SEANCE DU 9 OCTOBRE 2001
M. le président.
« Art. 32 - Il est inséré, après l'article L. 431-5 du code du travail, un
article L. 431-5-1 ainsi rédigé :
«
Art. L. 431-5-1
. - Lorsque le chef d'entreprise procède à une annonce
publique portant exclusivement sur la stratégie économique de l'entreprise et
dont les mesures de mise en oeuvre ne sont pas de nature à affecter de façon
importante les conditions de travail ou d'emploi, le comité d'entreprise se
réunit de plein droit sur sa demande dans les quarante-huit heures suivant
ladite annonce. L'employeur est tenu de lui fournir toute explication utile.
« Le chef d'entreprise ne peut procéder à une annonce publique dont les
mesures de mise en oeuvre sont de nature à affecter de façon importante les
conditions de travail ou d'emploi des salariés, qu'après avoir informé le
comité d'entreprise.
« Lorsque l'annonce publique affecte plusieurs entreprises appartenant à un
groupe, les comités d'entreprise de chaque entreprise concernée ainsi que le
comité de groupe et, le cas échéant, le comité d'entreprise européen sont
informés.
« L'absence d'information du comité d'entreprise, du comité de groupe et, le
cas échéant, du comité d'entreprise européen en application des dispositions
qui précèdent est passible des peines prévues aux articles L. 483-1, L. 483-1-1
et L. 483-1-2. »
L'amendement, n° 180, présenté par M. Gournac, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le premier alinéa du texte proposé par cet article pour
l'article L. 431-5-1 du code du travail :
« Dès lors que l'entreprise a procédé à une annonce au public portant sur une
modification substantielle de sa stratégie économique, le chef d'entreprise est
tenu de communiquer aux membres du comité d'entreprise dans les meilleurs
délais et au plus tard à la réunion suivante du comité d'entreprise, toutes les
informations utiles. »
La parole est à M. Gournac, rapporteur.
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Je tiens à faire remarquer à mes collègues socialistes que je
ne me contente pas de proposer de supprimer tous les articles. En l'occurrence,
je propose d'améliorer le texte !
M. Gilbert Chabroux.
Vous êtes perfectible !
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Comme tout le monde !
L'article 32 vise à étendre le droit d'information du comité d'entreprise aux
annonces publiques du chef d'entreprise en distinguant celles qui concernent la
stratégie de celles qui concernent des mesures pouvant avoir plus
particulièrement des conséquences sur l'emploi.
Le présent amendement vise à rétablir le texte adopté par le Sénat en première
lecture, texte qui prévoyait une nouvelle rédaction pour le premier alinéa du
texte proposé pour l'article L. 431-5-1 du code du travail relatif aux annonces
au public concernant la stratégie économique de l'entreprise.
Outre qu'il apporte des précisions rédactionnelles indispensables, cet
amendement substitue une procédure systématique de communication aux membres du
comité d'entreprise des informations relatives à ladite annonce à la faculté
reconnue au comité d'entreprise par le texte de l'Assemblée nationale de se
réunir de plein droit dans les quarante-huit heures.
Ce dernier dispositif apparaît particulièrement difficile à appliquer et ne
présente pas le caractère d'automaticité de l'information que prévoit, pour sa
part, l'amendement qui vous est proposé.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Le Gouvernement est défavorable
à un amendement qui vise à limiter l'information du comité d'entreprise.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 180.
M. Gilbert Chabroux.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Chabroux.
M. Gilbert Chabroux.
Sous couvert de simples modifications, l'amendement du rapporteur aboutira à
vider complètement l'article 32 de sa substance.
Tout d'abord, l'exigence d'une modification substantielle de la stratégie de
l'entreprise restreint la portée de l'article. Elle serait aussi source de
multiples contentieux.
Ensuite, les membres du comité d'entreprise seraient simplement informés, sans
qu'un débat soit rapidement organisé. Si aucune réunion spécifique du comité
d'entreprise n'est organisée dans les quarante-huit heures, il faudra attendre
la réunion suivante, qui peut n'être prévue que des semaines ou des mois plus
tard. Nous retrouvons ici la volonté d'éloigner les salariés de tout ce qui a
trait à la gestion de l'entreprise, qui pourtant les concerne au premier
chef.
Sans entamer de polémique, nous entendons simplement rappeler que les
conséquences des stratégies économiques de l'entreprise sont d'importance
vitale pour les salariés - nous le voyons encore chaque jour - alors qu'elles
n'ont qu'une incidence financière souvent très mineure pour les actionnaires.
Cette manière de concevoir le fonctionnement de l'économie - primauté de
l'actionnaire et dialogue social réduit à sa plus simple expression - nous
paraît à la fois injuste, inefficace et politiquement lourde de dangers.
Nous voterons donc contre cet amendement.
M. Guy Fischer.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Comme en première lecture, cet amendement, présenté par la commission des
affaires sociales, revient sur l'extension pourtant nécessaire du droit
d'information du comité d'entreprise en cas d'annonces publiques.
De la réunion de plein droit du comité d'entreprise dans les quarante-huit
heures, lorsque l'annonce publique porte sur la stratégie économique de
l'entreprise, vous nous proposez de passer à une simple réunion du comité
d'entreprise dans les meilleurs délais.
Les amendements suivants conduisent, eux aussi, à dénaturer cet article et non
en améliorer la rédaction, comme le président du patronat s'est plu à le
souligner lors de son audition en juin dernier.
Vous revenez à une information
a posteriori
du comité d'entreprise au
lieu d'une information préalable, alors même que les conditions de travail et
d'emploi sont en cause dans l'annonce publique. En revanche, vous exigez un
élément intentionnel pour que le délit d'entrave puisse être constitué.
Vous refusez, en fait, aux salariés, qui, pourtant, sont les premiers
concernés, le droit de bénéficier, par le biais de leurs représentants, d'une
priorité en matière d'information, et ce afin de ne pas contrarier, voire de ne
pas paralyser la vie des affaires !
C'est dire le peu d'importance que vous attachez aux hommes et aux femmes qui
apprennent par la presse les plans de restructuration, la suppression de leur
emploi, la fermeture de leur entreprise et qui entendent faire valoir leur
droit d'intervenir, au moment utile, sur les décisions de gestion.
On ne peut pas, d'un côté, se flatter d'être les promoteurs d'une certaine
modernisation des relations sociales en France et, de l'autre, mépriser autant
les salariés, leurs représentants, bref, opposer le secret à des exigences
fortes de transparence et de démocratie.
Contrairement à vous, nous entendons reconnaître, valoriser le rôle
participatif des comités d'entreprise. C'est pourquoi nous voterons contre les
amendements à l'article 32.
M. Alain Vasselle.
Pour affaiblir l'entreprise !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 180, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 181, présenté par M. Gournac, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le deuxième alinéa du texte proposé par l'article 32 pour
l'article L. 431-5-1 du code du travail :
« Le chef d'entreprise est tenu d'informer et de consulter le comité
d'entreprise dès lors que l'entreprise a procédé à une annonce au public dont
les mesures de mise en oeuvre sont de nature à affecter de façon importante les
conditions de travail ou d'emploi des salariés. »
La parole est à M. Gournac, rapporteur.
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Cet amendement vise à rétablir le texte adopté par le Sénat
en première lecture.
Il substitue une procédure d'information et de consultation du comité
d'entreprise à l'issue d'une annonce au public concernant l'emploi à une
procédure préalable d'information qui apparaît difficilement applicable, compte
tenu, en particulier, des contraintes matérielles relatives à l'organisation
même de cette information et des règles - il faut que ce soit confidentiel -
concernant les annonces au public. J'avais déjà dénoncé ici le risque de délit
d'initiés.
La rédaction présentée dans cet amendement constitue une réelle avancée de
nature à moraliser les pratiques de certaines entreprises qui manquent
manifestement de considération envers leurs salariés. Contrairement au texte
adopté à l'Assemblée nationale, elle prévoit une consultation et non une simple
information des salariés.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Le Gouvernement est défavorable
à cet amendement. En effet, je ne pense pas qu'il faille limiter l'information
au seul comité de groupe, dont je rappelle que les réunions sont nettement
moins fréquentes que celles du comité d'entreprise.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 181.
M. Gilbert Chabroux.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Chabroux.
M. Gilbert Chabroux.
Comme dans le cas précédent, nous voterons contre cet amendement.
Il est en effet primordial que l'annonce de mesures affectant de façon
importante les conditions de travail et l'emploi soit faite d'abord au comité
d'entreprise.
Dans un premier temps, je serais tenté de dire que c'est une simple question
de décence. Il est inconcevable que des salariés apprennent par voie de presse
que leur usine va fermer ou connaître une vague de licenciements.
Pardonnez-moi une comparaison hardie destinée à mieux me faire comprendre :
que dirions-nous, ici même, si la presse nous apprenait que, du jour au
lendemain, le Sénat n'existe plus ?
(Exclamations sur les travées du groupe
communiste, républicain et citoyen ainsi que sur les travées
socialistes.)
M. Didier Boulaud.
Et moi qui viens juste d'être élu !
(Sourires.)
M. Gilbert Chabroux.
Je n'ose imaginer votre réaction ! Cette comparaison montre que nous ne devons
pas légiférer en séparant le monde politique - ou encore ce que l'on appelle «
les élites » - du monde économique et des salariés. Cette dichotomie, qui n'a
plus lieu d'être, est de plus en plus mal ressentie par nos concitoyens,
surtout dans le cas d'espèce.
Par ailleurs, je saisis cette occasion pour demander à Mme la ministre une
précision importante sur les deuxième et troisième alinéas tels qu'ils nous
arrivent de l'Assemblée nationale.
Le texte prévoit que le comité d'entreprise ou de groupe, ou encore le comité
d'entreprise européen, doit être informé, en tant que tel, avant une annonce au
public de mesures affectant les conditions de travail ou l'emploi. Un certain
nombre de juristes d'entreprises prétendent que cette formulation fait encourir
aux dirigeants d'entreprise le délit d'entrave prévu par l'article L. 483-1 du
code du travail, en raison des difficultés qu'il y a à réunir dans des délais
assez rapides le comité d'entreprise pour lui fournir des informations
complètes et de qualité.
En conséquence, il faudrait alors que soient avisés par écrit et
individuellement les membres du comité d'entreprise ou de groupe des mesures
envisagées, et non le comité en tant que tel. Cette question nous préoccupe, et
nous souhaitons obtenir du Gouvernement une réponse sur ce point afin de calmer
les inquiétudes.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
La rédaction actuelle de
l'article 32 prévoit que le chef d'entreprise ne peut procéder à une annonce
publique sur les mesures qu'il a à mettre en oeuvre qu'après en avoir informé
le comité d'entreprise.
Cette rédaction n'impose pas strictement une réunion formelle du comité
d'entreprise. On peut effectivement imaginer une information écrite, à
condition que celle-ci soit substantielle, complète et effectivement préalable,
c'est-à-dire que l'ensemble des membres du comité d'entreprise aient reçu cette
information avant que l'annonce ne soit effectuée.
Voilà les précisions que je peux vous apporter aujourd'hui et que nous
introduirons dans les circulaires et les textes réglementaires
d'application.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 181, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 182, présenté par M. Gournac, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le troisième alinéa du texte proposé par l'article 32
pour l'article L. 431-5-1 du code du travail :
« Lorsque l'annonce au public affecte plusieurs entreprises appartenant à un
groupe au sein duquel a été constitué un comité de groupe, la procédure prévue
au premier alinéa du présent article est mise en oeuvre au niveau de ce comité.
»
La parole est à M. Gournac, rapporteur.
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Cet amendement vise également à revenir au texte adopté par
le Sénat en première lecture.
Plutôt que de conserver une succession de procédures d'information des
différents comités d'entreprise - comité d'entreprise, comité de groupe, comité
d'entreprise européen - comme cela est prévu dans le texte adopté par
l'Assemblée nationale, cet amendement vise à revenir à la rédaction du projet
de loi initial, qui prévoyait que l'information du comité de groupe, lorsque
celui-ci existe, se substitue à celle des différents comités d'entreprise, le
comité de groupe n'étant pas compétent en matière de consultation. Cet
amendement limite le recours au comité de groupe à la procédure d'information
concernant les annonces relatives à la modification substantielle de la
stratégie.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Le Gouvernement est défavorable
à cet amendement qui tend à restreindre le champ d'application du délit
d'entrave au fonctionnement du comité d'entreprise.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 182.
M. Claude Domeizel.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Domeizel.
M. Claude Domeizel.
Nous préférons de loin la rédaction de l'Assemblée nationale, car elle est
beaucoup plus précise que celle de la commission. Voilà pourquoi nous voterons
contre cet amendement.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 182, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 183, présenté par M. Gournac, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« Au début du dernier alinéa du texte proposé par l'article 32 pour l'article
L. 431-5-1 du code du travail, remplacer les mots : "L'absence" par les mots :
"Le refus". »
La parole est à M. Gournac, rapporteur.
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Cet amendement précise le régime pénal applicable lorsque le
comité d'entreprise n'est pas informé.
La sanction pénale ne se justifiant que s'il existe un élément intentionnel,
il tend à prévoir que la sanction interviendra dans le cas d'un acte délibéré
caractérisé par le refus de communiquer des informations.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Défavorable.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 183.
M. Claude Domeizel.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Domeizel.
M. Claude Domeizel.
Si l'amendement n° 182 me semblait moins précis, l'amendement n° 183, en
revanche, l'est trop ! Les mots « absence » et « refus » n'ont pas la même
signification. Le premier est un terme général qui recouvre un champ plus
large. Nous le préférons au second, qui est beaucoup plus restrictif. C'est
pourquoi nous voterons contre cet amendement.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 183, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 32, modifié.
(L'article 32 est adopté.)
Article 32
bis
(précédemment réservé)