SEANCE DU 17 OCTOBRE 2001


M. le président. « Art. 20 bis . - I. - Le premier alinéa de l'article L. 127-1 du code de la construction et de l'habitation est complété par les mots : "et prendre les mesures permettant d'éviter les risques manifestes pour la sécurité et la tranquillité des locaux".
« II. - Il est inséré, après l'article L. 126-1 du même code, un article L. 126-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 126-2 . - Les propriétaires ou exploitants d'immeubles à usage d'habitation ou leurs représentants, qui satisfont à l'obligation mentionnée par l'article L. 127-1, peuvent également, en cas d'occupation des espaces communs du bâti par des personnes qui entravent l'accès et la libre circulation des locataires ou empêchent le bon fonctionnement des dispositifs de sécurité et de sûreté ou nuisent à la tranquillité des lieux, faire appel à la police ou à la gendarmerie nationales pour rétablir la jouissance paisible de ces lieux. »
L'amendement n° 59 rectifié bis , présenté par M. Schosteck, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit l'article 20 bis :
« I. - Le premier alinéa de l'article L. 127-1 du code de la construction et de l'habitation est complété par les mots : "et prendre les mesures permettant d'éviter les risques manifestes pour la sécurité et la tranquillité des locaux". »
« II. - Après l'article L. 126-1 du même code, sont insérés deux articles L. 126-2 et L. 126-3 ainsi rédigés :
« Art. L. 126-2 - Les propriétaires ou exploitants d'immeubles à usage d'habitation ou leurs représentants peuvent également, en cas d'occupation des espaces communs du bâti par des personnes qui entravent l'accès et la libre circulation des locataires ou empêchent le bon fonctionnement des dispositifs de sécurité et de sûreté ou nuisent à la tranquillité des lieux, faire appel à la police ou à la gendarmerie nationales pour rétablir la jouissance paisible de ces lieux.
« Les modalités de cette intervention sont définies par une convention particulière entre les bailleurs et les services de police et de gendarmerie s'il n'existe pas de convention plus large à laquelle ils sont parties.
« Art. L. 126-3 - L'occupation des espaces communs du bâti d'immeubles à usage d'habitation par des personnes qui entravent l'accès et la libre circulation des locataires ou empêchent le bon fonctionnement des dispositifs de sécurité et de sûreté ou nuisent à la tranquillité des lieux est puni de six mois d'emprisonnement et de 7 500 EUR d'amende. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. En première lecture, le Sénat avait prévu un dispositif permettant aux forces de l'ordre de dissiper les rassemblements dans les halls d'immeubles. L'Assemblée nationale avait affaibli cette disposition en supprimant toute sanction pénale et en liant l'intervention des forces de l'ordre au respect par le bailleur de ses obligations en matière de sécurité.
Or, le problème, c'est que le décret qui devait définir ces obligations n'a pas été publié, alors que plusieurs années se sont écoulées depuis l'adoption du texte qui le prévoyait. Certes, nous avons obtenu des engagements selon lesquels ce décret devrait être publié prochainement. Toutefois, cela ne nous semble pas suffisant. Nous sommes là au coeur du sujet ; il s'agit vraiment de sécurité quotidienne. Les populations y sont très sensibles. Aussi, nous considérons qu'il est possible de trouver une formulation permettant de satisfaire sinon tout le monde, du moins une très large majorité de nos concitoyens.
L'Assemblée nationale avait raison sur le principe de l'organisation d'une concertation entre les bailleurs, sociaux pour l'essentiel, et les forces de l'ordre. C'est pourquoi notre amendement prévoit que des conventions définiront les conditions de l'intervention des forces de l'ordre dans les immeubles et maintient une infraction pénale pour les personnes qui occupent indûment ces halls d'immeubles en gênant la libre circulation des occupants.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Je suis favorable à cet amendement qui instaure un système équilibré entre, d'une part, les obligations des bailleurs en matière de sécurisation des espaces communs du bâti et, d'autre part, les obligations de la police et de la gendarmerie nationale en vue de rétablir la jouissance paisible des lieux.
Le cadre conventionnel qui est prévu à cet effet, qu'il s'agisse du contrat local de sécurité ou d'une convention particulière, me paraît de nature à respecter cet équilibre.
Je ne suis pas hostile à la création d'une incrimination des comportements ayant pour effet d'empêcher des locataires d'accéder aux parties communes des immeubles à usage d'habitation ou de circuler librement dans celles-ci.
Je m'interrogeais toutefois sur le niveau de peine prévu, notamment en matière d'emprisonnement. C'est pourquoi je remercie votre commission, qui a accepté d'abaisser le quantum de la peine.
Il me reste encore une réserve, monsieur le rapporteur. La définition de l'infraction me paraît trop large, je pense notamment à la tranquillité des lieux, qui n'est pas à mettre sur le même plan que l'entrave à la circulation des personnes ou au fonctionnement des dispositifs de sécurité.
Je souhaite, enfin, que ne soient visées que les atteintes graves à la sécurité ou à la sûreté. Ce texte me paraîtrait donc plus équilibré si la mention « ou nuisent à la tranquillité des lieux » était retirée.
Néanmoins, tenant compte des débats qui se sont déroulés ici en première lecture, du débat en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale et des efforts réalisés pour parvenir à une rédaction satisfaisante, j'émets un avis favorable sur l'amendement, avec toutefois une réserve sur les éléments constitutifs de l'infraction que je viens d'évoquer.
M. le président. Monsieur le rapporteur, que pensez-vous de la suggestion de M. le ministre ?
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. J'aurais préféré que la définition de l'infraction soit plus large. Mais je comprends les inquiétudes de M. le ministre, et je tiens à lui rendre hommage pour ses efforts de concertation. Par conséquent, et puisque ce texte sera le résultat d'une « coproduction », pour reprendre un terme que vous affectionnez, monsieur le ministre, coproduisons donc ! Je rectifie ainsi l'amendement n° 59 rectifié bis afin de supprimer, dans les textes proposés pour les articles L. 126-2 et L. 126-3 du code de la construction et de l'habitation, les mots : « ou nuisent à la tranquillité des lieux ». M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 59 rectifié ter , présenté par M. Schosteck, au nom de la commission, et ainsi libellé :
« Rédiger comme suit l'article 20 bis :
« I. - Le premier alinéa de l'article L. 127-1 du code de la construction et de l'habitation est complété par les mots : "et prendre les mesures permettant d'éviter les risques manifestes pour la sécurité et la tranquillité des locaux".
« II. - Après l'article L. 126-1 du même code, sont insérés deux articles L. 126-2 et L. 126-3 ainsi rédigés :
« Art. L. 126-2 . - Les propriétaires ou exploitants d'immeubles à usage d'habitation ou leurs représentants peuvent également, en cas d'occupation des espaces communs du bâti par des personnes qui entravent l'accès et la libre circulation des locataires ou empêchent le bon fonctionnement des dispositifs de sécurité et de sûreté, faire appel à la police ou à la gendarmerie nationales pour rétablir la jouissance paisible de ces lieux.
« Les modalités de cette intervention sont définies par une convention particulière entre les bailleurs et les services de police et de gendarmerie s'il n'existe pas de convention plus large à laquelle ils sont parties.
« Art. L. 126-3. - L'occupation des espaces communs du bâti d'immeubles à usage d'habitation par des personnes qui entravent l'accès et la libre circulation des locataires ou empêchent le bon fonctionnement des dispositifs de sécurité et de sûreté est puni de six mois d'emprisonnement et de 7 500 EUR d'amende. »
Je vais mettre aux voix cet amendement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je trouvais moi aussi que, pour un trouble à la tranquillité des lieux - un tapage nocturne, par exemple - la sanction prévue - six mois d'emprisonnement et 7 500 euros d'amende - était tout de même bien forte.
Je ne comprends pas pourquoi - ce point a d'ailleurs été évoqué en commission - une convention entre les bailleurs, tous les bailleurs, et les services de police et de gendarmerie serait nécessaire : n'importe quel propriétaire va pouvoir demander à la police ou à la gendarmerie de signer avec elle une convention aux termes de laquelle, je suppose, la police ou la gendarmerie s'engagera à venir constater un délit. Mais est-il nécessaire qu'une convention soit signée pour que la police vienne dès lors qu'il y a un délit, puisque vous instituez en effet un délit ? Je ne comprends pas. Ce délit est constitué par le fait d'entraver l'accès, et même d'empêcher le bon fonctionnement des dispositifs de sécurité et de sûreté. Je veux bien tout ce que l'on veut, mais je ne comprends pas pourquoi il devrait y avoir une convention.
M. le rapporteur déclare qu'un texte réglementaire devait intervenir depuis longtemps, mais qu'il n'a pas été pris. Depuis quand devait-il d'ailleurs intervenir ? Cela, M. le rapporteur ne nous l'a pas dit !
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Au moins trois ans !
M. Pierre Fauchon. Ce n'est pas nouveau !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il ajoute que le Gouvernement est prêt à s'engager à le prendre rapidement. Cela me paraîtrait tout de même préférable à des conventions. Cela signifie-t-il que, s'il n'y a pas de convention, il n'y a plus de délit ? Je ne comprends pas. Je demande donc des explications.
Ne pensez-vous pas que nos commissariats et nos gendarmeries ont suffisamment de travail pour ne pas avoir à passer encore une convention ? Et quand un bailleur téléphonera parce qu'une personne empêche ou entrave l'accès, il faudra alors regarder si une convention a ou non été signée ? Et à qui accordera-t-on une convention ? A qui ne l'accordera-t-on pas ?
Bref, j'avoue que, personnellement, je ne peux pas, même si c'est une coproduction, voter un amendement prévoyant des conventions entre les services de police et de gendarmerie et les bailleurs ; vous dites d'ailleurs, monsieur le rapporteur, que cela concernera surtout les bailleurs sociaux ; mais cette précision ne figure pas dans votre amendement ! Peut-être pourriez-vous par conséquent rectifier ce dernier une énième fois ? Le moins que l'on puisse dire en tout cas, c'est que ce sont les mots : « les bailleurs » qui sont employés ; cela peut donc être n'importe quel bailleur !
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Je voudrais répondre à notre collègue Michel Dreyfus-Schmidt un certain nombre de choses.
Tout d'abord, je rappellerai que nous parlons ici dans une atmosphère feutrée, entre gens de bonne compagnie...
M. Pierre Fauchon. Encore heureux !
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. ... et tout à fait convenables.
Ensuite, nous rentrerons dans nos domiciles où il est vraisembable que nous n'aurons pas affaire à des personnes entravant l'accès ou empêchant le bon fonctionnement des dispositifs de sécurité et de sûreté. Mais je tiens à redire avec la plus grande fermeté, après l'avoir déjà affirmé en séance et en commission, que c'est un crève-coeur de voir dans les immeubles essentiellement sociaux - pardon, mais c'est la vérité, et ce n'est donc pas la peine de se cacher tout le temps derrière son petit doigt ! - nos administrés, nos concitoyens les plus défavorisés devoir rentrer chez eux en se faufilant entre des gens qui barrent le passage et en évitant de regarder ces derniers dans les yeux, car cela constitue éventuellement un ferment de bagarre, pour ne pas dire davantage. Je crois que c'est bien de faire les beaux esprits, de manier les grands sentiments,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais je n'ai pas dit le contraire !
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. ... mais qu'il ne faut tout de même pas, mon cher collègue, perdre de vue la réalité : je vous invite à venir constater les faits sur place ! Nous pouvons même nous y rendre à l'issue de cette séance. Vous comprendrez de quoi nous parlons ! Je crois qu'il faut impérativement mettre un terme à cette situation.
M. Pierre Fauchon. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Nous recherchons une solution tout en respectant l'ensemble des intérêts et des préoccupations des uns et des autres, et en prenant toutes les précautions qui s'imposent. Ne compliquez pas les choses, parce que, finalement, ce sont des pauvres gens qui vont en pâtir !
Par ailleurs, vous évoquez une peine d'emprisonnement de six mois. Elle n'est pas obligatoire ! C'est une faculté, comme vous le savez bien - vous êtes un praticien, et vous le savez donc encore mieux que moi ! - qui permet de faire intervenir efficacement la police.
Vous évoquez d'autre part les conventions. Ce n'est pas moi qui ai inventé le système des conventions. Il figure dans le décret. C'était une disposition contenue dans le texte de l'Assemblée nationale, dont la majorité est, à mon avis, plus proche de vous que de moi. Et ce n'est pas si mal non plus - il faut bien le reconnaître - d'obliger tout de même les bailleurs sociaux, qui sont très réticents, à faire un petit effort et de les impliquer un peu dans cette responsabilité, là encore collective, que nous devons tous partager. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. Henri de Richemont. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. de Richemont.
M. Henri de Richemont. Je suis tout à fait en accord sur le fond du texte, mais j'aimerais soulever un problème de rédaction, que j'ai d'ailleurs déjà évoqué en commission.
Le premier alinéa du texte proposé pour l'article L. 126-2 du code de la construction et de l'habitation fait expréssement référence aux représentants des propriétaires ou exploitants d'immeubles à usage d'habitation, qui peuvent faire intervenir la police, tandis que le second alinéa évoque une convention particulière entre les bailleurs et les services de police et de gendarmerie.
Les bailleurs ne sont pas obligatoirement des bailleurs sociaux, et c'est la raison pour laquelle j'avais mentionné les syndics de copropriété.
Ne serait-il pas possible de reprendre dans le second alinéa la terminologie du premier alinéa, à savoir : « les propriétaires ou exploitants d'immeubles à usage d'habitation ou leurs représentants », ce qui permettrait de généraliser la situation et de ne pas limiter les bailleurs aux bailleurs sociaux ? Il serait à mon avis plus simple d'instaurer une cohérence entre les deux alinéas.
Par ailleurs, que se passe-t-il lorsque le délit est constitué et qu'il n'y a pas de convention ?
M. René Garrec, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. C'est une bonne question, qui a déja été posée en commission !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'aimerais bien que, dès lors qu'on lui pose des questions de droit, le rapporteur réponde en droit.
La réalité, nous la connaissons les uns et les autres. Les causes, nous pouvons les rechercher : le chômage en est une ; l'absence de commerces dans les grands ensembles en est une autre. Mais il existe sûrement une réalité sous-jacente, et je ne conteste pas qu'il y ait lieu de rechercher une possibilité de sévir en la matière. Je n'ai pas dit le contraire, et ne me faites donc pas de procès à ce sujet.
En revanche, j'ai évoqué les conventions, et vous ne m'avez pas répondu sur ce point, sauf pour indiquer que ce sont nos amis, et non pas vous, qui les ont inventées. Ce n'est pas non plus un argument : un législateur est là pour faire la loi, et ce le mieux possible.
Permettez-moi de vous dire que je n'ai jamais vu de convention entre les bailleurs, tous les bailleurs, et les services de police et de gendarmerie : cela me paraît parfaitement contraire à la notion même de service public, car tout le monde doit pouvoir appeler la police, notamment lorsqu'il y a délit. Vous instituez dans votre amendement un délit : il me semble que cela suffit pour que la police se déplace si elle est appelée, que ce soit par le bailleur, par le concierge ou par qui vous voulez.
Telle est la question que je vous ai posée. Vous n'y avez absolument pas répondu ! Mais nous pouvons toujours nous rendre sur les lieux et en reparler après !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 59 rectifié ter , accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 20 bis est ainsi rédigé.

Article additionnel après l'article 20 bis