
déficit !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
On pourrait donc parfaitement
retourner l'argument, mais je ne le ferai pas, et dire au contraire que, par
rapport aux excédents constatés par M. Vasselle à partir de 1999, il faudrait
encore ajouter les sommes que nous avons consacrées à la petite enfance et aux
retraites.
M. Didier Boulaud.
C'est limpide !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Vous omettez de parler des déficits !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Parallèlement à ce redressement
financier, le Gouvernement a procédé à une importante modernisation de la
comptabilité des organismes sociaux. Les agrégats qui vous sont présentés pour
2002 sont évalués, pour la première fois, en comptabilité de droit constaté,
mode de présentation des comptes plus conforme à la réalité économique des
résultats de chaque exercice.
A cet égard, le Haut Conseil de la comptabilité des organismes de sécurité
sociale permettra, par ses recommandations, d'améliorer encore la présentation
des comptes des organismes de sécurité sociale afin de faciliter le contrôle du
Parlement.
Le redressement financier a été obtenu par une politique efficace et continue
en faveur de l'emploi. En effet, depuis près de cinq ans, nous avons développé
la croissance et l'emploi...
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
En creusant les
déficits !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... grâce à la réduction du
temps de travail,...
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Les 35 heures ne sont pas financées !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... aux emplois-jeunes et aux
dispositifs spécifiques d'insertion. Nous avons créé une dynamique de progrès
social avec un objectif prioritaire : la lutte contre le chômage.
Nous avons démontré qu'il était possible de mettre en oeuvre une politique
conciliant croissance, compétitivité, emploi, solidarité et qualité de vie.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
En accroissant les déficits !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Les résultats que nous avons
obtenus sont sans précédent...
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
C'est vrai, ils sont
sans précédent !
M. Jean Chérioux.
Effet d'annonce !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... et nous pouvons en être
fiers, même s'il reste beaucoup à faire.
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
C'est vrai aussi !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Depuis 1997, 1,5 million
d'emplois ont été créés et le nombre de demandeurs d'emploi a diminué de plus
d'un million.
M. Henri de Raincourt.
Combien ont été radiés ?
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Nous avons également amélioré
en termes de croissance et d'emploi notre situation par rapport à nos voisins
européens.
M. Didier Boulaud.
Très bien !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
On en reparlera !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Les résultats obtenus en
matière de lutte contre le chômage, qui, bien entendu, bénéficient à la
sécurité sociale au travers d'une augmentation des cotisations, doivent aussi
beaucoup à des choix de financement de cette dernière plus favorables à
l'emploi.
C'est ainsi que nous avons procédé, en 1998, à une réforme très importante des
prélèvements sociaux supportés par les assurés au titre de la branche maladie.
Nous avons fait bénéficier les personnes actives d'un gain de pouvoir d'achat
et, surtout, nous avons rééquilibré le financement de l'assurance maladie, afin
qu'il pèse moins fortement sur les revenus du travail.
Nous avons aussi porté à 1,8 fois le SMIC le seuil retenu pour l'octroi des
allégements de charges concernant les bas salaires et nous avons modulé ces
allégements en fonction de la durée du travail, afin de favoriser l'embauche de
travailleurs peu qualifiés sans inciter à la création d'emplois précaires.
Dans le même esprit, nous avons progressivement supprimé les allégements de
charges sociales consentis aux entreprises qui embauchent des salariés à temps
partiel, afin de limiter le nombre des emplois à temps partiel subi.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Cela nous éloigne de la sécurité sociale !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Non : c'est vous qui avez cité
les 35 heures, monsieur le rapporteur, et j'y viens, car je ne veux rien
éluder.
En effet, nous avons prévu un financement des allégements de charges consentis
en faveur des entreprises qui embauchent des salariés faiblement qualifiés ou
qui mettent en place les 35 heures.
A ce propos, je veux souligner de nouveau que les allégements de charges
restent minoritaires dans l'ensemble des allégements...
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
On en reparlera !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... et qu'ils ont un effet
bénéfique sur l'emploi, à la différence de ceux qui avaient été décidés par le
précédent gouvernement et qui avaient été accordés sans aucune contrepartie
pour l'emploi.
Les allégements liés aux 35 heures sont financés par des ressources de nature
fiscale dans le cadre du FOREC, ce qui préserve les ressources de la sécurité
sociale. Le décret installant l'établissement public est paru au
Journal
officiel
le 26 octobre 2001 : le FOREC pourra ainsi assurer en toute
transparence le financement des allégements de charges dès l'exercice 2001.
Nos résultats en matière d'emploi ont permis à la sécurité sociale de
bénéficier d'un financement stable et durable. Le dynamisme des recettes de la
sécurité sociale au cours de la présente législature a permis de financer les
avancées essentielles obtenues pour la protection sociale des Français et de
dégager, au fil des dernières années, des excédents significatifs.
Le rétablissement des comptes est donc assuré. Il permet de poursuivre la
construction de nouveaux droits et d'ouvrir l'avenir. La discussion du projet
de loi de financement de la sécurité sociale est l'occasion de présenter les
nouveaux progrès qui contribuent encore à l'amélioration de la protection
sociale de nos concitoyens.
Qu'avons-nous fait des excédents dégagés depuis quatre ans ?
En matière de politique familiale, notre projet comporte des avancées
significatives issues de la conférence de la famille du 11 juin 2001.
Ainsi, nous créons un congé paternel de deux semaines, que l'Assemblée
nationale améliore encore pour tenir compte des naissances multiples et en
élargir l'accès aux cas de naissance de prématurés, et nous dotons de 229
millions d'euros supplémentaires, soit 1,5 milliard de francs, le fonds
d'investissement de la petite enfance, créé l'année dernière, pour permettre la
création en 2002 de 20 000 nouvelles places en crèche, s'ajoutant aux 20 000
places déjà créées en 2001.
En outre, les moyens du Fonds national d'action sociale de la CNAF, la Caisse
nationale d'allocations familiales, connaissent une croissance sans précédent
de 6 milliards de francs sur quatre ans, dont 1,6 milliard de francs pour 2002,
ce qui permettra de développer les autres modes d'accueil du petit enfant et
les loisirs des jeunes.
Le débat à l'Assemblée nationale a permis enfin de majorer de façon
significative le montant de l'allocation de présence parentale en le portant au
niveau du SMIC et de réformer l'allocation de rentrée scolaire pour en faire
bénéficier les familles dont le revenu se situe juste au-dessus du seuil de
ressources.
Telles sont les mesures supplémentaires que, après celles, nombreuses, que
nous avons déjà prises depuis quatre ans, nous proposons pour les familles en
2002.
Par ailleurs, nous faisons progresser la prise en charge des accidents du
travail et des maladies professionnelles. Ce sujet a toujours été très
important, mais il prend un relief particulier dans le contexte actuel, alors
que s'est produit à Toulouse l'accident du travail le plus meurtrier depuis une
quinzaine d'années.
Nous avons mis en place le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, le
FIVA, que nous dotons pour 2001 de 2,875 milliards de francs et, à titre
provisionnel, de 76 millions d'euros pour 2002, soit un total de 3,3 milliards
de francs.
Les débats à l'Assemblée nationale ont permis en outre d'améliorer le régime
de retraite anticipée pour les personnes exposées à l'amiante.
En ce qui concerne la prise en charge des accidents du travail, le projet de
loi comporte une disposition de revalorisation des indemnités versées en
capital ; il a été complété par l'Assemblée nationale de plusieurs mesures qui
renforcent les droits des victimes, notamment ceux des ayants droit. Je ne
doute pas que nous reviendrons sur cet important sujet au cours du débat.
S'agissant des retraites, nous avions trouvé la branche vieillesse en déficit.
Celle-ci renoue dorénavant avec les bénéfices et devrait afficher environ un
milliard d'euros d'excédents en 2002. Ceux-ci permettent d'associer les
retraités aux fruits de la croissance : pour 2002, le Gouvernement propose de
revaloriser les pensions de 2,2 %, alors que l'inflation prévisionnelle est de
1,5 %.
M. Claude Domeizel.
Très bien !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Ce coup de pouce supplémentaire
portera à 1,4 % le gain de pouvoir d'achat des retraités depuis 1997. Grâce à
la suppression en 2001 de la contribution pour le remboursement de la dette
sociale, la CRDS, pour les retraités non imposables, la hausse de pouvoir
d'achat s'élèvera pour ces derniers, sur la même période 1997-2002, à 1,9 %,
alors que, sur la période 1993-1997, le pouvoir d'achat des retraités avait
baissé de 2,3 %.
(Marques d'approbation sur les travées socialistes.)
M. Guy Fischer.
Eh oui, on s'en souvient !
M. Didier Boulaud.
Période de funeste mémoire !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
En ce qui concerne l'avenir de
nos régimes de retraite par répartition, le Gouvernement poursuivra dans les
mois qui viennent le chantier « âge et travail », qui doit permettre
d'accroître l'emploi et d'améliorer les conditions de celui-ci pour les
salariés les plus âgés. Cela est nécessaire pour pouvoir viser le plein
emploi.
Le Conseil d'orientation des retraites, dont la qualité des travaux est
reconnue par tous, nous remettra son premier rapport en décembre. Il fera le
point de la concertation sur le diagnostic financier et des conditions dans
lesquelles il convient d'organiser la nécessaire réforme des régimes de
retraite par répartition, qui, aux yeux du Gouvernement, doivent absolument
être préservés. Après les élections législatives, nous aurons alors en main
tous les éléments pour organiser des négociations tripartites et déboucher sur
des propositions législatives.
Enfin, nous assurons la montée en charge du fonds de réserve pour les
retraites. Ce fonds, dont nul ne remet plus en cause aujourd'hui le
principe,...
M. Claude Domeizel.
Si, ils le remettent en cause !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... disposera, en 2020, de plus
de 1 000 milliards de francs.
M. Michel Teston.
Ils veulent supprimer des recettes !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Vous contestez les propos de Mme le ministre ?
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Il est possible, monsieur
Vasselle, que, dans l'extrême bienveillance que j'ai à votre égard, quelque
chose m'ait échappé !
(Sourires.)
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Nous n'avons jamais fondamentalement mis en cause le fonds de
réserve ! C'est son mode de financement qui pose problème !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Supposons que personne dans
cette assemblée ne remette en cause le fonds de réserve des retraites.
M. Claude Domeizel.
Supposons !
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Il est très insuffisant
!
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Ce fonds disposera de plus de 1
000 milliards de francs en 2020. Le projet de loi prévoit de porter la part du
prélèvement de 2 % sur les revenus du patrimoine affectée au fonds de réserve
pour les retraites de 50 % à 65 %. Nous avons pour objectif, grâce à cette
hausse, de doter ce fonds de 85 milliards de francs en 2002.
De plus, afin de compenser la révision du tarif des licences UMTS,...
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Eh oui !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... le projet de loi de
finances rectificative pour 2001 affectera la totalité de ces recettes au fonds
de réserve pour les retraites en 2001. Pour 2002, la perte de recettes sera
intégralement compensée par des recettes issues des privatisations.
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Lesquelles ?
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Le fonds de réserve des
retraites ne subira donc aucune perte de recettes et disposera donc bien, comme
prévu, de 85 milliards de francs, soit quelque 13 milliards d'euros, à la fin
de 2002.
J'en viens maintenant à la santé et aux soins de qualité que nous voulons
assurer à tous les Français.
Bien entendu, notre objectif est encore et toujours d'améliorer la qualité des
soins, tant dans les établissements publics et privés qu'en médecine de ville.
Comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, des moyens importants
ont été mobilisés depuis 1997. Le secteur de la santé connaissait alors une
situation préoccupante, et nous avons réagi en relevant, année après année, le
niveau des moyens accordés aux établissements hospitaliers du service public ou
à but lucratif dans le cadre des lois de financement de la sécurité sociale.
A cet égard, je rappelle que, pour l'année 1997, le précédent gouvernement
avait prévu un taux d'évolution des dépenses d'assurance maladie de 1,7 %.
Depuis 1998, ce taux n'a cessé d'augmenter, et il atteindra 3,9 % en 2002.
(Très bien ! sur les travées socialistes.)
M. Alain Gournac.
Tout va bien !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Cet effort a concerné
l'ensemble des secteurs de l'offre de soins, en particulier l'hôpital. Nous
avons en effet développé une politique hospitalière axée à la fois sur la
qualité des soins et sur la réduction des inégalités.
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
On verra cela dans
quelques années !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Le service public hospitalier
est le pivot de l'offre de soins à la disposition de la population. Il assure
70 % de l'activité hospitalière globale et plus de 80 % de l'activité de
médecine, de psychiatrie ou de soins de suite, et prend par ailleurs en charge
91 % des urgences. L'hôpital public assume des missions propres liées à
l'enseignement, à la recherche, à la prise en charge de l'urgence -
c'est-à-dire l'accueil de tous, vingt-quatre heures sur vingt-quatre et 365
jours par an - et de l'ensemble des pathologies ; ce sont ces missions qui
fondent la spécificité du secteur public.
Les Français sont très attachés, à juste titre, au rôle joué par l'hôpital
public, mais ils sont aussi attachés à la mixité de notre système, qui comporte
également une offre privée financée par l'assurance maladie. Ainsi, les
cliniques privées prennent en charge 50 % de la chirurgie, et elles se sont
spécialisées en certaines interventions. Elles assurent en outre 35 % de
l'obstétrique.
Le Gouvernement a, dès 1997, pris la mesure des difficultés rencontrées par le
secteur hospitalier. Il a aussitôt réagi en relevant, année après année, le
niveau des moyens accordés aux établissements par le biais des lois de
financement de la sécurité sociale.
Pour 2002, nous prévoyons tout d'abord, pour l'hôpital, dans le cadre du taux
global d'évolution des dépenses, de porter l'objectif d'augmentation à 4,8 %,
ce qui tient compte des effets de la réduction de la durée du travail : hors
réduction de la durée du travail, l'augmentation prévue est de 3,6 %.
Nous avons donc connu, à compter de 1997, une croissance continue, régulière
et accentuée depuis deux ans de l'enveloppe financière attribuée à
l'hôpital.
Le Gouvernement a également augmenté l'enveloppe financière attribuée aux
cliniques privées, qui ne devait progresser que de 1,3 % en 1997, soit beaucoup
moins que l'augmentation prévue pour l'hôpital à l'époque. Sous notre
impulsion, le taux a dépassé 2 % dès 1999, pour atteindre 3,3 % en 2001. Nous
poursuivrons cet effort en 2002, avec un objectif en hausse de 3,5 %.
Le développement constant des progrès technologiques et la nécessité de doter
les établissements d'outils performants ont été pris en compte dans cet effort
budgétaire.
Ainsi, les dépenses liées à l'achat des nouvelles molécules permettant de
lutter contre le cancer ou la polyarthrite rhumatoïde seront couvertes par
l'octroi d'une subvention spécifique. Nous avons dégagé une enveloppe de 1,5
milliard de francs pour 2002 afin de financer l'innovation thérapeutique.
En outre, le programme hospitalier de recherche clinique a été mis en place
depuis 1998 sur l'initiative de Bernard Kouchner.
Enfin, depuis 1997, nous avons multiplié par 2,7 le nombre d'appareils
d'imagerie par résonance magnétique nucléaire. Pour 2002, nous avons décidé,
avec Bernard Kouchner, d'amplifier cet effort et de rattraper le retard que
nous avons encore sur les autres pays européens, en augmentant le parc
d'appareils d'IRM de plus de 40 %. Nous mettrons en place de véritables schémas
régionaux d'imagerie, en déléguant le régime d'autorisation auprès des agences
régionales de l'hospitalisation.
Parallèlement à l'augmentation générale des moyens de fonctionnement, le
Gouvernement a contribué à la réduction des inégalités dans l'accès aux
soins.
Depuis 1997, le Gouvernement s'est résolument engagé dans une démarche de
renforcement du potentiel hospitalier et d'amélioration de la qualité des soins
sur l'ensemble du territoire.
Dès 1999, à travers les schémas régionaux d'organisation sanitaire réalisés
après une large concertation avec les élus, les usagers et les professionnels,
l'offre sanitaire a été réorientée vers la couverture des besoins des patients
par une définition des grandes disciplines médicales à conforter et à organiser
ainsi que par un renforcement d'un certain nombre de dispositifs, notamment les
dispositifs d'urgence.
Nous avons également réduit les inégalités par la mise en oeuvre de grands
programmes de santé en réduisant les écarts budgétaires entre les régions.
Enfin, la mise en place de la couverture maladie universelle a contribué à ce
que l'hospitalisation redevienne accessible à tous.
Nous poursuivons les efforts de modernisation de l'hôpital public pour
améliorer la qualité et la sécurité des soins ainsi que pour adapter l'offre de
soins aux besoins de la population.
Pour accompagner la réalisation de ces priorités, nous avons décidé de mener
une politique sociale sans précédent et sur plusieurs années.
Conformément aux attentes des Français, le Gouvernement a tenu, depuis quatre
ans, à conforter la qualité de l'offre hospitalière de notre pays en lui
donnant les moyens de sa modernisation, en améliorant les conditions de travail
et en revalorisant la situation de ses agents. Nous avons décidé que
l'extension du mouvement de réduction du temps de travail dans la fonction
publique hospitalière s'accompagnera d'une création d'emplois sans précédent et
sans équivalent dans l'histoire des hôpitaux.
M. Alain Gournac.
C'est pour cela que les agents défilaient ce matin !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Les protocoles signés par Mme
Martine Aubry les 13 et 14 mars 2000 ont amélioré les conditions de travail,
rendu plus attractives les carrières des praticiens hospitaliers et relancé la
promotion professionnelle et les formations professionnelles pour les
personnels de la fonction publique hospitalière. Ils ont aussi réaffirmé la
place du dialogue social dans les établissements.
Le protocole du 14 mars 2001 sur les filières professionnelles dans l'ensemble
de la fonction publique hospitalière, que j'ai signé avec les représentants des
agents hospitaliers, apporte une revalorisation des cursus professionnels et
des rémunérations. Il ouvre les possibilités de promotion interne et apporte
des solutions au blocage des carrières lié à la démographie.
Enfin, par le protocole du 27 septembre 2001, nous avons engagé la réduction
du temps de travail pour répondre aux attentes des personnels en matière de
conditions de vie au travail et de vie personnelle.
Le Gouvernement a décidé d'accompagner la réduction du temps de travail par la
création de 45 000 emplois sur trois ans, entre 2002 et 2004.
L'ensemble de ces mesures représente, pour l'hôpital, un effort financier sur
2001 et 2002 de 11,7 milliards de francs supplémentaires, qui s'ajoutent aux
efforts que nous avons faits les années précédentes.
Le débat à l'Assemblée nationale a permis de renforcer les moyens de
fonctionnement et d'investissement de l'hôpital. D'abord, sera assuré un
complément de crédits non reconductibles de 1 milliard de francs sur la
dotation hospitalière 2001 pour réduire les tensions budgétaires de certains
établissements. Ensuite, les actions du fonds de modernisation des
établissements de santé, le FMES, seront renforcées dès 2001, pour aider au
financement de promotions professionnelles et des projets sociaux, et par une
dotation de 1 milliard de francs en 2002, pour le soutien à la politique
sociale et à l'investissement. Au total, le FMES bénéficiera de 1,9 milliard de
francs. Enfin, l'investissement sera soutenu par un abondement de 1 milliard de
francs du fonds d'investissement et de modernisation de l'hôpital, assuré en
2002 par le budget de l'Etat. Sur un montant total de 11,7 milliards de francs
pour l'hôpital, ces mesures nouvelles représentent 3,9 milliards de francs.
Le rôle essentiel que joue l'hôpital dans l'accès aux soins de tous et en
permanence méritait que ces efforts soient accomplis.
Comme chaque année, par respect pour le Parlement et pour sa bonne
information, j'ai remis au Sénat, ainsi qu'à l'Assemblée nationale, le projet
de répartition par région de la dotation hospitalière qui n'est soumise que
globalement à votre vote.
J'ai également choisi d'informer sans attendre les directeurs des agences
régionales de l'hospitalisation afin que ces décisions, une fois qu'elles
seront adoptées par le Parlement, puissent être mises en oeuvre rapidement et
dans une large concertation. A ce sujet, j'ai donné des instructions précises
aux agences régionales de l'hospitalisation.
En ce qui concerne les cliniques privées, l'accord tarifaire du 4 avril 2001 a
marqué ma volonté de prendre pleinement en compte la situation sociale et
économique des cliniques privées.
Dans le cadre de l'accord que nous avons conclu le 7 novembre dernier avec les
représentants de l'hospitalisation privée, nous avons prévu l'affectation de
1,7 milliard de francs de crédits pour les mesures sociales et salariales en
2001 et en 2002. Cette somme est à comparer aux 3,9 milliards de francs de
mesures nouvelles consentis pour l'hôpital.
Ce qui nous a guidés dans la négociation avec les représentants des cliniques,
ce sont deux objectifs : d'abord, le ciblage de ces mesures supplémentaires sur
les rémunérations des infirmières ; ensuite, la prise en compte des difficultés
tarifaires de certaines cliniques et, bien entendu, la contrepartie en matière
de transparence des comptes des cliniques.
Le premier objectif, c'est le suivi des rémunérations. Cet accord permet de
répondre concrètement à l'attente des salariés de ce secteur. Il prévoit ainsi
un engagement de la fédération de l'hospitalisation privée de parvenir
rapidement à une nouvelle convention collective, qui permettra de revaloriser
de façon significative les salaires des infirmières. L'amendement que nous
allons déposer concernant le fonds de modernisation des cliniques privées
consistera à ouvrir ce fonds au financement des actions des établissements en
matières sociale et salariale. Nous avons également obtenu que, dans le cadre
de l'accord qui s'appliquera début 2002, conformément à l'objectif proposé, une
enveloppe de 500 millions de francs soit consacrée aux augmentations de
salaires des personnels.
Ces points feront l'objet d'un suivi dans le cadre d'un observatoire
tripartite, qui associera l'Etat, les employeurs et les organisations
syndicales.
En contrepartie de ces aides ciblées sur les augmentations de salaires des
personnels, notamment des infirmières, et sur les établissements qui ont des
difficultés et qui participent à la complémentarité du service public
hospitalier, il était important que nous puissions mettre en place - c'était le
second objectif de cet accord - une aide différenciée et transparente.
Il fallait aider les cliniques car leurs ressources sont constituées à près de
90 % par les dotations de l'assurance maladie. Nous allons affecter ces
ressources en prenant en compte les inégalités tarifaires, car il existe une
grande variété de situations. L'utilisation du fonds de modernisation des
cliniques privées permettra aux agences régionales de définir le niveau de
l'aide en fonction des besoins et en particulier du niveau du tarif des
cliniques et de leur place dans la réponse aux besoins de la population prévue
par les schémas régionaux d'organisation sanitaire. Le fonds sera doté de 600
millions de francs en 2001 et 2002, soit un effort supplémentaire de 1,2
milliard de francs.
Nous allons également prévoir dans l'amendement que les cliniques devront
mettre à la disposition des agences régionales de l'hospitalisation, les ARH,
tous les éléments d'information nécessaires à sa demande. Ce point sera
également introduit dans le contrat type qui est passé entre les ARH et les
cliniques privées.
Vous le constatez, en contrepartie de l'effort supplémentaire, proportionné
par rapport à l'hôpital, qu'il fallait faire pour les cliniques privées, nous
introduisons des mécanismes de contrôle de l'utilisation de ces fonds ciblés
sur les salaires et les rémunérations des personnels infirmiers et sur les
établissements qui en ont vraiment besoin, en nous dotant des moyens de
contrôle nécessaires.
Au total, sur 2001-2002, l'hôpital public aura bénéficié d'un effort financier
de 11,7 milliards de francs, dont 3,9 milliards de francs de mesures nouvelles,
et le secteur privé d'un ensemble de mesures de 3,1 milliards de francs, dont
1,7 milliard de francs de mesures nouvelles. Il faut comparer 11,7 milliards de
francs pour l'hôpital avec 3,1 milliards de francs pour les cliniques privées,
toutes mesures confondues, pour 2001 et 2002. Il faut comparer 3,9 milliards de
francs de mesures nouvelles pour l'hôpital avec 1,7 milliard de francs de
mesures nouvelles pour les cliniques privées.
C'est une politique sanitaire cohérente qui est menée, visant à mieux soigner
les patients et à donner aux professionnels de chaque secteur concerné des
perspectives d'évolution financière satisfaisantes. L'accès à des soins de
qualité pour tous nos concitoyens est, en effet, une des priorités du
Gouvernement. Cela suppose que l'hôpital public, les cliniques et la médecine
de ville assurent une offre de soins appropriée et disposent d'un bon niveau de
moyens pour répondre à la demande de la population.
En ce qui concerne notre politique du médicament, l'objectif est de permettre
à nos concitoyens d'accéder à toutes les innovations. La progression des
dépenses de médicament reste rapide : 7,7 % en 2001. Ce rythme s'est toutefois
ralenti par rapport à l'année 2000, où il s'est établi à 11 %, grâce aux
premiers effets des mesures annoncées en juin 2001 en termes de baisses de
prix.
Le développement du générique doit être encouragé. Le projet de loi de
financement de la sécurité sociale pour 2002 prévoit la possibilité de
prescrire en dénomination commune internationale, et non plus uniquement en nom
de marque.
L'efficacité de la régulation des dépenses a été renforcée. L'objectif de 2,4
milliards de francs de baisses de prix concernant principalement les
spécialités dont le service médical rendu a été jugé insuffisant et les
médicaments déjà amortis dont le volume et la croissance sont élevés a été mis
en oeuvre par la voie conventionnelle.
S'agissant de notre politique médico-sociale, nous poursuivons les plans
pluriannuels en faveur des personnes handicapées avec un renforcement voté par
l'Assemblée nationale pour améliorer la prise en charge de l'autisme.
De même, le plan de médicalisation des établissements pour personnes âgées est
poursuivi selon le plan de marche annoncé et en totale articulation avec la
mise en place de l'allocation personnalisée d'autonomie dès le 1er janvier
2002.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, le présent projet de loi présente
un objectif national des dépenses d'assurance maladie pour 2002 de 112,77
milliards d'euros en droits constatés, en progression de 3,9 % par rapport aux
dépenses de 2001. Cet objectif correspond aux priorités de santé publique et
aux actions de modernisation du système de soins que je viens de rappeler. Il
se compose de quatre éléments principaux.
D'abord, pour les hôpitaux, l'objectif est de 4,8 %.
Ensuite, les établissements médico-sociaux demeurent un secteur prioritaire
avec une croissance de 5,1 %, compte tenu de l'amendement, adopté à l'Assemblée
nationale, sur la prise en charge de l'autisme. L'année 2002 verra la pleine
réalisation de la réforme de la tarification, en liaison avec la mise en oeuvre
de l'allocation personnalisée d'autonomie.
En outre, pour les cliniques privées, un objectif de 3,5 %, supérieur de 0,2
point à celui de 2001, a été retenu. Il est près de trois fois supérieur à ce
qu'il était en 1997 où il s'établissait à 1,3 %.
Enfin, l'objectif des dépenses de soins de ville est fixé à 3,2 %, compte tenu
de l'amendement, adopté par l'Assemblée nationale, sur la prévention
bucco-dentaire pour les enfants de six ans et de douze ans. Je rappelle qu'il
s'agit là de mesures extrêmement importantes, qui assurent une visite gratuite
à chaque enfant âgé de six ans et de douze ans pour prévenir les caries
dentaires. Seront concernés 1,4 million d'enfants.
Par ailleurs, je veux insister sur la rénovation de notre système de soins de
ville. Depuis un an, vous le savez, on a appelé cela le « Grenelle de la santé
», nous travaillons pour renouer le lien avec les professionnels de santé.
A l'issue de la concertation que j'ai engagée avec les professionnels au mois
de janvier 2001, j'ai rendu public un document présentant treize propositions
pour la rénovation des soins de ville.
A l'Assemblée nationale, à l'occasion de la discussion du projet de loi
relatif aux droits des malades et à la qualité du système de santé, qui sera
examiné par votre assemblée en janvier prochain, certaines de ces propositions,
comme la création d'un Haut Conseil de la santé ou l'extension de l'évaluation
aux professions paramédicales, ont été introduites.
D'autres propositions sont inscrites dans ce projet de loi de financement de
la sécurité sociale pour 2002, que j'ai l'honneur de vous présenter.
Il s'agit de la mise en place de dispositifs d'appui à l'installation, afin de
prendre en compte les difficultés que posent le recrutement, le maintien et le
remplacement de médecins et d'infirmiers dans certaines zones rurales et
urbaines difficiles.
M. Claude Domeizel.
Très bien !
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Bientôt, c'est tout le
pays qui sera en difficulté !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
En l'occurrence, nous mettons
en place une mesure extrêmement importante, qui était réclamée depuis
longtemps.
Il s'agit également de la mise en place de financements pérennes et d'une
harmonisation des procédures au niveau régional pour soutenir le développement
des réseaux.
Parmi ces propositions, figure enfin la création d'un mécanisme complémentaire
de soutien pour les gardes libérales.
Enfin, j'ai souhaité rénover le cadre conventionnel qui lie les caisses de
sécurité sociale aux professionnels et définir un mécanisme de régulation qui
soit mieux compris et mieux accepté par tous.
Je propose de donner aux partenaires conventionnels la possibilité de définir
des engagements en matière d'organisation des soins, de respect des bonnes
pratiques ou de suivi de l'activité. Ces engagements conventionnels feraient
l'objet d'un suivi régulier par les partenaires conventionnels afin d'en
assurer le respect dans un cadre pluriannuel.
Dans le cadre de ces engagements conventionnels, et uniquement dans ce cadre,
la possibilité d'utiliser la valeur des lettres clés dans le cadre de rapports
quadrimestriels ne s'appliquerait plus.
L'amendement du Gouvernement voté par l'Assemblée nationale fournit le cadre à
ces évolutions. Celui-ci devra évoluer tout au long des débats
parlementaires.
Des concertations sont en cours afin de préciser avec les professionnels, les
partenaires sociaux et les caisses d'assurance maladie notre proposition. Trois
éléments ressortent des propositions présentées depuis le 25 janvier : la mise
en place d'un socle interprofessionnel, l'articulation avec la régulation et la
dimension à la fois collective et individuelle de la convention. Il n'est pas
dans nos intentions de prédéterminer ce qui résultera d'éventuelles
négociations pour une ou des nouvelles conventions, mais il nous appartient de
fixer le cadre législatif de ces évolutions.
Je crois en effet profondément à la valeur du contrat pour rénover le dialogue
que la société, qui assure le financement collectif du système de soins,
entretient avec les médecins et les professions paramédicales.
Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 s'inscrit
dans le prolongement des priorités du Gouvernement : l'instauration de nouveaux
droits pour une France toujours plus solidaire. Il concilie de façon active les
deux principes qui nous guident : l'efficacité économique et la solidarité. Ce
projet de loi reflète bien notre engagement en faveur de la rigueur dans la
gestion des comptes sociaux et notre souci d'agir toujours mieux en faveur des
plus faibles et des plus fragiles.
A travers ce dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale de la
législature, le Gouvernement affirme son intention non pas de clore une
politique engagée depuis cinq ans, mais bien d'en assurer la continuité.
(Exclamations sur les travées du RPR.)
M. Alain Gournac.
On verra !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Assurer aux Français une
protection sociale de qualité, c'est en effet permettre de prendre en charge
les risques qui sont aujourd'hui bien identifiés ; c'est aussi se donner les
moyens de prévenir ceux que l'on redoute. Je crois qu'avec le présent projet de
loi de financement de la sécurité sociale nous disposons de réponses fortes à
ces défis permanents.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées
socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen).
M. le président.
La parole est à M. Vasselle, rapporteur.
(Bravo ! et applaudissements sur
les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste,
ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. René-Pierre Signé.
Il a amené son fan-club !
(Sourires.)
M. Alain Vasselle,
rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres généraux
et l'assurance maladie.
J'ai noté que vous avez fait de même pour Mme
Guigou, et sans doute avez-vous eu raison :...
M. Gilbert Chabroux.
Elle avait des choses importantes à dire !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
... vous l'avez applaudie avant et après son intervention
!
M. Jean Chérioux.
Eux, ils ont tous les droits, car ce sont de grands démocrates ! Ce sont des
donneurs de leçons permanents !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Je tiens par avance à m'excuser auprès de vous, mes chers
collègues, car je vais abuser de votre attention sans doute un peu plus
longuement que vous ne l'auriez souhaité les uns et les autres ; mais le sujet,
vous l'imaginez bien, est important.
Je me permets de rappeler immédiatement que la loi de financement de la
sécurité sociale met en jeu un budget qui est de loin supérieur à celui de la
loi de finances.
Ce point est souvent oublié ou occulté par la plupart de nos concitoyens,
voire de nos élus locaux ou des médias. Je me plais à rappeler que le budget de
la sécurité sociale s'élève à plus de 2 000 milliards de francs, alors que le
budget de la nation s'établit à un peu moins de 2 000 milliards de francs.
C'est dire que l'enjeu de ce texte est considérable et concerne la vie
quotidienne de nos concitoyens, qu'il s'agisse des retraités, des familles ou
de chacune et chacun d'entre nous, quel que soit son âge : en effet, tous, nous
faisons appel, tout au long de notre vie, assez régulièrement, même si c'est le
moins souvent possible, aux professionnels de la santé pour recevoir des soins
et essayer de vieillir dans les meilleures conditions possibles le plus
longtemps possible.
J'ai noté, madame le ministre, que vous aviez débuté votre propos en faisant
référence à mon rapport écrit. C'est en quelque sorte une « première » : il est
assez rare, en effet, que les membres du Gouvernement commencent leur
intervention dans la discussion générale sur un texte en faisant référence au
rapport écrit d'un parlementaire ! Je tenais donc à saluer ce fait et à m'en
féliciter.
Cela étant, madame le ministre, vous avez évoqué ce rapport dans un esprit
polémique puisque vous avez relevé qu'il contenait, à vos yeux, un certain
nombre d'inexactitudes,...
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
C'est vrai !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
... ainsi que d'autres éléments que vous vous êtes plu à
relever pour faire valoir l'action du Gouvernement. Vous avez relevé également
des omissions notables et avez regretté que ce rapport ne fasse pas référence à
une période ancienne. Je pensais, pour ma part, que nous devions nous projeter
dans l'avenir plutôt que nous tourner vers le passé !
M. Gilbert Chabroux.
Il faut relever les erreurs !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Les Françaises et les Français attendent du Gouvernement
comme du Parlement non pas qu'ils se penchent en permanence vers le passé mais
qu'ils leur donnent des perspectives d'avenir et les assurent que, demain, ils
pourront connaître des conditions de vie meilleures que celles qui leur sont
accordées aujourd'hui.
M. Gilbert Chabroux.
Il faut d'abord relever les erreurs !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Monsieur Chabroux, nous aurons l'occasion, tant dans la
discussion générale que lors de l'examen des articles, de pouvoir débattre sur
ce que vous considérez comme des erreurs...
M. Gilbert Chabroux.
Absolument !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
... et que, pour notre part, nous ne considérons pas comme
telles.
M. Gilbert Chabroux.
Les électeurs se sont déjà prononcés !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Vous avez en effet dit, madame le ministre, que mon rapport
écrit comportait des inexactitudes dans la mesure où je faisais figurer dans le
passif un certain nombre d'excédents que vous utilisez de manière tout à fait
pertinente, dites-vous, pour satisfaire les besoins de votre politique. Ces
excédents, dès lors qu'ils sont prélevés - je me permets de vous le faire
remarquer - viendront diminuer la situation nette de l'ensemble du régime de
sécurité sociale dont on constatera, dès la clôture de l'exercice 2002, qu'elle
sera non plus positive mais bien négative.
De surcroît, vous utilisez un certain nombre d'artifices pour faire croire aux
Français que nous nous trouvons dans une situation particulièrement
confortable...
M. Alain Gournac.
Voilà !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
... qui ne justifie donc aucune inquiétude, ni pour le
présent ni pour l'avenir.
L'exercice auquel je me suis plu à me livrer, en plein accord d'ailleurs avec
le président et tous les membres de la commission des affaires sociales, a
consisté à rétablir pour les Françaises et les Français la vérité des comptes
de la sécurité sociale pour chacune des branches et à leur donner le coût réel
du financement des 35 heures.
M. Alain Gournac.
C'est très important !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Je prendrai un seul exemple qui, je l'espère, sera
suffisamment parlant pour permettre à nos collègues de bien comprendre que les
« inexactitudes » relevées dans mon rapport n'en sont pas en réalité.
J'évoquerai les cinq milliards de francs que, madame le ministre, vous avez
décidé de prélever...
M. Alain Gournac.
De pomper !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
... sur l'excédent en 2000 de la branche famille pour
augmenter le fonds de réserve des retraites. Il s'agit en réalité de compenser
la disparition des excédents du fonds de solidarité vieillesse qui devaient
être la ressource principale de ce fonds de réserve.
En effet, l'année dernière, vous avez utilisé une partie des ressources du
fonds de solidarité vieillesse pour financer les 35 heures, créant ainsi un
déficit qu'il vous a bien fallu combler à un moment donné.
Vous avez donc eu cette idée géniale - je ne sais si elle vient de vous ou des
fonctionnaires de Bercy qui vous ont épaulée dans votre démarche - de tirer
parti de l'excédent dans la branche famille pour jouer sur la fongibilité des
branches.
M. Alain Gournac.
Et hop !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Je me permets de souligner au passage que, ce faisant, vous
n'avez pas respecté les engagements solennels pris par le Gouvernement, et
approuvés par le Parlement, qui tendaient, d'une part, au respect de la
séparation des branches - cette mesure, je le rappelle, avait été approuvée par
les deux assemblées -...
M. Alain Gournac.
Carambouille !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
... et, d'autre part, à la compensation intégrale de toutes
les mesures d'allégement de charges ou de cotisations par des dotations
budgétaires de l'Etat, disposition législative datant de 1944. Je rappellerai
également - excusez-moi de le faire une nouvelle fois, car peut-être cela vous
mettra-t-il mal à l'aise, vous ou les membres de votre majorité - que, lorsque
le Gouvernement a décidé la mise en place du FOREC, il avait solennellement
déclaré, la main sur le coeur, que toutes les compensations et tous les
allégements de cotisations seraient compensés intégralement, au franc
près,...
M. Alain Gournac.
Voilà !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
... par des dotations budgétaires de l'Etat. Or il n'en est
rien ! Et vous jouez, madame le ministre, sur les mots : vous dites que vous ne
prélevez pas de produits de cotisations pour financer les 35 heures
(Mme le
ministre acquiesce)
et que, en conséquence, vous ne pénalisez pas la
sécurité sociale et la branche maladie. Vous omettez toutefois de dire à la
représentation nationale et aux Français que, lorsque le Gouvernement - Mme
Aubry était alors en charge du ministère de l'emploi et de la solidarité - a
décidé d'alléger les cotisations sociales pour en faire profiter l'économie et
essayer de relancer l'emploi dans notre pays, il leur a substitué le produit de
la CSG, c'est-à-dire un produit fiscal. A partir du moment où vous aviez
substitué cette recette fiscale au produit des cotisations du travail, c'était
bien pour la destiner au financement de la branche maladie. Les impôts et taxes
actuels sont bien des ressources de la sécurité sociale...
M. Alain Gournac.
Carambouille !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Or vous jouez sur le fait que ces ressources avaient un
caractère fiscal pour considérer que le Gouvernement peut les utiliser selon
son bon vouloir pour engager des dépenses qui ne sont pas nécessairement liées
à la sécurité sociale. Vous jouez sur les mots en disant que le fait d'utiliser
cette ressource fiscale n'affaiblit en aucun cas la branche maladie de la
sécurité sociale, et que vous ne faites qu'utiliser une recette fiscale pour
financer une politique sociale. Non ! C'est vraiment tromper les Français que
de leur faire croire que vous utilisez des recettes fiscales pour des mesures
sociales et qu'il y a un lien entre les deux.
M. Alain Gournac.
Très bien !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
En fait, il faut dire aux Français que ces recettes fiscales
étaient affectées à la sécurité sociale. Vous n'avez donc pas le droit de les
utiliser à d'autres fins.
C'est la raison pour laquelle nous affirmons haut et fort que vous avez
utilisé des fonds de la sécurité sociale pour financer une politique sociale
que vous n'aviez pas les moyens de mettre en oeuvre ! Vous avez fait rêver les
Français !
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Didier Boulaud.
C'était mieux quand Juppé augmentait la TVA ?
M. René-Pierre Signé.
Il n'y avait pas d'excédents avec vous !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Toute vérité, mon cher collègue, est difficile à entendre,
surtout lorsqu'elle correspond à la réalité !
Nous avons donc un gouvernement issu d'une majorité qui, en 1997, s'est fait
élire notamment sur cette annonce de mise en place de la politique des 35
heures.
M. René-Pierre Signé.
Et ils osent donner des leçons !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Mais il s'est bien gardé de dire comment il en assurerait le
financement ! Et aujourd'hui, l'heure de vérité a sonné !
M. Didier Boulaud.
On va voir ça !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
L'heure de vérité a sonné parce que les Françaises et les
Français...
(Exclamations sur les travées socialistes.)
Laissez-moi m'exprimer !
M. Philippe Nogrix.
Cela les gêne !
M. Alain Gournac.
Ils ne veulent rien entendre !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Vous pourrez me répondre tout à l'heure dans le cadre de la
discussion générale...
M. Didier Boulaud.
Ne vendez pas la peau de l'ours !
Mme Hélène Luc.
Et vous, qu'avez-vous fait ? Il faut en parler aussi !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Madame Luc, me permettez-vous de terminer sur ce point ?
M. René-Pierre Signé.
Qui parle de carambouille ?
Mme Hélène Luc.
Vous parlez de ce qui se passe maintenant sans évoquer ce qui s'est passé
avant !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Me permettez-vous de continuer de répondre aux arguments
développés par Mme le ministre ?
M. René-Pierre Signé.
Oui, mais sans provoquer !
M. Alain Gournac.
Qu'a fait Mme le ministre au début de son intervention, sinon provoquer ?
M. le président.
Monsieur le rapporteur, vous avez la parole et vous seul.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Je ne fais pas de provocation, malheureusement pour vous, mes
chers collègues. Je ne fais que rappeler un certain nombre de vérités. J'admets
que c'est difficile à entendre et que, le moment venu, vous aurez du mal à vous
justifier devant l'opinion publique.
M. Didier Boulaud.
Et vous, comment avez-vous géré ?
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Je disais donc que, lorsque vous avez mis en place cette
politique des 35 heures, vous saviez que vous n'en aviez pas la capacité
financière. Aujourd'hui, les Français vont se rendre compte, un peu tard pour
un certain nombre d'entre eux, que c'est une politique de gribouille qui a été
mise en place par ce gouvernement et que la sécurité sociale en souffre.
(Exclamations sur les travées socialistes.)
M. Guy Fischer.
En matière de politique de gribouille, vous pouvez parler !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Vous avez fait valoir, madame le ministre, des éléments de
satisfaction en faisant ressortir les excédents que j'ai rappelés et dont j'ai
décrit l'utilisation. Puis, vous avez relevé que j'avais omis - omission de
taille selon vous - de rappeler que, pendant la période 1994-1997, la sécurité
sociale avait accusé un déficit global de plus de 200 milliards de francs.
M. Didier Boulaud.
Eh oui !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
J'ai encore en tête le chiffre que vous avez annoncé devant
la commission : 265 milliards de francs. Il est vrai que, dans votre situation,
vous ne devez plus en être à 30, 40 ou 50 milliards de francs près !
Il faut toutefois replacer les choses dans leur contexte : la période de 1993
à 1997 a été marquée par l'une des plus graves récessions économiques de
l'après-guerre et c'est à cette situation qu'a dû faire face le gouvernement de
l'époque !
M. René-Pierre Signé.
Vous n'avez pas su gérer !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Aucun gouvernement n'aurait fait mieux. Si vous aviez été
vous-mêmes au pouvoir à cette époque, vous n'auriez pas pu faire mieux que ce
qu'a fait à l'époque le gouvernement de MM. Balladur et Juppé.
(Exclamations
sur les travées socialistes.)
M. Didier Boulaud.
Eh oui ! Parlons-en de M. Juppé !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Je ne sais si je vais arriver à terminer mon propos. De toute
façon, j'ai toute la soirée, toute la nuit devant moi : si vous voulez que cela
dure, mes chers collègues, cela m'est égal !
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Le calme est le propre
de l'innocence.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Il est un peu facile de dire que si la situation est bonne,
c'est grâce à la conjoncture française et non à la conjoncture internationale
et que si elle est mauvaise, c'est parce que, sur le plan international, cela
va mal et donc que la France souffre de la récession économique générale.
Voilà peu de temps, certains membres du Gouvernement ont déclaré, après les
événements survenus aux Etats-Unis, que la France connaîtrait probalement un
début de récession économique, qui serait la conséquence d'un ralentissement de
l'économie américaine. Mais quand la croissance était au rendez-vous, ils ne
disaient pas que c'était dû à une situation internationale favorable, c'était
dû, à ce moment-là, uniquement à la politique du Gouvernement !
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
On fait dire ce que l'on veut à la situation économique pour essayer d'en
tirer les fruits et les profits sur le plan local.
(Protestations sur les
travées socialistes.)
M. Didier Boulaud.
Nous n'avons pas taxé les Français, nous !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Vous en parlerez au moment de la discussion de la loi de
finances ;...
M. Didier Boulaud.
Les deux points de TVA, c'est quand même cela qui a mis les Français à genoux
!
M. Alain Vasselle,
rapporteur
... pour le moment, nous examinons le projet de loi de
financement de la sécurité sociale.
Il faut dire que la croissance annuelle des recettes du régime général est
passée de 2,96 % en 1997 à 6,23 % en 2000.
Je reconnais, avec Mme le ministre, que la croissance a été au rendez-vous,
qu'elle a permis d'améliorer sensiblement les recettes de la sécurité sociale
et qu'elle a contribué largement au redressement des comptes de cette dernière.
Nous divergeons seulement sur les causes : nous avons la faiblesse de penser
que cette croissance était due non pas à la politique menée par le
Gouvernement, mais bien à l'effet d'une conjoncture favorable sur le plan
international et européen, conjoncture que le Gouvernement n'a pas su,
d'ailleurs, utiliser à bon escient pour permettre de redresser durablement et
structurellement l'ensemble des branches de la sécurité sociale.
On peut relever d'ailleurs que les effets positifs des mesures de redressement
prises par la précédente majorité ont eu tendance à s'estomper. Et pourtant Mme
Aubry avait emboîté le pas au gouvernement Juppé en ce qui concerne notamment
la régulation des dépenses de santé ;...
M. Didier Boulaud.
On a vu les résultats !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
... elle en avait changé quelques modalités mais avait
maintenu le système de la sanction collective, notamment celui des clés
flottantes, auquel Mme le ministre a fait référence tout à l'heure. Mais ces
mesures n'ont pas été prolongées significativement, ce qui s'est traduit par
une progression des dépenses qui a eu tendance à se rapprocher de celle des
recettes : 5,87 % pour les unes et 6 % pour les autres en 2000.
La sensibilité conjoncturelle des recettes de la sécurité sociale se trouve
ainsi confirmée. C'est d'ailleurs cette sensibilité conjoncturelle qui
explique, pour l'essentiel, la dégradation des comptes sociaux observée pendant
la récession du début des années quatre-vingt-dix, qui fut l'une des plus
sévères que notre pays ait connues au cours de l'après-guerre.
Quoi qu'il en soit, la vigoureuse croissance des recettes de la sécurité
sociale s'est traduite par une amélioration des soldes comptables. Mais cette
amélioration est-elle aussi prononcée qu'elle aurait pu l'être, compte tenu de
la croissance de ces dernières années ? Non, à l'évidence !
Le Gouvernement a annoncé triomphalement par votre voix, madame le ministre, «
qu'entre 1989 et 2002, la sécurité sociale a dégagé un excédent cumulé de 23
milliards de francs » ; vous avez ajouté : « Même si nous prenons en compte
l'année 1998, qui était encore marquée par un déficit, nous serons en mesure
d'atteindre un quasi-équilibre du régime général sur les quatre exercices 1998
à 2001. »
M. Didier Boulaud.
Eh oui !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Or, mes chers collègues, à l'examen, il apparaît que ces
chiffres pèchent pour le moins par excès d'optimisme, et je vais vous expliquer
pourquoi.
Livrons-nous ensemble à un exercice d'arithmétique élémentaire. Il consiste à
additionner le solde déficitaire - de 9,7 milliards de francs - du régime
général pour l'exercice 1998 au solde excédentaire - de 3,3 milliards de francs
- de l'année 1999 et au solde désormais déficitaire de l'année 2000, qui
atteint 10,7 milliards de francs en raison de l'annulation de la dette du FOREC
à l'égard de la sécurité sociale, annulation décidée par le Gouvernement dans
le présent projet de loi.
M. René-Pierre Signé.
C'est faux !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Mme le ministre l'a confirmé. Ne dites pas que c'est faux,
monsieur Signé !
M. le président.
Il n'en sait rien ! Ne vous laissez pas interrompre, monsieur Vasselle.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
J'y ajoute les excédents prévisionnels des exercices 2001 et
2002 résultant des amendements adoptés en première lecture par l'Assemblée
nationale, soit respectivement 5,3 milliards de francs et 5,1 milliards de
francs. Je prends donc en compte à la fois les déficits et les excédents.
Le total de cette addition établie sur la base de chiffres officiels et
incontestables - je mets au défi quiconque de contester ces chiffres ou alors
ce serait remettre en cause les organismes chargés de suivre les comptes de la
sécurité sociale - fait apparaître que la situation financière des régimes est
bien moins favorable que ne pourraient le laisser croire les communiqués de
victoire du Gouvernement.
Pour les années 1998 à 2002, en effet, le déficit cumulé atteindra 6,7
milliards de francs. Pour la seule branche maladie, il sera de 61,3 milliards
de francs. Il n'y a donc pas lieu de pousser des « cocoricos », en disant que
la sécurité sociale s'est redressée et que les comptes sont consolidés. Nous en
sommes bien loin !
Comment expliquer un tel déficit alors que les recettes du régime général ont
connu une forte croissance au cours de ces dernièrs années ? La réponse à cette
question est double : d'une part, la sécurité sociale a été dépouillée d'une
partie de ses recettes - j'en ai donné un exemple tout à l'heure - pour assurer
le financement du fameux FOREC ; d'autre part, la dérive des dépenses
d'assurance maladie, qui traduit l'inaction du Gouvernement en ce domaine, pèse
de plus en plus sur les comptes du régime général.
S'agissant tout d'abord du FOREC, je ne vous rappellerai pas, monsieur le
président, madame le ministre, mes chers collègues, comment le Gouvernement,
confronté au surcoût prévisible pour le budget de l'Etat des allégements de
cotisations accordés dans le cadre des 35 heures, a décidé de transférer
indirectement cette charge à la sécurité sociale en créant ce fonds.
La commission des affaires sociales a essayé d'évaluer le montant de cette
charge pour la sécurité sociale. En effet, vous nous dites, madame le ministre,
que le financement du FOREC « préserve les ressources de la sécurité sociale
car il n'est fait appel qu'à des ressources de nature fiscale » ; mais vous
oubliez de préciser qu'une bonne partie de ces ressources fiscales étaient
antérieurement affectées à la sécurité sociale.
M. Jean Chérioux.
Absolument !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Ainsi, si l'on ajoute, d'une part, la totalité des recettes
fiscales de la sécurité sociale et du fonds de solidarité vieillesse
transférées au FOREC et, d'autre part, l'annulation de la dette de ce dernier
pour l'année 2000, on aboutit à un total cumulé de quelque 85 milliards de
francs, dont 30 milliards au titre de la seule année 2002.
Or, lors de votre audition devant la commission des affaires sociales, vous
nous avez indiqué, madame la ministre, que les allégements liés aux 35 heures
représentaient 34,6 milliards de francs au sein du total des dépenses du FOREC,
qui atteindront, par ailleurs, 102 milliards de francs en 2002. Je vous
rappelle, mes chers collègues, que les autres exonérations ou allégements
désormais regroupés dans le FOREC, dont la ristourne dite « Juppé », étaient,
avant 2000, entièrement compensés à la sécurité sociale par le budget de
l'Etat. Sur la base du chiffre communiqué par Mme le ministre, on peut donc
raisonnablement estimer que la sécurité sociale financera désormais, en 2002,
88 % des allégements liés aux 35 heures.
Permettez-moi, mes chers collègues, de m'arrêter un instant sur le financement
des 35 heures et sur ces chiffres qui ont retenu longuement l'attention des
membres de la commission. Je vous invite à vous reporter au tableau de l'annexe
F du présent projet de loi relatif aux comptes du FOREC pour 2002. On retrouve
bien les chiffres que vous annoncez, madame le ministre : le coût des
allégements dus aux 35 heures est officiellement de 36 milliards de francs sur
un total de 102 milliards de francs, soit un pourcentage de 35 % alors que le
coût des allégements pour les bas salaires au sens large, puisqu'on y trouve
l'aide incitative initiée par la loi Robien, qui est pourtant une mesure d'aide
à la réduction du temps de travail, serait de 66 milliards de francs, soit 65 %
du total des dépense du FOREC.
Le seul problème, c'est que cette annexe comptabilise dans les allégements
pour bas salaires l'extension de la « ristourne Juppé », qui passe de 1,3 à 1,8
SMIC. Or cette extension, d'un coût de 17 milliards de francs, avait pourtant
été décidée dans la loi « Aubry 2 ». On ne peut donc pas l'imputer à l'ancienne
majorité. Dès lors, les chiffres changent du tout au tout : le coût des mesures
découlant des lois Aubry représentent alors un coût total de 53 milliards de
francs, soit 52 % du total du FOREC, tandis que le coût des mesures décidées
par la précédente majorité se ramène à 48,5 milliards de francs, soit 48 %.
Telle est la réalité des chiffres.
Madame le ministre, la commission des affaires sociales a souhaité, malgré
tout, entrer dans votre logique. Vous nous dites que l'application des 35
heures ne coûtent que 36 milliards de francs. Chiche ! Ne retenons que vos
chiffres ! Dans ce cas, il faut constater que la sécurité sociale finance 88 %
d'une politique qui aurait dû être financée par l'Etat dans le cadre de la loi
de finances.
M. René-Pierre Signé.
Il y avait des excédents !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Ajoutons à cela les 15 milliards de francs que, pour les
années 2001 et 2002, l'UNEDIC verse à l'Etat. Ainsi ce dernier, qui
s'affranchit de la théorie des « retours pour les finances publiques » des 35
heures, gagnerait même de l'argent.
Si c'est ce que vous vouliez démontrer, madame le ministre, nous sommes prêts
à vous suivre !
Je tenais, mes chers collègues à m'attarder quelques instants sur les chiffres
concernant les 35 heures, de manière que chacun les ait bien en tête. Encore ne
s'agit-il que d'une évaluation du coût direct du FOREC pour la sécurité sociale
et pour le fonds de solidarité veillesse. En effet, la nécessité de dégager des
ressources financières destinées à alimenter ce fonds s'est accompagnée, ces
deux dernières années, de la mise en place de circuits de financement
particulièrement opaques et complexes.
La « mise au clair » de ces circuits de financement aboutit d'ailleurs à
l'élaboration de schémas incompréhensibles. Charles Descours avait, l'année
dernière, brocardé l'« usine à gaz » aux invraisemblables tuyauteries qui avait
été mise en place et en avait fait un tableau très parlant.
M. René-Pierre Signé.
Il a été battu !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Il est d'ailleurs dommage que les techniques audiovisuelles
ne puissent pas encore être utilisées dans l'hémicycle, monsieur le président.
Il serait très profitable à nos collègues qu'un écran nous permette, par
exemple, de projeter des graphiques.
M. Jean Chérioux.
Absolument !
M. Claude Domeizel.
Ils démontreraient le contraire de ce que vous affirmez !
M. Jean Chérioux.
Mais non, vous le savez bien !
M. René-Pierre Signé.
On pourrait mettre les déficits à droite !
(Sourires.)
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
De telles projections permettraient de mieux comprendre le
fonctionnement du dispositif.
A ce sujet, madame le ministre, puique vous avez présenté le passage à la
comptabilité des organismes de sécurité sociale en droit constaté comme l'un
des grands acquis de l'action du Gouvernement, vous me permettrez de préciser
que cette importante réforme a été lancée dès 1994 par la précédente majorité ;
c'est la complexité technique de ce dossier qui explique que plusieurs années
de travail aient été nécessaire pour aboutir. Il était plus que temps que nous
puissions travailler en droit constaté et que vous-même puissiez rendre hommage
à l'initiative qui avait été prise par la précédente majorité.
M. Didier Boulaud.
Les Français s'en sont chargés, aux législatives !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Voilà au moins un point positif que vous acceptez de
reconnaître.
Mais revenons au FOREC.
Notre commission est particulièrement préoccupée par les effets néfastes des
circuits financiers mis en oeuvre depuis l'année 2000. Ceux-ci fragilisent,
d'une part, les fondations financières de la sécurité sociale et compromettent,
d'autre part, le financement de diverses prestations, dont certaines sont
pourtant jugées essentielles par le Gouvernement. Je n'évoquerai ici, madame le
ministre, que la couverture maladie universelle « de base », pour le
financement de laquelle l'assurance maladie avait bénéficié, en 1999, de
l'affectation de recettes spécifiques qui lui ont été, depuis, progressivement
« confisquées » au profit du FOREC.
Quelles étaient ces recettes ? Une part du prélèvement social de 2 %, une part
des droits sur le tabac et la taxe sur les véhicules à moteur.
Lors de l'examen du texte portant création d'une couverture maladie
universelle, le Gouvernement avait en effet proposé d'affecter à la branche
maladie des recettes fiscales pour lui permettre de faire face à cette dépense
nouvelle. Or que s'est-il passé depuis ? On a privé et on a continué de priver
la branche maladie de ces recettes qui lui permettaient de financer une partie
du déficit lié à cette dépense nouvelle.
Interrogée à ce sujet par notre commission, la CNAM a d'ailleurs répondu
qu'elle ne savait pas comment serait financée la CMU « de base » en 2002
puisque le Gouvernement n'a pas prévu, dans le projet de loi de financement
pour 2002, des ressources nouvelles permettant de compenser cette perte de
recettes de la branche maladie. Celle-ci va donc être confrontée à des
difficultés majeures pour financer la CMU « de base ».
Bien entendu, le manque à gagner correspondant viendra s'ajouter au déficit,
déjà substantiel, de la branche maladie.
Par ailleurs, la nécessité de trouver sans cesse des ressources
supplémentaires pour le FOREC aboutit à des résultats qui sont complètement
absurdes. Ainsi, la CNAM, qui est déjà la branche la plus déficitaire du régime
général, est celle qui est le plus mise à contribution, car elle reçoit, à elle
seule, près de 80 % des recettes fiscales affectées au régime général !
En dépit de toutes ces incohérences, le Gouvernement a choisi de persévérer
dans l'erreur en 2002. L'examen du projet de loi de financement de la sécurité
sociale, qu'il conviendrait d'ailleurs de baptiser plutôt « projet de loi de
financement du FOREC », est, à cet égard, révélateur. Celui-ci comporte, en
effet, son lot de « branchements » et autres « tuyauteries » destinées à
l'alimentation de ce fonds.
Ce sont 11,1 milliards de francs qui vont se trouver à nouveau, en 2002,
prélevés sur la sécurité sociale, dont 8,1 milliards en provenance de
l'assurance maladie. Cela correspond à la perte de recettes concernant les
droits sur les alcools, la taxe sur les véhicules à moteur et une partie des
droits sur les tabacs.
Le système n'est d'ailleurs pas facile à comprendre ! On réaffecte une partie
des droits sur les tabacs et comme on en a réaffecté trop, on en prélève une
partie pour la redonner à une autre branche.
M. Jean Chérioux.
C'est le bonneteau !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
On a bien du mal à suivre !
Et vous ajoutez à ces 8,1 milliards de francs les 3 milliards de francs qui
viennent indirectement de la branche famille. En effet la perte, par le fonds
de solidarité vieillesse, de 2,9 milliards de francs au profit du FOREC lui est
compensé, à due concurrence, par une augmentation de la part des majorations de
pensions pour enfants mise à la charge de la branche famille.
Ceux d'entre nous qui étaient présents lorsque nous avons examiné le projet de
loi, présenté par le gouvernement de M. Balladur, instituant le fonds de
solidarité vieillesse se souviennent que, à l'époque, on avait essayé de donner
un peu de transparence et de lisibilité au financement des retraites. Ce fonds
avait été créé pour faire supporter par la solidarité nationale les dépenses
dites de « solidarité », précisément, en ne laissant à la charge de la branche
vieillesse que les dépenses contributives.
Pour permettre au fonds de solidarité vieillesse de financer les dépenses non
contributives, il avait été décidé de lui affecter les droits sur les
alcools.
Or, depuis 1997, le Gouvernement n'a eu de cesse de transférer ces recettes à
d'autres objets : initialement affectées au FSV, elles l'ont été ensuite à la
branche maladie. Et puis, se rendant compte des insuffisances de financement du
FOREC, on les a retirées à la branche maladie pour les affecter à celui-ci !
Décidément, on a tendance à se perdre dans les tuyauteries installées par le
Gouvernement !
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 amplifie
également d'autres errements déjà dénoncés les années précédentes par notre
commission.
Il s'agit, tout d'abord, de la modification rétroactive de l'affectation de
certaines recettes. Je viens de le dire, les droits sur les alcools, dont
bénéficiait jusqu'à présent la CNAMTS, ont été transférés au FOREC à compter du
1er janvier 2001. De même, le produit de la taxe sur les véhicules terrestres à
moteur, qui était intégralement affecté à la CNAMTS en 2001 pour le financement
de la couverture maladie universelle, est reversé en totalité au FOREC en
2002.
Dans ces conditions, quel crédit peut-on encore accorder au solde de la
branche maladie ? Quelle signification cet indicateur, pourtant essentiel,
peut-il encore avoir pour les assurés et les professionnels de santé, que l'on
entend par ailleurs « responsabiliser » ?
En outre, comme je l'ai déjà indiqué, le projet de loi annule purement et
simplement la dette du FOREC à l'égard de la sécurité sociale pour l'année
2000.
L'imputation de l'annulation de cette dette sur l'exercice 2000 soulève, tout
d'abord, de graves questions de principe au regard des règles élémentaires de
la comptabilité publique. Ainsi, la commission des comptes de la sécurité
sociale, selon son secrétaire général, « s'interdisant tout retraitement des
comptes 2000 qui justifierait inévitablement d'autres corrections et ouvrirait
la porte à l'arbitraire », avait imputé cette annulation sur les comptes 2001,
qui sont encore ouverts.
Si l'on suit les propositions du Gouvernement, comme les mesures qui sont
prises affectent les comptes 2000, qui sont déjà clôturés depuis un moment, il
faudra rouvrir la comptabilité 2000 pour introduire l'incidence de l'annulation
de la créance que vient de décider le Gouvernement pour assurer le financement
du FOREC.
C'est une première ! C'est du jamais vu ! D'ailleurs, les agents comptables
des caisses nous en ont donné acte en nous confiant qu'il s'agissait d'un
exercice extrêmement difficile, qui leur poserait des problèmes d'ordre
matériel et informatique. « Techniquement, nous pouvons tout faire, nous
ont-ils dit, mais nous n'avons jamais eu à faire ce type d'exercice. »
On peut donc s'interroger sur le choix fait par le Gouvernement d'ouvrir à
nouveau les comptes 2000, c'est-à-dire les comptes d'un exercice clos. Ce choix
n'est, bien évidemment, pas innocent dans la mesure où il lui permet de ne pas
corriger, dans un sens nettement plus défavorable, les comptes de l'exercice
2001, dont la clôture publique et définitve doit intervenir au printemps
2002.
Je vous rappelle, mes chers collègues, que la créance ainsi annulée s'élève,
pour le seul régime général, à 15 milliards de francs.
De tels procédés, vous l'admettrez, sont inadmissibles. La commission vous
proposera donc de supprimer la disposition législative correspondante.
Autre mauvaise habitude, également confirmée et amplifiée par le projet de loi
de financement de la sécurité sociale pour 2002 : les prélèvements effectués
sur les excédents des exercices passés ; je suis vraiment désolé de donner de
mauvaises nouvelles aux Français, mais force m'est de décrire la réalité ! Un
double prélèvement est ainsi opéré sur les excédents 2000 de la branche
famille, à savoir, d'une part, 1,5 milliard de francs pour le fonds
d'investissement de la petite enfance et, d'autre part, 5 milliards de francs
au profit du fonds de réserve des retraites.
M. René-Pierre Signé.
Il y a un rapporteur pour la famille !
M. Alain Vasselle,
rapporteur
Il va vous en parler beaucoup plus longuement que moi, ne vous
inquiétez pas, mon cher collègue !
Ainsi, les familles n'auront pas bénéficié longtemps des excédents que la CNAF
était, jusqu'à présent, parvenue à conserver. Le versement au fonds de réserve
des retraites, qualifié de « contribution aux dépenses de solidarité
intergénérationnelle », viendra en réalité compenser, pour partie, les
nombreuses ponctions opérées sur le fonds de solidarité vieillesse au titre
soit des 35 heures soit du financement de l'allocation personnalisée
d'autonomie.
Au-delà des ponctions opérées chaque année, le Gouvernement est ainsi conduit,
pour boucler ses comptes de fin de législature, à prélever les excédents qui
lui avaient jusqu'alors échappé. Privée d'une partie significative de ses
ressources et de ses réserves au profit du FOREC, la sécurité sociale doit
également faire face à la dérive des dépenses d'assurance maladie. J'évoquerai
plus en détail ce sujet dans la suite de mon intervention. Pour l'heure, je me
bornerai à vous rappeler, mes chers collègues, le montant du déficit cumulé de
la branche maladie pour les années 1998 à 2002 : 61 milliards de francs !
Ce constat d'ensemble est d'autant plus préoccupant que les comptes de la
sécurité sociale, ainsi que ceux du présent projet de loi de financement, tels
que je vous les ai présentés, reposent sur des hypothèses économiques que le
Premier ministre qualifie de « patriotiques » et sur une évolution de l'ONDAM
particulièrement « idéaliste ». Or, s'il vient à manquer un point de croissance
de la masse salariale, ce qui représente une perte supplémentaire de 10
milliards de francs, ou si l'ONDAM progresse au même rythme qu'en 2001, soit 16
milliards de francs de dépenses supplémentaires, le résultat du régime général
basculera dans le rouge - complètement cette fois - dès 2002. Il sera, dès
lors, victime d'un redoutable « effet de ciseaux » entre, d'une part, la
contraction de ses recettes et, d'autre part, la progression incontrôlée des
dépenses d'assurance maladie.
Ainsi, à l'issue d'une période de croissance exceptionnelle, la sécurité
sociale se trouve, de manière paradoxale, dépourvue de toute réserve pour
affronter des temps probablement beaucoup plus difficiles. Les marges
financières dont elle disposait, détournées pour financer la coûteuse politique
des 35 heures et « engloutie » par la dérive des dépenses d'assurance maladie,
n'ont pas été utilisées pour mettre en place les réformes indispensables à la
pérennité de notre système de protection sociale.
Notre commission n'a aucun goût particulier pour le rôle de Cassandre.
Toutefois, afin de donner à la sécurité sociale et, plus particulièrement, au
régime général les moyens de faire face aux défis à venir, elle propose au
Sénat de rétablir la vérité des comptes sociaux.
Cette « opération-vérité » consisterait à restituer, en 2002, au régime
général et à la sécurité sociale l'ensemble des recettes qui leur ont été,
directement ou indirectement, « confisquées » au profit du FOREC.
L'évaluation réalisée par notre commission à ce sujet, et dont le détail
figure dans le rapport écrit, permet ainsi de dégager, pour le régime général,
un total de recettes supplémentaires de 30 milliards de francs. Son excédent
atteindrait ainsi, en 2002, 35 milliards de francs, contre 5 milliards de
francs prévus actuellement. Le fonds de solidarité vieillesse, quant à lui,
disposerait de 18 milliards de francs supplémentaires, qui seraient ensuite
reversés au fonds de réserve des retraites, ce qui permettrait au Gouvernement
d'atteindre effectivement les objectifs qu'il avait affichés, en déclarant à la
représentation nationale qu'il alimenterait le fonds de réserve des retraites
grâce aux excédents du fonds de solidarité vieillesse.
Si nous suivions le Gouvernement, compte tenu de la situation actuelle -
Dominique Leclerc en parlera plus savamment que moi dans un instant -, nous
risquerions de nous retrouver, cette année, concernant le fonds de solidarité
vieillesse, avec un excédent limité à 1 milliard de francs, voire avec un solde
nul ou même avec un déficit, autrement dit sans aucune possibilité d'alimenter
le fonds de réserve des retraites.
A l'inverse, si l'on rétablissait les recettes du fonds de solidarité
vieillesse, les sommes qu'il pourrait reverser au fonds de réserve
permettraient à ce dernier de réunir 100 milliards de francs dès 2002, contre
86 milliards de francs prévus dans ce projet de loi de financement de la
sécurité sociale.
A ce sujet, madame le ministre, quand vous annoncez que, grâce aux mesures du
Gouvernement, le fonds de réserve atteindra 86 milliards de francs d'ici à la
fin de l'exercice 2002, vous omettez de dire qu'il aurait dû s'établir à 55
milliards de francs à la fin de l'exercice 2001, alors qu'il ne dépassera pas
41 milliards de francs ; vous avez donc pris du retard, et le conseil
d'orientation des retraites, partageant en cela l'analyse du Sénat, considère
que, pour atteindre 1 000 milliards de francs, il aurait fallu réaliser au
moins entre 30 et 35 milliards de francs par an. Or ces chiffres ne sont pas au
rendez-vous et, même avec 86 milliards de francs, vous êtes encore en retard
par rapport à l'objectif de 1 000 milliards de francs. Il faut que les
Françaises et les Français le sachent !
Ces résultats nous donnent ainsi une idée de l'importance de la manne
financière qu'aurait procurée la croissance à la sécurité sociale si cette
manne n'avait pas été détournée par le Gouvernement pour financer une coûteuse
politique de l'emploi, qui commence d'ailleurs à donner de sérieux signes de
faiblesse.
M. Didier Boulaud.
Une coûteuse politique sociale !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
La commission des affaires sociales soumettra donc au Sénat
divers amendements visant à définir le cadre juridique de cette « opération
vérité ». Ainsi, les partenaires sociaux et l'opinion publique seront
pleinement informés de l'état actuel de nos finances sociales et de l'occasion,
gâchée par le Gouvernement, que représentaient les années de croissance pour
engager les réformes nécessaires, notamment en matière de retraites.
M. René-Pierre Signé.
Et la couverture maladie universelle ?
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Il appartiendra ensuite à l'Etat de dégager sur son propre
budget les ressources nécessaires au financement de sa politique de
l'emploi.
Lors de la réunion de la commission des comptes de la sécurité sociale, en
juin dernier, vous avez déclaré, madame la ministre, que « la fraction non
compensée des allégements de cotisations ne pourra pas avoir, pour elle-même,
pour effet de provoquer la mise en déficit de la sécurité sociale ». Or il n'en
sera rien, les comptes présentés par le Gouvernement dans le projet de loi de
financement pour 2002 nous démontrent, malheureusement, le contraire. Nul ne
devrait pourtant devoir douter de votre parole, madame la ministre !
M. René-Pierre Signé.
Vous vous y connaissez en déficits ! Et les déficits Juppé ?
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
J'en arrive à ma conclusion sur les grands équilibres
financiers : si vous souhaitez réellement la lisibilité des comptes pour les
Français, si vous voulez jouer cette carte de la transparence tant prônée par
le Premier ministre, si vous voulez jouer la rigueur des finances, vous ne
pourrez qu'appuyer notre démarche et donner raison au Sénat en vous pliant à
l'exercice auquel j'invite l'ensemble de mes collègues.
Voilà, mes chers collègues, ce que je voulais vous dire concernant les grands
équilibres financiers de la sécurité sociale.
Je n'en ai malheureusement pas terminé, puisqu'il me faut maintenant vous
parler de la branche maladie, avant que mes collègues Jean-Louis Lorrain et
Dominique Leclerc interviennent pour vous entretenir l'un de la branche
famille, l'autre de la branche vieillesse.
Concernant la branche maladie, l'examen de ce sixième projet de loi de
financement de la sécurité sociale, cinquième et dernier de la législature, est
aussi l'occasion de dresser un premier bilan de la politique menée depuis juin
1997 en matière d'assurance maladie.
Nous allons donc nous pencher quelques instants sur la branche maladie, qui
est au coeur des préoccupations des Français même si la famille et les
retraites ne sont pas absentes de leurs inquiétudes.
Il apparaît que les années 1998 à 2001 ont constitué, en réalité, quatre
années de dérive de l'assurance maladie, et que l'année 2001, mes chers
collègues, a vu la confirmation - et parfois l'accélération - des tendances
inquiétantes que la commission des affaires sociales avait déjà relevées les
années précédentes.
La dérive des dépenses s'est poursuivie sans donner le moindre signe d'un
quelconque ralentissement. L'objectif national de dépenses d'assurance maladie,
le fameux ONDAM a, une nouvelle fois, été dépassé en 2001, témoignant du
caractère peu réaliste des objectifs sur lesquels le Gouvernement a demandé à
la représentation nationale de se prononcer.
Qu'il me soit permis, à cet égard, de rappeler, puisque Mme la ministre se
plaît à se référer à des périodes antérieures, que seul le premier ONDAM de
l'histoire parlementaire, c'est-à-dire l'ONDAM de 1997, qui a suivi la réforme
constitutionnelle, aura été respecté.
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
En effet !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Or il me semble qu'on peut l'imputer à la responsabilité du
précédent gouvernement !
Sur quatre années, de 1998 à 2001, le dérapage entre l'objectif voté et
l'ONDAM réalisé a d'ailleurs nettement eu tendance à s'accroître : le
dépassement a été de 9,8 milliards de francs en 1998, de 10,2 milliards de
francs en 1999, de 17,4 milliards de francs en 2000 et de 17 milliards en
2001. Au total, malgré les rebasages successifs, l'ONDAM aura dérapé de 54
milliards de francs, pendant cette période, par rapport aux objectifs votés par
le Parlement. Où est la maîtrise des dépenses de santé ?
Les dépenses qui relèvent du champ de l'ONDAM ont continué à fortement
progresser, augmentant de 5,6 % en 2000 et de 5 % en 2001.
Cette dérive trouve essentiellement son origine dans la forte croissance des
soins de ville, qui représentent à eux seuls environ 45 % de l'ONDAM et au sein
desquels les dépenses de médicaments connaissent la croissance la plus vive :
11 % en 2000, 7,7 % en 2001.
Au demeurant, mes chers collègues, tout porte à croire que l'ONDAM de 2002 ne
sera pas plus respecté que les précédents : il apparaît en effet bâti sur des
hypothèses de croissance des dépenses complètement irréalistes.
Les auteurs du rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale
partagent d'ailleurs cette analyse puisque, selon eux : « L'hypothèse retenue
en matière de dépenses d'assurance maladie est particulièrement ambitieuse.
L'objectif de 3,8 % fixé pour 2002, qui inclut le financement de la réduction
du temps de travail dans les hôpitaux, correspond à un objectif inférieur pour
les autres dépenses. Sa réalisation supposerait un freinage considérable par
rapport à la tendance moyenne des deux dernières années, supérieure à 5 % ».
Autrement dit, on part du principe que, dès l'année 2002, les dépenses de
soins de ville et de médicaments vont miraculeusement enregistrer un
ralentissement très net, et on table en même temps sur un taux de croissance
qui resterait le même. L'information circule-t-elle entre le ministère des
finances et le ministère des affaires sociales ? On peut se le demander !
N'avons-nous pas entendu M. Fabius reconnaître qu'il serait obligé de réviser à
la baisse le taux de croissance ? On ne peut pas, d'un côté, reconnaître à
Bercy que la croissance va diminuer et considérer, d'un autre côté, en
présentant le projet de loi de financement de la sécurité sociale, que la
croissance sera toujours au rendez-vous et qu'en définitive les objectifs de
l'ONDAM seront respectés ! Vraiment, c'est prendre les vessies pour des
lanternes et faire croire n'importe quoi aux Français !
Soyons un peu sérieux et un peu constructifs : il ne faut pas prendre les
Français pour des imbéciles, ils sont capables de comprendre dans quelle
situation nous nous trouvons réellement. Une simple prolongation de la tendance
enregistrée ces deux dernières années en matière de dépenses de soins de ville
amènerait en effet à un nouveau dérapage d'au moins 15 milliards de francs si
le pourcentage de dérive constaté entre 1998 et 2001 demeurait inchangé.
Dans ces conditions, la commission des affaires sociales vous proposera, comme
l'année dernière, d'opposer une sorte de « question préalable » à l'ONDAM 2002,
c'est-à-dire de le rejeter solennellement. Nous nous refusons, en effet, à
engager l'autorité du Sénat en lui demandant d'approuver un objectif dont le
Gouvernement s'empressera de s'affranchir quelques mois plus tard.
M. Bruno Sido.
Très bien !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
La pratique observée depuis cinq ans traduit à l'évidence un
dévoiement de l'ONDAM et mérite d'être sanctionnée clairement. En effet, ce
n'est pas seulement un « agrégat » qui dérive, mais avec lui notre système de
soins, et le débat démocratique autour de la sécurité sociale.
Malgré une croissance exceptionnellement forte des recettes, l'absence de
maîtrise des dépenses conduit très logiquement la branche maladie du régime
général à enregistrer des déficits répétés : 14,7 milliards de francs en 1998
en droits constatés, 4,8 milliards de francs en 1999, 17,2 milliards de francs
en 2000 et 11,5 milliards de francs en 2001.
Le Gouvernement prévoit même pour 2002 un déficit de 13 milliards de francs -
c'est dire qu'il n'y aurait aucun redressement des comptes de la branche
maladie -, ce qui porterait le déficit cumulé des années 1998-2002 à 61,2
milliards de francs.
La prévision pour l'exercice 2002 suppose naturellement que l'ONDAM soit
respecté et que les recettes continuent à progresser fortement, ce qui
représente un double pari.
Le simple prolongement des tendances enregistrées ces deux dernières années en
matière de dépenses de soins de ville amènerait le déficit de la branche
maladie du régime général à près de 30 milliards de francs à la fin de l'année
2002, soit un déficit cumulé sur cinq ans approchant les 80 milliards de
francs. Naturellement, si les recettes venaient à fléchir du fait d'un
ralentissement de la croissance, ce déficit serait majoré d'autant, auquel cas
peut-être dépasserait-on même les 100 milliards de francs.
On mesure à cette aune l'effectivité du « redressement de la sécurité sociale
» dont vous vous targuez pourtant régulièrement, madame la ministre !
Il apparaît, dès lors, stupéfiant que l'assurance maladie, qui constitue la
branche déficitaire par excellence, se voie néanmoins ponctionnée à un double
titre pour assurer le financement des 35 heures : par les 8 milliards de francs
de recettes qu'elle abandonne au FOREC et par la charge financière - 10
milliards de francs en année pleine - qu'elle va supporter au titre des emplois
créés dans les hôpitaux.
On peut, certes, se targuer d'une augmentation sans précédent de la dotation
globale des hôpitaux, mais celle-ci est en fait destinée à financer les 35
heures. Et, dans le même temps, on creuse le déficit de la branche maladie et
de la sécurité sociale parce que le Gouvernement est incapable de trouver les
moyens de financer la politique qu'il a décidé de mettre en oeuvre. C'est un
peu facile de prélever dans les recettes de la sécurité sociale et d'accentuer
le déficit, creusant davantage encore le trou !
La progression des dépenses d'assurance maladie intervient, de surcroît, dans
un contexte de fortes tensions entre les pouvoirs publics et les professionnels
de santé.
Ainsi, la régulation des soins de ville est aujourd'hui complètement dans
l'impasse. L'application du mécanisme pernicieux des lettres-clés flottantes,
dont l'échec est désormais patent, a mis en péril le fonctionnement du système
conventionnel et fait disparaître toute véritable possibilité de régulation.
Après une année de concertation, vous avez certes dévoilé, madame le ministre,
le 4 octobre dernier, treize propositions pour « la réforme des soins de ville
et l'avenir de l'assurance maladie ». Ce texte, d'une portée très générale,
était censé servir de base à une nouvelle concertation avec les professionnels.
Mais, peut-être pressé par certains protagonistes ou par certaines échéances
qui se rapprochent, le Gouvernement n'a pas attendu la mise en place de la
concertation. C'est ainsi que, dès le 25 octobre, il faisait adopter par
l'Assemblée nationale un article additionnel pour le moins ambitieux puisqu'il
vise ni plus ni moins à « la rénovation du cadre conventionnel et du dispositif
de régulation » des soins de ville !
De l'aveu même du Gouvernement, qui a qualifié ce texte d'« amendement
esquisse » - je ne sais pas si c'est vous qui étiez au banc du Gouvernement à
l'Assemblée nationale, madame le ministre, et c'est sans doute votre collègue
M. Kouchner qui a utilisé ce terme, avec ou sans votre assentiment - de l'aveu
même du Gouvernement, dis-je, le dispositif proposé reste encore à l'état
d'ébauche.
Si le Gouvernement semble retenir l'idée d'une architecture conventionnelle à
trois niveaux, ainsi que vous nous l'avez rappelé tout à l'heure, madame le
ministre, il ne tranche ni la question du mode de régulation des dépenses ni
celle des responsabilités respectives de l'Etat et de l'assurance maladie dans
cette régulation.
Le mécanisme des lettres-clés flottantes est maintenu, même si, selon le
Gouvernement, il ne s'appliquerait plus aux professionnels ayant signé une
convention.
Après une année de concertation, le Gouvernement esquisse donc, dans
l'improvisation la plus totale, un dispositif inachevé et incomplet et auquel
s'opposent déjà une bonne partie des professionnels de santé.
Pour sa part, la commission des affaires sociales vous proposera la
suppression du dispositif de régulation par les lettres-clés flottantes, cette
suppression constituant à ses yeux un préalable à la reprise du dialogue avec
les professionnels de santé. En effet, comment voulez-vous réunir autour d'une
table des professionnels de santé pour essayer de redonner un élan ou un sang
nouveau au système conventionnel si vous affirmez vouloir maintenir le
dispositif de la sanction collective, si vous menacez, en cas de non-signature
du système conventionnel que vous proposez, d'un retour au système des
lettres-clés flottantes ?
Nous considérons, nous, qu'il faut commencer par faire disparaître une mesure
qui n'a d'ailleurs pas été appliquée dans le courant de l'exercice 2001, et
créer ainsi les conditions favorables à la discussion. Nous pourrons peut-être
alors parler ensuite des conditions dans lesquelles pourra être mise en oeuvre
la mesure proposée dans l'amendement auquel vous venez de faire allusion !
En matière de médicament, le Gouvernement semble une nouvelle fois préférer
l'augmentation des prélèvements pesant sur l'industrie pharmaceutique à des
actions plus structurelles visant à promouvoir le bon usage du médicament.
La forte croissance des dépenses de médicaments montre à l'évidence que la
seule régulation financière par le biais des reversements acquittés par les
laboratoires pharmaceutiques et des prélèvements de toute nature sur
l'industrie du médicament a une efficacité tout à fait limitée.
Comme le relève la Cour des comptes dans son rapport, il est regrettable que
le Gouvernement ne consacre que des efforts encore insuffisants pour promouvoir
le générique et le bon usage du médicament. Ainsi, le développement du
générique reste encore balbutiant, les médicaments génériques ne représentant
aujourd'hui que 3 % du marché des médicaments, soit une économie de 600
millions de francs seulement en 2000 pour l'assurance maladie.
La Cour des comptes relève en outre qu'aucune mesure significative en faveur
du bon usage du médicament n'a en réalité été prise depuis 1998.
Une illustration assez significative de cette inaction peut être trouvée dans
le fonds de promotion de l'information médicale et médico-économique, créé par
l'article 47 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001.
Ce fonds devrait être chargé, selon le Gouvernement, de « l'information à
destination des professionnels de santé indépendante de l'industrie
pharmaceutique sur l'utilisation des médicaments ».
A ce jour, près d'un an après sa création, ce fonds ne fonctionne toujours
pas, faute du décret d'application nécessaire dont on nous dit qu'il serait «
en cours d'élaboration ».
Enfin, la situation des établissements de santé, qu'ils soient publics ou
privés, reste particulièrement préoccupante.
L'hôpital public doit passer, le 1er janvier 2002, aux 35 heures sans que les
moyens nécessaires à cette mutation aient été dégagés. Le Gouvernement fait
valoir qu'il a choisi de créer 45 000 emplois spécifiques pour la réduction du
temps de travail dans la fonction publique hospitalière. Madame le ministre l'a
réaffirmé il y a quelques instants.
Je note que cette décision est sans équivalent dans la fonction publique. Dans
la fonction publique d'Etat, la réduction du temps de travail devra en effet se
mettre en place à moyens humains constants. Cette « générosité » du
Gouvernement s'explique peut-être par le fait que les 45 000 emplois créés
seront en réalité financés par l'assurance maladie et non par l'Etat.
Lors des nombreuses auditions auxquelles j'ai procédé en tant que rapporteur,
j'ai pu constater que tous les acteurs du monde hospitalier s'accordaient à
souligner les difficultés considérables qu'allait entraîner la mise en place de
la réduction du temps de travail dans les établissements hospitaliers. Chacun
se demande effectivement comment pourront s'effectuer ces recrutements massifs,
alors même qu'un grand nombre de postes sont aujourd'hui vacants.
Nous n'avons pas revu suffisamment tôt le
numerus clausus
d'un certain
nombre de promotions, aussi bien dans les écoles d'infirmières que dans les
universités, à tel point que nous sommes obligés de faire appel à de la
main-d'oeuvre étrangère pour pourvoir des postes.
Je me suis laissé dire que des hôpitaux recrutaient des infirmières espagnoles
et que nombre de médecins viennent de l'étranger. Dans le même temps, des
centaines de jeunes s'inscrivent en première année d'études de médecine.
Rien que pour l'académie d'Amiens, sur les 600 à 700 jeunes qui s'inscrivent
chaque année pour suivre des études de médecine, seulement 80 à 90 sont reçus,
alors que les besoins ne vont cesser de s'accroître en raison des départs à la
retraite de la génération du
baby-boom.
Nous n'avons pas préparé
l'avenir. C'est particulièrement préoccupant.
Aujourd'hui, le phénomène des 35 heures aggrave la situation et la rend
particulièrement désagréable et inconfortable.
En outre, les moyens financiers qui ont été dégagés n'apparaissent pas à la
hauteur des enjeux.
En 2002, la part de l'ONDAM attribuée aux hôpitaux progressera de 4,8 %, dont
1,2 %, soit 3,3 milliards de francs, sera consacré au financement des créations
d'emplois.
La fédération hospitalière de France, que préside notre collègue M. Gérard
Larcher, avait demandé, pour sa part, que l'on compense aux établissements
hospitaliers la charge supplémentaire que représente le passage aux 35 heures
par la suppression de la taxe sur les salaires que ceux-ci acquittent. La taxe
sur les salaires représente environ 11 milliards de francs pour les hôpitaux,
soit un montant proche du coût en année pleine des créations d'emplois liées à
la réduction du temps de travail. Cette solution n'a naturellement pas été
retenue par le Gouvernement, puisqu'elle aurait privé l'Etat d'une recette. Son
choix s'est au contraire porté sur l'augmentation des dépenses des hôpitaux,
lesquelles sont financées par l'assurance maladie.
Dans ce contexte, confronté à la « grogne » d'une partie de sa majorité
plurielle qui menaçait de ne pas voter le projet de loi de financement de la
sécurité sociale, le Gouvernement a été contraint de mobiliser en urgence des
moyens supplémentaires pour les établissements hospitaliers.
Se refusant à augmenter la dotation hospitalière incluse dans l'ONDAM pour
2002, il a été obligé de recourir à des expédients peu glorieux, mobilisant les
différents fonds hospitaliers existants.
Ainsi, ce plan de soutien aux établissements hospitaliers sous dotation
globale serait composé, selon le Gouvernement, de 3 milliards de francs de
crédits supplémentaires et de 900 millions de francs « d'accélération de
crédits déjà existants ».
La présentation choisie par le Gouvernement est naturellement très avantageuse
et a pour objectif de « gonfler » au maximum les enveloppes ainsi dégagées.
En réalité, l'effort nouveau en faveur des hôpitaux est beaucoup plus réduit :
il repose quasi-uniquement sur l'assurance maladie et ne représentera au total
- je le dis à l'intention de M. Fischer et de Mme Luc - que 2,1 milliards de
francs et non pas 3 milliards de francs, comme cela a été annoncé.
M. Guy Fischer.
Nous allons y revenir ! Ne le dites pas à notre place. Nous le disons
nous-mêmes !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Vous allez conforter le rapporteur, monsieur Fischer !
Le Gouvernement avait certes promis 1 milliard de francs au titre du fonds
d'investissement pour la modernisation des hôpitaux, le FIMHO, lequel est
financé sur les crédits santé du ministère de l'emploi et de la solidarité.
Lors de la réunion de la commission des affaires sociales, mercredi dernier,
j'avais souligné qu'il faudrait attendre le 12 novembre pour avoir une idée
plus précise des crédits budgétaires effectivement dégagés au titre du FIMHO :
ce fonds a en effet la particularité d'être toujours richement doté en
autorisations de programme et très chichement en crédits de paiement. Dès lors,
on pouvait légitimement se demander si le milliard de francs promis au titre du
FIMHO figurerait en crédits de paiement ou en autorisations de programme.
La réponse est intervenue hier, puisque le Gouvernement a déposé un amendement
au projet de loi de finances pour 2002 majorant, dans les crédits de la santé,
les autorisations de programme au titre du FIMHO de 1 milliard de francs -
quelle générosité, mes chers collègues communistes ! - et les crédits de
paiement de seulement 100 millions de francs, ces 100 millions de francs étant
gagés par une diminution des crédits du RMI. On prend l'argent du RMI pour
satisfaire une partie de la majorité plurielle et obtenir son vote à
l'Assemblée nationale sur le projet de loi de financement de la sécurité
sociale !
M. René-Pierre Signé.
Il y a eu des créations d'emploi !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Mes chers collègues, tirez les enseignements de cet exercice
de la part du gouvernement que vous soutenez !
Au total, le FIMHO disposera donc, en 2002, de 1,3 milliard de francs
d'autorisations de programme et de seulement 100 millions de francs de crédits
de paiement.
M. Henri de Raincourt.
C'est tragique !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
J'attire à cet égard l'attention de notre commission des
finances sur cette situation exceptionnelle. M. Joyandet pourra apprécier !
A l'évidence, le Gouvernement n'a pas les moyens de sa politique : il affiche
1,3 milliard de francs de crédits budgétaires pour l'hôpital, mais ne débloque
effectivement que 100 millions de francs !
Les mesures nouvelles en faveur de l'hôpital se limitent donc en tout et pour
tout à 2,1 milliards de francs en 2002, dont 2 milliards de francs viennent de
l'assurance maladie.
J'admire l'habileté politique, c'est au moins un point que l'on peut
reconnaître à ce gouvernement, puisqu'il a su convaincre le groupe communiste
de l'Assemblée nationale que près de 4 milliards de francs supplémentaires
avaient été dégagés. Il est clair que la multiplication des fonds, qui
parcellisent le financement de la sécurité sociale, permet assez aisément de
telles opérations qui reviennent
in fine
à comptabiliser deux fois les
mêmes sommes.
M. le président.
Veuillez conclure, monsieur le rapporteur.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Ce n'est pas ma faute : le texte est tellement dense que je
me dois d'en parler longtemps !
M. le président.
Je vous prie de conclure rapidement, monsieur le rapporteur.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Je tiens à appeler l'attention de notre assemblée sur le peu
de considération du Gouvernement à l'égard de la représentation nationale, du
Parlement.
Dès le lundi 29 octobre à neuf heures trente, madame le ministre, vous
réunissiez les directeurs d'agences régionales de l'hospitalisation afin de
décider de l'affectation dans les hôpitaux publics des dotations
supplémentaires votées par l'Assemblée nationale le vendredi 26 octobre, et ce
alors même que le Sénat ne s'était pas prononcé sur les dispositions en
question et que l'Assemblée nationale n'avait pas encore adopté l'ensemble du
projet de loi de financement de la sécurité sociale.
La commission des affaires sociales considère que la répartition impromptue de
ces dotations par le Gouvernement relève d'une précipitation et d'une fébrilité
qui font peu de cas du respect des droits du Parlement et des principes qui
régissent nos finances publiques.
Enfin, les cliniques privées connaissent, pour leur part, des difficultés
croissantes. La conjugaison d'une enveloppe moins généreuse que celle de
l'hôpital public et du passage effectif aux 35 heures a profondément fragilisé
ces cliniques privées.
La situation difficile que connaissent nombre d'établissements de santé privés
trouve son origine dans la conjonction d'un double phénomène : d'une part, la
création d'emplois, à hauteur de 7,3 % en un an, consécutive à la mise en
oeuvre de la réduction du temps de travail dans les cliniques et, d'autre part,
la pénurie de personnel soignant, notamment infirmier, résultant de la création
d'emplois et des différentes mesures d'ordre social prises en faveur des
personnels de l'hospitalisation publique, au travers des protocoles
successifs.
Les cliniques redoutent que l'annonce, par le Gouvernement, de la création de
45 000 emplois à l'hôpital sur trois ans à compter du 1er janvier 2002 ne se
traduise par le départ de leurs infirmières les plus expérimentées vers les
établissements publics, le niveau de rémunération que les cliniques proposent
au personnel soignant étant en effet inférieur de 15 % à 30 % à celui du
public.
Il est vraisemblable que les hôpitaux publics ne pourront réussir à pourvoir
tous les nouveaux postes.
La commission des affaires sociales avait souhaité, par conséquent, que le
fonds de modernisation des cliniques privées, le FMCP, puisse disposer d'une
dotation sensiblement plus élevée afin d'accompagner les restructurations qui
s'imposent.
Elle a, semble-t-il, été partiellement entendue par le Gouvernement qui a
annoncé, le mercredi 7 novembre au matin, à l'issue d'une négociation avec les
représentants de la fonction hospitalière publique, la FHP, « un programme
pluriannuel de financement » en faveur des cliniques.
La commission des affaires sociales observe, tout d'abord, que le 1,7 milliard
de francs de mesures nouvelles annoncées doit être amputé de la dotation de 150
millions de francs au FMCP qui figuraient déjà à l'article 13 du projet de loi
: l'effort supplémentaire ne serait en réalité que de 1,55 milliard de
francs.
En outre, elle s'interroge sur l'enveloppe de 500 millions de francs accordée
dans le cadre de l'accord fixant les tarifs des cliniques pour 2002 : cette
somme venant en majoration de l'objectif de dépenses des cliniques privées en
2002, j'espère que le Gouvernement majorera l'ONDAM 2002 en conséquence. Nous
attendons donc avec impatience le dépôt par le Gouvernement de ces
amendements.
Enfin, je voudrais souligner, avant l'examen par le Sénat des nouvelles
dispositions qui lui sont soumises, que bon nombre des articles votés en
matière d'assurance maladie dans la loi de financement de la sécurité sociale
pour 2001 ne sont, de l'aveu même du Gouvernement, toujours pas appliqués, ce
qui incite à examiner avec un certain détachement les mesures nouvelles qui
nous sont proposées à l'occasion de ce projet de loi.
J'arrêterai là mon propos, mes chers collègues, pour satisfaire à la demande
de M. le président et ne pas abuser de votre attention. J'avais encore des
observations importantes à formuler sur les accidents du travail, mais j'y
reviendrai plus longuement lors de la discussion des articles.
J'ai été, je le reconnais, bien long, mais il me semble, monsieur le
président, que mes propos étaient nécessaires pour que l'opinion publique soit
informée. J'espère que les médias sauront s'en faire l'écho pour que les
Français connaissent la véritable situation de la sécurité sociale.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste.)
M. le président.
Monsieur le rapporteur, nous avons bien compris que vous n'étiez pas d'accord
avec le Gouvernement !
(Sourires.)
La parole est à M. Jean-louis Lorrain, rapporteur.
M. Jean-Louis Lorrain
rapporteur de la commission des affaires sociales pour la famille.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le 17 octobre
dernier, comme tous les parlementaires, j'ai reçu une lettre de M. Hubert Brin,
président de l'Union nationale des associations familiales, qui débute en ces
termes : « La dernière fois que l'UNAF a décidé d'écrire à chacun d'entre vous,
c'était en 1997 et 1998, lorsque le Gouvernement avait voulu supprimer
l'universalité des allocations familiales en soumettant leur versement à un
critère de ressources. Si l'UNAF se permet de recommencer aujourd'hui, c'est
que la gravité de la situation l'exige. »
Ainsi, le Gouvernement s'apprête à terminer la présente législature comme il
l'a entamée, en pénalisant les familles.
A l'occasion de l'examen d'un projet de loi qui s'inscrit, par sa philosophie,
dans la droite ligne des précédents et pour comprendre la gravité de la
situation dont fait état l'UNAF, un bilan de la politique familiale menée par
ce Gouvernement s'imposait.
Avant d'en venir aux mesures spécifiques du présent projet de loi, il convient
donc de retracer l'évolution des moyens de la politique familiale qui sont
aujourd'hui en cause.
Nous constatons, en premier lieu, l'évolution satisfaisante des ressources de
la CNAF.
Les ressources, composées des cotisations sociales et des impositions
affectées, ont globalement augmenté plus rapidement que la croissance. De 1998
à 2002, ces ressources ont progressé de 0,05 point de PIB, ce qui représente,
en 2002, 4,7 milliards de francs supplémentaires.
Dans cette tendance globale, il convient de distinguer l'évolution des
cotisations de celle des recettes fiscales affectées à la CNAF. Les premières
croissent fortement alors que les secondes stagnent en apparence.
Cette stabilité n'est due, en réalité, qu'à un seul facteur : environ 10 % des
recettes fiscales de la branche famille ont été affectés à d'autres usages.
L'évolution des recettes à un rythme supérieur à la croissance a procuré un
surplus de ressources d'environ 16 milliards de francs.
Face à cette augmentation, les prestations familiales affichent une forte
décélération, même si l'évolution des trois secteurs - les prestations
familiales légales, les aides au logement et l'action sociale - recouvre des
réalités différentes.
Si l'on neutralise l'effet de la débudgétisation de la majoration de
l'allocation de rentrée scolaire, le poste des prestations familiales ne peut
plus masquer son déclin.
En effet, ces prestations ont régressé entre 1998 et 2002 de 0,1 point de PIB,
ce qui représente une économie de 31 milliards de francs, simplement du fait
d'une indexation sur l'inflation.
Bien sûr, certaines évolutions doivent être saluées, telles que la croissance
des dépenses pour l'emploi d'une assistante maternelle, mais elles sont le plus
souvent la contrepartie de mesures pénalisantes pour les familles.
Dans le même temps, les allocations de logement ont augmenté un peu plus vite
que le PIB. La réforme des modes de calculs engagée par le Gouvernement
explique partiellement cette évolution.
Grâce aux dotations décidées en 2001 et 2002, notamment à l'occasion des
conventions d'objectifs et de gestion, pour accompagner les coûts de
fonctionnement générés par les fonds d'investissement pour la petite enfance,
le budget du fonds national d'action sociale a augmenté plus fortement que la
croissance.
Sur cette évolution, il convient de formuler deux observations.
En premier lieu, les poids respectifs des trois secteurs - prestations
familiales, aides au logement et action sociale - sont très dissemblables,
puisqu'ils représentent respectivement 73 %, 20 % et 7 % des dépenses de la
branche, hors transferts.
Du fait de leur poids respectif, la forte décélération des prestations
familiales n'est pas, loin s'en faut, compensée par la bonne tenue des aides au
logement et de l'action sociale. Tout au plus, par des dépenses nouvelles, ces
deux derniers postes ramènent-ils le montant global de l'économie sur les
prestations de 31 milliards à 24 milliards de francs.
En second lieu, il faut noter que l'effort a porté sur les prestations -
notamment sur les aides au logement - dont le bénéfice est soumis aux
conditions de ressources les plus restrictives.
Alors ministre de l'emploi et de la solidarité, Mme Aubry avait affirmé ici
même, le 4 novembre 1997, que la politique familiale reposait sur « la
solidarité nationale ». L'assimilation de la politique familiale à une
politique de solidarité fait glisser cette dernière - la tendance des
prestations le confirme - d'un effort de la nation en faveur de l'ensemble des
familles vers une politique d'aide sociale destinée essentiellement aux plus
modestes.
Avec des recettes supplémentaires à hauteur de 16 milliards de francs et une
baisse des dépenses de 24 milliards de francs, la déformation du poids de la
politique familiale dans la richesse intérieure a entraîné, en cinq ans, un
excédent de 40 milliards de francs.
Peu dynamiques, les dépenses d'allocation vieillesse des parents au foyer et
les cotisations d'assurances personnelles ont permis à la branche de réaliser
une économie d'une douzaine de milliards de francs, qui s'est ajoutée aux 40
milliards de francs déjà cités et à l'excédent de 11 milliards de francs dont
bénéficiait, au départ, la branche en 1998. L'excédent cumulé de la branche sur
la période 1998-2002 devrait donc s'élever à 64 milliards de francs.
J'ouvre ici une parenthèse. Le Gouvernement ne cesse de répéter qu'il a
rétabli les finances de la branche. Celle-ci faisait en effet face à une dette
cumulée et à un déficit en 1997. Or la dette a été transférée à la Caisse
d'amortissement de la dette sociale, la CADES. Ce sont donc les générations
suivantes qui la paieront. Quant au déficit, le Gouvernement a pris des
décisions qui ont fortement pénalisé les familles.
A posteriori
, ces décisions étaient injustes et inutiles au regard de
l'excédent structurel de la branche, qui s'est réformé dès 1999. En revanche,
ces mesures étaient nécessaires afin que le Gouvernement dégage des marges de
manoeuvre pour financer ses autres politiques, notamment les 35 heures.
La CNAF affiche aujourd'hui un excédent cumulé d'un peu plus de 19 milliards
de francs. Si l'on y ajoute les excédents prévisionnels pour 2001 et 2002 nets
des mesures nouvelles prévues par le projet de loi de financement de la
sécurité sociale, le montant des excédents cumulés disponibles s'élève, fin
2002, à environ 29 milliards de francs, et non à 64 milliards, ce qui aurait
été l'excédent naturel de la branche. Cet écart de plus de 35 milliards de
francs s'explique parfaitement.
Dans son dernier rapport, la Cour des comptes nomme pudiquement « reclassement
financier » les prélèvements qui ont permis au Gouvernement de réaffecter les
moyens financiers initialement dévolus à la politique familiale.
Ces reclassements financiers sont maintenant bien connus. Il s'agit de l'effet
négatif lié à la débudgétisation de la majoration de l'allocation de rentrée
scolaire, la MARS, qui coûte, sur la période 2000-2002, plus de 15 milliards de
francs ; de l'annulation des créances du FOREC, d'un montant de 2,8 milliards
de francs, et des majorations de pensions pour enfants, qui se traduisent, sur
cette période, par un transfert supérieur à 9 milliards de francs, soit au
total, 27 milliards de francs.
Outre ces reclassements, la branche famille doit consacrer 5 milliards de
francs supplémentaires au fonds de réserve pour les retraites. Sur le total de
64 milliards de francs, 27 milliards auront été siphonnés au cours des
exercices, 5 milliards versés au fonds de réserve pour les retraites et 3
milliards de francs auront été consacrés aux familles par l'intermédiaire du
fonds d'investissement pour la petite enfance.
Il resterait donc 29 milliards de francs à la fin de l'année prochaine, sous
réserve que le cadrage macroéconomique du Gouvernement se réalise. En cas
d'écart, le niveau des excédents tombera d'autant, alors que les dépenses, qui
sont certaines, demeureront stables.
A la lecture du présent projet de loi, découvrant l'article 29 relatif au
transfert d'une partie des excédents de la branche au fonds de réserve pour les
retraites, M. Hubert Brin a parlé d'une « agression contre les familles ».
Doit-on aller jusque-là ? Ce terme fort révèle le caractère profond du projet :
l'arbre des annonces en faveur des familles cache en fait la forêt des
prélèvements affectant la CNAF.
Les dépenses en faveur des familles prévues par le présent projet de loi de
financement s'inscrivent dans la ligne des annonces de la conférence de la
famille et approchent les 4 milliards de francs.
Fortement emblématique, le congé de paternité est une avancée à saluer,
quoique modeste, vers un dispositif répandu dans les pays nordiques. Pourtant,
ni la culture des entreprises encourageant ces congés ni la souplesse
infiniment supérieure des congés suédois ou danois ne permettent de leur
comparer le congé de onze jours, neuf jours ouvrables en réalité, proposé par
le Gouvernement. En conséquence, l'impact prévisionnel de la mesure, qui est
estimée à 700 millions de francs, calée sur les statistiques scandinaves,
semble assez irréaliste.
A côté du congé de paternité, il est prévu, dans le projet, l'inscription
d'une seconde tranche de 1,5 milliard de francs au fonds d'investissement pour
la petite enfance.
Prévue à hauteur de 1 milliard de francs par la conférence de la famille,
cette nouvelle enveloppe a dû être majorée. En effet, avant même son annonce,
la moitié des crédits était déjà engagée au titre des insuffisances de la
première tranche.
Pour utile qu'il soit, il faut le reconnaître, ce dispositif n'est pas exempt
de critiques. Réputé exceptionnel, il a dû, en révélant brutalement les
carences de l'accueil de la petite enfance, être pérennisé, ce que nous
considérons comme une bonne chose.
Abondé par un mécanisme de reprise sur excédent, il donne lieu à des
acrobaties comptables, dont la plus regrettable est de faire disparaître de
l'agrégat de dépenses de la branche une charge pourtant engagée sur
l'exercice.
Enfin, à côté d'environ 300 millions de francs de mesures diverses, le projet
de loi prévoit une dotation au fonds d'action sociale de 1,6 milliard de
francs, due essentiellement à la signature de la nouvelle convention
d'objectifs et de gestion et aux besoins, en termes d'accompagnement, des
structures de la petite enfance créées nouvellement.
A l'envers de cette face plutôt heureuse, si l'on peut dire, se trouve l'abîme
des ponctions creusées par le Gouvernement : 5 milliards de francs pour le
fonds de réserve pour les retraites, plus de 6 milliards de francs pour les
majorations de pensions pour enfants, 3 milliards de francs au titre des
créances du FOREC. Nul ne peut nier ce constat : le projet de loi de
financement prévoit, pour la branche famille, la perte de 14 milliards de
francs.
Devant ces contributions qui nous semblent inacceptables, les associations
familiales se sont émues auprès du Gouvernement. Or, contrairement aux
précisions que vous avez apportées lors de votre audition devant la commission
des affaires sociales, il semble que la concertation n'ait jamais eu vraiment
lieu.
Dans la lettre adressée à tous les parlementaires par M. Hubert Brin,
président de l'Union nationale des associations familiales, l'UNAF, il est
clairement écrit que « le Gouvernement utilise les excédents de manière
totalement unilatérale ».
Pourtant, les familles ont besoin de tous les moyens financiers de la
politique familiale. En effet, le renouveau démographique appelle un
accompagnement.
A ce propos, je voudrais faire une seconde parenthèse. Contrairement à ce qui
a été souvent dit, la reprise de la natalité en France date de 1995. Les années
2000 et 2001 marquent des pics dans une tendance plus générale.
Si l'effet d'une politique familiale devait être souligné, il s'agirait
davantage des effets de la loi « famille », votée en juillet 1994.
M. Jean Chérioux.
Oh oui !
M. Gilbert Chabroux.
Financée à crédit !
M. Jean-Louis Lorrain,
rapporteur.
Concernant le pic de l'an 2000, il est difficile de le mettre
au crédit de la politique gouvernementale, puisque les mesures prises,
notamment en faveur de la petite enfance, ne sont entrées en vigueur qu'en
2001. Pour être de bonne foi, il convient donc d'être prudent. Sans doute le
facteur décisif est la confiance qu'ont les familles en l'avenir, même si
l'effet de la politique familiale ne saurait être négligé.
Après avoir joué le rôle de frein en période de baisse tendancielle de la
fécondité, une fois celle-ci retournée à la hausse, la politique familiale est
sans nul doute appelée à jouer un effet accélérateur.
A côté de la question démographique, le chantier de la situation des jeunes
adultes demeure grand ouvert.
En cinq ans, le Gouvernement s'est contenté de mettre en oeuvre, non sans les
critiquer, les dispositions prévues par le loi « famille » de 1994, à savoir
l'allongement de l'âge ouvrant droit aux allocations familiales et quelques
mesures améliorant les conditions d'accès au logement.
Puis, d'une conférence de la famille à l'autre, l'espoir fut entretenu. Le 11
juin dernier, le verdict est tombé, à savoir la création solennelle, par voie
législative, d'une commission chargée de réaliser un nouveau diagnostic.
Puisque, à l'instar de la question des retraites, l'effort du Gouvernement en
faveur des jeunes adultes se cantonne à la constitution d'une documentation
imposante, je voudrais,
a contrario
, rendre hommage à l'action utile et
ciblée de l'action sociale des caisses d'allocations familiales, qui, avec 350
millions de francs, n'est néanmoins pas à la hauteur des attentes exprimées.
En conséquence, pour ceux qui estiment, avec le Président de la République,
que « les familles ne peuvent pas tout faire toutes seules » et que « la France
ne peut se résigner à voir les moyens de sa politique familiale se réduire »,
force est de constater que le présent projet de loi n'est pas de très bon
augure.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et
des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Leclerc, rapporteur.
M. Dominique Leclerc,
rapporteur de la commission des affaires sociales pour l'assurance
vieillesse.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers
collègues, nouveau rapporteur pour l'assurance vieillesse, permettez-moi, en
début de propos, de vous dire tout l'honneur qui m'est fait de succéder à M.
Alain Vasselle, rapporteur à cinq reprises pour cette branche de la sécurité
sociale, dont les analyses m'ont été très utiles. Compte tenu de l'inaction du
Gouvernement en la matière, elles restent d'ailleurs parfaitement
d'actualité.
M. Alain Dufaut.
C'est un bon début !
M. Dominique Leclerc,
rapporteur.
Je souhaite tout d'abord insister sur le caractère fragile de
l'équilibre financier de la branche vieillesse.
L'objectif de dépenses de la branche vieillesse veuvage pour 2002, prévu à
l'article 30 du projet de loi, s'élève à 893 milliards de francs, en
progression de 4 % par rapport à l'année 2001.
La branche vieillesse parvient tout juste à l'équilibre. Je vous renvoie à mon
rapport écrit, dans lequel je me suis attaché à comparer les recettes et les
dépenses de l'ensemble des régimes de base d'assurance vieillesse.
Madame la ministre, je veux revenir sur votre propos relatif au déficit de
cinq milliards de francs de la branche vieillesse en 1997, argument que le
Gouvernement utilise souvent, et dernièrement encore le 23 octobre à
l'Assemblée nationale lors de l'examen de ce projet de loi. Sachez que cet
argument est fallacieux, comme je l'ai écrit dans mon rapport et je m'en
explique.
En fait, le Gouvernement compare deux soldes comptables de nature fort
différente, puisque, à partir du 1er janvier 1998, est entré en vigueur le
système Racine, qui ventile à la source, au niveau des URSSAF, les recettes de
la sécurité sociale, à l'inverse du mécanisme précédent, qui les répartissait
au niveau national, selon une méthode « statistico-comptable ».
Cette modification introduit une rupture dans la série des encaissements
recensés, ce qui rend non significatives les évolutions entre 1997 et 1998 et
difficile la compréhension du niveau même de ces encaissements.
Le système Racine a profondément modifié la répartition des encaissements
entre les branches du régime général. Cette modification, défavorable à la
branche maladie, a été au contraire très favorable à la branche vieillesse, qui
a bénéficié en 1998, à ce titre, d'un surcroît de recettes de 5,22 milliards de
francs.
Cela revient à dire que la branche vieillesse du régime général était
probablement à l'équilibre en 1997. Le Gouvernement utilise donc un argument
peu scrupuleux.
Si l'on s'en tient au seul régime général, dont la part ne représente jamais
que 46 % du total, il est aisé de se rendre compte que l'excédent de 3,3
milliards de francs de la CNAV prévu pour 2000 se transforme, comme l'a
expliqué M. Vasselle, en un déficit de plus de 1,3 milliard de francs du fait
de la « dette FOREC ». La conséquence de l'article 5 du projet de loi est bien
d'annuler le versement de cet excédent au fonds de réserve.
Le solde tendanciel de la CNAV serait, en 2001, de 6,4 milliards de francs.
Quant à 2002, ce solde tendanciel devait être de 9,8 milliards de francs, mais
compte tenu des différentes mesures du projet de loi, il s'établirait à 6,7
milliards de francs. Le rapporteur pour les équilibres financiers généraux
vient d'insister sur « l'optimisme » des prévisions macro-économiques ; je n'y
reviens donc pas.
Le Fonds de solidarité vieillesse, le FSV, a connu, depuis 2000, un
bouleversement de son financement et de ses missions. Désormais, le FSV est
structurellement déficitaire, compte tenu de l'affecation au FOREC des droits
sur les boissons, de la diminution du taux de CSG qui lui est affecté et de la
prise en charge de la dette de l'Etat à l'égard des régimes complémentaires
AGIRC-ARRCO, l'Association générale des institutions de retraites des cadres et
l'Association des régimes de retraites complémentaires.
Son compte est aujourd'hui maintenu à flot en raison de trois nouvelles
recettes : d'abord, les versements de la branche famille, qui représentent 3,1
milliards de francs en 2001, puis 6 milliards de francs en 2002 ; ensuite, les
ponctions sur le compte de la contribution sociale de solidarité des sociétés,
la C3S, dont le solde avait été initialement affecté au FSV pour alimenter le
fonds de réserve - ces ponctions représentent un montant de plus de 12
milliards de francs sur les exercices 2000 à 2002 cumulés ; enfin, les
ponctions sur son fonds de roulement, c'est-à-dire ses excédents cumulés, qui
était censé alimenter également le Fonds de réserve pour les retraites.
En définitive, alors que la branche vieillesse bénéficie aujourd'hui d'une
situation démographique exceptionnelle compte tenu de l'arrivée à la retraite
des « classes creuses » nées lors de la Seconde Guerre mondiale, et d'une
progression dynamique de ses recettes en raison de la croissance économique,
elle n'a pas pu préparer l'avenir. Le montant total des sommes qu'elle a « mis
de côté », par l'intermédiaire du fonds de réserve, sont de 6,9 milliards de
francs, soit un peu plus de 1 milliard d'euros. Ce résultat se passe de
commentaires !
Je voudrais désormais revenir sur le dossier de la réforme des retraites, tel
qu'il a été conduit, et enterré, par le Gouvernement.
La méthode « diagnostic, dialogue, décision » a connu ici un échec cuisant.
M. Claude Domeizel.
C'est vous qui le dites !
M. Dominique Leclerc,
rapporteur.
Non, ce sont les Français, malheureusement !
Après avoir annoncé, à l'automne 1999, des « décisions » du Premier ministre
et parce que ces « décisions » se sont transformées en « orientations », il a
fallu se résoudre à créer une commission, le Conseil d'orientation des
retraites, le COR. Dès lors, le discours tourne en boucle : la concertation des
années 2000-2001 succède à la concertation des années 1998-1999.
M. Claude Domeizel.
Et vous, qu'avez-vous fait ?
M. Dominique Leclerc,
rapporteur.
Certes, chacun s'accorde sur la qualité des travaux réalisés
par le Conseil d'orientation des retraites. Il convient de rappeler toutefois
que le MEDEF n'a pas souhaité désigner de représentants, ce qui facilite
naturellement, vous le comprendrez, la convergence des analyses.
Le COR a fait connaître, le 17 mai dernier, de nouvelles projections qui
conforment largement le constat établi par le rapport Charpin. Le déficit de la
seule CNAVTS, pour l'année 2020, s'élève ainsi à 71,6 milliards de francs.
Toujours pour la seule année 2020, le déficit des régimes de base s'élève à
plus de 380 milliards de francs, soit plus du tiers des encours annoncés du
fonds de réserve.
Le Gouvernement avait annoncé, l'an dernier, qu'il prendrait des décisions sur
la base des propositions du COR. Du reste, le rôle que doit jouer cet organisme
reste flou : s'agit-il de poser un diagnostic, d'engager un dialogue ou
d'élaborer des décisions ? Le rapport annexé au projet de loi utilise
l'expression « diagnostic partagé ». Or cette expression était déjà employée
dans la lettre adressée à Jean-Michel Charpin par le Premier ministre en date
du 29 mai 1998.
Les conséquences de la création du conseil sont là : la réforme est désormais
renvoyée au lendemain des élections législatives. Un sondage rendu public en
septembre dernier, montrant l'attente des Français, est pourtant
particulièrement instructif. Le Gouvernement a visiblement choisi de
privilégier les 8 % de Français qui jugent ce dossier peu urgent.
Faute de présenter une réforme, le Gouvernement explique désormais qu'il a
préparé la réforme. Vous avez annoncé devant l'Assemblée nationale, madame la
ministre, un véritable calendrier : remise du premier rapport du COR en
décembre, qui devrait, d'une part, faire état d'une convergence des analyses
et, d'autre part, avancer des propositions ; deuxièmement, travaux
complémentaires effectués « dans la concertation » sur les avantages familiaux
dans la retraite et sur la prise en compte du handicap ; choix à faire « tout
de suite après les échéances électorales ».
En somme, la présente législature risque, s'agissant des retraites, de se
conclure par une seule véritable mesure : l'abrogation de la loi du 25 mars
1997 créant les plans d'épargne retraite, dite « loi Thomas ». Le Gouvernement
justifie cette abrogation par « la volonté d'assurer en priorité la pérennité
des régimes de retraite par répartition ». Le financement des retraites de
demain est-il assuré grâce à cette abrogation ? Je ne le crois pas !
Compte tenu de l'inaction gouvernementale, l'analyse du projet de loi
n'appelle pas de longs commentaires en dehors du cas particulier du fonds de
réserve.
L'article 26 procède, une nouvelle fois, à une revalorisation des pensions par
le biais d'un « coup de pouce ». Cette politique nuit profondément à la
lisibilité de l'action publique.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Très bien !
M. Dominique Leclerc,
rapporteur.
La revalorisation est sans nul doute économiquement possible
aujourd'hui. D'aucuns trouveront d'ailleurs cette revalorisation
insuffisante.
Mais, dans la logique même défendue par le Gouvernement, la commission des
affaires sociale observe que tout « coup de pouce » aux retraites d'aujourd'hui
réduit d'autant les sommes mises en réserve pour garantir l'avenir des
retraites, puisque les excédents de la CNAV sont censés alimenter le fonds de
réserve. Le coût cumulé des revalorisations de 2000, 2001, 2002 sur les comptes
du seul régime général serait de 41 milliards de francs en 2010. En
conséquence, l'effet des revalorisations, à cette même date, est bien de priver
le fonds de réserve de cette somme.
En réalité, il est temps d'assurer, par un mécanisme pérenne, une garantie aux
retraités, qui se voient chaque année soumis, pour la revalorisation de leur
pension, à l'arbitraire des décisions gouvernementales.
Alors que le principe de la création du fonds de réserve a fait l'objet d'un
relatif consensus et qu'il avait suscité un réel espoir chez les Français, les
vicissitudes de son financement risquent d'avoir une conséquence dommageable :
une perte supplémentaire de crédibilité de l'action publique.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
C'est vrai !
M. Dominique Leclerc,
rapporteur.
Je rappelle que Alain Vasselle a effectué, le 8 mars 2001,
une mission de contrôle sur pièces et sur place, dont le résultat a été riche
d'enseignements. Compte tenu des « ponctions » opérées sur le Fonds de
solidarité vieillesse, et du démarrage poussif du fonds de réserve, la
commission des affaires sociales mettait en doute le chiffre mythique des 1 000
milliards de francs. Ce diagnostic a été, depuis, confirmé. Les recettes
provenant des excédents du FSV et de la C3S, censées constituer la principale
recette du fonds, se résument aujourd'hui au versement de 1,9 milliard de
francs au fonds de réserve correspondant à l'excédant du FSV pour l'exercice
2000, intervenu le 10 octobre 2001, et au versement de 2 milliards de francs
d'excédents de la C3S, intervenu le 23 octobre 1999.
La somme ainsi obtenue - 3,88 milliards de francs - apparaît bien mince au
regard des 650 milliards de francs, à l'horizon 2020, annoncés par le
Gouvernement, le 2 mai dernier, au Conseil d'orientation des retraites.
En réalité, il faudra attendre 2005 et la montée en charge des versements de
la branche famille pour que le FSV soit à nouveau dans une situation
structurellement excédentaire et à même de verser des excédents au fonds de
réserve.
Les gouvernements des années 2005-2020 devront ainsi verser un montant de 646
milliards de francs, soit une moyenne annuelle de 43 milliards de francs, pour
« tenir » le plan de financement annoncé par le gouvernement de Lionel Jospin.
Autant dire qu'un tel objectif tient désormais de la gageure.
La commission des affaires sociales constate que les mesures, votées en
urgence, de la loi du 17 juillet 2001 portant diverses dispositions d'ordre
social, éducatif et culturel relatives au fonds de réserve ne font toujours pas
l'objet d'un début d'application.
Dès sa première année d'existence en 2000, le fonds de réserve connaît un
retard d'abondement de l'ordre de 2,5 milliards de francs sur les 23,2
milliards de francs espérés.
Devant la défaillance du Fonds de solidarité vieillesse, sollicité pour
financer les trente-cinq heures, le Gouvernement avait décidé de compenser
cette « perte » par l'affectation du produit d'une fraction des licences UMTS.
Après avoir espéré 18,5 milliards de francs, puis 9,25 milliards de francs, le
fonds de réserve ne bénéficiera plus que de 8,1 milliards de francs en 2001.
Au total, le fonds de réserve ne devrait disposer pour 2001 que de 42
milliards de francs, alors que 55 milliards de francs étaient prévus par la loi
de financement de la sécurité sociale pour 2001.
Encore convient-il de noter que les versements s'effectuent, pour la grande
majorité d'entre eux, en fin d'année, voire au début de l'année suivante. Au 31
octobre 2001, le fonds de réserve ne comptait « en caisse » que 25,3 milliards
de francs. Pour 2002, le Gouvernement recourt à quelques artifices pour gonfler
les recettes de ce fonds.
L'article 28 du projet de loi prévoit d'augmenter ses ressources pérennes : la
part du prélèvement social de 2 % est portée de 50 à 65 %. Cette disposition
relève de l'affichage, puisque ce pourcentage supplémentaire de 15 % faisait
partie des recettes de la CNAVTS déjà affectées, par la voie de ses excédents,
au fonds de réserve.
L'article 29 du projet de loi affecte au fonds 5 milliards de francs
d'excédents de la branche famille en 2000. Comme l'a souligné M. Lorrain,
rapporteur, c'est dire le respect porté par le Gouvernement au principe de la
séparation des branches de la sécurité sociale.
L'article 17 du projet de loi de finances pour 2002 affecte intégralement au
fonds de réserve les recettes de redevances domaniales liées à l'exploitation
des réseaux de téléphonie mobile. Etaient initialement prévus 16,24 milliards
de francs : le résultat serait désormais d'un peu plus de 8 milliards de
francs. Cet article a dû être complété par l'article 17
ter
nouveau, qui
prévoit de nouvelles ventes par l'Etat de titres, de parts ou de droits de
sociétés, dont un montant plafonné à 8,13 milliards de francs sera affecté au
Fonds de réserve pour les retraites.
Le montant annoncé de 85 milliards de francs pour le 31 décembre repose ainsi
sur trois conditions...
M. Claude Domeizel.
Il n'y en a qu'une : que vous ne reveniez plus au pouvoir !
M. Dominique Leclerc,
rapporteur.
... premièrement, l'existence d'un excédent de la CNAV en
2001 de 6,4 milliards de francs, la dégradation de la situation économique
pouvant affecter fortement ce solde ; deuxièmement, la participation de deux
nouveaux candidats au processus d'attribution des licences UMTS ;
troisièmement, l'effectivité d'une recette de privatisation de 8 milliards de
francs.
Malheureusement, l'expérience de 2001 devrait tenir lieu de leçon : le montant
annoncé de 85 milliards de francs pour fin 2002 n'apparaît pas crédible.
Je souhaiterais terminer cette intervention par quelques réflexions sur le
contenu d'une réforme des retraites en France, réforme d'autant plus nécessaire
qu'elle a été retardée.
Une réforme des retraites pourrait s'inspirer, en France, des expériences
étrangères. L'exemple allemand, que j'analyse plus amplement dans mon rapport
écrit, montre qu'à côté d'une réforme du régime de base permettant d'assurer
une lisibilité aux retraités et une viabilité financière du système, des fonds
de pension sont mis en place sur l'initiative des entreprises, tandis qu'est
encouragé le développement de retraites individuelles par capitalisation. Mais
il n'est pas toujours besoin d'évoquer l'étranger.
Nous disposons en France d'un « socle » pour mener à bien une réforme des
retraites. Ce socle a été défini non pas par le Conseil d'orientation des
retraites, mais par les partenaires sociaux, le 10 février 2001. L'accord
portant sur les régimes de retraite complémentaire, arraché dans la douleur,
comprend un important premier volet consacré à la réforme des régimes de base,
dont le texte peut faire l'objet d'un consensus.
La conduite de la réforme des retraites en Allemagne comme la déclaration des
partenaires sociaux montrent que la question du taux de remplacement et de sa
garantie dans les années à venir est fondamentale.
La seconde question fondamentale est celle de l'équité entre les régimes. Si
l'on se fie au sondage précité, l'opinion publique, toutes tendances politiques
confondues, est largement « mûre » pour un alignement des conditions de départ
à la retraite des salariés du secteur public, ce qui ne peut que nourrir des
regrets, compte tenu de l'inaction du Gouvernement, depuis 1997, sur cette
question.
Ces deux questions - taux de remplacement et équité entre les régimes -
montrent que les régimes publics sont concernés au premier chef, le régime
général ayant fait l'objet d'une réforme courageuse en 1993.
Les projections financières ne font que confirmer ce constat. Ainsi, en 2020,
les deux tiers du besoin de financement global du régime de base - hors régimes
complémentaires - seraient imputables aux régimes du secteur public.
Enfin, toutes les réformes menées à l'étranger montrent combien il est
important pour chacun de prévoir la possibilité de compléter sa pension issue
du mécanisme de répartition par une rente ou un capital représentant ses
efforts d'épargne.
En opposant capitalisation et répartition, en faisant croire que l'ancienne
majorité avait souhaité remplacer l'une par l'autre, alors que la
capitalisation ne peut intervenir que sous la forme d'un complément utile, le
Gouvernement porte une lourde responsabilité.
Telles sont, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues,
les observations que je souhaitais faire en tant que rapporteur de la
commission des affaires sociales pour l'assurance vieillesse.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Alain Joyandet,
rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Mes premiers mots, madame la
ministre, seront pour vous dire notre plaisir de vous voir, ici, en
séance,...
M. Bruno Sido.
Bravo !
M. Alain Joyandet,
rapporteur pour avis.
... plaisir qui vous laisse imaginer notre
déception de ne pas vous avoir entendue en commission des finances, mardi
dernier !
M. Jacques Oudin.
C'est vrai !
M. Alain Joyandet,
rapporteur pour avis.
Nous ne pouvons donc qu'attendre avec impatience
l'occasion de débattre avec vous de votre budget, celui du ministère de
l'emploi et de la solidarité, le vendredi 7 décembre prochain.
Si donc notre commission a particulièrement peu apprécié votre absence lors de
la réunion que j'évoquais à l'instant, je tiens à vous remercier, en
contrepoint, des réponses complètes et intéressantes que vos services ont
faites au questionnaire que je vous ai adressé. Cela étant, je regrette avec
mes collègues les propos que vous avez tenus au début de votre intervention. Il
n'est pas habituel, en effet, qu'un ministre s'exprimant à la tribune de la
Haute Assemblée se montre aussi dur à l'égard d'un rapporteur, en l'occurrence
un rapporteur dont nous apprécions la très grande qualité.
(Applaudissements
sur les travées du RPR, de l'Union centristes et des Républicains et
Indépendants.)
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Le pauvre ! Plaignez-le ! Il
s'en remettra !
M. Alain Joyandet,
rapporteur pour avis.
Pour en revenir au questionnaire, je constate que,
tous les ans, mon prédécesseur, M. Jacques Oudin, dont les analyses restent
d'ailleurs tout à fait d'actualité, vous demandait ces réponses : vous avez
bien voulu nous les apporter et nous vous en remercions.
Nous examinons ce soir le sixième projet de loi de financement de la sécurité
sociale. Qu'il me soit permis de rappeler l'apport historique que constitue la
création de ce dispositif sur l'initiative du Président de la République et du
gouvernement dirigé par M. Alain Juppé.
M. Louis Grillot.
Très bien !
M. Alain Joyandet,
rapporteur pour avis.
Il s'agit de l'élément central de la réforme
entreprise cinquante ans après les ordonnances fondatrices de 1945.
Je m'étonne, au passage, de constater que le dispositif Juppé, dont on nous
dit qu'il est si mauvais, n'a pas été modifié depuis quatre ans et qu'il est,
aujourd'hui encore, partiquement inchangé.
M. Charles Guené.
Très bien !
M. Alain Joyandet,
rapporteur pour avis.
Cette réforme a donné un souffle nouveau à la
sécurité sociale, l'a confortée comme le premier des services publics de
France, comme un élément essentiel de notre identité et de notre patrimoine,
comme la preuve concrète de l'idée de solidarité dans notre pays.
La création des lois de financement avait pour objet de permettre à la
représentation nationale, celle qui exprime l'opinion du peuple français,
d'examiner les recettes et les dépenses des organismes de base de la sécurité
sociale et de discuter de leur utilisation.
La loi de financement, clef de voûte de la légitimité de la sécurité sociale,
devait garantir la transparence du débat. Après cinq exercices, il est légitime
de se demander, madame la ministre, ce qui a été fait de cette ambition.
Afin de répondre à cette question, je passerai rapidement en revue tout le
champ de la sécurité sociale, en distinguant les besoins et les attentes des
réalisations.
La retraite constitue la première préoccupation des Français, comme l'a fort
justement rappelé tout à l'heure M. Leclerc. Neuf Français sur dix réclament,
d'après les études, une réforme de notre système de retraite. Le Gouvernement
ne répond toujours pas à cette demande.
Cette inaction repose sur deux piliers : le fonds de réserve des retraites et
la politique des rapports.
Le fonds de réserve pour les retraites aurait pu constituer une chance
extraordinaire de faciliter la réforme des régimes de retraite, s'il avait été
effectivement constitué à hauteur des engagements du Gouvernement. Cependant,
les promesses n'engageant que ceux qui les écoutent,...
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Pour vous, pas pour nous !
M. Alain Joyandet,
rapporteur.
Surtout pour vous, madame la ministre, si j'en juge aux
chiffres que la commission des finances a examinés !
Donc, si les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent, les différentes
sources d'abondement ont été taries les unes après les autres au profit de
questions plus urgentes que les retraites, les 35 heures ou le déficit
budgétaire de l'Etat, pour ne citer que celles-là.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Non, non !
M. Alain Joyandet,
rapporteur pour avis.
Parallèlement, décidé à parfaire sa connaissance du
sujet, le Gouvernement a souhaité mener une politique déterminée, voire
ambitieuse, de publications sur le thème des retraites. De rapports en études,
de concertation en concertation plus approfondie, de réunions en colloques, le
Gouvernement fait de la France le premier pays producteur européen... de
rapports sur le sujet !
(M. Vasselle, rapporteur, s'esclaffe.)
Il est
vrai que la concurrence s'étiole, puisque plusieurs de nos voisins sont passés
dans la division supérieure, celle des réformes ; je citerai l'Italie, la
Suède, l'Allemagne, les Pays-Bas, la Finlande, qui se sont attaqués au
problème.
Ainsi, avec une belle constance, le fonds reste à la recherche de ses
réserves, les rapports, à la recherche des solutions et les retraites, à la
recherche de leur réforme ! Quant aux Français, ils attendent, un peu
inquiets.
M. Dominique Leclerc,
rapporteur.
Très bien !
M. Jacques Oudin.
En effet !
M. Alain Joyandet,
rapporteur pour avis.
La santé constitue une priorité nationale, au même
titre que l'emploi et la sécurité.
Madame la ministre, il serait illusoire de croire que, sur le long terme,
notre pays sera un jour en mesure d'inverser la tendance à la hausse des
dépenses. Des besoins nouveaux apparaissent sans cesse. Qui peut dire que nos
hôpitaux sont trop riches ?
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Il faut vous mettre d'accord
avec M. Vasselle ! Il dit l'inverse !
M. Alain Joyandet,
rapporteur pour avis.
Qui peut dire que nos cliniques sont trop
rentables, que la prise en charge du cancer mobilise trop d'argent, que les
équipements dentaires ou optiques sont trop bien remboursés ?
Parallèlement, des paramètres de fond interviennent qui rendent les dépenses
d'assurance maladie structurellement dynamiques. Le vieillissement de la
population, mais aussi les innovations thérapeutiques et l'attente de nos
concitoyens contribuent ainsi à cette tendance de fond.
Est-ce à dire, cependant, que la part des dépenses de santé dans la richesse
nationale doit augmenter de manière indéfinie et, avec elle, les impôts et les
cotisations prélevés sur les Français ? Je ne le crois pas.
Personne ne peut affirmer que les 800 milliards de francs consacrés par la
collectivité à l'assurance maladie sont aujourd'hui bien employés. Personne ne
peut nier que des inégalités régionales persistent, que des structures peu
efficientes sont privilégiées par rapport aux structures les moins coûteuses,
que la consommation de médicaments en France est la plus importante
d'Europe.
Pour que leur protection sociale progresse autant que les Français
l'escomptent, il faudra donc bien apprendre à réfléchir à des priorités, à
adapter notre système d'allocation des ressources, à dépenser selon nos choix
plutôt que selon nos habitudes.
Il nous faut du volontarisme, madame la ministre. Or, vous ne nous avez
offert, depuis cinq ans, que de l'immobilisme.
(Protestations sur les
travées socialistes.)
M. Claude Domeizel.
Mais non !
M. Guy Fischer.
Vous êtes caricatural !
M. Alain Joyandet,
rapporteur pour avis.
Ce n'est pas moi qui le dis ; ce sont les Français
qui sont unanimes sur le sujet.
M. Claude Domeizel.
Les Français ? C'est à vous qu'ils ont dit ce qu'ils pensaient de vous !
M. Alain Joyandet,
rapporteur pour avis.
La famille n'est ni une inquiétude comme les
retraites ni une priorité comme la santé ; elle est le coeur vivant de notre
société. La branche « famille » de notre sécurité sociale doit en être
l'expression. Elle doit permettre, à partir des efforts consentis par les
cotisants et les contribuables, de soutenir le projet familial de chacun.
La branche « famille » symbolise l'effort de la nation pour sa cellule de
base. Le Gouvernement en a fait une tirelire, la tirelire de sa politique des
35 heures.
M. Claude Domeizel.
C'est faux !
M. Alain Joyandet,
rapporteur pour avis.
Comment justifier, madame la ministre, que les
excédents de la branche « famille » financent les 35 heures ?
M. Claude Domeizel.
Mais non !
M. Gilbert Chabroux.
N'importe quoi !
M. Alain Joyandet,
rapporteur pour avis.
Comment justifier qu'ils viennent au secours du
fonds de solidarité vieillesse, lui-même ponctionné pour cette politique de
gribouille ?
M. Claude Domeizel.
C'est faux !
M. Alain Joyandet,
rapporteur pour avis.
Comment justifier que seulement le sixième de
l'excédent de la branche en 2000 revienne aux familles ?
Est-ce à dire que nous préférons, pour boucher les trous creusés par les
décisions politiques d'aujourd'hui, laisser partir à vau-l'eau la politique
familiale ? A quand l'annonce par le Gouvernement de la diminution des
allocations familiales pour financer les 35 heures, à l'hôpital public, par
exemple ?
(Protestations sur les travées socialistes.)
Ce n'est ni notre
conception de la famille ni notre idée de la manière dont elle doit être
aidée.
M. Claude Domeizel.
On la connaît, votre conception de la famille !
M. Guy Fischer.
Et votre politique en la matière a échoué !
M. Alain Joyandet,
rapporteur pour avis.
Les accidents du travail, autre sujet, intéressent
bien peu les commentateurs. Je m'y arrêterai pourtant quelques instants, car
j'ai la conviction que cette branche connaît une situation bien plus difficile
que ces excédents actuels ne le laissent paraître.
L'actualité de la branche « accidents du travail », c'est d'abord
l'indemnisation de l'amiante. Le coût humain de ce drame apparaît d'ores et
déjà considérable. Il se lit notamment dans les statistiques terribles des
personnes décédées de cancers ou d'autres maladies directement liées à
l'amiante.
Devant cette douleur humaine dont elle est en partie responsable, la société
ne peut rester silencieuse. La mise en place de préretraites « amiante » et du
fonds d'indemnisation des victimes apportera un soutien financier aux victimes
et à leur famille et symbolisera la réparation d'un préjudice qui,
malheureusement, s'évalue davantage en douleurs humaines qu'en compensations
pécuniaires.
La branche « accidents du travail » prend naturellement en charge une grande
partie de ces compensations. L'effort de l'Etat est annoncé, sans cesse
repoussé, mais finira bien par être concrétisé. Mais, au-delà des chiffres,
pour cette année ou la suivante, nous devons prendre conscience du fait que
l'indemnisation des victimes s'élèvera à plusieurs milliards d'euros,
probablement entre 25 milliards de francs et 30 milliards de francs. On ne
pourra donc échapper à une réflexion sur les recettes de la branche.
De même, depuis plusieurs années, le Gouvernement est alerté sur les problèmes
de délimitation entre la branche « accidents du travail » et la branche «
maladie ». Régulièrement, et encore cette année, des prélèvements que l'on
pourrait qualifier d'arbitraires sont ainsi réalisés au titre de la
sous-évaluation des accidents du travail. On ne peut que s'étonner de constater
qu'une réforme en profondeur n'a toujours pas été entreprise sur le sujet.
L'impression donnée par ce survol rapide contraste vivement avec les annonces
du Gouvernement et de vous-même, madame la ministre, et les propos louangeurs
qu'il s'adresse à lui-même.
La commision des finances ne se livrera pas à un commentaire détaillé des
différentes mesures ici proposées. Il y aurait beaucoup à dire, mais, ce soir,
pour ne pas risquer d'être, à mon tour, interrompu, j'irai à l'essentiel, vous
renvoyant, pour le reste, à mon rapport écrit. En revanche, la commission se
doit de porter un regard financier sur ce texte. Or ce que l'on voit ne peut
manquer de surprendre.
J'aborderai trois points : le contexte, les comptes, les flux financiers.
S'agissant du contexte, tout d'abord, le projet de loi de financement est
bâti, notre rapporteur l'a indiqué, sur une double hypothèse de croissance
économique et d'évolution de la masse salariale qui, de volontariste avant les
événements du 11 septembre, devient franchement imprudente.
Une erreur d'un demi-point sur la croissance économique, due pour moitié à la
demande intérieure et pour moitié à la demande extérieure, signifie une perte
de recettes de 4 milliards de francs et des dépenses supplémentaires de 2
milliards de francs pour la sécurité sociale. Or les prévisions de croissance
du Gouvernement français sont supérieures de plus d'un demi-point aux
prévisions les plus optimistes des conjoncturistes.
A l'imprudence du cadrage global s'ajoute celle de la prévision d'évolution
des dépenses d'assurance maladie. Le Gouvernement table sur un rythme de 3,9 %,
quand chacun s'accorde à prévoir qu'il sera supérieur d'au moins un point, soit
8 milliards de francs de dépenses supplémentaires.
Pour ce qui est maintenant des comptes de la sécurité sociale, malgré le
passage aux droits constatés - nous nous réjouissons, madame la ministre -,
jamais ils n'auront été aussi obscurs.
(M. Domeizel s'indigne.)
C'est à
croire que le Gouvernement a volontairement cherché à brouiller les chiffres
pour qu'on ne puisse lui opposer cette vérité simple : il a gâché la période de
croissance économique exceptionnelle qui s'achève.
Les recettes n'ont jamais été aussi dynamiques que ces dernières années, mes
chers collègues. Au lieu d'en profiter pour amorcer les réformes dont je
soulignais précédemment à quel point elles font défaut, le Gouvernement a figé
davantage encore la structure des dépenses.
M. Claude Domeizel.
Aïe, aïe, aïe !
M. Alain Joyandet,
rapporteur pour avis.
Par ailleurs, pour reprendre les termes du
secrétaire général de la commission des comptes de la sécurité sociale, le
Gouvernement a « ouvert les portes à l'arbitraire » en nous proposant la
réouverture des comptes 2000 du régime général, alors que ceux-ci ont été
arrêtés par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l'ACOSS,
approuvés par le conseil d'administration des caisses et transmis à la
tutelle.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Tout à fait !
M. Alain Joyandet,
rapporteur pour avis.
Dans son intervention, M. Vasselle interrogeait
tout à l'heure la commission des finances sur certaines méthodes, et c'est bien
le point le plus choquant de tout ce que nous avons pu analyser.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Tout à fait !
M. Alain Joyandet,
rapporteur pour avis.
Ce faisant, madame la ministre, vous rendez
déficitaire la sécurité sociale en 2000, rompant en cela avec deux annonces du
Gouvernement : que la sécurité sociale ne paierait pas pour les 35 heures et
qu'elle était excédentaire en 2000. La réalité est inscrite à l'article 5 du
projet de loi : la sécurité sociale est déficitaire en 2000 parce qu'elle paie
directement, et sans compter, les différentes pertes de recettes qu'elle a pu
subir pour les 35 heures. Ce sont les faits, madame le ministre ! Imaginez ce
que chacun d'entre nous dirait - mais aussi les marchés et nos partenaires
européens - si les comptes de l'Etat étaient rouverts dix mois après leur
clôture ! Quant à ceux d'une entreprise... Le professionnel qui se livrerait à
cet exercice s'exposerait tout simplement à des poursuites pénales !
Voilà où nous en sommes.
Enfin, j'aborderai la question des flux financiers. Chacun dénonce les «
tuyauteries », je n'y reviendrai pas. Le Gouvernement porte, de ce point de
vue, une certaine responsabilité. Par sa politique des fonds, il a déstabilisé
durablement la sécurité sociale et voilé le débat parlementaire sur la loi de
financement.
J'attire votre attention, mes chers collègues, sur le fait que ces tuyauteries
et ces systèmes un peu flous conduisent à ce que notre débat se concentre
aujourd'hui sur les manipulations en tout genre, au lieu de se focaliser sur
les trois points essentiels que sont le niveau des prélèvements, le rythme
d'évolution des dépenses et le contenu de ces dernières. Nous devrions, à la
limite, ne parler que de cela !
Parallèlement, le Gouvernement se livre à des pratiques financières qui
laissent pantois : mise en déficit volontaire du fonds de solidarité vieillesse
et financement de ce déficit par la trésorerie du fonds ; ponctions sur la
branche famille ; augmentation volontaire et désordonnée des dépenses de
l'assurance maladie, afin d'aggraver directement son déficit. Tout cela se fait
au mépris le plus total du principe fondateur de la séparation des branches.
Le comble de l'obscurité est atteint avec la mesure en faveur des chômeurs
âgés, dont chacun sait qu'une partie relève du pouvoir réglementaire, qu'une
autre partie figure dans le projet de loi de modernisation sociale et que la
dernière partie est un « cavalier social ».
Quelle conclusion tirer de ce tableau d'ensemble ?
Des comptes qui ont été rendus illisibles, des moyens mal utilisés, des
réformes volontairement négligées, des dépenses structurellement et
volontairement augmentées, un cadrage macroéconomique volontairement faussé :
ce sont les faits. Le prochain gouvernement, quel qu'il soit, ne pourra plus se
livrer à ces jeux-là puisqu'il n'aura ni cagnotte sociale ni comptes à rouvrir,
mais seulement des déficits à financer qui trouveront leur source dans cinq
années de dérives de la dépense.
Plus grave à mes yeux, madame le ministre, ces dispositions du projet de loi
de financement de la sécurité sociale pour 2002 accentuent des tendances à
l'oeuvre depuis la loi de financement pour 1998. Leur résultat, au-delà des
comptes, des dépenses, des prélèvements, des soldes, est un dévoiement de
l'avancée démocratique que représentaient les lois de financement de la
sécurité sociale.
Ne pensez-vous pas, madame la ministre, que le moment n'est pas loin où il
sera opportun, comme l'avait proposé au printemps dernier Charles Descours, de
réaliser ce que j'appellerai une « révision technique » des dispositions
organiques relatives aux lois de financement de la sécurité sociale ? A la
lumière de l'expérience des six textes successifs examinés au Parlement, mais
aussi en tenant compte d'enjeux qui n'apparaissaient pas à l'époque, il faut
bien le reconnaître, il me semble que plusieurs pistes s'ouvrent qu'il
conviendra sans doute d'explorer.
Une de ces pistes sera de multiplier les votes obligatoires lors de la
discussion du projet de loi de financement : vote, comme cette année, sur les
objectifs et les prévisions de l'année en cours, révisés en fonction de
l'exécution ; vote des dépenses par branche ; vote sur chacun des fonds, comme
s'il s'agissait de budgets annexes ou de comptes d'affectation spéciale ; vote
sur les différents volets de l'ONDAM ; vote par type de recettes, voire par
bénéficiaire de recettes ; vote d'approbation des comptes définitifs des
organismes. Nous aimerions, madame le ministre, connaître votre sentiment sur
ces propositions.
De même, nous souhaiterions savoir ce que vous pensez d'une deuxième piste,
celle qui pourrait nous conduire vers une meilleure articulation du projet de
loi de finances et du projet de loi de financement, en modifiant, s'il le
fallait, les champs respectifs de ces deux lois.
Une troisième piste, enfin, serait de réfléchir à la proposition qui a été
faite de constituer un fonds unique - cela nous éviterait toutes ces
discussions ! - destiné à accueillir l'ensemble des flux financiers en faveur
des caisses de sécurité sociale. Son principal intérêt serait de mettre fin aux
changements incessants d'affectation de recettes et de nous permettre de nous
concentrer sur le point essentiel que serait l'évolution de ses dépenses. De
plus, dans la mesure où il ne s'agirait pas de prestations aux assurés, les
lignes de dépenses de ce fonds pourraient avoir un caractère limitatif.
J'ai conscience qu'il ne s'agit là que d'ébauches, et le débat sur la réforme
des lois de financement ne fait que commencer.
En résumé, madame la ministre, c'est non pas tant le montant total des
dépenses consacrées à la sécurité sociale que nous voulons remettre en cause
que la présentation des comptes et, plus grave, les opérations contestables
dont j'ai parlé tout à l'heure. Le résultat final, affecté par toutes ces
opérations, ne permet, hélas ! de conclure ni à la sincérité ni à la lisibilité
des comptes.
Pour toutes ces raisons, la commission des finances a émis un avis négatif sur
le texte tel que l'a adopté l'Assemblée nationale. En dehors d'un amendement
qu'elle vous proposera à l'article 3, elle s'en remettra aux propositions
formulées par la commission des affaires sociales que nous ont exposées tout à
l'heure les différents rapporteurs.
(Applaudissements sur les travées du
RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président,
madame la ministre, mes chers collègues, à ce stade du débat, et pour ne pas
retarder davantage le moment où les orateurs des groupes pourront s'exprimer,
je me contenterai de formuler quelques observations en complément des rapports
très riches et de grande qualité que nous avons entendus.
Je tiens à féliciter M. Alain Vasselle, mais aussi M. Alain Joyandet, que nous
venons d'entendre, et nos rapporteurs MM. Jean-Louis Lorrain et Dominique
Leclerc.
Je ne reviendrai donc pas sur le projet de loi de financement de la sécurité
sociale pour 2002, ni sur le bilan des comptes sociaux au cours de cette
législature qui s'achève.
Cependant, je m'arrêterai un moment sur l'instrument nouveau dont disposent le
Parlement et le Gouvernement depuis cinq ans : qu'en avons-nous fait ?
Qu'avons-nous fait de la réforme constitutionnelle et organique de 1996 ?
Nous étions dotés d'une nouvelle catégorie de lois, les lois de financement de
la sécurité sociale, dont l'examen devait être, avec la discussion du projet de
loi de finances, le moment fort de l'automne. Avant la session unique, nous
évoquions la « session budgétaire ».
Or, les projets de loi de financement ont été ravalés au statut de projets de
loi ordinaires, au statut de projets de loi « parmi d'autres ». En quelque
sorte, pour appliquer à la discussion budgétaire une expression célèbre, nous
avons eu la léthargie, mais sans la liturgie ni la litanie !
(Sourires.)
Nous avons eu un projet dont on discute finalement à la va-vite, entre deux
autres projets de loi, dits sociaux, qui sont généralement les vraies priorités
du Gouvernement.
Ainsi, la commission des affaires sociales, parallèlement à ses travaux sur le
projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, a dû et devra
aborder au cours de cet automne la suite de la discussion du projet de loi de
modernisation sociale, qui comporte plus d'une centaine d'articles en navette,
de la proposition de loi relative à la lutte contre les discriminations et de
la proposition de loi relative à la couverture des non-salariés agricoles
contre les accidents du travail, ainsi que l'examen du projet de loi rénovant
l'action sociale et médico-sociale, qui comporte également une centaine
d'articles.
Elle n'a échappé que de peu à la discussion du projet de loi relatif aux
droits des malades et à la qualité du système de santé - là encore, on compte
une centaine d'articles -, que l'Assemblée nationale a dû examiner au début du
mois d'octobre.
Est-ce parce que nous sommes en fin de législature et que les derniers textes
se bousculent ? On pourrait le croire, mais il n'en est rien : à l'automne
2000, nous examinions la proposition de loi relative à l'égalité
professionnelle entre les femmes et les hommes, la proposition de loi créant
une agence de sécurité sanitaire environnementale, la proposition de loi
relative à la contraception d'urgence ; nous discutions en première lecture la
proposition de loi relative à la lutte contre les discriminations, et nous
examinions le lourd projet de loi d'habilitation du Gouvernement à procéder par
ordonnances à la transposition des directives européennes, qui visait notamment
le code de la mutualité.
(M. Bernard Murat rit.)
Si l'on remonte à l'automne 1999, nous examinions alors le projet de loi
relatif à la réduction négociée du temps de travail, c'est-à-dire la loi Aubry
II.
C'est dire que le Gouvernement n'a jamais sanctuarisé, dans le domaine social,
les deux ou trois mois pendant lesquels le Parlement et ses commissions
chargées des affaires sociales devraient consacrer l'essentiel de leur
attention et de leur énergie à discuter un budget de 2 000 milliards de francs
!
Le mode de discussion en séance publique des projets de loi de financement de
la sécurité sociale est peut-être également en cause. Nous consacrons un temps
non négligeable à la discussion du budget des Monnaies et Médailles, qui
s'élève à quelques millions de francs, ou de celui de l'Imprimerie nationale.
Il en va de même, pour prendre des exemples plus significatifs, des budgets du
tourisme ou des services généraux du Premier ministre, qui prévoient
respectivement 36 et 478 millions de francs de mesures nouvelles.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
C'est tout à fait vrai !
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Mais nous ne consacrons
pas une « respiration » particulière à la discussion de l'objectif de dépenses
de la branche famille, qui représente 275 milliards de francs. Cela mérite tout
de même un souffle !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Bien sûr !
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Nous ne consacrons pas
plus de « respiration » à l'objectif de la branche vieillesse, qui concerne 890
milliards de francs, ou à l'objectif de la branche maladie, qui met en jeu 820
milliards de francs.
En s'inspirant de l'expérience conduite par la commission des finances sur
certains budgets, pourquoi ne pas réfléchir à un jeu de questions-réponses
portant successivement sur les trois branches de la sécurité sociale et se
concluant chacun par le vote de l'objectif de dépenses de la branche considérée
? Je soumets ce point à votre réflexion.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Ce serait une excellente chose !
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Pour rendre aux lois de
financement leur ambition initiale, il faudrait aller naturellement plus loin,
car l'expérience des cinq dernières lois de financement de la sécurité sociale
nous conduit à considérer que l'instrument lui-même doit gagner en rigueur. Ou
peut-être, pour être plus précis, l'instrument tel qu'il a été construit
n'a-t-il pas été en mesure d'empêcher qu'il soit détourné de son objet et trahi
dans son esprit.
Mes chers collègues, au-delà de ces réflexions, trois points retiennent mon
attention.
La multiplication des fonds sociaux tout d'abord : je doute - pardonnez-moi,
madame la ministre - du souci de transparence qui justifie chaque fonds pris
isolément. Je suis certain en revanche qu'ensemble ils rendent la loi de
financement parfaitement opaque.
Il est ainsi extrêmement difficile de suivre de façon cohérente les objectifs
de dépenses et les prévisions de recettes, et totalement impossible de
rapprocher les premiers des secondes pour obtenir un indicateur d'équilibre à
peu près intelligible.
Ensuite, l'ONDAM a un caractère purement comptable, il est dépourvu de tout
contenu en santé publique et son ajustement chaque année n'a aucun sens. La
notion de service voté et de mesures nouvelles est parfois contestée dans les
lois de finances. Nous serions heureux de disposer, en matière de finances
sociales, d'une notion aussi rustique et imparfaite !
Quelle est, dans l'ONDAM 2002, la part de reconduction à l'identique de
l'ONDAM 2001 ? Et quelle est la part des mesures nouvelles, c'est-à-dire des
dépenses supplémentaires indispensables ou,
a contrario
, des économies
programmées ?
A une telle question posée par M. Vasselle, il n'y a pas de réponse, si ce
n'est une évaluation de l'impact des 35 heures à l'hôpital public.
Effectivement, on ne peut faire moins...
Enfin, le projet de loi de financement de l'année se transforme en un texte
glissant englobant plusieurs exercices, faisant office de projet de loi de
financement rectificative de l'année en cours et, en quelque sorte, de projet
de loi de règlement de l'année précédente. Ainsi, le projet de loi de
financement de la sécurité sociale pour 2002 modifie substantiellement les
comptes de 2001 et récrit ceux de 2000. Le Gouvernement ferait certainement des
prévisions plus réalistes et prendrait moins de liberté en cours d'année, si le
prix à payer était de revenir, au mois de juin, devant le Parlement pour
s'expliquer sur un collectif social.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Eh oui !
M. Roland du Luart.
Très bonne idée !
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Notre ancien collègue
Charles Descours - à qui je rends un hommage tout particulier pour le travail
qu'il a réalisé au sein de la commission des affaires sociales - a déposé, au
printemps dernier, une proposition de loi organique sur les lois de financement
qui reprend et éclaire certains des points que j'ai évoqués. Il faudra que nous
fassions avancer ce dossier, d'autant que j'ai entendu avec intérêt M. Jérôme
Cahuzac, rapporteur pour avis de la commission des finances de l'Assemblée
nationale, évoquer, lui aussi, les nécessaires ajustements de la loi organique
de 1996.
En dernier point, j'évoquerai un débat de fond que nous avons eu en
commission.
Notre excellent collègue Gilbert Chabroux a estimé que nous parlions trop de
chiffres...
M. Claude Domeizel.
Aujourd'hui encore !
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
... et pas assez des
voies et moyens pour lutter, par exemple, contre le tabagisme. En quelque
sorte, nous parlions trop des comptes et pas assez de santé publique.
Il m'a semblé, madame la ministre, que vous partagiez le même sentiment lors
de votre audition par notre commission.
C'est vrai, nous avons beaucoup parlé des comptes, mais il me semble qu'il
n'est pas négligeable de savoir d'où vient l'argent et où il va, s'il a été et
s'il sera dépensé conformément au bon usage des fonds publics.
Un de vos prédécesseurs, madame la ministre, avait déclaré qu'elle ne
souhaitait pas être la « ministre des comptes ». Je vous ferai observer que,
lorsque le ministre des affaires sociales ne s'occupe pas des comptes, c'est
généralement son collègue de Bercy qui s'en charge. Vous le savez : la nature a
horreur du vide.
Je vous avoue que nous aurions nous-mêmes préféré parler - et entendre parler
- moins des comptes et plus des priorités de santé publique, de politique
familiale et d'avenir des retraites.
Seulement, les comptes sont ce qu'ils sont et, en cette fin de législature,
ils nous inquiètent !
En réalité, ce dont nous avons besoin, ce sont de lois d'orientation
pluriannuelles dans le cadre desquelles s'inscriraient chaque année les lois de
financement.
Je crois que, dans le domaine de la santé publique, une telle démarche serait
plus fructueuse qu'un débat annuel précédant l'examen du projet de loi de
financement. En effet, soit les orientations de santé publique sont annuelles
et rien n'empêche alors de les aborder explicitement dans la loi de financement
et de les traduire en objectifs précis et en moyens concrets ; soit ces
objectifs sont pluriannuels, comme je le pense, et, dans ce cas, il faut se
tourner vers une loi d'orientation, sur cinq ans par exemple.
Un tel exercice serait également indispensable dans le domaine de la famille.
La loi de 1994 a été vilipendée au motif qu'elle n'était pas financée. Ce grief
me semble très exagéré puisque, aujourd'hui, la vraie question que nous nous
posons est celle de l'utilisation, ou du détournement, des excédents de la
branche famille.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Oui, parlons de détournement !
M. Gilbert Chabroux.
Pourquoi pas de pillage ou de hold-up ?
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Ce serait un peu fort,
monsieur Chabroux !
M. Gilbert Chabroux.
Oh, on l'a déjà entendu !
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Nous nous sommes tous
émus - M. Jean-Louis Lorrain le premier et, à l'instant, M. Chabroux - des
ponctions répétées opérées sur la branche famille. En commission, M. Chérioux,
dont on sait l'attachement à la politique familiale, a pourtant fait observer,
à juste titre, que les recettes de la branche famille n'étaient pas intangibles
et qu'il relevait de la responsabilité du Parlement d'en fixer le niveau.
Ce rappel est nécessaire. Il serait bon, en effet, que le Parlement débatte
clairement de la politique familiale dont notre pays souhaite se doter, pour
les cinq ans ou pour les dix ans qui viennent, et fixe le niveau des
prélèvements permettant de financer une telle politique.
Ce que nous reprochons en effet au Gouvernement, c'est d'opérer par « raids »
successifs, dans l'obscurité.
M. Gilbert Chabroux.
Nous ne sommes pas en Afghanistan, monsieur About, mais au Sénat de la
République !
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Il n'empêche que, sur
le plan financier, cela s'appelle ainsi !
M. Claude Domeizel.
Ah, il faut de l'imagination !
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Une année, le
Gouvernement décide de pérenniser la majoration de l'allocation de rentrée
scolaire et en tire argument pour en faire passer la charge du budget de l'Etat
à celle de la CNAF.
L'année suivante, il décide que la branche famille prendra à sa charge la
majoration de pension pour enfant au motif qu'il considère soudain que cette
prestation a cessé d'être ce qu'elle est depuis l'origine, c'est-à-dire une
prestation vieillesse.
L'année d'après, il décide que les excédents de la branche vont alimenter le
fonds de réserve des retraites, au nom cette fois de la solidarité «
intergénérationnelle ».
Parallèlement, la branche famille est dépouillée en plusieurs étapes de la
taxe de 2 % sur les revenus du patrimoine dont elle avait bénéficié depuis la
création de cet impôt.
Dans tout cela, aucune transparence,...
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
C'est vrai !
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
... aucune
logique,...
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
C'est le moins qu'on puisse dire !
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
... aucune politique,
aucune projection dans l'avenir. C'est, en résumé, le grief majeur que nous
faisons au Gouvernement pour sa gestion depuis cinq ans des enjeux financiers
de notre protection sociale.
(Applaudissements sur les travées des
Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. du Luart.
M. Roland du Luart.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 est le
cinquième du genre pour votre gouvernement, madame la ministre, et le dernier
de la législature. Il est donc l'occasion de dresser un bilan.
Ce bilan est plutôt préoccupant, hélas ! et cette opinion est largement
partagée par la plupart des acteurs sociaux.
Vous faites, en effet, l'unanimité contre vous : que ce soit les représentants
des professionnels, les syndicats patronaux, les caisses de sécurité sociale,
la Cour des comptes ou la Caisse des dépôts, tous ont vivement critiqué ce
projet de loi.
La CNAM, la CNAF et la CNAV ont rejeté massivement le texte. Les
administrateurs de la CNAM ont reproché « l'opacité des comptes et la
complexité des transferts financiers », et souligné « l'absence d'éléments
concernant une nouvelle politique conventionnelle entre les caisses et les
médecins ainsi que sur la clarification des rôles entre l'Etat et les caisses
».
La Cour des comptes a dressé un constat sévère de la faible efficacité des
actions publiques en vue d'une « maîtrise des dépenses de santé », estimant que
le dispositif actuel « n'a pas fait ses preuves » et que « la politique du
médicament » doit être « profondément modifiée ».
Une étude prospective sur l'avenir des retraites pour les quarante prochaines
années, réalisée par Futuribles avec l'Observatoire des retraites de la Caisse
des dépôts, vient de souligner le caractère « fondamentalement suicidaire » de
la politique « d'attentisme » menée en France, politique qui conduirait, dès
2020, à une « montée des tensions extrêmement forte entre les actifs et les
retraités ».
Enfin, du côté des représentants des professionnels et des assurés, on citera,
par exemple, la Confédération des syndicats médicaux français, qui a critiqué
le texte au motif qu'il fixe « un objectif de dépenses irréaliste » et fait «
perdurer le principe des sanctions collectives », ou encore Familles rurales,
qui a jugé que le projet de loi de financement de la sécurité sociale « prive
durablement la branche famille de moyens financiers ».
Défendre le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002
relève donc de l'hypocrisie partisane ou, ce qui est pis, de l'inconscience.
En cinq ans, le Gouvernement a peu à peu vidé la loi de financement de la
sécurité sociale de son sens. Quels sont en effet l'esprit et l'objectif de
cette loi ? Elle a été instaurée, d'une part, pour bien distinguer les finances
de la sécurité sociale de celles de l'Etat et, d'autre part, pour mieux piloter
celle-ci. Or, cette cinquième édition du projet de loi de financement de la
sécurité sociale s'éloigne gravement de ces deux objectifs.
Tout d'abord, la confusion entre finances de l'Etat et finances sociales
s'accentue.
La Cour des comptes a ainsi critiqué la multiplication des flux croisés entre
l'Etat et la sécurité sociale, qui rendent l'ensemble de moins en moins
lisible.
Le budget social est réquisitionné pour financer les 35 heures, et, en effet,
la sécurité sociale assumera presque l'intégralité du coût des allégements de
charges en 2002 : plus de 34 milliards de francs, selon vos dires, soit près de
88 % du montant. Tous les moyens sont bons pour grappiller de l'argent !
Les maigres bénéfices des branches sont systématiquement ponctionnés.
Le Gouvernement prive l'assurance maladie de certaines de ses ressources
légitimes, telles que la taxe sur les contrats d'assurance automobile, censée
compenser la charge supportée par l'assurance maladie pour soigner les
accidents de la route, ou la taxe sur les tabacs et alcools, qui ne constitue
pourtant qu'une faible contrepartie du coût social de ces deux fléaux.
De même, le Gouvernement demande à la CADES, la caisse d'amortissement de la
dette sociale, d'accélérer ses remboursements à l'Etat au détriment de ses
propres capacités à amortir la dette.
Le Gouvernement justifie tous ces détournements par l'argument selon lequel,
la politique de l'emploi bénéficiant à la sécurité sociale, la seconde devrait
donc contribuer au financement de la première. Cet argument est parfaitement
fallacieux. Il ne s'agit pas, en l'occurrence, de polémiquer sur le nombre
d'emplois créés par les 35 heures.
M. Henri de Raincourt.
Très peu !
M. Roland du Luart.
Chaque emploi nouveau génère, certes, des recettes de cotisations pour la
sécurité sociale, mais il génère également pour elle des dépenses de soins,
d'accidents du travail, et, à terme, de retraite. Retirer aux caisses les
cotisations de ces nouveaux emplois, c'est oublier que ceux-ci engendrent
également des prestations qu'elles doivent, ou devront, financer.
Quant au pilotage du système, autant dire que la loi de financement ne
contrôle plus rien et que le rôle du Parlement en la matière est réduit à la
portion congrue.
Les prévisions de recettes sont irréalistes, celles de dépenses
fantaisistes.
Les hypothèses de croissance sur lesquelles vous fondez vos calculs sont, pour
le moins, irréalistes, madame la ministre.
Vous vous calez sur 2,5 % de croissance du produit intérieur brut, ce qui,
avant même les attentats du 11 septembre, était déjà chimérique, tous les
experts s'accordent pour le dire ! L'INSEE ne misait alors que sur 2,1 %. Vous
faites preuve du même irréalisme en ce qui concerne la masse salariale dont
vous espérez 5 % de croissance. Attention cependant ! S'il manque seulement un
point de masse salariale supplémentaire, nous constaterons une dérive de
l'ordre de 10 milliards de francs !
Quant aux dépenses d'assurance maladie, l'objectif national n'a pas été une
seule fois respecté depuis 1997 : vous aviez prévu une croissance de 2,5 % en
2000, elle a été de 5,6 % ; vous aviez prévu une croissance de 3,5 % en 2001,
elle atteindra sans doute 5 % ! Qui peut encore croire que les dépenses
d'assurance maladie n'augmenteront que de 3,8 % en 2002, comme vous le prévoyez
?
L'ONDAM a perdu du sens. Le Gouvernement le calcule non plus par rapport à
l'objectif de l'année précédente, mais par rapport aux dépenses effectives
constatées. L'objectif n'est donc jamais validé
a posteriori
. Sa
fixation en loi de financement est devenue purement factice. Il n'est pas
respecté parce que le Gouvernement est incapable de maîtriser les dépenses.
Selon le rapport de la Cour des comptes, les résultats des exercices 1998,
1999 et 2000 font apparaître un déficit cumulé de 12 milliards de francs alors
que la croissance économique de ces trois années a été excellente, et même
exceptionnelle, et que la progression des charges de retraites a, pour des
raisons notamment démographiques, été faible. Cela montre, conclut la Cour, que
l'équilibre des comptes reste à conforter.
Parler de « robustesse du redressement des comptes sociaux », comme le fait le
rapport annexé à l'article 1er du projet de loi, c'est donc se moquer du monde.
Ces comptes traduisent bien, au contraire, un bilan désastreux car 1998-2001 a
été une période de croissance économique exceptionnelle. Vous avez, en réalité,
gaspillé les fruits de la croissance !
J'en viens aux différentes branches de sécurité sociale. En la matière, je
résumerai la politique du Gouvernement en deux mots : étatisation et
irresponsabilité. Le Gouvernement ne fait aucune des réformes nécessaires et
compense cette inaction par un interventionnisme autoritaire et inefficace.
Le Gouvernement piétine l'autonomie des partenaires sociaux et fait fi du
dialogue social. La décision de faire financer les 35 heures par la sécurité
sociale a provoqué le départ du MEDEF et de la CGPME - Confédération générale
des petites et moyennes entreprises - de la gestion des caisses de sécurité
sociale.
En outre, alors que le paritarisme repose notamment sur le principe de la
consultation des partenaires sociaux en cas de mise en oeuvre de nouvelles
prestations, le Gouvernement vient d'instaurer un congé paternité - était-ce
une priorité ? -, qui sera financé par la caisse d'allocations familiales, sans
que les partenaires sociaux aient été informés.
Cet étastisme outrancier est le revers de l'absence de réforme de fond.
Ainsi, dans le domaine de l'assurance maladie, au lieu de rétablir et de
renforcer la politique conventionnelle qui impliquerait directement les acteurs
dans la gestion de leur branche, vous persistez dans la politique du gros bâton
: vous taxez un peu plus les laboratoires pharmaceutiques ; vous maintenez le
mécanisme pernicieux des lettres clés flottantes pour sanctionner les
professions médicales. Ce système de sanction collective - nous vous l'avons
déjà dit, et les faits parlent pour nous - est inefficace et injustifiable. Il
est inefficace car, depuis 1997, les objectifs de dépenses ont systématiquement
été dépassés, de 17 milliards de francs en 2000 et de 15,8 milliards de francs
en 2001. Il est injustifiable : si certains, dans une profession, se comportent
moins vertueusement que d'autres, pourquoi sanctionner aussi ces derniers ?
Enfin, vous attribuez les enveloppes financières au gré de vos amitiés
politiques, oubliant ainsi au passage les cliniques privées et la médecine
libérale. Il a fallu une grève générale des professionnels du privé pour qu'ils
soient entendus.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Eh oui !
M. Roland du Luart.
Quel gâchis !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
C'est vrai !
M. Roland du Luart.
Les treize propositions de réforme que vous avez récemment faites aux
professionnels de santé sont une sorte de testament recensant une partie des
problèmes qu'il aurait fallu régler et que vous n'avez eu ni la volonté ni le
courage de faire avancer. Le chantier ouvert en 1996 reste donc aujourd'hui en
l'état.
Quant à la branche famille, vous la ponctionnez à nouveau de 5 milliards de
francs au profit du fonds de réserve pour les retraites. Or le rapport Hermange
de septembre dernier a révélé de nombreuses carences des politiques en faveur
de l'enfance.
Dans le domaine des retraites, vous poursuivez sereinement et sans vergogne la
politique de l'autruche. C'est devenu un modèle du genre !
Depuis quatre ans, vous multipliez les rapports : le rapport Charpin, en avril
1999, le rapport Taddei, en octobre 1999, et le rapport Teulade, à la fin de
1999, sans oublier les projections du conseil d'orientation des retraites, en
avril 2001. Rien ne bouge !
A la fin de 2001, le fonds de réserve pour les retraites devrait compter 40
milliards de francs, soit 30 milliards de francs de moins que ce qui était
prévu. On peut donc légitimement douter des promesses faites pour 2002 dans le
présent projet de loi.
Comment ne pas être triste devant un tel bilan ? Des fruits de la croissance
gâchés, des manipulations financières déresponsabilisantes, aucune imagination
réformatrice, un endettement qui va de nouveau se creuser, des nuages noirs qui
s'amoncellent sur l'avenir des retraites. Rien n'est vraiment rassurant.
C'est pourquoi le groupe des Républicains et Indépendants soutiendra les
amendements proposés par la commission des affaires sociales et ses excellents
rapporteurs, auxquels je tiens à rendre hommage pour le travail qu'ils ont
accompli. Nous le disions déjà l'an passé, nous ne pouvons, hélas ! que le
répéter cette année : nous sommes inquiets pour l'avenir de notre protection
sociale.
(Applaudissements sur le travées des Républicains et Indépendants,
du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt et une
heures cinquante, sous la présidence de M. Daniel Hoeffel.)
PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
9
COMMUNICATION RELATIVE
À UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE
M. le président. J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative aux droits du conjoint survivant et des enfants adultérins est parvenue à l'adoption d'un texte commun.
10
FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
POUR 2002
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président.
Nous reprenons la discussion du projet de loi de financement de la sécurité
sociale pour 2002, adopté par l'Assemblée nationale.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la discussion
du projet de loi de financement de la sécurité sociale devrait être l'occasion
pour le Parlement, qui a obtenu d'en être saisi après de nombreux combats dont
j'ai quelques souvenirs, de débattre des objectifs et des moyens de la
politique de protection sociale de notre pays. Depuis le début de l'application
de cette nouvelle procédure en 1997 et en dépit d'une connaissance accrue,
grâce aux travaux des commissions parlementaires et de la Cour des comptes, des
problèmes concernant chaque branche de la sécurité sociale, le fonctionnement
du régime général et des régimes annexes, le débat parlementaire n'est pas
satisfaisant et a débouché sur un certain nombre d'impasses.
M'exprimant au nom de la majorité du groupe du Rassemblement démocratique et
social européen, je limiterai mon propos aux quatre problèmes majeurs qui,
cette année comme les années précédentes, obscurcissent le débat et empêchent
d'avoir une vision claire et précise de notre politique de protection
sociale.
Le débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale aurait dû
être l'occasion, pour le Gouvernement, de préciser les axes de sa politique
pour les différentes branches et, pour le Parlement, de fixer des objectifs
précis en matière de recettes et de dépenses. Or quatre difficultés compliquent
le débat, difficultés auxquelles je consacrerai mon propos, après les
excellentes explications des trois rapporteurs de la commission des affaires
sociales et du rapporteur pour avis de la commission des finances.
Tout d'abord, l'historique des comptes depuis 1997 fait apparaître une
incapacité chronique à respecter les objectifs de dépenses en matière de santé.
En effet, l'ONDAM, ou objectif national de dépenses d'assurance maladie, fameux
concept qui comporte à la fois l'objectif de dépenses de santé et les frais de
fonctionnement de la caisse d'assurance maladie, n'a été respecté qu'en 1997,
première année d'application du nouveau système. Et, de 1998 à 2001, soit en
quatre ans, il a connu un dérapage de 54 milliards de francs, ce qui est assez
important, même si le montant paraît relativement faible par rapport aux sommes
en jeu. Ce déficit, qui a d'ailleurs tendance à s'accélérer compte tenu tant du
fait que le problème du fonctionnement des hôpitaux n'est pas saisi de manière
globale, que du caractère insuffisamment précis de la politique du médicament
et des divers problèmes auxquels est confrontée la médecine de ville, explique
un certain nombre de difficultés.
La dérive de l'ONDAM s'est produite malgré des excédents de recettes constants
depuis 1997.
M. Alain Vasselle,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
Tout à fait !
M. Jean-Pierre Fourcade.
Le Parlement, comme l'a très bien noté M. Vasselle, a voté chaque année des
prévisions de recettes comportant à la fois l'évolution des cotisations et le
produit des recettes fiscales, parafiscales ou de la CSG affecté aux
différentes caisses. Les quatre années dont les comptes sont connus - de 1997 à
2000 - font apparaître, selon les chiffres de M. Vasselle, un excédent de 41
milliards de francs, et les excédents de recettes par rapport à ce qui a été
voté par le Parlement sont inférieurs aux excédents de dépenses de la seule
caisse d'assurance maladie.
(M. Gournac acquiesce.)
Tel est le premier
problème qui gouverne l'ensemble de la matière.
Bien sûr, le remplacement des cotisations patronales par la CSG a permis
d'accélérer l'évolution des recettes. Toutefois, alors que nous sommes entrés
depuis quelques mois dans une période de ralentissement conjoncturel, nous
risquons, en l'absence de mesures gouvernementales visant à freiner l'ensemble
des dépenses de santé, d'assister à un accroissement du déficit. Pour l'année
2002, ce dernier, en dépit de l'augmentation relativement respectable de
l'ONDAM, pourrait d'ailleurs dépasser les 15 milliards de francs. Je reconnais,
madame la ministre, que l'action en ce domaine est délicate et qu'il est plus
facile d'annoncer des mesures que de les réaliser. Mais convenez avec moi que,
à l'heure actuelle, selon que l'on s'occupe de l'hôpital, de la médecine de
ville, de la politique du médicament ou du secteur médico-social, secteur qui
dérape lui aussi, on s'aperçoit que la technologie mise en place en 1997 ne
donne pas toute satisfaction.
La deuxième difficulté qui complique le débat tient à la tendance
irrépressible du Gouvernement à réaliser l'équilibre du régime général au
détriment de la branche accidents du travail et surtout de la branche famille.
Comme M. Lorrain l'a parfaitement rappelé, et ainsi que le note le rapport de
la Cour des comptes, notamment celui qui porte sur l'année 2000, les déficits
de la branche maladie et les quelques difficultés de financement de la branche
vieillesse sont compensés par les excédents de la branche accidents du travail
et de la branche famille. Par conséquent, depuis plusieurs années, les
dispositions de la loi Veil, notamment celles qui concernent les jeunes
adultes, particulièrement touchés par le chômage et la précarité - et ils vont
l'être encore davantage dans les prochains mois ! -, ne sont pas mises en
oeuvre complètement.
En outre, madame le ministre, je suis très choqué que, pour 2002, l'objectif
de dépenses de la branche famille soit égal, à epsilon près, à celui de 2001.
Un renouveau de la natalité a été enregistré dans notre pays, ce dont tout le
monde se félicite, et la France sort ainsi du lot des pays européens touchés
par une crise de la natalité. Voilà qui va créer des prestations et des
allocations nouvelles. Or, le fait de stabiliser les objectifs me paraît très
dangereux pour le fonctionnement de la caisse famille ; cela risque en effet
d'aggraver ses résultats, d'autant plus que le projet de loi qui nous est
proposé opère une modification rétroactive des comptes de l'exercice 2000, ce
qui - vous en conviendrez, mes chers collègues - ne fait pas partie des
mécanismes financiers convenables.
La troisième difficulté qui complique le débat est liée à la tergiversation
continue en matière de régimes de retraite. La réforme est toujours reportée :
on va de commission en rapport, de rapport en commission. Que le système de la
retraite par répartition doive rester la base de notre régime, personne ne le
conteste dans notre pays, et surtout pas moi !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Ah ! C'est très bien ! C'est
nouveau !
M. Jean-Pierre Fourcade.
Non, je l'ai toujours dit ! Relisez mes interventions, madame le ministre !
Mais à force de temporiser, et même si la revalorisation proposée de la
retraite de base cette année nous paraît satisfaisante, les déficits vont
s'accumuler à partir de 2005 ou de 2006. C'est donc une véritable bombe que
l'actuel gouvernement laissera à son successeur, quel qu'il soit.
Il y a bien le fonds de réserve pour les retraites. Ce fonds devrait atteindre
1 000 milliards en quelques années. Personne ne sait si c'est en 2010 ou en
2020. Je rappelle que l'objectif de dépenses de la caisse vieillesse pour 2002
est de 900 milliards de francs. En conséquence, prévoir d'équilibrer le
mécanisme dans dix ou quinze ans me paraît, au rythme des dépenses actuelles,
intéressant pour l'esprit mais problématique dans la réalisation.
Bien sûr, le Gouvernement a eu une mauvaise surprise avec les licences UMTS.
Je reconnais qu'il était astucieux d'affecter le produit de la vente de ces
licences au fonds de réserve pour les retraites. Mais il se trouve que
l'évolution technologique n'a pas permis de récolter tout ce qu'on en attendait
et qu'il faudra se contenter d'une recette inférieure.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je vous ai dit le contraire.
Pour le fonds rien n'est changé. Si vous aviez été là tout à l'heure, vous
l'auriez entendu.
M. Jean-Pierre Fourcade.
Vous n'avez pas dit le contraire : le produit des recettes UMTS a bien été
divisé par dix par rapport à ce qu'on escomptait.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Cela ne changera rien pour le
fonds de réserve.
M. Jean-Pierre Fourcade.
Peut-être, mais ce ne sera pas grâce aux licences UMTS.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Peu importe d'où viennent les
recettes !
M. Jean-Pierre Fourcade.
Non, madame, en matière financière, on ne peut pas dire cela.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Si, monsieur.
M. Jean-Pierre Fourcade.
Cela me paraît dangereux pour l'équilibre de la loi de financement de la
sécurité sociale. On ne peut pas accepter une telle assertion, quelle que soit
la provenance des fonds.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Ils proviendront du produit de
privatisations !
M. Jean-Pierre Fourcade.
Ce n'est pas raisonnable !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Cela peut vous déplaire, mais
les fonds sont là.
M. Jean-Pierre Fourcade.
Vous allez donc vendre quelques autoroutes, Très bien !
(Applaudissements
sur les travées du RPR.)
Sur la réforme des régimes de retraite, en commission, nous avons entendu avec
intérêt Mme Moreau nous expliquer quels étaient les problèmes posés, mais nous
en sommes restés là et aucune amorce de solution ne nous a été proposée.
Enfin, le quatrième problème, le plus grave, celui que je dénonce avec le plus
de force, et vous me reconnaitrez avoir quelques notions en matière financière,
madame la ministre,...
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je n'ai pas d'
a priori.
Ce n'est pas parce que l'on a été ministre des finances que l'on est
compétent !
M. Jean-Pierre Fourcade.
... c'est la frontière trop fluctuante entre le domaine d'application de la
loi de financement de la sécurité sociale et celui de la loi de finances. Et ce
côté « fluctuant » - vous voyez que j'emploie un terme aimable - entre les deux
domaines me paraît cette année particulièrement mouvant.
En proposant un exercice de vérité, la commission des affaires sociales et son
rapporteur ont fait apparaître que 35 milliards de francs se promènent d'un
texte à l'autre et que, selon les répartitions, les affectations, les
transferts que l'on décide, ou bien c'est le régime social qui est en déficit
ou bien c'est le budget.
Ainsi, en suivant ces 35 milliards de francs, on s'aperçoit qu'après une série
de transferts et de combinaisons financières c'est la loi de financement de la
sécurité sociale qui, en 2002, comme elle l'a fait en 2001 et en 2000,
financera une partie du coût des 35 heures.
Toutefois, ce n'est pas pour moi le problème le plus grave. On peut en effet
conceptuellement estimer que, les 35 heures améliorant l'emploi - on verra dans
quelques années ce qu'il en sera effectivement - il n'est pas anormal que
l'ensemble des régimes sociaux participent à son financement. Ce qui me paraît
le plus grave, cette année, dans cette fluctuation, c'est ce que vous avez
accepté pour la CADES, la caisse d'amortissement de la dette sociale.
Pourquoi a-t-on créé la CADES ? Pour financer les dettes en s'appuyant sur
l'assiette la plus large possible et en étalant le remboursement sur une
certaine période.
Dès que les premières difficultés sont apparues, voilà quelques années, on a
prolongé la période de cotisation pour que la CADES puisse rester en
équilibre.
Et cette année, pour participer à l'équilibre du budget de l'Etat, vous
acceptez que la CADES verse au budget de l'Etat une certaine partie de ses
recettes, lui ôtant ainsi la possibilité de remplir sa fonction de
remboursement de la dette sociale !
Croyez-moi, madame la ministre, vous êtes victime d'un arbitrage que je
déplore, parce que le remboursement de la dette sociale va être difficile à
assurer alors qu'il est bien regrettable que l'on n'ait pas mis à profit les
excédents de recettes constatés depuis 1997 pour améliorer ce remboursement au
lieu de le reporter sans arrêt.
Ainsi, utiliser la CADES comme supplétif du budget de l'Etat pour éviter que
le déficit ne soit trop fort est, à mon avis, le défaut le plus grave du projet
de la loi de financement que nous avons à examiner.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Très bien !
M. Jean-Pierre Fourcade.
Madame la ministre, le texte qui nous est présenté après son passage à
l'Assemblée nationale comporte, certes, quelques dispositions intéressantes -
je pense notamment au congé de paternité, à la revalorisation des retraites et
à la création du fonds de financement des maladies professionnelles pour les
accidents du travail ; voilà trois mesures qui pourraient recueillir
l'assentiment général - mais les défauts qu'il comporte sur les quatre points
que j'ai évoqués ne peuvent que témoigner de l'irrésolution et du manque de
rigueur qui ont présidé à son élaboration.
Pour cette raison, nous voterons les amendements que nous proposera la
commission des affaires sociales, tout en réclamant de nouveau un débat
d'orientation budgétaire couvrant à la fois le budget de l'Etat et celui de la
sécurité sociale. Depuis quelques années, l'imbrication des deux lois rend, en
effet, impossible une claire appréciation des comptes et des perspectives des
deux masses financières : il s'agit de 1 600 milliards de francs pour l'Etat et
de 2 000 milliards de francs pour la sécurité sociale. Nous devons, en effet,
avoir une vision globale de l'ensemble de ces éléments, car c'est finalement
nos concitoyens qui sont appelés à payer l'ensemble des cotisations et des
impôts qui les alimentent.
Bref, madame la ministre, pour toutes ces raisons et principalement à cause de
la modification du fonctionnement de la CADES, nous ne pourrons pas donner
notre accord sur ce projet de loi de financement, qui ne corrige aucun défaut
des précédents et qui, au contraire, en ajoute un certain nombre.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et
des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Murat.
M. Bernard Murat.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, pas plus que
le précédent, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002
ne comporte de mesure de nature à infléchir les dépenses de santé, à garantir
l'avenir des retraites ni même à assurer le financement des 35 heures.
Pas plus que le précédent, il ne renonce à un solide optimisme sur la
croissance économique, à l'espoir que les dépenses d'assurance maladie finiront
par décélérer et à la facilité de « faire les fonds de tiroir » pour présenter
des comptes du régime général en équilibre. Après nous, le déluge !
Les chiffres avancés par le Gouvernement n'ont jamais été si différents de la
réalité : cela provient de l'omission de l'exercice 1998, qui accusait un
déficit de 9,7 milliards de francs, de « l'oubli », pour l'exercice 2002, de
l'annulation de la créance sur le FOREC, soit moins 15,1 milliards de francs,
et de la non-prise en compte de l'impact des mesures du projet de loi de
financement de la sécurité sociale pour 2002 sur les résultats du régime
général tant de 2001 que de 2002.
Avec des chiffres irréalistes, manipulés, triturés, il n'y a plus de débat
possible. Permettez-moi, madame le ministre, de ne pas partager votre optimiste
ni l'autosatisfaction que manifeste le Gouvernement alors même que l'obscurité
des comptes de la sécurité sociale reste totale, comme l'a magistralement
démontré notre excellent rapporteur, Alain Vasselle.
Les mesures disparates et extraordinairement complexes de vos lois de
financement de la sécurité sociale font illusion, mais les différentes branches
sont proches du dépôt de bilan.
Je n'insisterai pas sur le caractère précaire de l'équilibre financier de la
branche vieillesse, qu'a démontré Dominique Leclerc, ni sur l'absence de
maîtrise des dépenses, qui conduit très logiquement la branche maladie du
régime général à enregistrer des déficits répétés. Je ne reviendrai pas sur
l'impasse du Gouvernement sur le dossier de la réforme des retraites, qui est
toujours renvoyée au lendemain, c'est-à-dire après les échéances de 2002, alors
que le devoir des responsables politiques consiste précisément à apporter des
réponses rapides aux grandes questions que se posent les Français. Je
soulignerai simplement deux points.
A l'égard de la branche famille, le projet de loi est particulièrement
choquant puisqu'il détourne ses excédents pour le financement des retraites et
des 35 heures.
Pour la troisième année consécutive, grâce à la croissance, la branche famille
est excédentaire et, pour la seule année 2001, le solde positif s'établira à
9,2 milliards de francs. Or, au lieu de consacrer les excédents de la branche
famille à des opérations d'investissements répondant aux besoins des familles,
tout particulièrement en matière d'accueil de la petite enfance, d'aide aux
enfants handicapés et alors que nos voisins allemands prévoient l'augmentation
des allocations familiales dès le premier enfant, le Gouvernement ponctionne la
branche famille pour financer les 35 heures.
En effet, en 2000, le FOREC a accusé un déficit de 13 milliards de francs
laissé à la charge de la sécurité sociale. Pour faire disparaître cet arriéré
et présenter un bilan électoraliste, vous n'avez pas trouvé d'autre solution,
madame le ministre, que d'annuler cette dette. C'est cette créance de l'Etat
effacée qui vient plomber les comptes du régime général en 2001 et qui grève la
caisse nationale des allocations familiales d'un manque à gagner de 2,8
milliards de francs.
Madame le ministre, quels que soient les artifices du Gouvernement, les
contribuables finiront toujours par payer, au bout du compte, cette politique
de gribouille.
Ce n'est pas tout. Si à cela on ajoute le transfert de charges du fonds de
solidarité vieillesse vers la CNAF, qui n'a fait l'objet d'aucune négociation
lors de la Conférence de la famille de juin dernier et qui génère un
prélèvement de 3 milliards de francs, mais aussi une nouvelle ponction sur la
branche famille de quelque 5 milliards de francs pour abonder le fonds de
réserve des retraites, on s'aperçoit qu'il s'agit d'une véritable démarche de
déviation de fonds discrétionnaire, sur laquelle il faudra bien dans quelques
mois vous expliquer.
Que dire également de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire ?
Fin août, le Gouvernement a annoncé que l'allocation de rentrée scolaire, ARS,
serait définitivement fixée à 1 600 francs et que la totalité du débours
correspondant - 9 milliards de francs - passerait à la charge de la branche
famille. Par ce tour de passe-passe budgétaire, celle-ci perdra environ 5
milliards de francs de ressources. En apparence, il n'y aurait rien de
véritablement choquant dans cette mesure si la partie financière de cette
décision ne faisait, en réalité, qu'ajouter une ponction supplémentaire aux
importants détournements de fonds dont la CNAF a déjà fait l'objet depuis trois
ans. Cette décision, qui s'inscrit, hélas, dans le droit-fil de ce qui fait
office de politique familiale en France, ne consiste qu'à détourner l'argent de
la branche famille pour financer les autres dépenses sociales.
Outre qu'il contrevient au principe de séparation des branches, le
Gouvernement dénature sciemment le rôle de la branche famille, qui est de
financer des mesures en direction des ménages avec enfants, comme l'a rappelé
tout récemment le chef de l'Etat. Comme le Gouvernement ne donne, d'autre part,
aucune souplesse aux collectivités territoriales pour dynamiser leur politique
familiale et lutter face au fort écart de fécondité qui existe entre les
régions, les familles sont doublement lésées. Dans ma ville de
Brive-la-Gaillarde, j'ai institué un dispositif d'aides pour ces familles qui
entrera en vigueur le 1er janvier 2002.
Je ne vous rappellerai pas, madame le ministre, que la première mesure du
Gouvernement en la matière a été de pénaliser 500 000 familles par la réduction
des aides : mise sous condition de ressources des allocations familiales, puis
plafonnement du quotient familial, diminution de l'AGED, l'allocation de garde
d'enfant à domicile.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Eh oui !
M. Bernard Murat.
La politique familiale du Gouvernement, madame le ministre, n'aide pas les
couples à avoir le nombre d'enfants qu'ils désirent.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Elle pénalise les familles nombreuses !
M. Bernard Murat.
Alors que la qualité de vie des familles de trois enfants ne cesse de se
dégrader, il ne faut pas perdre de vue que les familles nombreuses sont les
consommateurs d'aujourd'hui et leurs enfants, les cotisants de demain.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Très bien !
M. Bernard Murat.
Les familles attendent mieux. Les familles méritent mieux. Mieux que les deux
mesures inscrites dans votre projet de loi, relatives l'une à la mise en place
d'un congé de paternité, qui est effectivement une avancée, l'autre au nouveau
fonds d'investissement pour les crèches.
La première mesure, particulièrement emblématique du renforcement du rôle du
père, sera malheureusement source d'inégalités. Alors que certains verront leur
traitement intégralement maintenu, les salariés ne percevront que 80,2 % du
leur, dans la limite du plafond de la sécurité sociale : ce sera à l'entreprise
de contribuer, si elle le veut et si elle le peut, à la politique familiale.
Quant aux non-salariés, leur indemnité journalière sera fixée forfaitairement à
un soixantième du plafond.
Pour ce qui est du nouveau fonds d'investissement pour les crèches, il est
regrettable que la politique du Gouvernement ne prenne en compte que les modes
de garde collectifs. Outre que la multiplication des fonds de ce genre rend les
finances publiques opaques, son utilisation dépend des possibilités des
collectivités locales et des associations, qui devront prendre en charge les
coûts de fonctionnement des nouvelles crèches.
Une politique équilibrée en matière d'accueil des enfants doit promouvoir
aussi les modes de garde individuels, qui offrent plus de souplesse et sont
mieux adaptés au milieu rural, notamment. Seulement 9 % des enfants de moins de
trois ans sont accueillis en crèche. Pour répondre aux besoins des familles, il
demeure donc indispensable de renforcer l'aide à la garde individuelle des
enfants.
Les deux mesures qui nous sont proposées aujourd'hui ne sont pas suffisantes
pour considérer qu'est mise en place une vraie politique familiale, permettant
de concilier vie professionnelle et vie familiale. Les familles ont besoin d'un
véritable signe. Pourquoi ne pas le leur donner à l'occasion de ce débat au
Sénat, madame le ministre, en suivant les propositions de la commission ?
La prolongation des allocations familiales jusqu'à vingt-deux ans, le
versement des allocations familiales dès le premier enfant et une
ravalorisation des prestations familiales supérieure à l'inflation auraient
aussi pu être envisagés. Ne pas s'engager dans cette voie est d'autant plus
injuste pour les familles que des moyens existent et que le renouveau
démographique amorcé depuis 1995 appelle un accompagnement.
Madame le ministre, votre politique familiale est d'une tiédeur qui illustre
bien la différence philosophique entre les socialistes et nous, qui voyons en
la famille à la fois le creuset et l'un des piliers majeurs de notre
société.
En tant que président de la fédération hospitalière du Centre et président du
conseil d'administration du centre hospitalier de Brive, je souhaiterais
m'attarder quelques instants sur la situation préoccupante des établissements
de santé, qu'ils soient publics ou privés.
L'hôpital, nous le savons, est gravement menacé : insuffisance de personnel
soignant ou non-soignant, surcharge de travail, en un mot diminution du service
au public, augmentation des risques, en particulier, opératoires et
post-opératoires.
L'hôpital public doit passer aux 35 heures le 1er janvier 2002 sans que les
moyens nécessaires à cette mutation aient été dégagés. Le Gouvernement a choisi
de créer 45 000 emplois spécifiques en quatre ans, financés par l'assurance
maladie, et non par l'Etat, pour compenser la réduction du temps de travail.
Mais comment pourront s'effectuer ces recrutement massifs, alors même qu'un
grand nombre de postes sont aujourd'hui vacants et ne seront pas pourvus au 1er
janvier 2002 ? Comment les directeurs, les chefs de service, les surveillants
vont-ils gérer cette pénurie le 1er janvier 2002 ?
Je voudrais évoquer à cet égard, à titre d'exemple, ce qui se passe dans un
département comme la Corrèze, et plus précisément à Brive-la-Gaillarde, ville
dont je suis le maire et où le manque de moyens est avéré : même dans le cadre
des 39 heures, l'hôpital de Brive est en déficit de quatre-vingt-six postes.
Alors même que le Sénat ne s'est pas prononcé sur les dispositions en
question, le chiffre des dotations en emplois pour le Limousin est connu : il
s'agirait de 770 postes sur trois ans, dont 140 pour 2002. Sachant que le seul
CHU de Limoges a demandé 450 emplois pour le passage aux 35 heures, que
restera-t-il, madame le ministre, aux autres établissements pour remplir leur
devoir de service au public dans des conditions normales de travail pour les
personnels, qui sont astreints à des cadences infernales, d'où un taux
d'absentéisme endémique ?
J'ajoute, madame le ministre, que je vous ai écrit, en tant que président du
conseil d'administration, le 20 avril et le 31 août derniers, pour vous
entretenir de nos difficultés et vous demander un rendez-vous. N'ayant toujours
pas, à ce jour, reçu de réponse, je me permets de vous interpeller ce soir.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
J'accorderai un rendez-vous à
M. Nauche.
M. Bernard Murat.
A moins que le conseil d'administration de l'hôpital de Brive, que je
représente, doive considérer les annonces diverses et variées de votre
ministère, par voie de presse locale, au député socialiste de la
circonscription - M. Nauche, justement - comme une réponse à mes courriers.
Vous avouerez que c'est une étrange pratique de la démocratie républicaine.
Etant particulièrement attaché à la spécificité française du choix entre
public et privé, je voudrais maintenant revenir sur les cliniques privées, à un
moment où l'avenir de beaucoup d'entre elles paraît pour le moins incertain.
Pour mettre fin à la grève des cliniques privées, vous avez, madame le
ministre, débloqué 1,7 milliard de francs sur deux ans, portant l'enveloppe qui
leur était destinée à 3,1 milliards de francs. Elles avaient réclamé 6
milliards de francs pour assurer leur avenir et rémunérer, à travail et
horaires égaux, leurs infirmières au même niveau que celles du public.
Mon collègue Georges Mouly et moi-même avons rencontré des infirmières et
elles nous ont expliqué qu'en Limousin, où l'on compte onze établissements
privés, employant 1 301 salariés et 282 médecins, le salaire du personnel de ce
secteur était de 30 % inférieur à celui du secteur public...
M. Robert Bret.
A qui la faute ?
M. Bernard Murat.
... et que l'on assiste à une fuite du personnel vers le public, compte tenu
de salaires plus attractifs : cela a concerné environ 10 % des infirmières l'an
passé.
Si ce phénomène de vases communicants devait perdurer, ce serait une
catastrophe pour les patients, en particulier en chirurgie et en maternité.
Savez-vous, madame le ministre, que ces onze établissements sont, cette année,
tous déficitaires ? Les dispositions prises ne répondront donc certainement pas
aux besoins exprimés.
Surtout, se pose la question de la redistribution des crédits alloués.
En effet, au sein de l'hospitalisation privée, il existe des disparités
régionales importantes, et le Limousin est une région tout à fait sous-dotée.
Ces écarts considérables, appellent une prise en compte beaucoup plus radicale
et rapide de la règle du rééquilibrage des ressources entre les différentes
régions. La sous-dotation du Limousin, proche de 33 millions de francs,
représente simplement 0,47 % de la dotation des cliniques privées
d'Ile-de-France, région la plus surdotée.
Comptez-vous aller plus avant dans la correction des inégalités
interrégionales et intrarégionales, madame le ministre ?
Si j'ai volontairement pris des exemples locaux et concrets, c'est pour mettre
en regard de votre autosatisfaction les réalités du terrain et les difficultés
concrètes rencontrées par les Français qui souffrent comme par ceux qui les
soignent.
Je vous le dis solennellement ce soir, notre système de santé a besoin d'une
grande loi d'orientation. Aucune économie ne pourra être réalisée sur le volume
et la technicité des soins. Si nous ne prenons pas, tous ensemble, ce problème
à bras-le-corps, c'est tout le système qui explosera.
Madame le ministre, ne sous-estimez pas le malaise des professionnels de la
santé, médecins et dentistes, qui ont d'ailleurs été profondément blessés par
les propos de M. le secrétaire d'Etat à la santé, infirmiers, surveillants,
formateurs, en soins infirmiers, étudiants. Tous aspirent à plus d'attention,
de concertation, de reconnaissance.
Cette reconnaissance passe par la suppression préalable du dispositif des
lettres-clés flottantes, faute de laquelle vous ne pourrez restaurer un
dialogue de qualité.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Très bien !
M. Bernard Murat.
Toutes les professions de santé sont concernées. Toutes attendent cette
reconnaissance de l'Etat.
La profession des formateurs en soins infirmiers, pour ne prendre que cet
exemple, est « sur le pied de guerre », au moment où elle doit faire face au
surcroît de travail et de responsabilité occasionné par la multiplication des
places supplémentaires d'élèves aides-soignantes. Leur malaise est profond et
symptomatique de l'inquiétude quant à l'avenir du système de santé à la
française.
Aucune réforme efficace ne pourra être menée sans le dialogue et le respect
des personnels de santé, qui acceptent la responsabilisation individuelle,
l'évaluation, la formation continue, mais certainement pas les sanctions
collectives car celles-ci, en contingentant les soins, pénalisent le plein
exercice de leurs compétences, lesquelles sont au service exclusif de la santé
publique, facteur de bonheur et d'équilibre économique.
Je le redis avec force : la France a impérativement besoin d'une grande loi
d'orientation relative à la santé publique, qui rendrait plus lisible le budget
que vous nous présentez.
Madame le ministre, le premier secrétaire du parti socialiste a déclaré hier,
lors de la présentation du bilan de votre gouvernement : « Nous traversons une
période difficile, et ce qui est exigé des politiques, c'est d'être sérieux. Il
faut de la crédibilité et de la fermeté d'âme. » Non seulement votre projet de
loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 n'est pas crédible mais il
manque étrangement de fermeté d'âme, autant que de sincérité budgétaire.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants,
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme Bocandé.
Mme Annick Bocandé.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne
reviendrai pas sur les analyses chiffrées de ce projet de loi de financement de
la sécurité sociale pour 2002. Nos rapporteurs, MM. Vasselle, Lorrain, Leclerc
et Joyandet, ainsi que le président de la commission, M. About, l'ont fait avec
beaucoup de précision. Je tiens à les remercier de la qualité de leur travail.
Le groupe de l'Union centriste et moi-même souscrivons tout à fait à leurs
critiques et à leurs propositions.
Cependant, j'insisterai sur plusieurs éléments fondamentaux de notre politique
de protection sociale : système de santé publique, politique familiale et
retraites.
Des professionnels libéraux désabusés, des hôpitaux en déficit et des
cliniques privées récemment en grève : en cette fin d'année, notre système de
santé connaît une crise profonde, que nous annonçons malheureusement, au Sénat,
depuis plusieurs années.
L'échec de notre système de santé, c'est aussi l'échec de l'ONDAM. Le vote
d'un objectif « rebasé » en cours d'année n'a plus aucune signification. Il
suffit de constater le montant du dépassement depuis 1998 : plus de 54
milliards de francs !
Dans ces conditions, l'ensemble de la procédure d'examen du projet de loi de
financement devrait être revu et amélioré.
C'est le sens des demandes réitérées de notre commission des affaires sociales
- et encore aujourd'hui par M. About - en faveur de la mise en place de lois de
financement rectificatives.
L'organisation, au printemps, d'un débat d'orientation sur le modèle du débat
d'orientation budgétaire est une première amélioration, je vous l'accorde,
madame la ministre. Toutefois, il convient d'aller plus loin, afin de redonner
tout son sens au pouvoir de contrôle du Parlement sur une politique de
protection sociale de plus en plus complexe et évolutive.
Que faire face aux dépassements de l'ONDAM ?
La régulation par la contrainte a indiscutablement échoué. C'est vrai dans le
secteur pharmaceutique, mais aussi dans celui de la médecine de ville, et ce
malgré la délégation à la CNAMTS de la gestion de l'objectif de dépenses par la
loi de financement de cette année.
Les sanctions, qu'elles soient collectives - notamment avec le système des
lettres-clés flottantes - ou catégorielles, entraînent des effets pervers qui
devraient inciter le Gouvernement à changer de politique. Il n'en fait rien,
apparemment, puisque votre projet de loi prévoit en particulier d'accroître la
taxation de l'industrie pharmaceutique.
Ce faisant, le Gouvernement va à l'encontre du principe d'une cogestion du
système de soins avec les professionnels. Or, sans cette cogestion, il ne peut
et ne pourra y avoir de maîtrise durable des dépenses de santé.
Il me paraît donc nécessaire de mettre en place un système reposant sur quatre
principes : une véritable concertation, une contractualisation, une réelle
évaluation et, seulement en dernier recours, lorsque cela est indispensable, la
sanction. Il s'agit d'un système évidemment plus aisé à développer à l'échelle
régionale, d'autant que les outils de la régionalisation de la politique de
santé, sous réserve qu'ils ne soient pas trop technocratiques, existent depuis
1996 avec les agences régionales d'hospitalisation, les unions régionales des
caisses d'assurance maladie, les unions régionales des médecins libéraux et les
conférences régionales de santé.
Dans ce contexte, et à condition que soient donnés des moyens suffisants aux
observatoires régionaux, une juste évaluation des besoins de la population en
matière de santé pourrait être enfin réalisée.
En outre, afin de contenir l'explosion des dépenses de santé, nous devons
donner plus d'ampleur à la politique de prévention et d'éducation à la santé.
Pour cela, nous avons besoin, au sein de l'ONDAM, d'une enveloppe spécifique
affectée à cette mission.
Je dirai maintenant quelques mots de la situation fort préoccupante des
établissements de soins publics et privés. Les problèmes des hôpitaux ne sont
pas nouveaux : inadéquation des moyens par rapport à la demande et gros
problèmes de personnel.
En outre, le passage aux 35 heures à partir du 1er janvier 2002 n'est pris en
compte que partiellement par ce projet de loi de financement. On peut
regretter, à cet égard, madame la ministre, que les mises en garde, notamment
de notre assemblée, sur la difficulté à concilier financement des 35 heures et
évolution raisonnable des dépenses de santé, n'aient pas été entendues par
votre Gouvernement, ce qui vous conduit aujourd'hui à opérer des ponctions
hasardeuses et opaques pour tenter d'équilibrer des budgets.
Nonobstant la rallonge de 3,9 milliards de francs annoncée récemment par le
Gouvernement, la part de l'augmentation de l'ONDAM réservée aux hôpitaux
n'augmente dans le projet de loi de financement que de 4,8 % en 2002. Or, afin
de tenir compte du seul passage aux 35 heures, l'augmentation devrait être deux
fois supérieure d'après les responsables des établissements hospitaliers. On en
est encore loin et l'année prochaine risque d'être particulièrement douloureuse
pour ces établissements !
Sur ce dossier, le Gouvernement se garde de prendre des mesures structurelles.
Il se contente de décisions de circonstances. Or, une politique alternative est
possible : elle passe par la mise en place d'un véritable système
d'accréditation des hôpitaux et par une relance d'une régulation contractuelle
des dépenses hospitalières.
Concernant les cliniques, l'année dernière, la commission avait très justement
regretté le niveau très modeste du fonds de modernisation qui leur était
réservé : 150 millions de francs ! Malheureusement, nous faisons le même
constat cette année.
Chacun connaît la situation très précaire du secteur privé : 60 % des
cliniques sont déficitaires.
La conjugaison d'une enveloppe moins importante que celle de l'hôpital public
et du passage aux 35 heures les a fortement fragilisées. Les cliniques
souffrent par ailleurs de pénuries de personnel importantes du fait de la
faiblesse relative des salaires par rapport aux hôpitaux.
M. Roland Muzeau.
Il n'y a qu'à les augmenter !
Mme Annick Bocandé.
Nous prenons acte, évidemment, de la rallonge pour 2001 et 2002 de 1,7
milliard de francs, tout en doutant, là aussi, de l'efficacité de ce genre de
mesures, ponctuelles et sans lendemain.
Venons-en à la branche famille.
Comme le note très justement le rapport de la commission, sur la période
1998-1999, du fait de la sous-indexation des prestations par rapport à la
richesse nationale, les familles ont été privées de 31 milliards de francs de
pouvoir d'achat. Parallèlement, les excédents de la caisse famille sont
régulièrement ponctionnés. Le principe de la séparation des branches est remis
en cause de façon systématique, là comme ailleurs, et sans aucune concertation
vis-à-vis des responsables de la CNAF et des partenaires sociaux.
En 2000 et 2001, ce sont plus de 13 milliards de francs d'excédents qui ont
déjà été détournés de la branche famille au profit notamment du FOREC et du
financement des 35 heures. En 2002, ce sont près de 14 milliards de francs qui
vont être amputés à la branche famille.
Je déplore que le Gouvernement ne développe pas plutôt une réelle politique
familiale, qui est indispensable pour l'avenir de notre pays.
Il serait utile, par exemple, d'améliorer les dispositifs permettant une
meilleure conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle. Il
faudrait aussi adapter plus rapidement les prestations familiales aux
évolutions de notre société et prendre en compte le dernier enfant à charge des
familles nombreuses, comme je l'avais d'ailleurs proposé en déposant un
amendement qui avait été adopté par notre assemblée lors de la discussion du
projet de loi de financement pour 2001, et qui est représenté cette année.
Plus généralement, il serait nécessaire de simplifier le système d'aides, qui
compte actuellement vingt-trois prestations et quelque 15 000 références
familiales difficilement gérables et explicables aux bénéficiaires.
Dans cet esprit, comme le propose très justement notre commission, il serait
bon que la Caisse nationale d'allocations familiales puisse faire chaque année,
avant le 15 juillet, des propositions de réforme de prestations familiales en
rapport avec la capacité financière de la branche, ces propositions étant
transmises au Gouvernement et au Parlement.
M. Serge Franchis.
C'est une bonne idée !
Mme Annick Bocandé.
Enfin, concernant les retraites, je regrette que rien de réellement concret ne
soit proposé alors que les Français attendent une réforme en profondeur dans la
transparence et l'équité.
Par ailleurs, l'annonce récente par le Gouvernement d'une réduction sensible
du prix de vente des licences UMTS compromet durablement l'équilibre du fonds
de réserve.
On voit mal comment on pourra atteindre les 1 000 milliards de francs annoncés
pour 2020. Or nous savons tous que les problèmes vont commencer à se poser à
partir de 2005. L'heure des choix ne pourra donc pas être indéfiniment
reculée.
Au fond, le problème est non pas de savoir s'il faut plus ou moins dépenser,
mais comment dépenser pour renforcer la qualité des soins et garantir une
meilleure couverture sociale à nos concitoyens. A cet égard, il nous appartient
de fixer des priorités, priorités que vraisemblablement, madame la ministre,
nous ne partageons pas avec votre gouvernement.
Pour l'ensemble de ces raisons, vous ne serez pas surprise, madame la
ministre, que le groupe de l'Union centriste ait décidé de soutenir les
propositions de la commission des affaires sociales et de rejeter, comme la
plupart des partenaires sociaux, le texte tel que vous nous le présentez.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme chaque
année, d'ailleurs à la même époque, le Sénat est saisi du projet de loi de
financement de la sécurité sociale. Depuis cet après-midi, s'ouvre donc un
débat d'autant plus important que les masses financières en jeu sont énormes -
elles s'élèvent à plus de 2 000 milliards de francs pour 2002, soit plus que le
budget de l'Etat - et que des questions essentielles sont abordées.
La protection contre les risques maladie, vieillesse, accidents du travail
ainsi que la politique familiale touchent le quotidien de nos concitoyens et
contribuent, par conséquent, à cimenter la cohésion de notre société.
Paradoxalement, le législateur dispose, dans le domaine de la protection
sociale, de trop peu de marges de manoeuvre. Alors même que les choix faits
concernent les besoins fondamentaux des Français, notamment en matière de
santé, le débat pourtant nécessaire demeure, cette année encore, tronqué,
limité à la validation d'objectifs de recettes et de dépenses, d'enveloppes
prédéfinies.
Cette année, le débat s'ouvre dans un contexte particulier. Le départ du MEDEF
des caisses de sécurité sociale nous amène à nous interroger sur la
démocratisation de la gestion de ces dernières et sur le partage des
responsabilités des acteurs.
Le MEDEF pratique la politique de la terre brûlée.
Son entrée en politique n'en devient que plus explicite. La pétition des
cinquante-six grands patrons français contre la loi de modernisation sociale
avait ouvert la voie.
Cette année, le débat s'ouvre alors que la situation catastrophique des
hôpitaux marque tous les Français et, plus particulièrement, les personnels des
hôpitaux.
M. Bernard Murat.
Très bien !
M. Guy Fischer.
Nous demandons toujours l'organisation d'un grand débat au Parlement
permettant, en amont du projet de loi de financement de la sécurité sociale,
d'arrêter les orientations de la politique de santé publique.
Partir des besoins sociaux à satisfaire est la seule voie efficace pour rompre
réellement avec la démarche autoritaire et la logique de maîtrise exclusivement
comptable des dépenses engagées par le plan Juppé, cher à nos collègues de
droite.
(M. Godefroy s'exclame.)
MM. Alain Gournac et Bernard Murat.
Très bien !
M. Guy Fischer.
Dans ses propos introductifs devant la Commission nationale de la santé, M.
Kouchner a insisté sur la nécessaire démocratie sanitaire, « véritable moteur
d'une politique de santé où chacun serait acteur ».
Le projet de loi relatif aux droits des malades et à la qualité du système de
santé, adopté en première lecture par l'Assemblée nationale, apporte un début
de réponse. Désormais, chaque année, sur la base d'un rapport du Gouvernement,
députés et sénateurs devraient débattre, pas simplement de manière comptable,
des problèmes de santé.
Si nous souhaitons associer pleinement les Français et inverser la démarche en
partant des besoins, il est impératif que les parlementaires disposent du
pouvoir d'amender les exigences de santé qui doivent être définies en se
référant au travail de la conférence nationale de la santé, lieu d'échange
entre les professionnels de la santé et les usagers. Nous attendons une
évolution sur ce point, madame la ministre.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 étant le
dernier de la législature, un minibilan s'impose.
On ne peut pas dire que le Gouvernement ait réussi à changer d'approche en
matière de financement de la protection sociale. A ce propos, je regrette
vivement que les tentatives de rééquilibrage de son financement, qui pèse
fortement sur les revenus du travail, n'aient pas pu se concrétiser,
s'amplifier.
A nos propositions destinées à asseoir durablement les ressources de la
sécurité sociale, qu'il s'agisse de la réforme de fond des cotisations
patronales modulées selon la taille de l'entreprise et sa politique de
l'emploi, de la contribution des revenus financiers des entreprises, ou de
l'augmentation du rendement de la contribution sociale sur les bénéfices, ont
été préférées la fiscalisation croissante des recettes, notamment la
substitution de la CSG aux cotisations salariales, ainsi que l'accentuation de
la politique des exonérations de cotisations patronales, dont le bilan
coût-avantage est, selon nous, très loin d'être positif pour l'emploi, mais
également pour les comptes de la protection sociale.
Incontestablement, la commission des affaires sociales est obligée d'en
convenir, les comptes sociaux se sont nettement redressés. Selon le rapport de
la Cour des comptes de septembre 2001, le régime général devrait être
excédentaire de plus de 6 milliards de francs.
Ce constat recouvre certes des réalités différentes selon les branches,
l'assurance maladie reste déficitaire et la branche accidents du travail et
maladies professionnelles est excédentaire, alors que tout le monde s'accorde à
dénoncer la sous-déclaration des accidents du travail et l'absence de
reconnaissance des maladies professionnelles. Mais une chose est sûre : ce
retour à l'équilibre mérite d'être souligné tant le gouffre laissé par les
gouvernements de droite était grand.
M. Claude Domeizel.
Oh oui !
M. Guy Fischer.
Je vous rappelle tout de même, mes chers collègues, qu'entre 1993 et 1997 le
déficit cumulé de la sécurité sociale s'élevait à 265 milliards de francs !
M. Claude Domeizel.
Incroyable !
M. Ivan Renar.
Les chiffres sont cruels !
M. Guy Fischer.
Pour l'essentiel, cette situation est à mettre au crédit du dynamisme de la
situation de l'emploi salarié et du taux de croissance soutenu, ainsi que du
maintien de la pression pour maîtriser les dépenses.
A l'instar de vos collègues députés, vous dénoncez le « hold-up » sur l'argent
de la sécurité sociale.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Tout à fait ! Les partenaires sociaux aussi !
M. Guy Fischer.
Le FOREC est mis à l'index.
Considérant que ce projet de loi souffre des mêmes faiblesses que le projet de
budget de l'Etat pour 2002, à savoir qu'il repose sur des hypothèses de
croissance trop optimistes,...
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
C'est vrai !
M. Guy Fischer.
... sur une sous-évaluation des dépenses, notamment de l'assurance
maladie,...
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
C'est aussi vrai !
M. Guy Fischer.
... la commission des affaires sociales se livre à une « opération vérité des
comptes ».
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Très bien !
M. Guy Fischer.
Mais à vouloir trop convaincre, vous convainquez peu !
Vous avez mis l'accent sur le coût du financement des 35 heures. Mais nous
avons déjà eu l'occasion de dire combien les solutions retenues pour compenser
la RTT ne nous satisfaisaient pas.
Par conséquent, je n'entends pas ici défendre les règles impliquant la
sécurité sociale dans le financement politique de l'emploi. Toutefois, je dois
préciser, même si toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire, que vous
omettez de mettre en avant le fait que le FOREC, qui existe désormais
officiellement, n'assume pas uniquement le financement des aides incitatrices
au passage aux 35 heures, mais que ces dépenses sont aussi liées à des
allégements de charges, consentis notamment au titre de la ristourne dégressive
Juppé, portée par ce Gouvernement, il est vrai, à 1,8 fois le SMIC.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Vous ne m'avez pas écouté, monsieur Fischer, je l'ai dit tout
à l'heure.
M. Guy Fischer.
Vous l'avez dit du bout des lèvres.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Non, je l'ai dit clairement.
M. Guy Fischer.
Vous avez omis de dire certaines choses !
M. le président.
Mes chers collègues, si nous voulons que le débat reste ordonné, laissez
s'exprimer l'orateur.
Veuillez poursuivre, monsieur Fischer.
M. Guy Fischer.
Les exonérations décidées par les gouvernements prédécents - de droite -
représenteront, pour 2002, 66 % de l'ensemble des charges du FOREC.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Nous ne le contestons pas !
M. Guy Fischer.
Par ailleurs, vous comprendrez, messieurs de la majorité sénatoriale, que je
ne puisse pas cautionner vos arguments tendant à démontrer que ce Gouvernement
aurait en quelque sorte dilapidé les fruits de la croissance.
Au contraire, nous lui faisons le reproche de ne pas avoir suffisamment
satisfait les diverses attentes sociales et ce, faute d'avoir pu disposer des
marges de manoeuvres suffisantes générées par la réforme promise des
cotisations sociales. Je pense en particulier à l'augmentation du niveau moyen
des remboursements, à l'indexation des pensions de retraite et des allocations
familiales sur les salaires.
Pour en terminer avec les recettes, les trois amendements de fond que nous
défendrons et qui visent à asseoir durablement le financement de la protection
sociale se justifient d'autant plus à l'occasion du débat à l'Assemblée
nationale, des moyens supplémentaires ont été dégagés en faveur de l'hôpital
public et que,
a priori
, devant le Sénat, le Gouvernement devrait
concrétiser l'accord conclu avec les cliniques privées en augmentant la
dotation du fonds de modernisation des cliniques privées.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Avec quels moyens ?
M. Guy Fischer.
Lors de la discussion des articles, nous aurons l'occasion de revenir sur les
mesures décidées en faveur des cliniques privées. Mais je me permets, dès à
présent, de vous livrer, au sujet de l'aide gouvernementale, mon sentiment,
partagé par toutes les organisations syndicales que le groupe CRC a rencontré
aujourd'hui.
M. Alain Gournac.
Ah !
M. Guy Fischer.
En quarante-huit heures, les patrons de cliniques privées ont obtenu le
déblocage de 1,7 milliard de francs pour l'exercice 2001-2002.
M. Alain Gournac.
Tiens tiens !
M. Guy Fischer.
Avec les mesures qui ont déjà été prises et qui s'élèvent à 1,4 milliard de
francs, cela porte l'effort financier à hauteur de 3,1 milliards de francs.
Outre son montant, nous nous interrogeons sur le ciblage de cette aide. Vous
avez répondu sur ce point, mais mieux vaut dire les choses plutôt deux fois
qu'une !
Madame la ministre, comment accepter, en effet, que les grands groupes cotés
en Bourse - je pense en particulier à la Compagnie générale de santé -...
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Il est le seul à être coté.
M. Guy Fischer.
... bénéficient de cette manne financière par l'intermédiaire du fonds de
modernisation qui a servi à éliminer les plus petites structures...
M. Alain Gournac.
Ah ! le grand capital !
M. Guy Fischer.
... qui, confrontées à des difficultés, n'ont pu se restructurer ?
M. Ivan Renar.
C'est un scandale !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Et toutes les cliniques privées ?
M. Guy Fischer.
Nous sommes conscients des distorsions injustes en matière de rémunération des
personnels, notamment des infirmières. Madame la ministre, quelles garanties
peuvent être apportées pour que les infirmières, les personnels de base, voient
effectivement leur situation salariale s'améliorer et que la transparence de
l'utilisation des fonds soit réelle ?
La presse s'est fait écho des engagements pris par le secteur privé de
renégocier rapidement une convention collective rehaussant le niveau plancher
de la profession.
Toutefois, permettez-nous de douter - comme les syndicats et les salariés
d'ailleurs qui, dans ce conflit, sont restés en retrait - de la propension des
patrons de cliniques à réduire les inégalités de salaires et à revoir la
répartition des bénéfices avec les salariés !
Madame la ministre, nous attendons des réponses et un positionnement clair du
Gouvernement,...
M. Alain Gournac.
Ce n'est pas clair ?
M. Guy Fischer.
... afin d'éviter toute confusion consistant à mettre sur le même plan la
situation des cliniques privées et celle des hôpitaux publics.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
C'est un soutien très critique !
M. Guy Fischer.
A l'Assemblée nationale, le débat sur ce texte s'est ouvert sur fond de grogne
des hospitaliers, et le terme est faible ! La colère gronde toujours, madame la
ministre, les hôpitaux sont au bord de l'explosion ! On ne peut continuer ainsi
!
Dans le Val-de-Marne, par exemple, un plan d'urgence a été élaboré par les
personnels. Depuis deux ans, les professionnels de santé n'ont eu de cesse de
se mobiliser pour dénoncer les conséquences des restrictions budgétaires et des
restructurations en cours, cela tout simplement pour défendre le service public
hospitalier ! Les personnels sont fatigués, usés de travailler en
sous-effectifs.
Dans de telles conditions, l'annonce par le Gouvernement de la création, sur
trois ans, de 45 000 emplois pour accompagner la RTT a d'autant moins permis de
lever les inquiétudes que l'accord minoritaire signé met à mal les garanties
contenues dans l'ordonnance de 1982, qui organise le travail dans la fonction
publique hospitalière. Majoritairement, les personnels hospitaliers et les
praticiens que nous avons rencontrés considèrent que cet accord, qui aurait dû
être un facteur d'amélioration de leurs conditions de travail et de leur vie de
famille, et de renforcement du service public, sera en fait la source d'une
plus grande flexibilité, en raison de l'annualisation du temps de travail, de
la légalisation des horaires glissants et des astreintes.
Ils ne croient pas au compte épargne temps et craignent, en définitive, que
cet accord national, sous couvert de contraintes spécifiques liées à la
continuité du service public, ne rende impossible la planification de leur vie
en dehors de l'hôpital et n'accélère les restructurations.
Les femmes représentant plus de 75 % du personnel hospitalier, vous
comprendrez, madame la ministre, notre opposition à l'article 17 de ce projet
de loi, qui abroge l'ordonnance de 1982, et notre insistance à demander la
reprise des négociations.
Grâce, notamment, à la détermination des députés communistes, qui ont fait, à
juste titre, de la question de l'hôpital public un point fort de leurs
interventions, et sous la pression des personnels, vous avez consenti, madame
la ministre, non à supprimer, comme nous le souhaitions avec de nombreux
syndicats et la Fédération hospitalière de France, la taxe sur les salaires
sans diminuer les dotations aux établissements, mais à augmenter le niveau de
l'enveloppe financière allouée à l'hôpital.
En plus de ce qui était déjà inscrit dans le projet de loi de financement de
la sécurité sociale, soit 3,3 milliards de francs au sein de l'enveloppe «
hôpital » de l'ONDAM consacrée à la création de postes, le Gouvernement engage
3,9 milliards supplémentaires, qui se décomposent de la manière suivante : 1
milliard de franc de crédits sur la dotation globale 2001 ; 1 milliard de franc
au titre du fonds de modernisation des établissements de santé en 2002 ;
l'accélération de la consommation des 900 millions de francs disponibles au
titre de ce même fonds, mais pour 2001 ; enfin, 1 milliard au titre du fonds de
modernisation des hôpitaux, qui relève, quant à lui, du budget de l'Etat.
Nous n'entendons pas prêter le flan aux remarques - aux attaques, devrais-je
dire - de la commission des affaires sociales...
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Parlez des AP-CP !
M. Guy Fischer.
... tendant à minimiser les avancées obtenues à l'Asemblée nationale.
Toutefois, nous demeurons extrêmement vigilants pour que les aides répondent
aux objectifs fixés, qu'il s'agisse tant des personnels, des besoins en
formation que des investissements nécessaires à la réhabilitation et à la mise
en conformité des bâtiments.
C'est pourquoi, aujourd'hui, nous sommes encore plus demandeurs de garanties
quant aux modalités et au calendrier de la répartition de ces moyens. Nous
tenons absolument à ce que les parlementaires soient informés, consultés, comme
devront l'être d'ailleurs l'ensemble des parties concernées.
Madame la ministre, êtes-vous en mesure de nous faire part des outils dont
vous allez user pour que les directeurs des agences régionales de
l'hospitalisation appliquent rapidement ces mesures et qu'ils s'obligent - ce
qui est nouveau, car ces derniers sont peu habitués à la concertation - à
associer les élus, les représentants des établissements, les organisations
syndicales et les usagers ?
M. Bernard Murat.
Très bien !
M. Guy Fischer.
Pour acter de l'acuité du problème de la formation, particulièrement sensible
pour les infirmières, mais valable aussi pour l'ensemble des acteurs de la
chaîne santé, et bien que nous ayons pris note de vos intentions concernant les
objectifs 2001 et 2002 du fonds de modernisation, nous proposerons d'améliorer
les conditions d'études des personnels en préfinançant les années passées à
l'école.
Enfin, pour clore provisoirement ce chapitre, n'ayant pu prendre connaissance
de l'examen hier par l'Assemblée nationale des crédits de la santé de votre
ministère, je souhaite, madame la ministre, que vous puissiez m'assurer que le
milliard de francs en question a été inscrit au titre du FIMHO, les crédits de
ce fonds devant, selon les bleus budgétaires pour 2002, passer de 500 millions
de francs à 300 millions de francs, faute d'avoir été consommés.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
D'AP !
M. Guy Fischer.
D'autres aspects de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale
méritent d'être évoqués, qu'il s'agisse de l'examen bucco-dentaire gratuit,
dont pourront bénéficier les enfants âgés de six ans à douze ans, ou de
l'extension du bénéfice, durant un an, du tiers payant pour les personnes
sorties du dispositif de la CMU.
Nous sommes toujours demandeurs d'ajustement concernant le seuil de
ressources. Les titulaires de minima sociaux - l'allocation aux adultes
handicapés ou le minimum vieillesse - doivent, eux aussi, pouvoir prétendre à
l'accès aux soins, à la prise en charge du ticket modérateur et du forfait
hospitalier, notamment. Nous ferons de nombreuses propositions en ce sens.
Parmi les amendements présentés par le Gouvernement et adoptés par les
députés, il en est un qui semble retenir toute l'attention des professionnels
de santé et des syndicats ; il a trait au renouveau du cadre conventionnel
entre les médecins et l'assurance maladie, à la maîtrise contractuelle des
dépenses médicales.
Dans un communiqué commun datant d'hier, la CGT, FO, la CGC et la CFTC ont
appelé le Gouvernement à retirer cette disposition jugée « provocatrice,
inopportune », afin de laisser toute sa place à la concertation.
M. Alain Gournac.
C'est dur !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Très bien !
M. Guy Fischer.
Madame la ministre, pouvez-vous nous éclairer sur vos intentions ? Si vous
n'entendez pas donner satisfaction à la requête formulée, le Gouvernement
peut-il, dès à présent, achever la construction du nouveau dispositif ?
Pour faire face à la progression des dépenses du poste médicament de la
branche maladie, au grand désespoir des laboratoires pharmaceutiques, le projet
de loi de financement de la sécurité sociale traduit un certain nombre de
mesures contenues dans le plan médicament.
La disposition ajoutée à l'Assemblée nationale permettant l'information
annuelle du Parlement sur la base du rapport du Comité économique des produits
de santé contribuera à rendre plus transparente la fixation des prix des
médicaments.
Concernant la branche retraite, je n'irai pas plus loin, M. Roland Muzeau
devant intervenir sur ce sujet.
Nous présenterons aussi une série d'amendements relatifs aux accidents du
travail et aux maladies professionnelles qui permettront, notamment à Mme
Marie-Claude Beaudau, de revenir sur ces problèmes. Nous profiterons également
de la discussion des articles pour avancer un certain nombre de propositions de
nature à améliorer immédiatement la protection sociale. Nous serons donc très
attentifs durant les prochaines quarante-huit heures !
(Très bien ! et
applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen,
sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Chabroux.
M. Gilbert Chabroux.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les
rapporteurs, nos collègues Alain Vasselle, Dominique Leclerc, Jean-Louis
Lorrain, Alain Joyandet, et le président de la commission des affaires
sociales, Nicolas About, n'y sont pas allés de main morte ! Ils ont dressé un
véritable réquisitoire contre la politique du Gouvernement en matière de
protection sociale.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Cela vous étonne ?
M. Gilbert Chabroux.
Non, nous ne sommes pas surpris, monsieur Vasselle ; la droite a déjà employé
les termes de « manipulation » des comptes, de « détournement » et même de «
hold up » de l'argent de la sécurité sociale pour financer les 35 heures, ainsi
que de « mise à sac » ou de « pillage » des excédents de la branche famille.
Les rapporteurs sont très négatifs : il n'y a rien dans ce projet de loi de
financement de la sécurité sociale qui trouve grâce à leurs yeux. Ils en
contestent toutes les dispositions, et d'abord les chiffres. Mais à trop
vouloir démontrer, monsieur Vasselle, vous ne ne démontrez rien, vous faites de
la démagogie !
(Exclamations sur certaines travées du RPR et des
Républicains et des Indépendants.).
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Ah non ! De la pédagogie !
M. Gilbert Chabroux.
Vous ne proposez rien, vous contestez tout !
M. Claude Domeizel.
C'est vrai !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Nous faisons ressortir la vérité et la réalité des choses
!
M. Gilbert Chabroux.
S'il est, pourtant, des chiffres incontestables, ce sont ceux des déficits
vertigineux laissés par la droite en 1997.
M. Claude Domeizel.
C'est exact !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Vous n'avez que cette réplique à la bouche, mais vous n'avez
rien d'autre à nous proposer !
M. Gilbert Chabroux.
Je sais que cela ne vous fait pas plaisir qu'on le dise, mais vous avez laissé
un déficit cumulé de 265 milliards de francs. Voilà la vérité !
M. Claude Domeizel.
Oh oui !
M. Gilbert Chabroux.
Pour l'année 1997, ce sont 34 milliards de francs, dont 14,5 milliards de
francs pour la branche famille. Le constat qui s'imposait alors, et les
Français l'ont fait, était un constat de faillite. Vous avez déposé le bilan
!
(Exclamations sur certaines travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Claude Domeizel.
Vous avez été sanctionnés !
M. Gilbert Chabroux.
La droite a la mémoire courte ! Elle est bien mal placée pour dénoncer le
projet de loi de financement qui nous est présenté. Il a fallu réparer ses
erreurs. Elle devrait maintenant plutôt se réjouir que l'équilibre des comptes
ait été retrouvé...
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Non, il n'est pas retrouvé, c'est faux !
M. Gilbert Chabroux.
... et consolidé.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
C'est faux !
M. Gilbert Chabroux.
D'ailleurs, monsieur Vasselle, n'est-ce pas une façon de reconnaître que la
situation s'est inversée que de s'interroger, comme l'ont fait pesamment les
rapporteurs, sur l'affectation des excédents, particulièrement ceux de la
branche « famille » ? De telles questions ne pouvaient évidemment pas se poser
en 1997, parce qu'il n'y avait pas d'excédent à répartir : il n'y avait que des
déficits à combler !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Et aux dépens des familles, on a retrouvé l'équilibre !
M. Gilbert Chabroux.
J'y viens.
On peut donc maintenant s'interroger : sachant que l'argent de la sécurité
sociale est l'argent de tous, est-il normal ou anormal qu'il y ait des
transferts entre branches, si ces transferts sont fondés sur la
solidarité,...
M. Alain Gournac.
Des engagements ont été pris !
M. Gilbert Chabroux.
... particulièrement celle qui doit exister entre les générations ? A
condition, bien sûr, que les besoins les plus importants de la branche
excédentaire soient d'abord satisfaits.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Ce qui n'est pas le cas !
M. Gilbert Chabroux.
Dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, les
transferts d'une partie des excédents de la branche « famille » au fonds de
solidarité vieillesse et au fonds de réserve pour les retraites n'obèrent en
rien les mesures nouvelles en faveur des familles.
Faut-il rappeler que la politique familiale bénéficiera de mesures
particulièrement importantes, avec la création d'un congé de paternité - vous
l'acceptez du bout des lèvres -...
M. Alain Gournac.
Payé pour la moitié par les entreprises !
M. Gilbert Chabroux.
... avec une nouvelle dotation de 1,5 milliard de francs en faveur de la
création d'équipements pour la petite enfance - vous l'acceptez également du
bout des lèvres - ...
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Dotation financée par la sécurité sociale !
M. Gilbert Chabroux.
... avec l'augmentation de 6 milliards de francs sur quatre ans des crédits du
fonds national d'action sociale de la CNAF, avec la majoration importante de
l'allocation de présence parentale, qui sera portée au niveau du SMIC, avec la
réforme de l'allocation de rentrée scolaire pour les familles dépassant un peu
le seuil, sans oublier la revalorisation de 2,2 % de la base mensuelle des
allocations familiales. Excusez du peu !
La politique familiale qui a été menée et, bien sûr, la croissance économique
et la confiance retrouvée ont permis une hausse sensible de la natalité, de
l'ordre de 5 % en 2000, soit la plus forte hausse enregistrée depuis vingt
ans.
M. Alain Gournac.
C'est bientôt grâce à eux !
M. Gilbert Chabroux.
L'indice de fécondité, qui atteint 1,89, place la France au premier rang en
Europe, à égalité avec l'Irlande. La droite ne pouvait pas rêver mieux, elle
qui appelait de ses voeux une politique nataliste et qui n'avait pas pu obtenir
un tel résultat, y compris avec sa loi « famille » de 1994. Mais il est vrai
que cette loi avait été financée à crédit !
M. Bernard Murat.
C'est la croissance !
M. Gilbert Chabroux.
Ainsi, la réduction du quotient familial, qui a été ramené à un niveau plus
juste, et la diminution de l'AGED n'ont pas eu les effets désastreux qui
avaient été annoncés.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Si, mais vous ne les mesurez pas !
M. Gilbert Chabroux.
Contrairement à ce que dit M. Jean-Louis Lorrain, il n'y a rien de mystérieux
dans ce renouveau des naissances. Aussi, le rapporteur me paraît bien mal
inspiré lorsqu'il déclare qu'« il peut sembler paradoxal que, disposant de
toujours moins de moyens, les familles ne soient pas découragées ». Et M.
Lorrain d'évoquer un effet « tempête », ce qui ne me semble pas
particulièrement sérieux, compte tenu de la gravité des problèmes dont nous
débattons aujourd'hui.
M. Jean-Louis Lorrain,
rapporteur.
C'est faux, je n'ai pas parlé de cela ici !
M. Gilbert Chabroux.
Non, mais vous l'avez fait en commission.
M. Jean-Louis Lorrain,
rapporteur.
Vous confondez démographie et reproduction !
M. Gilbert Chabroux.
Monsieur le président, si M. Lorrain souhaite m'interrompre, il pourra
confirmer les propos qu'il a tenus !
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur Chabroux.
M. Gilbert Chabroux.
Les familles ne sont pas découragées, monsieur Lorrain.
Lors de son audition devant la commission des affaires sociales, la présidente
de la CNAF a constaté que notre politique familiale « permet aux femmes de
travailler, d'avoir des enfants, de s'arrêter de travailler avec l'allocation
parentale d'éducation, et de reprendre le travail, de faire garder leurs
enfants avec différentes aides », ajoutant que « le système n'est donc pas si
mauvais que cela ».
Elle a considéré aussi, d'une manière plus nuancée, à propos du financement du
fonds de réserve pour les retraites, que « l'on est dans le cadre d'une
solidarité intergénérationnelle » et, plus loin, que certains « admettent qu'il
y ait une forme de contribution ».
M. Alain Gournac.
C'est pour cela que la CNAF a voté pour !
M. Gilbert Chabroux.
Mais la politique familiale peut aller encore plus loin et franchir de
nouvelles étapes.
Il serait bon, par exemple, me semble-t-il, d'étudier la possibilité
d'attribuer des allocations familiales dès le premier enfant. Cependant, et
sans remettre en cause le principe d'universalité, il conviendrait de le faire
en fixant certaines clauses restrictives - quotient familial, conditions de
ressources - comme pour l'allocation de rentrée scolaire.
Je souhaiterais aussi, comme M. Lorrain, que soit mieux pris en compte le
problème des jeunes adultes déstructurés : le temps libre des jeunes est devenu
un enjeu important.
M. Joseph Ostermann.
Ah !
M. Gilbert Chabroux.
La famille est, nous le savons bien, le cheval de bataille du Président de la
République et de la droite.
M. Bernard Murat.
C'est vrai !
M. Gilbert Chabroux.
Il y a encore des améliorations à apporter, mais mesurons bien ce que la
gauche a accompli avec une véritable politique familiale et que la droite n'a
pas pu faire !
(Exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
Il est un autre cheval de bataille : le FOREC et les 35 heures ! Nous avons
entendu les rapporteurs parler, sans l'ombre d'une nuance, de « détournement de
fonds », de « manipulation » des comptes de la sécurité sociale. Or, il se
trouve que les comptes de la sécurité sociale n'ont jamais été aussi clairs. La
Cour des comptes, elle-même, a souligné l'effort de clarification qui a été
accompli. Ainsi, la réforme des droits constatés est entrée en vigueur dans
tous les organismes, et il faut apprécier tout particulièrement la
clarification du financement du FOREC pour les années 2001 et 2002, l'ensemble
des allégements de charges financés par le FOREC étant exactement équilibré par
des recettes fiscales.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Ce n'est pas vrai !
M. Gilbert Chabroux.
Est-il nécessaire de rappeler que, sur ces allégements de charges, ceux qui
sont imputables aux 35 heures ne représentent que 34,6 milliards de francs sur
102 milliards de francs, soit environ 35 % du montant total, le reste étant à
mettre au compte de la ristourne « Juppé-Balladur » et des mesures « de Robien
» ? N'oublions pas, de surcroît, qu'il s'agit, dans tous les cas, d'allégements
de charges patronales, et que cela fait beaucoup.
La question qu'il faut se poser, monsieur Vasselle, est celle de savoir si
vous êtes pour ou contre les allégements des charges patronales. Faut-il les
supprimer ou toujours les augmenter ?
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Très juste !
M. Joseph Ostermann.
Il faut les baisser !
M. Gilbert Chabroux.
Autre thème favori de la droite, les retraites.
Considérant l'année 2002 et le projet de loi de financement de la sécurité
sociale qui nous est présenté,...
M. Alain Gournac.
Cela vous concerne !
M. Gilbert Chabroux.
... nous constatons une nette amélioration. Chers collègues, nous devrions la
constater ensemble.
La branche vieillesse sera excédentaire d'un milliard d'euros alors qu'elle
était en déficit en 1997. M. Leclerc, rapporteur, s'est livré à des
démonstrations fumeuses pour prouver que, en 1997, le déficit n'était pas au
niveau indiqué. Moi, je relève qu'il a été constaté à ce niveau-là et que, pour
2002, en tout cas, nous aurons un excédent et que la situation de la branche «
vieillesse » sera saine.
Les retraites de base du régime général seront revalorisées de 2,2 % au 1er
janvier 2002, ce qui permettra une nouvelle progression de 0,3 % du pouvoir
d'achat. Entre 1997 et 2002, les retraités auront gagné 1,4 % de pouvoir
d'achat, et même 1,9 % pour ceux d'entre eux qui ne sont pas imposables.
Contrairement à ce qu'a dit M. Dominique Leclerc, rapporteur pour l'assurance
vieillesse, je ne vois pas en quoi cette revalorisation pourrait nuire
profondément à la lisibilité de l'action publique. Au contraire, il me semble
qu'il est juste, équitable que les retraités bénéficient aussi des fruits de la
croissance.
Il faut également apprécier qu'un dispositif soit mis en place pour garantir
aux chômeurs les plus démunis, âgés de moins de soixante ans et ayant cotisé
quarante ans, un revenu mensuel équivalant à une retraite comprise entre 5 000
francs et 5 750 francs, sans tenir compte des ressources du conjoint.
N'oublions pas que certains ont commencé à travailler dès l'âge de quatorze
ans dans des conditions difficiles. Je ne comprends pas que la droite veuille
supprimer ce dispositif.
Pour le plus long terme, il faut se réjouir de la montée en charge du fonds de
réserve pour les retraites, qui disposera déjà de 82,5 milliards de francs à la
fin de l'année 2002. La présidente du conseil d'orientation pour les retraites
a fait observer, lors de son audition par la commission des affaires sociales,
que l'objectif de 1 000 milliards de francs en 2020 n'avait rien d'irréaliste,
puisqu'il correspond à un effort moyen d'une trentaine de milliards de francs
par an.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Trente-cinq milliards de francs !
M. Gilbert Chabroux.
C'est bien ce que je dis, et ce que la présidente du COR annonce n'est pas
irréaliste. Certes, cela ne résoudra pas tous les problèmes qui se posent en
matière de retraites. On peut, en particulier, s'interroger sur le taux
d'emploi des plus de cinquante-cinq ans, qui est le plus bas de l'Union
européenne.
Reste que le fonds de réserve pour les retraites doit contribuer à préserver
le système de répartition contre le système de capitalisation voulu par la
droite. Comment peut-on encore parler de retraite par capitalisation et de
fonds de pension à l'anglo-saxonne lorsque l'on observe les fluctuations de la
Bourse ?
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Vous pouvez en parler !
M. Bernard Murat.
Et la fonction publique ?
M. Gilbert Chabroux.
Selon l'enquête exclusive réalisée, il y a quelques semaines, par le journal
Le Monde
,...
M. Alain Gournac.
N'importe quoi !
M. Gilbert Chabroux.
... enquête portant sur 1 730 000 personnes dans quarante entreprises, le
patrimoine moyen d'un salarié actionnaire a fondu de 40 % depuis le début de
l'année. La droite, qui n'a cessé de dénoncer l'imprévoyance du Gouvernement et
de prôner la mise en place de fonds de pension, devrait y réfléchir.
De même, elle devrait faire preuve de plus d'objectivité sur la branche «
maladie ».
Certes, des questions se posent, mais il ne faut pas tout rejeter en bloc : la
France, tout de même, a été classée premier pays au monde pour son système de
santé par l'Organisation mondiale de la santé. Il faut donc sortir d'une
appréciation purement comptable, monsieur Vasselle.
D'ailleurs, sur ce point, et uniquement sur ce point, je suis d'accord avec M.
About pour dire qu'il n'y a pas que les chiffres qui comptent, monsieur
Vasselle, vous n'avez parlé que de chiffres !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Je suis chargé des équilibres financiers !
M. Gilbert Chabroux.
Vous embrouillez tout le monde, alors que l'on devrait y voir parfaitement
clair. Vous ne voyez pas les déficits que vous avez créés ; mais vous en voyez
là où il n'y en a pas !
M. Alain Vasselle.
rapporteur.
Avez-vous maîtrisé le déficit de la branche maladie ? Non !
Alors, ne venez pas nous donner de leçons ! La branche maladie reste
structurellement déficitaire.
M. Robert Bret.
Quelle mauvaise foi !
M. Gilbert Chabroux.
Je vous demande de revoir vos démonstrations, qui n'ont vraiment rien de
probant.
Il y a eu, c'est vrai, les années précédentes et cette année encore, un
dépassement de l'ONDAM.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
C'est vrai !
M. Gilbert Chabroux.
Il a été nécessaire de le « rebaser » pour partir des dépenses réelles de
l'exercice précédent.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
C'est un aveu d'échec !
M. Gilbert Chabroux.
L'ONDAM « rebasé » sera de 3,9 % pour 2002. Vous dites qu'il faut le
supprimer, mais il faut bien un objectif pour que l'on essaie de s'en
rapprocher le plus possible. Et, s'il y a dépassement, cela ne signifie pas
pour autant qu'il y a dégradation.
Si l'on regarde la progression des dépenses d'assurance maladie sur une
moyenne période - quatre ou cinq ans -, on constate qu'elle n'a pas été plus
forte que celle de la richesse nationale ; et il faut bien tenir compte, comme
l'a souligné M. Joyandet, du vieillissement, des progrès de la médecine, du
coût des nouvelles molécules pour traiter certaines maladies.
L'activité des hôpitaux s'accroît de 2 % chaque année.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Alors, fixez des objectifs réalistes !
M. Gilbert Chabroux.
S'agissant des dépenses hospitalières, les protocoles signés par le ministère
de l'emploi et de la solidarité en mars 2000 et en mars 2001 avaient
nécessairement pour conséquence des dépassements de l'objectif. Qui voudrait
aujourd'hui remettre en cause ces protocoles ? Il faut répondre clairement !
Les problèmes concernent beaucoup plus les soins de ville : il faut
reconnaître que la « délégation de gestion » confiée à la Caisse nationale
d'assurance maladie pour les dépenses de ville n'a pas donné les résultats
escomptés. C'est un constat de la Cour des comptes !
Il faut sans aucun doute un autre mécanisme de régulation ; et à ce sujet,
madame la ministre, nous portons une attention toute particulière aux
propositions que vous avez présentées, notamment celle d'engagements
conventionnels dans un cadre pluriannuel pour redonner toute sa valeur au
contrat qui doit lier les professionnels de santé aux caisses d'assurance
maladie. Nous souhaitons vivement que les négociations engagées sur ce «
nouveau contrat » puissent déboucher prochainement sur un accord.
Il faut aussi s'interroger sur la part du médicament dans les dépenses de
santé et sur l'augmentation de 7,7 % des dépenses pharmaceutiques en 2001.
C'est tout à fait excessif ! L'essentiel du dépassement de l'ONDAM provient de
ces dépenses. Les ventes de produits génériques ne représentent que 3,1 % des
ventes de médicaments. Nous sommes très loin des autres pays ! Comment
comprendre et accepter que la situation soit aussi variable d'un département à
l'autre, l'écart pouvant aller de un à trois, et même d'une officine à l'autre,
avec un écart qui va de 3 % à 87 % ? Il est bon d'inciter les médecins à
prescrire en dénomination commune internationale, mais cela n'est pas suffisant
: il faut pouvoir changer les comportements en faisant davantage appel à la
citoyenneté.
En revanche, nous considérons que des dépenses supplémentaires sont
nécessaires pour mieux rembourser les soins dentaires. Nous pensons en
particulier aux soins les plus lourds, qui sont très mal pris en charge et
facturés très cher. Il faudrait une tarification de référence de ces actes,
telles les prothèses dentaires, alors qu'aujourd'hui règne une liberté des prix
quasi totale. La part des honoraires avec dépassement, qui atteint 50 % du
total de la dépense, est supportée à 31 % par les seuls ménages.
L'Assemblée nationale a voté des dispositions rendant les examens
bucco-dentaires obligatoires pour les enfants à l'âge de six ans et de douze
ans ; ces examens seront entièrement pris en charge par les caisses d'assurance
maladie. C'est une avancée, importante pour la prévention, qu'il faudrait
prolonger en améliorant le remboursement des soins.
Nous nous interrogeons aussi sur l'hôpital public, même si l'ONDAM est porté à
4,8 % - à 3,6 % hors RTT -, donc en augmentation sensible par rapport à l'an
dernier, où il était de 3,3 %, et par rapport aux années précédentes.
Rappelons-nous qu'en 1997 il était de 1,15 % ! Là aussi, c'est l'héritage ;
malheureusement, les efforts accomplis n'ont pas permis de résorber entièrement
les effets de la politique de restriction enclenchée par le plan Juppé.
M. Joseph Ostermann.
Oh !
M. Gilbert Chabroux.
C'est pourtant évident !
L'investissement a pris beaucoup de retard, et les crédits pour les dépenses à
caractère médical sont insuffisants. Enfin, il faut le dire, l'hôpital est
victime de son propre succès.
Les moyens supplémentaires que vous avez annoncés à l'Assemblée nationale,
madame la ministre, sont importants : 3 milliards de francs de crédits
supplémentaires et 900 millions de francs d'accélération de crédits déjà
existants. Ce qui est important, aussi, c'est qu'une partie de ces crédits
pourra être utilisée très rapidement et permettra de répondre aux besoins les
plus urgents.
Nous insistons sur les problèmes de personnel. La dotation de 1 milliard de
francs supplémentaires au fonds de modernisation des établissements de santé,
le FMES, permettra de financer des actions de formation et de promotion
professionnelles, ce qui facilitera la montée en charge des 45 000 créations
d'emplois liées aux 35 heures. Mais est-ce suffisant ? Quel sera le rythme des
recrutements ?
Nous sommes préoccupés par les insuffisances de fonctionnement dans de
nombreux services de soins, qui doivent pourtant fonctionner 24 heures sur 24
et 365 jours par an. Il y a, je le redis, un important retard à rattraper.
Le secteur de l'hospitalisation privée ne subit pas les mêmes contraintes ni
les mêmes charges que l'hôpital public. Cependant, nous ne pouvons pas être
insensibles aux problèmes de rémunérations qui se posent pour les personnels
non médicaux, et nous apprécions l'effort réalisé par l'Etat pour une remise à
niveau, sous réserve d'une plus grande transparence de la situation des
cliniques privées.
Enfin, je ne veux pas oublier, dans ce tour d'horizon du projet de loi de
financement de la sécurité sociale pour 2002, les diverses mesures permettant
d'améliorer le dispositif actuel de réparation des accidents du travail et des
maladies professionnelles, ni les dotations au fonds d'indemnisation des
victimes de l'amiante. Nous reviendrons au cours du débat sur cette question
très importante.
La politique à l'égard des personnes handicapées, particulièrement des
autistes, bénéficie aussi de moyens supplémentaires importants.
D'une manière générale, les avancées sont nombreuses et importantes dans tous
les secteurs.
Madame la ministre, le groupe socialiste soutient totalement le projet de loi
de financement de la sécurité sociale pour 2002, qui s'inscrit dans la
continuité de la politique engagée par le Gouvernement depuis 1997 pour
consolider notre protection sociale.
Ce texte fait de la santé l'une des priorités de l'action publique, tout en
contribuant à l'amélioration des conditions de travail des personnels de santé.
Ses dispositions prolongent, en affirmant de nouveaux droits, les mesures
adoptées avec les quatre lois précédentes et dessinent des perspectives
d'avenir.
La politique de croissance et les mesures structurelles engagées depuis quatre
ans ont permis de doter la sécurité sociale d'un financement stable et durable.
Même en prenant en compte l'année 1998, comme le demande M. Vasselle dans son
rapport, on atteint un quasi-équilibre du régime général. Vous avez même fait
remarquer, monsieur le rapporteur, que, à un epsilon près, le budget de la
sécurité sociale dépassait 2 000 milliards de francs. Vous multipliez par cinq
et vous faites une règle de trois !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Il y a un écart de 6,7 milliards de francs quand on prend en
compte les mesures de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002.
Ce n'est pas moi qui parle d'équilibre, c'est Mme le ministre !
M. Gilbert Chabroux.
C'est donc un équilibre retrouvé et consolidé.
Il faut saluer la bonne gestion du Gouvernement, grâce à laquelle il a pu
financer des avancées majeures en matière de protection sociale, comme la
consolidation du régime de retraite par répartition par la création du fonds de
réserve pour les retraites ; la modernisation de la politique familiale, avec
l'instauration du congé paternel ; la mise en place d'un revenu mensuel pour
les chômeurs les plus démunis âgés de moins de soixante ans et ayant cotisé
quarante ans.
Nous approuvons tout particulièrement les financements supplémentaires
accordés à l'hôpital public, qui permettent aux professionnels de santé de
travailler dans de meilleures conditions au service des patients.
Le groupe socialiste vous apportera donc son soutien total, madame la
ministre, tout au long du débat qui va s'engager.
Nous souhaitons vivement que ce texte soit examiné avec beaucoup de lucidité,
d'objectivité et de sincérité par l'ensemble des groupes qui constituent notre
Haute Assemblée.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac.
Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers
collègues, qu'a fait le Gouvernement des fruits de la période de croissance
économique que notre pays connaît, mais qui, hélas ! faiblit actuellement ?
Qu'a-t-il fait du talent des Français et de leurs entreprises ? Oui, qu'en
a-t-il fait pour qu'à l'issue d'une telle période la sécurité sociale se trouve
dépourvue de toute réserve pour affronter une conjoncture qui s'annonce pour le
moins délicate ?
A l'examen de la présentation des recettes et des dépenses du régime de la
sécurité sociale pour 2002, il apparaît que les prévisions de recettes sont
établies à partir d'hypothèses d'évolution de la croissance économique
surestimées. Quant aux dépenses prévisionnelles de l'assurance maladie, elles
sont bien souvent sous-estimées.
Peut-on, pour les recettes, se fonder sur un taux de croissance de 2,5 %,
alors que le rythme était de 0,8 % au quatrième trimestre de 2000 et de 0,3 %
au deuxième trimestre de 2001 ? Encore était-ce avant que le monde n'ait été
secoué par les terribles attentats du 11 septembre, qui sont venus bouleverser
toutes les données.
Peut-on s'appuyer sur une augmentation de la masse salariale de 5 %, alors que
la courbe du chômage est repartie à la hausse depuis le mois d'août dernier
?
Les chiffres présentés dans le projet de loi sont donc fortement sujets à
caution.
En ce qui concerne les dépenses, les revalorisations de 1,9 % des prestations
vieillesse et de 2,1 % des prestations famille ont été établies à partir de
l'évolution prévisionnelle des prix pour 2002, avec correction de l'écart
constaté au cours de l'année 2001.
Quant à l'objectif d'un taux de progression de 3,8 % pour l'assurance maladie,
il s'avère irréaliste. En effet, les dépenses ont augmenté de 5 % pendant les
huit premiers mois de l'année, et on voit difficilement comment les prévisions
seront respectées.
Par ailleurs, vous ajoutez le financement des 35 heures dans les hôpitaux, qui
représente 45 000 emplois sur trois ans, ainsi que l'enveloppe récemment
débloquée en urgence pour venir en aide aux cliniques privées.
L'équilibre annoncé des comptes de la sécurité sociale est donc fortement
compromis par l'effet « ciseau » qui ne manquera pas de se produire entre les
recettes et les dépenses.
Or, malgré la mauvaise santé financière de la sécurité sociale, la nécessité
de trouver des recettes supplémentaires pour le FOREC, qui finance les 35
heures, a conduit le Gouvernement à prélever de nouvelles ressources sur la
branche maladie et sur la branche famille.
Lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour
2001, la majorité sénatoriale avait dénoncé un système de tuyauterie
extrêmement compliqué permettant d'organiser une ponction massive sur la
sécurité sociale. Elle avait également dénoncé l'insidieuse transformation des
lois de financement de la sécurité sociale en « lois de financement des 35
heures ».
(M. Muzeau proteste.)
Le projet de loi de financement de la sécurité
sociale pour 2002 s'inscrit dans la même logique.
Il faut rappeler que le dispositif de financement des exonérations de
cotisations patronales de sécurité sociale a été irrémédiablement bouleversé et
compromis à compter de l'année 2000, c'est-à-dire à la date d'entrée en vigueur
effective des nouveaux « allégements des 35 heures ».
En effet, jusqu'en 2000, ces exonérations étaient compensées à la sécurité
sociale par le budget de l'Etat. Le système présentait l'avantage de la
transparence et plaçait l'Etat et la sécurité sociale face à leurs
responsabilités respectives.
Entraient dans ce dispositif la réduction dégressive sur les bas salaires,
dite « ristourne Juppé », l'allégement en faveur de l'incitation à la réduction
collective du temps de travail, dite « exonération Robien », l'aide incitative
de la loi dite « Aubry I », les exonérations des cotisations d'allocations
familiales pour les salariés des exploitants agricoles et de certaines
entreprises.
Le Gouvernement a donc trouvé une solution ingénieuse : il a mis la sécurité
sociale à contribution par l'intermédiaire du FOREC. Or la direction du budget
précise dans une note du 17 février 2001 : « Le dispositif permanent d'aide à
la réduction du temps de travail ne doit pas représenter un surcoût net pour
les finances publiques. »
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Bonne référence !
M. Alain Gournac.
Aussi, le Gouvernement est allé chercher l'argent ailleurs et a commencé en
2000 à ponctionner la sécurité sociale.
Il a même innové cette année en rouvrant les comptes de l'année 2000, pourtant
déjà clos, afin d'annuler une dette du FOREC au régime général, et ce dans un
souci de transparence.
Le coût direct cumulé des 35 heures pour la sécurité sociale s'élève ainsi,
pour les années 2000 à 2002, à 85 milliards de francs. Ce sont donc 85
milliards de francs qui n'iront pas à l'amélioration de l'offre et de la
qualité des soins, qui n'iront pas au relèvement des prestations familiales,
qui n'iront pas abonder les réserves indispensables pour les retraites.
Ainsi, le Gouvernement réussit le tour de force de faire supporter aux régimes
de base de la sécurité sociale le coût de sa politique pour l'emploi, dont les
effets positifs sur la réduction du chômage restent à prouver.
La branche de la sécurité sociale sans doute la plus malmenée depuis trois ans
est la branche famille. En déficit jusqu'en 1998, elle a été victime d'une
baisse des recettes due à une croissance économique ralentie, mais également à
une politique dynamique en faveur des enfants et des familles en général.
Depuis 1999, elle a renoué avec les excédents, mais ces excédents n'ont pas
été redistribués aux familles.
Comme l'ont exposé nos différents rapporteurs, la politique du Gouvernement
pour 2002 s'inscrit dans la continuité des années précédentes : une diminution
des prestations servies aux familles afin de pouvoir réorienter les excédents
vers d'autres priorités du Gouvernement.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Bien !
M. Alain Gournac.
La politique familiale n'est donc pas une priorité pour la majorité plurielle.
Les administrateurs de la CNAF en sont d'ailleurs persuadés, monsieur Chabroux,
puisqu'ils ont « voté » massivement contre le projet de loi de financement de
la sécurité sociale pour 2002. Les associations familiales - il faut aussi les
rencontrer - sont pour leur part ulcérées de ces décisions qui privent
durablement la branche famille de moyens financiers. Elles déplorent également
le transfert de nouvelles charges : la prise en charge définitive de la
majoration d'allocation de rentrée scolaire et la majoration de pension de 10 %
pour les parents ayant élevé trois enfants et plus.
M. Bernard Murat.
Eh oui !
M. Alain Gournac.
Les deux seules mesures positives de ce texte, en dehors de leur caractère
emblématique, ne sont guère coûteuses pour le Gouvernement.
Je veux parler, d'une part, du congé parental instauré en faveur des jeunes
pères, dans la limite du plafond de la sécurité sociale, à charge pour les
entreprises de compléter si elles le souhaitent les salaires au-delà de ce
plafond, et, d'autre part, de l'abondement du fonds d'investissement pour les
places en crèche à charge - il fallait y penser ! - pour les collectivités
locales de compléter les sommes nécessaires pour ces projets aux coûts de
fonctionnement notoirement très élevés. Tous les élus locaux le savent. Ce sont
de beaux cadeaux, mais ce sont les collectivités locales qui paient !
On déplore que, une fois encore, le Gouvernement ne veuille promouvoir que les
modes de garde collectifs. Le choix d'une garde individuelle, que font
certaines familles, est totalement ignoré par le Gouvernement.
Au moment où la branche famille renoue avec des excédents, il nous paraît
important de lui rétrocéder les fonds disponibles et de mettre en oeuvre une
politique familiale innovante.
Celle-ci pourrait emprunter les pistes suivantes : le rétablissement du
plafond du quotient familial ; le rétablissement du montant de l'allocation de
garde d'enfant à domicile, l'AGED, à son niveau initial ; l'étude de la
création d'une allocation de libre choix de garde permettant aux familles de
mieux concilier vie professionnelle et vie familiale ; la mise en place d'aides
en faveur des grands enfants qui font des études, car, je le dis à nouveau ici,
cela coûte très cher ; enfin, la reconnaissance de la place des grands-parents
dans la famille.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 poursuit
malheureusement dans la même voie que les lois précédentes : fragilisation
extrême des comptes sociaux dans un contexte désormais dégradé et immobilisme
malgré la nécessité de réformer notre système de protection sociale afin de
garantir son avenir.
Je ne peux donc qu'approuver les propositions de nos rapporteurs - et je tiens
à saluer ici leur excellent travail - tendant à restituer à la sécurité sociale
l'ensemble des recettes qui lui ont été, directement ou indirectement,
confisquées afin de lui donner les marges de manoeuvres indispensables à
l'amélioration de notre protection sociale.
Enfin, je dirai à notre collègue Guy Fischer que je partage ses interrogations
car il a exprimé de réelles préoccupations.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste. - M. le rapporteur applaudit également.)
M. Roland Muzeau.
Même sûr l'introduction des cliniques en Bourse ?
M. le président.
La parole est à M. Franchis.
M. Serge Franchis.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, beaucoup de
choses ont déjà été dites à ce stade de la discussion.
Je vous ai écoutée avec attention, madame la ministre : vous ne m'avez pas
convaincu, notamment à propos des moyens dont vous disposez.
S'agissant de l'ONDAM, je voterai évidemment l'amendement de suppression
présenté par la commission des affaires sociales, car la présentation comptable
adoptée par le Gouvernement est tronquée.
Ainsi, le taux de progression annoncé cette année est de près de 5 % alors
que, à elles seules, les dépenses de soins de ville augmentent de 6,3 % et que
la croissance du poste médicament est de 7,7 %. Comme le démontre M. Vasselle,
l'augmentation globale de l'ONDAM en 2001 sera bien supérieure aux chiffres
avancés. Que dire pour 2002, ne serait-ce qu'à cause de l'incidence du passage
aux 35 heures dans la fonction publique hospitalière...
Autre thème abordé : le financement du FOREC. Nous pensions que la loi de
financement de la sécurité sociale pour 2001 avait atteint des sommets en
matière d'obscurité avec la multiplication des artifices et des mesures
rétroactives avec affectation d'excédents des années passées. Le nouveau projet
de loi bat cependant tous les records en la matière, notamment en ce qui
concerne le fonds de solidarité vieillesse et l'assurance maladie.
Ces artifices enlèvent toute réalité aux excédents affichés par le
Gouvernement, et je crois qu'une réforme des règles présidant à l'élaboration
des lois de financement est désormais nécessaire. Nous devons revenir à
l'esprit de leurs concepteurs, soucieux de rendre plus lisible le système de
protection sociale pour les Français et pour la représentation nationale.
Permettez-moi d'aborder, comme nombre de mes collègues, une autre source
d'inquiétude : les grandes difficultés que connaissent à l'heure actuelle les
établissements de soins.
Alors que les dépenses de soins s'envolent, on assiste dans notre pays à
l'émergence de nouveaux besoins, et tout d'abord de nouveaux besoins en
équipements. Ainsi, pour l'imagerie médicale, la France se situe juste devant
la Turquie avec trois IRM par million d'habitants, contre quatorze en
Allemagne. Même chose pour les soins palliatifs puisqu'un tiers seulement des
besoins sont couverts.
Quant à la radiothérapie, une récente enquête de la Caisse nationale de
l'assurance maladie des travailleurs salariés, la CNAMTS, constate que moyens
matériels et humains font défaut. L'actuelle carte sanitaire de la
radiothérapie anticancéreuse a été fixée par un arrêté ministériel du 25
février 1986 sur la base d'un ratio des besoins plus ancien encore puisqu'il
remonte à 1973 ! Or les centres de radiothérapie devront prendre en charge,
d'ici à cinq ans, 200 000 traitements par an. Ils assurent en moyenne
aujourd'hui 500 traitements par machine et par an, alors que les
recommandations admises pour garantir la qualité du traitement et le confort
des malades sont de l'ordre de 300. Il est donc urgent, et vous l'avez reconnu,
madame la ministre, que l'indice des besoins soit révisé.
S'agissant des personnels hospitaliers publics, on peut légitimement
s'interroger sur l'opportunité de réduire le temps de travail alors que des
milliers de médecins et d'infirmières supplémentaires seraient nécessaires. Si
la situation perdure, ne risque-t-elle pas d'avoir des incidences sur la
qualité et la sécurité des soins ?
Autre exemple d'insuffisance de l'actuelle politique de santé publique : la
lutte contre le cancer. La mission d'information de la commission des affaires
sociales, conduite par Claude Huriet et Lucien Neuwirth, a rendu des
conclusions qui dénoncent, là encore, le manque de moyens humains et
financiers, ainsi que des inégalités dans l'accès aux soins et une insuffisance
de l'effort de recherche. Je rappelle pour mémoire qu'une étude fait état d'une
progression de 40 % du nombre de cas annuels de cancers entre 1975 et 1995,
avec 239 000 nouveaux cas par an, et qu'elle prévoit 300 000 nouveaux cas par
an entre 2005 et 2009.
C'est là tout le paradoxe de la situation de la santé : des dépenses
d'assurance maladie qui explosent mais des priorités qui restent
insatisfaites.
Toujours en matière d'assurance maladie, je me permets, madame la ministre, de
vous interroger sur un sujet qui inquiète fortement le monde mutualiste.
L'article 4 de l'ordonnance du 19 avril 2001 portant réforme du code de la
mutualité a fixé à un an le délai au cours duquel les organismes mutualistes
doivent se mettre en conformité avec les règles de ce code. Or les
restructurations internes entreprises à cet effet par les mutuelles, en
particulier pour respecter le principe de spécialité, leur imposent des
contraintes particulièrement lourdes, qui, de surcroît, sont de nature à entrer
en conflit avec les principes statutaires qui règlent leur fonctionnement
démocratique.
C'est pourquoi les mutuelles souhaitent obtenir le report du délai qui leur
est accordé pour se conformer aux dispositions du nouveau code. Madame la
ministre, je souhaiterais connaître la position du Gouvernement sur cette
question.
Enfin, je rappellerai quelle est la situation des régimes de retraite. Comme
l'indiquait récemment le Conseil d'orientation des retraites, les dépenses de
retraite pourraient représenter près de 16 % du produit intérieur brut en 2040,
soit 4 points de plus qu'aujourd'hui. Des déséquilibres financiers
considérables sont à prévoir dans l'ensemble des régimes de retraite. Si aucune
mesure n'est prise, le besoin de financement sera d'au moins 300 milliards de
francs par an !
Avec des perspectives aussi sombres, il semble peu crédible que le fonds de
réserve des retraites puisse couvrir les déficits futurs de la branche
vieillesse, d'autant que l'annonce d'une réduction très sensible du prix de
vente des licences UMTS compromet sa montée en charge. L'objectif des 1 000
milliards de francs en 2020 semble donc plus que jamais hypothétique.
Quant aux régimes spéciaux, un voile pudique a été posé par le Gouvernement
sur leurs difficultés. Les consultations annoncées par M. Jospin avec les
syndicats sont restées lettre morte.
En somme, et ce sera ma conclusion, le projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 2002 n'est pas à même d'apporter des solutions aux deux
grands défis des prochaines années : l'augmentation du coût des technologies
médicales et les problèmes démographiques.
Une politique alternative est donc indispensable. La majorité sénatoriale y
réfléchit, avec méthode et sans
a priori
. D'ores et déjà, les
rapporteurs des commissions des affaires sociales et des finances, que je
félicite pour leur excellent travail, font certaines propositions. Je voterai
en conséquence le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002
tel qu'il sera amendé par le Sénat.
(Applaudissements sur les travées de
l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais me
faire l'écho de la déception des retraités qui ont pris connaissance du modeste
contenu du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour ce qui
concerne la branche vieillesse.
Certes, sur l'une de leurs légitimes demandes, il y a eu une avancée depuis le
précédent budget : l'allocation personnalisée d'autonomie a enfin remplacé la
trop inégalitaire prestation spécifique dépendance. Je veux le répéter ici :
même si notre groupe attendait plus de l'instauration de l'allocation
personnalisée d'autonomie, il n'en a pas moins affirmé à cette même tribune
qu'elle constituait un progrès considérable par rapport au dispositif
antérieur, en ce qui concerne tant le nombre de bénéficiaires que le niveau des
aides.
Nous ne sommes pas des contradicteurs systématiques ; bien au contraire, nous
essayons toujours d'être constructifs, comme nous avons su le démontrer à de
nombreuses reprises.
Pourtant, madame la ministre, nous sommes perplexes lorsque nous entendons
réaffirmer la nécessité d'une réforme en profondeur de notre système de
retraites, alors que se perpétue l'habitude d'apporter quelques améliorations
ou « coups de pouce » qui ne sont pas en mesure de répondre à la demande de nos
anciens.
Le pouvoir d'achat des retraites n'est toujours pas réévalué de façon
satisfaisante. Après des années de disette - le mot n'est pas trop fort -
marquées par la politique de la droite
(exclamations sur certaines travées
de l'Union centriste)
, l'augmentation de 2,2 % des pensions faisant suite
cette année à l'augmentation de 2,2 % du minimum vieillesse intervenue l'an
dernier et la suppression de la CRDS pour les retraités non imposables ne
suffisent pas.
Les retraités ayant perdu plus de 10 % de pouvoir d'achat en une dizaine
d'années, comment ne pas entendre l'une de leurs revendications essentielles :
le retour à l'indexation des pensions sur les salaires, et non sur les prix
?
Lorsque l'on sait que les titulaires du minimum contributif perçoivent
aujourd'hui 43 % du SMIC - contre 63 % en 1983 -, comment refuser d'accorder un
relèvement important de ce minimum, ainsi qu'une augmentation significative des
plus faibles pensions ?
Par ailleurs, il nous semble contradictoire de prétendre améliorer les
conditions d'emploi des personnes de plus de cinquante-cinq ans tout en
maintenant le calcul de la retraite sur la base de vingt-cinq ans, au lieu des
dix meilleures années. C'est pourquoi nous confirmons aussi notre volonté de
revenir aux trente-sept annuités et demie pour tous.
De la même façon, nous sommes fermement convaincus de la validité de notre
amendement - maintes fois déposé - dont l'objet est de permettre aux salariés
de moins de soixante ans ayant cotisé cent soixante trimestres ou plus de
partir à la retraite à taux plein, quel que soit leur âge. Nous sommes donc
profondément déçus d'avoir vu cet amendement rejeté par le Gouvernement à
l'Assemblée nationale.
Enfin, mettre à profit l'excédent de la branche famille - domaine dans lequel
il reste tant à faire - pour abonder le fonds de réserve pour les retraites
nous pose problème, vous le savez. Cette démarche n'est-elle pas pernicieuse,
ainsi que l'est, plus généralement, le mode d'alimentation, décidément trop
fragile et trop arbitraire, de ce fonds ? Ce manque d'ambition pour ce fonds de
réserve ne finira-t-il pas par justifier, voire par imposer, l'instauration
d'une retraite à deux vitesses, avec l'introduction d'un système par
capitalisation ?
Je conclurai en réaffirmant, comme vous le faites, que la clé de la pérennité
de notre système de retraites par répartition est le développement de l'emploi.
Il convient donc de s'engager plus volontairement dans une politique de
réformes fiscales, de moralisation des placements spéculatifs ainsi que de
résorption de la précarité et des bas salaires.
Pour cela, nous ne pourrons faire l'économie de traiter parallèlement le grand
débat national sur l'avenir des retraites - promis par le Premier ministre en
1997 - en même temps que la consolidation réfléchie et planifiée d'une
politique de l'emploi pérenne.
A l'occasion de ce débat, madame la ministre, les sénateurs du groupe
communiste républicain et citoyen vont donc réaffirmer leur volonté de voir le
Gouvernement s'engager dès aujourd'hui dans la vaste réflexion qu'exigent la
situation de l'emploi et le taux de remplacement des salaires, à long terme,
dans notre pays.
Nous devons également nous positionner au regard des amendements de la
commission des affaires sociales dont les membres, dans une large majorité, se
soucient bien peu, contrairement aux apparences, des besoins forts en matière
de garanties pour l'avenir de notre système de retraite.
Mesdames, messieurs de la droite sénatoriale, obsédés par le désir de brader
le système par répartition...
M. Philippe Nogrix.
Mais non !
M. Roland Muzeau.
... au profit de la capitalisation, vous critiquez l'attentisme du
Gouvernement en ce domaine.
M. Robert Bret.
C'est vrai !
M. Roland Muzeau.
Déçus et dépités que ce dernier ait osé abroger la loi Thomas instituant les
fonds de pension, vous vous gardez bien d'évoquer le désastre boursier dont les
retraités sont victimes dans nombre de pays.
M. Philippe Nogrix.
Mais non !
M. Robert Bret.
C'est pourtant la vérité !
M. Roland Muzeau.
Madame la ministre, les salariés ne se font aucune illusion sur la capacité de
la droite à rénover le système des retraites ; ils ont tous présent à l'esprit
l'épisode du plan Juppé de 1995.
M. Robert Bret.
Hélas !
M. Roland Muzeau.
C'est donc bien au Gouvernement actuel que revient la responsabilité de
répondre aux attentes légitimes des Français.
M. Michel Mercier.
En effet !
M. Philippe Nogrix.
Cela fait cinq ans qu'ils attendent !
M. Roland Muzeau.
Tel est le sens des propositions formulées par le groupe communiste
républicain et citoyen.
(Applaudissements sur les travées du groupe
communiste républicain et citoyen, ainsi que sur plusieurs travées
socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Cazeau.
M. Bernard Cazeau.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la discussion
au Parlement, depuis 1997, du projet de loi de financement de la sécurité
sociale est, du fait de son importance - 1 950 milliards de francs à travers
ses branches -, un moment privilégié de la discussion de la politique de santé
et d'action sociale.
Ce sera le dernier de la législature. Mais, si j'en crois le projet de loi
relatif aux droits des malades, ce pourrait être aussi la dernière décision sur
l'objectif de dépense d'assurance maladie qui ne sera pas précédée d'un débat
sur les grandes orientations de cette politique. Je m'en félicite, comme, je
crois, tous les membres de notre assemblée, quelles que soient les travées sur
lesquelles ils siègent.
Comme vous l'avez dit, madame la ministre, ce projet de loi de financement de
la sécurité sociale s'inscrit dans la continuité des précédents et, dans bien
des domaines, il conforte, voire renforce, des mesures prises précédemment.
Nous noterons aussi qu'un certain nombre d'entre elles l'enrichissent.
De manière générale, je me félicite, moi aussi, des comptes sociaux consolidés
et durablement redressés, qui, grâce à une croissance bien accompagnée par une
politique forte de création d'emplois, dégage un excédent de 6,2 milliards de
francs entre 1998 et 2002 en droits constatés, et ce sans augmentation des
prélèvements ni réduction de la politique de santé à l'égard de nos
concitoyens. Calculé, selon le mode précédent, en encaissement et décaissement,
il dégage un excédent de 20 milliards de francs, que l'on peut rapprocher des
209 milliards de francs de déficit de la période 1994-1997.
Limitant mon propos au contenu de la branche assurance maladie, je me
féliciterai principalement de trois évolutions caractéristiques de ce budget :
la prévention, la politique du médicament et la modernisation des
établissements de santé. Je terminerai par quelques réflexions sur le cadre
conventionnel.
J'évoquerai, en premier lieu, la prévention. Regretter qu'elle ne soit pas
prioritaire est un vieux leitmotiv, et, cette fois encore, les critiques ne
sont pas rares à ce sujet.
Je soulignerai l'action menée vers les pathologies cancéreuses et notamment
celles qui touchent le plus fréquemment nos concitoyens. Je songe au cancer du
sein, avec une mammographie tous les deux ans à partir de cinquante ans. Je
songe également au cancer du colon, avec une expérimentation dès 2002 dans
vingt départements. Madame la ministre, à quand le dépistage du cancer de la
prostate, très fréquent chez l'homme et si souvent insidieux ?
J'y ajouterai l'accélération de la lutte contre les maladies infectieuses -
hépatite C et sida - les pratiques addictives et certaines maladies très
spécifiques, comme l'asthme et la mucoviscidose, sans oublier l'instauration de
la prévention dentaire pour 1,5 million d'enfants.
Tout cela constitue une approche globale et lie le traitement des pathologies
à une véritable prise en compte de la prévention tous azimuts.
J'aborde, en deuxième lieu, la politique du médicament. Nous savons que c'est
le secteur dans lequel le dérapage est le plus fort : 7,7 % en 2001, après un
peu plus de 11 % l'année précédente.
Nous savons aussi combien il est difficile, en France, de faire accepter le
générique par rapport à nos voisins européens, notamment allemands. Ainsi, il
représente 3 % des prescriptions en France, contre 35 % en Allemagne.
Aussi, le fait d'avoir la possibilité de prescrire en dénomination commune
internationale, et non plus uniquement en nom de marque, est une incitation
supplémentaire au développement des génériques, si, comme je l'espère, les
médecins français qui ne sont pas habitués à cette pratique veulent bien, les
prescrire. Il est certain que, dans le domaine de la prescription, la relation
médecin-malade est privilégiée et que c'est probablement par la négociation
dans le cadre plus général de la convention que l'on débloquera le système du
médicament générique.
Enfin, si la gestion du médicament par les prix a montré dans le passé une
certaine inefficacité et n'est pas toujours exempte de dangerosité, notamment
sur la recherche, un prélèvement sur la publicité souvent excessive et luxueuse
tel que le prévoit l'article 11 amendé me semble être une mesure judicieuse.
J'évoque, en troisième lieu, la modernisation des établissements de santé à
travers l'action menée à l'égard de l'hospitalisation publique et de
l'hospitalisation privée.
L'hôpital public, qui assure vingt-quatre heures sur vingt-quatre la plus
grande partie de l'activité médicale et une partie importante de l'activité
chirurgicale, tout en dispensant à travers l'université l'enseignement de la
plupart des professions de santé, voit ses conditions très améliorées par
d'importantes mesures que l'on peut décliner en deux rubriques. La première,
c'est la dotation 2002, qui augmente de 3,6 % hors RTT et de 4,8 % avec les 35
heures. La seconde, c'est la création de 45 000 emplois.
Vous nous avez également dit, madame la ministre, que les différents
protocoles de revalorisation de la profession hospitalière permettront de doter
l'hôpital public de 11,7 milliards de francs supplémentaires en 2001-2002, dont
3 milliards de francs de mesures nouvelles. Ce sera une véritable bouffée
d'oxygène, même si, pour certains, c'est encore insuffisant.
Les cliniques privées ne sont pas oubliées puisque leur dotation pour 2002
passe à 3,5 %. Rappelons qu'elle est trois fois supérieure à la dotation de
1997 et que les mesures nouvelles, après le dernier protocole signé ces jours
derniers, apporte 3,11 milliards de francs, dont 1,7 milliard de mesures
nouvelles, à ces établissements.
J'ai bien noté que la création d'un observatoire tripartite permettra une aide
différenciée et transparente et qu'une partie importante de ces sommes ira à la
masse salariale des personnels, notamment le personnel infirmier, à travers une
nouvelle convention collective.
Il nous reste à évoquer très rapidement la médecine de ville et les relations
avec les professions de santé.
Je voudrais tout d'abord saluer, madame la ministre, l'esprit de concertation
dont vous avez fait preuve en instituant, peu de temps après votre arrivée, un
« Grenelle de la santé » et en demandant à un comité des sages de réfléchir aux
mesures qui pourraient permettre un retour à la sérénité, qui, j'en conviens,
n'était pas la règle à votre arrivée.
Dans ce cadre, vous venez de faire treize propositions sur les soins de ville
réparties en deux grands volets. Le premier concerne la place des
professionnels de santé dans l'organisation des soins, le second la réforme du
cadre conventionnel.
Je ne m'attarderai pas sur le premier volet qui reprend un certain nombre de
propositions du comité des sages, notamment la création d'un observatoire de la
démographie médicale ou encore la création d'un haut conseil de la santé.
Certaines propositions sont reprises dans le présent projet de loi de
financement de la sécurité sociale, d'autres le seront dans le projet de loi
relatif aux droits des malades.
En revanche, je m'arrêterai un instant sur le cadre conventionnel, qui me
paraît être l'acte essentiel, résultat d'une négociation avec l'ensemble des
professionnels libéraux, et plus particulièrement les médecins.
L'architecture de la nouvelle convention me semble intéressante, en ce sens
qu'elle se décline au moins à trois niveaux : un socle conventionnel commun à
toutes les professions, auquel s'ajoutent, profession par profession, des
conventions collectives, prolongées elles-mêmes par des accords individuels.
Pour les deux premiers niveaux, cela pourrait être déjà une base d'acceptation
forte. Reste le troisième niveau de concertation individuelle qui, lui, pose
déjà problème pour un certain nombre de syndicats, notamment de médecins. Cela
étant dit, il faudra bien un jour prendre en compte, pour ces derniers, le
fossé qui, se creuse de plus en plus entre la pratique généraliste fondée sur
la relation médecin-malade et la pratique de spécialité assise sur le plateau
technique. Si l'on veut donner à chacune de ces pratiques la place qu'elle
espère dans notre système de santé, il faudra bien que les mentalités
évoluent.
La maîtrise médicalisée, souvent mise en avant, n'est pas le seul prolongement
de ce qui a existé. Elle doit être le fruit non pas de ceux qui s'accrochent
désespérément à des attitudes et à des pratiques du passé, mais d'une nouvelle
relation dans un cadre conventionnel commun où ceux qui voudront innover auront
la possibilité de contractualiser.
Madame la ministre, nous souhaitons que les propositions faites évoluent le
plus rapidement possible, ouvrant la possibilité de renoncer aux sanctions, qui
ne sont d'ailleurs pas appliquées depuis quelques mois, mais qui sont source
d'exacerbation de conflits.
Le soutien que nous apportons tant à votre action qu'à celle de l'ensemble du
Gouvernement ne pourra alors que s'amplifier à la mesure de l'énergie que vous
y mettez.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur
celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Domeizel.
M. Claude Domeizel.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues. Mon
intervention portera essentiellement sur la branche vieillesse de ce projet de
loi dont l'enjeu est important : ce texte représente en effet une masse
financière supérieure à celle du budget de l'Etat - 2 000 milliards de francs,
soit quelque 305 milliards d'euros - et, surtout, il conditionne de très près
la vie quotidienne de tous les Français.
S'agissant de la branche vieillesse, sur laquelle je vais essentiellement
intervenir, je suis heureux de constater que, en dépit du déficit important
dans lequel le Gouvernement actuel avait trouvé la branche vieillesse en 1997 -
54 milliards de francs -, cette dernière dégagera une capacité de financement
d'environ un milliard d'euros en 2002 ; c'est donc un grand soulagement pour
nous tous, que l'on approuve ou que l'on critique les mesures proposées, de
pouvoir enfin parler d'excédents.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Nous sommes dans le creux !
M. Claude Domeizel.
Je souhaiterais tout d'abord évoquer succinctement, en rapport avec la branche
maladie, l'article 18
septies
nouveau, résultant d'un amendement du
Gouvernement et tendant à favoriser l'installation des médecins et des
professionnels de santé dans les zones rurales et difficiles. Je tiens tout
particulièrement à en remercier le Gouvernement puisque j'en avais fait la
demande l'année dernière, à l'occasion du vote de la même loi ; mais je
reviendrai plus en détail sur ce sujet lors de la discussion des articles.
Parlons maintenant de la branche vieillesse.
Le Gouvernement propose, à l'article 26, une revalorisation des pensions de
2,2 % alors que l'inflation prévisionnelle s'élève à 1,5 % ; cela représente un
« coup de pouce » de 0,7 point, qui portera à 1,4 % le gain de pouvoir d'achat
des retraités depuis 1997. De plus, les retraités non imposables à l'impôt sur
le revenu, bénéficiant en 2001 de l'exonération de la contribution pour le
remboursement de la dette sociale, ou CRDS, verront leur pouvoir d'achat, sur
la même période, s'élever de 1,9 %. Les retraités imposables bénéficieront
quant à eux de la baisse des taux de l'impôt sur le revenu.
Je me réjouis de voir ainsi confortée la volonté d'associer les retraités aux
fruits de la croissance. Cependant, je me demande si une revalorisation du
minimum contributif n'aurait pas pu être envisagée cette année. Ce minimum
contributif, qui concerne un certain nombre de retraités, dont 85 % de femmes,
a subi une dégradation au fil des ans puisqu'il représentait 60 % du SMIC en
1983 contre 47 % aujourd'hui. Madame la ministre, un effort n'aurait-il pas pu
être consenti avec une revalorisation substantielle de ce droit ?
J'en viens maintenant au nouvel article 26 A qui concerne les demandeurs
d'emploi ayant épuisé leurs droits à l'allocation d'assurance. Ceux qui
justifieront, avant l'âge de soixante ans, d'au moins 160 trimestres validés se
verront reverser une allocation de solidarité spécifique majorée, soumise à des
conditions de ressources assouplies, et complétée par une allocation
supplémentaire d'attente, ou ASA, revalorisée. Le total de cette garantie, au
taux plein, se montera à 5 750 francs par mois. Il faut noter que le total des
ressources du bénéficiaire de l'ASA ne pourra être inférieur à 5 000 francs,
plancher qui ne tiendra pas compte des revenus du conjoint.
Voilà une mesure ciblée sur les plus démunis qui aidera les 100 000 RMIstes
répondant à ces critères à vivre dans des conditions décentes en attendant la
liquidation de leur retraite imminente.
Quant au départ à la retraite des salariés de moins de soixante ans ayant
cotisé quarante ans, le membre du Conseil d'orientation des retraites que je
suis comprend et approuve, madame la ministre, la sagesse dont vous avez fait
preuve, en renvoyant une telle mesure dans une réforme globale des retraites.
En effet, cette mesure, outre son coût, fait l'objet d'un débat de fond sur
lequel « planche » le Conseil d'orientation des retraites.
Comme l'a très bien expliqué, lors de son audition par la commission, Mme
Yannick Moreau, présidente du Conseil d'orientation des retraites, la question
de l'âge au travail est un préalable à toute réforme.
La France connaît l'un des plus faibles taux d'activité chez les personnes
âgées de plus de cinquante-cinq ans, soit 54 %. Il y a lieu impérativement de
promouvoir la prolongation de l'activité par des mesures de reclassement, par
exemple pour les emplois dits « pénibles », ou d'envisager de nouvelles
missions dans une seconde partie de la carrière. L'idée qu'un salarié de
cinquante-cinq ans est un salarié âgé qui n'aurait plus sa place sur le marché
du travail doit être combattue, ce qui ne signifie pas qu'il faille supprimer
les préretraites.
A ce propos, d'ailleurs, j'ai remarqué que le rapporteur de la branche
vieillesse, M. Leclerc, parle du Conseil d'orientation des retraites comme
d'une commission ; or il s'agit non pas d'une commission mais d'un conseil
permanent, qui s'inscrit dans un travail durable, sur une réforme qui ne sera
pas réglée une bonne fois pour toutes. Malheureusement, la réalité est plus
complexe et nécessitera une actualisation régulière des données sociales et
économiques, nécessaires à la prospective et au réajustement.
Je suis en tout cas persuadé que le COR s'attache à défendre les principes de
retraite par répartition affirmés par M. le Premier ministre, qui a déclaré à
juste raison que « la retraite par répartition est le patrimoine de ceux qui
n'ont rien » !
(Mme le ministre acquiesce.)
L'action gouvernementale, guidée par ces principes, s'articule autour de
plusieurs axes : concertation et progressivité, équité et solidarité entre les
régimes, respect de la diversité et de l'identité des régimes, anticipation et
précaution.
En tant que parlementaire faisant partie du Conseil d'orientation des
retraites, je peux garantir la qualité et la sérénité des débats, auxquelles,
certes, la présidente n'est pas étrangère.
Je regrette bien sûr que le MEDEF soit absent de ce lieu de débat. Faut-il
déduire de cette attitude de la chaise vide que le patronat se cantonne dans
l'immobilisme, à l'instar de la droite, largement représentée dans cette
assemblée ?
M. Michel Mercier.
Vous avez mis bien du temps pour en arriver là ! C'est un peu poussif !
M. Claude Domeizel.
Pour notre part, nous voulons être offensifs et ne pas nous limiter à des
solutions dangereuses pour les générations futures. Nous avons le devoir
d'explorer toutes les pistes autres que l'allongement de la durée de cotisation
ou l'instauration de formes de capitalisation soumises aux turbulences
boursières, néfaste pour le système de répartition. La loi Thomas, portée par
le gouvernement Juppé, a été abrogée, ce qui est une bonne chose. Les grandes
réformes ne se décrètent pas, comme le gouvernement Juppé en a fait l'amère
expérience en novembre 1995. Nous préférons le dialogue et le débat.
M. Bernard Murat.
Dans la rue !
M. Claude Domeizel.
Les semaines d'auditions, d'études et de débats permettront au Conseil
d'orientation des retraites de fournir son premier rapport au Gouvernement en
décembre prochain. Et qui dit premier rapport d'orientation sous-entend qu'il
sera suivi d'autres rapports, le Conseil d'orientation des retraites étant, je
le rappelle, inscrit dans la durée.
Je profite de cette intervention pour vous rappeler, madame la ministre, que
j'ai attiré votre attention sur les conséquences de l'arrivée à la retraite des
générations issues du
baby-boom.
En ma qualité de président d'un régime de retraite, j'ai pu constater que la
nature des prestations fournies évoluait, pour s'adapter à la demande tant des
préretraités que des retraités et pour satisfaire leurs exigences en matière de
besoins nouveaux.
Les retraités des années 2000, très différents de ceux des années 1950,
entretiennent avec leur caisse de retraite des relations multiples que les
nouveaux moyens de communication ont développées et amplifiées. La caisse des
dépôts et consignations, qui gère ce régime, a dû d'ores et déjà procéder à un
renforcement substantiel des services d'accueil, de renseignement et de
conseil, sur le plan tant quantitatif que qualitatif.
Toutes les caisses de retraite se trouvent confrontées à une augmentation de
la demande externe, laquelle se superpose, en interne, au renouvellement du
personnel, ainsi qu'à la nécessité de mettre en place une politique avisée de
gestion de ressources humaines adaptées à ces évolutions.
Ces quelques exemples montrent que la conduite d'une réflexion paraît
indispensable sous l'angle de la gestion et de la prise en compte des nouveaux
profils de nos très prochains retraités. Cette réflexion permettrait, en outre,
des échanges d'expériences entre les divers régimes et alimenterait le travail
du Gouvernement et du législateur en complément du Conseil d'orientation des
retraites ou de l'Observatoire de l'emploi public.
Permettez-moi d'évoquer maintenant quelques améliorations importantes qu'il me
semble nécessaire de souligner.
Il s'agit, en premier lieu, du nouvel article 26
bis
relatif à la prise
en compte par le régime général des périodes de service national, même si
l'intéressé n'a pas exercé une activité professionnelle avant son service
national. Voilà un avantage qui arrive à point nommé pour les nouvelles classes
d'âge de retraités, tout particulièrement concernées par cette mesure ; en
effet, à partir des années soixante, les hommes étaient souvent incorporés
avant leur premier emploi.
En second lieu, je veux évoquer l'article 26
ter
relatif à
l'assouplissement des conditions d'attribution de la majoration de la durée
d'assurance aux femmes ayant élevé plusieurs enfants. Cet article résulte -
faut-il le rappeler ? - d'un amendement voté à l'Assemblée nationale. En effet,
jusqu'à présent, et de façon très arbitraire, les femmes ayant perdu un enfant
avant le neuvième anniversaire de ce dernier ou ayant adopté un enfant de plus
de sept ans ne pouvaient bénéficier de la majoration de huit trimestres par
enfant. Grâce à cet article, cette injustice va enfin s'éteindre, et j'en suis
très satisfait.
Je ne voudrais pas oublier l'article 27, qui traite de l'achèvement de
l'intégration financière du régime des cultes au régime général de la sécurité
sociale, avec l'engagement du processus d'alignement de la situation des
assurés du régime des cultes sur celle des assurés du régime général,
s'agissant tant de l'assurance maladie que de l'assurance vieillesse.
J'en arrive maintenant, avec l'article 28, au fonds de réserve pour les
retraites, qui - je me permets de vous le rappeler - a été créé par le projet
de loi de financement de la sécurité sociale de 1999 afin d'assurer l'avenir
des retraites par répartition et de faire face aux déséquilibres de la période
2020-2040 en constituant une réserve financière s'élevant à 1 000 milliards de
francs en 2020. Ce fonds gérera les sommes qui lui sont affectées afin de
constituer des réserves destinées à contribuer à la pérennité des régimes
obligatoires d'assurance vieillesse des salariés, des professions artisanales,
industrielles et commerciales.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Tout cela figure dans le rapport Teulade !
M. Claude Domeizel.
Doté en 1999 de 2 milliards de francs, il disposait de plus de 20 milliards de
francs fin 2000 ; il disposera de près de 50 milliards de francs fin 2001 et de
85 milliards de francs en 2002. Cette somme est supérieure aux prévisions,
puisque, madame la ministre, vous n'aviez annoncé, l'an dernier, que 65
milliards de francs. Le fonds de réserve pour les retraites - c'était l'objet
d'un amendement que j'avais déposé -, érigé en établissement public
administratif et géré administrativement par la Caisse des dépôts et
consignations, trouvera son autonomie à compter du 1er janvier 2002. J'aimerais
d'ailleurs obtenir, madame la ministre, des détails sur cette mise en oeuvre,
notamment sur la parution du décret nécessaire.
Certes, le financement du fonds de réserve pour les retraites paraît complexe
à certains d'entre vous, même si l'ensemble non exhaustif des ressources
affectées à ce fonds sont définies par la loi. Pourtant, l'article 28 modifie
clairement l'alimentation du FRR en répartissant le prélèvement social de 2 %
assis sur les revenus financiers de la façon suivante : 20 % pour le FSV -
c'est inchangé -, 65 % pour le FRR au lieu de 50 % en 2001, et 15 % pour la
Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés, au lieu de
30 % en 2001.
Cette mesure permet d'abonder de 2 milliards de francs le fonds de réserve
pour les retraites.
Par ailleurs, en 2002, le fonds se verra également affecter, entre autres, le
produit de l'attribution des licences de téléphonie mobile. Nous ne pouvons
qu'en être satisfaits, même si les recettes s'annoncent inférieures à ce qui
était prévu.
J'insiste néanmoins sur le caractère pérenne que doivent revêtir les recettes
affectées à ce fonds ; elles ne doivent pas se limiter à des excédents
fluctuants en fonction de la situation économique.
M. Leclerc, rapporteur pour l'assurance vieillesse, après avoir douté, lors de
sa création, du bien-fondé du fonds de réserve pour les retraites, réclame à
cor et à cri des financements.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
On n'a pas remis le principe en cause !
M. Claude Domeizel.
Il va même jusqu'à regretter le « coup de pouce » aux retraites, qui serait un
manque à gagner pour le fonds. Les retraités apprécieront !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Ne nous faites pas dire ce que nous n'avons pas dit.
M. Claude Domeizel.
Je vous fais dire ce que vous avez dit !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Non, c'est faux !
M. Claude Domeizel.
Vous noterez que, si le Gouvernement sait, grâce au fonds de réserve pour les
retraites, préparer l'avenir, contrairement à ce que vous dites, il sait aussi
préserver le présent.
L'équilibre, certains savent le réaliser, d'autres non.
Paradoxalement, d'un côté vous réclamez des sommes pour le fonds de réserve,
de l'autre vous en supprimez ; je pense à votre amendement visant à supprimer
l'article 29, qui prévoit le transfert d'une part des excédents de la Caisse
nationale d'allocations familiales vers le fonds de réserve.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Vous n'avez pas été attentif à nos propos, monsieur
Domeizel.
M. Claude Domeizel.
Allons, mesdames, messieurs les sénateurs de droite, tout cela manque de
cohérence et de crédibilité !
Je ne pourrais conclure sans évoquer l'APA, l'allocation personnalisée
d'autonomie. Cette nouvelle allocation, créée par le gouvernement de Lionel
Jospin, permettra de mieux prendre en charge les actes de la vie quotidienne :
800 000 personnes âgées pourront prochainement en bénéficier alors que, jusqu'à
présent, les diverses aides attribuées aux aînés ne concernaient que 135 000
personnes.
M. Bernard Murat.
Ce sont les départements qui vont payer !
M. Claude Domeizel.
Désormais, la politique de solidarité s'étend au plus grand nombre et, à la
différence du système précédent, qui était beaucoup moins avantageux, l'aide
sera égale sur tout le territoire.
Favoriser l'aide à domicile où vivent 90 % des personnes âgées de plus de
soixante ans, c'est aussi encourager la création des emplois de service dans
les lieux d'habitation pour redynamiser le tissu social et favoriser l'emploi,
c'est créer de la croissance, donc dégager des excédents pour alimenter par
exemple le fonds de réserve.
Vous voyez, mes chers collègues, comme tout est lié !
J'ajouterai un mot sur la revalorisation des retraites agricoles. Un plan
pluriannuel, concernant plus de 800 000 personnes, a été lancé par le
gouvernement de Lionel Jospin dès 1997. Il permettra de porter en 2002 le
minimum de pension des retraités agricoles au niveau de retraite d'un salarié
ayant cotisé sur la base du SMIC. Cet effort sans précédent représente une
enveloppe de 28 milliards de francs en faveur des retraités agricoles les plus
démunis.
M. Bernard Murat.
C'est pour cela qu'ils manifestent !
M. Claude Domeizel.
Revalorisation des retraites, augmentation du pouvoir d'achat pour les
retraités, allocation d'attente pour les chômeurs de moins de soixante ans,
préparation de l'avenir avec le conseil d'orientation des retraites et le fonds
de réserve des retraites, prise en compte des personnes handicapées, étude sur
la politique relative aux conjoints survivants, APA..., je m'arrête !
M. Michel Mercier.
Il vaut mieux ! C'est un vrai catalogue !
M. Claude Domeizel.
Cela prouve que le Gouvernement a fait beaucoup pour les retraites.
Je m'étonne, et les Français s'étonneront aussi, de voir taxer le Gouvernement
d'immobilisme devant un projet de loi aussi large, couvrant les domaines
essentiels que je viens d'énumérer, devant un projet de loi aussi rassurant.
Je vous trouve particulièrement négatif, monsieur le rapporteur, quand vous
citez les trois conditions d'alimentation du fonds de réserve, les soupçonnant
d'être irréalisables. En tout cas, l'une des conditions, que vous n'avez pas
citée, est pour moi impérative : c'est que vous ne reveniez pas au pouvoir !
(Rires sur les travées socialistes. Exclamations amusées sur les travées de
l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Je suis confiant, pour l'ensemble des Français, quant au contenu de ce projet
de loi de financement de la sécurité sociale, qui s'inscrit tout naturellement
dans la logique du travail effectué jusqu'à présent, dans un objectif de
développement durable : les réformes nécessaires ne peuvent passer par une
seule mesure miracle ; c'est un ensemble de dispositions qui permettra de faire
face aux défis qui nous attendent, notamment celui des retraites.
Vous n'avez pas le droit de traiter le conseil d'orientation des retraites ou
le fonds de réserve des retraites de « piliers de la non-réforme des retraites
» car, vous, messieurs de la droite, qu'avez-vous fait pour les retraites ?
Vous souhaitez inciter chaque Français à garantir individuellement sa retraite
au risque d'amplifier les inégalités sociales devant la vieillesse : est-il
souhaitable d'inviter les Français à jouer une partie de leur retraite à la
roulette russe ?
(Exclamations sur les travées de l'Union centriste, du RPR
et des Républicains et Indépendants.)
M. Michel Mercier.
Ça c'est pour le PC !
(Sourires.)
M. Bernard Murat.
Monsieur le président, cela suffit !
M. Claude Domeizel.
Nous avons clairement affirmé notre refus de cette dérive individualiste,
libérale, mais surtout dangereuse, en abrogeant la loi Thomas sur les fonds de
pension initiée par le gouvernement Juppé, gouvernement que vous avez
soutenu.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
C'est ringard de parler de tout cela !
M. Claude Domeizel.
C'est bien de le rappeler. Cela vous gêne ?
M. le président.
Monsieur Domeizel, veuillez conclure.
M. Claude Domeizel.
L'immobilisme, messieurs de la droite, c'était avant 1997, alors que sans
aucune concertation vous avez mis en place un dispositif qui a précipité la
population dans les rues ! Vous avez d'ailleurs été sanctionnés.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Balladur a réformé et personne n'est descendu dans la rue
!
M. Claude Domeizel.
Alors qu'aujourd'hui nous parlons de répartition d'excédents
(Exclamations
sur les travées du RPR),...
M. Bernard Murat.
Oh !
M. Alain Joyandet,
rapporteur pour avis.
Excédents financés par l'emprunt !
M. Claude Domeizel.
... faut-il vous rappeler que vous avez laissé les caisses non seulement vides
mais avec un trou de 54 milliards de francs ?
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Vous vous servez de la sécurité sociale comme d'une vache à
lait !
M. Claude Domeizel.
Et c'est vous qui voulez nous donner des leçons !
M. Bernard Murat.
Ce sont les Français qui vous en donneront !
M. Claude Domeizel.
Mais nous ne parlons pas le même langage ! Nous, nous en appelons à un nouveau
contrat social.
M. le président.
Monsieur Domeizel, je vous prie de conclure !
M. Claude Domeizel.
J'en termine, monsieur le président, mais j'ai été interrompu.
La politique des retraites n'est pas seulement affaire de choix financiers,
même si ceux-ci ne sauraient être éludés.
M. Bernard Murat.
Monsieur le président, présidez !
M. Claude Domeizel.
La retraite, synonyme de pauvreté voilà trente ans, est aujourd'hui promesse
de nouvelles activités ou de nouveaux engagements. C'est une chance à saisir
et, je vous le garantis, nous saurons la saisir.
Aussi, m'associant aux propos tenus avant moi par mes collègues Gilbert
Chabroux et Bernard Cazeau, je répéterai que le groupe socialiste approuve le
projet de loi de financement de la sécurité sociale dont nous discutons
aujourd'hui.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?... La
discussion générale est close.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, au cours de ces longues heures de débat, la
majorité sénatoriale s'est évertuée à contester l'évidence : oui, les comptes
de la sécurité sociale sont revenus à l'équilibre.
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste.
Oui !
M. Alain Joyandet,
rapporteur pour avis.
Heureusement !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
De 1994 à 1997, nous avons
connu un déficit de 210 milliards de francs, au minimum ; pour la période
1998-2002, nous aurons enregistré un excédent de quelques milliards de francs,
certes modeste, mais, de toute manière, la différence sera supérieure à 200
milliards de francs.
Je comprends que, dans ces conditions, M. Vasselle ne veuille pas regarder en
arrière et qu'il ait intérêt à escamoter le bilan !
Mais les faits sont là et nous n'avons, nous, aucune raison de ne pas, de
temps en temps, vouloir rafraîchir la mémoire des Français. Il ne faudrait pas
croire que la majorité sénatoriale est comme le nouvau-né sorti de son oeuf et
qu'elle n'aurait jamais rien fait ! Vous avez un bilan, messieurs, et je
comprends que vous n'ayez pas envie qu'on le rappelle.
Une autre chose m'a frappée au cours de ces longues heures de discussion : la
majorité sénatoriale ne parle que de chiffres et n'évoque jamais les politiques
sociales, qui semblent être le cadet de ses soucis.
M. Gilbert Chabroux.
Absolument !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Si nous pouvons parler des
excédents de la sécurité sociale et de leur répartition, c'est bien parce
qu'ils existent. Et nous ne souhaitons pas qu'ils soient considérés comme une
cagnotte sur laquelle il faudrait rester agrippé comme Harpagon sur sa
cassette. Ces excédents doivent être utilisés pour mener des politiques
sociales de nature à accroître le bien-être des Français.
Notre politique économique a contribué à créer ces excédents. Je ne dis pas
que nous avons tout fait. A la fin de l'année 1998, la conjoncture est
redevenue porteuse, ce qui n'était pas le cas en 1997, sinon il n'y aurait pas
eu de dissolution.
M. Michel Mercier.
Faites que cela dure !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mais nous avons aidé le sort
et, grâce à nos politiques économiques, nous avons réussi à obtenir ces
excédents qui nous permettent de mener des politiques sociales.
Messieurs de la majorité sénatoriale, vous pouvez ne pas être d'accord sur le
contenu des politiques menées. C'est vrai, nous n'avons pas la même conception
que vous de la politique de la famille, de la politique de la qualité des
soins, des accidents du travail dont, à part M. Joyandet, personne n'a dit un
mot !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Nous n'avons pas eu le temps !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Vous n'en n'avez pas eu le
temps sur un discours d'une heure et quart ? C'est révélateur !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Nous en parlerons demain et j'espère que vous serez là pour
nous entendre !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Nous n'avons pas non plus la
même conception que vous de la politique à mener à l'égard des handicapés.
Bref, des désaccords politiques profonds nous opposent ; ces premiers éléments
le montrent assez bien.
M. Vasselle, au cours de son discours fleuve, qui a donc duré une heure et
quart,...
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Soixante-sept minutes exactement !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... n'a pas dit un mot sur la
politique sociale.
Mais, malgré ce long discours, il n'est pas parvenu à occulter le retour à
l'équilibre des comptes de la sécurité sociale.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Vous ne m'avez pas écouté !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Oui, je le répète, pendant la
période 1999-2002 s'est dégagé un excédent cumulé de 23 milliards de francs en
encaissement-décaissement. Ce n'est pas moi qui le dis ; je reprends simplement
les observations de la commission des comptes de la sécurité sociale.
Ce retour à l'équilibre, nous l'avons opéré sans diminuer les remboursements -
on a connu d'autres périodes ; je pense à M. Séguin...
M. Gilbert Chabroux.
Eh oui !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Ce retour à l'équilibre, nous
l'avons opéré en mettant en place la couverture maladie universelle.
Ce retour à l'équilibre, nous l'avons opéré en développant la politique
familiale et en associant les retraités aux fruits de la croissance.
Ce retour à l'équilibre, nous l'avons opéré en accumulant des réserves pour
l'avenir. Celles-ci constituent un patrimoine, une propriété collective des
Français, destinée à garantir l'avenir des retraites.
Je vous rappelle que le fonds de réserve pour les retraites sera doté de 85
milliards de francs à la fin de 2002. Vous, vous nous aviez légué des dettes
que la CADES doit encore honorer pendant treize ans !
Ce retour à l'équilibre, nous l'avons opéré en investissant pour l'accueil des
jeunes enfants : 3 milliards de francs, 40 000 places de crèche. Ces
investissements, dont nous sommes fiers, ne remettent en cause, je le souligne,
ni le redressement des comptes ni les excédents futurs de la branche
famille.
Vous êtes opposés aux 35 heures, nous l'avons compris. Pour ma part,
j'évoquerai d'abord les bénéfices procurés par la réduction du temps de
travail.
Il y a d'abord le temps libéré pour les salariés qui sont passés aux 35
heures. Il y a surtout les nombreuses créations d'emplois dues aux 35 heures :
370 000 sur 1 500 000.
Il est facile de dénigrer les 35 heures en ne mentionnant que ses « coûts » et
en oubliant ses avantages.
M. Alain Joyandet,
rapporteur pour avis.
Lesquels ?
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mais parlons du « coût » des 35
heures.
M. Bernard Murat.
100 milliards de francs !
Mme Elisabeth Guigou.
En vérité, il est paradoxal de parler de « coût », car les 35 heures, ce sont
d'abord des charges allégées pour les entreprises. (
Rires et exclamations
sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.
)
M. Bruno Sido.
C'est pas vrai ! On rêve !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
D'ailleurs, une partie de notre
majorité parlementaire conteste ces allégements de charges en disant qu'ils
sont beaucoup trop importants.
M. Michel Mercier.
Vous avez raison de rappeler qu'ils sont dans la majorité parce qu'ils
l'oublient facilement !
M. Guy Fischer.
Nous exprimons notre différence, c'est tout !
M. Robert Bret.
Et c'est vrai que ce sont des cadeaux !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Il est normal que la sécurité
sociale, qui a bénéficié du dynamisme économique induit par les 35 heures,
contribue à leur financement.
En outre, vous l'avez vous-même reconnu tout à l'heure, monsieur Vasselle, les
35 heures ne sont qu'une part - 35 % selon moi, 50 % selon vous - des dépenses
du FOREC.
Mais vous avez fait des progrès, monsieur Vasselle, et je vous en félicite. En
effet, jusqu'à ce soir, dans la majorité sénatoriale ou dans l'opposition à
l'Assemblée nationale, on entendait dire que le FOREC servait à financer les 35
heures ; quelqu'un, à l'instant, a parlé de 100 milliards de francs. Non !
C'est soit 36 milliards de francs, soit, comme le dit M. Vasselle, une
cinquantaine de milliards, si l'on tient compte des allégements de M. Juppé,
qui ne sont pas des allégements dus aux 35 heures mais qui resteront pérennes
de toute façon.
Par conséquent, je vous donne acte de cette honnêteté intellectuelle, qui
vient après beaucoup d'approximations mais qui finit par venir.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Nous n'avons jamais contesté ces chiffres !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Certes, les allégements de
charges sont contestés par nos amis communistes, mais permettez-moi de vous
poser cette question, messieurs de la majorité sénatoriale : qui parmi vous
voudrait supprimer ces allégements de charge ?
M. Gilbert Chabroux.
Personne !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Si vous ne voulez pas les
supprimer, alors, soyez cohérents et acceptez que l'on demande à la sécurité
sociale d'en financer une toute petite partie, grâce aux recettes fiscales dont
elle a bénéficié.
Plusieurs orateurs, dont MM. Vasselle et Joyandet, ont dénoncé l'irréalisme
des hypothèses économiques qui sous-tendent les prévisions pour 2002. M. About
s'est même risqué à parler d'imprudence ; je lui dirai qu'il devrait d'abord
lui-même faire preuve de prudence, car on n'a pas forcément raison en jouant
les Cassandre.
Bien sûr, des incertitudes existent, personne ne songe à le nier. De fait,
aujourd'hui, nous ne pouvons pas mesurer l'impact des événements tragiques du
11 septembre dernier sur notre environnement économique.
M. Bernard Murat.
Cela n'a rien à voir !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mais, à l'inverse, peut-on
citer un seul indicateur qui démente aujourd'hui les prévisions du Gouvernement
ou qui permette de dire qu'il faut les modifier ?
J'ai pris note des dernières données publiées par l'INSEE sur l'évolution de
la consommation des ménages : celle-ci a progressé de 0,2 % en septembre,
c'est-à-dire après les attentats. La demande extérieure reste dynamique et nous
savons que c'est la meilleure garantie du maintien de l'activité et de
l'emploi.
Les grands pays développés ont réagi rapidement et fortement au risque
économique né des tensions internationales. Pour sa part, le Gouvernement
français a, vous le savez, mis en oeuvre des mesures très importantes de
soutien de l'activité, en faveur des entreprises comme des ménages.
Les ménages modestes recevront, au début de l'année prochaine, un deuxième
versement de la prime pour l'emploi après le premier versement effectué le mois
dernier.
De plus, la dernière étape de la réforme des allocations logement entre en
vigueur, ce qui soutiendra la demande intérieure.
M. Alain Joyandet,
rapporteur pour avis.
Et apportera des bulletins de vote !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Cela étant, des aléas existent,
c'est incontestable. Il se peut qu'il y ait des aléas à la baisse en 2002 ; ce
n'est pas une certitude, mais c'est une hypothèse que nous ne pouvons pas
écarter. Cependant, d'autres pourraient jouer à la hausse. C'est pourquoi je
recommande la prudence dans les appréciations.
Je peux, en particulier, indiquer que, sur l'exercice 2000, les comptes de la
sécurité sociale seront meilleurs que prévu et que nous aurons, concernant le
rythme d'augmentation de la masse salariale en 2001, une bonne surprise par
rapport à nos prévisions.
Nous savons donc aujourd'hui - mais je ne veux pas vous citer les chiffres
avant qu'ils soient officiels, c'est-à-dire dans les prochaines semaines - que
les comptes des années 2000 et 2001 nous réservent de bonnes surprises par
rapport aux prévisions.
Autrement dit, s'il peut y avoir des aléas à la baisse, en 2002, ce que
personne en effet ne peut écarter - mais personne ne peut non plus dire
aujourd'hui avec certitude ce qui se produira -, il est également permis de
penser que, compte tenu des précautions que nous avons prises dans les
prévisions pour 2002 en retenant une hypothèse de progression de la masse
salariale de 5 % - et nous savons déjà qu'elle est inférieure de 1 à 1,5 point
à l'hypothèse de 2001 -, les bonnes surprises que nous apporteront les comptes
de 2000 et de 2001 seront susceptibles de compenser ces éventuels aléas à la
baisse de 2002.
Voilà ce qu'il en est de l'imprudence du Gouvernement...
Mais que dire de l'imprudence de ceux qui agitent, sans la moindre évidence
statistique, le spectre de la récession ? Est-ce bien le rôle des responsables
politiques que d'ajouter de l'inquiétude au trouble légitime des Français quand
on sait combien la psychologie est déterminante dans les comportements
économiques ?
M. Bernard Murat.
Il faut leur dire la vérité !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
J'ajoute que la France a mieux
tiré parti de la croissance que ses partenaires européens.
Monsieur Vasselle, non content de caricaturer le bilan du Gouvernement et
d'attiser les inquiétudes des Français, vous vous êtes essayé à réécrire
l'histoire économique de la France sous les gouvernements Balladur et Juppé !
Il est vrai que les évolutions conjoncturelles ont été assez divergentes au
cours des deux législatures : 1 % de croissance en moyenne durant la première,
2,9 % environ durant la seconde. Il n'en reste pas moins qu'en termes de
croissance et d'emplois, les résultats de la France ont été meilleurs que la
moyenne europénne. Faut-il rappeler que, sous les gouvernements que vous
souteniez, c'était l'inverse ?
Cela signifie que, dans un contexte certes peu favorable, la situation a été
aggravée par les politiques des gouvernements qui avaient votre faveur, alors
que, dans un contexte certes meilleur, non pas en 1997, mais à partir de 1998,
nous avons su faire mieux que la moyenne de nos partenaires européens.
Je ne veux pas vous assommer de chiffres à cette heure, mais je les tiens,
bien entendu, à votre disposition.
M. Bernard Murat.
Même pour les derniers chiffres de l'emploi ?
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Ainsi, depuis 1997, les comptes
ont été redressés, la croissance a fortement contribué à ce redressement, et
cela tient pour une large part - pas uniquement, bien sûr - à la politique
économique dynamique conduite par ce gouvernement.
J'en viens à la famille.
MM. Lorrain et du Luart ont dressé un bilan, que je trouve bien noir, de
l'action de ce Gouvernement en matière de politique familiale. Certes, la
majorité sénatoriale préfère regarder vers l'avenir plutôt que de rapprocher ce
bilan de celui du précédent gouvernement. Il est vrai que la comparaison serait
cruelle !
Je ne relèverai qu'un exemple, mais il est particulièrement significatif.
Vous nous reprochez de ne pas avoir revalorisé suffisamment les prestations
familiales. Dois-je vous rappeler qu'en 1995 vous avez suscité et perdu un
contentieux mémorable avec les associations familiales sur ce point...
M. Guy Fischer.
Eh oui ! Des promesses non tenues !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... et qu'en 1996 vous n'avez,
tout simplement, pas du tout réévalué les prestations familiales ?
M. Robert Bret.
Et ça veut donner des leçons !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
D'ailleurs, même pour vous, le
bilan de ce gouvernement n'est pas si noir que les propos, que vous avez voulus
« tranchés », pourraient le laisser penser. Il n'aura échappé à personne que M.
Lorrain, en particulier, a salué, certes de manière timide néanmoins explicite,
la plupart des mesures que le Gouvernement a prises en faveur des familles.
Il s'est d'abord félicité du prolongement du versement des allocations
familiales jusqu'à vingt ans. Il est vrai que c'était une promesse de la
précédente majorité ; mais elle n'avait pas été tenue.
Il a également évoqué la politique en faveur de la petite enfance, allant
jusqu'à parler du succès de la première tranche du fonds d'investissement pour
la petite enfance, qui remonte à l'année dernière.
Enfin, il a salué le contenu de la convention d'objectif et de gestion que
l'Etat a conclue avec la CNAF.
S'agissant du congé de paternité, monsieur Lorrain, je me réjouis de vous
entendre citer nos voisins nordiques en exemple, mais je ne partage pas votre
pessimisme quant à l'accueil que les pères de notre pays réserveront à cette
prestation. Je crois que la société française a évolué plus que vous ne le
pensez en ce qui concerne le rôle des pères dans la famille et que cette mesure
ne fait que consacrer cette évolution.
Comme vous avez manifestement quelque peine à vous opposer aux mesures prises
par ce gouvernement, comme vous ne pouvez nier la réalité du retour à
l'excédent de la branche famille - car le déficit dépassait tout de même 14
milliards de francs quand nous sommes arrivés aux responsabilités, et cela
après quatre années de déficit considérable -, vous avez préféré centrer
l'essentiel de vos critiques, par des considérations passablement complexes,
sur l'usage que le Gouvernement a fait des moyens supplémentaires dont il a
disposé.
Vous citez, à l'appui de votre démonstration, la fusion de l'allocation de
rentrée scolaire, sa majoration et la prise en charge par la CNAF des avantages
familiaux de retraite.
Ces deux questions ont déjà fait l'objet de longs débats dans cette enceinte à
l'occasion de l'examen des précédents projets de loi de financement et le
Gouvernement a pu souligner à quel point ces mesures profitaient aux
familles.
Cependant, puisque vous avez évoqué la majoration de l'allocation de rentrée
scolaire, que vous nous reprochez d'avoir pérennisée en en faisant une
prestation familiale, je rappellerai que, si elle est, pour la branche famille,
la charge que vous avez estimée, c'est uniquement parce que ce gouvernement a
décidé d'en relever le montant en le portant de 1 000 à 1 600 francs, quand le
gouvernement de M. Juppé l'avait diminué en le faisant passer de 1 500 à 1 000
francs. Cela, croyez-moi, les Français s'en souviennent !
Les amendements que vous avez adoptés font apparaître clairement l'absence de
proposition que recèle votre discours. Vous vous concentrez sur des questions
de financement et de transfert, en mélangeant d'ailleurs des dépenses de nature
très différente, sans jamais développer ce que serait pour vous une autre
politique de la famille.
J'évoquerai maintenant l'un des points que vous avez particulièrement mis en
exergue dans votre intervention, monsieur Lorrain : la politique que ce
Gouvernement mène en faveur des jeunes adultes.
La politique en faveur des jeunes adultes est une politique globale qui
recouvre divers aspects, la protection sociale, l'éducation à la formation, la
politique de l'emploi.
Comment pouvez-vous dire que ce Gouvernement n'a fait que repousser cette
question alors qu'il est celui qui a porté l'âge de perception des allocations
familiales à vingt ans, qui a créé 350 000 emplois-jeunes, qui a instauré, puis
renforcé, le programme TRACE pour les jeunes les plus fragiles ? Ce
gouvernement a sûrement moins à rougir de sa politique en direction des jeunes
que les inventeurs du CIP, le contrat d'insertion professionnelle, dont chacun
se rappelle le sort qui lui a été réservé.
MM. Gournac et Murat, après M. Lorrain, ont critiqué le fait que le
Gouvernement ne favorise, selon eux, que l'accueil en crèche. En fait,
contrairement au gouvernement précédent, ce Gouvernement privilégie tous les
modes de garde des enfants.
M. Michel Mercier.
Mais il n'en finance aucun !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Constatant l'insuffisance des
places de crèches dans notre pays - ce que personne ne conteste - nous en avons
financé 40 000.
Nous n'oublions pas, pour autant, les assistantes maternelles. Nous avons en
effet majoré l'aide à l'emploi d'une assistante maternelle pour les familles
modestes, comme cela avait été prévu lors de la conférence de la famille pour
2000.
Nous n'oublions pas non plus l'accueil individuel. Nous n'avons pas supprimé
l'AGED, l'allocation de garde d'enfant à domicile, ni l'avantage fiscal. Nous
en avons simplement limité les effets d'aubaine pour les ménages les plus aisés
qui en faisaient le mode de garde de loin le plus coûteux pour les finances
publiques.
Notre politique est celle de la diversification des modes de garde. La
convention d'objectifs que nous avons signée avec la CNAF, 6 milliards de
francs sur quatre ans, a justement pour objet de diversifier les modes de garde
autres que les crèches que nous finançons par ailleurs. Simplement, nous
n'avons pas, nous, pour objectif de n'aider que les familles les plus
favorisées.
Sur les accidents du travail, je ne peux évidemment que regretter la pauvreté,
voire l'inexistence du discours de la majorité sénatoriale sur cette importante
question.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Ne vous inquiétez pas : nous en parlerons demain !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Vasselle ne la jugeait sans
doute pas assez importante pour trouver le temps de la mentionner dans son
discours pourtant très long.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Ne soyez pas provocatrice !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
La vérité, là encore, n'est pas
très plaisante à entendre ! La vérité, monsieur Vasselle, c'est que, pendant
les quatre années où vos amis ont exercé le pouvoir, pas une seule fois le
Parlement n'a eu à se prononcer sur une modification du code de la sécurité
sociale pour améliorer l'indemnisation offerte aux victimes d'accidents du
travail.
Le Gouvernement actuel, au contraire, a enclenché la plus vaste réforme de la
législation des accidents du travail depuis 1946, d'abord avec les mesures sur
l'amiante, et maintenant avec la préparation d'une refonte globale du système -
pour aboutir à la réparation intégrale - que nous amorçons dès à présent par
des mesures d'amélioration immédiate dans ce projet de loi de financement de la
sécurité sociale.
Monsieur Guy Fischer, vous avez évoqué longuement cette question.
Naturellement, j'ai pris connaissance des amendements que votre groupe a
déposés pour améliorer la réparation offerte aux victimes d'accident du
travail. Je partage le souci que vous témoignez, à travers eux, de voir évoluer
la branche accident du travail vers la réparation intégrale, comme d'ailleurs
nous y invite le rapport du professeur Masse.
Une telle réforme nécessite une remise à plat globale du système
d'indemnisation des accidents du travail et une refonte des principes de la loi
de 1898. Nous sommes prêts à nous engager dans cette voie, mais nous ne pouvons
pas improviser.
Aujourd'hui, la sécurité sociale ne saurait pas indemniser le préjudice moral,
le préjudice esthétique et le préjudice professionnel. C'est la raison pour
laquelle j'ai demandé qu'un groupe de travail réunisse les partenaires sociaux
pour définir les conditions dans lesquelles la sécurité sociale et non pas les
assurances privées -...
M. Guy Fischer.
Tout à fait !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... c'est ça le danger ! -
pourrait prendre en charge une réparation intégrale des accidents du
travail.
Ce rapport sera remis avant la fin du mois de mars, mais des mesures
permettent déjà d'avancer dans cette voie.
La très belle loi de 1898, qui a vraiment été l'une des premières réalisations
sociales, ne correspond plus aujourd'hui aux attentes des victimes d'accidents
du travail et doit être profondément modifiée, en recherchant bien évidemment
un accord entre les partenaires sociaux.
S'agissant de l'assurance maladie, notre action a été caricaturée et le bilan
de la précédente majorité escamoté.
Permettez-moi de rappeler quelques chiffres : entre 1994 et 1997, le déficit
cumulé - je ne parle plus du déficit global - de l'assurance maladie a atteint
122 milliards de francs et il a été trois fois moins élevé au cours de la
période 1998-2001.
J'ajoute qu'en 1993, messieurs de la majorité sénatoriale, le Gouvernement que
vous souteniez avait réduit le niveau des remboursements de l'assurance maladie
en augmentant le ticket modérateur payé par les assurés sociaux.
Vous ne souhaitez pas qu'on parle de votre bilan, mais avez-vous des
propositions à formuler ?
M. Gilbert Chabroux.
Non, ils n'en ont pas !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Qui dois-je croire à cet égard
? M. Vasselle qui souligne que nous ne maîtriserions pas les dépenses de santé,
M. Joyandet qui considère que nous ne dépensons pas assez pour l'hôpital, les
cliniques et la médecine de ville, M. du Luart qui présente l'ONDAM comme une
enveloppe fermée ou M. About qui propose tout simplement de revenir à des
prévisions par régime, ce qui éviterait d'avoir à voter l'ONDAM ? Avouez que
tout cela manque un peu de cohérence !
M. Robert Bret.
Pour le moins !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. About propose un «
tourniquet » sur le vote des dépenses. J'attends avec impatience le résultat du
vote de ses amis sur cette intéressante proposition !
Les dépenses de santé ont augmenté depuis 1997, c'est vrai, mais, au cours de
la dernière décennie, la France ne s'est située qu'au quinzième rang en termes
d'augmentation de la part des dépenses de santé dans la richesse nationale et
les dépassements constatés par rapport aux objectifs fixés concernent
principalement le secteur des soins de ville et celui des médicaments. M.
Chabroux a été très précis sur ce point et je l'en remercie.
S'agissant du médicament, j'ai annoncé, le 16 juin, une série de mesures
portant sur les trois axes majeurs afin de renforcer les instruments de
régulation. Ces mesures ont d'ailleurs contribué à réduire le rythme des
dépenses.
Ce rythme était de 11 % en 2000 - il était beaucoup trop élevé - de 7 % en
2001 - il était encore trop élevé - mais nous commençons à obtenir quelques
résultats et l'impact de ces mesures se fera sentir en 2002.
Je ne reviendrai pas longuement sur les mesures complémentaires que j'ai
annoncées sur l'hôpital et sur les cliniques privées, nous aurons l'occasion
d'en parler lors de la discussion des articles.
Je rappellerai simplement qu'en 1997 l'objectif d'augmentation de l'enveloppe
était de 1,15 % pour l'hôpital et de 1,3 % pour les cliniques. A la fois pour
l'hôpital et pour les cliniques, nous avons triplé le taux d'augmentation de
ces enveloppes financières.
M. Michel Mercier.
Pourquoi ont-ils voté ?
(Sourires.)
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
On se le demande !
S'agissant des relations conventionnelles, messieurs de la majorité
sénatoriale, vous tentez de nous donner des leçons de concertation. Dois-je
rappeler que c'est la majorité que vous souteniez en 1995...
M. Michel Mercier.
C'est un cours d'histoire de droit social !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Ce n'est pas si vieux !
Dois-je rappeler, disais-je, que c'est la majorité que vous souteniez à
l'époque qui a habilité le Gouvernement à prendre, par ordonnances et sans
concertation, des mesures brutales vis-à-vis des professionnels ? Dois-je
rappeler aussi que le mécanisme de reversement de la part des médecins en cas
de dépassement de l'objectif non seulement sur les honoraires, mais encore sur
les prescriptions de médicaments et d'actes paramédicaux, était prévu par les
ordonnances Juppé ?
Dois-je indiquer que c'est le Gouvernement, en revanche, qui a mis fin à ce
système inefficace et inadapté ? Depuis la suppression de ce mécanisme, aucun
objectif limitatif sur les prescriptions n'est plus opposable aux médecins, et
ceux-ci ne sont plus redevables d'un reversement sur leurs honoraires.
Nous sommes actuellement dans une phase de concertation sur le renouveau
conventionnel. Nous dialoguons avec les caisses d'assurance maladie, avec les
partenaires sociaux et avec les professionnels. Des positions divergentes
s'expriment et nous ne parviendrons sans doute pas au consensus. Mais, au
moins, nos propositions auront été précédées d'une large discussion qui aura
permis de révéler les enjeux.
Le fait que l'amendement que j'ai déposé résulte de la démarche engagée dès le
25 janvier dernier montre bien que nous avons fait le choix de la concertation.
J'ai rencontré à plusieurs reprises l'ensemble des organisations
professionnelles des caisses d'assurance maladie et les partenaires sociaux et,
sur cette base, l'amendement d'orientation que j'ai déposé permettra d'engager
le renouveau conventionnel, en liaison étroite avec la CNAMTS.
Nous travaillons donc sur un système de régulation alternatif, qui nécessite
des engagements réciproques entre les professionnels et les caisses d'assurance
maladie. Il ne faut pas accepter la logique selon laquelle l'abandon de tout
système de régulation serait le préalable, comme le proposent certains d'entre
vous.
Nous cherchons un nouvel équilibre pour conforter les engagements réciproques
des partenaires conventionnels. C'est un lourd travail. Mais, si nous parvenons
à mettre au point un nouveau système médicalisé de contrôle, un nouvel
engagement réciproque, nous prenons l'engagement de supprimer les lettres clés
flottantes instituées par le gouvernement Juppé.
J'aurais souhaité, et je souhaite encore, que le travail parlementaire
permette d'avancer sur cette question difficile. Mais je suis très déçue que
votre unique proposition soit la suppression pure et simple du mécanisme actuel
de régulation, sans aucune alternative.
Que doit-on déduire de vos interventions ? Voulez-vous, en fait, revenir,
comme en 1996, aux sanctions du plan Juppé en supprimant l'article de loi qui
les a abrogées ?
Voulez-vous, sous le vocable faussement moderne de la « gestion du panier de
biens et de services », réduire, comme en 1993, les remboursements de
l'assurance maladie ? Voulez-vous plutôt, en instaurant la concurrence entre
les caisses, aller vers la privatisation de l'assurance maladie ?
M. Claude Domeizel.
Peut-être !
M. Michel Mercier.
Elles sont déjà privées avec le patrimoine !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Faites-vous du thème de la
régionalisation un moyen de ne pas aborder les questions difficiles ? Plus
simplement, avez-vous des propositions cohérentes ?
M. Bernard Murat.
On vous en a fait beaucoup !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
On n'est pas au Gouvernement ! Chacun son boulot !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
S'agissant des hôpitaux, vous
évoquez régulièrement l'équilibre comptable, mais vos références et vos
remarques ne portent jamais sur le fond des actions publiques.
L'équilibre des comptes est, pour nous, un moyen de mener une politique et non
un objectif en soi. C'est au contraire cette volonté unique de la maîtrise des
dépenses de santé qui vous a guidés dans les choix que vous avez faits, sur la
politique hospitalière en particulier, et nous en subissons, hélas ! encore
aujourd'hui, les conséquences.
Notre politique hospitalière clairement affichée depuis 1997 et que nous
menons volontairement et en toute lucidité est avant tout tournée vers
l'amélioration des soins à la population : promotion de la qualité de la
sécurité, réduction des inégalités d'accès aux soins.
M. Bernard Murat.
Et les 35 heures ?
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Justement !
On comprend que la majorité sénatoriale n'aime pas la réduction du temps du
travail à l'hôpital parce qu'elle n'aime pas les 35 heures en général...
M. Alain Joyandet,
rapporteur pour avis.
On n'aime pas les 35 heures obligatoires !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mais faut-il vraiment que les
agents de la fonction publique hospitalière soient les seuls à ne pas
bénéficier de la réduction et de l'aménagement du temps de travail ?
M. Bernard Murat.
Il faut s'en donner les moyens !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Faut-il ne pas entendre ces
infirmières dont le message est clair : nous voulons des jours ? Faut-il
négliger ces agents qui accueillent tout le monde n'importe quand et qui
assurent des horaires de nuit dans des conditions difficiles ?
M. Bernard Murat.
C'est nous qui le disons, pas vous !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Nous avons fait le choix
d'entendre ces personnels et de leur rendre du temps dans la forme qu'ils
voudront, soit en heures chaque jour, soit en demi-journées par semaine, soit
en jours cumulés sur l'année.
Au total, il s'agit de mieux concilier un travail hospitalier très prenant et
la vie personnelle de chacune et de chacun. Nous considérons que c'est la
meilleure voie pour attirer de nouveaux personnels à l'hôpital, pour le bien
des malades, comme pour celui des personnels.
Toute autre voie qui laisserait les hospitaliers au bord du chemin des 35
heures conduirait à la détérioration des services et au découragement des
personnels. Or la voie des 35 heures, nous voulons la parcourir avec les agents
du service public hospitalier.
M. Bernard Murat.
Baratin !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Ce sont les protocoles du 27
septembre 2001 conclus entre quatre organisations syndicales de la fonction
publique hospitalière et le Gouvernement, puis du 22 octobre signés par toutes
les intersyndicales des praticiens hospitaliers qui ont organisé la mise en
oeuvre pluriannuelle de l'aménagement et de la réduction du temps de
travail.
Ces négociations ont été l'occasion d'un travail approfondi sur l'organisation
du temps de travail, sur les temps de pause, sur la période des repas, sur les
astreintes à domicile. A chaque fois, nous avons cherché ensemble à fixer des
garanties pour les personnels, dans des conditions égales d'un établissement à
l'autre et avec toujours le même objectif final : la santé du patient, la
qualité des soins et l'accueil du public.
Les 45 000 emplois mis à disposition en trois ans au service de cette grande
ambition permettent, compte tenu des difficultés des métiers hospitaliers,
d'aborder en confiance la réduction du temps de travail. La nouvelle
organisation qui en découle sera, elle aussi, discutée dans les régions et dans
les établissements. Mon ministère a déjà organisé un soutien aux établissements
pour l'évaluation et la négociation de ses applications locales.
Il est facile de critiquer cette mesure et de souligner que sa mise en oeuvre
n'a fait l'objet d'aucune anticipation, lorsque l'on sait que, sous le
précédent gouvernement, des réductions du nombre de places dans les écoles de
formation initiale et des fermetures d'écoles ont été décidées ! Heureusement,
nous avons tourné le dos à cette politique malthusienne.
Dès 1998, le Gouvernement Jospin a inversé la tendance et, entre 1998 et 2000,
nous avons augmenté de 10 000 le nombre de places dans les écoles
d'infirmières, places qui sont passées de 16 400 à 26 400. Voilà ce que nous
avons fait, tournant le dos aux politiques que vous aviez menées !
Pour terminer sur ce problème de manque de professionnels formés sur le
marché, j'espère, monsieur Vasselle, que les remarques que vous avez formulées
sur le recrutement des professionnels étrangers ont été un abus de langage et
que vos propos ont dépassé votre pensée !
M. Bernard Murat.
Pourquoi ?
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je vous confirme que, comme la
plupart des pays européens, nous allons bientôt signer une convention avec
l'Etat espagnol, afin que des infirmières de cette nationalité puissent venir
travailler en France dans les différents secteurs de l'hospitalisation.
Pour ce qui est des recrutements en fin d'année 2003, ce sont 80 % des 45 000
emplois, tous métiers et professions confondus, qui seront pourvus, dont 40 % à
la fin de l'année 2002. Naturellement, ces emplois seront financés, vous le
savez, puisque nous avons chiffré ces financements dans le projet de loi de
financement de la sécurité sociale.
Le coût de la RTT est, certes, imputé sur l'assurance maladie, comme
d'ailleurs le financement de l'hôpital, évidemment,...
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Vous le reconnaissez enfin !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... mais nous revendiquons et
nous assumons ce choix car il s'agit, là encore, d'une bonne politique.
Nous ne demandons pas des efforts seulement à la sécurité sociale. L'Etat
participe, lui aussi, au financement de certaines actions ciblées, selon des
règles claires.
Je prendrai deux exemples : le FIMHO et l'accompagnement de la modernisation
sociale.
(M. le rapporteur sourit.)
Le FIMHO est un succès !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Je ne peux m'empêcher de sourire !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
En effet, depuis sa création en
1998, 277 projets sont financés pour un montant total de travaux de plus de 11
milliards de francs. Je pourrais prendre pour exemples, parmi les décisions de
ces dernières semaines, la dotation de 50 millions de francs qui a été accordée
au centre hospitalier de Cannes pour lancer l'opération de construction du
nouvel hôpital, ou encore, la dotation de 84 millions de francs au CHU de
Dijon, pour engager la reconstruction de son pôle mère-enfant.
Le FIMHO est un excellent moyen d'accompagner les constructions hospitalières.
C'est pourquoi l'Assemblée nationale a voté hier, dans le cadre de la loi de
finances pour 2002, la décision de porter la dotation à 198 millions d'euros,
soit 1,3 milliard de francs.
Il existe bien un décalage entre les autorisations de programme et les crédits
de paiement, mais ce décalage, vous le savez bien, est réaliste, car il
correspond à la durée de réalisation des travaux.
Quant à l'accompagnement de la modernisation sociale, entre 2000 et 2002,
l'Etat verse 2 milliards de francs aux hôpitaux pour améliorer le taux de
remplacement et, surtout, relancer la promotion professionnelle. Cette
enveloppe est inscrite dans la loi de finances rectificative pour 2001.
En ce qui concerne les hôpitaux et les cliniques, tout le monde est d'accord,
évidemment - je réponds à nouveau à M. Fischer -, pour considérer que l'hôpital
est une pièce maîtresse de notre système de santé. Cette confiance est méritée,
et c'est la raison pour laquelle le Gouvernement, protocole après protocole, a
toujours négocié avec les organisations syndicales pour l'amélioration des
conditions de travail, le développement de la promotion professionnelle, la
reconnaissance du dialogue social à l'hôpital, la revalorisation des carrières
et la réduction du temps de travail : 11,7 milliards de francs en plus pour
l'hôpital sur deux ans.
Cependant, je ne suis pas d'accord avec vous lorsque vous considérez que les
cliniques sont uniquement des établissements commerciaux. Ce sont effectivement
des établissements commerciaux, mais pas uniquement, car elles assurent des
services nécessaires et très appréciés par la population. Elles participent,
qu'on l'approuve ou non, au fonctionnement de notre système de santé.
A Toulouse, par exemple, la fermeture des cliniques a augmenté de 30 %
l'activité de l'hôpital. Heureusement, cette grève n'a pas duré trop
longtemps.
M. Michel Mercier.
Oui !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Une fois de plus, nos hôpitaux
publics ont su faire face et prendre le relais. Songez à tout ce qui a été fait
à la suite de l'accident de Toulouse ! C'est à l'occasion de telles grèves dans
les établissements privés que l'on réalise à quel point nous avons besoin de la
complémentarité entre les deux systèmes.
Doit-on alors accepter que les personnels de ces établissements privés, dont
les compétences sont reconnues, perçoivent des salaires jusqu'à 25 % inférieurs
à ceux de leurs collègues des hôpitaux publics ?
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
La faute à qui ?
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Nous avons décidé d'affecter
des moyens spécifiques et ciblés en faveur des salariés des cliniques pour
permettre la revalorisation nécessaire des salaires et des personnels non
médicaux ; l'amendement que j'ai déposé aujourd'hui traduit cette volonté.
Ces moyens supplémentaires seront attribués en fonction de critères précis -
liés notamment à la situation tarifaire des cliniques, à leur place dans
l'offre de soins - et, bien entendu, seront conditionnés à la revalorisation
salariale des personnels non médicaux.
M. Guy Fischer.
Nous y veillerons !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Vous y serez invités !
Cette aide exceptionnelle suppose que son attribution soit d'une transparence
totale. Les cliniques se sont engagées à assurer la transparence de leur
fonctionnement. Nous allons mettre en place dans les meilleurs délais -
j'espère avant la fin du mois - un observatoire tripartite, comprenant l'Etat
et les partenaires sociaux.
J'en viens aux retraites. M. Leclerc a évoqué le système Racine pour dire que
les comptes de 1997 de la branche vieillesse auraient peut-être été
excédentaires. En réalité, nous savons que ce système n'a modifié en rien
l'équilibre général des comptes de 1997. En tout cas, les développements de M.
Leclerc ne pourront pas faire oublier que la branche vieillesse était en
déficit sur la période 1993-1997 et que le pouvoir d'achat des retraités a
baissé de 2,3 % pendant le même temps à cause de l'indexation sur les prix et
de la hausse des cotisations sociales.
En revanche, sur la période 1997-2002, l'actuel Gouvernement a su rétablir les
excédents, faire profiter les retraités des fruits de la croissance grâce à des
coups de pouce qui ont fait progresser le pouvoir d'achat de 1,4 %, voire de
1,9 %, pour les non-imposables.
M. Leclerc nous reproche-t-il les hausses de pouvoir d'achat des retraités au
motif qu'elles amputeraient le fonds de réserve pour les retraites ? Je n'ose
le penser !
M. Claude Domeizel.
Il l'a dit !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je voudrais souligner - cela va
intéresser particulièrement M. Mercier - la réforme importante de l'allocation
personnalisée d'autonomie. C'est une politique qui nous singularise fortement
par rapport à la majorité précédente.
(Exclamations sur les travées de
l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Michel Mercier.
Pas du tout !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Avec la nouvelle allocation
personnalisée d'autonomie,...
M. Michel Mercier.
Vous faites payer les collectivités locales !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... le Gouvernement a souhaité
inscrire son action dans un cadre le plus large...
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
C'est hors sujet ! Cela ne concerne pas la loi de financement
de la sécurité sociale.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Si, si, un peu !
Ce sont 800 000 personnes âgées qui vont pouvoir bénéficier d'un plan d'aide
lorsque leur état le nécessitera et, au-delà des personnes âgées, toutes les
familles. Il est vrai que nous demandons un effort supplémentaire aux conseils
généraux, mais pas seulement à eux.
M. Bernard Murat.
Douze pour cent !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Cela coûtera aux conseils
généraux 2,5 milliards de francs de plus que pour la prestation spécifique
dépendance. Mais pensez que vous pourrez distribuer à six ou sept fois plus de
personnes une prestation ô combien plus gratifiante, ce qui permettra au
président de conseil général que vous êtes, monsieur Michel Mercier, d'écrire à
six ou sept fois plus de personnes que vous leur accordez l'allocation
personnalisée d'autonomie afin qu'elles puissent rester chez elles !
(Sourires.)
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Ce n'est pas dans la loi de financement de la sécurité
sociale. C'est hors sujet !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Avouez que l'équilibre est bien
respecté !
Monsieur Mercier, j'aurais bien aimé vous rencontrer lorsque j'étais à Lyon,
mais cela n'a pu se faire. C'est bien dommage !
M. Bernard Murat.
Il n'a pu y aller, car il était en commission des finances.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Il avait sûrement une bonne
raison.
M. Alain Joyandet,
rapporteur pour avis.
On vous attendait à la commission des finances le
même jour !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Comme je l'ai dit à Lyon
lorsque j'y étais, dans le département du Rhône, les comptes montrent que, si
la prestation spécifique dépendance vous aurait coûté moins cher que
l'allocation personnalisée d'autonomie, en revanche, l'allocation compensatrice
pour tierce personne, qui précédait la prestation spécifique dépendance,...
M. Michel Mercier.
Que nous avons payée !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... vous aurait coûté plus cher
si elle avait été maintenue car, même si elle était moins favorable que
l'allocation personnalisée d'autonomie, vous ne perceviez alors aucune aide de
la sécurité sociale. Vous ne paierez pas plus pour l'allocation personnalisée
d'autonomie. Vous paierez même moins que ce que vous payiez pour l'allocation
compensatrice pour tierce personne.
M. Michel Mercier.
Heureusement que vous n'êtes pas ministre des finances !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Au total, vous êtes gagnant
(Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
et, surtout, vos électeurs...
M. Bernard Murat.
Les contribuables !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... vous sauront gré...
M. Michel Mercier.
J'espère bien !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... de leur accorder cette
nouvelle allocation. N'oubliez pas que les organismes de sécurité sociale...
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Diversion !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... auraient bien aimé
distribuer entièrement cette nouvelle allocation !
M. Alain Joyandet,
rapporteur pour avis.
Financée par une hausse d'impôts locaux de 10 %
!
M. Michel Mercier.
Heureusement que vous n'êtes pas à Bercy !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
J'en viens au fonds de réserve
pour les retraites. Je note avec plaisir que M. Leclerc reconnaît le consensus
qui entoure sa création.
Après les critiques sur son existence, nous avons droit maintenant aux
critiques sur sa montée en charge, comme les 2 milliards de francs qui auraient
fait défaut en l'an 2000. Qu'en est-il en réalité ? M. Domeizel l'a rappelé
tout à l'heure. Je vous avais annoncé 65 milliards de francs pour la fin de
l'année 2002. Nous aurons 85 milliards de francs, c'est-à-dire 20 milliards de
francs de plus, si bien que nous avons toutes les garanties pour pouvoir
respecter l'objectif de 1 000 milliards de francs fin 2020.
Je n'ai jamais prétendu que ce fonds suffirait à régler le problème des
retraites, contrairement à ce que M. Fourcade a dit tout à l'heure !
J'attendais de sa part un peu plus de rigueur intellectuelle !
M. Alain Joyandet,
rapporteur pour avis.
Les absents ont toujours tort !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je lui avais fait remarquer
lorsqu'il était présent, vous l'avez d'ailleurs peut-être entendu.
S'agissant de l'allocation équivalent retraite, en attendant la réforme
d'ensemble des retraites, - M. Domeizel a eu raison, après M. Chabroux,
d'insister sur ce point - de nombreux parlementaires ont souhaité que nous
envisagions, dès à présent, la situation des personnes de moins de soixante ans
ayant cotisé plus de 160 trimestres.
Le Gouvernement a donc déposé un amendement d'abord au projet de loi de
financement de la sécurité sociale, puis au projet de loi de finances, dans
lequel il est maintenant à sa place, afin de créer une allocation équivalent
retraite. Celle-ci garantit entre 5 000 et 5 750 francs de ressources -
indépendamment de celles du conjoint, vous avez bien fait de le souligner - à
tout chômeur ou inactif de moins de soixante ans ayant cotisé au moins 160
trimestres.
Je rappelle à M. Domeizel que le minimum contributif a été créé en 1983 pour
revaloriser les longues carrières avec de faibles salaires. Il bénéficiera au
1er janvier 2002 de la même revalorisation que les pensions, soit 2,2 %. Mais
la plupart des bénéficiaires du minimum contributif ne perçoivent pas un
minimum entier à taux plein parce qu'ils n'ont pas cotisé 160 trimestres. Ils
touchent donc une pension qui, grâce à la retraite complémentaire, est encore
supérieure au minimum vieillesse. Si nous faisions un effort complémentaire,
celui-ci devrait porter, me semble-t-il, en priorité sur le minimum
vieillesse.
En ce qui concerne l'avenir des retraites, grâce à la politique économique que
nous avons menée et aux résultats que nous avons engrangés, nous avons au moins
desserré l'étau de l'urgence. La croissance et l'emploi que nous avons su
retrouver ont repoussé un peu dans le temps la date d'apparition des premiers
déficits, et ils nous ont donné le temps de réaliser un diagnostic réel et
complet dans des conditions de confiance et de sérénité. Souvenons-nous
comment, par autoritarisme, le gouvernement Juppé avait fait descendre les
Français dans la rue, en 1995, sur la question des retraites.
M. Gilbert Chabroux.
Eh oui !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
A l'autoritarisme nous avons
opposé la concertation, qui nous a permis d'avancer et de préparer la future et
nécessaire réforme des retraites à laquelle nous procéderons après les
élections de 2002.
M. Bernard Murat.
Maintenant, l'urgence, c'est la police !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Nous avons installé le conseil
d'orientation des retraites pour organiser la concertation dans la durée, et je
constate que tous, ici, ont reconnu la qualité de ses travaux, même si certains
font mine de ne pas comprendre ses acquis, alors que son équivalent existe dans
tous les pays qui mettent en oeuvre une réforme.
Concertation, respect de la diversité et de l'identité des régimes, équité et
solidarité, ces principes ont guidé notre action, car notre objectif est de
préserver le système par répartition. Tel est le choix du Gouvernement, gage de
la solidarité entre les générations.
Je me réjouis d'ailleurs de constater que, du côté de la majorité sénatoriale
ou de l'opposition, à l'Assemblée nationale, les discours de ceux qui prônent
la capitalisation comme solution aux difficultés de financement des retraites
ont sérieusement baissé en intensité. Bientôt, j'en suis sûre, nous recevrons
de tous un satisfecit pour avoir abrogé la loi Thomas !
(Sourires.)
M. Guy Fischer.
C'est sûr !
M. Michel Mercier.
Oh !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Pas de provocation, madame le ministre !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Souvenez-vous, c'était l'année
dernière. Cette loi Thomas menaçait la répartition en ce qu'elle exonérait des
cotisations vieillesse les flux concernés et instaurait un système inégalitaire
favorisant indûment les plus hauts revenus.
Nous devons donc remettre à plat notre système de retraite par répartition
pour le préserver, le pérénniser et garantir un niveau de retraite qu'il faudra
fixer par la négociation.
Je constate, là encore, que l'opposition se rallierait presque à notre
politique en se référant elle-même au taux de remplacement. Une fois ce niveau
négocié et financé, nous pourrons alors organiser plus de souplesse.
Certains voudront peut-être travailler plus longtemps pour acquérir plus de
droits ; d'autres, au contraire, souhaiteront partir plus tôt, parce qu'ils ont
déjà cotisé depuis qu'ils sont très jeunes ou parce qu'ils ont exercé un
travail particulièrement pénible.
M. Bernard Murat.
Vous voyez bien que les 35 heures ne sont pas la panacée !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Lorsque, dans le cadre du
conseil d'orientation des retraites, nous aurons achevé la préparation,
c'est-à-dire lorsque nous serons allés au bout de toute la réflexion sur l'âge,
sur le travail - c'est la condition du plein emploi - lorsque le conseil
d'orientation des retraites aura travaillé sur la question, très importante
aussi, mais qui n'a été encore qu'effleurée, des avantages familiaux au regard
des retraites, alors, en effet, nous pourrons, tout de suite après les
élections, ouvrir non pas la concertation - cela aura déjà été fait - mais la
négociation et faire en sorte que nous puissions, dans la négociation, aboutir
à la réforme nécessaire.
Mesdames, messieurs les sénateurs, certains ont tenté de jeter un écran de
fumée à la fois sur le bilan des anciens gouvernements et sur la mise en oeuvre
de nos priorités. Nous présentons, nous, un texte qui traduit, une fois de
plus, un projet ambitieux pour la sécurité sociale.
J'espère que notre débat va porter réellement sur les politiques conduites et
sur les propositions que nous avançons pour améliorer la protection sociale de
nos concitoyens, et croyez bien que, si la majorité sénatoriale fait des
propositions qui permettent d'améliorer encore ce système, je les accueillerai
très volontiers.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur
celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
Pour conclure, monsieur le président, et dans un souci de bonne organisation
du débat, le Gouvernement souhaite la réserve de l'article 1er, jusqu'à la fin
de la discussion des articles, ainsi que des articles 8 et 9, jusqu'après
l'article 29, et des articles 30 et 31, jusqu'après l'article 32
bis.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur cette demande de réserve ?
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Favorable.
M. le président.
La réserve est ordonnée.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
A cette heure assez tardive, je n'abuserai pas de la patience
et de l'attention de l'assemblée, mais je ne voudrais pas laisser nos collègues
sur l'impression que l'ensemble des affirmations qui viennent d'être assénées
par Mme le ministre à l'intention de la majorité sénatoriale resteront sans
réponse.
Je vous l'annonce dès à présent, j'ai relevé plus d'une dizaine de questions
qui nécessiteront, de la part de la commission des affaires sociales, des mises
au point et des précisions en réponse à ces propos. Nous allons réagir !
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. le président.
J'ai le sentiment, monsieur le rapporteur, que personne ici n'avait de doutes
à ce sujet...
(Sourires.)
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
11
COMMUNICATION DE L'ADOPTION DÉFINITIVE DE TEXTES SOUMIS EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication en
date du 9 novembre 2001 l'informant de l'adoption définitive des neuf textes
soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution suivants :
N° E 1478. - Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil
relative à la promotion de l'électricité produite à partir de sources d'énergie
renouvelable sur le marché intérieur de l'électricité (adopté le 27 septembre
2001).
N° E 1583. - Proposition de décision du Conseil instituant un mécanisme
communautaire de coordination des interventions de protection civile en cas
d'urgence (adopté le 23 octobre 2001).
N° E 1641. - Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil
relatif aux actions dans le domaine de l'aide aux populations déracinées dans
les pays en développement d'Amérique latine et d'Asie (adopté le 29 octobre
2001).
N° E 1688. - Demande de dérogation présentée par l'Allemagne en application de
l'article 30 de la sixième directive du Conseil du 17 mai 1977 en matière de
TVA [accord international avec la République tchèque. - Travaux d'élargissement
du pont frontalier] (adopté le 16 octobre 2001).
N° E 1689. - Demande de dérogation présentée par l'Allemagne en application de
l'article 30 de la sixième directive du Conseil du 17 mai 1977 en matière de
TVA [accord international avec la République de Pologne. - Travaux
d'élargissement du pont frontalier] (adopté le 16 octobre 2001).
N° E 1760. - Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n°
3072/95 portant organisation commune du marché du riz (adopté le 8 octobre
2001).
N° E 1786. - Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de
l'accord sous forme d'échange de lettres relative à l'application provisoire du
protocole fixant, pour la période allant du 21 mai 2001 au 20 mai 2004, les
possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues dans l'accord entre
la Communauté économique européenne et la République démocratique de Madagascar
concernant la pêche au large de Madagascar (adopté le 29 octobre 2001).
N° E 1796. - Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de
deux accords sous forme d'échanges de lettres relatifs à la prorogation du
protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière
prévues dans l'accord conclu entre la Communauté économique européenne et le
Gouvernement de la République du Sénégal concernant la pêche au large de la
côte sénégalaise pour les périodes allant du 1er mai 2001 au 31 juillet 2001 et
du 1er août 2001 au 31 décembre 2001 (adopté le 29 octobre 2001).
N° E 1837. - Proposition de décision du Conseil établissant la position de la
Communauté dans la conférence ministérielle, établie par l'accord instituant
l'Organisation mondiale du commerce, concernant l'adhésion de la République
populaire de Chine à l'Organisation mondiale du commerce (adopté le 29 octobre
2001).
12
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de M. Jean-Louis Masson une proposition de loi tendant à assurer une
représentation spécifique des chômeurs aux conseils d'administration de l'ANPE
et de l'UNEDIC.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 68, distribuée et renvoyée à la
commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle
d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
13
TEXTES SOUMIS AU SÉNAT
EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4
DE LA CONSTITUTION
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen.
Programme d'action pour la réalisation du ciel unique européen et proposition
de règlement du Parlement européen et du Conseil fixant le cadre pour la
création du ciel unique européen.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1851 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier minsitre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen sur la
réalisation du ciel unique européen. Proposition de règlement du Parlement
européen et du Conseil sur la fourniture de services de navigation aérienne
dans le ciel unique européen. Proposition de règlement du Parlement européen et
du Conseil sur l'organisation et l'utilisation de l'espace aérien dans le ciel
unique européen. Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil
sur l'interopérabilité du réseau européen de gestion du trafic aérien.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1852 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier minsitre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'artice 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil modifiant la décision 2001/549/CE du 16
juillet 2001 portant attribution d'une aide macrofinancière à la République
fédérale de Yougoslavie.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1853 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1255/96
portant suspension temporaire des droits autonomes du tarif douanier commun sur
certains produits industriels, agricoles et de la pêche.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1854 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil portant approbation de la conclusion, par
la Commission, de l'accord entre la Communauté européenne de l'énergie
atomique, et l'Organisation pour le développement énergétique de la péninsule
coréenne (KEDO).
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1855 et distribué.
14
RENVOI POUR AVIS
M. le président. J'informe le Sénat que le projet de loi relatif à la démocratie de proximité, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence (n° 415, 2000-2001), dont la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à sa demande, à la commission des affaires culturelles.
15
DÉPÔTS DE RAPPORTS
M. le président.
J'ai reçu de M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait
au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les
dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative aux droits
du conjoint survivant et des enfants adultérins.
Le rapport sera imprimé sous le numéro 67 et distribué.
J'ai reçu de M. Ivan Renar un rapport fait au nom de la commission des
affaires culturelles sur la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée
nationale, relative à la création d'établissements publics de coopération
culturelle (n° 20, 2001-2002).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 69 et distribué.
16
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée à aujourd'hui, mercredi 14 novembre 2001, à quinze heures et le soir :
Suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale
pour 2002, adopté par l'Assemblée nationale (n° 53, 2001-2002).
Rapport (n° 60, 2001-2002) de MM. Alain Vasselle, Jean-Louis Lorrain et
Dominique Leclerc, fait au nom de la commission des affaires sociales.
Avis (n° 61, 2001-2002) de M. Alain Joyandet, fait au nom de la commission des
finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
Délai limite pour le dépôt
des amendements
Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale,
relative à la création d'établissements publics de coopération culturelle (n°
20, 2001-2002).
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 19 novembre 2001, à
dix-sept heures.
Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi organique de
M. Gaston Flosse portant validation de l'impôt foncier sur les propriétés
bâties en Polynésie française (n° 443, 2000-2001).
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 19 novembre 2001, à
dix-sept heures.
Conclusions de la commission des affaires économiques sur la proposition de
loi de M. Patrice Gélard et de plusieurs de ses collègues tendant à prévenir
l'effondrement des cavités souterraines et des marnières et à préciser le
régime juridique des biens immobiliers affectés (n° 311, 2000-2001).
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 19 novembre 2001, à
dix-sept heures.
Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à l'autorité
parentale (n° 387, 2000-2001).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 20 novembre 2001, à seize
heures.
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'accès aux
origines des personnes adoptées et pupilles de l'Etat (n° 352, 2000-2001).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 20 novembre 2001, à
dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 14 novembre 2001, à une heure vingt.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD
DÉCISIONS DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
Décision n° 2001-2594/2595/2596
du 8 novembre 2001
SÉNAT, MOSELLE
M. BERNARD FOUCAULT, M. ROGER BENMEBAREK
Le Conseil constitutionnel,
Vu 1° la requête n° 2001-2594 présentée par M. Bernard Foucault, demeurant à
Metz (Moselle), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel
le 26 septembre 2001 et tendant à l'annulation des opérations électorales
auxquelles il a été procédé le 23 septembre 2001 dans le département de la
Moselle en vue de la désignation de cinq sénateurs en tant qu'elles concernent
M. Jean-Louis Masson ;
Vu le mémoire en défense présenté par M. Masson, sénateur, enregistré comme
ci-dessus le 17 octobre 2001 ;
Vu le mémoire complémentaire présenté par M. Foucault, enregistré comme
ci-dessus le 23 octobre 2001 ;
Vu 2° la requête n° 2001-2595 présentée par M. Roger Benmebarek, demeurant à
Metz (Moselle), enregistrée comme ci-dessus le 28 septembre 2001 et tendant à
l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé le 23
septembre 2001 dans le département de la Moselle en vue de la désignation de
cinq sénateurs ;
Vu 3° la requête n° 2001-2596 présentée par M. Benmebarek, demeurant à Metz
(Moselle), enregistrée comme ci-dessus le 28 septembre 2001 et tendant à
l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé le 23
septembre 2001 dans le département de la Moselle en vue de la désignation de
cinq sénateurs ;
Vu les mémoires complémentaires présentés par M. Benmebarek, enregistrés comme
ci-dessus les 3 octobre et 5 novembre 2001 pour les requêtes n°s 2001-2595 et
2001-2596 ;
Vu les mémoires en défense présentés par MM. Masseret et Todeschini
enregistrés comme ci-dessus le 5 novembre 2001 ;
Vu les observations du ministre de l'intérieur, enregistrées comme ci-dessus
le 23 octobre 2001 pour la requête n° 2001-2594 et le 31 octobre 2001 pour les
requêtes n°s 2001-2595 et 2001-2596 ;
Vu la Constitution, notamment son article 59 ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique
sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code électoral ;
Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs
;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Le rapporteur ayant été entendu,
Considérant que les requêtes présentées par M. Foucault et M. Benmebarek
tendent à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé
le 23 septembre 2001 dans le département de la Moselle en vue de la désignation
de cinq sénateurs et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a
lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur la requête de M. Foucault :
Considérant, en premier lieu, que M. Foucault soutient que la campagne
électorale de M. Masson a débuté avant « la date légale d'ouverture »,
notamment par l'envoi de lettres ; qu'à la supposer établie, la circonstance
que M. Masson aurait adressé des lettres aux élus municipaux dès le mois de
juin 2001, ce qu'aucun texte n'interdit, ne peut être utilement invoquée pour
contester les résultats de son élection ; que, pour le surplus de ce grief, il
n'apporte aucun élément permettant d'en apprécier la portée ;
Considérant, en deuxième lieu, que, s'il résulte des dispositions combinées
des articles L. 308 et R. 155 du code électoral que chaque candidat ou chaque
liste de candidats peut faire imprimer une circulaire dont les frais d'envoi
et, dans certaines conditions, les frais d'impression sont pris en charge par
l'Etat, ces dispositions n'interdisent pas aux candidats d'envoyer à leurs
frais d'autres documents aux électeurs sénatoriaux ; que, s'il est soutenu que
la liste conduite par M. Masson aurait diffusé presque autant de documents que
l'ensemble des autres candidats, cette circonstance, à la supposer établie, ne
révèle pas, par elle-même, un abus de propagande ayant faussé le résultat de
l'élection ;
Considérant, en troisième lieu, que, si le requérant soutient que les délégués
des conseils municipaux de certaines communes, notamment de la commune
d'Arraincourt, auraient été désignés dans des conditions irrégulières, cette
désignation n'a pas été contestée devant le tribunal administratif dans les
conditions prévues par les articles L. 292 et R. 147 du code électoral ; que,
par suite, ces électeurs pouvaient valablement prendre part au vote ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 308-1 du code
électoral, ajouté audit code par l'article 1er de la loi n° 2000-641 du 10
juillet 2000 relative à l'élection des sénateurs : « Les dispositions des
deuxième et cinquième alinéas de l'article L. 52-8 s'appliquent aux candidats
aux élections sénatoriales » ; qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L.
52-8 du même code : « Les personnes morales, à l'exception des partis ou des
groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne
électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que
ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs
ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués » ;
que la méconnaissance, par un candidat ou par une liste de candidats, de ces
dispositions est de nature à provoquer l'annulation de l'élection lorsque
l'octroi de ces avantages a entraîné, dans les circonstances de l'espèce, une
rupture d'égalité entre les candidats ayant altéré la sincérité du scrutin
sénatorial ;
Considérant, d'une part, que, si le requérant soutient que la liste conduite
par M. Masson a utilisé pour sa campagne des moyens provenant du secrétariat
dont il disposait en sa qualité d'élu, il n'apporte aucun commencement de
preuve à l'appui de cette affirmation ; que, d'autre part, eu égard à l'écart
des voix entre les listes en présence, le fait qu'une association aurait
financé trois numéros d'une publication en faveur de la candidature de M.
Masson n'a pu, dans les circonstances de l'espèce, altérer les résultats du
scrutin ; que, par suite, et sans qu'il y ait lieu de rechercher si cette
association constitue ou non un parti ou un groupement politique au sens des
articles 7 à 11-9 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988, le grief fondé sur la
violation de l'article L. 308-1 du code électoral ne peut être accueilli ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. Foucault
doit être rejetée ;
Sur les requêtes de M. Benmebarek :
Considérant, en premier lieu, qu'aucune disposition législative n'édicte
l'inéligibilité à un mandat parlementaire d'un membre du Gouvernement ou d'un
membre de cabinet ministériel ; que, par suite, M. Benmebarek n'est pas fondé à
soutenir que M. Masseret, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens
combattants jusqu'au 3 septembre 2001, et M. Todeschini, membre de son cabinet
au secrétariat d'Etat jusqu'à la même date, auraient été inéligibles ;
Considérant, en deuxième lieu, que les organes de la presse écrite sont libres
de rendre compte d'une campagne électorale comme ils l'entendent ; que, par
suite, le requérant n'est pas fondé à contester les places respectives faites
par un quotidien régional à sa liste et à celle conduite par M. Masseret ;
Considérant, enfin, que le requérant soutient que la sincérité des résultats
du scrutin a été altérée en raison de la rupture d'égalité entre les diverses
listes de candidats résultant tant de l'usage par M. Masseret, à l'occasion de
sa campagne électorale, des moyens et des prérogatives que lui ont procurés ses
fonctions ministérielles, que de la couverture qu'aurait assurée à sa campagne
la station régionale France 3 ; qu'il n'assortit toutefois ces allégations
d'aucun élément de nature à les étayer ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requêtes de M. Benmebarek
doivent être rejetées,
Décide :
Art. 1er. _ Les requêtes de MM. Bernard Foucault et Roger Benmebarek sont
rejetées.
Art. 2. _ La présente décision sera notifiée au président du Sénat, à M.
Bernard Foucault et à M. Roger Benmebarek et publiée au
Journal officiel
de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 8 novembre 2001, où
siégeaient : MM. Yves Guéna, président, Michel Ameller, Jean-Claude Colliard,
Olivier Dutheillet de Lamothe, Pierre Joxe et Pierre Mazeaud, Mmes Monique
Pelletier, Dominique Schnapper et Simone Veil.
Le président,
Yves Guéna
Décision n° 2001-2597 du 8 novembre 2001
SÉNAT (TOUS DÉPARTEMENTS DE LA SÉRIE B)
M. STÉPHANE HAUCHEMAILLE
Le Conseil constitutionnel,
Vu la requête présentée par M. Stéphane Hauchemaille, demeurant à Meulan
(Yvelines), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le
1er octobre 2001 et tendant à l'annulation des opérations électorales
auxquelles il a été procédé le 23 septembre 2001 en vue de la désignation des
sénateurs dans l'ensemble des départements de la série B ;
Vu les observations du ministre de l'intérieur enregistrées comme ci-dessus le
16 octobre 2001 ;
Vu la Constitution, notamment son article 59 ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique
sur le Conseil constitutionnel, notamment son article 33 ;
Vu le code électoral ;
Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs
;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
Considérant qu'aux termes de l'article 33 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7
novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : «
L'élection d'un député ou d'un sénateur peut être contestée devant le Conseil
constitutionnel durant les dix jours qui suivent la proclamation des résultats
du scrutin. Le droit de contester une élection appartient à toutes les
personnes inscrites sur les listes électorales de la circonscription dans
laquelle il a été procédé à l'élection ainsi qu'aux personnes qui ont fait acte
de candidature » ;
Considérant que M. Hauchemaille demande l'annulation de l'ensemble des
opérations électorales ayant donné lieu à la désignation des sénateurs dans les
départements appartenant à la série B telle qu'elle est définie au tableau n° 5
mentionné à l'article LO 276 du code électoral ; que le requérant n'a fait acte
de candidature à l'élection contestée dans aucun de ces départements ; que,
s'il fait valoir qu'il est régulièrement inscrit sur la liste électorale de la
commune de Meulan (Yvelines), sa qualité d'électeur ne le rend pas recevable à
contester les résultats des élections sénatoriales auxquelles il a été procédé
le 23 septembre 2001 et qui ne concernaient pas le département des Yvelines ;
que, par suite, sa requête est irrecevable,
Décide :
Art. 1er. _ La requête de M. Stéphane Hauchemaille est rejetée.
Art. 2. _ La présente décision sera notifiée au président du Sénat, à M.
Hauchemaille et publiée au
Journal officiel
de la République
française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 8 novembre 2001, où
siégeaient : MM. Yves Guéna, président, Michel Ameller, Jean-Claude Colliard,
Olivier Dutheillet de Lamothe, Pierre Joxe et Pierre Mazeaud, Mmes Monique
Pelletier, Dominique Schnapper et Simone Veil.
Le président,
Yves Guéna
Décision n° 2001-2598 du 8 novembre 2001
SÉNAT, MEUSE
M. ROGER DUMEZ
Le Conseil constitutionnel,
Vu la requête présentée par M. Roger Dumez, demeurant à Saint-Mihiel (Meuse)
déposée auprès de la préfecture de la Meuse le 2 octobre 2001 et tendant à
l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé le 23
septembre 2001 dans le département de la Meuse en vue de la désignation de deux
sénateurs en tant qu'elles concernent l'élection de M. Claude Biwer ;
Vu le mémoire en défense présenté par M. Biwer, sénateur, enregistré au
secrétariat du Conseil constitutionnel le 19 octobre 2001 ;
Vu le mémoire en réplique présenté par M. Dumez, enregistré comme ci-dessus le
20 octobre 2001 ;
Vu les observations du ministre de l'intérieur, enregistrées comme ci-dessus
le 2 novembre 2001 ;
Vu le nouveau mémoire présenté par M. Biwer, sénateur, enregistré comme
ci-dessus le 5 novembre 2001 ;
Vu le nouveau mémoire présenté par M. Dumez, enregistré comme ci-dessus le 6
novembre 2001 ;
Vu la Constitution, notamment son article 59 ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique
sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code électoral, notamment son article L. 308-1 ;
Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs
;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
Considérant, en premier lieu, que si, entre les deux tours de scrutin, M.
Pancher, président du conseil général de la Meuse, a adressé aux membres du
collège électoral sénatorial une lettre par laquelle il les avise qu'il
soutiendrait « les deux candidats de la majorité départementale arrivés en tête
: Gérard Longuet, naturellement, et Claude Biwer » et indique qu'il « compte
sur (leur) mobilisation afin d'assurer la cohérence dont la Meuse a besoin pour
les prochaines années », cette lettre, pour critiquable que soit le fait
qu'elle a été rédigée sur du papier à en-tête du président de l'assemblée
départementale, ne peut être regardée, en l'espèce, comme ayant constitué une
pression ou une manoeuvre de nature à avoir altéré la sincérité du scrutin ;
que ne peut davantage être regardée comme une telle pression ou manoeuvre, eu
égard à la composition particulière du collège électoral sénatorial, la
circonstance que la lettre contestée exclut implicitement M. Dumez de la «
majorité départementale » ;
Considérant, en second lieu, que, par un mémoire enregistré le 6 novembre
2001, M. Dumez invoque la méconnaissance, du seul fait de la diffusion de cette
lettre, du deuxième alinéa de l'article L. 52-8 du code électoral, lequel
prohibe le financement de la campagne électorale d'un candidat par une
collectivité territoriale ; que ce grief, présenté hors du délai de dix jours
fixé par l'article 33 de l'ordonnance organique du 7 novembre 1958 susvisée,
est irrecevable ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requête présentée par M.
Dumez doit être rejetée,
Décide :
Art. 1er. _ La requête de M. Roger Dumez est rejetée.
Art. 2. _ La présente décision sera notifiée au président du Sénat, à M. Roger
Dumez et publiée au
Journal officiel
de la République française,
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 8 novembre 2001, où
siégeaient : MM. Yves Guéna, président, Michel Ameller, Jean-Claude Colliard,
Olivier Dutheillet de Lamothe, Pierre Joxe et Pierre Mazeaud, Mmes Monique
Pelletier, Dominique Schnapper et Simone Veil.
Le président
Yves Guéna
Décision
n°s 2001-2599/2600/2601/2602/2603/2604/2605/2606
du 8 novembre 2001
SÉNAT (JURA, LOT-ET-GARONNE, PYRÉNÉES-ORIENTALES, LANDES, PUY-DE-DÔME, OISE,
TOUS LES DÉPARTEMENTS DE LA SÉRIE B)
Mme JACQUELINE MONTOROI-VOITEL, M. PATRICK LELEUX, Mme GISÈLE PARISOT, M.
JEAN-LOUIS RICHARD, M. MICHEL RUIN, M. JEAN-PIERRE CARDOT, M. PHILIPPE PATY, M.
PIERRE HODBERT
Le Conseil constitutionnel,
Vu 1° la requête n° 2001-2599 présentée par Mme Jacqueline Montoroi-Voitel,
demeurant à Paris (17e), enregistrée au secrétariat général du Conseil
constitutionnel le 2 octobre 2001 et tendant à l'annulation des opérations
électorales auxquelles il a été procédé le 23 septembre 2001 dans le
département du Jura en vue de la désignation de deux sénateurs ;
Vu 2° la requête n° 2001-2600 présentée par M. Patrick Leleux, demeurant à
Paris (11e), enregistrée comme ci-dessus le 2 octobre 2001 et tendant à
l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé le 23
septembre 2001 dans le département de Lot-et-Garonne en vue de la désignation
de deux sénateurs ;
Vu le mémoire en défense présenté par MM. Jean François-Poncet et Daniel
Soulage, sénateurs, enregistré comme ci-dessus le 16 octobre 2001 ;
Vu 3° la requête n° 2001-2601 présentée par Mme Gisèle Parisot, demeurant à
Perpignan (Pyrénées-Orientales), enregistrée comme ci-dessus le 2 octobre 2001
et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été
procédé le 23 septembre 2001 dans le département des Pyrénées-Orientales en vue
de la désignation de deux sénateurs ;
Vu 4° la requête n° 2001-2602 présentée par M. Jean-Louis Richard, demeurant à
Minbaste (Landes), enregistrée comme ci-dessus le 2 octobre 2001 et tendant à
l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé le 23
septembre 2001 dans le département des Landes en vue de la désignation de deux
sénateurs ;
Vu les mémoires en défense présentés par M. Philippe Labeyrie et M. Jean-Louis
Carrere, sénateurs, enregistrés comme ci-dessus le 15 octobre 2001 ;
Vu 5° la requête n° 2001-2603 présentée par M. Michel Ruin, demeurant à
Compiègne (Oise), enregistrée comme ci-dessus le 2 octobre 2001 et tendant à
l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé le 23
septembre 2001 dans le département du Puy-de-Dôme en vue de la désignation de
trois sénateurs ;
Vu le mémoire en défense présenté par M. Michel Charasse, sénateur, enregistré
comme ci-dessus le 17 octobre 2001 ;
Vu le mémoire en défense présenté par Mme Michèle André, sénateur, enregistré
comme ci-dessus le 24 octobre 2001 ;
Vu 6° la requête n° 2001-2604 présentée par M. Jean-Pierre Cardot demeurant à
Jouy-le-Moutier (Val-d'Oise), enregistrée comme ci-dessus le 2 octobre 2001 et
tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé
le 23 septembre 2001 dans le département des Pyrénées-Orientales en vue de la
désignation de deux sénateurs ;
Vu les mémoires en défense présentés par MM. Paul Blanc eet Jean-Paul Alduy,
enregistrés comme ci-dessus le 23 octobre 2001 ;
Vu 7° la requête n° 2001-2605 présentée par M. Philippe Paty, demeurant au
Plessis-Robinson (Hauts-de-Seine), enregistrée comme ci-dessus le 2 octobre
2001 et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été
procédé le 23 septembre 2001 en vue de la désignation des sénateurs dans tous
les départements de la série B ;
Vu 8° la requête n° 2001-2606 présentée par M. Pierre Hodbert demeurant à
Senlis (Oise), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le
3 octobre 2001 et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles
il a été procédé le 23 septembre 2001 en vue de la désignation de trois
sénateurs dans le département de l'Oise ;
Vu le mémoire en défense présenté par M. Alain Vasselle, sénateur, enregistré
comme ci-dessus le 22 octobre 2001 ;
Vu les mémoires en défense présentés par M. André Vantomme, sénateur,
enregistrés comme ci-dessus les 23 et 24 octobre 2001 ;
Vu le mémoire en défense présenté par M. Philippe Marini, sénateur, enregistré
comme ci-dessus le 31 octobre 2001 ;
Vu les observations du ministre de l'intérieur, enregistrées comme ci-dessus
le 18 octobre 2001 pour les requêtes n°s 2001-2599 à 2001-2605 et le 24 octobre
2001 pour la requête n° 2001-2606 ;
Vu la Constitution, notamment son article 59 ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique
sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs
;
Vu le code électoral ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
Considérant que les huit requêtes, enregistrées sous les numéros 2001-2599 à
2001-2606, émanent de candidats se réclamant de l'appartenance à l'Union des
contribuables de France et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y
a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur les conclusions de M. Paty dirigées contre les opérations électorales
auxquelles il a été procédé dans l'ensemble des départements de la série B
:
Considérant qu'aux termes de l'article 33 de l'ordonnance du 7 novembre 1958
modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : « L'élection
d'un député ou d'un sénateur peut être contestée devant le Conseil
constitutionnel durant les dix jours qui suivent la proclamation des résultats
du scrutin. Le droit de contester une élection appartient à toutes les
personnes inscrites sur les listes électorales de la circonscription dans
laquelle il a été procédé à l'élection ainsi qu'aux personnes qui ont fait acte
de candidature » ;
Considérant que, si M. Paty a fait acte de candidature dans le département du
Nord, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ait été inscrit sur une
liste électorale dans un des autres départements de la série B ; que, dès lors,
il n'a pas qualité pour contester les opérations électorales auxquelles il a
été procédé le 23 septembre 2001 dans ces autres départements ; qu'il suit de
là que les conclusions de sa requête sont, dans cette mesure, irrecevables ;
Sur les conclusions dirigées contre les opérations électorales auxquelles
il a été procédé dans les départements du Jura, des Landes, de Lot-et-Garonne,
du Nord, de l'Oise, du Puy-de-Dôme et des Pyrénées-Orientales :
Considérant, en premier lieu, que, si M. Hodbert soutient que les candidats se
réclamant de l'Union des contribuables de France n'ont pas été autorisés à
assister au déroulement du scrutin dans le département de l'Oise, il résulte de
l'instruction que ce moyen manque en fait ;
Considérant, en second lieu, que les requérants soutiennent que « des
résultats par département » des élections sénatoriales ont été diffusés les 19
et 20 septembre 2001 sur le site Internet du Sénat - soit avant le scrutin du
23 septembre - et ont été repris par la presse ; que ces faits sont de nature à
avoir altéré la sincérité du scrutin ;
Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que ces « résultats »
limités à sept départements ne concernaient pas les départements du Nord et de
l'Oise ; que, par suite, MM. Paty et Hodbert ne peuvent, en tout état de cause,
invoquer utilement ce grief pour contester les résultats des élections
sénatoriales dans ces deux départements ;
Considérant, d'autre part, qu'afin de valider une nouvelle procédure de
transmission électronique des résultats par les préfectures, des essais
techniques ont été opérés le 18 septembre 2001 entre le ministère de
l'intérieur et le service informatique du Sénat, en utilisant les candidatures
enregistrées et des résultats fictifs ; que, si les pages procédant de ces
essais contenaient le nom des candidats ainsi que leur appartenance politique
et affectaient à chacun d'eux un résultat fictif, elles n'étaient accessibles
qu'indirectement sur le site Internet du Sénat et mentionnaient en caractères
apparents qu'elles correspondaient à un « test », de sorte qu'aucun doute ne
pouvait exister quant à la nature des informations qu'elles contenaient ; que,
si des consultations extérieures ont pu être opérées, elles ne l'ont été qu'en
nombre très limité ; que, dans ces conditions, la possibilité d'accéder à ces
prétendus « résultats » ne peut être regardée comme de nature à avoir affecté
la sincérité du scrutin ; que ne peut être utilement invoquée devant le juge
électoral la circonstance que le contenu de ces pages violerait l'article 31 de
la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et
aux libertés qui interdit de mettre en mémoire informatique, sauf accord exprès
des intéressés, des données nominatives faisant apparaître leurs opinions
politiques ;
Considérant, enfin, que, si deux organes de la presse régionale ont rendu
compte, avant le scrutin, des « résultats » qui figuraient dans ces pages et
qui, contrairement à ce que soutiennent les requérants, ne sauraient, en tout
état de cause, être regardés comme des sondages d'opinion, les articles
invoqués n'ont pu altérer la sincérité du scrutin, eu égard tant à la
composition particulière du collège électoral sénatorial qu'à la façon dont la
presse a relaté ces faits ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requêtes susvisées
doivent ête rejetées,
Décide :
Art. 1er. _ Les requêtes présentées par Mmes Jacqueline Montoroi-Voitel et
Gisèle Parisot, MM. Patrick Leleux, Jean-Louis Richard, Michel Ruin,
Jean-Pierre Cardot, Philippe Paty et Pierre Hodbert sont rejetées.
Art. 2. _ La présente décision sera notifiée au président du Sénat, à Mmes
Jacqueline Montoroi-Voitel et Gisèle Parisot, MM. Patrick Leleux, Jean-Louis
Richard, Michel Ruin, Jean-Pierre Cardot, Philippe Paty et Pierre Hodbert et
publiée au
Journal officiel
de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 8 novembre 2001, où
siégeaient : MM. Yves Guéna, président, Michel Ameller, Jean-Claude Colliard,
Olivier Dutheillet de Lamothe, Pierre Joxe et Pierre Mazeaud, Mmes Monique
Pelletier, Dominique Schnapper et Simone Veil.
Le président,
Yves Guéna
Décision n° 2001-2607 du 8 novembre 2001
SÉNAT, COMMUNE D'ESPINCHAL (PUY-DE-DÔME)
M. MICHEL GOIGOUX
Le Conseil constitutionnel,
Vu la requête présentée par M. Michel Goigoux, demeurant à Cournon
(Puy-de-Dôme), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le
17 octobre 2001 et tendant à l'annulation du jugement par lequel le tribunal
administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande dirigée contre l'élection
du délégué et des suppléants du conseil municipal d'Espinchal au collège
électoral sénatorial ;
Vu la Constitution, notamment son article 59 ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique
sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code électoral ;
Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs
;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
Considérant, d'une part, qu'il résulte de la combinaison de l'article 59 de la
Constitution et des articles 33, 35, 39 et 44 de l'ordonnance du 7 novembre
1958 susvisée, repris aux articles LO 180, LO 182, LO 184 et LO 188 du code
électoral, que, dans le contentieux de l'élection d'un député ou d'un sénateur,
le Conseil constitutionnel ne peut être valablement saisi d'une contestation
électorale autre que celle dirigée contre cette élection ; que, d'autre part,
il résulte des termes mêmes de l'article L. 292 du code électoral que le
jugement du tribunal administratif statuant sur la contestation de la
régularité de la désignation des délégués des conseils municipaux ou de leurs
suppléants ne peut être contesté que devant le Conseil constitutionnel « saisi
de l'élection » ; que, par suite, le Conseil constitutionnel ne peut connaître
des irrégularités invoquées à l'encontre de la désignation de ces délégués ou
de leurs suppléants qu'à l'appui d'une requête dirigée contre l'élection du ou
des sénateurs élus par le collège électoral comprenant les délégués dont la
désignation est elle-même contestée ;
Considérant que M. Michel Goigoux se borne à demander l'annulation du jugement
du 7 septembre 2001 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a
rejeté sa protestation contre la désignation du délégué et des suppléants du
conseil municipal de la commune d'Espinchal sans contester devant le Conseil
constitutionnel les résultats des élections sénatoriales dans le département du
Puy-de-Dôme auxquelles ce délégué ou l'un de ses suppléants a participé ; que
dès lors sa requête n'est pas recevable,
Décide :
Art. 1er. _ La requête de M. Michel Goigoux est rejetée.
Art. 2. _ La présente décision sera notifiée à M. Michel Goigoux et publiée au
Journal officiel
de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 8 novembre 2001, où
siégeaient : MM. Yves Guéna, président, Michel Ameller, Jean-Claude Colliard,
Olivier Dutheillet de Lamothe, Pierre Joxe et Pierre Mazeaud, Mmes Monique
Pelletier, Dominique Schnapper et Simone Veil.
Le président,
Yves Guéna
ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES
COMITÉ NATIONAL DES RETRAITÉS ET DES PERSONNES ÂGÉES
En application du décret n° 82-697 du 4 août 1982, M. le président du Sénat a désigné, le 29 octobre 2001, M. Claude Domeizel pour siéger, en qualité de membre suppléant, au sein du Comité national des retraités et des personnes âgées, en remplacement de Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
COMITÉ NATIONAL D'ÉVALUATION DES DISPOSITIFS
EXPÉRIMENTAUX D'AIDE AUX PERSONNES ÂGÉES
En application de l'article 38 de la loi n° 94-637 du 25 juillet 1994, M. le
président du Sénat a désigné, le 29 octobre 2001, M. André Lardeux, pour siéger
en qualité de membre titulaire, et M. Bernard Cazeau, pour siéger en qualité de
membre suppléant, au sein du Comité national d'évaluation des dispositifs
expérimentaux d'aide aux personnes âgées, en remplacement de MM. Lucien
Neuwirth et Roland Huguet.
COMMISSION CONSULTATIVE APPELÉE À ÉMETTRE UN AVIS SUR LA MODIFICATION DE LA
VALEUR DU POINT DE PENSION
En application du décret n° 90-755 du 23 août 1990, M. le président du Sénat a
reconduit, le 29 octobre 2001, M. Auguste Cazalet et Mme Gisèle Printz dans
leurs fonctions de membre titulaire de la commission consultative appelée à
émettre un avis sur la modification de la valeur du point de pension.
Il a, en outre, désigné M. Gilbert Barbier et Mme Gisèle Gautier en qualité de
membres suppléants de cet organisme extraparlementaire, en remplacement de MM.
Jacques Bimbenet et Rémi Herment.
COMMISSION D'ÉTUDE DE LA REVALORISATION DES RENTES, DES RETRAITES ET DES
PENSIONS DES ANCIENS COMBATTANTS DE L'OUTRE-MER
En application du décret n° 2001-578 du 2 juillet 2001, M. le président du
Sénat a reconduit, le 29 octobre 2001, Mme Gisèle Printz dans ses fonctions de
membre de la commission d'étude de la revalorisation des rentes, des retraites
et des pensions des anciens combattants de l'outre-mer.
COMMISSION D'ÉTUDE SUR LA RETRAITE ANTICIPÉE
POUR LES ANCIENS COMBATTANTS EN AFRIQUE DU NORD
En application du décret n° 95-506 du 9 août 1995, M. le président du Sénat a reconduit, le 29 octobre 2001, MM. Jacques Baudot et Auguste Cazalet dans leurs fonctions de membre titulaire de la commission d'étude sur la retraite anticipée pour les anciens combattants en Afrique du Nord.
COMMISSION NATIONALE DES COMPTES
DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE
En application du décret n° 96-190 du 12 mars 1996, M. le président du Sénat a désigné, le 29 octobre 2001, M. Jean-Pierre Godefroy pour siéger au sein de la Commission nationale des comptes de la formation professionnelle, en remplacement de Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
COMMISSION NATIONALE
POUR L'ÉLIMINATION DES MINES ANTIPERSONNEL
En application du décret n° 99-358 du 10 mai 1999, M. le président du Sénat a désigné, le 29 octobre 2001, M. Christian de La Malène pour siéger au sein de la Commission nationale pour l'élimination des mines antipersonnel, en remplacement de M. Daniel Goulet. Il a en outre reconduit Mme Marie-Claude Beaudeau dans ses fonctions de membre de cette commission.
COMMISSION NATIONALE D'INFORMATION
SUR LES FARINES ANIMALES
M. le président du Sénat a reconduit, le 29 octobre 2001, M. Jean Bizet dans ses fonctions de membre de la Commission nationale d'information sur les farines animales.
CONSEIL D'ADMINISTRATION
DE LA FONDATION DU PATRIMOINE
En application de l'article 6 de la loi n° 96-590 du 2 juillet 1996, M. le président du Sénat a désigné, le 29 octobre 2001, M. Louis Moinard pour siéger au sein du conseil d'administration de la Fondation du patrimoine, en remplacement de M. Jean-Paul Hugot.
CONSEIL NATIONAL DU TOURISME
En application du décret n° 86-201 du 11 février 1986, M. le président du Sénat a désigné, le 30 octobre 2001, M. Paul Raoult pour siéger en qualité de membre suppléant au sein du Conseil national du tourisme, en remplacement de M. Marcel Bony.
CONSEIL DE SURVEILLANCE DE L'AGENCE CENTRALE
DES ORGANISMES DE SÉCURITÉ SOCIALE
En application des articles L. 228-1 et R. 228-4 du code de la sécurité sociale, M. le président du Sénat a désigné, le 8 novembre 2001, M. Joël Bourdin pour siéger au sein du conseil de surveillance de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, en remplacement de M. François Trucy. Il a en outre reconduit M. Paul Loridant dans ses fonctions de membre de cet organisme extraparlementaire.
CONSEIL DE SURVEILLANCE
DE LA CAISSE NATIONALE DES ALLOCATIONS FAMILIALES
En application des articles L. 228-1 et R. 228-2 du code de la sécurité sociale, M. le président du Sénat a désigné, le 8 novembre 2001, MM. Gilbert Chabroux et Alain Gournac pour siéger au sein du conseil de surveillance de la Caisse nationale des allocations familiales, en remplacement de Mme Marie-Madeleine Dieulangard et de M. Jean Chérioux.
CONSEIL DE SURVEILLANCE DE LA CAISSE NATIONALE
DE L'ASSURANCE VIEILLESSE DES TRAVAILLEURS SALARIÉS
En application des articles L. 228-1 et R. 228-3 du code de la sécurité
sociale, M. le président du Sénat a désigné, le 8 novembre 2001, M. Dominique
Leclerc pour siéger au sein du conseil de surveillance de la Caisse nationale
de l'assurance vieillesse des travailleurs salariés, en remplacement de M.
Alain Vasselle. Il a en outre reconduit M. Michel Mercier dans ses fonctions de
membre de cet organisme extraparlementaire.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Situation des médecins à diplôme extra-Union européenne
1192.
- 12 novembre 2001. -
Mme Nicole Borvo
attire l'attention
M. le ministre délégué à la santé
sur la situation des médecins à diplôme extra-Union européenne et en
particulier ceux ayant un statut d'attachés associés. Alors que ceux-ci
assurent environ 60 % des gardes et des urgences, taux qui peut approcher les
100 % dans les hôpitaux généraux, ils sont placés sous des statuts spéciaux,
précaires, sous-payés et discriminatoires. Si la situation des praticiens
adjoints contractuels s'est améliorée, celle de plusieurs milliers de médecins,
attachés associés, n'a pas changé. Elle a même empiré. Ils ont été nommés par
les chefs de service et les directeurs des hôpitaux et exercent uniquement à
l'hôpital. Ils ne sont pas inscrits au conseil de l'ordre des médecins. N'y
a-t-il pas là une contradiction fondamentale avec le code de la santé et en
particulier avec l'article sur la pratique illégale de la médecine (ancien
article codifié 372) ? Cette situation paraît d'autant plus contradictoire que
cette catégorie de médecins a effectué plus de cinquante millions d'actes
médicaux depuis vingt ans (diagnostic, traitement et suivi) qu'existe ce
statut. Le professeur Amiel dans le rapport officiel qu'il a remis au ministre
de la santé en 1997 indiquait « qu'ils occupent des responsabilités cliniques,
de fait, qui les mettent en position équivalente avec les médecins français ».
Ils ont par ailleurs un diplôme reconnu équivalent scientifiquement par le
ministère de l'éducation avec les diplômes français. Tout le monde se félicite
de leurs compétences et de leur apport déterminant pour le bon fonctionnement
du système de santé. Ils exercent comme médecin senior, forment les internes et
externes et leurs actes sont facturés par les hôpitaux sur la base d'actes de
médecins spécialistes. Ils sont responsables de leurs actes de médecin devant
les tribunaux. La non-reconnaissance de cette réalité par leur ministère de
tutelle n'a-t-elle pas pour résultat une surexploitation de ces médecins ? Ne
faut-il pas au contraire redonner la plénitude de droit à ces médecins et
reconnaître officiellement leur travail ? La loi n° 99-641 du 27 juillet 1999
qui a été votée ne semble pas rétablir la plénitude de droit, la plénitude
d'exercice sur la base d'un examen de chaque cas prenant en compte la réalité,
les diplômes et l'expérience. Ceci est pourtant indispensable pour rétablir une
situation de droit, de non discrimination à l'hôpital. Par ailleurs, il faut
savoir que la jurisprudence de la cour de justice européenne permet aux
médecins ressortissants français et européens une prise en compte de l'ensemble
de leurs diplômes et de leur expérience en comparaison de l'exigence française
sans les obliger à repasser examens et concours. A quel moment cette
jurisprudence appliquée dans les autres pays européens pour l'ensemble des
médecins ressortissants européens connaîtra une application en France ? Enfin,
un arrêté du mois de février met en place, de fait, une différenciation et une
diminution du montant des gardes de ces médecins vis-à-vis de leurs collègues.
Cette mesure est ressentie comme une mesure humiliante et discriminatoire par
ces médecins qui perçoivent un revenu de 9 000 francs par mois au maximum, hors
gardes. Elle lui demande ce qu'il compte faire pour revenir sur cette mesure et
assurer un salaire digne à ces praticiens ?
Retraite complémentaire des agriculteurs
1193.
- 12 novembre 2001. -
M. Jean-Pierre Masseret
appelle l'attention de
M. le ministre de l'agriculture et de la pêche
sur la faiblesse des retraites agricoles, malgré les efforts conséquents
décidés par le gouvernement Jospin sur la proposition du ministre. La loi
d'orientation agricole n° 99-574 du 9 juillet 1999 fait obligation d'améliorer
chaque année de niveau des retraites agricoles : le ministre a plusieurs fois
indiqué que le minimum vieillesse serait atteint en 2002. Qu'en est-il ?
Au-delà, la question qui reste en suspens est celle de la création d'une
retraite complémentaire obligatoire, qui est une nécessité. Des propositions
existent. La meilleure solution serait un régime financé par répartition et par
une contribution de l'Etat, eu égard à la situation démographique de
l'agriculture. Il existe une proposition de loi déposée à l'Assemblée nationale
mais qui révèle quelques faiblesses qu'il faudra corriger. Quelles sont les
intentions du Gouvernement pour permettre la création de la retraite
complémentaire au bénéfice des agriculteurs et de leur conjoint ?
Compétences des architectes des Bâtiments de France
1194.
- 12 novembre 2001. -
M. Jean-Pierre Masseret
souhaite interroger
Mme le ministre de la culture et de la communication
sur les difficultés que rencontrent les communes dans leurs relations avec les
architectes des Bâtiments de France. Il est notoire que la façon d'opérer des
architectes des Bâtiments de France fait naître à peu près partout des
sentiments d'incompréhension ou de rejet même. Leur pouvoir exorbitant est trop
souvent exercé de façon discrétionnaire, incohérente et de manière versatile.
Contre cela, les procédures d'appel sont finalement indigentes, et la
composition de la commission d'appel ne permet pas une approche des litiges
équilibrée et juste. S'il n'est nullement question de remettre la nécessité de
protéger notre patrimoine, il est vital que de nouveaux mécanismes soient mis
en place et que la législation évolue. Il lui demande en conséquence quelles
dispositions elle compte prendre pour que l'action de sauvegarde du patrimoine
repose dorénavant sur la base de règles et de mesures justes, cohérentes,
compréhensibles et permanentes.
Recrudescence de l'insécurité dans la vallée de l'Arve
1195.
- 12 novembre 2001. -
M. Jean-Claude Carle
appelle l'attention de
M. le ministre de la défense
sur la recrudescence de l'insécurité dans la moyenne vallée de l'Arve en
Haute-Savoie et sur l'insuffisance des effectifs en gendarmerie. Dans ce
secteur, quatre quartiers cumulent des difficultés urbaines et sociales et dix
autres quartiers sont en voie de fragilisation sociale. Pour les brigades
territoriales de Bonneville, Cluses et Scionzier, le diagnostic local de
sécurité fait apparaître une augmentation globale de la délinquance entre 1999
et 2000. Pour l'année 2001, cette hausse serait supérieure encore. Le nombre
d'actes de vol et de recel dépasse la moyenne nationale. La délinquance sur
voie publique, c'est-à-dire celle qui touche le plus de citoyens, a augmenté.
Sans compter les difficultés rencontrées par les pompiers pour intervenir, ni
les dommages dont sont l'objet certains clubs sportifs. Dans le domaine de la
prévention, les communes ont pris leurs responsabilités. C'est l'objet du
contrat de ville pour lequel les sept communes signataires de la moyenne vallée
de l'Arve font un effort très important. C'est également le sens du recrutement
de policiers municipaux supplémentaires. Tel n'est pas le cas de l'Etat comme
le montre l'insuffisance des effectifs de gendarmerie. Seule la commune de
Cluses est couverte par une zone de police. Certes, des renforts ont été
affectés à Bonneville, mais sous la forme de renforts saisonniers, donc
temporaires. Certes, une brigade a été créée à Marignier. Mais elle a eu pour
conséquence de diminuer les effectifs de la brigade de Bonneville alors que la
charge des transfèrements liée à la maison d'arrêt et aux audiences au tribunal
mobilise les gendarmes. Pourquoi le Gouvernement ne prend-il pas en compte les
statistiques officielles de la délinquance pour affecter les moyens de la force
publique là où résident les besoins ? Pourquoi le Gouvernement ne tient-il pas
compte des efforts réalisés par les communes et les maires pour renforcer la
prévention ? Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour renforcer
les effectifs en gendarmerie dans la moyenne vallée de l'Arve à la mesure des
besoins d'un secteur dont la population a augmenté de 1 000 habitants par année
depuis dix ans ?
Dissolution du 58e régiment d'artillerie de Douai
1196.
- 12 novembre 2001. -
M. Jacques Legendre
attire l'attention de
M. le ministre de la défense
sur le projet de dissolution du 58e régiment d'artillerie, stationné à Douai.
Ce projet a été annoncé brutalement et sans aucune discussion préalable fin
juillet dernier. Une vive émotion et une profonde consternation en ont résulté,
tant au sein de la population que parmi les élus qui la représentent. Or, Dans
le cadre du plan Armées 2000, la loi de programmation militaire n° 96-589 du 2
juillet 1996 prévoyait une augmentation nette des emplois militaires dans le
Douaisis, grâce à la professionnalisation et au renforcement du 58e RA. Par
ailleurs, une telle décision entraînerait des conséquences catastrophiques pour
le Douaisis. Ainsi, 900 militaires, dont beaucoup venaient d'être recrutés,
quitteront la région, soit en fait le départ de plus de 2 000 personnes compte
tenu des familles de ces derniers. L'économie locale se verra amputée d'un
manque à gagner qui peut être évalué à plus de 100 millions de francs, tant en
ce qui concerne les commerces que les entreprises (consommation, travaux
maintenance...). 17 classes d'école devront fermer... Ces raisons ont poussé de
nombreux élus et parlementaires, dans une démarche consensuelle, à s'élever
contre la disparition du 58e RA. Il lui demande donc si le Gouvernement entend
revenir sur une décision dont les effets seraient dramatiques et désastreux
localement, à un moment où l'actualité nous montre par ailleurs et
malheureusement toute la pertinence pour notre pays de disposer d'un outil
militaire de qualité.
Intégration d'un volet secourisme dans la formation du BAFA
1197.
- 12 novembre 2001. -
M. Aymeri de Montesquiou
attire l'attention de
Mme le ministre de la jeunesse et des sports
sur le brevet d'aptitude à la fonction d'animateur (BAFA). Par définition, ce
diplôme à visée non professionnelle permet d'encadrer des enfants et des
adolescents. Il constate que la formation actuellement proposée est de qualité
mais que les stagiaires ne suivent pas de formation de base aux premiers
secours. Pour améliorer la sécurité des enfants et des adolescents, et
compléter utilement la formation des animateurs, il propose donc que le BAFA
intègre un volet secourisme d'une durée de 8 à 10 heures validé par
l'attestation de formation aux premiers secours (AFPS). Il lui demande si, dans
la logique de l'arrêté du 29 juin 2001 modifiant l'arrêté du 8 novembre 1991
relatif à la formation aux premiers secours puis de la circulaire du 12 juillet
2001 relative à la formation de base aux premiers secours, elle entend prendre
une décision dans ce sens.
Situation de l'hôpital Saint-Michel à Paris
1198.
- 13 novembre 2001. -
M. Jean Chérioux
appelle l'attention de
M. le ministre délégué à la santé
sur la situation préoccupante de l'hôpital Saint-Michel, hôpital privé à but
non lucratif participant au service public hospitalier, situé dans le XVe
arrondissement de Paris, qui est aujourd'hui menacé de démantèlement et, à
brève échéance, de fermeture. Il se permet de lui rappeler qu'il avait été
saisi de cette situation en mars dernier par une délégation de Saint-Michel
venue faire part de ses craintes quant à l'avenir de l'établissement. En effet,
la commission exécutive de l'agence régionale de l'hospitalisation
d'Ile-de-France (ARH-IF) avait refusé à Saint-Michel, le 18 octobre et le 20
décembre 2000, les autorisations d'activité relatives à la néonatologie et à la
chirurgie qui représentaient 60 % de l'activité de l'hôpital. Il convient de
souligner que l'hôpital Saint-Michel avec un effectif de 700 personnes,
accueille chaque année 10 000 malades en hospitalisation, 18 000 urgences et
100 000 consultations. Il rend donc un service irremplaçable à la population du
Sud-Ouest de Paris qui reste en conséquence particulièrement attentive à
l'évolution de la situation. A la suite de l'entretien précité avec la
délégation de Saint-Michel le ministre avait pris un double engagement :
prendre en considération « les craintes exprimées par les représentants de
l'établissement » ; mettre à l'étude dans un délai de deux mois, « un projet
sur la base du maintien d'une partie des activités chirurgicales et de
l'évaluation d'un projet de développement d'un pôle mère-enfant. » Il en est
résulté une instruction du ministère au directeur de l'ARH-IF, en date du 22
juin, demandant d'inscrire la restructuration de l'hôpital Saint-Michel « dans
une complémentarité renforcée et équilibrée » avec les établissements de
l'APSPH du Sud de Paris. Aussi, il lui demande quelle a été la suite donnée à
cette instruction.
Compétences des architectes des Bâtiments de France
1199.
- 13 novembre 2001. -
Mme Gisèle Printz
appelle l'attention de
Mme le ministre de la culture et de la communication
sur les décisions des architectes des Bâtiments de France (ABF) au sein des
périmètres protégés. Elle lui rappelle en effet les nombreuses contestations
dont ces décisions font l'objet notamment à cause du changement de règles d'un
ABF à l'autre, ainsi que le peu de voies de recours existant contre celles-ci.
Elle reconnaît que des avancées ont été obtenues par le passé mais souligne que
celles-ci demeurent insuffisantes. Elle précise en outre qu'il n'est pas
question de jeter la pierre aux ABF et souligne le rôle inestimable qu'ils ont
joué, qu'ils jouent toujours, et qu'ils doivent continuer à jouer dans la
préservation de notre patrimoine. Elle indique toutefois que leurs décisions
doivent faire l'objet d'un recours, au même titre que toute autre décision
administrative, et que les règles qu'ils appliquent doivent être transparentes.
Elle lui demande donc de bien vouloir lui faire connaître les pistes que le
Gouvernement entend priviligier en vue d'améliorer et d'étendre les
possibilités de recours contre les décisions des ABF, s'il est question
d'associer les élus aux futures commissions, et si elle entend instaurer des
règles publiques et durables au sein des périmètres protégés.