SEANCE DU 23 OCTOBRE 2001
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Décès d'anciens sénateurs
(p.
1
).
3.
Dépôt du rapport d'une commission d'enquête
(p.
2
).
4.
Candidatures à des organismes extraparlementaires
(p.
3
).
5.
Questions orales
(p.
4
).
CONSÉQUENCES DE LA RÉFORME
DU CODE DES MARCHÉS PUBLICS (p.
5
)
Question de M. Robert Bret. - Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget ; M. Robert Bret.
FERMETURE DU BUREAU DE POSTE DE MEILLERIE (p. 6 )
Question de M. Jean-Paul Amoudry. - MM. Jacques Floch, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants ; Jean-Paul Amoudry.
DEVENIR DE L'USINE MELOX DE BAGNOLS-SUR-CÈZE (p. 7 )
Question de M. Simon Sutour. - Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget ; M. Simon Sutour.
FINANCEMENT DE LA DÉPARTEMENTALISATION
DES SERVICES D'INCENDIE ET DE SECOURS (p.
8
)
Question de M. Jean-Pierre Vial. - MM. Jacques Floch, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants ; Jean-Pierre Vial.
AVENIR DE LA MAISON DE RETRAITE
DES ANCIENS COMBATTANTS
DE VILLE-LEBRUN DANS LES YVELINES (p.
9
)
Question de M. Nicolas About. - MM. Jacques Floch, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants ; Nicolas About.
RÉGIME DES SUBVENTIONS D'INVESTISSEMENT VERSÉES
PAR L'ÉTAT AUX COLLECTIVITÉS LOCALES (p.
10
)
Question de M. Michel Doublet. - MM. Jacques Floch, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants ; Michel Doublet.
PAIEMENT DES HEURES SUPPLÉMENTAIRES EFFECTUÉES
PAR LES PERSONNELS DE POLICE
DANS LE CADRE DE L'APPLICATION
DE LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL (p.
11
)
Question de M. Jean-Patrick Courtois. - MM. Jacques Floch, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants ; Jean-Patrick Courtois.
CONDITIONS DE PRÉLÈVEMENT DE LA TAXE D'ENLÈVEMENT
DES ORDURES MÉNAGÈRES (p.
12
)
Question de M. Patrick Lassourd. - MM. Jacques Floch, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants ; Patrick Lassourd.
CONDITIONS D'EXTENSION DU PÉRIMÈTRE
D'UNE COMMUNAUTÉ D'AGGLOMÉRATION (p.
13
)
Question de M. Jean-Pierre Alduy. - MM. Jacques Floch, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants ; Jean-Pierre Alduy.
RECONNAISSANCE DU MORVAN
COMME MASSIF DE MONTAGNE (p.
14
)
Question de M. René-Pierre Signé. - Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées ; M. René-Pierre Signé.
SITUATION FINANCIÈRE DE LA CNRACL (p. 15 )
Question de M. Claude Domeizel. - Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées ; M. Claude Domeizel.
POLITIQUE DE DÉPISTAGE DU CANCER COLORECTAL (p. 16 )
Question de M. Jean-François Picheral. - Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées ; M. Jean-François Picheral.
RÉDUCTION DES HORAIRES DE DISPONIBILITÉ
DES PROFESSEURS DE SPORT (p.
17
)
Question de M. Louis Souvet. - Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées ; M. Louis Souvet.
SITUATION DANS LES IUFM (p. 18 )
Question de Mme Hélène Luc. - Mmes Ségolène Royal, ministre délégué à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées ; Hélène Luc.
ASSOUPLISSEMENT DES RÈGLES RELATIVES
AU CONTRÔLE DES BATEAUX À PASSAGERS (p.
19
)
Question de M. Pierre Hérisson. - MM. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire ; Pierre Hérisson,
CONVENTIONS SNCF - RÉGIONS DANS LE CADRE
DE LA RÉGIONALISATION
DU TRANSPORT FERROVIAIRE (p.
20
)
Question de M. Hubert Haenel. - MM. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire ; Hubert Haenel.
RÉALISATION DU TGV PERPIGNAN-BARCELONE (p. 21 )
Question de M. Gérard Delfau. - MM. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire ; Gérard Delfau.
RÉORGANISATION DU DISPOSITIF
DE CIRCULATION AÉRIENNE (p.
22
)
Question de Mme Marie-Claude Beaudeau. - M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à
l'économie solidaire ; Mme Marie-Claude Beaudeau.
6.
Nomination de membres d'organismes extraparlementaires
(p.
23
).
7.
Communication
(p.
24
).
Suspension et reprise de la séance (p. 25 )
PRÉSIDENCE DE M. BERNARD ANGELS
8.
Prestation de serment de juges à la Haute Cour de justice
(p.
26
).
9.
Prestation de serment de juges à la Cour de justice de la République
(p.
27
).
10.
Scrutins pour l'élection de membres représentant la France au Conseil de
l'Europe et à l'Union de l'Europe occidentale
(p.
28
).
11.
Musées de France.
- Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p.
29
).
Discussion générale : Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la
communication ; MM. Jacques Valade, président de la commission des affaires
culturelles ; Philippe Richert, rapporteur de la commission des affaires
culturelles ; Bernard Joly, Yann Gaillard, Ivan Renar, Serge Lagauche,
Jean-Léonce Dupont, Bernard Plasait.
Mme le ministre.
Clôture de la discussion générale.
12.
Election de membres représentant la France au Conseil de l'Europe et à l'Union
de l'Europe occidentale
(p.
30
).
13.
Musées de France.
- Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence
(p.
31
).
M. le président.
Article 1er (p. 32 )
Mme Marie-Christine Blandin.
Amendements n°s 1 de la commission et 63 de M. Jean-Léonce Dupont. - MM.
Philippe Richert, rapporteur de la commission des affaires culturelles ; Mme
Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. - Retrait de
l'amendement n° 63 ; adoption de l'amendement n° 1 rédigeant l'article.
Article 1er bis (p. 33 )
Amendement n° 2 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. -
Adoption.
Amendement n° 68 de M. Ivan Renar. - Mme Annie David, M. le rapporteur, Mme le
ministre, M. Ivan Renar. - Rejet.
Amendement n° 3 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. -
Adoption.
Amendements n°s 4 de la commission et 49 du Gouvernement. - M. le rapporteur,
Mme le ministre. - Adoption de l'amendement n° 4, l'amendement n° 49 devenant
sans objet.
Amendement n° 5 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. -
Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 2 (p. 34 )
Amendement n° 6 de la commission et sous-amendement n° 50 du Gouvernement. - M.
le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption du sous-amendement et de
l'amendement modifié.
Amendement n° 7 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. -
Adoption.
Amendement n° 8 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. -
Adoption.
Amendement n° 9 de la commission et sous-amendement n° 51 du Gouvernement. - M.
le rapporteur, Mme le ministre. - Rejet du sous-amendement ; adoption de
l'amendement.
Adoption de l'article modifié.
Article 3 (p. 35 )
Amendement n° 10 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. -
Adoption.
Amendement n° 11 rectifié de la commission. - M. le rapporteur, Mme le
ministre, MM. Yann Gaillard, Bernard Joly, Ivan Renar. - Adoption.
Amendement n° 12 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. -
Adoption.
Amendement n° 13 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. -
Adoption.
Amendements n°s 14 rectifié de la commission et 52 du Gouvernement. - M. le
rapporteur, Mme le ministre, M. Ivan Renar. - Adoption de l'amendement n° 14
rectifié, l'amendement n° 52 devenant sans objet.
Adoption de l'article modifié.
Article 4 (p. 36 )
Amendement n° 15 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. -
Adoption.
Amendement n° 16 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. -
Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Suspension et reprise de la séance
(p.
37
)
Article 5 (p.
38
)
Amendement n° 17 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. -
Adoption.
Amendement n° 69 de M. Ivan Renar. - MM. Ivan Renar, le rapporteur, Mme le
ministre. - Rejet.
Adoption de l'article modifié.
Article 5 bis (p. 39 )
Amendement n° 18 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Article 6 (p. 40 )
Amendement n° 70 de M. Ivan Renar. - Mme Annie David, M. le rapporteur, Mme le
ministre. - Rejet.
Amendement n° 19 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. -
Adoption.
Amendement n° 20 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre, M. Yann
Gaillard. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 6
bis.
- Adoption (p.
41
)
Article 6
ter
(p.
42
)
Amendement n° 21 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Article 6 quater (p. 43 )
Amendement n° 22 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. -
Adoption.
Amendement n° 71 de M. Ivan Renar. - Mme Annie David, M. le rapporteur, Mme le
ministre. - Rejet.
Adoption de l'article modifié.
Article 7 (p. 44 )
Amendement n° 23 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Article 8 (p. 45 )
M. Ivan Renar, Mme Marie-Christine Blandin.
Amendement n° 24 de la commission ; amendements identiques n°s 47 de M. Serge
Lagauche, 53 du Gouvernement, 67 de M. Bernard Joly et 72 de M. Ivan Renar. -
MM. le rapporteur, Serge Lagauche, Mme le ministre, MM. Bernard Joly, Ivan
Renar, Yann Gaillard. - Adoption de l'amendement n° 24, les autres amendements
devenant sans objet.
Amendement n° 25 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. -
Adoption.
Amendement n° 26 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. -
Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 8 (p. 46 )
Amendement n° 27 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Article 9 (p. 47 )
M. Jean-Léonce Dupont.
Amendement n° 28 de la commission. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 10 (p. 48 )
Amendement n° 29 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Article 11 (p. 49 )
Amendement n° 30 de la commission et sous-amendement n° 54 du Gouvernement. -
M. le rapporteur, Mme le ministre. - Rejet du sous-amendement ; adoption de
l'amendement.
Amendement n° 48 de M. Serge Lagauche. - MM. Serge Lagauche, le rapporteur, Mme
le ministre, M. Ivan Renar. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 12 (p. 50 )
Amendement n° 31 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. -
Adoption.
Amendement n° 32 de la commission. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 13. - Adoption (p.
51
)
Article 14 (p.
52
)
Amendement n° 33 de la commission. - Adoption.
Amendements n°s 34 de la commission et 55 du Gouvernement. - M. le rapporteur,
Mme le ministre. - Adoption de l'amendement n° 34, l'amendement n° 55 devenant
sans objet.
Adoption de l'article modifié.
Article 15. - Adoption (p.
53
)
Article additionnel avant l'article 15
bis
(p.
54
)
Amendement n° 64 de M. Jean-Léonce Dupont. - MM. Jean-Léonce Dupont, le rapporteur, Mme le ministre, M. Yann Gaillard. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Article 15 bis (p. 55 )
Amendement n° 35 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Article 15 ter (p. 56 )
Amendement n° 36 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. -
Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 15 quater (p. 57 )
Amendement n° 56 du Gouvernement. - Mme le ministre, M. le rapporteur. -
Rejet.
Adoption de l'article.
Article 15 quinquies (p. 58 )
Amendement n° 57 du Gouvernement et sous-amendement n° 73 de la commission ; amendement n° 37 de la commission. - Mme le ministre, MM. le rapporteur, Ivan Renar, Yann Gaillard. - Adoption du sous-amendement n° 73 et de l'amendement n° 57 modifié rédigeant l'article, l'amendement n° 37 devenant sans objet.
Articles additionnels
après l'article 15
octies (priorité)
(p.
59
)
Amendement n° 40 (priorité) de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Article 15 sexies (p. 60 )
Amendement n° 38 rectifié de la commission. - M. le rapporteur, Mme le
ministre. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 15 septies (p. 61 )
MM. Jean-Paul Emin, François Trucy.
Amendements identiques n°s 45 de M. Paul Dubrule, 58 du Gouvernement et 65 de
M. Jean-Léonce Dupont. - M. Paul Dubrule, Mme le ministre, MM. Jean-Léonce
Dupont, le rapporteur, Roger Besse. - Adoption des trois amendements supprimant
l'article.
Article 15 octies (p. 62 )
Amendements identiques n°s 46 de M. Paul Dubrule, 59 du Gouvernement et 66 de M. Jean-Léonce Dupont. - Adoption des trois amendements supprimant l'article.
Articles additionnels
après l'article 15
octies (suite)
(p.
63
)
Amendement n° 39 de la commission. - Retrait.
Amendement n° 41 rectifié de la commission. - M. le rapporteur, Mme le
ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Article 16 (p. 64 )
Amendement n° 42 de la commission. - Adoption.
Amendement n° 43 de la commission et sous-amendement n° 61 rectifié du
Gouvernement. - M. le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption du
sous-amendement et de l'amendement modifié.
Amendement n° 60 du Gouvernement. - Mme le ministre, M. le rapporteur. -
Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 17. - Adoption (p.
65
)
Article 18 (p.
66
)
Amendement n° 44 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. -
Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 18 (p. 67 )
Amendement n° 62 du Gouvernement. - Mme le ministre, MM. le rapporteur, Ivan Renar. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Vote sur l'ensemble (p. 68 )
MM. Yann Gaillard, Serge Lagauche, Philippe Nogrix, Ivan Renar.
Adoption du projet de loi.
Mme le ministre.
14.
Ordonnance relative à la taxation des poids lourds pour l'utilisation de
certaines infrastructures.
- Adoption d'un projet de loi (p.
69
).
Discussion générale : MM. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des
transports et du logement ; Ladislas Poniatowski, rapporteur de la commission
des affaires économiques ; Alain Lambert, Patrick Lassourd, Mme Marie-France
Beaufils.
M. le ministre.
Clôture de la discussion générale.
Article 1er (p. 70 )
MM. Eric Doligé, le ministre.
Adoption de l'article.
Article 2. - Adoption (p.
71
)
Vote sur l'ensemble (p.
72
)
MM. Jean-Pierre Sueur, Pierre Hérisson.
Adoption du projet de loi.
15.
Dépôt d'une proposition de loi
(p.
73
).
16.
Retrait d'une proposition de loi
(p.
74
).
17.
Dépôt d'une proposition de résolution
(p.
75
).
18.
Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
(p.
76
).
19.
Dépôt d'un rapport
(p.
77
).
20.
Ordre du jour
(p.
78
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
DÉCÈS D'ANCIENS SÉNATEURS
M. le président. J'ai le regret de vous faire part du décès de nos anciens collègues Pierre de Chevigny, qui fut sénateur de la Meurthe-et-Moselle de 1952 à 1956 et de 1959 à 1974, et Raymond Bouvier, qui fut sénateur de la Haute-Savoie de 1977 à 1995.
3
DÉPÔT DU RAPPORT
D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE
M. le président.
M. le président a reçu de M. Pierre Martin un rapport fait au nom de la
commission d'enquête sur les inondations de la Somme afin d'établir les causes
et les responsabilités de ces crues, d'évaluer les coûts et de prévenir les
risques d'inondation, créée en vertu d'une résolution adoptée par le Sénat le 9
mai 2001.
Ce dépôt a été publié au
Journal officiel
, édition des lois et décrets
du vendredi 19 octobre 2001. Cette publication a constitué, conformément au
paragraphe III du chapitre V de l'instruction générale du bureau, le point de
départ du délai de six jours nets pendant lequel la demande de constitution du
Sénat en comité secret peut être formulée.
Ce rapport sera imprimé sous le n° 34 et distribué, sauf si le Sénat,
constitué en comité secret, décide, par un vote spécial, de ne pas autoriser la
publication de tout ou partie du rapport.
4
CANDIDATURES À DES ORGANISMES
EXTRAPARLEMENTAIRES
M. le président.
Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien
vouloir procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein de
plusieurs organismes extraparlementaires.
La commission des affaires économiques a fait connaître qu'elle propose les
candidatures de :
- M. François Gerbaud pour siéger au sein du comité de gestion plates-formes
aéroportuaires du Fonds d'intervention pour les aéroports et le transport
aérien ;
- M. Yves Detraigne pour siéger au sein de la Commission consultative pour la
production de carburants de substitution ;
- M. Paul Raoult pour siéger, en qualité de membre suppléant, au sein de la
commission nationale des aides publiques aux entreprises ;
- MM. André Trillard et Charles Revet pour siéger au sein de la Commission
supérieure du Crédit maritime mutuel ;
- M. Christian Gaudin pour siéger au sein du conseil d'administration de
l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie ;
- M. Bruno Sido pour siéger au sein du Conseil d'orientation du comité
interministériel de prévention des risques naturels majeurs ;
- M. Charles Revet pour siéger au sein du Conseil supérieur de l'établissement
national des invalides de la marine ;
- et MM. Gérard Delfau, Georges Gruillot, Pierre Hérisson et Pierre-Yvon
Trémel pour siéger au sein de la commission supérieure du service public des
postes et télécommunications.
En outre, pour siéger au sein de la Commission supérieure du service public
des postes et télécommunications, la commission des affaires culturelles
propose la candidature de M. Pierre Laffitte et la commission des finances
propose les candidatures de MM. René Trégouët et François Trucy.
Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à
l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai
d'une heure.
5
QUESTIONS ORALES
M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
CONSÉQUENCES DE LA RÉFORME
DU CODE DES MARCHÉS PUBLICS
M. le président.
La parole est à M. Bret, auteur de la question n° 1137, adressée à M. le
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Robert Bret.
Madame la secrétaire d'Etat, ma question est relative aux incidencesd de la
réforme réglementaire du code des marchés publics sur le fonctionnement des
mairies d'arrondissement.
Le décret n° 2001-210 du 7 mars 2001 a modifié la définition des marchés
publics.
L'article 1er du nouveau code des marchés publics dispose désormais que « les
marchés publics sont des contrats conclus à titre onéreux [...] par des
personnes de droit public pour répondre à leurs besoins en matière de travaux,
de fournitures ou de services ».
Outre le fait que le Parlement a été privé d'un débat sur un sujet aussi
brûlant que celui des marchés publics - point sur lequel je n'insisterai pas
ici - cette nouvelle rédaction ouvre la voie à interprétation juridique,
notamment au regard des compétences des mairies d'arrondissement.
Jusqu'à présent, l'article L. 2511-22 du code général des collectivités
territoriales relatif aux villes de Paris, Marseille et Lyon, donnait
clairement la possibilité au conseil municipal de déléguer aux conseils
d'arrondissement le pouvoir de traiter des mémoires ou des factures et de
passer des contrats à l'exception des marchés.
Or, aujourd'hui, le nouveau code des marchés publics, en stipulant que tous
les contrats sont des marchés, au lieu de clarifier la situation, nous plonge
dans un certain flou en permettant deux lectures diamétralement opposées.
D'un côté, il y a ceux qui considèrent que, sur le fondement du code général
des collectivités territoriales, les conseils d'arrondissement n'ont pas le
pouvoir de traiter les marchés. Il convient alors d'en tirer les conséquences
et d'interdire aux mairies d'arrondissement de signer les marchés et donc tous
les contrats.
De l'autre, il y a ceux qui, comme moi, prennent en considération la volonté
du législateur de 1982, qui a voulu déléguer aux mairies d'arrondissement le
pouvoir de contracter les marchés sans formalité préalable.
Ce qui me conforte dans cette deuxième lecture, c'est l'adoption par les
députés de l'article 15
nonies
dans le projet de loi de démocratie de
proximité que le Sénat sera prochainement amené à examiner. Il donne aux
conseils d'arrondissement le droit - et non plus la seule faculté - de traiter
sur mémoires ou sur factures et de passer des contrats à l'exception des
marchés publics ; il réaffirme ainsi les principes de la loi de 1982 en matière
de décentralisation.
Dans l'attente de l'adoption définitive de ce texte, je vous demande, madame
la secrétaire d'Etat, de bien vouloir me confirmer que la réforme réglementaire
du code des marchés publics ne dénature pas l'esprit de la loi de 1982 et que
les mairies d'arrondissement peuvent contracter les marchés sans formalité
préalable dans les mêmes conditions que par le passé.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat au budget.
Monsieur le sénateur, le nouveau code des
marchés publics a été conçu dans la perspective d'une plus grande transparence
et d'une simplification des procédures. Un certain nombre d'ambiguïtés qui
existaient dans la réglementation précédente ont ainsi pu être levées,
notamment sur la définition d'un marché public.
C'est pourquoi, d'une part, le seuil en deçà duquel il est possible de
recourir aux achats sur factures a été relevé jusqu'à 90 000 euros hors taxes,
d'autre part, ces mêmes achats sur factures ont été qualifiés de marchés
publics sans formalités préalables. Cela permet d'affirmer que bien
qu'extrêmement simplifiés, ces achats n'échappent pas aux grands principes de
la commande publique.
Bien évidemment, il n'a jamais été dans les intentions du Gouvernement, par
l'effet de cette qualification de marchés publics, d'empêcher les exécutifs des
collectivités locales ou encore les conseils d'arrondissement de recourir aux
achats sur factures, qui sont une nécessité de l'administration au
quotidien.
Il se trouve cependant que certaines dispositions du code général des
collectivités territoriales sont rédigées par référence à la terminologie de
l'ancien code des marchés publics, ce qui pose évidemment des problèmes
d'interprétation.
C'est le cas que vous évoquiez à l'instant dans la mesure où l'article L.
2512-22 de ce code distingue le cas des achats sur factures, qui peuvent être
délégués aux conseils d'arrondissement, et celui des marchés, qui ne peuvent
être délégués.
Cette rédaction, contrairement au nouveau code, ne fait donc pas de
distinction entre les marchés publics sans formalités préalables, qui doivent
pouvoir être passés le plus souplement possible, et les autres.
Par conséquent, un toilettage des textes s'impose pour sécuriser les
prérogatives des conseils d'arrondissement. Le Parlement aurait la possibilité
de le faire à l'occasion de l'examen d'un prochain texte et dans le cadre de la
concertation actuellement en cours, sous l'égide du ministère de l'intérieur,
concernant la loi PLM.
M. Robert Bret.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret.
Madame la secrétaire d'Etat, je prends bonne note des éléments que vous m'avez
apportés dans votre réponse et partage avec vous le souci de transparence de
cette réforme. Je me réjouis de constater que la lecture que vous faites, en
l'espèce, du code des marchés publics et du code général des collectivités
territoriales est identique à la mienne.
(Mme la secrétaire d'Etat fait un signe d'assentiment).
Vous me confirmez que les mairies d'arrondissement conservent le pouvoir de
traiter des mémoires ou des factures et de passer des contrats à l'exception
des marchés.
Je constate comme vous que la volonté du législateur de 1982 en matière de
décentralisation demeure ainsi prise en considération.
Afin de remédier aux difficultés, rencontrées par les mairies d'arrondissement
depuis la réforme réglementaire du code des marchés publics, vous nous proposez
de sécuriser le dispositif et de réaliser ce toilettage, dans le cadre du
projet de loi relatif à la démocratie de proximité, éventuellement par le biais
d'un amendement.
Toutefois, avant l'entrée en vigueur de cette loi - dont l'adoption définitive
par le Parlement n'est prévue que vers la fin du mois de février 2002 - ne
risque-t-on pas de connaître encore une période d'insécurité juridique quant
aux contrats conclus par les mairies d'arrondissement ?
Il faudra que votre réponse d'aujourd'hui, madame la secrétaire d'Etat, soit
prise en compte et appliquée, notamment dans le cadre du contrôle de légalité
des actes des collectivités territoriales par les préfets.
FERMETURE DU BUREAU DE POSTE DE MEILLERIE
M. le président.
La parole est à M. Amoudry, auteur de la question n° 1124, adressée à M. le
secrétaire d'Etat à l'industrie.
M. Jean-Paul Amoudry.
Je viens, monsieur le secrétaire d'Etat, vous alerter sur les inquiétudes et
l'incompréhension de très nombreux élus du département de la Haute-Savoie à
l'égard de la politique menée depuis quelques mois de réduction des horaires
d'ouverture et, parfois, de fermeture totale de certains bureaux de poste
situés en zone rurale et touristique.
Sans énumérer les communes dont le fonctionnement du bureau de poste a été
perturbé, voire interrompu au cours de l'été dernier, j'évoquerai simplement la
situation de deux communes, Meillerie et Saint-Gervais-les-Bains, qui
illustrent les défaillances du service public postal.
En effet, à Meillerie, commune touristique des rives du lac Léman, la
fermeture définitive du bureau de poste a été annoncée à la fin du mois de
juillet 2001, sans qu'aucune concertation n'ait été engagée au préalable. Les
protestations des élus locaux, les réclamations des habitants n'y ont rien fait
!
L'unique solution, tout récemment proposée et finalement acceptée - faute
d'alternative - par le conseil municipal est la transformation du bureau de
poste en agence postale communale. La commune prend désormais à sa charge à la
fois la rémunération de l'agent de La Poste et le coût de location et de
fonctionnement du bureau.
Dans ces conditions, nous nous demandons jusqu'à quelle hauteur les communes
devront accepter de tels transferts de charges, et s'il reste un service public
postal national.
De même, le bureau de poste de Saint-Nicolas-de-Véroce, commune fusionnée avec
Saint-Gervais-les-Bains, a été subitement fermé l'été dernier.
A l'heure où le Gouvernement affirme sa volonté de soutenir un développement
équilibré du territoire, orientation que le législateur a récemment intégrée
dans la loi, de telles décisions contredisent radicalement les objectifs
législatifs annoncés et les discours gouvernementaux.
Le Premier ministre donne, semble-t-il, instruction aux préfets de veiller à
la continuité du service public postal, mais ces instructions ne sont pas
appliquées, ce qui met en cause le crédit de l'Etat auprès des usagers du
service.
Je vous demande, donc, monsieur le secrétaire d'Etat, de m'indiquer si le
Gouvernement reste attaché au service public postal national et si La Poste est
toujours responsable et investie d'une mission, à sa charge, de service public
en milieu rural.
Je conclurai en évoquant la méthode appliquée.
Est-il acceptable, monsieur le secrétaire d'Etat, que les collectivités
locales soient ainsi mises devant le fait accompli ? La concertation préalable
ne devrait-elle pas, pour l'aménagement du service postal, comme en toutes
autres matières, remplacer la décision unilatérale ? Quelles garanties
pouvez-vous nous apporter sur ce point ?
M. le président.
Je tiens à saluer la première intervention au Sénat de M. Jacques Floch en
qualité de secrétaire d'Etat à la défense, chargé des anciens combattants.
Permettez-moi, monsieur le secrétaire d'Etat, de vous adresser mes sincères
félicitations pour votre nomination.
Dans l'exercice de vos fonctions de député, vous avez cetainement déjà pu
constater combien les parlementaires apprécient la présence du ministre en
charge du domaine sur lequel porte la question.
Je vous remercie néanmoins d'être aujourd'hui parmi nous.
Vous avez la parole, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants.
Je vous
remercie de vos aimables paroles de bienvenue, monsieur le président.
Je prie tout d'abord le Sénat de bien vouloir excuser l'absence de M.
Christian Pierret, qui accompagne à Moscou M. le Premier ministre et dont le
déplacement a été décidé au dernier moment.
Monsieur le sénateur, la présence postale est aujourd'hui parfaitement assurée
dans la commune de Meillerie. En plein accord avec le conseil municipal de
cette commune, une agence postale communale y est en effet ouverte près de
vingt heures par semaine.
M. Jean-Paul Amoudry.
A quel prix !
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat.
En effet ! Le vieil élu local que je suis comprend
parfaitement le sens de votre intervention, monsieur le sénateur.
Une nouvelle convention régissant le fonctionnement de cette agence postale
communale doit être signée aujourd'hui 23 octobre par la direction de La Poste
de Haute-Savoie et la mairie de Meillerie. Les habitants de cette commune
auront ainsi l'assurance de bénéficier d'une ouverture quotidienne chaque
après-midi, ainsi que le samedi matin, ce qui leur permettra d'accéder dans
d'excellentes conditions aux produits et services de La Poste.
Plus généralement, il convient de rappeler qu'aucun plan ou programme national
de fermeture des bureaux de poste n'est prévu ni
a fortiori
engagé par
La Poste. La Poste entend bien, en effet, rester un grand service public de
proximité grâce à son service de distribution du courrier et à son réseau de
bureaux de poste.
Avec 17 000 bureaux de poste et agences postales, chiffre stable depuis près
de dix ans, dont plus de 10 000 offrant leurs services dans des communes de
moins de 2 000 habitants, La Poste demeure l'un des premiers acteurs de
l'aménagement du territoire et de la vie économique et sociale locale. Le
Gouvernement entend bien qu'il en reste ainsi.
Je tiens enfin à vous confirmer que je partage entièrement votre souci d'une
forte concertation locale entre La Poste et les élus locaux. Depuis le 29 août
dernier, la direction de La Poste de Haute-Savoie a d'ailleurs organisé huit
conseils postaux locaux, dans ses groupements du Léman-Chablais, du Genevois,
du bassin annécien et, enfin, de l'Arve-Mont-Blanc.
Ces réunions de concertation avec les élus locaux ont été complétées par une
réunion de la commission départementale de présence postale territoriale, le 10
juillet dernier. Cette commission se réunira à nouveau le 6 novembre prochain,
attestant ainsi le souci d'une concertation soutenue. Le Gouvernement - M. le
Premier ministre l'a déclaré - reste très attaché au service postal.
M. Jean-Paul Amoudry.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Amoudry.
M. Jean-Paul Amoudry.
Je remercie M. le secrétaire d'Etat de ces précisions. Je note le satisfecit
qu'il adresse concernant un bureau de poste en particulier, mais, comme je le
disais, à quel prix ! En effet, nous avons un renversement de la situation pour
la commune. S'agissant d'une toute petite commune, cette solution est, en dépit
des accommodements qui sont intervenus, nécessairement moins bonne que la
situation antérieure.
Curieusement, les problèmes que j'ai dénoncés n'ont pas été analysés au cours
de la concertation que vous avez rappelée. En tout cas, cette concertation, si
elle a eu lieu, s'avère insuffisante. Par ailleurs, ces problèmes sont
révélateurs d'une situation préoccupante, qui s'illustre plus largement,
notamment par des mouvements de grève. Ainsi, au début du mois, à
Thonon-les-Bains, la distribution du courrier a été interrompue pendant
plusieurs jours. S'agissant d'une ville de 30 000 habitants, je vous laisse
deviner les perturbations qui en ont résulté et comment cela a été ressenti par
la population.
J'espère donc très vivement, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous serez
l'oreille du Gouvernement ici, que mon appel sera entendu et que les moyens
appropriés seront apportés au plus vite afin de rétablir durablement et de
façon satisfaisante le fonctionnement de ce service postal.
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat.
J'ai pris bonne note de votre proposition, monsieur le
sénateur.
DEVENIR DE L'USINE MELOX DE BAGNOLS-SUR-CÈZE
M. le président.
La parole est à M. Sutour, auteur de la question n° 1144, adressée à M. le
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Simon Sutour.
Ma question, qui s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie, concerne le devenir de l'usine Melox. Il m'a paru important et
nécessaire de profiter de la tribune du Sénat pour appeler l'attention sur le
devenir de cette usine, filiale de la Cogema, la Compagnie générale des
matières nucléaires, implantée près de Bagnols-sur-Cèze dans le Gard
rhodanien.
Un projet de décret concernant l'autorisation d'extension de production de
l'usine Melox du site nucléaire de Marcoule est actuellement suspendu à la
signature de M. le ministre de l'économie.
L'autorité de sécurité nucléaire a relevé que l'usine de fabrication de
combustible au plutonium - Mox - de Cadarache ne répondait plus aux normes de
sécurité en matière sismique.
La Cogema a donc, dans un souci évident de sécurité, demandé la fermeture de
l'usine de production de combustible Mox en s'engageant à un transfert rapide
de la production sur l'usine Melox de Marcoule.
Ce regroupement des capacités de production est conditionné par la révision du
décret de production de Mox, limitée actuellement à 115 tonnes, afin de la
porter à 195 tonnes et de prendre le relais des usines de Cadarache et de
Dessel en Belgique, plus anciennes et dont la mise aux normes actuelles
pourrait se révéler antiéconomique.
La signature de ce décret est aujourd'hui nécessaire pour que l'usine Melox
puisse à la fois honorer ses engagements commerciaux en matière de livraison de
combustible, mais également pour résoudre au plus vite et dans les meilleures
conditions la situation des personnels concernés du site de Cadarache.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, a souligné qu'au-delà
des aspects commerciaux et sociaux, l'utilisation optimale de la capacité de
production constitue « un moyen de réacheminer vers les pays clients le
plutonium issu du retraitement du combustible usé dans les meilleures
conditions ».
Aussi, face à l'urgence économique et sociale, je souhaiterais connaître
l'intention du Gouvernement concernant la demande de signature du décret évoqué
précédemment.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat au budget.
Monsieur le sénateur, la Compagnie générale
des matières nucléaires, la Cogema, a recours aujourd'hui à trois usines de
production de combustible Mox. D'abord, l'usine de Cadarache, qui a une
capacité d'environ 40 tonnes de combustible par an. Ensuite, l'usine de Dessel,
en Belgique, exploitée en fait par Belgonucléaire, contractant de la Cogema, et
dont la capacité est également de l'ordre de 40 tonnes par an. Enfin, l'usine
Melox à Marcoule, qui est récente et moderne et dont la capacité actuellement
autorisée est de 115 tonnes par an.
Le total de la capacité des trois usines, qui travaillent tant pour EDF que
pour l'exportation, est donc d'environ 200 tonnes de combustible Mox par an.
Il convient de considérer ces usines en quelque sorte comme des ateliers en
aval de l'usine de La Hague, l'ensemble formant une chaîne de
retraitement-recyclage. Dans cette optique, la Cogema souhaite bénéficier des
investissements déjà réalisés à Melox pour utiliser de manière optimale sa
capacité de production, de façon à prendre le relais des usines de Dessel et de
Cadarache, qui sont plus anciennes et dont la mise aux normes actuelles
pourrait être anti-économique.
Ce schéma apparaît raisonnablement compatible avec les prévisions actuelles
relatives à la demande.
Il permettrait en outre à la Cogema de maintenir son avance technologique sur
ses concurrents, comme British nuclear fuels. L'utilisation optimale de Melox
est donc une question de crédibilité industrielle et commerciale à moyen terme.
Elle conditionne dans une large mesure la signature de nouveaux contrats
portant aussi bien sur le retraitement-recyclage de combustible usé que sur le
transfert de procédés technologiques. Comme vous l'avez vous-même souligné et
ainsi que l'indique M. le secrétaire d'Etat à l'industrie, c'est aussi un moyen
de réacheminer vers les pays clients le plutonium issu du retraitement du
combustible usé dans les meilleures conditions.
Enfin, les aspects sociaux ne devront pas être négligés, notamment si le
transfert de l'activité de l'usine de Cadarache est décidé.
Comme vous le constatez, ce dossier est complexe, il fait intervenir plusieurs
paramètres et peut avoir des conséquences sur l'ensemble de l'aval du cycle du
combustible. Il est donc indispensable de prendre en compte tous ces éléments
pour se déterminer sur le projet d'extension de Melox. C'est la raison pour
laquelle la Cogema n'a déposé que très récemment sa demande. Les pouvoirs
publics l'examinent actuellement avec la plus grande attention, en ayant le
souci du respect des règles de sûreté et de radioprotection, et dans le cadre
que je viens de définir.
M. Simon Sutour.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Sutour.
M. Simon Sutour.
Madame la secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse selon laquelle
tout concourt, sur le fond, à la signature de ce décret.
Je me fais ici, aujourd'hui, le porte-parole des élus locaux du Gard rhodanien
et, bien entendu, des organisations syndicales de Marcoule. Le dossier étant,
semble-t-il, relativement bien ficelé, après un certain nombre de précisions
que vous aurez pu obtenir, je pense que la signature de ce décret interviendra
rapidement au niveau de l'ensemble du Gouvernement.
FINANCEMENT DE LA DÉPARTEMENTALISATION
DES SERVICES D'INCENDIE ET DE SECOURS
M. le président.
La parole est à M. Vial, auteur de la question n° 1112, adressée à M. le
ministre de l'intérieur.
M. Jean-Pierre Vial.
Je souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les
incidences de la loi du 3 mai 1996 relative aux services d'incendie et de
secours, les SDIS. La départementalisation de ces services a entraîné une
dommageable et forte progression des dépenses à la charge des collectivités
locales : pour la Savoie, le budget du SDIS est passé de 130 millions à 170
millions de francs entre 1999 et 2000, soit, en moyenne, une augmentation de
plus de 50 % pour les communes.
Certes, la loi du 28 décembre 1999 prévoit une majoration exceptionnelle de la
dotation globale d'équipement des départements concernés. Mais celle-ci n'est
consentie que sur trois ans, alors qu'en 2000, selon les chiffres avancés par
la commission de suivi et d'évaluation, la contribution des départements au
financement des SDIS a augmenté de plus de 2 milliards de francs. Les
dispositions du projet de loi relatif à la démocratie de proximité
entraîneraient un accroissement de la part des départements, qui sont déjà les
premiers financeurs des SDIS.
Dans ces conditions, il est plus nécessaire encore que le Gouvernement
s'engage à faciliter une meilleure et logique contribution des assurances aux
interventions de secours en montagne. Les miraculés spéléologues de la grotte
de Goumois dans le Doubs, cette année, rappellent l'intervention spéléologique
sur le Margeriaz en Savoie au cours de l'hiver 2000 et dont, à titre d'exemple,
le coût de 550 000 francs à la charge de la collectivité locale dépassait les
capacités du budget de la commune. Les risques « montagne » sont grands et les
pratiques de loisirs de plus en plus nombreuses. Pour la seule année 2000, 1697
accidents nécessitant des secours ont eu lieu, toutes catégories de sports et
de loisirs confondues, pour le seul territoire savoyard.
De même, les interventions dans le domaine des secours routiers représentent
10 % du total des interventions en Savoie. Il est anormal que ces accidents,
qui entrent dans le cadre de la garantie obligatoire automobile, ne puissent
pas bénéficier de la prise en charge des frais de secours. Cette prise en
charge serait une mesure d'équité à l'égard des départements à forte
circulation routière - transit ou tourisme - qui doivent, à l'heure actuelle,
assurer des actions de secours et de sécurité disproportionnées au parc
automobile de leur population. Il convient de rappeler que plusieurs pays
européens ont déjà mis en oeuvre le principe d'une contribution des
assurances.
Enfin, il est nécessaire de prendre en compte une juste péréquation entre
départements en fonction des risques encourus. La Savoie est un département qui
connaît un grand nombre de risques : trente-six recensés sur une échelle de
quarante-trois risques. Les charges qui en résultent sont trop lourdes et
démesurées pour les collectivités qui doivent les supporter. Là encore, il
apparaît nécessaire qu'une péréquation soit assurée par l'Etat au profit des
départements marqués par la réunion d'un grand nombre de risques, qu'il ne
serait pas équitable de laisser à leur seule charge.
Devant l'accroissement du coût des services d'incendie et de secours et
l'importance de la charge qui en résulte pour les collectivités et tout
particulièrement les départements, je vous serais reconnaissant, monsieur le
secrétaire d'Etat, de bien vouloir préciser la position du Gouvernement sur les
contributions qu'il serait nécessaire et légitime de solliciter, notamment au
titre de la garantie assurance, pour la gestion future de nos SDIS, d'un point
de vue tant fonctionnel que financier, si nous voulons leur permettre d'assurer
leur mission avec sérénité puisqu'il en va de la sécurité de nos
concitoyens.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants.
Monsieur
le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de M. Daniel
Vaillant qui, lui aussi, accompagne M. le Premier ministre à Moscou.
Vous avez appelé l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les
incidences financières, pour les collectivités territoriales, de la
départementalisation des services d'incendie et de secours, les SDIS.
Ainsi que vous l'indiquez, l'article 24 de la loi du 28 décembre 1999 a prévu,
en raison de l'augmentation des dépenses d'investissement des SDIS en
application de la loi du 3 mai 1996, une majoration exceptionnelle en 2000,
2001 et 2002, donc sur trois ans, comme vous l'avez précisé. Sur trois ans, un
milliard de francs, soit 152,4 millions d'euros, a ainsi été réservé à cet
effet.
De plus, M. le Premier ministre a indiqué, lors du récent congrès de la
Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, qui s'est tenu à
Saint-Brieuc, son souhait de voir poursuivie, sur ce point, la réflexion avec
l'ensemble des partenaires concernés.
En outre, dans son rapport sur le bilan de la mise en oeuvre de la réforme des
SDIS, la commission d'évaluation présidée par M. Jacques Fleury, député de la
Somme, a présenté un certain nombre de propositions pour une modernisation
accrue des SDIS tout en veillant à ne pas remettre en cause les équilibres et
les principes fondamentaux de l'organisation des secours en France.
Les conclusions de ce rapport tendent à approfondir la départementalisation, à
organiser la répartition des compétences dans un esprit de complémentarité et à
assurer un financement stable aux SDIS en gommant à terme les profondes
disparités qui existent en matière de contribution.
Sur ce dernier point, des mesures, pour la plupart issues des propositions du
rapport Fleury, ont été adoptées en première lecture par l'Assemblée nationale,
au mois de juin dernier, dans le cadre du projet de loi sur la démocratie de
proximité.
En effet, l'article 46 du projet de loi modifie l'article L. 1424-35 du code
général des collectivités territoriales en disposant que les contributions des
communes et des établissements publics de coopération intercommunale sont
stabilisées au niveau atteint à l'issue des transferts, augmenté de l'indice
des prix à la consommation, et que toute dépense supplémentaire est prise en
charge par le conseil général.
Cet article prévoit également la suppression des contributions des communes et
des établissements, publics de coopération intercommunale à compter du 1er
janvier 2006, selon des modalités qui seront définies après qu'aura été
présenté un rapport au Parlement, le 1er janvier 2005 au plus tard. De plus,
pendant la période transitoire, le conseil d'administration devra ramener dans
une fourchette de un à trois l'écart maximal entre la plus haute et la plus
basse des cotisations, calculées par habitant, versées par les communes ou les
établissements publics de coopération intercommunale du département.
En contrepartie, l'article 44 du projet de loi prévoit que le conseil
d'administration comprend vingt-deux membres et que le nombre de sièges
attribués au département est au moins de quatorze, tandis que quatre sièges au
moins reviennent aux communes et EPCI.
Par ailleurs, l'Assemblée nationale a également adopté un article 46
ter
qui vise à permettre aux SDIS de demander par convention aux établissements
de santé sièges des SAMU la prise en charge financière des interventions
effectuées par les SDIS à la demande de la régulation médicale du centre 15,
interventions qui ne relèvent pas des missions prévues à l'article L. 1424-2 du
code général des collectivités territoriales.
De plus, l'article 46
quater
prévoit qu'une convention annuelle entre
les SDIS et les sociétés concessionnaires d'ouvrages routiers ou autoroutiers
fixera les conditions de prise en charge des interventions effectuées sur le
réseau concédé et les conditions de mise à disposition de ce réseau pour les
interventions effectuées en urgence dans le département par le SDIS.
S'agissant de la participation des sociétés d'assurance au financement des
SDIS, cette question nécessite un examen technique approfondi et une expertise
financière auxquels les services du ministère de l'intérieur vont prochainement
procéder.
Il nous faut parvenir à un bon accord, et une discussion préalable avec les
compagnies d'assurance est donc indispensable.
M. Jean-Pierre Vial.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Vial.
M. Jean-Pierre Vial.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez fait état d'avancées et
d'orientations, qui figurent d'ailleurs dans le projet de loi récemment débattu
par l'Assemblée nationale.
Je ne peux malgré tout que regretter le report à une échéance relativement
lointaine du dispositif d'accompagnement des collectivités locales, notamment
des départements : nous sommes en effet bien conscients, aujourd'hui, que
l'essentiel de l'avancée se fera au profit des communes et que les départements
auront à supporter les conséquences de la départementalisation des SDIS.
Il est dommage que nous n'ayons pas profité de la discussion à l'Assemblée
nationale du projet de loi sur la démocratie de proximité pour prévoir une
contribution des assureurs, qui s'inscrit, en matière d'incendie, dans la
logique des contrats d'assurance multirisques habitation, et, en matière
d'accidents de la route, dans la logique des assurances automobile. Il faut
noter à ce titre que la contribution existe déjà au profit de la sécurité
sociale, qui perçoit 6 milliards de francs par an du produit des primes
d'assurance, soit 15 %.
Je rappelle enfin que ce dispositif n'est pas original puisque la majeure
partie de nos voisins européens - je citerai, à cet égard, la Finlande, le
Danemark, la Suisse, la Belgique, l'Espagne et l'Autriche - ont pris conscience
de la nécessité de cette contribution des compagnies d'assurance et ont intégré
dans leur système la mise en oeuvre de cette logique de participation.
AVENIR DE LA MAISON DE RETRAITE DES ANCIENS COMBATTANTS DE VILLE-LEBRUN DANS LES YVELINES
M. le président.
La parole est à M. About, auteur de la question n° 1150, adressée à M. le
secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants.
M. Nicolas About.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite attirer votre attention sur le sort
réservé à la maison de retraite Ville-Lebrun, située à Sainte-Mesme et chère à
nos anciens combattants des Yvelines.
A deux reprises déjà, je suis intervenu auprès de M. Masseret, votre
prédécesseur, pour qu'une solution humaine soit retenue dans ce dossier et que
les 83 pensionnaires qui résidaient dans cet établissement au moment de sa
fermeture ne soient pas abandonnés.
Cette maison de retraite a été fermée, en janvier 2000, pour des raisons de
sécurité, et les résidents ont été transférés provisoirement dans d'autres
centres d'accueil, en attendant la reconstruction de cet établissement.
Devant l'émotion suscitée par cette fermeture aussi bien parmi les
pensionnaires âgés de 80 à 95 ans et leurs familles que parmi le personnel
soignant, M. Masseret lui-même s'était déplacé à Sainte-Mesme pour rassurer les
uns et les autres sur l'avenir de Ville-Lebrun.
Les demandes de permis de démolition et de reconstruction du nouveau projet
ont donc été déposées, recevant l'aval des services concernés.
Or, malgré le soutien écrit de M. Masseret et l'accord de principe délivré par
M. le préfet des Yvelines, par la voix de son secrétaire général, les anciens
combattants des Yvelines se heurtent actuellement à l'avis défavorable de la
DDASS, la direction départementale des affaires sanitaires et sociales, pour la
création de cet établissement, ce qu'ils ne comprennent pas. L'argument avancé
consiste à dire que ce nouveau projet provoquerait, ce qu'ils ne comprennent
pas, un « suréquipement » de lits dans la zone de Saint-Arnoult-en-Yvelines,
faisant passer le taux d'équipement départemental de 145 % à 268 %. Ainsi,
l'accueil de 83 anciens combattants fait exploser les taux ! Cet avis de la
DDASS omet toutefois de préciser que la centaine de places en question
résultent non pas d'une création, mais bien d'une reconstruction ! On ne peut
donc pas dire que cet établissement risque d'augmenter le quota de places, dans
la mesure où ces places existaient déjà !
Je ne peux pas croire, monsieur le secrétaire d'Etat, que nous ayons assisté
là à une escroquerie morale - cela n'aurait pas, à mon avis, d'autre nom - et
que c'est dans le seul but d'abaisser les quotas que, après avoir décidé
d'évacuer temporairement pour raison de sécurité ces 83 pensionnaires, on
interdit maintenant leur réintégration définitive. Comme moi, j'en suis sûr,
vous aurez donc à coeur d'intervenir auprès des services concernés pour qu'une
solution digne soit trouvée en faveur de nos anciens combattants.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants.
Monsieur
le sénateur, vous abordez là un dossier difficile - comme celui des autres
maisons de retraite relevant de l'Office national des anciens combattants - que
j'ai trouvé sur mon bureau à mon arrivée rue de Bellechasse, début septembre.
Vous aviez d'ailleurs déjà attiré l'attention de mon prédécesseur sur ce point,
le 29 juin 1999.
Je souhaite rappeler que la fermeture de cette maison de retraite a été
décidée à l'unanimité, en 1999, par les membres du conseil d'administration de
l'Office national des anciens combattants, compte tenu de l'avis défavorable de
la commission de sécurité constatant l'ensemble des non-conformités que
présentait cet établissement et du coût exorbitant des investissements à
réaliser, coût hors de proportion avec les fonds qu'il pouvait mobiliser.
C'est un problème malheureusement rencontré fréquemment dans les maisons de
retraite de notre pays et de façon constante dans celles de l'Office national
des anciens combattants ; il nous faut en effet suivre, avec beaucoup d'acuité,
la réglementation concernant la sécurité, car plus personne, dans nos communes,
n'admettrait que les maisons de retraite ne soit pas au « top niveau », si vous
me permettez cette expression.
Dans ces conditions, mon prédécesseur vous avait clairement indiqué qu'il ne
s'agissait pas de remettre en question la décision qui avait été prise, alors
même que la stratégie de l'ONAC est de multiplier les places offertes aux
anciens combattants sur l'ensemble du territoire et dans toutes les maisons
répondant aux normes de sécurité et d'habitabilité.
Vous savez en effet, monsieur le sénateur, que l'Office national des anciens
combattants et le secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants
se sont engagés, dans le cadre d'un contrat dénommé « contrat des bleuets », à
attribuer à des maisons de retraite, situées sur l'ensemble du territoire et
acceptant d'accueillir, entre autres, des anciens combattants, une sorte de
label, après vérification de leur bonne qualité. Il s'agissait, en effet, de
trouver des solutions préservant les intérêts du monde combattant tout en
élargissant les offres de places sur l'ensemble du territoire. Cette question
sera d'ailleurs inscrite à l'ordre du jour du prochain conseil d'administration
de l'ONAC, nouvellement constitué, qui doit se réunir dans quelques
semaines.
Les établissements « labellisés », publics ou privés, s'engagent à accorder
une préférence aux ressortissants de l'Office lors de leur admission et à leur
réserver un certain nombre de places en leur sein, à participer à des
initiatives de mémoire favorisant la transmission des valeurs du monde
combattant, en particulier en direction des familles et des plus jeunes.
L'ONAC s'engage, pour sa part, à faire connaître ces établissements, à les
recommander à ses ressortissants et à leur apporter toute l'aide nécessaire à
la mise en place d'initiatives de mémoire.
Les établissements labellisés constitueront ainsi des structures privilégiées
pour la diffusion des valeurs du monde combattant et l'ouverture sur la société
civile en facilitant le relais entre les générations.
Cette politique de labellisation doit permettre d'améliorer considérablement
l'offre faite aux ressortissants âgés, s'agissant aussi bien du nombre, de la
diversité, de la localisation des places que de la qualité de l'accueil, dans
un réseau d'établissements exemplaires implantés sur l'ensemble du territoire
national.
L'objectif visé est de parvenir à un établissement labellisé par département,
soit, compte tenu des dix maisons de retraite de l'ONAC, quatre-vingt-dix
établissements sur le territoire national dans les trois ans à venir.
Depuis sa mise en place, en février 2000, la commission du label a examiné
dix-neuf dossiers et donné un avis favorable à la labellisation de dix-sept
établissements publics et privés. Au total, 395 places sont réservées
prioritairement dans ces établissements répartis dans quinze départements aux
ressortissants de l'Office national.
Dans ce contexte, et s'agissant du cas particulier de Ville-Lebrun, les
services de l'ONAC ont tout mis en oeuvre pour assurer, le plus rapidement et
dans les meilleures conditions possible, le transfert, dans d'autres
établissements, de 84 pensionnaires alors hébergés dans la maison de
retraite.
A cet égard, ils se sont efforcés de respecter, autant que faire se peut,
leurs souhaits ou ceux de leur famille. Un grand nombre de ces pensionnaires
ont été relogés, aux termes d'une convention
ad hoc
, dans deux
établissements des Yvelines, à savoir le pôle gérontologique de l'hôpital
départemental de Plaisir-Grignon et le centre de gérontologie clinique de la
fondation Léopold-Bellan, à Magnanville. Certains pensionnaires ont été
accueillis dans des maisons de retraite de l'Office ; d'autres, enfin, ont
choisi d'être hébergés dans des familles d'accueil. Les services du secrétariat
d'Etat aux anciens combattants se sont assurés des bonnes conditions d'accueil
des intéressés.
La même attention a été portée aux 25 agents alors en fonction, reclassés pour
la plupart au centre hospitalier de Dourdan ou dans des établissements relevant
du ministère de l'éducation nationale. A ce jour, seuls trois d'entre eux sont
toujours en attente d'une affectation qui leur convienne.
S'agissant du projet de reconstruction que vous évoquez, monsieur le sénateur,
je souhaite faire observer que, si l'ONAC avait effectivement pris acte du
projet porté par l'Union française des associations d'anciens combattants et de
victimes de guerre, l'UFAC, des Yvelines, il ne s'est nullement engagé à
reconstruire sur le site une maison de retraite ni à assumer la gestion d'une
telle maison dans le cas où elle viendrait à être reconstruite.
L'intervention de l'ONAC se limite à une promesse de vente signée avec un
groupe privé qui s'est engagé dans un partenariat avec l'UFAC pour la
construction d'une maison de 100 lits pour personnes âgées dépendantes de cent
lits et une maison d'accueil spécialisée pour adultes handicapés, après
acquisition du terrain, propriété de l'ONAC.
La DDASS et la direction de l'action sociale du conseil général des Yvelines
ont émis un avis défavorable compte tenu du fait que la zone desservie par
l'établissement en projet, selon le schéma départemental, révèle un taux
d'équipement très supérieur à la moyenne régionale.
Je tiens d'ailleurs à rappeler que les prix de journée dans une maison de
retraite ordinaire accueillant des personnes âgées dépendantes et dans une
maison d'accueil spécialisée pour adultes handicapés ne sont pas du tout
semblables.
Il y a débat entre la DDASS et la direction de l'action sociale du conseil
général puisqu'un partage de responsabilité financière doit avoir lieu à cet
égard entre la sécurité sociale et le conseil général ; cela explique l'attente
prudente de ces deux services.
Le promoteur qui avait été sollicité par l'UFAC a demandé le report de
présentation du dossier devant le comité régional d'organisation sanitaire et
sociale d'Ile-de-France dans l'attente d'être sûr de la prise en charge des
prix de journée.
L'avenir du projet, en l'état actuel du dossier, s'avère donc incertain. En
toute hypothèse, il ne peut conduire à une remise en cause de la solution qui a
prévalu pour ménager l'intérêt des ressortissants de l'ONAC, c'est-à-dire leur
accueil dans les meilleures conditions possibles. Je comprends bien que la
situation actuelle ne peut donner satisfaction à ceux qui ont vu disparaître
leur maison de retraite, même si elle était en mauvaise état. De toute façon je
pense que le projet doit être revu.
M. Nicolas About.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. About.
M. Nicolas About.
Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d'Etat.
Certes, dans l'urgence, c'est l'intérêt des anciens combattants concernés qui
a dû prévaloir. Leur reclassement a répondu à cette exigence, même s'il a
abouti à des séparations douloureuses. Ces personnes âgées, souvent très
dépendantes, ont en effet noué des relations d'affection avec ceux qui les
entourent. J'avais cru comprendre à l'époque que votre prédécesseur s'était
engagé à ce que tout soit fait pour que cette entité soit reconstituée.
J'espère que ce sera possible, même si je suis sûr qu'actuellement tous les
soins sont dispensés, dans les meilleures conditions possibles, aux personnes
concernées.
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat.
Monsieur About, je suis à votre disposition pour
suivre, avec vous, l'évolution de ce dossier et sachez que j'assume pleinement
l'héritage de mon prédécesseur.
M. Nicolas About.
Bien entendu ! Nous nous rencontrerons donc prochainement !
RÉGIME DES SUBVENTIONS D'INVESTISSEMENT VERSÉES
PAR L'ÉTAT AUX COLLECTIVITÉS LOCALES
M. le président.
La parole est à M. Doublet, auteur de la question n° 1129, adressée à M. le
ministre de l'intérieur.
M. Michel Doublet.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le
16 décembre 1999, un décret relatif aux subventions de l'Etat pour les projets
d'investissement a abrogé l'article 10 du décret n° 72-196 du 10 mars 1972
relatif aux subventions d'investissement de l'Etat, qui fixait la règle selon
laquelle la décision attributive de subvention devait être antérieure au
commencement d'exécution de l'opération à subventionner.
L'article 5 de ce dernier décret confirme qu'aucun commencement d'exécution du
projet ne peut être opéré avant la date à laquelle le dossier est complet,
ladite date étant celle de la notification par laquelle l'autorité compétente
pour attribuer la subvention informe la collectivité locale du caractère
complet du dossier.
Bien entendu, cette notification ne vaut pas confirmation de l'attribution
effective de la subvention, laquelle intervient dans un délai de deux mois à
compter de la date de réception du dossier, sous réserve de complément
d'information.
Toutefois, l'article 6 prévoit qu'une autorisation de commencer les travaux
avant la date à laquelle le dossier est complet peut être octroyée par décision
visée de l'autorité chargée du contrôle financier.
Le fait que ce décret ne peut être applicable à la dotation globale
d'équipement des communes, régie par le décret n° 85-1510 du 31 décembre 1985,
constitue un frein à l'initiative locale et porte préjudice au développement
économique et à l'emploi. Une modification de ce décret est en cours afin de
tenir compte des nouvelles dispositions apportées par le décret du 16 décembre
1999, notamment de celle qui concerne l'engagement des travaux dans l'attente
de la notification de la subvention, et ce dans les limites figurant au
décret.
Monsieur le secrétaire d'Etat, pouvez-vous m'indiquer où en est cette
modification qui devrait simplifier le régime des subventions d'investissement
versées par l'Etat ?
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants.
Monsieur
le sénateur, le régime des subventions d'investissement versées par l'Etat a
été en effet largement modifié par le décret n° 99-1060 du 16 décembre 1999,
qui a abrogé le fameux décret n° 72-196 du 10 mars 1972, dont nous avons tous
subi les effets, à l'exception des articles restant applicables aux subventions
allouées dans le cadre de la dotation d'équipement des communes, qui font
l'objet d'un décret spécifique.
La règle de « non-commencement » de l'opération au titre de laquelle une
subvention était demandée a notamment été modifiée. L'article 10 du décret du
10 mars 1972 imposait, en effet, que les opérations ne commencent pas avant la
notification de l'arrêté attributif de subvention au risque de perdre le
bénéfice de la subvention. Cette règle, qui soulevait de nombreux problèmes, a
été remplacée par les dispositions de l'article 5 du décret du 16 décembre
1999, qui donnent la possibilité au demandeur de commencer dès que le dossier
déposé est reconnu complet par l'autorité compétente pour attribuer la
subvention ou, en l'absence de réponse de celle-ci, au terme d'un délai de deux
mois à compter de la réception du dossier.
Cette disposition, largement favorable au demandeur eu égard au régime
antérieur, peut encore être assouplie grâce à la dérogation prévue à l'article
6 de ce même décret, qui permet à l'autorité compétente pour attribuer la
subvention d'autoriser le commencement d'exécution du projet avant la date à
laquelle le dossier est complet par décision visée de l'autorité chargée du
contrôle financier.
Ces dispositions contribuent largement, depuis presque deux ans, à simplifier
le régime des subventions de l'Etat et à supprimer les freins que les règles
antérieures pouvaient comporter s'agissant des projets de développement locaux
à l'initiative des collectivités locales.
Peut-on encore aller plus loin ? D'autres mesures sont à l'étude, mais on ne
sait pas encore si elles vont aboutir.
M. Michel Doublet.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Doublet.
M. Michel Doublet.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous ai bien écouté, mais tout ce que vous
venez de me dire, je le savais déjà. On n'avance pas beaucoup ! Chaque fois que
je pose une question, on me répond que le dossier est à l'étude. Or de
nombreuses opérations sont bloquées. Certes, des dérogations sont données, mais
seulement pour la construction d'écoles ou pour des travaux de sécurité, et
tout ce qui relève de la DGE n'est pas concerné par cette dérogation. De ce
fait, la DGE étant notifiée en mai ou en juin, pendant les six premiers mois de
l'année, aucun travail ne peut être réalisé. Des projets importants s'en
trouvent bloqués et les entreprises ne peuvent alimenter leur cahier des
charges.
J'insiste beaucoup, monsieur le secrétaire d'Etat, pour que le nouveau décret
soit pris dans les meilleurs délais.
PAIEMENT DES HEURES SUPPLÉMENTAIRES EFFECTUÉES
PAR LES PERSONNELS DE POLICE
DANS LE CADRE DE L'APPLICATION
DE LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL
M. le président.
La parole est à M. Courtois, auteur de la question n° 1134, adressée à M. le
ministre de l'intérieur.
M. Jean-Patrick Courtois.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
j'ai tenu à appeler l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur
l'application du dispositif de réduction du temps de travail des personnels de
police.
En effet, ceux-ci sont soumis à deux régimes de travail distincts. Le premier
est le régime cyclique, qui concerne la plupart des personnels en tenue. Le
second est le régime hebdomadaire, qui concerne les personnels civils,
administratifs et un certain nombre de personnels en tenue.
Dans ce second régime, la durée hebdomadaire de travail est encore de 40
heures 30, ce qui représente 1 822,5 heures par an, et non de 39 heures. La
compensation de une heure trente est de dix jours durant l'hiver. Le passage
aux 35 heures entraînerait une compensation supplémentaire de 26,5 jours, ce
qui représente cinq semaines plus un jour et demi.
Ainsi, le total des congés dus serait de cinq semaines de congés annuels, deux
semaines de compensation pour les 39 heures, ainsi que cinq semaines et un jour
et demi de compensation pour les 35 heures. Le total des congés dus
représenterait donc douze semaines et un jour et demi, soit au total trois
mois.
A ces congés, il convient d'ajouter les repos récupérateurs dus au titre des
permanences et des astreintes.
Ainsi, l'application du dispositif de la réduction du temps de travail
entraînerait une diminution importante du nombre d'heures de travail effectuées
par les personnels de police. Seul un paiement des heures supplémentaires, à
défaut d'un recrutement conséquent, semble être la solution pour combler le
manque d'heures résultant de l'application de la réduction du temps de travail.
Le paiement des heures supplémentaires permettrait de maintenir le potentiel
opérationnel actuel des personnels de police et contribuerait ainsi à préserver
la qualité et l'efficacité du travail qu'ils effectuent.
En conséquence, je vous demande de bien vouloir m'indiquer s'il est envisagé
de prendre promptement des mesures afin de procéder, dans le cadre de
l'application du dispositif de réduction du temps de travail, au paiement des
heures supplémentaires effectuées par l'ensemble des personnels de police.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants.
Monsieur
le sénateur, le Gouvernement a prévu, dans le cadre du projet de loi de
finances pour 2002, des moyens humains et budgétaires propres à maintenir le
potentiel opérationnel de la police nationale, que ce soit pour les personnels
actuellement en régime cyclique ou pour ceux qui sont en régime hebdomadaire,
dans le contexte de l'aménagement et la réduction du temps de travail,
l'ARTT.
D'ores et déjà, diverses mesures sont prévues.
Tout d'abord, le projet de loi de finances prévoit la création de 3 000
emplois dans la police nationale. Ces créations d'emplois contribueront, pour
partie, au maintien du potentiel opérationnel.
Ensuite, une partie de l'enveloppe de mesures nouvelles indemnitaires de 361
millions de francs obtenue dans le projet de loi de finances pour 2002
concernera l'ARTT. L'utilisation précise de cette enveloppe sera le résultat de
la négociation qui s'engage avec les organisations syndicales sur les
propositions formulées par l'administration au titre de l'ARTT et correspondra,
en fait, aux deux mesures que vous souhaitiez voir prises maintenant.
L'enveloppe ainsi dégagée doit notamment permettre de substituer le paiement à
la récupération en temps de certaines formes de dépassement horaire.
Au moment où la police nationale est engagée sur tous les fronts pour la
sécurité quotidienne et contre la menace terroriste, le souci du Gouvernement
reste de garder au plus haut niveau ses effectifs opérationnels tout en
assurant à l'ensemble de ses personnels le bénéfice de l'importante réforme que
constitue l'ARTT dans la fonction publique.
Les discussions avec les représentants des différentes catégories de
personnels de police ont été récemment engagées sur la base d'un état des lieux
précis des régimes de travail.
M. Jean-Patrick Courtois.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Courtois.
M. Jean-Patrick Courtois.
Je vous remercie des indications que vous venez de me donner, monsieur le
secrétaire d'Etat. Mais ces mesures, si intéressantes soient-elles, ne
permettront pas de payer le solde des heures supplémentaires dû aux personnels
de police. Et il faut encore ajouter le nombre d'heures considérable imposé à
ces personnels par l'application du plan Vigipirate. Il faudra donc faire un
effort beaucoup plus important dans le budget pour 2002 si l'on veut que ces
personnels de police recueillent les bénéfices de l'application des 35 heures
et jouissent ainsi d'une qualité de vie qui corresponde aux services qu'ils
rendent à la nation.
CONDITIONS DE PRÉLÈVEMENT DE LA TAXE
D'ENLÈVEMENT DES ORDURES MÉNAGÈRES
M. le président.
La parole est à M. Lassourd, auteur de la question n° 1141, adressée à M. le
ministre de l'intérieur.
M. Patrick Lassourd.
Je souhaite appeler l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur le
problème suivant.
Lorsqu'un établissement public de coopération intercommunale, un EPCI, quel
qu'il soit, exerce la totalité de la compétence « collecte et traitement des
déchets » et adhère pour l'ensemble de cette compétence à un syndicat mixte, il
peut recevoir la taxe ou la redevance en lieu et place de ce syndicat mixte.
Le syndicat mixte doit alors, avant le 15 octobre de l'année, déterminer la
taxe d'enlèvement des ordures ménagères perçue sur son territoire et autoriser
les EPCI compétents qui le souhaitent à percevoir cette recette en ses lieu et
place.
Ainsi, l'EPCI qui a décidé de percevoir la taxe d'enlèvement des ordures
ménagères en lieu et place du syndicat mixte détermine la répartition de la
dépense permettant l'instauration de taux différents par commune selon divers
critères, parmi lesquels la fréquence de ramassage.
L'EPCI étant l'organe délibérant pour répartir la dépense, il semble
souhaitable qu'il soit également compétent pour dresser la liste des locaux
exonérés de la taxe sur son territoire, ce qui n'est pas le cas actuellement,
cette compétence étant dévolue au syndicat.
Il me semble, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il y a là une petite anomalie
et qu'il serait souhaitable de confier à l'EPCI toute compétence, y compris en
matière d'exonération. Je souhaiterais connaître la position du Gouvernement
sur ce point.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants.
Monsieur
le sénateur, en vertu de l'article 84 de la loi relative au renforcement et à
la simplification de la coopération intercommunale, les syndicats mixtes
instituent la taxe ou la redevance d'enlèvement des ordures ménagères
lorsqu'ils bénéficient du transfert de la compétence en matière d'élimination
et de valorisation des déchets ménagers et assurent au moins la collecte.
L'article 33 de la loi de finances rectificative du 13 juillet 2000 déroge à
ce principe, afin de favoriser la rationalisation des périmètres d'organisation
du service « élimination des déchets » sans pénaliser les établissements
publics de coopération intercommunale dans le calcul de leur coefficient
d'intégration fiscale et, donc, de leur dotation globale de fonctionnement. Ce
point avait fait, rappelez-vous, l'objet d'un débat entre les collectivités
territoriales et l'Etat.
Ainsi, les EPCI à fiscalité propre qui bénéficient de la totalité de la
compétence en matière de collecte et de traitement des déchets et qui adhèrent,
pour l'ensemble de cette compétence, à un syndicat mixte, peuvent décider de
percevoir sur leur périmètre, en lieu et place de ce syndicat, la taxe ou la
redevance d'enlèvement des ordures ménagères, puis voter le produit de la taxe
ou de la redevance. Ce produit majorera le coefficient d'intégration fiscale
des EPCI et sera reversé au syndicat mixte.
Toutefois, il revient au syndicat mixte, qui exerce effectivement la
compétence et qui assume les charges de la collecte et du traitement, de
choisir préalablement le mode de financement du service « élimination des
déchets » : soit la redevance avec ses modalités de tarification, soit la taxe
avec, le cas échéant, des exonérations.
Ce dispositif assure l'égalité fiscale ou financière de tous les contribuables
ou usagers devant le service assuré sur le périmètre du syndicat mixte.
De plus, en application de l'arrêt « Sieur Chèze » du Conseil d'Etat en date
du 28 février 1934, le syndicat peut définir des zones de perception de la taxe
avec des taux plus ou moins élevés dès lors que des différences dans le service
rendu sont observables sur le territoire syndical, notamment en termes de
fréquence hebdomadaire du ramassage des ordures ménagères.
M. Patrick Lassourd.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Lassourd.
M. Patrick Lassourd.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous n'avez répondu que partiellement à ma
question.
Vous avez rappelé que la loi rectificative de finances du 13 juillet 2000
permettait aux EPCI, sous certaines conditions, de percevoir la taxe ou la
redevance. Cependant, dans un tel cas, c'est l'EPCI qui, en accord avec le
syndicat mixte, détermine les modalités de perception de la taxe ainsi que les
zones où elle doit être acquittée.
Pour que l'EPCI puisse assumer pleinement sa responsabilité, il convient qu'il
propose lui-même au syndicat les exonérations et non pas l'inverse. Cela me
paraît à la fois légitime et logique.
CONDITIONS D'EXTENSION DU PÉRIMÈTRE
D'UNE COMMUNAUTÉ D'AGGLOMÉRATION
M. le président.
Avant de donner la parole à M. Alduy, auteur de la question n° 1153, adressée
à M. le ministre de l'intérieur, je me permets de lui souhaiter la bienvenue
puisqu'il va aujourd'hui intervenir au Sénat pour la première fois.
Vous avez la parole, mon cher collègue.
M. Jean-Paul Alduy.
Merci, monsieur le président.
L'article 2 de la loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 relative au renforcement et
à la simplification de la coopération intercommunale a introduit, dans le code
général des collectivités locales, un article L. 5216-10, qui permet au préfet
de signer l'arrêté d'extension du périmètre d'une communauté d'agglomération
dans un délai de trois ans à compter de la publication de la loi, soit le 13
juillet 2002.
Signalons au passage qu'à ce jour aucune communauté d'agglomération n'a encore
été étendue ; il faut donc inventer !
Le préfet peut proposer un périmètre d'extension dès lors que celle-ci a
recueilli l'accord des deux tiers des communes représentant la moitié de la
population ou de la moitié des communes représentant les deux tiers de la
population. L'accord politique étant ainsi obtenu, le préfet peut soit prendre
un arrêté au 31 décembre 2001, afin de respecter le principe de l'annualité
budgétaire, soit, eu égard à la complexité des problèmes à résoudre, prévoir un
délai pour permettre aux communes de régler, autant que possible, toutes les
questions techniques, juridiques et financières qu'implique l'extension. Mais
le préfet bute alors sur la date du 13 juillet 2002, qui le contraint à prendre
l'arrêté en pleine année budgétaire, ce qui va conduire les communes à toutes
sortes de transferts. On ne sait d'ailleurs pas calculer la DGF ni les bases
fiscales en cours d'année.
Je voudrais illustrer mon propos par le cas que je connais le mieux, celui de
Perpignan.
Nous allons passer d'une communauté d'agglomération de six communes à une
communauté d'agglomération de vingt-deux communes. La nouvelle communauté
d'agglomération va regrouper des communes provenant de trois communautés de
communes qui ont des compétences différentes de celles de la communauté
d'agglomération, qui ont été créées à des dates différentes, mais aussi des
communes qui n'ont jamais fait partie d'une communauté de communes.
Je vous laisse imaginer la complexité du problème des transferts immobiliers,
de la création de syndicats mixtes de communes qui vont disparaître mais qui ne
sont pas dans la communauté appelés à récupérer les compétences des communautés
d'agglomération qui va être créée.
Il est clair que le préfet ne peut pas nous imposer au 31 décembre prochain un
nouveau périmètre, car nous n'aurions pas le temps nécessaire pour « caler »
juridiquement le nouvel établissement public de coopération intercommunale.
D'un autre côté, le faire un peu plus tard, mais en cours d'année, ce serait
introduire d'autres complications et d'autres aléas.
Ma question est donc simple : comment le Gouvernement va-t-il procéder pour
faire en sorte que cette date butoir du 13 juillet 2002 soit reportée au 31
décembre 2002 ?
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants.
Monsieur
le président, je suis très heureux, à l'occasion de ma première prestation au
Sénat, de répondre à la première question de M. Alduy.
Monsieur le sénateur, les articles L. 5216-10 et L. 5215-40-1 introduits dans
le code général des collectivités territoriales par les articles 2 et 7 de la
loi du 12 juillet 1999 fixent un délai de trois ans à compter de la publication
de cette loi pour engager une procédure d'extension des périmètres des
communautés d'agglomération et des communautés urbaines - et vous avez fort
justement souligné toute la complexité d'une telle opération - afin d'assurer
la cohérence spatiale et économique ainsi que les solidarités financières et
sociales nécessaires au développement des communautés.
Compte tenu de la date d'adoption de la loi, ce délai expire le 13 juillet
2002. Le respect strict de cette date située en milieu d'exercice pourrait,
ainsi que vous l'avez fait remarquer, susciter des difficultés budgétaires qui,
selon M. le ministre de l'intérieur, sont sans commune mesure avec l'objectif
recherché.
Dans cet esprit, M. Daniel Vaillant ne voit,
a priori
, aucune objection
à ce que cette date butoir soit reportée au 31 décembre 2002 ; il est prêt à
étudier une telle disposition à l'occasion du prochain débat parlementaire
relatif aux collectivités locales, particulièrement au Sénat. Il suffira de
déposer les amendements nécessaires.
M. Jean-Paul Alduy.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Alduy.
M. Jean-Paul Alduy.
Je ne peux que dire toute ma satisfaction de voir une solution enfin trouvée à
un problème finalement assez artificiel et qui pouvait compromettre de façon
grave la mise en place de la nouvelle organisation territoriale que chacun
appelle de ses voeux.
M. le président.
Vous avez une bonne réponse à votre première question, monsieur Alduy !
(Sourires.)
RECONNAISSANCE DU MORVAN
COMME MASSIF DE MONTAGNE
M. le président.
La parole est à M. Signé, auteur de la question n° 1147, transmise à M. le
ministre de l'intérieur.
M. René-Pierre Signé.
Ma question concerne la possibilité de reconnaître le Morvan comme massif aux
termes de l'article 5 de la loi montagne du 9 janvier 1985.
La politique nationale de la montagne est loin d'avoir épuisé ses avantages et
ses vertus malgré les efforts continus du Gouvernement. La nécessaire prise en
compte de la spécificité et des difficultés de la montagne demeure tout à fait
d'actualité.
Dans cette perspective, la politique du massif constitue de plus en plus le
bon cadre de définition et de mise en oeuvre de la politique de la montagne
dans lequel les dispositifs contractuels doivent s'inscrire. La question se
pose alors de savoir pourquoi le Morvan ne pourrait pas bénéficier du
classement « massif ».
Il s'agit de bénéficier non pas uniquement d'une étiquette mais bel et bien
des avantages en termes d'actions qu'introduirait cette reconnaissance. La
politique de massif s'appuie, en effet, sur les schémas interrégionaux de
développement et d'aménagement prévus par la loi n° 99-533 du 25 juin 1999
d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire.
Cette reconnaissance permettrait d'assurer le renforcement d'une logique de
développement durable. Il s'agit ici de considérer l'avenir des communes
concernées non comme celui de zones à handicap mais comme celui de zones encore
en manque de développement.
Je demande donc tout simplement s'il ne serait pas possible de saisir
l'occasion de l'examen par le Sénat, en janvier prochain, du projet de loi sur
la démocratie de proximité et de son article 12
bis
pour assurer la
reconnaissance comme massif des communes de montagne du Morvan.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal,
ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées.
Monsieur le sénateur, M. Cochet, ministre de l'environnement, m'a priée de vous
apporter les éléments de réponse suivants.
La question des outils mis en place en faveur des communes du Morvan déjà
classées en zone de montagne, même si l'on comprend votre aspiration à les voir
classées en massif, ne peut se résumer au bénéfice ou non de la politique de
massif. Autrement dit, il existe d'autres outils susceptibles de répondre à la
préoccupation qui est la vôtre.
En effet, pour que cette politique porte son plein effet, cela suppose qu'elle
soit conduite sur un périmètre géographique cohérent. Or tel ne serait pas le
cas, semble-t-il, à l'échelle du Morvan si l'on se limitait aux seules communes
classées en zone de montagne. Dans l'hypothèse, par exemple, d'un rattachement
au Massif central, il conviendrait de définir un périmètre
a priori
plus
large que celui des seules communes classées en zone de montagne. J'ignore si
ce travail a été réalisé, mais le Gouvernement est prêt à étudier avec vous la
façon de le conduire.
Dans cette perspective, il conviendrait de s'interroger sur le traitement de
certaines zones rurales périphériques du Morvan, qui, si elles ne présentent
pas les mêmes contraintes orographiques, ont des caractéristiques
sociodémographiques tout à fait comparables.
Les modalités d'intervention en faveur du Morvan, zone rurale indiscutablement
fragile, doivent donc s'inscrire dans une réflexion plus globale sur les
départements situés au sud du Bassin parisien. Elles doivent également
s'articuler autour des outils d'ores et déjà disponibles, en particulier le
volet territorial du contrat de plan Etat-région et la mise en oeuvre de
l'objectif 2, auquel est éligible le Morvan. Il s'agit là de cadres qui offrent
des possibilités étendues.
Enfin, les communes du Morvan classées en zone de montagne et les acteurs
économiques qui y sont implantés bénéficient d'ores et déjà des mesures
spécifiques en faveur de la montagne, dans le domaine agricole en
particulier.
Pour la valorisation de ces différents moyens, il est nécessaire que les
structures de développement local, parc naturel régional et pays, notamment
jouent pleinement leur rôle. Les services déconcentrés de l'Etat sont à leur
disposition pour les accompagner, ainsi que la DATAR, à l'échelon national,
pour exercer son rôle de conseil et d'impulsion.
M. René-Pierre Signé.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Signé.
M. René-Pierre Signé.
Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse, bien qu'elle ne me
satisfasse pas tout à fait. En effet, si certaines communes du Morvan ont été
classées en zone de montagne, il demeure que la reconnaissance en tant que
massif donne lieu à des aides contractuelles particulièrement intéressantes.
L'argument de non-cohérence territoriale me paraît discutable puisque les
Alpes du Sud et les Alpes du Nord ont été réunies pour ne plus constituer que
le seul massif des Alpes ; or je ne suis pas sûr qu'il s'agisse d'un ensemble
parfaitement cohérent.
Par ailleurs, les critères de référence appliqués au Morvan sont ceux du
Massif central. Si le Morvan est le prolongement septentrional du Massif
central, il est pénalisé par un climat particulièrement rude, bien que
l'altitude moyenne y soit moins élevée qu'en Auvergne.
A certains égards, la situation du Morvan se rapproche plutôt de celle des
Vosges. Mais, en fait, le massif du Morvan est particulier et il se distingue
aussi bien du Massif central que des Vosges. Des critères spécifiques devraient
donc lui être appliqués. Au demeurant, au sein du parc que j'ai eu l'honneur de
présider, nous avons mené une étude climatologique qui est particulièrement
convaincante à cet égard.
Cela étant, madame la ministre, je vous ai entendue, et nous referons donc le
point avec M. le ministre de l'aménagement du territoire et de
l'environnement.
M. Raymond Courrière.
Très bien !
SITUATION FINANCIÈRE DE LA CNRACL
M. le président.
La parole est à M. Domeizel, auteur de la question n° 1140, adressée à Mme le
ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Claude Domeizel.
Madame la ministre, je souhaitais interroger Mme la ministre de l'emploi et de
la solidarité, mais je ne doute pas que vous pourrez répondre - favorablement,
je l'espère - à ma question, qui est relative à la situation financière de la
Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, la
CNRACL.
Malgré une très bonne situation démographique et des entrées de cotisations
supérieures au montant des prestations à servir - 70,1 milliards de francs
contre 53,7 milliards de francs en 2002 - la CNRACL a vu disparaître ses
réserves en 2000 et s'enfonce désormais dans le déficit, en raison du montant
exorbitant des charges qui lui sont imputées pour équilibrer, dans le cadre des
compensations, les régimes en déficit.
Ce déficit s'élevait ainsi à 212 millions de francs à la fin de 2000, à 465
millions de francs à la fin de 2001 et il est estimé à 1 265 millions de francs
pour la fin de 2002.
Le résultat paradoxal de cette situation est que l'on transforme un régime
normalement excédentaire en un régime déficitaire, laissant ainsi accréditer
l'idée qu'il serait mal géré : un comble pour un régime dont les coûts de
gestion sont exemplaires et qui doit s'endetter pour équilibrer les autres
régimes !
Si aucune mesure de sauvegarde n'est prise rapidement afin de limiter de
manière significative les ponctions exercées au titre des compensations, le
régime de retraite par répartition des agents des collectivités territoriales
et des hôpitaux se trouvera confronté à une détérioration profonde et
irréversible de ses comptes.
M. Raymond Courrière.
Très bien !
M. Claude Domeizel.
En 1999, pour rétablir l'équilibre financier de la CNRACL, le gouvernement de
Lionel Jospin a décidé d'augmenter de 0,5 % la contribution patronale pour 2000
et 2001 et d'abaisser parallèlement le taux de recouvrement de la
surcompensation de 4 % en 2000 et 2001. Ce sont de bonnes mesures, mais elles
sont encore insuffisantes.
Face à cette situation, je vous demande, madame la ministre, si le moment
n'est pas venu pour les pouvoirs publics de prendre certaines dispositions.
Il faudrait, d'abord, réformer les mécanismes de compensation, notamment par
la programmation d'un abaissement progressif du taux de recouvrement de la
surcompensation - en commençant par une baisse de 4 % dès le 1er janvier 2001 -
y compris à titre rétroactif.
Il faudrait, ensuite, opérer un rééquilibrage au moyen d'un mécanisme à deux
volets : d'une part, l'alignement du taux de la cotisation d'assurance maladie
appliqué aux collectivités locales - 11,50 % - sur celui qui est pratiqué par
l'Etat - 9,70 % - et, d'autre part, le relèvement concomitant de 1,80 % de la
cotisation vieillesse patronale auprès de la CNRACL. Cette opération,
totalement neutre pour les budgets des collectivités locales, éloignerait les
menaces à court terme qui pèsent sur la caisse de retraites.
Il faudrait, enfin, compenser l'exonération de la cotisation patronale pour la
retraite sur les rémunérations des personnels employés en qualité de titulaire
par les centres communaux d'action sociale, les CCAS.
Ces trois mesures, dont le produit total s'élève à un peu plus de 4,5
milliards de francs par an, permettraient à la CNRACL de sortir d'un déficit
anormal et injustifié, déficit qui, selon les estimations, pourrait atteindre
11 milliards de francs en 2005 si rien n'est fait dès maintenant.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal,
ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées.
Monsieur le sénateur, vous connaissez mieux que quiconque ici l'efficacité de
la CNRACL, qui assure la gestion de la retraite des agents des collectivités
locales et de leurs établissements publics administratifs et hospitaliers en
procédant au recouvrement des cotisations de 1,7 million d'actifs et au
versement de pensions à 460 000 bénéficiaires, ce qui représente, en 2001, des
masses financières de 10,4 milliards d'euros pour les cotisations et de 7,7
milliards d'euros pour les prestations.
A ces charges s'ajoute la compensation démographique entre les régimes de
retraite, laquelle transfère de la CNRACL à la collectivité des autres régimes
de retraite 2,7 milliards d'euros en 2001. Le résultat de la CNRACL est donc
proche de l'équilibre en 2001.
La bonne gestion de la caisse n'est bien évidemment pas mise en cause.
La réforme entamée en 1999, c'est-à-dire l'augmentation de un point de la
cotisation patronale sur les deux années 2000 et 2001 et l'abaissement du taux
de la surcompensation de huit points en deux ans, a d'ailleurs permis à la
CNRACL de revenir à un niveau proche de l'équilibre en 2001.
J'ajoute cependant que les mesures gouvernementales, fort souhaitables, de
revalorisation des faibles pensions, - augmentation de quatre points de
l'indice nouveau majoré du minimum garanti au 1er décembre 2000 et
revalorisation du minimum garanti des pensions de cinq points au 1er mai 2001
et de trois points au 1er juillet 2001 - ont eu un effet financier dans l'autre
sens.
S'agissant du futur équilibre des comptes de la CNRACL, le plafond de
trésorerie de la caisse devrait être augmenté en 2002 par le projet de loi de
financement de la sécurité sociale pour 2002 - dont l'examen commence
aujourd'hui à l'Assemblée nationale - ce qui laisse des marges de manoeuvre
avant de décider d'éventuelles mesures d'adaptation.
Je rappelle, en particulier, que la compensation a été instituée pour répondre
aux différences d'équilibres démographiques des divers régimes de retraite. Le
montant élevé que la CNRACL verse aujourd'hui aux autres régimes traduit, en
fait, sa vitalité démographique. Le conseil d'orientation des retraites doit
d'ailleurs analyser dans son premier rapport, d'ici à la fin de l'année, le
dispositif actuel de la compensation et proposer des améliorations du
dispositif.
Pour conclure, l'équilibre financier de la CNRACL devrait, dans les trois
années qui viennent, bénéficier largement de la montée en charge des créations
d'emplois hospitaliers, qui atteindront 45 000 en trois ans.
Tels sont les éléments de réponse que Mme Guigou m'a demandé de vous
transmettre.
M. Claude Domeizel.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Domeizel.
M. Claude Domeizel.
Je vous remercie, madame la ministre, de cette réponse, même si elle ne me
satisfait pas tout à fait.
Il est vrai que les créations d'emplois dont vous avez fait état seront
effectives dès l'année prochaine dans les hôpitaux, ce qui devrait
partiellement compenser la situation déficitaire de la CNRACL. Cependant, il
serait souhaitable de trouver, dans les mois qui viennent, une solution
permettant d'éviter le recours à l'emprunt, car il paraît tout à fait anormal
que la caisse emprunte pour assurer la compensation en faveur des régimes
déficitaires.
POLITIQUE DE DÉPISTAGE DU CANCER COLORECTAL
M. le président.
La parole est à M. Picheral, auteur de la question n° 1146, adressée à M. le
ministre délégué à la santé.
M. Jean-François Picheral.
Madame la ministre, ce n'est pas seulement le sénateur, mais aussi le médecin
qui vous interroge.
Les cliniciens, comme les chercheurs, portent un intérêt croissant au cancer
colorectal, en raison non seulement de la fréquence et de la gravité de ce
cancer mais aussi des progrès obtenus récemment dans les domaines de la
recherche fondamentale et épidémiologique, permettant ainsi d'envisager une
évolution à court terme favorable du traitement d'une telle pathologie.
A l'heure actuelle, deuxième cause de mortalité par cancer tous sexes
confondus, le cancer colorectal, par sa fréquence élevée, doit faire l'objet
d'un dépistage efficace. Son pronostic s'est amélioré au cours des vingt
dernières années, les deux facteurs déterminants étant la baisse de la
mortalité opératoire et, pour une part plus faible, un diagnostic plus précoce.
Il semble donc que ce soit sur ce dernier point que les efforts doivent
désormais se porter.
A la différence d'autres cancers, celui qui touche le colon et le rectum est
habituellement précédé, pendant de nombreuses années, d'une tumeur qui n'est
que bénigne, l'adénome. Ces lésions bénignes précancéreuses aisément
identifiables permettent donc d'envisager une stratégie de prévention primaire
et secondaire rapides. Par ailleurs, ces traitements efficaces au stade initial
offrent des conditions parfaites à son dépistage sur la population à risque.
Recommandé par l'Organisation mondiale de la santé, l'hémoccult, seul test de
dépistage à avoir été pour l'heure largement évalué sur des échantillons de
population, s'adresse aux personnes âgées de cinquante à soixante-quatorze ans.
Caractérisé non seulement par la facilité de sa réalisation et par son coût peu
élevé, mais aussi par l'absence de risque pour les personnes dépistées, son
efficacité semble ne plus faire de doute dans les milieux médicaux. De nombreux
tests de recherche d'un saignement occulte dans les selles sont par ailleurs à
l'étude.
Bien évidemment, comme les autres cancers, les cancers colorectaux nécessitent
une prise en charge pluridisciplinaire, seul moyen de garantir ainsi un
traitement adapté. Aussi la mise en place progressive de réseaux de soins, qui
seule pourra permettre d'atteindre cet objectif, se devra-t-elle d'inclure des
unités de concertation pluridisciplinaire.
L'implication active - et donc une formation adaptée des médecins traitants
mais aussi des médecins du travail - apparaît donc désormais comme une
nécessité.
Face à ce constat encourageant, seule une politique de dépistage de masse
paraît pouvoir faire évoluer ce grave problème que représente le cancer
colorectal.
Devant la pertinence des données médicales actuelles, je demande donc à M. le
ministre délégué à la santé de m'indiquer quelles dispositions seront
envisagées dans un bref délai afin de donner une pleine efficacité à un
programme de dépistage dont la validité scientifique a été, depuis longtemps,
largement observée.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal,
ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées.
Comme vous, monsieur le sénateur, M. Bernard Kouchner, ministre délégué à la
santé, estime que le cancer colorectal constitue un véritable enjeu de santé
publique et que le dépistage - et donc le diagnostic précoce - doit permettre
de diminuer la mortalité due à ces cancers.
Ce dépistage est l'une des priorités du plan gouvernemental de lutte contre
les cancers annoncé le 1er février 2000. Il concernera toutes les personnes
âgées de cinquante à soixante-quatorze ans, qui seront invitées à effectuer
tous les deux ans un test de détection. Ces tests seront remis par les médecins
traitants - dont la participation est un élément essentiel - et la lecture des
tests sera réalisée par un personnel formé selon des critères précis de
qualité.
M. Bernard Kouchner insiste sur la responsabilité des pouvoirs publics quant à
la qualité des services offerts à la population concernée par ces
programmes.
En effet, pour être efficace, ce dépistage doit être réalisé dans le cadre
d'un programme où la qualité technique des examens est associée à une
organisation rigoureuse ; la participation de la population concernée doit donc
être élevée et maintenue pendant toute la durée du programme, ainsi que
l'implication des médecins traitants.
Si le dépistage peut apporter des bénéfices évidents pour certaines personnes,
l'expérience a montré qu'il peut être également une source d'anxiété importante
pour les personnes considérées à tort comme positives.
Il est donc nécessaire d'informer les professionnels et le public à la fois
sur les bénéfices potentiels qui peuvent être tirés des tests de dépistage,
mais aussi sur les risques éventuels de certains actes invasifs en cas de test
positif.
C'est pourquoi il est indispensable de mettre en place un dispositif
permettant l'implication des professionnels et la mobilisation de la population
concernée.
Dès cette année, dix départements vont s'engager dans cette démarche et ce
programme doit être généralisé d'ici à 2003. M. Bernard Kouchner tient à
remercier l'ensemble des professionnels, médecins généralistes, pharmaciens,
médecins spécialistes, qui se sont engagés à ses côtés dans cette action
prioritaire de santé publique.
M. Jean-François Picheral.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Picheral.
M. Jean-François Picheral.
Je me félicite de la réponse de Mme le ministre et du calendrier qu'elle nous
a annoncé. Alors que les mesures qui avaient été prises en l'an 2000 tardaient
à se mettre en place, il semble qu'aujourd'hui tout cela se concrétise.
RÉDUCTION DES HORAIRES
DE DISPONIBILITÉ DES PROFESSEURS DE SPORT
M. le président.
La parole est à M. Souvet, auteur de la question n° 1128, adressée à M. le
ministre de l'éducation nationale.
M. Louis Souvet.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le dossier que
j'ai l'honneur d'exposer devant vous, s'il concerne le nord de la
Franche-Comté, est aussi - et c'est là tout son intérêt pour notre assemblée -
de portée nationale.
Si des moyens ont été retirés aux responsables de l'Union nationale du sport
scolaire, l'UNSS du district de Belfort-Montbéliard, ce n'est pas dû aux
projets liés à l'apprentissage des langues dans le primaire ou au renforcement
des effectifs dans tel ou tel secteur, voire à d'autres projets pédagogiques
visant, par exemple, la mise en place, au lycée, des technologies de
l'information et de la communication, c'est parce que le ministère ne dispose
pas des dotations nécessaires.
De ce fait, comme le dit fort justement l'adage populaire, on déshabille
Pierre pour habiller Paul, et, de la pédagogie, on glisse vers la démagogie.
Les coupes claires opérées au détriment des responsables de district de l'UNSS
- je souligne qu'un tiers du quota d'heures dévolu aux délégués de district a
été supprimé - prouvent de façon éclatante le peu de considération dont
bénéficient le sport scolaire en général et l'UNSS en particulier.
Or, pour un enfant, une pratique sportive régulière permet d'épanouir sa
personnalité, de trouver un équilibre, de développer son sens civique et son
respect d'autrui.
A cela s'ajoutent les résultats plus que décevants de la France dans de
nombreuses compétitions. Le succès récent des basketteuses au championnat
d'Europe ne doit pas faire oublier les résultats de nos représentants aux
championnats du monde d'athlétisme.
Toute discipline est importante dans le cursus scolaire. Les enseignants ne
doivent pas s'y tromper, ils seront toujours
in fine
les perdants du
principe « diviser pour régner ».
Prendre des initiatives, c'est bien. Se donner les moyens de les réaliser sans
mettre en péril d'autres structures pédagogiques, c'est mieux.
J'insiste sur le fait que ce dossier est emblématique de la philosophie
adoptée par le ministère de traitement des dossiers dans l'urgence. De nombreux
chefs d'établissement sont priés de composer avec les moyens du bord et les
rectorats, de gérer l'incurie qui leur est imposée par l'administration
centrale.
La réponse à ce problème vous appartient, madame le ministre. Du rectorat, on
peut simplement déplorer le florilège linguistique pour présenter la position
officielle. Je vous laisse juges, mes chers collègues, de la réponse qui m'a
été apportée : « Cette demande de révision de la coordination de l'UNSS est
destinée à revenir plus près de la réalité du nombre d'enfants dont elle a à
s'occuper. »
Madame le ministre, je ne peux évidemment me contenter d'une telle réponse.
Les enseignants et les 21 000 collégiens et lycéens de la région espèrent une
réponse concrète : l'engagement de rendre les moyens confisqués à l'UNSS.
Je terminerai mon propos en insistant sur le fait que, à l'heure où est prôné
l'aménagement du territoire, ce serait l'occasion de mettre en conformité
discours et réalisation. En effet, dans certains secteurs ruraux, l'UNSS
représente la seule structure à la disposition des jeunes.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal,
ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées.
Monsieur le sénateur, M. le ministre de l'éducation nationale m'a chargée de
vous dire que les résultats obtenus lors de la dernière compétition
internationale à laquelle l'UNSS a participé, la gymnaside, organisée à
Shanghaï, a donné de bons résultats. Les vingt athlètes engagés ont en effet
obtenu dix médailles d'or, une médaille d'argent et sept médailles de
bronze.
Une solution peut résider dans l'amélioration du sport scolaire pratiqué dans
le cadre de l'Union nationale du sport scolaire. Mais l'importance qu'il revêt
dans la formation des élèves va évidemment bien au-delà.
Après avoir organisé pendant l'année scolaire 2000-2001 une large consultation
nationale sur le sport scolaire, un rapport vient d'être remis. Ses
propositions devraient améliorer, malgré tout, la situation.
Cette consultation a mis en évidence que, dans le premier degré,
l'implantation de l'Union sportive de l'enseignement du premier degré, l'USEP,
est insuffisante, mais l'organisation du sport scolaire à ce niveau
d'enseignement est fondée sur le volontariat des équipes des écoles. En outre,
cette faible implantation est aussi liée au déficit d'enseignement de
l'éducation physique et sportive.
Par ailleurs, on constate une confusion entre l'USEP et l'EPS. Il faut donc
rétablir la distinction entre l'EPS, discipline d'enseignement obligatoire qui
s'adresse à tous les élèves, et les activités sportives volontaires organisées
par l'USEP, qui se déroulent en dehors du temps scolaire.
Dans le second degré, les préconisations présentées par ce rapport sont, comme
le ministre de l'éducation nationale le souhaite, de nature à donner un
développement supplémentaire au sport scolaire mis en oeuvre par l'Union
nationale du sport scolaire.
Elles visent à modifier l'offre de formation afin que les programmes
d'activités proposés soient établis après une consultation des élèves, leur
permettant d'exprimer leurs souhaits d'activités pour l'année scolaire.
Dans bien des établissements scolaires, vous le savez, les activités sont
imposées aux élèves. Ces derniers n'ont pas vraiment le choix. Cela explique la
faible fréquentation des activités de l'Union nationale du sport scolaire.
Les préconisations de ce rapport ont également pour perspective de favoriser
la participation à la vie de l'association sportive et de développer
l'apprentissage de la citoyenneté.
Enfin, un comité de suivi prépare actuellement les mesures concrètes quant à
la mise en oeuvre de ce rapport qui ne remet nullement en cause le forfait de
trois heures réservé à l'association sportive et inclus dans les obligations de
service des professeurs d'éducation physique et sportive. Cela méritait d'être
rappelé du fait de l'hétérogénéité d'application de cette obligation sur le
territoire.
M. Louis Souvet.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Souvet.
M. Louis Souvet.
Je vous remercie de votre réponse, madame le ministre. Personne ne confond
l'EPS et l'USEP.
La ville dont je suis maire accueille chaque année des compétitions
intéressantes et importantes organisées par l'UNSS, grâce à l'activité des
professeurs. Mais ces derniers se plaignent très amèrement du manque de moyens
dont ils disposent.
Vous nous avez dit, madame le ministre, que l'UNSS a obtenu de bons résultats
à Shanghai. C'est exact et j'en suis heureux. J'ai d'ailleurs suivi cette
manifestation avec intérêt. Cela dit, au plan international, nous n'avons pas
beaucoup de fierté à tirer des résultats que nous avons obtenus dans des
compétitions de plus haut niveau.
Vous indiquez qu'à l'issue d'une large consultation nationale un rapport a été
rédigé pour améliorer la situation. J'espère beaucoup de ce rapport.
SITUATION DANS LES IUFM
M. le président.
La parole est à Mme Luc, auteur de la question n° 1142, adressée à M. le
ministre de l'éducation nationale.
Mme Hélène Luc.
Monsieur le président, permettez-moi de vous féliciter à l'occasion de votre
nomination à ce poste.
Madame la ministre, il y a tout juste dix ans, étaient créés les instituts
universitaire de formation des maîtres. Avec l'ensemble de la communauté
éducative, je peux témoigner, pour m'être impliquée comme parlementaire dans
l'élaboration de la loi d'orientation de 1989 et comme actrice « sur le terrain
» avec la création de l'IUFM de Bonneuil, dans le Val-de-Marne, des progrès
importants que cette réforme a générés pour la formation des enseignants des
premier et deuxième degrés.
Aujourd'hui, des adaptations et des transformations sont indispensables au
regard des besoins nouveaux et très importants de recrutement et en termes
qualitatifs dans la préparation à un métier délicat soumis à des changements, à
des attentes, à des environnements en mutation incessante.
Dans le temps de parole qui m'est impartie, je dois me limiter à vous
interroger sur deux points, madame la ministre : l'urgence de réactiver les
prérecrutements et les incitations pour y parvenir, ainsi que la situation du
site de l'IUFM de Créteil à Bonneuil-sur-Marne, dont les locaux ne sont pas
achevés et qui manque de moyens humains.
En raison des départs en retraite, la moitié du corps enseignant devra être
renouvelé dans les dix ans à venir. En effet, 165 000 postes seront inscrits
aux concours des cinq prochaines années.
En décidant un plan pluriannuel de recrutement, comme nous l'avions inscrit
dans la loi d'orientation de 1989, le Gouvernement garantit, enfin, une
programmation intéressante, même si des inquiétudes subsistent quant au nombre
de postes ouverts au concours.
Sans vouloir faire preuve d'un pessimisme particulier - mais l'angélisme ne me
paraît pas non plus être de mise tant les situations sont inégales et
évolutives ! - « le spectre d'une crise des vocations », selon la formule
appuyée d'un journal du soir, pourrait cependant compromettre la réalisation du
programme pluriannuel.
Les dispositions que M. le ministre de l'éducation nationale a annoncées,
notamment sur la formation et les calendriers des concours, sur
l'accompagnement des stagiaires et la réforme des IUFM, sont porteuses
d'améliorations. Mais, n'y a-t-il pas lieu, madame la ministre, pour stimuler
de manière significative et dans la durée, les vocations, de rétablir les
prérecrutements, en prévoyant une allocation, à l'instar de ce qui se passait
dans les anciens instituts de préparation aux enseignements de second degré ?
Une telle mesure, que je suggère vivement et que j'avais déjà évoquée à
l'occasion de la discussion du budget pour 2000, permettrait à la fois
d'assurer un vivier suffisant de nouveaux enseignants et de diversifier, plus
et mieux, les origines et les profils de ceux-ci, ce qui, à terme, aurait des
conséquences positives sur l'ensemble du système éducatif.
Concernant l'IUFM de l'académie de Créteil, qui s'est installé dans l'ancienne
école normale, la question des locaux est cruciale, car ils sont inadaptés. Or
il faudra accueillir un nombre croissant de stagiaires du fait des besoins
nouveaux de cette académie.
C'est le cas pour la formation des professeurs des écoles, dont certains
d'entre eux devraient être hébergés à Saint-Maur, ce qui serait une solution de
fortune.
Quant aux professeurs du secondaire, ils ne disposent toujours pas d'un site
spécifique. L'éparpillement et la dispersion sont la règle depuis le début.
Il faut achever les locaux nécessaires pour cet IUFM. Je vous demande donc,
madame la ministre, de bien vouloir me faire part des engagements du ministre
de l'éducation nationale s'agissant de cet établissement.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal,
ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées.
Vous avez évoqué, madame la sénatrice, un manque de moyens dans les IUFM. M.
Jack Lang me prie de vous préciser que, dès cette année, il a demandé aux
recteurs de mettre à la disposition des IUFM quatre-vingt-deux postes de
professeur des écoles et une centaine de postes de professeur du second degré.
A la rentrée 2002, cent postes supplémentaires seront affectés aux IUFM.
Parallèlement, une réflexion est menée sur le système actuel des allocations
d'études : une enquête sera réalisée pour mesurer l'efficacité d'un tel
dispositif.
Par ailleurs, que le nombre des candidats aux concours de recrutement soit un
peu moins élevé ne signifie pas pour autant qu'il y ait une crise de
recrutement. Le nombre d'inscrits aux concours par poste à pourvoir a très
légèrement baissé, mais tous les postes du premier degré et du second degré
sont pourvus, alors qu'il n'y avait que 89 % de postes pourvus les années
précédentes.
Néanmoins, il ne faut pas oublier que le nombre de candidats aux concours
reste encore important, puisqu'il est, dans certaines disciplines, de dix
inscrits pour un poste. Cette proportion constitue sans doute un gage de
qualité, mais elle est coûteuse sur le plan humain, car neuf candidats sur dix
voulant devenir enseignants sont « recalés ».
Compte tenu de l'augmentation des besoins dans les années à venir, on peut
considérer que l'on se dirige vers une situation où l'on compte de quatre à
cinq candidats par poste, toutes disciplines confondues, ce qui est tout à fait
convenable. Pour les académies déficitaires en candidatures pour les concours
de professeur des écoles, M. le ministre de l'éducation nationale a souhaité
que l'on organise désormais les concours à des dates différentes, afin de
donner plus de chances aux étudiants qui veulent vraiment devenir enseignants.
Ainsi, par exemple, les candidats de Grenoble ou de Bordeaux pourront se
présenter dans l'académie de Créteil.
On dit souvent que le métier d'enseignant est de moins en moins attractif. Or
les enquêtes prouvent au contraire qu'il y a toujours autant de jeunes
souhaitant devenir enseignants. En outre, une enquête récente montre que, au
bout d'un an, 80 % des enseignants expriment leur satisfaction d'avoir choisi
ce métier.
La réforme des IUFM qui a été entreprise est d'ailleurs destinée à rendre le
métier d'enseignant plus attractif, grâce à une rénovation de leur formation et
au dispositif d'accompagnement des nouveaux professeurs, qui bénéficient de
temps de formation complémentaire. Ces derniers se trouvent ainsi mieux
accompagnés dès leurs premiers contacts avec une classe. Dès cette année, ce
dispositif est expérimenté dans les académies de Créteil et de Versailles : il
sera étendu progressivement à toutes les académies. Vous savez également,
madame la sénatrice, que dans les zones d'éducation prioritaires un nouveau
dispositif permet à des équipes structurées de demander une affectation
collective dans un même établissement scolaire.
Mme Hélène Luc.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole et à Mme Luc.
Mme Hélène Luc.
Je voudrais réagir brièvement à vos propos, madame la ministre.
Je vous remercie de votre réponse, mais je constate que vous ne dites rien sur
les problèmes de l'agrandissement de l'IUFM de Créteil. Je pense que nous
saisirons à nouveau le ministre de l'éducation nationale sur ce sujet.
Vous me confirmez un certain nombre d'engagements pris en faveur des IUFM en
vue de palier d'éventuels déséquilibres entre l'offre de recrutement dans les
années à venir et l'afflux nécessaire de candidats.
Je partage pleinement votre préoccupation de maintenir une qualité affirmée
dans le recrutement et la nécessité de toujours mieux préparer les futurs
enseignants à leur mission, dans des conditions qui peuvent parfois être
périlleuses ; la région parisienne en est hélas ! trop souvent
l'illustration.
Je ne veux pas, moi non plus, céder au catastrophisme. C'est pourquoi j'ai à
coeur que soit relevé ce défi du renouvellement et de la formation des
enseignants. Il y a des foyers d'incertitude et d'inquiétude ; il y a des
secteurs où, manifestement, il faudra faire preuve de volontarisme et prendre
des mesures encore plus spécifiques.
C'est pourquoi je réitère fortement ma proposition d'étudier la mise en oeuvre
d'une politique de prérecrutement, avec le rétablissement de bourses ou
d'allocations destinées aux étudiants motivés, j'y insiste, et ayant besoin de
soutien financier. Mais nous pourrons en rediscuter lors de l'examen du projet
budget pour 2002.
Quant à l'IUFM de Créteil et à la nécessité de parachever ses implantations,
je demande à M. le ministre de l'éducation nationale d'engager avec tous les
intéressés une concertation permettant de définir les solutions et de les
programmer dans le temps.
Mme Ségolène Royal,
ministre déléguée.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Ségolène Royal,
ministre déléguée.
Madame la sénatrice, je transmettrai, bien sûr, votre
réponse au ministre de l'éducation nationale. Mais je dois dire, à titre
personnel, que l'idée de présélection des élèves pour soutenir leur engagement
dans le métier d'enseignant est tout à fait excellente.
D'ailleurs, lorsque j'étais ministre en charge de l'enseignement scolaire,
j'ai créé, vous le savez, des bourses du mérite pour les bons élèves en classe
de troisième...
Mme Hélène Luc.
Absolument !
Mme Ségolène Royal,
ministre déléguée.
... afin de leur permettre ensuite d'accéder à un
encadrement éducatif, à des internats et de se projeter dans ce métier
d'enseignant.
Mme Hélène Luc.
Cela se pratique d'ailleurs dans l'enseignement professionnel !
Mme Ségolène Royal,
ministre déléguée.
Tout à fait ! En effet, ces élèves n'ont pas forcément
nourri cette ambition ou n'ont pas eu la chance d'avoir des parents qui
pouvaient les projeter vers ce métier d'enseignant. Je pense qu'il y a là un
blocage psychologique à surmonter pour que d'excellents élèves, issus, de
surcroît, de familles modestes, puissent s'orienter vers ce métier d'enseignant
et bénéficier de dispositifs d'accompagnement et de présélection dès la sortie
du collège.
ASSOUPLISSEMENT DES RÈGLES
RELATIVES AU CONTRÔLE
DES BATEAUX À PASSAGERS
M. le président.
La parole est à M. Hérisson, auteur de la question n° 1097, adressée à M. le
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Pierre Hérisson.
Le syndicat intercommunal du lac d'Annecy, syndicat mixte, est bénéficiaire,
de la part de l'Etat, d'une concession d'outillage public en date du 20 janvier
1989 pour une durée de quarante ans. Cette concession relative aux équipements
du
slip-way
de Sévrier et de ses annexes est justifiée par la nécessité
de préserver les eaux du lac d'Annecy de toute pollution et d'assurer la
pérennité de la circulation des bateaux à passagers à des fins à la fois
touristiques et de transport public de voyageurs.
A ce titre, le syndicat intercommunal du lac d'Annecy exploite, dans le cadre
de la concession, un équipement permettant de sortir de l'eau des bateaux à
passagers, en vue de leur entretien et de leur contrôle par leur propriétaire,
mais également par les organismes de contrôle, puis de remettre à l'eau ces
bateaux.
Les contraintes diverses liées au fonctionnement de cet équipement - état de
vétusté, besoin de souplesse dans son utilisation, utilisation d'ailleurs
relativement peu fréquente puisque les contrôles s'effectuent tous les cinq ans
- au regard de la réglementation applicable aux contrôles périodiques des
bateaux à passagers, sont de plus en plus grandes, surtout en considération des
récentes évolutions technologiques autorisant désormais de procéder aux
contrôles d'étanchéité, de l'arbre d'hélice, par exemple, sans la mise à sec
systématique des bateaux qui représente une opération lourde et coûteuse
nécessitant des équipements et des immobilisations importants. Par ailleurs,
les risques de corrosion sont bien moindres en eau douce qu'en milieu marin.
Aussi, le Gouvernement envisage-t-il de faire évoluer les dispositions
réglementaires, afin de mieux prendre en compte ces caractéristiques et
d'assouplir les règles actuellement applicables aux contrôles des bateaux à
passagers, facilitant ainsi le recours aux contrôles sous-lacustres par
plongeurs ou par procédé d'investigation technique sans mise à sec obligatoire
des bateaux et, bien sûr, sans les conséquences de la remise à l'eau, qui
serait de ce fait supprimée ?
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët,
secrétaire d'Etat à l'économie solidaire.
Monsieur le sénateur,
permettez-moi tout d'abord de vous transmettre les excuses de M. Gayssot qui,
accompagnant le Premier ministre en Russie, m'a demandé de vous communiquer la
réponse qu'il a préparée.
La réglementation à laquelle doivent répondre les bateaux à passagers de
navigation intérieure tient naturellement compte du milieu concerné et se
distingue déjà des règles applicables en milieu marin.
Le décret du 2 septembre 1970 relatif à la sécurité des bateaux à passagers
non soumis à la réglementation maritime prévoit que la coque de ces bateaux
doit être soumise à une visite complète à sec au moins tous les cinq ans si
elle est de construction métallique et au moins tous les deux ans si elle est
de construction non métallique, par exemple si la coque est en bois ou en
béton.
Le renouvellement du permis de navigation d'un bateau est conditionnée au
respect de cette obligation.
L'objectif de la sortie en cale sèche du bateau est de procéder à une
inspection complète de l'état de la coque et de sa structure, en particulier
l'épaisseur de la coque, mais aussi l'état des soudures, des rivets et des
sorties d'eau, ainsi que la présence d'éventuelles fissures. Il ne peut être
procédé à une telle inspection sur un bateau en eau, malgré l'évolution des
techniques.
Etant donné l'importance de ces visites pour la sécurité, le ministre des
transports n'envisage pas de prévoir une visite en eau des coques de ces
bateaux, même si des expertises de l'état de la coque sont déjà autorisées,
dans des conditions très restrictives, uniquement pour les coques en béton de
certains établissements flottants, qui ne naviguent pas.
Affaiblir aujourd'hui les règles de sécurité irait à l'encontre d'une exigence
de plus en plus forte en la matière. Si un sinistre survenait demain, imaginez
les reproches qui nous seraient adressés si nous avions assoupli la
réglementation en ce domaine.
M. Pierre Hérisson.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson.
Monsieur le secrétaire d'Etat, la réponse que vous avez apportée à ma question
n'est pas satisfaisante, loin s'en faut ! En effet, vous vous êtes contenté de
procéder au rappel du règlement, des circonstances et de la situation
existante. Je renouvellerai donc ma demande.
A l'heure actuelle, les moyens d'investigation technologiques sont bien plus
fiables que les examens visuels qui remontent, pour l'essentiel, s'agissant de
la navigation sur les plans d'eau intérieurs, à l'époque de la traction à
vapeur.
Il serait tout de même intéressant aujourd'hui, en termes non seulement de
coûts, mais aussi et surtout d'efficacité, de renforcer les moyens de contrôle
en utilisant les techniques modernes. Celles-ci permettent, par exemple, de
mesurer de manière tout à fait fiable et beaucoup plus précise l'épaisseur de
la coque, vérifier de l'étanchéité de l'arbre de transmission de l'hélice et
d'assurer un contrôle de la pression. Ces contrôles ont beaucoup plus d'intérêt
avec un bateau à l'eau qu'avec un bateau en cale sèche.
Au lac d'Annecy, mais également en ce qui concerne l'essentiel des plans d'eau
intérieurs, la quasi-totalité des équipements nécessaires à la mise en cale
sèche des bateaux sur les plans d'eau intérieurs date de la fin du xixe siècle
ou du début du xxe. C'est l'utilisation de ces équipements qui posent le
problème de la sécurité. Or nous ne pouvons pas demander aujourd'hui aux
transporteurs, qui, pour l'essentiel, sont de petites compagnies, voire des
entreprises familiales, d'engager des investissements importants pour un
équipement qui, malheureusement, ne sert parfois qu'une fois tous les cinq ans
ou, parce qu'il existe encore quelques bateaux en bois, tous les deux ans.
Il y a donc un décalage entre les moyens mis à disposition, les choix opérés
en matière de contrôle technique et le fait que nous sommes au xxie siècle et
que nous y avons mesuré une coque, étudié les problèmes d'étanchéité avec des
moyens beaucoup plus fiables qu'un simple examen visuel.
CONVENTIONS SNCF - RÉGIONS DANS LE CADRE DE LA RÉGIONALISATION DU TRANSPORT FERROVIAIRE
M. le président.
La parole est à M. Haenel, auteur de la question n° 1133, adressée à M. le
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Hubert Haenel.
Ma question concerne les futures conventions SNCF-régions qui seront signées
dans le cadre de la régionalisation du transport ferroviaire en application de
la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains.
Monsieur le secrétaire d'Etat, permettez-moi tout d'abord de souligner
l'heureuse coïncidence qui nous permet de nous retrouver aujourd'hui puisque
vous faisiez partie de groupe de travail que nous avions mis en place, voilà
sept ans, pour lancer cette expérimentation.
Je souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement sur la loi du 13 décembre 2000 relative à la
solidarité et au renouvellement urbains, qui généralise la régionalisation du
transport ferroviaire de voyageurs et fait des régions des autorités
organisatrices de transport à part entière à partir du 1er janvier 2002. A
cette fin, l'article 129 du la loi SRU prévoit que les régions passent avec la
SNCF des conventions qui fixent les conditions d'exploitation et de financement
des services ferroviaires relevant de la compétence régionale.
Ce qui m'a conduit à poser cette question, c'est le retard apporté à
l'adoption de ces conventions ou encore l'absence d'accord. En effet, le décret
d'application a pris un retard important et inquiétant : il était annoncé pour
le courant de l'été. Or la section des travaux publics du Conseil d'Etat n'a
toujours pas donné son avis.
Par ailleurs, j'ai également pu constater, au cours des différentes
discussions que nous avons eues au sein du conseil d'administration de la SNCF,
la complexité du dispositif mis en place, ce qui conduit à certaines
hésitations, voire à certaines contradictions entre les différents services de
l'Etat.
Quelles dispositions le ministre de l'équipement, des transports et du
logement, envisage-t-il de prendre pour mettre en oeuvre, le cas échéant, les
dispositions de l'article 130 aux termes desquelles il est inséré, après
l'article L. 1612-15 du code général des collectivités territoriales, un
article L. 1612-15-1 ainsi rédigé : « En cas d'absence de convention visée à
l'article 21-4 de la loi n° 82-1153 di 30 décembre 1982 précitée, le préfet de
région peut mettre en oeuvre, dans les conditions de l'article L. 1612-15, une
procédure d'inscription d'office au budget de la région, au bénéfice de la
Société nationale des chemins de fer français dans la limite de la part de la
compensation visée au quatrième alinéa de l'article L. 1614-8-1. »
Quelle serait, par ailleurs, la situation des relations entre la SNCF et le
conseil régional entre le 1er janvier 2002 et l'aboutissement de la procédure
d'inscription d'office ?
En un mot, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers
collègues, que se passera-t-il le 1er janvier 2002 si des conventions ne
peuvent être signées du seul fait du retard pris dans la mise en place du
dispositif réglementaire et financier d'application de la loi SRU ? Il serait
regrettable que cette grande réforme en souffre et complique - pour ne pas
employer un autre mot - les relations entre la Société nationale des chemins de
fers français et les régions.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët,
secrétaire d'Etat à l'économie solidaire.
J'ai plaisir à vous retrouver
sur un sujet qui,
a priori
, ne devait pas m'amener à vous répondre, mais
il se trouve que M. Gayssot est en déplacement avec le Premier ministre et
qu'il m'a demandé de bien vouloir vous répondre à sa place.
Vous le savez, les dispositions de la loi relative à la solidarité et au
renouvellement urbains, reprises dans l'article L. 1612-15-1 du code général
des collectivités territoriales, permettent, en l'absence de convention entre
la région et la SNCF, au préfet du département ou à toute personne y ayant
intérêt, de saisir la chambre régionale des comptes, qui peut alors dresser une
mise en demeure à la collectivité territoriale afin qu'elle inscrive à son
budget les dépenses jugées obligatoires pour le fonctionnement du service
public ferroviaire.
Si une telle mesure n'est pas suivie d'effet, le préfet peut mettre en oeuvre
une procédure d'inscription d'office au budget de la région au bénéfice de la
Société nationale des chemins de fers français, dans la limite de la part de la
compensation correspondant à la contribution pour l'exploitation des services
transférés.
Ainsi le service pourra-t-il être exploité de manière identique à l'année
précédente sans préjudice financier pour la SNCF et, surtout, sans rupture de
continuité pour les usagers.
Néanmoins, l'article L. 1612-15-1 n'a vocation à s'appliquer qu'aux cas où
l'absence de convention traduirait des difficultés réelles entre les deux
partenaires pour aboutir à un accord conventionnel et risquerait de perturber
le service ferroviaire d'intérêt régional.
En cas de simple retard de signature, par exemple, du fait d'un calendrier
très tendu, ou durant la période préalable à l'aboutissement de la procédure
d'inscription d'office, la SNCF devra continuer d'assurer le service public
ferroviaire, mission que lui confère la loi d'orientation des transports
intérieurs, la LOTI, dans son article 18, et devra assurer la cohérence
d'ensemble des services ferroviaires intérieurs sur le réseau ferré
national.
Je conclurai par un mot sur l'état d'esprit du Gouvernement : il s'agit que
tous les partenaires en présence s'attachent à ce que ce système de convention
se mette en place dans les délais prévus. Il faut en effet assurer le succès de
cette étape essentielle de la décentralisation, qui a été préparée de longue
date. Vous le rappeliez vous-même, en effet, une commission
ad hoc
avait
été créée il y a déjà maintenant sept ou huit ans et vous en conduisiez les
travaux, tandis que j'exerçais quelque responsabilité dans l'une des six
régions qui ont accepté d'entrer concrètement dans l'expérimentation.
Sans doute, les termes de la convention et la clarification des relations, y
compris financières, je pense ici aux sommes que la région devra éventuellement
mobiliser pour assurer pleinement sa nouvelle responsabilité - sont au coeur de
la discussion aujourd'hui, et il incombe à chacun des partenaires d'avancer en
toute transparence.
M. Hubert Haenel.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Haenel.
M. Hubert Haenel.
Je remercie M. le secrétaire d'Etat des précisions qu'il vient de nous
apporter en commentant le dispositif législatif.
Cela étant, je précise que mes craintes ne sont pas fondées sur le risque de
désaccord. En cas de désaccord, en effet, on applique strictement la loi, dans
sa lettre et dans son esprit. Je redoute plutôt les conséquences du retard,
car, si le dispositif réglementaire et financier n'est pas en place, les
régions n'y pourront rien, et la SNCF non plus.
Je souhaiterais, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous indiquiez à M.
Gayssot qu'il convient de donner rapidement des instructions aux préfets et aux
services des directions régionales de l'équipement, compétentes dans ce
domaine, pour que tout se passe dans les meilleures conditions possibles, sans
hésitation, sans ambiguïté. A défaut, on le sent bien, les relations risquent
de se tendre non pas entre l'Etat et les régions, mais bien entre la SNCF et
les régions, ce qui serait dommageable.
RÉALISATION DU TGV PERPIGNAN-BARCELONE
M. le président.
La parole est à M. Delfau, auteur de la question n° 1154, adressée à M. le
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Gérard Delfau.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ma question s'adresse à M. Gayssot qui, je le
sais, est retenu loin de notre pays, pour servir le pays.
Elle est volontairement datée du jeudi 11 octobre. Ce jour-là, les
gouvernements français et espagnol ont scellé, à Perpignan, un accord pour le
lancement du TGV Perpignan-Barcelone. C'est une grande date pour notre région,
pour la France et pour l'Europe du Sud, à laquelle je suis particulièrement
attaché.
Mais voilà, cette heureuse initiative souligne cruellement le retard pris dans
la réalisation du tronçon TGV Nîmes-Montpellier : le début des travaux pourrait
n'intervenir au mieux qu'en 2005. Encore faut-il régler quelques problèmes,
notamment dans la commune de Mauguio, où, à la demande de la municipalité, le
tracé du tronçon doit connaître un léger infléchissement.
Quant à la réalisation du chaînon manquant Montpellier-Perpignan, elle serait
repoussée au-delà de 2015,...
M. Raymond Courrière.
Trop tard !
M. Gérard Delfau.
... autant dire aux calendes grecques !
Si l'on ajoute à cela, question sur laquelle j'ai déjà interrogé M. Gayssot,
que l'écoulement du fret ferroviaire dans notre région est au bout de
l'asphyxie, alors que le tonnage des camions en provenance de l'Espagne sature
l'autoroute A 9 et qu'il est difficile d'effectuer comme il le faudrait son
doublement, on est en droit de s'interroger sur la pertinence de la décision
prise lors du sommet de Perpignan dans la mesure où les pouvoirs publics
n'annoncent pas dans le même temps une accélération de la réalisation du
chaînon manquant.
Il est urgent que l'Etat, dont c'est la compétence, je le rappelle, s'exprime
sur cette question. Sinon, à court terme, dans les cinq ou six ans, je le dis
en pesant mes mots, nous risquons la thrombose de l'ensemble des
infrastructures de transport de la région Languedoc-Roussillon.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët,
secrétaire d'Etat à l'économie solidaire.
Monsieur le sénateur, en effet,
à l'occasion du sommet franco-espagnol de Perpignan du 11 octobre dernier, les
deux gouvernements se sont félicités des progrès considérables réalisés par les
deux pays dans la réalisation de ce projet, notamment de l'avancement des
procédures.
La déclaration d'utilité publique en France et la procédure équivalente en
Espagne en sont des manifestations concrètes, tout comme la publication de
l'appel à candidatures relatif à la concession de la section internationale.
L'ensemble des engagements pris au sommet de Santander en 2000 ont été tenus,
et la réalisation de ce projet se présente maintenant dans les meilleures
conditions.
Vous connaissez l'importance que revêtent pour nos deux pays la ligne nouvelle
ferroviaire à grande vitesse, destinée au trafic de voyageurs et de
marchandises, et la suppression de la rupture de charge à la frontière, qui va
se traduire par des gains de performance importants entre la péninsule ibérique
et le reste de l'Europe.
Ce projet s'inscrit dans la volonté du gouvernement français de donner au mode
ferroviaire une place plus importante que celle qu'il occupe aujourd'hui, en
particulier en matière de transport de marchandises. L'ensemble des décisions
prises ces dernières années est là pour en témoigner.
Cependant, vous avez raison d'insister sur l'importance des projets encadrant
la section internationale. C'est le sens de la décision prise par M.
Jean-Claude Gayssot, le 13 mars 2000, par laquelle, outre le lancement de
l'enquête publique de la partie française de la section internationale, il
demandait à Réseau ferré de France, RFF, de prendre les dispositions
nécessaires relatives à l'aménagement complet de l'axe languedocien entre Nîmes
et la frontière espagnole.
Cela s'est traduit par les études d'avant-projet sommaire du contournement de
Nîmes et de Montpellier, principalement dédié au fret, et les études
d'aménagement de la ligne classique entre Montpellier et Perpignan.
Ces études ont donné lieu aux consultations habituelles des collectivités
concernées, et le ministre compte prendre, d'ici à la fin de l'année, la
décision d'approbation de l'avant-projet sommaire.
L'objectif est bien d'être capable, à l'horizon de l'ouverture de la section
internationale, d'offrir, de la frontière espagnole à l'axe rhodanien, un axe
ferroviaire très performant pour soutenir le fort développement du trafic
ferroviaire attendu et apporter ainsi une réponse adaptée et durable à
l'accroissement des flux routiers dans la région.
Cette opération est prioritaire pour l'Etat, en raison du potentiel de
développement du Languedoc-Roussillon et de sa situation stratégique de
carrefour d'échanges. C'est la raison pour laquelle M. Jean-Claude Gayssot a
demandé et obtenu l'accélération des études et procédures et l'inscription de
ces opérations dans les projets prioritaires de l'Union européenne.
Le Gouvernement prend ainsi toute sa place dans la réalisation de ces projets
indispensables, en partenariat avec l'Union européenne, et regrette de ne
pouvoir disposer, à ce stade, d'un engagement du conseil régional de
Languedoc-Roussillon, contrairement à ce qui se pratique dans toutes les autres
régions françaises concernées par des projets de cette nature.
M. Gérard Delfau.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau.
J'ai bien entendu la réponse de M. Gayssot et je me réjouis qu'effectivement
les études aient été, à son initiative, accélérées. Reste que des études ne
font pas un budget pour des réalisations. Or, c'est cela qui intéresse les
habitants du Languedoc-Roussillon.
Je réitère donc très courtoisement ma demande et souhaite, d'une part, que le
Gouvernement s'exprime, dans un délai raisonnable, sur un calendrier et des
financements concernant l'achèvement du chaînon manquant Nîmes-Montpellier,
dans un premier temps ; d'autre part, et surtout, que le Gouvernement fixe un
calendrier pour l'achèvement du tronçon qui, pour l'instant, reste totalement
en pointillés, entre Montpellier et Perpignan.
J'ai bien entendu, par ailleurs, le constat peiné du ministre, qui regrette le
silence des grandes collectivités territoriales. Sachez que je désapprouve ce
silence et que je m'exprimerai une nouvelle fois en ce sens. Car, si les
grandes collectivités territoriales doivent prendre leur place, il faut que
toutes le fassent, toutes, c'est-à-dire le conseil régional, bien sûr, mais
aussi, comme dans les autres régions, les conseils généraux et - pourquoi pas ?
- la métropole régionale.
RÉORGANISATION DU DISPOSITIF
DE CIRCULATION AÉRIENNE
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau, auteur de la question n° 1156, adressée à M. le
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Ma question porte sur le projet de réorganisation du dispositif de circulation
aérienne en région parisienne proposé par la direction générale de l'aviation
civile, la DGAC.
Pourquoi ce nouveau projet ? Si l'on se réfère au document présenté, il semble
motivé par les inconvénients du dispositif actuel de circulation aérienne.
Premièrement, l'engorgement du trafic actuel est surtout situé dans la partie
nord-ouest d'entrée en plate-forme parisienne, soit 40 % des arrivées.
Deuxièmement, les retards se généralisent et peuvent atteindre soixante
minutes par vol, ce qui se traduit par un encombrement permanent du ciel
francilien.
Troisièmement, des accumulations de vols, surtout dans les zones les plus
urbanisées du Val-d'Oise et une partie de la Seine-Saint-Denis, posent des
problèmes de sécurité.
Quatrièmement, il convient de rééquilibrer les deux doublets de pistes de
Roissy, la proportion actuelle étant de 60 % et 40 %.
Cinquièmement, il convient de réduire de quatre-vingts kilomètres la
trajectoire des avions en provenance du Sud-Ouest.
Telles sont les raisons avancées par la DGAC.
Autrement dit, et ADP le reconnaît, « Roissy est en limite de saturation »,
rejoignant en cela ce que nous affirmons. Sans attendre le trafic de 55
millions de passagers que l'on nous promet pour l'an prochain, le point de
saturation est donc déjà atteint, et ce malgré la mise en service de la
quatrième piste de l'aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle.
Le ciel est encombré, l'insécurité est plus grande. Et le volume de nuisances
n'aurait pas encore atteint son paroxysme !
Le projet de réorganisation proposé, et non encore adopté - raison pour
laquelle je pose cette question ce matin - répond-il à une exigence
d'amélioration de l'écoulement du trafic et à une volonté de diminuer les
nuisances pour les riverains ? Non, monsieur le secrétaire d'Etat, ce n'est pas
seulement de régulation qu'il s'agit, mais plutôt d'augmentation du trafic.
Les auteurs du projet ne s'en cachent d'ailleurs pas, qui écrivent, dans le
préamblule du projet : « Afin de maintenir un haut niveau de sécurité, la
capacité de l'aéroport se trouve limitée, en pointe, par la capacité de
l'espace aérien à un niveau voisin de cent vols par heure » - cent vols par
heure, monsieur le secrétaire d'Etat -, « alors que l'objectif de capacité
mentionné dans la déclaration d'utilité publique pour la construction des deux
pistes supplémentaires était de cent vingt vols par heure. »
La philosophie du projet tient en ces termes.
Un quatrième point d'entrée pour l'aéroport Charles-de-Gaulle et une
réorganisation des trajectoires permettront d'accroître le trafic de 20 %.
Ainsi donc, tout l'espace aérien sera quadrillé, sans un coin de ciel bleu,
sauf pour les avions militaires.
Des régions nouvelles de Seine-Saint-Denis, de l'Essonne et de Seine-et-Marne
seront désormais touchées. On pourra survoler Aubervilliers, Evry, Lisses,
Courcouronnes, Bondoufle, Mennecy, la région de Sénart, la vallée de
Montmorency, les régions de Sarcelles, Garges, Gonesse et Villiers-le-Bel
verront croître des survols pourtant déjà intenses.
Le
Journal officiel, édition des Lois et décrets
du 23 octobre dernier
comporte un décret qui précise le nombre de mouvements nocturnes pouvant être
désormais atteints à Roissy : 288 de vingt-deux heures à six heures du matin.
Leur pourcentage passera de 12 % à 20 %, puisqu'il s'agirait de 288 sur 1338
vols quotidiens.
Toutes ces mesures, monsieur le secrétaire d'Etat, ne sont ni raisonnables ni
responsables ! Au sein de la commission consultative de l'environnement de
Roissy, il ne s'est trouvé aucun élu, aucun représentant d'association pour
approuver un tel projet, grave pour la vie et la sécurité de millions de
riverains franciliens. Les seuls à s'être prononcés en sa faveur sont les
représentants d'ADP et les compagnies aériennes.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je crois qu'il faut arrêter ce projet et en
lancer sans attendre un autre. Fondé sur l'écoute, l'avis des élus et des
associations de riverains, il permettrait, pour l'immédiat, et le plus long
terme, d'aboutir à la construction d'un troisième aéroport.
L'urgence est d'autant plus grande que le seuil de tolérance des nuisances est
atteint et que se développent actuellement d'autres conséquences concernant la
santé et la pollution de l'air, qui n'avaient encore jamais été relevées
officiellement jusqu'à maintenant.
Je prendrai un seul exemple. Les ingénieurs du réseau Airparif, qui
surveillent la pollution en Ile-de-France, viennent de découvrir - et ils l'ont
écrit - des niveaux de pollution dans la région du Bourget, de Montmorency, de
Sarcelles et de Gonesse supérieurs de 60 % à la normale.
Le rapport sur la campagne d'analyse lancée le 20 septembre à Sarcelles et à
Gonesse note un phénomène inquiétant : « Des bouffées d'air pollué colossales
ont été mesurées proches du niveau d'alerte. » Nous sommes donc, monsieur le
secrétaire d'Etat, loin des accords de Kyoto. Il faudra donc prévoir un
renforcement de la sécurité, et un contrôle de la pollution et des nuisances
pour le projet d'un nouveau couloir aérien.
Monsieur le secrétaire d'Etat, le Gouvernement va-t-il abandonner ce projet de
réorganisation de couloir aérien ? Va-t-il enfin décider la création d'un
nouvel aéroport ? Pourrions-nous savoir sur quel site et quand il sera mis en
service ?
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët,
secrétaire d'Etat à l'économie solidaire.
Madame la sénatrice, la
réorganisation de la circulation aérienne en Ile-de-France constitue d'abord,
et avant tout, un enjeu majeur de sécurité pour les vols au départ ou à
destination des aéroports franciliens, ce qui, vous en conviendrez, est
particulièrement important pour les populations survolées, pour les passagers
et le personnel navigant.
Cette réorganisation répond également à la volonté de mieux respecter
l'environnement des riverains des aéroports et, enfin, à l'objectif
d'amélioration de la régularité des horaires des vols.
Pour que les décisions nécessaires soient correctement éclairées, M. le
ministre de l'équipement, des transports et du logement a demandé une expertise
indépendante des différentes solutions possibles à l'agence Eurocontrol,
organisme international compétent en matière de circulation aérienne.
M. le ministre a aussi souhaité qu'une large concertation ait lieu au sujet de
cette réorganisation, afin que l'instruction de ce dossier soit réalisée dans
la plus grande transparence.
Pendant neuf mois, de nombreuses réunions se sont déroulées au niveau de la
région d'Ile-de-France. Le préfet de la région a présidé, à la demande du
ministre, un comité de pilotage composé d'élus des huit départements
d'Ile-de-France afin de définir le cahier des charges, de suivre l'étude menée
par Eurocontrol et d'analyser les différentes solutions proposées.
Conformément à la loi, les commissions consultatives de l'environnement de
Roissy et d'Orly ont été saisies pour avis. Celle d'Orly, qui est la plus
concernée par ce projet de réorganisation de la circulation aérienne en
Ile-de-France, a approuvé sans équivoque et à une très large majorité le projet
qui lui a été soumis.
Celle de Roissy a émis un avis défavorable pour des raisons qui semblent
davantage liées à la situation actuelle aux abords de Roissy et au dossier de
la troisième plate-forme aéroportuaire internationale.
Comme cela est prévu par la loi, il appartient maintenant à l'Autorité de
contrôle des nuisances sonores aéroportuaries, créée par le Parlement sur
proposition du Gouvernement, de formuler un avis sur le projet de
réorganisation. Elle devrait se prononcer dans les jours à venir.
C'est donc à partir de ces avis et des idées qui ont été exprimés tout au long
des débats par les élus, les associations et les professionels, que M. Gayssot
prendra prochainement sa décision.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai tenté de vous démontrer ce matin que la
proposition de la direction générale de l'aviation civile avait pour objectif,
en fait, d'augmenter le nombre des rotations. Je comprends les raisons
officielles qui touchent à la sécurité et aux différents mouvements
d'avions.
Mais ce qui fonde ma question, c'est le passage désormais possible, à 120
mouvements d'avions par heure, conformément à la déclaration d'utilité
publique. Entre les objectifs, les affirmations de la DGAC et la réalité,
quelque chose ne va pas. Nous savons qu'un plus grand nombre d'avions survolera
la région de Roissy.
Votre réponse le confirme, il sera encore possible d'accroître le nombre de
vols sur Roissy et, plus grave encore, de vols nocturnes.
Vous ne m'avez rien dit du troisième aéroport. Je suis évidemment très
inquiète. Voilà un an, l'idée d'un troisième aéroport était acceptée sans que
nous connaissions le site. Aujourd'hui, nous en sommes au même point.
Je voulais vous dire, monsieur le secrétaire d'Etat - peut-être le savez-vous
déjà - que les associations des riverains de Roissy et d'Orly ont décidé
d'organiser une manifestation à Paris le 10 novembre. Or l'imprécision de votre
réponse ne peut être qu'un facteur de mobilisation incitant de nouvelles
associations, de nouvelles municipalités et, surtout, de nouveaux citoyens à y
participer.
6
NOMINATION DE MEMBRES
D'ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES
M. le président.
Je rappelle que les commissions des affaires culturelles, des affaires
économiques et des finances ont proposé des candidatures pour plusieurs
organismes extraparlementaires.
La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par
l'article 9 du règlement.
En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame :
- M. François Gerbaud membre du comité de gestion (plates-formes
aéroportuaires) du Fonds d'intervention pour les aéroports et le transport
aérien ;
- M. Yves Detraigne membre de la commission consultative pour la production de
carburants de substitution ;
- M. Paul Raoult membre suppléant de la commission nationale des aides
publiques aux entreprises ;
- MM. André Trillard et Charles Revet membres de la commission supérieure du
Crédit maritime mutuel ;
- M. Christian Gaudin membre du conseil d'administration de l'Agence de
l'environnement et de la maîtrise de l'énergie ;
- M. Bruno Sido membre du Conseil d'orientation du comité interministériel de
prévention des risques naturels majeurs ;
- M. Charles Revet membre du Conseil supérieur de l'établissement national des
invalides de la marine ;
- et MM. Gérard Delfau, Georges Gruillot, Pierre Hérisson, Pierre Laffitte,
René Trégouët, Pierre-Yvon Trémel et François Trucy membres de la commission
supérieure du service public des postes et télécommunications.
7
COMMUNICATION
M. le président.
Je rappelle qu'aujourd'hui à seize heures, nos collègues membres de la Haute
Cour de justice et de la Cour de justice de la République sont appelés à prêter
serment en séance publique.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons
interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures cinquante-cinq, est reprise à seize
heures, sous la présidence de M. Bernard Angels.)
PRÉSIDENCE DE M. BERNARD ANGELS
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
8
PRESTATION DE SERMENT DES JUGES
À LA HAUTE COUR DE JUSTICE
M. le président.
Mme et MM. les juges titulaires à la Haute Cour de justice et MM. les juges
suppléants à la Haute Cour de justice vont être appelés à prêter, devant le
Sénat, le serment prévu par l'article 3 de l'ordonnance n° 59-1 du 2 janvier
1959 portant loi organique sur la Haute Cour de justice.
Je vais donner lecture de la formule du serment, telle qu'elle figure dans la
loi organique. Il sera procédé ensuite à l'appel nominal de Mme et MM. les
juges titulaires puis de MM. les juges suppléants. Je les prie de bien vouloir
se lever à leur banc, lorsque leur nom sera appelé, et répondre, en levant la
main droite, par les mots : « Je le jure .»
Voici la formule du serment : « Je jure et promets de bien et fidèlement
remplir mes fonctions, de garder le secret des délibérations et des votes et de
me conduire en tout comme digne et loyal magistrat. »
(Successivement, MM. Hubert Haenel, Lucien Lanier, Jean-Pierre Schosteck,
Patrice Gélard, Jean-Pierre Cantegrit, Jean-Marie Poirier, Georges Othily,
Roland Courteau et Mme Nicole Borvo, juges titulaires, et MM. François Trucy,
Jean Faure, Roger Karoutchi et Claude Saunier, juges suppléants, se lèvent à
l'appel de leur nom et disent, en levant la main droite : « Je le jure
».)
Acte est donné par le Sénat du serment qui vient d'être prêté devant lui.
MM. José Balarello, Jean-Louis Carrère, Michel Dreyfus-Schmidt, Jacques Peyrat
et Jean-Marc Pastor, qui n'ont pu assister à la séance d'aujourd'hui, seront
appelés ultérieurement à prêter serment devant le Sénat.
9
PRESTATION DE SERMENT DE JUGES
À LA COUR DE JUSTICE DE LA RÉPUBLIQUE
M. le président.
MM. les juges titulaires et Mme et MM. les juges suppléants à la Cour de
justice de la République vont être appelés à prêter devant le Sénat le serment
prévu par l'article 2 de la loi organique n° 93-1252 du 23 novembre 1993 sur la
Cour de justice de la République.
Je vais donner lecture de la formule de serment. Il sera ensuite procédé à
l'appel nominal de MM. les juges titulaires puis à l'appel nominal de Mme et
MM. les juges suppléants. Je les prie de bien vouloir se lever à l'appel de
leur nom et de répondre, en levant la main droite, par les mots : « Je le jure
».
Le serment est ainsi formulé : « Je jure et promets de bien et fidèlement
remplir mes fonctions, de garder le secret des délibérations et des votes et de
me conduire en tout comme digne et loyal magistrat ».
(Successivement, MM. Hubert Haenel, Patrice Gélard, Jean-Jacques Hyest et
Claude Saunier, juges titulaires, et MM. Lucien Lanier, François Trucy,
Jean-Marie Poirier, Jean-François Picheral et Mme Josette Durrieu, juges
suppléants, se lèvent à l'appel de leur nom et disent, en levant la main droite
: « Je le jure ».)
Acte est donné par le Sénat du serment qui vient d'être prêté devant lui.
MM. José Balarello, Michel Dreyfus-Schmidt et René-Georges Laurin, qui n'ont
pu assister à la séance d'aujourd'hui, seront appelés ultérieurement à prêter
serment devant le Sénat.
10
SCRUTINS POUR L'ÉLECTION
DE MEMBRES REPRÉSENTANT LA FRANCE
AU CONSEIL DE L'EUROPE
ET À L'UNION DE L'EUROPE OCCIDENTALE
M. le président.
L'ordre du jour appelle les scrutins pour l'élection de six membres titulaires
et de six membres suppléants représentant la France à l'Assemblée parlementaire
du Conseil de l'Europe et à l'Assemblée de l'Union de l'Europe occidentale.
En application des articles 2 et 3 de la loi n° 49-984 du 23 juillet 1949, la
majorité absolue des votants est requise pour l'élection des titulaires et des
suppléants.
Il va être procédé simultanément à ces deux scrutins qui auront lieu dans la
salle des conférences, en application de l'article 61 du règlement.
Je prie Mme Annick Brocandé, secrétaire du Sénat, de bien vouloir surveiller
les opérations de vote et de dépouillement.
Il va être procédé au tirage au sort de quatre scrutateurs titulaires et de
deux scrutateurs suppléants qui se répartiront entre deux tables pour opérer le
dépouillement des scrutins.
(Le tirage au sort a lieu.)
M. le président.
Le sort a désigné :
Scrutateurs titulaires : MM. Gérard Le Cam, Jean-Paul Emin, Gérard Braun et
Roland Courteau ;
Scrutateurs suppléants : Mme Monique Papon et M. Alain Dufaut.
Je déclare ouverts les scrutins pour l'élection de six membres titulaires et
de six membres suppléants de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe
et de l'Assemblée de l'Union de l'Europe occidentale.
Je vous indique que, pour être valables, les bulletins de vote ne doivent pas
comporter, pour chacun des scrutins, plus de six noms, sous peine de
nullité.
Les scrutins seront clos dans une heure.
11
MUSÉES DE FRANCE
Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 323, 2000-2001),
adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif aux
musées de France [Rapport n° 5 (2001-2002).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, alors que nous engageons la discussion d'un
texte important pour la culture et très attendu, je souhaite tout d'abord
rendre hommage au travail qui a été accompli par votre commission et plus
particulièrement à celui qu'a effectué son rapporteur, M. Philippe Richert. Dès
fin juin, en effet, vous m'avez permis de m'exprimer devant votre commission et
nous avons ainsi pu commencer à échanger nos points de vue dans un esprit de
rapprochement dont je me réjouis.
L'institution muséale apparaît aujourd'hui comme un instrument privilégié de
compréhension du monde. Elle constitue une référence indispensable à la
réflexion sur la civilisation.
C'est là sans doute la raison de l'immense succès actuel de l'institution : en
2000, 50 millions de visiteurs se sont rendus dans nos musées, dont 15 millions
dans les musées nationaux.
Les musées sont ainsi devenus des acteurs culturels, économiques et
touristiques de premier plan, qui ont contribué à redessiner l'aménagement
culturel du territoire.
L'importante mission historiquement assignée aux musées ne saurait demeurer
plus longtemps régie par un texte provisoire de 1945 antérieur aux profondes
mutations liées à la décentralisation et à l'évolution des pratiques
culturelles des Français. Il faut un nouveau texte à l'appui de la politique
que nous menons avec les musées.
Les priorités qui guident l'action muséale et qui seront confortées par le
projet de loi qui vous est soumis peuvent être résumées dans les termes de «
modernisation » et d'« innovation culturelle ».
Concernant la modernisation, je citerai en particulier le plan de soutien
pluriannuel à l'informatisation et à la numérisation des collections, la mise
en place d'une politique globale et cohérente de conservation préventive, ainsi
qu'un renforcement de la déconcentration. Je citerai notamment le soutien
spécifique de mon ministère aux grandes expositions reconnues d'intérêt
national en régions.
Enfin, le soutien à l'enrichissement des collections et à l'investissement
immobilier vient compléter la modernisation des musées.
Je souhaite rappeler les quatres objectifs principaux qui inspirent ce texte.
Il s'agit, d'abord, d'intégrer et d'approfondir la logique de décentralisation.
Il s'agit, ensuite, d'affirmer le rôle du musée comme instrument de
développement et de démocratisation de la culture. Il s'agit, en outre,
d'améliorer la protection des collections dont l'intérêt public aura été
reconnu. Il s'agit, enfin, de fédérer les musées de France, dans le respect de
leurs spécificités, autour de leurs missions communes au service de la
société.
Le projet de loi qui vous est soumis est tout d'abord un texte
décentralisateur, qui vise à respecter scrupuleusement la liberté
d'organisation et la liberté de choix des personnes morales propriétaires des
collections de musées : il précise pour la première fois la « règle du jeu »
applicable aux relations entre l'Etat et les collectivités locales et limite,
pour l'avenir, le contrôle technique de l'Etat aux seuls musées que leurs
propriétaires auront souhaité soumettre au statut prévu par la loi. C'est dire
que le contrôle de l'Etat trouve ainsi son fondement non seulement dans sa
mission régalienne mais aussi dans un label et un statut librement demandés.
Dans le respect du principe de la libre administration des collectivités
locales, le texte met en avant, plus encore que la notion de contrôle
scientifique et technique, la mission de conseil qui incombera légalement à
l'Etat, et il prévoit, à la seule exception de l'article 8, des procédures, non
pas d'autorisation, mais de simples avis préalables.
Le texte s'inscrit aussi dans la dynamique de la loi sur la coopération
intercommunale et offre des possibilités de cessions de biens entre personnes
publiques.
Enfin, et c'est un point essentiel, la présence de représentants des
collectivités territoriales au sein du « Conseil des musées de France » - ou
d'un « Haut Conseil des musées » - renforcera la capacité des musées à
s'insérer dans le cadre d'une politique culturelle équilibrée sur l'ensemble du
territoire. Le Conseil des musées de France sera l'enceinte, qui fait
aujourd'hui défaut, permettant d'organiser le nécessaire débat entre l'Etat et
ses partenaires sur la définition et l'évaluation des stratégies nationales en
matière de musées.
Le second objectif de ce texte est la démocratisation culturelle.
L'affirmation des missions, non seulement patrimoniales, mais aussi d'éducation
et de diffusion, acquiert ainsi force légale. L'obligation de mener une
politique tarifaire conforme à ces objectifs est notamment prévue ; en
revanche, les modalités en sont laissées, comme il se doit, à la libre
appréciation de l'autorité compétente, l'Etat, pour sa part, s'obligeant par la
loi à instaurer la gratuité pour les moins de dix-huit ans dans ses propres
musées.
Troisième objectif, le projet de loi tend à améliorer la protection du
patrimoine, en précisant notamment que les collections ne pourront être gérées
et restaurées que par des professionnels qualifiés, et que les projets
d'acquisitions et de restauration seront soumis à un avis préalable.
Mais la mesure essentielle pour la protection du patrimoine est la définition
d'un régime d'inaliénabilité spécifique pour les collections des musées publics
et la mise en oeuvre d'une logique, applicable à la fois aux musées publics et
aux musées privés, que l'on pourrait qualifier d'affectation perpétuelle, non à
un musée particulier, mais à l'ensemble formé par les « musées de France ».
Quant aux musées de droit privé qui accepteront de devenir « musée de France
», le projet de loi organise pour la première fois dans notre droit la
protection de leurs collections, dans les mêmes conditions que celles des
musées publics, en leur conférant un caractère imprescriptible et
insaisissable.
Enfin - c'est le quatrième objectif -, ce texte vise à fédérer sans
uniformiser : il s'agit de définir le corpus de règles communes applicables à
tous les musées de France - y compris, bien entendu, les musées nationaux, quel
que soit leur ministère de tutelle - au-delà des différences statutaires ou
thématiques. Ce corpus de règles communes respecte la liberté de choix des
responsables et la spécificité des statuts et des collections, tout en
permettant d'harmoniser ce qui doit l'être, de manière à mettre fin à des
disparités injustifiées.
Le Conseil des musées de France sera l'organe fédérateur et décentralisateur
essentiel dans le nouveau dispositif. Il rassemblera, en effet, à la fois les
différentes familles thématiques de musées et les diverses catégories de
responsables - parlementaires, élus locaux, professionnels de la conservation,
de la restauration et de la diffusion culturelle - mais aussi les usagers et
les associations d'amis.
Enfin, la loi crée un label clairement identifiable par le public : il s'agit
de l'appellation « Musées de France » qui sera réservée aux musées reconnus par
l'Etat à la demande des propriétaires de leurs collections.
Après le rappel des objectifs qui inspirent ce texte, je voudrais maintenant
évoquer les sujets qui font le plus débat.
A cet égard, je traiterai d'abord du statut des oeuvres d'artistes vivants et
du principe d'inaliénabilité des collections des musées de France : c'est, à
mes yeux, un problème grave. L'amendement de l'Assemblée nationale, voté contre
l'avis du Gouvernement, me paraît présenter un double risque sur lequel je
souhaite appeler l'attention de la Haute Assemblée.
C'est tout d'abord un risque pour les collections, mais aussi, en dernière
analyse, pour le public : des aliénations contestables, dictées par la mode ou
par des choix momentanés, conduiraient à peu près sûrement dans l'avenir à un
appauvrissement des collections difficilement réparable.
L'amendement de l'Assemblée nationale me paraît également constituer un risque
pour la création contemporaine comme pour la déontologie qui a jusqu'ici
présidé aux acquisitions : les musées pourraient en effet se trouver entraînés
dans une spirale spéculative radicalement étrangère à leurs missions et être
instrumentalisés dans leur politique d'achats et de cessions par les acteurs du
marché de l'art.
Le caractère inaliénable des collections des musées de France ne doit souffrir
aucune exception. Pour une aliénation qui ne s'avérerait pas dommageable,
combien d'erreurs et de manipulations possibles, quelle soumission à
l'évolution des modes et du goût des décideurs, et quel risque pour la
pérennité de l'ensemble des collections des musées de France !
Le principe de l'inaliénabilité des collections des musées a été, grâce
notamment à l'action persuasive de la France, inscrit parmi les règles
déontologiques édictées par le Conseil international des musées, organisation
intergouvernementale créée auprès de l'UNESCO, qui joue un rôle déterminant
dans la diffusion des principes communs de conservation dans tous les pays du
monde. La France ne saurait introduire, elle-même, une brèche dans un principe
fondateur de la politique des musées.
Pour toutes ces raisons, les musées de France doivent rester dans un système
de propriété inaliénable, tout en se montrant extrêmement sélectifs dans leur
choix d'acquisition, que ce soit à titre onéreux ou gratuit.
J'en viens aux dispositions fiscales de ce texte.
Je sais que la Haute Assemblée, en particulier Yann Gaillard, est très
attentive à cet aspect du marché de l'art. Le Gouvernement considère lui aussi
que la question du financement de l'acquisition des oeuvres est très
importante.
A l'Assemblée nationale, je n'ai pas été en mesure d'accepter la plupart des
amendements déposés sur le volet fiscal et le financement des acquisitions de
trésors nationaux. Ce n'était pas un refus de principe du Gouvernement, mais il
y avait nécessité d'approfondir davantage une question fort complexe.
Le Gouvernement a donc souhaité examiner les dispositifs mis en oeuvre pour
favoriser l'acquisition des trésors nationaux : il a ainsi confié une mission à
l'Inspection générale des finances, laquelle a rendu ses conclusions voilà
seulement quelques jours.
Je rappelle que l'Etat a la possibilité de retenir des biens culturels sur
notre territoire pendant trente mois, en leur refusant le certificat
d'exportation ; pendant ce délai, il doit trouver les moyens de les
acquérir.
Au vu du rapport de l'Inspection générale des finances, le Gouvernement
propose, pour enrichir le patrimoine en procédant à l'achat de trésors
nationaux, une mesure fiscale exceptionnelle à destination des entreprises ;
celles-ci pourront effectuer des dons pour participer, en tout ou partie, à
l'achat de trésors nationaux, en contrepartie d'une réduction de leur impôt sur
les sociétés égale à 90 % de cette contribution, dans la limite de 10 % de
l'impôt dû.
Cette mesure fiscale exceptionnelle sera accompagnée par le ministère de la
culture dans le projet de loi de finances pour 2002 avec une augmentation des
sommes inscrites pour les achats de biens culturels et une dotation de 14,8
millions d'euros du fonds du patrimoine consacré à l'achat des trésors
nationaux.
J'ai également demandé que la Réunion des musées nationaux affecte, avec une
priorité plus marquée que ce n'est aujourd'hui le cas, le produit du droit
d'entrée au profit des acquisitions.
Nos échanges permettront, j'en suis certaine, d'améliorer encore ce texte afin
qu'il puisse aboutir le plus rapidement possible. C'est, je le crois, notre
volonté commune.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Valade,
président de la commission des affaires culturelles.
Madame le ministre,
je voudrais tout d'abord vous remercier d'avoir accepté de reporter cette
discussion à la date d'aujourd'hui. En effet, nous avions à mon avis tous
intérêt à ne pas précipiter l'examen de ce projet de loi dans la mesure où nous
manquions les uns et les autres d'un certain nombre d'éléments. Le rapport de
l'Inspection générale des finances, signé par M. Cerutti et déposé très
récemment, nous était indispensable, d'une part, pour avoir une meilleure vue
des incidences des mesures que nous pouvions imaginer et, d'autre part, pour
permettre au Gouvernement de réagir sur ces dispositions.
Merci donc de votre compréhension, madame le rapporteur, moi-même et
l'ensemble de la commission avons apprécié de disposer de quelques jours
supplémentaires, lesquels n'ont d'ailleurs pas été inutiles au Gouvernement et
au ministère de la culture lui-même.
Ce texte est important, avez-vous dit, madame le ministre. En effet, nous
l'attendions depuis longtemps. Le projet de loi relatif aux musées de France,
qui organise les relations entre l'Etat, les musées nationaux et les musées de
province publics ou privés est un texte indispensable, à condition que les
mesures qu'il propose correspondent, comme vous l'avez rappelé dans votre
propos initial, non à une volonté de recentralisation, mais, au contraire, à
une volonté affirmée de décentralisation. M. le rapporteur reviendra très
largement sur ce point.
Cette volonté de décentralisation n'est imaginable que dans la mesure où nous
disposons de moyens supplémentaires. En effet, comme vous le disiez, le volet à
la fois financier et fiscal du projet de loi nous préoccupe. Si quelques
propositions ont déjà été faites - vous-même, madame le ministre, en avez
présenté très récemment, en déposant des amendements -, nous souhaiterions
cependant aller plus loin : M. le rappporteur vous fera donc part des
réflexions récentes - nous avons en effet encore travaillé ce matin - de la
commission, réflexions qui ont été largement adoptées.
C'est donc dans la sérénité, mais avec une volonté d'organisation et de
progrès, que nous avons travaillé. J'espère que nous trouverons à l'issue de ce
débat les mesures qui sont indispensables pour que ce concept de « musées de
France » puisse entrer très rapidement en vigueur.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert,
rapporteur de la commission des affaires culturelles.
Monsieur le
président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous
examinons aujourd'hui procède à la réforme maintes fois annoncée de
l'ordonnance du 13 juillet 1945 portant organisation provisoire des musées des
beaux-arts. Je ne pourrai, madame la ministre, que vous féliciter d'avoir fait
enfin aboutir un texte que nous attendions depuis près de dix ans.
Toutefois, il est vraiment paradoxal que, après une genèse si laborieuse, le
Gouvernement contraigne le Parlement à examiner ce projet de loi selon la
procédure d'urgence. Il est tout à fait regrettable que nous ne puissions
bénéficier de la navette pour améliorer un texte à bien des égards encore
décevant.
En effet, ignorant tant l'engagement des collectivités territoriales pour la
mise en valeur de leur patrimoine muséographique que la nécessité d'encourager
le mécénat dans un domaine où il est encore insuffisamment développé, le projet
de loi dans sa version originale, dirai-je, n'ouvre guère la voie à une
modernisation de la gestion de nos musées. A ce titre, il ne répond pas à nos
attentes.
Certes, madame la ministre, vous souhaitez « placer le public au coeur de la
vocation des musées ». Fort bien ! Nous pensons comme vous que la mission d'un
musée ne se limite pas à la conservation des collections.
Cependant, cette ambition n'est pas nouvelle, puisqu'elle figurait déjà dans
l'exposé des motifs de l'ordonnance de 1945. Et à l'aune des progrès accomplis
grâce aux investissements considérables consentis par l'Etat et les
collectivités locales, l'objectif de démocratisation se traduit bien
modestement dans les dispositions du projet de loi !
L'analyse de la commission peut sembler sévère, mais elle a été en partie
partagée par l'Assemblée nationale, qui a souligné les nombreuses lacunes de la
réforme proposée et a commencé le travail d'amélioration que la commission des
affaires culturelles du Sénat nous invite à poursuivre.
Au-delà de l'affirmation de la mission de diffusion culturelle des musées, le
projet de loi poursuit deux objectifs que j'analyserai successivement : d'une
part, la redéfinition des rapports entre l'Etat et les musées, d'autre part, la
création d'un statut des collections muséographiques.
Le projet de loi a pour ambition d'établir de nouvelles relations entre l'Etat
et les musées. Mais nous constatons que, au prétexte de fédérer et de
rééquilibrer ces relations - vous parliez, madame la ministre, d'« acte de
décentralisation » -, il procède en réalité, selon notre analyse, à une forme
de recentralisation.
Le projet de loi substitue à l'ordonnance du 13 juillet 1945 - ce texte avait
certes vieilli, mais il constituait un modèle d'organisation somme toute assez
souple -, un dispositif qui a pour principal conséquence de renforcer les
prérogatives de l'Etat. Cette tentation jacobine, qui n'est pas absente
d'autres domaines de la politique culturelle, ne se justifie au regard ni des
acquis de la décentralisation ni des mutations qu'ont connues les musées depuis
les années 1970.
Abrogeant les dispositions de l'ordonnance de 1945, il substitue aux deux
catégories, musées classés et musées contrôlés, une appellation unique : «
musée de France ». Ce statut aura vocation à s'appliquer à l'ensemble des
institutions muséographiques dont les collections présentent un intérêt public
certain.
L'article 3 prévoit que l'appellation « musée de France » est attribuée, à la
demande du propriétaire des collections, par le ministre de la culture après
avis d'une instance consultative nouvelle, le Conseil des musées de France.
Ce régime différerait donc de la logique de l'ordonnance de 1945, selon
laquelle l'Etat définissait lui-même le champ de son contrôle. Cependant -
c'est là un point important - la procédure prévue à l'article 3 n'aura vocation
à s'appliquer qu'aux institutions qui, aujourd'hui, ne sont ni classées ni
contrôlées ou qui seront créées après l'entrée en vigueur de la loi.
C'est l'article 14 qui réglera le sort des musées existants. En vertu des
dispositions transitoires qu'il prévoit, l'ensemble des musées actuellement
soumis au contrôle de l'Etat deviendront automatiquement « musées de France »,
les possibilités d'opposition - qui n'existent que pour les musées contrôlés -
étant strictement encadrées.
Faut-il pour autant en conclure que le texte ne modifie pas le droit existant
?
Telle n'est pas notre analyse. En effet, l'appellation « musée de France »
soumet les institutions à qui elle est attribuée à un contrôle de l'Etat plus
contraignant que celui qui est prévu par l'ordonnance de 1945 et qui avait été
largement écorné par les lois de décentralisation. Par ailleurs - notons-le -
ce contrôle sera le même pour tous, quels que soient la richesse et le
rayonnement des collections, puisque la différence entre musées classés et
musées contrôlés disparaît.
De technique, le contrôle de l'Etat devient « scientifique et technique ». Le
projet de loi reprend les dispositions de l'ordonnance de 1945 encore en
vigueur : les compétences exigées des responsables scientifiques des musées
seront définies par décret ; les acquisitions seront précédées d'un avis des
services de l'Etat et les musées seront soumis à l'inspection de ces mêmes
services.
Le projet de loi va au-delà : il encadre la gestion des musées par des mesures
réglementaires concernant les règles de dépôt et de prêt, les compétences des
professionnels auxquels seront confiées leurs restaurations, restaurations qui
devront être précédées de l'avis des services de l'Etat, ou encore par des
sujétions administratives telles que l'obligation de transmission
d'informations statistiques relatives à leur fréquentation.
La création d'une nouvelle instance consultative, le Conseil des musées de
France, placé auprès du ministre de la culture, dont l'objet est de fédérer «
l'ensemble des différentes familles de musées », ne constitue pas un moyen de
se prémunir contre les risques d'un renforcement des prérogatives de l'Etat. Le
Conseil ne dispose pas, en effet, des moyens nécessaires pour affirmer son
indépendance et son autorité.
Cette inspiration « recentralisatrice » n'a guère été atténuée par l'Assemblée
nationale, il faut bien l'avouer.
Si elle répond à la préoccupation légitime d'adapter le statut proposé par la
loi à la spécificité de chaque musée, la disposition introduite par l'Assemblée
nationale visant à prévoir que les musées signent, après l'attribution de
l'appellation, une convention avec l'Etat, risque de produire des effets
contraires à ceux qui sont escomptés.
Elle impose aux musées une obligation de contracter alors que le label est en
fait imposé, du moins pour ceux qui sont déjà classés et contrôlés ; elle les
place donc dans une situation peu favorable à l'établissement de relations
conventionnelles équilibrées.
Par ailleurs, ces conventions ne pourront pas écarter l'application des
dispositions de la loi relatives au contrôle exercé par l'Etat, dispositions
que, je le répète, l'Assemblée nationale n'a pas assouplies, au contraire !
Aux modalités de contrôle prévues par le projet de loi initial cette dernière
en a, en effet, ajouté d'autres, certes guidées par le souci louable de donner
aux musées les moyens nécessaires pour assumer leur mission de diffusion
culturelle, mais qui se traduisent en pratique pour les musées par de nouvelles
contraintes administratives. C'est le cas de l'extension du champ d'application
de l'article 5 aux responsables des activités culturelles des musées, qui
devront, comme les conservateurs, présenter des qualifications définies par
décret, ou encore de l'obligation faite à chaque musée de disposer d'un service
des publics, mesures qui, en elles-mêmes, ne sont pas de nature à remédier au
manque de personnels ni, au demeurant, à garantir un élargissement des
publics.
Méconnaissant donc les acquis de la décentralisation, le projet de loi ne
favorise pas non plus une évolution du mode de gestion des collections.
Dans le souci d'en assurer la pérennité, il précise le régime applicable aux
collections des musées de France en renforçant les garanties existantes telles
qu'elles résultent des textes, pour les musées appartenant à des collectivités
publiques, ou de la pratique administrative, pour les musées privées.
Il pose un principe d'inaliénabilité absolue des collections publiques, qui
jusque-là étaient régies par les règles de droit commun de la domanialité
publique.
On rappellera qu'en vertu de ces règles, un bien n'est inaliénable que pour
autant qu'il soit affecté à l'usage du public ou à un service public, ce qui
permet donc des déclassements. Ceux-ci ne seront plus possibles. Les
collections se trouvent donc figées pour l'éternité : rien ne pourra en
sortir.
S'agissant des collections privées, le projet de loi enserre leur gestion dans
un cadre très strict. L'article 8 prévoit que leurs propriétaires ne pourront
les céder qu'aux personnes publiques ou aux personnes morales de droit privé à
but non lucratif qui se seront engagées au préalable à maintenir leur
affectation au public.
Ces dispositions traduisent une conception très « conservatrice » - il n'y a
rien de péjoratif dans ce mot - qui ne tient pas compte de la diversification
des musées et qui, de surcroît, ferme toute possibilité d'évolution du mode de
gestion des collections.
Qu'il s'agisse de la définition des relations entre l'Etat et les musées ou du
statut des collections, nous constatons que le texte semble principalement
guidé par le souci des services de restaurer une autorité mise à mal par les
lois de décentralisation. S'appuyant sur une conception dépassée selon laquelle
l'Etat est le seul gardien du patrimoine national, la réforme n'ouvre guère de
perspectives pour l'avenir de nos musées.
A cet égard, je me félicite que l'Assemblée nationale ait complété le projet
de loi par un ensemble de dispositions financières et fiscales destinées à
favoriser l'enrichissement des collections muséographiques, en relançant le
mécénat et en dégageant de nouvelles recettes fiscales pour l'acquisition des
trésors nationaux, ce qui correspond à une nécessité soulignée à de nombreuses
reprises par le Sénat.
Toutefois, au-delà de ces mesures qui, bien que perfectibles, vont dans le bon
sens, le projet de loi qui nous est transmis conserve encore nombre des défauts
du texte initial.
Les modifications proposées par la commission répondent à plusieurs
préoccupations.
Ainsi, dans le souci de limiter les effets centralisateurs du projet de loi,
nous proposons d'assouplir les modalités du contrôle exercé par l'Etat sur les
musées ayant reçu l'appellation « musée de France ».
Afin d'éviter que les textes d'application ne retiennent une conception
extensive du contrôle scientifique et technique de l'Etat, il convient de
préciser qu'il se limitera aux seules modalités prévues par la loi, modalités
que je vous proposerai d'alléger en supprimant les sujétions qui apparaissent
soit excessives au regard du principe de libre administration des collectivités
territoriales ou de la liberté de gestion dont doivent bénéficier les
collections privées soit sources de contraintes administratives superflues.
De manière à garantir le caractère librement consenti du statut « musée de
France », ce qui correspond d'ailleurs, madame la ministre, à l'une de vos
préoccupations, il est nécessaire d'éviter que le label ne puisse être imposé
par l'administration aux musées ; nous proposerons donc de modifier le
dispositif de l'article 14 afin de prévoir que les musées contrôlés demandent
le label, mais également de préciser à l'article 3 les modalités de retrait de
l'appellation afin de ne pas conférer à celui-ci un caractère irrévocable.
Enfin, pour donner tout leur sens aux procédures consultatives prévues par le
projet de loi, je proposerai non seulement de renforcer l'indépendance et
l'autorité du Conseil des musées de France, que nous pourrions rebaptiser Haut
Conseil des musées de France, mais aussi de confier à des instances
scientifiques plutôt qu'aux services de l'Etat le soin de se prononcer
préalablement aux projet de restauration des musées de France.
Au bénéfice de l'affirmation d'un principe d'inaliénabilité, le projet de loi
a écarté une conception plus moderne et plus dynamique de la gestion des
collections ; il s'agit, vous l'avez souligné, madame la ministre, d'un point
sensible du texte.
A cet égard, en prévoyant que les oeuvres d'artistes vivants ne deviennent
inaliénables qu'à l'issue d'un délai de trente ans à compter de leur
acquisition, disposition en elle-même contestable, l'Assemblée nationale a eu
le mérite d'ouvrir un débat qui avait jusqu'à présent été esquivé. Je m'en
félicite, car il convient de réfléchir à une solution alternative à
l'inaliénabilité des collections.
Plusieurs arguments militent en ce sens. Si les nombreux exemples de
relectures historiques incitent à faire preuve de circonspection, je suis
convaincu qu'il est excessif de considérer qu'un conservateur qui achète a
toujours raison et qu'un conservateur qui vend a toujours tort.
Par ailleurs, la diversification des collections muséographiques impose de ne
pas réfléchir seulement par référence aux musées des beaux-arts.
Enfin, je me demande pourquoi l'Etat aurait le droit de perdre des oeuvres et
non de les vendre. D'après le récolement opéré par la Cour des comptes en 1997,
sur quelque 5 000 oeuvres placées en dépôt à l'extérieur des musées nationaux,
près du cinquième n'était pas localisé. Une plus grande rigueur de gestion
s'impose ; je proposerai d'ailleurs à cet égard d'inscrire dans la loi
l'obligation pour les musées de France de tenir un inventaire et de procéder à
son récolement.
Pour autant - et je rejoins la position de Mme la ministre -, la solution
retenue par l'Assemblée nationale n'est pas satisfaisante, car c'est sans doute
dans le domaine de l'art contemporain que le principe d'inaliénabilité trouve
sa pleine justification.
Si l'on doit remettre en cause le principe d'absolue inaliénabilité des
collections publiques, il importe de le faire de manière plus générale, afin
que tous les types de musées, en particulier ceux qui ont une vocation
scientifique ou technique, puissent échapper à une fossilisation contraire à
l'intérêt du public, mais également de façon plus prudente, afin de garantir la
pérennité des collections en évitant des cessions irrémédiables. Je proposerai
donc, comme alternative à l'inaliénabilité absolue proposée par le projet de
loi, de nous en tenir aux règles de droit commun de la domanialité publique en
vigueur aujourd'hui, ce qui d'ailleurs, loin d'être iconoclaste, présente le
mérite de ne pas clore le débat, laissant aux conservateurs le soin de le
conduire. Retenir cette solution permet de ménager une certaine souplesse dans
l'application du principe d'inaliénabilité en réservant la possibilité de
procéder à des déclassements.
S'agissant des musées privés, on pourrait dire, en forçant à peine le trait,
que le projet de loi condamne à terme leurs collections à être intégrées dans
les collections publiques.
Le régime de quasi-inaliénabilité enserre leur gestion dans un cadre très
strict, incompatible avec la liberté dont doivent bénéficier des structures
privées. Si les musées privés existants et actuellement soumis au contrôle de
l'Etat consentent à cette limitation de leur droit de propriété, je ne suis pas
sûr que de telles perspectives inciteront pour l'avenir à la création de musées
privés ni qu'elles encourageront ces derniers à collaborer avec l'Etat. Cela
est à mon sens regrettable si l'on considère l'intérêt pour notre patrimoine
national de voir se constituer des musées privés de grande envergure, comme
c'est le cas dans d'autres pays.
On se heurte ici à l'une des limites de l'action en faveur de la relance du
mécénat. Dans le domaine des musées, l'Etat ne conçoit la contribution de
l'initiative privée que strictement encadrée. En encourageant ce tropisme, le
projet de loi ne participe guère d'une volonté de rénover la politique des
musées.
Afin d'éviter cet écueil et de ne pas perdre notre dernière chance de voir se
développer en France des musées privés, je vous proposerai de limiter le statut
protecteur prévu par le projet de loi aux seules oeuvres acquises avec le
concours de l'Etat ou d'une collectivité territoriale. Il est légitime, en
effet, que les subventions publiques ne soient pas utilisées par les musées
privés pour réaliser des plus-values.
Toujours dans le souci de dynamiser la gestion des collections, il m'a semblé
pertinent d'étendre aux musées relevant de l'Etat des dispositions du projet de
loi qui ne visaient que les musées privés ou territoriaux, car c'est encore une
lacune du texte que de n'avoir pas tenté de résoudre certaines des difficultés
rencontrées par l'Etat dans la gestion de ses propres musées.
Ainsi, seront étendues à l'ensemble des musées de France la disposition
introduite par l'Assemblée nationale à l'article 4 prévoyant l'établissement de
conventions avec l'Etat et les dispositions de l'article 11 soumettant les
projets de restauration à une procédure consultative et imposant aux musées de
recourir à du personnel compétent.
Au-delà, il semblerait utile de refondre les procédures consultatives
préalables aux acquisitions des musées de l'Etat afin de garantir la qualité
scientifique des achats. La création d'un statut unique de « musée de France »
impose, au demeurant, que soit engagé un effort d'harmonisation.
S'agissant des musées nationaux, le fonctionnement des commissions
consultatives a été critiqué par la Cour des comptes puis, plus récemment, par
l'inspection générale des finances : une réforme s'impose en ce domaine. Comme
elle est de nature réglementaire, nous ne pourrons qu'en souligner la nécessité
et laisser au ministère le soin de la conduire, mais nous l'appuierons dans
toute la mesure de nos moyens.
La troisième et dernière préoccupation de notre commission a été de renforcer
l'efficacité du volet fiscal et financier introduit par l'Assemblée nationale ;
c'est un autre élément essentiel, central, du dispositif.
Ce volet est nécessaire, et je me félicite que le Gouvernement en ait pris
conscience ; il a en effet confié à l'inspection générale des finances une
mission d'analyse et de propositions « sur les moyens d'acquisition d'oeuvres
d'art par l'Etat ». En ce domaine, nos préoccupations se rejoignent : il s'agit
d'améliorer les dispositifs existants.
Dans cette perspective, il importe d'abord de clarifier les dispositions
relatives au mécénat introduites par l'Assemblée nationale.
S'agissant des articles 15
bis
, 15
ter
et 15
sexies
,
destinés à encourager les dons faits aux musées, les modifications adoptées par
l'Assemblée nationale, au mieux, ne modifient pas le droit existant et, au pis,
le compliquent, ce qui pourrait avoir pour effet de décourager les
donateurs.
Au-delà de la suppression de l'article 15
bis
, déjà satisfait par la
rédaction actuelle de l'article 200 du code général des impôts, je vous
suggérerai de simplifier le régime de l'article 238
bis
afin de prévoir
une limite de déductibilité unique pour l'ensemble des dons versés par les
entreprises aux musées, dons qui, pour l'heure, font l'objet de régimes
distincts selon le statut juridique de l'institution qui en bénéficie.
Enfin, je vous proposerai de voter les mesures adoptées par l'Assemblée
nationale visant à toiletter les articles 238
bis
OA et 238
bis
AB du code général des impôts, qui, je le rappelle, incitent les entreprises,
respectivement, à acheter des objets d'art en vue de les donner à l'Etat et à
constituer des collections d'art contemporain, mais je demeure dubitatif quant
à l'efficacité réelle de ces mesures.
Notre commission ayant souligné à maintes reprises la nécessité d'accroître
les crédits d'acquisition des musées, nous ne pouvons qu'approuver le principe
d'un prélèvement nouveau destiné à renforcer les moyens dont dispose le
ministère de la culture en ce domaine.
La solution fiscale a, certes, bien des inconvénients, mais c'est la seule
dont nous disposons pour atteindre notre objectif : le maintien sur le
territoire des trésors nationaux. Il eût été préférable de prévoir, au sein du
budget du ministère, des redéploiements, mais de tels redéploiements ne
relèvent pas de l'initiative parlementaire.
Au-delà, le dispositif adopté par l'Assemblée nationale trouve sa limite dans
les dispositions de l'article 18 de l'ordonnance du 2 janvier 1959, qui
réservent au Gouvernement l'initiative de l'affectation de recettes à certaines
dépenses. Certes, l'article 15
octies
prévoit que le Gouvernement
déposera sur le bureau des assemblées un rapport étudiant la possibilité
d'affecter une partie des recettes issues du produit brut des jeux dans les
casinos à l'achat de trésors nationaux. Mais cette disposition, qui a été très
discutée, ne permet que d'afficher dans la loi l'objet de ce prélèvement. Il
faut admettre que, si l'accroissement du prélèvement sur les casinos est
certain, l'augmentation à due concurrence des crédits d'acquisition demeure
hypothétique.
Pour cette raison, je vous proposerai d'adopter deux dispositions fiscales
visant à inciter les entreprises à acquérir ou à aider l'Etat à acquérir des
trésors nationaux. Ces dispositions, simples dans leur rédaction et puissamment
incitatives, devraient constituer un levier efficace, permettant de mobiliser
rapidement les fonds nécessaires à l'achat de ces oeuvres et donc de garantir
un bon fonctionnement du dispositif de protection du patrimoine national prévu
par la loi du 31 décembre 1992.
Mes chers collègues, je tiens à le souligner, la commission des affaires
culturelles a souhaité, à travers les amendements qu'elle vous présentera,
faire prévaloir une approche pragmatique de la politique des musées. Soucieuse
que ce texte attendu depuis longtemps fasse l'objet d'un accord entre les deux
assemblées, elle a également eu la volonté, dès que cela était possible et ne
remettait pas en cause les orientations fondamentales qu'elle avait adoptées,
de privilégier des positions susceptibles de faire l'objet d'un consensus.
Je voudrais également, madame la ministre, me féliciter des échanges souvent
très constructifs que nous avons pu avoir avec votre ministère, ainsi qu'avec
le ministère des finances ; s'est ainsi manifestée la volonté d'aboutir à un
texte équilibré, confortant le statut des musées de France. C'est bien un tel
texte que nous souhaitons porter sur les fonts baptismaux.
(Applaudissements
sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et
Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 30 minutes ;
Groupe socialiste, 27 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 16 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 10 minutes.
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe,
7 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avant
d'aborder les dispositions contenues dans le texte que nous examinons
aujourd'hui, je tiens à dire combien on peut déplorer, comme l'a souligné M. le
rapporteur, le recours à la procédure d'urgence. D'une façon générale, celle-ci
dépossède partiellement le Parlement de ses prérogatives. En l'occurrence, la
réforme étant attendue depuis plusieurs années, quelques jours de plus
n'auraient pas changé grand-chose.
Cela étant, un nouveau cadre législatif s'imposait. Le concept de musée et la
notion d'art ont considérablement évolué au cours des dernières décennies. Le
carcan académique a été brisé, de nouvelles disciplines ont trouvé place dans
des lieux d'expositions innovants. Par ailleurs, l'acte de création, dans sa
manifestation, a été désacralisé en ce sens qu'il a cessé d'être confisqué au
profit de quelques esthètes dits « éclairés ».
En conséquence, ainsi que l'indique notre collègue Philippe Richert dans son
rapport, la fréquentation des musées, plus particulièrement par les jeunes, a
augmenté de façon significative.
Toutefois - et je m'exprime ici en qualité de président national des comités
départementaux de tourisme - il convient de poursuivre la démocratisation de la
pratique en rendant les oeuvres exposées accessibles au plus grand nombre.
Qu'on me permette, au passage, de déplorer la grève des personnels de la
culture, lesquels manifestent ainsi leur opposition à la mise en place de la
réduction du temps de travail.
(MM. Nogrix et Plasait applaudissent.)
Depuis quatorze jours, ce sont plus de 30 000 visiteurs qui se sont heurtés aux
portes fermées du Louvre, du musée d'Orsay, du centre Pompidou, du musée
Guimet, de l'exposition Paris-Barcelone, au Grand Palais. Les pertes se
chiffrent en millions de francs pour les dix premiers mois de l'année si l'on
prend en compte les débrayages de février et de juillet.
M. Philippe Nogrix.
C'est inadmissible !
M. Bernard Joly.
La réalité des faits prouve l'inapplicabilité d'une mesure dogmatique qui, de
surcroît, n'est pas génératrice d'embauches, contrairement à ce qui avait été
proclamé. Il faudra pourtant bien trouver une issue à ce conflit.
Il était donc nécessaire de légiférer pour offrir un cadre aux musées. Cela
dit, si l'ordonnance de 1945 connaît ses limites, elle n'a pas, pour autant,
constitué un obstacle ni freiné les progrès de la décentralisation
culturelle.
L'état des lieux met en lumière l'extrême hétérogénéité de statuts qui
régissent les musées privés, en général constitués sous forme associative, et
ceux qui sont gérés par les collectivités territoriales. Le cadre existant
présentait l'avantage d'être souple face à une grande diversité.
L'article 3 du projet de loi précise les modalités d'attribution de
l'appellation « musée de France », étant entendu que l'article 14 dispose que,
à compter de la publication de ce texte, les musées nationaux, les musées
classés et les musées de l'Etat se verront attribuer de plein droit ladite
appellation.
Ainsi, ce « label » pourra être délivré à la demande de la personne morale
propriétaire des collections. Or le texte adopté par l'Assemblée nationale
prévoit que cette appellation « peut être retirée... lorsque les missions
permanentes et les motifs d'intérêt public ayant motivé la décision
d'attribution de l'appellation ne sont plus réalisés ». Cette même restriction
a été introduite pour le cas où le propriétaire des collections demande le
retrait dans un délai de douze mois après son obtention.
Les conséquences de ce retrait seront graves, car, le contrôle scientifique de
l'Etat n'étant plus la contrepartie de l'appellation obtenue, les musées qui la
perdront cesseront également d'être contrôlés, subventionnés et soumis aux
textes qui les régissent. Les publics et les collections seront les premières
victimes d'un tel dispositif.
On peut également craindre un effet négatif pour les finances publiques ; les
musées ayant reçu l'aide financière de l'Etat auront la possibilité de se
retirer du dispositif pour échapper aux obligations prévues par le texte.
Il me semble préférable d'encourager une relation de confiance et de respect
des engagements mutuels plutôt que d'instaurer un système de sanction.
Dans sa rédaction actuelle, le dernier paragraphe de l'article 4 précise que,
« pour les musées dont les collections n'appartiennent pas à l'Etat ou à un de
ses établissements publics, l'attribution de l'appellation "musée de France"
est suivie de la signature d'une convention entre l'Etat, le musée et la
personne morale propriétaire des collections ». Que se passera-t-il en
l'absence de convention, notamment si la personne morale ne veut pas s'engager
ou si les négociations entre les contractants échouent ?
Par ailleurs, ce contrat est-il assimilable au projet scientifique et culturel
prévu par l'article 1er
bis
? Si l'on retient cette interprétation, on
peut s'interroger également sur le caractère définitif de ce document alors que
les projets se transforment en fonction des progrès de l'action et de
l'évolution des besoins.
Notre excellent rapporteur nous proposera une formulation plus souple : ces
conventions ne seraient plus une obligation mais une éventualité. Si celle-ci
n'est pas utilisée, qu'adviendra-t-il ?
Une autre nouvelle disposition, concernant l'aliénabilité des oeuvres d'art,
me préoccupe. L'Assemblée nationale a prévu que « les oeuvres des artistes
vivants ne deviennent inaliénables qu'à l'issue d'un délai de trente ans à
compter de l'acquisition ». Cette sorte de délai de viduité me paraît
dangereuse pour le patrimoine culturel. Pour les collections et le public des
musées, le risque existe de voir disperser des oeuvres qui ne pourront plus
être ramenées dans ces lieux.
On peut imaginer ce qui serait advenu si une telle disposition avait été en
vigueur à la fin du xixe siècle ou au début du xxe siècle, lorsque certains
musées ont acquis, à des prix alors convenables, des toiles d'impressionnistes
ou de Picasso. Que de richesses perdues pour le patrimoine national si des
reventes avaient eu lieu !
L'introduction de ce « doute légal » est un danger pour l'art contemporain
français et il jette la suspicion à la fois sur le talent des artistes et sur
la compétence des comités d'acquisition des musées français.
Notre commission des affaires culturelles nous proposera une rédaction
différente, qui supprime ce délai et entoure la décision de déclassement «
d'avis conforme d'instances scientifiques ». Certes, une erreur est toujours
possible. Toutefois, en matière de goût, quels critères vraiment objectifs
peut-on opposer à une acquisition ? Il me semble plus opportun de laisser les
générations futures opérer leur relecture de ces témoignages de notre histoire
culturelle. C'est pourquoi j'ai déposé un amendement visant à conférer
l'inaliénabilité des oeuvres dès leur acquisition.
Grâce au financement qui est prévu pour l'enrichissement des collections, les
musées de France pourront se porter acquéreurs d'oeuvres qui risqueraient,
faute de moyens, de quitter le territoire.
Des mesures d'encouragement au mécénat d'entreprise nous seront proposées en
complément de cette démarche. L'initiative est à soutenir.
Toutefois, aucune disposition financière ne traite de la conservation
préventive et de la restauration des collections publiques. Plusieurs voix
autorisées estiment que leur état est loin d'être satisfaisant et que les
crédits qui y sont consacrés sont infiniment inférieurs aux besoins. Il faut
ajouter que la plupart des objets sont conservés dans des réserves qui, à
l'origine, n'étaient pas destinées à cet usage, ce qui pose des problèmes.
En ce qui concerne la procédure d'acquisition des musées de France qui ne
relèveront pas de l'Etat ou de l'un de ses établissements publics, je rejoins
parfaitement la position de la commission des affaires culturelles. Les
directions régionales des affaires culturelles ne sont pas systématiquement
compétentes pour émettre un avis sur des oeuvres purement locales, alors que
les conservateurs sont qualifiés pour le faire. De plus, il convient de laisser
aux collectivités territoriales la responsabilité de disposer de leur
patrimoine.
Je m'interroge sur la date retenue - avant le 7 octobre 1910 - pour le
transfert des oeuvres des collections nationales mises en dépôt dans des musées
territoriaux. En effet, c'est ignorer les importants dépôts ethnographiques
auxquels il a été procédé après la Seconde Guerre mondiale et les apports
archéologiques résultant des fouilles entreprises par l'Etat. Je souhaiterais,
madame la ministre, être éclairé sur ce choix.
L'un des objectifs essentiels annoncés par les auteurs de ce projet de loi est
de placer la relation avec le public au coeur de la vocation du musée. Mais,
avant de pouvoir entrer en rapport avec les oeuvres exposées dans ces maisons
de l'art, le chemin est long.
Il n'y a pas de créations majeures ou mineures, et c'est pourquoi j'ai lancé
l'idée, en juin dernier, d'une journée nationale des métiers d'art, lesquels
expriment une identité territoriale forte. Ces créateurs sont à la fois
dépositaires d'une longue tradition et à la pointe de l'innovation. J'aimerais,
madame la ministre, pouvoir compter sur l'appui de votre ministère pour que ce
patrimoine vivant rayonne.
(Applaudissements sur les travées du RDSE et de l'Union centriste. - M. le
président de la commission et M. le rapporteur applaudissent également.)
M. le président.
La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la
commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, si j'interviens
aujourd'hui au nom de mon groupe, je le fais aussi parce que je suis le
rapporteur spécial du budget de la culture au nom de la commission des
finances, qui ne s'est pas saisie pour avis sur le présent texte.
A cet égard, je n'ai pu qu'être sensible, madame la ministre, au coup de
chapeau que vous avez donné à quelques-uns de mes travaux antérieurs, même si
j'eusse préféré que le Gouvernement acceptât mes propositions à l'époque. Et,
s'il existe un dénominateur commun entre les musées et les divers travaux que
j'ai pu présenter alors, c'est bien la notion de patrimoine national, qu'il est
de la responsabilité de l'Etat de mettre en valeur et de protéger.
Je ne m'étendrai pas sur les aspects juridiques du texte : ils ont été traités
parfaitement par notre rapporteur, M. Richert, et, à l'instant même, par notre
collègue Bernard Joly. Permettez-moi simplement de m'interroger sur
l'inaliénabilité des collections et sur la pérennité d'un système qui
fonctionne actuellement à sens unique : les oeuvres entrent dans les
collections publiques sans jamais pouvoir en sortir, ce qui débouche fatalement
sur un gonflement des réserves ou sur des fautes de gestion, voire les deux.
Et, en disant cela, je ne pense pas seulement à l'art contemporain.
Je suis aussi sensible au risque de voir des institutions liquider tout ou
partie de leurs collections, simplement parce qu'elles ont le malheur de
déplaire à ceux qui en ont momentanément la garde. Je ne crois pas, en effet,
que les conservateurs puissent être soupçonnés de céder à l'esprit de lucre,
même s'ils ont peut-être quelquefois l'esprit de système.
Je suis persuadé que la proposition de l'Assemblée nationale visant à ne
permettre l'aliénation que des seules oeuvres acquises depuis moins de trente
ans ne constitue pas la bonne solution. Trop long et trop court à la fois, le
délai de trente ans pourrait conduire à des décisions hâtives sans
véritablement donner le recul qui permettrait de faire le tri.
En revanche, je suis séduit par les propositions de notre commission des
affaires culturelles. L'inaliénabilité absolue que prévoit le texte du
Gouvernement est trop rigide et la procédure de déclassement - dont on ne voit
pas pourquoi elle ne s'appliquerait pas aux oeuvres muséales, d'autant qu'il ne
s'agit pas simplement des oeuvres artistiques - offre en elle-même des
garanties très solides.
J'en viens maintenant à ce qui constitue l'essentiel de mon propos, à savoir
le volet fiscal du projet de loi, introduit pour l'essentiel par l'Assemblée
nationale, en révolte - une fois n'est pas coutume ! - contre le Gouvernement.
Cela ne signifie pas, au demeurant, qu'elle ait raison sur tout...
Les mesures proposées par l'Assemblée nationale, dont le dispositif est
parfois très proche de celui que je proposais dans mes diverses propositions et
que le Sénat avait bien voulu adopter au cours de sa séance du 9 mars 2000,
rejoignent pleinement, comme celles que va nous soumettre notre commission des
affaires culturelles, les préoccupations de tous ceux qui s'inquiètent de
l'impuissance des pouvoirs publics face à l'exode des trésors nationaux.
Notre pays n'a pas, en l'état actuel, les moyens juridiques et financiers de
retenir les trésors nationaux. N'oublions jamais que l'arrêt Walter a rendu le
classement inopérant, puisqu'il est aujourd'hui aussi coûteux pour l'Etat de ne
pas acquérir que d'acquérir.
A cet égard, les propositions de notre commission des affaires culturelles,
qui s'appuient largement sur les réflexions d'un rapport remarquable - comment
ne le serait-il pas, d'ailleurs ?
(Sourires)
- de l'inspection des
finances, rédigé sous la direction de M. Guillaume Cerutti, me paraissent tout
à fait novatrices et rendent effectivement inutiles la plupart des mesures
préconisées par l'Assemblée nationale.
Je reviendrai simplement sur les trois premiers amendements fiscaux adoptés
par l'Assemblée nationale.
Si je suis bien d'accord avec M. le rapporteur sur le caractère superfétatoire
de la disposition prévoyant un crédit d'impôt en cas de souscription destinée à
retenir un trésor national, je ne suis pas sûr, s'agissant de l'application de
l'article 200 du code général des impôts, que l'on puisse s'en remettre au
droit commun.
Sans doute la commission des affaires culturelles estime-t-elle à raison que
le texte actuel de l'article 200 du code général des impôts permet déjà la
déduction du revenu imposable des dons en nature. Mais je me demande si cette
superposition ne risque pas d'être remise en cause dès lors que la fixation à
10 % du revenu imposable des dons susceptibles d'ouvrir droit à un crédit
d'impôt prévue dans le projet de loi de finances pour 2002 modifie les
équilibres.
Cependant, l'innovation majeure qu'introduirait ce texte, c'est un nouveau
régime d'encouragement au mécénat d'entreprise, de nature à lui donner une
impulsion décisive.
Le dispositif législatif des articles 238
bis
OA et 238
bis
AB
est resté pratiquement lettre morte. Il n'était pas assez incitatif et
comportait trop de contraintes pour inciter les entreprises françaises à jouer
un rôle significatif dans la promotion des arts.
Alors que l'Assemblée nationale a adopté, sur ce point, des réformes assez
proches de celles que j'avais moi-même préconisées - sans illusion excessive,
d'ailleurs, sur leur efficacité -, la commission des affaires culturelles
propose une véritable révolution : substituer au mécanisme de réduction des
résultats un système de réduction d'impôt allant de 40 % à 75 % selon que
l'oeuvre est propriété de l'entreprise ou acquise par l'Etat.
Très logiquement, un tel régime de faveur n'est destiné qu'à l'acquisition de
trésors nationaux, c'est-à-dire de biens ayant fait l'objet d'un refus de
certificat d'exportation ; on retrouve ainsi un esprit analogue à celui qui
m'avait conduit, dans certaines propositions anciennes, à réserver certains
avantages fiscaux aux seuls objets classés.
Dans son rapport, M. Guillaume Cerutti, avec l'enthousiasme de la jeunesse,
suggère que la réduction d'impôt soit égale à 100 % de la dépense, au motif
que, si l'on exige une participation des entreprises, celles-ci n'utiliseront
pas la procédure. C'est peut-être aller un peu loin...
La commission des affaires culturelles avait, dans son rapport écrit, limité
la réduction d'impôt à 75 % de la dépense, ce qui était soit insuffisant
s'agissant d'oeuvres exceptionnelles dont le prix est de l'ordre de 10 millions
à 30 millions d'euros, soit sans doute un peu généreux si cette réduction
d'impôt pouvait se cumuler avec la déductibilité de droit commun, ce qui doit
être vérifié.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
C'était très généreux, en effet !
M. Yann Gaillard.
Il est d'ailleurs probable que le mécanisme impliquera plusieurs entreprises
agissant de concert et fonctionnera
de facto
comme une forme de
souscription ouverte aux grandes entreprises.
Personnellement, j'avais pensé qu'une participation des entreprises de 10 %,
tout compris, était plus réaliste - au fond, c'est un peu le prix de la gloire
! - et je ne peux donc que me rallier à l'amendement du Gouvernement, dont il
convient de saluer ici l'initiative.
Je mapprêtais, je l'avoue, à déposer un amendement en ce sens, mais je suis
heureux que la négociation entre la commission des affaires culturelles et le
Gouvernement ait abouti à ce résultat remarquable.
Cette approbation n'est assortie que d'une seule réserve : il me semble
excessivement restrictif et, par conséquent, de nature à affecter l'efficacité
du dispositif de plafonner à 10 % la part de l'impôt sur les sociétés payable
sous cette forme. Si l'on ne veut pas que ce nouveau mécanisme reste inutilisé
comme ses devanciers, il faut que ce pourcentage soit porté à 50 %. C'est
d'ailleurs, je crois, l'avis de notre commission des affaires culturelles et
l'une des conditions qu'elle poserait pour accepter le texte du
Gouvernement.
Avec ce nouveau régime, on introduit, en fait, un mécanisme de dation en
paiement de l'impôt sur les sociétés, tirant les leçons du seul mécanisme qui
ait vraiment permis l'enrichissement des collections nationales : la dation en
paiement au titre de droit de mutation et de l'impôt sur la fortune.
Le système de la dépense fiscale paraît en effet plus adapté à des
acquisitions exceptionnelles à décider au coup par coup - et pas forcément tous
les ans - compte tenu de la tendance des procédures d'achats, soulignée dans le
rapport Cerruti, à diluer les crédits. Mme la ministre vient de faire des
promesses sur la part que la Réunion des musées nationaux donnera aux
acquisitions et d'annoncer une augmentation des crédits du fonds du patrimoine.
Nous verrons bien ! Mais, pour le moment, le résultat n'est pas probant.
Le système de la dépense fiscale est donc le plus adapté et, en définitive,
comme le souligne la commission des affaires culturelles, l'adoption d'un tel
mécanisme rendrait inutile la taxe sur les casinos proposée par l'Assemblée
nationale.
Cette taxe pose de multiples problèmes - c'est un peu du bricolage fiscal -,
sans pour autant être véritablement efficace par suite du risque d'émiettement
des acquisitions.
Aussi ne puis-je qu'encourager la commission des affaires culturelles à tirer
les conséquences de ses très sagaces analyses - soulignant notamment
l'irrecevabilité des affectations de ressources - et à accepter l'amendement de
suppression déposé par mon groupe, surtout si, comme je le souhaite, sont
adoptés ses autres amendements et sous-amendements.
Mon adhésion enthousiaste à ce nouveau dispositif doit cependant être replacé
dans son contexte.
Si les moyens que le nouveau mécanisme pourrait dégager nous avaient permis de
retenir des oeuvres aussi essentielles que
le Jardinier Vallier
de
Cézanne ou
la Duchesse de Montejasi et ses filles
de Degas, il ne
faudrait pas que le souci légitime de stopper l'hémorragie de trésors nationaux
nous conduise à pratiquer un mercantilisme à courte vue.
Des oeuvres doivent rester sur le territoire, certaines doivent sortir,
d'autres encore doivent revenir. Il en va de la vitalité de notre marché de
l'art et de l'existence d'un vivier de mécènes et de collectionneurs que des
politiques trop autoritaires pourraient inquiéter, tout comme le psychodrame,
désormais annuel pour ne pas dire rituel, d'inclusion des oeuvres d'art dans
l'assiette de l'impôt sur la fortune.
En premier lieu, le marché de l'art va connaître un renouveau avec l'entrée en
vigueur prochaine du nouveau régime des ventes aux enchères publiques
maintenant que les décrets sont parus et que les membres du conseil des ventes
aux enchères sont nommés.
Il ne faudrait pas que, sous prétexte d'enrayer des sorties d'oeuvre d'art,
sachant que les exportations représentent environ 7,5 milliards de francs pour
seulement 1,6 milliard de francs d'importations, on étouffe un processus de
relance dont on sent, selon des sources anglo-saxonnes tel l'
Index Art
des Anglais, les premiers frémissements, si modestes soient-ils, avec
l'augmentation de 5,5 % à 6 % de la part de la France dans le marché mondial
des ventes aux enchères d'oeuvre d'art.
En second lieu, et ce sera la conclusion de mon propos, je voudtais insister
sur le fait que le texte me paraît encore présenter l'inconvénient -
pardonnez-moi, madame la ministre, si j'emploie une expression qui risque de
vous choquer - de faire reposer excessivement la défense du patrimoine national
sur l'Etat, sur les crédits publics et sur les musées. Cela revient à pratiquer
ce que j'appelle du « muséocentrisme », de même que l'on a parlé d'«
hospitalocentrisme » en matière de santé. Il faut en sortir.
Ce qui compte, avant tout, c'est de fixer les oeuvres importantes sur le
territoire national.
De ce point de vue, je ne peux qu'approuver l'esprit qui anime l'article
additionnel - très proche de l'une de mes propositions - tendant à favoriser
les acquisitions d'oeuvres interdites à l'exportation par les entreprises. Je
considère toutefois, comme certains de mes collègues de la commission des
finances, que la réduction d'impôt de 40 % est assortie de conditions quelque
peu rigoureuses.
Avec ce texte, même si nous sommes réduits à accepter l'amendement du
Gouvernement, un grand pas sera franchi - espérons-le tout au moins - dans la
défense du patrimoine national, et l'Etat sera doté d'une arme qui lui manque
aujourd'hui.
Mais cette arme ne sera réelle à mon sens que si l'on poursuit dans la même
voie en faisant adopter des mesures fiscales - notamment en matière de droit de
mutation comme le Sénat a bien voulu en adopter le principe - incitant les
particuliers personnes physiques à acquérir et à conserver des oeuvres
majeures.
La bataille pour la défense du patrimoine national ne doit pas simplement se
livrer aux frontières, au moment de la sortie des oeuvres. Souvenons-nous de
l'exemple britannique qui, jusqu'ici, s'est révélé beaucoup plus efficace que
le nôtre !
Elle doit être préparée en amont par des mesures invitant les personnes
privées à conserver dans leur patrimoine les trésors nationaux qui, de ce point
de vue, s'analysent, non comme de nouvelles niches fiscales, mais comme un
investissement à long terme pour la collectivité nationale. Tôt ou tard, par le
jeu des dations ou des donations, le patrimoine accessible au public sera
enrichi pour le plus grand rayonnement de notre culture et la délectation de
tous nos concitoyens.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre débat se
tient dans une période particulièrement difficile pour l'humanité, dans un
moment où « l'effondrement de la raison produit des monstres », pour reprendre
la belle expression de Georges Bernanos, où nous vivons des temps de barbarie
ordinaire, où l'on a parfois l'impression de tâter l'avenir avec une canne
blanche.
Il n'y aura jamais trop de pierres à ajouter à la construction du barrage
contre l'obscurantisme. La culture en est un élément essentiel, elle qui donne
du sens.
Un peuple sans racines, sans mémoire, est un peuple sans avenir. Dans le monde
où nous vivons, « il ne va pas bien, mais il n'y en a pas d'autre et c'est le
nôtre », disait Sartre, il y a besoin de repères, de la compréhension, de
l'assurance que peut apporter la connaissance de notre passé collectif.
Les musées nous aident à assumer notre devoir de restitution de l'héritage, la
mémoire artistique et scientifique aux hommes et aux femmes d'aujourd'hui ainsi
qu'aux générations futures.
Ce devoir n'a rien de religieux, c'est l'une des façons de respecter l'être
humain.
Comment ne pas relire avec émotion Van Gogh qui écrivait : « J'aime mieux
peindre les yeux des hommes plutôt que les cathédrales, parce qu'il y a dans
les yeux des hommes quelque chose qui n'est pas dans les cathédrales, si
imposantes et si majestueuses soient-elles. »
Il faut se féliciter que les musées tiennent une place importante dans les
pratiques culturelles des Français. Dans le même temps, si le musée est une
institution culturelle très fréquentée, nous devons savoir que deux Français
sur trois ne s'y rendent jamais, et ce, en dépit des efforts de l'Etat, des
collectivités, et malgré le dévouement et le travail remarquables des
conservatrices et des conservateurs.
Alors que, dans certains domaines, on légifère à tout propos, les musées «
vivent » avec comme support législatif principal une ordonnance qui date du 13
juillet 1945 « portant organisation provisoire des musées des beaux-arts », un
provisoire qui n'a que trop duré et qu'il était temps de dépoussiérer.
Dans ce contexte qui a fortement évolué, une réforme est donc nécessaire pour
s'adapter à la réalité, mais aussi à la diversité de l'espace muséographique
d'aujourd'hui.
En examinant ce projet de loi, nos collègues de l'Assemblée nationale ont
procédé, en hâte, à un certain nombre d'aménagements qui m'inquiètent.
Je regrette que l'urgence dont est assorti le texte ne nous permette pas de
disposer du temps de réflexion nécessaire à l'adoption d'un projet de loi dont
l'ambition est de réformer l'ensemble des musées.
Le champ d'application de la loi sera extrêmement vaste, puisqu'il s'agit, ni
plus ni moins, que d'accorder à l'ensemble des musées de l'Etat, à l'essentiel
des musées des collectivités locales et aux musées privés qui le
souhaiteraient, l'appellation « musée de France ».
La sagesse populaire nous dit « qui trop embrasse mal étreint ». Le projet de
loi aurait mérité un accompagnement budgétaire, quasiment absent du texte,
sinon sous la forme de crédits d'impôts pour les établissements privés ou sous
la forme d'un prélèvement sur les recettes des casinos, conformément à un
amendement gadget introduit par l'Assemblée nationale.
Nous connaissons les difficultés rencontrées par la direction des musées de
France dans l'exercice de ses missions : insuffisance des personnels et des
équipes scientifiques, notamment dans le champ de la restauration, manque
singulier de moyens budgétaires pour la politique d'achat d'oeuvres. Sans
compter que l'état de conservation des collections est loin d'être
satisfaisant, les crédits étant infiniment inférieurs aux besoins. Cela
concerne les beaux-arts, bien entendu, mais également l'archéologie,
l'ethnologie, etc. Or, nous a-t-on dit, et je partage cette idée, un musée qui
n'achète pas est un musée qui meurt.
Il faut donc consolider la politique d'achat des oeuvres, tout en mettant en
place une conservation préventive digne de ce nom pour que les oeuvres
elles-mêmes ne meurent pas.
Ces difficultés seront accrues puisque le champ des compétences sera élargi,
comme le prévoit le texte que nous examinons.
Au regard de ces obstacles, était-il judicieux d'ajouter aux missions de la
direction des musées de France des missions nouvelles qui, du fait de
l'appellation « musée de France », risquent d'introduire auprès des publics,
mais aussi des professionnels, bien des confusions quant au caractère privé ou
public des musées concernés ?
En outre, le régime de la propriété des oeuvres au sein des établissements
privés ayant passé une convention avec l'Etat est extrêmement équivoque.
Comme l'indique le rapport de notre collègue M. Philippe Richert, le terme d'«
institution culturelle et scientifique » ne renvoie à aucune catégorie
juridique précise, alors que la réforme de l'ordonnance de 1945 aurait pu être
l'occasion d'un toilettage des différentes formes juridiques appliquées aux
musées. J'ajoute que le concept d'établissement public culturel pouvait
convenir.
J'évoquais, au début de cette intervention, la nécessité de démocratiser
davantage encore l'accès aux musées, à l'ensemble des musées. A cet égard, je
m'étonne du peu de place donné à la culture scientifique et technique dans
l'économie générale de ce texte, qui semble viser pour l'essentiel - et on peut
le comprendre - les « beaux-arts ».
On ne peut pas toutefois reléguer au second plan des pans entiers de notre
civilisation, de notre histoire, de notre patrimoine. Je pense en particulier
aux musées de société, qui ont pourtant fait la démonstration de leur
pertinence scientifique et sociale, mais aussi aux musées d'histoire naturelle
dont l'éducation nationale - dont ils relèvent - fait trop peu de cas.
L'article 6 du projet de loi que nous examinons prévoit que les droits
d'entrée des musées sont « fixés de manière à favoriser leur accès au public le
plus large ».
A cet égard, plutôt que de procéder à une inscription dans la loi, certes
louable, ne conviendrait-il pas de laisser aux collectivités territoriales le
soin de décider d'une telle politique tarifaire, en fonction de leur politique
culturelle et de leur politique sociale ? S'agissant des musées nationaux, ceux
qui ont mis en place la gratuité dominicale en ont répercuté l'incidence sur le
prix d'entrée, faute d'accompagnement budgétaire.
L'engouement des publics, notamment du jeune public, ne se limite pas aux
seules expositions permanentes. Pourquoi, de ce fait, ne pas élargir le
principe de la gratuité aux expositions temporaires ?
J'en viens à présent à l'article 8, qui a provoqué une légitime émotion et un
juste courroux non seulement au sein de la communauté des conservateurs, mais
aussi, au-delà, chez tous ceux qui ont à coeur la préservation du patrimoine de
notre pays.
Alors que le texte que vous proposiez, madame la ministre, fondait
juridiquement le principe d'inaliénabilité des oeuvres, un amendement de
l'Assemblée nationale prévoit que les oeuvres des artistes vivants ne
deviendraient inaliénables qu'à l'issue d'un délai de trente ans.
Cette mesure pourrait avoir de multiples conséquences qui seraient gravement
préjudiciables à la protection du patrimoine national ainsi qu'aux missions de
service public auxquelles les musées doivent répondre.
Pour tous les professionnels, cette mesure d'exception remet en cause le
fondement même de la notion de collection publique. Les musées sont chargés de
conserver, d'étudier et de transmettre un patrimoine qui témoigne aussi du goût
d'une époque à travers la globalité de ses choix. Une disposition comme celle
qu'a prise l'Assemblée nationale ne peut qu'avoir des conséquences désastreuses
sur les dons et les legs consentis aux musées, ainsi que sur les achats
eux-mêmes.
Il est fréquent en effet que des vendeurs, soucieux de l'intérêt public,
cèdent leurs oeuvres aux musées à un prix inférieur à celui du marché. Quelles
raisons auraient les donateurs et les vendeurs à poursuivre ces pratiques s'ils
n'étaient pas assurés que les oeuvres restent définitivement dans le patrimoine
national ?
Doter l'oeuvre de musée de deux statuts différents et évoluer dans le temps
cette disposition, si elle était adoptée, conduirait les responsables des
collections à une relation malsaine et ambiguë avec le monde de l'art, en
particulier avec le marché de l'art.
Une telle mesure ne peut que favoriser un phénomène de spéculation, avec un
réel risque de dérive commerciale, voire financière, peu compatible avec le
respect des missions de service public.
Alors que la reconnaissance de l'art français sur la scène internationale
apparaît parfois comme problématique, ce serait un très mauvais coup porté aux
artistes puisque la loi instituerait ainsi un « doute légal » sur leur talent,
pour reprendre l'expression d'un conservateur.
N'oublions pas que Van Gogh est mort dans le dénuement et que les
Pommes
de Cézanne n'ont jamais nourri sa personne. N'encourageons pas la
spéculation, qui appauvrit une majorité des artistes vivants, en faisant et
défaisant arbitrairement les cotes ! Ne poussons pas les artistes un peu plus
dans la précarité !
Si une telle mesure avait vu le jour il y a quelques années seulement, bien
des oeuvres comtemporaines que nous admirons aujourd'hui auraient quitté les
musées publics au profit des collections privées.
Dans son état actuel et compte tenu des amendements proposés par la majorité
de notre commission des affaires culturelles, le texte relatif aux musées de
France qui nous est soumis est loin des attentes des professionnels, du public
et des besoins de notre pays.
Nous nous efforcerons d'amender sur des points essentiels le texte qui nous
est soumis, bien des dispositions nous paraissant extrêmement préjudiciables au
fonctionnement et au rayonnement des musées de notre pays.
Notre vote dépendra donc de l'issue de nos travaux.
Madame la ministre, samedi dernier, j'assistais à vos côtés, au milieu d'une
foule de 3 000 personnes, à l'inauguration du nouveau musée de Roubaix, symbole
du renouveau d'une ville. Après l'enthousiasme de ce week-end, ce projet de loi
amendé de façon désastreuse par l'Assemblée nationale nous fait tomber du
grenier à la cave.
Va-t-on devoir un jour dire à nos responsables de musées, reprenant ce que
disait Flaubert aux bourgeois de Rouen : « Vous, les conservateurs qui ne
conservez rien ! » ?
Avec vous, madame la ministre, prenons de vraies mesures qui mettent l'art à
la portée de tous, dans le respect des oeuvres et de leurs auteurs, quels que
soient leur âge ou leur époque ! C'est le plus sûr moyen de faire grandir le
murmure culturel et artistique dans le vacarme marchand.
Sur le fond, on ne répétéra jamais assez ce que déclarait Degas, il y a plus
d'un siècle : « La culture n'est pas un luxe, elle est de première nécessité.
»
Un siècle plus tard, reconnaître le rôle irremplaçable de l'art et de la
création dans la société reste un combat. Ce combat est celui du beau et de
l'émotion partagés par le plus grand nombre. Là est la clé de l'à-venir.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je suis
heureux de pouvoir m'exprimer, cet après-midi, sur la réforme de l'ordonnance
de 1945 portant organisation, en principe « provisoire », des musées. Cette
réforme, on l'évoquait depuis environ une décennie et l'on finissait par se
demander si le caractère provisoire de l'ordonnance n'était pas devenu
définitif !
Le secteur du patrimoine et des arts plastiques, durant les quatre années de
législature de la gauche plurielle, aura été profondément modifié.
Préalablement au projet de loi sur les musées de France que vous nous
soumettez, madame la ministre, nous avons procédé à une réforme de la
réglementation des ventes publiques aux enchères et, par ce biais, à une remise
à plat des règles régissant le marché de l'art en France, à l'édification d'un
arsenal visant à protéger les trésors nationaux, proposition de loi dont j'ai
eu le privilège d'être l'auteur et le rapporteur devant notre Haute Assemblée.
Par ailleurs, deux textes ayant trait au patrimoine sont actuellement en
navette : la proposition de loi relative à la protection du mobilier des
monuments historiques et celle qui tend à instituer des commissions
départementales du patrimoine.
A ces modifications législatives doivent être ajoutés les très nombreux
rapports remis sur ces sujets, notamment sur la fiscalité du marché de l'art,
dont celui qui a été présenté, l'an dernier, par M. Alfred Recours sur les
bilans et perspectives pour les musées de France.
Les conclusions de ce rapport débouchaient sur de nombreuses propositions
concrètes qui ont très largement inspiré le projet de loi dont nous débattons
cet après-midi.
Ces différents débats nous ont souvent donné l'occasion de souligner la perte
de vitesse et de prestige de la France sur la scène culturelle internationale :
fuite du patrimoine à l'étranger, recul sur la place du marché de l'art de
notre pays. Etaient alors montrés du doigt les prétendus manques de dynamisme
des acteurs et investisseurs du monde culturel hexagonal ou l'absence de
politique fiscale incitative.
Seuls nos musées connaissent toujours un essor formidable et une fréquentation
accrue. La politique de diversification, d'élargissement des publics et la
communication sans cesse renforcée de ces institutions, tout comme l'essor du
tourisme constituent sans doute les principales raisons de ce succès ; il
convenait donc de le préserver et de l'encourager en adaptant les structures
aux réalités culturelles et économiques actuelles. Le projet de loi que vous
nous soumettez, madame la ministre, va dans ce sens.
En autorisant l'ensemble des musées, quel que soit leur statut, à prétendre à
l'appellation « musée de France », le projet de loi permettra à l'ensemble des
établissements concernés de bénéficier d'une meilleure identification auprès du
public, et donc, logiquement, d'enregistrer une hausse de fréquentation.
Je sais, madame la ministre, que vous vous êtes opposée, à l'Assemblée
nationale, à l'insertion de l'article 1er
bis,
qui définit les missions
communes de base de l'ensemble des « musées de France ». Je pense que cette
disposition constitue une contrepartie essentielle à l'octroi de l'appellation.
Cette appellation ouvre un nouveau droit pour les musées ; il me semble logique
que des obligations découlent de ce droit.
Le fait de soumettre à un organe central, le « Conseil des musées de France »,
les demandes d'homologation, celles de transfert et les cas litigieux de
conservation ou d'exposition d'une oeuvre traduit une volonté extrêmement
positive quant à la qualité des collections présentées dans les musées de
France. « Conseil » ou « Haut conseil », comme le souhaite notre rapporteur,
composition élargie ou non aux parlementaires, ces questions ne me semblent pas
de nature à modifier profondément l'esprit du texte dont nous discutons !
Le fait de tenter d'unifier le régime juridique de l'ensemble des collections
des musées de France, en appliquant à leurs oeuvres, aussi loin que le respect
de la propriété privée le permet, le principe de l'inaliénabilité et de
l'imprescriptibilité, constitue une grande avancée.
Jusqu'à présent, seules les oeuvres des musées appartenant à l'Etat ou aux
collectivités territoriales étaient soumises à cette protection. A présent, le
principe d'imprescriptibilité s'appliquera à l'ensemble des collections des
musées de France.
Quant au principe d'inaliénabilité, il s'appliquera aux collections
appartenant non seulement à des personnes publiques, mais aussi à des
personnes privées, la seule exception à ce droit étant constituée par une
cession à une personne publique ou par une cession ayant pour objet le maintien
de la collection dans un musée de France. Je m'oppose donc totalement aux
aménagements à cette disposition. Je note que ceux-ci sont pourtant souhaités,
de façon différente, par les rapporteurs des deux chambres.
Ainsi, notre rapporteur rend le régime d'inaliénabilité en quelque sorte
optionnel, sans qu'il soit d'ailleurs précisé qui sera à l'origine d'une
demande de déclassement. Son souci est de favoriser au maximum une
décentralisation des procédures, afin de laisser une marge d'appréciation
supérieure aux autorités locales.
Cette solution ne me convient pas. Elle procède d'ailleurs du même esprit que
le souhait de créer des « instances scientifiques » appelées à se substituer
aux directions régionales des affaires culturelles, les DRAC, et revient à
créer un régime à deux vitesses, alors que l'objet du projet de loi est
justement d'unifier au maximum la politique muséographique française.
Monsieur le rapporteur, vous justifiez votre position par rapport aux éléments
constitutifs de collections « scientifiques », dont le caractère est plus
éphémère que celui des oeuvres d'art. Je ne comprends pas, dès lors, pourquoi
vous n'avez pas scindé le dispositif, en distinguant entre les collections «
d'oeuvres d'art » et les collections scientifiques, qui auraient pu, à elles
seules, faire l'objet d'un déclassement.
L'Assemblée nationale a prévu, quant à elle, une dérogation à la règle
d'inaliénabilité pour les oeuvres d'artistes vivants, pendant les trente
premières années d'existence de ces oeuvres. Je reviendrai tout à l'heure sur
ce point en défendant l'amendement qui a été déposé par le groupe socialiste et
qui vise un retour au texte initial du projet de loi. Mais je tiens à exprimer,
dès à présent, mon désaccord avec le dispositif qui a été adopté par
l'Assemblée nationale et qui, en instituant cette sorte de période probatoire,
non seulement fait peser un doute sur l'ensemble de la création contemporaine,
mais ne favorisera guère l'essor de nouveaux talents.
Un autre point me préoccupe : il s'agit des personnels qui seront appelés à
encadrer les activités des musées de France - article 5 - ou à procéder à la
restauration des oeuvres d'art - article 11.
Sur ce dernier point, nous avons déposé un amendement afin que de tels travaux
puissent être confiés aux différents artisans, généralement reconnus - il
s'agit souvent des « meilleurs ouvriers de France » - à qui les musées
territoriaux font fréquemment appel ; ces artisans ne possèdent pas toujours de
diplôme sanctionnant leur savoir-faire. Conformément aux termes de la loi de
modernisation sociale, il suffirait de prévoir la validation des acquis
professionnels. Cette validation aurait un caractère national et ne relèverait
pas du seul bon vouloir des autorités territoriales. Je reviendrai
ultérieurement sur ce point lors de la discussion des amendements.
Je souhaite néanmoins, madame la ministre, que vous me précisiez le contenu
des décrets qui fixeront les qualifications ou les expériences professionnelles
requises pour les différents emplois au sein des musées de France.
A l'heure actuelle, compte tenu de la disparité de situation entre les
différentes catégories de musées, il n'existe pas d'unicité de statut des
personnels. Quel sera le sort réservé à ces personnes par les futurs décrets ?
Pouvez-vous nous donner des assurances sur l'avenir des nombreux contractuels
qui oeuvrent actuellement dans de petits musées contrôlés qui deviendront
bientôt des « musées de France » ?
Avant de conclure mon propos, je m'attarderai quelques instants sur les
nombreuses dispositions fiscales qui sont proposées pour « accompagner » le
projet de loi et dont aucune n'est due, pour le moment, à la volonté
gouvernementale.
L'idée couramment répandue est que le marché de l'art en France et la cote des
artistes français se portent mal, faute de dispositions fiscales incitatives.
Afin de favoriser l'acquisition d'oeuvres d'art par les musées de France,
l'Assemblée nationale a introduit toute une batterie d'amendements fiscaux,
dispositions incitatives tant pour les particuliers que pour les sociétés, pour
les dons ou la participation à l'achat d'oeuvres d'art destinées aux musées de
France.
Je reviens rapidement sur le fameux « amendement casino », qui constitue, en
fait, deux amendements.
Certains ont crié au scandale s'agissant de la possibilité de financer par de
l'argent souvent considéré comme « sale » l'achat de trésors nationaux par les
musées. Pour ma part, je suis très partagé sur cette question. En effet, dès
lors que l'Etat ne peut pas, du fait de l'insuffisance de ses concours
budgétaires, acquérir des trésors nationaux menacés de fuite vers l'étanger, ne
faut-il pas remédier à cette carence coûte que coûte, afin de favoriser
l'enrichissement des collections des musées et d'éviter la dispersion du
patrimoine national ?
J'en étais à ce point de ma réflexion lorsque j'ai pris connaissance de
l'amendement du Gouvernement, dont la portée est supérieure à celle des
amendements proposés par M. le rapporteur. L'amendement du Gouvernement a en
effet pour objet de permettre aux entreprises d'acquitter leur impôt sur les
sociétés en octroyant la quasi-totalité du montant de celui-ci à l'achat d'un
trésor national par l'Etat, ce dernier restant maître de la situation puisqu'il
pourra refuser l'offre.
Cette disposition, qui reprend une solution préconisée par le rapport rendu en
septembre dernier par l'inspection des finances, me semble raisonnable. En
outre, elle constituera une nouvelle voie de mécénat, qui se développe trop
lentement en France. Toutefois, si nous comptons sur les entreprises pour faire
cette offre et jouer ainsi un rôle de mécène, nous comptons aussi sur Bercy
pour en accepter un nombre qui soit incitatif et qui permette un enrichissement
important de notre patrimoine national.
Voilà les principales réflexions que m'inspire le projet de loi que vous nous
soumettez, madame la ministre. Je souhaite qu'il permette à la France de
reconquérir sur la scène internationale le rôle prépondérant en matière
culturelle qu'elle a tenu pendant des siècles et qu'elle doit conserver.
Sachez, madame la ministre, que vous bénéficiez du soutien total du groupe
socialiste, que je représente.
(Applaudissements sur les travées socialistes
et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Jean-Léonce Dupont.
M. Jean-Léonce Dupont.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en 1832,
Lamartine écrivait : « Je suis las des musées, cimetières des arts. » Dirait-il
la même chose aujourd'hui ? Probablement pas.
En effet, les Français ne sont pas las des musées : en quinze ans, le nombre
de visiteurs dans les musées nationaux est passé de neuf millions à quinze
millions, et les musées sont aujourd'hui des lieux de vie, d'échange et de
création.
Depuis un demi-siècle, l'institution muséale a beaucoup changé. La loi, quant
à elle, a peu évolué. Celle qui régit les musées remonte à 1945 ; sa réforme
était à l'ordre du jour depuis une dizaine d'années. On comprend que ce projet
de loi ait fait l'objet d'une déclaration d'urgence !
Une loi ancienne, des musées en mutation : la réforme se devait donc d'être
profonde. Or le projet de loi dont nous discutons aujourd'hui est un texte
a
minima
, manquant malheureusement d'ambition et d'audace, comme l'a
d'ailleurs reconnu elle-même la majorité à l'Assemblée nationale.
Ce projet présente en effet deux défauts principaux : il est étatiste et
lacunaire. D'un côté, il privilégie une approche administrative de la politique
de l'Etat dans le domaine des musées ; de l'autre, il ne dit rien ni sur le
statut des personnels, ni sur les conservateurs, ni sur la mobilité, notamment
entre la fonction publique d'Etat et la fonction publique territoriale, rien
non plus sur la mise en réseau des collections. Enfin et surtout, le projet de
loi initial était muet sur le volet fiscal et financier.
Tout d'abord, ce texte traduit une logique administrative, uniformisante.
Le nouveau label « musée de France » est peu innovant en termes de statut, et
il accroît encore les contrôles.
Il ne modifie pas le mode de gestion des musées. Il aurait été souhaitable,
pourtant, d'accorder plus largement la personnalité juridique.
Seuls deux grands musées, le Louvre et Versailles, ont été érigés en
établissements publics administratifs. Le musée d'Orsay, quant à lui, est
encore géré en régie par la direction des musées de France !
La cogestion des grands musées par cette direction et par la Réunion des
musées nationaux apparaît quelque peu dépassée aujourd'hui. Il faudrait doter
les musées nationaux d'une responsabilité plus large s'agissant de leur
gestion, ainsi que d'une certaine maîtrise de leurs ressources. Mais le projet
de loi s'y refuse.
Je tiens néanmoins à signaler l'avancée que représente le transfert par l'Etat
aux collectivités locales des oeuvres qu'il a mises en dépôt dans des musées
territoriaux avant 1910. Je souhaiterais avoir une précision à ce propos,
madame le ministre.
En effet, la création de certains musées étant récente, des dépôts de l'Etat
ont été effectués, par exemple, auprès de bibliothèques municipales. Les
oeuvres concernées entreront-elles également dans le champ du transfert de
propriété ?
Je constate, par ailleurs, que le texte ignore les sociétés d'économie mixte.
Cet oubli résulte, semble-t-il, d'une confusion entre le mode de gestion du
musée et son propriétaire. La rédaction proposée par notre commission me paraît
clarifier les choses. J'ai néanmoins déposé un amendement pour m'en assurer.
Non seulement le label s'inscrit dans une logique administrative classique,
mais il la systématise aussi en étendant davantage le contrôle de l'Etat. Il va
ainsi faire entrer dans le champ de la loi les musées de l'Etat ne relevant pas
de la direction des musées de France ni du ministère de la culture, comme le
Muséum d'histoire naturelle ou le musée de l'Armée, ainsi que l'ensemble des
musées dépendant pour l'essentiel des collectivités locales.
De plus, la personne morale responsable du musée ne pourra pas s'opposer à
l'appellation « musée de France ». C'est pourquoi, à ce propos, nous
approuvons, là encore, les amendements de notre commission visant à renforcer
le caractère contractuel du label.
Le contrôle de l'Etat s'étend également sur le fond, puisque, de technique, il
devient « scientifique et technique ». Mais cette extension du contrôle de
l'Etat pose un problème de moyens. Le volontarisme législatif ne peut, en
effet, suppléer ni ignorer la réalité des moyens institutionnels et financiers
; une loi ne remplace pas un budget.
L'Etat pourra-t-il vraiment remplir sa mission de conseil, d'expertise et de
soutien, alors même que la direction des musées de France ne dispose pas de
services déconcentrés ?
Quoi qu'il en soit, tous les dossiers seront étudiés à Paris par l'Inspection
générale des musées, au risque de subir de longs délais.
En outre, l'Inspection générale possède-t-elle toutes les compétences pour se
prononcer à la fois sur l'acquisition d'un timbre pour le Musée postal, d'un
léopard pour le zoo de Vincennes et sur la restauration d'une trieuse
mécanographique du Conservatoire national des arts et métiers ?
Par ailleurs, la moitié des directions régionales d'art contemporain n'ont pas
de conseiller musée, et ceux qui sont en poste n'ont pas d'infrastructure pour
travailler. Les musées sont donc sous-représentés à un échelon décisif de la
mise en oeuvre de la politique de l'Etat.
A ces carences en moyens humains et financiers s'ajoute le budget insuffisant
alloué à l'acquisition d'oeuvres d'art.
J'en arrive au volet financier.
Le projet de loi initial ne comportait aucune mesure fiscale ou financière en
ce sens. L'Assemblée nationale en a heureusement ajouté quelques-unes, afin de
favoriser l'enrichissement des collections muséographiques.
La commission nous propose également de renforcer ce volet fiscal par
plusieurs dispositions dont nous ne pouvons que nous féliciter.
Outre des exonérations fiscales, un prélèvement de 1 % a été institué par
l'Assemblée nationale sur le produit brut des jeux dans les casinos.
Je me permets, à ce propos, d'attirer votre attention, mes chers collègues,
sur la distinction qu'il convient de faire entre les casinos et le pari mutuel
d'une part, et les jeux de loterie d'autre part.
Les premiers représentent un secteur économique à part entière ; les casinos,
par exemple, ont créé de nombreux emplois ces dernières années. Ce secteur
compterait aujourd'hui environ 13 000 emplois directs et 7 000 emplois induits.
Il en va de même du monde du cheval.
En comparaison, La Française des jeux emploie 800 personnes, et son rôle est
avant tout de faire rentrer de l'argent dans les caisses de l'Etat.
Par ailleurs, la rénovation des musées passe aussi par leur budget. Organiser
une exposition, faire circuler les oeuvres d'un musée à l'autre, acquérir un
tableau, une sculpture, tout cela coûte cher.
Pour permettre aux musées de disposer d'un budget plus important, un des
moyens serait de leur accorder un droit à l'image pour les oeuvres qui
appartiennent à une collectivité publique.
La jurisprudence a très clairement reconnu aux propriétaires privés un droit à
l'image des biens qui leur appartiennent. Ce droit leur permet de s'opposer à
toute reproduction de leurs biens, fût-elle à usage privé. Mais elle ne s'est
pas encore prononcée sur le cas particulier de l'exploitation commerciale par
un tiers qui n'y aurait pas été autorisé de l'image d'un bien mobilier
appartenant à une collectivité publique.
Je souhaite, madame la ministre, que nous réfléchissions ensemble sur le droit
à l'image qui pourrait aujourd'hui être accordé aux collectivités publiques.
Cette reconnaissance permettrait de soumettre à autorisation préalable
l'utilisation à des fins commerciales de la représentation des objets figurant
dans les collections des musées appartenant à ces collectivités publiques. Cela
permettrait aussi à ces mêmes collectivités de s'assurer que la reproduction
est conforme à l'intérêt général.
Sur quelle base percevoir une redevance de la part de l'utilisateur ?
Aujourd'hui, les prises de vues ou photographies réalisées à l'intérieur de
musées appartenant à l'Etat donnent lieu à la perception d'une taxe spéciale.
Mais cette redevance n'est pas la contrepartie de l'utilisation commerciale de
l'image du patrimoine de l'Etat : elle est liée à l'occupation privative du
domaine public.
Il conviendrait donc de généraliser la redevance perçue dans les monuments
historiques et les musées appartenant à l'Etat en l'étendant à toutes les
collectivités publiques et en fondant son versement non plus sur l'occupation
privative du domaine public, mais sur l'utilisation à des fins commerciales de
la représentation ou de la reproduction du patrimoine historique ou artistique
des collectivités publiques.
Pour que cette question soit étudiée, je vous soumettrai, mes chers collègues,
un amendement demandant au Gouvernement un rapport sur ce sujet.
Enfin, je tiens, au nom du groupe des Républicains et Indépendants, à
féliciter la commission et son rapporteur pour l'excellent travail qu'ils ont
accompli et à les assurer de notre soutien pour les amendements qu'ils vont
proposer.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Plasait.
Fort de cela, le Gouvernement a décidé, par ce projet de loi, de donner une nouvelle assise juridique aux musées nationaux ou territoriaux. Très bien !
Cependant, ce projet de loi inscrit dans l'urgence - pour quelle raison ? - est décevant et incomplet. Il privilégie une approche administrative de la politique conduite par l'Etat dans le domaine des musées. Il substitue, en effet, à l'ordonnance du 13 juillet 1945, texte qui a vieilli mais qui constitue un modèle d'organisation très souple, un dispositif qui ne correspond ni aux mutations qu'ont connues les musées depuis les années soixante-dix ni aux acquis de la décentralisation.
Par ce texte, madame la ministre, vous cherchez à atteindre un triple objectif.
D'abord, vous voulez placer le public au coeur de la vocation du musée. A l'aune des progrès déjà accomplis en ce domaine, les dispositions du projet de loi ne sont guère novatrices : elles se contentent d'étendre à l'ensemble des musées relevant de l'Etat la gratuité pour les moins de dix-huit ans, déjà appliquée dans les musées nationaux.
Ensuite, vous entendez redéfinir les relations entre l'Etat et les musées. En agissant de la sorte, vous favorisez une uniformisation administrative qui ignore les acquis de la décentralisation. Le texte substitue aux deux catégories actuelles, musées classés et musées contrôlés, une appellation unique « musée de France », qui a vocation à s'appliquer à l'ensemble des institutions dont les collections présentent un intérêt public.
Par ce moyen, vous soumettez les « musées de France » à un contrôle de l'Etat plus strict que celui qui est prévu par l'ordonnance de 1945. De technique, le contrôle de l'Etat devient « scientifique et technique ». Mais le projet de loi va bien au-delà en confiant à un décret le soin de fixer les règles de dépôt et de prêt des collections des musées de France, de définir les qualifications exigées des professionnels auxquels seront confiées, après avis des services de l'Etat, leurs restaurations, ou encore en les obligeant à leur transmettre des statistiques relatives à leur fréquentation.
La création d'une nouvelle instance consultative, le Conseil des musées de France, placé auprès du ministre, ne constitue pas un moyen de se prémunir contre les risques d'un renforcement des prérogatives de l'Etat. En effet, ce conseil ne dispose pas des moyens nécessaires pour affirmer son indépendance et son autorité. D'ailleurs, je ne crois pas que le nombre de ses membres soit de nature à lui permettre d'atteindre ce double objectif, pourtant vivement souhaitable. Je constate également qu'aucun représentant des musées privés n'y figure - à moins que le décret en Conseil d'Etat n'y pourvoie - et que le choix des représentants dits qualifiés et de représentants des associations représentatives du public ouvre la porte aux passe-droits et à l'arbitraire.
M. René-Pierre Signé. Oh !
M. Bernard Plasait. Ce Haut Conseil devrait, au contraire, pouvoir affirmer sa légitimité et avoir à sa disposition les services de l'Etat, et non l'inverse.
Plus grave, rien n'est dit de son financement, et j'ai bien peur que pareille structure ne soit trop coûteuse pour des finances publiques bien dégradées.
Enfin, madame la ministre, ce texte tend à consolider le régime de protection des oeuvres puisqu'il renforce les garanties existantes.
L'article 8 affirme un principe d'inaliénabilité absolue des collections publiques, qui interdit tout déclassement.
La gestion des collections privées est également strictement encadrée : leurs propriétaires ne peuvent les céder qu'aux personnes publiques ou aux personnes morales de droit privé à but non lucratif qui se seront engagées au préalable à maintenir l'affectation de ces collections au public.
Nous ne pouvons que regretter, madame la ministre, que ces dispositions ne tiennent pas compte de la diversification des collections muséographiques et interdisent pour l'avenir toute évolution de leurs modes de gestion.
Derrière ces trois objectifs, la ligne du ministère est transparente : d'abord, se désengager du patrimoine muséographique ; ensuite, au moyen du label, se transformer en simple outil de communication ; enfin, assurer son pouvoir en étendant ceux de la direction des musées de France à l'ensemble des « musées de France ».
Madame la ministre, les non-dits et l'interventionnisme étatique que je discerne dans ce projet de loi pourraient conduire au pire dans son application.
Ce texte aboutit non seulement au désengagement de l'Etat quant aux moyens financiers, mais aussi à l'assujettissement des musées territoriaux et privés acceptant l'attribution du label à l'outil séculier : la direction des musées de France. (M. Signé s'exclame.)
Je ne prendrai qu'un exemple : un musée privé acceptant le label et devant entreprendre des travaux, sans intervention financière de l'Etat, se verra imposer un programmateur de la direction des musées de France avec des conséquences imprévisibles sur les coûts et une distorsion obligatoire sur le projet d'origine. En cas de refus, les possibilités sont un retrait des dépôts et le blocage des échanges. La direction des musées de France disposera sur ces deux points d'une grande capacité négative pour asseoir son pouvoir.
Comme à son habitude, le Gouvernement contraint là où il faudrait justement responsabiliser les acteurs. Assujettir un plus grand nombre de musées à une administration, qui fait chaque jour la preuve de ses carences, est-ce vraiment la solution ? Et je dis cela à l'heure où le ministère de la culture n'assure déjà plus la mission essentielle, madame la ministre : l'ouverture au public des musées en raison de la loi sur les 35 heures. (M. Signé s'exclame.) La pagaille du dernier week-end en témoigne !
M. René-Pierre Signé. Il critique tout !
M. Bernard Plasait. J'ajoute que l'échec total dans la gestion de la Réunion des musées nationaux qui vous a sans doute frappé, mon cher collègue, à la suite de diversifications hasardeuses, augure mal de ce que pourra être la gestion des « musées de France ».
Les grandes incertitudes actuelles sur le devenir du musée de l'Homme, du musée des Arts et Traditions populaires, du musée des Arts africains et océaniens et l'exclusion dans le futur musée des Arts premiers de tout objet d'origine européenne devraient mobiliser le ministère autrement.
En résumé, ce texte va à l'encontre du grand projet qui serait nécessaire : décentralisation à l'échelon régional ; autonomie et responsabilisation de chaque musée ; intégration dans un tissu local, associatif et culturel ; renforcement des compétences techniques et financières ; création de réseaux d'échanges européens et internationaux ; élaboration de projets scientifiques et artistiques de type ERASMUS ; enfin, réinvestissement de la cité en sortant le patrimoine des musées.
Voilà quelques orientations, madame la ministre, qui seraient de nature à favoriser l'augmentation du nombre des visiteurs.
Ouvrir les musées à un public nouveau suppose un environnement culturel qui aiguise l'appétit et l'esprit de découverte des plus jeunes. L'ouverture des musées dans la ville, la nécessité d'aller dans les lieux publics autres - les mairies, par exemple - à la rencontre du public doivent s'accompagner d'une ouverture sur l'Europe. Or ce texte ne mentionne pas l'Europe, alors qu'elle devrait être au coeur de nos réflexions. L'outil patrimonial et muséal devrait être l'un des principaux vecteurs de l'idée européenne auprès des nouvelles générations.
Enfin, je conclurai mon intervention en rendant hommage au remarquable travail effectué par le rapporteur de la commission, notre excellent collègue Philippe Richert. Les amendements qu'il nous proposera, et que j'approuve, ouvrent la voie de la responsabilité, notamment en matière fiscale et financière. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Je ne répondrai sans doute pas aux nombreuses questions soulevées par l'ensemble des intervenants, dont certaines ressurgiront d'ailleurs à l'occasion de l'examen des amendements. Quoi qu'il en soit, je voudrais lever tout de suite un double malentendu.
Le premier malentendu tient à ce que plusieurs intervenants ont semblé croire que ce texte ne s'adressait qu'à une catégorie de musées. Je rappelle que, quels que soient leurs ministères de tutelle et quelle que soit leur thématique, l'ensemble des musées entrent dans le champ de ce texte.
Le second malentendu, qui est évidemment plus lourd, porte sur la nature même de ce projet de loi et sur l'ambition qui le sous-tend en matière de décentralisation. Il s'agit d'une inquiétude qui a été exprimée notamment par M. le rapporteur, mais aussi par d'autres intervenants. Je voudrais simplement répéter ici que le choix opéré par le Gouvernement s'agissant de la création d'un label commun vise à l'harmonisation et non pas, comme je l'ai entendu dire, à l'uniformisation. Il est au contraire clairement dit que les musées, dans toute la diversité qui est la leur, doivent pouvoir trouver leur place à l'intérieur de cette nouvelle famille « musée de France ».
Pourquoi un seul label ? C'est de la sorte une stratégie d'ensemble de la politique culturelle que nous pouvons mener au travers des institutions muséales, dans toutes leurs diversités, je le répète. Ce label est à même de créeer un lien et de donner un repère au public.
Vous avez notamment redouté, monsieur le rapporteur, que ce texte ne suscite des tentations trop administratives. Je souhaite vous rassurer ; je ne prendrai que l'exemple des statistiques. Si nous voulons ensemble, au sein du Haut Conseil des musées de France, réfléchir à la politique globale de ces institutions, le fait pour chacune d'entre elles d'établir des statistiques sera vécu non pas comme une surcharge tatillonne et bureaucratique, mais au contraire comme la possibilité de mettre les réflexions en commun.
Je rappelle aussi que, en dehors des musées d'Etat, l'attribution de ce fameux label « musée de France » n'est nullement imposée : elle n'est pas arbitrairement décidée ; elle est proposée et librement consentie par l'ensemble des musées, quel que soit leur statut.
De même, vous avez exprimé la crainte que le principe d'inaliénabilité absolue des collections publiques ne fige ces collections. Nous en rediscuterons, bien sûr, lors de l'examen des amendements. Mais j'appelle votre attention sur un fait : certes, les collections entrent définitivement dans la famille des musées de France, mais, au travers des dépôts ou des échanges au sein de cette grande famille, elles peuvent mener des vies successives au fil des initiatives des conservateurs et des propriétaires des collections.
J'ajoute que l'Etat n'est pas seul gardien du patrimoine national : n'oublions pas la loi. C'est d'ailleurs pour cela que nous attachons tous, me semble-t-il, une importance à ce texte, quelles que soient les insuffisances relevées par tel ou tel.
Monsieur le rapporteur, vous avez fait de l'inaliénabilité l'un des thèmes les plus importants de votre analyse, tout comme d'autres orateurs.
Pour le Gouvernement, ce principe de l'inaliénabilité est vraiment l'expression même de l'intérêt général que présentent ces collections au regard du patrimoine national et, je le répète, nous ne voyons pas la possibilité d'y apporter des entorses.
Vous vous êtes préoccupé, notamment, des collections des musées privés. Vous nous présenterez, si j'ai bien entendu votre propos, une adaptation du dispositif sous la forme d'un régime à double vitesse selon que les oeuvres ont été acquises avec une aide publique ou qu'elles sont pleinement propriétés privées.
Nous y reviendrons, mais j'attire votre attention sur le fait qu'à travers ce texte ce sont aussi la qualité et la cohérence des collections que nous défendons. Si un musée privé regroupe à la fois des oeuvres qui lui appartiennent et des oeuvres acquises avec des aides publiques, c'est néanmoins la totalité de la collection qui présente un intérêt général. Je pense donc qu'il y a un risque à distinguer les régimes applicables à ces deux catégories d'oeuvres.
L'application des règles de la domanialité comme substitut à l'inaliénabilité totale ne me paraît pas être la bonne réponse. Certes, ce régime juridique existe d'ores et déjà et inclut en effet une faculté de déclassement, mais je rappelle, monsieur le sénateur, que, dans la pratique, cette faculté n'a jamais été mise en oeuvre au cours du xxe siècle.
M. Philippe Richert, rapporteur. Donc, cela marche ! Nous ne faisons que renforcer la protection.
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. C'est que le déclassement, comme l'aliénation qui peut s'ensuivre, porte atteinte à cet intérêt global et général de la collection, nous y reviendrons.
Mais je me tourne maintenant vers les différents orateurs.
Monsieur Joly, nous oeuvrons pour sortir d'une grève qui affecte lourdement et, depuis quatorze jours, les musées. Sachez que, dans ma position, je ressens très douloureusement la fermeture au public de ces institutions mais, dans tous les ministères, la réduction du temps de travail est une négociation difficile qui demande du temps. J'espère que nous parviendrons rapidement à une solution, dans l'intérêt non seulement, d'ailleurs, des publics aujourd'hui privés de cet accès aux ressources culturelles mais aussi de tous ceux qui travaillent dans les musées.
Vous avez souligné les difficultés de gestion des réserves qui sont parfois, en effet, insuffisamment équipées pour assumer le poids des collections. Cela fait partie de l'ensemble des projets d'investissements qui sont portés, souvent en commun, par l'Etat et par les collectivités territoriales.
M. Gaillard s'est évidemment surtout attardé sur le dispositif fiscal, qu'il connaît bien et auquel il s'est depuis longtemps beaucoup intéressé. J'ai noté avec plaisir qu'il approuvait les propositions contenues dans le rapport Cerruti, ce qui me fait espérer que les dispositions dont nous allons discuter tout à l'heure, au cours de la discussion des articles, recueilleront, au moins pour partie, son soutien.
Vous avez aussi, monsieur le sénateur, souligné la relance du marché de l'art, en particulier grâce à l'adoption de la loi sur les enchères publiques que le Gouvernement a eu l'honneur de défendre et de faire aboutir.
M. Renar a souligné à juste titre, au début de son intervention, l'importance du rôle de transmission des musées, de l'ensemble des musées, ainsi que la nécessité de placer le public, comme je l'ai souvent dit, au coeur du dispositif muséal, et donc au coeur du projet de loi que j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui.
Ce texte vise toutes les catégories de musées et, dans la démarche de démocratisation qui est la nôtre et qui inspire ce projet de loi, la politique tarifaire occupe une place importante.
Vous avez souligné que l'Etat montrait la voie en ce qui concerne l'accès aux musées pour les jeunes de moins de dix-huit ans. Vous avez, à cette occasion, émis le voeu que la gratuité soit étendue aux expositions temporaires et non plus réservée aux seules collections permanentes. Intellectuellement, je ne peux que souscrire à ce voeu très légitime, monsieur le sénateur, mais sa réalisation implique simplement que l'économie de nos musées nous le permette. Je suis certaine que nous travaillerons en ce sens ensemble de budget en budget.
D'ailleurs, on constate déjà, dès avant le vote de ce texte, des avancées dans la politique muséale, notamment les heureux effets de la gratuité. En effet, là où elle est pratiquée, même lorsqu'elle se borne à cibler tel ou tel jour de la semaine ou du mois, cette gratuité a eu un effet extrêmement positif sur la fréquentation de l'ensemble des musées, qu'elle a permis de faire progresser de plus de 25 % en moyenne depuis son instauration.
Il était donc important de prendre acte de ces avancées et de réinscrire cet objectif dans la loi, tout en respectant l'autonomie de gestion des collectivités propriétaires auxquelles, bien entendu, l'Etat ne pouvait pas imposer ce recours à la gratuité, elles, qui comme l'Etat, connaissent des contraintes de gestion assez souvent difficiles à surmonter.
Je tiens à vous remercier, monsieur Lagauche, d'avoir rappelé l'intense activité de la législature en cours sur l'ensemble des problèmes du marché de l'art, de la protection du patrimoine et du soutien aux professions de l'art.
Vous avez souligné l'intérêt du label comme signal donné au public d'aujourd'hui, ainsi qu'au « non-public » d'ailleurs, de l'existence d'une proposition cohérente sur l'ensemble du territoire.
Je me réjouis aussi de la position que vous avez prise en ce qui concerne l'inaliénabilité et les risques que représente le déclassement.
Vous vous êtes interrogé sur une question dont nous avons peu eu l'occasion de parler mais qui a été évoquée par M. le rapporteur : les qualifications des professionnels des musées. Il n'y a pas, dans notre esprit, de distinction entre les professionnels de la conservation et de l'exposition, d'une part, et les professionnels de ce que l'on peut appeler l'action culturelle au sein des musées, d'autre part.
Bien entendu, des exigences de qualifications sont d'ores et déjà imposées à l'ensemble des professionnels de tous les musées. Les personnels contractuels ne seront pas lésés par la nouvelle loi car nous veillerons, dans l'élaboration des décrets d'application, à ce qu'il soit tenu compte largement de l'expérience professionnelle acquise et des qualifications liées à cette expérience, au-delà même des diplômes.
Je voulais également préciser, en réponse à l'une de vos questions, que j'ai confié une mission d'étude à M. Daniel Malingre afin qu'il considère les possibilités d'une reconnaissance des formations des restaurateurs d'art qui, je le sais, assument souvent, sur tout le territoire, une fonction très importante pour nos musées.
M. Jean-Léonce Dupont a rejoint M. le rapporteur dans la critique fondamentale de ce texte, dans lequel il voit une « centralisation uniformisatrice ». Je veux redire que le label « musée de France » est, au contraire, respectueux des différences, notamment de statuts, d'origines, de collections, et qu'il s'agit plus d'un cercle de travail en commun, de mise en commun des méthodes et des objectifs en direction des publics que, comme vous semblez le redouter ou le déceler dans le texte, d'un contrôle uniformisateur.
En réalité, je ne crois pas que l'on puisse dire que ce projet accroisse les contrôles, puisqu'il définit plus strictement le rôle de l'Etat, qui ne contrôle que pour protéger la pérennité et la qualité des collections.
Nous aurons d'ailleurs à reparler de la composition du Haut Conseil qui, je l'espère, contribuera à atténuer vos inquiétudes sur toute tentation de recentralisation.
Quant au musée d'Orsay, il s'agit non pas d'une régie, mais d'un service à compétence nationale.
Mesdames, messieurs les sénateurs, sachez qu'il y a aujourd'hui des « conseillers musée » dans presque toutes les directions régionales des affaires culturelles et que ces dernières participent pleinement, aux côtés de l'inspection générale des musées, dont la compétence est, je crois, reconnue par tous, à l'observation et à l'expertise du fonctionnement de nos musées. C'est donc là un échelon réellement déconcentré de l'administration des musées qui, auprès des collectivités locales, dialogue avec elles et est également à l'écoute de l'ensemble des responsables des musées.
L'idée d'un droit à l'image me semble mériter examen. Nous en reparlerons.
Je voudrais dire à M. Plasait - il ne s'en étonnera pas - que je ne partage pas l'analyse qu'il fait de l'esprit de ce texte. En effet, beaucoup plus que M. le rapporteur et d'autres intervenants, il y voit à la fois une tentation de désengagement de l'Etat et une prétention à un plus grand centralisme et à un plus grand interventionnisme. Je me suis efforcée de démontrer qu'il n'en était rien, mais il est parfois difficile de faire évoluer des convictions.
Mesdames, messieurs les sénateurs, tous ceux qui sillonnent la France et qui connaissent la grande palette de nos musées, qu'ils soient publics ou privés, peuvent constater l'extraordinaire vitalité de l'institution muséale. Je ne voudrais donc pas qu'à l'issue de ce débat nous ayons donné le sentiment que rien ne va dans les musées. Nous sommes tous, au contraire, confortés dans nos efforts sur le plan tant local que national par l'extraordinaire richesse de ce réseau. Soyez assurés de la volonté du Gouvernement non seulement de ne pas se désengager mais, surtout, d'accompagner, avec toutes les forces dont il dispose, les initiatives - et elles sont nombreuses - qui peuvent être prises, dans ce domaine, à un échelon décentralisé, voire par des personnes privées.
Le fait d'inscrire dans la loi, au-delà de la fonction patrimoniale, conservatrice et protectrice des musées, la fonction de relation au public, de démocratisation culturelle, n'est pas, à mon sens, un aspect anecdotique du texte que j'ai l'honneur de défendre devant vous. Cette légalisation de la fonction culturelle me semble être d'une portée symbolique forte pour appuyer le travail considérable qui est fait en ce sens par la quasi-totalité des responsables, quelle que soit la nature des musées qu'ils ont en charge. Cette tâche sera, à mon avis, encore mieux accomplie grâce à la création de services du public, appelé pédagogiques ou culturels, à l'intérieur de toutes ces institutions.
Je vous remercie encore de la grande attention que vous avez apportée, monsieur le rapporteur, monsieur le président, et vous tous, mesdames, messieurs les sénateurs, à ce texte. J'ai bien compris que l'urgence déclarée ne vous faisait pas plaisir ; elle ne fait jamais plaisir. Simplement, le réalisme que nous impose un calendrier parlementaire extrêmement difficile et le désir, je crois, partagé de faire aboutir ce texte dans les meilleurs délais est, sinon une excuse, du moins une explication pour le choix de cette procédure. Cela nous a d'ailleurs amenés à travailler ensemble très étroitement dès le début de la discussion. J'espère que nous en recueillerons les fruits.
M. Jacques Valade, président de la commission. Très bien !
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
12
ÉLECTIONS DE MEMBRES REPRÉSENTANT
LA FRANCE AU CONSEIL DE L'EUROPE
ET À L'UNION DE L'EUROPE OCCIDENTALE
M. le président. Voici les résultats du scrutin pour l'élection de six délégués titulaires du Sénat représentant la France à l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe et à l'assemblée de l'Union de l'Europe occidentale.
:Nombre de votants |
167Majorité absolue des votants 84
|
Ont obtenu : M. Marcel Debarge, 157 voix ; M. Jean-François Le Grand, 157 voix
; M. Jacques Legendre, 156 voix ; M. Francis Grignon, 156 voix ; Mme Josette
Durrieu, 155 voix ; M. Philippe Nachbar, 155 voix...
En conséquence, MM. Marcel Debarge, Jean-François Le Grand, Jacques Legendre,
Francis Grignon, Mme Josette Durrieu et M. Philippe Nachbar, ayant obtenu la
majorité absolue des suffrages des votants, je les proclame délégués titulaires
du Sénat représentant la France à l'assemblée parlementaire du Conseil de
l'Europe et à l'assemblée de l'Union de l'Europe occidentale.
Voici les résultats du scrutin pour l'élection de six délégués suppléants du
Sénat représentant la France à l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe
et à l'assemblée de l'Union de l'Europe occidentale.
Nombre de votants |
167Majorité absolue des votants 84
|
Ont obtenu : M. Michel Dreyfus-Schmidt, 161 voix ; M. Jean-Guy Branger, 161
voix ; M. Jean-Pierre Masseret, 161 voix ; M. Daniel Goulet, 160 voix ; M.
Xavier Pintat, 160 voix ; M. Jean-Louis Masson, 156 voix.
En conséquence, MM. Michel Dreyfus-Schmidt, Jean-Guy Branger, Jean-Pierre
Masseret, Daniel Goulet, Xavier Pintat et Jean-Louis Masson ayant obtenu la
majorité absolue des suffrages des votants, je les proclame délégués suppléants
du Sénat représentant la France à l'assemblée parlementaire du Conseil de
l'Europe et à l'assemblée de l'Union de l'Europe occidentale.
13
MUSÉES DE FRANCE
Suite de la discussion et adoption
d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président.
Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée
nationale après déclaration d'urgence, relatif aux musées de France. [n° 323
(2000-2001).]
J'informe le Sénat que la commission des affaires culturelles m'a fait
connaître qu'elle a d'ores et déjà procédé à la désignation des candidats
qu'elle présentera si le Gouvernement demande la réunion d'une commission mixte
paritaire en vue de proposer un texte sur les dispositions restant en
discussion sur le projet de loi actuellement en cours d'examen.
Ces candidatures ont été affichées pour permettre le respect du délai
réglementaire.
La discussion générale a été close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. - L'appellation "musée de France" est réservée aux institutions
culturelles et scientifiques relevant de l'Etat, d'une autre personne morale de
droit public ou d'une personne morale de droit privé à but non lucratif, dont
l'objet est de présenter au public, pour la connaissance, l'éducation et le
plaisir, des ensembles permanents de biens mobiliers ou immobiliers réunis à
cette fin et dont la conservation et l'exposition revêtent un intérêt
public.
« Ces ensembles permanents, appelés collections, appartiennent à l'une des
personnes mentionnées à l'alinéa précédent. »
La parole est à Mme Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin.
Madame la ministre, je souhaitais que soit reconnue la place de la culture
scientifique ; vous avez répondu à ce souhait.
En effet, l'article 1er - et lui seul - recouvre le champ de nos centres
culturels en matière scientifique et technique. Qu'il s'agisse de l'aspect
patrimonial, de la restauration ou du marché de l'art, le texte et les débats
étaient par trop focalisés sur les beaux-arts Or, si ceux-ci épanouissent, la
culture scientifique émancipe. Il semblait donc important que les centres de
culture scientifique et technique ainsi que les écomusées soient expressément
visés par le projet de loi. Ils le sont désormais et je vous en remercie.
M. le président.
Sur l'article 1er, je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet
d'une discussion commune.
L'amendement n° 1, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est ainsi
libellé :
« Rédiger ainsi l'article 1er :
« L'appellation "musée de France" peut être accordée aux musées appartenant à
l'Etat, à une autre personne morale de droit public ou à une personne morale de
droit privé à but non lucratif.
« Est considérée comme musée, au sens de la présente loi, toute collection
permanente de biens ouverte au public dont la conservation et la présentation
revêtent un intérêt public. »
L'amendement n° 63, présenté par M. Jean-Léonce Dupont, est ainsi libellé :
« Dans le premier alinéa de l'article 1er, après les mots : "ou d'une personne
morale de droit privé à but non lucratif", insérer les mots : "ou d'une société
d'économie mixte". »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 1.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
La nouvelle rédaction de l'article 1er que propose la
commission est inspirée par un souci de précision.
Il s'agit ici non pas de définir les missions des musées puisque l'article 1er
bis,
introduit par l'Assemblée nationale, les énumère désormais, mais de
préciser les conditions d'octroi du label « musée de France ».
Or, comme l'a signalé l'un des intervenants, le texte adopté par l'Assemblée
nationale est, à plusieurs égards, ambigu : que désigne, juridiquement,
l'expression « institutions culturelles et techniques » ? Le label « musée de
France » est accordé non pas à des institutions mais bien à des collections.
Par ailleurs, le texte entretient une confusion entre la gestion des
collections et leur propriété.
Enfin, la définition des collections tend à englober les biens immeubles. On
risque ainsi de conduire à considérer que les immeubles les abritant font
partie intégrante des collections.
En établissant une distinction aux articles 1er et 1er
bis,
d'une part,
entre la définition des musées de France et, d'autre part, leurs missions, la
rédaction proposée par la commission permet donc de clarifier les conditions
qui doivent être réunies par une institution pour se voir attribuer le
label.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Léonce Dupont, pour présenter l'amendement n° 63.
M. Jean-Léonce Dupont.
Le label « musée de France » doit pouvoir être accordé aux musées gérés par
une société d'économie mixte, et non pas seulement à ceux qui relèvent de
l'Etat, d'une personne morale de droit public ou d'une personne morale de droit
privé à but non lucratif.
Ainsi, les grottes de Lascaux, le mémorial de Caen, le centre de la mer
Nausicaa, le château d'Auvers-sur-Oise sont gérés par des sociétés d'économie
mixte.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 63 ?
M. Philippe Richert,
rapporteur.
On l'aura remarqué, cet amendement est incompatible avec
l'amendement n° 1 puisqu'il vise en fait le gestionnaire des collections alors
que la définition de la commission prend en compte le propriétaire. Selon notre
conception, c'est le musée qui bénéficie du label, mais rien n'empêche qu'il
soit géré par une société d'économie mixte. Il n'y a donc pas de problème et je
suggère le retrait de cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 1 et 63 ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
En ce qui concerne
l'amendement n° 1, le Gouvernement émet un avis défavorable, tout en comprenant
le souci de précision qui a animé ses auteurs. En effet, les musées de France
sont bien des institutions, et pas seulement des collections. Un musée est,
certes, constitué par sa collection, mais aussi par les services et activités
organisés autour de cette collection et pour sa mise à la disposition du
public. Par conséquent, le terme « collection » ne résume pas l'institution «
musée ».
Le texte ne fait pas naître d'ambiguïté entre la tutelle et la propriété des
collections. Il désigne clairement le propriétaire comme le sujet de droit
auquel la loi est applicable, indépendamment des conditions de gestion des
musées de France, qui relèvent de la libre décision de chacun des
propriétaires. C'est ainsi que le texte ne fait pas obstacle à ce qu'un
syndicat intercommunal puisse gérer un musée dont les collections appartiennent
à une seule commune.
Enfin, le Gouvernement comprend le souci du Sénat de ne pas considérer
systématiquement les immeubles abritant des musées comme éléments de la
collection. La rédaction adoptée par l'Assemblée nationale permet cependant
d'éviter cet écueil. Il suffit de préciser si l'immeuble est ou n'est pas un
élément de la collection. Il ne faut pas oublier que certains musées sont en
tout ou partie composés de biens immobiliers. A titre d'exemple, je cite le
musée d'Ungersheim, en Alsace.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 1.
Quant à l'amendement n° 63, je partage l'avis défavorable de M. le rapporteur.
L'appellation « musée de France » ne fait pas obstacle à ce que la gestion d'un
musée puisse être déléguée à un gestionnaire de droit privé. Elle implique en
revanche que le propriétaire de collections poursuive à travers l'exploitation
du musée une mission de service public ou, du moins, d'intérêt général à
caractère non commercial et que la responsabilité scientifique et culturelle du
musée soit assurée par un personnel qualifié. On retrouve donc la distinction
entre propriété et gestion.
M. le président.
Monsieur Dupont, l'amendement n° 63 est-il maintenu ?
M. Jean-Léonce Dupont.
Les explications sans ambiguïté de Mme la ministre et de M. le rapporteur
m'amènent à le retirer, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° 63 est retité.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
Mes chers collègues, contrairement à ce que dit Mme la
ministre, il y a bien confusion. Selon le texte tel qu'il nous vient de
l'Assemblée nationale, « l'objet est de présenter au public, pour la
connaissance, l'éducation et le plaisir, des ensembles permanents de biens
mobiliers ou immobiliers réunis à cette fin ».
Cette définition prend donc en considération à la fois les immeubles et les
collections en même temps qu'elle évoque les objectifs fixés par les musées.
Or, il serait préférable de distinguer les problèmes. L'article 1er traite de
ce qui fait la base des musées, à savoir les collections.
Effectivement, madame la ministre, les immeubles peuvent, comme pour le
magnifique écomusée de Ungersheim, faire partie de la collection exposée. Il
serait néanmoins dommageable que le texte puisse donner lieu à plusieurs
interprétations. Il me semble donc utile de rappeler que le coeur du dispositif
des musées est constitué par les collections, lesquelles font l'objet de la
labellisation, et de ne définir les modalités de gestion qu'à l'article 1er
bis.
Je vous invite donc, mes chers collègues, à adopter l'amendement n° 1.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 1, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 1er est ainsi rédigé.
Article 1er bis
M. le président.
« Art. 1er
bis. -
Les musées de France ont pour missions permanentes de
:
«
a)
Conserver, préserver, restaurer, étudier et enrichir leurs
collections ;
«
b)
Rendre leurs collections accessibles au public le plus large et
les exposer dans des espaces adaptés ;
«
c)
Concevoir et mettre en oeuvre des actions d'éducation et de
diffusion visant à assurer l'égal accès de tous à la culture ;
«
d)
Contribuer aux progrès de la connaissance et de la recherche ainsi
qu'à leur diffusion et, à cette fin, assurer aux personnes se livrant à des
recherches scientifiques l'accès à leurs collections.
« Les modalités de réalisation de ces missions sont formalisées dans un
document retraçant le projet scientifique et culturel du musée. »
L'amendement n° 2, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est ainsi
libellé :
« Rédiger ainsi le début du deuxième alinéa
a
de l'article 1er
bis
:
«
a)
conserver, étudier et »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
Cet amendement tend à apporter une précision rédactionnelle.
Dans le deuxième alinéa
a
de l'article 1er
bis,
nous supprimons
les mots « préserver et restaurer » parce que la notion de conservation
recouvre également la notion de préservation et de restauration.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Le Gouvernement est
défavorable à cet amendement, car la préservation et la restauration sont
distinctes de la conservation.
Préserver, c'est assurer le maintien de l'intégrité matérielle des
collections, notamment par des mesures préventives visant à assurer la survie
des objets en intervenant sur leur environnement et en stabilisant leur
état.
Restaurer, c'est intervenir sur les collections par des actes qui tendent à
dégager l'état originel d'un objet, à améliorer sa présentation.
Conserver recouvre en France l'ensemble des missions des conservateurs,
c'est-à-dire essentiellement acquérir, sauvegarder, étudier et transmettre.
Telles sont les missions distinctes et essentielles des musées de France, et
c'est pourquoi le projet de loi les précise.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 2, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 68, présenté par MM. Renar et Ralite, Mme David, M. Autain et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Compléter le deuxième alinéa
a
de l'article 1er
bis
par les
mots : "dans le respect des règles nationales et internationales ;". »
La parole est à Mme David.
Mme Annie David.
Cet amendement vise à prévenir un certain nombre de conflits qui se produisent
encore aujourd'hui en matière d'acquisition des oeuvres d'art ; je veux évoquer
la manière dont notre pays s'est parfois illustré par le passé - un passé
encore récent ! - s'agissant de l'acquisition d'oeuvres internationales.
S'il est louable, en effet, d'avoir pour souci d'enrichir nos collections
nationales de l'ensemble du patrimoine culturel mondial, cet enrichissement ne
doit pas se concevoir comme une spoliation des biens de pays ou de
civilisations dont l'histoire ancienne ou contemporaine est moins assurément
assise que la nôtre. Le désir de constituer des collections prestigieuses ne
doit pas nourrir des formes d'acquisition assez peu scrupuleuses, qui se
réalisent dans la plus grande ignorance des traités et des conventions
internationales.
Il nous semblait important que le texte qui nous est soumis, dont la portée -
à tout le moins l'ambition qui le sous-tend - est de refonder la politique des
musées, mentionne l'existence de ces règles en matière de politique
d'acquisition des oeuvres d'art.
Tel est le sens de cet amendement, qui manquait singulièrement au projet de
loi que nous examinons.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Richert,
rapporteur.
La précision introduite par l'amendement semble aller de soi.
Les textes que nous votons doivent respecter les lois nationales et les traités
internationaux. La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
J'estime moi aussi qu'il
va de soi que l'activité des musées, comme toute autre activité dans ce pays,
doit respecter l'ordonnancement juridique résultant des lois et des traités
internationaux. La précision contenue dans l'amendement n'est donc pas
nécessaire.
Je crois comprendre que Mme la sénatrice doute, dans ce domaine particulier,
du respect absolu des lois et des traités internationaux. C'est dans cette
perspective que s'inscrit sa proposition.
Toutefois, dans la mesure où cette mention ne semble pas nécessaire, le
Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 68.
M. Ivan Renar.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar.
Il s'agit, non pas seulement d'écrire ce qui va de soi, mais d'éviter
certaines polémiques.
A cet égard, Mme David a pris des précautions pour ne pas ouvrir de polémique
gratuite.
(M. le rapporteur fait un signe d'approbation.)
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
C'était sage !
M. Ivan Renar.
Je pense au Louvre, à ce qui se passait quai Branly...
Nous avons eu ce souci parce que des pays d'Asie, d'Afrique ou d'Amérique
latine ont effectivement été victimes de spoliations. Nous ne souhaitons pas
que cela puisse être l'objet de polémiques au moment où un musée va s'ouvrir,
où des collections sont en train de se constituer. Telle est notre volonté.
Nous ne mettons en cause ni le Gouvernement actuel ni ses prédécesseurs. Mais
il faut éviter que des aventuriers n'essaient de faire certaines récupérations.
Restons prudents et écrivons noir sur blanc que les normes nationales et
internationales seront respectées.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 68, repoussé par la commission et pour lequel
le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 3, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est ainsi
libellé :
« A la fin du troisième alinéa
b
de l'article 1er
bis,
supprimer
les mots : "et les exposer dans des espaces adaptés". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
Il me semble évident que, par principe, les objets de
collection doivent être exposés dans des espaces adaptés. Nous proposons de
supprimer cette mention qui va de soi.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Peut-être pourrons-nous,
au terme de ce débat, faire un traité sur l'expression « qui va de soi ».
(Sourires.)
Plus sérieusement, monsieur le rapporteur, je conçois que cette notion d'«
espaces adaptés » puisse aller de soi aux yeux de tous ceux qui ont le souci du
bon fonctionnement des musées.
Force est quand même de constater que ce souci n'est pas universellement
partagé et respecté, puisque dans certains musées, y compris d'ailleurs dans
des musées contrôlés, il arrive que les espaces soient peu adaptés en surface
aux collections. Cette précision dans la loi me paraît utile, car elle vaut
engagement des partenaires. Le Gouvernement est donc défavorable à cet
amendement.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 3, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° 4, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est ainsi
libellé :
« A la fin de l'avant-dernier alinéa
d
de l'article 1er
bis,
supprimer les mots : "et, à cette fin, assurer aux personnes se livrant à
des recherches scientifiques l'accès à leurs collections". »
L'amendement n° 49, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Dans le cinquième alinéa
d
de l'article 1er
bis,
supprimer le
mot : "scientifiques". »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 4.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, la commission des affaires
culturelles et le Sénat sont soucieux de ne pas alourdir les projets de loi par
des précisions réglementaires pour que la lecture en soit la plus directe
possible.
Conformément à ce principe, l'amendement n° 4 tend à supprimer une partie de
phrase dont la rédaction peut sembler maladroite à plusieurs égards. Si
l'intention est tout à fait louable, il s'agit d'éviter que les musées ne
soient organisés en vue de la seule satisfaction de leur conservateur.
L'ouverture des musées aux chercheurs n'est pas l'unique moyen dont disposent
les musées pour « contribuer aux progrès de la connaissance et de la recherche
». Par ailleurs, on peut se demander pourquoi seules les recherches
scientifiques sont visées.
Enfin, il importe de laisser les musées libres d'apprécier les modalités pour
atteindre cet objectif. En effet, les conservateurs sont les plus aptes à fixer
au cas par cas les conditions dans lesquelles les collections exposées sont ou
non accessibles aux chercheurs.
Dès que l'on commence à établir une liste, le risque est toujours grand
d'oublier une partie des mentions qu'elle devrait comporter. Tel est l'objet de
cet amendement.
M. le président.
La parole est à Mme la ministre, pour présenter l'amendement n° 49 et donner
l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 4.
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Je comprends le souci de
M. le rapporteur de laisser les musées et leurs professionnels libres
d'apprécier les modalités pour atteindre l'objectif de contribution aux progrès
de la connaissance et de la recherche.
Cet objectif implique de ménager aux chercheurs l'accès réel aux collections.
Il me semble vraiment important de le préciser dans la loi puisque, compte tenu
des règles de fonctionnement et de sécurité, cet accès peut effectivement
entraîner des sujétions particulières, notamment en ce qui concerne la
consultation des documentations et des réserves.
Or, la communauté des chercheurs demande - aujourd'hui peut-être plus qu'hier
- un accès plus aisé à ces collections. C'est l'une des formes du partage de ce
patrimoine extraordinaire que possèdent nos musées.
J'ai noté qu'une des objections soulevées par M. le rapporteur concernait la
qualification « scientifiques ». Nous ne sommes pas obligés d'aller jusqu'à ce
degré de précision. Tel est d'ailleurs l'objet de l'amendement n° 49.
Je suis défavorable à l'amendement n° 4, car il me paraît important de donner
une indication forte sur l'accueil des chercheurs et sur leur accès aux
collections.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 49 ?
M. Philippe Richert,
rapporteur.
L'avis ne peut qu'être défavorable puisque nous proposons de
supprimer l'alinéa sur lequel porte cet amendement.
Il faut en effet éviter la confusion à laquelle peuvent prêter les termes de «
recherches scientifiques ».
Certes, la commission, je vous le confirme, ne peut que souscrire au souci de
tout mettre en oeuvre pour encourager les recherches sur les collections des
musées. Mais il est superflu de le préciser dans le texte de loi.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 4, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'amendement n° 49 n'a plus d'objet.
L'amendement n° 5, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est ainsi
libellé :
« Supprimer le dernier alinéa de cet article. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
Cet amendement vise à supprimer le dernier alinéa de
l'article 1er
bis
selon lequel les modalités de réalisation de ces
missions sont formalisées dans un document retraçant le projet scientifique et
culturel du musée.
Là encore, cette précision ne relève pas du domaine de la loi. Dans la
rédaction de l'Assemblée nationale, on voit mal ce qui distingue le projet
scientifique et culturel visé par cet alinéa de la convention prévue à
l'article 4.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Le Gouvernement, qui
partage l'opinion de M. le rapporteur, émet un avis favorable. Le projet
scientifique et culturel est un document important, riche d'orientations pour
le musée. Il ne saurait être considéré par la loi comme un document obligatoire
dont la nature juridique peut paraître insuffisamment déterminée. Comme l'a dit
M. le rapporteur, nous examinerons la convention ultérieurement.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 5, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 1er
bis,
modifié.
(L'article 1er
bis
est adopté.)
Article 2
M. le président.
« Art. 2. - Il est créé, auprès du ministre chargé de la culture, un Conseil
des musées de France, comprenant des représentants de l'Etat et des
collectivités territoriales, des professionnels des musées, et notamment des
professionnels et des spécialistes mentionnés aux articles 5 et 11, ainsi que
des personnalités qualifiées comprenant des représentants d'associations
représentatives du public, qui peut être consulté ou formuler des
recommandations sur toute question relative aux musées de France.
« Le Conseil des musées de France est obligatoirement consulté dans les cas
prévus aux articles 3, 8, 9, 12 et 14.
« Un décret en Conseil d'Etat précise la composition et les règles de
fonctionnement du Conseil des musées de France. »
L'amendement n° 6, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est ainsi
libellé :
« Remplacer le premier alinéa de l'article 2 par les dispositions suivantes
:
« Il est créé, auprès du ministre chargé de la culture, un haut conseil des
musées de France composé, outre son président :
« - d'un député et d'un sénateur désignés par leur assemblée respective ;
« - de quatre représentants de l'Etat ;
« - de quatre représentants des collectivités territoriales ;
« - de quatre représentants des personnels mentionnés aux articles 5 et 11
;
« - de quatre personnalités qualifiées parmi lesquelles figure un représentant
d'associations représentatives du public.
« Le haut conseil des musées de France peut être consulté ou formuler des
recommandations sur toute question relative aux musées de France. »
Le sous-amendement n° 50, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi les quatrième à sixième alinéas du texte proposé par
l'amendement n° 6 :
« - de six représentants des collectivités territoriales ;
« - de six représentants des personnels mentionnés à l'article 5 et des
spécialistes mentionnés à l'article 11 ;
« - de six personnalités qualifiées parmi lesquelles figurent deux
représentants de personnes morales de droit privé propriétaires d'un musée de
France et un représentant d'associations représentatives du public. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 6.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
L'amendement n° 6 précise la composition de l'instance
consultative nationale afin de garantir sa représentativité et son bon
fonctionnement. En restreignant le nombre de ses membres dans le souci de
dynamiser son fonctionnement. Un effectif trop nombreux risquerait de donner un
caractère trop formel à ses délibérations.
Par ailleurs, une telle composition, qui est de nature à la distinguer des
commissions consultatives à vocation scientifique, permettra d'affirmer plus
clairement l'autorité de l'instance que je vous proposerai de dénommer « haut
conseil des musées de France ».
M. le président.
La parole est à Mme le ministre, pour défendre le sous-amendement n° 50.
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Nous sommes favorables à
la dénomination proposée par la commission.
Afin de refléter à la fois les préoccupations des représentants de l'Etat, des
collectivités territoriales et des personnes privées propriétaires de musées de
France, et de permettre l'expression des différents partenaires professionnels
des musées de France, il est nécessaire d'élargir la composition du Haut
Conseil des musées de France.
Toutefois, la composition proposée nous paraît légèrement insuffisante en
nombre pour refléter à la fois toutes les préoccupations et toutes les
compétences des partenaires de la communauté muséale. C'est pourquoi le
Gouvernement présente un sous-amendement tendant à accroître le nombre des
personnes appelées à siéger au sein du Haut Conseil des musées de France. Sous
réserve de l'adoption de ce sous-amendement, j'émets un avis favorable sur
l'amendement n° 6.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 50 ?
M. Philippe Richert,
rapporteur.
Comme le sous-amendement maintient les équilibres souhaités
par la commission, j'émets un avis favorable. Cela permettra à la commission et
au Gouvernement de se rejoindre.
M. le président.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 50, accepté par la commission.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° 6, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 7, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est ainsi
libellé :
« Dans le deuxième alinéa de l'article 2, remplacer les mots : "Conseil des
musées de France" par les mots : "Haut Conseil des musées de France". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de coordination terminologique.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Favorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 7, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 8, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est ainsi
libellé :
« Dans le deuxième alinéa de l'article 2, supprimer le mot :
"obligatoirement". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Favorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 8, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 9, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est ainsi
libellé :
« Rédiger ainsi le dernier alinéa de l'article 2 :
« Un décret en Conseil d'Etat fixe sa composition, ses modalités de
désignation et de fonctionnement et les conditions de publication de ses avis.
»
Le sous-amendement n° 51, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Dans le texte proposé par l'amendement n° 9, après les mots : "les
conditions" insérer les mots : "de notification ou". »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 9.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
Il s'agit de prévoir la publicité des avis du Haut Conseil
des musées de France, ce qui sera de nature à accroître l'autorité de celui-ci
face aux services de l'Etat.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre, pour présenter le sous-amendement n° 51 et
pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 9.
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Il s'agit d'assurer la
transparence et la publicité des avis du Haut Conseil des musées de France. Il
paraît toutefois préférable de laisser au règlement le soin de déterminer les
catégories de situations dans lesquelles l'avis doit être publié. Il n'est pas
certain qu'une pratique élargie de consultation du Haut Conseil des musées de
France par le Gouvernement doive déboucher dans tous les cas sur une
publication de celui-ci, notamment en ce qui concerne l'examen détaillé des
conditions remplies ou non par les institutions pour lesquelles l'appellation «
musées de France » est demandée. A l'égard de ces dernières, c'est plutôt une
notification qu'il conviendrait d'organiser.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 51.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
La commission souhaite maintenir sa rédaction. En effet, le
sous-amendement proposé par le Gouvernement prévoit que, selon les cas, les
avis du Haut Conseil seront publiés ou notifiés en fonction de leur sens. Tous
les avis qui sont rendus par le Haut Conseil, et quels que soient ces avis,
doivent être publiés. Cela renforce, bien sûr, l'autorité de ce dernier. La
commission émet donc un avis défavorable sur ce sous-amendement.
M. le président.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 51, repoussé par la commission.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 9, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Article 3
M. le président.
« Art. 3. - L'appellation "musée de France" est attribuée à la demande de la
personne morale propriétaire des collections, par décision du ministre chargé
de la culture et, le cas échéant, du ministre intéressé, après avis du Conseil
des musées de France.
« Lorsque la demande émane d'une personne morale de droit privé à but non
lucratif, l'attribution de cette appellation est subordonnée à la présentation
d'un inventaire des biens composant les collections, à la justification de
l'absence de sûretés réelles grevant ces biens et à la présence, dans les
statuts de la personne en cause, d'une clause prévoyant l'affectation
irrévocable de ces biens à la présentation au public conformément à la présente
loi. La décision attribuant l'appellation ainsi que l'inventaire joint à la
demande font l'objet de mesures de publicité définies par décret en Conseil
d'Etat.
« L'appellation "musée de France" peut être retirée, dans les formes prévues
au premier alinéa, lorsque les missions permanentes et les motifs d'intérêt
public ayant fondé la décision d'attribution de l'appellation ne sont plus
réalisés.
« La personne morale propriétaire des collections d'un musée ayant reçu
l'appellation "musée de France" peut demander qu'il soit mis fin à cette
appellation à compter d'un délai d'un an après son obtention. Le Conseil des
musées de France donne obligatoirement un avis sur cette demande. »
L'amendement n° 10, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« Dans le premier alinéa de l'article 3, remplacer les mots : "de la personne
morale propriétaire" par les mots : "de la ou des personnes morales
propriétaires". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
Cet amendement prévoit que l'appellation peut être accordée à
plusieurs musées relevant de propriétaires différents afin que les réseaux de
musées puissent en bénéficier, en tant que tels. Je prends l'exemple d'un parc
naturel dans lequel plusieurs musées sont regroupés sous la responsabilité d'un
seul conservateur. En effet, dans de tels cas, il me paraît important que
l'appellation « musée de France » puisse être atribuée à de tels réseaux.
Tel est l'objet du présent amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Le Gouvernement doute que,
dans la pratique, des réseaux de musées appartenant à des propriétaires
différents puissent constituer par eux-mêmes un musée unique sous l'appellation
« musée de France », même s'il espère bien qu'ils pourront travailler
ensemble.
Cela dit, soucieux de ne pas nuire au développement des réseaux et faisant
confiance à la doctrine que saura élaborer le futur Haut Conseil des musées de
France, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 10, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 11, présenté par M. Richer, au nom de la commission, est ainsi
rédigé :
« Après les mots : "ministre intéressé,", rédiger ainsi la fin du premier
alinéa de l'article 3 : "après avis conforme du Haut Conseil des musées de
France". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
Cet amendement concerne les avis donnés par le Haut Conseil
des musées de France. Au-delà d'une coordination terminologique, il vise à
renforcer l'autorité du Haut Conseil des musées de France en prévoyant que son
avis lie l'autorité administrative dans la procédure d'attribution du label.
Vous l'aurez compris, cet amendement n'est pas seulement formel et il conforte
l'autorité de cette instance.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Le Gouvernement ne partage
pas le souhait du rapporteur de voir le ministre chargé de la culture lié de
manière systématique par l'avis du Haut Conseil des musées de France.
Pour cette partie de la loi qui organise l'entrée dans la catégorie « musée de
France », il est possible qu'une personne morale propriétaire de collections
demande l'appellation « musée de France » et que, malgré l'avis négatif du Haut
Conseil des musées de France, le ministre chargé de la culture et, le cas
échéant, le ministre intéressé estiment indispensable de conférer cette
appellation compte tenu de l'intérêt public des collections.
Il s'agit là d'une responsabilité politique et administrative des ministres.
Ce n'est pas amoindrir le rôle du Haut Conseil, c'est simplement maintenir la
responsabilité de l'Etat en la matière. Le Gouvernement est donc défavorable au
fait que le ministre intéressé soit systématiquement lié par l'avis du Haut
Conseil.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 11.
M. Yann Gaillard.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard.
Pour ce qui me concerne, je partage l'avis du Gouvernement : il faut maintenir
la possibilité pour l'Etat d'arbitrer certaines choses.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
Je voudrais revenir un instant sur la composition du Haut
Conseil et sur les raisons qui justifient sa création.
Nous avons beaucoup insisté pour que soit assurée a sein du Haut Conseil une
représentation des différentes catégories de musées à travers une répartition
équilibrée des différents collèges, notamment en assurant la présence au sein
de ce conseil des collectivités territoriales et des experts indépendants.
Pour conférer au label tout son sens, et non pas pour qu'il soit la simple
reprise de catégories existantes, amalgamées dans une nouvelle terminologie, il
importe que cette autorité supérieure soit garante de l'examen impartial des
demandes d'obtention du label. Aussi, je souhaite que le ministre soit lié par
cet examen.
La composition du Haut Conseil est très équilibrée. En effet, siègent
notamment six représentants des collectivités territoriales. Il s'agit d'un
élément qu'il me semble important de prendre en compte.
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Nous nous sommes tout à
fait rejoints sur la composition du Haut Conseil et sur la mission qui en est
attendue. Cependant, notre appréciation diffère sur la nature même de sa
mission. En effet, M. le rapporteur vient d'employer les termes d' « autorité
supérieure ». Pour sa part, le Gouvernement reste dans l'optique d'un Haut
Conseil qui, par ses avis, éclaire les décisions de l'Etat. Je crois
sincèrement que, dans la très grande majorité des cas, la proposition du Haut
Conseil sera suivie par le ministre concerné.
Il s'agit d'un Haut Conseil, et non d'une autorité supérieure au sens que nous
donnons souvent à l'expression « autorité indépendante ». Prévoir que toutes
les positions qu'il prendra s'imposeront au ministre, c'est aller au-delà du
rôle d'un tel conseil.
Je le répète : le Gouvernement souhaite que l'Etat puisse, dans des cas
exceptionnels, ne pas suivre l'avis du Haut Conseil.
M. Bernard Joly.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly.
Mme le ministre a souhaité que l'Etat puisse être éclairé par les avis du Haut
Conseil. Dans ces conditions, ne conviendrait-il pas de prévoir que
l'appellation « musée de France » sera attribuée après avis consultatif du Haut
Conseil ? Cela permettrait à la commission et au Gouvernement de se
rejoindre.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
J'ai bien compris que Mme la ministre souhaitait avoir la
possibilité, de façon exceptionnelle, de ne pas suivre l'avis du Haut
Conseil.
Tout à l'heure, un certain nombre de sénateurs ont craint une mainmise des
services de l'Etat. Nous avons voulu donner à ce haut conseil une plus grande
autorité. Comme certains l'ont rappelé dans leur propos liminaire, c'est dans
cet esprit que nous souhaitions prévoir un avis conforme du Haut Conseil lors
de l'attribution du label.
Madame le ministre, vous avez dit - et cela figurera dans le compte rendu des
débats - que l'Etat souhaitait avoir la possibilité, à titre exceptionnel, ne
pas suivre l'avis du Haut Conseil. Je comprends cette préoccupation. Aussi, je
maintiens cet amendement, mais je rends leur liberté de vote aux membres de la
commission : la sagesse s'exprimera.
M. Ivan Renar.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar.
Avec mes amis, j'allais me réfugier dans une abstention prudente, mais M. le
rapporteur faisant appel à la sagesse de la Haute Assemblée et déliant ainsi
les membres de la commission d'un serment... qu'ils n'ont d'ailleurs pas
vraiment prêté
(Sourires),
je modifie mon point de vue.
Après le débat qui vient d'avoir lieu, après avoir écouté notre collègue Yann
Gaillard et Mme la ministre, il me semble effectivement pertinent que le
ministre puisse décider malgré le Haut Conseil des musées de France.
Nous voterons donc contre l'amendement n° 11 de la commission conformément au
souhait du Gouvernement et de notre collègue Yann Gaillard ; comme quoi, mon
cher collègue, il est des moments où, dans un débat, nous pouvons nous
retrouver sur une même idée de l'art, des musées et de la France.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
Monsieur le président, pour que l'expression « Haut Conseil
des musées de France » figure dans le projet de loi, je souhaite rectifier mon
amendement en supprimant le mot « conforme ». Ainsi, il pourra être adopté sans
difficulté.
M. le président.
Je suis donc saisi d'un amendement n° 11 rectifié, présenté par M. Richert, au
nom de la commission, et ainsi libellé :
« Après les mots : "ministre intéressé,", rédiger ainsi la fin du premier
alinéa de l'article 3 : "après avis du Haut Conseil des musées de France". »
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Favorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 11 rectifié, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 12, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« Après les mots : "d'une clause prévoyant l'affectation irrévocable", rédiger
ainsi la fin de la première phrase du deuxième alinéa de l'article 3 : "des
biens acquis avec le concours de l'Etat ou d'une collectivité territoriale à la
présentation au public conformément à l'article 8 de la présente loi". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert
rapporteur.
Cet amendement anticipe la position que je proposerai au
Sénat d'adopter à l'article 8, qui concerne le statut des collections des
musées de France appartenant à des personnes privées.
En effet, le projet de loi prévoit pour ces collections un statut qui limite
très significativement les droits de leur propriétaire. Le paragraphe III de
l'article 8 dispose en effet que les biens constituant ces collections ne
pourront être cédés, « à titre gratuit ou onéreux, qu'aux personnes publiques
ou aux personnes morales de droit privé à but non lucratif qui se sont
engagées, au préalable, à maintenir l'affectation de ces collections à un musée
de France. »
Un tel dispositif institue une contrainte très lourde sur la gestion des
collections, contrainte qui a d'ailleurs pour effet de dévaluer le patrimoine
des musées privés. Certes, on peut arguer du fait que ces restrictions au droit
de propriété sont librement consenties par le propriétaire lui-même lorsqu'il
sollicite le label. Toutefois, il y a fort à craindre que cette conséquence du
label ne dissuade les collections privées d'entrer dans le champ des musées de
France et donc n'entrave le développement du partenariat entre les institutions
publiques et les structures issues de l'initiative privée, qui sont pourtant,
de l'aveu de tous, nécessaires.
Une telle disposition illustre la difficulté pour les services de l'Etat de
concevoir l'existence de collections privées de grande ampleur à côté de celles
des musées publics et donc d'imaginer un autre mode de gestion d'une collection
muséographique.
Limiter trop strictement les possibilités de cession des oeuvres aboutit à
figer les collections au détriment de leur enrichissement, voire de leur
survie. Pourquoi interdire à un musée privé de se défaire d'une oeuvre pour en
acheter une autre, ce qui permettrait d'accroître la cohérence des collections
? Il s'agit là d'un acte courant, voire nécessaire, pour tout collectionneur
privé.
A mon sens, la disposition figurant au paragraphe III de l'article 8 compromet
le développement des musées privés en les condamnant, à terme, à être englobés
dans des collections publiques.
Je vous demanderai donc, mes chers collègues, de revenir sur cette proposition
en prévoyant que cette semi-inaliénabilité ne s'applique qu'aux oeuvres
acquises avec le concours de l'Etat ou des collectivités territoriales. Il
semble en effet légitime d'éviter que les subventions publiques ne soient
utilisées pour réaliser des plus-values sur les oeuvres à l'acquisition
desquelles elles contribuent.
Cette modification met-elle en péril l'intégrité, la cohérence des collections
privées labellisées, comme vous le prétendiez tout à l'heure, madame le
ministre ? Ce n'est pas le cas lorsque les musées sont des fondations ou des
associations reconnues d'utilité publique. En cas de liquidation ou de
dissolution de ces organismes, les procédures de dévolution sont prévues par
leurs statuts, statuts approuvés par l'autorité administrative, qui, dans ce
cadre, peut veiller à ce que les collections soient intégrées dans celles d'un
musée.
S'agissant des fondations, si les collections font partie de la dotation
initiale, elles sont revêtues d'un caractère inaliénable.
Enfin, s'il s'agit de musées qui sont ni des fondations ni des associations
reconnues d'utilité publique, rien n'interdit à l'Etat de conclure au cas par
cas avec eux des conventions prévoyant l'inaliénabilité de telle ou telle
oeuvre.
Si cette modification portant sur l'article 8 devait être adoptée, il
conviendrait, par coordination, que soit modifiée la rédaction du deuxième
alinéa de l'article que nous examinons afin de préciser que la clause
d'inaliénabilité prévoyant l'affectation irrévocable à un musée de France
figurant dans les statuts des musées privés ne concerne que les biens acquis
avec le concours de l'Etat ou d'une collectivité territoiriale.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Avec cet amendement, nous
abordons le grave sujet de la pérennité, dans leur ensemble, des collections
constitutives des musées de France.
Le Gouvernement réaffirme que la constitution et la pérennité des musées
privés résultant d'initiatives privées lui paraissent aussi importantes que la
constitution et le développement des musées publics. A cet égard, il importe de
reconnaître l'appartenance à une même catégorie de musées de France tant de
musées relevant de personnes morales de droit public que de musées relevant de
personnes morales de droit privé à but non lucratif. Ceux-ci ne sont en effet
pas assimilables aux collectionneurs privés profitant de l'occasion, je tiens à
rendre hommage pour leur passion et pour leur engagement souvent personnel dans
la constitution de collections - et font partie d'un ensemble à vocation
collective et pérenne, situé en dehors du champ de la spéculation.
On doit donc faire en sorte que leurs collections qui présentent un intérêt
public soient assurées de pérennité. Aussi, dès lors qu'une personne privée
souhaite que le musée dont elle est propriétaire entre dans la catégorie «
musée de France », elle doit accepter cette contrainte de permanence et
l'impossibilité de l'aliéner à un autre acquéreur qu'un autre musée de
France.
Je rappelle que, sur ce point, le projet de loi ne fait que consacrer une
longue pratique dont les résultats positifs sont incontestables puisque les
personnes morales de droit privé propriétaires d'un musée inscrit ont prévu
dans leur statut des clauses prévoyant l'affectation irrévocable des biens de
celui-ci à la présentation au public. En cas de dissolution est prévue la
dévolution des collections à un autre musée.
Il est important que la loi nouvelle n'aille pas à l'encontre d'un principe
admis et respecté depuis des décennies puisqu'il n'y a guère eu d'entorse à
cette pratique. Les propriétaires privés semblent eux-mêmes accepter cette
règle.
Je rappelle que le principe de transmission d'un patrimoine aux générations
futures est inhérent à cette notion de « musée de France ». La survie des
collections n'est pas en jeu puisque la population des musées de France est
suffisamment large pour accueillir les collections de tel ou tel musée privé
qui rencontrerait des difficultés pour continuer à financer son
fonctionnement.
Par conséquent, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 12, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 13, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le troisième alinéa de l'article 3 :
« Lorsque la conservation et la présentation au public des collections cessent
de revêtir un intérêt public, l'appellation "musée de France" peut être retirée
par décision du ministre chargé de la culture et, le cas échéant, du ministre
intéressé, après avis conforme du Haut Conseil des musées de France. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
Par cet amendement, la commission propose un dispositif de
retrait du label « musée de France » qui lui semble plus approprié.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Considérant comme opportun
le recueil de l'avis conforme du Haut Conseil des musées de France
préalablement au retrait de l'appellation « musée de France », le Gouvernement
émet un avis favorable sur cet amendement.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 13, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je constate que cet amendement a été adopté à l'unanimité.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° 14 rectifié, présenté par M. Richert, au nom de la commission,
est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le dernier alinéa de l'article 3 :
« A l'expiration d'un délai de quatre ans à compter de la décision
l'attribuant, l'appellation « musée de France » est retirée à la demande de la
personne morale propriétaire des collections par le ministre chargé de la
culture et, le cas échéant, par le ministre intéressé. Toutefois, lorsque le
musée a bénéficié de concours financiers de l'Etat ou d'une collectivité
territoriale, le ministre de la culture et, le cas échéant, le ministre
intéressé ne peuvent retirer l'appellation qu'après avis conforme du Haut
Conseil des musées de France. Dans ce cas, le retrait de l'appellation prend
effet lorsque la personne morale propriétaire des collections a transféré à un
autre musée de France la propriété des biens ayant fait l'objet d'un transfert
de propriété en application des articles 8 et 9 ou acquis avec des concours
publics ou après exercice du droit de préemption prévu par l'article 37 de la
loi du 31 décembre 1921 portant fixation du budget général de l'exercice de
1922 ou à la suite d'une souscription publique. »
L'amendement n° 52, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Remplacer le dernier alinéa de l'article 3 par six alinéas ainsi rédigés
:
« A l'expiration d'un délai de quatre ans à compter de la décision
l'attribuant, la personne morale propriétaire des collections peut demander le
retrait de l'appellation "musée de France". Le retrait est subordonné à l'avis
conforme du Haut Conseil des musées de France.
« Le retrait de l'appellation "musée de France" prend effet lorsque la
personne morale propriétaire des collections a transféré à un autre musée de
France la propriété des biens acquis selon une ou plusieurs des modalités
suivantes :
« - en application des articles 8 et 9 de la présente loi ;
« - après exercice du droit de préemption en application de l'article 37 de la
loi du 31 décembre 1921 portant fixation du budget général de l'exercice 1922
;
« - avec le concours financier de l'Etat ou d'une autre collectivité
territoriale ;
« - à la suite d'une souscription publique en application de l'article 200 du
code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 14
rectifié.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
Cet amendement prévoit qu'à l'expiration d'un délai de quatre
ans à compter de la décision qui a attribué l'appellation « musée de France »,
le propriétaire des collectivités peut demander le retrait de ce label. Il est
fait droit automatiquement à cette demande lorsque la collection n'a bénéficié
d'aucune aide de l'Etat ni des collectivités. En revanche, lorsque le musée a
bénéficié de concours financiers de l'Etat ou de collectivités locales, la
commission souhaite que le Haut Conseil se prononce sur les conditions de
retrait du label.
Afin d'éviter qu'un propriétaire ayant obtenu des subventions et profité
d'avantages fiscaux ne puisse de son propre chef se soustraire aux obligations
de la loi, nous proposons d'imposer que la propriété des oeuvres ayant
bénéficié de ces avantages ne puisse être transmise qu'à un autre musée classé
« musée de France ».
M. le président.
La parole est à Mme le ministre, pour défendre l'amendement n° 52 et donner
l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 14 rectifié.
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Le délai requis pour
obtenir le retrait du label « musée de France » figurant dans l'amendement n°
14 rectifié est préférable à celui qu'a prévu l'Assemblée nationale. Toutefois,
le Gouvernement ne peut donner son accord à la rédaction de la commission dans
la mesure où celle-ci prévoit que ce retrait est de droit.
Aussi, pour intégrer la préoccupation exprimée par la commission, le
Gouvernement a déposé l'amendement n° 52, qui vise à soumettre le retrait du
label à l'avis conforme du Haut Conseil des musées de France.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 52 ?
M. Philippe Richert,
rapporteur.
En fait, la différence entre les deux amendements ne concerne
que les musées ayant reçu l'appellation « musée de France » qui n'ont obtenu
aucune aide.
La commission propose que, après un délai de quatre ans, il soit
systématiquement fait droit à la demande d'un tel musée qui souhaiterait
renoncer à l'appellation, alors que, dans l'amendement du Gouvernement, le
retrait de l'appellation est subordonné, y compris pour ces musées qui n'ont
bénéficié d'aucune aide publique, à l'avis conforme du Haut Conseil des musées
de France.
Selon nous, dans la mesure où le musée n'a reçu aucune aide, il doit avoir la
liberté pleine et entière de renoncer à l'appellation.
C'est la raison pour laquelle je suis amené à émettre un avis défavorable sur
l'amendement n° 52.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 14 rectifié.
M. Ivan Renar.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar.
Monsieur le président, à la vérité, il s'agit plus d'une question que d'une
explication de vote.
Il me semble que, dans les deux amendements, une précision fait défaut. Quel
est, au juste, le statut juridique des oeuvres acquises avec le concours de
l'Etat ? Qui en est, en fait, propriétaire ?
Cela me rappelle le problème des entreprises qui ont reçu des subventions
publiques. Il est question de demander le remboursement des subventions lorsque
l'entreprise n'a pas respecté ses engagements, notamment en décidant de
procéder à des licenciements.
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Monsieur Renar, les
oeuvres acquises sur fonds publics doivent rester dans l'ensemble « musées de
France » ; elles doivent donc être transférées à un autre musée de France.
M. Ivan Renar.
Ce n'était pas tout à fait le sens de ma question.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
Dans l'amendement de la commission, il est bien précisé que «
le retrait de l'appellation prend effet lorsque la personne morale propriétaire
des collections a transféré à un autre musée de France la propriété des biens »
qui ont été acquis, notamment, avec des aides publiques.
Peut-être cette rédaction ne satisfait-elle pas totalement notre collègue,
mais elle me paraît répondre à sa question.
M. Ivan Renar.
Je crois que cela va donner du travail aux avocats !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 14 rectifié, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'amendement n° 52 n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 3, modifié.
(L'article 3 est adopté.)
Article 4
M. le président.
« Art. 4. - Les musées de France bénéficient, pour l'exercice de leurs
activités, du conseil et de l'expertise des services de l'Etat et de ses
établissements publics.
« Ils sont soumis au contrôle scientifique et technique de l'Etat, qui peut
diligenter des missions d'étude et d'inspection afin de vérifier que ces musées
exécutent les missions définies à l'article 1er
bis.
« Pour les musées dont les collections n'appartiennent pas à l'Etat ou à un de
ses établissements publics, l'attribution de l'appellation "musée de France"
est suivie de la signature d'une convention entre l'Etat, le musée et la
personne morale propriétaire des collections. Cette convention précise les
conditions de réalisation des missions énoncées à l'article 1er
bis
et
de mise en oeuvre des dispositions prévues dans la présente loi. »
L'amendement n° 15, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le deuxième alinéa de l'article 4 :
« Ils sont soumis au contrôle scientifique et technique de l'Etat dans les
conditions prévues par la présente loi. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
En définissant de manière très large le champ du contrôle
scientifique et technique de l'Etat, le projet de loi laisse craindre une
extension des prérogatives de l'autorité administrative sur les musées de
France. Il convient donc de limiter ce contrôle aux seules modalités
explicitement prévues par la loi. C'est ce que nous proposons dans l'amendement
n°15.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Cet avis est défavorable
parce que le texte voté par l'Assemblée nationale définit de manière précise le
champ du contrôle scientifique et technique de l'Etat. Le contrôle de l'Etat
n'est que la contrepartie d'une appellation dont la personne qui la sollicite
sait parfaitement qu'elle s'engage, ce faisant, à respecter un certain nombre
de principes légaux. Il n'y a donc pas à craindre d'excès de pouvoir en la
matière.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
Il est prévu, dans le projet de loi tel qu'il nous vient de
l'Assemblée nationale, que les musées de France sont soumis au contrôle
scientifique et technique de l'Etat. Cette formulation, nous la reprenons, mais
en indiquant simplement que ce contrôle s'effectue dans les conditions prévues
par la présente loi, de manière que le champ des prérogatives de l'Etat ne
vienne pas limiter l'autonomie de gestion dont doivent bénéficier les musées ;
celle-ci doit être préservée.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 15, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 16, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le dernier alinéa de l'article 4 :
« Des conventions conclues entre l'Etat et les musées de France peuvent
préciser les conditions de réalisation des missions énoncées à l'article 1er
bis
et de mise en oeuvre des dispositions de la présente loi. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
Cet amendement se justifie par son texte même.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Le Gouvernement est
favorable à cet amendement.
Il convient de rappeler que les statuts de plusieurs établissements publics
nationaux prévoient la possibilité de conclure avec l'Etat des conventions
d'objectifs. C'est donc une mesure tout à fait judicieuse qui est proposée là
par la commission.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 16, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 4, modifié.
(L'article 4 est adopté.)
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux. Nous les
reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à vingt et une
heures trente, sous la présidence de M. Adrien Gouteyron.)
PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON
vice-président
M. le président.
La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi relatif aux musées de
France.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 5.
Article 5
M. le président.
« Art. 5. - Les activités scientifiques et culturelles des musées de France
sont assurées sous la responsabilité de professionnels présentant des
qualifications définies par décret en Conseil d'Etat. »
L'amendement n° 17, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« Dans l'article 5, supprimer les mots : "et culturelles". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
La commission propose de revenir au texte initial du projet
de loi.
Il ne semble pas nécessaire de fixer dans la loi les compétences exigées des
personnes auxquelles sera confiée la responsabilité de l'animation culturelle
du musée.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
La responsabilité
culturelle ne vise pas seulement l'animation : ainsi, les grandes orientations
de l'action scientifique et culturelle d'un musée de France, par exemple la
politique d'exposition, de publication ou toute autre action de diffusion,
doivent être placées sous la responsabilité de personnels qualifiés.
On aurait pu penser que le terme « scientifiques » englobait cette
responsabilité de diffusion culturelle, mais, pour éviter toute ambiguïté, le
Gouvernement estime sage de conserver cette rédaction et est donc défavorable à
l'amendement.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 17, repoussé par le Gouvernement.
M. Ivan Renar.
Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 69, présenté par MM. Renar et Ralite, Mme David, M. Autain et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après les mots : "sont assurées sous", rédiger comme suit la fin de
l'article 5 : "le contrôle de l'Etat". »
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar.
Monsieur le président, permettez-moi tout d'abord de vous saluer dans vos
nouvelles fonctions : auparavant, nous exercions déjà sous votre houlette, mais
dans une autre enceinte, à savoir celle de la commission des affaires
culturelles. C'est donc la première fois que nous travaillons en séance
publique sous votre autorité, que j'espère bienveillante.
(Sourires.)
M. Hilaire Flandre.
C'est à voir !
M. Ivan Renar.
Quoi qu'il en soit, je vous souhaite beaucoup de succès dans ces nouvelles
fonctions.
M. le président.
Je vous remercie, mon cher collègue !
M. Ivan Renar.
Le texte que nous examinons introduit un certain nombre d'ambiguïtés quant aux
définitions des missions publiques et privées en matière de politique
muséale.
Les missions de la direction des musées de France s'exécutent aujourd'hui dans
d'extrêmes difficultés, liées pour l'essentiel au manque de moyens financiers
quand, dans le même temps, se multiplient les structures muséales.
De multiples conflits ont conduit les acteurs qui ont en charge la politique
culturelle à dénoncer, souvent avec conviction, les insuffisances de la
politique publique. A quelques jours de l'examen budgétaire, il convient de
rappeler que l'effort de l'Etat en matière culturelle, bien qu'important, reste
dans bien des cas encore insuffisants au regard de la multiplication des
missions. Cette insuffisance des crédits ne doit cependant pas conduire à
l'abandon de missions qui relevaient jusqu'alors de la responsabilité de l'Etat
et de ses agents publics.
De surcroît, nous n'avons pas l'assurance que le passage des missions de
service public vers des missions externalisées aille dans le sens d'une
économie. C'est encore moins vrai lorsqu'il s'agit de mettre en oeuvre des
savoir-faire devant mobiliser une très haute technicité et une parfaite
maîtrise : j'ai en tête tout ce qui relève, notamment, des missions de
restauration des oeuvres.
Pour ne pas ajouter aux ambiguïtés que j'évoquais à l'instant, l'amendement
que nous proposons vise à préciser que les missions scientifiques et
culturelles des musées de France sont assurées sous le contrôle de l'Etat.
Tel est le sens de cet amendement, que nous vous demandons de bien vouloir
adopter.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Richert,
rapporteur.
Tel qu'il est rédigé, cet amendement ne peut répondre à son
objet. C'est pourquoi la commission y est défavorable.
M. Ivan Renar.
C'est bien regrettable !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Le projet de loi ne tend
évidemment pas à une externalisation !
Le contrôle de l'Etat sur les musées de France est précisé à l'article 4.
Quant à l'article 5, il garantit la présence de professionnels qualifiés dans
les fonctions de responsabilité scientifique et culturelle.
Au demeurant, la rédaction que vous proposez n'éviterait pas la sous-traitance
de telle ou telle fonction.
Je crois donc que cet amendement est inutile et j'émets un avis
défavorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 69, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 5, modifié.
(L'article 5 est adopté.)
Article 5 bis
M. le président.
« Art. 5
bis.
- L'Etat favorise l'établissement des conventions de
coopération entre les musées de France et les établissements publics de
recherche ou d'enseignement supérieur. »
L'amendement n° 18, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« Supprimer l'article 5
bis
. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
L'article 5
bis
, introduit par l'Assemblée nationale,
vise à favoriser l'établissement de conventions de coopération entre les musées
de France et les établissements publics de recherche ou d'enseignement
supérieur.
Nous sommes tout à fait d'accord sur le principe, qui est tout à fait louable.
Cependant, cette disposition est dépourvue de valeur normative et aurait
davantage sa place, le cas échéant, à l'article 4, qui prévoit l'établissement
de conventions.
Par ailleurs, nous proposerons, pour tenir compte de la suppression de cet
article 5
bis
, de modifier la rédaction de l'article 6
quater
afin d'inclure les établissements de recherche et d'enseignement supérieur au
sein des réseaux géographiques, scientifiques ou culturels constitués par les
musées de France.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Le Gouvernement est
favorable à cet amendement. Tout en affirmant sa ferme intention de favoriser
l'établissement de conventions de coopération entre les musées de France et les
établissements publics de recherche et d'enseignement supérieur, il se rallie à
la rédaction préconisée par M. le rapporteur, dans la mesure où l'article 6
quater
sera adopté dans les termes proposés par la commission.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 18, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 5
bis
est supprimé.
Article 6
M. le président.
Art. 6. - Les droits d'entrée des musées de France sont fixés de manière à
favoriser leur accès au public le plus large. Dans les musées de France
relevant de l'Etat, les mineurs de dix-huit ans sont exonérés du droit d'entrée
donnant accès aux espaces de présentation des collections permanentes.
« Chaque musée de France dispose d'un service ayant en charge les actions
d'accueil des publics, de diffusion, d'animation et de médiation. Le cas
échéant, ce service peut être commun à plusieurs musée.
« Les musées de France établissent et transmettent aux services de l'Etat des
informations et des données statistiques relatives à leur fréquentation. »
L'amendement n° 70, présenté par MM. Renar et Ralite, Mme David, M. Autain et
les menbres du groupe communiste, républicain et citoyen, est ainsi libellé
:
« Compléter la seconde phrase du premier alinéa de l'article 6 par les mots :
"et temporaires". »
La parole est à Mme David.
Mme Annie David.
Si la fréquentation des musées a été une pratique culturelle en très nette
progression chez nos compatriotes ces dernières années, un trop grand nombre
d'entre eux sont aujourd'hui encore exclus de telles pratiques.
Le principe de la gratuité, pour lequel notre majorité de progrès se devrait
d'oeuvrer en matière d'accès du plus grand nombre à la culture, est inscrit
dans l'article 6.
Une chose est d'inscrire dans la loi un tel principe, mais une autre est de le
faire vivre ! A cet égard, je m'inquiète que notre assemblée ait retiré du
texte tout ce qui concerne la médiation culturelle parmi les missions à
réaliser par les musées de France.
Pour donner corps à cette volonté politique, il est souhaitable de l'assortir
des moyens financiers permettant sa mise en oeuvre et, de ce point de vue, le
dispositif prévu n'est pas complètement satisfaisant.
Au-delà de l'accès aux collections permanentes dans l'ensemble des musées,
nous pensons qu'il convient de permettre aux jeunes publics l'accès gratuit aux
collections temporaires.
En effet, les expositions temporaires sont bien souvent l'occasion de
rassembler en un même lieu un ensemble d'oeuvres autour de thématiques d'une
réelle portée non seulement artistique, mais également didactique. Il convient
d'ailleurs de noter que les tarifs pratiqués lors de telles manifestations ne
permettent pas aux publics les plus économiquement fragiles d'accéder à de
telles collections.
Aussi, l'amendement que nous vous proposons d'adopter prévoit-il d'élargir la
gratuité aux expositions temporaires pour les jeunes publics.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Richert,
rapporteur.
Si la commission perçoit l'intérêt d'une telle disposition,
elle craint que son adoption n'ait, le cas échéant, des répercussions sur la
diminution des recettes des musées nationaux. Or nous connaissons la situation
financière de la RMN !
C'est la raison pour laquelle nous proposons de consulter le Gouvernement sur
ces modalités et de nous remettre à son avis, ce qui est légitime s'agissant de
musées relevant de l'Etat.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Le projet de loi prend
bien en compte l'impact de la gratuité sur la fréquentation des musées pour en
assurer la démocratisation, mais l'organisation d'expositions temporaires
nécessite la mise en oeuvre de moyens financiers très importants et leur
résultat, en dépit de l'intérêt que suscitent ces manifestations
exceptionnelles, est le plus souvent déficitaire.
L'extension de la gratuité à ces expositions, au-delà de la gratuité pour les
collections permanentes, ne pourrait qu'aggraver leur déficit et conduire à
leur limitation.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 70.
M. Ivan Renar.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar.
Je me permets d'insister auprès de Mme la ministre, de M. le rapporteur et de
l'ensemble de nos collègues, car il me paraît dommage de répondre à une demande
qui n'est pourtant pas exorbitante par des arguments qui relèvent de la
comptabilité. De surcroît, je ne crois pas qu'il s'agira d'une dépense
supplémentaire, parce que les publics visés ne viendront pas, sans les mesures
que nous préconisons, aux expositions. Nous proposons, en fait, une simple
mesure sociale !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 70, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 19, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« Supprimer le deuxième alinéa de l'article 6. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
Le deuxième alinéa de l'article 6 prévoit que chaque musée de
France disposera d'un service ayant en charge les actions d'accueil des
publics, de diffusion, d'animation, de médiation.
Il n'est pas sûr que, pour des musées de taille modeste, il soit possible de
mettre en place une telle infrastructure. Par ailleurs, il n'est pas évident
qu'une telle contrainte administrative garantisse les résultats escomptés.
C'est la raison pour laquelle la commission propose de supprimer le deuxième
alinéa de l'article 6.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
La disposition adoptée par
l'Assemblée nationale ne rend pas obligatoire l'existence d'un service d'aide
au public dans chaque musée de France : il est expressément prévu qu'un même
service peut s'occuper des actions d'accueil, de diffusion et d'animation pour
plusieurs musées.
Chaque musée devra remplir ses missions vis-à-vis du public, sans se doter
obligatoirement pour autant d'un service propre. Cette obligation est
importante et mérite d'être sanctionnée par la loi.
Par conséquent, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 19.
M. le président.
Je mets aux vois l'amendement n° 19, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 20, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« Supprimer le dernier alinéa de l'article 6. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
Cet amendement tend à supprimer le dernier alinéa de
l'article 6, qui prévoit que les musées de France établissent et transmettent
aux services de l'Etat des informations et des données statistiques relatives à
la fréquentation de ces musées.
Si l'on ne peut que soutenir les efforts accomplis par les services du
ministère de la culture pour surmonter les obstacles administratifs auxquels se
heurte sa mise en oeuvre, on peut estimer que cela ne peut justifier
l'insertion dans la loi d'une telle disposition qui aurait au mieux sa place -
pardonnez-moi de vous le dire, madame la ministre - dans une circulaire.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le rapporteur, en
réalité, l'obligation d'établir des statistiques relève nécessairement de la
loi ; c'est pourquoi elle figure ici.
C'est une obligation qui paraît nécessaire au Gouvernement si l'on veut que
soit vraiment mené un travail d'évaluation de la politique publique des musées
afin de nourrir la réflexion et les propositions, je l'espère, du Haut Conseil
des musées de France.
Je ne pense pas que cela représente une charge de travail excessive pour les
musées, d'autant qu'une meilleure connaissance des publics est sans doute un
élément important pour l'orientation future de leur activité.
Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement n° 20.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
Je voudrais apporter une précision, madame la ministre.
Nous sommes évidemment tout à fait favorables à ce que les échanges
d'informations soient les plus nourries possibles afin que l'échelon national
dispose de tous les éléments pour affiner la politique et prendre ses décisions
dans les meilleures conditions. Néanmoins, il nous apparaît quelque peu délicat
d'envisager que cette précision soit inscrite dans la loi.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 20.
M. Yann Gaillard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard.
J'avoue être quelque peu partagé sur ce sujet.
Au départ, je pensais que cette disposition n'était pas de nature législative,
auquel cas j'étais tout à fait d'accord avec la commission. Or Mme le ministre
vient de nous dire que cette mention devait figurer dans la loi.
En tant que rapporteur spécial, sachez que j'ai le plus grand mal à obtenir
les statistiques de fréquentation, même pour les grandes expositions. Le
directeur de la RMN, qui du reste est vraiment très bien, m'avait promis de me
les fournir. Je les attends toujours !
Après tout, une telle obligation, qui n'est pas excessive pour la gestion des
musées, à la différence de celle qui concerne l'accueil du public, que je
trouve très lourde, aurait quelque utilité.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
Mes chers collègues, le ministère dispose déjà d'un outil
statistique, dénommé Muséostat.
Il serait très contraignant que la loi impose à tous les musées, quelle que
soit leur taille, de fournir régulièrement au ministère l'ensemble des éléments
concernant la fréquentation, notamment.
Faire figurer cette obligation dans la loi contribuerait à alourdir la lecture
de celle-ci. Or nous devons, les uns et les autres, réserver la loi aux
dispositions normatives pour en faciliter la lecture et la rendre la plus
efficace possible.
C'est la raison pour laquelle je reste sur la position que la commission a
exprimée lors de l'examen de cet amendement.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 20, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 6 modifié.
(L'article 6 est adopté.)
Article 6 bis
M. le président.
« Art. 6
bis.
- Pour l'accomplissement des missions qui leurs sont
dévolues, les musées de France peuvent établir, sous forme de convention, des
relations de partenariat avec les personnes morales de droit privé à but non
lucratif qui se fixent pour objet de contribuer au soutien et au rayonnement
des musées de France. »
(Adopté.)
Article 6 ter
M. le président.
« Art. 6
ter.
- Le Gouvernement présentera au Parlement, au plus tard
un an après l'entrée en vigueur de la présente loi, un rapport sur les
incidences financières de la gratuité d'accès des moins de dix-huit ans dans
les musées nationaux et qui étudiera la possibilité de prévoir, une fois par
mois, l'accès gratuit aux collections permanentes des musées de France ainsi
que les problèmes de compensation financière pour les collectivités locales.
»
L'amendement n° 21, présenté par M. Richert au nom de la commission, est ainsi
libellé :
« Supprimer l'article 6
ter
. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
Il s'agit une fois encore d'un amendement de suppression de
l'article car il importe de laisser les musées ne relevant pas de l'Etat libres
de leur politique tarifaire.
L'équilibre entre le coût des mesures de gratuité et leurs effets sur
l'élargissement du public varie selon les musées. A cet égard, une mesure
générale et uniforme n'est pas souhaitable, même si la gratuité demeure, comme
cela a déjà été dit, un objectif à atteindre.
Si une étude devait être conduite, elle ne devrait pas se limiter à évaluer le
coût de l'extension des mesures de gratuité en vigueur dans les musées
nationaux à l'ensemble des musées. Elle devrait avoir un objet plus étendu et
apprécier l'impact de la gratuité sur la fréquentation et l'élargissement des
publics.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Le Gouvernement a remis au
rapporteur de votre assemblée un rapport relatif à la gratuité en faveur des
jeunes de moins de dix-huit ans pour répondre à la demande de l'Assemblée
nationale.
Ce rapport conclut que le coût de la gratuité pour les jeunes de moins de
dix-huit ans fréquentant les musées de France qui n'appliquent pas aujourd'hui
cette mesure tarifaire peut être estimé à 20 millions de francs environ pour
les musées relevant de l'Etat et à 60 millions de francs environ pour les
musées relevant des collectivités territoriales ou des personnes morales de
droit privé.
Le rapport rappelle en outre que les politiques d'élargissement des publics
sont loin de reposer exclusivement sur des mesures tarifaires.
Soucieux de respecter la libre administration des collectivités territoriales
et la liberté de choix des personnes morales de droit privé, le Gouvernement ne
souhaite pas imposer des obligations de gratuité aux musées de France ne
relevant pas de l'Etat ou de ses établissements publics. Il émet donc un avis
favorable sur l'amendement n° 21.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 21, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 6
ter
est supprimé.
Article 6 quater
M. le président.
« Art. 6
quater. -
L'Etat encourage et favorise la constitution de
réseaux géographiques, scientifiques ou culturels entre les musées de France.
»
L'amendement n° 22, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« Compléter l'article 6
quater
par les mots : ", auxquels peuvent
participer des établissements publics de recherche et d'enseignement
supérieur". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
Cet amendement est le complément de ce que nous vous
proposions tout à l'heure. Il permet aux établissements publics de recherche et
d'enseignement supérieur de participer à la constitution de réseaux
géographiques, scientifiques ou culturels entre les musées de France et les
établissements publics de recherche et d'enseignement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Favorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 22, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 71, présenté par MM. Renar et Ralite, Mme David, M. Autain et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Compléter l'article 6
quater
par un alinéa ainsi rédigé :
« La constitution en réseau entre les musées de France participe au maillage
culturel du territoire. »
La parole est à Mme David.
Mme Annie David.
Cet amendement précise la notion de mise en réseau géographique, scientifique
et culturel des musées de France.
En dépit des efforts réalisés par les collectivités territoriales en matière
culturelle au cours des trente dernières années, de nombreux efforts restent à
faire pour réaliser le maillage de notre territoire. C'est particulièrement
vrai pour les musées. On ne peut pas dire, par exemple, que l'art contemporain
soit montré d'égale manière sur l'ensemble de notre territoire !
Pour le moins, une appellation commune à l'ensemble des musées de notre pays
devrait permettre de procéder plus qu'aujourd'hui à un certain nombre
d'échanges nécessaires pour assurer, sur l'ensemble de notre territoire, une
offre culturelle de qualité.
Tel est le sens de cet amendement, que nous vous demandons de bien vouloir
adopter.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Richert,
rapporteur.
La commission approuve l'objet de cet amendement. Néanmoins,
elle constate avec regret qu'il ne prévoit qu'une affirmation, de principe,
importante certes, mais sans valeur normative. Il est donc inutile que cette
disposition figure dans la loi. Telles sont les raisons pour lesquelles la
commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
On ne peut qu'adhérer à la
motivation de cet amendement et, malgré l'observation de forme de M. le
rapporteur, le Gouvernement est favorable à ce texte.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 71, repoussé par la commission et accepté par
le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 6
quater
modifié.
(L'article 6
quater
est adopté.)
Article 7
M. le président.
« Art. 7. - Toute acquisition, à titre onéreux ou gratuit, d'un bien destiné à
enrichir les collections d'un musée de France ne relevant pas de l'Etat ou de
l'un de ses établissements publics est soumise à l'avis préalable des services
de l'Etat, dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. »
L'amendement n° 23, présenté par M. Richert au nom de la commission, est ainsi
libellé :
« Supprimer l'article 7. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
Il s'agit encore d'un amendement de suppression. En effet, la
commission estime que toute acquisition à titre onéreux ou gratuit d'un bien
destiné à enrichir les collections d'un musée de France ne relevant pas de
l'Etat ou de l'un de ses établissements publics n'est pas nécessairement à
soumettre au préalable à l'avis des services de l'Etat dans les conditions
prévues par décret en Conseil d'Etat.
En particulier, s'agissant de musées dépendant de collectivités, elle estime
qu'il faut principalement faire confiance aux conservateurs, dont nous
connaissons la valeur, et s'appuyer sur leurs compétences.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Votre commission
s'interroge sur l'opportunité d'une consultation préalable aux acquisitions.
Le Gouvernement estime pour sa part qu'il est indispensable que les projets
d'acquisitions des musées de France - y compris, bien sûr, ceux de l'Etat -
fassent l'objet d'un examen préalable dans le cadre d'une procédure collégiale,
en raison du statut protecteur exorbitant du droit commun applicable aux biens
une fois qu'ils sont entrés dans les collections des musées de France. Ils
acquièrent, de ce fait même, le statut de trésors nationaux.
Il ne s'agit évidemment pas de mettre en doute la compétence des conservateurs
: il s'agit bien plutôt de les protéger dans la force de leur choix.
Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 23, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 7 est supprimé.
Article 8
M. le président.
« Art. 8. - I. - Les collections des musées de France sont
imprescriptibles.
« II. - Les collections des musées de France appartenant à une personne
publique sont inaliénables. Les oeuvres des artistes vivants ne deviennent
inaliénables qu'à l'issue d'un délai de trente ans à compter de
l'acquisition.
« Toutefois, une personne publique peut transférer, à titre gratuit, la
propriété de tout ou partie de ses collections à une autre personne publique si
cette dernière s'engage à en maintenir l'affectation à un musée de France. Le
transfert de propriété est approuvé par le ministre chargé de la culture et, le
cas échéant, par le ministre intéressé, après avis du Conseil des musées de
France. Les dispositions du présent alinéa ne sont pas applicables aux biens
remis à l'Etat en application des articles 1131 et 1716
bis
du code
général des impôts.
« III. - Les collections des musées de France appartenant aux personnes
morales de droit privé à but non lucratif ne peuvent être cédées, en tout ou
partie, à titre gratuit ou onéreux, qu'aux personnes publiques ou aux personnes
morales de droit privé à but non lucratif qui se sont engagées, au préalable, à
maintenir l'affectation de ces collections à un musée de France. La cession ne
peut intervenir qu'après approbation du ministre chargé de la culture et, le
cas échéant, du ministre intéressé, donnée sur avis du Conseil des musées de
France.
« Les collections mentionnées à l'alinéa précédent sont insaisissables à
compter de l'accomplissement des mesures de publicité prévues à l'article 3.
« IV. - Toute cession portant sur tout ou partie d'une collection d'un musée
de France effectuée en violation des dispositions du présent article est nulle.
Les actions en nullité ou en revendication peuvent être exercées à toute époque
tant par l'Etat que par la personne morale propriétaire des collections. »
Sur l'article, la parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar.
Monsieur le président, j'ai fait mon service militaire dans l'artillerie et je
pense qu'elle est la reine des batailles. J'enfoncerai donc à nouveau le clou
sur l'inaliénabilité des collections des musées, qui est révélatrice de
problèmes très profonds, et je le ferai encore en défendant l'amendement.
M. le président.
Nous voilà prévenus !
M. Ivan Renar.
Je le ferai sans abuser du temps de nos collègues !
M. Hilaire Flandre.
Et sans illusion !
M. Ivan Renar.
L'article 8 du texte initial renforçait l'inaliénabilité des collections des
musées de France. Mais l'Assemblée nationale a adopté un amendement qui crée
une exception sans précédent dans le droit français pour les oeuvres d'artistes
vivants : ces oeuvres ne deviendraient inaliénables que trente ans après leur
acquisition, et ce pour les motifs peu convaincantes - problèmes de stockage et
de restauration, caractère figé des collections - et s'apparentant plutôt à des
prétextes.
Selon moi, cet amendement de l'Assemblée nationale est très dangereux, au
moins pour trois raisons.
Il est dangereux, en premier lieu, pour les collections et le public des
musées. Les risques de dispersion d'un patrimoine difficilement remplaçable
seraient considérables.
Et je n'ose pas imaginer les effets qu'aurait pu avoir une telle mesure dans
le passé. Les oeuvres achetées par un certain nombre de musées, qui pouvaient
être très controversées à une certaine époque - je pense à celles d'artistes
comme Picasso ou Dubuffet, des surréalistes ou des cubistes - auraient été
revendues rapidement, ce qui aurait entraîné des pertes considérables sur le
plan artistique et financier et impossibles à réparer compte tenu de l'envolée
des prix qui a suivi.
Même s'il est difficile de prévoir l'évolution du jugement de la postérité,
les achats d'oeuvres contemporaines resteront des témoignages de l'histoire du
goût qu'il est important de préserver. L'histoire tranchera, c'est son rôle. En
revanche, aliéner des oeuvres, c'est s'interdire leur transmission.
Pourquoi un délai de trente ans ? Pourquoi pas deux cents ans ? Cela
permettrait de brader Delacroix dans les mêmes conditions !
Un tel délai présente un risque réel très grave - c'est la deuxième raison -
en matière de sécurité et de déontologie des achats. Les musées, les artistes,
les galeries d'art seraient entraînés dans une spirale spéculative contraire à
l'esprit des interventions des musées de France sur le marché de l'art.
Les musées ou, par exemple, les fonds régionaux d'art contemporain, les FRAC,
participent à l'activité du marché de l'art uniquement par leurs capacités
financières et leurs choix d'achats, et non par leurs ventes ou leurs reventes.
Mais tout le monde reconnaît qu'il n'y a aucun aspect mercantile.
Enfin - c'est la dernière raison - alors que la reconnaissance à sa juste
valeur de l'art contemporain français au niveau international est souvent
difficile, comme je l'ai dit dans mon intervention liminaire, l'amendement de
l'Assemblée nationale porte, dans les faits, un mauvais coup aux artistes
français en faisant peser un doute sur leur talent, sur la compétence et la
professionnalisation des personnes qui composent les comités d'acquisition
ainsi que sur le bien-fondé des avis rendus par l'Etat en application de la
loi.
Si l'on peut regretter trop souvent, et je ne suis pas le dernier à le faire,
sa pingrerie, l'Etat, surtout dans ce domaine, est servi par des hommes et des
femmes dont la compétence et le dévouement, je peux en témoigner, sont
remarquables.
Voilà ce que je voulais vous dire, madame la ministre, sur cette partie de
l'article 8, mais je crois que nous sommes d'accord.
M. le président.
La parole est à Mme Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin.
D'autres que moi se sont faits les avocats des conservateurs, des artistes et
des donateurs pour dire la confiance sans faille que leur donnait
l'inaliénabilité des oeuvres. L'orateur précédent vous a parlé des goûts, des
choix artistiques du moment et des risques liés au phénomène de mode.
Le Sénat représentant les collectivités, je veux vous dire, moi, que les legs
nordistes des grandes fortunes du textile et de leurs mécènes éclairés - ces
tableaux de Léger, de Matisse, de Modigliani ou de Goya - ne seraient plus dans
les musées des communes du Nord s'ils avaient été vendables ou négociables !
Voilà vingt ans, dix ans, au coeur de la crise, ces communes ne bouclaient plus
leur budget et réduisaient leurs aides aux musées. Croyez-vous que la tentation
n'aurait pas été grande de mettre en vente un tableau ? Seule l'inaliénabilité
a protégé ces collections.
Je veux aussi vous dire l'émotion des ethnologues, qui savent que chaque objet
mérite d'être sans cesse réétudié par les chercheurs en quête de nouvelles
théories. Nous n'avons pas le droit de les en priver et de geler la
connaissance au motif que l'un d'eux, autrefois, aurait déjà donné son
interprétation d'une mâchoire ou d'un outil.
Et que signifierait l'actualisation des collections techniques ? Irait-on
vendre l'imprimerie de Gutenberg au motif qu'on a maintenant des logiciels ?
Faire rentrer dans l'espace marchand les collections, c'est renoncer à la
mission de service public des musées, c'est prendre le risque qu'un Monet ne
finance un périphérique. Monsieur Richert, vous avez tenté, par un amendement,
de renvoyer cette inaliénabilité vers des lois domaniales qui s'appliquent à
une autre forme de patrimoine. Dans mon département, les écoles, les communes
les vendent aussi ! Ce n'est donc pas suffisant.
M. le président.
Je suis saisi de cinq amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° 24, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le premier alinéa du paragraphe II de cet article :
« Les biens constituant les collections des musées de France appartenant à une
personne publique font partie de leur domaine public. Toute décision de
déclassement d'un de ces biens ne peut être prise qu'après avis conforme
d'instances scientifiques dont la composition et les modalités de
fonctionnement sont fixées par décret. »
Les quatre amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 47 est présenté par MM. Lagauche, Vidal et Weber, Mme Blandin
et les membres du groupe socialiste.
L'amendement n° 53 est présenté par le Gouvernement.
L'amendement n° 67 est présenté par M. Joly.
L'amendement n° 72 est présenté par MM. Renard et Ralite, Mme David, M. Autain
et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Tous quatre tendent à supprimer la seconde phrase du premier alinéa du II de
l'article 8.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 24.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
Nous l'avons tous compris, nous abordons, avec cet article,
un point particulièrement sensible.
Je reviendrai tout à l'heure sur les raisons pour lesquelles la commission a
décidé à l'unanimité de rejeter les dispositions prévues par l'Assemblée
nationale. Je veux d'abord clarifier un point.
Quand nous affirmons que nous voulons porter atteinte au principe
d'inaliénabilité, nous proposons en fait le maintien des règles existantes en
les assortissant d'un certain nombre de précautions.
Comme Mme la ministre l'a souligné cet après-midi dans son propos liminaire,
ces règles, qui sont celles de la domanialité publique, ont permis, en un
siècle, d'éviter des cessions dont nous aurions aujourd'hui à rougir.
En outre, nous demandons que toute décision de soustraire un objet de la
collection de cette domanialité soit soumise à une instance scientifique,
c'est-à-dire à des experts.
Les garanties supplémentaires que nous édictons ont pour objet d'éviter toute
dérive, afin que les craintes des uns et des autres ne soient que des
cauchemars.
Faut-il pour autant prévoir une clause d'inaliénabilité totale ? Je le pense
d'autant moins que ces précautions sont suffisantes pour garantir l'absence de
dérive. En outre, elles offrent une possibilité de respiration aux collections
en permettant non pas de revendre des oeuvres contemporaines acquises au cours
des trente dernières années, mais de donner suite, en cas de nécessité, en
rendant possible un enrichissement ou un renforcement de la cohérence des
collections, après avis d'un comité scientifique, à une demande de déclassement
de telle pièce de collection.
Je propose donc un dispositif qui est plus restrictif tout en laissant un
dialogue s'instaurer. Celui qui a été adopté par l'Assemblée nationale a le
mérite d'avoir permis d'engager le débat. Alors, poursuivons-le en adoptant
l'amendement n° 24 de la commission des affaires culturelles.
M. le président.
La parole est à M. Lagauche, pour présenter l'amendement n° 47.
M. Serge Lagauche.
La comparaison avec la proposition de la commission n'est pas facile puisque
nous proposons, nous, de supprimer la seconde phrase du premier alinéa du II de
l'article 8.
Cet article constitue l'un des apports majeurs du projet de loi. Il tend en
effet à unifier le régime juridique de l'ensemble des collections des musées de
France en appliquant à leurs oeuvres, autant que le permet le respect de la
propriété privée, les principes de l'inaliénabilité et de
l'imprescriptibilité.
Jusqu'à présent, seules les oeuvres des musées appartenant à l'Etat ou aux
collectivités territoriales étaient soumises à une telle protection. Le projet
de loi dispose que le principe d'imprescriptibilité s'appliquera désormais à
l'ensemble des collections des musées de France, point que personne,
d'ailleurs, ne semble contester.
C'est le principe d'inaliénabilité qui est mis en cause. Le projet de loi
prévoit de l'appliquer aux collections appartenant notamment à des personnes
publiques, mais aussi à des personnes privées, la seule exception à ce droit
étant une cession à une personne publique ou une cession ayant pour objet le
maintien de la collection dans un musée de France.
Ce renforcement de l'inaliénabilité des oeuvres est extrêmement positif au
regard de la sauvegarde du patrimoine français ancien et de la promotion de
l'art contemporain. C'est même le point essentiel.
Le groupe socialiste est donc opposé à l'aménagement de cette disposition,
prévue par l'Assemblée nationale, pour les oeuvres d'artistes vivants. Les
termes de l'amendement voté par les députés disposent en effet que ces oeuvres
ne deviennent inaliénables qu'à l'issue d'un délai de trente ans.
En instituant cette période probatoire, sous prétexte de régler le problème du
stockage des trop nombreuses oeuvres détenues par les musées, l'Assemblée
nationale fait peser le doute sur l'ensemble de la création contemporaine.
Les artistes vivants connaissent fréquemment une période de purgatoire, après
quelques années d'engouement pour leur travail, avant de connaître un retour en
grâce plus ou moins rapide, souvent lié à l'aléa des diktats de la mode.
Imaginons ce que serait l'état des musées si, au fil des siècles, des
collections très controversées, lors de leurs acquisitions ou les années
suivantes, avaient pu être dispersées.
Il en va ainsi de nombreuses oeuvres d'impressionnistes, ou, plus récemment,
de Dubuffet ou de Picasso, dont la cote s'est envolée quelques années après
leurs acquisitions par les musées. Les pertes financières auraient été non
négligeables et les pertes artistiques considérables et irrémédiables !
La disposition est donc totalement contraire à l'esprit même d'une collection
publique. Elle va également à l'encontre de la promotion de nouveaux talents.
Elle risque de porter un fort préjudice à la carrière, souvent déjà fragile, de
jeunes artistes. Nombreux sont, d'ailleurs, ceux qui ont fait connaître leur
opposition totale à l'amendement adopté par l'Assemblée nationale.
Cette disposition constitue également une mesure extrêmement vicieuse et
dangereuse pour les musées, en les faisant entrer dans la logique commerciale
des marchands d'art qu'ils ne sont pas.
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cette
disposition.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre, pour présenter l'amendement n° 53.
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Cet amendement se justifie
par son texte même.
M. le président.
La parole est à M. Joly, pour présenter l'amendement n° 67.
M. Bernard Joly.
Comme je l'ai dit lors de la discussion générale, ce délai me paraît dangereux
parce qu'il risque de provoquer la dispersion d'un patrimoine difficilement
remplaçable.
De plus, l'introduction de ce doute légal est un danger pour l'art
contemporain français, car il jette la suspicion à la fois sur le talent des
artistes et sur la compétence des membres des comités d'acquisition des musées
français.
M. le président.
La parole est à M. Renar, pour présenter l'amendement n° 62.
M. Ivan Renar.
Les amendements qui nous occupent à présent portent sur un des éléments les
plus controversés du texte que nous examinons, à savoir cette disposition qui
prévoit notamment l'aliénabilité des oeuvres d'un artiste vivant acquises dans
un délai inférieur à trente ans. Une telle disposition est controversée non
seulement par les conservateurs, mais aussi par la population de ce pays qui,
on le voit chaque année, est attachée à son patrimoine.
Si une telle conception avait prévalu au cours des siècles - je pense plus
particulièrement au tournant de la Révolution française - il y a fort à parier
que le Louvre, pour citer un établissement prestigieux, n'offrirait pas à la
curiosité de nos contemporains les collections amassées au cours des siècles.
La Bastille aurait été prise, mais le Louvre aurait été vidé pour quelques
poignées d'assignats ! Mes propos sont un peu caricaturaux, mais ils
correspondent à la réalité.
L'aliénabilité des oeuvres, de toutes les oeuvres, va dans un sens
diamétralement opposé à l'esprit de ceux qui animent, de ceux qui ont en charge
la conservation des oeuvres.
Dans le fait de l'art, il y a ce qui reste et ce qui ne reste pas. La force de
la structure publique, comme à d'autres époques, reconnaissons-le, des
structures religieuses, réside dans la volonté farouche de conserver, au-delà
des modes et des engouements des publics, les oeuvres acquises.
Il s'agit non pas d'ignorer les modes ou les engouements, mais au contraire de
les inscrire comme autant de témoignages des hasards et des balbutiements de
notre histoire, comme autant de croisements entre les artistes et leur
époque.
Comme notre époque n'est pas avare de son présent, qu'elle dilapide, c'est le
patrimoine contemporain qui est directement visé par une telle mesure.
Une conservatrice de ma région, pour ne parler que de bon sens, ne
m'indiquait-elle pas que, si une telle mesure avait existé il y a seulement
quelques années, nombre de toiles de la dernière période du peintre, qui est à
la fois le sujet et l'objet de son musée, seraient aujourd'hui chez des
collectionneurs privés.
J'évoquais, dans mon intervention générale, puis sur l'article, les dangers
que pouvait revêtir une telle mesure sur le statut à la fois de l'oeuvre et de
son auteur, mais également les risques d'une intervention directe de la
puissance publique dans le marché de l'art.
oeJe ne veux pas jouer les prophètes de malheur, mais un certain nombre
d'entre vous se souviennent de ce qui est arrivé dans une grande ville belge,
Liège, voilà quelques années. Cette ville a voulu vendre une toile de Picasso
pour l'aider à résoudre ses problèmes financiers municipaux. Il a fallu une
réprobation de la population de la ville de Liège, des campagnes, des
manifestations dans la rue, pour que la ville prenne conscience du scandale que
cela pouvait représenter sur le fond et retire ce projet « articide. »
M. Philippe Richert,
rapporteur.
C'est un néologisme !
M. Patrick Lassourd.
Tout à fait !
M. Ivan Renar.
Par conséquent, le danger est réel.
Si la commission revient sur ce dispositif, au travers de son amendement, il
faut effectivement lui en donner acte. Mais le parcours n'est, semble-t-il,
qu'à moitié réalisé et il ne va pas assez dans le sens de la dénonciation d'un
tel dispositif.
Aussi, pour marquer la réprobation de la Haute Assemblée à l'égard d'une
mesure aussi peu conforme à l'intérêt des oeuvres, à l'intérêt de notre
histoire et de ceux qui la nourrissent, je vous propose d'adopter l'un des
amendements qui vous sont proposés.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 24 ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Pour les raisons
d'ensemble qui ont été longuement rappelées en introduction à notre débat, il
est indispensable de consolider le principe de non-aliénation des biens
culturels composant les collections des musées de France, et ce sans aucune
restriction.
Il faut savoir que l'inaliénabilité des collections est la règle dans tous les
musées publics européens et qu'il en est de même dans la plupart des pays. On
cite souvent l'exemple de certains musées étrangers dans lesquels des
collections prestigieuses ont été constituées malgré la possibilité d'aliéner ;
le cas des Etats-Unis est le plus fréquemment cité. Il faut souligner que, si
quelques musées ont pu vendre certaines de leurs collections pour acheter des
pièces plus prestigieuses, ces pratiques sont de plus en plus souvent remises
en cause. Ainsi, voilà vingt ans que le
Metropolitan Museum of Art
de
New York, qui est de statut privé, a renoncé à ces pratiques après diverses
expériences malheureuses.
En outre, ce renversement de principe risquerait, en France, de décourager les
donateurs dont la générosité repose sur la conviction que leurs dons, qui eux
sont certes protégés, resteront agrégés au reste des collections
perpétuellement affectées au musée bénéficiaire.
A l'heure actuelle, en ce qui concerne les collections publiques, c'est la
règle classique de la domanialité publique qui protège le caractère inaliénable
des collections et la doctrine refuse la possibilité de déclassement d'un bien
culturel affecté à un musée pendant toute la durée d'existence de celui-ci.
Mais cette règle, dont le fondement est non pas patrimonial mais domanial, est
à la fois renforcée et améliorée par le projet du Gouvernement. Je rappelle que
ce texte est à la fois plus clair et plus souple : le principe est que les
biens culturels constitutifs des collections des musées de France ne peuvent
être cédés à des acquéreurs autres que les musées de France eux-mêmes. Il
permet une mobilité des collections entre les musées de France, qui n'existe
pas aujourd'hui. Je ne défends donc pas là une idée archaïque. Je cherche, au
contraire, à indiquer à la Haute Assemblée qu'il est dangereux de tenter
d'appliquer aux collections des musées un procédé qui pourrait être assimilé à
une gestion active des stocks.
En revanche, vous me trouverez fermement attachée à une gestion des
collections des musées de France qui les mette au maximum à la disposition du
public et qui favorise les prêts et dépôts entre les musées de France avec une
claire préoccupation de décentralisation et de couverture équitable du
territoire.
Par conséquent, j'émets un avis défavorable sur l'amendement n° 24.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements identiques n°s 47, 53, 67
et 72 ?
M. Philippe Richert,
rapporteur.
En donnant l'avis de la commission sur ces amendements, je
serai amené à reparler de l'amendement n° 24 de la commission.
Je suis tout de même surpris ! Vous vous êtes employés, les uns et les autres,
y compris Mme la ministre, à donner deux explications.
Tout d'abord, pendant des décennies, voire des siècles - et je prends ici à
témoin M. Renar - la France, notamment le Louvre, ne s'est pas séparée de ses
biens les plus précieux et a conservé l'intégralité des collections grâce au
principe de la domanialité publique. Le Sénat propose, non seulement le
maintien de ce principe, mais leur renforcement. En effet, si une demande de
déclassement d'un bien devait être formulée par tel conservateur qui aurait des
idées « articides »
(Sourires),
cette demande serait soumise à un
conseil scientifique dont la composition et les modalités de fonctionnement
seraient fixées par décret.
Par conséquent, je le répète, non seulement nous gardons toutes les mesures de
protection existantes, mais nous les renforçons.
Ensuite, vous avez dit, les uns et les autres, qu'il fallait faire attention,
car le risque était grand. Mais vous vous référez aux dispositions que
l'Assemblée nationale a votées ! Je n'ai entendu personne, ni en commission ni
dans cet hémicycle, s'exprimer dans le sens des mesures retenues par
l'Assemblée nationale. Cessons de débattre de ce que l'Assemblée nationale a
voté et cherchons des solutions pour éviter ces dérives.
Il me semble utile qu'il puisse y avoir cette respiration, avec l'encadrement
très strict que j'ai évoqué - plus strict qu'aujourd'hui - sachant que, jusqu'à
présent, nous avons évité tous les périls que vous avez, les uns et les autres,
brossés devant nos yeux.
La commission partage à l'unanimité cette volonté de protéger notre
patrimoine. Nous rejetons les dispositions qui ont été adoptées par l'Assemblée
nationale. Tout à l'heure, j'ai précisé que, à nos yeux, le seul mérite de ce
dispositif était d'avoir permis d'engager le débat à la suite de la proposition
que vous aviez faite, madame la ministre, d'introduire dans la loi le principe
d'une inaliénabilité absolue.
C'est la raison pour laquelle je suis amené à émettre un avis défavorable sur
ces quatre amendements identiques. La commission propose, je le rappelle, le
maintien de la protection actuelle, renforcée par la nécessité d'obtenir l'aval
d'un conseil scientifique, qui devra se prononcer au cas où un conservateur
demanderait, pour tel ou tel objet, une exception à la règle de la domanialité
publique.
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Pour dissiper tout
malentendu, je voudrais dire à M. le rapporteur qu'il est bien clair, pour le
Gouvernement, que la position ici défendue prend le contre-pied de la
proposition du délai de trente ans, et que la commission manifeste un vrai
souci de protection des collections, ce dont je la remercie. Je pense néanmoins
que l'affirmation sans aucune concession du principe d'inaliénabilité est
aujourd'hui une nécessité. Il est en effet un élément que nous n'avons pas mis
en lumière, les uns et les autres, à savoir le poids actuel du marché de l'art,
qui n'est pas comparable à ce qu'il était voilà seulement quelques
décennies.
Certes, nous évoquons tous la sagesse qui a guidé les politiques des
différents musées dans le cadre du dispositif antérieur. Il est vrai que la
plupart d'entre eux, comme vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur, n'ont
pas pris le risque de se séparer d'un certain nombre d'oeuvres contemporaines.
Cependant, je pense que ce risque est plus grand aujourd'hui, en raison tout
simplement du dynamisme du marché de l'art, et qu'il est important de tenir nos
collections à l'abri de cette menace.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 24.
M. Serge Lagauche.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche.
A la suite des précisions apportées par Mme la ministre, je ne comprends pas
pourquoi M. le rapporteur insiste tant sur cette question. A l'entendre, le cas
de figure évoqué ne peut se présenter qu'exceptionnellement. Pour les oeuvres
contemporaines, les fameuses trente années de délai constituent un risque
direct, puisque l'Assemblée nationale, a introduit cette disposition. Vous
mélangez les deux !
Vous nous dites qu'un comité scientifique devra donner son aval. A quoi cela
servira-t-il et pourquoi tant insister sur cette affaire.
Ou vous êtes pour l'inaliénabilité totale ou vous êtes contre. Pour ma part,
je suis pour l'inaliénabilité totale, rejoignant en cela Mme la ministre.
Exusez-moi de vous le dire : votre position est quand même très ambiguë.
M. Yann Gaillard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard.
Je ne vois pas de contradiction - mais je me trompe peut-être - entre
l'amendement de la commission, que j'approuve, et la disposition tendant à
supprimer la mesure introduite par l'Assemblée nationale : on peut très bien
conserver le système proposé par la commission et supprimer la phrase selon
laquelle les oeuvres des artistes vivants ne deviennent inaliénables qu'à
l'issue d'un délai de trente ans à compter de l'acquisition.
M. Ivan Renar.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar.
Monsieur le rapporteur, je vous ai donné acte, tout à l'heure, du pas que
représentait la proposition de la commission par rapport au texte de
l'Assemblée nationale. Mais la faiblesse de votre proposition est justement de
ne pas prendre en compte le principe même de l'inaliénabilité. Pour ma part, je
ne crains pas l'attitude de tel ou tel conservateur fou qui déciderait de
brader brusquement son musée, et en cachette en plus.
(Sourires.)
Ce que
je crains, c'est un marché sans conscience ni miséricorde. Si les pouvoirs
publics reculent - en l'occurrence, c'est le principe même de l'inaliénabilité
qui recule - c'est le marché qui s'avancera. Je crois même que les Etats-Unis
commencent à se rendre compte d'un certain nombre de choses au travers des
épreuves qu'ils traversent.
Ce texte va faire l'objet d'une commission mixte paritaire. La mesure proposée
par l'Assemblée nationale devra alors être supprimée.
(M. le rapporteur fait
un signe d'approbation.)
Le siècle qui commence a montré qu'il serait difficile. Je considère donc que
si, par grandeur d'âme, notre rapporteur acceptait, non pas de se faire
hara-kiri...
M. Jacques Valade,
président de la commission des affaires culturelles.
Ce serait dommage
!
M. Ivan Renar.
... mais de reconnaître la validité du principe dont nous discutons, peu de
choses sépareraient sur ce point les membres de la Haute Assemblée.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
Au risque de lasser l'auditoire, je le répète, nous sommes
tous d'accord sur le principe de la défense de nos oeuvres et de la richesse du
patrimoine de notre pays et nous n'avons pas l'intention de brader cette
richesse.
Je le disais dans mon propos liminaire, l'enquête réalisée par une institution
dont personne ne saurait mettre en cause la capacité d'évaluation montre que,
sur les cinq mille oeuvres prêtées dans les musées, on ne sait plus où sont
passées un cinquième d'entre elles.
Des risques existent, nous devons les prévenir, y compris par rapport à ces
oeuvres dont parfois la localisation actuelle pose problème. Nous vous
proposerons d'introduire des garanties quant à leur contrôle, leur
localisation, leur suivi et leur conservation.
De deux choses l'une : ou l'on décide de ne plus jamais toucher à une oeuvre
parce qu'elle a été achetée à un moment donné, ou nous acceptons de reconnaître
que, dans certaines circonstances, un conservateur peut légitimement, dans le
cadre de la gestion d'une collection, s'interroger sur la pertinence d'une
éventuelle vente d'oeuvres ou, le cas échéant, d'un éventuel échange, pour
enrichir une collection, la moderniser, la diversifier ou la rendre plus
homogène. Une telle demande serait, une nouvelle fois, adressée à une instance
de contrôle et de garantie.
Nous avons mis en place tout ce dispositif pour permettre, comme l'a rappelé
tout à l'heure notre collègue Ivan Renar, que le débat, qui a été faussé à
l'Assemblée nationale, se poursuive sur des bases saines et sereines. Nous
avons tous en tête les risques majeurs que ces amendements auraient pu faire
courir à la fois à nos collections, à la création contemporaine et au marché de
l'art en général.
C'est la raison pour laquelle je pense qu'il est aujourd'hui nécessaire que
nous puissions avoir ce débat également avec les responsables scientifiques des
collections. Notre amendement le permet, tout en prévoyant toutes les
précautions nécessaires, soit plus de précautions que jamais.
Je ne m'exprime pas en mon nom mais au nom de la commission, après avoir
entendu, il est vrai, beaucoup d'experts qui, les uns, concluaient à la
nécessité d'une respiration plus grande, y compris d'éminents experts de
grandes institutions culturelles de notre pays, les autres estimaient que seule
valait une garantie absolue et intangible, une garantie qui interdirait tout
débat puisque, à partir du moment où l'on a décidé l'achat, on ne peut plus le
remettre en cause.
Entre les deux, j'ai essayé de trouver la solution qui permette de répondre à
ce besoin de protection sans interdire de continuer le débat. Car ce débat doit
continuer, notamment en commission mixte paritaire, et nous devons prendre le
temps nécessaire pour parer à tous les risques qui ont été évoqués.
Mes chers collègues, la commission a pesé, soupesé et travaillé cet amendement
pour essayer de prendre en compte l'ensemble de ces enjeux, parfois
contradictoires, sans avoir, sans doute, réussi à trouver la solution idéale,
mais, et je le regrette, ce n'était pas dans nos moyens !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 24, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, les amendements n°s 47, 53, 67 et 72 n'ont plus d'objet.
L'amendement n° 25, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« A la fin de la deuxième phrase du deuxième alinéa du paragraphe II de
l'article 8, remplacer les mots : "Conseil des musées de France" par les mots :
"Haut Conseil des musées de France". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de coordination terminologique.
S'agissant du sujet précédent, je tenais simplement à ajouter que nous
reprendrons le débat en commission mixte paritaire.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Favorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 25, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 26, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le premier alinéa du paragraphe III de l'article 8 :
« Les biens des collections des musées de France appartenant aux personnes
morales de droit privé à but non lucratif acquis avec le concours de l'Etat ou
d'une collectivité territoriale ne peuvent être cédés, à titre gratuit ou
onéreux, qu'aux personnes publiques ou aux personnes morales de droit privé à
but non lucratif qui se sont engagées, au préalable, à maintenir l'affectation
de ces biens à un musée de France. La cession ne peut intervenir qu'après
approbation du ministre chargé de la culture et, le cas échéant, du ministre
intéressé, donnée après avis du Haut Conseil des musées de France. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement dont j'ai déjà exposé, à l'occasion
de l'examen de l'article 3, les motivations.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Je ne peux que rappeler la
position du Gouvernement, qui tient fermement au principe de non-aliénabilité
générale des collections des musées de France. Je me suis déjà longuement
exprimée sur ce sujet.
De nombreux musées associatifs existants, de nombreux musées de sociétés
notamment, ne sont pas absolument assurés de leur survie économique à long
terme, alors qu'ils ont réussi à réunir, souvent sans l'aide de l'Etat, par des
acquisitions avisées et grâce à la générosité des donateurs, des collections
importantes.
Il est donc positif de garantir une protection d'ensemble aux collections et
de prévoir qu'elles peuvent devenir la propriété d'autres musées de France
plutôt que d'être dispersées, puis détruites, lors de la dissolution de
l'association, et cela quelle que soit l'origine du financement des
acquisitions.
Je rappelle qu'il n'y a pas là atteinte à un droit de propriété, dès lors que
l'entrée d'un musée appartenant à une personne morale de droit privé dans le
dispositif « musées de France » résulte d'une démarche volontaire.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 26, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 8, modifié.
(L'article 8 est adopté.)
Article additionnel après l'article 8
M. le président.
L'amendement n° 27, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« Après l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Les collections des musées de France font l'objet d'une inscription sur un
inventaire. Il est procédé à leur récolement tous les dix ans. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
J'évoquais tout à l'heure la nécessité d'un meilleur suivi de
l'ensemble des richesses présentes dans les collections des musées. Il est
proposé ici que les collections des musées de France fassent l'objet d'une
inscription sur un inventaire et qu'il soit procédé à leur récolement tous les
dix ans.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Favorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 27, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 8.
Article 9
M. le président.
« Art. 9. - Les biens des collections nationales confiés par l'Etat, sous
quelque forme que ce soit, à une collectivité territoriale avant le 7 octobre
1910, et conservés, à la date de publication de la présente loi, dans un musée
classé ou contrôlé en application de l'ordonnance n° 45-1546 du 13 juillet 1945
portant organisation provisoire des musées des Beaux-Arts, et relevant de cette
collectivité deviennent, après récolement, la propriété de cette dernière et
entrent dans les collections du musée, sauf si la collectivité territoriale s'y
oppose ou si l'appellation "musée de France" n'est pas attribuée à ce musée.
« Toutefois, si, à la date de publication de la présente loi, le bien en cause
est conservé dans un musée classé ou contrôle en application de l'ordonnance n°
45-1546 du 13 juillet 1945 précitée relevant d'une collectivité territoriale
autre que celle initialement désignée par l'Etat, la collectivité territoriale
à laquelle la propriété du bien est transférée est désignée après avis du
Conseil des musées de France.
« Les dispositions des alinéas précédents ne s'appliquent pas aux biens donnés
ou légués à l'Etat. »
Sur l'article, la parole est à M. Jean-Léonce Dupont.
M. Jean-Léonce Dupont.
Madame la ministre, je souhaiterais simplement que vous puissiez préciser que
le transfert par l'Etat aux collectivités locales des oeuvres qu'il a mises en
dépôt dans les musées territoriaux avant 1910 comprend bien les oeuvres mises
en dépôt notamment dans les bibliothèques municipales à la même époque. En
effet, le problème vient de ce que tous les musées n'existaient pas à cette
époque. Un certain nombre d'oeuvres ont donc pu être transmises avant d'être
incorporées dans des collections muséographiques qui n'existaient pas
encore.
Je ne voudrais pas que, pour un problème de texte, on puisse mal interpréter
votre intention.
M. le président.
L'amendement n° 28, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« A la fin du deuxième alinéa de l'article 9, remplacer les mots : "Conseil
des musées de France" par les mots : "Haut Conseil des musées de France". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de coordination terminologique.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Le Gouvernement est
favorable à cet amendement.
Pour répondre à M. Jean-Léonce Dupont, je précise que le texte ne vise que les
dépôts dans les musées. Donc, pour traiter toutes les autres situations, il
faudrait un autre dispositif.
M. le président.
Etes-vous satisfait, monsieur Dupont ?
M. Jean-Léonce Dupont.
Je suis satisfait d'avoir obtenu une réponse, mais je ne suis pas satisfait du
contenu de cette réponse !
(Sourires.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 28, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 9, modifié.
(L'article 9 est adopté.)
Article 10
M. le président.
« Art. 10. - Les biens faisant partie des collections des musées de France
peuvent faire l'objet d'un prêt ou d'un dépôt à des fins d'études, de recherche
scientifique ou de présentation au public, dans des conditions fixées par
décret en Conseil d'Etat.
« Le Conseil des musées de France étudie les conditions de circulation,
d'échange et de prêt des oeuvres d'art entre musées bénéficiant de
l'appellation "musée de France". »
L'amendement n° 29, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« Supprimer l'article 10. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
Nous proposons, par cet amendement, de supprimer l'article
10. Ce n'est, en effet, pas à l'Etat qu'il revient de déterminer les règles de
dépôt des collections qui ne lui appartiennent pas. Par ailleurs, s'agissant de
ses propres collections, il semble déjà que l'Etat soit confronté à des
difficultés pour en déterminer la consistance et à en contrôler l'état et
l'affectation.
S'agissant de la disposition introduite par l'Assemblée nationale afin de
confier à l'instance créée à l'article 2 l'étude des conditions de circulation
des oeuvres entre les musées de France, Mme la ministre avait exprimé ses
réserves en ces termes : « Il paraît préférable, disait-elle, de laisser aux
musées la responsabilité de l'organisation de la circulation des oeuvres, ne
serait-ce que parce que les autorisations de circulation et de prêt demeurent
de la compétence des institutions propriétaires. » Je me rallie à cet
argumentaire !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
L'avis est défavorable.
Si la réglementation doit demeurer minimale, elle paraît néanmoins
indispensable pour préciser l'objectif de protection des collections, qui est
l'un des axes majeurs du projet de loi. Ces dépôts doivent tout de même être
encadrés par un minimum de réglementation.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 29, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 10 est supprimé.
Article 11
M. le président.
« Art. 11. - Toute restauration d'un bien faisant partie d'une collection d'un
musée de France ne relevant pas de l'Etat ou de l'un de ses établissements
publics est soumise à l'avis préalable des services de l'Etat.
« Elle est opérée par des spécialistes présentant des qualifications définies
par décret sous la direction des professionnels mentionnés à l'article 5. »
L'amendement n° 30, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le premier alinéa de l'article 11 :
« Toute restauration d'un bien faisant partie d'une collection d'un musée de
France est précédée de la consultation des instances scientifiques prévues à
l'article 8. »
Le sous-amendement n° 54, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« A la fin du texte proposé par l'amendement n° 30, remplacer les mots : "des
instances scientifiques prévues à l'article 8" par les mots : "d'instances
scientifiques dont la composition et le fonctionnement sont fixés par un décret
en conseil d'Etat". »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 30.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
Nous proposons une nouvelle rédaction du premier alinéa de
cet article 11, car il nous paraît nécessaire de prendre toutes les garanties
pour que la restauration des biens se fasse selon les règles de l'art.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre, pour présenter le sous-amendement n° 54.
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Les instances
scientifiques compétentes pour les opérations de restauration ne peuvent être
identiques dans leur composition à celles que le Gouvernement prévoit en
matière d'acquisition ni à celles que la commission prévoit pour sa procédure
de déclassement.
Le Gouvernement ne peut émettre un avis favorable sur l'amendement n° 30 qu'à
la condition que le sous-amendement soit adopté. Dans le cas contraire, son
avis serait défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 54 ?
M. Philippe Richert,
rapporteur.
Nous partageons les préoccupations de Mme la ministre.
La commission s'est trouvée devant un choix : ou bien une commission unique
pouvant siéger en deux formations différentes ou bien deux commissions
distinctes. Nous avons privilégié l'unicité de la commission, mais en prévoyant
deux compositions, de façon à faire droit à votre demande, madame la ministre.
Dans cet esprit, nous avions émis un avis défavorable sur votre
sous-amendement.
Cependant, si vous ne pouviez nous rejoindre aujourd'hui, s'agissant d'une
simple question d'organisation matérielle, nous pourrions élaborer une solution
de compromis.
M. le président.
Je mets aux voix le sous-amendementn° 54, repoussé par la commission.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 30, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 48, présenté par MM. Lagauche, Vidal et Weber, Mme Blandin et
les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
« Dans le deuxième alinéa de l'article 11, après les mots : "des
qualifications", insérer les mots : "ou une expérience professionnelle". »
La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche.
Notre amendement tend à préciser que le décret qui définira les qualifications
nécessaires pour procéder à la restauration des oeuvres d'art devra appréhender
non seulement les qualifications - sanctionnées par un diplôme - mais aussi les
acquis professionnels.
Il convient que la restauration puisse être confiée à des artisans spécialisés
dans ce type de tâches et généralement tout à fait reconnus. Il s'agit souvent
des « meilleurs ouvriers de France ». A l'heure actuelle, les musées
territoriaux font fréquemment appel à ces artisans, qui ne disposent pas
toujours d'un diplôme sanctionnant leur savoir-faire.
Il suffirait donc, et ce conformément aux termes de la loi relative à la
modernisation sociale, de prévoir la validation des acquis professionnels pour
les artisans oeuvrant au sein des musées de France. Cette validation aurait un
caractère national et ne relèverait aucunement du seul bon vouloir des
autorités territoriales.
M. le président.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 54, repoussé par la commission.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 30, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Richert,
rapporteur.
Monsieur Lagauche, lors de l'examen de cet amendement en
commission, j'ai déjà dit que nous avions reçu du ministère l'assurance que le
Gouvernement était sensible à votre préoccupation.
Il serait néanmoins utile que Mme la ministre le confirme et vous donne des
assurances sur ce point. S'il ne nous semble pas nécessaire que cette précision
figure dans la loi, il est toutefois important, monsieur Lagauche, que vous
ayez les garanties que vous attendez.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Le Gouvernement émet un
avis favorable sur cet amendement. En matière de restauration, l'expérience
professionnelle fait, bien entendu, partie des qualifications sur lesquelles le
décret d'application apportera les précisions nécessaires.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 48.
M. Ivan Renar.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar.
Je trouve cet amendement excellent et je voulais brièvement m'en expliquer.
Il va dans le sens de la loi de modernisation sociale qui a mis en avant, du
point de vue de la formation professionnelle, une nouveauté formidable, la
validation des acquis professionnels. En voici une première application dans le
domaine de la restauration des oeuvres d'art. J'aurais aimé avoir pensé à
déposer cet amendement et je suis très heureux que Mme la ministre y soit
favorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 48, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 11, modifié.
(L'article 11 est adopté.)
Article 12
M. le président.
« Art. 12. - Lorsque la conservation, la sécurité, l'exposition au public des
biens faisant partie d'une collection d'un musée de France sont mises en péril
et que le propriétaire de cette collection ne veut ou ne peut prendre
immédiatement les mesures jugées nécessaires par l'Etat, celui-ci peut, par
décision motivée, prise après avis du Conseil des musées de France, mettre en
demeure le propriétaire de prendre toutes dispositions pour remédier à cette
situation. Si le propriétaire s'abstient de donner suite à cette mise en
demeure, l'Etat peut, dans les mêmes conditions, ordonner les mesures
conservatoires utiles, et notamment le transfert provisoire du bien dans un
lieu offrant les garanties voulues.
« En cas d'urgence, la mise en demeure et les mesures conservatoires peuvent
être décidées sans l'avis du Conseil des musées de France. Celui-ci est informé
sans délai des décisions prises.
« Lorsque le transfert provisoire d'un bien dans un lieu offrant les garanties
voulues a été décidé, le propriétaire du bien peut, à tout moment, obtenir la
réintégration de celui-ci dans le musée de France où celui-ci se trouvait, s'il
justifie, après avis du Conseil des musées de France, que les conditions
imposées sont remplies.
« Le propriétaire et l'Etat contribuent aux frais occasionnés par la mise en
oeuvre des mesures prises en vertu du présent article, sans que la contribution
de l'Etat puisse excéder 50 % de leur montant. »
L'amendement n° 31, présenté par M. Richert au nom de la commission, est ainsi
libellé :
« Rédiger ainsi le début du premier alinéa de cet article :
« Lorsque la conservation ou la sécurité d'un bien faisant partie d'une
collection d'un musée de France est mise en péril... »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
Cet amendement vise à revenir à la rédaction initiale du
projet de loi.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
La rédaction proposée ne
me paraissant pas poser de problème par rapport aux intentions du Gouvernement,
je m'en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 31, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
L'amendement est adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 32, présenté par M. Richert au nom de la commission, est ainsi
libellé :
« I. - Dans la première phrase du premier alinéa de l'article 12, remplacer
les mots : "Conseil des musées de France" par les mots : "Haut Conseil des
musées de France".
« II. - Dans la première phrase du deuxième alinéa de l'article 12, remplacer
les mots : "Conseil des musées de France" par les mots : "Haut Conseil des
musées de France".
« III. - Dans le troisième alinéa de l'article 12, remplacer les mots :
"Conseil des musées de France" par les mots : "Haut Conseil des musées de
France".
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de coordination terminologique.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Favorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 32, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 12, modifié.
(L'article 12 est adopté.)
Article 13
M. le président.
« Art. 13. - Le fait pour le fondateur ou le dirigeant, de droit ou de fait,
d'une institution ne bénéficiant pas de l'appellation de musée de France
d'utiliser ou de laisser utiliser cette appellation dans l'intérêt de cette
institution est puni d'une amende de 15 000 EUR.
« Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement du
délit prévu à l'alinéa précédent dans les conditions prévues aux articles 121-2
et 131-38 du code pénal. » -
(Adopté.)
Article 14
M. le président.
« Art. 14. - I. - A compter de la date de publication de la présente loi, les
musées nationaux et les musées classés en application des lois et règlements en
vigueur antérieurement à la présente loi, ainsi que les musées de l'Etat dont
le statut est fixé par décret se voient attribuer, de plein droit,
l'appellation "musée de France".
« II. - Les musées contrôlés en application des lois et règlements en vigueur
antérieurement à la présente loi reçoivent l'appellation "musée de France" à
compter du premier jour du treizième mois suivant la publication de la présente
loi, sous réserve des dispositions qui suivent.
« Avant l'expiration du délai prévu au premier alinéa, la personne morale
propriétaire des collections peut transmettre aux services de l'Etat une
demande d'obtention immédiate de l'appellation. Celle ci est alors attribuée au
musée concerné un mois après réception de la demande sauf si, dans
l'intervalle, le ministre chargé de la culture a fait connaître son opposition,
par décision motivée, à la collectivité demandeuse.
« Avant l'expiration du délai prévu au premier alinéa, la personne morale
propriétaire des collections peut transmettre aux services de l'Etat son
opposition à l'obtention de l'appellation. Si l'opposition émane d'une personne
morale de droit privé, il y est fait droit. Si l'opposition émane d'une
personne morale de droit public, le Conseil des musées de France est consulté
et il peut être passé outre à l'opposition par décret en Conseil d'Etat pris
après avis favorable de ce conseil.
« Avant l'expiration du délai prévu au premier alinéa, le Conseil des musées
de France peut proposer au ministre chargé de la culture de s'opposer, par
décision motivée, à ce qu'un musée contrôlé reçoive l'appellation "musée de
France".
« Les musées contrôlés demeurent soumis aux lois et règlements en vigueur
antérieurement à la présente loi jusqu'à l'expiration du délai prévu au premier
alinéa ou, dans les cas prévus aux deuxième, troisième et quatrième alinéas,
jusqu'à la notification par les services de l'Etat de l'acte attribuant ou
refusant l'appellation "musée de France" ou de l'acte faisant droit à
l'opposition de la personne morale propriétaire des collections. »
L'amendement n° 33, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le paragraphe I de cet article :
« I. - A compter de la date de publication de la présente loi, l'appellation
"musée de France" est attribuée aux musées nationaux, aux musées classés en
application des lois et règlements en vigueur antérieurement à la présente loi
et aux musées de l'Etat dont le statut est fixé par décret. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Favorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 33, acccepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je suis maintenant saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une
discussion commune.
L'amendement n° 34, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le paragraphe II de l'article 14 :
« II. - Dans un délai d'un an à compter de la publication de la présente loi,
les musées contrôlés en application des lois et règlements en vigueur peuvent
demander l'attribution de l'appellation "musées de France".
« Un décret fixe le délai à l'expiration duquel l'appellation est réputée
attribuée.
« Les musées contrôlés demeurent soumis aux lois et règlements en vigueur
antérieurement à la présente loi jusqu'à l'expiration du délai prévu au premier
alinéa ou, s'ils ont demandé l'attribution de l'appellation "musées de France",
jusqu'à l'expiration du délai prévu au deuxième alinéa ou de la notification de
la décision la refusant. »
L'amendement n° 55, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Dans la seconde phrase du deuxième alinéa du II de l'article 14, remplacer
le mot : "collectivité" par le mot : "personne". »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 34.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
Cet amendement tend à proposer une nouvelle rédaction du
paragraphe II de l'article 14, qui précise les conditions d'attribution de
l'appellation « musées de France » aux musées contrôlés.
En fait, nous abordons la partie du texte relative aux musées contrôlés. Pour
les musées nationaux et pour les musées classés, le texte, tel qu'il est
rédigé, prévoit une attribution automatique du label et, à ce titre, convient
parfaitement.
Pour les musées contrôlés, il nous semble, en revanche, nécessaire de le
modifier en ce qui concerne la procédure d'attribution de l'appellation « musée
de France ». Si la procédure d'octroi automatique était retenue, des musées
contrôlés appartenant à une collectivité se verraient imposer cette
appellation. Or, il nous paraît nécessaire de leur laisser la possibilité de ne
pas demander l'attribution de ce label.
C'est la raison pour laquelle nous prévoyons la possibilité de demander le
label à compter de la publication de la loi dans un délai d'un an. Un décret
fixera le délai à l'expiration duquel l'appellation est réputée attribuée.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre, pour présenter l'amendement n° 55 et donner
l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 34.
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
L'amendement n° 55 est
d'ordre rédactionnel.
Quant à l'amendement n° 34, le Gouvernement y est défavorable.
La rédaction du II de l'article 14 est sans doute un peu lourde, mais le
principe qu'il pose respecte la libre administration des collectivités
territoriales et le libre choix des musées privés. Au fond, nous disons la même
chose, mais l'un choisit l'acte positif et l'autre l'acte négatif.
Tout musée contrôlé peut exprimer son souhait d'être ou de ne pas être placé
sous le label « musée de France ». Je sais d'expérience ce que peut être
l'inertie administrative de nombre d'institutions, qui ne songent pas à
remettre en cause leur fonctionnement.
Il paraît souhaitable que les musées contrôlés, qui ne manifestent pas de
volonté particulière - mais dont, par définition, les collections présentent à
l'heure actuelle un intérêt public - puissent se voir reconnaître, sauf cas
exceptionnel, la qualité de « musée de France ». Souvenons-nous l'adage : « Qui
ne dit mot consent »...
J'organiserai au début de l'année 2002, si le Parlement vote le présent projet
de loi, un concours national pour un logotype « musée de France » que les
musées de cette catégorie pourraient librement utiliser et qui devrait servir
leur notoriété.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 55 ?
M. Philippe Richert,
rapporteur.
Cet amendement n'est pas compatible avec le nôtre. Notre
rédaction prévoit expressément qu'un musée contrôlé a le droit de ne pas
solliciter le label s'il ne le souhaite pas, sans que quiconque, y compris le
Haut Conseil des musées de France, puisse le lui imposer.
Le texte actuel prévoit que le Haut Conseil peut prendre une position
différente et imposer le label à un musée qui ne le souhaite pas.
C'est la raison pour laquelle je suis défavorable à l'amendement n° 55.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 34, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'amendement n° 55 n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 14, modifié.
(L'article 14 est adopté.)
Article 15
M. le président.
« Art. 15. - L'Etat peut maintenir à la disposition des musées de France
relevant des collectivités territoriales, pendant un délai maximum de trois ans
à compter de la date de publication de la présente loi, les personnels
scientifiques mis à disposition en application de l'article 62 de la loi n°
83-663 du 22 juillet 1983 complétant la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative
à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les
régions et l'Etat.
« A l'issue du délai prévu au précédent alinéa, l'article 62 de la loi n°
83-663 du 22 juillet 1983 précitée est abrogé. -
(Adopté.)
Article additionnel avant l'article 15 bis
M. le président.
L'amendement n° 64, présenté par M. Jean-Léonce Dupont, est ainsi libellé :
« Avant l'article 15
bis
, insérer un article additionnel ainsi rédigé
:
« Le Gouvernement présentera au Parlement, avant la fin de l'année 2002, un
rapport relatif au droit à l'image et aux moyens d'en faire bénéficier les
collectivités publiques pour les oeuvres d'art dont elles ont la propriété ou
la gestion. »
La parole est à M. Jean-Léonce Dupont.
M. Jean-Léonce Dupont.
La jurisprudence a très clairement reconnu aux propriétaires privés un droit à
l'image des biens leur appartenant, qui leur permet de s'opposer à toute
reproduction de leurs biens, fût-elle à usage privé.
Mais elle ne s'est pas encore prononcée sur le cas particulier de
l'exploitation commerciale par un tiers qui n'y aurait pas été autorisé de
l'image d'un monument ou d'un bien appartenant à une collectivité publique.
Ce droit à l'image ne pourrait-il pas aujourd'hui leur être accordé ? Cette
reconnaissance permettrait de soumettre à autorisation préalable l'utilisation
à des fins commerciales de la représentation des monuments historiques et des
objets dans les collections des musées appartenant aux collectivités publiques.
Ces collectivités pourraient ainsi s'assurer que la reproduction est conforme à
l'intérêt général et compatible avec l'affectation du domaine public
considéré.
Cet amendement a pour objet de demander au Gouvernement un rapport d'étude sur
cette question.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Richert,
rapporteur.
La question du droit à l'image des collectivités publiques
sur les biens qui leur appartiennent est une question délicate. Elle mérite,
nous en convenons tous, une étude approfondie.
Toutefois, il me semble nécessaire de dissiper une éventuelle confusion née de
la rédaction de cet amendement.
L'affirmation d'un droit à l'image - si on peut employer ces termes quelque
peu impropres - ne peut conduire à évincer de leurs droits les éventuels
titulaires de droit de propriété intellectuelle et artistique sur les biens
concernés.
Sous réserve de cette précision, la commission a émis un avis favorable sur
cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Le Gouvernement est
favorable à cette étude parce qu'il s'agit d'une question difficile, très
débattue en doctrine à la faveur de décisions juridictionnelles récentes.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 64.
M. Yann Gaillard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard.
Cette question est effectivement très difficile. Le droit à l'image, même en
matière privée, est en train de tuer l'art photographique. Que serait devenue
l'oeuvre des grands photographes du xixe siècle - Le Seq ou d'autres - s'ils
avaient dû payer chaque fois qu'ils photographiaient un monument de Paris ?
Je vois dans cette disposition une très bonne intention pour apporter des
ressources aux musées. Cependant, il s'agit d'une question délicate. C'est
pourquoi je suis très réservé.
M. Jean-Léonce Dupont.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Léonce Dupont.
M. Jean-Léonce Dupont.
Il faut effectivement traiter cette question avec beaucoup de délicatesse. En
fait, c'est une étude qui est demandée. Je prendrai simplement pour exemple les
musées dont certaines oeuvres sont aujourd'hui reproduites sur un certain
nombre de sites internet dans le monde et sont vendues dans n'importe quelles
conditions. Il serait judicieux de mener une réflexion sur ce type de
problèmes.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 64, accepté par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, avant l'article 15
bis.
Article 15 bis
M. le président.
« Art. 15
bis
. - I. - L'article 200 du code général des impôts est
complété par un 6 ainsi rédigé :
« 6. Ouvrent droit à une réduction d'impôt sur le revenu égale à 50 % de leur
montant dans la limite de 6 % du revenu imposable les dons à l'Etat effectués
par les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B, sous forme
d'oeuvres d'art, de livres, d'objets de collection ou de documents de haute
valeur historique et artistique et agréés dans les conditions fixées à
l'article 1716
bis.
»
« II. - La perte de recettes pour l'Etat résultant du I est compensée, à due
concurrence, par la création de taxes additionnelles aux droits prévus aux
articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° 35, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« Supprimer l'article 15
bis
. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
Les dons visés par l'article 15
bis
sont d'ores et
déjà éligibles à la réduction d'impôt prévue par l'article 200 du code général
des impôts relatif aux dons effectués par des particuliers au profit
d'organismes d'intérêt général.
Au-delà de son caractère superfétatoire, ce dispositif, qui ne vise que les
dons faits à l'Etat, introduit une confusion dans la rédaction de l'article
200, confusion qui risque d'aboutir à une application
a contrario
du
texte, très défavorable pour les musées territoriaux et les musées privés.
Enfin, en conditionnant l'avantage fiscal à l'agrément prévu dans le cadre de
la procédure des dations, il pose une condition nouvelle à l'octroi de la
réduction d'impôt, bien plus restrictive que la procédure actuellement en
vigueur, ce qui aura pour effet de décourager les mécènes et d'encadrer la
liberté dont jouissent aujourd'hui les musées pour accepter ou refuser ces
dons.
Il convient donc de supprimer cet article.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
La suppression proposée va
dans le sens de la clarté. Aussi, le Gouvernement émet un avis favorable sur
cet amendement.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 35, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 15
bis
est supprimé.
Article 15 ter
M. le président.
« Art. 15
ter
. - Au
b
du 1 de l'article 200 du code général des
impôts, après les mots : "patrimoine artistique,", sont insérés les mots :
"notamment à travers les souscriptions nationales ouvertes pour financer
l'achat d'objets ou d'oeuvres d'art destinés à rejoindre les collections d'un
musée de France accessibles au public,". »
L'amendement n° 36, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« Dans le texte proposé par l'article 15
ter
pour compléter le
b
du 1 de l'article 200 du code général des impôts, supprimer le mot :
"nationales". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
Cet amendement tend à supprimer le mot « nationales » afin
que soient visées toutes les souscriptions, et non les seules souscriptions
nationales.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
L'intention du
Gouvernement, lors de la présentation de cette disposition à l'Assemblée
nationale, n'était pas, bien évidemment, de limiter l'avantage fiscal aux seuls
souscriptions nationales ouvertes pour l'acquisition d'objets ou d'oeuvres
d'art destinés à rejoindre les collections d'un musée de France. Le mot «
notamment » qui figure à l'article 15
ter
reflète d'ailleurs cette
intention.
L'amendement que vous proposez, monsieur le rapporteur, permet de lever
définitivement cette imprécision. Le Gouvernement émet donc un avis favorable à
cet amendement.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 36, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 15
ter,
modifié.
(L'article 15
ter
est adopté.)
Article 15 quater
M. le président.
« Art. 15
quater.
- I. - Le premier alinéa de l'article 238
bis
AB du code général est impôts est ainsi rédigé :
« Les entreprises qui achètent, à compter du 1er janvier 2002, des oeuvres
originales d'artistes vivants et les inscrivent à un compte d'actif immobilisé
peuvent déduire du résultat de l'exercice d'acquisition et des quatre années
suivantes, par fractions égales, une somme égale au prix d'acquisition.
« II. - La perte de recettes résultant du I est compensée, à due concurrence,
par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et
575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° 56, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Supprimer l'article 15
quater
. »
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Lors de la première
lecture à l'Assemblée nationale, le Gouvernement avait souligné le caractère
paradoxal des dispositions introduites par l'article 15
quater :
en
prévoyant une réduction de dix à cinq ans de la période d'amortissement des
oeuvres, elles diminuent corrélativement la durée de l'obligation d'exposition
au public de l'oeuvre. Ainsi, un avantage supplémentaire est offert à
l'entreprise sans que la collectivité en retire - bien au contraire - un
bénéfice plus grand.
Compte tenu de la mesure proposée par ailleurs par le Gouvernement, également
destinée aux entreprises et centrée sur la priorité que constituent les trésors
nationaux, et dans un souci de simplification du dispositif global tel qu'il
est souhaitable qu'il résulte de la loi, il est proposé de supprimer l'article
15
quater.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Richert,
rapporteur.
Le dispositif visé a été très peu utilisé jusqu'à présent, ce
qui prouve son manque d'attractivité. La décision de l'Assemblée nationale de
réduire de dix ans à cinq ans la période d'amortissement des oeuvres devrait
encourager les entreprises à recourir à ce dispositif. Aussi, nous souhaitons
maintenir la disposition telle qu'elle a été votée par l'Assemblée nationale.
Nous émettons donc un avis défavorable sur cet amendement de suppression.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 56, repoussé par la commission.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 15
quater.
(L'article 15
quater
est adopté.)
Article 15 quinquies
M le président.
« Art. 15
quinquies. -
Le début du onzième alinéa (6) de l'article 238
bis
OA du code général des impôts est ainsi rédigé : "Pendant cette
période, le bien peut être placé en dépôt...".
(Le reste sans
changement)
»
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° 57 est présenté par le Gouvernement. Il est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi l'article 15
quinquies :
« I. - L'article 238
bis
OA du code général des impôts est ainsi rédigé
:
« Art. 238
bis
OA. - Les entreprises imposées à l'impôt sur les
sociétés d'après leur bénéfice réel peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt
égale à 90 % des versements effectués avant le 31 décembre 2006 en faveur de
l'achat de biens culturels présentant le caractère de trésors nationaux, ayant
fait l'objet d'un refus de délivrance d'un certificat d'exportation par
l'autorité administrative, dans les conditions prévues à l'article 7 de la loi
n° 92-1477 du 31 décembre 1992 relative aux produits soumis à certaines
restrictions de circulation et à la complémentarité entre les services de
police, de gendarmerie et de douane et pour lesquels l'Etat a fait au
propriétaire du bien une offre d'achat dans les conditions prévues par
l'article 9-1 de la même loi.
« Les versements ne sont pas déductibles pour la détermination du bénéfice
imposable.
« Les versements doivent faire l'objet d'une acceptation par les ministres
chargés de la culture et du budget.
« La réduction d'impôt s'applique sur l'impôt sur les sociétés dû au titre de
l'exercice au cours duquel les versements sont acceptés. Toutefois la réduction
d'impôt ne peut être supérieure à 10 % du montant de l'impôt dû par
l'entreprise au titre de cet exercice conformément au I de l'article 219. Pour
les sociétés membres d'un groupe au sens de l'article 233 A, la limite de 10 %
s'applique pour l'ensemble du groupe par référence à l'impôt dû par la société
mère du groupe. ».
« II. - Dans l'article 238
bis
AA du code général des impôts, les mots
: ", de l'article 238
bis
OA" sont supprimés. »
« III. - Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du
présent article. »
Le sous-amendement n° 73, présenté par M. Richert, au nom de la commission,
est ainsi libellé :
« Dans la deuxième et dans la dernière phrase du dernier alinéa du texte
proposé par le I de l'amendement n° 57 pour l'article 238
bis
OA du code
général des impôts, remplacer le pourcentage : "10 %" par le pourcentage : "50
%". »
L'amendement n° 37 est présenté par M. Richert, au nom de la commission. Il
est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi l'article 15
quinquies
.
« Le 6 de l'article 238
bis
OA du code général des impôts est supprimé.
»
La parole est à Mme le ministre, pour défendre l'amendement n° 57.
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
L'actuel dispositif
destiné à favoriser, par une incitation fiscale, le don d'oeuvres d'art par des
entreprises à l'Etat n'a pas fonctionné. Par ailleurs, les moyens de conserver
les trésors nationaux dans le patrimoine de la nation sont insuffisants. Il est
donc proposé de remplacer le dispositif actuel par un dispositif nouveau, plus
simple et susceptible d'être plus efficace compte tenu de l'avantage fiscal
très significatif qu'il prévoit. Un avantage d'une telle ampleur ne se conçoit
qu'en faveur des trésors nationaux qui ont fait l'objet d'un refus de
certificat d'exportation. Il permettrait en effet à une ou plusieurs
entreprises de concourir à l'acquisition des ces oeuvres par l'Etat et
d'obtenir, en contrepartie, une réduction de leur impôt sur les sociétés égale
à 90 % de cette contribution dans la limite de 10 % de leur impôt dû.
Le dispositif proposé est expérimental. A son terme, soit à la fin de 2006, un
bilan devra en être tiré afin d'examiner les conditions de son fonctionnement.
Ce terme est cohérent avec l'effort de programmation budgétaire pluriannuelle
qu'accompagne la mesure fiscale proposée.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter le sous-amendement n° 73 et
l'amendement n° 37.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
Il s'agit là encore d'un dispositif crucial de ce projet de
loi.
Le Gouvernement nous présente un dispositif permettant aux entreprises
d'apporter à l'Etat un concours financier substantiel en vue d'éviter cette
fuite de nos trésors nationaux que nous n'avons pas réussi à endiguer jusqu'à
présent.
Le dispositif, tel qu'il est présenté au Sénat, ouvre principalement la
possibilité, pour une entreprise qui fait un don à l'Etat en vue d'acheter des
trésors nationaux ayant été frappés d'un refus d'exportation, de déduire de
l'impôt que celle-ci doit acquitter 90 % du montant du don.
La commission des affaires culturelles du Sénat avait prévu un autre
dispositif qui aurait dû être examiné par le biais d'un amendement visant à
insérer un article additionnel après l'article 15
octies.
Aux termes de
ce dispositif, le don fait à l'Etat aurait été déductible du résultat imposable
mais aurait également ouvert droit à une réduction d'impôt, à hauteur de 75 %
du montant de ce don.
Si nous comparons les deux mesures, nous pouvons constater que le dispositif
prévu par notre commission était plus avantageux que celui qui est présenté par
le Gouvernement. Nous allions pratiquement à une déduction totale du don. Il
nous semble néanmoins que l'amendement qui est présenté par le Gouvernement
comporte d'autres avantages, en particulier une plus grande lisibilité,
puisqu'il comporte une réduction de 90 % au titre de l'impôt sur les
sociétés.
Nous avons donc, en commission, décidé d'émettre un avis favorable sur
l'amendement du Gouvernement et donc de retirer notre amendement n° 39
Néanmoins, nous sommes surpris que, par son amendement, et l'un de nos
éminents collègues en a parlé tout à l'heure, le Gouvernement plafonne la
déduction à 10 % du montant de l'impôt que l'entreprise doit acquitter.
Il nous semble nécessaire de fixer une limite bien plus élevée. C'est pourquoi
nous proposons - c'est l'objet de notre sous-amendement - de retenir le taux de
50 %, afin que le montant de la déduction soit substantiel. En effet, si une
entreprise entre dans ce dispositif, elle pourra soustraire 90 % du don de
l'impôt sur les sociétés mais 10 % du don restera à sa charge. Par ailleurs, je
rappellerai que le don n'est pas déductible du bénéfice imposable et, à ce
titre, supportera l'impôt sur les sociétés.
Dans ce contexte, le plafond de 10 % retenu par le Gouvernement est trop
limitatif. C'est pourquoi nous proposons de le porter à 50 % par le
sous-amendement n° 73.
J'en viens à l'amendement n° 37. Il prévoit une nouvelle rédaction de
l'article 15
quinquies
aux termes de laquelle le 6 de l'article 238
bis
OA du code général des impôts est supprimé. En effet, il autorise
les entreprises ayant acquis des oeuvres d'art pour les donner à l'Etat à
déduire du montant de leurs bénéfices la valeur d'acquisition de ces
oeuvres.
Parmi les conditions posées par cet article pour l'octroi de l'avantage fiscal
figurait l'obligation d'exposer l'oeuvre au public. L'article 238
bis
OA
prévoyait également comme alternative la possibilité de les placer en dépôt
auprès d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public à caractère
scientifique, culturel ou professionnel. L'Assemblée nationale a supprimé
l'obligation d'exposition au public sans pour autant abroger les dispositions
encadrant ces modalités de dépôt. Nous proposons de supprimer également ces
modalités
Cela étant dit, si le sous-amendement n° 73 et l'amendement n° 57 sont
adoptés, l'amendement n° 37 n'aura plus d'objet et, par ailleurs, je retirerai
l'amendement n° 39.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 73 ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Je ne puis accepter ce
sous-amendement.
En effet, monsieur le rapporteur, l'objet du plafonnement que nous souhaitons
instituer est de limiter pour chaque entreprise effectuant un versement l'effet
de la réduction d'impôt ; il n'est pas de dénaturer le dispositif ni d'en
restreindre la portée.
Je vous rappelle que 10 % de l'impôt sur les sociétés acquitté par les
entreprises représentent plus de 3,5 milliards d'euros, soit plus de 23
milliards de francs.
Il a paru important au Gouvernement qu'une entreprise ne puisse pas être
totalement ou en grande partie exonérée d'impôt sur les sociétés du fait de
cette réduction d'impôt. Il nous a aussi paru nécessaire pour l'acquisition des
trésors les plus onéreux qu'un ensemble d'entreprises se forme pour financer
cette acquisition afin qu'elle acquière un caractère national.
M. le président.
Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 73.
M. Ivan Renar.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar.
J'étais déjà très réservé sur l'amendement du Gouvernement, que je m'apprêtais
toutefois à voter. Mais jusqu'où va-t-on aller ?
Par conséquent, je suis résolument contre le sous-amendement et je souscris
tout à fait à l'argumentation développée par Mme la ministre voilà un instant.
Il me semble en effet que l'on va trop loin. En amour, ce ne sont pas les
déclarations qui comptent, ce sont les manifestations ; je pense donc que les
entreprises devraient manifester indépendamment leur amour pour les oeuvres
d'art des exonérations qu'elles souhaitent obtenir.
M. Yann Gaillard
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard.
Je regrette qu'après avoir fait un très grand pas, le Gouvernement n'accepte
pas d'en faire un petit supplémentaire !
En fait, il n'a à craindre ni menace ni dérive parce qu'il détient les
leviers. En outre, il s'agira d'opérations peu nombreuses et limitées dans le
temps qui n'interviendront que tous les deux ou trois ans. Ce n'est pas tous
les ans qu'un tableau tel que
la Duchesse de Montejasi et ses filles
part pour l'étranger ! Et ce sont les pouvoirs publics qui lancent les
souscriptions. Ils seront donc maîtres de la situation.
Dans ces conditions, je ne comprends pas que, ayant fait les deux tiers du
chemin, le Gouvernement n'aille pas jusqu'au bout de la logique.
En tout cas, je voterai avec enthousiasme et l'amendement du Gouvernement et
le sous-amendement de la commission.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
Lorsqu'une entreprise accepte de faire un don à l'Etat, elle
a le droit de déduire de l'impôt 90 % du montant de ce don. Elle est donc
obligée de payer une deuxième fois les 10 % du montant du don qu'elle fait.
Prenons l'exemple d'une entreprise qui fait un don de 100 millions de francs à
l'Etat pour acheter un Picasso. Elle ne pourra déduire que 90 millions sur ces
100 millions. Par conséquent, même si cette disposition permet à l'entreprise
d'afficher sa vocation de mécène, le coût du don qu'elle consent représente en
quelque sorte 110 p. 100 du montant de ce dernier.
Dès lors, si les entreprises acceptent cela pour sauver les trésors nationaux
qui « filent » à l'étranger, il vaudrait mieux leur tirer le chapeau et les
remercier de leur geste plutôt que de leur imposer un plafonnement de la
réduction d'impôt à 10 % du montant de la charge fiscale à acquitter.
Vous évoquiez tout à l'heure, madame la ministre, les sommes concernées. Mais
ce qui compte, c'est l'effort consenti par chaque entreprise individuellement.
Nous avons des oeuvres d'une valeur de 100 millions de francs, voire 200
millions de francs, que nous n'arrivons pas à retenir chez nous. Si nous fixons
ce seuil de 10 %, le nombre des entreprises susceptibles de consentir de tels
dons va considérablement se restreindre. Celles qui seraient aptes à s'engager
dans cette voie devraient plutôt y être encouragées.
Je pense, pour ma part, que le Sénat ferait oeuvre utile en manifestant sa
volonté d'encourager les entreprises à mener le combat pour le maintien, sur
notre territoire, de nos trésors nationaux et de notre patrimoine culturel.
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
J'ai noté avec plaisir que
M. Gaillard admettait que nous avions déjà fait au moins les deux tiers du
chemin. Je pense que le dispositif que nous proposons marque en effet une
grande avancée dans la relation entre l'Etat et les entreprises au service du
patrimoine.
Je souligne en outre que ce dispositif doit avoir un terme et qu'en 2006 nous
serons conduits, représentation nationale et Gouvernement, à dresser le bilan
de son efficacité. Il me semble sage, aujourd'hui, d'engager une démarche très
nouvelle dans notre législation, qui marque un grand progrès, quitte à la
réviser au terme de cette première expérience.
M. le président.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 73, repoussé par le Gouvernement.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° 57, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 15
quinquies
est ainsi rédigé et l'amendement
n° 37 n'a plus d'objet.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
De même que l'amendement n° 39.
Articles additionnels après l'article 15 octies (priorité)
M. Philippe Richert,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
Monsieur le président, en application de l'article 44, alinéa
6 du règlement du Sénat, la commission demande que l'amendement n° 40, tendant
à insérer un article additionnel après l'article 15
octies
du projet de
loi, soit examiné en priorité.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Favorable.
M. le président.
La priorité est ordonnée.
L'amendement n° 40, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« Après l'article 15
octies,
insérer un article additionnel ainsi
rédigé :
« I. - Après l'article 238
bis
OA du code général des impôts, il est
inséré un article 238
bis
OAB nouveau ainsi rédigé :
«
Art. 238
bis
OAB.
- Ouvrent droit, à compter de la date de
publication de la loi n° du relative aux musées de France, à une réduction
d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés dans la limite de 40 % de
leur montant, les sommes consacrées par les entreprises à l'achat de biens
culturels faisant l'objet, à la date d'acquisition, d'un refus de certificat en
application de la loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992 relative aux produits
soumis à certaines restrictions de circulation et à la complémentarité entre
les services de police, de gendarmerie ou de douane dans les conditions
suivantes :
« - le bien ne doit pas avoir fait l'objet d'une offre d'achat de l'Etat dans
les conditions fixées par l'article 9-1 de la loi n° 92-1477 du 31 décembre
1992 précitée ;
« - l'entreprise s'engage à consentir au classement du bien comme monument
historique en application de l'article 16 de la loi du 31 décembre 1913 sur les
monuments historiques ;
« - le bien ne doit pas être cédé avant l'expiration d'un délai de dix ans à
compter de l'acquisition ;
« - durant la période visée à l'alinéa précédent, le bien doit être placé en
dépôt auprès d'un musée de France.
« La réduction d'impôt est subordonnée à l'agrément du ministre de l'économie
et des finances qui se prononce après avis de la commission prévue à l'article
7 de la loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992 précitée.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent
article. »
« II. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat du I ci-dessus sont
compensées par une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575
A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
Cet amendement était le complément de l'amendement n° 39 que
nous venons de retirer à la faveur de l'adoption de l'amendement du
Gouvernement. Il vise à permettre aux entreprises, cette fois-ci, non plus de
faire un don à l'Etat pour lui permettre d'acquérir des trésors nationaux, mais
d'acquérir elles-mêmes ces trésors nationaux et de pouvoir bénéficier, à ce
titre, d'un avantage fiscal.
Nous proposons donc d'octroyer aux entreprises qui acceptent d'acheter ces
trésors nationaux, frappés d'une interdiction d'exportation, une réduction
d'impôt de 40 % du montant de la valeur d'acquisition de l'oeuvre. Une telle
mesure serait bien sûr incitative, mais en outre elle constituerait une
compensation à la baisse de la valeur de l'oeuvre d'art qui aurait subi une
érosion conséquente du fait de son classement.
Pour éviter que cette mesure ne soit utilisée à des fins de spéculation, nous
avons prévu par ailleurs un certain nombre de garanties.
Le bien ne doit pas avoir fait l'objet d'une offre d'achat de l'Etat dans les
conditions fixées par l'article 9-1 de la loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992
précitée.
L'entreprise s'engage à consentir au classement du bien comme monument
historique en application de l'article 16 de la loi du 31 décembre 1913 sur les
monuments historiques.
Le bien ne doit pas être cédé avant l'expiration d'un délai de dix ans à
compter de l'acquisition.
Durant la période visée, le bien doit être placé en dépôt auprès d'un musée de
France. C'est d'ailleurs une des raisons pour laquelle nous examinons cette
disposition dans le cadre de la discussion de ce projet de loi.
La réduction d'impôt est subordonnée à l'agrément du ministère de l'économie
et des finances, qui se prononce après avis de la commission prévue à l'article
7 de la loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992.
Enfin, un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du
présent article.
Ainsi, mes chers collègues, les entreprises auraient le choix entre soit faire
un don à l'Etat, soit acheter elles-mêmes. Dans ce dernier cas, bien sûr, les
conditions fiscales seraient beaucoup moins intéressantes.
Il nous a semblé nécessaire de ne pas fonder l'ensemble de notre politique
patrimoniale sur les seules initiatives de l'Etat et de l'ouvrir aux
entreprises, afin que celles-ci s'engagent elles aussi pour que des éléments de
notre patrimoine exceptionnel ne quittent pas notre pays. Nous devons favoriser
le mécénat ; nous devons favoriser l'entreprise citoyenne, celle qui accepte de
protéger notre patrimoine.
Si cet amendement était adopté, les articles 15
septies
et 15
octies,
qui concernent le prélèvement de 1 % envisagé sur le produit
brut des jeux dans les casinos, pourraient être supprimés puisque, dès lors, la
préservation de notre patrimoine, de nos trésors nationaux, serait assurée.
M. Ivan Renar.
M. le rapporteur pousse son avantage !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 40 ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Cet amendement ayant un
objet très proche de celui de l'amendement n° 39, il me semble opportun en
effet de ne pas disperser nos efforts et de nous concentrer sur le mécanisme le
plus efficace et le plus conforme à l'intérêt général.
Toutefois, le Gouvernement préférant le dispositif prévu par l'amendement n°
39, il émet un avis défavorable sur l'amendement n° 40.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 40, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 15
octies.
Article 15 sexies
M. le président.
« Art. 15
sexies.
- I. - Le troisième alinéa (2) de l'article 238
bis
du code général des impôts est complété par une phrase ainsi rédigée
:
« Cette déduction s'applique également pour les sommes versées au titre d'une
participation à une souscription nationale ouverte pour financer l'achat
d'objets ou d'oeuvres d'art destinés à rejoindre les collections d'un musée de
France accessibles au public. »
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant du I sont compensées, à
due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux
articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° 38 rectifié, présenté par M. Richert, au nom de la commission,
est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le I de l'article 15
sexies
:
« I. - Dans le premier alinéa du 2 de l'article 238
bis
du code général
des impôts, après les mots : "d'utilité publique", sont insérés les mots : "ou
à des musées de France". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
Nous proposons une limite de déductibilité unique de 3,25
pour l'ensemble des musées, quel qu'en soit le statut. A l'heure actuelle, la
limite de déductibilité est, selon les cas, de 3,25 ou de 2,25 . Si nous
sommes suivis, il n'y en aura plus qu'une seule.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Le Gouvernement est
favorable à cette simplification du régime de déductibilité des dons faits à
des musées de France par des entreprises, mesure qui va également dans le sens
d'une plus forte incitation.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 38 rectifié, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 15
sexies,
modifié.
(L'article 15
sexies
est adopté.)
Article 15 septies
M. le président.
« Art. 15
septies.
- Il est institué un prélèvement à hauteur de 1 %
sur le produit brut des jeux dans les casinos. »
Sur l'article, la parole est à M. Emin.
M. Jean-Paul Emin.
Je voudrais très brièvement intervenir sur cette disposition, introduite,
contre l'avis du Gouvernement, par l'Assemblée nationale.
L'institution d'un prélèvement de 1 % sur le produit brut des jeux dans les
casinos posent, à mes yeux, des problèmes de fond, de forme et de méthode.
Sur le fond, d'abord, de quoi s'agit-il ? D'alimenter les fonds destinés à
l'acquisition des trésors nationaux. Personnellement, je ne suis pas convaincu
de la validité de la solution retenue. Madame le ministre, vous le savez bien,
l'affectation des recettes supplémentaires dégagées sur le produit brut des
jeux sera aléatoire. Est-ce ainsi que l'on engage une politique de long terme
en faveur du patrimoine culturel ?
En outre, est-ce bien le rôle des casinos de contribuer à l'acquisition
d'oeuvres culturelles, là où l'Etat n'a manifestement plus, et depuis
longtemps, les moyens de son discours ?
Ce n'est pas un hasard si, aujourd'hui, les musées parmi les plus prestigieux
dans le monde sont ceux qui sont financés par des fondations. Je pense que
c'est plutôt de ce côté que la France devrait se tourner, en adaptant le droit
pour favoriser le développement de fondations culturelles, plus aptes à
acquérir et à valoriser le patrimoine national, et en adaptant aussi le régime
fiscal du mécénat d'entreprise.
S'agissant de la forme, comme le souligne fort justement le rapport de M.
Richert, l'affectation de recettes à certaines dépenses ne pouvant résulter que
d'une loi de finances, l'Assemblée nationale n'avait pas à affecter le produit
du 1 % aux dépenses d'acquisition d'oeuvres d'art du ministère de la
culture.
En l'état, la disposition visée ne garantit pas l'augmentation à due
concurrence des crédits d'acquisition du ministère de la culture. En l'absence
d'un compte d'affectation spéciale, cette augmentation dépendra des arbitrages
budgétaires annuels rendus lors de la préparation du projet de loi de
finances.
C'est, pour moi, une raison supplémentaire de douter de l'efficacité de cette
disposition.
Pour ce qui est de la méthode, il paraît curieux d'instituer par la loi un
prélèvement nouveau sur le produit brut des jeux dans les casinos alors que,
dans le même temps, le Gouvernement réfléchit à une modification du décret du
22 décembre 1959 entraînant une substitution de l'assiette des prélèvements
opérés au profit de l'Etat et des communes.
A l'évidence, c'est une refonte complète de la loi sur les jeux qui s'impose.
Les professionnels y sont d'ailleurs ouverts dès lors que le Gouvernement les y
associerait, ce qui n'a pas toujours été le cas. Rappelons-nous les diverses
taxes et autres prélèvements institués ces dernières années sans que les
casinos - ni les élus locaux, d'ailleurs - aient eu leur mot à dire.
Le département de l'Ain, que je représente, abrite le casino de
Divonne-les-Bains. Je suis bien placé pour mesurer le rayonnement économique
local, mais aussi national et européen, de cet établissement installé à
proximité de Genève.
A travers les prélèvements opérés sur le produit des jeux, c'est la capacité
des casinos à investir et à rester compétitifs qui est en question.
Le problème va d'ailleurs au-delà. Dans la refonte globale de la politique des
jeux, il faudrait aussi associer la profession au débat sur les conditions
d'accès aux casinos.
Pour toutes ces raisons, je voterai contre l'article 15
septies.
M. le président.
La parole est à M. Trucy.
M. François Trucy.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cet article
m'inquiète.
Il est certes louable de rechercher des ressources nouvelles pour abonder les
crédits d'acquisition d'oeuvres, mais la solution retenue soulève plusieurs
problèmes.
Je note d'abord, sur la forme, que le vote de cette taxe de 1 % sur le produit
brut des jeux des casinos s'est effectué à l'Assemblée nationale dans des
conditions un peu particulières. Non seulement il fut acquis contre l'avis de
Mme la ministre, mais les données fournies au rapporteur de la commission des
affaires culturelles étaient totalement erronées : méconnaissance du taux
d'imposition des casinos, confusion entre le produit brut des jeux et la base
théorique d'assujettissement au RDS, etc. L'Assemblée croyait trouver 600
milliards de francs alors que le produit de la taxe, maintenant précisé, ne
serait que de 113 millions de francs.
Enfin, dans l'esprit de ceux qui ont pris l'initiative de cette disposition à
l'Assemblée nationale, il s'agit d'une recette affectée, ce qui, sauf erreur de
ma part, ne va pas de soi et nécessite un rapport favorable du Gouvernement sur
le bureau des assemblées.
Sur le fond, il faut savoir - et, à l'évidence, l'Assemblée nationale ne
pouvait le savoir - le ministre des finances et le ministre de l'intérieur
préparent un décret tendant à modifier profondément le prélèvement progressif
sur le produit brut des machines à sous.
Les conséquences financières de cette modification sont telles qu'elles
suscitent, à l'heure où nous débattons, une négociation serrée entre les «
casinotiers » et le Gouvernement. Il faut espérer que le résultat de cette
négociation sera raisonnable et tiendra compte des réalités économiques de
cette profession, qui représente 13 000 emplois, comme le soulignait tout à
l'heure Jean-Léonce Dupont, et qui constitue un atout touristique majeur tant
pour le pays que pour les communes.
Nous avons, en l'occurrence, affaire à une législation vétuste, à un véritable
fouillis réglementaire, à une pression inégale de l'Etat sur les divers
opérateurs : les disparités de traitement sont considérables. La constante,
c'est l'avidité de l'Etat, qui, bon an mal an, perçoit par ce biais 20
milliards de francs, c'est-à-dire près de trois fois le budget de
l'enseignement supérieur qui était examiné cet après-midi par la commission des
finances.
On apprécierait que l'Etat se manifeste aussi pour harmoniser, simplifier et
moderniser la réglementation, et surtout qu'il commence à apporter à cette
profession comme aux joueurs une authentique politique des jeux. Une telle
politique devrait, en particulier, fournir aux professionnels les moyens
d'affronter les concurrences européennes, nord-américaines et cybernétiques,
dont la pression augmente « à vitesse grand V ».
Une véritable politique des jeux aboutira peut-être à une fiscalité différente
des jeux, mais cela suppose au préalable un travail cohérent. Ne mettons donc
pas la charrue devant les boeufs. Ne votons pas cette taxe, d'autant que
l'amendement n° 57 du Gouvernement apporte une bien meilleure solution.
M. le président.
Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 45 est présenté par MM. Dubrule, Besse, Cazalet, Oudin et
Peyrat.
L'amendement n° 58 est déposé par le Gouvernement.
L'amendement n° 65 est présenté par M. Jean-Léonce Dupont.
Ces amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer l'article 15
septies. »
La parole est à M. Dubrule, pour défendre l'amendement n° 46.
M. Paul Dubrule.
Donner plus de moyens aux musées de France pour acquérir des oeuvres est une
idée que je fais mienne, mais le moyen proposé n'est pas satisfaisant. Vous
parvenez, madame la ministre, aux même conclusions, avec des motivations
cependant différentes.
Notre amendement tend donc à supprimer le prélèvement de 1 % sur le produit
brut des jeux dans les casinos, prélèvement censé dégager des recettes fiscales
supplémentaires destinées à financer l'acquisition des trésors nationaux.
Cette mesure est critiquable à bien des égards.
Tout d'abord, elle ne ferait qu'aggraver la pression fiscale que subissent les
casinos français, déjà parmi les plus taxés d'Europe. Il faut savoir que ce 1 %
peut représenter jusqu'à 20 % des bénéfices d'un casino. Quant à ceux qui ne
font pas de bénéfices, ils risqueraient fort, avec ce prélèvement,
d'enregistrer des pertes !
Il faut savoir également que, sur les 170 casinos que compte la France, 150
sont situés dans des villes de moins de 20 000 habitants, où ils sont
essentiels à la vie économique, sociale et culturelle.
(M. Sueur
s'esclaffe.)
Dès lors, il n'est pas opportun de créer une nouvelle taxe - la septième ! -
concernant ces établissements, surtout quand le ministre de l'économie et des
finances prépare la modification de leur régime de taxation, qui ferait passer
de 52 % à 56 % le pourcentage du prélèvement sur les jeux.
Le pré-rapport de la Cour des comptes sur les casinos critique fortement, et à
juste titre, la complexité du dispositif fiscal déjà existant, qu'une nouvelle
taxe ne ferait qu'aggraver.
Les casinos jouent un rôle culturel, et toute nouvelle taxe réduirait leur
marge de manoeuvre dans ce domaine. Les sommes consacrées aux activités
culturelles locales seraient réduites, ce qui irait à l'inverse du but visé.
Cette mesure ne peut avoir que des conséquences négatives sur la vie
économique locale de tous les départements bénéficiant de la présence de
casinos. En effet, ces établissements représentent un produit d'appel non
négligeable et génèrent des emplois ainsi que des recettes pour les
collectivité locales.
C'est pourquoi nous proposons de supprimer l'article 15
septies
du
projet de loi.
M. le président.
La parole est à Mme la ministre, pour présenter l'amendement n° 58.
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Plusieurs arguments
conduisent à la suppression des articles 15
septies
et 15
octies
; ils viennent d'être évoqués et je n'en citerai que deux.
Tout d'abord, la loi organique du 1er août 2001 prévoit l'extinction des
comptes d'affectation spéciale avant 2006 : le dispositif proposé ne
présenterait donc qu'un caractère transitoire, impropre à résoudre les
difficultés d'acquisition des trésors nationaux.
J'ajoute que, comme on l'a déjà souligné, le rendement estimé de cette mesure
serait en réalité de l'ordre de 113 millions de francs - 17 millions d'euros -,
ce qui est très éloigné du montant de 600 millions de francs qui avait été
évoqué.
Les deux articles concernant les casinos perdent de leur intérêt compte tenu
du dispositif significatif que vous venez d'adopter, sur proposition de
Gouvernement, et qui est destiné à atteindre le même objectif.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Léonce Dupont, pour présenter l'amendement n° 65.
M. Jean-Léonce Dupont.
Je crois que se dégage un assez large accord sur la suppression de cet
article.
Je dirai simplement que, si surgissait à nouveau l'idée d'une perception sur
les jeux, la distinction devrait être faite entre, d'une part, les casinos et
tout ce qui est lié au monde du cheval, qui sont effectivement des activités
hautement créatrices d'emplois et de richesses, et, d'autre part, les simples
jeux de loterie et de pari, derrière lesquels il n'y a que très peu
d'emplois.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements identiques n°s 45, 58 et
65 ?
M. Philippe Richert,
rapporteur.
La commission fait siens les arguments développés et donne
donc un avis favorable sur ces amendements de suppression du prélèvement de 1 %
sur les casinos.
J'ajouterai une simple remarque. Nous avons tous entendu que ce prélèvement
supplémentaire serait insupportable. Or je crois savoir que Bercy prévoit, pour
un avenir proche, des prélèvements bien plus importants sur les jeux. Dès lors,
les arguments qui ont été énoncés perdent quelque peu de leur pertinence.
Cela étant, sur le fond, il nous paraît tout à fait utile de supprimer ce
prélèvement de 1 %.
M. Ivan Renar.
A Bercy, on tend le poing tous les matins contre Mme Tasca !
(Sourires.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 45, 58 et 65.
M. Roger Besse.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Besse.
M. Roger Besse.
Je me réjouis de la position qui vient d'être affirmée par le Gouvernement.
Je voudrais appuyer l'argumentation de fond développée par mon collègue M.
Dubrule, à laquelle je souscris pleinement, en ajoutant un argument qui n'a pas
encore été invoqué et qui me semble mériter de l'être.
J'ignore l'impact des recettes produites par les casinos sur les budgets de
grandes villes telles que Lyon ou Nice ou par des casinos très importants comme
celui de Divonne-les-Bains.
En revanche, je sais que ces recettes représentent un élément majeur dans la
fiscalité de petites communes qui bénéficient de la présence d'un casino sur
leur territoire. Ces petites communes ont souvent investi et, partant, souscrit
des engagements financiers en tenant compte de ces recettes réputées sûres. Les
priver brutalement, aujourd'hui ou demain, d'une partie de ces ressources
reviendrait à compromettre leur équilibre budgétaire ou, à tout le moins, à les
contraindre à accentuer une pression fiscale qu'elles s'efforcent par ailleurs
de contenir. Je donnerai un exemple pour illustrer mon propos.
La station thermale de Chaudes-Aigues, dans le Cantal, qui abrite la source
d'eau la plus chaude d'Europe, a également, depuis peu, le privilège d'avoir un
casino, lequel lui assure bon an mal an une recette de 1,3 million de francs,
somme qui représente 23 % des recettes fiscales de cette commune de 1 000
habitants. Grâce à cet apport, Chaudes-Aigues a pu entreprendre la
réhabilitation de son établissement thermal, menacé de fermeture par l'exigence
des nouvelles normes.
Priver ces petites communes d'une partie de leurs recettes ne manquerait pas
de rompre un équilibre budgétaire déjà très précaire. Je sais d'ailleurs qu'il
en va ainsi pour toutes les petites communes thermales qui possèdent un casino.
C'est notamment le cas, dans mon département, de la commune de Vic-sur-Cère,
qui tire 17 % de ses recettes fiscales de son casino.
Je vous demande donc, mes chers collègues, de faire vôtres ces arguments, qui
relèvent du bon sens. Ce faisant, nous dirons non à une aggravation de la
fiscalité déjà très lourde qui pèse sur les casinos et nous prendrons en compte
les impératifs liés à l'aménagement du territoire : nous ne devons pas
compromettre des activités économiques considérées comme essentielles dans nos
zones rurales, que nous savons tous vulnérables et fragiles.
Pour ces motifs, je souhaite l'adoption de l'amendement n° 45.
M. le président.
Je mets aux voix les trois amendements identiques n°s 45, 58 et 65, acceptés
par la commission.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président.
En conséquence, l'article 15
septies
est supprimé.
Je constate que ces amendements ont été adoptés à l'unanimité.
M. Ivan Renar.
A l'Assemblée nationale, rien ne va plus ; au Sénat, faites vos jeux !
(Sourires.)
Article 15 octies
M. le président.
« Art. 15
octies.
- Le Gouvernement remettra au Parlement, avant le 31
décembre 2001, un rapport dans lequel il étudiera la possibilité d'affecter une
partie des recettes issues du produit brut des jeux dans les casinos sur un
compte d'affectation spéciale destiné à financer l'acquisition de trésors
nationaux soumis à une interdiction provisoire d'exportation au profit des
musées de France. »
Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 46 est présenté par MM. Dubrule, Besse, Cazalet, Oudin et
Peyrat.
L'amendement n° 59 est déposé par le Gouvernement.
L'amendement n° 66 est présenté par M. Jean-Léonce Dupont.
Ces amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer l'article 15
octies.
»
Les auteurs de ces différents amendements se sont déjà exprimés.
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 46, 59 et 66.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président.
En conséquence, l'article 15
octies
est supprimé.
Articles additionnels après l'article 15 octies (suite)
M. le président.
L'amendement n° 39, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« Après l'article 15
octies,
insérer un article additionnel ainsi
rédigé :
« I. - Après l'article 238
bis
OA du code général des impôts, il est
inséré un article 238
bis
OAA nouveau ainsi rédigé :
«
Art. 238
bis
0AA.
- Ouvrent droit à une réduction d'impôt sur
le revenu ou d'impôt sur les sociétés, égale à 75 % de leur montant, les dons
faits à l'Etat par les entreprises en vue de l'acquisition d'un bien culturel
faisant l'objet d'un refus de certificat en application de la loi n° 92-1477 du
31 décembre 1992 relative aux produits soumis à certaines restrictions de
circulation et à la complémentarité entre les services de police, de
gendarmerie et de douane.
« L'offre de don ne peut être présentée par l'entreprise que si l'Etat a fait
au propriétaire du bien une offre d'achat dans les conditions prévues par
l'article 9-1 de la loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992 précitée.
« L'offre de don est agréée par le ministre de l'économie et des finances
après avis de la commission prévue à l'article 7 de la loi n° 92-1477 du 31
décembre 1992 précitée. Lorsqu'elle a été agréée, l'offre de don devient
irrévocable.
« L'oeuvre ainsi acquise peut être mise en dépôt auprès d'un musée de France
ne relevant pas de l'Etat.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent
article. »
« II. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat du I ci-dessus sont
compensées par une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575
A du code général des impôts. »
Cet amendement a été retiré par son auteur.
L'amendement n° 41 rectifié, présenté par M. Richert, au nom de la commission,
est ainsi libellé :
« Après l'article 15
octies,
insérer un article additionnel ainsi
rédigé :
« I. - Le début du premier alinéa du II de l'article 150 V
bis
du code
général des impôts est ainsi rédigé :
« Le vendeur est exonéré de la taxe si la vente est faite au profit d'un musée
de France, d'un musée d'une collectivité locale, à la Bibliothèque nationale de
France, à une autre bibliothèque de l'Etat... (le reste sans changement). »
« II. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat du I ci-dessus sont
compensées par une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575
A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
Il s'agit d'étendre à l'ensemble des musées l'exonération de
la taxe sur les objets d'art dont bénéficient actuellement les musées
nationaux, les musées classés et contrôlés, en application de l'article 5
bis
du code général des impôts.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Favorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 41 rectifié, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 15
octies.
Article 16
M. le président.
« Art. 16. - I. - Au premier alinéa de l'article 11 de la loi n° 87-571 du 23
juillet 1987 sur le développement du mécénat, les mots : "Les musées nationaux,
ainsi que les musées classés définis par application de l'ordonnance n° 45-1546
du 13 juillet 1945 portant organisation provisoire des musées des Beaux-Arts, "
sont remplacés par les mots : "Les musées de France".
« II. - L'article L. 1423-1 du code général des collectivités territoriales
est ainsi rédigé :
«
Art. L. 1423-1
. - Les musées des collectivités territoriales ou de
leurs groupements sont organisés et financés par la collectivité dont ils
relèvent.
« Les musées des collectivités territoriales ou de leurs groupements auxquels
l'appellation "musée de France" a été attribuée sont régis par la loi n° du
relative aux musées de France et soumis au contrôle scientifique et technique
de l'Etat dans les conditions prévues par cette loi. »
« III. - Les articles L. 1423-3 et L. 1423-4 du même code sont abrogés.
« IV. - Au premier alinéa de l'article L. 2541-1 du même code, la référence
aux articles L. 1423-4 et L. 1423-5 est supprimée.
« V. - L'ordonnance n° 45-1546 du 13 juillet 1945 précitée est abrogée à
l'exception de l'article 3.
« VI. - A l'article 4 de la loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992 relative aux
produits soumis à certaines restrictions de circulation et à la complémentarité
entre les services de police, de gendarmerie et de douane, les mots : "et aux
collections des musées de France", sont insérés après les mots : "aux
collections publiques".
« VII. - 1. Au deuxième alinéa du 2° de l'article 11 de la loi n° 95-877 du 3
août 1995 portant transposition de la directive 93/7 du 15 mars 1993 du Conseil
des Communautés européennes relative à la restitution des biens culturels ayant
quitté illicitement le territoire d'un Etat membre, les mots : "sur les
inventaires des collections des musées", sont remplacés par les mots : "sur les
inventaires des collections des musées de France et des autres musées".
« 2. Le même article 11 est complété par un 4° ainsi rédigé :
« 4° Les biens culturels figurant à l'inventaire des collections d'un musée de
France relevant d'une personne morale de droit privé sans but lucratif. »
« VIII. - A l'article 322-2 du code pénal, il est inséré, après le 4°, un 5°
ainsi rédigé :
« 5° Un objet faisant partie des collections d'un musée de France. »
L'amendement n° 42, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le paragraphe VIII de l'article 16 :
« VIII. - Dans le quatrième alinéa (3°) de l'article 322-2 du code pénal, les
mots : "ou un objet habituellement conservé ou déposé dans des musées" sont
remplacés par les mots : "ou un objet conservé ou déposé dans un musée de
France ou dans les musées". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Favorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 42, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 43, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« Compléter l'article 16 par un paragraphe IX ainsi rédigé :
« IX. - La dernière phrase du dernier alinéa de l'article 37 de la loi du 31
décembre 1921 portant fixation du budget général de l'exercice 1922 est
complétée par les mots : "ou d'un musée de France relevant d'une personne
morale de droit privé sans but lucratif". »
Le sous-amendement n° 61, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« A la fin du texte proposé par l'amendement n° 43, remplacer les mots : "ou
d'un musée de France relevant d'une personne morale de droit privé sans but
lucratif" par les mots : "ainsi que d'une personne morale de droit privé sans
but lucratif propriétaire de collections affectées à un musée de France". »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 43.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
Cet amendement vise à étendre aux musées privés le bénéfice
du droit de préemption que l'Etat peut exercer sur toute vente publique
d'oeuvres d'art. Je rappelle qu'un organisme de droit privé, la Fondation du
patrimoine, bénéficie d'ores et déjà de ce droit, en application de l'article 8
de la loi du 2 juillet 1996.
Par ailleurs, monsieur le président, je vous indique d'ores et déjà que la
commission est favorable au sous-amendement n° 61 du Gouvernement, sous réserve
d'une modification rédactionnelle. Au lieu de : « ainsi que d'une personne...
», il conviendrait de lire : « ou d'une personne... ».
M. le président.
La parole est à Mme le ministre, pour défendre le sous-amendement n° 61.
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Le Gouvernement propose
une amélioration rédactionnelle et accepte la rectification suggérée par M. le
rapporteur.
M. le président.
Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 61 rectifié, présenté par le
Gouvernement, et qui est ainsi libellé :
« A la fin du texte proposé par l'amendement n° 43, remplacer les mots : "ou
d'un musée de France relevant d'une personne morale de droit privé sans but
lucratif" par les mots : "ou d'une personne morale de droit privé sans but
lucratif propriétaire de collections affectées à un musée de France". »
Je mets aux voix le sous-amendement n° 61 rectifié, accepté par la
commission.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° 43, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 60, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Compléter l'article 16 par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - A l'avant-dernier alinéa de l'article 9-1 de la loi n° 92-1477 du 31
décembre 1992 relative aux produits soumis à certaines restrictions de
circulation et à la complémentarité entre les services de police, de
gendarmerie et de douane, les mots : "procéder à l'acquisition des biens visés
au deuxième alinéa de l'article 9" sont remplacés par les mots : "présenter une
offre d'achat dans les conditions prévues au premier alinéa". »
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Il s'agit d'un amendement
rédactionnel destiné à écarter toute ambiguïté dans la désignation des trésors
nationaux pouvant être acquis par une personne publique autre que l'Etat aux
termes de la procédure prévue à l'article 9-1 de la loi modifiée n° 92-1477 du
31 décembre 1992.
En effet, le deuxième alinéa de l'article 9, dans sa rédaction issue de la loi
n° 2000-643 du 10 juillet 2000 relative à la protection des trésors nationaux,
ne permet plus, par simple renvoi à cette disposition, de désigner sans
ambiguïté et avec certitude la catégorie des biens culturels, objets d'un refus
de certificat, qui peuvent être concernés par la nouvelle procédure
d'acquisition.
Pour remédier à des difficultés d'interprétation et éviter la survenance de
contentieux, il est proposé une nouvelle rédaction de l'avant-dernier alinéa de
l'article 9-1. La possibilité ouverte aux personnes publiques autres que
l'Etat, notamment aux collectivités territoriales, d'acquérir des trésors
nationaux est ouverte par référence aux conditions prévues au premier alinéa de
l'article 9-1.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Richert,
rapporteur.
La commission accepte ces précisions qui lui semblent
utiles.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 60, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 16, modifié.
(L'article 16 est adopté.)
Article 17
M. le président.
« Art. 17. - La présente loi est applicable à Mayotte. » -
(Adopté.)
Article 18
M. le président.
« Art. 18. - La loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du
mécénat est ainsi modifiée :
« 1° Sont abrogés :
«
a)
A l'article 19, les mots : "apportent la dotation initiale
mentionnée à l'article 19-6 et" ;
«
b)
Le deuxième alinéa de l'article 19-9 ;
«
c)
L'article 20-1 ;
« 2° La dernière phrase de l'article 19-1 est ainsi rédigée :
« La majoration du programme d'action pluriannuel est déclarée sous la forme
d'un avenant aux statuts. » ;
« 3° Dans la troisième phrase de l'article 19-2, les mots : "cinq ans" sont
remplacés par les mots : "trois ans et complètent, si besoin est, la dotation
définie à l'article 19-6" ;
« 4° L'article 19-6 est ainsi rédigé :
«
Art. 19-6
. - A compter de la date de publication de la loi n° du
relative aux musées de France, les fondations d'entreprise créées
antérieurement dont les fondateurs auront décidé la prorogation sont autorisées
à consacrer les fonds de leur dotation initiale aux dépenses prévues par leur
nouveau programme d'action pluriannuel. » ;
« 5°
a.
Au 1° et au 4° de l'article 19-8, après les mots : "dotation
initiale", sont insérés les mots : "si celle-ci a été constituée et n'a pas
fait l'objet de l'affectation prévue à l'article 19-6,".
«
b.
Il est procédé à la même insertion à l'article 19-12, après les
mots : "et la dotation". »
L'amendement n° 44, présenté par M. Richert, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le huitième alinéa (3°) de l'article 18 :
« 3° Dans la troisième phrase de l'article 19-2, les mots : "cinq ans" sont
remplacés par les mots : "trois ans". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
Cet amendement vise à éviter une rédaction redondante de
l'article 19-2 de la loi du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Favorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 44, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article n° 18, modifié.
(L'article 18 est adopté.)
Article additionnel après l'article 18
M. le président.
L'amendement n° 62, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Après l'article 18, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz est un
établissement public à caractère industriel et commercial placé sous la tutelle
du ministre chargé de la culture. Il a pour mission de soutenir la création, la
promotion et la diffusion des spectacles de variétés.
« Il est administré par un conseil d'administration et géré par un
directeur.
« Le conseil d'administration est composé de représentants de l'Etat et des
collectivités territoriales, de représentants des professionnels du spectacle
vivant, de représentants élus du personnel et de personnalités qualifiées
désignées par le ministre chargé de la culture.
« Le président du conseil d'administration et le directeur sont nommés par
décret.
« L'établissement public bénéficie du produit de la taxe parafiscale sur les
spectacles perçue au titre des spectacles de variétés. Ses ressources peuvent
également comprendre, outre le produit de ses activités commerciales et toutes
autres recettes autorisées par les lois et règlements en vigueur, les
subventions et concours financiers de toute personne publique ou privée.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du
présent article. Ce décret définit également les conditions dans lesquelles
sont dévolues à l'établissement public les biens, droits et obligations de
l'association dénommée association pour le soutien de la chanson, des variétés
et du jazz. »
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Le fonds de soutien à la
chanson, aux variétés et au jazz est un élément du dynamisme de ce secteur de
notre vie artistique. Il intervient auprès des producteurs et des salles de
spectacle en soutenant de nombreux programmes élaborés par les professionnels,
avec le concours de l'Etat.
L'élargissement de l'assiette de la taxe parafiscale conduit à un
accroissement notable du nombre de redevables, puisque l'on comptait 600
adhérents à la fin de 2000, contre 5 000 à la fin de 2001. Cet accroissement
est difficilement compatible avec un maintien de la gestion associative, dans
la mesure où il s'agit d'un outil de politique publique qui doit garder toute
sa cohérence.
Les organisations représentatives des entrepreneurs de spectacles, d'une part,
et des artistes-interprètes, d'autre part, regroupées au sein du fonds de
soutien, souhaitent cette transformation.
Le caractère industriel et commercial du futur établissement est conforme à
son rôle de gestionnaire d'une taxe parafiscale, et il répond aux missions
confiées au fonds de soutien, particulièrement en matière de conseil aux
collectivités territoriales, activité qu'il convient de développer.
C'est pourquoi le Gouvernement propose au Sénat de voter cet amendement, qui
permettra la création d'un centre national de la chanson, des variétés et du
jazz, établissement public à caractère industriel et commercial.
Je remercie la Haute Assemblée de bien vouloir considérer favorablement cet
amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Richert,
rapporteur.
Lorsqu'elle a examiné ce matin cet amendement, elle a
considéré qu'il s'agissait là, incontestablement, d'un cavalier.
Cet amendement vise à transformer en établissement public l'association pour
le soutien de la chanson, des variétés et du jazz, laquelle est chargée de la
gestion de la taxe parafiscale sur les spectacles dans le domaine de la
variété.
Tout en comprenant et en partageant le souci de clarification qui a inspiré le
dépôt de cet amendement, la commission estime qu'il aurait mieux sa place dans
la proposition de loi relative à la création d'établissements publics de
coopération culturelle - n'est-ce pas, monsieur Renar ? - qui est en instance
de deuxième lecture au Sénat et qui devrait prochainement être inscrite à
l'ordre du jour.
M. Alain Lambert.
Of course ! (Sourires.)
M. Philippe Richert,
rapporteur.
Néanmoins, l'intérêt que nous portons aux artistes nous fait
émettre un avis favorable sur le fond, même si nous émettons des réserves quant
à la forme.
Je crois en tout cas qu'il est utile que le Sénat se prononce sur cet
amendement, qui répondra à une attente de la part des artistes.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 62.
M. Ivan Renar.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar.
Je préfère sourire face à un cavalier de la plus belle espèce. C'est la charge
de la brigade légère !
(Sourires.)
M. Jacques Valade,
président de la commission.
Il y a aussi l'artillerie montée !
(Nouveaux sourires.)
M. Ivan Renar.
Tout à l'heure, nous étions au musée de Munich avec le
Blaue Reiter,
et
nous voici maintenant en présence d'un véritable cavalier législatif. Quoi
qu'il en soit, nous savons tous que, d'ici à la fin de la session, nous ne
serons saisis d'aucun texte, et nous devons avant tout penser aux artistes, qui
sont les premiers intéressés en la matière.
Certes, si la proposition de loi à laquelle M. le rapporteur a fait allusion
avait été votée plus tôt, l'établissement public culturel que nous appelions de
nos voeux aurait pu répondre à cette attente.
M. Pierre Hérisson.
Oh !
M. Jacques Valade,
président de la commission.
Nous en discuterons le 20 novembre prochain
en deuxième lecture !
M. Ivan Renar.
Certes ! Mais on ne nous propose pas ici un établissement public de
coopération culturelle, mais un établissement public national. C'est un peu
différent !
Compte tenu non pas de la méthode utilisée mais du fond qui sous-tend ce qui
nous est proposé, nous voterons cet amendement. Au demeurant, la discussion sur
les musées est maintenant close et je constate qu'elle n'a pas été perturbée
par l'examen de cet amendement. Voilà qui montre bien la sagesse du Sénat !
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Je tiens à remercier M. le
rapporteur ainsi que les différents intervenants d'avoir pris en considération
l'intérêt et l'attente des artistes, qui sont très directement concernés par
cette réforme. En de très rares occasions, la fin peut justifier les moyens et,
à ce titre, je remercie la Haute Assemblée.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 62, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 18.
Je constate que cet amendement a été adopté à l'unanimité.
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M.
Gaillard pour explication de vote.
M. Yann Gaillard.
Au terme de ce débat fouillé, intéressant, toujours passionné, le groupe du
RPR votera ce texte qui a été profondément amélioré dans sa partie juridique
par le travail essentiel et subtil de notre commission des affaires culturelles
dans sa partie juridique ainsi que dans sa partie fiscale par la disparition
d'un certain nombre d'improvisations hasardeuses de l'Assemblée nationale pour
arriver à une véritable percée conceptuelle en ce qui concerne les trésors
nationaux.
Nous sommes dans la ligne de la grande Convention nationale qui, en l'an II de
la République française, dans son décret du 27 juillet 1793, relatif à
l'ouverture du musée du Louvre, décidait : « Il sera mis à la disposition du
ministre par la trésorerie nationale, provisoirement, une somme de 100 000
livres par an pour faire acheter dans les ventes particulières les tableaux ou
statues qu'il importera à la République de ne pas laisser passer en pays
étranger et qui seront déposés au musée sur la demande de la commission des
monuments. »
M. le président.
La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche.
Bien entendu, nous sommes encore en désaccord sur un certain nombre de points
avec la commission qui, pourtant, a réalisé un excellent travail et fait preuve
d'esprit d'ouverture.
Pour cette raison et afin de donner toutes ses chances à la commission mixte
paritaire, nous nous abstiendrons lors du vote sur l'ensemble de ce projet de
loi.
M. le président.
La parole est à M. Nogrix.
M. Philippe Nogrix.
Madame la ministre, le groupe de l'Union centriste adoptera, bien sûr, ce
texte enrichi par les amendements de la commission, qui a fait ressortir
l'importance de l'engagement des collectivités territoriales dans la politique
des musées.
Nous regrettons de ne pas avoir pu aller jusqu'au bout de la déduction fiscale
et de l'accompagnement du mécénat par les entreprises. Une déduction à 100 %
aurait été un signe fort.
La commission a fait un travail très intéressant, comme l'a souligné M.
Lagauche. M. le rapporteur a très bien argumenté les amendements.
Voilà pourquoi nous sommes très heureux de voter ce texte.
M. le président.
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar.
Moi aussi, je pense que ce fut un débat intéressant, même si le résultat est
insatisfaisant. Sans l'urgence, nous aurions pu appronfondir davantage
plusieurs aspects du texte.
En cet instant, je dois remercier M. le rapporteur de sa patience parce que,
bien que le Gouvernement ait accepté de différer le débat, nous n'avons pas
toujours pu travailler dans les conditions les meilleures.
Parmi les points que nous aurions pu appronfondir dans les aller et retour
entre les deux assemblées, avec la vigilance du Gouvernement, je relève les
aspects financiers, qui restent faibles, voire quelque peu « bricolés ».
Certains disent que la culture coûte cher. Mais ils ne calculent jamais le
prix du mètre linéaire d'autoroute en agglomération !
Des experts, des comptables, arrogants nous disent toujours que la culture
coûte cher, mais ils n'ont jamais calculé que l'absence de culture coûte encore
beaucoup plus cher.
Recevant François Jacob sous la Coupole, Maurice Schumann, qui fut notre
doyen, avait déclaré que la seule faute que le destin ne pardonne pas au peuple
est l'imprudence de mépriser les rêves. Nous avons un peu abordé ce thème ce
soir.
Dans cet ordre d'idées, nous aurions pu travailler davantage à tout ce qui
touche la médiation culturelle et les musées.
On sait qu'un peintre ne vit que par le regard qui est porté sur ses oeuvres.
Une oeuvre existe-t-elle si elle ne rencontre pas le public ? Le débat est
éternel ! En tout cas, plus il y aura de « regardeurs », mieux ce sera !
Enfin, j'ai remarqué que, sur l'article 8, nous avons eu un débat tout autant
sur la création et sur l'art que sur les musées eux-mêmes. C'est très
intéressant.
L'avenir de la société se nourrit du présent et de la création, mais aussi de
l'assimilation critique de l'héritage du passé. Comment vivre avec son temps
sans penser au futur et sans pour autant insulter le passé ? Etre un héritier,
au sens fort du terme, ne suppose-t-il pas de préserver et de faire fructifier
l'acquis en faisant pour cela hardiment appel aux innovations ? N'est-ce pas en
quelque sorte « se souvenir de l'avenir », comme le dit le poète ?
J'espère que la commission mixte paritaire permettra d'aller dans cette voie :
pour ce soir, nous nous abstiendrons.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
M. Serge Lagauche.
Le groupe socialiste s'abstient.
M. Ivan Renar.
Le groupe communiste républicain et citoyen également.
(Le projet de loi est adopté.)
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Je voudrais souligner que,
si ce texte a été examiné dans l'urgence, il a néanmoins bénéficié d'un travail
parlementaire d'une exceptionnelle qualité.
Je rappelle à cet égard qu'une commission de l'Assemblée nationale avait
longtemps exploré ce sujet et que M. Yann Gaillard avait rédigé un rapport qui
a largement contribué à éclairer notre réflexion. Je tiens par ailleurs à
souligner l'excellence du travail de la commission des affaires culturelles et
de son rapporteur.
Je souhaite maintenant que la commission mixte paritaire, dont vous avez
permis la réunion dans les meilleurs délais, puisse se poursuivre, comme vous
l'avez d'ailleurs vous-même suggéré, monsieur le rapporteur, dans le sens des
approfondissements et, je l'espère, des rapprochements que nous souhaitons,
bien évidemment, sur ce texte.
M. le président.
Merci, madame la ministre : ce voeu est une bonne conclusion pour notre débat
de ce soir.
14
ORDONNANCE RELATIVE À LA TAXATION
DES POIDS LOURDS POUR L'UTILISATION
DE CERTAINES INFRASTRUCTURES
Adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée
nationale, après déclaration d'urgence, portant ratification de l'ordonnance n°
2001-273 du 28 mars 2001 transposant certaines dispositions de la directive
1999/62/CE du Parlement et du Conseil du 17 juin 1999 relative à la taxation
des poids lourds pour l'utilisation de certaines infrastructures et réformant
le régime d'exploitation de certaines sociétés concessionnaires d'autoroutes
(n° 16, 2001-2002). [Rapport n° 26 (2001-2002).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
président, monsieur le rapporteur de la commission des affaires économiques,
mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi que le Gouvernement vous
demande de bien vouloir examiner a pour objet de ratifier l'ordonnance du 28
mars 2001 prise sur le fondement de l'article 5 de la loi du 3 janvier 2001
habilitant le Gouvernement à transposer par ordonnances plusieurs directives
européennes et à mettre en oeuvre certaines dispositions du droit
communautaire.
Comme vous le savez, la venue de ce genre de texte devant le Parlement est
facultative, puisque la Constitution de 1958 n'évoque que l'obligation du dépôt
des projets de loi de ratification des ordonnances.
Si j'ai voulu que ce texte soit soumis à la discussion des députés et des
sénateurs, c'est avant tout pour respecter des engagements que j'avais pris
devant la représentation nationale. Selon moi, il est en effet tout à fait
normal et légitime que vous ayez le dernier mot sur les dispositions que le
Gouvernement a élaborées avec votre autorisation.
Il est vrai que la procédure des ordonnances est souvent considérée comme un
peu frustrante pour les parlementaires, qui délèguent ainsi au Gouvernement le
pouvoir de faire la loi qu'ils tiennent de la volonté populaire. Elle
correspond dans la plupart des cas à des situations d'urgence, même si
plusieurs gouvernements en ont quelque peu abusé depuis 1958.
En fait, elle a toujours suscité des critiques, notamment celle qui a été
adressée au Gouvernement de vouloir escamoter les débats parlementaires sur des
sujets trop sensibles.
En soumettant au début du mois ce texte à l'Assemblée nationale et,
aujourd'hui, au Sénat, j'ai voulu vous montrer que tel n'était pas mon état
d'esprit et qu'au contraire ce recours à la technique de l'ordonnance n'était à
mon sens dicté que par des considérations de délais.
J'ai affirmé ici même, à la fin de l'année dernière - vous vous en souvenez
sûrement - mon souhait de débattre avec vous en profondeur de la réforme des
autoroutes, que, depuis, le Gouvernement a inscrite dans l'ordonnance du 28
mars 2001.
Après notre débat sur le projet de loi d'habilitation, nous en avons eu un
deuxième au printemps, à l'occasion de deux questions orales avec débat de MM.
Pierre Lefebvre et Jacques Oudin. Nous avons aujourd'hui un troisième débat
avec ce projet de loi de ratification, et nous en aurons un autre encore lors
de l'examen du budget de mon ministère, que je vous présenterai au début du
mois de décembre.
J'ai donc le sentiment d'avoir tenu l'engagement de débattre que j'avais pris,
et je dois dire que les idées avancées par chacun d'entre vous ont beaucoup
apporté à ma réflexion et à celle du Gouvernement.
Il s'agit donc aujourd'hui pour la Haute Assemblée de confirmer le principe de
non-discrimination dans l'application des péages aux poids lourds, mais aussi,
et surtout, de réformer le système des concessions autoroutières, qui est en
fait le principal sujet de ce projet de loi de ratification.
Chacun le sait, la réforme que le Gouvernement vous propose de ratifier a été
rendue nécessaire par l'évolution de la législation européenne en matière de
marchés publics, qui a conduit à ne plus pouvoir utiliser le système dit de
l'adossement pour la construction d'autoroutes. Ce système avait pourtant
fonctionné durant de nombreuses années dans notre pays.
Comme votre rapporteur le rappellera sans doute dans quelques instants, le
Gouvernement a tenu un deuxième engagement : celui de s'en tenir au texte de la
loi d'habilitation votée par le Sénat, qui avait, par voie d'amendements,
supprimé certaines dispositions du texte initial lors d'un débat intéressant,
vous vous en souvenez.
L'Assemblée nationale ayant toujours le « dernier mot » dans les débats
parlementaires, nous aurions pu passer outre à la volonté exprimée par votre
assemblée. Je ne l'ai pas voulu, respectant ainsi l'engagement pris devant vous
d'en rester à votre texte, qui permet néanmoins de réaliser l'essentiel des
réformes qu'en l'occurrence nous avons souhaitées.
Avec l'ordonnance du 28 mars 2001, le Gouvernement a cherché à prendre deux
types de mesures, tout en restant dans les limites tracées par le Parlement.
Dans un premier chapitre, il s'est agi de transposer la directive 1999/62/CE
du Parlement et du Conseil européen du 17 juin 1999 relative à la taxation des
poids lourds pour l'utilisation de certaines infrastructures. L'objectif est
d'insérer dans le code de la voirie routière les dispositions de la directive
relative « au principe de non-discrimination dans l'application des péages aux
poids lourds d'un poids total en charge autorisé égal ou supérieur à 12 tonnes,
en raison de la nationalité du transporteur ou de l'origine ou de la
destination du transport ».
Le second chapitre, qui est le plus important, jette les bases de la réforme
des sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroutes, les SEMCA, dont
l'environnement, vous le savez, est en pleine évolution.
L'influence des règles nationales et communautaires a conduit, je le disais il
y a quelques instants, à mettre un terme au mécanisme de l'adossement. S'il a
permis à la France de se doter d'un réseau autoroutier moderne et performant,
ce mécanisme, indolore pour le budget de l'Etat, avait toutefois montré ses
limites depuis quelques années. Il tendait, en effet, à privilégier
mécaniquement la construction d'autoroutes concédées, sous-estimant ainsi
l'intérêt qu'il y avait, du point de vue tant économique qu'environnemental, à
réaliser des aménagements différents, voire, dans certains cas, plus
limités.
Il était ainsi devenu source de dysfonctionnements en introduisant une sorte
de présupposé dans le choix des investissements à réaliser.
Par son arrêt de 1997 relatif à la mise en concession de l'autoroute A 86
ouest, le Conseil d'Etat nous a indiqué qu'en vertu de la législation
communautaire toute attribution de concession nouvelle devait faire l'objet
d'un contrat séparé, ce qui invalidait - d'ailleurs les travaux avaient été
interrompus - l'usage de la technique de l'adossement. Il a précisé que
l'opération devait trouver son équilibre propre, le cas échéant par l'apport
d'une contribution publique cofinancée par l'Etat et les collectivités
territoriales intéressées.
C'est ce dispositif que nous avons commencé à mettre en oeuvre à l'occasion de
deux opérations dont le contrat de concession sera très prochainement publié :
la section de l'autoroute A 28 entre Rouen et Alençon et le viaduc de
Millau.
C'est donc aussi le même dispositif qui sera appliqué pour la prochaine
attribution, qui concernera la section de l'autoroute A 19 entre Artenay et
Courtenay, conformément aux engagements que j'avais pris ici en 1999.
Les apports de cette nouvelle section autoroutière seront importants. L'A 19
contribuera, en effet, non seulement à l'aménagement du Bassin parisien, en
permettant à une partie du trafic d'éviter la traversée de l'Ile-de-France,
mais aussi à l'amélioration de la sécurité routière dans la région Centre par
le doublement de la RN 60, qui relie Orléans à Courtenay.
Pour répondre à ces nouvelles exigences juridiques, et pour permettre aux
sociétés d'autoroutes de connaître, elles aussi, des conditions de concurrence
équitables avec d'autres opérateurs, l'ordonnance que je vous propose de
ratifier procède à une réforme des sociétés d'économie mixte concessionnaires
d'autoroute, les SEMCA.
Il s'agit de supprimer la garantie de reprise de passif accordée par l'Etat
aux SEMCA, de prolonger les durées actuelles des concessions desdites sociétés
et de prévoir les conditions dans lesquelles ces modifications devraient être
appliquées dans les comptes des sociétés au titre de l'exercice ouvert au 1er
janvier 2000.
Ces changements de régime juridique et comptable des SEMCA, applicables aux
comptes de l'exercice 2000, leur permettent désormais de dégager des résultats
d'exploitation et de verser des dividendes à leurs actionnaires. Ces ressources
nouvelles pour l'Etat seront affectées au financement du développement de la
politique intermodale, c'est-à-dire tout à la fois à la politique ferroviaire
et autoroutière, ce qui est une nouveauté très attendue.
Les pouvoirs publics pourront ainsi, par la politique d'infrastructures qu'ils
mettront en oeuvre, travailler à la cohérence d'ensemble de la politique des
transports. Un milliard de francs en faveur de la politique intermodale
viendra, dès la loi de finances rectificative pour 2001, abonder le budget de
mon ministère.
Dans le même esprit, l'ouverture du capital de la société des autoroutes du
sud de la France, ASF, décidée par le Gouvernement, permettra de venir
alimenter un fonds de développement de l'intermodalité qui servira à financer,
à partir du système autoroutier, la réalisation de grandes infrastructures
ferroviaires, telles que les TGV - notamment les liaisons Perpignan-Figueras,
Rhin-Rhône -, et autoroutières comme, par exemple, l'A 19.
Cette réforme se traduira également pour les SEMCA par une plus grande
autonomie d'action, qui ne peut aller sans une responsabilisation accrue dans
un cadre rénové.
Des contrats de plan fixeront des objectifs de gestion dans le cadre d'une
stratégie d'ensemble. Ces contrats de plan seront des contrats de transition,
car il conviendra que les SEMCA veillent à consolider leur structure financière
tout en assurant la réalisation de leur programme d'investissement afin de ne
pas pénaliser l'avancement des programmes de travaux en cours.
Des comités d'engagement par SEMCA ou par groupe devront se prononcer sur les
grands choix d'investissement, en termes d'opportunité et de compatibilité avec
la stratégie d'ensemble, mais également en termes de risque, de coût et de
rentabilité.
Au-delà de la seule ratification, le projet de loi complète également, par un
alinéa 7°, l'article 2 de l'ordonnance du 28 mars 2001. Par cette mesure, la
durée de la concession de l'autoroute A 43, appelée aussi l'autoroute de la
Maurienne, sera prolongée jusqu'en 2050, ensuite, nous verrons ensemble ce que
l'on peut faire. Je rappelle qu'elle a été attribuée à la Société française du
tunnel routier du Fréjus, la SFTRF, qui est également concessionnaire du tunnel
franco-italien du Fréjus.
Ce complément à l'ordonnance du 28 mars 2001 qui figure dans le projet de loi
de ratification s'est imposé au Gouvernement en raison du calendrier des
discussions engagées avec la Commission européenne sur le cas particulier de la
SFTRF.
La situation de cette société différait de celle des autres SEMCA, ce qui a
nécessité de mener de façon séparée les discussions avec la Commission
européenne.
Si la concession de l'A 43 nécessitait les mêmes aménagements que pour les six
autres SEMCA, à savoir la suppression de la garantie de passif, l'abandon du
mécanisme des charges différées et l'allongement corrélatif de la durée de
concession, la fragilité de son équilibre financier et la situation
particulière de la SFTRF exigeaient là un plan de redressement plus large pour
remédier à sa situation financière. Ce plan a été présenté à la Comission
européenne, qui n'a pas émis d'objection.
Les discussions avec la Commission européenne n'ont abouti qu'à la fin du mois
de juin 2001, soit postérieurement à la date de publication de l'ordonnance
dont la ratification vous est demandée.
L'allongement de trente-deux ans de la durée de la concession de l'autoroute
de la Maurienne, l'A 43, est l'un des aspects d'un plan à la fois exceptionnel
et spécifique de remise à plat de la situation financière de la SFTRF
L'objectif est d'assurer la pérennité de cette société et de lui permettre
d'assumer dans de bonnes conditions ses missions de service public.
La SFTRF étant gestionnaire d'un axe essentiel entre la France et l'Italie, ce
plan est également indispensable pour réaliser le pôle alpin multimodal annoncé
le 19 janvier par le Premier ministre, à Chambéry. La création de ce pôle alpin
est concrétisée, comme vous le savez, par une disposition que le Gouvernement a
introduite à l'Assemblée nationale dans le projet de loi relatif à la sécurité
des infrastructures et systèmes de transports et aux enquêtes techniques après
événement de mer, accident ou incident de transport terrestre, dont nous
débattrons demain.
Par cette disposition, le Gouvernement propose de constituer un établissement
public capable de coordonner et de financer les différents modes de transport à
travers les Alpes.
Elément de la politique du Gouvernement en faveur de l'intermodalité dans les
transports, ce pôle alpin trouve une première traduction dans l'engagement de
la Société des autoroutes Rhône-Alpes, AREA, dans le transport transalpin de
marchandises avec, dès 2002, le lancement de l'autoroute ferroviaire et la
poursuite du programme Lyon-Turin, qui nécessitera des ressources
importantes.
Ce pôle alpin multimodal est en cours de constitution autour des sociétés
autoroutières alpines, AREA, SFTRF et la Société concessionnaire pour la
construction et l'exploitation du tunnel routier sous le Mont-Blanc, l'ATMB,
dont la présidence sera unifiée.
Comme vous pouvez le voir, avec ce projet de loi le Gouvernement n'a pas
seulement une politique ambitieuse pour un développement des transports ; il se
donne aussi les moyens de la mettre en oeuvre afin de concourir au
développement durable de notre pays. Bien évidemment, cette politique s'inscrit
plus largement dans celle qui commence à s'esquisser au niveau européen et que
le livre blanc viendra compléter et mettre en cohérence.
Tels sont donc les objectifs et la teneur des dispositions de l'ordonnance du
28 mars 2001 et de l'ajout d'un alinéa 7° à l'article 2 de cette ordonnance qui
vous est soumis aujourd'hui, conformément à l'article 6 de la loi
d'habilitation du 3 janvier 2001. Mesdames et messieurs les sénateurs, je vous
demande de bien vouloir approuver ce présent projet de loi de ratification.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski,
rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur
le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, adopté sans
modification par l'Assemblée nationale, le présent projet de loi de
ratification porte sur une ordonnance du 28 mars 2001 transposant certaines
dispositions d'une directive relative à la taxation des poids lourds et
réformant le régime d'exploitation de certaines sociétés concessionnaires
d'autoroutes.
Je rappelle au Sénat que le projet de loi tendant à transposer par ordonnances
des directives communautaires et à mettre en oeuvre certaines dispositions du
droit communautaire comportait cinquante et une directives, auxquelles il
convient d'ajouter une quinzaine d'autres textes - règlements, décisions ou
articles du traité - dont il était demandé l'adoption par ordonnance.
La commission mixte paritaire a finalement réduit à quarante-six le nombre
des directives dont la transposition législative pourrait être prise par voie
d'ordonnance. Sur ce nombre, dix-neuf ordonnances ont d'ores et déjà été prises
par le Gouvernement.
Nous sommes aujourd'hui en présence du premier projet de loi de ratification
en débat devant le Parlement. Il concerne une directive dont la commission des
affaires économiques avait souhaité se saisir pour avis : la directive du
Parlement européen et du Conseil du 17 juin 1999 relative à la taxation des
poids lourds pour l'utilisation de certaines infrastructures.
Relevons d'emblée que les auteurs de l'ordonnance ont largement pris en
considération les observations du Sénat lors du débat sur l'article 4 du projet
de loi d'habilitation qui allait devenir la loi n° 2000-1 du 3 janvier 2001.
De fait, l'ordonnance en question est très « allégée » par rapport à
l'avant-projet qui avait été communiqué pour information à votre rapporteur au
moment de la discussion du texte.
Cet avant-projet d'ordonnance comportait, rappelons-le, essentiellement cinq
points.
Il prolongeait la durée de concession de six sociétés d'autoroutes, en
précisant que cette prolongation serait prise en considération dans
l'établissement des comptes des sociétés dès le 1er janvier 2000.
Il supprimait la garantie de reprise du passif des sociétés.
Il inscrivait, dans le code de la voirie routière, un principe de
non-discrimination et de modulation des péages applicable à tous les usagers,
et non aux seuls poids lourds, ainsi que le faisait la directive 1999/62.
Il supprimait le principe de gratuité de l'usage des autoroutes.
Enfin, il modifiait le régime juridique des ouvrages d'art à péage sur la
voirie nationale, départementale et communale.
Si je rappelle ces cinq points, monsieur le ministre, c'est parce qu'en tant
que rapporteur de la commission des affaires économiques j'avais, pour
l'essentiel, porté ma critique sur deux aspects.
J'avais d'abord contesté l'« urgence » invoquée par le Gouvernement en faisant
observer que l'attribution récente d'une nouvelle concession, celle de l'A 28,
avait pu s'effectuer dans le cadre du droit existant.
J'avais surtout fait valoir que de nombreuses mesures - dont l'adoption par
ordonnance était demandée - ne découlaient d'aucune contrainte communautaire,
relevaient de choix « franco-français » - choix auxquels je n'étais pas opposé
- et méritaient d'autant plus de faire l'objet d'une discussion
parlementaire.
S'agissant du principe de non-discrimination en matière de péages, j'avais
rappelé que la directive européenne ne concernait que les poids lourds, alors
que l'avant-projet d'ordonnance appliquait la règle à tous les usagers de la
route.
La suppression du principe de gratuité n'était pas non plus la conséquence
d'une obligation communautaire.
Enfin, le nouveau dispositif concernant l'autorisation de mise à péage des
ouvrages d'art nationaux, départementaux et communaux relevait, lui aussi, de
choix purement nationaux.
Tout en approuvant le principe des dispositions - longtemps réclamées par le
Sénat et, je crois, par vous-même, monsieur le président de la commission - sur
la prolongation des concessions et le retour des SEMCA au droit commun, j'avais
jugé indispensable un débat parlementaire sur des sujets tels que la
suppression du principe de gratuité, la non-discrimination appliquée à tous les
usagers en matière de péages ou encore la possibilité pour les collectivités
locales d'instaurer, en toute liberté, un péage sur leurs ouvrages d'art.
Saisi en premier lieu du projet de loi, le Sénat, dans sa séance du 7 novembre
2000, adoptait l'amendement de sa commission des affaires économiques - que
vous avez accepté, monsieur le ministre - qui autorisait le Gouvernement à
mettre en place, outre les mesures transposant la directive « poids lourds »,
un dispositif exclusivement relatif à la prolongation de la durée des
concessions des sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroute, ainsi
qu'au retour au droit commun comptable de celles-ci. Dans sa séance du 5
décembre 2000, l'Assemblée nationale confirmait cette solution.
En conséquence, l'ordonnance définitive ne comporte que quatre points :
l'application du principe de non-discrimination des péages aux seuls poids
lourds ; la prolongation de la durée de concession des six SEMCA ; la
suppression de la garantie de reprise du passif des sociétés d'autoroutes ;
enfin, la prise en compte dans les comptes de ces sociétés de la nouvelle durée
des concessions.
Le projet de loi de ratification propose aussi une disposition nouvelle sur la
prolongation jusqu'en 2050 de la concession accordée à la Société française du
tunnel routier de Fréjus, la SFRTRF, en vue de la construction et de
l'exploitation de l'autoroute A 43.
Pourquoi cette mesure n'a-t-elle pas figuré dans l'ordonnance du 28 mars 2001
? Vous en avez rappelé les principales raisons, monsieur le ministre.
Si l'allongement des durées de concession des six SEMCA a pu être notifié à la
Commission européenne dès le mois d'août 2000, ce n'est qu'en mai 2001, soit
après le délai autorisé par la loi d'habilitation pour légiférer par
ordonnances, que le Gouvernement a pu notifier l'allongement de durée de
concession concernant la SFRTRF.
Cette situation a résulté des difficultés d'appréciation du coût précis des
travaux à effectuer sur le tunnel. Monsieur le ministre, il aurait été
souhaitable que vous puissiez expliquer au Parlement en quoi consistent ces
travaux, quel sera leur montant et sur quelle durée ils se réaliseront. Quelle
sera la situation financière de la société après 2002, c'est-à-dire après la
réouverture du tunnel du Mont-Blanc, donc après un retour à la normale du
trafic poids lourds du tunnel de Fréjus ?
Par ailleurs, cette société fait parallèlement l'objet de mesures spécifiques
telles qu'un plan de recapitalisation.
Il est en effet apparu que la concession de l'autoroute - qui est de
vingt-cinq ans - a été accordée pour une durée beaucoup trop courte compte tenu
du coût du projet : initialement évalué à 6,5 milliards de francs, ce coût a
finalement atteint, en fin de travaux, 8,8 milliards de francs, ce pour des
raisons tout à fait justifiées puisqu'il s'agit d'une autoroute de montagne. A
titre de comparaison, on relèvera que la concession de l'autoroute d'accès au
tunnel du Mont-Blanc a été accordée pour une durée proche de quarante ans.
La nouvelle durée de concession de l'autoroute A 43 a été fixée en mesurant ce
qu'il en aurait coûté à la SFTRF si elle avait dû, dans le cadre de la durée
actuelle de la concession, supporter des ratios de fonds propres et un taux de
rentabilité des capitaux investis conformes aux capitaux habituels et aux
exigences des prêteurs et des actionnaires.
C'est ce calcul qui a abouti aux trente-deux années supplémentaires de
concession auxquelles vous avez fait allusion, monsieur le ministre. Qu'il soit
permis à votre rapporteur, pour l'information du Sénat, de rappeler, en guise
de conclusion, un certain nombre de données.
La Société française du tunnel de Fréjus est titulaire de deux concessions :
depuis 1980, la concession du tunnel franco-italien de Fréjus, long d'environ
13 kilomètres, et dont la Société italienne du tunnel autoroutier de Fréjus, la
SITAF, est également concessionnaire ; depuis 1993, la concession de la section
de l'autoroute A 43, longue de 63 kilomètres, comprise entre Aiton et Le
Freney, c'est-à-dire jusqu'à la route d'accès au tunnel.
La concession du tunnel routier expire le 31 décembre 2050 - sa durée est de
soixante-dix ans - tandis que la concession portant sur l'autoroute A 43 devait
expirer le 31 décembre 2018.
La première section de l'autoroute A 43 a été ouverte en 1997 ; la dernière
section a été mise en service - je crois que vous l'avez vous-même inaugurée,
monsieur le ministre - pendant l'été 2000.
Contrairement aux autres SEMCA, la SFTRF n'a pas disposé d'un réseau lui
permettant d'assurer une péréquation financière entre les différentes sections.
Le tunnel de Fréjus est en effet soumis à un régime international dont la
politique tarifaire, décidée par une commission intergouvernementale
franco-italienne, reflète les préoccupations de deux concessionnaires tout en
étant dépendante de la politique tarifaire du Mont-Blanc.
On relèvera, enfin, que le trafic poids lourds atteignait, en 1998, 776 000
véhicules/an sous le tunnel du Mont-Blanc et 784 000 véhicules/an sous le
tunnel de Fréjus. La fermeture à tout trafic du tunnel du Mont-Blanc depuis le
24 mars 1999 a généré un quasi-doublement du trafic sous le tunnel de Fréjus :
plus 75 % sur l'exercice 1998-1999 et plus 13,31 % sur l'exercice 1999-2000.
On ne peut nier que la décision de réouverture du tunnel du Mont-Blanc,
annoncée notamment à l'issue de la table ronde organisée par vous-même,
monsieur le ministre, le 2 octobre 2001, a provoqué une véritable « levée de
boucliers » de la part des populations, tant dans la vallée de Chamonix, où la
population ne souhaite évidemment pas un retour au trafic poids lourds, que
dans la vallée de la Maurienne, où les habitants considèrent qu'ayant joué le
jeu de la solidarité pendant la période des travaux sous le Mont-Blanc ils ont
droit maintenant, eux aussi, à un retour à la normale, c'est-à-dire à une
diminution du trafic, estimant que chacun doit avoir sa part des inconvénients
du trafic poids lourds.
Même si l'objet de ce projet de loi, dans son article 2, reste circonscrit à
l'allongement de la durée de concession de l'autoroute A 43, la commission n'en
perçoit pas moins la nécessité d'appeler de ses voeux un débat sur un sujet
qu'il ne faut certainement pas traiter à la légère : le trafic des poids lourds
dans ces sites que je qualifierai de « chauds ».
Dans cette attente, la commission des affaires économiques et du Plan a adopté
sans modification le présent projet de loi.
(Applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Lambert.
M. Alain Lambert.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le
Gouvernement est aujourd'hui dans une phase de redéfinition complète de ses
relations contractuelles, financières et fiscales avec les sociétés
d'autoroutes, dont les modalités et les objectifs sont quasiment soustraites au
débat parlementaire, mais dont les enjeux apparaissent, par bribes, à
l'occasion des textes législatifs qui nous sont soumis.
Le premier élément visible est aujourd'hui la ratification de l'ordonnance du
28 mars 2001. Sous une apparence technique - mais le rapporteur nous a bien
expliqué les enjeux - cette ordonnance consacre l'abandon du mécanisme de
l'adossement qui avait permis le développement de notre réseau autoroutier par
une réforme dont je rappelle - mais je sais que, sur ce sujet, nous ne sommes
pas d'accord, monsieur le ministre - que la Commission européenne n'a pas du
tout sollicité sa suppression, contrairement à ce qui a été dit : elle a
simplement donné son accord au mécanisme nouveau que vous avez proposé.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
C'est le Conseil
d'Etat !
M. Alain Lambert.
La Commission européenne n'a jamais demandé la suppression du mécanisme de
l'adossement !
Le Sénat avait adopté la loi d'habilitation en croyant aux engagements que
vous avez pris en annonçant que le nouveau dispositif était nécessaire pour
poursuivre les constructions autoroutières.
On peut rappeler les propos que vous avez tenus lors de la séance du 7
novembre 2000 : « Les dispositions de l'ordonnance [...] devraient d'abord
servir [...] au financement des subventions publiques d'équilibre pour les
autoroutes A 28 en Normandie, A 19 dans le Loiret et A 41 en Savoie notamment.
Nous savons tous que les élus locaux attendent, souvent avec impatience, la
construction de ces nouvelles sections d'autoroutes. Il faut être clair : le
budget de l'Etat n'est pas doté de crédits suffisants pour financer les
dépenses nouvelles correspondant à ces subventions d'équilibre ».
Votre annonce, monsieur le ministre, était pourtant claire : la réforme devait
d'abord permettre la poursuite du programme autoroutier grâce aux dividendes
des sociétés d'autoroutes réformées.
Mais, aujourd'hui, vos déclarations et vos actes contredisent totalement cette
affirmation, à moins que vous ne nous donniez des explications. En effet, lors
du débat sur le présent projet de loi de ratification à l'Assemblée nationale,
vous avez annoncé que le changement de statut des sociétés d'autoroutes
permettra de disposer d'un milliard de francs supplémentaires pour
l'intermodalité dès la loi de finances rectificative pour 2001, sans faire
aucune mention de versement à la ligne budgétaire consacrée aux « subventions
pour la construction d'autoroutes concédées », qui est aujourd'hui non dotée.
Vous avez même affirmé que, pour les nouvelles liaisons autoroutières, « il n'y
aura pas obligatoirement de financement public », en prenant l'exemple du
viaduc de Millau, qui peut atteindre sans subvention la rentabilité.
(M. le ministre confirme.)
A l'heure actuelle, il n'y a que le viaduc de Millau dans les « tuyaux ».
On est bien loin en tout cas du discours rassurant sur la nécessité de
satisfaire l'impatience des élus à voir construire leurs nouvelles sections
autoroutières.
Par ailleurs, deux autres éléments viennent conforter l'idée que la réforme
autoroutière n'a aucunement pour objet de financer les routes, bien au
contraire. En effet, le Gouvernement a fait adopter par voie d'amendement au
projet de loi sur la sécurité des infrastructures un article 2
bis
créant un pôle multimodal alpin. Il s'agit de favoriser le développement du
ferroutage dans les Alpes et, éventuellement, la poursuite du programme de
réalisation du Lyon-Turin, ce qui est un objectif louable. Mais on voit déjà
que les dividendes de trois sociétés, s'ils existent, ne seront pas consacrés
au nouveau financement autoroutier.
Ensuite, le Gouvernement, par la voix de Laurent Fabius, vient d'annoncer
l'ouverture du capital d'Autoroutes du sud de la France. Cela devrait rapporter
environ 10 milliards de francs, qui seront versés pour l'essentiel au fonds de
réserve des retraites, le reste allant à égalité au secteur aérien, pour 150
millions d'euros, et à la Banque du développement des petites et moyennes
entreprises, la BDPME, pour 150 millions d'euros.
Là encore, on voit que le capital des autoroutes ne servira pas à financer des
infrastructures routières, ni ferroviaires d'ailleurs. Les dividendes que
Autoroutes du sud de la France versera à l'Etat seront mécaniquement réduits du
fait de l'ouverture du capital et ne pourront donc servir comme annoncé au
financement des liaisons autoroutières.
Par touches successives, le Gouvernement cherche donc à transformer des
sociétés autoroutières, encore davantage qu'aujourd'hui, en « vaches à lait »,
prioritairement pour les besoins généraux de l'Etat, et très accessoirement
pour les liaisons ferroviaires, grâce à la rente résultant de la chute des
investissements autoroutiers et des augmentations autoritaires de péages.
Le Gouvernement ne dispose pas, en effet, de moyens pour financer les projets
d'investissements ferroviaires actuellement bloqués par l'ampleur de la dette
ferroviaire - 253 milliards de francs - et l'interdiction pour Réseau ferré de
France d'engager des investissements sans rentabilité. Il essaie donc de
récupérer de l'argent sur les sociétés d'autoroutes, ce qui, de toute manière,
ne sera pas suffisant s'il consacre l'essentiel à d'autres objets, comme le
fonds de réserve des retraites ou la BDPME.
Dans le même temps, rien n'est prévu pour les nouvelles autoroutes ni pour le
volet routier des contrats de plan, qui prend déjà du retard, comme l'a
souligné Augustin Bonrepaux, rapporteur de ces crédits à l'Assemblée
nationale.
En conclusion, monsieur le ministre, je souhaite que vous nous donniez une
réponse claire sur deux questions.
Tout d'abord, quel sera le montant des dividendes versés sur la ligne
budgétaire destinée à équilibrer les nouvelles concessions autoroutières en
2001 et en 2002 ?
Ensuite, quels sont les objectifs du Gouvernement dans les négociations en
cours des contrats de plan avec les sociétés d'autoroutes et ces contrats de
plan seront-ils signés avant le 31 décembre 2001 ?
J'aurais pu vous interpeller sur les modalités de changement du régime de la
TVA, mais j'imagine que vous laisserez à votre collègue du budget le plaisir de
répondre sur ce point. C'est bien naturel ! Nous nous reverrons dans les
semaines à venir, étant entendu que cette question fiscale est elle-même de
nature à réduire les moyens financiers des sociétés autoroutières.
Monsieur le ministre, la politique que vous menez en matière autoroutière
nécessite, ce soir, de votre part, des clarifications que nous espérons
entendre. D'avance, je vous remercie.
(Applaudissements sur les travées de
l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Lassourd.
M. Patrick Lassourd.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de
loi que nous examinons aujourd'hui a un double objet. Il s'agit, d'une part, de
ratifier l'ordonnance du 28 mars 2001 transposant certaines dispositions de la
directive 1999/62/CE du 17 juin 2001 relative à la taxation des poids lourds
pour l'utilisation de certaines infrastructures et réformant le régime
d'exploitation de certaines sociétés concessionnaires d'autoroutes. Il s'agit,
d'autre part, d'allonger la durée de la concession autoroutière de la société
française du tunnel routier de Fréjus.
Ce projet de loi, adopté sans modification par l'Assemblée nationale en
première lecture, porte sur l'une des ordonnances prévues par la loi du 3
janvier 2001 portant habilitation du Gouvernement à transposer certaines
directives. Cette ordonnance tend à faciliter la mise en oeuvre des
dispositions du droit communautaire relatives aux marchés publics de
travaux.
Je souhaiterais faire quelques remarques préalables.
Tout d'abord, je rappelle, comme nous l'avions fait lors du débat sur
l'article 4 de l'ordonnance qui habilitait le Gouvernement à prendre certaines
mesures législatives concernant les autoroutes et les péages, que ce sujet
important, qui porte sur l'évolution du réseau autoroutier, intéresse au
premier chef la représentation nationale, notamment le Sénat, représentant des
collectivités territoriales.
Je souligne ensuite, comme l'avait fait le chef de l'Etat dans le projet de
rapport qui accompagnait le projet d'ordonnance, que la politique autoroutière
« doit cependant évoluer pour mieux tenir compte des préoccupations
environnementales de nos concitoyens, qui acceptent de moins en moins le
"tout-routier" comme le "tout-autoroutier" ». L'urgence invoquée prive
de
facto
le Parlement de se saisir de ce sujet primordial et d'avoir un réel
débat.
Ensuite, et de manière plus générale, je regrette l'absence constante de
réactivité dans la transposition du droit communautaire. En effet, la France
fait partie des Etats membres de l'Union européenne connaissant les plus grands
retards dans l'application du droit communautaire. Cette situation, qui s'est
dégradée au cours des dernières années, est entièrement imputable au
comportement des gouvernements successifs.
Aujourd'hui, la France se situe en douzième position, au sein de l'Union
européenne, en ce qui concerne le taux de transposition des directives
communautaires. Cette situation problématique, source d'insécurité juridique,
donne une image déplorable de notre pays, lui qui prétend pourtant être un
moteur de la construction européenne.
Enfin, je voulais signaler que l'avant-projet de cette ordonnance plus vaste
et qui comportait des ajouts substantiels tels que la suppression du principe
de gratuité de l'usage des autoroutes ou encore la modification du régime
juridique des ouvrages d'art à péage sur les voiries nationale, départementale
et communale, a vu son champ d'application modifié à la suite de la volonté
émise par le Sénat, notamment de la commission des affaires économiques et du
Plan.
La commission avait en effet fait valoir que de nombreuses mesures dont
l'adoption par ordonnance était demandée ne découlaient d'aucune contrainte
communautaire et méritaient de faire l'objet d'une vraie discussion
parlementaire.
Ce texte est donc aujourd'hui circonscrit aux dispositions contenue dans la
directive européenne, et je m'en félicite.
Ainsi, en premier lieu, ce texte prévoit l'application du principe de
non-discrimination en matière de péages aux seuls poids lourds, conformément à
la directive européenne. Sur ce point précis, je rappellerai simplement que
notre droit interne applique déjà ce principe, notamment au nom de l'égalité
entre les usagers.
Il prévoit également la modernisation du régime d'exploitation des autoroutes
pour faciliter la mise en oeuvre des dispositions communautaires concernant les
marchés publics de travaux.
Il faut simplement rappeler qu'en France c'est la loi du 18 avril 1955 qui
porte statut des autoroutes. Depuis cette loi, le réseau autoroutier est
principalement fondé sur le système de la concession d'autoroutes au profit des
sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroutes.
Déjà, en 1997, le tournant politique et l'actualisation des exigences
communautaires remettaient largement en cause le modèle autoroutier
français.
Cette situation préoccupante a incité le Sénat, dès 1997, à constituer une
commission d'enquête chargée « d'examiner les conditions dans lesquelles
semblaient remis en cause certains choix stratégiques concernant les
infrastructures de communication et les incidences qu'une telle remise en cause
pouvait avoir sur l'aménagement et le développement du territoire français,
notamment du point de vue de son insertion dans l'Union européenne ».
Cette commission d'enquête, dont le rapporteur, notre collègue Gérard Larcher,
est aujourd'hui président de la commission des affaires économiques et du Plan,
avait présenté, au mois de juin 1998, un certain nombre de conclusions.
S'agissant de la rénovation du système de financement, la commission avait
souhaité rechercher des outils de financement adaptés. A cet égard, elle avait
recommandé en particulier de prolonger les concessions actuelles pour garantir
l'équilibre du système par des durées correspondant à l'amortissement des
ouvrages. En outre, cette commission d'enquête avait réclamé une bonne
application des directives européennes et avait appelé de ses voeux un
alignement du statut juridique, financier et comptable des sociétés d'économie
mixte concessionnaires d'autoroutes, ou SEMCA, sur le droit commun.
Les orientations proposées par ce texte vont, pour l'essentiel, dans le sens
préconisé par le Sénat depuis un certain nombre d'années. Nous nous en
félicitons.
Aujourd'hui, on nous propose par ce texte, dans son article 1er, de prolonger
les concessions et de revenir au droit commun comptable des sociétés pour ces
sociétés d'économie mixte.
En effet, la Commission européenne considérait que le système français de
financement des nouvelles concessions d'autoroutes n'était pas conforme au
principe de non-discrimination et d'égalité de traitement des candidats à
l'attribution des nouvelles concessions d'autoroutes.
En particulier, le système dit « de l'adossement » permettait de financer la
construction des nouvelles autoroutes par une prolongation de la durée des
concessions attribuées à certaines sociétés.
La prolongation des concessions est donc calculée de manière à compenser les
désagréments résultant de la suppression des avantages dont bénéficiaient ces
sociétés, la suppression de la garantie de reprise du passif et des charges
différées.
Ces dispositions, depuis longtemps voulues par le Sénat, semblent en effet
primordiales si l'on veut améliorer la situation financière de ces sociétés.
Enfin, l'article 2 de ce projet de loi prévoit une disposition nouvelle sur la
prolongation jusqu'en 2050 de la concession accordée à la société française du
tunnel routier de Fréjus en vue de la construction et de l'exploitation de
l'autoroute A 43.
Cette société est titulaire de deux concessions, celle du tunnel
franco-italien de Fréjus, depuis 1980, et celle de la section de l'autoroute A
43, depuis 1993.
Eu égard non seulement à sa situation financière particulièrement dégradée -
cette société ne disposait pas d'un réseau susceptible de lui assurer une
péréquation financière - eu égard aux coûts importants d'exploitation de
l'autoroute A 43, mais aussi eu égard aux nouvelles exigences de sécurité qui
se sont accrues après le terrible accident du tunnel du Mont-Blanc, il est
nécessaire d'allonger la durée de la concession, à l'origine trop courte,
puisqu'elle n'était que de vingt-cinq ans.
(Applaudissements sur les travées
du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à Mme Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la réforme
des sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroutes était devenue une
nécessité. En effet, contrevenant aux règles de la concurrence du traité sur
l'Union européenne, leur mode de gestion devait évoluer vers celui des sociétés
privées de droit commun.
La contrepartie de cette évolution est de mettre fin au système de
l'adossement, système qui, pourtant, a fait preuve d'une certaine efficacité en
permettant de financer des sections d'autoroutes qui, en raison de leur faible
rentabilité, n'auraient pu être construites. La technique est particulièrement
ingénieuse lorsque les capitaux privés, attirés par des perspectives
alléchantes de profit, font défaut, mais elle est contraire au droit européen
de la concurrence !
Nous sommes les premiers à le regretter, mais nous nous félicitons que cette
réforme obligée soit l'occasion de la mise en place d'une technique non moins
ingénieuse qui permettra de financer en partie la politique de développement du
transport intermodal et du fret ferroviaire par les ressources que ces
nouvelles sociétés dégageront.
Dans un contexte de restriction budgétaire et face aux énormes besoins en ce
domaine, une telle complémentarité financière de la route et du rail est la
bienvenue.
Cette technique ingénieuse est aussi la marque, monsieur le ministre, de votre
ferme volonté de rééquilibrer le rail par rapport à la route, de donner la
priorité à la croissance du ferroutage et du transport combiné afin de mettre
un terme à la dérive du tout-routier, ou du « tout-autoroutier », pour
reprendre l'expression de M. le rapporteur, dont chacun reconnaît les dégâts
qu'elle a induits sur le plan tant de l'environnement que de la sécurité
routière.
Mais ne nous voilons pas la face, monsieur le ministre. L'ampleur des travaux
à entreprendre pour mettre un terme à des années de régression du rail, pour
mener une politique active en faveur de l'intermodalité, une politique qui se
veut délibérément soucieuse de l'environnement, nécessite d'énormes
capitaux.
Le rail, malheureusement, continue de perdre des parts de marché par rapport à
la route. Nous connaissons les principales raisons de cette évolution.
L'avantage concurrentiel de la route continue de résider dans la faiblesse de
ses coûts, résultat, d'un côté, de la pression sur les coûts salariaux et
sociaux et, de l'autre, de la non-intégration des externalités négatives qui
demeurent à la charge de la collectivité.
Il semble néanmoins qu'une prise de conscience de la nécessité de prendre en
compte les coûts externes de la route émerge au niveau européen. Le nouveau
Livre blanc adopté en septembre dernier par la Commission, y fait référence et,
dans le même temps, se prononce en faveur d'infrastructures européennes
réservées au fret ferroviaire.
Je vous serais reconnaissante, monsieur le ministre, de nous donner quelques
informations sur ce point, car ce nouveau volontarisme européen ne semble guère
se concrétiser par un programme approprié de financement.
Qu'en raison de la prégnance actuelle des logiques de court terme, de
l'exigence de retours sur investissement élevés et rapides, les capitaux privés
ne soient pas incités à s'investir dans ce type de secteur, dont la rentabilité
est lointaine, se comprend dans la logique du capitalisme.
Ce qui se comprend moins, c'est que l'Union européenne, en dépit de ses
déclarations en faveur du développement de l'intermodalité et de modes de
transports plus soucieux de l'environnement et s'inscrivant dans la
problématique du développement durable, ne consente toujours pas à dégager les
ressources substantielles nécessaires ou à lancer un grand emprunt européen à
la hauteur de ses ambitions. Nous ne pouvons que le regretter.
Le contexte actuel de faiblesse des taux d'intérêt inciterait pourtant à se
lancer dans ce type de grands travaux à une échelle qui dépasse les cadres
nationaux et qui permettrait d'assurer une meilleure fluidité du trafic de
marchandises, de désengorger les grands axes autoroutiers autour des grandes
métropoles nationales, de mettre un terme à la saturation des principaux noeuds
ferroviaires et, peut-être, de diminuer les exigences actuelles quant au
kilométrage d'autoroutes.
A cela s'ajouterait un effet de relance de l'activité à travers la
mobilisation des industries d'équipement, qui, comme chacun le sait, sont
génératrices d'effets d'entraînement.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, la discussion de ce projet de loi
de ratification de l'ordonnance du 28 mars 2001 relative à la taxation des
poids lourds pour l'utilisation de certaines infrastructures m'a permis de
soulever certaines questions concernant la politique française et européenne
des transports. Nous n'avons pas toujours l'occasion de débattre des
transpositions de directives européennes dans le droit français et j'ai saisi
cette opportunité pour le faire.
(Applaudissements sur les travées du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Mesdames,
messieurs les sénateurs, permettez-moi de réagir tout de suite aux derniers
propos de votre collègue Mme Beaufils.
Madame la sénatrice, vous avez posé la question de l'évolution de l'Europe
dans le domaine des transports. Il est vrai que le Livre blanc, en tout cas
pour une grande part de son contenu et des projets qu'il formule, marque une
évolution dans la politique des transports à l'échelle européenne en proposant
qu'elle ne soit pas orientée suivant les seules tendances que l'on a connues
dans le passé, où le « tout-routier » prenait le pas sur les autres modes de
transport comme on l'a constaté partout, notamment en France, pays de transit.
Le Livre blanc marque la volonté d'un nouvel effort en faveur des autres modes
de transport.
La France peut se féliciter de cette évolution, elle qui, à plusieurs
reprises, s'y est déclarée favorable, notamment à l'occasion du mémorandum que
le Gouvernement français a déposé auprès de la Commission européenne et qui
traitait, entre autres sujets, de la traversée des zones sensibles, vous vous
en souvenez.
Le Livre blanc reprend l'idée, maintenant mieux perçue, qui sous-tend la
politique que nous essayons de mener depuis plusieurs années maintenant, d'une
certaine internalisation des coûts externes par rapport à la route. Elle tend à
confirmer, en quelque sorte, la pertinence d'une politique favorisant
l'intermodalité, comme nous proposons de le faire avec l'utilisation des
dividendes que peuvent dégager par les actuelles SEMCA. Je reviendrai sur ce
point pour répondre à M. Lambert.
Le Livre blanc affirme aussi notre volonté de doubler le trafic ferroviaire
d'ici à 2010. C'est non pas un objectif final, mais une étape.
Dans les Alpes du Nord, l'objectif annoncé est de passer de 10 millions de
tonnes actuellement transportées par le rail via la ligne classique à 40
millions de tonnes, lorsque seront achevés les travaux d'amélioration de la
ligne historique et la construction de la ligne nouvelle reliant Lyon à Turin,
avec une partie en tunnel. Il s'agit, dans cette zone sensible, de multiplier
par quatre le trafic de fret acheminé par le rail.
Dans les Pyrénées, 96 % du transport terrestre se font actuellement par la
route, 4 % par le rail, et, à l'horizon 2015-2020, le volume des transports
ferroviaires sera multiplié par deux. Il est absolument impossible de laisser
les choses continuer ainsi. Il faut aller au-delà d'une multiplication par
quatre du trafic ferroviaire.
Il importe, en outre, d'envisager le développement du trafic maritime. Le
Livre blanc de la Commission européenne pose justement le problème de l'essor
du cabotage maritime. Nous avons une chance à saisir puisque la Méditerranée,
la façade Atlantique, la Manche, la mer du Nord offrent de larges perspectives
de développement.
Je pense que l'Europe devrait être plus active, à la fois sur la traduction
concrète de ses orientations et sur la question du financement que Mme Beaufils
a évoquée. Il faut gagner la partie dans le domaine de l'intervention
communautaire pour aider à la réalisation des projets. Mais ce domaine n'est
pas exclusif.
Le Livre blanc, en fixant comme objectif le maintien des équilibres actuels,
marque une avancée, puisqu'on ne continuera pas à se résoudre à voir la part du
ferroviaire et de la voie d'eau diminuer par rapport à la route.
Mais, je l'ai dit officiellement en réunion du conseil des ministres des
transports il y a maintenant quelques semaines, cette avancée me paraît tout à
fait insuffisante. Il s'agit là de questions majeures qui touchent des
problèmes de société. C'est le cas avec la réouverture du tunnel du Mont-Blanc,
dont votre rapporteur a parlé.
Je vous remercie d'abord, monsieur le rapporteur, de votre soutien au projet
de loi puisque vous proposez de l'adopter conforme au texte voté par
l'Assemblée nationale.
Mais vous avez également soulevé plusieurs questions auxquelles je veux
répondre. Je sais bien que la procédure des ordonnances pose toujours problème.
C'est pourquoi je me suis engagé à ce qu'on ne limite pas les débats sur la
réforme autoroutière à celui sur la loi d'habilitation. Je crois qu'on n'a
jamais autant parlé des routes et des autoroutes que depuis que je suis
ministre.
M. Alain Lambert.
On ne doit pas seulement en parler. On voudrait rouler dessus !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
J'ai tenu mon
engagement de débattre avec le Sénat et de m'en tenir au texte du projet de loi
d'habilitation tel que vous l'avez voté, alors qu'il est vrai qu'on aurait pu
aller plus loin comme c'était initialement prévu. C'est donc devant votre
insistance que nous avons maintenu ce texte dans certaines limites. Je me suis
tenu à cet engagement et j'ai défendu cette opinion, y compris à l'Assemblée
nationale.
Vous m'avez également interrogé, monsieur le rapporteur, sur la nature et le
coût des travaux du tunnel du Fréjus. Je ne puis vous donner d'informations
trop précises pour la simple raison que la CIG se réunira le 29 octobre. C'est
elle qui décidera des travaux à réaliser et j'ignore ce qu'elle va décider !
La décision sera prise en accord avec nos partenaires italiens. Sans préjuger
des résultats de la CIG, je souhaite que soit décidée la construction d'une
galerie de sécurité qui sera extérieure au périmètre du tunnel actuel. Les
travaux pourront être réalisés sans interrompre la circulation, c'est-à-dire
sans renvoyer les véhicules vers le tunnel du Mont-Blanc. C'est d'ailleurs
pourquoi ils s'étaleront sur plusieurs années et leurs coûts peuvent être
évalués à 1 milliard de francs environ.
Selon vous, monsieur le rapporteur, tous les habitants de la Maurienne
seraient mécontents, ce qui n'est pas vrai, je vous l'assure, car je me suis
rendu à Chambéry. Les chiffres cités par plusieurs d'entre vous sont exacts. Le
nombre de véhicules qui était de l'ordre de 800 000 pour chaque tunnel a doublé
dans le tunnel du Fréjus puisque c'est sur lui que s'est pratiquement reporté
tout le trafic. Lorsque 1 600 000 camions passent annuellement à Chambéry, à
côté de chez vous, je vous assure qu'on attend avec impatience que cela
cesse.
M. Ladislas Poniatowski,
rapporteur.
C'est ce que j'ai dit, monsieur le ministre !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Le trafic du
tunnel du Fréjus devra diminuer immédiatement de 40 % lors de la réouverture de
celui du Mont-Blanc. Et grâce aux politiques intermodales que nous menons, le
trafic du tunnel du Mont-Blanc sera bien moins important qu'avant la
catastrophe. Voilà notre démarche. Lorsque nous disposerons de ce fameux wagon
Modhalor, on pourra faire circuler des camions sur 80 % du réseau et notamment
sous les tunnels au gabarit B 1. Dès l'an prochain, il y aura le ferroutage
pour les camions-citernes.
Ensuite, il faudra engager des travaux qui dureront plusieurs années. En
effet, on ne peut pas arrêter le trafic sur la ligne historique, sauf à
renvoyer sur la route les 10 millions de tonnes de marchandises en transit par
le rail.
Quand ils seront terminés, l'équivalent de 300 000 camions par an passera par
le rail. Après l'achèvement des travaux de la ligne Lyon - Turin et la
réalisation du tunnel de base, c'est l'équivalent d'un million de camions qui
passera par le rail et qui ne passera donc plus par la route. Telle est la
politique que nous avons engagée.
M. Alain Lambert.
Dans vingt ans !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Mais non ! Vous
dites cela parce que vous êtes pessimiste ! D'abord, pour les 300 000 camions,
c'est à l'horizon 2005-2006, ce n'est pas dans vingt ans !
La date qui a été fixée pour un million de camions au cours du sommet
franco-italien, c'est 2015. Avec mon collègue italien, nous travaillons sur ces
questions et nous souhaitons aller plus vite. Nous mettons tout en oeuvre pour
avancer cette date à 2013, voire 2012.
M. Philippe Nogrix.
Et il n'y aura plus de grèves !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
J'en viens à
l'intervention de M. Lambert. Je pourrais me contenter de vous renvoyer au
discours de M. Lassourd, qui répond à un certain nombre des questions que vous
m'avez posées.
M. Alain Lambert.
Il n'est pas au Gouvernement !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Mais je ne peux
que confirmer ce qu'il a dit ! Il a expliqué, et il a eu raison, pourquoi on ne
pouvait pas faire autrement.
Monsieur Lambert, vous connaissez le droit et les textes de loi aussi bien que
moi. Je ne vous ferai pas l'affront de sous-estimer votre connaissance du
dossier.
Pourquoi le Conseil d'Etat a-t-il pris cet arrêt sur l'autoroute A 86 ?
Peut-être considérez-vous que je ne dois pas tenir compte de l'avis du Conseil
d'Etat. Mais je ne peux pas faire cela, monsieur le sénateur ! Je suis obligé
de tenir compte de l'avis de la section du contentieux du Conseil d'Etat.
Moi, je n'ai jamais accusé mon prédécesseur, Bernard Pons. Je savais que, pour
réaliser les travaux de l'A 86 ouest, il avait l'aval de la section des travaux
publics du Conseil d'Etat.
M. Alain Lambert.
Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le ministre ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Je l'accepte
volontiers, monsieur le sénateur.
M. le président.
La parole est à M. Lambert, avec l'autorisation de M. le ministre.
M. Alain Lambert.
Monsieur le ministre, rassurez-vous, je n'engagerai pas un débat juridique à
cette heure. Je voulais simplement vous dire que, depuis que je rapporte des
lois de finances, j'ai vu de très nombreuses validations législatives à la
suite de décisions du Conseil d'Etat qui ne convenaient pas au Gouvernement.
Par conséquent, je suis heureux d'apprendre qu'il renonce à ce procédé.
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
J'étais sûr que
vous ne souhaitiez pas que je ne tienne pas compte de l'avis du Conseil
d'Etat.
Mais pourquoi, selon vous, le Conseil d'Etat a-t-il rendu cet avis ? A-t-il
été saisi d'une inspiration novatrice ? Non ! Le Conseil d'Etat a appuyé sa
réflexion sur l'évolution du droit communautaire. Quand il a fallu obtenir
entre autres des allongements de concession, il y a eu des discussions avec la
Commission. Cela a duré plus longtemps que je ne l'aurais souhaité. C'est
d'ailleurs pourquoi les choses ont tardé. Il y a désormais le droit
communautaire et le droit national, aux termes desquels toute nouvelle section
d'autoroute à construire sous le régime de la concession doit faire l'objet
d'une mise en concurrence particulière.
Je n'ai jamais dit que l'adossement était un système pervers, même si, à la
fin, et je l'ai précisé dans mon intervention liminaire, des problèmes
particuliers se posaient. En tout cas, ce système nous a permis de réaliser 7
000 à 8 000 kilomètres d'autoroutes dont la qualité nous est enviée par de
nombreux pays. Cependant, il s'avère que l'on ne pouvait plus procéder de cette
manière.
L'adossement s'apparentait à un système de mutualisation, de péréquation entre
des autoroutes rentables et d'autres qui l'étaient moins ou qui ne l'étaient
pas. Aujourd'hui, nous sommes obligés de prévoir une mise en concurrence pour
la construction de chaque nouvelle section. Cela n'empêche d'ailleurs pas la
société qui a construit la section jouxtant la nouvelle section d'être retenue
pour réaliser les travaux de cette dernière.
Dans son arrêt, le Conseil d'Etat reconnaît la supériorité des normes
communautaires sur le droit interne et il s'est appuyé sur l'obligation faite
par la directive « travaux » transposée dans notre droit par la loi Sapin. Si,
et vous avez eu raison de le dire, la Commission européenne ne s'était pas
prononcée explicitement pour la suppression de l'adossement, le Conseil d'Etat
nous y a contraints. M. Lassourd vous a parfaitement répondu et je ne peux que
le soutenir au moins sur ce sujet.
En tout cas, une chose est sûre : l'adossement n'est plus possible aujourd'hui
et, à l'avenir, aucun gouvernement ne pourra y recourir sans encourir les
foudres du Conseil d'Etat s'appuyant sur le droit communautaire.
J'en viens aux dividendes. C'est la grande question que M. le rapporteur a
également évoquée. Les dividendes des sociétés autoroutières ont vocation à
financer l'ensemble des projets intermodaux. Quand je dis « ferroutage », je
vous demande d'entendre les mots « fer » et « route », c'est-à-dire que des
camions sont transportés par la voie ferrée et, lorsqu'ils ne le sont plus, ils
empruntent la route. C'est cela le ferroutage.
(Sourires.)
M. Pierre Hérisson.
On l'avait compris !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Vous l'aviez
effectivement compris. Je le répète : les dividendes ont vocation à financer
l'ensemble des projets intermodaux, rail comme route. Ils ont donc vocation à
financer tous les projets, le TGV Perpignan-Figueras, comme je l'ai dit, mais
aussi les projets routiers. Ainsi, l'A 28 sera financée grâce aux dividendes
que les sociétés publiques de concession d'autoroutes produiront. Je vais
d'ailleurs signer prochainement la convention de financement pour près d'un
milliard de francs pour cette autoroute.
Mais les dividendes, comme les produits de l'ouverture du capital, de la
société des autoroutes du sud de la France, ASF, serviront aussi à financer les
projets ferroviaires. Je ne surprendrai personne en disant que le Gouvernement
n'est pas favorable au tout-routier et au tout-autoroutier. Contrairement à ce
que vous avez dit, monsieur le sénateur, une partie, non négligeable, je
l'espère, pour ne pas dire importante, du produit résultant de l'ouverture du
capital, servira également aux projets intermodaux.
Concernant les contrats de plan, que vous avez évoqués, à la fin du printemps,
les sociétés d'autoroute ont reçu une lettre de commande pour élaborer des
projets de contrats de plan. Les négociations sont en cours, l'objectif étant
d'aboutir avant la fin de l'année. Je réponds ainsi à votre question. Mon
objectif est donc que cela aboutisse avant la fin de l'année. L'intérêt majeur
de ces contrats est d'assurer la visibilité et la stabilité des contrats à un
horizon de cinq ans. Les dispositions essentielles sont, d'une part, un volet
tarifaire avec une évaluation des tarifs en fonction de l'inflation et, d'autre
part, un volet investissement précisant les travaux d'amélioration des
autoroutes déjà en service. Enfin, sont abordées les questions de politique
commerciale, de service aux usagers et d'environnement.
Comme vous le savez, monsieur le sénateur, il faut être deux pour signer un
contrat. Pour ma part, je suis déterminé à aboutir à la signature de ces
contrats avant la fin de la présente législature.
Je vous remercie de nouveau, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les
sénateurs, de bien vouloir adopter ce projet de loi. Le Gouvernement s'efforce
de mettre en oeuvre une politique des transports plus conforme à l'intérêt
général.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. - Est ratifiée, telle qu'elle est modifiée par la présente loi,
l'ordonnance n° 2001-273 du 28 mars 2001 transposant certaines dispositions de
la directive 1999/62/CE du Parlement et du Conseil du 17 juin 1999 relative à
la taxation des poids lourds pour l'utilisation de certaines infrastructures et
réformant le régime d'exploitation de certaines sociétés concessionnaires
d'autoroutes. »
Sur l'article, la parole est à M. Doligé.
M. Eric Doligé.
Monsieur le ministre, je me permets d'abord de me réjouir de votre
présence.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
J'arrive de
Moscou !
M. Eric Doligé.
Tout à l'heure vous avez évoqué les voies maritimes. Il y a une fenêtre de tir
pour réfléchir éventuellement à des voies d'eaux. Le moment serait propice pour
envisager de nouveau la réalisation du canal Rhin-Rhône. Cela pourrait être une
bonne piste de réflexion dans les mois à venir.
Revenons-en aux autoroutes. Je voudrais profiter de l'occasion pour vous
parler de l'A 19, puisque vous l'avez évoquée et, incidemment, vous avez parlé
de la RN 60.
S'agissant de l'A 19, cela fait quatre ans au moins que M. Masson et moi-même
vous interrogeons pour tenter d'obtenir des informations. Nous sommes quelque
peu inquiets de voir les années passer et de constater que le dossier, au fil
de réglementations nouvelles - maintenant on en est à l'adossement - recule
année après année, alors que le dossier était déjà prêt à l'époque et qu'il
aurait pu aboutir si la volonté avait existé.
Aujourd'hui, soit quatre ou cinq ans plus tard, on nous annonce un certain
nombre de critères nouveaux pour le financement d'une autoroute, qu'il s'agisse
de l'A19 ou d'une autre liaison. Parmi ces critères figure la durée de
concession. Celle-ci est-elle inscrite dans les appels d'offres ? Fait-elle
partie des clauses précises ou la laisse-t-on ouverte ? Je pose la même
question s'agissant des trafics et d'une règle nouvelle qui serait le
financement par les pouvoirs publics.
Je m'interroge à propos de ce dernier point, car j'ai appris que le préfet
devait me rencontrer pour me demander si le département est prêt à contribuer
au financement de l'autoroute. J'avoue être surpris que, dans le cadre d'un
appel d'offres, on annonce que l'on demandera une participation à des
collectivités pour compléter éventuellement un financement, sachant que cette
participation serait assurée, semble-t-il, à 50 % par l'Etat et 50 % par les
collectivités. Des chiffres sont même annoncés, ce qui signifie que, bien
entendu, les soumissionnaires sont informés de l'importance des sommes que nous
serions en mesure d'apporter. Je ne vois donc pas pourquoi ils amèneraient ces
sommes-là s'ils ont la capacité de faire dans une concurrence tout à fait
normale, surtout pour une autoroute qui,
a priori,
est l'une des moins
chères à réaliser compte tenu de sa localisation en plaine.
Le fait d'annoncer que l'on va demander aux collectivités d'apporter une
certaine somme, dont on annonce également le montant éventuel, me semble poser
question dans le cadre de la concurrence saine et loyale qui doit prévaloir en
matière d'appels d'offres.
J'ai appris ensuite, et vous l'avez confirmé, monsieur le ministre, que des
dividendes seraient éventuellement distribués aux actionnaires des voies
autoroutières. Cela sous-entend que les subventions que le département pourrait
accorder seraient susceptibles de déboucher sur le versement de dividendes.
Cela m'inquiète aussi quelque peu, parce que, à la limite, on pourrait me dire
que la réalisation de l'autoroute coûte 4 milliards de francs et me demander si
le département est prêt à verser un, deux, trois ou quatre milliards de francs.
Il faut annoncer la couleur, mais cela paraît quand même quelque peu gênant
dans le cadre de la concurrence nationale, voire internationale.
Serait-il possible, si les collectivités sont obligées d'apporter des
financements - sous réserve encore que vous en inscriviez au budget de l'Etat,
monsieur le ministre, car, d'après ce que j'ai compris des propos de notre
collègue M. Alain Lambert, ce n'est pas le cas, ce qui m'inquiète quelque peu
dans l'optique de la réalisation de l'autoroute - que celles-ci deviennent
actionnaires ? Il n'y a pas de raison qu'elles contribuent à fonds perdus et
que d'autres touchent les dividendes.
Serait-il éventuellement possible d'apporter une garantie, plutôt qu'un
financement, puisqu'il ne peut plus y avoir de garantie de l'Etat ? Les
collectivités pourraient-elles se substituer à celui-ci en cette matière ?
Enfin, ne pourrions-nous pas éventuellement faire des avances remboursables,
de manière que, si l'autoroute est bénéficiaire, comme cela est souhaitable,
nous puissions les récupérer selon des clauses particulières ?
Voilà un certain nombre de questions que je souhaitais vous poser, monsieur le
ministre, alors que l'on est susceptible de demander à des collectivités de
financer à hauteur de 1 milliard de francs - excusez du peu par rapport à nos
budgets ! Ce n'est pas tous les jours que l'on peut trouver facilement 1
milliard de francs dans une collectivité !
J'en viens à ma dernière question. Selon vous, quand l'appel d'offres
pourra-t-il enfin être lancé ? En effet, tous les concessionnaires potentiels
sont, semble-t-il, dans les starting-blocks et prêts à partir ; ils attendent
simplement que l'on m'ait demandé combien je suis prêt à mettre pour la
réalisation de cette opération. Mais la question qui m'est annoncée sous huit
jours depuis quatre mois, je l'attends toujours. Voilà la problématique dans
laquelle nous sommes.
En matière routière, on a tout de même quelques difficultés à y voir clair,
monsieur le ministre. En effet, le partenaire que nous avons en face de nous ne
nous donne pas la règle du jeu. Lorsque nous souhaitons réaliser localement une
route, une voie communale, une voie départementale, tout le monde peut
consulter les dossiers et connaître les modalités du financement, l'impôt qui
est concerné et le coût réel de l'opération. En revanche, chaque fois qu'on
demande à vous-même ou à vos services où en est un dossier, on n'arrive jamais
à obtenir la réponse. Je souhaiterais non seulement de la clarté mais également
des informations afin que nous puissions, si possible, établir nos budgets pour
les vingt ans à venir, puisque les chiffres que vous nous avez annoncés
concernent des périodes assez longues.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Doligé a posé
plusieurs questions.
L'A 19 Artenay-Courtenay est un élément important de la politique de
l'aménagement du Bassin parisien. Cela permettra à une partie du trafic
est-ouest d'éviter la traversée de l'Ile-de-France. Cette autoroute permettra
également d'améliorer la sécurité routière dans la région Centre en déchargeant
la RN 60 qui relie Orléans à Courtenay d'une partie de son trafic. Cet objectif
a été réaffirmé dans le cadre des schémas de services collectifs de transport
qui ont été adoptés par le Gouvernement lors du comité interministériel de
juillet 2001, voilà trois mois. La réalisation de l'A 19 dans le cadre des
règles de financement désormais applicables implique de procéder à une
concession nouvelle dans le cadre d'un contrat séparé. C'est clair et désormais
chacun sait que c'est ainsi qu'il faut procéder.
Les nouvelles sections doivent trouver leur équilibre financier, par une
subvention publique lorsque cette dernière s'avère indispensable. Cela se fera
désormais partout, monsieur Doligé, et la subvention publique devra
effectivement être cofinancée par l'Etat et les collectivités locales
concernées.
Ce dispositif a été mis en oeuvre sur l'A 75 à Millau, mais il n'a pas été
nécessaire de recourir à une subvention publique. En effet, le coût des
travaux, d'une part, et la récupération à partir des péages des sommes
investies pour la construction et l'entretien de l'ouvrage, d'autre part, ont
permis un financement sans recourir à une subvention publique. En revanche,
s'agissant de l'A 28, entre Rouen et Alençon, comme je l'ai dit voilà quelques
instants, 1 milliard de francs a été nécessaire.
La prochaine attribution concernera l'A 19 entreArtenay et Courtenay,
conformément aux engagements que j'ai pris en 1999.
L'appel à la concurrence pour la concession sera possible dès 2002, dès qu'un
accord sur le financement aura été trouvé.
En tout cas, permettez-moi de vous dire, monsieur le sénateur, qu'il ne faut
pas tourner en rond sur cette affaire. Vous voulez que les choses aillent vite,
mais attention de ne pas risquer justement de les retarder en hésitant à
participer.
M. Eric Doligé.
IL va nous dire que c'est notre faute !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Je sais bien
qu'il est difficile de participer, mais c'est ainsi que tout cela se passe
maintenant, vous le savez.
Vous m'avez posé d'autres questions, qui sont d'ailleurs intéressantes. Ainsi,
vous m'avez demandé si les collectivités pouvaient être actionnaires.
Théoriquement, oui. Mais elles devront apporter des montants importants si
elles veulent avoir des participations qui soient susceptibles de les amener à
jouer un rôle actif dans les sociétés publiques concessionnaires. Avec 1 % du
capital, leur influence dans ces sociétés serait bien moins importante qu'avec
20 % ou 30 %.
Vous m'avez interrogé sur les avances remboursables. En fait, elles sont
contraires au droit communautaire. Certes, on peut faire changer les choses.
Mais alors là, il faudra se battre, il faudra que nous nous y mettions tous.
Pour l'instant, c'est interdit.
Quant aux garanties d'emprunt, c'est autre chose : on peut y penser. En tout
cas, je ne puis vous répondre ainsi sur le champ à cette question.
J'en viens aux concessionnaires.
Ce n'est pas l'appel d'offres qui fixe la durée de la concession, c'est la
réponse à l'appel d'offres, si je puis dire.
Comment cela se passe-t-il ? Deux, trois, quatre ou cinq sociétés répondent à
l'appel d'offres en proposant une durée de concession, en précisant le montant
de la subvention publique qui leur paraît nécessaire, le montant des péages qui
doit permettre d'atteindre l'équilibre, en décrivant bien sûr les travaux et
leur déroulement. Le tout s'inscrit dans le cadre de la concurence et ce n'est
qu'ensuite que le choix est fait.
Pour m'aider à effectuer ce choix, j'ai mis en place une commission chargée
d'examiner tous les appels d'offres, de dresser un bilan faisant ressortir les
aspects positifs et les aspects négatifs des différentes propositions. Jusqu'à
présent, je me suis toujours rallié à son opinion.
Comprenez bien, monsieur le sénateur : une subvention publique n'est pas
toujours nécessaire.
M. Eric Doligé.
Mais comment le sait-on ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Lorsque vous
voulez réaliser une section d'autoroute, vous avez
a priori
un ordre
d'idées - même s'il est vague - sur son niveau de rentabilité, mais vous n'en
avez pas sur la subvention d'équilibre. En effet, ceux qui répondent aux appels
d'offres n'annoncent jamais exactement les mêmes montants : certains vous
diront qu'ils réaliseront l'opération avec 20 milliards de francs de subvention
d'équilibre et d'autres avec beaucoup moins.
En tout état de cause, pour lancer les projets, il est important que les
collectivités territoriales concernées s'engagent à prendre leur part dans la
mesure où une subvention d'équilibre sera nécessaire. Aussi, je vous dis :
n'hésitez pas ! Vous verrez que cela accélérera le processus.
M. le président.
Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
M. le président.
« Art. 2. - L'article 2 de l'ordonnance n° 2001-273 du 28 mars 2001 précitée
est complété par un 7° ainsi rédigé :
« 7° La convention de concession passée entre l'Etat et la Société française
du tunnel routier du Fréjus en vue de la construction, de l'entretien et de
l'exploitation de l'autoroute A 43 entre Aiton et Le Freney, et en vue de
l'entretien et de l'exploitation de la section entre Le Freney et la
plate-forme d'entrée au tunnel du Fréjus, et approuvée par le décret du 31
décembre 1993, est prolongée jusqu'au 31 décembre 2050. » -
(Adopté.)
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M.
Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur.
Je voulais d'abord vous remercier, monsieur le ministre, de tout le travail
accompli, qui a permis d'aboutir à ce texte devant clarifier, enfin, une
situation juridique devenue obsolète et qui mettait un frein à la réalisation
de l'ensemble du projet autoroutier. Désormais, nous disposerons de règles
sûres, et nous allons pouvoir avancer en connaisance de cause.
Je veux, à mon tour, me réjouir de l'effet positif que ce dispositif va avoir
sur certaines autoroutes, et notamment sur l'A 19, dont il a beaucoup été
question.
Néanmoins, monsieur le ministre, j'insisterai sur le fait que les projets
autoroutiers ne doivent pas nuire aux projets routiers, et qu'il est des cas où
les deux doivent aller de pair.
Tout à l'heure, vous avez dit que la future autoroute allait permettre le
doublement de la RN 60. J'ai alors essayé de comprendre si l'autoroute allait
s'ajouter à la RN 60 ou si cela signifiait que vous alliez soutenir fortement
la mise à deux fois deux voies de cette dernière.
Il est certain que l'autoroute est nécessaire pour absorber le trafic
est-ouest à l'échelle européenne : il est clair que c'est là le chaînon
manquant.
Mais, voyez-vous, les campagnes pour les élections sénatoriales ont cela de
bon qu'elles permettent aux candidats de se rendre dans les communes. Aussi,
ayant visité bien des communes du département du Loiret, j'ai pu constater que,
si un très grand nombre d'élus étaient favorables à l'A 19 et se déclaraient
contents de voir ce projet aboutir, ils n'en étaient pas moins soucieux que
l'on n'abandonne pas les projets d'amélioration de la RN 60, qui n'a pas la
même fonction et qui reste un axe extrêmement dangereux sur lequel, en dépit
des efforts de l'Etat et des collectivités, surviennent de nombreux accidents
mortels.
Ainsi, monsieur le ministre, j'espère que les discussions dont vous avez parlé
vont déboucher très vite sur l'appel d'offres relatif à l'A 19. Mais un grand
nombre d'élus du département souhaitent, je le répète, que la construction de
cette autoroute ne porte pas préjudice aux nécessaires aménagements à apporter
à la RN 60.
En effet, si l'on demande aux collectivités une contribution pour l'A 19 et
qu'on laisse stagner le dossier de la RN 60, on se trouvera dans une situation
extrêmement difficile.
Monsieur le ministre, c'est donc de tout coeur que nous voterons ce texte,
tout en souhaitant qu'une véritable complémentarité s'instaure entre le projet
autoroutier et le projet routier, dont la RN 60 est une excellente
illustration, de façon à régler les problèmes d'infrastructures routières qui
se posent dans le département du Loiret.
M. Eric Doligé.
Je m'associe aux propos de notre collègue Sueur.
M. le président.
La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson.
Le groupe de l'Union centriste votera le texte qui nous est proposé.
Toutefois, auparavant, je souhaiterais formuler quelques observations.
Monsieur le ministre, vous avez évoqué le probème des tunnels sur lequel nous
aurons l'occasion de revenir, demain, à propos du texte sur la sécurité des
transports. Vous comprendrez qu'en tant qu'élu de Haute-Savoie je manifeste une
sensibilité particulière à propos du tunnel sous le mont Blanc. Vous avez parlé
tout à l'heure de la galerie de sécurité du tunnel sous le Fréjus. Je voudrais
simplement vous faire remarquer que, selon le rapport Kert, l'urgence en
matière de galerie de sécurité est beaucoup plus forte s'agissant du tunnel
sous le mont Blanc qu'en ce qui concerne le tunnel sous le Fréjus.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
M. le président.
Je constate que le projet de loi a été adopté à l'unanimité.
15
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de M. Nicolas About, une proposition de loi tendant à renforcer la
responsabilité pénale des personnes qui exercent l'autorité parentale sur un
mineur délinquant.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 36, distribuée et renvoyée à la
commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel,
du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution
éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le
règlement.
16
RETRAIT D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président.
J'ai reçu une lettre par laquelle M. Nicolas About déclare retirer la
proposition de loi tendant à renforcer la responsabilité pénale des personnes
qui exercent l'autorité parentale sur un mineur délinquant (n° 223, 1999-2000)
qu'il avait déposée le 11 février 2000.
Acte est donné de ce retrait.
17
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION
M. le président.
J'ai reçu de M. Jean Arthuis et des membres du groupe de l'Union centriste une
proposition de résolution tendant à créer une commission d'enquête chargée
d'examiner les actions et moyens mis en oeuvre par le Gouvernement dans la
lutte contre l'insécurité et le terrorisme.
La proposition de résolution sera imprimée sous le n° 35, distribuée et
renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
18
TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil établissant la position de la Communauté
dans la conférence ministérielle, établie par l'accord instituant
l'Organisation mondiale du commerce, concernant l'adhésion de la République
populaire de Chine à l'Organisation mondiale du commerce.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1837 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de l'accord
Interbus relatif au transport international occasionnel de voyageurs par
autocar ou par autobus.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1839 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil modifiant la
décision n° 1719/1999/CE définissant un ensemble d'orientations, ainsi que des
projets d'intérêt commun, en matière de réseaux transeuropéens pour l'échange
électronique de données entre administrations (IDA). Proposition de décision du
Parlement européen et du Conseil modifiant la décision n° 1720/1999/CE du
Parlement européen et du Conseil adoptant un ensemble d'actions et de mesures
visant à assurer l'interopérabilité de réseaux transeuropéens pour l'échange
électronique des données entre administration (IDA) et l'accès à ces réseaux :
communication de la Commission au Parlement et au Conseil : évaluation d'IDA
II.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1838 et distribué.
19
DÉPÔT D'UN RAPPORT
M. le président.
J'ai reçu de M. Paul Blanc un rapport, fait au nom de la commission des
affaires sociales, sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après
déclaration d'urgence, rénovant l'action sociale et médico-sociale (n° 214
rect., 2000-2001).
Le rapport sera imprimé sous le n° 37 et distribué.
20
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédement
fixée à aujourd'hui, mercredi 24 octobre 2001, à quinze heures et,
éventuellement, le soir :
1.
Désignation des membres, autres que les membres de droit, de la
délégation du Sénat à l'Office parlementaire d'évaluation de la législation.
2.
Discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après
déclaration d'urgence, relatif à la sécurité des infrastructures et systèmes de
transport et aux enquêtes techniques après événement de mer, accident ou
incident de transport terrestre (n° 15, 2001-2002).
Rapport (n° 29, 2001-2002) de M. Jean-François Le Grand, fait au nom de la
commission des affaires économiques et du Plan.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
Délai limite pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements
Question orale avec débat n° 37 de M. Yves Coquelle à M. le secrétaire d'Etat
à l'industrie sur le renforcement des mesures de sécurité autour des sites
Seveso.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
mercredi 24 octobre 2001, à dix-sept heures.
Deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par
l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relative aux droits du conjoint
survivant et des enfants adultérins (n° 422, 2000-2001).
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 29 octobre 2001, à seize
heures.
Deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée
nationale en deuxième lecture, relatif aux chambres régionales des comptes et à
la Cour des comptes (n° 14, 2001-2002).
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 29 octobre 2001, à dix-sept
heures.
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence,
rénovant l'action sociale et médico-sociale (n° 214 rect., 2000-2001).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 30 octobre 2001, à douze
heures ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
lundi 29 octobre 2001, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 24 octobre 2001, à une heure
quarante.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD
MODIFICATION AUX LISTES
DES MEMBRES DES GROUPES
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE
(84 membres au lieu de 83)
Ajouter le nom de M. Christian Demuynck.
RATTACHÉS ADMINISTRATIVEMENT
AUX TERMES DE L'ARTICLE 6 DU RÈGLEMENT
(7 membres au lieu de 8)
Supprimer le nom de M. Christian Demuynck.
ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE DU CONSEIL DEL'EUROPE ET ASSEMBLÉE DE L'UNION DE
L'EUROPE OCCIDENTALE
Lors de sa séance du mardi 23 octobre 2001, le Sénat a élu MM. Marcel Debarge,
Jean-François Le Grand, Jacques Legendre, Francis Grignon, Mme Josette Durrieu
et M. Philippe Nachbar délégués titulaires du Sénat représentant la France à
l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe et à l'Assemblée de l'Union de
l'Europe occidentale ; MM. Michel Dreyfus-Schmidt, Jean-Guy Branger,
Jean-Pierre Masseret, Daniel Goulet, Xavier Pintat et Jean-Louis Masson
délégués suppléants du Sénat représentant la France à l'Assemblée parlementaire
du Conseil de l'Europe et à l'Assemblée de l'Union de l'Europe occidentale.
ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES
COMITÉ DE GESTION (PLATES-FORMES AÉROPORTUAIRES) DU FONDS D'INTERVENTION POUR
LES AÉROPORTS ET LE TRANSPORT AÉRIEN (FIATA)
Lors de sa séance du 23 octobre 2001, le Sénat a désigné M. Francis Gerbaud
pour siéger au sein du comité de gestion (plates-formes aéroportuaires) du
Fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien (FIATA), en
remplacement de M. Jean François-Poncet.
COMMISSION CONSULTATIVE
POUR LA PRODUCTION DE CARBURANTS DE SUBSTITUTION
Lors de sa séance du 23 octobre 2001, le Sénat a désigné M. Yves Detraigne pour siéger au sein de la commission consultative pour la production de carburants de substitution, en remplacement de M. Rémi Herment.
COMMISSION NATIONALE
DES AIDES PUBLIQUES AUX ENTREPRISES
Lors de sa séance du 23 octobre 2001, le Sénat a reconduit M. Paul Raoult dans ses fonctions de membre suppléant de la Commission nationale des aides publiques aux entreprises.
COMMISSION SUPÉRIEURE
DU CRÉDIT MARITIME MUTUEL
Lors de sa séance du 23 octobre 2001, le Sénat a désigné MM. André Trillard et Charles Revet pour siéger au sein de la Commission supérieure du Crédit maritime mutuel, en remplacement de M. Josselin de Rohan et de Mme Anne Heinis.
CONSEIL D'ADMINISTRATION DE L'AGENCE
DE L'ENVIRONNEMENT ET DE LA MAÎTRISE DE L'ÉNERGIE
Lors de sa séance du 23 octobre 2001, le Sénat a désigné M. Christian Gaudin pour siéger au sein du conseil d'administration de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, en remplacement de M. Michel Souplet.
CONSEIL D'ORIENTATION DU COMITÉ INTERMINISTÉRIEL
DE PRÉVENTION DES RISQUES NATURELS MAJEURS
Lors de sa séance du 23 octobre 2001, le Sénat a désigné M. Bruno Sido pour siéger au sein du conseil d'orientation du comité interministériel de prévention des risques naturels majeurs, en remplacement de M. Jean Bizet.
CONSEIL SUPÉRIEUR DE L'ÉTABLISSEMENT NATIONAL
DES INVALIDES DE LA MARINE
Lors de sa séance du 23 octobre 2001, le Sénat a désigné M. Charles Revet pour siéger au sein du Conseil supérieur de l'Etablissement national des invalides de la marine, en remplacement de Mme Anne Heinis.
COMMISSION SUPÉRIEURE
DU SERVICE PUBLIC DES POSTES ET TÉLÉCOMMUNICATIONS
Lors de sa séance du 23 octobre 2001, le Sénat a désigné MM. Georges Gruillot
et Pierre-Yvon Trémel pour siéger au sein de la Commission supérieure du
service public des postes et télécommunications, en remplacement de MM. Gérard
Larcher et Jean-Marie Rausch.
Il a en outre reconduit MM. Gérard Delfau, Pierre Hérisson, Pierre Laffitte,
René Trégouët et François Trucy dans leurs fonctions de membres de cet
organisme extraparlementaire.
ERRATA
Au compte rendu intégral de la séance du 10 octobre 2001
MESURES URGENTES DE RÉFORMES
À CARACTÈRE ÉCONOMIQUE ET FINANCIER
Page 3969, 2e colonne, 5e alinéa (9°), avant dernière ligne :
Au lieu de :
« article 185 du code de la famille et de l'aide sociale
».
Lire :
« article L. 345-1 du code de l'action sociale et des familles
».
Page 3978, 1re colonne, dernier alinéa, 9e ligne :
Au lieu de :
« articles 25 et 26 de la loi n° 99-533 du 25 juin 1999
d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire
».
Lire :
« articles 22 et 23 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995
d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire ».
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Entraînement des policiers
1160.
- 22 octobre 2001. -
M. Alain Gournac
attire l'attention de
M. le ministre de l'intérieur
au sujet de l'entraînement des policiers. En effet, certains membres de la
brigade anti-criminalité qu'il a rencontrés en province récemment lui ont fait
savoir qu'ils déploraient n'avoir eu qu'une séance d'entraînement au tir depuis
le début de l'année. Aussi, il lui demande de bien vouloir lui exposer tout
d'abord en quoi consiste l'entraînement de ces brigades, de lui préciser
ensuite le nombre de séances de tir nécessaires pour que ces policiers puissent
conserver une bonne maîtrise d'eux-mêmes et de leur arme. Il lui demande enfin
comment ces conditions sont remplies sur l'ensemble du territoire français.
Valeurs limites d'exposition professionnelle
1161.
- 23 octobre 2001. -
Mme Marie-Claude Beaudeau
attire l'attention de
Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité
sur la question des valeurs limites d'exposition professionnelle. Le respect
des VLE (valeurs limites d'exposition), qui visent à prévenir la survenue de
manifestations aiguës à court terme et sont établies sur une durée de quinze
minutes, et des VME (valeurs moyennes d'exposition), établies sur une période
de huit heures de travail, est censé garantir le bon état de santé des
salariés. Elle lui fait cependant observer que, concernant par exemple les
nuisances cancérogènes, les VME telles qu'elles sont actuellement établies, ne
peuvent que très partiellement satisfaire à leur mission de protection des
salariés. Elle lui demande donc de lui préciser les mesures qu'elle envisage de
prendre afin de mettre en place de nouvelles VME et de réviser régulièrement
celles existantes, en tenant notamment compte des jugements de la cour
administrative d'appel de Marseille du 18 octobre 2001, condamnant l'Etat pour
ses carences en matière de prévention des risques liés à l'exposition
professionnelle aux poussières d'amiante, du fait de seuils d'exposition pas de
nature à protéger les salariés. Elle lui demande également de lui faire savoir
si elle entend faire entrer dans les VME d'autres critères que le contact avec
un produit toxique par voie d'inhalation, et si elle entend renforcer le
caractère réglementaire et contraignant des VMED.
Déneigement des routes communales ou rurales
1162.
- 23 octobre 2001. -
M. Jean Faure
appelle l'attention de
M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement
sur l'article 10 de la loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 d'orientation agricole
qui donne la possibilité aux exploitants agricoles d'assurer le déneigement des
routes communales ou rurales. Il lui rappelle sa question au Gouvernement du 17
novembre 2000 par laquelle il avait demandé un report de la date de mise en
conformité des tracteurs appartenant aux agriculteurs concernés, report qui
avait été accordé jusqu'au 1er juin 2001. Cette date est aujourd'hui passée et
le problème n'est malheureusement pas réglé pour un certain nombre
d'agriculteurs qui ne peuvent, pour des raisons de sécurité, se déplacer avec
leur tracteur jusqu'aux services des mines car devant emprunter les routes,
notamment nationales, sur une distance qui peut aller jusqu'à une centaine de
kilomètres aller-retour. Il lui demande, en conséquence, dans le but de régler
ce problème une foie pour toutes, et avec toute la compréhension qui se doit,
s'il envisage de repousser une ultime fois la date de mise en conformité au 1er
juin 2002, ou de demander aux préfets d'obtenir que les ingénieurs des mines se
déplacent dans certains cas sur les sites, par exemple jusqu'aux chefs-lieux de
cantons ? Il lui rappelle que les agriuclteurs concernés assurent ce service de
déneigement bénévolement, pas plus de trois fois par an, uniquement lorsque les
entreprises de déneigement n'existent pas ou bien parce que celles-ci ne sont
pas intéressées.
Code des marchés publics et conditions
d'établissement des plans de sauvegarde
1163.
- 23 octobre 2001. -
M. Yves Dauge
attire l'attention de
Mme le ministre de la culture et de la communication
sur les conséquences, pour les professionnels chargés de l'établissement des
plans de sauvegarde, de l'application, par le ministère de la culture, du code
des marchés publics. L'élaboration et le suivi de ces plans dans les villes
possédant un secteur sauvegardé sont assurés par des professionnels
spécialisés. Ils réalisent un travail qui est, par définition, très long. Or,
sous prétexte d'une application rétroactive du code des marchés, 10,5 MF
d'études déjà effectuées ne sont toujours pas réglés à ces professionnels. Ce
blocage des crédits de la part des services financiers met en péril l'existence
même des équipes chargées des plans de sauvegarde, comme le travail accompli
dans chaque ville. Faute d'une solution urgente, la situation risque, en outre,
de faire perdre tout crédit à une politique d'Etat, d'autant que pour la
poursuite des missions dès 2002, aucun cadre contractuel n'est fixé et que
l'ensemble des travaux engagés risque de se trouver suspendu. En conséquence,
il lui demande quelles mesures sont prévues pour remédier à cette situation
regrettable.