SEANCE DU 25 JUIN 2001
DIVERSES DISPOSITIONS D'ORDRE SOCIAL,
ÉDUCATIF ET CULTUREL
Adoption d'un projet de loi en nouvelle lecture
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi (n°
376, 2000-2001), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en
nouvelle lecture, portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et
culturel. [Rapport n° 390 (2000-2001).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët,
secrétaire d'Etat à l'économie solidaire.
Monsieur le président,
messieurs les rapporteurs, mesdames messieurs les sénateurs, c'est un texte
largement rétabli par l'Assemblée nationale dans ses intentions initiales qui
revient aujourd'hui devant le Sénat. En effet, lors de la nouvelle lecture, le
12 juin dernier, les députés ont rétabli l'essentiel du dispositif relatif au
fonds de réserve pour les retraites tel qu'il avait été proposé par le
Gouvernement et amendé par l'Assemblée nationale en première lecture. C'est
pourquoi le Gouvernement souhaitera s'en tenir à cette rédaction et s'opposera
donc aux amendements de votre commission.
De même, les députés ont suivi l'opinion du Gouvernement quant à l'article 5
de ce projet de loi, relatif à l'affectation des fonds rétrocédés par l'UNEDIC
aux termes de la convention agréée par l'Etat après la longue négociation entre
partenaires sociaux. La commission des affaires sociales présentera à nouveau
un amendement de son rapporteur, M. Souvet, revenant sur le dispositif proposé
en première lecture visant à affecter strictement ces fonds au « financement
d'actions en faveur des demandeurs d'emploi relevant du régime de solidarité ».
Le Gouvernement s'opposera une nouvelle fois à une telle précision, dans la
mesure où elle lui paraît contraire aux règles fixées par l'ordonnance portant
loi organique du 2 janvier 1959 et aux principes d'universalité budgétaire et
de non-affectation des recettes aux dépenses. En revanche, le Gouvernement se
réjouit de l'adoption prévisible des dispositions relatives à l'indemnisation
des demandeurs d'emploi et de leur entrée en vigueur au 1er juillet
prochain.
De la même façon, l'Assemblée nationale a rétabli l'article 21 relatif aux
sociétés coopératives d'intérêt collectif, ainsi que l'article 7 concernant le
code de la mutualité, que le Sénat avait supprimés pour des raisons de forme
plus que de fond. J'observe d'ailleurs que la commission a souhaité, pour cette
nouvelle lecture, en venir au fond de la réforme du code de la mutualité, ce
dont je me réjouis.
Par ailleurs, ma collègue Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des
sports, et moi-même nous félicitons de l'adoption conforme par le Parlement de
cinq articles - les articles 8, 8
bis
, 8
ter
, 9 et 10 - tendant à
promouvoir la vie associative et l'engagement bénévole, et marquant la
reconnaissance du Conseil national de la jeunesse et de l'éducation populaire,
ainsi que du Conseil national de la jeunesse comme instance de propositions et
interlocuteur des pouvoirs publics.
L'article 11, dont quelques points demeurent en discussion, a été approuvé
dans ses objectifs par la représentation nationale. Cet article vise, en effet,
d'une part, à sécuriser l'accueil des mineurs en centres de vacances ou de
loisirs sans hébergement et, d'autre part, à réaffirmer la valeur éducative de
ces centres. Le dispositif prévu à cet effet a été globalement amélioré et
rendu plus effectif grâce aux amendements parlementaires. Je sais que la
commission en proposera encore quelques-uns ; nous en débattrons.
J'en viens à présent à l'article 12 du projet de loi. Celui-ci entend
clarifier le cadre juridique dans lequel s'est inscrite l'initiative prise au
printemps dernier par les organes dirigeants de l'Institut d'études politiques
de Paris afin de diversifier le recrutement des élèves de cette école. Cette
initiative novatrice vise à permettre l'entrée à Sciences-Po d'élèves issus de
zones difficiles. Le Sénat en a largement débattu, et de façon très riche, lors
de la première lecture du projet de loi.
De l'avis du Gouvernement, le texte de l'article 12 qui vous est présenté en
nouvelle lecture a atteint son équilibre. Pour l'avenir, il conforte la
tradition d'autonomie de l'Institut d'études politiques de Paris en conférant à
son conseil de direction une compétence indiscutable sur le plan juridique pour
déterminer les conditions d'admission des élèves. En première lecture, le Sénat
avait approuvé ce premier aspect du texte dans les mêmes termes que l'Assemblée
nationale.
Le texte visait aussi à stabiliser, pour le passé, la situation des élèves de
Sciences-Po par une double disposition de validation législative.
La première mesure visait à garantir la sécurité juridique de l'ensemble des
recrutements opérés par l'Institut depuis 1985, en tant que la validité de ces
recrutements pourrait être mise en cause au motif de l'incompétence du conseil
de direction. C'est à quoi s'attache la validation partielle du décret du 10
mai 1985, validation qui ne semble pas contestable et qui est la seule
susceptible d'apporter rétroactivement une telle sécurité juridique aux
étudiants concernés. Elle demeure dans le texte voté par l'Assemblée nationale
en nouvelle lecture.
La seconde disposition de validation concernait spécifiquement les
délibérations adoptées par le conseil de direction de l'Institut le 26 mars
2001 pour instituer un recrutement complémentaire pour des élèves issus de
zones difficiles. Sur ce point, le Sénat avait, en première lecture, émis des
réserves. Ces dernières ont été entendues. Il est désormais possible, en raison
de l'avancement des travaux parlementaires, de la décision de référé favorable
rendue par le tribunal administratif de Paris et des mesures prises par
Sciences-Po pour préparer la rentrée prochaine, d'envisager des mesures de
régularisation moins exceptionnelles qu'une validation législative. C'est
pourquoi cette disposition de validation spécifique, que le Sénat avait
supprimée en première lecture, n'a pas été rétablie.
Enfin, par son article 13 et quelques articles additionnels, le Gouvernement
proposait au Sénat un certain nombre de dispositions à caractère culturel.
En ce qui concerne d'abord l'audiovisuel, l'objectif du Gouvernement est, pour
accompagner et faciliter le lancement de la télévision numérique de terre,
d'assouplir la règle qui limite à 49 % la part du capital d'une chaîne de
télévision que peut détenir un même actionnaire. Il s'agit non pas de contester
l'intérêt d'un dispositif anticoncentration, au regard de l'autre objectif
fondamental que nous visons, à savoir la préservation du plurialisme, mais de
tenir compte de l'évolution du paysage audiovisuel et des contraintes
économiques liées au développement du numérique. Je rappelle d'ailleurs que
cette exception en concerne pas plus de 2,5 % de ce paysage.
L'article 13, tel qu'il a été voté par l'Assemblée nationale, avait le mérite
de la clarté, de la simplicité et de l'adéquation à l'objectif recherché. Le
Sénat, en se fondant en particulier sur une analyse constitutionnelle dont le
Gouvernement estime qu'elle n'est pas applicable au sujet qui nous occupe,
avait rejeté ce dispositif en première lecture pour en proposer un
particulièrement complexe, qui ajoute des exceptions aux exceptions et,
surtout, qui est inégalitaire, puisqu'il traite différemment des chaînes
comparables, selon qu'elles sont aujourd'hui diffusées sur le satellite ou
qu'elles seront créées pour le numérique terrestre. Le Gouvernement se félicite
donc du rétablissement du texte initial par l'Assemblée nationale, qui permet à
toutes les chaînes dont l'audience n'atteint pas 2,5 % de ne pas être soumises
à la règle des 49 %.
Par ailleurs, à l'article 18, l'Assemblée nationale a complété le dispositif
d'encadrement des cartes d'abonnement illimité au cinéma. En effet, dans le
cadre de la loi relative aux nouvelles régulations économiques, des mesures en
faveur des ayants droit, d'une part, et des petits exploitants, d'autre part,
avaient été adoptées pour éviter que ces pratiques commerciales ne perturbent
l'équilibre général de l'économie du cinéma. L'Assemblée nationale y a ajouté
une disposition adaptée au secteur de la moyenne exploitation. Rejetée par la
Haute-Assemblée en première lecture, cette mesure a été rétablie par
l'Assemblée nationale dans le texte qui vous est soumis, et le Gouvernement
souhaite son maintien en nouvelle lecture.
Enfin, le Sénat avait introduit des amendements relatifs à la propriété
intellectuelle. A l'exception d'une disposition très utile pour consolider la
rémunération légitime des auteurs et producteurs pour la diffusion de musique
dans les lieux de loisirs, il s'agissait de modifications de règles importantes
du code de la propriété intellectuelle sur des sujets complexes, par exemple le
champ d'application de la rémunération pour copie privée.
Sur les sujets relatifs à la propriété intellectuelle, le Gouvernement
souhaite qu'un travail approfondi se mette en place avant toute modification
législative. Mme Tasca, ministre de la culture et de la communication, a
clairement indiqué que l'ensemble de ces sujets étaient en cours d'examen avec
tous les acteurs concernés. Elle souhaite aussi qu'un travail puisse
s'effectuer avec les parlementaires très en amont d'un futur projet de loi qui
aura à transposer la directive sur certains droits d'auteurs et droits voisins
dans la société de l'information. Derrière ces droits se jouent des enjeux
économiques, industriels et culturels majeurs, qui ne peuvent être abordés
sereinement et efficacement en touchant tel ou tel équilibre.
Dans l'attente de l'expertise et de la concertation qu'implique une telle
modification des textes, le Gouvernement a demandé à l'Assemblée nationale le
retrait de ces amendements.
Tel est, mesdames, messieurs les sénateurs, le bilan de nos travaux que je
souhaitais dresser à l'ouverture de cette nouvelle lecture. Je ne reviendrai
pas plus sur les dispositions additionnelles que la Haute Assemblée avait
proposées en première lecture et que l'Assemblée nationale a, pour la plupart,
votées conformes.
Je crois que nous disposerons, en définitive, d'un texte important et
équilibré, qui contribuera assurément à de nouvelles avancées sociales
souhaitées par nos concitoyens.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Souvet, rapporteur.
M. Louis Souvet,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président,
monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le Sénat est aujourd'hui
saisi en nouvelle lecture du projet de loi portant diverses dispositions
d'ordre social, éducatif et culturel, qu'il convient désormais d'appeler «
DDOSEC ». La commission mixte paritaire, réunie le 5 juin dernier, n'est en
effet pas parvenue à se mettre d'accord sur un texte commun : elle a échoué dès
le premier article examiné, à savoir l'article 5, au titre Ier.
Ce titre Ier, je vous le rappelle, vise à donner une base légale à
l'importante convention du 1er janvier 2001 relative à l'aide au retour à
l'emploi et à l'indemnisation du chômage. Une telle habilitation est en effet
nécessaire à son application à compter du 1er juillet prochain. La commission
avait insisté, en première lecture, sur la nécessité d'une habilitation
législative rapide.
Je ne reviendrai pas sur les importantes avancées qu'entraînera cette nouvelle
convention. Cette dernière constitue en effet un progrès social considérable.
Elle devrait ainsi permettre non seulement de favoriser le retour à l'emploi
des chômeurs, mais également d'améliorer l'indemnisation des demandeurs
d'emploi et de diminuer les charges qui pèsent sur le coût du travail.
Il semble que, sur ce point, les choses avancent dans la bonne direction, même
si la loi ne pourra pas être promulguée avant le 1er juillet compte tenu de son
inscription tardive à l'ordre du jour parlementaire, ce qui me paraît
regrettable.
Les deux assemblées ont en effet adopté conformes les articles 1er à 4 du
projet de loi. Ces articles transcrivent directement la convention dans la loi
et permettent d'étendre les missions du régime d'assurance chômage au-delà de
la seule indemnisation de la perte d'emploi.
Je ne peux voir dans cet accord entre les deux chambres que le signe d'un
hommage unanime à la capacité d'initiative et au sens des responsabilités des
partenaires sociaux. Je m'en félicite. Et je ne peux qu'espérer que le
Gouvernement prêtera plus souvent, à l'avenir, une telle attention aux
propositions issues du dialogue social.
J'observe, en outre, qu'une autre étape essentielle pour la mise en oeuvre de
la convention a été franchie le 13 juin. L'Etat, l'ANPE et l'UNEDIC ont, en
effet, signé ce jour-là les deux conventions - bipartite et tripartite -
nécessaires à l'application de la convention.
Nous allons donc entrer dans une phase transitoire, qui durera environ six
mois. A compter du 1er juillet, tous les nouveaux demandeurs d'emploi
s'inscrivant à l'assurance chômage bénéficieront de la non-dégressivité des
allocations et du plan d'aide au retour à l'emploi, le PARE. Quant aux
demandeurs d'emploi actuellement indemnisés - il y en a environ un million -,
ils auront la possibilité, mais pas l'obligation, d'opter pour le nouveau
système.
Dès lors, la question qui se pose est de savoir si l'ANPE sera à même
d'assurer le retour à l'emploi des chômeurs dans ce cadre rénové. Ses moyens
n'ont pour l'instant pas augmenté, alors que la mise en oeuvre du PARE et le
suivi personnalisé de tous les demandeurs d'emploi exigeront, à l'évidence, un
surcroît de travail et de moyens. En outre, se confirme aujourd'hui un
inquiétant essoufflement de la croissance, qui risque de fragiliser la reprise
de l'emploi. Mais nous sortons ici du strict cadre du projet de loi que nous
examinons aujourd'hui.
Reste donc, sur ce titre Ier, un seul article encore en discussion,
l'Assemblée nationale ayant rétabli, en nouvelle lecture, le texte de l'article
5 dans sa version initiale.
Cet article 5 est déconnecté de la mise en oeuvre opérationnelle de la
convention d'assurance chômage. Il concerne ce qu'il est désormais convenu
d'appeler la « clarification des relations financières entre l'Etat et l'UNEDIC
».
En première lecture, le Sénat avait souhaité apporter une précision à cet
article 5.
Nous avions en effet voulu que l'autorisation accordée à l'UNEDIC de verser 15
milliards de francs à l'Etat en 2001 et 2002 s'accompagne d'une réelle garantie
sur l'utilisation de ces sommes. C'est bien le moins ! Les partenaires sociaux
ont exprimé le souhait, dans le texte de la convention, que « cette ressource
exceptionnelle soit affectée au financement d'actions en faveur des demandeurs
d'emploi relevant du régime de solidarité ».
Un tel souci apparaît à l'évidence légitime. Les partenaires sociaux ont déjà
consenti un effort considérable en faveur des chômeurs relevant du régime
d'assurance. Près de 50 milliards de francs leur seront ainsi consacrés en
trois ans.
Il est donc souhaitable que l'Etat, à son tour, agisse parallèlement en faveur
des chômeurs non indemnisés. Ces 15 milliards de francs lui en donnent les
capacités financières.
Je regrette que le Gouvernement ne se soit pas donné, pour l'instant en tout
cas, les moyens de veiller, en ce sens, à l'affection à venir des sommes
versées par l'UNEDIC. Voilà pourquoi le Sénat avait tenu à préciser, à titre
conservatoire en quelque sorte, les conditions d'autorisation de l'UNEDIC à
procéder à un tel versement.
Nombreux sont ceux, en effet, qui craignent que le Gouvernement ne cherche à
utiliser cette somme de 15 milliards de francs pour tenter de pallier les
difficultés structurelles de financement des 35 heures. Après avoir mis la
sécurité sociale à contribution, le Gouvernement s'apprêterait donc - selon
certains ! - à faire main basse sur les excédents de l'UNEDIC.
Il est vrai que l'attitude pour le moins ambiguë du Gouvernement est loin de
dissiper ces craintes.
J'observe ainsi que le Gouvernement n'a finalement consenti à agréer la
convention du 1er janvier 2001 qu'à partir de l'instant où les partenaires
sociaux ont accepté de procéder à un tel versement.
Je constate également que le refus du Gouvernement de créer un fonds de
concours pour assurer l'affectation du versement de l'UNEDIC dans la plus
grande transparence ne peut qu'accentuer de telles craintes.
Je relève, enfin, que l'introduction de la précision sénatoriale n'a nullement
incité le Gouvernement à clarifier ses intentions en la matière. Bien au
contraire, il se contente ainsi d'évoquer une utilisation des sommes en faveur
de « la politique de l'emploi », notion qui - n'en doutons pas - recouvre dans
son esprit le financmeent des 35 heures.
Voilà pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, nous vous demandons, une fois
encore, d'apporter des précisions sur l'utilisation à venir de ces 15 milliards
de francs. Quel sera leur traitement budgétaire ? A quoi seront-ils affectés,
si tant est qu'une affectation soit déjà prévue ?
Mais, pour l'heure, et en l'absence de tout éclaircissement jusqu'à ce jour,
il nous a paru nécessaire de prévenir toute tentation et de chercher à mettre
en oeuvre le souhait des partenaires sociaux dans le respect du cadre fixé par
l'ordonnance organique du 2 janvier 1959.
Dans ces conditions, la commission proposera de rétablir la rédaction, telle
qu'adoptée par le Sénat en première lecture, de l'article 5, qui constitue
désormais le seul article encore en discusison du titre Ier.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Jourdain, rapporteur.
M. André Jourdain,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président,
monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, notre collègue Alain
Vasselle, rapporteur du titre II, relatif au fonds de réserve pour les
retraites, étant retenu dans son département, il m'a demandé de bien vouloir le
remplacer pour faire part de ses observations.
En première lecture, après avoir rappelé que le fonds de réserve n'était en
aucun cas en mesure de répondre au défi posé par le financement des retraites,
la commission des affaires sociales avait proposé un dispositif alternatif,
adopté par le Sénat, permettant de donner au fonds de réserve un statut lui
garantissant indépendance et transparence.
Le fonds serait un établissement spécial, placé sous la surveillance et la
garantie du Parlement, se substituant à la « tutelle ministérielle » qui
caractérise les établissements publics administratifs. Sans aller peut-être
jusqu'à une réforme constitutionnelle, un statut « spécial » semble en effet le
moins que l'on puisse prévoir pour un fonds censé garantir le financement des
retraites des Français à partir de 2020.
Les régimes bénéficiaires ne seraient pas précisés, afin de n'interdire
a
priori
à aucun Français la possibilité de bénéficier des concours d'un
fonds de réserve alimenté par des ressources largement universelles.
Les membres du directoire seraient désignés de manière solennelle, en raison
de leur expérience et de leur compétence professionnelle, par le Président de
la République et les présidents des assemblées. Les membres seraient nommés
pour une durée non renouvelable de six ans. Cette fonction serait exclusive de
toute autre : le fonds de réserve à besoin d'un directoire « à plein temps
».
Le conseil de surveillance bénéficierait de véritables pouvoirs de
contrôle.
La notion de gestion administrative serait précisée et confiée à la Caisse des
dépôts et consignations ; ce choix est naturel, s'agissant d'un établissement
placé depuis 1816 « sous le sceau de la foi publique » ; mais, dans ces
conditions, il est évident que la Caisse ne pourrait pas participer aux appels
d'offres de gestion financière des ressources du fonds : ainsi serait-il prévu
explicitement une « muraille de Chine » pleinement efficace.
La description des règles prudentielles serait renvoyée à un décret en Conseil
d'Etat, tandis que le texte législatif préciserait une notion de « ratios
d'emprise », empêchant que le fonds ne puisse détenir plus de 5 % des actions
en provenance du même émetteur, afin d'éviter qu'il ne se transforme en un
actionnaire trop zélé du capitalisme français.
En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale est revenue, pour l'essentiel, à
son texte de première lecture. Le dispositif, relevant d'une « muraille de
Chine » bien fragile, organise une grave confusion des genres, par la présence
du directeur général de la Caisse des dépôts et consignations à la tête du
directoire, alors même que la Caisse, en quelque sorte sous sa « double
autorité », assure la gestion administrative du fonds et peut participer aux
appels d'offres de gestion financière.
Cependant, six amendements de bons sens du Sénat ont été retenus.
Le premier vise au renouvellement régulier des appels d'offres.
Le deuxième tend au renvoi à un décret en Conseil d'Etat de la définition des
règles prudentielles auxquelles sera soumis le fonds ; le texte initial n'en
soufflait mot.
Le troisième a pour objet la nomination des commissaires aux comptes par le
conseil de surveillance, et non par le directoire.
Le quatrième vise au transfert au conseil de surveillance du contrôle des
règles déontologiques applicables aux membres du directoire ; le texte
prévoyait dans un premier temps de confier cette mission au président du
directoire, sous la forme en quelque sorte d'un « autocontrôle ».
Le cinquième tend au contrôle du fonds de réserve par la Cour des comptes.
Enfin, le sixième amendement prévoit la transmission des rapports des
inspections générales des affaires sociales et des finances au conseil de
surveillance et la possibilité pour ce dernier de procéder à une audition des
membres des corps d'inspection ayant réalisé une mission de contrôle sur le
fonds, cette dispostion résultant d'un amendement particulièrement pertinent de
notre excellent collègue Jean Chérioux.
Cette première lecture n'a donc pas été inutile.
En conséquence, la commission des affaires sociales a jugé nécessaire de
rétablir le texte adopté par le Sénat en première lecture, afin de laisser à
l'Assemblée nationale la possibilité, en lecture définitive, d'un sursaut de
bon sens la conduisant à retenir un ou plusieurs amendements adoptés par le
Sénat.
Nous espérons tout particulièrement qu'elle ouvrira les yeux sur la « fausse
bonne idée » consistant à confier la présidence du directoire au directeur
général de la Caisse des dépôts et consignations. Compte tenu de la charge de
travail de ce dernier, qui risque de s'accroître encore si la création d'une
holding commune à la Caisse des dépôts et consignations et aux caisses
d'épargne se précise, il n'est pas souhaitable de lui confier la présidence du
directoire du fonds de réserve, qui exigera, à l'évidence, une disponibilité de
tous les instants.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers
collègues, les principales observations qu'appelle de la part de la commission
des affaires sociales le titre II du projet de loi portant diverses
dispositions d'ordre social, éducatif et culturel, adopté par l'Assemblée
nationale en nouvelle lecture.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
J'en viens, maintenant, à mon propre rapport sur le titre III.
Le titre III, qui autorise par la voie d'un article unique, l'article 7, la
ratification de l'ordonnance du 19 avril 2001 relative au code de la mutualité,
a représenté une grande déception pour la commission des affaires sociales.
En effet, lors du débat sur le projet de loi d'habilitation, sur notre
proposition, le Sénat ne s'était pas opposé au recours à la procédure des
ordonnances, sous la réserve expresse que leur ratification fasse l'objet d'un
véritable débat. M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le
Parlement et vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat, aviez pris cet
engagement.
La présence, au sein d'un nouveau texte fourre-tout, assorti immédiatement de
l'urgence, et intervenant sur un nombre très important de sujets, d'un article
autorisant cette ratification ne constitue pas une possibilité sérieuse
d'engager un véritable débat.
J'avais toutefois procédé, lors de mon premier rapport, à une analyse rapide
du texte de l'ordonnance, en tentant d'en montrer les limites et les
imperfections.
Aussi, compte tenu des interrogations posées par l'ordonnance du 19 avril
2001, le Sénat avait décidé, en première lecture, de supprimer l'article 7,
protestant sur le principe de cette atteinte aux droits du Parlement.
En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a rétabli le texte de l'article
7.
Aussi la commission des affaires sociales a-t-elle été placée devant une
alternative peu satisfaisante : soit proposer de supprimer une seconde fois cet
article ; soit proposer d'adopter une série d'amendements sur un certain nombre
d'articles « stratégiques ».
La commission des affaires sociales a considéré qu'une opposition répétée
serait désormais quelque peu vaine. Certes, compte tenu des délais auxquels le
Gouvernement astreint le Parlement et, singulièrement les commissions chargées
des affaires sociales, nous n'avons pu procéder au travail, toujours
nécessaire, consistant à auditionner l'ensemble des acteurs du monde de la
prévoyance complémentaire. Cela étant, la position que le Sénat exprimera en
nouvelle lecture est déterminante : proposer quelques modifications sur les
insuffisances ou les incohérences du nouveau code de la mutualité, c'est donner
à l'Assemblée nationale la possibilité de reprendre, en lecture définitive, un
ou plusieurs amendements adoptés par la Haute Assemblée.
J'observe que cette démarche a été également celle du groupe socialiste.
La commission des affaires sociales propose ainsi de retenir une série
d'amendements portant sur les points les plus importants, les points
stratégiques du texte de l'ordonnance.
Il s'agit, tout d'abord, du respect des règles communautaires.
Le nouveau code de la mutualité autorise les transferts financiers entre «
mutuelles fondatrices » et « mutuelles soeurs ». Je vous propose de supprimer
de tels transferts, compte tenu du principe de spécialité posé par les
directives.
Le code autorise également une mutuelle d'assurance, à titre accessoire et
sous réserve d'une convention signée entre les deux organismes, à assurer la
prévention des risques de dommages corporels, à mettre en oeuvre une action
sociale ou à gérer des réalisations sanitaires et sociales pour les
souscripteurs d'un contrat proposé par une entreprise du code des assurances,
une institution de prévoyance relevant du code de la sécurité sociale ou une
autre mutuelle relevant du code de la mutualité. Le principe de spécialité me
paraît, là aussi, mis à mal.
Le nouveau code de la mutualité prévoit enfin des restrictions à la liberté de
réassurance qui apparaissent douteuses au regard des règles communautaires.
Le deuxième point stratégique réside dans la procédure d'agrément.
L'article 5 de l'ordonnance du 19 avril 2001 dispose que les mutuelles, unions
et fédérations créées avant la publication de la présente ordonnance et qui
n'auront pas accompli, dans un délai d'un an, les démarches nécessaires à leur
inscription au registre national des mutuelles seront purement et simplement
dissoutes, ce qui constitue une sanction à l'évidence disproportionnée à
l'égard de mutuelles parfois centenaires. La commission des affaires sociales
propose, en conséquence, de prévoir un renvoi de la définition de ces
procédures d'agrément à un décret en Conseil d'Etat. Un telle disposition est
beaucoup plus souple que le mécanisme lourd prévu par le texte
gouvernemental.
Enfin, le dernier point stratégique concerne la tenue du registre des
mutuelles.
Le texte de l'ordonnance prévoit de confier cette mission au secrétariat du
Conseil supérieur de la mutualité. Or il s'agit d'un organisme à vocation
consultative. Dès lors, la tenue du registre doit être du ressort du greffe des
tribunaux de grande instance.
Ce dispositif ne doit pas s'interpréter, naturellement, comme une approbation
sans réserves du reste. Il y aurait beaucoup à dire, par exemple, sur le statut
de l'élu mutualiste, sur la mécanique complexe des systèmes fédéraux de
garantie, ou encore sur la représentation des différentes entités du monde
mutualiste au sein du Conseil supérieur de la mutualité. Cependant, la
commission des affaires sociales estime que le vote exprimé par le Sénat en
première lecture le met à l'abri d'un tel soupçon.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers
collègues, les observations qu'appelle de la part de la commission l'article 7
du projet de loi portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et
culturel adopté en nouvelle lecture par l'Assemblée nationale.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur.
M. Jean-Louis Lorrain,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président,
monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en nouvelle lecture,
l'Assemblée nationale a adopté conformes quatorze articles des titres IV, V et
VI du projet de loi, dont treize articles additionnels résultant des travaux du
Sénat de première lecture.
Par ailleurs, elle a modifié la rédaction de huit articles. Ces modifications
concernent, tout d'abord, les articles dont l'examen au fond avait été délégué,
en première lecture, à la commission des affaires culturelles.
Il s'agit de l'article 11, relatif à la réglementation des centres de loisirs
pour mineurs ; de l'article 12, définissant les compétences du conseil de
direction de l'Institut d'études politiques de Paris ; de l'article 13,
adaptant les règles anticoncentration à la télévision numérique hertzienne
terrestre ; de l'article 14, précisant les obligations de diffusion de La
Chaîne Parlementaire ou LCP qui incombent aux opérateurs, et de l'article 18,
visant à encadrer les cartes d'abonnement au cinéma.
Sur l'ensemble de ces articles, l'Assemblée nationale a rétabli sa rédaction
initiale, sous réserve de quelques précisions rédactionnelles apportées par le
Sénat, qu'elle a souhaité conserver.
Après avoir consulté les rapporteurs de la commission des affaires
culturelles, la commission des affaires sociales vous proposera de rétablir les
articles 11, 13, 14 et 18 dans leur rédaction adoptée par le Sénat en première
lecture, sous réserve, le cas échéant, de quelques améliorations
rédactionnelles adoptées par l'Assemblée nationale.
S'agissant, en revanche, de l'article 12 relatif à l'Institut d'études
politiques de Paris, et compte tenu du fait que le Gouvernement a renoncé, en
nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, à faire valider par la loi les
délibérations de son conseil de direction concernant la création d'une voie
d'accès particulière pour certains élèves issus de zones d'éducation
prioritaires, la commission des affaires sociales vous proposera d'adopter cet
article 12 sans modification, en accord avec notre collègue M. Jacques Valade,
rapporteur de la commission des affaires culturelles en première lecture.
Trois autres articles ont été modifiés : il s'agit des articles 12
bis,
15 et 19
octies.
L'article 12
bis,
adopté par le Sénat sur l'initiative de notre
collègue M. Michel Charasse, précise le régime de la rémunération pour copie
privée numérique. L'article 15 définit le régime juridique des réseaux de
télécommunication à haut débit installés par les collectivités territoriales.
Quant à l'article 19
octies,
il résulte d'un amendement de notre
collègue M. Claude Domeizel et transfère aux caisses d'allocations familiales
le versement des prestations familiales aux retraités de la fonction publique
territoriale résidant dans les départements d'outre-mer.
Les modifications apportées par l'Assemblée nationale aux articles 12
bis
et 19
octies
concernant uniquement des points de détail, je n'y
reviendrai pas.
S'agissant, en revanche, de l'article 15, l'Assemblée nationale a de nouveau
autorisé les collectivités territoriales à mettre leurs réseaux de
télécommunication à haut débit à la disposition non seulement des opérateurs,
mais également d'utilisateurs finals. Or le Sénat, sur l'initiative de nos
collègues MM. Gérard Larcher, Pierre Hérisson, François Trucy et Paul Girod,
avait, en première lecture, supprimé cette possibilité, estimant qu'elle ne
pouvait que favoriser une confusion des genres et des métiers préjudiciable à
l'intérêt même des collectivités territoriales. Sans ignorer la politique
ambitieuse conduite, en ce domaine, par certaines d'entre elles, la commission
présentera donc un amendement tendant à rétablir la rédaction initialement
adoptée, sur ce point particulier, par le Sénat.
Elle vous proposera également, toujours à l'article 15, de modifier la
rédaction de l'un des deux paragraphes ajoutés par l'Assemblée nationale et
visant à préciser les conditions d'installation des antennes émettrices et
réceptrices de téléphonie mobile.
En outre, l'Assemblée nationale a supprimé cinq articles insérés par le Sénat
en première lecture : il s'agit de l'article 13
bis,
visant à encadrer
strictement les activités de production de l'Institut national de
l'audiovisuel, de l'article 13
ter,
ayant pour objet d'améliorer
l'information des membres des sociétés de perception de droits d'auteurs, de
l'article 13
quater,
modifiant la composition des instances
consultatives compétentes en matière de propriété intellectuelle, de l'article
16
quater,
étendant aux maîtres contractuels de l'enseignement privé la
dispense de qualification déjà accordée aux fonctionnaires pour l'enseignement
et l'encadrement des activités sportives, et, enfin, de l'article 19
bis,
autorisant la prise en compte du télétravail dans les programmes locaux de
l'habitat.
La commission vous proposera, mes chers collègues, de rétablir ces cinq
articles dans la rédaction adoptée par le Sénat en première lecture.
L'Assemblée nationale a également rétabli deux articles supprimés par le
Sénat, les articles 20 et 21.
L'article 20 autorise les comités d'entreprise à verser, sur leurs ressources
propres, des subventions à des associations à caractère social et humanitaire.
En dépit des modifications rédactionnelles apportées par l'Assemblée nationale
en nouvelle lecture, nos interrogations sur l'élargissement ainsi consacré du
champ de compétence des comités d'entreprise demeurent toujours d'actualité. La
commission vous proposera donc de supprimer de nouveau cet article 20.
Il en est de même pour l'article 21, qui vise à créer une nouvelle catégorie
de société coopérative, la société coopérative d'intérêt collectif, ou SCIC. En
première lecture, le Sénat avait supprimé cet article en raison, d'une part, de
l'ampleur de la modification ainsi apportée au statut de la coopération, qui
justifie un examen plus approfondi dans le cadre d'un projet de loi spécifique,
et, d'autre part, de sérieuses interrogations concernant la constitutionnalité
de la procédure choisie par le Gouvernement pour faire adopter cet article à
l'Assemblée nationale. Ces raisons étant toujours valables, la commission vous
proposera donc de supprimer de nouveau l'article 21.
Enfin, l'Assemblée nationale a adopté deux nouveaux articles, les articles 15
bis
et 23.
L'article 15
bis
prévoit, afin de favoriser l'installation des antennes
de réception de la boucle locale radio, que les propriétaires ne pourront pas
s'opposer, sans motif sérieux et légitime, à l'installation de ces antennes par
leurs locataires. Avant de se prononcer sur ce point, la commission souhaite
s'assurer que la suppression éventuelle de cet article n'entravera pas le
développement d'une nouvelle technologie prometteuse, et souhaite connaître
l'avis du Gouvernement sur ce sujet.
Par ailleurs, la commission vous proposera d'adopter sans modification
l'article 23, qui vise à accélérer, dans le respect des décisions de justice,
le versement, par l'association de garantie de salaires, des salaires dus aux
employés d'une entreprise en liquidation judiciaire.
J'en ai ainsi terminé, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, avec la présentation des articles qui, bien éloignés des
sujets habituellement évoqués par la commission, demeurent en discussion aux
titres IV, V et VI de ce projet de loi.
M. le président.
La parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
nous débattons aujourd'hui, en nouvelle lecture, du projet de loi portant
diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel.
J'aimerais pouvoir dire que le texte qui nous arrive de l'Assemblée nationale
est meilleur que celui qui était issu des travaux du Sénat en première lecture,
mais j'avoue, monsieur le secrétaire d'Etat, que ce n'est pas du tout
évident.
En effet, l'adoption du titre Ier validant législativement le PARE ne nous
convient pas.
Cette partie du texte, excepté l'article 5, a été adoptée conforme par nos
deux assemblées. Nous ne pouvons que le déplorer tant nous sommes persuadés que
la mise en application du PARE, voulue par le MEDEF et acceptée par quelques
syndicats ne représentant pas la majorité des salariés, n'est pas de nature à
améliorer le sort des demandeurs d'emploi.
L'article 5, quant à lui, a pour objet d'autoriser l'UNEDIC à verser à l'Etat
15 milliards de francs sur la période 2001-2002.
Chacun se souvient que, dans les années quatre-vingt-dix, l'aggravation du
chômage avait obligé l'Etat à soutenir financièrement le régime d'assurance
chômage. La récente embellie de la situation de l'emploi a pour conséquence de
permettre à l'UNEDIC de dégager des excédents.
Si la situation financière de l'UNEDIC est meilleure, ce dont tout le monde se
réjouit, on pourrait se préoccuper d'indemniser les chômeurs mieux et en plus
grand nombre.
Il est bien clair que mes propos contrastent quelque peu avec l'unanimité
affichée par le Gouvernement et la majorité sénatoriale sur ce titre Ier
consacré au PARE dont la mise en oeuvre fait justement l'objet de nombreuses
critiques, quand il ne s'agit pas de recours devant le Conseil d'Etat émanant
de plusieurs organisations de chômeurs et de deux syndicats.
Aussi, même si nous sommes aujourd'hui la seule voix dissonante au sein de cet
hémicycle, nous pensons que le combat que nous poursuivons contre l'offensive
que mène le patronat dans le cadre de son vaste programme de refondation
sociale - offensive qui a d'ailleurs la fâcheuse tendance à servir de programme
électoral à une bonne partie de la droite - ne pourra pas être ignoré et devra
être pris en compte.
La régression sociale n'est jamais une fatalité, surtout lorsque l'économie se
porte bien.
Comment ne pas s'étonner, alors, que la mise en oeuvre du PARE suscite tant
d'inquiétudes et de réactions hostiles ?
Quand on voit l'attitude récente du MEDEF à propos de la sécurité sociale,
avec la menace de M. Seillière de ne pas présenter de candidats aux postes
d'administrateurs, on est en droit de s'interroger sur le contenu de cette
refondation sociale qui n'a d'autre objet que de liquider les acquis
sociaux.
L'UNEDIC présente des comptes excédentaires et on ne parle que de baisse de
cotisations à l'assurance chômage pour les entreprises, alors que seulement 40
% des chômeurs sont indemnisés, et à un niveau souvent très faible !
Non, mes chers collègues, le PARE ne représente vraiment pas un progrès
social, pas plus que le fonds de réserve pour les retraites n'exprime une
réponse adaptée aux problèmes de financement !
Nous avions, en première lecture, dénoncé ce qui s'apparente de fait à un
fonds de capitalisation. Il faudra bien un jour sortir des dogmes de
l'idéologie libérale qui ne voient de salut pour les retraites que dans
l'introduction de la capitalisation.
Il faudra aussi que l'on nous explique comment vont faire les chômeurs et les
millions de salariés qui perçoivent moins que le SMIC pour capitaliser quoi que
ce soit.
Le fonds de réserve pour les retraites ne règle rien puisque, de toute façon,
dans vingt à trente ans, le niveau des retraites sera fonction des richesses
produites à ce moment-là et non pas d'une cagnotte amassée pendant vingt
ans.
Là encore, une réforme des cotisations vieillesse prenant en compte la
richesse produite s'avère plus que nécessaire.
Vous ne pourrez pas toujours évacuer ce débat et déclarer à nos concitoyens
qu'il faudra travailler plus longtemps, toucher une retraite réduite, alors
que, dans le même temps, les richesses produites augmentent et les profits des
entreprises aussi !
S'agissant du titre III relatif à la ratification du code de la mutualité,
nous avons du mal à comprendre la position de la commission des affaires
sociales qui, en première lecture, souhaitait la suppression de l'article 7 et
qui nous présente aujourd'hui une série d'amendements, alors que la réforme du
code de la mutualité a fait l'objet d'une large concertation entre le
Gouvernement et les fédérations de mutuelles et que le mouvement mutualiste,
soucieux de s'inscrire dans le cadre juridique européen, approuve de façon
quasi unanime cette ratification par ordonnance.
C'est pourquoi, même si nous sommes opposés à la procédure des ordonnances,
nous sommes favorables à l'adoption de ce titre III tel qu'il nous est transmis
par l'Assemblée nationale.
Les titres IV, V et VI comportent certes des dispositions intéressantes sur
lesquelles je ne reviendrai pas, mais vous comprendrez aisément, monsieur le
secrétaire d'Etat, que notre opposition résolue à la mise en oeuvre du PARE
suffise à elle seule à justifier notre vote négatif à l'encontre de ce projet
de loi.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain
et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Chabroux.
M. Gilbert Chabroux.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
nous sommes saisis en nouvelle lecture du présent projet de loi portant
diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel.
Le texte s'est sensiblement allégé par rapport à celui que nous avons examiné
en première lecture, les deux assemblées ayant adopté conformes de nombreux
articles.
C'est le cas des articles du titre Ier qui visent à donner une base légale à
la convention du 1er janvier 2001 relative à l'aide au retour à l'emploi et à
l'indemnisation du chômage, et qui ont donné lieu à une longue discussion.
D'une façon générale, il faut souligner les rapprochements qui ont pu s'opérer
entre les positions du Sénat et celles de l'Assemblée nationale. C'est ainsi
que de nombreux amendements du Sénat ont été retenus par nos collègues
députés.
Il reste quelques articles sur lesquels l'accord n'a pas été possible. Les
différentes lectures qui ont eu lieu et l'échec de la commission mixte
paritaire laissent penser que les positions sont bien arrêtées et qu'il sera
difficile d'aller vers une plus grande convergence.
L'article 5 demeure ainsi en débat, mais il est bon de rappeler à son sujet
que les signataires de la convention d'assurance chômage ont prévu eux-mêmes, à
l'article 9 de cette convention, de verser à l'Etat, au titre de la
clarification financière entre ce dernier et l'assurance chômage, un total de
15 milliards de francs échelonnés sur les années 2000 et 2001.
L'Etat, qui avait alloué à l'UNEDIC 30 milliards de francs entre 1993 et 1999,
est ainsi partiellement remboursé de son avance. Il n'a nullement été prévu par
la convention d'assurance chômage - et cela n'aurait d'ailleurs pas été
possible - d'imposer la destination de ces sommes à l'Etat.
Quelles que soient les louables intentions de ceux qui, parmi nous, souhaitent
que cet argent soit prioritairement attribué aux actions en faveur des chômeurs
de longue durée, il me paraît préférable de ne pas lier l'Etat dans la conduite
de sa politique en faveur de l'emploi. La conjoncture change rapidement, comme
nous avons pu le constater depuis trois ans avec la diminution de plus de un
million du nombre de chômeurs. La tâche prioritaire est maintenant de favoriser
le retour à l'emploi des chômeurs de longue durée, ce qui appelle l'ouverture
d'un large éventail de mesures.
Les aides décidées par les signataires de la convention d'assurance chômage,
que nous avons votées, en font d'ailleurs partie au premier chef. Au total,
nous estimons qu'il est préférable d'orienter l'effort de la nation vers des
dépenses actives de retour à l'emploi.
L'article 6 relatif au fonds de réserve pour les retraites demeure lui aussi
en discussion. Il ne s'agit pas de discuter uniquement des modalités de gestion
de ce fonds. Le débat va bien au-delà, puisque l'un des rapporteurs, M. Alain
Vasselle, estime, sans l'ombre d'une nuance, que « le fonds de réserve n'est en
aucun cas susceptible de répondre au défi posé par le financement des retraites
». C'est sa position, nous la connaissons.
Pour nous, le fonds de réserve est une première réponse, même si elle n'est
pas suffisante. La création d'un établissement public autonome constitue une
étape essentielle pour assurer la pérennité des régimes de retraite par
répartition.
L'assainissement de la situation financière des régimes de retraite nous donne
le temps nécessaire pour étudier les mesures complémentaires à la création de
ce fonds en vue d'assurer leur équilibre sur le long terme. Ce travail doit
être préparé dans la concertation et la transparence. C'est pour cela qu'a été
créé le conseil d'orientation sur les retraites, dont l'enjeu est de préparer
l'avenir et de forger un accord sans lequel il ne pourra y avoir de bonnes
réformes des retraites acceptées par le corps social.
Nous ne pouvons pas l'avoir oublié, des expériences ont mal tourné, et il
conviendrait de tirer les leçons de certaines d'entre elles. Ainsi, en 1993, le
Gouvernement est passé en force, sans la moindre négociation, sans la moindre
concertation.
Souvenons-nous également que, dans l'histoire de nos régimes de retraite, les
hausses de prélèvement, l'augmentation de la durée de cotisation, l'allongement
de la période de référence n'ont jamais été bien perçus. Ces choix ont eu une
résonnance désastreuse dans la population, et, sur le long terme, ils ont
montré leurs limites : les problèmes n'ont pas été résolus.
Il faut chercher des solutions et, je le répète, la création du fonds de
réserve est une première réponse dont il faut se féliciter. Il ne faut pas
craindre non plus qu'un rôle majeur soit confié à la Caisse des dépôts et
consignations pour garantir la stabilité à long terme des fonds collectés. La
Caisse des dépôts et consignations a su, depuis plus de cent quatre-vingts ans,
nous sécuriser.
L'article 7 autorisant la ratification de l'ordonnance du 19 avril 2001
relative au code de la mutualité va également donner lieu à une longue
discussion, compte tenu des amendements présentés par le rapporteur, M. André
Jourdain. Il s'agit, là aussi, pour l'essentiel, d'un problème de principe.
Le Sénat a décidé, en première lecture, pour des raisons de forme plus que de
fond, de supprimer cet article en critiquant la méthode choisie par le
Gouvernement.
Nous savons bien pourtant que la précipitation du Gouvernement à légiférer par
ordonnances est due au fait que, depuis dix ans, les gouvernements précédents
ne l'avaient pas fait et qu'aujourd'hui nous y sommes contraints pour éviter
une sanction européenne. Mais il est vrai qu'un large débat eût été
préférable.
Au cours de cette nouvelle lecture, la commission des affaires sociales a
décidé d'amender le texte de cette ordonnance, et ce pour des raisons
d'efficacité. Il faut simplement rappeler que cette ordonnance a été élaborée à
l'issue d'une large concertation avec le mouvement mutualiste et qu'elle opère
ces modifications en effectuant l'indispensable transposition des directives
Assurance, notamment le principe de spécialité, tout en modernisant les règles
applicables au secteur mutualiste et en confortant les valeurs de solidarité et
de démocratie sociale qui l'inspirent.
Ce projet d'ordonnance s'est fait dans la concertation. Le travail réalisé a
été perçu de façon très positive, et c'est pourquoi le groupe socialiste votera
également sans état d'âme cette ratification qui opère une réforme
indispensable et attendue. Nous nous limiterons à déposer un seul amendement de
clarification destiné à renforcer l'information donnée aux adhérents
mutualistes.
Je voudrais également préciser la position du groupe socialiste sur l'article
20 dont la commission des affaires sociales demande la suppression.
Cet article, introduit par nos collègues de l'Assemblée nationale et repoussé
en première lecture par le Sénat, a été retravaillé, comme l'avait souhaité le
Gouvernement. La possibilité, pour un comité d'entreprise, de verser des fonds
à une association humanitaire reconnue d'utilité publique serait maintenant
encadrée de manière assez stricte.
Conformément à la loi, la priorité accordée aux salariés de l'entreprise est
respectée. Le versement est limité à un reliquat ne pouvant excéder 1 % du
budget et ne peut être distribué qu'après un vote majoritaire. Enfin, afin
d'éviter toute déperdition dans des actions mal contrôlées, les actions locales
ou régionales de lutte contre l'exclusion et pour la réinsertion sociale sont
seules visées. Ainsi, la vocation sociale des comités d'entreprise est
préservée.
Mais, dans le même temps, l'article élaboré par nos collègues députés favorise
la dimension de solidarité qui est à la base du mouvement social et qui forme
la trame de l'histoire du mouvement ouvrier. C'est pourquoi nous approuvons
pleinement cette démarche et nous ne voterons pas l'amendement de suppression
de la commission.
Enfin, dans la discussion des articles, la commission des affaires sociales
nous proposera également de supprimer l'article 21 consacré à la société
coopérative d'intérêt collectif.
Certes, nous l'avons déjà évoqué, ce texte nous est présenté avec une certaine
précipitation, s'agissant d'une modification du droit des sociétés. Mais, en
même temps, la réforme que vous nous proposez, monsieur le secrétaire d'Etat,
est attendue par le monde associatif et par tous ceux, notamment les
collectivités locales, qui conduisent depuis un an des expérimentations avec
lui.
Il est donc tout à fait regrettable que la commission des affaires sociales
propose simplement de repousser à nouveau l'article 21 sans en discuter plus
avant. Sur les inquiétudes mêmes qu'elle exprime, en matière de concurrence
possible avec le secteur marchand, il aurait été intéressant d'avoir un vrai
débat. Nous nous opposerons donc au rejet pur et simple de ce dispositif.
Je répète, mes chers collègues, que le texte du projet de loi que nous
examinons en nouvelle lecture s'est sensiblement amélioré grâce au travail
accompli par les deux assemblées. Il est peut être encore possible, sur les
points qui restent en discussion, de faire preuve d'un esprit constructif et de
rapprocher encore la position du Sénat et celle de l'Assemblée nationale. Le
groupe socialiste se situera, en tout cas, dans cette perspective.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir
de la deuxième lecture au Sénat des projets de loi, la discussion des articles
est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du Parlement n'ont pas
encore adopté un texte identique.
TITRE Ier
INDEMNISATION DU CHÔMAGE
ET MESURES D'AIDE AU RETOUR À L'EMPLOI
Article 5